Véron, Eliséo Et Levasseur, Martine. 1989. Ethnographie de l'Exposition l'Espace, Le Corps Et Le...

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Obra de Eliseo Verón y Martine Levasseur editada por el Centre Georges Pompidou

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Commandée et conçue par le Service des études et de la recherche de la Bibliothèque publique d'information du Centre Georges Pompidou, cette recherche a été réalisée par la Sorgem sous la direction de Eiiséo Véron, avec la collaboration de Martine Levasseur, qui a été en même temps responsable des opérations sur le terrain; Nelly Fourcaud a réalisé une partie des entretiens semi-directifs.

Nous vouions remercier ici Isabelle Giannattasio et Claude CoUard, commissaires de l'exposition Vacances en France qui nous ont aidés tCJut au long du déroulement du projet. Nous remercions aussi très particulièrement les techniciens du Centre Georges Pompidou et ceux de la BPI, qui sont venus à notre secours à tout moment, et sans lesquels nous n'aurions su résoudre les multiples problèmes posés par la mise en place du dispositif d'observation des comportements des visiteurs.

© Centre Georges Pompidou ISBN: 2-902706-19-7

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ETHNOGRAPHIE DE L'EXPOSITION :

l'espace, le corps et le sens

Eliséo Véron, Martine Levasseur

Introduction de

Jean-François Barbier-Bouvet

Bibl~othèque publique d'information ~ Centre Georges Pompidou

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Dans la même collection

Philippe Coulaud, La télématique documentaire à l'épreuve, Paris, BPI, 1982 (épuisé). Répertoire de la recherche sur le livre contemporain et la lecture, Paris, Documentation française, 1983 (épuisé). Philippe Coulaud, Fera-t-il beau demain ? : évaluation d'une exposi­tion, Paris, B Pl, 1984 (épuisé). Jean-Claude Passeron, Michel Grunbach, L'œil à la page: enquête sur les images et les bibliothèques, Paris, BPI, 1985 (épuisé). Jean-François Barbier-Bouvet, Martine Poulain, Publics à l'œuvre: pratiques culturelles à la Bibliothèque publique d'information du Centre Pompidou, Paris, Documentation francaise, 1986. Joëlle Bahloul, Lectures précaires: étude sociologique sur les faibles lecteurs, Paris, BPI, 1988. Michel Peroni, Histoires de lire: lecture et parcours biographique, Paris, BPI, 1988.

A paraître

Nathalie Heinich, Michaël Pollak, Vienne à Paris: portrait d'une exposition. Histoire des discours sur la lecture 1881-1985, sous la direction de Roger Chartier et Jean Hébrard.

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Introduction

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Le visiteur dans tous ses états

Le visiteur d'exposition est devenu une figure familière du paysage culturel. La multiplication des petites expositions - en tous lieux et sur tous sujets - depuis une vingtaine d'années, le succès spectacu­laire des plus grandes, qui atteignent parfois des chiffres jusqu'ici réservés au cinéma ou à l'édition, nous le font rencontrer partout; quand nous ne sommes pas nous-mêmes l'un d'entre eux(ll.

Mais ce n'est pas parce qu'ils nous sont familiers qu'ils nous sont véritablement connus.

Les visiteurs de musée ont eu dès le XIX< siècle la faveur des romanciers, qui nous en ont laissé des descriptions nombreuses, et parfois délectables. Les visiteurs d'exposition d'aujourd'hui attirent plutôt les sociologues. Chaque siècle a les observateurs qu'il peut. te nôtre a gagné en rigueur ce qu'il a perdu en saveur.

Nous savons que les visiteurs d'expositions ne se confondent pas nécessairement avec les visiteurs de musées; que 21 % des Français visitent une exposition de peinture ou de sculpture au moins une fois par an; nous connaissons leur âge, leur profession, leur lieu d'habi­tation, beaucoup d'autres caractéristiques encore m. Nous connais­sons même les mécanismes sociaux qui retiennent ceux qui ne les fréquentent pas d'y pénétrer, et qui poussent ceux qui les fréque:1tent à en faire état 13 l •••

Par contre, la réalité même de leur pratique de l'exposition échappe encore en grande partie à l'investigation scientifique : s'il est vrai que pour ses concepteurs l'exposition est un endroit où on ne peut pas tout montrer, elle est aussi le plus souvent pour les visiteurs un endroit où on ne peut pas tout voir: comment regarde-t-on réelle­ment une œuvre, un objet, un panneau; comment s'éveille ou s'es­tompe la curiosité, se construit ou échappe la compréhension, se manifeste le plaisir ou l'ennui ?

On ne peut analyser la démarche de visite en restant au niveau de généralité où se placent d'habitude ceux qui étudient l'incidence du niveau scolaire ou de l'appartenance sociale sur la fréquentation des

(!) Sur le développement du phénomene-exposition en France et ses caractéristiques, voir Histoires d'expo: un lieu. un thème. un parcours. Paris, Centre Pompidou. 1983. (2) Cf. en particulier Pratiques culturelles des Français. descriptions sociodémographique, Paris. Dalloz, 1982. (3) Voir les travaux fondamentaux de Pierre Bourdieu: Pierre Bourdieu et Alain Darbel. L'Amour de l'art, Paris. Éditions de Minuit. 1966. Pierre Bourdieu. La Distinction. critique sociale du juf(emen~ Paris, Éditions de Minuit, 1979.

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équipements culturels. Non que nous contestions cette approche, bien au contraire, mais parce que nous considérons comme acquis les principaux enseignements de la macrosociologie des comportements ~.,_,!turels.

Retour au « terrain » donc, et priorité à l'observation.

Nous partirons des pratiques concrètes de vi~ite, observées dans une exposition particuli.ère : Vacances en France 1860-1982 présentée à la Bibliothèque publique d'information du Centre Pompidou de juin à octobre 1982. Limiter ainsi le champ d'investigation ne veut pas dire limiter l'ambition de la recherche, ou tomber dans la monographie. Bien au contraire, cette ambition est double, sur un double registre : le registre culturel (trouver des résultats transposables au public d'autres expositions), et le registre sociologique (élaborer une pro­blématique et tester des méthodologies réutilisables ailleurs).

L'exposition Vacances en France a été choisie pour son exemplarité. Il ne s'agit pas là d'un jugement sur sa qualité, mais sur ses attributs: elle présente des caractéristiques que l'on retrouve dans beaucoup d'expositions qui se montrent aujourd'hui un peu partout.

Son thème d'abord. Ni artistique, ni à proprement parler historique (même si la chronologie y est fortement présente), ni réellement spécialisé (comme le serait celui d'une exposition scientifique et technique), mais mêlant ces différents registres sur un motif docu­mentaire. Les vacances sont un élément familier de la vie de chacun, l'objet d'une expérience propre, que la « mise en exposition » fait accéder à une dimension nouvelle : elle la situe dans un contexte, l'insère dans un discours, et l'exhibe. Cette spectacularisation de la vie quotidienne est encore renforcée par la forte charge culturelle que manifeste le lieu même de l'exposition: le Centre Pompidou.

Sa présentation ensuite. Il s'agit d'une exposition relativement petite: 150m2 au sol, et 80 rn linéaires de cimaises. Soit une taille courante pour les manifestations organisées en dehors des grands circuits des institutions culturelles les plus consacrées, mais aussi - on l'oublie souvent - dimension que l'on retrouve fré­quemment dans ces mêmes circuits muséaux pour des expositions thématiques ou monographiqu~s.

Vacances en France présente enfin l'intérêt de juxtaposer dans le même espace tous Jes supports que l'on peut rencontrer dans une exposition : du texte (panneaux explicatifs, montages de coupures de presse), de l'image, des objets (mannequins costumés, vitrines d'ac­cessoires de voyage, de souvenirs touristiques, etc.) et même du son puisqu'une bande magnétique diffusait à intervalles réguliers des chants d'oiseaux ou le bruit de la mer.

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Les images elles-mêmes, support privilégié, sont multiples. Point de peinture, mais la photographie sous toutes ses formes : noir et blanc et couleur, en tirage papier et en projections de diapositives, légitimes !~!g!!ées de noms célèb:-es et encâd;:é;.;s) ti aüùnymes.

Reste que cette exposition n'est pas présentée n'importe où, et qu'on ne peut faire abstraction ni du bâtiment qui l'abrite - le Centre Pompidou - ni de l'institution qui la propose - la Bibliothèque publique dïnformation - . Ils déterminent en partie son public, et expliquent ses attentes.

Ce public obéit,.par sa composition sociale, aux « déformations par le haut » propres à tous les établissements culturels : le poids relatif des visiteurs issus des classes dominantes, et des fractions intellec­tuelles des classes moyennes (professeurs, enseignants, chercheurs, animateurs) est nettement supérieur à ce qu'il est dans l'ensemble de la population française, tandis que les classes populaires sont sous­représentées; quant aux étudiants et élèves, ils fournissent à eux seuls 40% des entrées, ce qui s'explique par leur forte implantation à la bibliothèque.

Mais aucun groupe social n'est absent(41 ; la chance des expositions de la BPI est d'avoir ù'n public suffisamment nombreux (plus d'un millier de personnes par jour) et hétérogène pour y voir apparaître à peu près tous les types de visite possibles. Même s'ils sont à l'évi­dence inégalement représentés. Ce n'est pour notre étude une limite qu'en apparence, dans la mesure où le fondement de la démarche n'est pas de comptabiliser des visiteurs, mais de repérer des principes de visite quel qu'en soit le poids statistique relatif, et d'expliquer leurs variations. Nous ne faisons pas ici une enquête sur la fréquenta­tion mais sur les comportements.

L'exposition, située à l'entrée de la BPI, peut être visitée tout à fait indépendamment d'un quelconque usage de la bibiiothèque (51• Et inversement. Mais il est évident que l'affluence observée tient autant aux autres sollicitations de l'endroit qu'à l'exposition elle-même.

(4) Principales catégories socioprofessionnelles: étudiants et élèves, 40 %; cadres supérieurs. professions libérales. chefs d'entreprises. 9 %; enseignants. chercheurs, animateurs .... 11,5 %:cadres moyens. techniciens, Il %:employés. ouvriers, 12,5 %:chômeurs, 6 %; retraités. 4 %; autres. 6 %. On compte aussi 60% d'hommes pour 40% de femmes. La moyenne d'âge du public s'établit autour de 26 ans. Ces données sont extraites d'un sondage réalisé en novembre 1981 et en mai 1982 auprès d'un échantillon représentatif de 3 400 utilisateurs de la Bibliothèque publique d'information (BPI). dont 600 visiteurs des deux expositions présentées à cette époque. Compte tenu de la stabilité de la composition des publics touchés. les informations obtenues là sont transposables aux visiteurs de l'exposition Vacances en France. On en trouvera les résultats détaillés en annexes. (5) C'est d'ailleurs ce que font 29% des visiteurs de rex position. qui repanent sans avoir consulté aucun des documents (livres, revues, films, diapositives. disques) proposés dans les espaces de lecture.

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Cette proposition mérite d'être formulée de manière plus précise. A y regarder de près, on peut en réalité distinguer trois types de visites.

La première est fondée sur l'intention: venus à la bibliothèque spécialement pour cette exposition, sachant à l'avance qu'ils la trouveraient là - ils ont été avertis de son existence par la critique, les affiches, ou des amis - , ces visiteurs ont la démarche classique des visiteurs de musée: intéressés par le thème, ils anticipent sur ce qu'ils vont trouver. Mais à la différence des musées, ils sont ici très minoritaires (7 o/o du public (6)).

La seconde est fondée sur l'occasion (50% du public): non qu'ils n'aient pas d'intention précise au départ, bien au contraire, mais ils en ont une autre: utiliser les services et les documents de la biblio­thèque, que ce soit pour leurs études, pour leur activité profession­nelle, ou en fonction d'objectifs qui leur sont personnels. Confrontés à quelque chose qu'ils ne cherchaient pas, ils profitent de leur présence sur place pour y consacrer un peu de temps.

La dernière est fondée sur la disponibilité (43% du public): nombre de gens viennent à la bibliothèque, et surtout plus généralement au Centre Pompidou, en ne sachant pas précisément à l'avance ce qu'ils y trouveront, tout en étant assurés d'y rencontrer un nombre élevé de sollicitations. Plus que sur une activité ou un support particulier, ils investissent en fait sur un lieu globalement perçu (on va « à Beau­bourg >> ), ou sur un temps, défini dans sa durée et non dans son point d'applièation (on vient «passer 2 heures»).

La pratique sans projet (occasion et disponibilité) nous intéresse particulièrement car elle est loin d'être propre à la BPI, même si elle est peut-être ici plus fréquente qu'ailleurs. Il s'agit d'une forme habituelle de visite des expositions dans deux cont1gurations particu­lières: quand celles-ci sont implantées dans des lieux publics non culturels ou consacrés à d'autres fonctions (cimaises installées dans des halls de mairies, sur des places de marché, dans des bibliothè­ques, etc.); ou quand elles sont proposées par des équipements culturels polyvalents qui offrent une profusion de manifestations simultanées 17l_

Ce comportement est parfois mal interprété par ceux qui ont pourtant pour mission de favoriser la diffusion culturelle. Essayons de lever ici deux illusions particulièrement tenaces, quoique de nature radica­lement différente.

(6) Nous utilisons toujours ici, pour mesurer le phénomène les résultats de l'enquête réalisée en 1981-1982. Pratiques culturelles des Français. op. dt. (7) Il se trouve que ce sont JUStement ces deux formes d'exoosition qui se développent le olus actuellement en F:~nce. Cf.<< Le système de l'exë~oi!i~~ "· Histoires d'expo .• Pari;. C:~.;;;: Gcvrges Pompidüu. cc;. ;933.

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Ce n'est pas parce qu'il s'agit d'une visite « de raccroc » qu'il s'agit nécessairement d'une visite superficielle. Il y aurait d'ailleurs beau­coup à dire sur le contenu même de la qualification de superficielle, opposée généralement par les conservateurs de musées à approfon­die; manière voilée de marquer une distinction entre les «bons>> et les « mauvais >> visiteurs. Cette recherche montrera justement que la réalité est beaucoup plus complexe, et en tout cas les apparences trompeuses.

Il ne suffit pas d'organiser la rencontre impromptue entre un public et une exposition pour que s'établisse automatiquement une relation. Ou pour dire les choses autrement il ne suffit pas au visiteur potentiel de passer devant pour rentrer dedans. A la BPI par exemple, 60% des lecteurs ne franchissent pas le seuil de l'exposition, alors qu'il s'agit de personnes qui par leur niveau d'instruction ou leur appartenance sociale présentent un profil très favorable à ce genre de manifesta­tions. Le hasard ne suffit pas, encore faut-il qu'il rencontre de la familiarité.

Ce sont ces différentes dimensions de la visite, qui échappent généralement à l'enquête, que nous avons voulu prendre en compte ... par une enquête. Paradoxe '?non, si l'on considère que celle-ci n'est pas tout à fait une enquête comme les autres. Il est temps d'en faire la présentation. ·

On ne sait généralement pas très bien comment sont faites les enquêtes auprès du public dans les établissements culturels. Il est vrai que beaucoup d'entre elles sont sur ce point d'une discrétion rare ... Mais même pour celles qui présentent un certain sérieux, on com­prend aisément que leurs destinataires s'intéressent plus aux résultats qu'aux méthodes. La situation est d'<tilleurs paradoxale: l'attitude la plus courante vis-à-vis des enquêtes, chez les professionnels de la culture, consiste à douter de leur principe sur le fond, au nom de l'irréductibilité de la pratique culturelle à une quelconque équation positiviste, tout en en utilisant les résultats (surtout s'ils sont assortis de pourcentages) avec une crédulité qui n'en tïnit pas de surprendre. On ne nous en voudra donc pas, je l'espère, de préciser ici le contenu et l'originalité de notre propre démarche : c'est donner au lecteur de cette recherche !es moyens d'une lecture critique.

Comptage et sondage sont, de loin les procédures d'enquête les plus employées aujourd'hui 18l. Ce n'est pas forcer la réalité que de dire que, dans le domaine de l'évaluation des expositions, elles tendent à occuper l'essentiel du terrain. Après avoir permis dans un premier temps une progression très importante de l'analyse des pratiques

(8) Une présentation détaiilée de ces méthodologies a été faite au colloque de Peuple et Culture sur l'exposition. Jean·françois Barbier· Bouvet, du bon et (du mauvais) usage de l'évolution, Acres du col/ooue. Paris. Peuple et Culture. 1983. volume 2. pp. 13·21.

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culturelles, leur hégémonie actuelle est pour beaucoup dans la relative stagnation de la réflexion sur le public, ou pius exactement dans la relative redondance des études qui le concernent, qui ne nous apprennent plus guère que ce qu'0P.. ~avait déjà. Ne'.!:: ~vons donc décidé de regarder les choses autrement. er de recourir à robservation et à l'entretien. Ces deux approches, pour être classiques en analyse du comportement, n'ont été que très rarement appliquées à l'étude des modes de visite des expositions (ou des musées). Les adoptant, nous les avons adaptées, pour tenir compte de la spécificité du champ culturel, et en faire des outils transposables à d'autres expositions.

Les méthodes d'évaluation fondées sur l'observation directe des comportements « en situation » dérivent de l'approche ethnologique. Mais ici l'observateur n'est plus un européen aventureux qui part décrire les rites de passages ou les techniques culinaires d'une population lointaine et étrange: c'est un sédentaire qui décide un jour de porter son regard sur un microcosme de sa propre culture, de retrouve;- la distance d'étrangeté de l'ethnologie dans ce lieu mi­culturel, mi-cultuel qu'est la salle d'exposition: renversant le point de vue habituel de qui pénètre dans une exposition, il tourne le dos aux œuvres et regarde les gens; et il note tout ce qu'il voit et tout ce qu'il entend.

L'exposition constitw>, plus que d'autres supports culturels, un terrain de choix pour une approche par observation. En effet, sa dimension fondamentale n'est pas la spécificité du thème, ou la nature des supports qu'elle propose - texte, images, objets - mais l'existence d'un espace qui les lie. L'expo est d'abord un lieu et comme tout lieu sa pratique met fondamentalement en jeu le corps: d'une certaine manière, l'itinéraire d'un individu dans une exposition matérialise, inscrit au sol, son itinéraire dans l'information et la sensation. Trajets, stationnements, évitements sont autant d'indica­teurs physiquement objectivés, donc facilement observables, d'un parcours culturel et d'une progression perceptive.

Le corps, mais aussi la parole. Très souvent les expositions sont visitées à plusieurs <9l. La socialisation des visites, et la désacralisation de nombre de nouveaux lieux d'exposition qui n'imposent pas le silence ou le chuchotement des musées classiques, favorisent la généralisation du commentaire à haute voix. Ce commentaire spon­tané que les visiteurs échangent entre eux peut constituer, s'il est recueilli de manière systématique, un des corpus de l'évaluation. Interview sans intervieweur en quelque sorte, où s'expliquer n'est plus se justifier puisque le jugement n'est pas sollicité par un enquêteur inconnu.

(9) En moyenne, sur 100 visiteurs des expositions de la BPl, plus de la moitié (51%) sont accompagnés. Il s'agit le plus souvent d'amis (28 o/o). ou de couples et de familles (20 o/o), mais peu de groupes (3 o/o). Source: enquête de fréquentation en 1981-1982.

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«Ce qui entend le plus de bêtises dans Je monde, c'est peut-être un tableau de musée ».On connaît la formule célèbre d'Édmond et Jules de Goncourt. Pur produit de !"ethnocentrisme satisfait, qui prend de la différence pour de Jïnfériorite, cene phrase merite àe figurer en bonne place au hit-parade des bêtises qu ·elle prétend stigmatiser. C'est en écoutant des commentaires spontanés que l'on a pu mieux appréhender par exemple les deux registres du mode d'appropriation symbolique des biens culturels: les imaginer chez soi (quand il s'agit d'œuvres): s'imaginer dedans (quand il s'agit d'édifices (ID>). Ou que l'on a pu comprendre pourquoi un dispositif spectaculaire installé dans une autre exposition de la BPI (Météorologie et climat: fera-t-il beau demain ?) n'obtenait pas toujours l'effet escompté, voire même provoquait chez certains visiteurs beaucoup plus grave qu'une in­compréhension: une compréhension erronéet 111 •

Pour Vacances en France a été tenté un enregistrement systématique au magnétophone, en certains points-clés de l'exposition. Il n'a malheureusement pas été possible d'en faire l'exploitation prévue, pour des raisons techniques : la prise de son est un art difficile, quand il faut isoler de l'intelligible dans le brouhaha d'un lieu collectif. Mais l'expérience mérite d'être faite à nouveau, ailleurs, ou par d'autres, car elle est extrêmement riche d'informations sur l'exposi­tion, et de perspectives d'innovation sur la méthode: l'analyse des conversations ne peut être en effet totalement menée selon les règles classiques de l'analyse du contenu; il reste encore à inventer une théorie du fragment...

L'écoute des «discours d'accompagnement» demeure expenmen­tale. L'observati.on des comportements manifestes, dont nous avons parlé précédemment, est plus éprouvée, même si elle n'est encore que rarement pratiquée (12)_ Pourtant, d'une certaine manière, tout Je monde en fait, comme M. Jourdain faisait de la prose, sans Je savoir. Quel responsable d'expo.,quel animateur, ou tout simplement quel visiteur ne se plaît à rapporter des propos entendus (généralement choisis parmi les plus « croustillants », ou les plus gratifiants) ou à commenter des attitudes observées ( « l'autre jour, j'ai vu un type qui ... » ). Quelle différence finalement entre cette observation sauvage et J'observation «domestique» dont se recommande l'évaluateur?

(JO) Jean-François Barbier-Bouvet, Jours, parcours, détours: espace des pratiques er pratique de l'espace au musée du Louvre, Paris. ministère de la Culture, 1980. (11) La faute en revenait au dispositif lui-même qui, voulant représenter de J'air (la circulation des nuages) par de J'eau (les trourbillons d'un liquide dans une cuve), nécessitait pour être compris une conversion mentale radicale. CL étude de Philippe Coulaud, Fera-r-i/ beau demain ? Évaluation d'une exposition de vulgarisation scientifique, Paris, BPI, Centre Georges Pompidou, 1984. (12) Citons ici les travaux d'H. Gottesdiener, Analyse de l'influence de l'organisation spatiale d'une exposition sur le comporremelll des visiteurs. université de Paris X, 1979, ronéoté, et les travaux d'A.-M. Laulan sur une exposition scientifique et technique à Rennes.

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C'est qu'il ne suffit pas de regarder pour voir, et le plus voyant n'est pas forcément le plus significatif. La réalité ne « parle » pas d'elle­même, si ce n'est dans l'ordre de l'anecdotique. La constitution d'une grille de lecture préalable à l'observation est une condition épistémo­logique de la production du sens. Ou pour dire les choses de manière plus simple, et paradoxale : il faut justement avoir des « idées préconçues »,si l'on peut nommer ainsi des hypothèses, pour mener une observation : le regard maîtrisé qui explicite les conditions de sa propre production vaut mieux que l'observation dite de bon sens, qui ne se donne pas les moyens de contrôler ses biais par le fait même qu'elle les nie.

Des hypothèses avant, de la systématicité pendant: c'est l'autre condition méthodologique de la constitution des données (ces mal nommées: elles ne sont jamais données, mais construites ... ). Il y a en fait non pas une, mais deux manières de faire de l'observation systématique et contrôlée: le suivi et le point fixe(l 3l.

La première approche, centrée sur les personnes, consiste tout simplement à suivre les visiteurs pendant toute leur visite et à relever leur comportement selon un système de repérage préétabli : le suivi permet de réintroduire dans l'évaluation une notion essentielle: la séquentialité. L'exposition n'est pas une juxtaposition équivalente et équidistante d'objets de contemplation, c'est un système structuré par un discours. On pense tout de suite bien sûr au discours du concep­teur, qui a prévu l'enchaînement des thèmes et mis en scène leur hiérarchisation; mais rares sont les expositions qui imposent totale­meni, par leur mise en espace, une linéarité de visite obligée. Le vrai discours de l'exposition est celui que construit le visiteur par son parcours, en mettant en relation dans un certain ordre qui lui est proposé. La significaiion n'est pas donnée à l'entrée, elle est produite à la sortie.

L'observation montre bien justement qu'il est peu fréquent que le visiteur suive le fil prévu par le concepteur; les parcours ont un sens qui n'est pas réductible à la logique des «géomètres». Car il n'est pas indifférent de voir un objet avant un autre, de lire tel panneau secondaire conçu pour compléter l'information principale avant celle-ci, ou même à sa place; de parcourir à l'envers un itinéraire prévu pour être chronologique, annulant ainsi la progression prévue, ou plus exactement introduisant une progression d'un autre ordre.

( 13) Cette observation s'est étalée sur plusieurs semaines à différents moments de la journée, afin de pouvoir observer les différents types de publics oui fréquentent la BPI et de faire varier les conditions de visite, en paniculier le nombre de visiteurs se trouvant à un moment donné sur les lieux. L'observation a été réalisée .i la fois de façon directe (enquéteurl et par le ll•uycu ..;·une camera vidéo focaiisèe successivement sur trois secteurs différents de l'exposition. Plusieurs heures d'enregistrement vidéo ont été effectuées.

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La seconde approche, centrée sur le lieu et non plus sur la personne, consiste à relever depuis un point fixe le comportement de tous ceux qui passent sur une certaine portion d'espace, ou devant une certaine partte d'exposition. On pourrait appeler cela l'établissement d'un « cône de surveillance ». Ce type d'observation permet d'évaluer les effets propres de tel ou tel dispositif de mise en scène et d'accro­chage.

On a pu ainsi, étudiant certaines salles d'exposition du musée du Louvre< 141

, découvrir l'existence d'une dialectique de la différence: l'introduction d'une discontinuité dans un ensemble d'œuvres crée souvent un courant d'attention particulier que l'on peut attribuer à l'accrochage: ainsi d'une rupture de format (un grand tableau au milieu de petits, mais aussi un petit, théoriquement moins visible, au milieu de grands); ainsi d'un paysage au milieu de portraits, d'un sarcophage (horizontal) parmi un ensemble de sculptures (verticales), d'un meuble dans une salle de peintures, etc. L'observation prolon­gée des cheminements dans ces salles fait apparaître la permanence de « boucles » que ne peuvent expliquer seulement la qualité ou la notoriété des œuvres concernées.

Autre dynamique, plus subtile : la dialectique de la dissimulation. Il n'est pas toujours nécessaire de mettre en vedette un objet pour attirer vers lui les visiteurs. Paradoxalement, la stratégie exactement inverse donne aussi de bons résultats: l'objet que l'on distingue qu'en partie, mais dont on devine l'existence, incite à s'approcher. Ce n'est pas là simple et banale curiosité : il est dans la nature de la démarche culturelle la plus légitime de s'accompagner d'un fort sentiment de frustration anticipée à l'idée d'avoir pu manquer quelque chose d'important. D'où, toujours au Louvre, dans les salles où tout est apparent, ce si fréquent coup d'œil circulaire qui permet de se rassurer en constatant rapidement qu'il n'y a là rien qu'on ne puisse négliger sans dommage; tandis que dans les salles où un objet en masque manifestement un autre, ou bien un dispositif de présenta­tion (certains types de vitrines horizontales) ne le rend pas visible de loin, cette démarche de vérification qui est parfois ensuite à l'origine d'une attention prolongée. De là à suggérer aux responsables d'expo­sitions que pour bien montrer une œuvre il faut d'abord la cacher (tout en en signalant la « trace » ), il y a un pas que nous nous interdisons bien sûr de franchir.

Le risque de toute observation c'est de tomber dans le pointillisme empirique, voire même de passer subrepticement de la sociologie à l'entomologie. Le visiteur ne se réduit pas à ce qu'il fait, et ce qu'il fait ne se réduit pas à ce qu'on en voit.

(14) Cf. Jours. parcours. détours. op. cil.

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Or ce qu'on voit dans l'exposition Vacances en France, à l'issue dela phase d'observation, ce som quatre grands types de componemems, auxquels ont été donnés àes noms imagés pour mieux les caractériser, et peut-être aussi pour mieux conjurer la tentation entomologiste : les fourmis, les papillons, les poissons et les sauterelles ... Mais s'agit-il bien là de catégories de contenu et de démarche culturels, ou seulement du rassemblement anificiei de pratiques n'ayant d'homo­gène que l'apparence ? Pour le savoir il était nécessaire de changer de registre, et de passer à l'imerrogat:ion directe des visiteurs, non pas échantillonnés de manière aléatoire ou selon des critères de représen­tativité sociodémographique, comme on le fait généralement, mais désignés en raison de leur appartenance même (repérée par le suivi préalable de leur parcours) à l'une des quatre familles de comporte­ment.

Interrogation directe mais non interrogatoire. On a eu recours ici à l'entretien centré: il n'est pas demandé aux gens de répondre à des questions, comme dans un sondage, mais de parler librement <Js). Le principe est ici de respecter totalement le discours de l'autre, d'en suivre le fil sans le rompre; s'il s'interrompt de le relancer à partir de ce qui vient d'être dit, dans les termes dans lesquels cela vient d'être dit, et non à partir d'une grille préordonnée et préformulée d'interro­gation °6l. En même temps et tout autant qu'aux éléments d'informa­tion do11nés par le visiteur, il faut donc être attentif à l'ordre d'apparition de ces éléments, au contexte de leur apparition, au vocabulaire employé, et au-delà être attentif, par défaut, à l'absence significative de certains thèmes, au non-dit.

En effet, dans toute situation d'interview les personnes interrogées tendent consciemment ou inconsciemment à privilégier les discours de rationalité (à chaque effet on essaye d'indiquer une cause logique) et les discours de légitimité (on a tendance à faire valoir dans la réponse les comportements que l'on sait être les plus valorisants). C'est particulièrement vrai dans le domaine culturel, qui est investi d'une forte valorisation sociale. Sans compter que la maîtrise de la verbalisation, et plus précisément l'entraînement au commentaire de ses propres réactions, n'est pas répartie équitablement dans toutes les couches de la population, ni sous les mêmes formes (vocabulaire, etc.).

Il faut prendre son parti de ce que le chercheur modifie par sa seule présence la situation dont il cherche à rendre compte. Le problème n'est pas d'éliminer l'interaction, mais de la contrôler. Nous avons

(15) Par exemple:« Racontez-moi votre visite ... ». (16) Méme si le caractère semi-directif de la technique adoptée autorise ensuite. de la pan de l'enquêteur des relances à panir d'un guide thématique d'interview relativement précis (tout en respectant dans ce cadre la spontanéité du sujet). cf. annexes. Les entretiens ont duré en général une heure. Ils étaient intégralement enregistrés sur magnétophone, pour être ensuite décryptés.

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essayé de sortir l'entretien àe son caractère d'échange purement verbal et de sa dynamique habituelle. De trois manières.

En refaisant ensuite la visite aux côtés de la personne interrogée, in situ. On limite air..~i !es explications trcp gi:néraies qu'on übtient en n'interrogeant les gens qu' a posteriori, au moment de la sortie. Ce sont les cimaises elles-mêmes en quelque sone qui relancent réguliè­rement l'entretien. Visite commentée d'un genre un peu particulier, inhabituelle en ces lieux, où c'est le visiteur qui discourt et le « professionnel » qui écoute sans interrompre.

En faisant visionner et commenter au visiteur son propre parcours. tel qu'il avait été filmé par une caméra vidéo pendant la visite de l'exposition. Là aussi, l'idée était d'éviter les rationalisations a posteriori, en substituant dans l'entretien aux traditionnelles consi­gnes visuelles : le spectacle de son propre compone ment <17

!.

En faisant enfin dessiner à !"interviewé son parcours, sur une feuille de papier blanc. Dessin totalement subjectif et non dessin d'archi­tecte, qui fait apparaître les points forts, les zones d'ombre, la perception du plein et du vide, de l'attraction et de la répulsion, mieux que ne le livrerait le commentaire verbal 08).

La question essentielle, lorsqu'on évalue l'impact d'une exposition sur son public, reste à savoir à quoi rapporter les comportements observés. Et cela quelle que soit la méthode utilisée: questionnaire, interview ou observation. Si l'on relève des invariants dans l'attitude du public, on aura tendance à les attribuer à des effets directs de la présentation de l'exposition: tel type d'accrochage provoquerait immanquablement tel type de réaction. Par contre, les variations d'un visiteur à l'autre seront attribuées volontiers aux altérations que fait subir à la perception le jeu combiné de l'origine sociale, du niveau culturel, ou tout simplement de la motivation plus ou moins grande à visiter l'exposition. Dans la réalité les choses ne sont jamais si tranchées, ni dans l'évaluation les schèmes explicatifs si univoques (du moins on l'espère). L'exposition nous confronte au paradoxe d'une offre culturelle identique pour tous les visiteurs, qui donne lieu à des modes de comportement et d'appropriation d'une grande diversité.

(17) Des précautions avaient été prises afin de respecter les visiteurs: utilisation des caméras de surveillance déjà existantes, choix de focales (pour l'objectif) qui <<éloignent n l'image, et ne permettent pas de voir précisément les visages et leurs expressions. Ceci en paniculier pour éviter les réactions psychologiques que peuvent déclencher chez cenaines personnes la vue de leur propre image, et rester à un niveau purement componemental. Sur ce sujet. cf. M. Jabet L'autoscopie. université de Grenoble. 1981. On verra qu'à l'usage cette méthode ne s'est pas révélée aussi riche qu'on l'espérait du moins pour cette exposition paniculière. (18) Le principe s'inspire des travaux de S. Milgram qui avait fait dessiner de mémoire le plan de Paris. Il a mis en évidence ainsi les différences de représentation et de valorisation des quaniers selon les habitants. leur implantation personnelle, leur origine sociale, cf. Milgram. Cities as social representations.

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C'est ici que l'approche par les publics doit se doubler d'une approche par les œuvres ou les documents eux-mêmes, que la sociologie doit s'ouvrir à la sémiologie. Il ne s'agit pas d'analyser successivement le message, puis sa réception, selon le bon vieux schéma de la théorie de l'information, mais d'analyser conjointement les propriétés de l'exposition à partir des conditions de sa produc­tion, et les « lectures » effectuées par les visiteurs à partir des conditions de leur reconnaissance. C'est ce que proposent Eliséo Véron et Martine Levasseur. Démarche dynamique et dialectique qui aboutira à avancer une nouvelle typologie des visiteurs d'exposition, et plus largement une nouvelle définition de l'exposition elle-même, comme média spécifique.

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Jean-François BARBIER-BOUVET, Responsable du service des études et de la recherche de la BPI, 1983

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Première partie

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Cadre conceptuel

Lectures et parcours d'une exposition

L'analyse du fonctionnement de J'exposition, de ses conditions de production par l'institution et de ses conditions de lecture par les visiteurs, conduit tout de suite à ces deux interrogations.

L'une à propos des effets « esthétisants » possibles de toute mise en exposition d'images et d'objets de la vie quotidienne, concernait la spécificité des expositions organisées par la Bibliothèque publique d'information. Préoccupation qui renvoie implicitement à une pro­blématique de l'énonciation: quelle est la nature même de l'acte d'exposer, de mettre en exposition, et comment cet acte affecte Je sens de ce qui est exposé ? Exposer n'est pas tout simplement donner accès à un sens qui serait propre, en toute autonomie, à ce que l'on expose; exposer c'est, toujours et inévitablement, proposer, de ce que l'on montre, un sens particulier.

L'autre interrogation concernait le poids relatif de la motivation de visite et, plus généralement, l'importance d'une intentionnalité de visite préalable à la présence dans les lieux. Ce qui soulève, on le voit, Je problème du « modèle de sujet » qu'il faut construire pour com­prendre les comportements de visite,. et des composantes de ce modèle.

Entre ces deux interrogations - celle touchant à la nature de l'acte de communication consistant à ex-poser, et celle concernant Je sujet visiteur - se dessine, en creux, J'aspect qui est devenu peut-être Je plus important de cette recherche : ïes comportements de visite eux-mêmes, comme modalités d'appropriation. Car si ex-poser, c'est toujours pro-poser, visiter une exposition c'est com-poser, dans les deux sens de ce terme : celui de produire une combinatoire, et celui de s'accommoder.

S'accomoder: pactiser, négocier. Visiter une exposition, c'est négo­cier son rapport à l'exposé (et donc, nécessairement, à J'exposant). Ce dernier étant, d'une façon ou d'une autre, un énonciateur institution­nel de culture, c'est son rapport au savoir que le sujet, par exposition inter-posée, négocie (cf. schéma 1 ci-après).

Quant à l'énonciateur, on le verra, en exposant il s'expose aux modes d'appropriation les plus variés.

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SCHÉMA 1

HYPOTHESE DE BASE

EX· POSER

PRO· POSER CONCEPTEUR

S'EX-POSER

APPROPRIATION

COM-POSER

Nf:r.or.r ER VISITEUR

VISITER

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NI édias et discours sociaux, l'exposition comme média

Le domaine des « médias » reste un terrain de discussion et de recherche à la fois complexe et confus. Les réflexions sur les « nou­veaux médias »,qui se sont multipliés ces dernières années, n'ont pas aidé à le clarifier. Nous nous bornerons ici à quelques distinctions destinées à préciser l'emploi du terme « médias » qui sera le nôtre, et à faciliter ainsi cet exposé.

De notre point de vue, la notion de « média » désigne un support de sens, un lieu de production (et donc de manifestation) du sens. Sur le plan du fonctionnement social, bien entendu, ces supports sont toujours le résultat de dispositifs technologiques matérialisés dans des supports de sens socialement disponibles, accessibles à l'utilisa­tion à un moment donné.

Tous les médias ne sont pas des mass-médias. L'expression « com­munication de masse »désigne un mode d'utilisation (parmi d'autres) de ces supports de sens qui sont les médias. Ce mode d'utilisation semble pouvoir être caractérisé, de façon minimale, comme l'accès public(ou semi-public: en tous cas pluriel, collectijj, à un même message ou ensemble de messages. Cette notion «d'accès public » veut éviter une approche purement quantitative (nombre de personnes) du problème de la communication « de masse ». Sans avoir à définir les dimensions de cette« masse »,la notion d'accès public, collectif, aux mêmes messages permet de distinguer certaines utilisations en termes d'une opposition public/prive. Une lettre(en tant que lieu d'inscrip­tion d'un message personnel, lieu accessible à un individu et articulé au réseau de la poste) est certainement un média, mais elle n'est pas un mass-média: l'accès aux « lettres » véhiculées par les PTT est privé et non pas public 111

• De même pour le téléphone, qui est typiquement un dispositif technologique de communication qui détermine un lieu de production de sens, mais qui ne constitue pas un phénomène de « communication de masse». Un même média peut étre l'objet d'une utilisation« non massive». La photographie est un média; la photo de presse l'intègre dans un support mass-médiatique, tandis que la photographie d'amateur reste un média non-massif (cf. schéma 2 ci-après).

A noter que dans la caractérisation que nous venons de proposer c'est l'accès aux mêmes messages qui est dit public ou collectif: nous ne parlons donc pas des contenus. Comme nous le verrons par la suite,

( 1) Le système télématique Télétel fournit un bon exemple de la nécessité de distinguer entre média et mass-média: l'écran télématique est. dans ïensemble. un mass-média mais il permet des usages non massifs: c'est le service aopelé messagerie où l'usager peut déposer un message adressé à une personne déterminée et auquel seuie cette dern!~re ~eut avci: :::.:.:::~s. par le moy·en d'un ":uméro de code individueL

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on ne peut pas affirmer des contenus qu'ils sont, dans le fonctionne­ment des mass-médias, les mêmes pour tous : les contenus appréhen­dés résultent de la « négociation » entre le média et les sujets récepteurs.

Quand on parle de « médias » tout court, on se place généralement dans une optique de production: on envisage le dispositif technologi­que indépendamment des phénomènes de circulation et de réception des messages; la notion de « mass-media », on le voit, ne peut pas être précisée en dehors des conditions d'accès, de reconnaissance des messages (2)_

Une exposition est donc un mass-média. Il faut maintenant cerner sa spécificité.

Rappelons tout d'abord les trois ordres du sens, dont on peut dire qu'ils organisent l'univers de la signification (cf. schéma 3 ci-après).

Le linguistique L'oràre du langage est celui où les relations signifiantes (toujours complexes et jamais binaires: c'est pourquoi nous ne parlerons pas de signifiant/signifié) sont de nature conventionnelle. C'est ce registre du langage que l'on essaye parfois de cerner en disant qu'il s'agit d'un «code digital ».Nous ne croyons pas, pourtant, qu'une langue soit un code<3l .

. L'analogique C'est l'ordre de l'iconisme, où les relations signifiantes sont fondées sur la ressemblance. Ce registre est celui de la représentation.

Le métonymique L'ordre métonymique opère par rapports existentiels: voisinage, partie/tout, envers/revers, contenant/contenu. Ici, les relations signi­fiantes s'établissent donc par des renvois indiciels. Du point de vue du sujet, le support du registre métonymique c'est son corps signifiant.

(2) Sur la distinction entre production et reconnaissance, voir Éliséo Véron, Sémiosis de l'idéologie et du pouvoir, Communications. Paris, Éditions du Seuil, n• 28, 1978. (3) Cf. à ce propos Eliséo Véron. Pertinence (idéologique) du<< code>>, Degrés. Bruxelles, 1975.

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SCHÉMA 2

~IASS ~lE DIAS

1"~1 E D 1 A" 1

~ 1 SUPPORT DE SENS 1

(RENDU ''ll!SPONIRI.E" PAR UN !HSPOSI f!F TECitNOLOGIQUE)

SELO~ LES PRATIQUES DE ''HtPLOI"

MEUlAS NO~·MA~SIFS

+ ACCES "PUBLIC tlU SL;II-

PUBLIC", "PLURIEL" AUX

ACCES PRIVE AliX

MESSAGES

MEHES MESSAGES

EX :

RADIO

T.V.

PRESSE

TELETEI.

PHOTO PRESSE

ETC.

EXPOSITIONS

EX: :

COURRIER

TELEPHONE

PHOTO MIATEUR

ETC.

POUR TOUT SUPPORT COMPLEXE

3 ORilRES DU SENS

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SCHÉMA 3

TROIS ORDRES DU SENS

1. LE LANCA(;r: · UNIVERS UE LA LOI CONVENTIONNELLE DU SH11JOLE

Z. 1.' ICONE · UNIVERS UE LA ltEPRESENTATION, UE L'ANALOGIE, llE LA RESSEMBLANCE.

3. L'INDEX· UNIVERS DU VOISINAGE, DE LA METONYMIE, DE LA TOPOLOGIE DU SENS.

LES MEDIAS MODERNES FONCTIONNENT SUR LES TROIS REGISTRES

L'ORURE METO~~MIQUE EST LE REGISTRE PRIVILEGIE DU MEDIA EXPOSITION : ETALEMENT SPATIAL QUI "EHBRAYE" SUR LE CORPS SIGNIFIANT.

-

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Ces trois ordres correspondent, aux trois « types » de signes de la sémiotique de Charles Sanders Peirce; le symbole, l'icàne, l'indice<4l.

Dans nos sociétés industrielles, tous les médias produisent du sens par une combinatoire des trois ordres. Dans un média de la presse écrite, par exemple, on trouvera non seulement le langage et l'image analogique (la photo de presse, le dessin) mais aussi l'organisation spatiale donnée par la mise en pages, avec ses pleins et ses creux, ses emphases qui différencient les titres des textes, ses rapports de distance et de voisinage, etc. Ce niveau métonymique est donc celui du contact, et il s'articule par conséquent toujours à la corporéité du sujet destinataire.

Les médias privilégient l'un ou l'autre de ces registres de sens. Nous pouvons ainsi caractériser la spécificité du média exposition: c'est un mass-média dont: l'ordre dominant, celui qui définit sa structure de base, est l'ordre métonymique: l'exposition se constitue comme un réseau de renvois dans l'espace, temporalisé par le corps signifiant du sujet, lors de l'appropriation.

Quelle que soit la façon de l'envisager, la distinction entre le langage et l'image est nettement effectuée par les différentes théories de la signification. La distinction entre l'analogique et le métonymique, en revanche, est souvent mal comprise et parfois ignorée. La photogra­phie d'un arbre est un signe analogique (ou iconique) qui représente (par substitution) l'ensemble de son signifié. Le poing levé qui annonce une intention agressive est ün signe métonymique produit par exhibition d'un petit fragment du signifié: le signe métonymique ne ressemble pas à ce à quoi il renvoie, il est construit par prélève­ment d'une partie de son signifié. D'où la présence. dans tout élément métonymique (indiciel), d'un lien existentiel. L'ordre métonymique n'implique donc pas le principe de ressemblance, qui fonde l'univers de l'analogique; les distinctions avant/arrière, partie/tout, rappro­chement/éloignement, etc., relations métonymiques typiques, sont totalement étrangères à la ressemblance : le comportement observé d'un sujet, qui sans aucun doute signifie. ne ressemble à rien: il opère par contiguïté, par glissements métonymiques. Considéré du point de vue des conditions de reconnaissance, l'ordre métonymique a pour support le corps du sujet récepteur: c'est le corps signifiant du sujet qui fonctionne comme espace de résonance de tous les indices métonymiques d'un discours : ces indices définissent le contact du sujet avec la matérialité spatio-temporelle du discours.

(4) Charles Sanders Peirce. Écrits sur le s(rtne. Paris, Editions du Seuil. 1978. Voir aussi deux numéros spéciaux de revues consacrés à l'œuvre de Peirce, Langage. n'58. juin 1980 et Sémiocica. vol. 19. n~ 34, 1977.

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Les notions de « médias » et de « mass-médias )) doivent être distin­guées de celle de« discours )). Un média, nous l'avons dit, est un lieu, un support àe sens. Du point de vue sociologique, nous sommes amenés à parler de types de discours, bien qu'il n'existe pas encore une bonne typologie des discours sociaux. Un type de discours est définissable par un ensemble de règles qui représente les contraintes de sa production, et que l'on peut appeler une grammaire discursive. « Discours politique », « discours scientifique)>, « discours publici­taire)),« discours de l'information )>,sont probablement des types de discours sociaux. Ces types peuvent être rapprochés de la notion wittgensteinienne de «jeu de langage <S> )>. Le plus souvent, un média est le iieu de manifestation de plusieurs types de discours-sociaux. Ceci est vrai de l'exposition comme des autres mass-médias.

(5) Cf. Ludwig Wittgenstein, Investigations philosophiques. Paris, Gallimard, 1961. Voir aussi l'élaboration de cette notion de «jeux de langage »chez Jean-François Lyotard, La Condilion post-moderne. Paris, Éditions de Minuit, 1979.

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Production et reconnaissance : mise en espace et corps signifiant

Dans Je domaine de la recherche sur les discours sociaux, une distinction fondamentale est celle entre la production et la reconnais­sance.

L'analyse des discours s'exerce sur un ensemble discursif donné, sur un ensemble de « surfaces discursives » (quels que soient les critères qui ont pu fonder la sélection de cet ensemble). Un ensemble discursif peut être abordé de deux points de vue différents; soit on décrit ses propriétés afin de reconstituer les contraintes de son engendrement, soit on décrit ses propriétés pour rendre compte des « lectures » (des « effets de sens ») qu'il produit. Dans le premier cas, on est dans l'ordre de la production, dans le second, dans l'ordre de la reconnaissance. L'ensemble d'opérations discursives qui consti­tuent les règles d'engendrement d'un discours ou d'un type de discours donné peut être appelé une grammaire de production. L'ensemble d'opérations qui décrivent les « lectures » est une gram­maire de reconnaissance.

A partir d'un ensemble discursif donné, il est donc toujours possible (au moins en principe) de le mettre en rapport d'un côté avec ses conditions de production, et de l'autre avec ses conditions de recon­naissance. Production et reconnaissance sont toujours les deux « pôles conceptuels » qui encadrent toute analyse de discours. Les « grammaires de production » et les « grammaires de reconnais­sance »,sont, bien entendu, des « systèmes d'objets abstraits )), pour reprendre une formule de Chomsky, c'est-à-dire, des modèles construits pour rendre compte du fonctionnement social des discours.

Or, un tel schéma n'est pas symétrique. Plusieurs raisons justifient ce manque de symétrie.

Tout d'abord, pour un ensemble discursif donné, il est toujours possible (au moins en principe) de reconstituer la grammaire de production, celle-ci renvoyant à son tour à un ensemble de condi­tions. Pour tout ensemble discursif« bien formé >) <6l, nous postulons donc une grammaire de production. Ceci n'est pas valable en recon­naissance: un ensemble discursif donné est toujours susceptible de recevoir plusieurs «lectures )) (comme d'ailleurs tout objet signi­fiant). Par conséquent, nous avons affaire, du côté de la production, à une grammaire, et du côté de la reconnaissance à ce que nous pouvons appeler une famille de grammaires. Cette « famille )) repré­sente le champ d'effet de sens d'un ensemble de discours.

(6) « Bien formé>>: cette expression évoque les problèmes des critères de choix de textes dans la constitution d'un corpus, problème que nous n'aborderons pas ici.

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II s'ensuit que la relation entre la production et la reconnaissance d'un ensemble discursif donné n'est ni linéaire, ni mécanique: de la grammaire de production d'un discours on ne peut pas déduire directe­ment ses « effets ». II y a toujours un décalage entre ces deux «pôles», ne serait-ce que du fait qu'à partir d'une grammaire de production, on peut produire un discours qui sera soumis à une pluralité de lectures. Ce décalage entre production et reconnaissance nous paraît constitutif de la nature même des discours sociaux, il détermine leur épaisseur sociale et historique. Ce décalage, nous pouvons le considérer comme l'ordre de la circulation des discours sociaux.

Une autre conséquence de cette distinction est qu'un discours ou ensemble de discours ne peut pas être analysé « en soi » : nous reprochons donc à la sémiotique classique sa prétention de pratiquer une analyse « immanente » des objets signifiants, lui permettant de repérer on ne sait quelle structure qui y serait « cachée ». Or, parmi les conditions de production d'un discours il y a toujours d'autres discours, et comme la reconnaissance d'un discours ne peut être étudiée que sur d'autres discours où se manifestent les « effets » du premier, il s'ensuit que toute analyse de discours est nécessairement interdiscursive.

L'exposition comme objet d'étude constitue un domaine tout à fait nouveau : il serait donc abusif de parler, dans ce cas, de grammaire de production, car la notion de grammaire désigne, stricto sensu, un ensemble de règles définissant une classe de discours. Les concep­teurs et les organisateurs d'expositions appliquent, dans leur prati­que. toute une série d'hypothèses, d'une part sur les caractéristiques fondamentales de l'exposition comme média, et d'autre part sur les règles permettant de construire, dans ce support, différents types de discours (didactique, littéraire, esthétique, historique, etc.). Tout ceci constitue un savoir intuitif, implicite, incarné dans une pratique complexe et qui commence à peine à être étudié.

De ce point de vue, cette recherche est une « étude de cas ». Et pourtant, à propos d'un ensemble discursif singulier, celui de l'expo­sition qui a été ici notre objet, nous avons voulu proposer les grandes lignes d'une stratégie conceptuelle et méthodologique pour aborder ce média et les discours qu'il peut prendre en charge.

Le schéma 4 (cf. ci-après) représente d'une façon sommaire l'essentiel de notre démarche initiale. II s'agissait précisément de comprendre l'articulation (complexe) entre la production et la reconnaissànce.

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Nous avions affaire à une exposition «à thème». Du point de vue de la production, il fallait donc d'abord repérer les domaines séman­tiques impliqués dans la conception de l'objet, et ensuite la manière dont ces domaines sémantiques avaient été projetés dans un espace organise. Ceci impliquait d'analyser à la fois la « logique » concep­tuelle qui avait présidé à la mise en forme du thème, et les propriétés des espaces sur lesquels l'étalement du thème avait été effectué. Cette analyse devait précisément tenir compte des trois ordres du sens dont nous avons parlé. L'exposition peut être considérée comme une figuration complexe d'unités d'étalement, composées soit de texte, soit d'images, soit d'une combinaison des deux, soit, enfin d'objets. La mise en espace de ces unités (l'étalement), définit un réseau de parcours possibles, qui est le support métonymique fondamental de l'exposition: envers/revers, visible/caché, droite/gauche, haut/bas, proche/lointain.

Du point de vue de la reconnaissance, le sujet visiteur procédera par dé-composition et re-composition de ce réseau d'étalement: il va, pourrait-on dire, se frayer son chemin. Il nous fallait donc observer les comportements de visite.

Mais, sur quelles bases réaliser ces observations ? Et surtout: com­ment éviter de tomber dans un descriptivisme béhavioriste, qui aurait consisté à compter combien de secondes le sujet s'arrêtait devant tel ou tel panneau, quels panneaux il avait lu ou non, quels secteurs avait-il omis dans sa visite ?

Notre pari conceptuel a été de postuler que le comportement de visite exprime le décalage entre la production et la reconnaissance, qu'il doit être considéré comme la résultante d'une négociation qui ne peut se comprendre que comme l'articulation (complexe) entre les propriétés du discours proposé et les stratégies d'appropriation du sujet.

La nature de cette négociation (son enjeu) dépend bien entendu des conditions de production et de reconnaissance dans une situation donnée: elle est déterminée surtout par le type (ou les types) de discours qui ont été mis en œuvre dans l'exposition. Dans le cas qui nous occupe, nous avons cru comprendre que l'enjeu de cette négociation était le rapport à la culture, au savoir, du sujet visiteur. Était-il possible de considérer le corps signifiant du visiteur se frayant un chemin à travers l'espace proposé, comme étant porteur des marques d'un rapport à la culture, ou plutôt, comme étant l'opérateur d'une négociation concernant le savoir?

Mais si, comme nous l'avons déjà dit, exposer c'est proposer, alors, dans l'étalement constituant la structure de l'exposition du point de vue de sa production, devait se trouver, quelque part, le fantasme d'un corps culturel faisant la « bonne visite»: concevoir une exposition sur

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un thème, étaler ce dernier dans l'espace selon une certaine « logi­que », ne pouvait pas, en même temps, ne pas définir la meilleure façon de la visiter.

Mais alors, il devenait possible d'imaginer ce décalage entre produc­tion et reconnaissance, cette négociation entre concepteur et visiteur à propos de la culture, comme une sorte de jeu de discours à la fois implicite et fragile, entre deux fantasmes : le « bon corps visiteur » inscrit dans la structure de l'objet, et le« corps d'appropriation» mis à l'œuvre par le visiteur et guidé par la stratégie découlant du rapport du sujet à la culture.

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Les étapes

Notre méthodologie a découlé des présupposés conceptuels que nous venons d'évoquer dans les chapitres précédents.

Rappelons ici rapidement les grandes étapes de notre recherche, dont les principes et les contenus ont été présentés en détail dans l'intro­duction.

Nous avons écarté d'entrée de jeu la réalisation d'une enquête quantitative auprès des visiteurs. Il est clair que cette méthode d'enquête n'est pas capable de cerner le lien entre le concepteur, l'objet produit (l'exposition) et l'appropriation de ce dernier par le visiteur, lien qui est au centre de notre étude.

Il nous fallait donc étudier d'abord l'exposition même, réaliser ensuite des observations du comportement des visiteurs sur les lieux, et seulement comme troisième étape recueillir le discours des visi­teurs sur leur visite.

Analyse sémiologique de l'exposition

La première étape a consisté dans l'étude de l'exposition Vacances en France en tant qu'objet produit par la projection dans l'espace d'un thème, organisé selon un certain nombre de dimensions.

L'analyse devait repérer le mode de traitement appliqué au thème, à travers les trois registres signifiants : le textuel, l'iconique, et la« mise en espace » des éléments.

Cette étape a comporté: Une réunion de travail avec les concepteurs de l'exposition au cours de laquelle cette dernière, qui n'était pas encore montée, a été décrite et expliquée.

La réalisation d'un relevé photographique exhaustif de l'exposi­tion, comprenant la prise de vue de ses lieux et de la totalité des panneaux et des vitrines qui la composaient. L'analyse sur place de l'exposition.

L'observation des comportements de visite

Les propriétés signifiantes de l'exposition ayant été dégagées, la deuxième étape a consisté dans l'observation systématique des comportements des visiteurs.

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De cette observation s'est dégagée une typologie de comportements de visite.

Interviews auprès des visiteurs

Dans la dernière étape de l'étude, vingt-cinq interviews de type semi-directif ont été réalisées auprès des visiteurs. Les personnes interviewées ont été choisies en fonction du type, de visite qu'elles venaient d'effectuer, et elles ont été abordées à la sortie de l'exposi­tion.

L'étude des comportements de visite a été la charnière, on le voit, entre l'analyse de l'exposition du point de vue de la relation entre ses propriétés et le projet des concepteurs (grammaire de production, étape l) et les« lectures» effectuées par les visiteurs (grammaires de reconnaissance, étape 3), telles qu'elles se sont manifestées dans le discours tenu par les sujets sur l'exposition et sur leur visite.

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Deuxième partie

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Le thème dans 1' espace

L'exposition dans son projet

Nous traiterons d'abord de l'exposition Vacances en France 1860-1982 telle qu'elle a été conçue. Les caractéristiques du projet ont été analysées à partir de deux sources : les documents préparatoires et la réunion de travail réalisée avec les concepteurs.

Dans les documents préparatoires qui présentent le projet d'exposi­tion d'une façon succinte, deux dimensions sont soulignées pour définir le projet: la dimension de l'histoire et la dimension de l'actualité.

L'un de ces documents détaille la liste d'éléments qui feront partie de l'expostion. De cette dernière on dit qu'elle « comprend deux par­ties », et ces deux parties sont intitulées: « partie historique» et « partie contemporaine ».

Un autre document de présentation du projet signale que l'exposition « s'attache à montrer l'image des Français en vacances dans son évolution historique et dans son actualité contemporaine. L'expasi­tion s'organise autour de ces deux thèmes: histoire et actualité des Français en vacances ».

Sur l'histoire, le même document ajoute qu'« elle sera illustrée à travers soixante photographies provenant des archives des photogra­phes dont les noms ont marqué et marquent aujourd'hui l'histoire de la photographie: Lartigue, Lumière, Seeberg, Cartier-Bresson, Dois­neau, Boucher, Jamet, Le Querrec, Dityvon, Franck ... ».

A la fin du même document, il est dit: « Cette exposition, au-delà des données historiques et de la présentation d'images sur les vacances des Français aujourd'hui, se veut être une réflexion sur ce fait de société dont l'évolution se calque sur celle de la société française depuis 1860 et une analyse sur le phénomène des vacances dans le temps et dans notre vie contemporaine. »

La conception oppose fortement, on le voit, l'histoire et l'actualité. Ce qui soulève déjà un problème, étant donné que la partie historique est à son tour sous-divisée en trois périodes : 1860-1935, 1936-1944 et 1945-1982. Le contexte contemporain figure donc, au moins en principe, deux fois dans le projet ainsi présenté, car il est d'une part, par définition, le thème central de la partie « contemporaine » ou de

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l'« actualité », et d'autre part, il fait partie de la dernière période, puisque celle-ci arrive à 1982. le thème « actualité » apparaît ainsi à cheval entre les deux grandes parties qui organisent l'ensemble.

L'opposition entre l'histoire et i' actuaiité est renforcée par des éléments qui viennent se surajouter à la distinction diachronie/ synchronie.

D'une part, le matériel photographique intervenant dans la partie historique est défini par son caractère « noble » : « photographies provenant des archives des photographes dont les noms ont marqué et marquent aujourd'hui l'histoire de la photographie ». Les images destinées à illustrer l'actualité ne sont pas ainsi caractérisées mais, au contraire, désignées simplement comme « projections de diapositi­ves >>.

D'autre part, dans le matériel photographique de la chronologie prédomine le « noir et blanc », tandis que les projections de diaposi­tives seront pour la plupart « en couleurs >>.

Les oppositions noir et blanc/ couleurs, photographie papier 1 diapo­sitive (contraste de support) et photographie d'art/photographie « non artistique » ( ?) viennent renforcer l'opposition histoire/actua­lité.

La description faite oralement pendant la réunion avec les concep­teurs a confirmé les grands axes de cette « grille » ayant présidé à la préparation du projet.

Certains autres éléments sont apparus au cours de la réunion, concernant la volonté de distinguer les différentes périodes· de la partie historique:

Le montage des photographies sur le support carton dans les panneaux, évoquera « l'album de famille». Les légendes ac­compagnant les photos seront, à cet effet, écrites à la main. Les vignettes décorant les panneaux des textes explicatifs évoqueront le style correspondant à chaque période : un style « nouille » pour la première, plus sobre pour la deuxième, et plus franchement moderne pour la troisième période.

Une double distinction est faite concernant les panneaux de texte. Pour ce qui est de la partie historique, il y aura d'une part« des textes analysant les grandes étapes qui ponctuent cette histoire», et d'autre part, « des textes illustrés mettant en lumière les faits ou les éléments caractéristiques de ces différentes époques ». Pour ce qui est de la partie d'actualité, il y aura d'une part « des panneaux statistiques montrant les orientations des vacances des Français », et d'autre part « des textes analysant les aspects à la fois sociologiques, psychologi-

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ques, économiques des départs en vacances et des non-départs en vacances ».

A noter enfin, que les deux document~ préparatoires expriment clairement que ce sont les textes qui accompagneront les images (et non pas l'inverse. ni une mise « au même niveau » des deux types de matières signifiantes) et cela aussi bien pour la partie historique que pour la partie contemporaine.

Ces indications à propos de l'image que les concepteurs avaient eux-mêmes de leur projet, permettent de dégager certaines caractéris­tiques de ce dernier qui ne sont pas sans rapport, on le verra, avec la « mise en espace » du projet.

On peut, très schématiquement, constater :

Le projet est dominé par une opposition principale: histoire/ actualité.

Cette opposition principale, qui permet de définir les deux grandes parties composant l'exposition, est surdéterminée par quelques oppositions secondaires :

noir et blanc/ couleurs, photographie papier 1 diapositive, photographie d'art/photographie « non artistique » (?).

La dernière de ces oppositions secondaires affecte la dimension historique, qui admet alors deux interprétations: il peut s'agir de J'histoire des vacances ou de l'histoire de la photographie (de vacances). Bien entendu, ces deux interprétations ne sont pas nécessairement en conflit. Engendreront-elles une certaine ambiguïté dans la perception de J'exposition: exposition «à thème »/exposition photos?

Comme conséquence aussi de la valorisation explicite de la « photo d'art » dans la partie historique, la partie consacrée à J'actualité est, par implication, conçue comme banale quant au statut des images qui seront utilisées pour l'illustrer.

L'opposition est forte entre texte et image, en particulier dans la partie historique: les textes prennent en charge un rôle associé au savoir, savoir de nature sociologico-historique, à côté d'images valorisées comme artistiques: Je langage et l'image sont ainsi respec­tivement marqués par deux types de discours sociaux : celui de la « science» (sociale) d'un côté, et celui de l'histoire de l'art (photogra­phique) de l'autre.

Il existe un certain flottement quant à la position de J'époque contemporaine: dernière étape de la chronologie, d'une part, et deuxième partie, à elle seule, de J'exposition.

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Une deuxième opposition principale (plus implicite que celle entre l'histoire et l'actualité) se dégage ainsi: celle entre la mise en avant d'un fait esthétique (la photo d'art et son histoire, à travers ses « grands noms »)et la volonté de présenter une« réflexion sur un fait de société », les vacances. L'articulation entre ces deux composantes du projet reste ambiguë.

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La mise en espace : la structure d'ensemble

Faisons d'abord une description générale de l'exposition. Elle a été ouverte au public du 22 juin au 4 octobre 1982, et montée dans l'espace régulièrement réservé par la Bibliothèque publique d'infor­mation à ses expositions au deuxième étage du Centre Georges Pompidou. Cet espace mesure approximativement 150m2

, il est donc relativement réduit comme lieu d'expositions.

La figure l montre sa structure générale. L'espace est fragmenté en deux grandes parties: un couloir (à gauche) et un espace plus grand et plus ouvert (à droite). L'ensemble pouvait être observé de loin, en entrant dans la bibliothèque, aussi bien que d'en haut, en descendant de l'étage supérieur par l'escalier roulant.

La principale approche des lieux était celle marquée par la flèche (A). En arrivant ainsi, on se trouvait avec deux entrées possibles : vers le couloir (B) ou vers l'espace de droite (C) (Croquis l ). Cette dernière apparaissait comme entrée principale par ses dimensions, plus grandes, et par les deux vitrines qui· la flanquaient (D) et (E). Ces vitrines contenaient des mannequins habillés de vêtements de vacan­ces de différentes époques. Une troisième vitrine triangulaire était située vers la fin du couloir (F) et une vitrine basse, contenant des objets et des brochures et documents divers de voyage était située à droite, sur le inur du fond (G). Au milieu du grand espace à droite il y avait un« kiosque » (H) (croquis 2) construit comme un polyèdre à dix côtés. Par des fenêtres vitrées ouvertes sur sept de ses faces, on montrait, par rétroprojection, des séries de diapositives. Les trois côtés restant exhibaient des panneaux de statistiques. Le toit du kiosque était une sculpture peinte évoquant les vacances à la mer (des vagues, un pédalo). Mis à part le kiosque et les quatre vitrines, tous les autres éléments de l'exposition étaient des unités signifiantes bi-dimensionnelles :des panneaux avec des photographies, des textes et autres documents.

Une vue d'ensemble du plan de la figure 1 fait immédiatement ressortir une propriété importante : les deux secteurs offerts au visiteur étaient, du point de vue spatial, très différents : à gauche, un couloir dont on voyait le bout depuis l'entrée et qui induisait un parcours de pénétration linéaire et progressive; à droite un espace plus grand, relativement rectangulaire mais dominé par le kiosque

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Croquis 1 - Vue générale de l'exposition

Croquis 2 - Le kiosque à diapositives

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qui, occupant le milieu, risquait d'induire un comportement « circu­laire » (tourner autour d'un obstacle).

Regardons maintenant comment les parties de l'exposition ont été « projetées » sur cet espace. C'est ce que montre la figure 2. On constate immédiatement que les deux premières périodes de l'histoire (zone A et B) se déploient séquentiellement au long du couloir. Le passage, au fond du couloir, vers l'espace de droite, correspond donc à l'entrée dans l'époque 1946-1982 (zone C), c'est-à-dire, l'époque actuelle. Autrement dit, le grand espace « circulaire >> à droite est à la fois la dernière période de la première partie de l'exposition (historique) et sa deuxième partie (les vacances, aujourd'hui).

Le grand espace de droite, on le voit, matérialise cette ambiguïté entre la notion « d'époque actuelle>> comme dernière période de la chronolo­gie, et la notion de « l'actualité » des vacances en dehors de l'histoire, ambiguïté que nous avons repérée déjà dans le projet. En fait, la suite de la chronologie commencée dans le couloir se situe, dans l'espace de droite, sur les murs: ce sont toujours des images en noir et blanc, dont les auteurs sont des « grands noms » de l'histoire de la photo­graphie, tandis que c'est le kiosque qui veut représenter « l'actua­lité » en· dehors de l'histoire: le kiosque présente des images en couleurs, des diapositives qui, à la différence des photographies signées qui s'étalent sur les panneaux, n'ont aucune «identité» esthétique.

L'ensemble des panneaux de textes s'inscrit dans l'univers du dis­cours scientifique: le panneau qui présente l'exposition, identifie l'auteur des commentaires comme étant un géographe au CNRS. Les trois panneaux introductifs des périodes historiques sont, en effet, signés par le spécialiste en question. A l'intérieur de chaque période il y a des panneaux de textes qui ne sont pas signés mais aucun élément ne semble indiquer qu'ils pourraient avoir un autre énoncia­teur que celui qui a été ainsi identifié. D'autres noms propres apparaissent dans les pannèaux entourant le kiosque, comme auteurs de citations concernant les vacances. Ces panneaux, présentant des statistiques sur les vacances, s'inscrivent aussi dans l'univers des sciences sociales.

Signalons qu'une peinture murale évoquant les vacances occupe le mur du fond de l'exposition, et qu'une bande-son diffusée depuis le toit du kiosque fait entendre des « bruits de vacances » (des vagues, du vent, des chants d'oiseaux, etc.}.

Ce premier aperçu de l'ensemble permet déjà de soulever un certain nombre de problèmes.

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FIGURE 2

.. ·. ··.

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8

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1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1

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L'exposition est organisée en deux espaces dont les propriétés sont très différentes. Le couloir à gauche invite à un parcours linéaire et progressif, avec des éléments régulièrement étalés à gauche et à droite du parcours. L'espace à droite, plus ou moins rectangulaire, implique déjà deux parcours possibles pour l'observation des murs: soit dans le sens des aiguilles d'une montre, soit dans le sens inverse. La présence dominante du kiosque qui, vu de n'importe quel point, cache une partie des murs, peut induire un comportement « circu­laire ». Cet espace est probablement vécu soit comme une sorte de couloir circulaire (dont la paroi « interne » serait définie par le kiosque lui-même) soit comme une grande salle plus ou moins rectangulaire, avec un kiosque au milieu.

Dans le premier cas, et quel que soit le sens du parcours, on aura toujours d'un côté le matériel historique, marqué comme « photo d'art », et de l'autre l'actualité, signifiée par les diapositives; c'est­à-dire, d'un côté et de l'autre de ce « couloir» circulaire, deux matières très hétérogènes. Dans le deuxième cas, la « salle » pourra apparaître comme lieu d'exhibition de la dernière période historique (sur les panneaux), et le kiosque perçu comme lieu de manifestation de l'actualité.

Remarque : cette alternative dans la perception de la grande salle de droite (comme une sorte de couloir « anneau» ou bien comme une salle rectangulaire ayant le kiosque au milieu) rappelle les alternan­ces, bien connues, de figure/fond dans la psychologie de la percep­tion. Il nous paraît certain que ce type de phénomène joue un rôle dans la perception des espaces architecturaux en général, et dans la perception des espaces qui, comme celui d'une exposition, sont des support de sens (des « médias » ), en particulier. Rôle important, car selon la perception, le comportement induit par l'espace sera diffé­rent.

Comme on l'a déjà signalé, à cette différence radical entre les deux espaces proposés ne correspond pas une différence dans la « logi­que » de l'étalement des éléments signifiants: la chronologie de l'histoire des vacances commence dans le couloir et elle se poursuit dans la grande salle de droite qui, en outre, présente l'actualité sur le kiosque. Le passage d'un espace à l'autre doit donc produire une « rupture » dans le vécu de cette « logique » de la chronologie.

Le choix de l'entrée (vers le couloir ou vers la salle de droite) déterminera deux conditions de visite très différentes : le visiteur qui choisit la dernière, se trouvera dans un espace où l'articulation entre l'histoire et l'actualité n'est pas claire, et en plus il prendra la chronologie « à rebours ». Le visiteur qui choisit le couloir se trou­vera d'abord dans un univers historique bien ordonné, et ensuite, en passant à la salle de droite, fera face à une« logique » complètement

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différente: en outre, en abordant la dernière période à la sortie àu bout du couloir, il ne trouvera pas de panneau introductif, celui-ci étant situé à l'autre bout de la salle du kiosque, à droite de l'entrée (figure 2).

Le problème de savoir quelle est l'articulation possible entre les textes et les images reste posé : ces matières signifiantes se présentent avec deux statuts très différents. Les textes apparaissent comme énoncés dans le cadre du savoir « sociologique » et trouvent leur caution dans la légitimité d'un énonciateur de science. Les images, (à l'exception des diapositives du kiosque), renvoient à l'ordre de l'esthétique, par le biais d'une proposition concernant l'histoire de la photographie d'art.

Il ne faut pas oublier, enfin, que le thème de l'exposition relève a priori du vécu quotidien des visiteurs: les vacances. Ce vécu, n'est-il pas mis à distance à la fois par la nature « artistique » des images montrées, et par le caractère « scientifique » du discours tenu ? Et ces images en couleur du kiosque, auxquelles le vécu quotidien pourra plus facilement s'accrocher car elles montrent des sites et des scènes « courantes » des vacances actuelles, ne deviennent-elles pas, alors, les couleurs de la banalité ?

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La mise en espace : le « bon corps du visiteur »

Pour être en mesure de comprendre la nature des parcours effectués par les visiteurs, une vision globale de la structure du média et du rapport entre les propriétés des espaces proposés et la « logique » de l'étalement du thème ne suffit pas. Le corps signifiant du visiteur, situé à un point quelconque de l'espace, est la source d'un ensemble de lignes de force déterminées par les éléments signifiants exposés qui s'étalent à l'horizon de ce qu'il peut voir. Chaque point de l'espace de l'exposition peut ainsi être conceptualisé comme un faisceau de directions possibles, en fonction des « appels » et de la distribution des ouvertures et des obstacles définissant les chemine­ments pratiquables ou non à partir de ce point.

Il est évident que, dans un espace donné d'exposition, tous les points possibles ne sont pas également intéressants. Une manière de carac­tériser les propriétés d'une structuration déterminée de l'espace, consiste donc à repérer les points qui sont décisifs pour définir une stratégie de visite, et partant, pour différencier des stratégies différen­tes. Ces points, nous les avons appelés les« nœuds décisionnels ». Un nœud décisionnel est donc un point défini par le faisceau de directions possibles à suivre par un sujet arrivé à ce point. Et une exposition peut être représentée sous la forme d'une configuration de nœuds déci­sionnels.

Bien entendu, du point de vue purement géométrique, le nombre de directions que l'on peut tracer à partir d'un point est infini. Mais certaines contraintes additionnelles viennent restreindre radicale­ment ce nombre. Tout d'abord, le nœud décisionnel est vectorisé par la direction d'arrivée: le faisceau de directions de« sortie »du nœud varie selon la direction par laquelle le sujet a atteint le point en question, (bien qu'il ne faille pas considérer toujours que la probabi­lité pour le sujet de revenir sur ses pas est égale à zéro). Deuxième­ment, les directions de sortie peuvent être définies par rapport à des éléments signifiants faisant partie de l'exposition, à une double condition: (a) que ces éléments soient visibles depuis le nœud et (b) que l'accès à ces éléments, le cheminement vers eux, soient pratica­bles.

Le faisceau de directions de « sortie » d'un nœud constitue donc l'horizon perceptuel qui est offert au sujet à partir du point où il se trouve. Cet horizon (perpétuellement changeant au cours d'une visite) est composé essentiellement des appels qui sont clt><: t>léments signifiants faisant partie de l'exposition.

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Ces éléments, nous les désignerons comme les unités d'étalement du média exposition. Chaque direction de sortie d'un nœud est tracée soit par rapport à une unité d'étalement visible depuis le nœud, soit par rapport à des éléments que l'on pourrait désigner comme des « ponctuations » de 1' espace (entrées et sorties des salles, couloirs de transition d'un espace à un autre, etc.).

Une visite n'implique pas nécessairement le parcours de tous les nœuds décisionnels composant une exposition. Il y aura des visites plus ou moins « complètes », selon le nombre de nœuds parcourus. Mais à cette étape de l'étude, nous avons postulé que toute visite pouvait être définie, de ce point de vue, comme une succession de choix effectués dans un certain nombre de nœuds décisionnels, cette succession de choix représentant la stratégie du visiteur et donc la nature de sa « négociation » vis-à-vis du média.

La figure 3 montre le nœud qui déterminait la décision d'entrée. Un sujet situé dans le point (A) avait, simultanément dans son champ de vision, six appels extrêmement forts.

FIGURE 3

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Dans l'exposition, il y avait quatre photos de grandes dimensions (160 x 120 cm). toutes les autres étant plus petites (40 x 50 cm). Trois de ces quatre grandes photos étaient visibles depuis le point (A) (directions l, 2 et 5). De ce même point on voyait aussi les deux vitrines avec des mannequins (àirections 3 et 6) et enfin. le kiosque (direction 4). Bien entendu, les directions l et 2 amenaient le sujet à parcourir d'abord le couloir, tandis que les quatre autres l'amenaient à commencer plutôt par la grande salle. Étant donné les différences emre ces deux espaces, il est clair que le choix effectué par le sujet au point (A) était décisif pour la détermination du type de visite qui devait s'ensuivre.

Remarque : dans chaque cas, nous représentons conventionnelle­ment comme « direction zéro » d'un nœud, celle qui implique que le sujet revient sur ses pas (sans faire d'hypothèse sur la probabilité de cette direction). Dans le seul cas du nœud (A), cette direction zéro impliquait que le sujet décidait de ne pas visiter l'exposition. En même temps, cette convention permet d'indiquer la vectorisation du nœud.

La figure 4 montre les principales directions de nœuds décisionnels pour un visiteur qui aurait commencé sa visite par le couloir. Le nœud (B) est important dans la mesure où il contient une direction (6) qui peut indiquer, si elle est choisie, une rupture de stratégie : le sujet ayant choisi, pour commencer la visite, le couloir, décide de ne pas aller jusqu'au bout de ce dernier et, en abandonnant la chronologie, passe à la salle par l'ouverture qui lui est offerte à sa droite. Les cinq autres directions indiquées dans ce nœud sont relativement homogè­nes : elles impliquent la poursuite de la visite chronologique.

Le point (C) nous est apparu, dans cette analyse, comme l'un des points cruciaux de l'exposition. Tout d'abord, le sujet arrivant à ce point après avoir visité le couloir, se trouve en face d'un espace radicalement différent de celui qu'il vient de parcourir. Deuxième­ment, le kiosque lui cache une grande partie de ce qui est exposé dans cet espace nouveau. Il devra choisir soit de poursuivre l'examen des photographies, celles-ci se présentant maintenant à sa droite (direc­tion 5), soit d'aller vers le mur éloigné du fond où il y a aussi des photos (direction 2), soit d'aller vers des unités d'un nouvel ordre, la vitrine basse ou le kiosque (directions l et 3 ), soit enfin, en adoptant un comportement de « fuite », d'aller vers la sortie qu'il aperçoit (direction 4). A l'exception de la direction 5, par conséquent, les quatre autres directions contenues dans ce nœud impliquent un changement de la stratégie de visite adoptée pendant le parcours du couloir. On peut facilement déduire que ce même point (C), vectorisé en sens inverse (c'est-à-dire, pour le visiteur qui prend le couloir en ayant d'abord visité la salle), aura des propriétés très différentes.

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FIGURE 4

Les figures 5, 6 et 7 montrent d'autres exemples de nœuds décision­nels dans la salle du kiosque. Si nous comparons n'importe lequel de ces nœuds (D à H) avec le nœud (B) de la figure 4, nous constatons la différence entre l'espace du couloir et l'espace de la salle: dans ce dernier, l'approche des différents appels implique souvent la traver­sée de zones «vides ».

Les directions D4, D2, E4, E3, (figure 5) et la plupart des directions du nœud (F) (figure 6) sont des bons exemples d'approches qui exigent un cheminement à travers des espaces transitionnels. A noter que la direction E2 correspond à une ouverture qui pouvait apparaî­tre comme une« sortie » de l'exposition. Pourtant, elle amenait à un secteur peu visible (zone rayée) mais qui faisait partie de l'exposition. Les directions D 1 et E7 représentent des approches amenant à regarder les diapositives. Par répétition, elles pouvaient donner lieu à un mouvement circulaire dont nous parlions; autour du kiosque.

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FIGURE 5

FIGURE 6

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FIGURE 7

Le nœud (F) montre bien la multiplicité éclatée d'appels proposés au sujet ayant décidé d'entrer par la porte de la salle du kiosque. Seule la direction 9 permettait au sujet de retrouver le panneau introductif correspondant à la période 1946-1982.

La direction G2 (figure 7) implique un déplacement transitionnel, car en fait elle n'est pas définie par rapport à un appel, mais par la visibilité de l'ouverture amenant au couloir. Dans la zone rayée, en effet, il n'y avait aucun élément exposé, c'était une zone vide, à l'exception de la peinture murale.

La localisation des nœuds nous a donné une première représentation des propriétés de la mise en espace de l'exposition. Bien entendu, l'intérêt de cette démarche résidait dans la pertinence des différents choix. Autrement dit: imaginons deux sujets arrivés au nœud (H), l'un choisissant la direction 4 et l'autre la direction 6. Cette différence de choix, implique-t-elle une différence de stratégie de visite ?

En l'occurence, comme nous le verrons, la réponse rloit être affirm1!­tive. Par contre, étant donné la position du nœud (F) (nœud de début

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de visite pour un sujet ayant choisi l'entrée de la salle du kiosque), la différence entre les choix 3, 4 et 7 ne suffit pas à distinguer des stratégies de visite différentes.

Bien que ia description de !"exposition comme une configuration de nœuds soit tentante (car il n'est pas difficile d'envisager sa mathéma­tisation) elle ne nous a paru utile que comme un premier repérage des propriétés de la mise en espace. L'essentiel est de comprendre que la probabilité pour qu'une direction donnée, dans un nœud donné. soit choisie par un sujet, varie selon la stratégie de visite de ce dernier. Par conséquent, les nœuds peuvent être considérés comme une façon d'appréhender certaines propriétés de l'étalement spatial des élé­ments de l'exposition: leur rôle est de définir un faisceau de choix possibles, mais la configuration des nœuds ne suffit pas à expliquer les comportements des sujets. Pour rendre compte de ces comporte­ments, il faut faire intervenir les stratégies de visite. Parler de stratégies revient à souligner que deux visiteurs qui déploient deux stratégies différentes, vont valoriser différement, en arrivant au même nœud, les directions qui leur sont proposées.

Deux autres limitations d'une représentation en termes de nœuds sont à souligner. La première découle du fait que les cheminements possibles à partir d'un point donné sont évidemment affectés par la quantité de personnes qui se trouvent dans les lieux : une direction peut exister dans le champ perceptuel du sujet, mais lui apparaître bloquée par d'autres visiteurs (cela a été souvent le cas en ce qui concerne les écrans du kiosque, lorsque des groupes de visiteurs se formaient devant eux). Par conséquent, l'« état» de chaque nœud est en changement perpétuel en fonction des changements dans la densité des visiteurs présents. Dans nos observations, nous n'avons pas tenu compte de ce facteur de densité. D'une part parce qu'il aurait exigé une approche quantitative, et non pas qualitative, de notre objet. D'autre part, parce que nous avons constaté que les différentes statrégies déployées par les sujets s'adaptaient aux « flux » des visiteurs sans changer pour autant de nature.

La deuxième limitation, nous l'avons constatée au cours de nos observations des comportements des visiteurs : l'une des stratégies repérées n'est pas représentable par le modèle des nœuds. Nous y reviendrons. Disons pour le moment que le concept de « nœuds » a été construit sur l'idée d'un cheminement vers les unités signifiantes, d'une approche plus ou moins frontale des éléments exposés. Or, nous avons constaté qu'il y avait au moins une stratégie de visite qui était, si l'on peut dire, tangentielle ou latérale. Ce qui nous a permis de comprendre que dans notre analyse a priori de l'exposition, nous n'avions pas correctement abordé le problème de la distance entre le

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corps du sujet et J'objet culturel. Distance de contrôle de l'objet qui s'est avérée très imponante.

Cette analyse a priori nous a pennis, ~!'. t0!!S cas, de tracc1 ic portrait du « bon corps visiteur».

Le «bon corps visiteur» est celui qui s'abandonne d'abord à la linéarité de la logique historique d'un phénomène social : cette histoire est progressive, intelligible, structurale, pourrait-on dire. Les panneaux de texte (figure 8) lui racontent, à chaque étape, les aspects essentiels: « la naissance des vacances », « trains et voyages », « colonies de vacances », « associations et sports », << stations bal­néaires et thermales »,«les premiers congés payés»,« Léo Lagrange et la politique des loisirs du Front populaire», etc.

Dans les panneaux de la première période, les caractères gras dans le texte (marque de l'énonciateur qui indique ce qu'il considère le plus important) soulignent des éléments conceptuels:« la rapidité du nouveau moyen de transport permet d'envisager des déplacements plus fréquents »; « trains de plaisir», «trains de luxe », « une vie saine au grand air», «stations climatisées )>, «rendez-vous mon­dains ». (Par la suite, le critère de soulignage se modifie: on met en caractère gras les noms propres et les noms d'institutions. Comme si, en se rapprochant du temps présent, il était plus difficile pour l'énonciateur d'orienter le visiteur en termes d'un jugement sur le sens de l'histoire).

Cette histoire est en même temps esthétisée: si l'intelligible, donné par le langage, est sévèrement sociologique, le visible, travaillé par l'œil des grands photographes, est beau à regarder.

Deux registres parallèles, donc, dans cette histoire dont le couloir comme type d'espace souligne la linéarité progressive (car que peut-on faire d'autre, dans un couloir, sinon avancer?): le « bon corps visiteur » est celui qui utilise simultanément ses deux cer­veaux: il sociologise son hémisphère gauche, tandis qu'il apprécie la sensibilité de l'image bien construite avec son hémisphère droit !IJ.

Mais à un moment donné cette linéarité s'arrête: l'après-guerre c'est déjà notre époque. Le« bon corps visiteur» est celui qui sait s'éclater dans la multiplicité d'appels simultanés de J'actualité.

Or, malgré la confusion qui la caractérise, cette époque qui est la nôtre permet encore le plaisir esthétique: même si l'on peut tourner autour de la banalité quotidienne offerte par les images du kiosque, dans la salle on est encore entouré de belles photos.

{l) Nous nous sommes permis ainsi de faire allusion, d'une façon quelque peu ironique. au savoir biologique concernant la <<spécialisation >> des hémisphères cérébraux tel qu'il a été repris par la << philosophie » mac-Juhaniennc.

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3

23 24

Q Panneaux de texte (avec ou sans documents illustratifs) Les chiffres indiquent les unités d'étalement de l'exposition (Cf. annexes).

En tous cas, la forte ségrégation entre les deux types de matière signifiante (les couleurs changeantes des diapositives du kiosque, et le noir et blanc de la photo d'art sur les murs) souligne, dans la salle, que les images où le sujet risque le plus de connaître son vécu actuel des vacances, n'ont pas le même statut que celles qui ont été produites sous le regard de l'artiste. Un panneau (un peu caché, il est vrai -·cf. figure 8, no 27) qui recueille des « photos d'amateur », renforce encore plus cette opposition entre le regard artistique et le regard banalisé.

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Troisième partie

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Ethnographie d'une exposition

Bestiaire illustré

Pendant les quatre premières semaines de fonctionnement de l'expo­sition, nous avons systématiquement observé le comportement des visiteurs, à des heures différentes de la journée et dans des différents jours de la semaine.

Au début, nos observations ont été erratiques. Chacun de nous passait une heure ou deux dans l'exposition et prenait des notes sur tout ce qui pouvait attirer son attention. Ensuite, on se retrouvait pour échanger nos impressions. Parfois, on suivait telle ou telle personne sans se faire remarquer; parfois, on observait le flux des visiteurs dans les zones que l'analyse préalable nous avait indiquées comme « critiques ».

Dans un deuxième temps, nous avons commencé à tracer les par­cours suivis par les visiteurs observés, à l'aide du plan de l'exposition. La caméra ayant été installée, l'image vidéo nous donnait une vision plus globale de l'espace et permettait de suivre mieux la trajectoire d'un visiteur déterminé. Plusieurs heures d'enregistrement ont été ainsi effectuées, sur lesquelles nous avons travaillé indépendamment de l'observation directe.

L'accumulation de parcours observés et enregistrés sur le plan de l'exposition, nous a permis de dégager des régularités, par le moyen d'une analyse comparative. Ainsi, le choix de l'entrée s'est rapide­ment avéré un élément ayant des conséquences importantes pour la suite de la visite. La comparaison entre le comportement d'un individu dans le couloir et sa conduite dans la grande salle, est apparue fondamentale pour différencier les types de visite. Les zones visitées et les zones ignorées permettaient aussi d'effectuer des recou­pements entre les visites. Peu à peu, des configurations ont com­mencé à se dégager. Nous avons défini cinq configurations qui étaient autant de types de visite, et nous avons repris nos observa­tions. Ces types se sont par la suite réduits à quatre. Plus, il nous a semblé évident que notre univers d'observation arrivait à saturation: à partir d'un certain moment, la plupart des nouvelles visites obser­vées correspondaient soit à l'un des quatre types identifiés, soit à une combinatoire de deux d'entre eux.

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Nous avions voulu aller le plus loin possible dans nos observations avant d'interroger les sujets : notre typologie était une typologie de types de parcours, et nous ne savions rien sur ces personnes. Les critères de classement étaient donc totalement extérieut:S : les modes de« traversée» de l'espace, la distance gardée par le visiteur vis-à-vis des panneaux, l'ordre de visite, les variations (ou manque de varia­tion) dans le comportement du sujet dans les espaces différents. Chaque configuration paraissait avoir une « logique » propre, mais nous ne savions pas si les sujets appartenant au même « type » avaient quelque chose en commun, mis à part le fait qu'ils avaient effectué le même type de parcours.

Nous avons alors décidé de désigner nos types par des noms d'ani­maux que l'on pouvait intuitivement associer à chaque type de configuration. Nous avons ainsi voulu marquer le fait que la typolo­gie de visites dans cette étape, avait été construite par le moyen de données purement comportementales, bien que ces comportements observés concernaient un objet dont nous connaissions déjà les propriétés signifiantes. Bien entendu, ces noms contenaient auto­matiquement des connotations de stratégie: en les nommant ainsi, nous mettions déjà du sens dans chacun de nos types. Car observer un comportement (même celui; précisément, d'un animal) c'est lui attribuer un sens, déceler une intention, percevoir une logique : la perception la plus fugace d'une conduite est imbibée de significa­tions. Si nous avons construit une sorte de bestiaire provisoire, ce n'était donc pas pour feindre d'avoir fait des observations dépour­vues d'hypothèses sur le sens des conduites : il fallait, bien au contraire, « laisser fonctionner » ce niveau primaire, fondamental de la perception du comportement des êtres vivants qui nous les montre comme des êtres intentionnels, poursuivant un but, développant une « logique », « négociant » avec leur environnement. Niveau qui est la plus simple et la plus radicale réfutation des prétentions béhavio­ristes. Et il s'agissait de voir, par la suite, si ce sens perçu par nous et matérialisé dans un parcours dessiné sur le plan, correspondait, par ailleurs, à quelque chose.

Nous avons identifié quatre espèces de visite: les fourmis, ou la visite proximale. Les papillons, ou la visite pendulaire.

Les poissons, ou la visite glissement. Les sauterelles, ou la visite « punctum ».

Chacune de ces espèces peut être caractérisée par une série de propriétés qui définissent un mode de visite.

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La fourmi:

- Elle se situe à une distance réduite (par comparaison aux autres types) des panneaux devant lesquels elle s'arrête. C'est pourquoi nous avons appelé la visite fourmi une visite proximale. - Toujours comparativement, le temps de visite est le plus long:

environ vingt minutes. - La visite comporte un maximum d'arrêts (une vingtaine en

moyenne). - La fourmi évite, dans la mesure du possible, de traverser des

espaces vides même réduits: elle progresse, autant que possible, le long d'un même « mur». - La fourmi applique la même stratégie dans les deux espaces (le

couloir et la salle de droite). C'est-à-dire (toujours comparativement) que son comportement ne change pas sensiblement lorsqu'elle passe d'un espace à l'autre. - La fourmi suit l'ordre chronologique proposé par l'exposi­

tion - au moins tant que l'étalement de celle-ci le permet.

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Le papillon :

- Il effectue une visite « en zig-zag», avec un mouvement d'alter­nance: gauche-droite-gauche-droite. C'est pourquoi nous parlons de visite pendulaire: avant observé un panneau à sa gauche, le papillon va voir ensuite ce qu'il y a « en face », à sa droite. - Le temps de visite peut être qualifié de « semi-long >>: environ

quinze minutes. - La visite comporte une quinzaine d'arrêts en moyenne. - Comme la fourmi, le papillon semble éviter les grandes traversées

d'espaces vides. - Dans le passage d'un espace à l'autre, il y a des changements de

comportements qui est plus sensible que chez la fourmi. - Comme la fourmi, le papillon suit l'ordre chronologique de l'expo­

sition (et l'on peut dire même que son mouvement alternatif gauche­droite lui permet de suivre la chronologie plus exhaustivement que la fourmi).

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Le poisson:

- Le poisson se caractérise par une trajectoire « entre deux eaux )) : s'il a un mur à droite, il progressera à peu près au milieu. C'est pourQuoi nous avons Hppelé sa visite de glissement. - Le temps de la visite est court: cinq à dix minutes. - Les arrêts sont rares: le poisson procède plutôt par ralentisse-

ments, qui lui permettent de regarder « de loin ». C'est pourquoi sa visite est une sorte de passage. - Il ne semble aucunement gêné en traversant des grands espaces

vides. - Sa trajectoire apparaît le plus souvent comme une «boucle »,

comme animée d'un mouvement circulaire. - S'il visite les deux espaces proposés, son comportement ne change

pas. - Il est parfaitement indifférent à l'ordre chronologique proposé par

l'exposition.

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La sauterelle :

- La sauterelle progresse par « bonds ». On dirait que, ayant aperçu au loin quelque chose qui 1 'intéresse, elle s'y dirige sans hésitation. C'est pourquoi nous avons appelé cette visite la visite « punctum »,la visite dynamisée, à chaque moment, par l'attirance d'un élément ponctuel (1>. - Le temps de visite est court : environ cinq minutes. - Les arrêts ne sont pas nombreux : cinq ou six en moyenne. - La sauterelle traverse, insouciante, les espaces vides. - Elle est, comme le poisson, i.ndifférente à l'ordre chronologique

proposé. - Si la sauterelle visite les deux espaces, son comportement ne

change pas en passant de l'un à l'autre.

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FIGURE 12 1. Arret R Reaard

Parcours observé d'une sauterelle

(1) Cette notion de« punctum >>,nous l'avons prise à Ro!and Barthes, La Chambre claire, P~ris, Gallimard. 1980.

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Bien entendu, comme nous l'avons déjà souligné, ces noms conno­tent.

Les visites fourmi et papillon semblent des visites « ordonnées » appliquées, pourrait-on dire, marquées par une acceptation de la logique de l'exposition. La fourmi «s'accroche» aux murs; elle semble avoir peur du vide.

La visite poisson est sans doute une visite rapide; on dirait que le poisson cherche une « vue d'ensemble », sans répondre à tel ou tel appel particulier : il << garde ses distances » vis-à-vis des surfaces signifiantes qui lui sont proposées.

On imagine aisément que la sauterelle fait une visite comparative­ment plus « libre » que les autres, réagissant ici et là à des appels forts, suivant les impulsions de son désir, éveillé par des éléments éparpillés dans l'espace de l'exposition, indifférente à la structure qui organise cette dernière.

A noter que ce sont les poissons qui résistent à une représentation de l'espace en terme de « nœuds décisionnels » »leur stratégie n'est pas déterminée par une approche vers une unité d'étalement donnée. Le poisson a, au contraire, une sorte de stratégie de latérisation à l'égard de ce qui est exposé : il ne va pas vers, il passe devant.

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Du parcours au discours : les entretiens

Ayant identifié quatre types de visiteurs, nous avons ensuite réalisé vingt-cinq entretiens semi-directifs d'une durée moyenne d'une heure.

Les sujets ont été choisis en fonction du type de visite qu'ils avaient effectué: ils étaient abordés à la sortie de l'exposition qu'ils venaient de visiter. L'identification des sujets avait lieu pendant les périodes où la vidéo était en train d'enregistrer les images de l'espace de l'exposition, afm de nous assurer qu'au moins une partie de la visite de la personne choisie avait été enregistrée. Le parcours de chaque sujet était identifié par l'enquêtrice chargée de mener l'interview: elle suivait chaque « candidat » pendant la visite, et marquait sa trajec­toire sur le plan de l'exposition.

L'entretien était organisé en trois grandes parties (cf. guide d'entre­tien en annexes).

Première partie (hors exposition)

La première partie de l'entretien se déroulait dans un espace relati­vement isolé de la Bibliothèque publique d'information, et depuis lequel l'exposition n'était pas visible. Dans cette première partie, on explorait les thèmes suivants :

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- Rapport à Beaubourg

Les lieux de Beaubourg (les étages)/fréquence des VISites à Beaubourg/lieux visités habituellement/images et représenta­tions associées à Beaubourg.

Il s'agissait ici d'explorer l'imaginaire du sujet à propos de Beaubourg, et le statut de Beaubourg comme « lieu de culture ».

- Motivation de la visite

Aujourd'hui à Beaubourg : raisons de sa présence dans les lieux le jour de l'entretien/itinéraire avant d'arriver à l'exposition sur les vacances/information préalable sur l'exposition.

- Mécanismes de la décision de visiter l'exposition Vacances en France

Il s'agissait ici de déterminer si la visite avait été préméditée ou si le sujet avait «trouvé » l'exposition en arrivant à la BPI et s'était décidé alors à la visiter. Il s'agissait aussi de détermine! la nature de la motivation qui l'avait amené à faire la visite, e1 l'image de l'exposition qu'il avait avant la visite.

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- Inventaire de !"exposition On demandait au sujet de décrire ce qu'il avait vu dans l'expo­sition.

- Le titre et l'affiche On interrogeait le sujet à propos du titre de l'exposition: s'ille trouvait peu adéquat au contenu de l'exposition, quel autre titre aurait-il utilisé pour la nommer. On demandait ensuite l'opinion du sujet sur l'affiche de l'exposition.

A la fin de cette première partie, on demandait au sujet de faire un dessin de l'exposition.

Deuxième partie (dans l'exposition)

La deuxième partie de l'entretien consistait à ramener le sujet à l'exposition, et à refaire avec lui le parcours qu'il avait effectué dans sa visite. Ceci a pemlis d'obtenir ses commentaires sur chaque point du parcours : ses arrêts, ses changements et trajectoire, ses omissions, etc.

L'enquêtrice disposant du tracé du parcours réellement effectué par le sujet, ce dernier était invité, à la fin de cette deuxième panie, à parcourir les zones de l'exposition qu'il n'avait pas visitées« sponta­nément »et à commenter les différents éléments qu'elles contenaient.

Troisième partie (devant la vidéo)

Dans la dernière partie de l'entretien, le sujet était invité à sortir de l'espace de l'exposition et à observer l'écran vidéo qui retransmettait les images de l'exposition. II était ainsi confronté à sa propre image en train d'effectuer sa première visite, et aussi aux images d'autres visiteurs effectuant des visites très différentes de celle qu'il avait réalisée. II était alors invité à commenter ses impressions.

A la fin de cette phase, on relançait l'entretien sur des questions plus générales à propos des expositions, et du comportement du sujet dans différents types d'expositions.

L'entretien se terminait par le recueil des données permettant de remplir la « fiche signalétique » du sujet.

Signalons tout de suite que, dans l'analyse du matériau des inter­views, il ne sera pas question des résultats de cette confrontation du sujet avec la vidéo. La raison en est simple : rien de pertinent qui puisse être associé aux stratégies de visite n'a été obtenu par ce biais. Autrement dit, la confrontation du sujet avec sa propre image et avec

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celle d'autres visiteurs, n'a pas produit l'effet stimulateur que nous escomptions a priori. Quelles que soient les raisons, nous avons constaté une variété de réactions plus ou moins intéressantes,. mais qui ne nous ont pas fourni des éléments additionnels par rapport aux données recueillies par ailleurs en cours d'interview. Nous pouvons supposer qu'il s'agit d'un résultat dû à la banalisation de plus en plus grande de l'image vidéo, mais nous n'avons pas les moyens de vérifier ici une telle hypothèse.

L'ensemble des entretiens comporte:

7 visites « fourmi » 6 visites « poisson >> 4 visites « papillon » 4 visites « sauterelle >> 4 visites « mixtes >>

Les sujets qui ont effectué le même type de visite ont-ils entre eux quelque chose d'autre en commun ?

Dans ce qui suit, nous présentons les résultats de l'analyse du discours que les sujets ont produit en situation d'interview. Bien entendu, cette analyse n'est pas, ne peut pas être exhaustive: aucune analyse de corpus, en fait, ne l'est. Il s'agissait d'effectuer une analyse comparative: déterminer d'une part s'il y avait quelque chose en commun aux sujets ayant réalisé le même type de visite, et d'autre part, si de tels invariants existaient à l'intérieur de chaque type, déterminer s'ils lui étaient propres, c'est-à-dire, s'ils permettaient de le différencier des autres types.

L'exposé qui suit ne restitue donc pas tout ce que les sujets ont dit: il présente et discute des invariants intratype et les variations inter­type. De chaque type, autrement dit, nous n'avons retenu que ce qui semble constituer le« noyau», noyau qui en même temps permet de le distinguer des autres types. A chaque fois, nous nous interrogeons aussi, bien entendu, sur les relations existantes entre ce« noyau »,tel qu'il se manifeste dans le discours des sujets, et la stratégie de visite qui sert à définir le type, telle que nous l'avions identifiée « de l'extérieur».

De cette analyse, il ressort clairement que la typologie par observation des comportements renvoie bien à une typologie plus fondamentale des attitudes face à l'exposition en particulier, et plus généralement à la consommation culturelle.

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La fourmi ou le corps spectateur

La motivation et le souci pédagogique

Parmi les sept personnes ayant réalisé une visite de type fourmi, trois étaient venues à Beaubourg pour voir l'exposition; les quatre autres, venues pour visiter le Centre, ont trouvé sur place l'exposition sur les vacances. Bien que dans une majorité des cas la visite n'était donc pas préalablement motivée, la présence à Beaubourg est clairement associée, dans tous les cas, à une attitude que nous pouvons appeler pédagogique.

«Beaubourg est un instrument dont je me sers<2> »

« Je veux en tirer quelque chose »

« Je viens chercher un élargissement des connaissances, une esthétique»

Cette attitude pédagogique qui est, en soi, réceptive, peut prendre parfois la forme d'un souci ou même d'une inquiétude de ne pas « profiter » d'une exposition autant qu'on devrait le faire.

« J'essaie de retenir ce que je vois, d'aller au fond des choses»

« J'aurais traité sur le thème: apprendre des choses. La bonne utilisation du temps libre » ·

« J'étais un peu surpris par le zig-zag, je pensais en louper un peu»

« On ne peut rien rater dans un musée, on fait le tour de la salle»

Le discours de ces sujets révèle donc un besoin d'exhaustivité, et un souci de ne rien laisser de côté, qui s'accompagne d'un certain sentiment de culpabilité lorsqu'ils devaient négliger une partie de l'exposition.

« J'aurais voulu encore m'arrêter sur certaines photos. Je n'avais pas le temps>>

Les figures 13 à 19 (cf. annexes) montrent les parcours des sept fourmis, tels qu'ils ont été observés avant l'entretien.

La stratégie: chronologie, méthode

La verbalisation de la stratégie de visite par ces sujets est parfaite­ment cohérente avec l'attitude réceptive; ils ont reconnu d'emblée la logique historique qui leur était proposée, et ils l'ont acceptée: on remarquera que toutes les fourmis ont commencé leur visite par le couloir. Arrivées au nœud décisionnel d'entrée (figure 3) elles ont

12) On trouvera dans toute cette partie entre guille'llent~. à titre (l'illustration. de~ extraits d'interviews tels qu'ils ont été enregistrés lors des entretiens semi-directifs.

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préféré la linéarité relative du couloir à l'espace éclaté de la salle du kiosque.

« Je suis la chronologie. »

« Je crois que je me suis trompé dans la chronologie à un certain moment.»

« Quand on suit un parcours, on va au plus près. »

« Ce n'est pas normal de traverser un espace vide avec rien sur le mur.»

« Ii faut une certaine logique. »

« Il faut que les choses soient vues dans l'ordre chronoiogique. Alors, je suis entré là où il y avait le titre. »

Cet aspect de la stratégie qui consiste à rester le plus souvent du même côté est parfois explicite.

« J'ai eu tendance à suivre le côté panneau, muraille, à me balader le long du mur.»

A noter que paradoxalement, cette tendance à ne pas traverser le couloir pour voir ce qu'il y a « en face » est responsable du fait que certains de ces sujets ont ~< loupé » une partie de ce qui était exposé dans le couloir (figures 15, 16, 18).

A noter aussi que, parfois, une contradiction très nette apparaît entre l'image que le sujet a de ses habitudes d'appropriation (on serait tenté de dire: son «moi idéal » de visiteur) et la stratégie qu'il a effectivement appliquée dans le cadre de l'exposition sur les vacan­ces. C'est le cas du sujet M12, une jeune femme de vingt-cinq ans. Son parcours a été, typiquement, celui d'une fourmi (figure 18). Elle semble en être consciente, et même le formuler comme une règle.

« Il faut que ce soit dans l'ordre chronologique. »

«J'avance d'une façon linéaire, sur le même panneau.»

Ces remarques correspondent tout à fait à son comportement pen­dant la visite. Pourtant, dans son imaginaire, elle se voit d'une façon tout à fait différente.

« J'ai horreur des itinéraires fléchés. J'aime être appelée par les choses, qu'elles me guident ( ... ). Le choix de se balader au gré de son imagina­tion. » « J'aime les espaces aventureux. »

Ces déclarations ne reflètent ni la visite effectuée, ni le besoin qu'elle exprime par ailleurs et de suivre la chronologie et de ne rien louper.

(~ Chronologiquement, j'ai dû me tromper. Le kiosque m'a déconcertée.»

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L'imaginaire de l'espace

L'imaginaire des visiteurs fourmis semble marqué d'une façon directe ou indirecte par la figure classique, quelque peu sacrée. du «musée».

~~ Il faudrait que ce soit un grand labyrinthe, il y aurait des fauteuils. un endroit où on n'est pas seulement l'invité, l'étranger de passage, où l'on

·peut se permettre de posséder en toute quiétude. »

<~ J'aime qu'un musée soit comme un labyrinthe, j'aime les cathédrales, les endroits mystiques, la lumière étudiée.( ... ) Au musée d'art moderne, on est comme dans une église, et c'est ce qu'il faut aux expos, seul face à l'œuvre d'art.»

« J'aime les endroits où l'on peut se reposer, avec des chaises, attendre. »

«J'aime que les pièces présentées soient mise en valeur, qu'on soigne l'encadrement, qu'il y ait au sol quelque chose d'agréable.»

« Ne pas être fatigué par une visite, mais en tirer un maximum, je n'aime pas me fatiguer( ... ). Il faudrait des endroits de repos. »

« J'aimerais une qualification plus rigoureuse dans l'espace que le thème représenté. (Ici) il y a un champ dP vision trop chargé( ... ). Il y a un manque de recul( ... ). Cela manque d'éclairage( ... ). Il y a des possibilités d'échappement, si bien que cela tourne dans tous les sens. ;;

« J'aime les endroits intimes, où l'on peut revenir sur ses pas( ... ). Besoin de quiétude, d'espace, ne pas être bousculé.».

Une image de quiétude, de repos, est opposée à l'image d'un espace « peu soigné », à la fatigue, à la bousculade, à l'accumulation qui caractérisent les expositions. Et la figure de la chaise et du fauteuil revient dans·le discours. En toute quiétude, face à l'~~ œuvre d'art», on n'est pas ~~ l'étranger de passage ».

A différence de l'espace des expositions, cet espace imaginaire du musée est un espace dégagé.

« JI y a des choses que j'ai été obligé d'éviter à cause du kiosque. »

~~ Ce gros truc au milieu, il cache ce qu'il y a derrière. » « J'ai été gêné par l'espace, j'ai voulu reculer, et j'ai gêné des gens».

Le passage à l'espace de la salle du kiosque a manifestement gêné les visiteurs-fourmis en vertu de leur stratégie chronologique. Ils ont ressenti ce passage comme une rupture.

« Je ne suis pas sûr d'avoir suivi l'itinéraire. J'étais dans les années 36, et puis je suis arrivé en 60. »

Si leur espace imaginaire doit être dégagé afin de rendre possible une contemplation « dans la quiétude », les fourmis n'aiment pas les grands espaces non signifiants.

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« ... espace trop grand au milieu. Derrière le kiosque trop d'espace sans rien à voir. »

Un autre visiteur qualifie de «méandres» une partie de la salle du kiosque qu'il n'a pas visitée.

L'attitude pédagogique et réceptive caractéristique de ces sujets appelle donc un étalement clair des éléments, permettant de suivre la logique proposée (chronologique en l'occurence), permettant de se repérer à tout moment, suffisamment dégagé pour bien voir sans se fatiguer, tout en s'assurant qu'on n'a rien raté.

Dans ce contexte, on comprend que lorsque des critiques s'expriment à propos de l'exposition sur les vacances, elles visent les aspects les plus éloignés de la figure classique de l'« œuvre d'art».

« Le quotidien n'empêche pas l'esthétique. Voyez Hockney, il y a plus de création, une maîtrise de la lumière; pourtant. c'est le quotidien. Ce qui rn 'intéressait, c'est comment le sujet ... allait être traité( ... ). Il peut y avoir une esthétique intrinsèque au sujet. »

Mais en ce qui concerne cette exposition.

« C'est le quotidien banal( ... ). Je ne vois pas l'intérêt de montrer notre quotidien. »

Un autre visiteur, à propos du kiosque.

« On n ·a pas envie de regarder. Les diapos brusquent l'imagination et elles sont bruyantes. »

« Le montage audiovisuel n'apporte pas grand chose. »

« Je n ·avais pas été là. C'est pareil, le kiosque. On voit ça dans toutes les agences de, voyage. »

«J'étais désolé de /afin de I'expo. (C'est-à-dire la partie concernant la période postérieure à 197 5), parce que je n ·ai plus regardé les articles et parce que j"ai pas regardé l'audiovisueL »

Il y a donc bien un« noyau>> signifiant cohérent associé au parcours de type fourmi, tel qu'il se dégage du discours des visiteurs qui ont adopté cette stratégie d'appropriation.

Face au choix initial, ils ont opté pour la linéarité: l'espace « circu­larisé » par le kiosque et aperçu à droite ne les a pas attirés : le kiosque apparaissait en même temps comme un élément qui « ca­chait» une partie de l'exposition. Engagés dans le couloir, ils se trouvaient « pris en charge » par une logique forte, qui répondait bien à leur attitude à la fois méthodique et réceptive. Animés par l'archétype de la« visite de musée», ils ont« suivi le mur>>; arrivés à la grande salle, ils ont essayé de la traiter de la même façon; autrement dit, ils ont, pour la plupart, ignoré le kiosque ou, tout au moins. ils ont essayé d'ignorer l'altéraiion que lt: kiosque produisait dans leur perception de la salle de droite, qu'ils auraient voulu une

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salle de musée avec quatre murs. Un élément additionnel favorisait cette attitude de refus du kiosque, ce « grand truc au milieu »:le fait qu'il était le support du matériel le plus éloigné de leurs attentes « esthétiques >>. Nous disposons d'un élément tendant à prouver que l'attitude pédagogique et réceptive des fourmis fonctionne essentiel­lement à l'égard du fantasme de l'« œuvre» plutôt qu'à l'égard du savoir en général, autrement dit, qu'il s'agit d'une attente de didac­tisme à propos de « l'art »: c'est le fait qu'ils déclarent ne pas avoir lu les panneaux de textes, ou qu'ils les trouvent «trop longs ». Cette indication, tout comme leur refus de la «banalité » du quotidien, montre que les fourmis ont été motivées surtout par l'un des discours tenus par l'exposant (Les grands noms de la photo« d'art») et qu'ils ont plus ou moins ignoré l'autre (le discours « scientifique » sur les vacances des Français).

Si nous comparons la structure proposée par l'exposant aux attentes caractérisant ces visiteurs, nous arrivons à une conclusion para­doxale: les fourmis qui, parmi les quatre types, sont ceux qui ont effectué les visites les plus longues, sont probablement ceux qui ont été les plus gênés par la mise en espace de l'exposition.

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Le papillon ou le corps livre

La motivation : le thème

Trois des quatre papillons étaient venus exprès pour visiter l'exposi­tion Vacances en France. La stratégie papillon est donc associée à une motivation forte:

« J'ai vu cette expo dans le Pariscope, cela m'a amusé, j'ai coché, je me suis dit "tiens, je vais aller y jeter un coup d'œil': »

«J'étais venu voir Braque et Tanguy, et j'avais vu que cette expo était dans le Pariscope ... »

« Je suis venu parce que je sais qu'il y avait cette expo. J'aime bien cette époque de 1900 à nos jours. »

« Je voulais savoir comment on traite un tel sujet. »

« Ce qui rn 'intéresse c'est le côté historique et social des vacances. »

« Je me suis dit: quels articles ils ont triés pour cette expo, parce qu'il y a dix mille articles sur les vacanees. >>

« Les façons dont on illustre les vacances. >>

Liée à cette motivation forte, il y a donc chez les papillons une attente (plus ou moins explicite) qui concerne l'énonciateur de l'exposition, c'est-à-dire l'exposant: un intérêt non seulement sur le thème, mais sur la façon de le traiter, une curiosité, en quelque sorte, de savoir comment l'exposant s'est « débrouillé» en abordant un thème comme celui des vacances. La stratégie d'appropriation papillon semble se situer à la fois sur le plan de l'énoncé (le thème) et sur le plan de l'énonciation (les questions concernant l'activité de l'expo­sant).

A la différence des visiteurs fourmis, la motivation des papillons semble totalement étrangère au souci pédagogique : à aucun moment il n'est question d'apprendre comme élém·ent central; la visite ne semble pas être vécue de façon prédominante sur le registre de la relation didactique, même si, bien entendu, étant donné l'intérêt qu'ils ont pour le thème, l'enjeu de la visite ne peut pas être indiffé­rent au contenu de l'exposition.

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« C'est un flash (l'exposition) ( ... ). Ce type d'expo. c'est pour créer une ambiance, on vient chercher à la limite une information, mais c'est surtout une ambiance. >>

« Ce qui est intéressant, c'est la façon dont on illustre les vacances. »

« Je n'avais jamais vu une exposition sur les vacances des Français. C'est le côté historique et photographique qui rn 'a plu. »

« On a l'impression de voir un reportage. »

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Les figures 20 à 23 (cf. annexes) présentent les parcours observés de quatre papillons. Sans manifester aucune inquiétude particuliere de rater une partie de l'exposition (comme c'était le cas des fourmis) ces sujets ont en fait effectué des visites plus exhaustives, plus completes, que les fourmis. Le sujet FI (figure 20) qui semblerait être une exception, ne rest pas en réalité : ce sujet a visité deux fois /"exposition: le parcours représenté dans la figure 20 est celui de sa première visite. Il est, en effet, revenu quelques jours plus tard, et il a parcouru la partie droite de l'exposition, qu'il n'avait pas regardée dans sa première visite.

Le discours des papillons est comparativement plus abondant et plus riche que celui des fourmis sur les différents éléments de l'exposition; s'ils semblent unanimement intéressés surtout par la dimension «photographique d'art», il ne sont pas restés indifférents à d'autres aspects.

« J'ai regardé surtout les photos, pas les diapos, cela ne m'intéressait pas beaucoup.»

« J'ai vu les textes, les illustrations, cela correspondait aux sensibilirés de l'époque. Il y avait quelques articles de journaux sur la naissance des congés payés, c'est marrant, c'est assez révélateur.»

« C'est plus des photos d'ambiance, c'est assez significatif »

« Je me suis surtout attaché au visuel. »

« Les diapos, cela ne m'a pas intéressé, je suis venu pour les photos noir et blanc. »

« A partir de 1960, c'est le reportage, avant, c'est le rêve. »

«Je n'ai pas vraiment vu (les vitrines). Quand on arrive dans une expo photo, on voit des photos. »

« C'est amusant, (à propos du kiosque) mais un truc linéaire avec quelques commentaires m'aurait autant satisfait. »

(A propos des affiches, que le sujet n'avait pas vues dans sa visite) « J'avais pas vu. C'est très important, c'est ça les vacances. Cela aurai! été mieux à l'entrée, en introduction. »

« Cartier-Bresson, il y a toujours une composition extraordinaire. J'ai tout bien regardé, ce sont des photos témoignages. »

« J'ai regardé la vitrine horizontale: les vitrines, j'aime bien. »

« J'ai regardé les graphismes du kiosque, mais pas les diapos, cela ne m'intéresse pas. »

« On aurait pu mélanger les photos et les affiches, ce n 'étair pas nécessaire de tellement séparer. »

« Je n'ai pas lu les textes, ni le panneau d'introduction ( ... ). C'esr à l'inspiration du moment; il m'arrive souvent de lire les textes, mais ici les photos parlent d'elles-mêmes. »

« C'est un souvenir des vacances de toutes les époques, du style ''petites

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cuillères. cartes postales, habits. photos, diapos ... ". Je n'ai pas regardé les diapos. je suis plus intéressé par le noir et blanc. »

Dans le cadre d'une visite intentionnelle motivée au départ par le caractère « expo photo>> de l'exposition, ces sujets n'ont pas pour autant refusé de s'intéresser à d'autres éléments qui leur étaient proposés, à l'exception des diapositives (ce qui s'explique aisément chez les visiteurs motivés par l'histoire de la photographie). Aucune de ces remarques ne traduit, on le voit, une attitude passive ou purement réceptive, ni le souci de recueillir un maximum d'informa­tions pendant la visite, souvent au contraire, c'est dans le registre du plaisir et de la curiosité que le papillon se situe: « c'est marrant », «j'aime», «c'est révélateur», «c'est une ambiance», «c'est amu­sant ».

La stratégie : le plan

Ce qui apparaît comme spécifique à la stratégie des papillons c'est ce que l'on peut appeler le besoin de plan. Ce besoin, il faut le situer dans le contexte de la motivation forte et préalable à la visite: puisqu'ils savent ce qui les intéresse, ce qu'ils sont venus voir, ils ressentent le besoin d'avoir une vue d'ensemble leur permettant de repérer ce qu'ils cherchent.

« Dans une expo. j'arrive en sachant ce que je veux, je n ·ai pas le temps d'arriver e( de ne pas savoir. »

« Je suis gêné par les salles qui vont dans tous les sens;je veux avoir une vision totale ... quand j'ai appréhendé une première fois, je traverse les salles à toute vitesse( ... ). Avec une ville c'est pareil, j'aime avoir un plan, une vision globale. »

« Quand j'ai appréhendé l'ensemble, ça va. »

« Je veux dominer. faire une visite personnelle, établir une filière. »

« J'ai organisé mon planning, je sais ce que je veux voir. »

Une fois qu'ils se sont donnés des repères, les papillons acceptent volontiers la logique qui est proposée par l'exposant, c'est-à-dire la chronologie.

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« J'ai repéré le flux. l'instinct grégaire, et ensuite, j'ai repéré les photos. »

« Cela me semble plus logique de rentrer par là.» (C'est-à-dire le couloir). « J'ai lu tout ce qui avait sous le titre (c'est-à-dire le panneau de présentation no 1) pour voir d'où venait le matériel. »

«C'est ici(c'est-à-dire le couloir) que cela commence.»

« Quand on ne connaît rien, on a besoin de points de repère, au niveau des époques: si je veux me repérer dans l'évolution d'un art, il faut des choses qui se suivent. »

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Ayant accepté l'ordre chronologique, certains papillons ont été, comme les fourmis, gênés par le passage du couloir à la salle du kiosque.

« J"ai voulu ecumer, mais au bout (du couloir) c'était plus possible. J"aurais preféré la continuite dans les photos. »

L'acceptation de l'organisation chronologique par les papillons semble donc devoir être interprétée d'une façon différente de celle des fourmis: ce n'est pas, comme chez les fourmis, dans le cadre d'une attitude passive et purement réceptive que la dimension historique est prise en charge mais, au contraire, comme résultat d'un repérage préalable des lieux qui traduit une volonté de maîtrise de la visite en accord avec les objectifs et les intérêts précis qui les ont amenés à visiter l'exposition.

C'est donc la motivation forte qui nous permet aussi de comprendre le fait que la visite papillon est en réalité plus exhaustive que celle des fourmis: la technique du mouvement alterné droite-gauche était sans doute à la fois mieux adaptée à l'étalement de cette exposition (si l'on voulait vraiment suivre la chronologie) et plus sûre (si l'on voulait ne pas rater des éléments). Par comparaison avec la visite­papillon, celle des fourmis, marquée à la fois par une volonté d'« apprendre » et par la technique consistant à « suivre le mur)), nous apparaît maintenant quelque peu mécanique.

En même temps, bien entendu, la visite papillon est plus sélective: puisqu'elle est déterminée par des intérêts précis, le papillon n'aura pas de scrupules à «sauter» des choses si elles ne l'intéressent pas.

« Je choisis, quand cela m'ennuie, je laisse, je ne regarde pas .... »

« Il y a des choses qui me plaisent, d'autres que je laisse ( ... ). J'ai le sentiment d'avoir opéré un choix.»

C'est l'un des papillons qui nous a fourni lui-même ce qui nous paraît une belle image pour traduire ce rythme « alterné >) qui caractérise la modalité de visite des papillons.

« J'ai fait comme on lit un journal: de droite à gauche.»

Comparaison qui peut surprendre: pourquoi de droite à gauche et non pas de gauche à droite ? Pourtant, la métaphore paraît correcte: d'abord, le journal est fermé et l'on regarde la «une)>, lorsqu'on commence à le feuilleter, le nouvel espace qui s'ouvre après la « une )> se situe forcément à gauche de celle-ci. Le rythme est donc bien: droite-gauche/droite-gauche. De même pour un livre.

Le papillon traite les panneaux comme des grandes pages, et son mouvement alterné reproduit le feuilletage d'un journal ou d'un livre. Dès lors, on est tenté d'associer cette métaphore au fait que le capital culturel des papillons (nous y reviendrons) parait plus élevé que celui

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des fourmis. Ces dernières, par leur attitude à la fois pédagogique et comparativement passive, sont-elles marquées par la télévision, tan­dis que les papillons (grands visiteurs d'expositions et de musées) seraient-ils plus proches de la culture du livre ? Cette recherche étant une« étude de cas>>, nous ne sommes pas en mesure de répondre à de telles questions. Mais la problématique que l'on peut entrevoir ainsi mérite d'être signalé.e.

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Le poisson ou le corps qui passe

l\lotivation : Beaubourg en général

Des six poissons, un seul était au courant à l'avance de l'existence de l'exposition sur les vacances, car il avait regardé Pariscope avant de venir; pourtant, il n'affirme pas explicitement avoir retenu cette exposition comme l'un des motifs de sa présence dans les lieux.

Nous avons donc affaire à des sujets qui, tout en ayant des images différentes du Centre Georges Pompidou, étaient venus « voir Beaubourg ». La décision de visiter l'exposition sur les vacances a été prise sur le champ. Bien entendu, cette motivation « générique » n'est sans doute pas étrangère au rapport à la culture qui caractérise ces sujets.

« Je viens deux ou trois fois par an, chaque fois que je viens à Paris. Pour prendre la température du Centre. Je vais en bas, regarder les revues. Je ne vais jamais au musée, je ne sais pas ce qu'il y a dans le musée.( ... ) J'ai commencé par regarder les revues, je ne savais pas qu'il y avait d'expo dans la bibliothèque. »

«J'ai profité d'un créneau d'une heure et demie pour venir. C'est la première fois( ... ). Je m'étais déjà intéressé à Beaubourg par ce qu'on en dit dans les journaux( ... ). Je m'attendais à des choses plus dans l'actua­lité( ... ). Je suis venu à cet étage sans but précis ( ... ). J'ai vu l'expo en passant, je l'ai trouvée intéressante. c'est le genre d'expo qu'on aimerait voir dans un établissement scolaire en province. »

« Beaubourg, c'est le séjour obligatoire quand je viens en France: ici. c'est la dignité de l'artiste, c'est un palais des artistes. Une maison qui n'est pas vraiment un musée, c'est complexe, c'est un palais pour les arts, pas dans le sens conservateur( ... ). Je ne vais pas dans les musées traditionnels( ... ). Je regarde toujours Pariscope avant de venir( ... ). J'ai vu l'annonce de cette expo dans Pariscope ( ... ). Il n y avait rien d'intéressant, mais le lieu Beaubourg est plus fort que le contenu de l'exposition. »

«Je viens à la bibliothèque, c'est un exercice pour la mémoire. Je venais quand j'étais à l'école. Maintenant, je me cantonne souvent dans la partie du bas, l'exposition au demi-étage. En haut (5' étage) je n'ai jamais été, je ne sais pas ce qu'il y a( ... ). Je ne savais pas qu'il y avait J'expo, j'ai vu les diapos depuis l'escalier et aussi les photos d'amateur noir et blanc, comme il y a à la FNAC de temps en temps.»

« Beaubourg ressemble à un endroit commercial( ... ). C'est un centre qui appartient aux jeunes, les expos doivent être très critiques( ... ). Je faisais une visite à la bibliothèque, et j'ai vu /'expo en passant. Ça m'a intéressé parce que j'ai vu peu d'endroits de vacances en France. »

«J'ai fait une promenade dans tout le bâtiment, jusqu 'au dernier étage.»

«Je suis venu comme cela( ... ). J'ai travaillé au :r étage, et j'ai vu l'expo en passant. Alors, j'ai décidé de revenir avant de partir. »

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L'exposition sur les vacances, dans ce contexte, est apparue comme faisant partie de l'expérience« Beaubourg en général ».L'exposition a été alors appréhendée si l'on peut dire« en survol »,comme le reste du bâtiment. A l'exception d'un sujet (qui l'a trouvée «très, très intéressante») l'exposition sur les vacances ne semble pas avoir véritablement « accroché » ces visiteurs. L'un des poissons exprime une opinion très positive à l'égard de Beaubourg comme « lieu d'art» et manifeste une attitude franchement négative vis-à-vis des musées traditionnels, et aucun des autres ne semble entretenir un lien fort avec les « objets culturels ».

« Je me suis demandé ce que c'était, c'était une balade. Je n'avais rien décidé, je n'ai pas cherché à voir ou à ne pas voir une exposition ( ... ). Quand je vais dans une expo, c'est pour voir le style( ... ). C'est des photos de Monsieur tout le monde ( ... ). Je n'ai pas été dans le décrochement (c'est-à-dire le couloir) j'ai pensé que c'était le même style de photos.»

« Je ne pourrais pas vous dire le sujet de l'exposition( ... ) des clichés de la vie de tous les jours, des choses qui rn 'intéressent moins( ... ). C'est surtout des clichés connus( ... ). Je cherche des photos insolites, parce que des plages avec des gens, on connaît déjà( ... ). Il ne restera pas grand chose, sauf si cela me rappelle quelque chose, c'est intéressant sur le moment.»

« C'était sur l'évolution des vacances en France. » ·

« C'est une expo sur les habitudes des Français. »

La stratégie: négociation sur le temps, besoin d'espace, pas8age

Les figures 24 à 29 (cf. annexes) présentent les parcours observés des six poissons.

Un thème revient souvent dans leurs discours; le temps. Comme s'il y avait à la fois une sorte de refus de « prise en charge » de l'objet proposé, et un effort pour faire porter la négociation de la visite sur le « temps investi».

« J'aime pas passer une heure à regarder. Je suis un actif, un rapide. »

« Je passe jamais des heures dans les expos. Autant ne s'arrêter que sur ce qui attire vraiment( ... ). C'est pas une expo qui exige que chaque photo soit regardée, c'est les vacances, on flâne. »

« J'ai cheminé lentement, peut-être en rn 'arrêtant, en stoppant le pas quelques secondes pour regarder ceci ou cela. >>

«J'ai un penchant très prononcé pour les visites empiriques. je ne vais pas de gauche à droite, je ne prends pas de guide. je déteste être guidé. >>

De ce point de vue. on le voit, les poissons ont une stratégie à l'opposé des papillons; ils expriment le refus d''.!n <<plan». La distance qu'ils gardent vis-à-vis du matériel exposé, et qui apparaît

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dans leurs parcours, n'est donc pas une « vue d'ensemble » pour mieux choisir, comme c'était le cas chez les papillons, mais une distance en quelque sorte de « protection » du moi, une distance leur permettant, peut-être, de pouvoir partir immédiatement s'ils jugent à un moment donné qu'ils ont passé assez de temps dans les lieux.

Chez les poissons, le besoin d'un certain recul et l'image de leur propre comportement comme «circulaire», comme un parcours « en boucle », semblent intimement associés.

« Je vois cela circulaire, il y a sans doute des décrochements( ... ). C'est bien rond, c'est pas mal, y a pas besoin defaire de centaines de pas, on est sûr de rien rater, c'est fonctionnel( ... ). On sort par un bout, on rentre par l'autre( ... ). Là, c'est plus aéré, plus ouvert, sinon, on a l'impression d'être dans une palissade, cela manque d'air( ... ). Si c'est trop symétrique on ne peut rien voir, on ne peut pas avoir la tête des deux côtés. » « Les diapos c'est un manque de liberté, c'est une gêne, un handicap. Il faut y consacrer un certain temps. les diapos on imagine combien y en a ( ... ).Les photographies alignées c'est pas comme cela, on mesure l'espace et le temps qu'il faut y consacrer. »

« J'ai fait un itinéraire en boucle. »

« J'ai fait deux tours»

« Il faut de l'ampleur, du recul>>.

Les parcours faits par les poissons montrent bien qu'ils n'ont pas, en majorité, respecté la chronologie. Ils manifestent, à l'égard de cette dernière, une attitude en définitive d'indifférence même si certains d'entre-eux se sont aperçus qu'elle existait.

« A partir de 1959, j'ai vu qu'on remontait dans le temps. je me suis rendu compte du changement d'années>>

« Si j'étais organisé, j'aurais pris le sens>>

« J'ai suivi le parcours( ... ). J'ai senti une évolution. >>

« Il y avait des panneaux avec des dates. J'ai pas vu de chronologie. »

« C'est les vacances des Français à différentes époques. >>

« Dans le couloir c'est les vacances anciennes, autour du kiosque la partie plus moderne. »

Dans certains cas, il est difficile de déterminer si la VISite non chronologique répond à une indifférence à l'ordre proposé, ou bien si elle résulte d'une recherche de «plus d'espace » ayant amené certains poissons qui s'étaient engagés dans le couloir, à l'abandon­ner rapidement, en passant à la salle du kiosque (figures 25 et 26). C'est l'un de ces sujets (F6) qui dit:

«j'ai regardé dans le coin (c'est-à-dire le couloir) mais cela ne m'a pas attiré, alors je n'ai pas regardé».

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A noter que c'est chez les poissons que l'on trouve les seuls cas d'une telle rupture de parcours, consistant à s'engager d'abord dans le couloir mais à l'abandonner au plus vite par le passage vers la salle du kiosque qui se trouvait a!! milieu.

Passer devant, afin, comme l'a dit un poisson, de «jeter un œil ». C'est-à-dire, avoir quand même, consommé l'objet et vu« son style». Mais tout en étant pressé, ne voulant pas véritablement entrer dans une négociation appropriative avec le sens proposé. On dirait que les poissons ont un rapport « touristique » à la culture. Et qu'ils refusent (à l'opposé des fourmis) de se sentir engagés dans un rapport « pédagogique », de se sentir « guidés ».

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La sauterelle ou les «pseudopodes »

Une certaine image ù.e Beaubourg

Par certains côtés, les sauterelles ressemblent aux poissons: pas de motivation spécifiquement liée à l'exposition sur les vacances, peu d'impact produit sur eux par l'exposition, une fois la visite terminée. Mais, à la différence des poissons, les sauterelles se livrent à une appropriation purement personnelle, entièrement subjective, et en même temps beaucoup plus active que celle des poissons. Et cette « prise en charge » subjective de l'objet semble associée à une certaine image de Beaubourg, qui rendrait possible (ou même appe­lerait) un tel type d'appropriation.

« Je viens souvent à la bibliothèque, moins souvent aux expos du dernier étage. elles sont plus difficiles d'accès( ... ). C'est les vacances telles qu'elles sont vécues par beaucoup de gens, cela s'inscrit dans le cadre de Beaubourg comme étant un lieu ouvert à beaucoup de gens( ... ). C'est un centre d'accueil et de rencontre ( ... ). Ça s'inserit dans la vocation de Beaubourg, un aspect visuel, pas éducatif. »

« Je vais surtout voir les expositions temporaires. comme la Chine, Architecture de terre, plus qu'au dernier étage( ... ). C'est trop rangé, trop spécialisé, trop préczs ... »

« Beaubourg c'est très sophistiqué. »

« C'est un clin d'œil, des clichés, des photos cocasses( ... ). Il ny a pas beaucoup à dire, il y a des bonnes photos, c'est un stéréotype( ... ). Il n :v a rien à apprendre, c'est une complicité .. »

« J'avais le sentiment que c'était plutôt l'aspect familial du Français moyen. Les photos noir et blanc avaient l'air sympathique, cela faisait reportage pris sur le vif. »

« Je m'intéresse plus aux raisons qu'a eues Beaubourg de faire cette expo, qu'à /'expo elle-même. » « Les gens qui visitent, ils suivent et ils se lassent, ils cherchent la détente, comme moi.»

« C'est une expo flash, gadget. »

« C'est pas une expo scientifique. »

Comme les poissons, les sauterelles n'avaient pas de motivation préalable.

«Je l'ai vue d'en haut mais on voyait des panneaux, c'est tout, on ne voyait pas le thème, .comme pour les volcans. »

«J'ai pris le programme en passant, j'ai vu dessus qu'il y avait Vacances en France. »

« Je suis venu pour la première fois aujourd'hui. Je suis entré par hasard.»

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L'espace : éclatement et indifférence

Des quatre types de visite, celle des sauterelles est sans doute la moins affectée par l'étalement des éléments de l'exposition. A noter que ni le thème de la chronologie, ni les remarques sur l'espace de l'exposition ne sont apparus spontanément dans le discours de ces sujets: ce n'est que par des relances qu'ils ont été amenés à faire des commentaires sur ces points.

« Il ny avait pas d'ordre chronologique. Les photos sont très bien. J'ai toujours tendance à court-circuiter l'ordre propre( ... ). Je me guide par le sens visuel, cela me déplaît de suivre le sens proposé. »

« Il y a plusieurs parties ? J'ai pas fait attention. J'ai parcouru rapide­ment, c'est des photos qui ont été faites par des amateurs. »

«J'ai/ait une visite de droite à gauche, on doit faire une visite de gauche à droite.»

« C'est bien, il faut des angles, aménager des panneaux, je ne sais pas s'il y a une logique ou si tout a été mis un peu comme ça. >>

Stratégie : aller vers le « punctum »

L'exposition étant perçue comme un divertissement plutôt que comme un «objet culturel» sérieux, l'espace n'étant pas ressenti comme structuré d'une façon plûtôt que d'une autre, la sauterelle va alors captet, sur cette surface plus ou moins « amorphe » comme si elle tendait un pseudopode, les éléments qui répondent à ses propres désirs.

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«Là, il y a un rapport à la nature assez particulier( ... ). Cela m'intéresse, il n:v a pas que les vacances là-dedans ( ... ). Il y a un gag, c'est humoristique( ... ). Cette photo de l'architecture au bord de la mer m'a frappé( ... ). Ce qui accroche c'est les visages, les gens. les sites( ... ). On ne peut pas dire qu'il y a une photo qui accroche si ce n'est par son côté humoristique, ou l'anecdote ( ... ). J'ai regardé tout cela rapidement, comme on regarde un album de photos. »

«Je suis rentré parce que j'avais du temps à perdre ( ... ). Et puis les vacances c'est un peu la nostalgie. >>

« ... Mes parents ont vécu cela, ils étaient heureux, ils vivaient dans le calme.>>

« La nature, un flash( ... ) cela donne envie de partir à la campagne, là ils sont tous avec leurs voisins, leur famille. >>

« Les gens répondent d'une façon superficielle, et s'arrêtent davantage quand ils retrouvent quelque chose qu'ils connaissent( ... ). Je pense que chacun cherche un repère. >>

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« J'ai été attiré à cause de la dimension du vélo par rapport au person­nage. »

Les figures 30 à 33 (cf. annexes) présentent les parcours observés des quatre sauterelles. On voit bien les « sauts » qui composent la visite, visant à chaque fois un élément qui éveille la curiosité, le souvenir, la mémoire.

L'« absorption» de la visite dans un vécu purement personnel, est manifeste dans l'indifférence de la sauterelle au passage de l'espace du couloir à l'espace de la salle: on dirait qu'il n'y a aucune « lecture» de l'étalement proposé et que, ayant décidé que l'objet ne se prêtait pas à autre chose, l'espace a été entièrement reconstitué au rythme des pulsions.

Ce qui pose, bien entendu, le problème de la généralité d'une telle stratégie, et de la probabilité de sa transposition à d'autres types d'expositions. Il est parfaitement possible que certains de ces sujets se livrent, par ailleurs, à des visites tout à fait différentes de celle qu'ils ont effectuée à l'occasion de l'exposition sur les vacances, pourvu qu'ils décident qu'il s'agit d'une exposition « sérieuse» ou « culturelle » et non pas un « gadget ». Cela dit, les entretiens semblent indiquer par ailleurs que ces sujets ne visiteraient pas des expositions perçues· comme « spécialisées » ou «trop précises », et dans ce cas, leur stratégie de sauterelle traduirait une attitude plus générale vis-à-vis de la culture.

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Dessins

A la fin de la première partie de l'entretien, on demandait à l'inter­viewé de dessiner, sur une feuille de papier blanc, le « plan » de l'exposition qu'il venait de visiter. Au cours des interviews pilotes, destinées à mettre au point le guide d'entretien, un sujet s'est catégoriquement refusé à satisfaire à cette demande, en arguant qu'il était complètement incapable de dessiner. Lors de la réalisation des entretiens définitifs en revanche, aucun visiteur ne s'est refusé; nous avons donc recueilli ving-cinq dessins de l'exposition, correspondant aux vingt-cinq interviewés de J'échantillon définitif.

Dans le cadre de l'entretien, la demande de faire un dessin avait comme fonction de sensibiliser le sujet à propos de l'espace, avant d'entamer, avec lui, la deuxième visite, commentée, de l'exposition. Il s'est avéré par la suite que ce matériel avait un certain intérêt comme donnée complémentaire sur les types de stratégies de visite.

Ceci dit, nous croyons que l'interprétation de ce matériel doit être faite avec beaucoup de précautions. Nous ne savons rien sur la systématicité des stratégies en dehors de l'espace étudié, d'une part, ce qui vent dire que nous ne pouvons pas affirmer d'un sujet qui a effectué, à l'occasion de sa visite de l'exposition Vacances .en France,. une visite de type fourmi, qu'il sera à nouveau fourmi à l'occasion de sa visite d'un autre espace d'exposition.

(Nous avons, à ce propos, pourtant, quelques hypothèses que cette étude ne nous permet pas de vérifier; nous y reviendrons). D'autre part, il est certain que les caractéristiques de la mise en espace de l'exposition Vacances en France et sa complexité relative (malgré ses dimensions modestes) nous ont permis de repérer des stratégies très différentes les unes des autres. Rien ne nous permet pourtant d'affirmer que notre typologie est exhaustive; on peut soupçonner, au contraire, que d'autres stratégies existent, mais qu'elles ne se sont pas manifestées dans le cadre de l'espace spécifique d'exposition que nous avons observé.

Ces deux ordres de considérations doivent nous amener à beaucoup de prudence en ce qui concerne l'interprétation des plans de l'expo­sition dessinés par les sujets : ces dessins peuvent être affectés, dans leurs caractéristiques, par la compétence (ou manque de compétence) du sujet dans le domaine du graphisme, par une certaine spécificité de sa formation professionnelle, ou même par certains traits de sa personnalité, et ces variables ne sont pas nécessairement liées aux modalités de sa stratégie d'appropriation d'une exposition ni non plus à son rapport à la culture en général.

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Étant donné, par conséquent, que notre typologie ne se veut en aucun cas une typologie de personnes, mais une typologie de stratégies de visite, nos remarques sur les dessins des sujets interviewés ont un caractère purement indicatif: nous nous bornerons à signaler quel­ques tendances qui semblent associées à nos types d'une façon générale, en évitant toute spéculation qui serait pour le moins hasardeuse.

On trouvera regroupés en annexes, les plans dessinés par les quatre types de sujets, groupés par types : les fourmis (figures 34 à 40), les papillons (figures 41 à 44), les poissons (figures 45 à 50) et les sauterelles (figures 51 à 54).

Un examen comparatif de ces quatre groupes de dessins semble indiquer que les éléments différentiels les plus pertinents concernent, non pas le caractère représentationnel des dessins (caractère qui est sans doute le plus déterminé par la « compétence » du sujet dans la technique du dessin d'un plan) mais le vécu de l'exposition qu'ils viennent de visiter.

Les sujets ayant réalisé une visite fourmi semblent être, comparati­vement, ceux qui différencient le plus nettement l'espace d'exposi­tion (marqué par des traits qui délimitent cet espace, perçu comme plus ou moins rectangulaire) du parcours effectué. En même temps, l'aspect « longer les murs », caractéristique de la stratégie fourmi apparaît dans plusieurs de ces dessins (figures 35, 37 et, moins clairement 38). A noter que dans tous les dessins, une flèche ou une ligne marque explicitement le point d'entrée dans l'exposition, à savoir le couloir à gauche,. ce qui semble confirmer l'importance du choix d'entrée chronologique pour les fourmis.

La différenciation entre l'espace visité et le parcours devient moins claire chez les papillons : parmi les quatre dessins, il y en a un où il ne semble pas avoir de parcours tracé (figure 41) et un autre où la délimitation des lieux a pratiquement disparu (figure 43).

On dirait que chez les poissons et les sauterelles, des phénomènes émergent qui traduisent plus l'expérience subjective liée à la stratégie qu'une volonté quelconque de dessiner le plan de l'exposition visitée. (Moins la visite est motivée par le thème de l'exposition, plus le dessin reflète-t-il le vécu subjectif?).

En tout cas, signalons tout d'abord l'image étonnante, apparue exclusivement chez les poissons, de la circularité (figures 45, 46b, 50). A noter, que le sujet F4 (figures 46a et b) a voulu faire, spontanément, deux dessins: le premier représentant la visite qu'il venait d'effec­tuer, le second la visite « idéale ». Si dans le premier, un principe de circularité est déjà visible, le dessin de la visite « idéale» n'est rien d'autre que le concept d'un parcours circulaire dans un espace

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circulaire. De même pour le poisson 09 (figure 50), ces dessins évoquent la loi d'une stratégie, et l'espace visité (comme différent du parcours effectué) est complètement évacué de la représentation. Sous une forme plutôt d'ondulations que de circularité, le dessin du poisson M8 (figure 48) obéit au même principe: face à la demande de dessiner l'exposition que l'on vient de visiter, les poissons dessi­nent, en quelque sorte, la pulsion de visite qui leur est propre : glisser, tourner sans s'arrêter.

La comparaison entre l'imaginaire de certains poissons (figures 45, 46b, 50) et le dessin de la sauterelle M 1 (figure 51) permet de cerner assez bien la différence entre les deux types de stratégie : au tracé continu d'un parcours en boucle chez les poissons, s'oppose la présentation d'un parcours morcelé, coupé en fragments indépen­dants, chacun marqué par une flèche enfermée dans un espace cloisonné et séparé de l'autre. Image saisissante du « saut » de la sauterelle vers le « punctum » : la flèche vise, à chaque fois, un mur, et non pas une entrée ou une sortie. A noter que cette représentation du parcours en branches divergentes et séparées les unes des autres, apparaît dans trois des quatre dessins des sauterelles (figures 51, 52 et 53).

Certains aspects des dessins produits par les sujets semblent donc· bien pouvoir être mis en rapport avec leurs modalités d'appropria­tion. Bien entendu, nos observations ne sont pas probantes, et il faudrait les vérifier à l'occasion d'autres recherches sur les stratégies de visite. En tous cas, il est à remarquer qu'une plus grande volonté de << représenter » l'exposition par le plan apparaît chez les sujets plus « motivés » (fourmis et papillons) et en particulier chez les fourmis. Le dessin exprime plus facilement le vécu subjectif de la propre stratégie (plutôt que l'espace visité) dans le cas des sujets moins (ou pas du tout) motivés dans leur visite (poissons et sauterel­les). Un certain soin de distinguer entre le parcours et l'objet culturel n'est peut-être pas étranger, chez les fourmis, à leur attitude quelque peu« scolaire » à l'égard des expériences culturelles définies comme des « occasions d'apprendre ».

Par contre, le « besoin de plan », exprimé systématiquement par les papillons dans les entretiens ne semble pas du tout se traduire par une plus grande précision dans le dessin du plan de l'exposition. La question reste posée. En tous cas, il ne semble pas absurde de penser que plus l'exécution du dessin est orientée par une motivation « représentationnelle » (faire, le plus correctement possible, le plan de l't!xposition que l'on vient de voir) plus elle sera dépendante de la capacité générale du sujet pour le dessin. Par contre, le vécu subjectif d'une stratégie (comme par exemple: «glisser». «tourner autour», « s'approcher») peut être exprimé par quelques lignes n'ayant aucune prétention de « bien représenter» les lieux; cette

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expression « subjective» risque donc moins d'être déterminée par la culture (ou le manque de culture) «graphique» du sujet.

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Les cas « mixtes »

Parmi nos vingt-cinq sujets, quatre n'ont pas pu être classés sans ambiguïté Ûi1us i'un des quatre; lypes définis: ce soni des cas « mix­tes » dans ce sens que chaque parcours manifeste deux stratégies différentes de la visite.

Les figures 55, 56 et 57 (cf. annexes) représentent les parcours de trois de ces cas « mixtes t3J ».

Le premier est une combinaison de papillon (surtout dans le couloir) et de sauterelle (dans la salle du kiosque) (figure 55). Cette combina­toire semble associée à ce qui apparaît très clairement dans l'inter­view comme une visite à double objectif Il s'agit d'une femme mariée de 35 ans qui a deux enfants. Elle était intéressée par le thème (elle est venue exprès pour voir l'exposition) mais en même temps elle déclare« préparer la visite de l'exposition pour les enfants ». Or, du point de vue de son intérêt propre, elle tient un discours typiquement de sauterelle: elle semble avoir réagi par « puncti ».

« Les diapos sur la mer, c'est un plaisir visuel. » « La montagne, cela m'intéressait, je suis languedocienne. » «Je voulais voir comment les vacances ont démarré. »

Mais d'autre part, la « préparation » de la visite des enfants a pu éveiller une observation plus attentive de l'ordre et de l;1 mise en espace de l'exposition.

«J'ai cherché d'abord en sortant face au kiosque; il faut traverser toute la salle pour reprendre et faire le tour. »

L'interview, qui paraît au premier ·abord assez peu cohérente, s'ex­plique à partir de cette coexistence de deux motivations différentes: d'une part un intérêt personnel, qui déclenche des « sauts » caracté­ristiques de la sauterelle; d'autre part, la présence de cette préoccu­pation didactique à propos de ses enfants, qui la rend soudain attentive à la clarté plus ou moins grande de la présentation. Ce cas de « mixité » semble donc pouvoir bien se comprendre à la lumière de ce que nous avons par ailleurs sur les cas « purs ».

Les deux autres cas mixtes (figures 56 et 57) ont trois points en commun. Il s'agit dans les deux cas de visites particulièrement complètes; il n'y avait pas de motivation préalable (l'exposition a été trouvée « par hasard » dans les lieux) et, dans les deux cas, la visite a suivi l'ordre chronologique.

(3) A posteriori, nous avons décidé d'éliminer de l'analyse le quatrième cas mixte (F7). Le recoupement des informations fournies par le sujet dans la fiche signalétique avec le contenu de l'interview a fait ressortir, en effet, des éléments extrêmement douteux. L'analyse de l'interview, nous permet de penser que ce sujet a volontairement biaisé ses réponses et donné à l'enquêtrice des faux renseignements.

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Si le cas FI 0 (figure 56) a été identifié à l'observation comme à la fois fourmi et poisson, il est par son « idéologie », beaucoup plus fourmi que poisson. On dirait qu'il s'agit d'une fourmi qui n'a pas de difficulté à ti a verser les espaces vides; arrivé à une « zone >> qui l'intéresse, sa technique d'appropriation est typiquement celle d'une fourmi. Ce sujet a été extrêmement sensible à la chronologie, quïl a suivie attentivement, et il a été gêné, par conséquent, dans le passage du couloir à la salle. Son dessin du plan traduit ce souci de « l'or­dre »; il est remarquable par ses détails et entièrement construit en termes de périodes de l'exposition (figure 58). Il n'a pas manqué de faire des remarques à propos de l'étalement historique.

«J'ai trouvé dommage que l'on dise de 1860 à nos jours et que l'on commence en 1900 ( ... ). Après, je suis. revenu pour voir si je n'avais pas oublié quelque chose entre 1860 et 1900 ( ... ). On voit vraiment la démocratisation des vacances, on voit bien l'évolution( ... ). J'ai vu le titre derrière le kiosque (1946-1982) et pour moi ça s'arrêtait là, et je me suis dit qu'il manquait des dates».

Il s'agit par ailleurs d'un sujet qui ne fréquente pas les expositions; il vient souvent à Beaubourg, mais exclusivement pour travailler à la bibliothèque. Ce cas semble comfirmer que la stratégie fourmi est en effet associée à une motivation forte d'apprentissage et de systémati­t::ité.

Le troisième cas «mixte» (Fl2, figure 57) combine tout au long du parcours les stratégies fourmi et papillon. A la différence du précé­dent, il s'agit de quelqu'un qui visite souvent des expositions. Au cours de l'entretien, il déclare à plusieurs reprises avoir été gêné par les gens, ce qui peut expliquer la combinatoire de modes d'appro­priation. Tout semble indiquer, en effet, qu'il s'agit d'un papillon qui est devenu fourmi, en fonction de l'accès à certains endroits. D'une part, il n'est pas trop concerné par la chronologie, même s'il l'a suivie. D'autre part, il a exprimé des intérêts très précis à l'égard d'éléments particuliers de l'exposition ce qui indique une plus grande maîtrise de la négociation de visite: il s'est intéressé à Lartigue parce qu'il le connaît, dans les années 1930 c'est la documentation qui l'a attiré, etc. II manifeste peu ou pas d'intérêt pour d'autres éléments, comme par exemple les diapositives. On dirait donc que la sélectivité de sa visite se serait plus clairement exprimée dans son parcours, s'il n'avait pas été gêné par les autres visiteurs à certains endroits de l'exposition. Ce qui semble confirmer qu'il s'agit d'un papillon c'est son comportement au début de la visite; en s'engageant dans le ~ouloir, il n'a pas du tout manifesté la conduite typique des fourmis; Il est allé directement vers l'unité no 8 (figure 57) et il est ensuite revenu sur ses pas, vers l'unité n° 3, de l'autre côté du couloir.

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Dans l'ensemble, on dirait que de ces trois cas « mixtes »,seulement le premier semble l'être vraiment: sa « double » stratégie est asso­ciée, nous l'avons vu, à une double motivation. Le second paraît être une fourmi, qui n'est pas gênée par la traversée d'espaces transition­nels. Ce qui montre qu'on n'est pas poisson par ce seul fait, considéré isolément, mais par l'application systématique de la stratégie de la « traversée » ou du glissement, tout au long d'une visite. Nous sommes tentés de classer le troisième comme un papillon qui s'est adapté aux espaces accessibles en fonction du nombre de visiteurs.

Ces cas ont été identifiés comme « mixtes » en vertu des règles méthodologiques que nous nous sommes données au départ: le classement d'une visite devait être fait en fonction du parcours observé, et avant la réalisation de l'entretien. Bien entendu, le développement des techniques d'observation et le raffinement de la typologie peut nous amener à abandonner une telle règle. En défini­tive, la détermination complète de la nature d'une stratégie doit reposer, à terme, sur une ((batterie» d'observations comprenant à la fois le parcours observé et l'analyse du discours des visiteurs. Ce qui nous intéressait de vérifier dans cette recherche exploratoire c'était la fiabilité d'une certaine procédure d'observation pour l'identification des stratégies. Il nous semble que cette vérification a été faite.

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Conclusion

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A propos des modes d'appropriation, de Vacances en France et de cette recherche

Les quatre modalités d'appropriation

L'un des principaux résultats de cette recherche consiste, pour nous, à avoir réussi à mettre en relief la diversité de « lectures » de l'objet culturel qui a été notre point de départ. Notre enquête « ethnogra­phique» à propos de l'exposition Vacances en France souligne l'importance de la distinction entre la production et la reconnais­sance dans l'analyse d'un média, et montre que la reconnaissance n'est jamais « déductible» d'une description de la « structure» du discours en question, qu'elle est toujours, au contraire, le résultat complexe d'une rencontre entre les propriétés signifiantes du dis­cours et la stratégie d'appropriation du sujet récepteur. La probléma­tique qui s'ouvre ainsi est celle d'une sociosémiotique de la réceprion, qui n'existe pas encore, mais dont l'importance nous paraît hors de doute, et dont le besoin se fait sentir de plus en plus.

Mais pour que la « théorie des effets de discours » à laquelle on peut ainsi songer soit une véritable sémiotique, il faut, au contraire de la recherche traditionnelle sur les «effets des mass-médias », qu'elle sache aborder les problèmes de la réception à la lumière d'hypothèses précises sur la nature signifiante du discours dont il s'agit de com­prendre les effets : spécificité du média d'une part, propriétés signi­fiantes du discours de l'autre, ces dernières s'expliquant par les contraintes définissant la production. Ainsi, les deux volets de la sociosémiotique, production et reconnaissance, sont en définitive inséparables.

C'est à la lumière de la spécificité du média exposition que nous avons essayé de décrire les modalités d'appropriation : une exposi­tion est un média où les trois ordres du sens sont «pris en charge » par une structure spatiale dominante de renvois métonymiques.

C'est à cette structure que le corps signifia~t du visiteur va, d'une façon ou d'une autre, «se brancher».

Une figure posturale et comportementale du corps socialisé dans son r~pport au sens, semble pouvoir être associée à chacune des modali­tes d'appropriation que nous avons décelées.

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Il faut mettre le papillon en premier : sa stratégie est la plus spécifi­que à l'égard du thème de l'exposition, car sa visite est motivée. Dans le cadre de cette motivation, il sait ce qu'il est venu chercher. La négociation correspond donc bien au niveau culturel où l'exposant a défini son objet. Le papillon est le visiteur qui maîtrise le mieux son rapport à la culture. Son corps signifiant semble modelé par la figure de la lecture proprement dite, c'est-à-dire, du livre.

La négociation de la fourmi peut être, elle aussi, qualifiée de cultu­relle. dans ce sens qu'elle est déterminée par un lien particulier, sinon au thème de l'exposition, tout au moins à Beaubourg comme institu­tion de culture. Mais sa stratégie est relativement passive et quelque peu scolaire. Si le papillon exprime une certaine maîtrise de ses attentes culturelles, la fourmi exprime plutôt un certain souci. d'ap­prendre, et donc, en quelque sorte, une certaine docilité. Il est difficile de dire si c'est le fauteuil devant le poste de télévision ou bien le banc de l'école qui a le plus marqué le corps socialisé de la fourmi.

Il est possible que ces deux stratégies, étant associées à une motiva­tion plus forte (comparativement aux deux autres types) et étant d'ordre plus spécifiquement culturel, soient, parmi nos quatre modalités d'appropriation, les deux plus stables. L'hypothèse serait, autrement dit, qu'un sujet que nous avons identifié dans notre étude comme étant soit fourmi, soit papillon, a plus de probabilités de se comporter selon la même stratégie, dans d'autres expositions, qu'un poisson ou une sauterelle.

Le poisson déploie une stratégie que l'on pourrait dire« en retrait)); il semble vouloir réduire au minimum la négociation avec l'exposant, tout en pouvant se dire qu'il a fait la visite. La focalisation sur le temps est-elle un prétexte qui masque un rapport de méfiance vis-à-vis des objets culturels ? Toujours est-il que sa stratégie rappelle celle d'un passant qui, l'air pressé, jette quand même un œil sur une vitrine. Ou celle d'un touriste qui ne dispose que d'une journée, mais qui fait quand même le tour des « monuments historiques » de la ville où il se trouve.

La stratégie de la sauterelle est, parmi nos quatre modalités, celle qui nous apparaît comme étant le plus franchement en rupture avec l'univers du discours « culturel » qui était proposé. Son parcours est un voyage subjectif; la sauterelle désarticule la surface structurée où s'étale le propos culturel, pour ne retenir que les quelques points avec lesquels elle se sent en résonance. Cette sorte d'insouciance est-elle généralisable ou bien résulte-t-elle d'une image préalable de Beau­bourg comme lieu de culture « un peu spécial >), ne demandant pas l'effort (ou la concentration) d'un lieu traditionnel d'exposition? En tous cas, tel que nous l'avons observé, le corps du visiteur sauterelle est celui du flâneur.

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Nous avons résumé l'essentiel de la typologie dans les schémas 5 à 8 (voir ci-après).

GRAPHIQUE 1

PAPILLON UNE N~GOCIATioN •cuLTURELLE•

MOTIV! PAR LI! -r.fEIΠNEGOCIATION AVEC L'EXPOSANT AUTOUR DU THEME

CAPITAL RAPPORT CONTROLE A LA CULTUIUI .. LE PLAN POUR CULTUREL : CHOTm MAITRISI! ? IMAGE :

r---------------~ LA L!CTURB : ALTERHAHCB OROITII • GAUCHI!

CORPS LI VItE

FOURf'll UNE NtGOCIATION •cuLTURELLE•

CAPITAL CULTUREL: SOUCI f

NOTIVI PAil LA CULTUU NEGOCIATION AVEC JEAUIOURG "A TRAVERS"

CETTE EXPOSITION_. C'EST LE RAPPORT A LA CULTURE QUI EST L'ENJEU

ACC!PTATION - II!SOIN Dl! GUIDAGE_. "DOCILITI!"

PAISIVITI!

INAG! : LI! PAUTI!UIL (OU LI! IANC DB L'BOOLE ?)

• • • • "

CORPS SPECTATEUR

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GRAPHIQUE 2

POISSON UNE NtGOCIATION -EN RETRAIT•

CAPITAL CULTUREL: MEFIANCE ?

SAUTERELLE

CAPITAL CUL TIJREL : NO!NEAU f

lOO

PAS DE MOTIVATION PAS DE NEGOCIATION A PROPO~ DU THEME RECHERCHE DE NI AVEC IIEAU~OURG CO!o+ΠFIGURE DE .. LA "tAITRISE

DE L'OBJET

IMAGE LE CERCLE, LA IIOUCLE, "FAIRE LE TOUR"

CULTURE

CORPS PASSA.'fT

UNE NtGOCIATION DE •PRISES SUBJECTIVES•

. PAS D! MOTIVATION PAS DE NEGOCIATION A PROPOS DU THEM! NI AVEC IEAUIIOURG COMME FIGURE DE

-

llECHERCHE DES "PUNCTI"

CULTIJRE

lEABSOilPTION DANS LA SUIJ!CTIVIT! - "L'!XPCSITION N'EST PAS CULTURELLE"

IMAGE L! GRAPHE, l!LIANT L!S POINTS QUI !VEILLENT L! VECU

CORPS AVEC

. 'PSEUDOPODES"'

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Une typologie formulée dans ces termes pose plus de problèmes qu'elle n'en résout; c'était bien l'un de nos objectifs. De par sa nature même, cette recherche ne peut pas répondre à la question de savoir comment on peut articuler des typologies d'appropriatio~ de dis­cours sociaux à des données « objectives » sur la position sociale des sujets. L'articulation est, à notre avis, possible, et quelques « pistes » pointent dans nos propres données (cf. échantillon en annexes). Il ne semble pas déraisonnable de conclure par exemple, que tandis que les fourmis de l'échantillon sont des personnes ayant peu de capital économique et un peu de capital culturel, les papillons ont, en revanche, plus et de l'un et de l'autre. On pourrait alors mieux comprendre l'attitude de docilité pédagogique des premiers, et la maîtrise des seconds.

Il faut insister sur le fait que nous n'avons pas décrit une typologie d'acteurs sociaux, ni pas non plus des types de personnalité, mais des types de stratégies de visite. Même si nous pensons que certaines stratégies sont peut-être plus stables que d'autres, cela ne veut pas dire qu'un papillon ou une fourmi le seront toujours et nécessairement dans leur appropriation d'expositions: un sujet qui a manifesté une stratégie fourmi dans sa visite de 1' exposition Vacances en France peut sans doute s'engager dans une stratégie tout à fait différente. S'il catégorise l'objet à s'approprier comme un objet ne se présentant pas comme un discours à statut pédagogique, c'est-à-dire, comme un objet qui n'exige pas de lui une attitude d'apprentissage. Ce que nos hypothèses impliquent, en ce qui concerne ces deux stratégies plus « stables », c'est que si l'objet d'appropriation met en jeu le rapport du sujet à la culture, lorsque ce rapport est de maîtrise on risque de voir apparaître une stratégie de type papillon, et.Iorsque ce rapport est de souci, il est probable que le sujet développe une stratégie de type fourmi.

Une telle ligne de réflexion ne nous paraît pas seulement intéres­sante, mais, à terme, indispensable. Nous ne nous aventurerons pas ici, pourtant, étant donné le caractère exploratoire de cette étude et la portée de notre échantillon.

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A propos de Vacances en France

Malgré la diversité de modes d'appropriation auxquels est soumis n'importe quel discours social, le champ de ces modes n'est pas sans rapports à la structure du discours et à ses propriétés signifiantes. Rappelons rapidement quelques caractéristiques de l'exposition que nous avons étudiées et leurs « effets )) sur les stratégies de visite.

Le double discours qui structurait l'exposition (sociologique d'une part, esthétique de l'autre), ne semble avoir été« intégré H que par les fourmis c'est-à-dire, par les visiteurs ayant une forte motivation « d'apprendre )) et manifestant une certaine passivité. Pour les autres, que ce soit comme résultat d'une sélectivité préalable (les papillons, intéressés essentiellement par la photo) d'une stratégie de survol (les poissons, qui pour la plupart ont ignoré le couloir) ou d'une visite fortement subjective, ignorant la proposition faite par l'exposant (les sauterelles), la simultanéité de ces deux discours sociaux étalés en parallèle n'a pas été véritablement acceptée.

Comparativement, le caractère spatial dominant de cette exposition (la composition de deux espaces très différents : le couloir et la salle du kiosque) semble avoir produit des effets plutôt négatifs; plus on était motivé par le thème (fourmis et papillons), plus on était gêné par la mise en espace, bien que cette dernière ait perturbé beaucoup moins les papillons (a cause de leur plus grande maîtrise de la visite, et de leur sélectivité) que les fourmis. Par contre, cette double structure n'a pas eu d'effets sur des visites plus rapides et plus superficielles (poissons et sauterelles).

Au fond, aucun des quatre types de stratégie ne correspond exacte­ment au « bon corps visiteur )) que nous avons décrit « a priori H à partir de l'analyse de l'exposition: les papillons et les fourmis ont pris en charge la première partie de la proposition de l'exposant (dans le couloir) mais ils ne l'ont pas« suivie)) (ou beaucoup moins) dans la deuxième partie (la salle du kiosque). Le couloir a été plutôt ignoré par les poissons. Et si les sauterelles ont visité souvent les deux parties, leur stratégie a fait éclater le caractère chronologique de l'exposition.

La recherche sur le média exposition

Bien entendu, les remarques que nous venons dt faiie à propos de l'exposition Vacances en France, ne doivent en aucun cas être inter-

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prétées comme des jugemements sur son efficacité. D'une part, évaluer l'exposition n'était pas du tout l'objectif de cette recherche: l'étude d'un cas n'était ici qu'un moyen pour commencer à compren­dre les conditions de production et de visite des expositions et, en même temps et par conséquent, d'entamer une démarche concep­tuelle et méthodologique. D'autre part, ne disposant pas d'informa­tions sur l'importance relative de chaque type de stratégie dans la population totale de visiteurs, aucune conclusion ne peut être tirée sur l'efficacité de l'exposition.

Cela dit, nous pensons que notre démarche constitue un outil qualitatif qui peut donner lieu à des évaluations très précises (à la fois de projets et de réalisations d'expositions). Dans la conception d'une exposition, il devrait être important de savoir quelles stratégies de visite on veut favoriser, quelles autres empêcher ou rendre plus difficiles, etc. En tous cas, une réflexion détaillée sur les stratégies de visite, devrait faire partie de la conception de la « maquette » d'une exposition. De même qu'une réflexion sur la cohérence de la mise en espace par rapport aux objectifs (pédagogie, spectacle, histoire, etc.).

Le problème que nous soulevons ainsi est commun à bien d'autres médias: il nous semble urgent d'aller au-delà d'une caractérisation de la « cible » qui se borne à la concevoir comme un public passif que l'on décrit en termes de catégories socioprofessionnelles. Consommer un média (qu'il s'agisse d'une exposition, d'un magazine ou d'une émission de télévisionn) est une activité à travers laquelle l'acteur social négocie son rapport à la culture et, par ce biais, à l'énonciateur du discours. La sociosémiotique de la réception dont nous parlions doit nous permettre d'aborder ce genre de problèmes. Le concept de « stratégie de visite » veut répondre à la spécificité du média exposition.

Nous l'avons déjà dit: les recherches sur les médias qui tiennent compte de la nature signifiante des discours que les médias véhicu­lent sont peu nombreuses; les analyses qui essayent d'intégrer la production et la reconnaissance sont encore presque inexistantes. Or, en tant que recherche sur le média exposition, à la fois sensible à la dimension sémiotique de l'objet, et préoccupée par la relation entre la production et la reconnaissance, c'est-à-dire disposée à s'aventurer dans la problématique du rapport entre l'énonciation culturelle qu'est une exposition et la négociation (complexe) qu'est la visite, celle-ci est, à notre connaissance, la première du genre.

Il est inutile de dire que, à ce titre, elle se veut à peine un début. Mais il n'est peut-être pas superflu de dire que, à notre avis, une recherche de ce genre n'est intéressante que lorsqu'elle aboutit à un objet qui n'est plus tout à fait le même que l'objet prévu au départ.

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Annexes

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Sommaire

Parcours observés des sujets ........................................................ .. Dessins de l'exposition produits par les sujets ........................... . Les cas « mixtes » ........................................................................... . Unités d'étalement de l'exposition ............................................... . Guide d'entretien ..................... : ....................................................... . Échantillon ....................................................................................... . Composition du public des exposition de la BPI

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Parcours observés des sujets

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Figure 13 Founni (M2)

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Figure 19 Fourmi (M13a)

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Figure 21 Papillon (M3)

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Figure 31 Sauterel/e (M5)

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Dessins de l'exposition produits par les sujets

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Les cas « mixtes »

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Unités d'étalement de l'exposition

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1 Générique de l'exposition: Titre/concepteurs/collaborateurs/affiche 2 Présentation première période. Texte:« 1860-1935, La naissance des vacan-

ces »+deux photos Seeberger, à droite. 3 Grande photo, Seeberger (plage). 4 Photos E. Roger. 5 Texte « Trains et voyage »+documents+ photos Seeberger. 6 Texte « Colonies de vacances »+documents. 7 Photos L. Aigner. 8 Photos Lartigue. 9 Textes «Associations et sports» et « Stations balnéaires et termales » +

documents. 10 Présentation deuxième période. Textes: «Les premiers congés payés» et

« Léo Lagrange et la politique des loisirs du Front populaire »+documents. Il Photos L. Aigner. 12 Photos Ronis, Zuber, Bougier. 13 Grande photo Cartier-Bresson. 14 Photos Cartier-Bresson. 15 Vitrine mannequins (congé annuel, vélo, pique-nique). 16 Photos Jamet. 17 Texte « Les auberges de la jeunesse »+documents. 18 Grande photo Doisneau. 19 Photos Doisneau. 20 Photos Niepce. 21 Photos Cartier-Bresson. 22 Présentation troisième période. Texte« 1946-1982, les vacances deviennent un

phénomène de masses »+documents (cartes postales). 23 Photos Michaud, Maiofiss, Manceau. 24 Photos Depardon, Toth, Barret, Granveaud. 25 Texte « Vacances à l'étranger»+ documents+ photos. 26 Photos Rouillard, Voyeux, Tulane. 27 Photos d'amateurs. 28 Textes« Modèles de vacances », « Consommation et publicité », « Mesures et

projets 1982 )) +documents. 29 Grande photo Le Querrec. 30 Photos Le Querrec. 31 Photos Dityvon. 32 Photos Franck. 33 Textes « Vacances organisées )> et « Aménagement du

territoire )} +documents. 34 Vitrine basse avec objets et documents.

35a ~cran diapositives - Série << Vacances en groupe)>. 35b t;:cran diapositives - Série<< Voyages)). 35c t;:cran diapositives - Série << Campagne, tourisme vert )>. 35d t;:cran diapositives - Série << Mer)). 35e t;:cran diapositives - Série << Montagne)). 35f t;:cran diapositives - Série << Vacances organisées». 35g Ecran diapositives - Série << Habitat )>. 36a Statistiques: Vacances en chiffres. Combien de Français partent en vacances ?

Qui part en vacances ? Où habitent-ils ? Quel âge ont-ils ? 36b Statistiques: Où partent-ils en hiver ? Où partent-ils en été ? Où partent-ils à

l'étranger ? 36c Statistiques : Quand partent-ils ? Quel mode d'hébergement choisissent-ils ?

Comment partent-ils ? 37 Affiches publicitaires. 38 Vitrine mannequins (habillement ancien). 39 Vitrine mannequins (habillement actuel).

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Guide d'entretien

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Lieu de l'entretien

Hors exposition

Dans l'exposition

La vidéo

Fiche signalétique

Guide d'entretien

Questions

Beaubourg: ses lieux (les étages), - fréquence de visite, - lieux visités, - image et représentation du lieu, - Beaubourg.

Motivation de la visite : - aujourd'hui à Beaubourg, - l'itinéraire jusqu'à l'exposition, - la décision de visite de l'ex po, - information préalable sur l'expo.

Mécanisme de la décision : - visite préméditée ou spontanée, - intérêt : thématique, pédagogique, - les photos.

Inventaire de l'expositionfspontiiDé: - ce que vous avez vu dans l'exposition.

Titre de l'exposition : - ce qu'il est. - ce qu'il pourrait être.

L'affiche: -id.

Dessin: - pouvez-vous dessiner cette exposition ?

<< Vous allez me montrer votre visite de cette exposi­tion et me dire au fur et à mesure ce que vous avez fait>>: - le choix des entrées. - commentaire sur le thème: le thème, les photos,

les textes, les statistiques. Faire expliciter: - la stratégie, - le changement de comportement.

Proposer d'autres solution de parcours. Les endroits non visités : - commentaire, - les textes non lus, - les statistiques, - kiosque. vitrines, etc.

Le visiteur face à son comportement (la straté­gie - les choix). Le comportement des autres - les autres types. Relance générale sur les expos. Les lieux d'expos.

Objectifs

Le vivre beaubourg Saisir le rapport à Beaubourg, à la culture.

Ex po: l'attente et ce que l'on a trouvé.

Le vécu

Repérage des zones d'intérêt. Les zones d'appel. Information donnée par le titre adéquation avec la lecture faite de l'expo présentée.

- l'imaginaire de l'espace, - les éléments retenus ou oubliés,

L'insertion de tout cela dans un retranscription logique (le plan) informant sur la stratégie de visite (le vécu de 1 'espace).

L'appel.

- explicitation de la stratégie d'aujourd'hui les exemples ... - les espaces gênants, - l'adaptation.

- recoupement des phases anté­rieures.

- rapport à la culture du visiteur. Attentes: - la visite ..et l'espace. - une expo que vous avez particulièrement aimée,

que vous trouviez bien faite. Au contraire, un exemple où vous vous sentiez moins bien.

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Échantillon

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Composition du public des expositions

de la Bibliothèque publique d'information

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Page 175: Véron, Eliséo Et Levasseur, Martine. 1989. Ethnographie de l'Exposition l'Espace, Le Corps Et Le Sens

Composition du public de l'exposition selon la catégorie socio-professionnelle des visiteurs

Sur 100 (rappel sur visiteurs 100 utilisateurs

de l'exposition de la B.P.I.)

Classes dominantes' 9% (5)

Couches intellectuelles des classes moyennes' 11,5% (8,5)

Couches techniciennes et administratives des 11% (7) classes moyennes'

Classes populaires• 12,5% (9)

Étudiants et scolaires 40% (60)

Chômeurs 6% (4,5)

Retraités 6% (2)

Autres 4% (3,5)

N.R. (0,5)

100% (lOO)

1. Chefs d'entreprises, cadres supérieurs, professions libérales ... 2. Enseignants~ chercheurs, journalistes, animateurs ... 3. Cadres moyens, techniciens, 4. Employés, ouvriers, personnel de se~vice.

Composition du public de l'exposition selon leur habitude de la bibliothèque

Sur 100 (rappel sur visiteurs 100 utilisateurs

de l'exposition de la B.P.I.)

Viennent pour la première fois 33% (12)

Sont déjà venus entre 2 et 10 fois 28,5% (22)

Sont déjà venus entre 11 et 50 fois 15% (26)

Sont déjà venus plus de 50 fois 22,5% (40)

N.R. 1%

100% (lOO)

Source :Enquête sur le public de la Bibliothèque publique d'information. réalisée en novembre 1981 et mai 1982 auprès d'un échantillon représentatif de 3 500 utilisateurs de la B.P.I., dont 608 visiteurs de l'exposition'"·

( 1) Expositions présentées au moment de l'enquête : -en novembre 1981 :Les volcans. - en mai 1982 : La photographie documentaire dans les magazines d'avant-gue"e. Cf. :Jean-François Barbier-Bouvet, Martine poulain. Publics à l'œuvre : pratiques culturelles à la Bibliothèque publique d'information du centre Pompidou, Paris, Documentation françai~e. 1986.

175

Page 176: Véron, Eliséo Et Levasseur, Martine. 1989. Ethnographie de l'Exposition l'Espace, Le Corps Et Le Sens

Visite de l'exposition selon le jour de la semaine

Sur 100 (rappel sur visiteurs 100 utilisateurs

de l'exposition de la B.P .1.)

Semaine 55,. (60) dont: lundi Il 16

mercredi 16 17 jeudi 13 13 vendredi 15 14

Week-end 45% (40) dont : samedi 25 20

dimanche 20 20

IOOo/o (100)

Mode de fréquentation de l'exposition

Sur 100 (rappel sur visiteurs 100 utilisateurs

de l'exposition de la B.P.l.)

Seul 49% (69)

Accompagné SI o/o (31) dont : couple, famille 20 10

amis 28 20 groupe 3 1

100% (100)

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Mode de fréquentation de l'exposition selon le niveau d'études des visiteurs

Niveau inférieur ou égal au bac (dont élèves en cours d'études)

Études supérieures J•r et 2• cycles (dont étudiants en cours d'études)

Études supérieures 3• cycle, grandes écoles (dont étudiants en cours d'études)

N.R.

Sur 100 visiteurs

de l'exposition

41% 27

41% 21,5

15% 9,5

3%

100%

Composition du public de l'exposition selon le sexe des visiteurs

Sur lOO visiteurs

de l'exposition

Hommes 60%

Femmes 40%

100%

(rappel sur !Où utilisateurs

de la B.P.l.l

(31) 16,5

(49) 14

(17) 7,5

(3)

(100)

(rappel sur 100 utilisatcu rs

de la B. P.l.)

(60)

(40)

(lOO)

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Table des matières

INTR 0 DU CTI 0 N - Le visiteur dans tous ses états par Jean-François Barbier-Bouvet .......... 7

PREMIÈRE PARTIE - Cadre conceptuel.................................... 21 « Lectures et parcours d'une exposition » .......................... 21 Médias et discours sociaux. L'exposition comme média.. 23 Production et reconnaissance : mise en espace et corps signifiant.................................................................................... 29 Les étapes.................................................................................. 34

DEUXIÈME PARTIE :.._ Le thème dans l'espace........................ 39 L'exposition dans son projet.................................................. 39 La mise en espace : la structure d'ensemble ...................... 43 La mise en espace : le « bon corps visiteur »...................... 50

TROISIÈME PARTIE - Ethnographie d'une exposition............ 61 Bestiaire illustré........................................................................ 61 Du parcours au discours : les entretiens.............................. 68 La fourmi ou le corps spectateur.......................................... 71 Le papillon.ou le corps livre.................................................. 76 Le poisson ou le corps qui passe.......................................... 81 La sauterelle ou les « pseudopodes » .................................. 85 Dessins...................................................................................... 88 Les cas « mixtes >> •• •• •••••••••••• •••••• •• •••••• •••••• •• •• •••• •• •••••••• •• •••••••••••• 92

CONCLUSION................................................................................ 97 A propos des modes d'appropriation, des vacances en France et de cette recherche .................................................. 97

ANNEXES ........................................................................................ 105 Parcours observés des sujets .................................................. 109 Dessins de l'exposition produits par les sujets .................. 133 Les cas « mixtes » .. .......... .. ...... .. ...... .... .............. .. ...... .. ...... .. .... 151 Unités d'étalement de l'exposition ........................................ 157 Guide d'entretien .................................................................... 161 Échantillon................................................................................ 165 Composition du public des expositions de la Bibliothèque publique d'information .......................................................... 173

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Fabrication : Transfaire 04250 Turriers

~ Achevé d'imprimer le 31 janvier 1989

sur les presses de l'imprimerie Louis-Jean avenue d'Embrun, (15(11)(1 G'ip Dépôt légal: 81 - Janvier 1989