J. Danièlou - Georges Bataille - L'Expérience intérieure - Études (1897). 1945-01-1945-03.

Post on 07-Jul-2015

160 views 1 download

Transcript of J. Danièlou - Georges Bataille - L'Expérience intérieure - Études (1897). 1945-01-1945-03.

5/9/2018 J. Danièlou - Georges Bataille - L'Expérience intérieure - Études (1897). 1945-01-1945-03. - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/j-danielou-georges-bataille-lexperience-interieure-etudes-1897-1945-01-1945-03 1/3

 

règle d'or (c Ceci est à cela comme celaest au Tout »), grâce à laquelle il dé-tecte les orientations certaines des pier-res de base, il nous apprend à lire,exigés partout déjà, la gloire et l'épa-nouissement du faîte.

L'Apocalypse de saint Jean, qui nous

révélait les trésors et l'ordonnance decette Jérusalem nouvelle vers laquellenous marchons, était « fulgurante ».Elle risquait par là d'offusquer notreregard et d'obtenir avec peine notreassentiment. Il nous manquait le filconducteur, intermédiaire, reliant la de-meure céleste au logis que nous habi-tons. L'Apocalypse du Père Poucel nouspermet de rétablir ce joint. Elle n'estpas vérité encore, mais « reflet intérieurde la vérité d'en haut » ; elle est « uneroute éclairante, dont chaque progrèsnous instruit ».Un premier regard d'abord sur ce« monde mauvais » où l'homme socialarrive mal à dégager sa forme. Nous yvoyons le c moi » replié sur lui-même,« l'autre » considéré comme le gêneur etl'adversaire, l'individu en lutte contrela collectivité. Déjà pourtant une loiconstante se dessine : celle du nombrecriant vers l'unité.

Une deuxième partie nous fait assis-

ter à l'effort des hommes pour l'édifi-cation d'une commune demeure habi-table : stades du couple, de la famille,de la tribu, de la cité, de la patrie.C'est la marche en avant vers cette prisede conscience d'une société nécessairedes personnes, qui ne sera harmonieuse

et agissante que dans un climald'amour.Alors seulement les grands mystères

chrétiens : la Résurrection, l'Ascension,la. Pentecôte, qui définissent et éclai-rent les lois familiales de la maison duPère, apparaîtront comme la super-structure, non plus illusoire, irreceva-ble, mais absolument essentielle del'édifice encore en chantier où s'abritaitnotre misère. La Jérusalem céleste tendses mains fraternelles vers sa soeur in-digente, lourdes des velours et des

 joyaux dont elle saura la parer et lavêtir.Ainsi, à partir de « ce qui est », s'éla-

bore l'image de « ce qui sera » et de etqui déjà « peut être ».

Quiconque aspire aujourd'hui à bâtirun ordre où la -société des hommespuisse trouver équilibre, vie féconde etsécurité, se doit d'avoir lu ce livre so-lide et d'en méditer les leçons.

Louis BARJON.

Stanislas FUMET. — Aux trois Couleurs de la Dame blessée. Lyon, Editionsdu livre français, 1942. In-16, 140 pages. Prix : 27 francs.

Sous ce titre emblématique, StanislasFumet a recueilli un certain nombred'essais sur le redressement français.On y retrouve le bel idéalisme mesurédu Directeur de Temps présent. Lafemme « porteuse de fruits », le pour-ceau et le chevalier qui dorment en touthomme, le voyou à discréditer y font

l'objet de pages excellentes. De tels re-cueils n'indiquent sans doute pas lesmoyens concrets de « retrouver laFrance », mais du moins jalonnent-ilsla route où doivent s'engager toutes lesbonnes volontés.

Louis BEIRNAERT.

Georges BATAILLE. — L'Expérience intérieure. Collection « Les Essais », Paris,Gallimard, 1943. In-12, 252 pages. Prix : 37 francs.M. Georges Bataille est le théologien

mystique d'une école philosophiquedont M. Sartre est le grand théoricien,en même temps que le romancier et ledramaturge, et M. Camus l'essayiste.« Théologien mystique », le mot, qui estde l'auteur lui-même, est singulière-ment impropre, car il s'agit précisémentici d'un effort pour constituer une mys-tique en dehors de toute théologie. M.

Bataille rejoint l'école, issue de Heideg-ger, dont on a dit justement qu'elle re-présentait l'effort le plus radical pourconstituer une métaphysique qui bouclesans que le problème de Dieu y soit seu-lement posé.

Bataillé, en effet, comme Sartre,comme Camus, comme Heidegger, partde l'idée de la contingence, de la flni-

tude radicale de l'homme, c'est-à-diredu seul être qu'il soit donné d'attein-dre. L'absolu, le « devenir tout», commedit -Bataille, et Dieu par conséquent, estla perfection créée par l'homme de sondésir d'échapper à sa finitude. C'est cedésir qui a suscité toutes les métaphysi-ques et toutes les religions. L'expérienceintérieure, la « nausée », comme ditSartre, c'est le sentiment mêlé de dé-

sespoir et de libération, qui accompagne,l'effondrement de l'édifice métaphysi-que, la « mort de Dieu » nietzschéenneet l'acceptation de la contingence del'être.

L'originalité de Bataille est que cetteexpérience, qui vient remplacer danscette nouvelle « théologie » l'expériencemystique, se présente comme un état de

5/9/2018 J. Danièlou - Georges Bataille - L'Expérience intérieure - Études (1897). 1945-01-1945-03. - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/j-danielou-georges-bataille-lexperience-interieure-etudes-1897-1945-01-1945-03 2/3

 

grâce, donné à certains moments pri-vilégiés d'une intensité extraordinaire.Bataille emploie pour décrire cet étattout un vocabulaire qui lui est propre,d'abord déconcertant, et dont on finitpar saisir la signification : c'est à lafois « écoeurement », « supplice », « sa-

crifice », « déchirement », « expiation »,c nausée » — et « triomphe », « rire »,< extase », « gloire », « haussement »;et ce double aspect définit bien uneexpérience qui est l'éclat d'une destruc-tion.

Rarement, je pense, l'effort concret de

l'homme pour atteindre par ses propresforces une expérience où se consumenttoutes ses énergies spirituelles dans unedépense, une décharge fulgurante, a étépoussé plus loin. Et ici Bataille a raisonde critiquer le yoga! Mais cet effort su-prême est bien loin, s'il en emprunte le

langage, de l'expérience mystique au-thentique, du charbon ardent qui con-sume les souillures de l'âme pour larendre capable de l'union transformanteavec le Dieu vivant.

Jean DANIÉLOU.

Jacques MADAULE. — Reconnaissances : Claudel, Proust, du Bos. Paris,Desclée de Brouwer, 1943. In-8, 197 pages'. Prix : 35 francs.

Il est difficile de concevoir deux gé-

nies et deux caractères plus différentsque ceux de Paul Claudel et de MarcelProust. L'univers que nous révèle l'oeu-vre du premier nous apparaît résolu-ment centré autour de la présence deDieu; le monde où nous introduit A laRecherche du Temps perdu gravite au-tour de son absence. Pleinement cons-cient de cette opposition, Jacques Ma-daule réussit pourtant, dans cettecourte brochure, à nous rendre sensiblesles liens subtils qui rattachent l'un àl'autre ces deux grands esprits. L'intel-

ligence si largement ouverte, le coeur sigénéreux de Charles du Bos lui parais-sent avoir offert" à ces derniers un lienpossible de tangence et de rencontre.

Claudel, Proust, du Bos : trois noms,et pour Jacques Madaule trois occasionsd'un hommage fervent, d'une confron-tation de ses propres exigences spiri-tuelles avec le contenu de leur triple

message. « Reconnaissances », nous dit

le titre. L'auteur accepte, dans la pré-face, que nous donnions à ce terme tousles sens divers qu'il comporte.

Des trois études, celle qu'il consacreà. Marcel Proust nous paraît la plusoriginale et la plus riche de substance.Elle est un bel exemple de ce que de-vrait être toute critique vraiment catho-lique : la fermeté du jugement etl'énoncé des réserves nécessaires y res-pectent entièrement les devoirs de l'in-telligence et de la plus attentive charité.

« Reconnaître à la fois Claudel et

Proust, tout en demeurant fidèle à soi-même, tel est l'exemple que chaque jour, de son vivant, nous donnait Char-les du Bos », écrit Jacques Madaule.Lui-même nous en donne un semblable.Pouvait-il rendre plus émouvant hom->mage à l'ami disparu?

Louis BARJÔN.

Jean ROSTAND. — Hommes de Vérité. Pasteur, Claude-Bernard, Fontenelle,La Rochefoucauld. Paris, Stock, 1942. In-16, 210 pages. Prix : 23 francs.

Le choix de ces quatre auteurs commehérauts de la vérité est dû à des raisonsfaciles à deviner pour qui connaît l'oeu-vre scientifico-littéraire de M. Jean Ros-tand,

Les deux premiers « dont l'un étaitplein de foi et l'autre plein de doute »,avaient en commun leur totale soumis-sion au fait. « Ils furent et ils demeu-rent, écrit l'auteur, les maîtres de tousCeuxqui ne tolèrent dans la science au-cune influence extérieure, qui se refu-

sent à toute obédience métaphysique oupartisane, et .ont pour unique soucil'établissement d'une vérité par quoi ilsne sauraient être déçus ni gênés puis-qu'ils ne lui demandent que d'être elle-même » (p. 16).

Fontenelle est loué d'avoir agi «surnotre merveilleux Renan », d'avoir cruà la science en aristocrate de l'esprit

et repoussé tout dogmatisme. Quant aupessimisme foncier de la Rochefoucauldn'est-il pas justifié par les moeurs con-temporaines tout autant que par cellesde l'époque de la France? « Car, ensomme, dans la vie de chaque jour, nousdevons reconnaître que La Rochefou-cauld est terriblement et monotonementvrai. Dégoûtamment vrai » (p. 203).Aucun espoir d'ailleurs que l'humanités'améliore, « car la biologie nous défendde croire au perfectionnement de l'ani-

mal humain. Dès lors que rien ne setransmet à la descendance des acquisi-tions morales, des effets de l'éducation,l'homme restera celui qu'il est, mêmeaprès des millénaires de civilisation »(p. 210).

'.

La notice des éditions sur « Hommesde vérité » n'hésite pas à saluer enM. Jean Rostand « un de leurs authenti-

5/9/2018 J. Danièlou - Georges Bataille - L'Expérience intérieure - Études (1897). 1945-01-1945-03. - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/j-danielou-georges-bataille-lexperience-interieure-etudes-1897-1945-01-1945-03 3/3