Vitiligo régressif au début d’un traitement antirétroviral : syndrome de reconstitution...

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Annales de dermatologie et de vénéréologie (2012) 139, 736—738 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com CAS CLINIQUE Vitiligo régressif au début d’un traitement antirétroviral : syndrome de reconstitution immunitaire ? A case of vitiligo occurring after initiation of antiretroviral treatment and disappearing during this treatment: Autoimmune IRIS syndrome? D. Defo a,,b , E.A. Kouotou b , A.C. Bissek b , J.B. Mboua a,b a Service de dermatologie, hôpital central de Yaoundé, BP 12963, Yaoundé, Cameroun b Faculté de médecine et des sciences biomédicales, Yaoundé, Cameroun Rec ¸u le 4 mars 2012 ; accepté le 28 juin 2012 Disponible sur Internet le 5 septembre 2012 MOTS CLÉS Vitiligo ; VIH ; Pigmentation ; Antirétroviraux ; Syndrome de reconstitution immunitaire ; IRIS Résumé Introduction. — Le syndrome de reconstitution immunitaire (SRI) regroupe l’ensemble des manifestations survenant lors de la reconstitution d’une réponse immune excessive et insuffi- samment régulée vis-à-vis d’antigènes infectieux ou non infectieux, y compris éventuellement des auto-antigènes. Nous rapportons un cas de vitiligo apparu au début d’un traitement anti- rétroviral (ARV) et qui a repigmenté dans la suite de ce traitement. Observation. — Un homme de 30 ans, séropositif pour le virus VIH1-M, consultait pour une érup- tion diffuse de macules hypopigmentées ou achromiques. Les lésions étaient apparues sept semaines après le début d’un traitement ARV par zidovudine, lamivudine et efavirenz ; elles avaient débuté sur les avant-bras avant de s’étendre sur le reste du tégument. Durant les deux mois qui suivaient, on notait lors des visites de contrôle une repigmentation progres- sive des macules achromiantes. La charge virale plasmatique, mesurée seulement en cours de traitement, était inférieure à 40 copies/mL (1,60 log). Discussion. — Cette observation décrit un cas original de vitiligo survenant au début d’un trai- tement ARV et repigmentant spontanément durant ce traitement chez un patient infecté par le VIH. L’hypothèse d’un SRI de type auto-immun est suggérée par cette chronologie, même si nous ne disposons pas d’un dosage de la charge virale préalablement au traitement. © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (D. Defo). 0151-9638/$ — see front matter © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.annder.2012.06.049

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nnales de dermatologie et de vénéréologie (2012) 139, 736—738

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

AS CLINIQUE

itiligo régressif au début d’un traitementntirétroviral : syndrome de reconstitutionmmunitaire ?

case of vitiligo occurring after initiation of antiretroviral treatment andisappearing during this treatment: Autoimmune IRIS syndrome?

D. Defoa,∗,b, E.A. Kouotoub, A.C. Bissekb,J.B. Mbouaa,b

a Service de dermatologie, hôpital central de Yaoundé, BP 12963, Yaoundé, Camerounb Faculté de médecine et des sciences biomédicales, Yaoundé, Cameroun

Recu le 4 mars 2012 ; accepté le 28 juin 2012Disponible sur Internet le 5 septembre 2012

MOTS CLÉSVitiligo ;VIH ;Pigmentation ;Antirétroviraux ;Syndrome dereconstitutionimmunitaire ;IRIS

RésuméIntroduction. — Le syndrome de reconstitution immunitaire (SRI) regroupe l’ensemble desmanifestations survenant lors de la reconstitution d’une réponse immune excessive et insuffi-samment régulée vis-à-vis d’antigènes infectieux ou non infectieux, y compris éventuellementdes auto-antigènes. Nous rapportons un cas de vitiligo apparu au début d’un traitement anti-rétroviral (ARV) et qui a repigmenté dans la suite de ce traitement.Observation. — Un homme de 30 ans, séropositif pour le virus VIH1-M, consultait pour une érup-tion diffuse de macules hypopigmentées ou achromiques. Les lésions étaient apparues septsemaines après le début d’un traitement ARV par zidovudine, lamivudine et efavirenz ; ellesavaient débuté sur les avant-bras avant de s’étendre sur le reste du tégument. Durant lesdeux mois qui suivaient, on notait lors des visites de contrôle une repigmentation progres-sive des macules achromiantes. La charge virale plasmatique, mesurée seulement en cours detraitement, était inférieure à 40 copies/mL (1,60 log).Discussion. — Cette observation décrit un cas original de vitiligo survenant au début d’un trai-tement ARV et repigmentant spontanément durant ce traitement chez un patient infecté par

le VIH. L’hypothèse d’un SRI de type auto-immun est suggérée par cette chronologie, même sinous ne disposons pas d’un dosage de la charge virale préalablement au traitement.© 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (D. Defo).

151-9638/$ — see front matter © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.ttp://dx.doi.org/10.1016/j.annder.2012.06.049

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KEYWORDSVitiligo;HIV;Pigmentation;Antiretroviral;IRIS syndrome

SummaryBackground. — Immune reconstitution inflammatory syndrome (IRIS) includes all signs occurringduring the reconstitution of an extensive and insufficiently regulated immune response to aninfective or a non-infective antigen and observed during the immune suppression phase in anindividual. We report a case of vitiligo appearing after the initiation of antiretroviral treatmentand with repigmentation during the course of the treatment.Patients and methods. — A 30-year-old man, seropositive for HIV1-M, consulted for a diffuseeruption of hypopigmented and achromic macules. The lesions appeared 7 weeks after the startof antiretroviral therapy with zidovudine, lamivudine and efavirenz, starting on the forearmand spreading to the remainder of the skin. At control visits during the ensuing two months,gradual repigmentation of the achromic macules was noted. Plasma viral load, determined onlyduring the treatment period, was less than 40 copies/ml (1.60log).Discussion. — This report concerns an original case of vitiligo occurring at the start of antiretro-viral treatment in an HIV-positive patient, with spontaneous repigmentation during treatment.The chronology points to a hypothesis of immune reconstitution inflammatory syndrome (IRIS),despite the absence of any indication of the patient’s viral load prior to therapy.

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Figure 1. Lésions initiales diffuses de vitiligo.

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© 2012 Elsevier Masson SAS.

Le syndrome de reconstitution immunitaire (SRI) regroupel’ensemble des manifestations survenant lors de la reconsti-tution d’une réponse immune excessive et insuffisammentrégulée vis-à-vis d’antigènes infectieux ou non infec-tieux. Ce syndrome est observé dans des contextesd’immunodépression et de reconstitution variés : principa-lement après le début d’un traitement antirétroviral (ARV)chez un sujet infecté par le VIH ; mais aussi par exemple aucours d’une diminution de posologie d’un traitement immu-nosuppresseur, ou encore en période de post-partum.

Avec la prise en charge des patients vivant avec le VIH parles antirétroviraux, ce syndrome est fréquemment observéen début de traitement. Les agents infectieux en sont dansla plupart des cas la cause. Mais la réponse immunitairepeut aussi être dirigée contre des auto-antigènes. Des SRIà type de maladies auto-immunes ont été décrits : hépatiteauto-immune [1] ; hyperthyroïdie [2] ; sarcoïdose [3]. Nousrapportons un cas de vitiligo apparu peu après l’introductiondes antirétroviraux et ayant repigmenté par la suite sous cemême traitement.

Observation

Un homme de 30 ans, séropositif pour le virus VIH1-M,consultait fin avril 2011 pour des macules dépigmentées dif-fuses apparues sept semaines après le début d’un traitementARV. Le patient n’avait pas d’antécédents personnels oufamiliaux connus de maladies auto-immunes. Sa séropo-sitivité avait été découverte en 2008 lors d’un dépistagevolontaire ; son taux de lymphocytes CD4 était alors de587/mm3 et il avait seulement recu un traitement préventifpar cotrimoxazole. Début mars 2011, le taux de CD4 s’étantabaissé à 320/mm3, un traitement ARV avait été débuté aveczidovudine, lamivudine et efavirenz. La charge virale VIHn’avait pas été déterminée au préalable.

Les lésions dépigmentées avaient débuté en avril 2011 sur

les avant-bras avant de s’étendre au reste du tégument.À l’examen clinique, on notait des multiples maculesachromiques ou hypopigmentées non squameuses formantdes médaillons de tailles variables sur tout le tégument

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Fig. 1). L’examen anatomopathologique d’une biopsie cuta-ée concluait à un vitiligo. La NFS était normale, le tauxe CRP discrètement élevé à 20 mg/L. Aucun traitement’était prescrit pour le vitiligo, mais le patient poursuivaiton traitement ARV.

En juin 2011, lors des visites de contrôle, on notaitne repigmentation progressive des macules achromiquesFig. 2). Le taux de lymphocytes CD4 était de 365/mm3 ;a charge virale plasmatique était inférieure à 40 copies/ml

< 1,60 log).
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igure 2. Repigmentation spontanée.

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ette observation décrit un cas original d’éruption hypo-igmentée et achromique diffuse survenue en début deraitement ARV chez un patient infecté par le VIH, suggérantn SRI à type de vitiligo.

Le diagnostic de vitiligo non segmentaire est basé iciur les arguments cliniques et anatomopathologiques clas-iques ; cette forme de vitiligo à localisations bilatéralesymétriques est généralement regardée comme d’origineuto-immune [4—6]. L’hypothèse d’un SRI se fonde sur : leélai de sept semaines entre le début des ARV et l’apparitiones lésions cutanées ; la constatation d’une charge viralenférieure à 40 copies/mL au moment de l’éruption ; laepigmentation rapide des macules ; bien que toujours pos-ible spontanément au cours du vitiligo, cette résolutionn l’absence de traitement spécifique suggère que le dérè-lement immunologique présumé responsable de l’éruption’est amendé avec la poursuite des ARV. Ces argumentsbéissent aux critères diagnostiques du syndrome de recons-itution [7], avec les réserves suivantes : l’absence de

étermination de la charge virale avant traitement ne per-et pas d’être certain d’une diminution du nombre de

opies de plus de 1 log10/mL ; l’augmentation constatée duaux de cellules CD4 est de faible ampleur.

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D. Defo et al.

L’induction de maladies auto-immunes par les antirétro-iraux a été décrite avec la sarcoïdose [3], la maladie detill [8], la maladie de Basedow [2] et les hépatites auto-mmunes [1]. Mais à notre connaissance, aucun vitiligo n’até associé à un SRI. Certaines observations ont relevé’apparition d’un vitiligo au cours de l’infection par le VIH ;ais ces cas étaient apparus avant le début des ARV [9—11].otre cas est original parce que c’est le premier cas deitiligo apparenté à un SRI.

éclaration d’intérêts

es auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts enelation avec cet article.

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