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Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences sociales - Ecole doctorale - La fin La fin La fin La fin du contrat du contrat du contrat du contrat de franchise de franchise de franchise de franchise Thèse pour le doctorat en droit présentée et soutenue publiquement le 9 septembre 2008 par Yasser AL SURAIHY MEMBRES DU JURY Directeur de recherches : M. Éric SAVAUX Professeur à l’Université de Poitiers Suffragants : M. Didier FERRIER Professeur à l’Université de Montpellier M. Hugues KENFACK Professeur à l’Université de Toulouse Mme Rose -Noëlle SCHÜTZ Professeur à l’Université de Poitiers

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Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences sociales

- Ecole doctorale -

La fin La fin La fin La fin du contrat du contrat du contrat du contrat de franchise de franchise de franchise de franchise

Thèse pour le doctorat en droit présentée et soutenue publiquement le 9 septembre 2008

par

Yasser AL SURAIHY

MEMBRES DU JURY

Directeur de recherches : M. Éric SAVAUX

Professeur à l’Université de Poitiers

Suffragants : M. Didier FERRIER

Professeur à l’Université de Montpellier

M. Hugues KENFACK Professeur à l’Université de Toulouse

Mme Rose -Noëlle SCHÜTZ Professeur à l’Université de Poitiers

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L’Université de Poitiers n’entend pas donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans les thèses. Ces opinions doivent être considérées comme propres à leurs auteurs.

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Je remercie Monsieur le Professeur Éric Savaux d’avoir dirigé avec patience et bienveillance les recherches ayant conduit à cette thèse. Qu’il veuille bien trouver ici l’expression de ma reconnaissance. Je remercie également Monsieur le Professeur Philippe Delebecque et Monsieur Yves Marot pour l’aide et les informations qui m’ont apportés.

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RÉSUMÉ

La fin du contrat de franchise a diverses causes. Les causes d’extinction peuvent être

ordinaires : l’arrivée du terme, la résiliation unilatérale lorsque le contrat est conclu sans

terme ou encore la résiliation bilatérale. L’extinction du contrat peut encore résulter de

circonstances extraordinaires. Sont des causes d’extinction extraordinaires la résiliation du

contrat pour inexécution, la survenance d’un cas de force majeure, l’exécution de la clause de

hardship ou encore l’atteinte portée à l’intuitus personae. La fin du contrat de franchise

entraîne la liquidation du lien contractuel et donne parfois lieu à un éventuel engagement de la

responsabilité de la partie auteur d’une rupture fautive. En outre, elle peut déclencher la prise

d’effet d’obligations post-contractuelles : obligation de non-concurrence, obligation de non-

réaffiliation, obligation de confidentialité, obligation de reprise des stocks et, enfin, obligation

de payer une indemnité dite de clientèle.

MOTS – CLEFS : Arrivée du terme extinctif - Résiliation - Responsabilité - Obligation de non concurrence -

Obligation de non affiliation - Obligation de confidentialité - Reprise des stocks - Indemnité

de clientèle

SUMMARY

The termination's causes of a Franchise Agreement are generally classified into ordinary

causes and extraordinary causes. Ordinary causes include the end of the contractual term

without renewal, rescission by either party and bilateral termination. Regarding extraordinary

causes, they include the unilateral termination of the agreement due to any event of Force

Majeure or hardship or affecting the intuitus personae. Whatever the termination's causes,

some legal obligations shall arise thereafter. Beside the obligation of liquidation, there are

some other obligations including mainly the obligation of non-competition, the obligation of

non-affiliation with any third party, the obligation of confidentiality, the obligation to return

back stocks and the obligation of indemnity.

KEYWORDS:

Ordinary causes - Extraordinary causes - Legal Obligations: Liquidation - Non competition -

Non-affiliation - Returning Stocks -Indemnity.

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SOMMAIRE Introduction

PARTIE I - LES CAUSES D’EXTINCTION DU CONTRAT DE FRANCHISE.

Titre I - Les causes d’extinction ordinaires

Chapitre I - Extinction du contrat de franchise par l’arrivée du terme extinctif

Chapitre II - Extinction du contrat de franchise par la résiliation

Titre II - Les causes d’extinction extraordinaires

Chapitre I - Extinction anticipée du contrat de franchise pour cause d’inexécution

Chapitre II- Extinction anticipée du contrat de franchise pour cause autre que l’inexécution

PARTIE II - LES EFFETS DE L’EXTINCTION DU CONTRAT DE FRANCHISE

Titre I - La responsabilité de l’auteur de la rupture du contrat

Chapitre I - Réparation en nature

Chapitre II - Réparation par une allocation de dommages-intérêts

Titre II - La naissance de nouvelles obligations à la charge des parties

Chapitre I - Obligations incombant au franchisé

Chapitre II - Obligations incombant au franchiseur

CONCLUSION GENERALE

BIBLIOGRAPHIE

NDEX

TABLE DES MATIERES

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INTRODUCTION

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2

1. Conception de la fin du contrat. Expression consacrée en doctrine et en

jurisprudence, la fin du contrat peut être entendue de différentes façons. Certains

retiennent une conception large de la fin du contrat1. Ils estiment que celle-ci

correspond à toutes les hypothèses où un contrat, notamment un contrat de franchise,

valable ou nul, prend fin. Ainsi, selon eux, la nullité est une cause d’extinction du

contrat de franchise.

Une telle conception large de la fin du contrat ne sera pas retenue dans notre

étude. La fin du contrat doit, à notre sens, être limitée aux seules hypothèses où un

contrat de franchise valable prend fin. Peu importe la cause de cette fin. En effet,

contrairement à ces auteurs, nous estimons que la nullité ne constitue pas une cause

d’extinction du contrat en général et le contrat de franchise tout particulièrement. Celle-

ci est une sanction de la formation du contrat. Elle intervient pour sanctionner

l’existence d’un défaut originaire2. Le contrat de franchise nul est dès sa formation non

valable. Il n’a aucune valeur juridique. Par conséquent, il n’a pu être générateur

d’aucune obligation3. Quod Nullum est nullum producit effectum4

. De là, le contrat de

franchise nul n’a pas à s’éteindre. Si, éventuellement, ce contrat produit certains effets

dans la pratique avant que le juge prononce son annulation, ces effets doivent

disparaître de manière rétroactive, car il n’y a pas en réalité de contrat mais une

apparence de contrat qui engendre des effets que le juge prend en compte, non en tant

que découlant d’une situation juridique -le contrat valablement formé-, mais en tant que

résultant d’une situation de fait5.

1 M.-E. ANDRE, M -P. DUMONT, Ph. GRIGNON, L’après -contrat, Edition Francis Lefebvre 2005, n°

34, p. 41 ; J.- M. LELOUP, La franchise, Droit et pratique, Delmas, 4e édition, 2004, n° 2002, p.317 et s.

2 M. BEHAR-TOUCHAIS, Extinction du contrat : les causes, J.-C1. Contrats Distribution, fasc. 175, n°2,

p.7. 3 Ibid.

4 V. A. PIEDELIEVRE, Quelques réflexion sur la maxime « Quod nullum est nullum producit

effectum », in Mélanges P. Voirin, 1976, p.638. 5 V. C. GUELFUCCI-THIBIERGE, Nullité, restitution, et responsabilité, LGDJ 1992, préface J. Ghestin,

n° 736, p. 425 et s. V. aussi, L. LEVENEUR, Situation de fait et droit privé, LGDJ 1990, préface M.

Gobert.

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3

Il faut toutefois noter que la solution n’est pas absolue. Il peut arriver, dans

certaines hypothèses, que la nullité puisse constituer une véritable cause d’extinction du

contrat de franchise. Il en est ainsi lorsqu’elle intervient pour sanctionner un contrat de

franchise valablement formé. Une telle hypothèse a été déjà retenue dans l’arrêt Prodim-

Duval. Dans cet arrêt, les juges ont prononcé la nullité d’un contrat de franchise

valablement formé pour exploitation abusive par le franchiseur de la situation de

dépendance économique dans laquelle se trouve son franchisé6. Pour autant, une telle

hypothèse, qui illustre à quel point le droit de la concurrence perturbe les règles du droit

commun des obligations7, est sur le plan pratique rare. Aussi, nous excluons la nullité

comme cause d’extinction du contrat de franchise.

2. Aperçu historique et développement du contrat de franchise. Le contrat de

franchise est un contrat né aux Etats-Unis sous le nom de franchising8. Ses origines se

trouvent dans le développement de l’industrie automobile sous l’effet de la législation

anti-trust prohibant la vente directe des véhicules par les constructeurs aux utilisateurs.

En France, un engouement entoure la franchise. Il s’explique par l’attrait de la

nouveauté ainsi que par le vent de défaveur qui, dans le même temps, soufflait sur la

concession commerciale9.

6 Cass. com., 16 décembre 1997, Bull. civ, IV, p.291, n° 337 ; D. 1998, somm., p. 338, obs. D. FERRIER.

En l’espèce, un franchiseur avait conclu avec l’un de ses franchisés à la fois un contrat de franchise et un

contrat de location-gérance. Plus tard, le franchisé avait assigné le franchiseur en annulation du contrat de

franchise pour abus de dépendance économique. Les juges du fond lui ont donné gain de cause et déclaré

nul le contrat de franchise. Le franchiseur s’est pourvu en cassation en demandant la censure de l’arrêt

d’appel. Sourde à ses arguments, la Chambre commerciale a rejeté le pourvoi en décidant que : « Justifie sa décision d’annuler un contrat de franchise pour abus de dépendance économique, la cour d’appel qui retient qu’après la conclusion des contrats de location - gérance et de franchisage, le franchiseur avait obtenu du franchisé qu’il lui abandonne les services administratifs et comptables de son magasin, en contrepartie d’une redevance majorée, qu’il avait mis en place un système de commande informatisée ne permettant pas au franchisé de connaître d’ avance le prix d’achat des marchandises, qu’il avait aussi obtenu de celui-ci une délégation de pouvoirs et de signature bancaire, à la faveur de laquelle il laissait systématiquement impayées quelques factures auprès d’autres fournisseurs, afin de l’amener à ne contracter qu’avec lui, et que le franchisé ne pouvait se soustraire à sa volonté, la dénonciation du contrat de franchise devant avoir pour inévitable conséquence la dénonciation du contrat de location – gérance, cette circonstances le privant de trouver des solutions alternatives pour obtenir d’autres sources d’approvisionnement ». 7 Sur ce point, v. M. MALAURIE-VIGNAL, Droit de la concurrence et droit des contrats, D. 1995, p. 51 :

« Aucun contrat ne semble échapper à l’emprise du droit de la concurrence : les contrats de distribution, franchise, concession …, mais aussi le prêt, le courtage, ou le contrat de conseil, ou le contrat de sous-traitance en relèvent ». V. aussi, J. MESTRE et B. FAGES, L’emprise du droit de la concurrence sur le

contrat, RTD com. 1998, p. 71. 8 V. Ph. Le TOURNEAU, Les contrats de franchisage, Litec, 2007, n° 1 et s.

9 Ibid.

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4

Aujourd’hui, le contrat de franchise connaît un développement remarquable. Il

existe, non seulement dans le domaine de la restauration rapide, des services des

groupes hôtels, de la commercialisation des produits de beauté, mais aussi dans le

domaine de l’entretien automobile, des conseils matrimoniaux, de la location de

voitures, de la vente de vêtements et enfin dans le domaine du transport aérien10

. La

franchise embrasse en effet toutes les activités liées à la fourniture de biens ou de

services aux consommateurs, ce qui peut parfois entraîner une confusion entre le contrat

de franchise et d’autres contrats voisins.

3. Définition du contrat de franchise. Définir un contrat de franchise, c’est permettre

de le qualifier. La qualification est une question cruciale, non seulement en ce qu’elle

commande le régime juridique applicable à la convention11

, mais aussi pour l’identifier

parmi les nombreux contrats voisins du domaine de la distribution.

Le contrat de franchise est un contrat par lequel un franchiseur, titulaire d’une

marque et d’un savoir-faire économique ou technique éprouvé, s’engage à

communiquer au franchisé l’usage de ces éléments, moyennant le paiement d’un droit

d’entrée et d’une redevance, afin de reproduire la réussite commerciale qu’il a connue

dans son activité12

. C’est donc un accord ou une méthode de réitération13

. Ainsi défini,

le contrat de franchise repose donc sur trois éléments qui sont les suivants : la mise à

disposition des signes de ralliement de la clientèle de la part du franchiseur au franchisé,

la communication de son savoir-faire et son assistance technique et commerciale. Ces

éléments sont essentiels. C’est grâce à eux, et surtout grâce à l’élément du savoir-faire,

défini comme « un ensemble d’informations pratiques non brevetées, résultant de

l’expérience du franchiseur et testées par celui-ci, ensemble qui est secret, substantiel et

identifié »14

, qu’il est possible de distinguer le contrat de franchise d’autres contrats

voisins.

10

V. D. PIALOT, Le guide de la franchise, L’express 2006, p.12 et s. 11

Sur la question de la qualification du contrat, F. TERRE, L’influence de la volonté individuelle sur les

qualifications, LGDJ, 1957, préface R. LE BALLE. 12

V. D. FERRIER, Le droit de la distribution, Litec, 4e édition, 2006, n° 672, p. 301.

13 Ibid.

14 Règlement .n°4087/ 88, art .1-3.

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5

4. Le contrat de franchise et les autres contrats de la distribution. Parce qu’il

entraîne la transmission des signes de ralliement de la clientèle et la communication du

savoir-faire et une assistance technique et commerciale, le contrat de franchise se

distingue du contrat de concession. Si celui-ci implique la mise à disposition d’un nom

commercial, de symboles, ainsi qu’une assistance commerciale de la part du concédant

au concessionnaire, il ne fait toutefois pas référence à l’existence d’un savoir-faire.

Il ne crée aucune obligation de transmission de connaissances propres à l’activité

au concessionnaire15

. En d’autres termes, contrairement au contrat de franchise, le

contrat de concession ne nécessite pas la communication de savoir-faire. Le contrat de

franchise se distingue aussi du contrat d’agence commerciale. Dans ce dernier, l’agent,

bien qu’il soit juridiquement indépendant, agit au nom et pour le compte de son

mandant, alors que, dans le contrat de franchise, le franchisé est un commerçant

indépendant agissant en son nom et pour son propre compte16

. Dans le même ordre

d’idée, le contrat de franchise ne doit pas confondre avec le contrat de distribution

sélective. Dans ce dernier, dont le recours est fréquent surtout dans le domaine du luxe,

du prestige17

un fournisseur s’engage à approvisionner dans un secteur déterminé un ou

à plusieurs commerçants18

. Le contrat de distribution sélective n’emporte ni utilisation

de la même enseigne, ni communication de savoir-faire.

En outre, la franchise est une technique de réitération alors que la distribution

sélective est une technique de distribution. Malgré leur nature et leur objet différents, le

contrat de franchise a un trait commun avec le contrat de concession et le contrat de

distribution sélective en ce qu’il est un contrat innommé.

15

Cass. com., 4 juin 2002, pourvoi n° 99-19464. 16

V. F.-L. SIMON, L’identification du contrat de franchise, in Le contrat de franchise : un an d’actualité,

numéro spécial, LPA, 2007, n° 229, p. 9. 17

Le recours aux contrats de distribution sélective en matière de luxe et de prestige s’explique par la

volonté du fournisseur que la marque distribuée ne soit pas dévalorisée par certains modes de

commercialisation tels, par exemple, par la vente en hypermarché. V. C. LEBEL, A. CASALONGA et C.

MENAGE, La distribution des produits de luxe, LGDJ, 1990. 18

V. J.-P. VIENNOIS, La distribution sélective, Litec 1999, préface D. Ferrier.

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6

5. Les contrats de franchise sont des contrats innommés. Fruit de la liberté

contractuelle, issu de la pratique commerciale, de « l’anxiété conquérante mais

désordonnée des gens d’affaires »19

, le contrat de franchise est un contrat innomé, c'est-

à-dire qui ne fait l’objet d’aucun régime légal spécifique, contrairement à l’agent

commercial et au VRP20

. Il vit en effet de la seule sève de la théorie générale des

contrats21

. Par conséquent, la fin du contrat de franchise est régie par les règles du droit

commun des contrats22

. Le régime juridique de la cessation des relations contractuelles

entre franchiseur et franchisé dépend donc de ce que le contrat de franchise est conclu

pour une durée indéterminée ou pour une durée déterminée.

6. Contrat de franchise à durée indéterminée : extinction par la résiliation

unilatérale. Généralement, les contrats de franchise sont conclus pour une durée

déterminée23

. Toutefois, cela ne signifie absolument pas que les contrats de franchise ne

peuvent pas être conclus sans durée24

. Les parties peuvent librement ne pas fixer un

terme extinctif de leur relation contractuelle et conclure un contrat non limité dans le

temps25

. Cela arrive souvent soit parce que le franchiseur et le franchisé envisagent, dès

le début, d’établir une relation longue dont la durée ne peut être fixée de manière exacte

lors de la conclusion du contrat, soit parce qu’ils ont prolongé leur contrat initial -ce qui

est fréquemment le cas- au-delà du terme pour lequel il a été stipulé sans fixer un terme.

19

J.-M. LELOUP, La création des contrats par la pratique commerciale, in L’évolution contemporaine du

droit des contrats, PUF, 1986, p.167. 20

V. J. BEAUCHARD, La nécessaire protection du concessionnaire et du franchisé à la fin du contrat, in

Libre droit, Mélanges. Ph. Le Tourneau, Dalloz, 2008, p. 37. 21

M. CABRILLAC, Remarques sur la théorie générale du contrat et les créations récentes de la pratique

commerciale, Mélanges. G. Marty, Toulouse, 1978, p.235 et s. 22

J. BEAUCHARD, La nécessaire protection du concessionnaire et du franchisé à la fin du contrat,

op.cit. V. également, Ph. STOFFEL-MUNCK, La rupture du contrat et le droit de la distribution, in Le

contrat électronique au cœur du commerce électronique, Le droit de la distribution : droit commun ou

droit spécial, LGDJ, Université, Poitiers, Coll. Faculté de droit et des sciences sociale, 2005, p.177. 23

Infra n° 24 et s. 24

T. com. Paris. Juris-Data n° 2006-314 649 ; CA Paris, 2 avril 2003, Juris-Data, n° 2003-211259 ; CA

Paris, 27 novembre 1985, Juris-Data n° 1985-027632. 25

Le recours au contrat de franchise à durée indéterminée peut, en effet, se concevoir dans les domaines

qui n’exigent pas la réalisation par les parties, et notamment par le franchisé, d’énormes investissements

en vue de l’exploitation de la franchise. Tel est, par exemple, le cas dans le domaine des conseils

matrimoniaux, fiscaux et juridiques. V. Infra n° 99 et s.

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7

Toutefois, il faut noter que lorsqu’un contrat de franchise est conclu sans durée

limitée, le principe est la résiliation unilatérale du contrat. Le franchiseur et le franchisé

liés par un contrat de franchise à durée indéterminée peuvent alors librement et

unilatéralement rompre leur contrat chaque fois qu’ils jugent opportun de dénouer le

lien qu’ils avaient noué26

. Chacun d’entre eux dispose, en cela, d’un droit de résiliation

unilatérale27

, sous réserve de ne pas abuser de son droit et de respecter un délai de

préavis28

. Ce droit de résiliation unilatérale, doté désormais d’une valeur

constitutionnelle29

et ayant un caractère d’ordre public30

, se justifie par le principe de la

prohibition des engagements perpétuels31

. Outre ce fondement classique de la protection

de la liberté contractuelle conçu comme « l’âme du contrat »32, le droit de résiliation

unilatérale dans les contrats à durée indéterminée s’explique par la volonté de préserver

la concurrence au sein du marché.

Comme le relèvent certains auteurs, « la théorie de la concurrence fournit

aujourd’hui une justification supplémentaire à la prohibition des engagements

perpétuels : un tel engagement constitue en effet une formidable barrière à l’entrée sur

le marché qui empêche les agents économiques qui seraient en mesure de devenir des

contractants de se porter candidats à une relation contractuelle en raison de

l’indissolubilité des liens préexistants. La rente de situation dont bénéficient ainsi les

contractants ayant pénétré antérieurement sur le marché est un facteur très important

d’inefficacité économique »33.

26

M. BEHAR-TOUCHAIS et G. VIRASSAMY, Les contrats de la distribution, LGDJ, 1999, n° 332, p.

151 ; J. MESTRE, Résiliation unilatérale et non –renouvellement dans les contrats de distribution, in La

cessation des relations contractuelles d’affaires, PUAM 1997, p.13, et spéc., p.19 ; D. LEGEAIS,

Franchise, J.-C1. Commercial, 2001, fasc. 333, n° 66, p. 18.

27 J. MESTRE, Résiliation unilatérale et non -renouvellement dans les contrats de distribution, op.cit,

p.19. 28

Infra n° 79 et s. 29

Cons-const 9 novembre 1999, déci n° 99 - 419 DC, JO 16 novembre 1999, p.16962 ; RTD civ. 2000,

p.109, obs. J. MESTRE et B. FAGES : « Considérant que, si le contrat est la loi commune des parties , la liberté qui découle de l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et citoyen de 1789 justifie qu’un contrat de droit privé à durée indéterminée puisse être rompu unilatéralement par l’un ou l’autre des contractants , l’information du contractant, ainsi que la réparation du préjudice éventuel résultant des conditions de la rupture ,devant ,toutefois ,être garanties ». 30

J. AZEMA, La durée des contrats successifs, LGDJ, préface R. Nerson, n°192, p.153. 31

Ibid. 32

G. ROUHETTE, La force obligatoire du contrat : Rapport français, in Le contrat aujourd’hui :

comparaisons Franco-Anglaises, sous la dir. D. Tallon et D. Harris, LGDJ 1987, p. 28, n° 2. 33

MM. L.- J. VOGEL, « Vers un retour des contrats perpétuels ? Evolution récente du droit de la

distribution », Contrats. conc. consom., Août Septembre, 1991, p.1. V, aussi, M. BEHAR-TOUCHAIS et

G. VIRASSAMY, Les contrats de la distribution, LGDJ, 1999, n° 332, p. 151 ; A. VAN EECKHOUT,

RDC 2004, p.192.

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8

Le principe est donc la libre rupture unilatérale dans les contrats de franchise à

durée indéterminée, ce qui n’est pas le cas s’agissant des contrats de franchise à durée

déterminée.

7. Contrat de franchise à durée déterminée : extinction du contrat par l’arrivée du

terme. Si le temps apparaît comme un support ou comme une substance dans tous les

contrats de collaboration34

, il en est ainsi notamment pour les contrats de franchise. Ces

contrats sont fréquemment conclus pour une durée déterminée. Cette limitation de la

durée du contrat de franchise s’explique par son économie35

. Dans ce genre de contrats,

les parties -notamment le franchisé- effectuent des investissements parfois énormes

pour l’exploitation de la franchise. Par conséquent, elles veulent donc stabiliser leurs

relations pour amortir ces investissements. Cela s’explique aussi par le fait que le

contrat de franchise contient souvent des obligations, telle que l’obligation d’exclusivité

dont la limitation dans la durée est une condition indispensable de validité.

Quelle que soit la raison amenant les parties à limiter dans le temps leur relation

contractuelle, lorsqu’un contrat de franchise est affecté par un terme extinctif, ce contrat

prend fin à l’arrivée de ce terme36

.La réalisation de celui-ci produit un effet « couperet »

37 sur le lien contractuel liant le franchiseur au franchisé. Il met fin au contrat de

franchise pour l’avenir, sans remettre en cause les effets que le contrat a valablement

produits dans le passé. En effet, en l’absence de clause de renouvellement, chacune des

parties retrouve sa liberté contractuelle à l’échéance du terme. Aucune d’elles ne

bénéfice d’un droit au renouvellement du contrat expiré à l’échéance38

.

34

V. P. HEBRAUD, Observations sur la notion du temps dans le droit civil, in Mélanges P. Kayser,

PUAM, 1979, t.II, p.1. 35

L’économie du contrat peut renvoyer aussi bien à la structure qu’au contenu du contrat ou au but

commun des contractants ou enfin à l’équilibre contractuel. Sur cette notion, v. S. PIMONT, L’économie

du contrat, PUAM, 2004, préface J. Beauchard. 36

Infra n° 24 et s 37

C. BLOUD -REY, Le terme dans le contrat, PUAM 2003, préface. P.-Y. Gautier, n° 541, p.461 et s. 38

M. MALAURIE-VIGNAL, Droit de la distribution, Sirey, 2006, n° 651, p.177 et s ; D.

FERRIER, Droit de la distribution, Litec, 4e édition, 2006, n° 709, p. 316, et s ; J.-M. LELOUP, La

franchise, Droit et pratique, Delmas 4e

édition, 2004, n° 332 ; J.-M. MOUSSERON, Technique

contractuelle, par P. MOUSSERON, J. RAYNARD, J.-B. SEUBE, Edition Francis Lefebvre, 3e édition,

2005, n° 1276, et s, n° 1285, et s ; Ph. STOFFEL-MUNCK, La rupture du contrat et le droit de la

distribution, in Le contrat électronique au cœur du commerce électronique, Le droit de la distribution :

droit commun ou droit spécial, LGDJ, 2005, Collection de l’Université de Poitiers collection de la Faculté

de droit et des sciences sociale, p.177, et spéc., n° 12,p.185 ; J. MESTRE, Résiliation unilatérale et non–

renouvellement dans les contrats de distribution, in La cessation des relations contractuelles d’affaires,

PUAM, 1997, p.13 ; D. FERRIER, Franchise, Rép. com .Dalloz 1996, n° 84, p.13 ; Ph. Le TOURNEAU,

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9

Le franchiseur peut librement refuser de renouveler le contrat de franchise arrivant

à son terme et conclure un autre contrat avec un autre franchisé. Il peut même proposer

au même franchisé de conclure un nouveau contrat moins favorable que le précédent39

.

Ce dernier ne saurait se plaindre de cela puisqu’il ne dispose d’aucun droit au

renouvellement. La jurisprudence considère que le refus de renouvellement du contrat à

son terme ne constitue pas un abus mais l’exercice d’un droit de ne pas contracter40

. Le

principe est donc le primat de la liberté contractuelle41

. Une telle solution est-elle

justifiée ? Pourquoi ne pas reconnaître au franchisé un droit au renouvellement du

contrat à son terme tant qu’il satisfait correctement à ses engagements ? Outre l’arrivée

du terme extinctif, le contrat de franchise peut prendre fin par la résiliation bilatérale.

8. Extinction du contrat de franchise par la résiliation bilatérale. En vertu du

principe de la liberté contractuelle, le franchiseur et le franchisé peuvent convenir de

résilier bilatéralement leur relation contractuelle sans pour autant qu’ils soient tenus

d’attendre le terme extinctif qu’ils ont contractuellement fixé. Pour cela, il leur suffit de

conclure un accord dit mutuus dissensus ayant pour objet de faire disparaître le contrat

de franchise initial. Mode original d’extinction, ce mutuus dissensus, qui ne porte pas

atteinte au principe de la force obligatoire du contrat, a l’avantage d’offrir aux parties un

bon arrangement pour sortir du lien contractuel42

. « Pas de juge, pas d’avocat » - . On

se serre virilement la main et on se dit : adieu camarade » 43. Outre la résiliation

bilatérale, l’extinction anticipée du contrat de franchise peut parfois être due à la

survenance de divers événements.

Le franchisage, Economica, 1994, 48 ; D. FERRIER, La rupture du contrat de franchisage, JCP CI 1977,

II, 12441 ; THIERRY de HALLER, Le contrat de franchise en droit suisse, th., Lausanne 1977, p.121. 39

CA Paris 12 janvier 2005, LPA, 8 décembre 2005, n° 44, p.9, note. Y. MAROT. 40

Cass. com., 5 juillet 1994, pourvoi n° 92-17918 ; Contrats. conc. consom 1994, n° 219, comm. L.

LEVENEUR. CA Paris 12 janvier 2005, LPA, 8 décembre 2005, n° 44, p.9, note. Y. MAROT 41

V. D. MAZEAUD, La politique contractuelle de la Cour de cassation, in Libres propos sur les sources

du droit, Mélanges. Ph. Jestaz, Dalloz, 2006, p. 371. 42

E. PUTMAN, La révocation amiable, in La cessation des relations contractuelles d’affaires, PUAM

1997, p.125, et spéc., n°1, p.126. 43

P.-Y. GAUTIER, Rapport de synthèse, in La cessation des relations contractuelles d’affaires, PUAM

1997, p. 215, et spéc., n° 8, p. 221, et s.

Page 15: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

10

9. Extinction anticipée du contrat de franchise pour cause d’inexécution ou

d’atteinte à l’intuitus personae. Certains événements liés aux parties peuvent survenir,

lors de la vie du contrat de franchise, et mettre fin à celui-ci de manière précoce. Parmi

ces événements, on peut citer l’inexécution par l’une des parties de ses obligations. Le

contrat de franchise est en effet un contrat synallagmatique.

Il crée des obligations à la charge des deux parties. Le franchiseur est tenu de

transmettre au franchisé sa marque, ses signes distinctifs, son savoir-faire et son

assistance technique et commerciale44

. Il peut aussi être tenu, vis-à-vis du franchisé

d’une obligation d’approvisionnement exclusif, d’une obligation de ne pas modifier

unilatéralement la stratégie du réseau45

….

Corrélativement, le franchisé s’engage à payer au franchiseur un droit d’entrée et

des redevances convenues calculées souvent en fonction du chiffre d’affaires, de

respecter les normes du réseau, et de ne pas concurrencer le franchiseur lors de

l’exécution du contrat46

. Si l’un d’eux manque à l’une des obligations que le contrat met

à sa charge, l’autre peut mettre fin au contrat. En pareille hypothèse, deux voies sont

offertes au franchisé ou au franchiseur, victime d’une inexécution, pour faire cesser les

relations contractuelles le liant au contractant défaillant. Il peut s’adresser au juge et lui

demander l’anéantissement du contrat. Si le juge, dont le pouvoir d’appréciation est

souverain, estime que le manquement reproché au contractant défaillant est

suffisamment grave, il prononce la résiliation ou la résolution à ses torts accompagnée

même parfois de dommages et intérêts. Le juge peut même prononcer la résiliation ou la

résolution du contrat de franchise aux torts partagés des deux parties. Il en est ainsi

lorsqu’il constate que l’inexécution est imputable à leur faute respective47

. Le

contractant, dont le contrat de franchise n’a pas été exécuté, peut aussi résilier

unilatéralement et de manière anticipée le contrat que celui-ci contienne une clause

résolutoire ou non.

44

Infra n° 118et s. 45

Infra n° 123 et s. 46

Infra n° 126 et s. 47

Infra n° 125 et s.

Page 16: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

11

A cet égard, la jurisprudence admet, depuis 1998, qu’une partie à un contrat à

durée déterminée puisse y mettre fin unilatéralement, avant même l’arrivée du terme,

lorsque son cocontractant manque gravement à ses obligations48

. La résiliation

unilatérale du contrat, qui était hier une exception limitée à certaines hypothèses49

, est

devenue aujourd’hui un principe alternatif ou même concurrent à celui de la résiliation

judiciaire50

.

Toutefois, il est à rappeler que si une partie à un contrat de franchise à durée

déterminée peut aujourd’hui rompre unilatéralement le contrat avant même l’échéance

du terme pour lequel il a été stipulé, cette rupture unilatérale se fait à ses risques et

périls. Cela signifie que le cocontractant qui a subi la résiliation peut saisir a posteriori

le juge pour contester la régularité de la résiliation. Dans le cas éventuel où la résiliation

paraît injustifiée, la responsabilité de son auteur sera engagée51

.

Les évènements liés aux parties, qui sont susceptibles d’entraîner l’extinction

anticipée du contrat de franchise, ne se limitent pas seulement à l’hypothèse de

l’inexécution fautive du contrat. Ils peuvent aussi comprendre les hypothèses où il y a

une atteinte à l’intuitus personae. En effet, le contrat de franchise est par nature conclu

intuitus personae52.

48

Cass. civ., 1er

, 13 octobre 1998, D. 1999, p.197, note. Ch. JAMIN ; D. 1999, somm. comm.,115, note

Ph. DELEBECQUE ; Defrénois.1999 , p .374 , note. D. MAZEAUD. Cass. civ., 1er

, 20 février 2001,

Defrénois 2001, p. 705, note. E. SAVAUX; RTD civ. 2001, p. 363, J. MESTRE et B. FAGES ; D. 2001,

p. 1568, obs. Ch. JAMIN. 49

Infra n° 198 et s. 50

Ch. JAMIN, not. sous. Cass. civ., 1er

, 20 février 2001, op.cit., p.1569 : « L’utilisation d’une même formule signifie donc clairement que la première Chambre civile entend non point s’en tenir à une exception, mais bien poser un principe concurrent à celui qui existe quand la résolution est prononcée par le juge ». 51

V. P. STOFFEL-MUNCK, Le contrôle a posteriori de la résiliation unilatérale, in Rupture unilatérale

du contrat : vers un nouveau pouvoir, Dr et patr. mai 2004, n° 126, p.70. Egalement, Ch. ATIAS, « Les

« risques et périls » de l’exception d’inexécution : limites de la description normative », Dalloz, 2003,

doc.1103. 52

Y. MAROT, L’intuitus personae, L’officiel de la franchise, février 2008, n° 78, p.130 ; Ph. Le

TOURNEAU, Les contrats de franchisage, Litec, 2007, n° 329 ; M. MALAURIE-VIGNAL, Droit de la

distribution, Sirey, 2006, n° 728, p.199 et s ; D. FERRIER, Droit de la distribution, Litec, 4e édition,

2006, n° 713, p. 317 et s ; J. -M. LELOUP, La franchise, Droit et pratique, Delmas, 4e édition, 2004, n°

1505, p. 266 ; L. GIMALAC et S. GRAC, La franchise, Guide juridique et pratique, Puitsfleuri, 2003,

p.18 ; D. MATRAY, Introduction générale, in Le contrat de franchise, Bruylant, 2001, séminaire organisé

à Liège Le 29 septembre 2000, p.7, et spéc., p.23 et s ; Ch. ATIAS, Le contentieux de la franchise,

Analyse Loyers, 1996, n° 331 ; F. COLLART-DUTILLEUL, Ph. DELEBECQUE, Contrats civils et

commerciaux, Précis Dalloz, 7e édition, 2004, n° 956, p.935 ; J.-M. MOUSSERON, Technique

contractuelle, par P. MOUSSERON, J. RAYNARD, J.-B. SEUBE, Edition Francis Lefebvre, 3e édition,

2005, n°1186. D. KARJESKI, L’intuitus personae dans les contrats, th., Toulouse, 1998, n 173, p.171.

Page 17: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

12

Cet intuitus personae, dont la notion est « insaisissable »53

, « à géométrie

variable »54

, et dont l’image classique se manifeste traditionnellement dans les contrats

à titre gratuit55

, signifie que le contrat est conclu en considération de la personne du

contractant56

. La prise en compte de la personnalité du contractant dans le contrat de

franchise s’explique, outre par le principe de la liberté contractuelle57

, par la nature

assez spécifique de ce type de contrat. Celui-ci entraîne une licence de marque, une

communication du savoir-faire et une assistance technique et commerciale, ce qui

implique, par conséquent, une collaboration et une confiance très étroite entre les parties

afin de mettre en place un système homogène de distribution.

Certes, l’intuitus personae a pour effet d’assurer la bonne exécution du contrat de

franchise58

. Cependant, il n’est pas sans inconvénient. Parce qu’il exige l’exécution

personnelle du contrat de franchise, l’intuitus personae fragilise les relations

contractuelles. Le contrat de franchise peut prendre fin, à tout moment au cours de son

exécution, lorsqu’il y a disparition du contractant ou modification dans l’une de ses

qualités prise en compte lors de la conclusion du contrat. En dehors de l’intuitus

personae, il convient de noter que les événements entraînant l’extinction anticipée du

contrat de franchise sont parfois extérieurs aux parties.

10. Extinction du contrat pour cause de force majeure ou cas d’hardship. Le

contrat de franchise -comme tout contrat- est un « pari sur l’avenir »59. Il peut parfois

subir « les meurtrissures du temps »60

. En effet, certains événements extérieurs aux

parties peuvent survenir, au cours de la vie du contrat de franchise, et mettre fin à celui-

ci. Parmi ces événements extérieurs, on peut citer les cas de force majeure ayant le

caractère de l’irrésistibilité, de l’imprévisibilité et de l’extériorité.

53

L. AYNES, La cession de contrat, Economica, 1984, préface Ph. Malaurie, n° 331. 54

Ph .Le TOURNEAU, Contrat intuitu personae, J- C1. Contrats- distribution, 1998, fasc. 420, n° 34. 55

J. GHESTIN, Traité de droit civil, La formation du contrat, LGDJ 1993, n° 537, p. 501. 56

V. M. CONTAMINE-RAYNAUD, L’intuitus personae dans les contrats, th., Paris II 1974 , n° 28,

p.33. 57

M-E. ANDRE, L’intuitus personae dans les contrats entre professionnels, in Mélanges. M. Cabrillac,

Dalloz 1999, p.23, et spéc., n° 16, p. 31 et s. 58

M. CONTAMINE – RAYNAUD, th., précitée, n° 208 , p.301. C. PRIETO, Evénement affectant la

personne de la société contractante, in La cessation des relations contractuelles d’affaires, PUAM 1997, p.

n°5 p.84. 59

R. FABRE, Les clauses d’adaptation dans les contrats, RTD civ. 1983, p. 1, n° 3. 60

P. DURAND, La tendance à la stabilité du rapport contractuel, LGDJ, 1960, préface, p. III.

Page 18: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

13

La survenance de tels événements rend impossible l’exécution du contrat de

franchise par l’une des parties, ce qui entraîne, par la suite, son extinction anticipée. A

l’impossible nul n’est tenu : « impossibilium nulla obligatio », « ce qui est

insupportable ne peut être de droit »61. Dans cette hypothèse, le contrat de franchise

devient caduc en raison de la disparition d’un élément essentiel tenant à son objet, sauf

en présence d’une clause prévoyant sa résiliation62

. A cet égard, on souligne que les

contrats de franchise, notamment les contrats de franchise internationaux63

, contiennent

souvent une clause dite clause de force majeure prévoyant la possibilité de résiliation du

contrat par le franchisé ou le franchiseur empêché d’exécuter.

On peut également citer les cas de hardship. Ceux-ci rendent non pas impossible

l’exécution du contrat de franchise -comme c’est le cas de la force majeure-, mais

seulement difficile et très coûteuse pour l’une des parties. Ainsi, ils peuvent, dans

certaines hypothèses, entraîner la résiliation du contrat de franchise et donc son

extinction. La résiliation n’est pas toutefois de plein droit. Contrairement à certains

droits étrangers, le droit français ne retient pas la théorie de l’imprévision. A défaut

d’une clause de hardship prévoyant la renégociation des termes du contrat déséquilibré

ou, en cas d’échec, sa résiliation, la jurisprudence considère que celui-ci doit être

maintenu en dépit même de la difficulté d’exécution qu’il pose à l’une des parties64

.

11. La protection des parties lors de la fin du contrat : le recours à la théorie de

l’abus par la jurisprudence. Conçu comme un contrat de situation en ce sens qu’il est

déterminant pour la vie d’une entreprise ou son niveau d’activité65

, l’extinction du

contrat de franchise, quelle que soit sa cause, modifie profondément la situation

commerciale des partenaires, et notamment celle du franchisé qui se trouve souvent en

position d’infériorité économique. La situation de ce dernier en cas de résiliation ou de

refus de renouvellement est désastreuse, ne serait-ce qu’en raison de sa dépendance

économique quasi-totale à l’égard du franchiseur.

61

H. ROLAND et L. BOYER, Adages du droit français, Litec, 4e édition, 1999, n° 18, p.25.

62 Article 26 B du contrat modèle CCI de franchise internationale de distribution.

63 Sur le contrat de franchise internationale, v. H. KENFACK, La franchise internationale, th., Toulouse I,

1996. 64

Infra n °197 et s. 65

M. CABRILLAC, Remarques sur la théorie générale du contrat et les créations récentes de la pratique

commerciale, Mélanges. G. Marty, Toulouse, 1978, p.235 et s.

Page 19: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

14

Comme le relève le Professeur Beauchard, si « le contrat est rompu ou n’est pas

renouvelé à son terme, il est rare que le franchisé ou le concessionnaire puisse se

reconvertir facilement ou même survive économiquement. Le concessionnaire qui perd

sa concession ne peut céder un fonds de commerce, puisque le fonds n’a pratiquement

aucune valeur sans le contrat. La reconversion même de ses locaux n’est pas toujours

facile et ne se fait jamais sans nouveaux investissements. Le franchisé qui perd son

contrat, ne peut lui non plus céder son fonds de commerce. Et, en général, il ne peut

même pas céder son droit au bail puisque celui-ci, dans la plupart des cas, ne peut

l’être qu’à un successeur dans le fonds. Sans compter que le contrat comporte

fréquemment une clause de non-concurrence »66

.

Sensibles aux conséquences économiques auxquelles s’exposent les franchisés en

fin de contrat, certains auteurs ont plaidé pour la reconnaissance en leur faveur d’un

droit d’indemnisation en fin de contrat à l’instar des agents commerciaux67

. Selon eux,

cette indemnité de fin de contrat peut se justifier par l’intérêt commun par lequel est

caractérisé le contrat de franchise comme le contrat de concession. Toutefois, la

jurisprudence n’est pas encore en ce sens. Elle se contente toujours d’appliquer la

théorie de l’abus afin de protéger les intérêts des parties au contrat de franchise. Elle

considère que le franchiseur n’est tenu d’aucune indemnité à payer au franchisé évincé

du réseau en raison du non-renouvellement du contrat ou de sa résiliation, sauf en cas de

rupture abusive ou brusque68

.

A cet égard, il est à noter que, soucieux de la protection des intérêts du franchisé et

du concessionnaire, certains auteurs appellent à l’instauration à la charge du franchiseur

et du concédant d’une obligation de motivation lors du non-renouvellement du contrat

ou lors de sa résiliation.

66

J. BEAUCHARD, La nécessaire protection du concessionnaire et du franchisé à la fin du contrat, in

Libre droit, Mélanges Ph. Le Tourneau, Dalloz, 2008, p. 37. 67

J. BEAUCHARD, La nécessaire protection du concessionnaire et du franchisé à la fin du contrat,

op.cit., p. 48. V. aussi, F- X. LICARI, La protection du distributeur intégré en droit français et allemand,

Bibliothèque de droit de l’entreprise, Litec, 2002, préface C. Witz, p. 563, et s. Plus récemment, F- X.

LICARI, « L’application par analogie du droit de l’agence commerciale, fondement possible de la

reconnaissance d’une indemnité de fin de contrat au concessionnaire et au franchisé », RLDA. 2007,

n°13, p.93 ; A. BRUNET, Clientèle commune et contrat d’intérêt commun, in Mélanges. A. WeilL,

Dalloz, Litec, 1983, p.85 ;T. HASSLER, L’intérêt commun, RTD com. 1984, p.581. 68

Infra n° 364 et s.

Page 20: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

15

Mais, la jurisprudence refuse, au moins jusqu’alors, de retenir une telle obligation

de motivation. Elle affirme que le principe est la liberté du franchiseur de ne pas

renouveler un contrat de franchise à son échéance ou de le résilier unilatéralement

lorsqu’il est conclu sans durée. Les juges se contentent généralement de contrôler les

circonstances entourant la rupture du contrat de franchise, et d’engager la responsabilité

de l’auteur de la rupture du contrat dans la mesure où il se révèle que cette rupture est

intervenue dans des circonstances abusives ou fautives. La responsabilité de celui-ci

peut être contractuelle. Elle peut aussi être de nature délictuelle fondée sur l’article L.

442- 6 du Code de commerce.

12. L’article L. 442-6 du Code de commerce. La stabilisation des relations

commerciales et la protection des intérêts des parties lors de l’extinction de celles-ci est

toujours un sujet de préoccupation, tant pour la jurisprudence que pour le législateur69

.

A cette fin, ce dernier a édicté en 1996 une loi appelée loi Galland70

. Cette loi modifie

l’article 36 de l’ordonnance du 1er

décembre 1986. Elle crée de nouveaux délits civils

concernant la rupture brutale des relations commerciales établies et l’obtention

d’avantages manifestement dérogatoires sous la menace d’une rupture de ces relations.

Les dispositions de cette loi ont été modifiées par la loi sur les nouvelles régulations

économiques NRE du 15 mai 200171

. L’ensemble de ces dispositions est désormais

codifié à l’article L.442-6, I, 5° c.com72

.

69

D. MAZEAUD, Durées et Ruptures, in Durée et exécution du contrat, RDC. 2004, p. 129, n° 5 : « (…)

la question de la rupture du contrat est aujourd’hui au cœur des préoccupations du législateur, qu’elle est le terreau de moult turbulences jurisprudentielles et le ferment de controverses doctrinales ».V.

également, J. BEAUCHARD, Stabilisation des relations commerciales : la rupture de relations

commerciales continues, LPA 5 janvier 1998, n° 2, p. 14 et s. 70

L. n° 96-588, 1er

juillet 1996, JO 3 juillet 1996, p.9983. 71

L. n° 2001-420, 15 mai 2001, JO 16 mai 200, p.7776. Sur l’ensemble de cette loi, v. M.-E.

PANCRAZI, « La moralisation des pratiques commerciales », Dr. et patr. 2001, n°99, p.65. V. aussi, M.

PEDAMON, Nouvelles règles relatives à la rupture des relations commerciales établies, Bull. d’actualité

Lamy Droit économique, décembre 2001, p.1. 72

V. M. MALAURIE-VIGNAL, L’article L.442-6 du code de commerce, une disposition restée lettre

morte ?,Contrats. conc. conso., 2006, n° 6, p.10.

Page 21: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

16

Cet article dispose qu’ : « Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à

réparer le préjudice causé le fait par tout producteur, commerçant, industriel ou

personne immatriculée au répertoire des métiers de rompre brutalement, même

partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la

durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis

déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords

interprofessionnels (…)»73. Selon cet article, le franchiseur qui met fin à une relation

commerciale établie sans respecter un délai de préavis suffisant engagera sa

responsabilité délictuelle74

. La même protection se trouve retenue dans certains droits

étrangers.

13. La protection des parties à la fin du contrat en droit comparé. Certains droits

étrangers préfèrent protéger les intérêts des parties, et notamment ceux du franchisé par

le recours à la théorie de l’abus. Soucieux de la protection de la liberté du franchiseur,

ils retiennent comme principe que le franchisé n’a pas droit au maintien du contrat. Par

conséquent, il ne bénéfice pas d’une indemnité en cas de refus de renouvellement du

contrat ou en cas de résiliation, sauf s’il prouve que ce refus ou cette résiliation

intervient de manière fautive. Tel est la position du droit saoudien 75

et de certains États

des États-Unis76

. D’autres droits, à l’inverse, se montrent plus soucieux de la protection

du franchisé. Ils considèrent que ce dernier dispose d’un droit au maintien du contrat.

Sauf manquement grave de sa part, le franchisé dispose d’un droit au renouvellement du

contrat ou, à défaut, d’une indemnité.

73

Sur cet article, v. S. REGNAULT, Guide de la rupture des relations commerciales établies, LRDC

2008, n° 45, D. FERRIER, L’article L.442-6-I, 5°, du Code de commerce s’applique à toute forme de

rupture brutale de tout type de relations commerciales , D. 2003, p.2433 ; D. MAINGUY, Les mystères

de la rupture brutale de relations commerciales établies, JCP E 2003, n°51, p.1792 ; A. GRIZAU

« Rupture brutale des relations commerciales : Réflexion sur les premiers cas d’application de l’article

L.442-6 », in Dossier Contrats de distribution L’équilibre enfin trouvé ?, Droit et patrimoine. 2003,

n°116, p.71 ; D. MAINGUY, L’esprit et la lettre du nouvel article L.442-6, du Code de commerce », JCP

E 2002, n° 28, p.1729. 74

S. REGNAULT, Guide de la rupture des relations commerciales établies, LRDC 2008, n° 45. 75

Infra n° 70 et s. 76

Infra n° 69 et s.

Page 22: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

17

Telle est la position du droit russe 77

et de certains autres États des États-Unis78

. Il

convient, enfin, de noter que l’extinction du contrat de franchise -comme tout contrat-

entraîne certains effets juridiques à l’égard des parties.

14. Mise en jeu de la responsabilité du contractant lors de l’extinction du

contrat. Il y a toujours un lien fort entre le contrat et la responsabilité. Tous les

deux sont « les piliers de l’économie libérale »79, et « objets d’une régularisation

de marché »80

. En matière de contrat de franchise, l’extinction de celui-ci donne

parfois lieu à la mise en jeu de la responsabilité de l’un des contractants. En cas de

rupture abusive ou brusque du contrat de franchise, le franchiseur ou le franchisé

voit sa responsabilité engagée. Le contractant, victime d’une rupture fautive, peut

obtenir une réparation du préjudice qu’il a subi. En pareille hypothèse, le juge

dispose, en effet, d’un pouvoir souverain dans la détermination du mode de

réparation du préjudice qui lui paraît le plus approprié. Il peut opter pour la

réparation en nature en condamnant l’auteur de la rupture à maintenir le contrat

fautivement rompu et donc en l’obligeant à continuer d’exécuter ses obligations81

. Il

peut, au contraire, opter pour la réparation par équivalent à travers la condamnation

de l’auteur de la rupture fautive à payer des dommages et intérêts au contractant

victime, ce qui est généralement le cas. Quant au montant des dommages et intérêts,

celui-ci est évalué par le juge en fonction du gain manqué dont a été privé le

franchisé ou le franchiseur, victime d’une rupture fautive du contrat, et de la perte

qu’il a subie82

.

Toutefois, le juge est tenu, lors de l’évaluation du montant des dommages et

intérêts de respecter le principe de la réparation intégrale du préjudice, sinon sa

décision sera censurée par la Cour de cassation83

.

77

Infra n° 72 et s. 78

Infra n° 68 et s. 79

V. M-A. FRISON-ROCHE, La redécouverte des « piliers du droit » : le contrat et la responsabilité, in

Les transformations de la régulation juridique, LGDJ, 1998, p.277, et spéc., n° 7,p. 281. 80

Ibid. 81

Infra n° 268 et s. 82

Infra n° 276 et s. 83

Ex. Cass. 2e civ., 25 septembre 2002, n° 00-21. 614 ; Cass. 1

er civ., 3 juin 1997, n° 95 -11. 308 ; RTD

civ. 1998, p.121, obs. P. JOURDAIN ; Cass. 3e civ., 6 juin 1974, n° 72-13. 687. Sur le principe de la

réparation intégrale du préjudice de manière générale, v. C. COUTANT-LAPALUS, Le principe de la

réparation intégrale en droit privé, PUAM, 2002, préface Pollaud-Dulian.

Page 23: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

18

Dans certaines hypothèses, le montant des dommages et intérêts est déterminé

par les parties elles-mêmes. Le souci d’éviter toute évaluation arbitraire par le juge

des dommages et intérêts amène souvent le franchisé et le franchiseur à insérer dans

leur contrat une clause pénale prévoyant une indemnité forfaitaire dont le

contractant sera tenu en cas de rupture fautive du contrat84

. Ce forfait

d’indemnisation s’impose aux parties comme elle s’impose au juge. Néanmoins, ce

dernier a le pouvoir de réviser le montant de l’indemnité prévu au contrat s’il se

révèle manifestement excessif ou dérisoire par rapport au préjudice que le

contractant a subi. Outre la mise en jeu éventuelle de la responsabilité de l’auteur de

la rupture, l’extinction du contrat de franchise entraîne la liquidation contractuelle

entre les parties.

15. Liquidation contractuelle. L’extinction du contrat de franchise a un effet

abrogatif immédiat sur le rapport contractuel entre franchiseur et franchisé. Elle

implique la séparation contractuelle entre les parties. Ainsi, chacune des parties doit

restituer ce qu’elle a reçu de l’autre à l’occasion de l’exécution du contrat de

franchise. Le franchisé, par exemple, doit restituer les divers éléments matériels et

immatériels tels les documents et les matériels que le franchiseur lui a prêtés pour

l’exploitation de la franchise. La restitution doit en principe se faire en nature. Les

mêmes matériels spécifiques à la production remis au franchisé lors de la conclusion

du contrat doivent être restitués. Toutefois cette solution n’est pas absolue. La

restitution peut se faire par équivalent lorsqu’elle se révèle coûteuse pour le

franchisé85

. Quant au sort des stocks restant invendus lors de l’extinction du contrat

de franchise, ceux-ci restent à la charge du franchisé. Sauf clause contraire, et

hormis le cas d’une rupture fautive lui étant imputable, le franchiseur ne saurait être

tenu de reprendre les stocks invendus restant entre les mains du franchisé en fin de

contrat86

.

84

Infra n° 290 et s. 85

Infra n° 350. 86

Infra n°370 et s.

Page 24: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

19

Une telle solution favorable au franchiseur, retenue par certains droits étrangers et

réfutée par d’autres87

, est-elle satisfaisante ? N’est-elle pas incompatible avec la nature

même du contrat de franchise, qualifié de contrat d’adhésion dans lequel c’est le

franchiseur qui impose au franchisé une quantité de marchandises qu’il doit maintenir

pour mieux satisfaire la demande de la clientèle ? Si le franchiseur n’est pas tenu de

reprendre les stocks du franchisé dans le silence de celui-ci, il en va de même pour

l’indemnisation de la perte de clientèle à la fin du contrat.

16. Absence d’indemnisation de clientèle. A la fin de leur relation contractuelle, et

sauf manquement de leur part entraînant cette cessation, l’agent commercial et le V.R.P

reçoivent une indemnité qui compense la perte de la clientèle qu’ils subissent du fait de

la cessation de leur contrat88

. Les franchisés -comme d’ailleurs leurs homologues les

concessionnaires- regardent toujours avec envie à telle indemnité dont l’obtention leur

permettra sans doute de restreindre leur préjudice et d’assurer le plus rapidement leur

reconversion.

Malgré la faveur d’une partie de la doctrine à l’octroi d’une indemnité de clientèle

aux franchisés comme aux concessionnaires à la fin du contrat89

, la jurisprudence y

paraît réticente. Elle refuse fermement de reconnaître au concessionnaire, et par

analogie au franchisé, un droit à une indemnité de clientèle à l’instar de l’agent

commercial, au motif que le franchisé et le concessionnaire ont la qualité de

commerçant indépendant, contrairement à l’agent commercial qui est un mandataire90

.

87

Infra n° 386 et s. 88

V. Ph. GRIGNON, Le fondement de l’indemnité de fin de contrat des intermédiaires du commerce,

Bibliothèque de droit de l’entreprise, Litec, 2000, préface D. Ferrier et J.M. Mousseron, 256, p.239. 89

J. BEAUCHARD, La nécessaire protection du concessionnaire et du franchisé à la fin du contrat, in

Libre droit, Mélanges. Ph. Le TOURNEAU, Dalloz, 2008, p. 37, et spéc., p.48. V. aussi, F.-X. LICARI,

La protection du distributeur intégré en droit français et allemand, Bibliothèque de droit de l’entreprise,

Litec, 2002, préface C. Witz, p. 563, et s. Plus récemment, F.-X. LICARI, « L’application par analogie

du droit de l’agence commerciale, fondement possible de la reconnaissance d’une indemnité de fin de

contrat au concessionnaire et au franchisé », RLDA. 2007, n°13, p.93 ; G. VIRASSAMY, Les contrats de

dépendance, LGDJ, 1986, préface J. Ghestin, n° 304, p.246 ; J. GUYENOT, Licensing et franchising,

Gaz. Pal. 1976, 1, doctr., p.155, n°24. 90

F.-X. LICARI, La protection du distributeur intégré en droit français et allemand, Bibliothèque de droit

de l’entreprise,th., précitée. p.557. Egalement, Ph. GRIGNON, Le fondement de l’indemnité de fin de

contrat des intermédiaires du commerce, Bibl. dr. entr., Litec, 2000, préface D. Ferrier et J.-M.

Mousseron, 2000, 256, p.239, et la jurisprudence citée.

Page 25: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

20

Que le franchisé soit un commerçant indépendant qui travaille en son nom et pour

son compte, cela ne fait aucun doute. Il est vrai qu’il dispose d’un fonds de commerce et

d’une clientèle qui lui sont propres. Mais n’est-il pas aussi vrai que le franchisé, même

s’il garde sa clientèle, apporte au franchiseur une nouvelle clientèle, et donc ne mérite-t-

il pas une indemnité ? Enfin, on note que l’extinction du contrat de franchise entraîne

souvent la naissance de nouvelles obligations post-contractuelles. Ces obligations sont

souvent prévues au contrat, et dès sa conclusion, mais leurs effets juridiques sont

reportés jusqu’au jour de son extinction.

17. Relation post-contractuelle. La fin du contrat de franchise a en principe pour

conséquence d’abroger le rapport contractuel entre les parties. Le contrat perd sa force

obligatoire. Il ne peut plus donc produire de nouvelles obligations. Le franchiseur et le

franchisé redeviennent étrangers l’un de l’autre. S’ils continuent à entretenir une

relation, elle n’aura pas de lien avec leur contrat initial qui s’est déjà éteint. Il s’agit en

effet d’une relation de fait précaire, sauf en cas de conclusion d’un nouveau contrat.

Toutefois, il est des cas où le contrat organise parfois non seulement le

comportement actuel des parties, mais aussi leur comportement futur91

. Tel est le cas

lorsque le contrat prévoit, par exemple, des obligations qui restent à la charge d’une des

parties à son expiration. Il s’agit là de la période post- contractuelle. Parmi ces

obligations post-contractuelles, on cite l’obligation de confidentialité, l’obligation de

non-concurrence et de non-affiliation post-contractuelle que met le contrat de franchise

à la charge du franchisé92

. Ces obligations, visant à protéger le réseau du franchiseur,

doivent en effet, pour être valables, satisfaire certaines conditions. Ainsi, par exemple,

la clause de non-concurrence et la clause de non- affiliation post-contractuelle qui

doivent non seulement être limitées dans le temps et dans l’espace 93

et justifiées par

l’existence d’un intérêt légitime du franchiseur94

, mais aussi être proportionnelles par

rapport à l’intérêt du franchiseur qu’elles visent à protéger95

. Parfois elles doivent être

soumises au paiement d’une contrepartie financière96

.

91

Sur ce point v. A. SERIAUX, Le futur contractuel, in Le droit et le futur, PUF 1985, p.77 et s. 92

Infra n° 335 et s. 93

CA Caen, 3 novembre 2005, Juris-Data n° 2005-286650. 94

Ph. Le TOURNEAU, Les contrats de franchisage, Litec, 2e éd., 2007, n° 683, p.299.

95 Cass. com., 7 décembre 2007, n° 06-15.137.

96 Cass. com., 9 novembre 2007, D. 2008, p.388, obs. D. FERRIER ; JCP E 2008, 1020, note. N.

DISSAUX.

Page 26: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

21

Qu’il s’agisse d’une obligation de confidentialité post-contractuelle ou qu’il

s’agisse d’une obligation de non-concurrence ou de non-affiliation post-contractuelles,

une fois ces obligations remplis les conditions de leurs validités, le franchisé doit les

respecter, sinon sa responsabilité sera engagée. En cas d’éventuelle violation de l’une de

ses obligations, le franchisé évincé du réseau sera condamné à des dommages et intérêts

pour le préjudice qu’il a causé à son ancien franchiseur du fait de sa violation.

18. Enjeu de l’étude. En raison de multiples avantages qu’il présent, le contrat de

franchise se développe de manière remarquable presque dans tous les domaines. Or, ce

développement ne manque pas de susciter des véritables problèmes pour les parties,

notamment lors de l’extinction du contrat. D’où paraît l’intérêt de l’étude de la fin du

contrat de franchise.

D’ailleurs, une étude portant sur la fin du contrat de franchise permet de révéler

quelles sont les différentes difficultés techniques que rencontrent les parties à la fin de

leur relation contractuelle. Quels sont les événements dont la survenance provoque la

cessation du contrat de franchise ? Comment les parties gèrent le risque de la

survenance de tels événements fragilisant la stabilité des relations contractuelles ?

L’étude de la fin du contrat permet aussi de savoir si les instruments et les règles du

droit commun sont suffisants pour protéger les intérêts des parties, notamment le

franchisé qui se trouve en situation d’infériorité et qui s’expose parfois à la mort

commerciale une fois qu’il a perdu le contrat. De même, par quelle méthode de

réparation, le préjudice résultant de la rupture abusive ou fautive du contrat de franchise

sera-t-il réparé? Enfin, quels sont les instruments contractuels auxquels le franchiseur et

le franchisé ont recours pour se protéger après la fin du contrat ? Autant de questions

que suscite la fin du contrat de franchise.

Page 27: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

22

Parce que dans la majorité des hypothèses, le contentieux suscité par la fin du

contrat de franchise se trouve autour de sa source et de ses effets, la présente étude sera

divisée en deux parties. La première sera portée sur les causes d’extinction du contrat de

franchise (première partie ), tandis que la deuxième traitera des effets de l’extinction

du contrat de franchise ( deuxième partie )

PREMIERE PARTIE - LES CAUSES D’EXTINCTION DU CONTRAT DE

FRANCHISE.

DEUXIEME PARTIE - LES EFFETS D’EXTINCTION DU CONTRAT DE

FRANCHISE

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23

PARTIE I - LES CAUSES D’EXTINCTION DU CONTRAT DE

FRANCHISE

Page 29: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

24

19. Diversité de causes d’extinction. Forme d’association commerciale structurée, le

contrat de franchise se définit comme une méthode de collaboration entre deux parties

juridiquement indépendantes, le franchiseur, d’une part, et le franchisé, d’autre part. Le

franchiseur, promoteur du réseau, confère à son franchisé le droit de réitérer sa réussite

à l’aide de ses signes de ralliement de la clientèle, de son savoir-faire, et de son

assistance technique et commerciale. En contrepartie, le franchisé paie un droit d’entrée

et une redevance. Fruit de la pratique contractuelle, le contrat de franchise établit donc

entre les parties une relation durable qui est fondée sur la confiance et la collaboration

réciproques. Cette relation peut durer autant d’années qu’ils en sont satisfaits.

Toutefois, cette relation n’est pas éternelle. Comme tout contrat, le contrat de

franchise doit un jour prendre fin. L’extinction du contrat de franchise a des causes

diverses. Elle provient, le plus souvent, de la survenance du terme extinctif. D’autant

plus qu’une partie importante des contrats de franchise est conclu pour un temps limité

ou une durée déterminée. Sauf une clause ou un accord organisant le renouvellement du

contrat de franchise pour une nouvelle durée contractuelle, celui-ci s’éteint à l’arrivée

du terme pour lequel il a été conclu. Cependant, si l’écoulement du temps ou l’arrivée

du terme extinctif est la cause la plus fréquente de l’extinction des contrats de franchise,

il n’est pas la seule. La cessation des relations contractuelles entre franchiseur et

franchisé peut résulter de la résiliation conventionnelle ou bilatérale du contrat de

franchise. Le franchiseur et le franchisé peuvent, à tout moment, faire disparaître leur

contrat, que celui-ci soit conclu pour une durée déterminée ou une durée indéterminée.

L’extinction du contrat de franchise découle aussi de sa résiliation par l’une des parties

lorsque celui-ci est conclu pour une durée indéterminée. Dans ce dernier cas, chacune

des parties dispose d’un droit d’y mettre unilatéralement fin puisque le principe est la

prohibition des engagements perpétuels.

Page 30: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

25

A ces causes d’extinction du contrat de franchise, que nous avons évoquées ci-

dessus, d’autres peuvent s’ajouter. En effet, la fin du rapport contractuel peut trouver

son origine dans la survenance de certains évènements. Ces évènements peuvent être

liés aux parties. Il en est ainsi en cas d’inexécution fautive par l’une des parties de ses

obligations. Cet évènement entraîne souvent la rupture judiciaire ou unilatérale du

contrat de franchise. De même, lorsqu’il y a atteinte à l’intuitus personae du contractant

permettant la destruction anticipée du contrat de franchise. Ils peuvent aussi être

extérieurs aux parties. Tel est, par exemple, le cas de la survenance d’un évènement de

force majeure ou de cas de hardship entraînant la cessation du contrat de franchise. Au

regard de ce qui vient d’être dit, on constate que les causes d’extinction du contrat de

franchise varient selon le cas pour lequel elles sont intervenues. Certaines causes

d’extinction du contrat de franchise sont prévues par les parties, et par conséquent, on

peut les qualifier de causes d’extinction ordinaires (Titre I). D’autres, au contraire, sont

imprévues, ce qui nous amène à les qualifier de causes d’extinction extraordinaires

(Titre II).

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26

TITRE I – LES CAUSES D’EXTINCTION ORDINAIRES

Page 32: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

27

20. Fin typique des relations contractuelles. Il arrive, dans certaines hypothèses que

les contrats de franchise soient inscrits dans la durée. Cette durée varie de cinq ans

jusqu’à vingt ans selon le secteur concerné. Cette limitation dans le temps s’explique

souvent par l’économie du contrat de franchise. La réalisation de l’opération envisagée

étant lourde et complexe, elle exige l’écoulement d’un temps d’une certaine longueur.

Toutefois, lorsque le contrat de franchise est conclu pour une durée déterminée, ce

contrat prend fin à l’expiration de cette durée. L’arrivée du terme extinctif met fin au

rapport contractuel liant le franchiseur au franchisé (Chapitre I). Ce n’est là qu’une

cause d’extinction naturelle du contrat de franchise. Il en est de même pour la résiliation

du contrat de franchise qui intervient en dehors de tout idée d’inexécution de la part

d’une des parties de ses obligations (Chapitre II).

Page 33: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

28

CHAPITRE I – EXTINCTION DU CONTRAT DE FRANCHISE PAR

L’ARRIVÉE DU TERME

21. Comparaison. L’extinction des relations contractuelles entre franchiseurs et

franchisés à l’échéance du terme est toujours une source de difficulté. Les franchisés

évincés du réseau par le non-renouvellement de leur contrat à l’échéance -comme les

concessionnaires- se plaignent de leur situation précaire. Ils invoquent souvent les

investissements énormes qu’ils ont réalisés pour l’exploitation de la franchise pour se

faire reconnaître un droit au renouvellement du contrat à leur profit ou, tout au moins,

une indemnité. De leur côté, les franchiseurs soutiennent que, pour l’efficacité de leurs

réseaux, ils doivent être libres de ne pas renouveler un contrat expiré. Face à un

problème d’équilibre entre deux intérêts antagonistes, nous allons voir quelles sont les

solutions apportées par le droit français (Section I). Ensuite, nous allons les comparer à

celles retenues par certains droits étrangers (Section II).

Page 34: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

29

SECTION I – LES SOLUTIONS DU DROIT FRANÇAIS

22. Principe et tempéraments. Lorsqu’un contrat de franchise est conclu pour une

durée déterminée, ce contrat prend fin à l’expiration de cette durée. Sauf clause

contraire, le principe est l’absence d’un droit au renouvellement du contrat (§ 1).

Toutefois, ce principe supporte souvent des tempéraments en pratique (§ 2).

§ 1. Le principe de l’absence d’un droit au renouvellement du contrat

23. Plan. S’il est de jurisprudence constante que le principe est que le franchisé ne

bénéfice pas d’un droit au renouvellement du contrat venu à expiration, (A), ce principe

mérite néanmoins d’être soumis à appréciation (B).

A. Principe bien établi

24. Terme extinctif. L’économie du contrat impose parfois que certaines relations

contractuelles soient conclues dans la durée97

. Il en est ainsi en matière de contrats de

franchise. En effet, l’examen de la pratique montre que la quasi-totalité des contrats de

franchise sont conclus pour une durée déterminée98

.

97

Sur la durée dans le contrat, v. C. BLOUD-REY, Le terme dans le contrat, PUAM 2003, préface. P.-Y.

Gautier ; L. LAWSON-BODY, Réflexion sur la distinction entre le terme extinctif et le terme suspensif,

LPA, 2002, n°169, p.3 ; E. PUTMAN, Le temps et le droit, in Dossier Le droit face au temps, Dr. patr.

2000, n° 78, p.43 ; M. NOSSEREAU, Le terme, modalité de l’obligation, Dossier Le droit face au temps,

op.cit., p.50 ; T. BONNEAU, La durée dans les contrats, J- CI Contrats et distribution, 1990, fasc. 70 ; I.

PETE, La durée d’efficacité du contrat, th., Montpellier I, 1984 ; J -M. MOUSSERON, La durée dans la

formation des contrats, in Mélanges. A. Jauffret, PUAM, 1974 ; J. AZEMA, La durée des contrats

successifs, LGDJ 1969, préface. R. Nerson ; H. ROLAND, Regards sur l’absence de terme extinctif dans

les contrats successifs, in Mélanges. Voirin, 1967, p. 47. 98

V.D. FERRIER, Droit de la distribution, Litec, 4e édition, 2006, n° 709, p.316, et s ; D. MATRAY,

Introduction générale, in Le contrat de franchise, Bruylant, 2001, séminaire organisé à Liège Le 29

septembre 2000, p.7 ; J. BEAUCHARD, Droit de la distribution et de la consommation, PUF 1996, p.186

J.-P. CLEMENT, Le contrat de franchise en droit français, in Les contrats de distribution commerciale en

droit belge et en droit français, Bruxelles-Larcier, 1996, sous la dir. B. PINCHART et J. TRIAILLE, p.

119, et spéc., p. 149. R. BALDI, Le droit de la distribution commerciale dans l’Europe communautaire,

Bruylant 1988, p.141.

Page 35: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

30

Cette durée varie de cinq à vingt ans selon le secteur concerné99

. Une telle

limitation de durée dans le contrat de franchise peut trouver à plusieurs raisons. Elle

peut s’expliquer par la volonté des parties d’assurer la stabilité de leur relation

contractuelle, notamment pour le franchisé à qui l’exploitation de la franchise impose la

réalisation d’investissements énormes. Elle peut aussi s’expliquer par le fait que le

franchiseur et le franchisé sont parfois enserrés dans une durée qui leur est imposée par

la loi et qu’ils ne peuvent pas dépasser, sous peine de voir leur contrat remis en cause. Il

en est ainsi de l’article L. 330-1 du Code de commerce -issu de la loi du 14 octobre

1943- qui limite à dix ans la durée maximale de validité des clauses d’exclusivité100

.

25. Effets du terme extinctif. Quelle que soit la raison amenant les parties à limiter

dans le temps leur relation contractuelle, lorsqu’un contrat de franchise est affecté par

un terme extinctif, ce contrat prend fin à l’arrivée de ce terme101

. La réalisation de celui-

ci produit un effet « couperet » 102

sur le lien contractuel liant le franchiseur au

franchisé. Il met fin au contrat de franchise pour l’avenir, sans remettre en cause les

effets qu’il a valablement produits dans le passé.

En effet, à l’échéance du terme, chacune des parties retrouve sa liberté

contractuelle. Aucune d’elles ne bénéfice d’un droit au renouvellement du contrat de

franchise à son échéance103

.

99

J.-P. CLEMENT, Le contrat de franchise en droit français, op.cit. 100

J.-M. LELOUP, La franchise, Droit et pratique, Delmas 4e édition, 2004, n° 2076, et s.

101 Sur le terme extinctif, v. C. BLOUD-REY, Le terme dans le contrat, PUAM 2003, préface. P.-Y.

Gautier. V .aussi, L. LAWSON-BODY, Réflexion sur la distinction entre le terme extinctif et le terme

suspensif, LPA, 2002, n°169, p.3. 102

V. C .BLOUD –REY, Le terme dans le contrat, PUAM 2003, préface .P.-Y. Gautier, n°541, p.461 et s. 103

Ph. Le TOURNEAU, Les contrats de franchisage, Litec, 2007, n° 652, p. 287 et s ; M. MALAURIE-

VIGNAL, Droit de la distribution, Sirey, 2006, n° 651, p.177 et s ; D. FERRIER, Droit de la distribution,

Litec, 4e édition, 2006, n° 709,p.316, et s ; J.- M. LELOUP, La franchise, Droit et pratique, Delmas 4

e

édition, 2004, n°332 ; J -M. MOUSSERON, Technique contractuelle, par P. MOUSSERON, J.

RAYNARD, J.-B. SEUBE, Edition Francis Lefebvre, 3e édition, 2005, n° 1276, et s, n° 1285, et s ; Ph.

STOFFEL-MUNCK, La rupture du contrat et le droit de la distribution, in Le contrat électronique au

cœur du commerce électronique, Le droit de la distribution : droit commun ou droit spécial, LGDJ, 2005,

Collection de l’ Université de Poitiers collection de la faculté de droit et des sciences sociale, p.177, et

spéc., n°12,p.185 ; J. MESTRE, Résiliation unilatérale et non–renouvellement dans les contrats de

distribution, in La cessation des relations contractuelles d’affaires , PUAM 1997, p.13 ; D. FERRIER,

« Franchise » Rép.com .Dalloz 1996, n°84, p.13 ; Ph. Le TOURNEAU, Le franchisage, Economica,

1994, 48 ; D. FERRIER, La rupture du contrat de franchisage, J CP CI 1977, II, 12441. ; THIERRY de

HALLER, Le contrat de franchise en droit suisse, th., Lausanne 1977, p.121.

Page 36: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

31

Le franchiseur peut donc librement refuser de renouveler le contrat expiré. Il peut

même proposer au franchisé de conclure un nouveau contrat moins favorable que le

précédent104

. Le franchisé ne saurait, en aucun cas, se plaindre puisqu’il ne dispose

d’aucun droit au renouvellement au contrat à son échéance. Cette solution est

constamment rappelée par la jurisprudence.

26. Illustrations jurisprudentielles. En effet, la Cour de cassation tient fermement au

principe de la liberté de ne pas renouveler un contrat à l’arrivée de son terme. Elle

considère que si les parties sont libres de s’engager dans le contrat de franchise, elles

doivent aussi être libres de s’en désengager. Elle a affirmé, à plusieurs reprises, que le

non-renouvellement du contrat à expiration est un droit appartenant au franchiseur qui

peut le mettre en œuvre sans être tenu de motiver sa décision ou de verser une

indemnité, sauf exercice abusif de sa part. C’est ce qui a été jugée par la Chambre

commerciale de la Cour de cassation dans un arrêt du 5 juillet 1994105

.

En l’espèce, un contrat de franchise a été conclu entre la société Centre de Beauté

de Faucigny (le franchisé) et la société Laboratoire de biologie végétale Yves Rocher (le

franchiseur) pour une durée de cinq ans à compter du 24 mai 1987. Ce contrat prévoyait

une remise de trente et un pour cent sur le prix figurant sur le catalogue adressé aux

distributeurs franchisés. Courant mai et juin 1988, la société franchiseur Yves Rocher a

adressé au franchisé des correspondances pour l’informer qu’elle réduisait la marge qui

lui était consentie à cinq pour cent pour une durée limitée. Or, le franchisé a refusé

d’appliquer ces nouvelles conditions. Suite à ce refus, le franchiseur a informé le

franchisé qu’il ne renouvellerait pas le contrat le 30 juin 1992, date de son échéance.

Estimant injustifié ce refus de renouvellement, le franchisé a assigné le franchiseur en

paiement des dommages et intérêts pour refus abusif de renouvellement. Le franchisé

invoquait devant les juges du fonds que le refus de renouvellement du franchiseur était

dicté par une intention de nuire, une malveillance et que ce dernier avait abusé de l’état

de dépendance économique dans lequel il se trouvait pour lui imposer des modifications

injustifiées du contrat.

104

CA Paris 12 janvier 2005, LPA, 8 décembre 2005, n° 44, p.9, note. Y. MAROT. 105

Cass. com., 5 juillet 1994, 1994, pourvoi n° 92-17918 ;Contrats. conc. consom.,1994, n° 219, comm.

L. LEVENEUR.

Page 37: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

32

Cependant, sa demande a été rejetée par les juges du fond qui ont retenu

qu’aucune faute ne pouvait être reprochée au franchiseur dans l’exercice de son droit de

ne pas renouveler un contrat venu à expiration. Le franchisé n’a pas renoncé et s’est

pourvu en cassation. Or, la Chambre commerciale a rejeté son pourvoi en décidant

ainsi : « Mais attendu que l’arrêt, après avoir rappelé que le non-renouvellement d’un

contrat à durée déterminée ne constitue pas une rupture des conventions commerciales

lorsque celles-ci ont pris fin en application de la convention, ce qui exclut qu’il y ait

rupture, retient qu’il n’apparaît pas que la contribution aux actions de promotion

demandée par le franchiseur aux franchisés et acceptée par un grand nombre d’entre

eux , ait été commercialement injustifiée et que le franchisé ne justifiait pas que, du fait

de l’activité déployée et des dépenses faites par lui en exécution du contrat, le refus de

renouvellement du contrat par le franchiseur ait présenté le caractère d’un abus de

droit ou de sa malveillance ; que par ces constatations et appréciations, la cour d’appel

a procédé à la recherche prétendument omise ; d’où s’ensuit que le moyen n’est pas

fondé ».

Cette solution, qui n’est que l’application du droit commun des contrats, affirmée en

matière de contrats de concession depuis longtemps106

, a été ultérieurement reprise par

deux décisions. La première a été rendue par le tribunal de commerce de Paris le 6 mai

1997107

. Dans ce jugement, les faits étaient les suivants. Un contrat de franchise a été

conclu en vue de la distribution des lunettes créées par le franchiseur pour une durée de

cinq ans. Faute d’aboutir à un accord sur de nouvelles conditions pour la poursuite du

contrat, ni sur les conditions du rachat du fonds par le franchiseur lors de l’échéance du

terme, celui-ci a refusé de renouveler le contrat et a établi à proximité du fonds du

franchisé un nouveau point de vente. Estimant injustifié le non-renouvellement du

contrat de franchise par le franchiseur, le franchisé l’a assigné en rupture abusive et en

concurrence préjudiciable. Sur le premier point, le tribunal a rejeté la demande en

décidant que le refus par le franchiseur de renouveler le contrat à expiration ne constitue

pas un abus mais un simple exercice de son droit contractuel.

106

Cass. com., 31 janvier 2006, pourvoi n° 03-13.739 ; Cass. com., 9 juillet 1952, RTD com. 1953, p.720,

obs. J. HEMARD ; Cass. com., 6 janvier 1987, Bull .IV, n°7 ; Cass. com., 5 avril 1994, Bull .IV, n° 149

; Cass. com., 25 avril 2000, D. 2001, somm.. 3237 .obs. D. MAZEAUD; RTD civ. 2002, p. 99, obs. J.

MESTRE et B. FAGES. 107

T. com. Paris, 6 mai 1997, LPA 31 août 2000, n° 174, p. 4, obs. Y. MAROT.

Page 38: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

33

Sur le second, le tribunal a accepté la demande du franchisé et condamné le

franchiseur à payer des dommages et intérêts pour le préjudice qu’il a causé au

franchisé du fait de l’ouverture d’un point de vente à proximité de son fonds de

commerce. La deuxième décision a été rendue par la Cour d’appel de Paris le 12 janvier

2005108

. En l’occurrence, un contrat de franchise de location de véhicule a été conclu

entre un franchiseur (la société Ada) et un franchisé (la société Soixante) pour une durée

de cinq ans. Ce contrat contenait une clause prévoyant que « dans les six mois

précédant l’arrivée du terme, les parties se concerteront pour envisager la possibilité

d’un renouvellement et en discuter les éventuelles conditions et modalités ». Suivant

cette clause, la société franchiseur avait communiqué par courrier à la société franchisée

le nouveau contrat type en vigueur ainsi qu’un exemplaire du dossier d’information

précontractuelle requis par la loi Doubin du 31 décembre 1989 (devenu l’article L.330-3

du code de commerce). Il était précisé que cette communication était faite en vue de

« préparer l’éventuel renouvellement ».

Toutefois, le 26 octobre 1998, le franchiseur informait le franchisé qu’il ne

renouvelait pas le contrat et lui proposait en revanche de bénéficier d’une franchise

corner109

. Ce dernier a refusé cette proposition. Il s’estimait lésé par le comportement

jugé déloyal et de mauvaise foi de son franchiseur. Le franchisé l’a alors assigné en

dommages et intérêts pour la perte de la valeur du fonds exploité et les investissements

commerciaux et publicitaires réalisés. Or, sa demande a été rejetée par les juges du

fond. La Cour d’appel de Paris a retenu que si le contrat de franchise contenait bien une

disposition selon laquelle dans « les six mois précédant l’arrivée du terme les parties se

concerteront pour envisager la possibilité d’un renouvellement et en discuter les

éventuelles conditions et modalités », cette disposition ne créait, cependant, nullement

l’obligation de conclure un nouveau contrat d’autant plus que le franchiseur n’était pas

tenu de renouveler le contrat.

108

CA Paris, 12 janvier 2005, LPA, 8 décembre 2005, n° 44, p. 9, note. Y. MAROT. 109

La franchise corner, désignée parfois sous le vocable franchise de stand ou franchise de comptoir,

présente toutes les caractéristiques d’une franchise normale. Le franchisé qui en bénéficie gère un espace

plus restreint dans une structure commerciale plus vaste où se trouvent présentées diverses marques

(grands magasins, aéroport). Celui-ci dispose également d’une exclusivité à l’intérieur de cet espace, mais

il est exposé à la concurrence très proche des autres stands. Cette technique est particulièrement présente

dans le domaine du luxe. Sur l’ensemble de la question, v. L. GIMALAC et S. GRAC, La franchise,

Guide juridique et pratique, Puitsfleuri, 2003, p.26 et s.

Page 39: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

34

Elle a rappelé que le non-renouvellement est un droit contractuel pour le

franchiseur qui n’engage sa responsabilité qu’en cas d’exercice abusif de sa part.

27. Prétention au renouvellement fondée sur la perte des investissements réalisés.

Parce qu’ils doivent investir humainement, intellectuellement et financièrement dans la

franchise, les franchisés ont du mal à admettre que tout puisse s’éteindre en si peu de

temps110

. Certains d’entre eux prétendent donc devant les juges, afin d’obtenir le

renouvellement de leur contrat ou, tout au moins, une indemnité compensatrice, qu’ils

n’ont pas pu amortir les investissements qu’ils ont mis en place pour l’exploitation de la

franchise en raison de la rupture du contrat par le franchiseur111

. Or, les juges rejettent

généralement leurs arguments en considérant que le franchisé est un commerçant qui

doit mesurer les risques de son activité commerciale parmi lesquels figure l’éventuelle

perte des investissements.

28. Prétention au renouvellement fondée sur l’interdiction de l’abus de dépendance

économique. Face au rejet quasi systématique de la part de la jurisprudence des

arguments fondés sur la perte des investissements mis en place pour l’exploitation de la

franchise, les franchisés ont changé leur politique de défense. Ils sollicitent parfois

l’abus de dépendance économique afin de remettre en cause le non-renouvellement du

contrat par le franchiseur.

La dépendance économique n’est pas, en effet, répréhensible en elle-même, mais

c’est l’abus de cette dépendance qui l’est puisqu’il porte atteinte au jeu normal de la

concurrence112

.

110

H. BENSOUSSAN, Le droit de la franchise, Apogée 1999, p, 198. 111

CA Aix-en-Provence, 7 octobre 1987, cité in Lamy économique 2007, n° 4412. 112

V. M. MALAURIE-VIGNAL, Précision sur la notion de dépendance économique au sens de l’article

L.442-6 du Code de commerce, Contrats. conc. conso., 2006, n° 7, comm. 133 ; M. GLAIS, La sanction

des abus de dépendance économique : entre désillusion et espoir , Contrats. conc. consom., 2006, n°12,

comm. 25 ; Ph. Le TOURNEAU, Les contrats de franchisage, Litec, 2007, n° 457, p.165 ; J.-C. GRALL,

Distinction entre relation de dépendance et état de dépendance économique, Bulletin d’actualité, Lamy

droit économique, 2002, n°147, p.1; M. MALAURIE-VIGNAL, «La dépendance économique ne suffit

pas : il faut qu’il y ait exploitation abusive de la situation », Contrats. conc. conso., 2002, n°121 ; A.

PIROVANO et M. SALAH, «L’abus de dépendance économique : Une notion subversive?», LAP 1990,

n° 114, p. 4 et n° 115, p.4 ; J. THREARD et Ch. BOURGEON, Dépendance économique et droit de la

concurrence, Cah. dr. entr. 1987/ 2, p. 20.

Page 40: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

35

Cet abus se trouve de plus en plus marqué dans les relations d’affaires113

, et

notamment dans celles qui impliquent une intégration forte entre entreprises devenue

aujourd’hui une modalité d’organisation relationnelle114

. Il en va ainsi en matière de

contrat de franchise où les relations de dépendance 115

et l’intégration économique et

contractuelle entre deux partenaires juridiquement indépendants paraissent

indiscutables116

. Dans ce contrat, le franchisé, déçu de ne pas être maintenu dans le

réseau du franchiseur, prétend souvent qu’il a été victime d’une exploitation abusive de

la part de ce dernier de sa situation de dépendance économique117

. Il allègue que le non-

renouvellement du contrat est motivé par son refus de se soumettre à des conditions

commerciales injustifiées proposées par lui. Or, cette pratique abusive est prohibée par

l’article L.420-2 du Code de commerce118

.

113

A. KARIM, Essai de systématisation sur l’application de la théorie de l’abus de droit en matière

contractuelle, in Mélanges. Ph. Simler, Litec, Dalloz, 2006, p.587, n°2. L’auteur observe que : « depuis quelques années une augmentation des abus contractuels. Les contractants ont de plus en plus tendance à abuser de leur position économique, sociale voire intellectuelle afin de détourner leurs droits de contracter ou droits contractuels pour tirer des profits excessifs des contrats ». 114 A. CATHIARD, L’abus dans les contrats conclus entre professionnels, L’apport de l’analyse

économique du contrat, PAUM, 2006, préface X. Lagarde, n° 105, p.108 : « L’intégration constitue une modalité d’organisation relationnelle qui permet à l’un des professionnels d’imposer à son cocontractant une discipline ou une contrainte dans la conduite de l’échange. Les entreprises les plus puissantes, compte tenu de leur part de marché ou de la détention d’actifs spécifiques, placent leurs partenaires en état de subordination économique pour prescrire la politique de la relation. Ce mécanisme conduit à réduire substantiellement les coûts induits par le recours à la collaboration, dont la gestion implique des frais supplémentaires puisque, par définition, tous les opérateurs participent à la prise de décisions. Aussi, les agents économiques les plus importants se sont efforcés de mettre au point des processus contractuels garantissant l’intégration de leurs partenaires dans leurs propres structures. Ces arrangements conduisent le pôle intégrateur à placer sous tutelle son cocontractant en matière stratégique, organisationnelle ou opérationnelle. Ce dernier se trouve alors soumis à des moyens de pression et de coercition unilatéraux substantiels. L’exercice du pouvoir et la conduite de la relation se trouvent centralisés entre les mains d’un seul des professionnels, son partenaire lui étant subordonné ». 115

G. VIRASSAMY, Les contrats de dépendance, LGDJ, 1986, préface J. Ghestin, n°5, p.612. L’auteur

définit les relations de dépendance comme « une activité professionnelle dans laquelle l’un des partenaires, l’assujetti, se trouve tributaire pour son existence ou sa survie, de la relation régulière privilégiée ou exclusive qu’il a établie avec son cocontractant, le partenaire privilégie, ce qui a pour effet de le placer dans sa dépendance économique et sous sa domination ». 116

C. MARMUSE, «Le corbeau et le renard ou le paradoxe des relations entre fournisseurs et

distributeurs », in Fournisseurs et distributeurs : dépendance ou partenariat ?, LPA, n° 29 du 6 mars 1996,

p.16, et spéc., p.18 ;. «Dans le contrat de franchise, bien que les deux acteurs (franchiseur et franchisé) demeurent des entités juridiquement indépendantes, la spécificité des actifs concernés et l’objectif de contrôle qui est celui du franchiseur conduisent à une quasi-intégration économique et contractuelle, qui limite par un contrat unique, les coûts de transaction habituels entre fournisseurs et distributeur ». 117

V. par exemple, Cass. com., 5 juillet 1994, Contrats. conc. consom., 1994, n°219, comm. L.

LEVENEUR. 118

L’article L. 420-2 du Code de commerce prévoit : « est prohibée, dans les conditions prévues à l'article L. 420-1, l'exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d'entreprises d'une position dominante sur le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci. Ces abus peuvent notamment consister en refus de vente, en ventes liées ou en conditions de vente discriminatoires ainsi que dans la rupture de relations commerciales établies, au seul motif que le partenaire refuse de se soumettre à des conditions commerciales injustifiées Est en outre prohibée, dès lors qu'elle est susceptible d'affecter le fonctionnement ou la structure de la concurrence, l'exploitation abusive par une entreprise ou un groupe

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36

Pour pouvoir mettre en évidence cette pratique abusive, le franchisé doit tout

d’abord démontrer l’état de dépendance économique dans laquelle il se trouve. A ce

titre, il doit démontrer les quatre critères identifiant la situation de dépendance

économique 119

: la notoriété du franchiseur, l’importance de sa part du marché,

l’importance de la part du chiffre d’affaires réalisé avec lui dans le chiffre d’affaires

total de l’entreprise en situation de dépendance, et enfin l’impossibilité pour lui de

bénéficier d’une solution équivalente auprès d’un autre franchiseur120

.

En plus de la démonstration de la situation de dépendance économique, le

franchisé doit ensuite prouver qu’il y a une exploitation abusive par le franchiseur de la

dépendance économique dans laquelle il se trouve et que cette exploitation abusive

porte atteinte au jeu de la concurrence. Cette condition, critiquée par une partie de la

doctrine121

, est indispensable à la mise en œuvre de la sanction de l’abus de dépendance

économique122

. Cela s’explique par la dialectique et la finalité du droit de la

concurrence qui n’a pas pour objet la protection d’un concurrent particulier mais bien

celle du libre jeu de l’offre et de la demande sur un marché123

. Une fois toutes les

conditions requises pour la mise en œuvre de l’article L.420-2 du Code de commerce

réunies, le franchiseur, accusé d’avoir abusé de la situation de dépendance économique

du franchisé, ne pourra éviter la sanction que s’il prouve qu’il n’a pas commis d’abus.

d'entreprises de l'état de dépendance économique dans lequel se trouve à son égard une entreprise cliente ou fournisseur. Ces abus peuvent notamment consister en refus de vente, en ventes liées, en pratiques discriminatoires visées au I de l'article L. 442-6 ou en accords de gamme ». 119

V.M. MALAURIE-VIGNAL, Précision sur la notion de dépendance économique au sens de l’article

L.442-6 du Code de commerce, op.cit. M. GLAIS, La sanction des abus de dépendance économique :

entre désillusion et espoir », Contrats. conc. consom., 2006, n° 12, comm. 25. 120

Sur la condition de l’absence d’une solution équivalente, il est à noter qu’elle a été supprimée par la loi

du 15 mai 2001. Pour autant, la jurisprudence continue toujours d’en faire un élément déterminant pour

l’existence d’une situation de dépendance économique et donc pour l’application de l’article L. 420-2 du

Code de commerce. V. CA Paris, 8 mars 2006, Contrats. conc. conso., 2006, n°133, comm. M.

MALAURIE-VIGNAL; Cass. com., 7 janvier 2004, Juris-Data, n° 2004-022753. 121

J. THREARD et Ch. BOURGEON, Dépendance économique et droit de la concurrence, Cah. dr. entr.

1987/2, p. 20, et spéc., n° 15,p.23. 122

M. GLAIS, La sanction des abus de dépendance économique : entre désillusion et espoir, Contrats.

conc. consom., 2006, n°12, comm. 25 123

Ibid.

Page 42: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

37

Autrement dit, dans ces circonstances, le franchiseur est tenu d’une obligation de

motivation. Il ne doit pas se contenter de répondre qu’il n’a pas commis d’abus, mais il

doit nécessairement se justifier et préciser ses motifs pour combattre cette accusation124

.

A supposer que l’exploitation abusive par le franchiseur soit identifiée et que le juge ait

pu constater que le non-renouvellement est motivé, par exemple, par le refus par le

franchisé de soumettre à des conditions commerciales injustifiées, alors, trois

hypothèses sont envisageables. Ou bien, le juge sanctionne l’exploitation abusive par le

franchiseur par le prononcé de la nullité totale du contrat de franchise conformément à

l’article 420-2.

C’est ce qui a été jugé dans un arrêt du 16 décembre 1997125

. En l’espèce, un

franchiseur avait conclu avec l’un de ses franchisés à la fois un contrat de franchise et

un contrat de location-gérance. Plus tard, le franchisé avait assigné le franchiseur en

annulation de contrat pour abus de dépendance économique. Les juges du fond lui ont

donné gain de cause et déclaré nul le contrat de franchise pour abus de dépendance

économique. Le franchiseur s’est pourvu en cassation. Mais, la Chambre commerciale a

rejeté son pourvoi. Elle a déclaré que : « Justifie sa décision d’annuler un contrat de

franchise pour abus de dépendance économique, la cour d’appel qui retient qu’après la

conclusion des contrats de location- gérance et de franchisage, le franchiseur avait

obtenu du franchisé qu’il lui abandonne les services administratifs et comptables de son

magasin, en contrepartie d’une redevance majorée, qu’il avait mis en place un système

de commande informatisée ne permettant pas au franchisé de connaître d’avance le

prix d’achat des marchandises, qu’il avait aussi obtenu de celui-ci une délégation de

pouvoirs et de signateur bancaire, à la faveur de laquelle il laissait systématiquement

impayée quelques factures auprès d’autres fournisseurs, afin de l’amener à ne

contracter qu’avec lui, et que le franchisé ne pouvait se soustraire à sa volonté, la

dénonciation du contrat de franchise devant avoir pour inévitable conséquence la

dénonciation du contrat de location-gérance, cette circonstance le privant de trouver

des solutions alternatives pour obtenir d’autres sources d’approvisionnement »

124

J. THREARD et Ch. BOURGEON, op.ci., n° 30, p.25 et s : « En fait, si on ne lui impose pas explicitement d’avoir de bons motifs de rupture, on lui interdit simplement d’en avoir de mauvais. Et c’est de la contestation de l’absence de mauvais motifs que l’on pourra déduire l’existence vraisemblable de motifs sérieux ». 125

Cass. com. 16 décembre 1997, Bull. civ, IV, p.291, n° 337 ; D. 1998, somm., p. 338, obs. D.

FERRIER.

Page 43: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

38

Ou bien, le juge sanctionne l’abus de dépendance économique simplement par la

nullité de la décision du franchiseur de mettre fin au contrat de franchise par son non-

renouvellement. Il considère donc que celui-ci est non avenu et peut ordonner la reprise

des relations contractuelles126

. Ou bien enfin, le juge se contente de sanctionner

l’exploitation abusive par le franchiseur de l’état de dépendance économique dans

laquelle se trouve le franchisé par la mise en jeu de sa responsabilité et de le condamner

à des dommages et intérêts127

. Il y a donc un véritable intérêt pour les franchisés à

invoquer l’abus de dépendance économique par le franchiseur.

Toutefois, il faut noter que la mise en œuvre de telles sanctions par le juge à

l’encontre du franchiseur qui abuse de la situation de dépendance économique de son

franchisé est rarement retenue. La plupart des tentatives des franchisés ont été sans

succès en raison souvent de la difficulté de satisfaire toutes les conditions exigées pour

la mise en œuvre de l’article L.420-2 du Code de commerce, notamment la preuve de ce

que l’abus de dépendance économique a un effet anticoncurrentiel sur le marché128

.

29. Synthèse. Le principe est la liberté de renouveler un contrat à son échéance. Sauf

clause contraire, le sort du contrat de franchise est donc à la merci du franchiseur qui

peut refuser de procéder au renouvellement du contrat expiré et donc mettre fin au

rapport contractuel le liant au franchisé. Celui-ci ne saurait se plaindre de ce refus et

demander une indemnité, étant donné qu’il n’a, à l’origine, aucun droit au

renouvellement du contrat venu à expiration. Ce principe, favorable au franchiseur,

mérite néanmoins d’être soumis à appréciation.

126

V en ce sens, J. THREARD et Ch. BOURGEON, op.cit., n 33, p.26. 127

J. THREARD et Ch. BOURGEON, op.cit., n° 34, p. 26. 128

V. M. GLAIS, La sanction des abus de dépendance économique : entre désillusion et espoir, Contrats.

conc. consom., 2006, n°12.

Page 44: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

39

B. Appréciation du principe

30. Plan. Seront examiner ici successivement les arguments qui militent contre et en

faveur du principe de l’absence de droit au renouvellement du contrat de franchise à

l’échéance du terme.

1. Arguments défavorables à l’absence de droit au renouvellement

31. Argument fondé sur la notion d’intérêt commun. L’intérêt commun est une

notion prétorienne129

. Elle a été forgée par la jurisprudence à la fin du 19e siècle

130 afin

de « contrebalancer la liberté de révocation reconnue au mandant »131 prévu par

l’article 2004 du Code civil. Les juges énoncent que lorsque le contrat de mandat est

conclu dans l’intérêt commun des deux parties, c'est-à-dire lorsque les parties ont «des

droits directs et concurrents sur l’objet du mandat » et qu’«elles contribuent par leur

activité réciproque et leur collaboration suivie à l’accroissement d’une chose qui soit

leur bien commun »132, il ne peut être résilié que de leur accord commun. A défaut, la

partie qui rompt le contrat sera tenue d’indemniser son cocontractant133

. Ce régime

protecteur se trouve aujourd’hui étendu à certains contrats commerciaux tels que, par

exemple, le contrat d’agence commerciale134

.

129

Ph. GRIGNON, Le concept d’intérêt commun dans le droit de la distribution, in Mélanges.

M.CABRILLAC, Litec, 1999, p.127 ; A. BRUNET, Clientèle commune et contrat d’intérêt commun, in

Mélanges. A. WeilL, Dalloz, Litec, 1983, p.85 ; T. HASSLER, L’intérêt commun, RTD com. 1984,

p.581. 130

Cass. req. 8 avril 1875, DP. 1858, I, p.134 ; Cass. req. 13 mai 1885, DP. 1885, I, p.350. 131

A. BENABENT, Les contrats spéciaux civils et commerciaux, 7e édition Montchrestien, 2006, n° 682,

p.460 et s ; F. COLLART-DUTILLEUL et Ph. DELEBECQUE, Contrats civils et commerciaux, 7e

édition, Précis Dalloz, 2004, n° 672, p.581 ; Ph. MALAURIE, L. AYNES et P.-V. GAUTIER, Droit civil,

Les contrats spéciaux, Defrénois, 2004, n°557, p.340. 132

J.GHESTIN, Le mandat d’intérêt commun, in Les activités et les biens de l’entreprise, Mélanges. J.

Derruppe, Litec, 1991, n°7, p.112. 133

Ibid. 134

L’article 4 de la loi n°91-593 du 25 juin 1991 (ancien article 3 alinéa 1er

du décret du 23 décembre

1958) dispose que «les contrats intervenus entre agents commerciaux et leurs mandants sont conclus dans l’intérêt commun des parties ». Sur l’ensemble de la question voir, F. FOURNIER, L’agence

commerciale, Dix ans après la mise en vigueur du nouveau statut, Litec, 2005, préface. D. Ferrier. De

même, Ph. GRIGNON, Le concept d’intérêt commun dans le droit de la distribution, Mélanges. M.

Cabrillac, Litec, 1999, p.127.

Page 45: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

40

Certains auteurs n’ont pas hésité à se fonder sur la qualification d’intérêt commun

pour réfuter le principe de l’absence de droit au renouvellement du contrat au profit des

franchisés. Ils considèrent que les contrats de franchise sont des contrats d’intérêt

commun. Le franchiseur et le franchisé sont liés par une convergence d’intérêt. Ils

collaborent tous les deux afin de réaliser un but commun et identique qui est la création

et le développement de la clientèle. De cette qualification, ils déduisent que la logique

de l’intérêt commun du contrat de franchise suppose que le franchisé puisse tirer profit

de la clientèle qu’il a contribué à créer ou à développer. Or, cela ne peut se réaliser que

si on lui assure la stabilité du contrat par le biais de la reconnaissance à son profit d’un

droit au renouvellement du contrat venu à expiration.

Telle est l’opinion du Professeur A. Brunet135

. Selon cet auteur, la qualification

d’intérêt commun par laquelle le contrat de franchise -comme le contrat de concession-

se caractérise implique à la charge du franchiseur une obligation de ne pas empêcher le

franchisé de tirer profit de la clientèle qu’il a, lui-même, contribué à créer ou à

développer136

. Par conséquent, hormis une faute grave de sa part, le franchiseur ne

saurait lui refuser le renouvellement du contrat à expiration, sous peine d’engager sa

responsabilité contractuelle137

. La même analyse est partagée par le Professeur M. T.

Hassler. Celui-ci observe que la qualification d’intérêt commun du contrat de franchise

et du contrat de concession fait naître à la charge du franchiseur et du concédant une

obligation de renouveler le contrat une fois que celui-ci arrive à expiration, sinon il sera

tenu de payer une indemnité au franchisé évincé138

.

135

A. BRUNET, Clientèle commune et contrat d’intérêt commun, in Mélanges. A. Weill, Dalloz, Litec,

1983, p.85. 136

A. BRUNET, op. cit., n° 21, p.97et s. 137

A. BRUNET, op.cit., n° 23, p.98 : « Il est acquis que, dans le contrat d’agence, une obligation de résultat, celle de ne pas révoquer le mandat, pèse sur le mandant, eu égard à l’intérêt du mandataire au maintien du pouvoir de représentation. Cette solution doit être généralisée à tous les contrats d’intérêt commun : chaque fois que le propriétaire du fonds, le concédant ou le franchiseur rompt le contrat, il viole son obligation contractuelle de ne pas mettre fin au contrat. L’analyse qui précède rend parfaitement compte de l’hypothèse du contrat à durée indéterminée. Mais comment régler la question lorsque le contrat est à durée déterminée ? On pourrait au contraire estimer que l’intérêt commun doit jouer le même rôle, quelle que soit la durée du contrat, et donner toujours naissance, même dans le contrat à durée déterminée, à une obligation contractuelle de poursuivre le contrat. A la vérité, peu importe la nature de la responsabilité encourue. Qu’elle soit contractuelle ou délictuelle, le résultat est identique : est fautive la partie qui, tirant profit de la clientèle créée par l’autre, refuse de renouveler le contrat, parce que son attitude constitue une méconnaissance du droit du contractant sur la clientèle ». 138

T. HASSLER, L’intérêt commun, RTD com. 1984, p.581, et spéc.,p. 625, et s. L’auteur observe

qu’ « il serait souhaitable et raisonnable que la durée des contrats conclus par les distributeurs représentant une marque soit modelée de façon à ce qu’ils puissent amortir leurs investissements, résultats que la théorie de l’abus de droit ne permet pas d’obtenir actuellement. L’intérêt commun

Page 46: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

41

Aussi séduisante qu’elle soit, l’analyse de ces auteurs paraît insuffisante pour

réfuter le principe de l’absence de droit au renouvellement au profit du franchisé. La

qualification d’intérêt commun du contrat de franchise, à laquelle nous sommes

favorables avec certains auteurs139

, mais à laquelle aussi la jurisprudence semble

toujours hostile tant en matière de franchise 140

que de concession141

, ne peut, à notre

avis, servir de fondement à une obligation du franchiseur de renouveler le contrat à son

échéance. Ce n’est pas son rôle, car celui-ci se réduit, en effet, à imposer à celui qui

résilie le contrat marqué par un intérêt commun de motiver sa décision de résiliation ou,

à défaut, de payer une indemnité à son cocontractant142

.

32. Inopportunité économique. Certains auteurs reprochent à la jurisprudence qui

refuse de reconnaître au distributeur, que celui-ci soit un concessionnaire ou un

franchisé, un droit au renouvellement du contrat à expiration d’être inopportune. Selon

ces auteurs, qui sollicitent une intervention législative pour protéger le distributeur143

,

un tel principe n’est pas sans conséquences nocives sur le plan économique.

servirait de fondement à l’obligation de renouveler le contrat assurant ainsi un juste équitable au contrat ». 139

Ph. Le TOURNEAU, Les contrats de franchisage, Litec, 2007, n°220, p. 101, et notamment, n°222, p.

102 : « Intervention du législateur ou non, c’est un fait que dans les contrats de franchisage toutes les parties poursuivent un but identique : ce sont des contrats de collaboration. L’objectif commun est le développement de la clientèle, qui sera bénéfique tant pour le franchiseur que pour le franchisé. Il suppose la durée. L’intérêt commun procède de la collaboration des deux parties à la réalisation d’une œuvre commune, au sein de laquelle leurs intérêts particuliers, tout en subsistant, convergent étroitement et se subliment dans un intérêt supérieur. Chacun des faits et gestes des parties à un tel contrat doit être animé par la visée de l’intérêt commun (comme tout citoyen devrait rechercher le bien commun). Ajoutez à cela l’effet de réseau donnant le jour à une « solidarité » (au sens banal du mot) entre ses participants. Chaque membre est responsable pour une quote-part de la vitalité de l’ensemble. La réussite et le dynamisme du réseau sont donc là aussi de l’intérêt commun de chacun de ses membres ». V. aussi, D.

MATRAY, Introduction générale, in Le contrat de franchise, Bruylant, 2001, Séminaire organisé à Liège

le 29 septembre 2000, p.7. 140

V. Y. MAROT, Franchise et contrat d’intérêt commun, Franchise Magazine, 1992, n°109, p.58. 141

Cass .com., 26 juin 1972, Bull civ., IV, n° 205, p.198; Cass. com., 30 novembre 1982, Bull. civ., IV,

n° 383, p.320 ; C D. FERRIER ; P. BECQUE, L’intérêt commun et la fin des contrats de distribution

exclusive, Cah. dr. entr. 1985 / 6, p. 24; L. AMIEL-COSME, Les réseaux de distribution, LGDJ, 1995,

préface. Y. Guyon, n°120, p.108 et s ; Cass. com., 7 octobre 1997, 14 octobre 1997 et 20 janvier 1997 ;

D. 1998, somm, p.333. obs. D. FERRIER ; D. 1998, somm. comm, p. 114. obs. D. MAZEAUD; JCP G

1998,.II, 10085, obs. J.-P. CHAZAL ; Ph. GRIGNON, Le concept d’intérêt commun dans le droit de la

distribution, Mélanges. M. CABRILLAC, Litec, 1999, p.127. 142

En ce sens, G. VIRASSAMY, La moralisation des contrats de distribution par la loi Doubin du 31

décembre 1989, JCP E 1990, II, 15809, et spéc., n°44 et s. Selon l’auteur, la qualification d’intérêt

commun du contrat de franchise ou du contrat de concession ne peut être servie comme argument

justifiant la reconnaissance au profit du franchisé ou du concessionnaire un droit au renouvellement du

contrat à expiration. Autrement dit « constituerait une dérogation inhabituelle aux effets classiques de l’intérêt commun qui se borne normalement à faire obligation au contractant de motiver sa décision de rompre les relations contractuelles à durée indéterminée, mais sans lui imposer le renouvellement du contrat à durée déterminée arrivé à son terme ». 143

J. THREARD, Le Statut légal du concessionnaire, JCP IC 1977, II, p.12536.

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42

Ils estiment que la situation précaire dans laquelle se trouve le franchisé ou le

concessionnaire, placé en situation de dépendance économique à l’égard du franchiseur

ou du concédant, pourrait le décourager d’investir dans le domaine de la concession ou

dans celui de la franchise144

, ce qui conduirait, finalement, à remettre en cause ce

nouveau commerce intégré.

Une telle objection n’emporte pas la conviction. Eviter la perte éventuelle des

investissements effectués par le franchisé ou le concessionnaire qui pourrait engendrer

leur situation précaire n’est pas, nous semble t-il, une raison suffisante pour que l’on lui

reconnaisse un droit au renouvellement. Un tel risque peut très bien être conjuré si le

franchisé ou le concessionnaire a pris toutes les précautions raisonnables, par exemple,

en mesurant bien la durée du contrat et le coût de ses investissements mis en place pour

l’exploitation de la franchise. D’ailleurs, le franchisé -comme le concessionnaire- bien

qu’il soit sous la dépendance économique quasi-totale du franchiseur, est un

commerçant indépendant qui doit donc supporter les risques de son activité, risque

parmi lesquels figure le non-amortissement des investissements mis en place pour

l’exploitation de la franchise.

33. Crainte du détournement du droit au non-renouvellement. Pour critiquer

l’opportunité de l’absence de droit au renouvellement du contrat au profit du franchisé

ou du concessionnaire, certains avancent la crainte du détournement du droit au non-

renouvellement par le franchiseur ou par le concédant145

.

Pour ces auteurs, dans la mesure où la plupart des contrats de franchise ou de

concession contiennent une clause imposant la conservation des stocks restant en fin de

contrat à la charge du franchisé ou du concessionnaire, il n’est pas inconcevable que

l’absence d’un droit au renouvellement du contrat incite le franchiseur ou le concédant à

conclure des contrats de courte durée non renouvelables dans le seul but d’écouler leurs

produits146

.

144

J. THREARD, op.cit., n° 32 : « il faut comprendre qu’à une époque où les investissements sont onéreux, il est déraisonnable d’obliger certains à investir tandis que leurs prédécesseurs n’ont pas encore amorti des installations identiques qui deviennent souvent inutilisables ». 145

J. THERARD, Le statut légal du concessionnaire, op.cit., , n° 35 146

Ibid.

Page 48: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

43

Certes, une telle crainte paraît légitime. En pareille hypothèse, il y aura

évidemment une atteinte à l’économie du contrat de franchise. Les franchisés ne

seraient plus les participants à la réussite commerciale des franchiseurs, mais de simples

instruments précaires de la valorisation des investissements de ceux-ci. Pour autant,

cette menace n’est pas suffisante pour reconnaître au franchisé comme au

concessionnaire un droit au renouvellement du contrat. Une telle crainte pourrait être

écartée, non par l’instauration d’un droit au renouvellement du contrat au profit du

franchisé, mais par la simple mise en œuvre d’une obligation de reprise des stocks à la

charge du franchiseur en fin de contrat147

. Ainsi, peut-on protéger les intérêts des

franchisés sans que cela soit au détriment de ceux du franchiseur.

A vrai dire, tous les arguments défavorables au principe de l’absence de droit au

renouvellement du contrat à expiration emportent peu l’adhésion par rapport à ceux qui

y sont favorables.

2. Arguments favorables à l’absence de droit au renouvellement

34. Le respect de la force obligatoire du terme extinctif. Le principe de l’absence de

droit au renouvellement du contrat à son échéance au profit de l’une ou de l’autre des

parties trouve, en premier lieu, son fondement dans l’article 1134 du Code civil.

En refusant de reconnaître aux franchisés un droit au renouvellement de leur

contrat à l’arrivée du terme, le juge entend faire respecter la force obligatoire du terme

extinctif du contrat148

. Admettre le contraire, ce serait non seulement remettre en cause

la notion de terme extinctif, mais aussi les prévisions des parties étant donné que le

contrat est un acte de prévision149

.

147

Infra n° 370 et s. 148

V.C. BLOUD-REY, Le terme dans le contrat, PUAM 2003, préface. P.- Y. Gautier, n° 546, p. 464, et

n° 552, p. 470. Pour l’auteur, le non-renouvellement d’un contrat à durée déterminée n’est que le

corollaire de la force obligatoire du terme extinctif contractuel. M. BEHAR-TOUCHAIS et G.

VIRASSAMY, Les contrats de la distribution, LGDJ 1999, n 332, p.151. 149

V.H .LECUYER, Le contrat, acte de prévision, in L’avenir du droit, Mélanges. F. TERRE, Dalloz,

Litec, 1999, p.643.

Page 49: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

44

35. Le respect de la liberté contractuelle. Outre le respect de la force obligatoire du

terme extinctif, l’absence de droit au renouvellement systématique au profit de l’une des

parties à l’échéance peut trouver un fondement dans le souci de respecter la volonté des

parties. Le refus de renouvellement, qui s’apparente à un rejet de l’offre de conclure un

nouveau contrat, est une prérogative reconnue à chaque contractant. Il participe à la

liberté contractuelle qui est « l’âme du contrat »150. « Il en est même la manifestation

première, car la liberté contractuelle tient, avant tout, dans la possibilité de conclure ou

non le contrat. Parce que celui-ci postule un accord de volontés, on a peine à imaginer,

d’emblée, qu’il puisse être conclu contre la volonté de l’une des parties » 151.

36. L’indépendance juridique des parties. L’indépendance juridique des parties au

contrat de franchise a été aussi invoquée comme argument justifiant l’absence de droit

au renouvellement du contrat au profit de l’une d’elles152

. Le franchisé est un

commerçant travaillant en son propre nom et pour son propre compte et il doit apprécier

les aléas de ses engagements parmi lesquels figure la précarité de sa relation

contractuelle. Comme le relève le doyen J. Mestre : « Comment, en effet, la logique

d’indépendance qui a guidé le choix du producteur pourrait–elle vraiment sortir

indemne d’une obligation mise à sa charge de renouveler une relation arrivée à terme

ou encore de justifier la résiliation d’un contrat pourtant conçu sans durée

déterminée ? »153.

37. La préservation de l’efficacité économique du réseau de franchise. L’un des

agrments les plus décisifs qui milite en faveur de l’absence de droit au renouvellement

est le souci de préserver l’efficacité du réseau. En effet, il y a lieu de craindre que

l’instauration d’un droit au renouvellement du contrat au profit du franchisé entrave la

possibilité pour le franchiseur de réorganiser son réseau et de procéder aux

aménagements que lui impose le marché.

150

G. ROUHETTE, La force obligatoire du contrat : Rapport français in Le contrat aujourd’hui :

comparaisons Franco-Anglaises, sous la direction .D. Tallon et D. Harris, LGDJ 1987, p.28, n°2 151

O. BARRET, Variation autour du refus de contracter, in Propos sur les obligations et quelques autres

thèmes fondamentaux du droit, Mélanges .J.-L. Aubert, Dalloz, 2005, n°1, p. 3. 152

Ph. Le TOURNEAU, Les contrats de franchisage, 2e édition, Litec 2007, n°642, p.283.

153J. MESTRE, Résiliation unilatérale et non –renouvellement dans les contrats de distribution, in La

cessation des relations contractuelles d’affaires, PUAM, 1997, p.10, et spéc., p.11.

Page 50: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

45

Cet obstacle rendrait sclérosé, voir rigide le réseau de franchise, et par conséquent,

pourrait entraîner sa destruction. De même, il est à craindre que la reconnaissance d’un

droit au renouvellement au profit du franchisé réduise sa mobilité, son dynamisme au

sein du réseau, mobilité et dynamisme que crée généralement la menace du non-

renouvellement du contrat à expiration.

Ainsi, le Professeur D. Ferrier observe que la reconnaissance d’un droit au

renouvellement du contrat au profit du franchisé est une solution de nature à porter

atteinte à l’économie du contrat de franchise. Selon lui, « l’efficacité de l’activité

économique du réseau, constitué sous la conduite du franchiseur, est conditionnée par

la mobilité des franchisés, seule capable de réaliser l’adaptation permanente de ce

réseau aux besoins du marché, et aussi de protéger l’ensemble contre le tort que l’un

des éléments pourrait causer à tous les autres du fait d’une mauvaise exploitation

commerciale sous la marque commune, indépendamment de toute faute contractuelle.

Or la mobilité des franchisés présuppose la possibilité pour le franchiseur de ne pas

renouveler un contrat à son terme lorsque l’intérêt du réseau l’exige » 154.

38. Justification tirée du droit de la concurrence. Le principe de l’absence de droit au

renouvellement du contrat de franchise peut trouver une justification supplémentaire

dans le droit de la concurrence. D’une part, un tel principe a pour effet d’éviter de créer

une rente de situation pour une catégorie de franchisés, rente de situation qui est conçue

«comme un facteur très important d’inefficacité économique»155. D’autre part, elle

permet au franchiseur d’adapter les techniques contractuelles de distribution à la

conjoncture économique, notamment aux actions de la concurrence et à la demande de

la clientèle. Cela revient, au bout du compte, à assurer le jeu de la concurrence et

l’efficacité économique.

154

D. FERRIER, La rupture du contrat de franchisage, JCP CI 1977, II, 12441, n°12. V. également J.

BEAUCHARD, Droit de la distribution, PUF, 1996, p.190, qui observe qu’« il ne conviendrait pas de figer les réseaux en accordant des droits trop forts à la stabilité des concessionnaires .Cela nuirait au dynamisme de l’outil commercial ». 155

MM. L. J. VOGEL, « Vers un retour des contrats perpétuels? Evolution récente du droit de la

distribution », Contrats, Contrats, conc. cons., 1999, p. 1.

Page 51: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

46

Comme le relèvent certains auteurs le «droit de sortir de la relation contractuelle,

qu’elle soit à durée déterminée ou à durée indéterminée, permet ainsi d’adapter les

techniques contractuelles de distribution à la conjoncture économique, notamment aux

actions de la concurrence et à la demande de la clientèle, et peut finalement constituer

un moyen d’assurer le libre jeu de la concurrence et l’efficacité

économique »156. Toutefois, il convient enfin de noter que si le principe de l’absence de

droit au renouvellement du contrat à expiration paraît pleinement justifié, ce principe

souffre, néanmoins de certains tempéraments.

§. 2. Tempéraments au principe

39. Atténuations d’origines diverses. Afin de stabiliser les relations contractuelles, des

tempéraments ont été apportés au principe de l’absence de droit au renouvellement du

contrat de franchise à l’arrivée du terme. Certains de ces tempéraments sont d’origine

contractuelle (A), tandis que d’autres sont d’origine jurisprudentielle (B).

A. Tempéraments contractuels

40. La continuation du rapport contractuel. Lorsque le contrat de franchise est

conclu pour une durée déterminée -ce qui est généralement le cas-, il est fréquent que

les parties prévoient le renouvellement du contrat à l’échéance. Ce renouvellement peut

être organisé par une clause de tacite reconduction (1) ou par une clause expresse (2).

1. Clauses de renouvellement par tacite reconduction

41. Stipulation fréquente. Il arrive fréquemment que le contrat de franchise contienne

une clause aux termes de laquelle, à défaut d’une manifestation expresse de la part de

l’une des parties de ne pas renouveler le contrat avant son échéance, celui-ci sera

renouvelé pour une nouvelle durée157

.

156

M. BEHAR-TOUCHAIS et G. VIRASSAMY, Les contrats de la distribution, LGDJ 1999, n°332,

p.152. 157

V. par exemple, Cass. com., 27 janvier 2007, Juris-Data, n° 2007- 05-19.523.

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47

Une telle clause est souvent ainsi rédigée : « le présent contrat est conclu pour une

durée déterminée. Il prend effet à la date de sa signature et se terminera à la date à

laquelle il sera tacitement reconduit aux mêmes conditions pour une durée identique.

La partie qui ne souhaiterait pas reconduire le contrat devra le dénoncer par lettre

recommandée avec demande d’avis de réception, en respectant un préavis »158.

42. Intérêt de la clause. A priori, pour maintenir leur lien contractuel au-delà de son

terme extinctif, le franchiseur et le franchisé n’ont pas besoin de recourir à la stipulation

de clause de tacite reconduction. Il est, en effet, admis que la tacite reconduction joue

d’office si les parties ont poursuivi le contrat après son terme et qu’aucune d’entre elles

n’a manifesté sa volonté de ne pas renouveler le contrat159

. Cette solution, qui trouve ses

racines dans le droit du bail160

, s’explique par le fait que parce que chacune des parties

« pourrait toujours ne pas renouveler le contrat et que si elle ne le fait pas, c’est

qu’elle entend que le contrat soit reconduit, ce qui n’est pas non plus démenti par le

comportement de l’autre partie »161. Autrement dit, la continuation par les contractants

de l’exécution de leurs obligations au-delà du terme reflète, pour la jurisprudence, leur

« intention commune de ne pas changer un ordre satisfaisant »162. Toutefois, cela ne

signifie absolument pas que la stipulation d’une telle clause au sein du contrat de

franchise est dénué de tout intérêt. En effet, en l’absence de toute clause prévoyant le

renouvellement du contrat de franchise pour une nouvelle durée et pour les mêmes

conditions du contrat initial, la tacite reconduction donne naissance un nouveau contrat,

mais à durée indéterminée dont les conditions peuvent ne pas être identiques163

.

158

Sur ces clauses, v. A-V. EECKOUT, La durée du préavis de rupture d’une relation d’affaires, RDC.

2005, p.491, et spéc., p.495 et s. 159

V. Ph. Le TOURNEAU, Les contrats de franchisage, 2e édition, Litec 2007, n° 658, p.289. Sur la tacite

reconduction de manière générale, v. Lamy droit du contrat, 2007, n° 410- 23 et s ; J. MESTRE et B.

FAGES, Effets de la tacite reconduction, RTD civ. 2006, p.114 ; J.-M. MOUSSERON, Technique

contractuelle, par P. MOUSSERON, J. RAYNARD, J.-B. SEUBE, 3e édition, Edition. Francis Lefebvre,

2005, n° 553 et s ; A. BENABENT, La prolongation du contrat, in Durée et exécution du contrat, RDC

2004, p. 117 et spéc., p.121 et s ; Ch. LAROUMET, Droit civil, Les obligations, Economica 2003, n°

206, p.174 ; B. KOHIL, Les clauses mettant fin au contrat et les clauses survivant au contrat, Revue du

droit des affaires internationales RDAI. 2002 , n° 3/4 , p.443 ; D. FAVRE, Contribution à l’étude de la

tacite reconduction, LPA 1996, n°95, p.23 ; B. AMAR-LAYANI, La tacite reconduction, D. 1996, Chron,

143 ; J. MESTRE, Tacite reconduction du contrat et sort du cautionnement, RTD civ. 1992, p.556 ; P.

GODE, Volonté et manifestation tacite, .PUF, 1977, n° 27, p.36. 160

B. AMAR-LAYANI, op.cit. 161

Ch. LAROUMET, op.cit., n° 206, p.188. 162

P. GODE, Volonté et manifestation tacite, th., précitée, 1977, n°27,p.36. 163

« Sauf disposition ou volonté contraire, la tacite reconduction d’un contrat à durée déterminée, dont le terme extinctif a produit ses effets, dont le terme extinctif a produits ses effets, donne naissance à un nouveau contrat, de durée indéterminée, et dont les autres éléments ne sont pas nécessairement

Page 53: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

48

Par ailleurs, la présence d’une clause de tacite reconduction a l’avantage de

restreindre de manière considérable l’instabilité des situations des contractants164

,

surtout celle du franchisé dont le sort n’est pas enviable. Elle impose à celui qui ne

désire pas renouveler le contrat de franchise à son échéance de manifester son intention

à son partenaire dans un certain délai préalable. A défaut, il sera engagé pour un

nouveau contrat. Cela permettra au franchisé, par exemple, qui subit le non-

renouvellement, de prendre toutes les mesures nécessaires pour préparer sa

reconversion, et par conséquent, éviter tous les préjudices éventuels en résultant.

43. Relation commerciale précaire. Dans certaines hypothèses, le franchiseur et le

franchisé stipulent dans leur contrat une clause qui écarte expressément tout

renouvellement du contrat par tacite reconduction à l’arrivée du terme, mais qu’à

l’expiration du contrat, ils poursuivent néanmoins leur relation contractuelle.

En pareille hypothèse, la question est de savoir si la poursuite des relations

contractuelles par les parties, après l’échéance du terme, constitue une dénonciation, de

leur part, de la clause de non-reconduction stipulée dans le contrat, donc de savoir si le

contrat est renouvelé. Une réponse négative s’impose. La poursuite d’un contrat de

franchise, contenant une clause excluant toute possibilité de renouvellement par tacite

reconduction, après son terme n’entraîne pas un renouvellement de celui-ci qui s’est

déjà éteint à l’arrivée du terme extinctif. Elle constitue simplement une relation de fait

précaire, de telle manière que le franchiseur comme le franchisé peut y mettre fin à tout

moment165

.

identiques ». Cass. civ. 1

er, 15 novembre 2005, n° 02-21. 366 ; RTD civ. 2006, p. 114, obs. J. MESTRE

et B. FAGES. 164

A. LAUDE, La reconnaissance par le juge de l’existence du contrat, PUAM, 1991, préface. J. Mestre,

n° 628, p.380, et s. 165

Lamy droit économique, 2008, n° 4384. V. aussi, A. BENABENT, La prolongation du contrat, in

Durée et exécution du contrat, RDC. 2004, p. 125. L’auteur critique cette solution en observant que

« lorsque les parties ont stipulé une clause écartant la tacite reconduction mais que, cinq ans plus tard, à l’expiration du contrat, elles continuent en fait leurs relations, ne faut-il pas considérer tout simplement qu’elles ont changé d’avis ? Pourquoi leur volonté initiale serait-elle supérieure à leur volonté actuelle, pourquoi cette volonté les lierait-elles définitivement ? Ce qu’on peut faire un jour, on peut le défaire le lendemain et ce qu’on peut refuser d’envisager à une époque, on peut l’admettre plus tard ».

Page 54: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

49

La solution ne pourrait être autrement que si, postérieurement au terme, un nouvel

accord sur le renouvellement du contrat de franchise entre le franchiseur et le franchisé

a lieu166

.

En dehors de la poursuite par les parties d’un contrat de franchise excluant toute

possibilité de renouvellement tacite, il convient de noter que le contrat de franchise

comporte parfois une clause prévoyant le renouvellement exprès.

2. Clauses de renouvellement exprès

44. Renouvellement conditionné et non conditionné. L’examen de la pratique de la

franchise montre qu’il arrive parfois que les contrats de franchise contiennent une

clause prévoyant que le contrat sera automatiquement renouvelé, aux mêmes conditions

et pour une durée identique à celle du contrat initial, à moins que l’une des parties ne

notifie à l’autre son intention de ne pas le renouveler un certains temps avant l’arrivée

du terme167

. Contrairement au renouvellement par tacite reconduction qui se déduit du

comportement des parties dans la poursuite de leur contrat après son terme, le

renouvellement du contrat est là expressément prévu dans le contrat et dès le début168

.

Il faut toutefois souligner que si le renouvellement exprès du contrat de franchise

peut parfois intervenir sans que des conditions particulières soient exigées, cela est de

plus en plus rare. Le renouvellement du contrat de franchise se trouve, dans de très

nombreuses hypothèses, subordonné à la réalisation de certaines conditions par le

franchisé.

166

J. MESTRE, Résiliation unilatérale et non-renouvellement dans les contrats de distribution, in La

cessation des relations contractuelles d’affaires, PUAM 1997, p.13, et spéc., p.15. 167

V. Article 7, A, du contrat modèle ICC du contrat de franchise international de la distribution. 168

Sur ce point, v. A. BENABENT, La prolongation du contrat, in Durée et exécution du contrat, RDC

2004, p.117, et s. L’auteur propose de distinguer trois situations qui permettent de clarifier la distinction.

Tout d’abord, lorsque les parties sont d’accord pour un renouvellement exprès. Dans ce cas, il estime

qu’il n’y a pas de difficulté particulière. Ensuite, les parties ont pu prévoir dans leur contrat initial le

renouvellement de la convention. Dans ce cas, l’auteur parle d’un renouvellement stipulé qui ne doit pas

se confondre avec la tacite reconduction. Enfin, la tacite reconduction recouvre l’hypothèse selon laquelle

les parties continuent leur relation « comme si le contrat initial existait encore alors qu’il est expiré ».

Page 55: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

50

Tel est, par exemple, le cas lorsque le contrat de franchise prévoit que le

renouvellement ne peut intervenir qu’à la condition de la réalisation par le franchisé de

certains résultats ou de la cessation par lui de la commercialisation d’une autre

marque169

, ou enfin à la vente des produits supplémentaires170

. Dans toutes ces

hypothèses, le franchiseur perd la liberté de décision quant au non-renouvellement du

contrat171

. Il est tenu vis-à-vis du franchisé d’une promesse de renouvellement. Par

conséquent, il ne peut lui refuser le renouvellement du contrat que si les conditions

exigées ne sont pas satisfaites, sinon son refus de renouvellement sera considéré abusif

et donc sa responsabilité sera engagée. Reste enfin à étudier les tempéraments au

principe de l’absence de droit au renouvellement apportés par la jurisprudence.

B. Tempéraments jurisprudentiels

45. Application de la théorie de l’abus. Afin d’instaurer un équilibre entre les intérêts

des parties, et afin de protéger le franchisé -partie en état de dépendance économique-,

contre les conséquences économiques désastreuses auxquelles pourrait donner lieu la

rupture du contrat de franchise, les juges exercent souvent un contrôle sur les

circonstances dans lesquelles le non-renouvellement du contrat par le franchiseur

intervient (1). Ils n’hésitent pas à engager la responsabilité du franchiseur lorsqu’ils

constatent que le non-renouvellement est abusif. Certains auteurs plaident pour étendre

ce contrôle aux motifs du non-renouvellement, mais la jurisprudence le refuse, au

moins, jusqu’ alors (2).

1. Contrôle tenant aux circonstances du non-renouvellement

46. Plan. Le franchiseur qui ne veut pas renouveler le contrat à expiration doit non

seulement respecter un délai de préavis (a) mais aussi s’abstenir de tout comportement

incohérent (b), susceptible de mettre en jeu sa responsabilité sur le fondement de l’abus.

169

V. Lamy droit économique, 2007, n° 4330. 170

M. MALAURIE-VIGNAL, Droit de la distribution, Sirey, 2006, n°660. 171

V. G. VIRASSAMY, Les contrats de dépendance, LGDJ, 1986, préface J. Ghestin, n° 282, p.223 et s.

Page 56: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

51

a. Obligation de respecter un préavis et abus du droit au renouvellement

47. Le principe : absence d’obligation de préavis. Le préavis est défini comme « un

avis ou avertissement, délivré par une personne à une autre, d’une mesure qui la

concerne, et ce préalablement à sa mise en œuvre »172. Il a une fonction économique qui

consiste à donner à la partie subissant la rupture du contrat le temps nécessaire pour

organiser son activité et préparer sa reconversion173

.

A priori, le préavis n’est requis que pour ce qui concerne la rupture des contrats de

franchise à durée indéterminée174

. Dans ces derniers, le respect du préavis constitue en

effet « une règle générale »175. Parce que chacune des parties ignore le moment où le

contrat prend fin, la jurisprudence impose, à celui qui désire le rompre, de prévenir son

cocontractant un certain temps à l’avance176

. Le but est d’éviter que l’un des

contractants ne subisse un éventuel préjudice résultant de la rupture du contrat. Or, rien

de tel ne s’impose dans le contrat à durée déterminée où le préavis est conçu comme

une notion étrangère177

. Cela s’explique par le fait que dans ces contrats -et aux

antipodes des contrats à durée indéterminée-, chacune des parties connaît, dès le

moment de la conclusion du contrat, la date de sa fin. En conséquence, le franchiseur

ou le franchisé qui ne désire pas renouveler le contrat à expiration n’est nullement tenu

de prévenir son cocontractant à l’avance. « Puisqu’il s’agit d’une pure application du

contrat, le franchisé n’a pas à être prévenu longtemps à l’avance du non-

renouvellement du contrat arrivé à son terme, sauf clause contractuelle fixant un

préavis »178.

172

A. SONE, Le préavis en droit privé, PUAM, 2003, préface. F. Bussy, n° 6 et s. 173

A-V. EECKOUT, La durée du préavis de rupture d’une relation d’affaires, RDC. 2005, p.491 ; Ph.

STOFFEL-MUNK, obs sous Cass. com., 12 mai 2004, RDC 2004, p. 943 ; A. SONE, th., précitée ; J.-L.

RESPAUD, Préavis, Assistance et reconversion du distributeur évincé, Cah. dr. ent. 2002 / 5, p. 19 et s. 174

Infra n° 84 et s. 175

J. AZEMA, La durée des contrats successifs, LGDJ, 1969, préface. R. Nerson, n° 228, p.174. 176

Cass. com., 12 mai 2004, Contrat. conc. conso., 2004, n° 104, comm. L. LVENEUR. 177

F. BUSSY, préface in Le préavis en droit privé, th., de A. SONET, PUAM, 2003, qui considère que

« il paraît aller de soi que le préavis n’a pas sa place dans les contrats à durée déterminée » ; A.

SONET, th., précitée, n° 150, et s ; C . BLOUD -REY, Le terme dans le contrat, PUAM, 2003, préface.

P.-Y. GAUTIER, n° 541, p. 448 et s ; M. BEHER-TOUCHAIS, Extinction du contrat, J-Cl. Contrats

Distribution, 1998, fasc. 175, n°123 ; M. BEHAR-TOUCHAIS et G. VIRASSAMY, Les contrats de la

distribution, LGDJ, 1999, n°346, p.158. ; J. AZEMA, La durée des contrats successifs, th., précitée, n°

239, p.183, et s. 178

Ph. Le TOURNEAU, Les contrats de franchisage, Litec, 2e édition, 2007, n° 654, p.288.

Page 57: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

52

Il n’en va autrement que lorsque le contrat de franchise contient une clause de

tacite reconduction ou clause de renouvellement179

. Dans cette hypothèse, chacune des

parties au contrat de franchise est tenue de respecter un délai de préavis lorsqu’elle ne

désire pas renouveler le contrat, puisque la présence d’une telle clause de tacite

reconduction ou de renouvellement dans le contrat fait perdre au terme son effet

extinctif.

48. Atténuation jurisprudentielle. Toutefois, il faut noter que le principe de l’absence

d’un préavis lors du non-renouvellement du contrat de franchise souffre de plus en plus

d’atténuations.

Fondée sur les articles 1134 et 1135 du Code civil, la jurisprudence impose parfois

une obligation de respecter un préavis à la charge de l’auteur du non-renouvellement180

.

Elle considère que le franchiseur ou le concédant qui ne souhaite pas renouveler le

contrat à expiration doit informer son franchisé ou son concessionnaire suffisamment à

l’avance181

. Peu importe que le contrat contienne ou non une clause de renouvellement

par tacite reconduction ou exprès. Le non respect d’un préavis dans le non-

renouvellement constitue une faute engageant la responsabilité de son auteur. Celui-ci

sera condamné à des dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat182

. Une telle

solution, tendant à la protection des contractants subissant la rupture du contrat contre

les conséquences désastreuses auxquelles peut donner lieu cette rupture, a été tacitement

affirmée par la Cour de cassation en matière de contrat de concession. Dans un arrêt du

31 janvier 2006, la Chambre commerciale a approuvé un arrêt d’appel d’avoir jugé non

fautif le non-renouvellement du contrat de concession procédé par le concédant sans

préavis dès lors que le concessionnaire n’a pas tenu ses engagements183

.

179

M. BEHAR-TOUCHAIS et G. VIRASSAMY, op.cit., n° 346, p.158 et s. 180

V. D. FERRIER, La rupture du contrat de franchisage, JCP CI 1977, II, 12441. 181

D. FERRIER, La rupture du contrat de franchisage, op.cit. V. aussi, M. BEHAR-TOUCHAIS et G.

VIRASSAMY, Les contrats de la distribution, LGDJ, 1999, n°346, p.158, et s. 182

V. par exemple, CA Paris 5 décembre 1997 et 30 janvier 1998, RTD civ. 1998, p.371, obs. J.

MESTRE. Sur la sanction de la rupture abusive, v. Infra n° 183

Cass. com., 31 janvier 2006, pourvoi n° 03-13.739. « Attendu, en second lieu, qu’ayant rappelé que la société MBK avait cherché à adapter les objectifs à la situation de la société Y... pour les fixer en 1996 puis en 1997 à la vente de vingt scooters et constatant les mauvais résultats de la société Y... qui ne vendait que cinq ou six scooters par an, la cour d'appel, qui a ainsi fait ressortir l'inexécution de ses obligations par le concessionnaire, a pu estimer non fautif le non renouvellement sans préavis par la société MBK du contrat à durée déterminée d'une année, non renouvelable tacitement, la liant à la société Y... »

Page 58: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

53

Une lecture de cet arrêt laisse à penser que la responsabilité du concédant, ayant

refusé de renouveler le contrat sans respecter un délai de préavis, aurait pu être engagée

s’il n’y avait pas eu de défaillance contractuelle de la part du concessionnaire. En

d’autres termes, l’obligation de respecter un préavis dans le non-renouvellement du

contrat, que ce soit un contrat de concession ou de franchise, s’impose sauf en cas de

faute de la part du contractant subissant la rupture du contrat.

49. Approbation. Une telle attitude jurisprudentielle, visant à mettre une obligation de

préavis à la charge de l’auteur du non-renouvellement dans les contrats de franchise en

particulier et dans les contrats de la distribution en général, a été approuvée par la

majorité de la doctrine184

.

Le Professeur D. Ferrier, par exemple, estime que l’exigence d’un délai de préavis

lors du non- renouvellement est une solution encore plus pertinente pour le contrat de

franchise que pour le contrat de concession, car « le non-renouvellement du contrat

impliquera non seulement la disparition des signes de ralliement de clientèle et des

autres droits incorporels utilisés jusque-là par le franchisé mais également une

reconversion de ce dernier au plan de sa gestion commerciale. La poursuite de celle-ci

exigera en effet la mise en place d’un nouveau dispositif et il paraît indispensable que le

franchisé puisse s’en inquiéter au cours de la période associée au préavis afin de

réduire le délai de reconversion qui suivra l’expiration du contrat »185.

Dans le même sens, les Professeurs M. Behar-Touchais et G. Virassamy observent

qu’ « exiger un préavis même quand le contrat est à durée déterminée n’est pas si

exorbitant, en particulier en la matière des contrats de la distribution » 186.

184

D. FERRIER, La rupture du contrat de franchisage, JCP CI 1977, p. 12441, n° 18. V. également, M.

BEHAR-TOUCHAIS et G. VIRASSAMY, Les contrats de la distribution, LGDJ, 1999, n° 346. A propos

des contrats de concession, v. Y. CHAPAUD, La concession commerciale, RTD com. 1963, p.451, n°35,

pour qui l’exigence du respect d’un préavis « serait parfaitement conciliable avec l’indépendance juridique du concessionnaire …On doit lui fournir les moyens d’éviter un hiatus dans son activité commerciale .Pour être parfaitement juste, le délai de préavis devrait être fonction du degré d’intégration du concessionnaire, c'est-à-dire de sa subordination qui rendra sa réadaptation plus ou moins aisée et plus ou moins longue ». 185

D. FERRIER, La rupture du contrat de franchisage, op, cit. 186

M. BEHAR-TOUCHAIS et G. VIRASSAMY, op.cit.

Page 59: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

54

A vrai dire, nous estimons que le respect d’un préavis lors du non-renouvellement

ne paraît pas seulement raisonnable et opportun, mais aussi qu’il devrait être la règle

générale s’appliquant à tous les contrats de la distribution bornés dans le temps. Peu

importe que ces contrats renferment ou non une clause de tacite reconduction ou de

renouvellement exprès ou même une clause écartant expressément toute possibilité de

renouvellement. Une telle solution peut être justifiée par plusieurs raisons. La première

est que dans les contrats de franchise à durée déterminée, les contractants ne sont

fréquemment pas « dans un état d’esprit différent de celui qui préside à la conclusion

d’une convention à durée indéterminée»187

. En effet, ceux-ci partent du principe que

leur coopération est établie sur une base durable188

.

En deuxième lieu, il arrive, dans certaines hypothèses, qu’un bon nombre de

franchiseurs prévoient une clause écartant expressément tout renouvellement du contrat

à expiration, et puis lors de l’échéance, et malgré cette clause, les parties conviennent de

renouveler leur contrat. Or, une pareille attitude n’est pas sans conséquences sur les

franchisés. Elle pourrait susciter l’impression chez eux que la stipulation du terme n’est

qu’une simple formalité et que le lien contractuel pourra quand même être poursuivi

toutes les fois qu’il révèle que le contrat est scrupuleusement exécuté.

187

En ce sens, F.-X. LICARI, La protection du distributeur intégré en droit français et allemand, Litec,

2002, préface. C. Witz, p.499. 188

J. BEAUCHARD, La nécessaire protection du concessionnaire et du franchisé à la fin du contrat, in

Libre droit, Mélanges. Ph. Le TOURNEAU, Dalloz, 2008, p. 37: « Les contrats de franchise et de concession sont fondamentalement des contrats de coopération et de collaboration commerciale faites pour durer ». J.-M. LELOUP, Les rapports juridiques dans le contrat de franchise, in Aspects juridiques

de la franchise, Journée d’étude de faculté de Lyon organisée le 21 mai 1986, Litec, p.13, et spéc., p.25.

L’auteur observe que les contrats de franchise sont souvent conclus à durée déterminée. Cela s’explique à

la fois par le fait qu’il faut permettre l’amortissement des investissements du franchisé et qu’il faut aussi

permettre de modifier le contrat une fois que le système commercial paraît vieilli. « Mais nonobstant la mobilité que l’on pourrait souhaiter, peut-être, d’un point de vente de vue théorique, il y a lieu de constater que les contrats de franchise durent finalement, par signature de nouveaux contrats, plus longtemps que cette durée déterminée initiale. Et l’on observe depuis une quinzaine d’années une grande stabilité du lien contractuel, phénomène qui est tout à fait à l’avantage du franchisé : les contrats se succèdent entre même partenaire, avec parfois même une pluralité d’établissement de franchisés, c'est-à-dire qu’un même franchisé le sera plusieurs fois d’un même franchiseur ».

Page 60: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

55

En troisième lieu, il arrive souvent que le contrat de franchise ait été à plusieurs

reprises renouvelé. Or, de tels renouvellements successifs peuvent faire perdre dans

l’esprit des parties aux relations à durée déterminée la signification que ces dernières

ont normalement du droit strict189

et créer légitiment chez le franchisé « la croyance ou

l’espoir de la poursuite des relations contractuelles par un nouveau renouvellement,

sauf au moins à en être averti, avant l’échéance normale du contrat » 190. Leur espoir

que le contrat sera renouvelé l’emporte alors sur le caractère certain du terme

En quatrième et dernier lieu, c’est que l’exigence d’un préavis dans le non-

renouvellement du contrat s’inscrit dans le principe de la transparence dans les relations

contractuelles191

. Une telle exigence a l’avantage de permettre au contractant subissant

la rupture de prendre les mesures nécessaires pour opérer sa reconversion, ce qui lui

permettra de minimiser son préjudice résultant de la perte du contrat. D’où la raison

pour laquelle l’obligation de respecter un délai de préavis lors du non-renouvellement

est consacrée par le Code de déontologie européenne de la franchise.

50. Le Code de déontologie européenne de la franchise. L’article 14 du Code de

déontologie européenne de la franchise prévoit l’obligation pour le franchiseur

d’informer le franchisé, avec un préavis suffisant, de son intention de ne pas renouveler

l’ancien contrat arrivé à son terme ou de ne pas signer un nouveau contrat.

Notons, à cet égard, que les règles du Code de déontologie européenne de la

franchise n’ont pas de caractère contraignant. Les parties ont le choix d’y recourir ou

non. Plus important que le Code de déontologie européenne de la franchise, l’exigence

d’un préavis peut aujourd’hui trouver un appui considérable dans l’article L.442-6 du

Code de commerce.

189

En ce sens, M-E. PANCRAZI-TIAN, La protection judiciaire du lien contractuel, PUAM, 1996,

préface J. Mestre, n° 259, p.221, et spéc., n° 260. 190

M. BEHAR-TOUCHAIS et G. VIRASSAMY, Les contrats de la distribution, LGDJ, 1999, n°346,

p.158, et spéc., p.159. 191

Sur le principe de la transparence, v. N. VIGNAL, La transparence en droit privé des contrats, PUAM,

1998, préface J. Mestre.

Page 61: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

56

51. L’article L. 442-6 du Code de commerce. Afin de renforcer la lutte contre la

rupture brutale et abusive des relations commerciales, le législateur a édicté en 1996 une

loi appelée loi Galland192

. Cette loi modifie l’article 36 de l’ordonnance du 1er

décembre

1986. Elle crée de nouveaux délits civils concernant la rupture brutale de relations

commerciales établies et l’obtention d’avantage manifestement dérogatoires sous la

menace d’une rupture de ces relations. Les dispositions de cette loi ont été modifiées par

la loi sur les nouvelles régulations économiques NRE du 15 mai 2001193

.L’ensemble de

ces dispositions est désormais codifié à l’article L.442-6, I, 5° c.com194

. Cet article

dispose que : « Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice

causé le fait par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au

répertoire des métiers de rompre brutalement, même partiellement, une relation

commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation

commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux

usages du commerce, par des accords interprofessionnels (…)».

La majorité de la doctrine estime que l’article L.442-6, I, 5° du Code de commerce

a une large portée. Selon elle, l’expression de « relation commerciale établie »

employée par cet article comprend non seulement la relation d’affaires à durée

indéterminée mais aussi celle constituée par une succession de contrats à durée

déterminée195

.

192

L. n° 96-588, 1er

juillet 1996, JO 3 juillet 1996, p.9983. 193

L. n° 2001-420, 15 mai 2001, JO 16 mai 200, p.7776. Sur l’ensemble de cette loi, v. M -E.

PANCRAZI, « La moralisation des pratiques commerciales », Dr. et patrimoine, 2001, n°99, p.65. De

même, M. PEDAMON, Nouvelles règles relatives à la rupture des relations commerciales établies, Bull.

d’actualité Lamy Droit économique, décembre 2001, p.1. 194

V. M. MALAURIE-VIGNAL, L’article L.442-6 du code de commerce, une disposition restée lettre

morte ?, Contrats. conc. conso., 2006, n°6, p.10. 195

M.MALAURIE-VIGNAL, Droit de la distribution, Sirey, 2006, n° 681 ; A-V EECKOUT, La durée du

préavis de rupture d’une relation d’affaires, RDC 2005, p.491 ; J.-M. MOUSSERON, Technique

contractuelle, par P. MOUSSERON, J. RAYNARD, J.-B. SEUBE, Technique contractuelle, Edition

Francis Lefebvre, 3e édition, 2005, n° 1286 ; A DE BROSSE, La rupture fautive de relations commerciale

établies, in Dossier Contrats de distribution L’équilibre enfin trouvé ?, Dr. patr. 2003, n°116, p.50 ; A.

GRIZAU, « Rupture brutale des relations commerciales : Réflexion sur les premiers cas d’application de

l’article L.442-6 », in Dossier Contrats de distribution L’équilibre enfin trouvé ?, Dr et patr. 2003, n°116,

p.71 ; D. MAINGUY, Les mystères de la rupture brutale de relations commerciales établies, JCP E

2003, n°51, p.1792 ; D. FERRIER, L’article L.442-6-I, 5°, du Code de commerce s’applique à tout forme

de rupture brutale de tout type de relations commerciales, D. 2003, p. 2433 ; D. MAINGUY, L’esprit et la

lettre du nouvel article L.442-6, du Code de commerce, JCP E 2002, n° 28, p.1729 ; F.-X. LICARI, La

protection du distributeur intégré en droit français et allemand, Litec, 2002, préface. C. Witz, p. 502 et s ;

M. PEDAMON, Nouvelles règles relatives à la rupture des relations commerciale établies, Bull.

d’actualité Lamy Droit économique, décembre 2001, p.1 ; M. BEHAR-TOUCHAIS et G. VIRASSAMY,

Les contrats de la distribution, LGDJ 1999, n°346 p. 158 et s ; J. BEAUCHARD, Stabilisation des

relations commerciales : la rupture de relations commerciales continues, LPA 5 janvier 1998, n° 2, 14 ,16

Page 62: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

57

En conséquence, elle constitue donc « une relation commerciale établie » entrant

dans le champ de l’article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, la relation contractuelle

liant le franchiseur au franchisé dès lors qu’elle a été renouvelée plusieurs fois. Le

franchiseur qui entend ne pas renouveler le contrat est donc tenu de respecter un délai

de préavis. Il doit informer le franchisé, par écrit et dans un délai raisonnable avant

l’échéance du terme, de sa volonté de ne pas renouveler le contrat, sinon il ne peut

échapper au grief de la brutalité et sa responsabilité sera engagée196.

52. Préavis contractuel. Forme et modalité de son exécution. Afin de stabiliser leur

relation contractuelle, le franchisé et le franchiseur prévoient dans leur contrat une

clause de préavis imposant à celui qui ne désire pas renouveler d’informer son

cocontractant, dans certain délai à l’avance et par une lettre recommandée avec accusé

de réception, son intention de mettre fin au contrat. Le non-respect par l’une des parties

du préavis prévu au contrat engagera sa responsabilité contractuelle197

.

53. La durée du préavis. Si le franchiseur et le franchisé peuvent librement déterminer

le délai du préavis que l’auteur du non - renouvellement doit respecter, ce délai doit être

raisonnablement suffisant pour que la partie -notamment le franchisé en situation de

dépendance économique- subissant le non-renouvellement puisse préparer sa

reconversion et trouver une solution de remplacement. Sinon, le juge n’en tiendra pas

compte et considèrera le non-renouvellement comme abusif198

.

et s ; P. VERGUCHE, La rupture brutale d’une relation commerciale établie, RJ com.1997, p.129, et

spéc, p.137. 196

V. F-X. LICARI, th., précitée. 197

Cass. com., 29 janvier 2008, pourvoi n° 06-13. 462. Dans cette décision, la Chambre commerciale a

approuvé l’arrêt d’appel d’avoir rejeté la demande présentée par un franchisé visant à la condamnation du

franchiseur à des dommages et intérêts pour avoir manqué à son obligation de préavis dans le non-

renouvellement du contrat. « Mais attendu qu’ayant relevé que la société Alain Afflelou franchiseur avait expressément informé la société Sportes diffusion de sa volonté de non-renouvellement des contrats par tacite reconduction en envoyant à l’adresse de chacun de ses magasins une lettre recommandée avec demande d’avis de réception qui lui avait été retournée avec la mention « non réclamé. Retour à l’envoyeur », l’arrêt, appréciant souverainement les éléments de preuve qui lui étaient soumis, retient que la société Sportes diffusion ne peut invoquer la non-réception des deux courriers de notification retournés au franchiseur avec la mention « non réclamé, retour à l’envoyeur » dès lors que n’est rapportée ni même alléguée, la preuve d’une erreur d’adresse des destinataires ; que le moyen n’est pas fondé » 198 Comp. Cass. com., 12 mai 2004, pourvoi n° 01-12.865 ; RDC 2004, p. 943, note. Ph. STOFFEL-

MUNCK. Dans cet arrêt concernant un contrat de concession, la Chambre commerciale a cassé un arrêt

d’appel qui, pour estimer suffisant le préavis de rupture d’une relation commerciale à durée indéterminée,

s’est borné à constater qu’il avait été fixé par le contrat.

Page 63: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

58

54. Le respect du contrat au cours du préavis. Rien n’empêche le franchisé ou le

franchiseur, pendant le délai de préavis, d’aller conclure ou de préparer la conclusion

d’un nouveau contrat avec un nouveau partenaire afin d’assurer sa reconversion.

Toutefois, cela ne doit pas, en aucun cas, être au détriment du contrat.

En effet, le franchiseur et le franchisé doivent maintenir leurs obligations jusqu’au

terme du contrat. Pendant le préavis, et tant que celui-ci n’a pas pris fin, le franchiseur

reste tenu, vis-à-vis du franchisé, par exemple, de lui communiquer son savoir-faire, son

assistance technique et commerciale et de lui fournir les produits faisant l’objet du

contrat. Il en va de même pour le franchisé qui doit continuer à lui payer les redevances

convenues, et à respecter les normes de réseaux. Le non-respect de l’un ou l’autre de ses

engagements que met le contrat de franchise à sa charge engagera sa responsabilité.

C’est ainsi qu’un franchiseur a été condamné à des dommages et intérêts pour avoir

manqué à son obligation d’exclusivité durant le préavis du non-renouvellement qu’il a

donné au franchisé199

.

En l’espèce, un franchiseur avait notifié au franchisé son intention de ne pas

renouveler le contrat le liant depuis onze ans à son échéance. Or, deux mois avant

l’arrivée du terme, le franchiseur a diffusé une circulaire annonçant, dans le territoire

protégé par l’exclusivité conférée au franchisé, les noms et adresses du nouveau

franchisé et invitant les clients à prendre contact dès à présent avec lui. Les juges du

fond, approuvé par la Cour de cassation, ont considéré que la diffusion par le

franchiseur deux mois avant l’expiration du contrat d’une telle circulaire constituait une

atteinte fautive à l’exclusivité toujours en vigueur consentie au franchisé.

Il convient finalement de souligner qu’outre le respect du préavis lors du non-

renouvellement du contrat de franchise, l’auteur du non-renouvellement doit s’abstenir

d’adopter tout comportement incohérent susceptible de nuire à son cocontractant, sinon

il ne pourra échapper à la sanction de l’abus.

199

Cass. com., 12 novembre 1996, pourvoi n° 94-14. 329, RJDA 1997, n° 343.

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59

b. Obligation de cohérence et abus de droit au renouvellement

55. Le principe de cohérence ou l’interdiction de se contredire. Contracter avec

quelqu’un, c’est accepter d’adopter une conduite ordonnée, un comportement cohérent

envers lui. C’est là tout le sens du principe de cohérence200

ou du principe de

l’interdiction de se contredire au détriment d’autrui201

.

Ce principe pose à la charge de tout contractant une obligation d’agir de manière

cohérente. Il lui interdit de changer trop brusquement d’avis, de revenir sur ses actes, et

donc de décevoir l’attente légitime qu’il a créée par ses attitudes202

. Sa finalité est alors

« de protéger autrui contre les retournements d’attitude d’une personne qui, ayant

durablement laissé croire qu’elle ferait une chose, se contredit brutalement en décidant

de faire le contraire »203.

56. Consécration en droit comparé. Le principe de l’interdiction de se contredire au

détriment d’autrui est connu dans plusieurs systèmes juridiques étrangers. Il en est ainsi

en droit anglais où il est connu sous le nom d’« estoppel »204 ou en droit allemand et

droit suisse sous le terme de « Verwirkung » 205. Il en va de même pour le droit

musulman dans lequel ce principe est désigné sous le terme de « tanakod »206 ou enfin

dans le droit du commerce international207

.

200

D. HOUTCIEFF, Le principe de cohérence en matière contractuelle, PUAM, 2001, préface. H. Muir-

Watt. 201

V. L’interdiction de se contredire au détriment d’autrui, Economica 1999, Coll. Paris, sous la dir. M.

BEHAR-TOUCHAIS. 202

D. HOUTCIEFF, th., précitée, n° 54, p.64. 203

Ph. STOFFEL-MUNCK, L’abus dans le contrat, LGDJ, 2002, préface. R. Bout, n° 99, p.92. 204

B. FAUVARQUE-COSSON, L’estoppel du droit anglais, in L’interdiction de se contredire au

détriment d’autrui, Economica 1999, sous la dir. M. BEHAR-Touchais, p.3 ; B. FAUVARQUE-

COSSON, obs sous Cass. civ., 1er

6 juillet 2005, RDC 2006, n° 4, p. 1279. 205

F. RANIERI, Le principe de l’interdiction de se contredire au détriment d’autrui ou du venire contra

factum proprium dans les droits allemand et suisse et sa diffusion en Europe, in L’interdiction de se

contredire au détriment d’autrui, op.cit., p.25. Selon l’auteur, en droit allemand, « le principe de bonne foi est devenu aujourd’hui un remède pour assurer la légitimation formelle de toute une série de solutions équitables. Et il est en même temps un repère formule, qui permet au juge allemand d’agir en tant que législateur, en lui offrant la possibilité de créer des normes là où il en manque ou de modifier des effets considérés comme étant inéquitables de dispositions légales ou contractuelles ». 206

D. HOUTCIEFF, th., précitée, n° 951, p.726 et s ; A-M. OMAR, La notion d’irrecevabilité en droit

judiciaire privé, LGDJ, 1967, préface. R. Perrot, n°30, p.13. 207

P. PINSOLLE, Les applications du principe de l’interdiction de se contredire au détriment d’autrui en

droit du commerce international, in L’interdiction de se contredire au détriment d’autrui, opt.cit., p.37. V.

également, E. GAILLARD, L’interdiction de se contredire au détriment d’autrui comme principe général

du droit du commerce international, Rev.arb.1985, p.241.

Page 65: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

60

57. Consécration récente en droit français? En droit français, le principe de

cohérence ou le principe de l’interdiction de se contredire au détriment d’autrui, dans

lequel certains auteurs ne voient qu’un simple corollaire de la force obligatoire du

contrat208

tandis que d’autres y voient un principe autonome qui ne peut s’identifier à

cette dernière209

, n’ont pas été expressément consacré par les juges en tant que tel. Ce

n’est qu’à partir de 2005 que la question de la consécration du principe de cohérence ou

de l’interdiction de se contredire au détriment d’autrui parmi les autres principes a été

posée en droit français.

A cette époque, la première Chambre civile de la Cour de cassation a, pour la

première fois, utilisé le terme «estoppel » pour rejeter le pourvoi d’un demandeur qui,

après avoir sollicité l’arbitrage, invoquait l’absence de convention d’arbitrage

valable210

.

58. L’incohérence, source de responsabilité : sanction sur le fondement de l’abus.

Que le principe de cohérence ou l’interdiction de se contredire soit ou non consacré

expressément dans l’ordre juridique français, il convient de noter que les juges tiennent

compte de l’attitude contradictoire du contractant. Ils n’hésitent pas, en effet, à

sanctionner le franchiseur, sur le fondement de l’abus, lorsqu’ils constatent que celui-ci

a incité le franchisé à procéder à des investissements peu de temps avant l’échéance

dans l’espoir de la poursuite de la relation contractuelle et, de manière brusque, lui a

refusé le renouvellement du contrat211

.

208

B. CELICE, Les réserves et le non-vouloir dans les actes juridiques, .LGDJ, 1968, préface J.

Carbonnier, n°176 : « ce sont les obligations et les liens de droit qui imposent à autrui la cohérence dans son comportement » V. aussi, B. FAGES, Le comportement du contractant, th. PUAM, 1997, préface J.

Mestre, n° 595, p. 322. Pour l’auteur, « la notion du contrat est dès le départ liée à l’aide de cohérence : c’est être cohérent que de respecter ses engagements ». 209

D. HOUTCIEFF, th., précitée, n° 929, p.715 et s. 210

B. FAUVARQUE-COSSON, obs sous Cass. civ. 1er

, 6 juillet 2005, RDC. 2006, n° 4, p. 1279. 211

M. MALAURIE-VIGNAL, Droit de la distribution, Sirey, 2006, n° 657, n° 657, p.179 ; D. FERRIER,

Un an de droit des contrats de distribution intégrée, Cah. dr. ent. 2005, n° 6, p. 24 ; Ch. BOURGEON, La

prise en compte des investissements dans la résiliation abusive des contrats de distribution, RDC 2004,

p.1107 ; Ph. Le TOURNEAU, Les contrats de franchisage, Litec, 2003, n°787, p. 280 ; F.-X. LICARI, La

protection du distributeur intégré en droit français et allemand, .Litec, 2002, préface. C. Witz, p.481 ; M.

BEHAR-TOUCHAIS et G. VIRASSAMY, Les contrats de la distribution, LGDJ 1999, n° 350, p.163 ; J.

MESTRE, Résiliation unilatérale et non-renouvellement dans les contrats de distribution, in La cessation

des relations contractuelles d’affaires, Colloque de l’institut de Droit des affaires d’Aix-en-Provence,

PUAM, 1996, p.9, et spéc., p.16.

Page 66: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

61

59. Approbation. Une telle solution jurisprudentielle est pleinement justifiée. Refuser

de renouveler le contrat après avoir exigé du franchisé de réaliser certains

investissements, le franchiseur se montre totalement indifférent à l’impasse économique

et sociale dans laquelle ses exigences combinées à l’exercice de son droit de ne pas

renouveler le contrat ont placé le franchisé212

.

Comme le relève un auteur, « l’incitation à l’investissement dont le concédant [ou

le franchiseur] est l’auteur, crée nécessairement chez son partenaire une croyance

légitime au maintien ou au renouvellement du contrat ; dans une telle hypothèse, une

certaine stabilité du lien contractuel, d’expression essentiellement indemnitaire, doit se

substituer à sa précarité naturelle dans l’intérêt légitime du concessionnaire [du

franchisé]. Dès lors, lorsque ce dernier s’est plié aux exigences du concédant [ou du

franchiseur] mais que celui-ci, telle une girouette ou plutôt un contractant déloyal et de

mauvaise foi, décide de mettre fin au contrat, il ne fait alors guère de doute que

l’exercice de son droit de ne pas maintenir le contrat ou de ne pas renouveler est abusif

et doit être sanctionné »213.

60. Limite. Toutefois, il faut noter qu’à défaut de circonstances suffisantes créant la

croyance légitime chez le franchisé à la poursuite de la relation contractuelle, la

jurisprudence paraît de plus en plus réticente à admettre le caractère abusif du non-

renouvellement ou de la rupture du contrat de franchise. Non seulement elle refuse de

retenir l’abus dans le non-renouvellement du contrat par le franchiseur lorsque la

réalisation des investissements a été faite à l’initiative du franchisé et non sous la

contrainte du franchiseur214

, mais aussi lorsque les éléments de fait créant la croyance

chez le franchisé dans la durabilité du contrat sont assez faibles. C’est ce que l’on peut

déduire de l’arrêt du 3 novembre 2004 rendu par la Chambre commerciale de la Cour de

cassation215

.

212

D. MAZEAUD, Durée et rupture, in Durée et exécution du contrat, RDC 2004, 129, n° 22, p.144 213

D. MAZEAUD, obs. sous Cass. com., 5 avril 1994, D. 1995, somm., p. 90. V. aussi, J. MESTRE, obs.

sous . CA Paris 15 février 1990, RTD civ.1990, p.653. 214

Comp. Cass. com., 7 octobre 1997 et 20 janvier 1998, D.1998, jur., p.413, Ch. JAMIN ; somm.333,

obs. D. FERRIER. 215

Cass. com., 5 octobre et 3 novembre 2004, RDC. 2005, 288, obs. Ph. STOFFEL-MUNCK.

Page 67: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

62

Cet arrêt est rendu à propos d’un contrat de concession mais dont la solution est

sans doute transposable à tous les contrats de la distribution et notamment aux contrats

de franchise. En l’occurrence, un concédant a été condamné pour rupture abusive du

contrat de concession au motif qu’il a laissé croire au concessionnaire à la poursuite du

contrat. L’arrêt d’appel a retenu que le concédant avait rompu le contrat après avoir

préparé avec le concessionnaire la stratégie commerciale à venir et avait même fixé la

date d’une prochaine réunion. Or, l’arrêt a été cassé par la Chambre commerciale. Celle-

ci a jugé qu’ « en se déterminant par ces motifs, alors que le concédant était en droit de

rompre le contrat à tout moment, indépendamment de l’échec de la reprise de la

concession, la cour d’appel, qui n’a pas constaté que le concédant avait fait croire au

concessionnaire que le contrat serait poursuivi pour l’inciter à procéder à des

investissements, n’a pas donné de base légale à sa décision ».

61. Critique. De cet arrêt, on peut déduire que le fait matériel de la réalisation des

investissements à l’initiative du franchiseur est nécessaire pour rendre abusif le non-

renouvellement du contrat par celui-ci ou même sa résiliation216

. L’incohérence de son

comportement ne peut donc engager sa responsabilité, sur le fondement de l’abus, tant

qu’il n’a pas incité le franchisé à procéder à des investissements. Autrement dit, le fait

que le franchiseur laisse le franchisé croire que le contrat serait poursuivi ne rend pas le

non-renouvellement ultérieur abusif dans la mesure où il n’a pas incité le franchisé à

effectuer des investissements.

Une telle solution, que certains estiment qu’elle constitue «un défi au respect de la

parole donnée» 217

, paraît critiquable à plusieurs égards. D’abord, elle s’accommode

mal avec le devoir de transparence qui exige de chaque contractant non seulement de

clarifier le contenu du contrat, mais également d’adopter un comportement clair dans le

déroulement du contrat218

.

216

Ph. STOFFEL-MUNCK, obs sous Cass. com., 5 octobre et 3 novembre 2004, arrêt précité. 217

M. MALAURIE-VIGNAL, Droit de la distribution, Sirey, 2006, n° 657, p.179. 218

V. N. VIGNAL, La transparence en droit privé des contrats, PUAM, 1998, préface J. Mestre, n° 33,

p.41. L’exigence de transparence est exigée « lorsque la formation suppose une période de négociation, au cours de laquelle les partenaires précisent leurs objectifs, discutent les propositions et les contre–propositions qu’ils se font mutuellement afin de déterminer son contenu. Et elle est également exigée dans le déroulement des relations d’affaires, lorsque le maintien de celle–ci est incertain, soit parce que ces relations ne sont pas organisées par un contrat–cadre, leur continuation dépendant alors de la conclusion d’une nouvelle convention, soit parce qu’elles sont régies par un accord dont l’une des parties envisage de modifier le contenu ».

Page 68: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

63

Ce devoir s’impose dans toutes les hypothèses où il se révèle que la croyance de

l’une des parties dans la continuation du contrat est susceptible d’être trompée. Ensuite,

elle peut avoir pour effet de déstabiliser les rapports contractuels. En effet, si la

croyance dans la continuation du contrat de franchise que le franchiseur a créée dans

l’esprit du franchisé n’a pas réellement amené celui-ci à effectuer des investissements,

elle pourrait néanmoins le conduire à prendre des engagements vis-à-vis des tiers

comme, par exemple, l’obtention de crédit par sa banque, l’engagement dont la

dénonciation ultérieure de sa part peut engager sa responsabilité. La responsabilité du

franchiseur devrait donc être engagée dès lors qu’il se révèle qu’il a crée par son attitude

chez le franchisé la croyance dans le maintient du contrat abstraction faite du fait que

cela a amené ou non ce dernier à réaliser certains investissements. Ce n’est que de cette

manière que l’on peut assurer la stabilité et la sécurité des relations contractuelles. Reste

à savoir si la responsabilité de l’auteur du non-renouvellement peut être engagée si le

juge constate que les motifs du non-renouvellement fournis par lui sont inexacts ou

injustifiés.

2. La question du contrôle des motifs de la décision de non- renouvellement

62. Débat doctrinal. La motivation peut être définie comme étant un acte

d’« extériorisation [par lequel une personne] doit expliquer ses raisons, et donc les

exprimer, pour pouvoir prendre certaines décisions et adopter certaines attitudes »219

ou comme « un discours rhétorique destiné à convaincre de la rationalité d’une

décision générale ou particulière, par la présentation organisée de l’ensemble des

considérations qui, selon son auteur, commandent qu’il prenne telle option »220

.

Certains auteurs plaident pour que soit imposée à la charge du franchiseur ou du

concédant, qui ne souhaite pas renouveler le contrat à expiration, une obligation de

motivation221

.

219

M. FABRE-MAGNAN, L’obligation de motivation en droit des contrats, in Le contrat au début de

XXIe siècle, Mélanges. J. Ghestin, LGDJ, 2001, p.301,et spéc., p.306.

220 Th. REVET, L’obligation de motiver une décision contractuelle unilatérale, instrument de vérification

de la prise en compte de l’intérêt de l’autre partie, in Obligation de motivation et droit des contrats, RDC.

2004, p.579. 221

M. FABRE-MAGNAN, Pour la reconnaissance d’une obligation de motiver la rupture des contrats de

dépendance économique, in Obligation de motivation et droit des contrats, RDC. 2004, p.573 ; D.

MAINGUY, Remarques sur les contrats de situation et quelques évolutions récentes du droit des contrats,

in Mélanges M. Cabrillac, Dalloz, Litec, 1999, p. 165, et spéc., n°16, p.177 ; Ch. JAMIN, La recherche

Page 69: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

64

Cette obligation conduirait généralement à retenir un abus à son encontre à défaut

de motif justifiant son refus de renouveler le contrat ou lorsqu’il justifie son refus de

renouvellement par des motifs fallacieux et, positivement, à le contraindre à donner un

motif légitime à sa décision de rompre222

. Selon l’analyse de ces auteurs, une pareille

obligation de motivation à la charge du franchiseur peut être fondée sur le devoir de

coopération qui s’analyse en la prise en considération des intérêts légitimes du franchisé

lorsque, pendant des années, celui-ci a contribué au développement et à la prospérité du

réseau de franchise223

.

Ils ajoutent que, outre le fait qu’elle peut être un instrument efficace de contrôle de

l’exercice correct du droit de rompre224

, la mise en œuvre de cette obligation peut se

justifier par une double raison. D’une part, elle peut s’expliquer par l’état de

dépendance dans lequel se trouve le franchisé à l’égard du franchiseur, état de

dépendance qui fait, selon eux, que le franchisé ne dispose pas des moyens de

démontrer l’abus si le franchiseur n’est pas obligé, à tout le moins, d’alléguer les raisons

qui l’ont conduit à ne pas renouveler ou à rompre le contrat225

.

de nouveaux équilibres entre les parties dans les réseaux intégrés de distribution, LPA 1996, 6 mars, n°

29, p.24, et spéc., p.30 ; du même auteur, Plaidoyer pour le solidarisme contractuel, Mélanges. J.Ghestin,

LGDJ, 2001, p.441 et p.464 et s ; D. MAZEAUD, Loyauté, solidarité, fraternité : la nouvelle donne

contractuelle ?, Mélanges F. Terré, Dalloz, Litec, 1999, p. 603 ; D. MAZEAUD, obs sous Cass com., 25

avril 2001, D. 2001, somm., p.3237 ; D. MAZEAUD, Solidarisme contractuel et réalisation du contrat, in

Le solidarisme contractuel, Economica, 2004, sous la dir. L. Grynbaum et M. Nicod, p. 57, n° 19,p.67 ;

P.-Y. GAUTIER, rapport de synthèse, La cessation des relations contractuelles d’affaires, Colloque de

l’institut de Droit des affaires d’Aix-en-Provence, PUAM, 1996, p. 216 ; P.-Y. GAUTIER, obs. sous

Cass. com., 7 octobre 1998, RTD civ. 1998, p. 130 ; F. COLLART-DUTILLEUL et Ph.

DELEBECQUE, Contrats civils et commerciaux, 7e édition, Précis Dalloz, 2004, n° 950, p.926 et s.

222 D. MAZEAUD, Durées et ruptures, in Durée et exécution du contrat, RDC 2004, p. 129, et spéc.,

n°24, p.146 et s. 223

Ch. JAMIN, Plaidoyer pour le solidarisme contractuel, Mélanges. J. Ghestin, LGDJ, 2001, p.441 et

p.464 et s ; D. MAZEAUD, Loyauté, solidarité, fraternité : la nouvelle donne contractuelle?, Mélange. F.

Terré, Dalloz, Litec, 1999, p.603 ; du même auteur, Solidarisme contractuel et réalisation du contrat, in

Le solidarisme contractuel, Economica, 2004, sous la dir. L. Grynbaum et M. Nicod, p.57, n°19,p. 67 224

D. MAZEAUD, obs sous Cass com., 25 avril 2001, D. 2001, somm., p. 3237. 225

M. FABRE-MAGNAN, Pour la reconnaissance d’une obligation de motiver la rupture des contrats de

dépendance économique, in Obligation de motivation et droit des contrats, RDC. 2004, p.573, et spéc.,

p.577 : « le contractant en état de dépendance économique ne dispose en effet pas des moyens de démontrer l’abus -limite nécessaire et incontestée du droit de rompre -si son cocontractant n’est pas obligé à tout le moins d’alléguer les raisons qui l’ont conduit à rompre le contrat. A partir de là, le contrôle minimum consistera pour les juges à n’admettre que les raisons suffisamment sérieuses pour justifier le dommage causé au contractant pour lequel le contrat constitue le moyen de subsistance ».

Page 70: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

65

D’autre part, l’exigence de motivation dans la rupture du contrat de franchise peut

se justifier par les conséquences économiques graves que subit le franchisé du fait de

cette rupture, conséquences allant parfois jusqu’à l’arrêt définitif de son activité

commerciale226

.

A l’inverse, d’autres auteurs contestent cette analyse. Ils refusent de mettre à la

charge du franchiseur qui ne souhaite pas renouveler le contrat à l’échéance une

obligation de motiver sa décision227

. A leurs yeux, le franchiseur doit être libre de ne

pas procéder au renouvellement du contrat dont le terme est échu. Aucune motivation

dans sa décision ne doit être exigée de lui. Décider autrement, estiment-ils, pourrait

établir une rigidité dans les réseaux de distribution et créer ainsi des rentes de

situation228

.

226

D. MAINGUY, Remarques sur les contrats de situation et quelques évolutions récentes du droit des

contrats, n°16, p.176, et spéc., p.177 : « Au soutien d’une telle exigence, un premier argument résulte de l’analyse des conséquences de la rupture d’un contrat de situation. Au-delà de la simple contemplation des intérêts du contractant, la situation future de l’entreprise se prête à l’observation. La fin du contrat risque d’emporter l’arrêt de son activité s’il ne trouve pas de solution de remplacement, justifiant l’observation des conséquences de la rupture sur l’entreprise en elle–même, à travers ses dirigeants, la collectivité du personnel, ses associés, ses fournisseurs ou clients : tous perdent un travail, un emploi ou un marché ». 227

M. MALAURIE-VIGNAL, Droit de la distribution, Sirey, 2006, n 677, p.183 ; Y. MAROT, obs sous.

CA Paris, 12 janvier 2005, LPA 8 décembre 2005, p.9 ; D. FERRIER, Une obligation de motiver ?, in

Obligation de motivation et droit des contrats, RDC. 2004, p.558 ; M. BEHAR-TOUCHAIS, Motivation

et agrément, RDC. 2003, p.152 ; B. FAGES, Des motifs de débat, in Obligation de motivation et droit

des contrats, RDC. 2004, p. 563 ; J.-P. CHAZAL, Les nouveaux devoirs des contractants : est–on allé

trop loin ? in La nouvelle crise du contrat Dalloz, 2003, p. 99, et spéc., p.122. 228

Y. MAROT, obs. CA Paris, 12 janvier 2005, LPA 8 décembre 2005, p.9, et spéc, 15 : « … le franchiseur doit être libre de l’admission à l’origine de tout franchisé dans son réseau, tout comme il doit être libre de maintien de ce même franchisé dans le réseau lors du renouvellement du contrat. En effet, le réseau a évolué depuis la date à laquelle le franchisé est entré ; des membres sont entrés et sortis du réseau, l’environnement économique a évolué, le savoir-faire s’est généralement enrichi. Les conditions qui ont pu prévaloir lors de l’admission à l’origine ont donc changé et la candidature doit pouvoir être réexaminée par le franchiseur dans une totale liberté ».

Dans le même sens, J.-P. CHAZAL, Les nouveaux devoirs des contractants : est–on allé trop loin ? in La

nouvelle crise du contrat Dalloz, 2003, p. 99, et spéc., p.122. : «(…) il serait inopportun d’admettre un devoir de motiver la résiliation des contrats de distribution .En premier lieu, il faudrait s’entendre sur le contenu de la motivation .Quels sont les motifs qui légitimeraient une résiliation du contrat indépendamment de toute inexécution ? Difficile à dire, mais la jurisprudence élaborée à propos du mandat d’intérêt commun laisser présager l’instauration d’une regrettable rigidité dans les réseaux de distribution, créant ainsi des rentes de situation. En second lieu, si l’on convient que les motifs qui animent l’auteur de la résiliation ne sont pas indifférents, ils ne forment pas le cœur du problème. En effet, le principal est de ne pas causer à son partenaire un préjudice insupportable en ne respectant pas un minimum d’équilibre économique. Or, pour l’appréciation d’un éventuel déséquilibre causé par la rupture ou le non–renouvellement d’un contrat, la durée, en ce qu’elle permet de rentabiliser les investissements, est une valeur économique qu’il faut peser dans la balance des obligations et des droits réciproques .La commutativité (art.1104), la cause (art.1131c .civ.) et l’équité (art.1135 c.civ.) sont donc les notions idoines pour sanctionner les déséquilibres injustes causés par la décision de rupture ».

Page 71: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

66

D’ailleurs, la mise éventuelle d’une telle obligation à la charge du franchiseur

emporterait une présomption d’exercice abusif du droit de ne pas renouveler le

contrat229

. Celui-ci sera censé avoir abusé de son droit au non-renouvellement du contrat

à expiration jusqu’à ce qu’il puisse fournir une justification de sa décision. Or, cela ne

paraît pas seulement difficilement conciliable avec les règles du droit commun, mais

encore remettrait en cause la présomption de bonne foi230

. Enfin, pour écarter toute

éventuelle mise en œuvre d’une obligation de motivation à la charge du franchiseur, un

auteur observe que l’exigence de motivation dans le non-renouvellement ou dans la

rupture du contrat de manière générale aurait pour corollaire l’exercice d’un contrôle

régulier par le juge, ce qui serait sans doute excessivement lourd pour les tribunaux231

.

63. L’obligation de motivation, solution justifiée, mais non idéale. L’instauration

d’une obligation de motivation à la charge du franchiseur qui ne désire pas renouveler le

contrat à son échéance pourrait conduire à instaurer, au moins relativement, un équilibre

dans les relations contractuelles entre franchiseur et franchisé232

, équilibre qui paraît, au

moins, jusqu' à alors, toujours introuvable233

. D’ailleurs, elle peut se justifier par des

raisons économiques. La rupture du contrat de franchise par le non-renouvellement ou

pour toute autre cause expose le franchisé évincé du réseau à des conséquences

économiques désastreuses. Contrairement au franchiseur qui trouve le plus souvent

facilement un autre franchisé à qui accorder l’exploitation de la franchise, le franchisé

se trouve fréquemment placé dans une situation délicate, sans aucune solution de

rechange équivalente234

.

229

D. FERRIER, Une obligation de motiver?, in Obligation de motivation et droit des contrats, RDC avril

2004, p.558, et spéc., n°8, p.561. 230

Ibid. 231

M. BEHAR-TOUCHAIS, Motivation et agrément, RDC. 2003, p.152, et spéc., p.154 et s. 232

En ce sens, D. MAZEAUD, Durée et rupture, op.cit, n° 24, p.146 et s : « Instrument de contrôle du pouvoir unilatéral que détient un contractant sur le sort du lien contractuel, l’obligation de motivation paraissait pourtant appropriée pour que soit établi un équilibre minimum entre, d’une part, la liberté de principe qui doit être reconnue au concédant de changer de cocontractant, et donc de rompre unilatéralement ou de ne pas renouveler le contrat, d’autre part, la sécurité du concessionnaire que la rupture du contrat place inéluctablement dans une situation économique et sociale pour le moins délicate ». 233

J. BEAUCHARD, Droit de la distribution et de la consommation, PUF 1996, p.190. 234

Sur la situation du franchisé en fin du contrat, v. J. BEAUCHARD, La nécessaire protection du

concessionnaire et du franchisé à la fin du contrat, in Mélanges. Ph. Le Tourneau, Dalloz, 2008, p.37, et

spéc., p.41 : « Si le contrat est rompu ou n’est pas renouvelé à son terme, il est rare que le concessionnaire ou le franchisé puisse se reconvertir facilement, ou même survive (économiquement). Le concessionnaire qui perd sa concession ne peut céder un fonds de commerce, puisque le fonds n’a pratiquement aucune valeur sans le contrat. La reconversion même de ses locaux n’est pas toujours facile et ne se fait jamais sans nouveaux investissements. Le franchisé qui perd son contrat, ne peut lui non plus, céder son fonds de commerce. Et, en générale, il ne peut même pas céder son droit au bail puisque

Page 72: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

67

Il aura de la peine à se lier à un autre réseau de franchise, ne serait-ce que parce

qu’il est généralement lié par une clause de non-concurrence lui interdisant, pendant un

certain délai, d’exercer son activité ou toute autre activité similaire.

S’ajoute à cela que les investissements, parfois gigantesques, qui se trouvent

souvent imposés à lui par le franchiseur, deviennent inutiles. Il serait, dans beaucoup de

cas, difficile pour le franchisé évincé de réutiliser les installations qu’il avait mises en

place à l’occasion de l’exécution du contrat ou même de les écouler, d’autant plus que

de telles installations n’ont bien souvent d’utilité que dans le domaine de la franchise235

.

Tout cela peut entraîner pour le franchisé évincé non seulement d’énormes préjudices,

mais aussi parfois le ruiner et le faire disparaître totalement et de manière définitive de

la scène commerciale. Dès lors, la prise en considération d’une telle situation

économique, que peut connaître le franchisé évincé à la fin du contrat, mériterait

d’imposer une obligation de motivation à la charge du franchiseur lors du non-

renouvellement du contrat.

En effet, et comme le relèvent certains auteurs, s’il est incontestable que

l’économie ne peut dans tous les cas dicter la solution juridique à adopter, elle permet

néanmoins de fournir « une série d’arguments en faveur de l’adoption de telle ou telle

règle de droit ou au contraire démontrent l’inefficacité ou les effets pervers de telle ou

telle autre règle »236 .

celui-ci, dans la plupart des cas, ne peut l’être qu’à un successeur dans le fonds. Sans compter que le contrat comporte fréquemment une clause de non -concurrence ». V. aussi J. BEAUCHARD, Droit de la

distribution et de la consommation, PUF 1996, p.190 ; Ph. Le TOURNEAU, Le franchisage,

Economica, 1994, p.47, et s. 235

R. BALD, Le droit de la distribution commerciale dans l’Europe communautaire, Bruylant 1988,

p.141. L’auteur a fait remarquer que le non renouvellement du contrat de franchise par le franchiseur peut

placer le franchisé dans une situation qui peut être fort délicate si l’essentiel des amortissements n’a pas

été effectué faute de temps. C’est sur cette base que l’on s’est demandé si les caractéristiques particulières

du contrat de franchise ne justifieraient pas une plus grande protection du franchisé que des

concessionnaires exclusifs, par l’instauration de délais plus longs. J. BEAUCHARD, Droit de la

distribution et de la consommation, op.cit. 236

J. CHESTIN et G. GOUBEAUX, avec le concours M. FABRE-Magnan, Introduction générale, LGDJ,

4e édition, 1994, n°115, p. 84, et spéc., p.85. V. aussi, R. ENCINAS de MUNAGOM, L’analyse

économique est-elle une source de droit ? Propos sur la doctrine du premier président de la Cour de

cassation, RTD civ. 2006, p.505.

Page 73: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

68

La mise en œuvre d’une obligation de motivation à la charge du franchiseur lors du

non-renouvellement du contrat peut également trouver une raison justificative dans la

nature même du contrat de franchise. En fait, celui-ci est un contrat d’intérêt

commun237

. Bien qu’ils soient juridiquement indépendants, le franchisé et le franchiseur

sont liés par une convergence d’intérêt. Les deux parties collaborent afin de réaliser un

but commun qui est la création et le développement de la clientèle. La logique de cet

intérêt commun impose, nous semble t-il, pour le franchiseur qui ne désire pas

renouveler le contrat à expiration, de justifier sa décision de rupture ou, à défaut, de

payer une indemnité au franchisé évincé238

. En outre, l’exigence de motivation aurait

pour effet d’amener le franchiseur à prendre en compte les intérêts du franchisé lors de

la prise de la décision de non- renouvellement du contrat ou de résiliation, de sorte que

sa décision soit prise après réflexion239

, ce qui reviendrait, finalement, à limiter le risque

d’arbitraire240

.

Pour autant, et malgré les avantages qu’elle présente, l’instauration d’une

obligation de motivation à la charge du franchiseur lors du non-renouvellement du

contrat ne paraît pas la solution idéale susceptible de fournir une bonne protection aux

franchisés comme aux concessionnaires à la fin de leur contrat241

. Obliger le franchiseur

ou le concédant à motiver son refus de renouveler le contrat, à défaut de quoi, celui-ci

sera jugé abusif et donc engagera sa responsabilité « manquerait encore d’efficacité

puisque le remède ne serait que curatif »242.

237

Favorable à cette qualification, Ph. Le TOURNEAU, Les contrats de franchisage, Litec, 2003, n°275,

p.98, et spéc., n° 277, p.99. V. également, D. MATRAY, Introduction générale, in Le contrat de

franchise, Bruylant, 2001, Séminaire organisé à Liège Le 29 septembre 2000, p.7 ; A. BRUNET,

Clientèle commune et contrat d’intérêt commun, in Mélanges. A. Weill, Dalloz Litec 1983, p.85 ; T.

HASSLER, L’intérêt commun, RTD com. 1984, p.581, et spéc.,p. 625. 238

V. Ph. Le TOURNEAU, Les contrats de franchisage, Litec, 2e édition, 2007, n° 656, p.288. L’auteur

s’interroge sur le point de savoir s’il ne faudrait pas que la décision de non - renouvellement du contrat de

franchise soit motivée en raison de son caractère d’intérêt commun : « Peut- être faudrait-t-il cependant qu’il fût motivé, à raison du caractère d’intérêt commun du contrat, depuis que cette expression a été employée par la loi du 31 décembre 1989 ». 239

Th. REVET, L’obligation de motiver une décision contractuelle unilatérale, instrument de vérification

de la prise en compte de l’intérêt de l’autre partie, in Obligation de motivation et droit des contrats, RDC

avril 2004, p. 579, et notamment n° 5, p.583. 240

X. LAGARDE, La motivation des actes juridiques, La motivation, TAHC, LGDJ, 2000, p.78 : « La

motivation oblige à la réflexion en sorte qu’elle limite à la source le risque d’arbitraire » 241

En ce sens, J. BEAUCHARD, La nécessaire protection du concessionnaire et du franchisé à la fin du

contrat, in Libre droit, Mélanges. Ph. Le Tourneau, Dalloz, 2008, p. 37, et spéc., p.47. 242

Ibid.

Page 74: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

69

La raison en est que les litiges concernant la rupture du contrat, « sont aléatoires

et trop longs. Ce sont des litiges qui vont toujours en appel, sinon en cassation compte

tenu des intérêts en jeu, cruciaux pour l’une des parties au moins. Il s’écoule facilement

cinq ou six ans, voire plus en cas de cassation, avant qu’une décision définitive soit

rendue, laquelle se traduit essentiellement par des dommages-intérêts, en général

insuffisants et qui viennent trop tard : le mal est fait, l’entreprise du concessionnaire ou

du franchisé est alors en liquidation judiciaire et les dommages-intérêts ne viennent

combler bien souvent qu’une partie du passif, qui entre-temps, a crû

considérablement »243.

Au lieu d’instaurer une obligation de motivation dans le non-renouvellement ou

dans la résiliation unilatérale du contrat lorsque celui-ci est conclu pour une durée

indéterminée, il paraît opportun d’octroyer aux franchisés comme aux concessionnaires

une indemnité à la fin de leur contrat244

. Cette indemnité, reconnue par la loi, peut être

fondée sur la participation du franchisé au développement de l’activité du franchiseur.

Toutefois, ce n’est pas du droit positif. La jurisprudence refuse constamment non

seulement de reconnaître aux franchisés le droit d’une indemnité en fin de contrat, autre

que celle qui serait due en cas de rupture fautive, mais encore de mettre à la charge du

franchiseur une obligation de motivation lors de non-renouvellement.

64. Réticence jurisprudentielle. En effet, la jurisprudence tient fermement au principe

de la liberté de renouveler un contrat à son échéance245

. Elle refuse d’imposer au

franchiseur, qui ne veut pas renouveler le contrat, une obligation de motiver sa décision.

Selon elle, libre de s’engager, le franchiseur doit être libre de se libérer d’un tel

engagement. Il peut donc librement refuser de renouveler le contrat à son terme sans

être tenu de justifier sa décision. Cette solution est rappelée par une jurisprudence

constante.

243

Ibid. 244

J. BEAUCHARD, La nécessaire protection du concessionnaire et du franchisé à la fin du contrat,

op.cit. 245

V. D. MAZEAUD, La politique contractuelle de la Cour de cassation, in Libres propos sur les sources

du droit, Mélanges. Ph. Jestaz, Dalloz, 2006, p. 371.

Page 75: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

70

Dans un arrêt du 6 mai 1997, le Tribunal de commerce de Paris a jugé que le non-

renouvellement était un droit appartenant au franchiseur qui pouvait l’exercer sans qu’il

soit tenu de justifier sa décision246

. La même solution a été ultérieurement réaffirmée

par la Cour d’appel de Paris dans un arrêt du 12 janvier 2005247

. Dans cet arrêt, celle-ci

a jugé que le franchiseur n’était pas tenu de justifier les motifs du non-renouvellement,

et par conséquent, le tribunal ne pouvait procéder à aucun contrôle des motifs. En

jugeant ainsi, la Cour d’appel de Paris a voulu s’aligner sur la jurisprudence de la Cour

de cassation rendue en matière de contrat de concession. Dans ce dernier, la Chambre

commerciale a affirmé que le concédant « n’avait pas à donner de motifs au non-

renouvellement du contrat (…) que ceux-ci fussent-ils fallacieux ou non sérieux, ne

pouvaient constituer un abus, et que l’examen des motifs de rupture invoqués (…] était

inutile »248.

Une telle réticence de la part de la jurisprudence à l’égard de l’instauration d’une

obligation de motivation à la charge du franchiseur ou du concédant lors du non-

renouvellement du contrat, s’explique, sans doute, par le souci de préserver la liberté de

celui-ci. En effet, « un véritable contrôle des motifs de la rupture, cela abouti à exiger

une cause légitime de rupture et à restreindre ainsi excessivement la liberté de

rompre »249.

65. Synthèse. Le principe est la liberté de mettre fin à un contrat de franchise à

l’échéance de son terme. Le franchiseur comme le franchisé est libre de ne pas procéder

au renouvellement du contrat venu à expiration. Il n’est pas tenu de motiver sa décision.

Par conséquent, les motifs invoqués par le franchiseur ne peuvent donc donner lieu à

aucun contrôle judiciaire. Une telle attitude de la jurisprudence, favorable au

franchiseur, s’explique par la volonté de ne pas restreindre la liberté contractuelle de ce

dernier.

246

T. com. Paris, 6 mai 1997, LPA 31 août 2000, n° 174, p.4, obs. Y. MAROT. 247

CA Paris, 12 janvier 2005, LPA 8 décembre 2005, n° 244, p.9, obs. Y. MAROT. 248

Cass. com., 25 avril 2001, D. 2001, p. 3237, note. D. MAZEAUD 249

M. BEHAR-TOUCHAIS et G. VIRASSAMY, Les contrats de la distribution, LGDJ 1999, n° 357,

p.168 et s.

Page 76: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

71

66. Conclusion de la section I. Au terme de cette section, on constate que, sauf clause

contraire, chacune des parties est libre de ne pas renouveler le contrat de franchise à son

échéance. Le franchiseur peut refuser de renouveler le contrat à son terme et aller

ailleurs conclure un nouveau contrat avec un nouveau franchisé. Le non -

renouvellement du contrat est un droit qui lui appartient et qu’il peut mettre en œuvre

sans qu’il soit tenu de verser une indemnité au franchisé évincé et sans même qu’il soit

tenu de motiver sa décision de ne pas renouveler le contrat. Toutefois, afin de protéger

les intérêts du franchisé, les juges recourent à l’application de la théorie de l’abus. Ils

exercent souvent un contrôle sur les circonstances dans lesquelles le non-

renouvellement est intervenu. Ils n’hésitent pas, par exemple, à engager la

responsabilité du franchiseur sur le fondement de l’abus quand ils constatent que le non-

renouvellement est intervenu de manière brusque, c'est- à- dire, sans respecter un délai

de préavis ou après avoir entretenu le franchisé dans l’espoir d’obtenir le

renouvellement du contrat et donc le maintien dans le réseau. C’est ainsi, par la voie du

droit commun et par la théorie de l’abus que le droit français entend instaurer un

équilibre entre les deux intérêts antagonistes des parties au contrat de franchise. Une

telle voie souple, qui reflète le souci de ne pas figer les relations contractuelles entre

franchiseur et franchisé, est déjà retenue dans certains systèmes juridiques étrangers.

Page 77: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

72

SECTION II – LES SOLUTIONS DU DROIT COMPARÉ.

67. Regard comparatiste. La recherche d’un équilibre entre les intérêts du franchiseur

et ceux du franchisé nous amène à jeter un regard sur certains droits étrangers tels que le

droit américain (§ 1.), le droit saoudien (§ 2) et enfin le droit russe (§ 3). Il s’agit de

savoir comment ces droits traitent le problème de la rupture des relations contractuelles

liant le franchiseur au franchisé par le non-renouvellement du contrat de franchise venu

à expiration.

§ 1. En droit américain

68. Priorité à la protection du franchisé. Aux États-Unis, les contrats de franchise

sont typiquement conclus pour une durée déterminée250

. Cette durée varie d’un secteur à

un autre. Elle est généralement de cinq à dix ans251

. Quelle que soit la durée du contrat

de franchise, il est à noter que les franchisés bénéficient dans certains États des États-

Unis d’une protection considérable. Sensibles à leur situation précaire et aux préjudices

parfois énormes auxquels les exposent la cessation du contrat, certains Etats leur

reconnaissent un droit au renouvellement du contrat à son échéance. Selon le droit

positif de ces États252

, la liberté du franchiseur de rompre le contrat est restreinte. A

défaut d’une juste cause, telle la carence du franchisé dans l’exécution de ses

obligations ou la nécessité de procéder à une réorganisation du réseau, le franchiseur ne

peut refuser au franchisé le renouvellement du contrat, sous peine d’engager sa

responsabilité pour rupture irrégulière.

250

T. RONALD, J. COLEMAN, J. SCHUMACHER, Annual Franchise and Distribution Law

Developments, ABA, 2005, p35. V. aussi, J. BRICKLY et F. DARK, The economic effects of franchise

termination laws, Journal of Law & Economics, vol .XXXIV, April 1991, p.101. 251

T. RONALD, J. COLEMAN, J. SCHUMACHER, op.cit. 252

Ces États sont les suivants : Californie, Illinois, Indiana, Maryland, Michigan, Delaware, Virginie,

Washington, Wisconsin, Minnesota, Nebraska, Connecticut et New Jersey. V. J. BRICKLY et F.

DARK,The economic effects of franchise termination laws, op.cit., p.113.

Page 78: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

73

Même en présence d’une juste cause, le franchiseur est tenu de respecter un délai

de préavis pour le non-renouvellement d’au moins soixante jours253

. C’est ainsi que la

Cour suprême du New Jersey a, dans un arrêt du 29 juin 1981, condamné un franchiseur

qui n’avait pas renouvelé un contrat de franchise au motif qu’il voulait vendre son fonds

de commerce pour des raisons financières254

. La Cour a retenu que cette raison

économique n’était pas suffisante pour permettre au franchiseur de refuser le

renouvellement du contrat qui est un droit pour le franchisé.

La même solution a été récemment reprise par un arrêt du 27 août 2004255

. En

l’espèce, un contrat de franchise a été conclu pour une durée déterminée. Peu avant

l’échéance du terme, le franchiseur a informé le franchisé qu’il ne renouvellerait pas le

contrat au motif qu’il n’avait pas satisfait au minimum des obligations que le contrat de

franchise met à sa charge. Le franchisé estimait infondé ce refus du renouvellement du

contrat de la part du franchiseur. Il l’a donc assigné en justice pour rupture irrégulière

du contrat. Les juges du fond ont fait droit à sa demande et ont condamné le franchiseur

pour non-renouvellement fautif. La Cour a retenu, d’une part, qu’aucun manquement

contractuel ne pouvait être reprocher au franchisé lors de la prise de la décision du non-

renouvellement du contrat. Et d’autre part, les manquements que le franchiseur

reprochait au franchisé n’étaient survenus que postérieurement à sa décision de ne pas

renouveler le contrat et qu’ils n’étaient pas suffisamment graves pour justifier son refus

de renouvellement. Une telle restriction apportée à la liberté du franchiseur de mettre fin

au contrat lorsque celui-ci vient à expiration s’explique, pour certains256

, par l’intérêt

commun qui caractérise le contrat de franchise.

253

Ainsi en est-il, par exemple, dans l’État de New Jersey où la loi prévoit que le franchiseur ne peut

refuser le renouvellement du contrat de franchise à l’échéance qu’en présence d’un motif légitime et avec

le respect d’un préavis de soixante jours. 254

V. K-M. GNUVA, Le déséquilibre inhérent à la relation de franchise : étude comparative du droit

français et du droit américain, th., Nice. 1997, p.231 et la jurisprudence citée. 255

333 F. Supp. 2d 25, ( Aug. 27, 2004), Annual Franchise and Distribution Law Developments, par T.

RONALD, J. COLEMAN, J. SCHUMACHER, ABA, 2005, p.49. 256

En ce sens, H. R. BRUNO, Franchise Law Journal, spring 2002, volume 21, n° 4, p.204 et s. V. aussi,

J. BRICKLY et F. DARK, The economic effects of franchise termination laws, Journal of Law &

Economics, vol .XXXIV, April 1991, p.101, et spec., p.113 et s.

Page 79: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

74

Le franchiseur et le franchisé collaborent afin de réaliser un but commun qui est la

création et le développement de la clientèle. Par voie de conséquence, le franchisé doit

avoir droit au renouvellement du contrat, sauf motif légitime257

. Toutefois, il faut noter

que cette situation avantageuse dont bénéficient les franchisés ne se retrouve que dans

certains États des États-Unis. Dans d’autres, le principe est la liberté pour le franchiseur

de ne pas renouveler le contrat venu à expiration.

69. Priorité à la protection de la liberté du franchiseur. Si certains États des États-

Unis semblent favorables à la protection du franchisé en instaurant un droit au

renouvellement du contrat à son profit, il n’en va pas de même pour la majorité des

Etats qui sont soucieux de la protection de la liberté du franchiseur.

En effet, selon le droit positif de la plupart des États des Etats-Unis, le principe est

que le franchiseur demeure libre de renouveler ou non le contrat venu à expiration. Il

peut refuser de procéder au renouvellement du contrat de franchise à l’échéance sans

pour autant qu’il soit tenu de justifier sa décision par quelle que cause que ce soit ou

payer une indemnité au franchisé, évincé du réseau258

. Une partie de la doctrine

américaine approuve cette solution. Elle considère que si la recherche d’une protection

du franchisé est tout à fait légitime, elle ne doit pas pourtant pas se faire au détriment

des intérêts du franchiseur et du réseau dans son ensemble259

. Selon elle, restreindre la

faculté du franchiseur de ne pas renouveler le contrat à expiration en exigeant de lui que

le non- renouvellement soit justifié par une juste cause ou, à défaut, d’indemniser le

franchisé évincé pourrait entraîner une augmentation des frais économiques de

l’assistance, des contrôles exercés par le franchiseur sur la qualité des produits ou des

services offerts par leur réseau aux clients260

.

257

Ibid. 258

V. T. RONALD, J. COLEMAN, J. SCHUMACHER, Annual Franchise and Distribution Law

Developments, ABA 2005, p35 et s ; M. ABELl, Termination of international franchise agreement,

Solicitors Journal .February, 1992, p.145 ; J. BRICKLY et F. DARK, The economic effects of franchise

termination laws, Journal of Law & Economics, vol .XXXIV, April 1991, p.101, et spec., p. 104 et s. 259

V. J. BRICKLY et F. DARK, The economic effects of franchise termination laws, Journal of Law &

Economics, op.cit, p. 101. 260

Ibid.

Page 80: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

75

Autrement dit ; cela entraînerait, d’une part, une hausse des prix non seulement

pour l’adhésion aux réseaux de franchise, mais aussi pour les produits et les services

offerts au consommateur, et, d’autre part, une diminution de l’attraction des

investissements dans le domaine de la franchise, ce qui pourrait provoquer sa

destruction261

. Toutefois, il faut souligner que si le principe est la liberté du franchiseur

de procéder ou non au renouvellement du contrat, cela ne signifie pas pour autant que

ces États sont insensibles à la protection des franchisés. En effet, les tribunaux de ces

états limitent parfois le droit pour le franchiseur de ne pas renouveler le contrat

lorsqu’ils constatent que le franchisé a mis en place des investissements énormes pour

l’exploitation de la franchise et que ces investissements n’ont pas pu être amortis sur la

durée du contrat.

C’est ce qu’illustre l’affaire Atlantic Richfield v. Razumic262. Dans cette affaire,

bien que le contrat n’ait pas prévu un droit au renouvellement et que le franchiseur n’ait

pas laissé entendre au franchisé que le contrat serait renouvelé, la Cour a décidé que les

investissements consentis par le franchisé et les efforts effectués pour la bonne

exécution du contrat pouvaient justifier que ce dernier ne soit pas rompu suite à la

décision arbitraire du franchiseur de terminer leur rapport contractuel. Cette tendance

chez les juges, qui vise à protéger le franchisé auquel aucun manquement ne peut être

reproché contre la perte de ses investissements, a été réaffirmée récemment par la Cour

d’appel du Maryland dans un arrêt du 4 avril 2005263

.

En l’espèce, un contrat de franchise a été conclu entre la société National Budget

Rent a Car (le franchiseur) et la société Maryland Budget (le franchisé), et cela en vue

de mettre en place un système de franchise de location de voitures. Ce contrat prévoyait

que le franchiseur disposait du droit de mettre fin au contrat sous la seule réserve de

respecter un délai de préavis.

261

Ibid. 262

V. K - M. GNUVA, Le déséquilibre inhérent à la relation de franchise : étude comparative du droit

français et du droit américain, th., Nice 1997, p.230 et la jurisprudence citée. 263

Md. Ct. Spec. App. ( Apr. 4, 2005), in Annual Franchise and Distribution Law Developments, par T.

RONALD, J. COLEMAN, J. SCHUMACHER ABA 2005, p.43.

Page 81: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

76

Quelque temps plus tard, le franchisé a conclu un contrat de sous-franchise avec la

société DMF. Ce contrat prévoyait que si le contrat de franchise principal prenait fin, le

contrat de sous-franchise prendrait aussi fin. Satisfaites de leur collaboration

contractuelle, les deux sociétés Maryland Budget et DMF ont convenu de conclure un

nouveau contrat de sous-franchise pour une durée de cinq ans renouvelable par durée

d’un an. Or, quelque temps après la mise en œuvre du contrat de sous-franchise, le

franchiseur principal (la société National Budget Rent a Car) a notifié à la société DMF

sous-franchisée qu’ il avait racheté la société Maryland Budget et qu’il entendait mettre

fin à la sous-franchise. La société DMF contestait cette rupture et la qualifiait d’injuste.

Elle a donc assigné le franchiseur principal pour rupture irrégulière du contrat. Or, sa

demande a été rejetée par les juges de premier degré qui ont retenu que le contrat de

franchise principal donnait au franchiseur le droit de mettre fin au contrat quand bon lui

semblait.

La société DMF, sous-franchisé, a interjeté appel devant la Cour d’appel du

Maryland qui a donné gain de cause au franchisé. La Cour a relevé que la conclusion

par les parties d’un nouveau contrat de cinq ans avait abrogé le premier prévoyant qu’au

cas où le contrat de franchise principal prenait fin, le contrat de sous-franchise de DMF

prendrait fin aussi. Elle a aussi décidé que les investissements énormes consentis par la

société DMF et les préjudices économiques considérables que pourrait subir celle-ci du

fait de la perte de ces investissements justifiait que son contrat soit maintenu jusqu’au

terme qui avait été fixé. Une telle solution visant à protéger le franchisé sans restreindre

la liberté du franchiseur lors de la rupture du contrat est aussi retenue en droit saoudien

Page 82: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

77

§ 2. En droit saoudien

70. Absence d’un droit au renouvellement. En droit saoudien264

, le contrat de

franchise ne fait pas l’objet d’une réglementation spécifique. La question de l’extinction

des rapports contractuels entre franchiseur et franchisé est traitée à la fois par les règles

relatives à l’agence commerciale et par les règles générales gouvernant le contrat

inspirées du droit musulman.

En effet, lorsqu’un contrat de franchise est conclu pour une durée déterminée, ce

contrat prend fin à l’expiration de cette durée. Les juges saoudiens font une application

rigoureuse de la loi des parties. Ils considèrent que le franchiseur comme le franchisé

retrouve sa liberté contractuelle à l’arrivée du terme. Sauf clause contraire, aucune des

parties ne bénéfice d’un droit au renouvellement du contrat à son terme. Il en résulte

que le franchiseur peut valablement refuser le renouvellement du contrat expiré sans

pour autant qu’il soit tenu de motiver sa décision ou d’indemniser le franchisé évincé du

réseau.

71. Illustration. Cette solution est constamment rappelée par la Chambre commerciale

de Diwan Al-Mazalim qui est compétente pour les affaires commerciales265

. Ainsi en

est-il, par exemple, dans l’affaire Yves Rocher266. En l’occurrence, un contrat de

franchise a été conclu entre la société française Yves Rocher (le franchiseur) et une

société saoudienne (le franchisé) pour la distribution des produits du premier en Arabie

saoudite.

264

En Arabie Saoudite, le système juridique est hybride. Des lois étatiques coexistent avec un ensemble

de normes juridiques non codifiées formant le droit musulman. Ces normes juridiques du droit musulman

sont issues de certains ouvrages doctrinaux bien précis. En effet, la non codification du droit musulman

en Arabie s’explique par l’idée de la nécessité de conserver aux juges un large pouvoir d’appréciation que

les textes légaux ne leur confèrent pas. Toutefois, cette situation de non-codification des règles en Arabie

n’emporte pas l’adhésion des jurisconsultes. Un vif débat sur la nécessité ou non de codifier le droit

musulman en Arabie est lancé depuis plusieurs décennies et est toujours d’actualité. Plusieurs voix

s’élèvent aujourd’hui pour soutenir et réclamer la codification du droit musulman. Une tentative

individuelle de codification du droit musulman selon la doctrine Hanbelite a été menée par un juge, en

1980, AHMED AL-KARI. Ce code est appelé « Magelet Al -Ahkam Al-Charaïa » ( Jeddah, 1980). Mais

il reste toujours peu efficace. 265

Diwan Al-Mazalim, est un organe judiciaire qui englobe diverses juridictions spécialisées. Il comporte

trois types de chambres : Chambre commerciale, Chambre administrative, et Chambre pénale. 266

Ch. com., Diwan Al-Mazalim, 11 novembre 1994, inédit.

Page 83: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

78

Le contrat a été conclu pour une durée de cinq ans, renouvelable par tacite

reconduction pour une durée identique, sauf si l’une des parties manifeste, six mois

avant l’échéance du terme, sa volonté de ne pas renouveler le contrat. Six mois avant

l’échéance, conformément au contrat, le franchiseur a notifié au franchisé que le contrat

ne serait pas renouvelé à expiration, au motif que ce dernier n’avait pas satisfait aux

obligations que le contrat mettait à sa charge. Le franchiseur reprochait au franchisé le

mauvais chiffre d’affaires qu’il avait réalisé. Estimant abusif le non-renouvellement du

contrat par le franchiseur, le franchisé l’a assigné en dommages et intérêts pour rupture

abusive et en indemnité pour les frais qu’il avait exposés pour la promotion et le

développement de sa marque et de ses produits. Le franchisé invoquait devant les juges

que le non-renouvellement du contrat par le franchiseur n’était pas justifié étant donné

que le mauvais chiffre d’affaires que celui-ci lui reprochait était dû à son manquement

répété à son obligation de fourniture.

Or, la Chambre commerciale a rejeté sa demande d’indemnisation en relevant que

le non- renouvellement du contrat par le franchiseur ne constituait que l’exercice de son

droit et que seul l’abus de ce droit pouvait engager sa responsabilité. Pour la demande

d’indemnité, la Chambre commerciale a estimé qu’en l’absence de clause lui

reconnaissant le droit à une indemnité en cas de cessation des relations contractuelles, le

franchisé ne pouvait invoquer le droit à être indemnisé des frais qu’il avait dispensés

pour la promotion et le développement de sa marque et de ses produits. Une telle

position n’est pas celle appliquée en droit russe.

Page 84: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

79

§ 3. En droit russe

72. Une protection excessive. Dans les États de l’ex - RURSS, le contrat de franchise

n’est pas réglementé. L’extinction des relations contractuelles entre franchiseur et

franchisé est traitée par les règles du droit commun des contrats ainsi que par les règles

relatives à l’agent commercial267

.

Dans les États de l’ex-URSS, le contrat de franchise peut être conclu sans terme.

Dans cette hypothèse, le droit russe reconnaît à chacune des parties une faculté de

résiliation unilatérale avec l’exigence de respecter un préavis. Mais la plupart du temps,

le contrat de franchise est affecté d’un terme. Il est conclu pour une durée déterminée. A

l’expiration de cette durée, le franchisé bénéfice d’une protection considérable, voire

même excessive par rapport à tous les droits étrangers que nous avons pu voir

précédemment. En réalité, le franchisé bénéfice d’un droit au renouvellement à

l’expiration de son contrat si aucun manquement ne peut lui être reproché268

. Selon les

tribunaux russes, à défaut d’une carence de sa part, le franchiseur ne peut refuser de

procéder le renouvellement du contrat. S’il le refuse sans juste cause, il sera non

seulement contraint de verser une indemnité au franchisé évincé, mais aussi il se verra

interdire la possibilité de conclure des contrats similaires avec un tiers dans le même

territoire, et cela pendant une durée de trois ans à compter de la date d’expiration du

contrat269

.

73. Critique. Une partie de la doctrine russe a critiqué cette solution. Elle estime que

s’il paraît légitime de protéger le franchisé -partie en situation d’infériorité économique-

cela ne doit en aucun cas se faire au prix ou au détriment des intérêts du franchiseur.

267

V. J.-J. LECAT, Les contrats d’intermédiaires (agence, commission et franchise) et les formes

d’implantation légères en Russie, Ukraine, Belarus,et Kazakhstan, CJFE / CFCE N° 6/ 2001, p.1337,et

spéc ,p.1356. Egalement, O. GAST et L. STOUPAKOLVA, La franchise en Russie, LAP, 1994, n°111,

p. 14. 268

J.-J. LECAT, op.cit. .1337,et spéc ,p.1356. 269

Ibid.

Page 85: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

80

Selon elle, une pareille protection excessive accordée aux franchisés par le droit

russe pourrait avoir des conséquences nocives non seulement sur le système de la

franchise mais également sur l’économie russe dans son ensemble. Elle peut constituer

une véritable barrière pour les franchiseurs, dont la majorité sont étrangers, d’organiser

leur réseau de franchise selon l’évolution du marché, ce qui conduirait à leur rigidité et

donc à leur destruction270

.

270

J -J. LECAT, op,cit. L’auteur critique de telle position en observant que « ces dispositions sont extrêmement pénalisantes pour le franchiseur. En effet, les contrats de franchise sont généralement conclus pour une durée relativement longue (la durée initiale moyenne des contrats proposés par les franchiseurs présents en Russie est de 5 ans) au cours de laquelle la franchise évolue tant en termes de procédés et de techniques commerciales, que de notoriété et par conséquent, le franchiseur doit pouvoir réévaluer son coût. Par ailleurs, le droit de préférence accordé au franchisé évincé suppose que celui-ci n’ait pas organisé sa reconversion pendant cette période de trois ans, ce qui semble peu probable. La portée de cette mesure de protection apparaît dès lors comme vaine ».

Page 86: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

81

74. Conclusion de la deuxième section. Le regard comparatiste que nous avons jeté sur

certains droits étrangers illustre que la situation du franchisé paraît tantôt identique à

celle retenue en droit français, tantôt plus favorable que celle-ci. Certains droits

étrangers sont soucieux de la protection de la liberté du franchiseur. Ils retiennent le

principe qu’à défaut d’une clause prévoyant l’obligation pour le franchiseur de

renouveler le contrat, celui-ci est libre de procéder ou non au renouvellement du contrat

expiré. Aucune indemnité, ni motivation ne sera exigée de lui. Selon ces droits, ce n’est

qu’en cas de non- renouvellement abusif de la part du franchiseur que celui-ci sera tenu

d’indemniser le franchisé évincé du réseau. C’est ainsi la position du droit saoudien et

de certains États des États-Unis.

D’autres droits, à l’inverse, se montrent plus soucieux de la protection du franchisé.

Ils considèrent que ce dernier dispose d’un droit au renouvellement du contrat à son

échéance. Sauf manquement grave de sa part ou un besoin prépondérant de procéder à

une réorganisation dans le réseau de franchise, le franchiseur ne saurait refuser le

renouvellement du contrat, sous peine d’être contraint à lui verser une indemnité. Telle

est la position du droit russe et celle de certains États des États -Unis.

Page 87: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

82

75. Conclusion du chapitre I - La règle est la liberté contractuelle. Libre de s’engager

dans leurs relations contractuelles, les parties à un contrat de franchise sont aussi libres

de se désengager. A l’arrivée du terme, aucune des parties ne saurait prétendre avoir

droit au renouvellement du contrat de franchise, sauf clause contraire. Ni le franchisé ni

le franchiseur ne saurait être contraint à maintenir son contrat au-delà du terme. Ce

dernier peut mettre fin à la relation contractuelle le liant au franchisé par le non-

renouvellement du contrat à son terme. Le franchisé ne saurait prétendre avoir droit à

une indemnité pour le préjudice qu’il subit du fait du non - renouvellement du contrat

par le franchiseur, sauf s’il démontre que le refus de renouvellement est abusif.

En dehors de l’expiration du contrat liée à sa durée déterminée, le contrat de

franchise peut prend fin par la résiliation, que celle-ci soit bilatérale ou unilatérale

lorsqu’il est conclu pour une durée indéterminée.

Page 88: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

83

CHAPITRE II - EXTINCTION DU CONTRAT DE FRANCHISE

PAR LA RESILIATION

76. Présentation générale et plan. Le franchiseur et le franchisé peuvent ne pas fixer

un terme extinctif de leur relation contractuelle et conclure un contrat à durée

indéterminée. Il peut en être ainsi soit parce qu’ils envisagent, par exemple, dès le

début, d’établir une relation contractuelle longue dont la durée ne peut être fixée de

manière exacte lors de la conclusion du contrat ; soit parce qu’ils ont poursuivi leur

contrat initial au-delà du terme pour lequel il a été stipulé sans fixer un terme, ce qui est

souvent le cas en pratique. Dans ce dernier, le contrat de franchise étant à l’origine un

contrat à durée déterminée, il se transforme en contrat à durée indéterminée. Peu

importe la raison pour laquelle les parties ont eu recours à la conclusion d’un contrat de

franchise à durée indéterminée, dans ce dernier, la résiliation unilatérale constitue le

mode normale d’extinction des relations contractuelles entre franchiseurs et franchisés

(Section I). Toutefois, il convient de noter qu’en dehors de toute durée du contrat de

franchise, le franchiseur et le franchisé peuvent librement aménager à l’amiable la

disparition de leur relation contractuelle, que celle-ci soit à durée indéterminée ou à

durée déterminée, en résiliant bilatéralement le contrat avant même son échéance

(SectionII).

Page 89: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

84

SECTION I - RESILIATION UNILATERALE DES CONTRATS DE

FRANCHISE A DUREE INDETERMINEE

77. Liberté de rupture et ses limites. Lorsqu’un contrat de franchise est conclu pour

une durée indéterminée, le principe est que chacune des parties peut y mettre fin

unilatéralement à tout moment (§ 1). Cette faculté de rupture unilatérale réciproque

constitue le droit commun des contrats à durée indéterminée. Elle se justifie par le souci

de protéger la liberté contractuelle des parties contre tout engagement perpétuel. La

règle est qu’aucun ne peut être tenu pour l’indéfini. Toutefois, si le principe est la liberté

de la rupture unilatérale dans les contrats de franchise à durée indéterminée, ce principe

n’est pas toutefois sans présenter de réels dangers. Il peut être de nature à fragiliser la

stabilité des relations contractuelles entre franchiseur et franchisé. C’est pourquoi

certains tempéraments y ont été apportés en pratique (§ 2).

§ 1. Le principe de libre rupture unilatérale

78. Plan. En matière de contrats de franchise à durée indéterminée -et en matière de

contrats à durée indéterminée de manière générale-, il existe un droit de résiliation

unilatérale reconnu à chacune des parties (A), droit de résiliation unilatérale dont il

convient d’étudier le fondement (B)

Page 90: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

85

A. L’existence d’un droit de résiliation unilatérale du contrat reconnu aux deux

parties

79. Caractère d’ordre public. Lorsqu’un contrat de franchise est conclu pour une

durée indéterminée, chacune des parties peut y mettre fin unilatéralement sous réserve

de respecter un délai de préavis271

. Le franchisé comme le franchiseur dispose en effet,

en la matière, d’un droit de résiliation unilatérale272

. Ce droit, doté désormais d’une

valeur constitutionnelle273

, est d’ordre public274

. Il en résulte que chacune des parties ne

pourra renoncer à l’avance à l’exercice de son droit de résiliation. De même, toute

clause l’ôte de ce droit sera sanctionnée par la nullité absolue275

.

80. Droit potestatif mais pas discrétionnaire. Outre son caractère d’ordre public, le

droit de résiliation unilatérale, dont bénéfice chacune des parties à un contrat de

franchise à durée indéterminée, est un droit potestatif. Sa mise en œuvre dépend de la

seule volonté arbitraire de celui qui souhaite y recourir276

. Le franchiseur, par exemple,

peut faire usage de son droit de rompre et de mettre fin au contrat indépendamment du

consentement de son franchisé. Par contre, celui-ci ne saurait que subir les

conséquences.

271

T. com. Parsi. Juris-Data n° 2006-314649 ; CA Paris, 2 avril 2003, Juris-Data, n° 2003-211259 ; CA

Paris, 27 novembre 1985, Juris-Data n° 1985-027632. 272

V. M. BEHAR-TOUCHAIS et G. VIRASSAMY, Les contrats de la distribution, LGDJ, 1999, n° 332,

p. 151; J. MESTRE, Résiliation unilatérale et non- renouvellement dans les contrats de distribution, in La

cessation des relations contractuelles d’affaires , PUAM 1997 , p.13 , p.19. 273

Cons-const 9 novembre 1999, déci n° 99-419 DC, JO 16 novembre 1999, p.16962 ; RTD civ. 2000 ,

p.109, obs. J. MESTRE et B. FAGES : «Considérant que, si le contrat est la loi commune des parties , la liberté qui découle de l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et citoyen de 1789 justifie qu’un contrat de droit privé à durée indéterminée puisse être rompu unilatéralement par l’un ou l’autre des contractants, l’information du contractant du cocontractant, ainsi que la réparation du préjudice éventuel résultant des conditions de la rupture, devant, toutefois, être garanties ». 274

J. AZEMA, La durée des contrats successifs, th., précitée, n°192 , p.153. 275

V. en ce sens, J. AZEMA, th., précitée. 276

Le droit potestatif a été défini comme comme « le pouvoir, pour son titulaire, d’influer sur une situation juridique préexistante en la modifiant, l’éteignant ou en en créant une nouvelle, par sa volonté unilatérale et sans que son partenaire, placé dans une position de totale sujétion, puisse y faire obstacle ». J. ROCHFELD, « Les droits potestatifs accordés par le contrat », in Le contrat au début du

XXIe siècle, Mélanges J. Ghestin, LGDJ, 2001, 747, et spéc., n° 3, p. 748. V. L. AYNES, Rapport

introductif, in L’unilatéralisme et le droit des obligations, sous la dir. Ch. Jamin et D. Mazeaud,

Economica,, 1999, p.3 ; I. NAJJAR, Le droit d’option, contribution à l’étude du droit potestatif et de l’acte

unilatéral, LGDJ, 1967, préface P. Raynaud.

Page 91: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

86

Dire autrement et soumettre la mise en œuvre du droit la résiliation unilatérale au

consentement mutuel des deux parties serait non seulement vider ce droit de son

essence, mais également laisser l’une des parties « à la merci de l’autre qui pourrait à

son gré la retenir perpétuellement dans les liens contractuels »277

. Cependant, si le droit

de la résiliation unilatérale d’un contrat de franchise a durée indéterminée est un droit

potestatif, il n’est pas discrétionnaire278

. Le franchiseur ou le franchisé engagera sa

responsabilité et sera condamné à réparer tout le préjudice que son cocontractant a subi

si l’exercice de son droit de résilier le contrat paraît abusif279

. Reste maintenant à savoir

quel est le fondement du droit de la résiliation unilatérale.

B. Fondement juridique du droit de la résiliation unilatérale

81. Fondement classique. L’existence d’un droit de résiliation unilatérale au profit des

deux parties en matière de contrats de franchise à durée indéterminée trouve son

fondement dans le principe de l’interdiction des engagements perpétuels280

.

277

J. AZEMA, th., précitée, n°182 , p.45 et s. V. également, R. LIBCHABER, Réflexions sur les

engagements perpétuels et la durée des sociétés , Rev. des sociétés, 1995, p.440, et spéc., p. 441 et s, pour

qui «il est important que ce soit une résiliation unilatérale qui mette fin au contrat ,et non un accord sur l’extinction de ses effets .A admettre qu’il faille un mutuus dissensus pour échapper à l’emprise du contrat, une partie se trouverait trop aisément livrée aux volontés de l’autre; et les intentions égales de départ ,qui avaient été de laisser le contrat en cours tant que les parties y auraient avantage , se trouveraient méconnues au bénéfice d’une seule .La résiliation unilatérale est ainsi le meilleur moyen de borner les effets d’un contrat qui n’a pas été voulu illimité , sans pour autant créer de risques de maintenir abusif dans la situation pour aucune des deux parties » . 278

Sur les droits discrétionnaires, v. A. ROUAST, Les droits discrétionnaires et les droits contrôlés, RTD civ.

1944, p.1. 279

Infra n° 281et s. 280

Lamy droit économique, 2008, n° 4960 ; Ph. Le TOURNEAU, Les contrats de franchisage, Litec,

2007, n° 779, p. 277 et s ; F -X. LICARI , La protection du distributeur intégré en droit français et

allemand , Litec, 2002, préf. C.Witz , p. 493 et s ; D. LEGEAIS, Franchise, J -CI. Commercial 2001,

Fasc. 333, n° 66, p.18 ; M. BEHAR -TOUCHAIS et G. VIRASSAMY, Les contrats de la distribution,

LGDJ, 1999, n° 332, p. 151 ; J. MESTRE, Résiliation unilatérale et non- renouvellement dans les contrats

de distribution , in La cessation des relations contractuelles d’affaires , PUAM 1997, p.13, p.19. Sur la

question de manière générale, v. D. MAZEAUD, durée et rupture du contrat, RDC ; R. ENCINAS de

MUNAGORRI, L’acte unilatérale dans les rapports contractuels, LGDJ, 1995 R. LIBCHABER,

Réflexions sur les engagements perpétuels et la durée des sociétés, Rev. des sociétés, 1995, p.440 ; P.

MORVAN, L’hypothèse des droits perpétuels en droit commercial, LPA 5 novembre, 1993, n°33 ; F.

RIZZO, Regards sur la prohibition des engagements perpétuels , Dr et patr. 2000, n°78 ; MM. L. J. Vogel

«Vers un retours des contrats perpétuels? Evolution récente du droit de la distribution», Contrats. conc.

consom., août 1991, p.1 ; I. PETEL, Les durées d’efficacité du contrat , th., Montpellier 1984, n °335 et

s ; H. HOUIN, La rupture unilatérale des contrats synallagmatiques, th., Paris II, 1973 , p.115 et s ; J.

AZEMA, La durée des contrats successifs, LGDJ 1969 , préface R. Nerson, n° 182 , p.45 et s ; J.

GUYENOT, La rupture abusive des contrats à durée indéterminée, in La tendance à la stabilité du rapport

contractuel, ouvrage collectif sous la dir. P. Durand, LGDJ 1964, p. 235.

Page 92: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

87

L’indétermination de la durée du contrat peut avoir pour conséquence de

transformer la force obligatoire du contrat en un véritable « esclavage

conventionnel »281. Comme le relève un auteur, si le principe de la force obligatoire du

contrat doit être respecté par les parties, ce principe doit, en revanche, se concilier avec

un autre principe fondamental qui ne permet pas d’engager ses services pour toute sa

vie ou pour une entreprise non déterminée282

. Chacune des parties ne doit donc pas être

tenue par une relation contractuelle illimitée. Le droit de la rupture unilatérale dans les

contrats à durée indéterminée est ainsi conçu «comme une mesure indispensable de

sauvegarder des contractants contre les engagements perpétuels»283

. Outre ce

fondement classique de la protection de la liberté individuelle, le droit de résiliation

unilatérale des contrats à durée indéterminée trouve un autre fondement moderne d’une

coloration économique.

82. Fondement moderne d’une coloration économique. Le principe de la libre

circulation des biens et de services et de la concurrence au sein d’un marché s’oppose

en effet à ce qu’une partie à un contrat de franchise soit engagée dans un lien

contractuel illimité. Un pareil engagement peut être de nature à nuire gravement à

l’efficacité du marché puisqu’il conduirait à la rigidité de celui-ci. Comme le relèvent

certains auteurs« la théorie de la concurrence fournit aujourd’hui une justification

supplémentaire à la prohibition des engagements perpétuels : un tel engagement

constitue en effet une formidable barrière à l’entrée sur le marché qui empêche les

agents économiques qui seraient en mesure de devenir des contractants de se porter

candidats à une relation contractuelle en raison de l’indissolubilité des liens

préexistants. La rente de situation dont bénéficient ainsi les contractants ayant pénétré

antérieurement sur le marché est un facteur très important d’inefficacité

économique »284.

281

C. RUET, La résiliation unilatérale des contrats à exécution successive, th., Paris XI, 1995, n°2, 282

J.GUYENOT, La rupture abusive des contrats à durée indéterminée, in La tendance à la stabilité du

rapport contractuel, sous la dir. P. Durand, LGDJ 1964, p.235, et spéc., p. 236. 283

J. AZEMA, th., précitée, n°182, p. 145. 284

MM. L. J. VOGEL « Vers un retours des contrats perpétuels ? Evolution récente du droit de la

distribution », op. cit. V. M. BEHAR-TOUCHAIS et G. VIRASSAMY, Les contrats de la distribution,

LGDJ, 1999, n° 332, p. 151 ; A- V. EECKHOUT, RDC. 2004, p.192.

Page 93: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

88

C’est donc ces deux fondements principaux qui peuvent justifier aujourd’hui

l’existence d’un droit de libre rupture unilatérale des contrats à durée indéterminée de

manière générale et des contrats de franchise en tout particulièrement.

Notons, toutefois, que si le principe est que chaque partie peut toujours mettre fin

au contrat qui ne comporte aucun terme, ce principe supporte néanmoins certaines

limites. Certain tempéraments y sont apportés en pratique afin de protéger les intérêts

des parties contractantes.

§ 2. Tempéraments

83. Plan. Le principe de la libre résiliation unilatérale d’un contrat de franchise à durée

indéterminée a été atténué par la jurisprudence à travers l’application de la théorie de

l’abus. En effet, les juges sanctionnent pour rupture abusive, d’une part la résiliation

unilatérale du contrat de franchise à durée indéterminée qui intervient sans délai de

préavis (A), et d’autre part, la résiliation unilatérale qui intervient alors que certains

investissements exigés par le contrat n’ont pas encore été amortis (B). Cependant, cette

sanctionne vaut pas quand la résiliation unilatérale intervient sans motifs (C).

A. L’exigence du respecte d’un délai de préavis

84. Principe et exceptions. Le principe est que chacun des contractants est tenu de

respecter un délai de préavis avant de rompre son contrat de franchise conclu sans durée

(1). Ce principe n’est pas cependant sans exceptions (2).

Page 94: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

89

1. Principe

85. Exigence jurisprudentielle : rupture abusive. Le recours à des contrats de

franchise à durée indéterminée peut paraître avantageux tant pour le franchiseur que

pour le franchisé. Il permet à chacun d’eux de maîtriser le moment où il veut se dénouer

du contrat285

.

Pourtant, il n’est pas sans inconvénients. La possibilité pour une partie de rompre

unilatéralement le contrat de franchise conclu sans terme à tout moment rend précaire,

voire instable les relations contractuelles. Elle peut être de nature à faire subir au

franchiseur ou au franchisé -notamment ce dernier en situation de dépendance

économique-, de graves conséquences économiques allant parfois à remettre en cause

définitivement son activité commerciale. Consciente de ce danger, la jurisprudence

impose à la charge de celui qui veut résilier le contrat à durée indéterminée une

obligation de respecter un délai de préavis. Elle exige de la partie désirant mettre fin au

contrat de franchise conclu sans terme de notifier, suffisamment à l’avance, à son

cocontractant de sa décision de rompre le contrat286

. Le préavis constitue, en effet, en la

matière «une règle générale»287.

A cet égard, la jurisprudence recourt à la théorie de l’abus pour sanctionner

l’inobservation du préavis lors de la rupture unilatérale des contrats à durée

indéterminée288

, abus qui « se résume au comportement incivil d’un contractant envers

l’autre, indépendamment du point de savoir si les prestations promises sont utilement

fournies ou non »289

. Elle considère comme abusive la résiliation unilatérale d’un

contrat de franchise à durée indéterminée qui est intervenue sans préavis ou avec un

préavis insuffisant290

.

285

V. H. ROLAND, regards sur l’absence de terme extinctif dans les contrats successifs, in Mélanges.

Voirin, 1967, p. 737. 286

T. com. Parsi. Juris-Data n° 2006-314 649 ; CA Paris, 2 avril 2003, Juris-Data, n° 2003-211259 ; CA

Paris, 27 novembre 1985, Juris-Data n° 1985-027632. 287

J. AZEMA, La durée des contrats successifs, LGDJ, 1969, préface. R. Nerson, n° 228, p.174. 288

A. SONE, Le préavis en droit privé, PUAM, 2003, n° 416, p.188 et s. 289

Ph. STOFFEL-MUNCK, L’abus dans le contrat, th. LGDJ, 2000, préface. R.BOUT, n°273, p.237. 290

V. J. MESTRE, Résiliation unilatérale et non –renouvellement dans les contrats de distribution, op.cit.

Page 95: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

90

Une telle solution est pleinement justifiée. Le préavis peut permettre au contractant

qui subit la rupture unilatérale du contrat de franchise de préparer sa reconversion et de

trouver une solution de remplacement291

, ce qui conduira, par conséquent, à limiter son

préjudice éventuel résultant de cette rupture. Il s’agit donc « d’une règle de courtoisie

contractuelle »292

, qui consiste « à ne pas prendre son partenaire au pied-levé, à lui

donner une chance d’organiser sa reconversion : happy-end contractuel »293. C’est

pour quoi l’exigence du préavis dans la rupture des relations contractuelles est

aujourd’hui consacrée par la loi elle-même.

86. Exigence légale : rupture brutale. L’article L. 442-6 du Code de commerce exige

désormais, pour la rupture d’une relation commerciale établie, le respect d’un préavis

suffisant294

. Cet article, dont la finalité est de stabiliser les relations contractuelles295

,

qui s’applique à toutes les relations commerciales établies y compris celles qui ne sont

pas formulées par un contrat, dispose que : « Engage la responsabilité de son auteur et

l’oblige à réparer le préjudice causé le fait par tout producteur, commerçant, industriel

ou personne immatriculée au répertoire des métiers de rompre brutalement, même

partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la

durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis

déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords

interprofessionnels (…)».

291

V. A-V. EECKOUT, La durée du préavis de rupture d’une relation d’affaires, RDC. 2005, p.491 ;Ph.

STOFFEL-MUNK, obs sous Cass. com., 12 mai 2004, RDC 2004, p. 943 ; L. RESPAUD, Préavis,

Assistance et reconversion du distributeur évincé, Cah. dr. ent. 2002 / 5, p. 19 et s ; A. SONE, op.cit. 292

V. J. MESTRE, obs. RTD civ. 1986, p.105. V. aussi, Ch. LASSALAS, Les critères de l’abus dans la

rupture des relations contractuelles, Dr et patr. 1997, p.61. 293

Ph. STOFFEL-MUNCK, L’abus dans le contrat, th. LGDJ, 2000, préface R. BOUT, n° 110, p.101. 294

V. M. MALAURIE-VIGNAL, L’article L.442 – 6 du code de commerce, une disposition restée lettre

morte ?, Contrats. conc. conso., 2006, n°6, p.10 ; M. MALAURIE-VIGNAL, Droit de la distribution,

Sirey, 2006, n°681 ; ARNAUD VAN EECKOUT, La durée du préavis de rupture d’une relation

d’affaires, RDC. 2005, p.491 ; J.-M. MOUSSERON, Technique contractuelle, par P. MOUSSERON, J.

RAYNARD, J.-B. SEUBE, Technique contractuelle, Edition Francis Lefebvre, 3e édition, 2005, n° 1286 ;

A DE BROSSE, La rupture fautive de relations commerciale établies, in Dossier Contrats de distribution

L’équilibre enfin trouvé ?, D. P. 2003, n°116, p.50 ; A. GRIZAU Rupture brutale des relations

commerciales : Réflexion sur les premiers cas d’application de l’article L.442-6, in Dossier Contrats de

distribution L’équilibre enfin trouvé ?, Droit et patrimoine. 2003, n°116, p.71 ; D. MAINGUY,Les

mystères de la rupture brutale de relations commerciales établies , JCPE 2003, n°51, p.1792 ; D.

FERRIER, L’article L.442-6-I, 5°, du Code de commerce s’applique à tout forme de rupture brutale de

tout type de relations commerciales , D. 2003, p.2433 ; D. MAINGUY, L’esprit et la lettre du nouvel

article L.442-6 du Code de commerce, JCPE 2002, n°28, p.1729 295

J. BEAUCHARD, Stabilisation des relations commerciales : la rupture de relations commerciales

continues, LPA 5 janvier 1998, n° 2, p. 14. V. aussi P. VERGUCHE, La rupture brutale d’une relation

commerciale établie, RJ com.1997, p.129, et spéc, p.137.

Page 96: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

91

Ainsi, le franchisé comme le franchiseur doit respecter un délai de préavis

suffisant lorsqu’il désire résilier le contrat conclu sans terme, sinon sa résiliation sera

considérée comme brutale. Par conséquent, sa responsabilité délictuelle sera engagée

sur le fondement de l’article L. 442-6 du Code de commerce296

. En pareille hypothèse,

il sera condamné au paiement de dommages et intérêts pour le préjudice que son

contractant a subi du fait de la brutalité de la rupture297

.

87. Forme de la notification du préavis. Autrefois, la notification du préavis n’était

subordonnée à aucun formalisme. La jurisprudence exigeait simplement que le préavis

soit dépourvu de toute ambiguïté. Mais depuis 1998, la situation a changé. Le

législateur impose que le préavis soit donné sous la forme d’un écrit. L’article L.442-6

du Code de commerce l’affirme. Le franchiseur ou le franchisé, qui désire mettre un

terme à son contrat conclu sans terme, est donc tenu de notifier sa décision à son

cocontractant par écrit. A ce propos, il est à noter que les tribunaux exigent souvent que

la décision de la rupture soit notifiée par une lettre recommandée avec un avis de

réception.

88. La durée du préavis : appréciation objective et subjective. Il ne suffit pas que le

préavis de rupture d’un contrat de franchise à durée indéterminée soit notifié par écrit,

encore faut-il qu’il soit raisonnablement suffisant, de sorte qu’il permette à celui

subissant l’acte de rupture unilatérale de préparer sa reconversion.

En effet, l’appréciation du caractère suffisant de la durée est une question de fait

abandonnée au pouvoir souverain des juges du fond298

. Ceux-ci apprécient souvent in

obstracto la durée du préavis en tenant compte, par exemple, de la durée de la relation,

de la dépendance économique, de la notoriété des produits, du temps d’écoulement des

stocks, et enfin de l’importance des investissements réalisés299

.

296

S. REGNAULT, Guide de la rupture des relations commerciales établies, RLDC 2008, n° 45, p.75. 297

V. Infra n° 280 et s. 298 V. M. BEHAR-TOUCHAIS, De la difficile appréciation du délai raisonnable du préavis pour rompre

une relation commerciale établie, RDC. 2006, p.431. 299

A-V. EECKOUT, La durée du préavis de rupture d’une relation d’affaires, RDC. 2005, p.491, et spéc.,

p.494 et la jurisprudence citée.

Page 97: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

92

Ils peuvent aussi apprécier la durée du préavis in concréto en prenant en

considération la situation du contractant contre qui intervient la rupture unilatérale du

contrat de franchise à durée indéterminée. C’est ainsi, par exemple, le cas lorsque les

juges estiment que le délai du préavis de six mois respecté par le franchiseur ou le

concédant dans la rupture d’une relation contractuelle durant depuis dix ans est

raisonnablement suffisant dès lors que le franchisé ou le concessionnaire bénéfice de

plusieurs marques300

. Notons qu’un tel pouvoir d’appréciation de la durée du préavis est

reconnu au juge même si le préavis est fixé par le contrat.

89. Clause de préavis. Bien que le préavis soit aujourd’hui une exigence légale, les

contractants préfèrent souvent fixer un délai de préavis lors de la rupture du contrat301

.

Une telle tendance s’explique sans doute par la volonté des parties de stabiliser leur

relation contractuelle. Le non-respect par le franchiseur ou le franchisé de ce délai du

préavis lors de la rupture du contrat rendra brusque sa rupture et donc engagera sa

responsabilité contractuelle.

A cet égard, il est important de souligner que le fait pour le franchiseur ou le

franchisé de respecter le préavis prévu au contrat lors de la rupture unilatérale de celui-

ci ne suffit pas seul pour mettre à l’abri sa responsabilité. Comme le relève un auteur :

« La stricte application du contrat ne suffit plus à sécuriser la partie à l’initiative de la

rupture.. »302. Alors même que le délai du préavis a été fixé par les contractants, les

juges du fond disposent d’un pouvoir d’apprécier le caractère suffisant de ce délai. Ils

peuvent, par exemple, estimer que ce délai de préavis contractuellement fixé est

insuffisant, eu égard aux circonstances de fait et, par conséquent, ils engagent la

responsabilité de l’auteur303

.

300

Cass. com., 31 janvier 2006, n° 03- 13. 739 ; JCP E 2007, n°11, 1348, obs. D. MAINGUY et J.- L.

RESPAUD. 301

A- V. EECKOUT, La durée du préavis de rupture d’une relation d’affaires, op.cit. 302

A-V. EECKOUT, La durée du préavis de rupture d’une relation d’affaires, op.cit. 303

Comp. Cass. com., 12 mai 2004, RDC. 2004, p. 943, note. Ph. STOFFEL-MUNCK. Dans cet arrêt

concernant un contrat de concession, la Chambre commerciale a cassé un arrêt d’appel qui, pour estimer

suffisant le préavis de rupture d’une relation commerciale à durée indéterminée, s’était borné à constater

qu’il avait été fixé par le contrat.

Page 98: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

93

90. Absence d’obligation d’assistance en vue de la reconversion du contractant. Si

le franchiseur est tenu de respecter un délai de préavis dans la rupture unilatérale d’un

contrat à durée indéterminée, il n’est pas pourtant obligé d’assister son franchisé pour

l’aider à préparer sa reconversion. Certes, toute aide de sa part en vue de la reconversion

du franchisé évincé, prouve sa bonne foi et sa loyauté dans la rupture du contrat. Mais

aucun engagement d’assistance en ce sens n’est exigé de lui.

Une telle solution est illustrée par un arrêt du 6 mai 2002. Dans cet arrêt, rendu à

propos d’un contrat de concession mais dont la solution est sans doute transposable à

tous les contrats de la distribution et notamment aux contrats de franchise, la Chambre

commerciale a cassé un arrêt d’appel en décidant que « le concédant n’est pas tenu

d’une obligation d’assistance du concessionnaire en vue de sa reconversion » 304

. Donc,

aucune obligation d’assistance en vue de la reconversion du franchisé en fin de contrat

ne peut être mise à la charge du franchiseur. Ce dernier est même, dans certaines

hypothèses, autorisé à mettre fin au contrat sans respecter un délai de préavis préalable.

2. Exceptions

91. Faute grave. Si, par principe, chacune des parties à un contrat de franchise est tenue

d’une obligation de respecter un délai de préavis avant de procéder à la résiliation

unilatérale de son contrat, celle-ci est, en revanche, dispensée d’une telle obligation

dans la hypothèse où il y a une faute grave ou un manquement grave commis par son

cocontractant305

.

En pareille hypothèse, il peut rompre immédiatement le contrat sans que cela

puisse engager sa responsabilité pour rupture abusive ou brutale. Le but est, en effet, de

protéger les intérêts du contractant victime d’une faute lourde, et éviter que celui-ci ne

subisse de graves préjudices susceptibles de compromettre sa survie économique. Il en

va de même en cas de force majeure.

304

Cass. com., 6 mai 2002, n° 99.14. 093, RTD civ. 2002, 810, obs. J. MESTRE et B. FAGES; JCP E

2002, II, p.19, note. J -L. RESPAUD ; D. 2002, p. 1754, obs. E. CHEVRIER ; D. 2002, p.2842, obs. D.

MAZEAUD ; D. 2002, p.3008, obs. D. FERRIER. 305

S. REGNAULT, Guide de la rupture des relations commerciales établies, RLDC 2008, n° 45, p.75.

Page 99: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

94

92. Force majeure. Outre le cas de la faute de grave, la partie à un contrat de franchise

à durée indéterminée n’est pas tenue de respecter un délai de préavis lors de la rupture

unilatérale en cas de force majeure306

, c'est-à-dire tout événement imprévisible lors de la

conclusion du contrat, irrésistible et extérieur aux parties307

. Cet événement permet en

effet au franchisé comme au franchiseur de rompre sans délai le contrat tout en

l’exonérant de sa responsabilité pour le préjudice que son cocontractant pourrait subir

du fait de la brutalité de la rupture. Il convient finalement de noter que la responsabilité

du franchiseur peut être engagée même si celui-ci a respecté un délai de préavis

suffisant dans la rupture d’un contrat de franchise à durée indéterminée. Il en est parfois

ainsi lorsqu’il impose à son franchisé de réaliser certains investissements et puis rompre

le contrat.

B. La réalisation des investissements, un élément identifiant l’abus

dans la rupture du contrat

93. Investissements imposés et investissements spontanément effectués. Le contrat

de franchise -comme les autres contrats de la distribution- impose souvent à la charge

du franchisé la réalisation de certains investissements. Ces investissements, portant

souvent sur la présentation des locaux de vente ou de leur extension ou encore sur

l’acquisition de matériel ou d’outillage, peuvent paraître énormes pour le franchisé, de

telle manière que le non amortissement de ceux-ci peut lui faire subir d’énormes

préjudices. Dès lors, la question est de savoir si la réalisation de tels investissements

peut faire frein au droit du franchiseur de mettre fin au contrat quand bon lui semble.

La jurisprudence distingue entre les investissements qui sont effectués

spontanément par le distributeur et ceux qui lui sont imposés par son fournisseur. Selon

elle, seuls ces derniers peuvent être pris en compte lors de la rupture.

306

S. REGNAULT, op.cit. 307

V. Infra n° 183 et s.

Page 100: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

95

Elle affirme souvent que le non- amortissement des investissements réalisés par le

concessionnaire n’est de nature à rendre abusive la résiliation unilatérale du contrat de

concession procédée par le concédant que dans la seule hypothèse où il se révèle que

ces investissements sont réalisés à sa demande. Ainsi, l’illustre un arrêt du 7 octobre

1997308

. En l’occurrence, la société concédante Volvo a résilié le contrat de concession

à durée indéterminée le liant avec la société concessionnaire Maine Auto avec un

préavis d’un an. Or, celle-ci a contesté cette rupture en l’estimant abusive. Elle a donc

assigné la société concédante en dommages et intérêts compensant les investissements

non amortis qu’elle a réalisés en vue de l’exécution du contrat. Après avoir rappelé le

principe de libre rupture unilatérale des contrats conclus sans durée, les juges du fond

n’ont pas donné droit à sa demande. La société concessionnaire s’est pourvue en

cassation. Or, son pourvu a été rejeté par la Chambre commerciale. Celle-ci a considéré

que les juges du fond relevaient que le concessionnaire n’a pas rapporté la preuve que le

concédant l’a contraint à exposer d’importants frais d’investissements, et que ces

derniers avaient été engagés spontanément par lui pour remédier à des résultats de vente

très inférieurs aux objectifs convenus. La même solution a été reprise récemment par la

même Chambre dans un arrêt du 6 novembre 2007. Dans cet arrêt, la Chambre

commerciale a approuvé un arrêt d’appel d’avoir rejeté la demande présentée par un

concessionnaire visant à la condamnation du concédant à des dommages et intérêts pour

la perte des investissements non amortis due à la résiliation unilatérale du contrat, au

motif que le concessionnaire n’a pas rapporté la preuve que ces investissements perdus

ont bien été exigés ou conseillés par le concédant309

.

Une telle solution rendue à propos des contrats de concession a une portée

générale. Elle s’applique à tous les contrats de la distribution et y compris les contrats

de franchise. Ainsi, le franchiseur engagera sa responsabilité pour rupture abusive s’il

résilie le contrat alors que les investissements qu’il a imposés au franchisé n’ont pas

encore été amortis.

308

Cass. com., 7 octobre 1998, pourvoi n° 95-14. 158 ; D. 1998, jur., p. 413, note. Ch. JAMIN ; D. 1998,

somm. p. 333, obs. D. FERRIER ; Contrat. conc. consom., 1998, n° 20, comm. L. LEVENEUR ; RTD

civ.1998, p. 130, obs. P. -Y. GAUTIER, et p. 370, obs. J. MESTRE. Cass. com., 4 janvier 1994, JCP G

1994, I, 3757. 309

Cass. com., 6 novembre 2007, pourvoi n° 05-15.152.

Page 101: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

96

Dans cette hypothèse, il sera condamné à payer des dommages et intérêts

compensant les investissements non encore amortis310

. A vrai dire, une telle solution,

faisant une distinction selon les investissements imposés et spontanément effectués par

le franchisé ou le concessionnaire, a été critiquée par une partie de la doctrine. Celle-ci

estime que cette solution est dommageable sur le plan économique parce qu’elle

fragilise la survie des entreprises franchisées comme des entreprises concessionnaires.

Par ailleurs, elle ne tient pas compte du fait que, face à la menace de l’exclusion du

réseau, qui pèse sur lui comme « une épée de Damoclès », le franchisé et le

concessionnaire se trouve contraint, non seulement de veiller à bien exécuter

scrupuleusement leurs engagements, mais encore à mettre en place divers

investissements parfois énormes de nature à augmenter son chiffre d’affaires311

.

Sensibles à ces critiques, la Cour de cassation semble aujourd’hui avoir infléchi sa

position. Au lieu de distinguer entre les investissements spontanément effectués par le

distributeur et ceux qui lui sont imposés, la jurisprudence distingue désormais entre les

investissements qui sont par leur nature, indissociablement liés de l’exploitation de la

franchise ou de la concession et les autres investissements312

. Selon elle, seuls le non

amortissement des investissements nécessaires à l’exécution du contrat de franchise ou

du contrat de concession peut rendre abusive la résiliation du contrat par le franchiseur

ou le concédant.

94. Une durée minimale. Rupture rapide. Il arrive, dans certaines hypothèses, que la

jurisprudence impose une durée minimale pour la réalisation des investissements. Avant

cette durée, le franchiseur ou le concédant ne peut résilier le contrat, sous peine

d’engager sa responsabilité pour rupture abusive. C’est ce qu’illustre un arrêt du 20

janvier 1998313

.

310

V. Infra n° 287. 311

V. en ce sens. Ch. JAMIN, obs sous Cass. com., 4 janvier JCP G 1994, I, doct, p. 3757. Egalement, J.

GHESTIN, Ch. JAMIN, et M. BILLIAU, Les effets du contrat, LGDJ 2001, n° 231, p. 282 et s., spéc ,

p.284 : « Les concessionnaires paraissent en effet soumis aujourd’hui à l’alternative suivante : soit ils investissent ,ce qui n’interdira pas leur exclusion du réseau en dépit des sommes importants qu’ils auront pu engager ; soit ils n’investissent pas ,mais ils seront alors sûrs d’en être exclus . Marquant une trop nette rupture entre le temps économique du contrat, et son temps juridique, cette solution apparaît dommageable sur un plan économique, car elle rend plus fragile la survie de ces entreprises moyennes que sont les concessions commerciales » 312

Voir par exemple, Cass. com., 14 février 2006, pourvoi n° 03-18. 686. Aussi, Cass. com., 11 mai 1999,

pourvoi n° 97-10. 999. 313

Cass. com., 20 janvier 1998, pourvoi n° 96-18.353 ; Contrats, conc., consom. 1998, n° 56, comm. L.

LEVENEUR ; D. 1998, p. 413, note. Ch. JAMIN, et somm. p.333, obs. D. FERRIER ; RTD civ. 1998,

p.675, obs. J. MESTRE ; D. 1999, 114, obs. D. MAZEAUD.

Page 102: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

97

En l’espèce, un concessionnaire avait repris une concession déficitaire. Ce

concessionnaire s’était vu imposer par le concédant, au moment de la formation du

contrat, des exigences très lourdes. La société concédante avait demandé à la société

concessionnaire de constituer un capital de 1500 000 F entièrement libéré, de bloquer en

compte courant d’associés la somme de 2500 000F et d’obtenir 8600 000F de crédit

divers. Deux ans après ces lourds investissements, la société concédante a résilié le

contrat. La société concessionnaire l’a assigné en dommages et intérêts pour rupture

abusive.

La Cour d’appel a rejeté sa demande en estimant que la résiliation n’était pas

abusive. La société concessionnaire s’est pourvue en cassation. La Chambre

commerciale a cassé l’arrêt d’appel en décidant que le redressement espéré de la

concession impliquait, compte tenu des investissements exigés, que le concessionnaire

bénéficie d’une période d’exploitation relativement longue pour assurer la pérennité de

son entreprise. Une telle solution est pleinement approuvée. Le franchiseur ou le

concédant qui impose en effet à son franchisé ou à son concessionnaire la réalisation de

certains investissements doit, conformément à l’exigence de bonne foi et de loyauté

dans l’exécution du contrat, lui laisser le temps de les amortir. Mettant fin au contrat

avant l’amortissement de ces investissements, le franchiseur ou le concédant adopte un

comportement de malveillance et de désinvolture à l’égard de son franchisé ou de son

concessionnaire314

. Ce comportement critiquable fait dégénérer son droit de mettre fin

au contrat en abus. Il devra alors être condamné à indemniser la perte des

investissements que son cocontractant a subis du fait de la brutalité de la rupture.

En dehors de la question des investissements, il convient de noter que si chacune des

parties à un contrat de franchise à durée indéterminée est tenue d’adopter un

comportement loyal lors de la résiliation du contrat et n’abuse de son droit d’y mettre

fin. En revanche, elle n’est nullement tenue de justifier sa décision.

314

Sur ce point, v. B. FAGES, Des comportements contractuels à éviter, Dr. et patr. 1998, n° 60, p.67. B.

FAGES, Le comportement du contractant, PUAM, 1997, préface J. Mestre, n° 207, p.122 et s ; n° 664,

365 et s.

Page 103: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

98

C. Absence d’obligation de motivation

95. Doctrine favorable à l’obligation de motivation. La motivation315

, dont nous

avons eu l’occasion de parler s’agissant de la question du non-renouvellement du

contrat de franchise à durée déterminée316

, constitue toujours un point névralgique en

matière de rupture des contrats de la distribution.

Une partie de la doctrine dite « solidarisme contractuel »317 estime que le fait que

les contrats de franchise et les contrats de concession sont des contrats d’intérêt

commun implique qu’il y ait solidarisme entre les contractants318

. Ce solidarisme fait

naître un certain altruisme de l’un, qui doit prendre en considération, voir en charge les

intérêts de l’autre. Il lui consent même parfois quelques sacrifices319

. De là, ce courant

doctrinal en déduit que le franchiseur ou le concédant qui résilie son contrat conclu sans

terme doit être tenu de motiver sa décision. A défaut de quoi, la résiliation unilatérale du

contrat sera considérée comme abusive et l’auteur sera condamné à de dommages et

intérêts pour le préjudice résultant de cette rupture. Selon ce courant « solidarisme »,

l’instauration d’une telle obligation de motivation peut se justifier par deux raisons.

315

Sur la motivation, v. Obligation de motivation et droit des contrats, RDC. 2004, p.579 ; M. FABRE-

MAGNAN, L’obligation de motivation en droit des contrats, in Le contrat au début de XXIe siècle,

Mélanges. J. Ghestin, LGDJ, 2001, p.301 ; La motivation, Travaux de l’Association Henri Capitant, LGDJ,

2000. 316

V. Supra n° 24 et s. 317

Sur le solidarisme, v. Le solidarisme contractuel, mythe ou réalité, sous la dir. L. Grynbaum et M.

Nicod, Economica, 2004 ; D. MAZEAUD, Petit leçon de solidarisme contractuel, D. 2001, p.3236 ; D.

MAZEAUD, Loyauté, solidarité, fraternité : la nouvelle donne contractuelle ?, Mélanges. F. Terre,

Dalloz, Litec, 1999, p.603. 318

M .FABRE-MAGNAN, Pour la reconnaissance d’une obligation de motiver la rupture des contrats de

dépendance économique, in Obligation de motivation et droit des contrats, RDC. 2004, p.573 ; D.

MAZEAUD, Solidarisme contractuel et réalisation du contrat, in Le solidarisme contractuel, Economica,

2004, sous la dir. L. Grynbaum et M. Nicod, p.57, n°19,p.67 ; D. MAZEAUD, Unilatéralisme et

motivation en droit des contrats, D. 2001, somm., p.3237 ; Ch. JAMIN, Plaidoyer pour le solidarisme

contractuel, Mélanges. J.Ghestin, LGDJ, 2001, p.441 ; D. MAINGUY, Remarques sur les contrats de

situation et quelques évolutions récentes du droit des contrats, n°16, p.176, et spéc., p.177 ; D.

MAZEAUD, Loyauté, solidarité, fraternité : la nouvelle donne contractuelle ?, Mélanges. F. Terre,

Dalloz, Litec, 1999, p.603. 319

D. MAZEAUD, Loyauté, solidarité, fraternité : la nouvelle donne contractuelle ?, Mélanges. F. Terre,

Dalloz, Litec, 1999, p.603.

Page 104: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

99

D’une part, par l’état de dépendance dans lequel se trouve le franchisé ou le

concessionnaire à l’égard du franchiseur ou du concédant, état de dépendance qui fait,

estime-t-il, que le franchisé et le concessionnaire ne dispose pas de moyens de

démontrer l’abus si le franchiseur ou le concédant n’est pas obligé, à tout le moins,

d’alléguer les raisons qui l’ont conduit à rompre le contrat320

. D’autre part, par le fait

que la rupture du contrat de franchise ou de concession peut entraîner de graves

conséquences économiques pour le franchisé ou le concessionnaire, conséquences allant

même parfois jusqu’à sa disparition économique définitive321

.

96. Le refus de la jurisprudence. Toutefois, la jurisprudence ne tient pas compte de ce

courant doctrinal. Elle refuse toujours, au moins jusqu’alors, d’instaurer une obligation

de motivation à la charge de l’auteur de la rupture unilatérale d’un contrat de franchise

ou de concession à durée à indéterminée.

La Cour de cassation a eu l’occasion de rappeler, à plusieurs reprises, que le

franchiseur comme le concédant peut résilier unilatéralement le contrat conclu sans

durée sans donner des motifs de sa décision de rupture. Elle est allée même affirmer que

le fait de donner des motifs fallacieux ou non sérieux de rupture d’un contrat de

franchise ou de concession à durée indéterminée ne constitue pas un abus en soi322

.

Cette solution a été récemment réaffirmée par la Chambre commerciale dans un arrêt du

6 novembre 2007 rendu à propos d’un contrat de concession323

.

320

M .FABRE-MAGNAN, Pour la reconnaissance d’une obligation de motiver la rupture des contrats de

dépendance économique, op. cit., p.573, et spéc., p.577 : « le contractant en état de dépendance économique ne dispose en effet pas des moyens de démontrer l’abus - limite nécessaire et incontestée du droit de rompre – si son cocontractant n’est pas obligé à tout le moins d’alléguer les raisons qui l’ont conduit à rompre le contrat. A partir de là, le contrôle minimum consistera pour les juges à n’admettre que les raisons suffisamment sérieuses pour justifier le dommage causé au contractant pour lequel le contrat constitue le moyen de subsistance ». 321

D. MAINGUY, Remarques sur les contrats de situation et quelques évolutions récentes du droit des

contrats, op.cit., n° 16, p.176, et spéc., p.177 : « Au soutien d’une telle exigence, un premier argument résulte de l’analyse des conséquences de la rupture d’un contrat de situation. Au-delà de la simple contemplation des intérêts du contractant, la situation future de l’entreprise se prête à l’observation. La fin du contrat risque d’emporter l’arrêt de son activité s’il ne trouve pas de solution de remplacement, justifiant l’observation des conséquences de la rupture sur l’entreprise en elle –même, à travers ses dirigeants, la collectivité du personnel, ses associés, ses fournisseurs ou clients : tous perdent un travail, un emploi ou un marché ». 322

Cass. com., 25 avril 2001, D. 2001, p. 3237, note. D. MAZEAUD 323

Cass. com., 6 novembre 2007, pourvoi n° 05- 15. 152.

Page 105: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

100

En l’espèce, un contrat de concession a été conclu pour une durée indéterminée.

Quelque temps après, le concédant a résilié unilatéralement le contrat avec le respect

d’un préavis d’un an. Le concessionnaire estimait abusive cette résiliation. Il l’a donc

assigné en dommages et intérêts compensant le préjudice qu’il a subi du fait de cette

rupture, notamment la perte des investissements non encore amortis. Le concessionnaire

soutenait que les motifs de la rupture mentionnés par le concédant ne sont pas établis,

cette seule circonstance suffisant à démontrer le caractère abusif de cette résiliation. Les

juges du fond n’ont pas donné suite à sa demande en considérant non abusive la

résiliation unilatérale du contrat de concession par le concédant. Le concessionnaire

s’est pourvu en cassation. Or, la Chambre commerciale a rejetée son pourvoi. Celle-ci a

approuvé l’arrêt d’appel en décidant ainsi : « Mais attendu, en premier lieu, que l’arrêt

retient, par motifs propres, que le contrat de concession à durée indéterminée a été

résilié en respectant le préavis contractuel, selon « la résiliation ordinaire » et non à

titre de sanction, sans qu’il soit besoin de motifs, si bien que l’inexactitude des motifs

invoqués est inopérante pour caractériser l’exercice abusif du droit de résiliation […]

la cour a légalement justifié sa décision ».

Le principe est donc la liberté de la résiliation unilatérale, sauf abus et sous réserve

de respecter un délai de préavis. Par conséquent, le juge, saisi d’une action en

résiliation, ne peut contrôler les motifs de la résiliation pour lesquels l’un des

contractants a mis fin au contrat de franchise à durée indéterminée. Bref, l’examen des

motifs de la rupture est inutile.

Page 106: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

101

97. Conclusion de la section I - Le principe demeure la liberté de rupture unilatérale

dans les contrats à durée indéterminée. Le franchiseur comme le franchisé peut y mettre

fin, à n’ importe quel moment lors de l’exécution du contrat qui ne comporte pas de

terme extinctif.. Son contractant ne peut se plaindre de cette résiliation unilatérale en

invoquant qu’elle n’est pas justifiée par une inexécution grave ou une autre raison

quelconque. La jurisprudence affirme que l’auteur de la résiliation unilatérale n’a pas à

justifier sa décision de rompre le contrat. Toutefois, si l’auteur n’est pas tenu

d’expliquer à son cocontractant les raisons qui l’ont amené à rompre le contrat de

franchise, il est tenu par contre de respecter un délai de préavis lors de la résiliation

unilatérale. Il doit laisser à son cocontractant un certain temps pour préparer sa

reconversion et trouver une solution de remplacement. Sinon sa responsabilité sera

engagée pour rupture brutale ou abusive, et sera donc condamné à réparer tout le

préjudice résultant de la brutalité de la rupture du contrat.

Notons, enfin, que la résiliation du contrat de franchise à durée indéterminée ou à

durée déterminée peut parfois trouver sa source, non dans la seule volonté de l’une des

parties, mais dans leur volonté commune. Par un accord commun, le franchiseur et le

franchisé peuvent bilatéralement résilier le contrat et ainsi faire disparaître leur lien

contractuel.

Page 107: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

102

SECTION II – RESILIATION BILATERALE DU CONTRAT DE FRANCHISE

98. Pouvoir bilatéral de résiliation. Par principe, lorsqu’un contrat de franchise est

conclu pour une durée déterminée, les parties sont tenues par ce contrat jusqu’à

l’échéance du terme. Aucune d’entre elles ne peut se délier du contrat avant son terme.

Toutefois, ce principe n’est pas absolu. Le franchiseur et le franchisé peuvent, par

mutuus dissensus, rompre leur relation contractuelle avant le terme pour lequel elle a été

stipulée ( § 1.). Mode original d’extinction, ce mutuus dissensus ne porte pas, en cela,

atteinte au principe de la force obligatoire du contrat. Le second alinéa de l’article 1134

du Code civil reconnaît aux parties le droit de défaire d’un commun accord ce qu’elles

ont précédemment voulu. Une fois établie, le mutuus dissensus a pour effet de liquider

les relations contractuelles pour l’avenir sans remettre en cause les effets que le contrat

de franchise a pu produire dans le passé (§ 2.).

§ 1. Notion de mutuus dissensus

99. Distinction de notions voisines. Il arrive, dans certaines hypothèses, que le

franchiseur et le franchisé souhaitent mettre fin à leur relation contractuelle avant le

terme pour lequel elle a été conclue. Pour ce faire, il leur suffit de conclure un nouveau

contrat aux termes duquel leur contrat de franchise initial est rompu. Ce nouveau contrat

est désigné par la pratique du « mutuus dissensus »324

ou parfois de « révocation

amiable »325

ou encore de « résiliation amiable »326

.

324

R. VATINET, Le mutuus dissensus, RTD civ.1987, p.252. Certains auteurs préfèrent l’appeler

« contrarius consensus ». V. J. FLOUR, J -L. AUBERT, E. SAVAUX, Les obligations, L’acte juridique,

12e édition, Sirey, 2006, n° 379, p. 317 ; Ph. MALAURIE, L. AYNES, Ph. STOFLE-MUNCK, Les

obligations, Defrénois, 2005, n° 756, p. 364. 325

E. PUTMAN, La révocation amiable, in La cessation des relations contractuelles d’affaires, sous la

dir. J. Mestre, PUAM 1997, p. 125 ; M. BEHAR-TOUCHAIS, Extinction du contrat-Les causes, J-CI.

Contrats et distribution, 1998, fasc. 175, n° 129 et s. 326

H, L, J. MAZEAUD et F. CHABAS, Leçons de droit civil, Les obligations, t. II, 9e édition, 1998,

Montchrestien , n°722, p.846 ; J. MESTRE, obs. sous Cass. com. 1er

février 1994 , RTD civ. 1994,

p.356.

Page 108: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

103

Le mutuus dissensus, en tant que mode d’extinction conventionnel, peut parfois se

confondre avec d’autres modes conventionnels d’extinction du contrat, tel que, par

exemple, la transaction327

. Chacun de ces modes constitue une convention ayant pour

objet de mettre fin à l’amiable à un contrat. Une transaction peut même compléter un

mutuus dissensus328. Corrélativement, un mutuus dissensus peut être l’un des éléments

d’une transaction329

. De multiples illustrations de cette imbrication entre mutuus

dissensus et transaction peuvent rendre malaisée la distinction entre ces deux

mécanismes. Cependant, et malgré toutes ces ressemblances, la différence entre ces

deux mécanismes est assez claire. La transaction suppose toujours une situation

litigieuse de nature à expliquer des concessions réciproques. Le franchiseur et le

franchisé se mettent d’accord par contrat afin de mettre fin à une contestation née ou à

naître entre eux. Or, ce n’est pas le cas du mutuus dissensus qui ne cherche pas

forcément à mettre fin à un litige. Le mutuus dissensus intervient souvent là où le

contrat de franchise se trouve bien exécuté par les parties330

.

100. L’exigence d’échange de consentement. L’extinction du contrat de franchise par

mutuus dissensus exige qu’il y ait un échange de consentement entre les parties quant à

leur volonté de révoquer leur contrat initial. C’est une condition indispensable. En effet,

le principe en droit français est que le contrat ne s’éteint pas par désuétude331

. Il en

résulte qu’en l’absence d’une manifestation de la part des parties de dénoncer leur

contrat de franchise initiale, l’inactivité prolongée par l’une ou l’autre ne présume pas la

résiliation du contrat ou son abandon332

.

101. Absence de formalisme. Toutefois, il faut noter que s’il est exigé qu’il y ait une

manifestation de la volonté de la part du franchiseur et du franchisé de mettre fin à leur

contrat initial par une autre convention révocatoire, cela ne signifie pas pour autant que

le mutus dissensus soit soumis à un quelconque formalisme.

327

E. PUTMAN, op.cit., n°11, p.129 et s. 328

Ibid. 329

Ibid. 330

E. PUTMAN, op.cit., n°12, p.129 et s. 331

E. PUTMAN, op.cit., n°26,p.135 et s. 332

Ibid.

Page 109: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

104

Aucune formalité pour l’efficacité de celui-ci n’est exigée. Le principe est le

consensualisme. « Le seul échange des consentements suffit pour que cette convention

extinctive voie le jour »333.

102. Conditions d’efficacité. Le mutuus dissensus est une convention révocatoire

autonome334

. Il doit donc, pour être efficace, remplir toutes les conditions de validité

des conventions : consentement, objet et cause335

.

103. Un mode original d’extinction. Le mutuus dissensus constitue un mode

d’extinction des relations contractuelles assez particulier par rapport aux autres modes

d’extinction conventionnels336

. Son mécanisme tient à ce que l’extinction du contrat de

franchise intervient par le consentement mutuel des parties. Elle est le fruit d’un accord

passé entre le franchiseur et le franchisé pour mettre fin au contrat de franchise initial

qu’ils avaient eux-mêmes conclu. Ainsi, le mutuus dissensus peut constituer un bon

arrangement pour sortir du lien contractuel qui vaut mieux que tous les procès337

.

Comme le relève le Professeur Gautier : « Ce sont les parties, adultes et raisonnables,

qui décident ensemble, à l’instar d’époux bien sages, de mettre fin à leur liaison par un

consentement mutuel-«Pas de juge, pas d’avocat »- .On se serre virilement la main et

on se dit : adieu camarade » 338.

D’où l’originalité du mutuus dissensus par rapport à la résiliation ou la résolution

judiciaire dans laquelle le juge n’éteint pas seulement un contrat de franchise parce que

l’une des parties n’a pas respecté ses obligations contractuelles mais il accorde parfois à

la partie victime des dommages et intérêts pour le préjudice qu’il subit.

333

C. DELFORGE, L’unilatéralisme et la fin du contrat, in la fin du contrat, Formation permanente CUP,

2001, n° 17, p.25. 334

R.VATINET, Le mutuus dissensus, RTD civ.1987, p.252. 335

F. TERRE, PH .SIMLER et Y .LEQUETTE, Droit civil, Les obligations, Précis Dalloz, 9e

ed., 2005 ,

n° 451 , p.437. 336

R. VATINET, Le mutuus dissensus, RTD civ. 1987, p.252, e spéc., n° 8, p.265 et s. 337

E. PUTMAN, La révocation amiable, in La cessation des relations contractuelles d’affaires, PUAM

1997, p.125, et spéc., n°1, p.126. 338

P.-Y. GAUTIER, Rapport de synthèse, in La cessation des relations contractuelles d’affaires, PUAM

1997, p.215, et spéc., n° 8, p.221, et s.

Page 110: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

105

D’où aussi son originalité par rapport à la résiliation unilatérale dans laquelle l’une

des parties met fin au contrat de son propre chef en raison de l’inexécution par son

cocontractant de ses obligations339

.

104. Absence d’atteinte au principe de la force obligatoire. Une fois valablement

formé, le contrat de franchise -comme d’ailleurs tout contrat- a force obligatoire340

. Le

sens de cette force obligatoire est que le contrat doit être respecté par les contractants,

de sorte que ni le franchiseur ni le franchisé ne saurait s’en délier par sa propre volonté.

Toutefois, lorsque le franchiseur et le franchisé conviennent de mettre fin, par mutuus

dissensus à leur contrat de franchise, cet accord ne contrevient pas à la force obligatoire

du contrat. Il n’y porte aucune atteinte341

. L’article 1134 du Code civil al. 2 reconnaît

aux parties le droit de se défaire d’un commun accord de ce qu’elles ont précédemment

voulu. En effet, ce que le franchiseur et le franchisé ont fait par leur accord mutuel, ils

peuvent le défaire par leur volonté commune. « Ce que la parole donnée a fait,

l’échéance des paroles peut le défaire »342. Le mutuus dissensus n’est donc, au

contraire, que le corollaire du principe même de la force obligatoire du contrat343

.

Notons, enfin, que dès lors qu’il satisfait toutes les conditions requises pour son

efficacité, le mutuus dissensus produit certains effets juridiques à l’égard des parties.

339

J. MESTRE, obs. sous Cass. com., 1er

février 1994, RTD civ. 1994, p. 356 : « Lorsque les parties procèdent à une résiliation amiable, elles défont d’un commun accord ce qu’elles avaient initialement construit ensemble, et pratiquent une sorte de prorogation à rebours, en anticipant le terme convenu et donc en réduisant la durée de leur accord, se privant donc désormais chacune du droit d’invoquer l’avenir. Ainsi, par cet anéantissement immédiat du lien contractuel, la résiliation amiable se distingue clairement d’une résolution judiciaire, dans laquelle le contractant victime qui l’obtient est en droit d’obtenir des dommages –intérêts pour le préjudice qu’il subit du fait de la rupture anticipée, ainsi que d’une résiliation unilatérale puisque, du moins dans le cas où celle-ci ne peut être justifiée par son auteur, l’auteur partie pourra pareillement prétendre à une indemnité en faisant valoir que le contrat aurait dû aller à son terme ». 340

Sur le principe de la force obligatoire du contrat, v. P. ANCEL, « La force obligatoire : jusqu’où faut-il

la défendre ? », in La nouvelle crise du contrat, Dalloz, 2003, p163. P. ANCEL, Force obligatoire et

contenu obligationnel du contrat, RTD civ.1999, p.771. V. aussi, G. ROUHETTE, La force obligatoire du

contrat, Rapport français, in Le contrat aujourd’hui : comparaisons Franco-Anglais, sous la dir. D. Tallon

et D. Harris, LGDJ, 1987, p.28. 341

J. FLOUR, J.-L AUBERT, E. SAVAUX, Les obligations, L’acte juridique, 12e édition, Sirey, 2006,

n° 379, p.317 : « la révocation par le consentement mutuel des parties ne porte précisément pas atteinte à la force obligatoire .Tout au contraire, elle repose elle–même sur le même pouvoir conféré aux volontés individuelles qui a permis le contrat initial : ce que deux personne ont fait d’un commun accord, elles sont libres, sauf exception, de le défaire de la même manière. C’est ce que l’on nomme habituellement le mutuus dissensus, et qu’il serait peut-être plus exact d’appeler le contrarius consensus ». 342

E. PUTMAN, La révocation amiable, in La cessation des relations contractuelles d’affaires, PUAM

1997, p.125, n°1. 343

Ibid.

Page 111: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

106

§ 2. Mise en œuvre du mutuus dissensus

105. Etablissement et effet. Le mutuus dissensus est une convention extinctive. Il peut

être établi par le franchiseur ou le franchisé par tout moyen (A). Une fois établi, le

mutuus dissensus va produire son effet extinctif. Il liquidera la relation contractuelle

entre le franchiseur et le franchisé (B).

A. La preuve du mutuus dissensus

106. Liberté de la preuve. L’absence de formalité du mutuus dissensus n’est pas sans

conséquences sur les moyens de sa preuve. En effet, la jurisprudence a affirmé, à

maintes reprises, que la preuve du mutuus dissensus peut être faite par un écrit ou

déduite tacitement de certaines circonstances. C’est ainsi qu’il fut jugé dans un

jugement du 9 septembre 2005344

.

Dans cette décision, le tribunal de commerce de Paris a, pour juger qu’un contrat

de franchise a été résilié par l’accord tacite des parties, a retenu un faisceau d’indices

précis manifestant la volonté commune d’un franchisé et d’un franchiseur de résilier le

contrat qui les liait. En l’occurrence, le franchisé avait indiqué au franchiseur son

souhait de résilier le contrat et lui demandait sa confirmation par écrit. Faute de réponse

de la part du franchiseur, deux autres lettres lui ont été adressées. Dans ces deux lettres,

le franchisé proposait au franchiseur la suspension pendant trois mois des redevances de

franchise et publicitaire. Et puis audit terme, le franchisé a décidé de ne pas reprendre le

paiement de ses redevances, tandis que le franchiseur ne les lui facturait pas, cessant

même de lui envoyer les prospectus des produits habituellement commercialisés par le

réseau. Au vu de ces éléments prolongés dans le temps, le Tribunal observe que les

parties n’avaient pas sérieusement voulu poursuivre l’exécution de leur contrat.

344

T. com. Paris, 9 septembre 2005, LPA, 2006, n° 224, p.35.

Page 112: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

107

A vrai dire, si le principe est la liberté de la preuve du mutuus dissensus, il est

néanmoins préférable que le franchiseur et le franchisé établissent leur accord

révocatoire par écrit. Le recours à celui-ci aurait le mérite à la fois d’éviter toute sorte

de litige sur le sort du contrat de franchise et de stabiliser les rapports contractuels.

Comme le relève justement un auteur « un écrit quelconque permettra d’être pleinement

rassuré sur la volonté claire et certaine des deux partenaires de cesser leur courant

d’affaires « … » ainsi assuré que tout est bien fini et [ et qu’ils ] pourront « convoler »

ailleurs, en justes noces contractuelles »345

. Reste maintenant à aborder les effets du

mutuus dissensus.

B. Les effets du mutuus dissensus

107. Le principe : absence d’effet rétroactif. Le mutuus dissensus est une convention

extinctive. Il a un effet destructeur du contrat. Dès lors que son existence est établie, il

entraîne l’anéantissement du contrat de franchise. Celui-ci ne sera plus en mesure de

produire de nouvelles obligations à la charge des parties. Les relations contractuelles

entre le franchisé et le franchiseur cessent. Chacun d’eux se délie de ses engagements.

Toutefois, cet anéantissement n’est pas rétroactif. Le mutuus dissensus supprime le

contrat de franchise pour le futur sans remettre en cause les effets qu’il a pu produire

dans le passé. L’exclusion de l’effacement rétroactif s’explique par la nature du contrat

de franchise. Celui-ci est un contrat à exécution successive. Il n’est pas possible

d’effacer les faits déjà accomplis. Seules les obligations qui subsistent entre les parties

s’effacent. Il s’explique aussi par la volonté même des parties. En recourant au mutuus

dissensus, le franchiseur et le franchisé entendent seulement anticiper le terme de leur

contrat sans pour autant l’anéantir rétroactivement346

.

345

P. -Y. GAUTIER, Rapport de synthèse, in La cessation des relations contractuelles d’affaires, sous la

dir. J. Mestre, PUAM, 1997, p.215, et spéc., n° 8, p.222. 346

V. J. MESTRE, obs. sous Cass. com. 1er

février 1994 , RTD civ. 1994, p.356.

Page 113: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

108

108. Exception. Il peut arriver dans certaines hypothèses que le mutuus dissensus ait un

effet rétroactif, de manière qu’il efface le contrat de franchise dès son origine. Il en est

ainsi lorsque le mutuus dissensus intervient juste après la conclusion du contrat de

franchise et avant sa mise en œuvre. Dans cette hypothèse, il n’y a aucune difficulté à

remettre les parties contractantes dans la situation où elles se trouvaient avant la

conclusion de leur contrat.

109. Action en responsabilité. Une fois intervenu, le mutuus dissensus fait obstacle à

toute demande indemnitaire fondée sur l’inexécution du contrat de franchise pour la

période postérieure à la résiliation amiable. Aucune action en responsabilité

contractuelle fondée sur le contrat initial ne peut être intentée du fait de la résiliation

amiable du contrat de franchise.

Toutefois, la jurisprudence admet qu’un franchiseur ou un franchisé puisse

intenter une action en responsabilité contractuelle pour les fautes commises avant la

résiliation bilatérale du contrat. C’est ce qu’illustre un arrêt du 22 mai 2003 rendu par la

Cour d’appel de Lyon347

. En l’espèce, un contrat de franchise a été résilié à l’amiable

par les parties. Or, 15 jours avant la date d’effet de la résiliation du contrat, le

franchiseur a supprimé l’accès au logiciel informatique. Le franchisé l’a assigné en

dommages et intérêts pour violation de ses obligations. La Cour d’appel lui a donné

gain de cause et a condamné le franchiseur à des dommages et intérêts. Elle a déclaré

que la résiliation du contrat de franchise d’un commun accord n’excluait pas la

responsabilité du franchiseur lorsque celui-ci a manqué à ses obligations contractuelles

en supprimant l’accès au logiciel informatique 15 jours avant la date d’effet de la

résiliation. Une telle solution paraît pleinement fondée d’autant plus qu’elle vise à

assurer la sécurité des relations contractuelles entre les parties.

347

CA Lyon, mai 2003, Juris-data n° 2003 -212752.

Page 114: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

109

110. Conclusion de la section II - Contrat destructeur du contrat initial, le mutuus

dissensus permet au franchiseur et au franchisé de mettre fin à leur contrat initial

amiablement avant même que le terme extinctif pour lequel il a été stipulé ne soit échu.

Une fois établi, il va produire son effet extinctif sur le contrat de franchise. Les relations

contractuelles entre le franchiseur et le franchisé cessent d’exister et de produire leurs

effets juridiques dès le moment où les parties décident d’arrêter définitivement leur

relation contractuelle.

111. Conclusion du Chapitre II - Qu’elle soit unilatérale ou bilatérale, la résiliation est

un acte extinctif. Une fois intervenue, elle abroge le contrat de franchise. Celui-ci cesse

de produire ses effets juridiques. Il perd même son pouvoir de créer de nouvelles

obligations à la charge des parties. Celles-ci deviennent libres de leurs obligations, sauf

pour les obligations qui sont exigibles avant l’intervention de la résiliation et qui ne sont

pas encore exécutées ou pour les obligations post-contractuelles qui prennent effet lors

de l’extinction du contrat.

112. Conclusion du Titre I - L’extinction des relations contractuelles entre franchiseur

et franchisé peut trouver sa source à l’arrivé du terme lorsque chacune des parties refuse

de renouveler le contrat. Outre cette cause d’extinction naturelle et fréquente,

l’extinction du contrat de franchise peut aussi trouver sa source dans la résiliation

unilatérale lorsque celui-ci est conclu pour une durée indéterminée ou dans la résiliation

bilatérale intervenue par consentement commun des parties. Dans toutes ces hypothèses,

les causes d’extinction des relations contractuelles unissant le franchiseur au franchisé

ne sont que des causes d’extinction ordinaires. Contrairement aux hypothèses où

l’extinction du contrat de franchise trouve sa cause dans un événement inattendu, telle

que l’inexécution par l’une des partes de l’une de ses obligations ou l’atteinte à

l’intuitus personae de l’une des parties ou encore la survenance d’un événement rendant

impossible l’exécution du contrat de franchise ou remettant en cause son équilibre. Il

s’agit, là, de causes d’extinction extraordinaires.

Page 115: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

110

TITRE II - LES CAUSES D’EXTINCTION EXTRAORDINAIRES

Page 116: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

111

113. Destruction volontaire ou involontaire du contrat. La possibilité de la

réitération de la réussite du franchiseur, objet du contrat de franchise, dépend de la

bonne exécution du contrat de franchise par le franchisé comme par le franchiseur.

Chacun d’entre eux doit exécuter scrupuleusement ses obligations. Il doit collaborer de

manière efficace avec son cocontractant pour pouvoir réaliser le but attendu du contrat.

Tout manquement par l’une ou l’autre des parties à ses engagements est susceptible de

remettre en cause l’économie du contrat de franchise, et donc entraîner son extinction

(ChapitreI).

La cessation anticipée du rapport contractuel entre franchiseur et franchisé ne

résulte pas uniquement de l’inexécution par l’une des parties de ses obligations. Il peut

arriver, dans bien des cas, que la destruction du contrat de franchise soit imputable à un

événement autre que l’inexécution des obligations (Chapitre II). Cet événement peut

être lié aux parties comme il peut aussi être extérieur à elles.

Page 117: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

112

CHAPITRE I - EXTINCTION ANTICIPÉE DU CONTRAT DE FRANCHISE

POUR CAUSE D’INEXECUTION

114. Destruction due à une faute. Le contrat de franchise est un contrat

synallagmatique. Il crée à la charge de chacune des parties certaines obligations qu’elle

doit respecter. Le franchiseur est tenu de transmettre au franchisé sa marque, ses signes

distinctifs, et son savoir-faire et de lui fournir une assistance technique et commerciale

de manière permanente tout au long du contrat. De son côté, le franchisé est tenu de

payer des redevances et d’appliquer les normes de l’exploitation de la franchise qui lui

sont transmises par le franchiseur. Toute inexécution par l’un ou l’autre de ses

obligations est susceptible de remettre en cause l’économie du contrat de franchise et

donc d’entraîner sa résiliation. Cette résiliation peut être faite aussi bien par le juge

(Section I) que par la volonté unilatérale du contractant quand le contrat n’a pas été

exécuté (Section II).

Page 118: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

113

SECTION I. LA RESILIATION JUDICIAIRE DU CONTRAT DE FRANCHISE

115. Présentation générale et plan. Quand un franchisé ou un franchiseur manque à

ses obligations, son cocontractant a trois solutions. Premièrement, il peut ne pas

exécuter ses propres obligations. C’est ce que l’on appelle l’exception d’inexécution.

Ici, le contrat de franchise n’est pas éteint, mais simplement suspendu. Deuxièmement,

le contractant peut aussi s’adresser au juge et lui demander l’exécution forcée du contrat

avec, le cas échant, des dommages et intérêts. Troisièmement, il peut recourir au juge et

lui demander de lui permettre de sortir du contrat de franchise le liant avec un partenaire

défaillant en prononçant sa destruction définitive. Seule cette dernière voie, que l’article

1184 reconnaît au contractant victime d’inexécution, retiendra là notre attention.

En effet, une fois saisi d’une demande de résolution ou de résiliation du contrat, le

juge dispose d’un pouvoir souverain pour prononcer ou non la destruction du contrat. Il

va vérifier si le manquement allégué par le franchiseur ou le franchisé est assez grave

pour remettre en cause le contrat. Il n’y a pas de difficulté si l’inexécution du contrat

porte sur une obligation essentielle ou lorsqu’elle est totale. La résiliation judiciaire est,

dans ce cas, encourue. La difficulté apparaît lorsque l’inexécution commise par le

franchiseur ou le franchisé porte sur une obligation accessoire ou qu’elle est de moindre

importance. En pareille hypothèse, le juge du fond vérifie généralement si une telle

inexécution empêche la réalisation du but contractuel que les parties attendent de la

conclusion du contrat. Selon que la réponse est positive ou négative, il va ou non résilier

le contrat de franchise. Une fois la résiliation prononcée par le juge (§ 1), elle entraîne

la destruction du contrat de franchise pour le futur, sans remettre en cause les effets déjà

accomplis, à moins qu’il n’y ait dès l’origine une absence d’exécution ou une exécution

imparfaite (§ 2.).

Page 119: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

114

§ 1. Le prononcé de la résiliation judiciaire

116. Plan. La résiliation judiciaire du contrat de franchise peut intervenir aux torts

exclusifs de l’une des parties (A). Elle peut aussi intervenir à leurs torts réciproques (B).

A. Résiliation aux torts de l’une des parties

117. Imputabilité de l’inexécution. La résiliation judiciaire du contrat de franchise

peut être prononcée à l’encontre du franchiseur (1) ou du franchisé (2) qui ne respecte

pas les obligations que met le contrat à sa charge.

1. Résiliation aux torts du franchiseur

118. Défaillances relatives à la transmission de la marque et des signes distinctifs.

La mise à disposition au franchisé par le franchiseur d’une marque et de signes

distinctifs de ralliement de la clientèle constitue un des éléments essentiels et

indispensables du contrat de franchise348

. La marque349

, qui est un élément permettant

aux consommateurs d’identifier un service ou un produit350

, constitue « la plaque

tournante, le pivot autour duquel va s’articuler la construction du réseau de

franchise »351 et la « clé de voûte juridique du contrat de franchise où la franchise est

une nébuleuse dont le noyau central est la marque »352.

348

D. FERRIER, Le droit de la franchise, 4e édition, Litec, 2006, n° 692, p.308 ; D. BASCHET, La

franchise, Guide juridique-conseils pratique, Gualino éditeur, 2005, n°171, p.98 ; Y. MAROT, Le droit de

la franchise, Gualino éditeur, 2003, p.53 J.-P. CLEMENT, Franchise et droits des marques, in Mélanges.

J.-J. BURST, Litec, 1997, p.113 ; J -J. BURST, Eléments de ralliement de la clientèle et franchise, Cah.

dr. entr. 1988, n° 2, p. 40. 349

L’article L.711-1 du Code de la propriété intellectuelle définit la marque comme « un signe

susceptible de représentation graphique servant à distinguer les produits ou services d’une personne

physique ou morale ». 350

J -N. KAPFERER, Les marques, captal de l’entreprise, Les Editions d’Organisation, 1991, p.133 :

« S’il est vrai que la marque part d’un produit, elle n’est pas le produit. La marque est le sens du produit. Les produits sont muets. Face à une boîte de cassoulet sans marque, l’acheteur est perplexe. Comment prévoir les satisfactions que l’on retirera vraiment de cette boîte ? La marque signe l’intention de l’auteur, du créateur : quelles valeurs a-t-il cherché à matérialiser dans cette boîte ? Qu’a-t-il voulu injecter dans ce produit : un amour de la tradition, un goût du travail bien fait, un respect des goûts modernes, une volonté de trouver un compromis heureux entre l’ère du gras et les contraintes du léger ?.... La marque est un programme génétique. Elle porte en elle le code des futurs produits ». V. P.

NUSS, Le consommateur d’aujourd’hui face à la marque, in Mélanges, J -J. BURST, Litec, 1997, p.363

et spéc., p.369. 351

P. NUSS, Table ronde, in Aspects juridiques de la franchise, Journée d’étude de Faculté de Lyon

organisée le 21 mai 1986, Litec, p.33, et spéc., p. 42. 352

Ibid.

Page 120: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

115

C’est grâce à elle, en accompagnant les signes distinctifs, que le public peut

identifier l’appartenance du franchisé au réseau, l’identité et la réputation de celui-ci353

.

C’est grâce à elle aussi que le franchisé peut « sécuriser le consommateur, le fidéliser et

créer la valeur ajoutée pour l’entreprise »354. En somme, « la réussite commerciale du

franchiseur et des franchisés se manifeste et se prolonge, en effet, dans la notoriété de

la marque et plus généralement des signes distinctifs communs à l’ensemble du réseau.

Le réseau est « symbolisé» aux yeux des consommateurs et utilisateurs finaux par

l’enseigne »355.

De là, il ne paraît pas étonnant que lorsqu’un franchiseur manque à son obligation

de transmettre à son franchisé sa marque et ses signes distinctifs, ce manquement remet

en cause le contrat de franchise. Il s’agit ici d’un manquement à une obligation

essentielle sanctionné par le juge par le prononcé de la résiliation du contrat356

, voire

même, plus récemment, par la nullité pour défaut d’objet et de cause357

.

119. Défaillances du franchiseur relatives à la transmission du savoir-faire. A coté

de son obligation de mettre à disposition du franchisé sa marque et ses signes distinctifs,

le franchiseur est tenu de lui transmettre son savoir-faire. Il doit lui communiquer son

savoir-faire, c'est-à-dire ses connaissances pratiques et techniques « transmissibles, non

immédiatement accessibles au public, non brevetées et conférant à celui qui la maîtrise

un avantage concurrentiel »358.

353

D. BASCHET, La franchise, op.cit. 354

M. GABON, Les marques face au défit du temps, Entreprendre, 2004, n°182, p.70. 355

D. FERRIER, Franchise, Rép.com. Dalloz, 1996, n°10. 356

CA Paris, 20 mai 1988 ; CA Nancy, 12 septembre 1988 ; CA Paris 26 avril 1989, in J.-P. CLEMENT,

La franchise 20 ans de jurisprudence, n° 26, p.80 ; n°29, p.84 et n°47, p.110 ; CA Versailles 9 décembre

1987, Cah .dr.entr.1988, 2, p.42, note. J.-J. BURST 357

Ex. Cass. com., 6 mai 2003, La lettre de la FFF, supp. jurid. n°1, 2004, p.3. Cass. com., 15 juillet 1993,

Lettre de la distribution, 1993-11. Dans cet arrêt, la Cour de cassation a décidé que « faute de notoriété, la marque offerte par le franchiseur n’est pas une contrepartie aux obligations souscrites par le franchisé, le contrat de franchise se trouve privé de cause et doit être annulé ». D. BASCHET (La franchise, Guide

juridique-conseils pratique, Gualino éditeur, 2005, n°182, p.95) critique cette jurisprudence. Il estime

qu’exiger que la marque soit notoire empêcherait la création de tout réseau. Il observe ainsi : « En effet, lors du lancement d’un réseau de franchise, à moins que le franchiseur n’exploite déjà de nombreuses succursales, la notoriété de la marque est faible. C’est grâce au développement du réseau en franchise que la marque va devenir, sinon notoire, du moins connue ». 358

J.-M. LELOUP, La franchise, Droit et pratique, 4e édition, Delmas, 2004, n°349. En effet, le savoir-

faire est une notion floue. Il est difficile à cerner. De nombreuses définitions du savoir-faire ont été

données par la doctrine. Pour J.-M. MOUSSERON, (Traité des Brevets, Litec, 1984, n°12,) le savoir-

faire est « un ensemble d’informations pour la connaissance desquelles une personne désireuse de faire des économies d’argent et de temps, est prête à payer une certaine somme » ou comme un « ensemble de connaissances techniques, transmissibles, non immédiatement accessibles au public » (Aspects juridiques

Page 121: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

116

La communication d’un savoir-faire est un élément fondamental du contrat de

franchise. Il est la clé de voûte359

. C’est lui qui permet de distinguer le contrat de

franchise des autres contrats voisins. En effet, en l’absence de savoir-faire, le contrat ne

peut être qualifié de contrat de franchise360

, mais de simple contrat de distribution

exclusive361

ou de contrat de collaboration362

, voire de contrat de fourniture363

. Bref,

toute l’économie du contrat de franchise repose sur le savoir-faire, de telle manière que

sans la transmission de celui-ci, le contrat de franchise serait vidé de sa cause, et la

réitération de la réussite du franchiseur pour lequel le contrat a été conclu serait

impossible.

Dès lors, tout manquement par le franchiseur à son obligation de transmettre au

franchisé son savoir-faire est susceptible d’entraîner l’anéantissement anticipé du

contrat de franchise à ses torts. C’est ce qui a été jugé par la Chambre commerciale dans

un arrêt du 24 mai 1994364

.

du Know-how, Cah. dr. entre. 1972 / 1). D. FERRIER, (Franchise et savoir-faire, Mélanges J.-J. BURST,

Litec, 1997, p.157) le savoir-faire « repose sur la combinaison d’éléments tels que la marque, les signes distinctifs, l’agencement du point de vente, les services rendus à la clientèle, les efforts de promotion, les produits ou services commercialisés, les conseils par le franchiseur ». Ph. Le TOURNEAU (Les contrats

de franchisage, Litec 2003, n°548, p.203) considère le savoir-faire comme une « connaissance technique, conférant un avantage économique, transmissible, secrète, non brevetée et identifiée ». J. BEAUCHARD,

(Droit de la distribution et de la consommation, PUF, 1996, p.194) voit dans le savoir- faire « un

ensemble d’informations pratiques non brevetables ». Pour D. BASCHET, (le savoir-faire dans le contrat

de franchise, G.P. 1994, I, p.690.), le savoir-faire peut se définir comme « un ensemble de connaissances empiriques qui, présentées de manière isolée sont imprécises, mais qui lorsqu’elles sont mises en œuvre ensemble, d’une façon déterminé par l’expérience, procurent à celui qui les maîtrise l’aptitude à obtenir un résultat qui, sans ces connaissances n’auraient pu être atteint ». S’agissant de la jurisprudence, celle-

ci définit le savoir-faire comme « l’ensemble des méthodes commerciales de nature à fonder la réussite du franchiseur » (Paris, 24 janvier 1975 : PIBD 1975, 3, p.323), ou « les techniques commerciales

expérimentées constamment mises au point par le franchiseur » (Cass. com., 3 octobre 1989, D. 1990,

somm, p.370, obs. D. FERRIER ; CA Paris, 18 juin 1992 et 27 mai 1993, D. 1995, somm. p.76, obs. D.

FERRIER.). En droit communautaire, le savoir-faire a aussi fait l’objet de plusieurs définitions. Il est

défini par le règlement n°2790-99 (règlement, art.1-f) comme « un ensemble secret, substantiel et identifié d’informations pratiques non brevetées, résultant de l’expérience du fournisseur et testées par celui-ci ». 359

D. BASCHET, La franchise, Guide juridique-conseils pratique, Gualino éditeur, 2005, n°241, p.119 ;

D. BASCHET, Le savoir-faire dans le contrat de franchise, Gaz. Pal. 1994, I, doctr., p .609. De même, D.

FERRIER, Franchise et savoir-faire, Mélanges. J.-J. BURST, Litec, 1997, p.161. 360

CA Montpellier 26 novembre 2002, Lettre de la distribution, 2003, n° 2. 361

Ch. ATIAS, Le contentieux de la franchise, Analyse de loyers, 1996, n°30, p.1115. 362

F. COLLART-DUTILLEUL et Ph. DELEBECQUE, Contrats civils et commerciaux, 7e édition, Précis

Dalloze, 2004, n°953,p. 930. 363

D. FERRIER, « L’obligation du franchiseur de transmettre son savoir-faire : élément constitutif», obs.

CA Paris, 16 avril 1991 et 29 mai 1992, D. 1992, p. 391. 364

Cass. com., 28 mai 1994, Contrats. conc. consom., 1994 , n° 191 , comm. L. LEVENEUR.

Page 122: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

117

En l’espèce, un contrat de franchise de service a été conclu pour une durée de cinq

ans .En vertu de ce contrat, le franchiseur était tenu de fournir au franchisé des

prestations de services pour la création d’entreprises, notamment les formalités de

constitution, domiciliation, location de bureaux, assistance, secrétariat et comptabilité.

Or, peu de temps après la conclusion du contrat, le franchisé a assigné le franchiseur en

résiliation pour absence du savoir-faire qu’il lui avait promis. Les juges du fond lui ont

donné raison et prononcé la résolution judiciaire du contrat aux torts exclusif du

franchiseur, au motif que le savoir-faire promis était insuffisant pour effectuer les

prestations. Le franchiseur s’est pourvu en cassation.

Cependant, la Cour de cassation a rejeté sa demande en approuvant l’arrêt d’appel

d’avoir déclaré que « le franchiseur n’avait transmis au franchisé qu’un savoir-faire

dépourvu d’originalité, que ce dernier était en mesure d’acquérir par ses propres

moyens et qui était manifestement insuffisant pour lui permettre d’effectuer les

prestations franchisées qui nécessitaient une parfaite maîtrise des techniques

juridiques, comptables, financières et commerciales, ce qui l’avait obligé à limiter son

activité à la location de bureaux qui ne nécessitait aucun savoir-faire particulier ; c’est

en motivant sa décision, hors de toute contradiction, que la cour d’appel a décidé la

résolution du contrat aux torts exclusifs du franchiseur» .

La même solution a été ultérieurement reprise par la même Chambre dans un arrêt

du 12 juillet 2005365

. En l’occurrence, quelque temps après le commencement de

l’exécution du contrat, le franchiseur a assigné le franchisé en paiement de

marchandises qui lui avaient été livrées. Or, pour ne pas régler ce qui lui était demandé,

le franchisé s’est prévalu de l’inexécution par le franchiseur de son obligation de

transfert de savoir-faire et de son conseil. La Cour d’appel de Paris a écarté

l’argumentation du franchisé en relevant que l’exception d’inexécution ne peut être

opposée que pour des obligations d’un même contrat. En revanche, elle a prononcé la

résiliation du contrat aux torts du franchiseur pour manquement à son obligation de

transmettre son savoir-faire au franchisé.

365

Cass. com., 12 juillet 2005, RJDA 2005, n°1316 ; RTD civ. 2006, p.307, obs. J. MESTRE et B.

FAGES.

Page 123: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

118

La Chambre commerciale a approuvé l’arrêt d’appel, d’une part, d’avoir rejeté le

jeu de l’exception de l’inexécution entre deux obligations au motif que celui-ci ne joue

qu’entre deux obligations nées d’un même contrat, et, d’autre part, d’avoir prononcé la

résiliation du contrat de franchise aux torts du franchiseur qui n’a pas satisfait à son

obligation de transmission d’un savoir-faire.

120. Défaillances du franchiseur relatives à l’assistance technique. Pour qu’un

franchisé puisse réitérer la réussite commerciale du franchiseur, il ne suffit pas qu’il

bénéfice de son pouvoir attractif et de son savoir-faire, encore faut-il qu’il bénéficie de

son assistance technique et commerciale dès la phase préparatoire du contrat et ce

jusqu’à son expiration. Comme le relève un auteur : « Préparateur du succès d’autrui,

le franchiseur en est aussi l’accompagnateur et le soutien permanent »366. L’obligation

d’assistance imposée au franchiseur, qui n’est en réalité que la prolongation de

l’obligation de communication du savoir-faire367

, a deux objets. Le premier est la

maintenance de la pertinence du savoir-faire commercial avec, le cas échéant, la

communication au franchisé de toute modification souhaitable368

. Le second concerne le

soutien de l’activité du franchisé par des conseils.

En conséquence, le franchiseur est tenu d’intervenir quand le franchisé rencontre

des difficultés dans l’exploitation de son savoir-faire, dans son actualisation et dans son

adaptation au marché. Il doit, à titre d’exemple, fournir au franchisé son assistance

quant au choix du point de vente, et quant à la gestion commerciale : conseils en matière

d’approvisionnement, de réception de marchandises, ou de gestion des stocks, et son

assistance en matière de marketing, de publicité, d’action de promotion ou en matière

financière, administrative, juridique, sociale, informatique, comptable369

.

366

Ch. ATIAS, Le contentieux de la franchise, op.cit., n°22, p.1112. 367

Ph. Le TOURNEAU, Les contrats de franchisage Litec, 2e édition, 2007, n° 524, p.241 et s.

368 CA Paris 14 février 1991, D.1992, somm., p.392, obs. D. FERRIER.

369 D. FERRIER, Droit de la distribution, 4

e édition, Litec 2006, n° 697, p.310 et s ; du même auteur,

Franchise, Rép. com. Dalloz .1996, n°22, et s ; J.-M. LELOUP, La Franchise : Droit et pratique, 4e

édition, Delmas 2004 , n° 2032, p. 324 ; D. LEGEAIS, La franchise, JCP N 1992, I, p.217 , et spéc., n° 39

, p.221 ; du même auteur , Franchise , J-CI Commercial .2000, fasc .333, et spéc., n° 37 et s ; D.

BASCHET, La franchise : Guide juridique, conseils pratiques, Gualino éditeur, 2005, n°341, p.157 et s .

Page 124: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

119

Une telle obligation est une obligation fondamentale370

. C’est un devoir imposé au

franchiseur par la nature du contrat de franchise371

. Il en résulte que toute carence

contractuelle commise par le franchiseur peut être considérée comme un manquement

grave susceptible d’entraîner la résolution ou la résiliation du contrat à ses torts372

. C’est

ainsi, par exemple, qu’un contrat de franchise a été judiciairement résilié aux torts du

franchiseur qui a failli à son devoir d’assistance et de conseil, notamment pour les

difficultés financières du franchisé liées aux tarifs non concurrentiels qu’il pratiquait373

.

Deux observations doivent, en effet, être soulignées s’agissant de l’assistance du

franchiseur. La première, c’est que l’obligation pesant sur le franchiseur est une

obligation de moyens et non de résultat. Par conséquent, le franchisé, qui veut mettre en

jeu la responsabilité du franchiseur pour manquement à son obligation d’assistance, doit

préciser les diligences et les carences de celui-ci, à défaut, sa responsabilité ne sera pas

engagée. C’est ainsi qu’il a été jugé dans un arrêt du 20 juin 2006374

. Dans cet arrêt, la

Chambre commerciale de la Cour de cassation a rejeté un pourvoi formé contre un arrêt

d’appel ayant jugé que le franchiseur avait satisfait à son obligation d’assistance dès lors

que le franchisé reconnaissait avoir reçu des visites suivies de comptes rendus et qu’il

n’avait formulé aucune contestation pendant toute la durée des relations

contractuelles375

. De même, le Tribunal de commerce de Paris a, pour rejeter l’action en

résiliation initiée par le franchisé à l’encontre de son franchiseur pour manquement à

son obligation d’assistance, relevé, d’une part, que le franchiseur avait proposé en vain

des stages de formation à son franchisé et, d’autre part, que des suggestions précises

avaient été faites par le franchiseur au franchisé pour améliorer la rentabilité de son

exploitation et que ce dernier les avait néanmoins refusées en préférant définir lui-même

sa politique commerciale376

.

370

Ph. Le TOURNEAU, Les contrats de franchisage, Litec, 2e édition, 2007, n°525, p.241 :

« L’assistance technique est très importante dans tous les contrats comportant une communication de savoir-faire industriel ou commercial. Elle est donc fondamentale dans les contrats de transfert de maîtrise industrielle, notamment vers les pays en voie de développement, et dans les contrats de franchisage ». 371

R. de BALMANN, L’assistance est un devoir, L’Officiel de la franchise, 2002, n°50, p.102. 372

CA Paris, 15 octobre 2003, Juris-Data 2003-225457 ; Cass. com., 7 mars 1995, RJDA 1995, n° 836. 373

CA Versailles, 4 juillet 1996, Juris-Data n° 1996-043384 ; Cass. com., 7 mars 1995, RJDA 1995,

n°836 ; Aussi, Cass. com., 17 novembre 1998, RJDA 1999, n°30. 374

Cass. com., 20 juin 2006, pourvoi n° 04 -14.663. 375

Cass. com., 20 juin 2006, pourvoi n° 04 -14.663. 376

T. com., Paris, 17 janvier 2006, Juris-Data n° 2006-304909.

Page 125: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

120

La deuxième observation est que l’assistance du franchiseur ne doit, en aucun cas,

priver le franchisé de son indépendance commerciale, sinon le contrat risque d’être

requalifié en contrat de travail377

. En dehors de l’obligation d’assistance technique et

commerciale, il convient de noter que lorsque le contrat contient une clause

d’exclusivité territoriale, le franchiseur doit respecter cette clause, sinon sa

responsabilité contractuelle sera engagée

121. Violation de la clause d’exclusivité territoriale. « Qui dit franchise, dit droit

privilégié»378. En effet, les contrats de franchise contiennent fréquemment une clause

qui concède au franchisé le droit exclusif à l’exploitation de la marque ou de l’enseigne

ou à la distribution des produits du franchiseur, ou de l’ensemble à l’intérieur d’un

territoire contractuellement défini.

Cette clause d’exclusivité territoriale peut porter simplement sur l’exclusivité de la

franchise ou de l’enseigne : « Pendant toute la durée du contrat, le franchiseur ne

pourra pas, à l’intérieur du territoire, exercer lui-même l’activité ou confier à une autre

personne que le franchisé le droit d’exercer cette activité ou d’utiliser un quelconque

droit de propriété intellectuelle en relation avec une activité similaire à celle visée par

le contrat » 379. Elle peut porter aussi sur l’exclusivité de fourniture de produits : «

Pendant toute la durée du contrat, le franchiseur ne pourra pas, à l’intérieur du

territoire, fournir à qui que ce soit les produits de la franchise ou autoriser tout tiers à

commercialiser les produits de la franchise en appliquant une méthode identique ou

similaire à celle concernée par le système »380.

377

CA Paris, 3 juillet 2002, D. 2003, somm., 2429, obs. D. FERRIER, V. aussi, CA Montpellier, 6,

janvier 1999, D. 2001, p.296, note. D. FERRIER. Dans cet arrêt, les juges ont requalifié un contrat de

franchise en contrat de travail en raison de l’immixtion excessive du franchiseur dans la gestion du

franchisé. Les juges ont relevé que le franchisé prospectait les clients auxquels il proposait un contrat

établi par le franchiseur, et non seulement le prix était fixé par lui-même et le paiement était réalisé

directement auprès de lui, mais il déterminait aussi les conditions d’exercice de l’activité. 378

Ch. ATIAS, Le contentieux de la franchise, Analyses Loyers, 1996, n°1, p.1105. 379

Article 51 du contrat modèle ICC de franchise international de distribution. 380

Ibid.

Page 126: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

121

A vrai dire, contrairement au contrat de concession381

, la clause d’exclusivité n’est

pas indispensable dans le contrat de franchise. Elle n’est pas de l’essence de celui-ci382

.

La jurisprudence a affirmé, à plusieurs reprises, que la clause d’exclusivité territoriale

ne constitue pas une condition de validité du contrat de franchise et, par conséquent, son

absence ne peut entraîner la nullité de celui-ci383

. Pour autant, sa stipulation est

répandue en pratique384

. Cela peut s’expliquer par le fait que la clause d’exclusivité.-

quelle que soit sa forme ou son étendue-, « assure non seulement l’étroitesse des

relations d’affaires, mais encore et surtout, leur régularité. Elle est synonyme de

prévisibilité, de sécurité, et permet donc d’assurer la rentabilité des

investissements »385.

Elle peut aussi s’expliquer par le fait qu’elle se révèle parfois nécessaire à la

réitération de la réussite386

. Comme le relève un auteur, « l’application du savoir-faire

est réservée à une zone de chalandise parce que l’expérience du franchiseur a permis

de constater que cette zone constitue l’assiette de la réussite d’un point de distribution

franchisé, et non parce que le franchiseur cherche à limiter le jeu de la concurrence

entre les franchisés (au contraire, plus il a de franchisés installés, plus sa position est

confortée)»387.

381

Ch. ATIAS, op.cit. Selon l’auteur, en l’absence d’exclusivité territoriale, le contrat de concession peut

être disqualifié en contrat d’agréation. 382

D. FERRIER, Le droit de la distribution, 4e édition, Litec, 2006, n° 694, p. 309 ; J.-M. LELOUP, La

franchise, Droit et pratique, 4e édition, Delmas, 2004, n° 2035, p.325 ; Ph. Le TOURNEAU, Les contrats

de franchisage, Litec 2003, n° 525, p. 194 ; D. LEGEAIS, La franchise, JCP N 1992, I, p. 217, et spéc ,

n°43 ; O. GAST, La clause d’exclusivité territoriale est-elle essentielle au contrat de franchise, LPA du

29 juillet 1987, p. 29. 383

Cass. com., 19 novembre 2002, D. 2003, p. 2427, obs. D. FERRIER ; Cass. com,. 16 janvier 1990, D.

1990, somm., p. 369, obs. D. FERRIER. 384

V. L. GUISERIX, « Clause d’exclusivité territoriale : A examiner de près », Franchise. Magasine,

décembre 2003-janvier.2004, n° 173, p. 120. Selon l’auteur, environ 90 % des réseaux prévoient une

clause d’exclusivité territoriale dans les contrats de franchise. 385

G. PARLEANI, Les clauses d’exclusivité, in Les principales clauses des contrats conclus entre

professionnels, PUAM 1990, p. 55 et spéc., n° 2 et s : « ce souci général de prévisibilité, et donc de protection contre les aléas de la vie économique, explique qu’on rencontre ce type de clauses dans tous les secteurs de la vie des affaires, à tous les stades de la fabrication ou de la distribution (de la licence d’exploitation d’un brevet au contrat de bière), et dans les contrats les plus variés (licence de brevet, concession, franchise, etc ..) ». 386

D. FERRIER, Le droit de la distribution, 4e édition, Litec, 2006, n° 694, p, 309, pour qui le territoire

correspond, en effet, au potentiel de la chalandise nécessaire et suffisant pour assurer cette réussite. D. La

clause d’exclusivité territoriale peut être un élément essentiel du contrat de franchise, D. 1995, p. 78. V.

également, D. LEGEAIS, La franchise, JCP N 1992, I, p. 217, et spéc, n° 43, p.223, qui considère que

l’exclusivité territoriale, parce qu’elle constitue le support géographique de la réussite commerciale, peut

faire partie du savoir-faire et donc être un élément essentiel de la franchise. 387

D. FERRIER, Franchise et savoir-faire, Mélanges J.-J. BURST, Litec., 1997, p.157, et spec., n° 20,

p.163.

Page 127: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

122

Quelle que soit la raison exacte de sa stipulation fréquente en matière de contrat de

franchise, la clause d’exclusivité territoriale y est en principe illicite au regard de

l’article L. 420-1 du Code de commerce388

. En effet, elle entraîne un partage du marché

entre franchiseur et franchisé389

. Pour autant, le droit interne390

aussi bien que le droit

communautaire391

exemptent sa stipulation en raison de ce qu’elle est indispensable de

la protection des investissements consentis par le franchisé ou parce qu’elle est

essentielle à la réitération du concept de franchise392

.

Toutefois, il faut noter qu’une fois valablement insérée dans le contrat de

franchise, la clause d’exclusivité territoriale devient un élément essentiel du contrat. Les

parties doivent la respecter. Si, par exemple, la clause d’exclusivité territoriale concède

au franchisé l’exclusivité sur une zone déterminée, le franchiseur s’engage à ne pas

implanter d’autres magasins franchisés dans la zone protégée. Par contre, si la clause

concède simplement au franchisé le droit exclusif d’exploitation de l’enseigne ou de la

distribution des produits, le franchiseur s’oblige à ne pas conclure d’autres contrats de

franchise dans le territoire et à ne vendre des produits à personne d’autres que son

franchisé. Toute violation par le franchiseur de cette clause peut remettre en cause le

contrat de franchise. Elle entraîne l’extinction du contrat de franchise par sa résolution

ou sa résiliation que le juge peut éventuellement prononcer aux torts exclusifs du

franchiseur393

.

388

L’article L.420 du Code de commerce prévoit que : « sont prohibées… lorsqu’elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, les actions concertées, conventions, entente ( express ou tacite) ou conditions, notamment lorsqu’elles tendent à : - limiter l’accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d’autres entreprises ; - faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse ; - limiter ou contrôler la production, les débouchés, les investissements ou les progrès techniques ; - répartir les marchés ou les sources d’approvisionnement ». 389

J.-J. BURST, Franchise et droit des pratiques restrictives de la concurrence : Franchise et droit

communautaire de la concurrence, in Aspects juridiques de la franchise, journée d’étude faculté de droit

de Lyon, 21 mai 1986, Litec, 186, p. 63. 390

Cass. com., 10 janvier 1995, RJDA. 1995, n° 561 ; D. 1997, somm.58, obs. D. FERRIER. 391

CJCE, 28 janvier 1986, aff.161/84, Pronuptia, Rec. CJCE, p.353, att.23. 392

D. FERRIER, Le droit de la distribution, op.cit. 393

Cass. com., 18 mars 1993, J-P. CLEMENT, La Franchise, 20 ans de jurisprudence, n°153, p. 260 ;

Contrats, conc. consom., 1993, n°107, comm. L. LEVENEUR.

Page 128: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

123

122. La vente par Internet et la clause d’exclusivité. Le commerce électronique est en

forte expansion394

, notamment dans les réseaux de distribution où Internet devient

aujourd’hui un mode de distribution concurrent des circuits traditionnels constitués

essentiellement par les magasins395

. Cela ne doit pas surprendre. Internet permet aux

agents économiques de conquérir plus rapidement un nouveau marché avec des moyens

moins coûteux396

.

Cependant, si la distribution sur Internet constitue un atout capital pour les réseaux

de distribution, le développement de ce mode ne manque pas de susciter de sérieuses

difficultés. Le recours à Internet pour la commercialisation des produits risque de

bouleverser les structures classiques de ces réseaux. Il remet en question les règles du

droit de la concurrence en raison de la concurrence qu’il peut faire à la distribution par

points de vente physiques397

. Dès lors, la question qui se pose est celle de savoir si la

vente sur Internet par le franchiseur ne porte pas atteinte à l’exclusivité accordée au

franchisé, et, par conséquent, si elle entraîne la résiliation du contrat à ses torts. C’est la

question qui était posée à la Cour de cassation dans l’affaire jugée le 14 mars 2006398

.

394

En 2003, les entreprises françaises auraient réalisé quatre milliards d’euros de chiffre d’affaires par

l’intermédiaire du commerce électronique. Alors qu’en 2004, ce chiffre était de six milliards d’euros, soit

une progression de plus 50 %. V. P.-M. REVERDY, « Un franchiseur peut exploiter un site Internet

marchand concurrençant le franchisé sans qu’il s’agisse d’une atteint à l’exclusivité territoriale prévue au

contrat », JCP E 2006, p. 1902. 395

V. SELINSKY, Les ventes sur Internet en question, Rev. Lamy. Conc. 2007, n°1 ; M. BEHAR-

TOUCHAIS, De la création d’un site Internet par le franchiseur qui a consenti une exclusivité territoriale

à son franchisé, RDC. 2006, p.786 ; D. FERRIER, La distribution sur Internet dans le cadre d’un réseau,

D. 2006, n° 37, p. 2594 ; A. LECOURT, Franchise et Internet des rapports contractuels délicats, D. 2004,

p.623 ; D. FERRIER, La distribution sur l’Internet, JCPE 2000, n°2, p.12 ; R. FABRE, Les contrats de

distribution et Internet à la lumière du nouveau règlement communautaire, D. 2001, n°5, chron. p.461 ; E.

BARBRY, L’Internet et les réseaux de distribution, Gaz. Pal. 2001, p.29 ; C. COLLARD et C.

ROCQUILLY, Réseaux de distribution fermés et commerce électronique : Implications en droit

communautaire de la concurrence, LPA 3 avril 2000, n° 67, p.4 ; N. GASTAGNON, Internet et réseaux

de distribution, Contrats, conc. consom., octobre 2003, chron., p.12 ; C. MANARA, Web et distribution

sélective : réseau contre réseau ?, D. 1999, n°44, p.725 ; O. GAST et O. RENAUD, Internet en toute

franchise : quelle est la marge de manœuvre du franchiseur ?, LPA 22 août 2001, n°167, p.4. 396

D. FERRIER, La distribution sur Internet dans le cadre d’un réseau, D. 2006, n° 37, p. 2594. 397

D. FERRIER, La distribution sur Internet dans le cadre d’un réseau, op.cit. ; A. LECOURT,

Franchise et Internet : des rapports contractuels délicats, D. 2004, p. 623. 398

Cass. com., 14 mars 2006, Juris-Data n° 2006-032686 ; D. 2006, jur.p. 1901, note. H. KENFACK ;

Contrats. conc. consom., 2006, n° 82, comm. M. MALAURIE-VIGNAL ; RDC. 2006, p. 786, note. M.

BEHAR-TOUCHAIS.

Page 129: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

124

En l’espèce, un contrat de franchise de distribution de fleurs a été conclu entre la

société Flora Partner (le franchiseur) et la société Laurent Portal Rouvelet (le

franchisé), et cela en vue de l’exploitation d’un magasin sous la marque, le signe et les

techniques du franchiseur pour une durée de six ans. Ce contrat concédait au franchisé

le droit exclusif à l’exploitation. L’article 7-3 du contrat prévoyait que « l’exclusivité

territoriale implique que le franchiseur s’engage, pendant la durée du présent contrat,

à ne pas autoriser l’ouverture d’autres points de vente (Le Jardin des fleurs) dans le

territoire d’exclusivité susmentionné, en dehors de celui du franchisé ». A la fin de

l’année 1999, le franchiseur a ouvert un site Internet sous l’enseigne Le Jardin des

Fleurs. Estimant qu’il avait violé son obligation contractuelle d’exclusivité, le franchisé

l’a assigné en résiliation du contrat et en paiement de dommages et intérêts. La Cour

d’appel de Bordeaux a, dans un arrêt du 26 février 2003399

, fait droit à sa demande et

prononcé la résiliation du contrat de franchise aux torts du franchiseur. Les juges du

fond ont considéré que l’obligation d’exclusivité territoriale est essentielle et

déterminante pour le franchisé, et qu’elle doit donc le protéger de toute vente à

l’initiative du franchiseur, directement ou indirectement. Or, la vente sur Internet, bien

que constituant une vente passive, porte atteinte à cette exclusivité puisqu’elle est

réalisée sans contrepartie financière pour le franchisé qui, néanmoins, contribue au

fonctionnement du site par prélèvement effectué sur la redevance communication qu’il

verse au franchiseur. La Chambre commerciale a cassé l’arrêt d’appel en décidant que la

création d’un site Internet n’est pas assimilable à l’implantation d’un point de vente

dans le secteur protégé, et, par conséquent, il n’y a pas violation de la clause

d’exclusivité territoriale.

Il ressort de cet arrêt que le franchiseur peut librement vendre ses produits sur

Internet400

. Sauf disposition contractuelle contraire, ce dernier peut, sans méconnaître

l’obligation d’exclusivité territoriale qu’il a contractuellement consentie au franchisé,

commercialiser ses produits par le biais d’un site Internet.

399

CA Bordeaux, 26 février 2003, RJDA 2004, n°805 ; Juris-Data, n° 2003-217863. 400

Lignes directrices sur les restrictions verticales, 13 octobre 2000, JOCE n° 291 ? p.1, point 51 :

« Chaque distributeur doit être libre de recourir à Internet pour faire de la publicité ou vendre des produits ».

Page 130: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

125

Une telle solution paraît justifiée. Le franchiseur qui crée un site Internet ou qui se

contente de répondre seulement à des demandes reçues par des clients situés dans le

territoire exclusif concédé au franchisé ne fait qu’effectuer une vente passive401

. Celle-ci

ne contrevient pas à l’obligation d’exclusivité. Elle n’est pas de nature à porter atteinte à

l’exclusivité territoriale consentie au franchisé et donc ne peut justifier la résiliation

judiciaire du contrat402

. Il en va différemment lorsque la vente par le franchiseur

constitue une vente active, c’est-à-dire lorsqu’il prospecte la clientèle à l’intérieur du

territoire exclusif du franchisé, par exemple, par publipostage ou au moyen de visite. En

pareille hypothèse, il y a violation de sa part de son obligation d’exclusivité justifiant la

résiliation du contrat à ses torts, étant donné qu’il concurrence le franchisé dans la zone

territoriale qui lui est réservée403

.

Ainsi, on pourrait préserver le développement des réseaux de distribution sans

léser les intérêts des parties404

. Pourtant, la prudence s’impose. La position de la

Chambre commerciale dans cet arrêt semble moins nette. Celle-ci ne se réfère pas à la

distinction entre les ventes actives et les ventes passives pour juger si la vente par

Internet constitue ou non une violation de la clause d’exclusivité territoriale. Elle s’en

tient seulement à une interprétation restrictive de la clause d’exclusivité en considérant

que la création d’un site Internet n’est pas assimilable à l’implantation d’un point de

vente. Elle se fonde ainsi sur une comparaison purement matérielle des conditions de

vente.

401

M. BEHAR-TOUCHAIS, obs sous Cass. com., 18 mars 2006, RDC. 2006, p. 786 ; M. MALAURIE-

VIGNAL, Droit de la distribution, Sirey, 2006, n° 612, p. 166 et s ; D. FERRIER, La distribution sur

Internet dans le cadre d’un réseau, D. 2006, n° 37, p. 2594 ; A. LECOURT, Franchise et Internet : des

rapports contractuels délicats, D. 2004, p. 623 ; D. FERRIER, La distribution sur l’Internet, JCP E 2000,

n° 2, p.12 ; R. FABRE, Les contrats de distribution et Internet à la lumière du nouveau règlement

communautaire, D. 2001, n ° 5, chron. p. 461. 402

M. BEHAR-TOUCHAIS, op.cit ; M. MALAURIE-VIGNAL, Droit de la distribution, Sirey, op.cit ; D.

FERRIER, La distribution sur Internet dans le cadre d’un réseau, op.cit. 403

M. BEHAR-TOUCHAIS, op.cit 404

Cette solution a été retenue dans une sentence arbitrale du 2 septembre 2000 rendue par la Chambre

d’arbitrage de l’American Arbitration Association le 2 septembre 2000 dans l’affaire Emporium Drug

Mart. En l’espèce, un franchiseur avait mis en vente ses produits directement via un site Internet sous le

nom domaine « drugemporium.com ». Cette initiative commerciale avait été prise de manière unilatérale

par le franchiseur lui-même sans que les franchisés n’aient été avisés ou préalablement consultés. Les

franchisés alléguaient que la vente directe par Internet du franchiseur aux utilisateurs est une violation des

stipulations contractuelles. Les arbitres ont considéré que cette concurrence diminuait la valeur des

territoires exclusifs des franchisés et ont ainsi ordonné au fournisseur de ne plus vendre aux clients situés

dans les territoires concédés. En outre, le franchisé devait indiquer sur son site que ses clients ne

pourraient être livrés. Sur cette affaire, consulter le site internet: www.juriscom.net.

Page 131: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

126

En présence d’une telle ambiguïté de la part de la jurisprudence, il est conseillé au

franchiseur et au franchisé de régler la question de la possibilité du recours à Internet

par l’insertion d’une « clause d’Internet »405. Cette clause doit être claire et prévoir de

manière non équivoque les modalités de l’utilisation d’Internet. Ainsi, tout conflit sur

l’utilisation d’Internet par les parties au contrat de franchise pourrait être évité.

123. Manquement à l’obligation d’approvisionnement. Outre les obligations

précédentes, le franchiseur est tenu envers son franchisé d’une obligation

d’approvisionnement. Cette obligation est essentielle, de telle sorte qu’à défaut, la

réitération par le franchisé de la réussite du franchiseur peut paraître impossible. Le non

respect par le franchiseur de cette obligation peut donc être de nature à entraîner la

résiliation ou la résolution du contrat à ses torts406

.

C’est ce qu’illustre un arrêt du 28 juin 2005407

. En l’espèce, quelque temps après le

commencement de l’exécution du contrat, le franchisé a manifesté au franchiseur sa

volonté de céder son contrat. Le franchiseur lui a présenté un cessionnaire. Or, le

franchisé a refusé d’agréer le cessionnaire choisi par son franchiseur. Toutefois, à la

suite de ce refus, le franchiseur s’est abstenu de fournir le franchisé. Ce dernier l’a alors

assigné en résiliation. Les juges du fond ont fait droit à sa demande et prononcé la

résiliation du contrat de franchise aux torts du franchiseur. Pour justifier sa décision, la

Cour d’appel relève qu’il y avait une succession de manquements croissants du

franchiseur à ses obligations contractuelles et que l’approvisionnement du magasin

franchisé et les opérations promotionnelles n’étaient plus correctement assurées.

Le franchiseur s’est pourvu en cassation. La Chambre commerciale a rejeté le

pourvoi en considérant que la Cour d’appel avait exactement déduit que la rupture du

contrat de franchise était imputable au franchiseur qui avait gravement manqué à son

obligation d’approvisionnement et de fourniture des offres promotionnelles.

405

S. PILLOT-PEROZETTO, Précisions sur le régime des clauses relatives à l’utilisation d’Internet par

les distributeurs en droit de la concurrence, Contrats, conc. conso., 2002, p.31. 406

D. LEGEAIS, La franchise, JCP N 1992, I, p.217, n° 60, p.225 407

Cass. com., 28 juin 2005, pourvoi n° 04-10. 038.

Page 132: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

127

La Chambre a déclaré ainsi : « Mais attendu, en premier lieu, que la Cour d’appel

n’a pas exigé que le franchiseur assure l’animation et le développement d’un réseau

identique à celui-ci existant avant la cession, mais appréciant son comportement au

regard des obligations essentielles restant lui incomber à l’égard d’un franchisé

minoritaire, et retenant une succession de manquements de plus en plus graves aux

obligations contractuelles, dès lors que l’approvisionnement du magasin n’était plus

assuré correctement et que les opérations promotionnelles n’étaient plus effectuées, en

a exactement déduit que la rupture du contrat de franchisé était imputable au

franchiseur qui avait manqué à ses obligations contractuelles ».

124. Modification unilatérale du contrat. Si le franchiseur se voit reconnaître la

possibilité de modifier son mode de distribution et de faire coexister des circuits de

distribution différents, c’est à la condition de respecter ses engagements antérieurs sans

avantager une catégorie de distributeurs au détriment d’une autre. Toute modification

du contrat de franchise susceptible de nuire aux intérêts du franchisé peut engager sa

responsabilité et entraîner donc la résiliation du contrat à ses torts408

. Dans un arrêt du

20 février 2003, la Cour d’appel de Paris a prononcé la résiliation du contrat de

franchise aux torts du franchiseur qui a brutalement changé sa politique commerciale

sans information préalable au franchisé409

.

125. En résumé. Franchiser, c’est réitérer une réussite. Le franchiseur doit donc

respecter toutes les obligations que met le contrat de franchise à sa charge. Toute

défaillance contractuelle de sa part est susceptible de faire obstacle à la réitération de la

réussite par le franchisé et donc entraîner la résiliation du contrat à ses torts. La même

solution s’applique en ce qui concerne la défaillance du franchisé.

408

CA Paris, 15 sept. 2000, D. 2000, AJ, 389, E. CHEVRIER ; CA Rouen 13 oct .1994, Juris-Data, n°

1994-050353. 409

CA Paris, 20 février 2003, Juris-Datat n° 2003-211466.

Page 133: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

128

2. Résiliation aux torts du franchisé

126. Défaillances relatives au paiement des redevances. Le contrat de franchise est

un contrat synallagmatique. Il prévoit généralement l’obligation pour le franchisé de

payer une redevance et un droit d’entrée au franchiseur en contrepartie des avantages

que procure le contrat de franchise : la notoriété de la marque et des signes de

ralliements du franchiseur, le savoir-faire, l’assistance technique continue. Il s’agit ici

de rémunérer l’initiative qu’a prise le franchiseur, les montages qu’il a conçus, ainsi que

le soin qu’il apporte à l’animation de son réseau410

. Le non respect par le franchisé de

son obligation de payer des redevances ou le droit d’entrée constitue un manquement

grave justifiant la résiliation ou la résolution judiciaire du contrat à ses torts411

.

Ainsi, dans un arrêt du 22 mars 2005, la Cour d’appel de Poitiers a prononcé la

résiliation du contrat de franchise aux torts du franchisé après avoir constaté que ce

dernier n’avait pas payé les redevances dues depuis six ans412

. De même, dans un arrêt

du 30 mai 2006, la Cour de Chambéry a prononcé la résiliation du contrat de franchise

aux torts du franchisé qui avait refusé de payer les redevances au franchiseur en

invoquant vainement l’exception d’inexécution413

.

127. Défaillances relatives à la communication de documents de gestion. Outre

l’obligation de payer la rémunération du franchiseur, le franchisé est tenu de

communiquer au franchiseur des documents de gestion, notamment les tableaux de

chiffre d’affaires. Une telle obligation n’est en réalité qu’une obligation accessoire. Son

inexécution par le franchisé n’est pas, a priori, susceptible, en elle-même, d’entraîner

l’anéantissement du contrat.

410

V D. FERRIER, Le droit de la distribution, 4e édition, Litec, 2006, n° 700, p.311 ; J.-M. LELOUP, La

franchise, Droit et pratique, Delmas, 4e édition, 2004, n° 2039, p. 326 ; D. LEGEAIS, La franchise, JCP N

1992, I, p. 217, et spéc., n° 56, p. 225. 411

CA Versailles, 4 juillet 1996, Jursi-Data n°1996-04 33 84 ; CA Paris, 31 mars 1995, Jursi-Data,

n°1995-.044748 ; D. FERRIER, Franchisage : une rupture délicate, cah. dr. ent. 1987, n° 26, p.12. 412

CA Poitiers 22 mars 2005, Juris-Data, n° 2005-3930. 413

CA Chambéry, 30 mai 2006, Juris-Data, n° 2006-312337.

Page 134: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

129

Néanmoins, parce qu’elle contribue à la réalisation de la fin attendue du contrat, de

sorte que son inexécution est susceptible de compromettre l’économie du contrat de

franchise414

, le juge admet parfois que sa violation par le franchisé puisse entraîner la

résiliation du contrat à ses torts. En effet, en ne communiquant pas les documents de

gestion et en particulier les tableaux de chiffre d’affaires, le franchiseur ne se trouve pas

seulement dans l’impossibilité de déterminer les royalties dues par le franchisé, mais

aussi de fournir à ce dernier l’assistance technique et commerciale dont il a besoin.

S’ajoute à cela, que le non respect de la communication de documents de gestion

par le franchisé interdit au franchiseur d’exercer son devoir de contrôle sur le franchisé

quant à la bonne application des normes du réseau, et notamment celles relatives à la

mise en œuvre du savoir-faire. C’est pourquoi donc tout manquement à une telle

obligation par le franchisé est susceptible d’entraîner la résiliation du contrat à ses

torts415

.

128. Défaillances du franchisé relatives aux normes d’exploitation de la franchise.

La notion de réseau confère une dimension collective aux rapports bilatéraux entre

franchiseur et franchisé en vue de former un ensemble cohérent416

. Elle se construit

par la pluralité des volontés individuelles unissant un fournisseur à une multitude de

distributeurs417

. Tout a été mis en œuvre pour présenter aux consommateurs une image

uniforme : services identiques, produits identiques, décor identique, conditions de vente

identiques. La finalité du système de la franchise consiste donc à créer et à développer

une image de marque, un style que le client retrouvera dans chaque point de vente418

.

C’est pourquoi certains auteurs parlent ici d’une théorie institutionnelle du réseau de la

distribution419

.

414

Sur le rôle des obligations accessoires dans la destruction du contrat, v. M. PICARD et A.

PRUDHOMME, Résolution judiciaire, RTD civ. 1912, p.61 et s. 415

CA Paris 10 novembre 1987, Juris-Data, n° 1987-027263. 416

P. PIGASSOU, La distribution intégrée, RTD com. 1980, p.473, et spéc., p. 483. 417

L. AMIEL-COSME, Les réseaux de distribution, LGDJ, 1995, préface Y. Guyon. 418

R. FABRE, La nature juridique des réseaux, Rev. Lamy droit des affaires, 2005, n° 79. V. aussi, M. C.

BOUTARD-LABARDE, Franchise et contraintes du droit communautaire, Cah. dr. ent. 1987, 2, p. 11 et

spéc., n° 9, p. 12. 419

L. AMIEL-COSME, La théorie institutionnelle du réseau, in Aspects actuels du droit des affaires,

Mélanges. Y. Guyon, Dalloz, 2003, n° 1, p.1.

P. PIGASSOU, La distribution intégrée, RTD com. 1980, p.473, p.483.

Page 135: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

130

En conséquence, chaque membre du réseau est tenu de respecter les normes de

l’exploitation de la franchise mises au point par le franchiseur. Le franchisé doit se

conformer aux modalités d’aménagement du magasin et aux techniques de présentation

des produits. Comme le relève un auteur « par son agencement et sa présentation, le

magasin du franchisé n’est pas un local neutre où le commerçant entrepose

passivement quelques produits qu’il propose aux consommateurs. C’est un centre

essentiel de décision »420.

Le franchisé doit aussi se conformer aux normes ou aux modes opératoires de

l’exploitation du savoir-faire décrits par le franchiseur. Il doit appliquer à la lettre les

normes ou les directives de mise en œuvre du savoir-faire. Il ne dispose pas de choix

dans l’application des différentes normes. Elles lui sont imposées. La « franchise n’est

pas un système où l’on peut prendre ce qui paraît bien et laisser ce qui ne paraît pas

bien, car il n’appartient pas au franchisé d’en juger »421. Le non-respect par le

franchisé de son obligation de suivre les normes de l’exploitation de la franchise

constitue une violation d’une obligation essentielle du contrat de franchise. Une telle

violation peut faire échec à la réitération de la réussite du franchiseur. En fait, en

présence d’une inapplication ou d’une application non-conforme des normes

d’exploitation de la franchise, il n’y a plus de réitération de la réussite commerciale du

franchiseur, mais l’innovation et l’économie même de la franchise se trouvent

atteintes422

. Il remet aussi en cause l’homogénéité du réseau. La défaillance du franchisé

va rejaillir de manière négative sur l’ensemble de ce réseau. Chaque membre du réseau

qui représente l’image va supporter les conséquences de cette défaillance. Par exemple,

lorsqu’un consommateur n’est pas satisfait de tel ou tel service ou de tel ou tel produit

qui lui sont présentés par un point de vente, il ressentira de la méfiance à l’égard de tous

les autres points de vente franchisés.

420

K. TORBEY, Les contrats de franchise et de management à l’épreuve du droit des sociétés, LGDJ

2002, préface .Ph .Merle, n°47, p.32 421

J.-M. LELOUP, Les rapports juridiques dans le contrat de franchise, in Aspects juridiques de la

franchise, Journée d’étude de faculté de Lyon organisée le 21 mai 1986, Litec, p.13, et spéc., p.32. 422

D. FERRIER, La franchise internationale, J.D.I .1988, p.625, et spéc., n°10, p.629.

Page 136: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

131

Comme le relève un auteur : « Que l’un soit défaillant, tous en pâtiront »423. Il

n’est donc pas surprenant que lorsqu’un franchisé manque à son obligation de respecter

les normes du réseau, le juge prononce la résiliation du contrat de franchise à ses torts,

voire parfois sa condamnation à des dommages et intérêts pour le préjudice qu’il fait

subir au franchiseur et à tous les membres du réseau424

. C’est ainsi que, dans un

jugement du 30 novembre 1978, le Tribunal de commerce de Paris a prononcé la

résiliation du contrat de franchise aux torts exclusifs du franchisé qui ne s’était pas

rendu aux présentations de collections organisées par le franchiseur425

.

En ce qui concerne l’obligation de respecter les normes du réseau, une observation

s’impose. En effet, le franchiseur est tenu d’un devoir de vigilance et de contrôle vis-à-

vis des membres du réseau426

. Il s’engage à contrôler en permanence l’activité de ses

membres et à vérifier leur respect des normes de qualité et de l’exploitation du savoir-

faire qui leur sont imposées427

.

Tout manquement par le franchiseur à ce devoir engagera sa responsabilité vis-à-

vis des membres du réseau428

. En réalité, le laxisme du franchiseur l’exposerait « à

glisser du statut de victime à celui de responsable de l’échec du franchisé et du

préjudice qui en résulterait pour les autres membres du réseau comme pour les

tiers »429. Les franchisés subissant un préjudice résultant de la défaillance par l’un des

membres à son obligation de respecter les normes peuvent mettre en jeu la

responsabilité contractuelle du franchiseur pour absence de contrôle430

. Ils peuvent aussi

engager la responsabilité délictuelle du franchisé défaillant pour le préjudice que leur

cause sa faute de ne pas avoir respecté le contrat auquel il est soumis431

.

423

Ph. Le TOURNEAU, Le franchisage, Economica 1994, p.50 : « La force du réseau résulte de sa cohésion et de la puissance de chacun de ses membres. Que l’un soit défaillant, tous en pâtiront ». 424

Cass.com .9 décembre 1986, D. 1988, somm .22, obs. D. FERRIER. 425

T. com. Paris, 30 novembre 1978, cité par J.-M. LELOUP, La franchise, op.cit., p.24. 426

Ph. Le TOURNEAU, Les contrats de franchisages, Litec, 2007, n° 234, p.83, n°288, p.103, n°531,

p.197.V, aussi, D. FERRIER, Franchise et savoir-faire, Mélange. J-J. Burst, Litec, 1997, p.161. 427

L. AMIEL-COSME, La théorie institutionnelle du réseau, in Aspects actuels du droit des affaires,

Mélange. Y. Guyon, Dalloz, 2003, n°1, p.1, et spéc., n° 13, p. 14 : « Dans le réseau, l’exercice du pouvoir est dévolu à l’intégrateur. En conséquence, les distributeurs intégrés sont soumis aux normes communes de l’institution, sous le contrôle de l’intégrateur, ce qui confère ainsi un caractère hiérarchique ». 428

C. BIDAN et Th. Le BRAS, La responsabilité civile du franchiseur dans la gestion du franchisé, RJ-

com.1986, p.18. 429

D. FERRIER, Franchise et savoir–faire, in Mélange J.-J. Burst, Litec, 1997, p.157. 430

R. FABRE, La nature juridique des réseaux, Revue Lamy droit des affaires, 2005, n° 79. 431

Ibid

Page 137: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

132

129. Violation de la clause de non-concurrence pendant le contrat. De nombreux

contrats de franchise432

comportent une clause qui interdit au franchisé d’exercer une

activité similaire ou identique de nature à faire concurrence au franchiseur433

. Cette

clause de non-concurrence peut parfois prendre effet lors de l’exécution du contrat de

franchise. Elle peut aussi, au contraire, reporter ses effets juridiques après le contrat434

.

Seule celle stipulée pendant le contrat retient ici notre intention. Elle est souvent rédigée

ainsi : « Pendant toute la durée du présent contrat, le franchisé s’interdit de

commercialiser, directement ou indirectement par toute personne physique ou morale

interposée y compris par les détenteurs de son capital social, tout produit concurrent de

ceux commercialisés par le franchiseur, que ceux-ci fassent ou non partie des produits

faisant l’objet du présent contrat, de proposer tout service concurrent des services du

franchiseur ; de prospecter en dehors du territoire contractuel »435. « Pendant la durée

du contrat, le franchisé s’interdit de développer directement ou indirectement, que ce

soit de manière indépendante ou comme salarié, pour son propre compte ou au nom

d’une autre personne, une activité similaire dans un territoire où il concurrencerait un

membre du réseau de franchise, y compris le franchiseur »436.

Quelle que soit la forme avec laquelle elle est rédigée, une fois que la clause de

non-concurrence est prévue au contrat, elle doit être respectée par le franchisé. Toute

violation par lui de cette clause constitue une atteinte grave à la loyauté. « Elle permet

un détournement du savoir-faire transmis au franchisé et un détournement de

clientèle »437.

432

P. AVAKIAN, « Pratique contractuelle de la franchise : analyse du contenu d’un ensemble de

contrats », in Le contrat-cadre : 2 .La distribution, Litec, 1995, sous la dir. A. SAYAG, p. 201, et spéc., n°

414. Selon l’auteur, plus de 7 contrats sur 10 comportent une clause interdisant au franchisé d’exercer une

activité similaire, dans une zone géographique déterminée, pendant la durée du contrat. 433

M. BEN SOUSSEN, Les clauses de non–concurrence ont-elles encore un avenir?, L’officiel de la

franchise, septembre 2006, n° 64, p. 98 ; M. MALAURIE-VIGNAL, Droit de la distribution, Sirey,

2006, n° 326, p.92 ;J-M. LELOUP, La franchise, Droit et pratique, Delmas, 4e édition, 2004, n° 460, p.

80, et n° 1220, p. 221 ; Ph. Le TOURNEAU, Les contrats de franchisage, Litec, 2003, n° 287, p. 103 et n°

494 et p. 185 ; Ch. JAMIN, Clause de non-concurrence et contrat de franchise, D. 2003, doct., 2878 ; Y.

SERRA, La validité de la clause de non-concurrence : De la vente du fonds de commerce au contrat de

franchise, D. 1987, p.113. 434

V. Sur la clause de non -concurrence post-contractuel, v. Infra n° 306 et s. 435

J -M. LELOUP, La franchise, Droit et pratique, Delmas, 4e édition, 2004, n°1220, p.221.

436 Article 6-1, f du contrat modèle ICC de franchise internationale de distribution.

437 J.-M. LELOUP, La franchise, Droit et pratique, Delmas, op.cit., n° 2042.

Page 138: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

133

Les juges n’hésitent pas donc, en présence d’un tel manquement, à prononcer la

résiliation du contrat de franchise à ses torts. C’est ainsi que, dans un arrêt du 6 mai

2003, la Cour d’appel de Rennes a prononcé la résiliation du contrat de franchise aux

torts exclusifs du franchisé, au motif qu’il avait manqué à son obligation de non-

concurrence438

. Il en va de même en cas de violation de l’obligation d’exclusivité

territoriale.

130. Violation de l’obligation d’exclusivité territoriale. A la différence des contrats

de concession, la clause d’exclusivité territoriale n’est pas indispensable dans les

contrats de franchise439

. Elle n’est pas de l’essence de ceux-ci. Pour autant, il faut noter

que dès lors qu’elle est prévue dans le contrat de franchise, la clause d’exclusivité

territoriale devient un élément essentiel. Elle doit donc être respectée. Le franchisé, qui

bafoue la clause d’exclusivité territoriale en ouvrant un autre magasin ou en fournissant

à des clients hors de sa zone, commet une défaillance contractuelle justifiant la

résiliation du contrat à ses torts.

C’est ainsi que, dans un arrêt du 30 janvier 2002, la Cour d’appel de Paris a

prononcé la résiliation du contrat de franchise aux torts du franchisé ayant violé son

obligation d’exclusivité territoriale en ouvrant hors de sa zone un point de vente vendant

des produits identiques à ceux du franchiseur440

.

131. Défaillances du franchisé relatives à l’obligation d’exclusivité

d’approvisionnement. Les contrats de franchise contiennent fréquemment une clause

d’approvisionnement exclusif par laquelle le franchisé s’engage vis-à-vis du franchiseur

à s’approvisionner exclusivement ou quasi exclusivement auprès de lui ou de l’un des

fournisseurs désignés par lui. Une telle clause présente de multiples avantages pour les

parties. Pour le franchisé, elle lui assure d’être régulièrement approvisionné en produits

qu’il va commercialiser.

438

CA Rennes, 6 mais 2003, Juris-Data, n° 2003-221106. 439

Cass. com., 19 novembre 2002, D. 2003, somm., 2427.D. FERRIER. 440

CA Paris, 30 janvier 2002, Juris-Data, n° 2002-174913.

Page 139: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

134

Pour le franchiseur, elle lui permet non seulement de vendre ou d’écouler dans tout

son réseau les produits qu’il fabrique mais aussi d’assurer l’homogénéité des produits et

des services offerts aux clients. Voilà pourquoi sa stipulation est une pratique répandue

en matière de contrats de franchise441

, même si elle n’est pas de l’essence de ceux-ci442

.

En principe, les clauses d’approvisionnement exclusif sont illicites au regard du

droit de la concurrence puisqu’elles entravent la concurrence au sein du marché443

. Elles

créent un partage du marché tant entre franchisés qu’entre franchiseur et franchisé et

limitent la liberté de celui-ci de choisir ses sources d’approvisionnement, ce qui a pour

conséquence de rendre plus difficile l’accès du marché pour les producteurs concurrents

en limitant les débouchés à leur détriment444

. Pour autant, le droit interne445

et le droit

communautaire 446

en tolèrent la stipulation dès lors qu’elles paraissent indispensables

tant à la mise en œuvre par le franchisé du concept du franchiseur qu’au maintien de

l’identité commune et l’image et la réputation du réseau.

441

J.-M. LELOUP, Les clauses d’approvisionnement exclusif : droit d’origine interne et communautaire,

D. 1999, p. 1166 ; H. BENSOUSSAN, « Réseau de franchise. De l’obligation d’approvisionnement

exclusif à l’achat privilégié d’intérêt commun, D. 1998, II, p 454 ; O. GAST, L’affaire Phildar, ou le

nouveau régime juridique des clauses d’approvisionnement exclusif, D. 1997, p. 172 ; Y. MAROT,

Approvisionnement exclusif, Pour y voir plus clair, Fr. Mag. octobre et novembre. 1996, n° 136, p.12. 442

D. BASCHET, La franchise : Guide juridique, conseils pratiques, Gualino éditeur, 2005, n°741, p.327 443

L’article L.420 du Code de commerce prévoit que : « sont prohibées… lorsqu’elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, les actions concertées, conventions, entente expresse ou tacite ou conditions, notamment lorsqu’elles tendent à : - limiter l’accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d’autres entreprises ; - faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse ; - limiter ou contrôler la production, les débouchés, les investissements ou le progrès techniques ; - répartir les marchés ou les sources d’approvisionnement ». 444

J.-J. BURST, « Franchise et droit des pratiques restrictives de la concurrence : Franchise et droit

communautaire de la concurrence », in Aspects juridiques de la franchise, journée d’étude faculté de droit

de Lyon, 21 mai 1986, Litec, 186, p.63 ; M.C. BOUTARD-LABARDE, Franchise et contraintes du droit

communautaire, Cah. dr. entr. 1987 / 2, p.1. 445

Cass. com., 6 avril 1999, LPA 12 mai 2000, n°95, p.131. Dans cet arrêt, la Chambre commerciale a

admis la licéité de la clause d’approvisionnement exclusif en estimant que la fabrication des produits en

cause s’effectuait selon des procédés spécifiques obéissant à un cahier des charges précis et contraignant,

d’où il est résulté un savoir-faire dont le franchiseur était seul détenteur. Quant au Conseil de la

concurrence, il a, dans une décision du 24 mai 1994 rendue dans l’affaire Jean-Louis David, jugé licite la

clause prévoyant que le franchisé s’engageait à n’acheter et à ne faire usage que des produits indiqués

pour permettre et faciliter la réalisation des coiffures, traitements et soins du cheveu, selon le style Jean-

Louis David. V. aussi, Cass. com., 10 janvier 1995, D. 1997, p.58, obs. D. FERRIER. 446

CJCE 28 janvier 1986, Pronuptia, aff.161/84, Rec CJCE, p..353.

Page 140: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

135

Toutefois, lorsque la clause d’approvisionnement exclusif est valablement insérée

dans le contrat de franchise, elle doit être respectée par le franchisé. Celui-ci ne saurait

s’approvisionner auprès de quelqu'un d’autre que le franchiseur ou celui que ce dernier

a désigné. Il s’agit là d’une obligation essentielle.

Comme le relève un Pigassou « l’aspect général de la présentation, et en quelque

sorte l’image du point de vente, doivent coïncider avec l’image du produit sous peine de

désorienter le consommateur et détourner le produit »447. Le non-respect par le

franchisé de cette obligation constitue donc un manquement grave, d’autant plus qu’il

« modifie l’offre du magasin franchisé qui cesse ainsi de répondre aux normes de

l’enseigne»448. Par conséquent, il entraîne la résiliation judiciaire à ses torts.

C’est ainsi que les juges du fond ont, dans un arrêt du 20 octobre 2003, prononcé la

résiliation du contrat de franchise aux torts du franchisé qui avait manqué à son

obligation d’approvisionnement exclusif en vendant d’autres produits que ceux agréés

par le franchiseur449

.

132. La cession ou la vente de fonds de commerce pendant le contrat. Le fonds de

commerce est une universalité de fait biens meubles incorporels et corporels qui sont

affectés à l’exploitation d’une activité commerciale ou industrielle450

.

447

P. PIGASSOU, La distribution intégrée, RTD com 1980, 480. 448

J.-M. LELOUP, La franchise, Droit et pratique, 4e édition, Delmas, 2004, n° 2041, p.326.

449 CA Basse-Terre, 20 octobre 2003, Juris-Data, n° 2003-247239.

450 S. REZEK, Achat et vente de fonds de commerce, Litec, 2

e édition, 2005.n° 1, p.1 et s.

Page 141: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

136

Après une certaine période d’hésitation451

, la jurisprudence a reconnu au franchisé

le propriétaire de son fonds de commerce. Par un arrêt du 27 mars 2002, la troisième

Chambre civile a décidé que « si une clientèle est au plan national attachée à la

notoriété de la marque du franchiseur, la clientèle locale n’existe que par le fait des

moyens mis en œuvre par le franchisé, parmi lesquels les éléments corporels de son

fonds de commerce, matériel et stock, et l’élément incorporel que constitue le bail,que

cette clientèle fait elle-même partie du fonds de commerce du franchisé, puisque, même

si celui-ci n’est pas propriétaire de la marque et de l’enseigne mises à sa disposition

pendant l’exécution du contrat de franchise, elle est créée par son activité, avec des

451

Par un arrêt du 6 février 1996 (CA Paris, 6 février 1996, JCP G 1997, II, 22818, obs. B. BOCCARA ;

RTD com.1996, 237, J. DERRUPE ; D. 1996, somm., 57, obs. D. FERRIER ; R. FABRE, La clientèle

dans la franchise, Cah. dr. entr. 1996 / 3, p.17 ; D. BASCHET, La franchise est en deuil, Gaz. Pal. 1996,

I, doct., p.557 ), la Cour d’appel de Paris a décidé que la clientèle du franchisé appartenait, en principe, au

franchiseur, sauf si le franchisé parvenait à démontrer une clientèle liée à sa personne ou à un

achalandage : « pour qu’un locataire franchisé ou un concessionnaire d’une marque soit considéré comme ayant un fonds de commerce en propre, il doit apporter la preuve de ce qu’il a une clientèle liée à son activité personnelle, indépendamment de son attrait en raison de la marque du franchiseur ou du concédant, ou bien qu’il démontre que l’élément du fonds qu’il apporte, le droit au bail, attire la clientèle de manière telle qu’il prévaut sur la marque ». Cette jurisprudence a été critiquée par la majorité de la

doctrine. Ainsi, J. DERRUPPE (Le franchisé a-t-il encore une clientèle et un fonds de commerce ?,

Actualité juridique propriété immobilière, AJPI, 1997, p.1102, et spéc., p.1004) qui observe « alors que l’on s’apprête à accorder aux professions libérales une protection de leur statut locatif comparable à celle des commerçants et artisans, peut-on imaginer qu’un grand nombre de commerçants en soient privés parce qu’ils ont eu recours à de nouvelles techniques de distribution ? ». L’auteur ajoute aussi que

« refuser à la grande majorité des franchisés et des concessionnaires la propriété d’un fonds de commerce est certainement aller à l’encontre d’un sentiment commun. Non seulement les intéressés en seront surpris, mais tout autant sinon plus les franchiseurs et les concédants qui n’ont jamais eu ni la conscience ni le désir d’être propriétaires des fonds de leurs distributeurs. Quant aux clients, on les étonnerait fort en leur disant qu’ils ne sont pas les clients de la boutique ou du garage où ils ont leurs habitudes ». De même, D. BASCHET, (La propriété de la clientèle dans le contrat de franchise, Gaz. Pal.

1994, II, 1256 ; du même auteur, « La franchise est en deuil », Gaz. Pal. 1996, I, p.22) estime que dénier

un fonds au franchisé ne manquera pas d’entraîner de lourdes conséquences vis-à-vis des franchisés.

Selon lui, en posant comme principe que les franchisés ne sont pas propriétaires du fonds qu’ils

exploitent, à moins qu’ils n’apportent la preuve d’une clientèle autonome, la jurisprudence menace à

terme la stabilité économique des réseaux de franchise, et de distribution intégrée de manière générale.

Sensible à ces critiques, la Cour d’appel semble avoir opéré un revirement, cinq ans plus tard, en

reconnaissant au franchisé une clientèle et donc un fonds de commerce autonome par rapport à celui

appartenant au franchiseur. Et par conséquent, il peut bénéficier d’un droit au renouvellement de son bail

ou, à défaut, d’une indemnité d’éviction. C’est ainsi que dans un arrêt daté du 4 octobre 2000 (CA Paris,

4 octobre 2000, LPA 16 novembre 2000, p.11, note. J. DERUPPE ; du même auteur ; AJDI mars 2001,

p.244 ; JCPE 2001, II, p.324, note. BOCCARA ; D. 2001, p. 1718, H. KENFACK), la Cour d’appel de

Paris a décidé que « le fonds de commerce est un ensemble de nature à attirer la clientèle intéressée par le produit vendu ou la prestation offerte en vue de l’enrichissement de celui qui assume le risque d’une telle entreprise, c'est-à-dire celui de la perte des investissements qu’il a faits pour l’acquérir, la maintenir et la développer ». Et pour autant, la question de l’existence d’une clientèle propre au franchisé demeurait

incertaine jusqu’ à l’époque où la Cour de cassation a décidé d’intervenir dans l’arrêt de Trévisan en

levant toute ambiguïté sur cette question.

Page 142: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

137

moyens que, contractant à titre personnel avec ses fournisseurs ou prêteur de deniers, il

met en œuvre à ses risques et périls. … » 452

Il en résulte que le franchisé, membre d’un réseau, reste maître de son fonds de

commerce. Il peut le céder ou le vendre. Il peut le faire sans qu’il soit obligé de céder le

contrat de franchise453

. En effet, la jurisprudence, critiquée par une partie de la

doctrine454

, estime que la cession du fonds de commerce par le franchisé n’entraîne pas

automatiquement la cession du contrat de franchise455

.Cette solution a été réaffirmée par

un arrêt du 7 janvier 2004 dans lequel la Chambre commerciale a jugé que la cession du

fonds de commerce n’entraînait pas par elle-même la cession du contrat de franchise 456

.

452

Cass. civ 3e,

, 27 mars 2002, D. 2002, 2400, note. H. KENFACK ; JCP G 2002, II, 10112, F. AUQUE ;

Dr et patri, 2002, n°106, p.99, obs. P. CHAUVEL ; JCP E 2002, p.29, note. J.-L. RESPAUD ; Rev.

Loyers, juin 2002, n° 828, p. 314, note. G. AZEMA ; D. 2002, Act-juris, p.1487, note. E. CHEVRIER ;

LAP, 3 février 2003, n° 25, p.3, note. Y. MAROT ; Ph. DELEBECQUE, La jurisprudence reconnaît au

franchisé le bénéfice de la législation sur le fonds de commerce, Lamy Droit commercial, Bulletin

d’actualité, septembre 2002, n°147, p. 1. V. Infra n° 363 et s. 453

P. Le FLOCH et J.-Ch. GUEGUEN, La transmission d’une entreprise membre d’un réseau de

distribution, in Aspects organisationnels du droit des affaires, Mélanges. J. Paillusseau, Dalloz, 2003,

p.335. 454

M. JEANTIN, Biens de l’exploitation. Eléments du fonds de commerce. Biens exclus, J-Cl.

Commercial, fasc.1040, n°47 : « certains de ces contrats constituent le seul élément permettant au fonds de commerce de survivre. Il en est ainsi de tous les contrats, de plus en plus nombreux, réalisant l’intégration de plusieurs entreprises (contrats de sous-traitance, de fourniture, de concession exclusive ou de franchise). De plus, on ne peut manquer de relever que ces contrats fournissent à l’entreprise considérée une clientèle : or celle-ci est considérée comme l’élément essentiel du fonds de commerce. N’est–il pas dans ces conditions absurde de considérer la clientèle comme un élément du fonds de commerce et, dans le même temps d’exclure du fonds les contrats qui peuvent seuls lui fournir cette clientèle ? ». Egalement, P. Le FLOCH, Fonds de commerce et contrats de distribution, J-Cl.

Commercial, fasc.1730, n°54 : « (…) la supériorité d’un système de transmission automatique, au concessionnaire ou au locataire - gérant, des contrats conclus pour les besoins de l’exploitation nous paraît contestable. L’inconvénient serait évident si la construction des conventions devait être imposée au successeur : des exploitations auxquelles serait attaché un contrat désavantageux risquerait de ne pas trouver d’acquéreur. Il serait moins net si la solution n’était que supplétive, mais sauf à écarter expressément toute reprise de contrat, l’acquéreur risquerait tout de même d’avoir à supporter le poids de contrats occultes ». 455

V. CA Paris, 30 juin 2000, D. 2000, 379, E. CHEVRIER ; CA Paris, 19 juin 1991, D.1992, somm.

p.388, obs. D. FERRIER ; RTD com. 1991, p. J. DERRUPPE. Dans cet arrêt, il a été jugé que « il est de principe constant que le fonds de commerce n’est pas un patrimoine autonome, il ne comprend ni les dettes ni les créances du commerçant, et que, par voie de conséquences, les contrats en sont exclus ; il n’est d’exception que pour certains d’entre eux admis par la loi, à savoir les contrats de travail, d’assurance, d’édition et de bail ; pour tous autres contrats, il appartient aux parties de prévoir leur inclusion, ce qui peut être fait, de manière expresse ou tacite, et dans les cas seulement ou lesdits contrats n’ont pas été passés intuitus personae ». 456

Cass. com., 7 janvier 2004, n° 02-12.366. V. Plus récemment, Cass. com., 15 mai 2007 ; D. 2007,

1498, obs. E. CHEVRIER ; Contrats. conc. conso., 2007, n°204, note. M. MALAURIE-VIGNAL ; RTD

civ. 2007, p. 794, obs. P.-Y. GAUTIER.

Page 143: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

138

Toutefois, il faut noter que si le contrat de franchise n’empêche pas le franchisé,

titulaire du fonds de commerce, de le vendre ou de le céder. Cette cession ou cette vente

ne doit pas intervenir lors de l’exécution du contrat, sinon elle entraîne la résiliation du

contrat de franchise à ses torts puisqu’elle rend impossible l’exécution du contrat457

. A

vrai dire, deux observations s’imposent s’agissant de la cession ou de la vente du fonds

de commerce. La première, c’est que le contrat de franchise contient fréquemment une

clause de résiliation selon laquelle, en cas de cession ou de vente par le franchisé de son

fonds de commerce sans l’agrément du franchiseur, le contrat est résilié.

La deuxième observation est que lorsque le franchisé manifeste sa volonté de céder

son fonds de commerce ou de le vendre, c’est le franchiseur qui se porte souvent

acquéreur. En effet, les franchiseurs veillent fréquemment à prévoir dans leurs contrats

un pacte de préférence458

ou une clause de préférence459

, ou, plus fréquemment encore

une clause de préemption460

. En présence d’une telle clause, le franchisé est tenu vis-à-

vis du franchiseur d’une obligation de faire. Il s’engage à lui offrir par priorité

l’acquisition du fonds de commerce si d’aventure il se décide à le vendre ou à le céder.

Le non-respect par le franchisé de cette clause l’expose à la condamnation à de

dommages et intérêts461

.

457

CA Paris, 3 juillet 2006, Juris-Data n° 2006-314649 ; CA Paris, 30 juin 2000, arrêt, précité. 458

D. FERRIER, Droit de la distribution, Litec, 4e édition, 2006, n° 713, p.317 et s ; J.-M. LELOUP, La

franchise, Droit et pratique, Delmas, 4e édition, 2004, n°1536, p.273 ; L. GIMALAC et S.GRAS, La

franchise, Guide juridique et pratique, 2003, p.50 ; A. VAN DE WYNCKELE-BAZELA, Pacte de

préférence et contrat de franchise, D. 2004, p.2487. V. aussi, P. Le FLOCH et J.-Ch. GUEGUEN, La

transmission d’une entreprise membre d’un réseau de distribution, in Aspects organisationnels du droit

des affaires, Mélanges J. Paillusseau, Dalloz, 2003, p.335. 459

P. DESIDERI, La préférence dans les relations contractuelles, PUAM, 1997, préface J. Mestre,

n°51,p. 49. 460

M. LANCIAUX, Mieux connaître la clause de préemption, L’officiel de la franchise, septembre 2006,

n°64, p.96. V. aussi, M. MALAURIE-VIGNAL, Droit de la distribution, Sirey, 2006, n° 742, p.203. 461

CA Paris, 7 décembre 2005, Juris-Data 2005-289983. En l’espèce, un contrat de franchise prévoyait

que si le franchisé décidait de vendre son fonds de commerce, le franchiseur bénéficierait d’un droit de

préemption et qu’à défaut de préemption et si le cessionnaire n’avait pas été agréé, le contrat serait résilié.

Or, le franchisé avait notifié au franchiseur son intention de vendre son fonds pour 1000 000 £ en

précisant qu’il avait déjà trouvé un acquéreur. Au vu de ces conditions, le franchiseur n’avait pas exercé

son droit de préemption. Toutefois, le prix avait été fixé à 700 000 £ sans jamais que cela fût notifié au

franchiseur. Ce dernier, qui n’avait pas été informé des conditions de la cession, n’avait donc pas pu

utilement exercer son droit de préemption. En outre, le franchisé n’avait pas sollicité l’agrément du

franchiseur pour le candidat à la cession et il ne lui avait pas fait parvenir l’acte de vente sous condition

suspensive de l’agrément du franchiseur. Les juges ont approuvé la résiliation du contrat par le

franchiseur et condamné le franchisé à des dommages et intérêts pour violation à la fois du droit de

préemption et de la clause d’agrément, dommages et intérêts égaux aux royalties qui auraient été dues au

franchiseur si le contrat avait été poursuivi jusqu’à son terme.

Page 144: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

139

Il peut même entraîner la nullité de la vente ou de la cession effectuée avec un tiers

si ce dernier était de mauvaise foi, c'est-à-dire s’il connaissait la volonté du franchiseur

de faire jouer la clause462

. Un tel mécanisme de préemption confère au franchiseur un

atout indéniable. Tout d’abord, il lui permet de maintenir les points de vente franchisés,

notamment lorsque ceux-ci ont un emplacement marchand. Comme le relève un auteur :

« La couverture géographique d’un réseau revêt donc une importance singulière pour

le franchiseur qui doit la conserver intacte, voire l’étendre, pour préserver la crédibilité

et la notoriété de l’enseigne. Dans cet esprit, la conservation des emplacements «

leader » constitue une préoccupation stratégique de l’entreprise ; or les places sont

chères : les centres-villes et les centres commerciaux ne sont pas extensibles et les

surfaces de plus de 300 m2 sont soumises à autorisation. La clientèle est attachée au

fonds et changer d’emplacement peut être lourd de conséquences. Ce sera toujours un

manque à gagner en royalties pour le franchiseur qui par la clause de préférence peut

avoir l’occasion de racheter la clientèle du franchisé, attachée au fonds et à la

marque »463.

Puis, ce mécanisme de préemption lui permet de constituer un réseau mixte

composé de franchisés et de succursales. Cela lui permet, par la suite, non seulement

d’éviter un accroissement trop considérable de commerçants indépendants dans le

réseau ou d’améliorer la synergie succursale-franchise en contrôlant mieux son

réseau464

, mais aussi de maintenir sa bonne position au sein du marché465

.

462

Ch. mixt., 16 mai 2006; D. 2006, p.1861, obs. P.-Y. GAUTIER ; Defrenois. 2006, 1206, obs. E.

SAVAUX ; RTD civ. 2006, p.550, obs. J. MESTRE et B. FAGES. Dans cet arrêt, la Chambre mixte a

déclaré que « le bénéficiaire d’un pacte de préférence est en droit d’exiger l’annulation du contrat passé avec un tiers en méconnaissance de ses droits et d’obtenir sa substitution à l’acquéreur, à la condition que ce tiers ait eu connaissance, lorsqu’il a contracté, de l’existence du pacte et de l’intention du bénéficiaire de s’en prévaloir ». V. aussi, Cass. civ. 3

e, 14 février 2007, pourvoi n° 05-12.814.

463 A. VAN DE WYNCKELE-BAZELA, Pacte de préférence et contrat de franchise, D. 2004, p.2487, n°

6, p.2488. 464

H. BENSOUSSAN, Le droit de la franchise, Apogée 1997, p. 223 ; Ph. Le TOURNEAU, Le

franchisage, Economica, 1994, p.10. 465

La plupart des réseaux sont des réseaux mixtes. Cela s’explique par la force de ce type de réseau. Le

réseau mixte permet au franchiseur d’assurer une plus grande maîtrise du réseau. Il lui permet d’obtenir

les informations financières les plus fiables grâce aux succursales et les informations les plus précises

concernant le marché, et les attentes du consommateur, par ses franchisés, qui ont tout intérêt à y

répondre le mieux possible afin de rentabiliser leur investissement. En effet, les franchiseurs recourent à

ce type souvent pour maîtriser les points de ventes importants, qui supportent l’image de marque ou qui

nécessitent des capitaux trop importants pour une rentabilité rapide. Mais pour permettre des

développements plus rapides dans des villes moins essentielles, les points de vente sont confiés à des

franchisés. V. D. PIALOT, Le guide de la franchise, L’express 2006, p45. Aussi, R. FABRE, La nature

juridique des réseaux, Rev. Lamy. Droit des affaires, 2005, n°79. Magazine Entreprendre, 2005, juillet,

p.121.

Page 145: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

140

133. Comportement déloyal. Le comportement du contractant est un élément essentiel

dans les relations contractuelles466

. Comme le relève le doyen J. Mestre : «… le contrat

ne peut se réduire à la création juridique d’une ou plusieurs obligations, pas plus qu’il

ne saurait se résumer, dans une approche économique, en un transfert de valeurs ou

une modification de patrimoine. Parce que sa raison d’être est d’unir des individus, et

aussi parce que, né de la volonté, il a vocation à se prolonger dans la loyauté, le

contrat est aussi, et sans doute surtout, une affaire de personnes »467. Dans le même

sens, le Professeur M. J.-P. Chazal observe que « l’obligation n’est jamais une chose

purement économique : la loyauté s’incorpore dans les obligations pour ne former

qu’une avec elles, si tant est qu’elle n’en est pas une à part entière »468.

Cette observation trouve son terrain d’élection dans les contrats de franchise plus

que dans d’autres contrats. En effet, le contrat de franchise est un contrat d’intérêt

commun469

. Le franchiseur et le franchisé collaborent afin de réaliser un objectif

commun qui est la création et le développement de la clientèle. Cet intérêt commun

unissant le franchiseur et le franchisé établit entre eux une relation durable fondée sur

un rapport de confiance réciproque470

et une collaboration étroite471

. En conséquence, le

franchiseur comme le franchisé doit être de bonne foi472

. Cela signifie qu’il doit

exécuter ses obligations contractuelles de la manière la plus efficace en procurant à son

cocontractant le plus haut degré de satisfaction au-delà des stipulations contractuelles473

.

Et qu’il s’abstienne d’adopter tout comportement susceptible de paralyser la bonne

exécution du contrat. Le non-respect de l’obligation de loyauté par le franchisé ou le

franchiseur peut entraîner l’anéantissement du contrat à ses torts.

466

V. B. FAGES, le comportement du contractant, PUAM, 1997, préface J. Mestre. 467

J. MESTRE, préface .de la thèse de .B .FAGES, Le comportement du contractant, PUAM 1997. 468

J.-P.CHAZAL, Les nouveaux devoirs des contractants : est-on allé trop loin ? in La nouvelle crise du

contrat,99, et spéc., p.117. 469

Supra n° 41 et s. 470

Ph. Le TOURNEAU, Les contrats de franchisage, Litec, 2003, n°283, p.101. 471

Y. MAROT, La collaboration entre franchiseur et franchisé, LPA 2000, 31 août, n° 174. 472

Ph. le TOURNEAU, Les contrats de franchisage, op.cit. 473

Y. PICOD, Le devoir de loyauté dans l’exécution du contrat, LGDJ, préface. G. Couturier, n°83, p.97 ;

du même auteur, L’exigence de la bonne foi dans l’exécution du contrat, in Le juge et l’exécution du

contrat, PAUM 1993, p.57.

Page 146: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

141

C’est ainsi que la Chambre commerciale a, dans un arrêt du 24 mai 1994, rejeté un

pourvoi contre l’arrêt d’appel ayant prononcé la résiliation du contrat de franchise aux

torts exclusifs du franchisé et le paiement des dommages et intérêts au motif qu’il s’est

livré à une campagne de dénigrement du franchiseur474

. La Chambre a considéré que la

cour d’appel avait bien relevé que le franchisé avait fait distribuer une lettre circulaire

indiquant aux autres franchisés que l'augmentation des prix par le franchiseur était

unilatérale, que celui-ci ne respectait pas ses engagements, et qu’enfin la franchise était

dans un état lamentable afin de rendre exsangue le réseau de franchise, ce qui constituait

un comportement nocif susceptible de nuire gravement à l’intérêt du franchiseur et à

celui du réseau dans son ensemble.

134. Synthèse. Pour pouvoir réitérer le succès du franchiseur, le franchisé doit respecter

tous ses engagements vis-à-vis de lui. Il doit, par exemple, exécuter les obligations

matérielles que le contrat de franchise met à sa charge de manière scrupuleuse. Il doit

aussi se comporter de manière loyale tout au long de la relation contractuelle. A défaut,

la réitération de la réussite du franchiseur sera impossible et le contrat de franchise sera

mis en échec à ses torts. Cette solution vaut aussi bien pour le franchisé que pour le

franchiseur. Chacun d’eux est tenu, outre l’exécution matérielle du contrat, d’adopter un

comportement loyal, sinon ils s’exposent tous les deux à la sanction de la résiliation ou

résolution du contrat par le juge à leurs torts et griefs réciproques.

B. Résiliation aux torts réciproques des deux parties

135. Existence de fautes réciproques. Il arrive, dans certaines hypothèses, que

l’anéantissement du contrat de franchise résulte non de la seule défaillance du franchisé

ou celle du franchiseur, mais de leur défaillance commune. Le franchisé et le

franchiseur ont contribué tous les deux par leurs fautes à l’inexécution du contrat. En

pareille hypothèse, le juge doit prononcer la résiliation ou la résolution du contrat de

franchise aux torts partagés ou aux torts réciproques des parties475

.

474

Cass. com., 24 mai 1994, pourvoi n° 92-17007. 475

V. D. TALLON, La résolution du contrat aux torts réciproques, in Mélanges. Charles Freyria, Ester

1994, p. 231. V, également, C. ANDRE, Le fait du créancier contractuel, L.G.D.J 2002, préface G. Viney,

n° 252, p. 159, et spéc., n°558, p.167.

Page 147: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

142

Chaque partie défaillante sera tenue de répondre de sa part de responsabilité dans

l’échec du contrat de franchise.

136. Illustration. Par un arrêt du 21 octobre 1997, la Chambre commerciale a approuvé

la Cour d’appel de Paris d’avoir prononcé la résiliation du contrat de franchise aux torts

réciproques des deux parties476

. Dans cet arrêt, la Cour de cassation a considéré que les

juges du fond relevaient que chacune des parties avait participé par sa faute à

l’inexécution du contrat. Pour le franchiseur, il y avait un retard dans la livraison des

marchandises et dans la fourniture de produits de mauvaise qualité. Alors que pour le

franchisé, celui-ci avait manqué à son obligation de paiement de marchandises livrées et

la violation de la clause d’exclusivité.

Il en est de même dans un arrêt du 30 janvier 2002477

. En l’occurrence, un contrat

de franchise stipulait une clause résolutoire selon laquelle en cas de manquement

contractuel par le franchisé, le contrat serait résilié de plein droit. Suite à la violation par

le franchisé de son obligation d’exclusivité et de non-concurrence, le franchiseur a

résilié le contrat conformément à la stipulation prévue. Or, les juges du fond l’ont

condamné pour résiliation fautive et ont prononcé la résiliation du contrat de franchise

aux torts réciproques. Dans cet arrêt, les juges du fond ont, en effet, constaté qu’il y

avait des manquements de la part des deux parties. Du côté du franchisé, ils ont relevé

qu’il y avait violation à la fois de l’obligation d’exclusivité territoriale et de l’obligation

de non-concurrence. Le franchisé avait ouvert un second établissement dans la même

ville avec une activité identique à celle de l’établissement principal pour vendre des

articles similaires du franchiseur sans marque apparente. Du côté du franchiseur, les

juges relevaient qu’il avait commis une faute en informant ses fournisseurs, avant

l’envoi d’une mise en demeure au franchisé, que celui-ci ne faisait plus partie de la

chaîne et qu’il ne devait plus bénéficier des avantages spécifiques du réseau.

476

Cass. com., 21 octobre 1997, pourvoi n° 95-15-664. 477

CA Paris, 30 janvier 2002, Juris-Data, n° 2002-174913.

Page 148: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

143

Ainsi, il apparaît, à travers cette jurisprudence, que les juges tiennent compte de ce

que chacune des parties a bien exécuté ses engagements et qu’elle n’a pas, par sa faute,

participé à l’inexécution du contrat. Ils n’hésitent pas à prononcer la résiliation ou la

résolution du contrat de franchise aux torts réciproques quand ils constatent qu’il y a

une relation de cause à d’effet entre les manquements du franchisé et du franchiseur et

l’inexécution du contrat.

137. Nécessité de la détermination de la part de responsabilité. Il faut cependant

souligner que les torts réciproques ne sont pas nécessairement des torts équivalents ou

des torts égaux. La faute du franchiseur peut être plus ou moins grave que celle

commise par le franchisé. L’inverse est vrai. La défaillance du franchiseur peut être

moins importante que celle du franchisé. Pour des raisons d’équité, le juge, qui est saisi

d’une action en résiliation ou en résolution, ne doit pas donc prononcer sèchement celle-

ci aux torts réciproques des parties dès lors qu’il constate simplement que chacune

d’elles a manqué à ses obligations. Il doit détermine la part de responsabilité incombant

à chacune d’elles.

Autrement dit, le juge est tenu de mesurer le préjudice que fait subir l’une à l’autre.

Il lui incombe de rechercher si les manquements respectifs du franchiseur et du

franchisé à leurs obligations contractuelles ont causé à chacun d’eux un égal préjudice

de nature à entraîner la compensation totale entre les dommages et intérêts auxquels ils

peuvent réciproquement prétendre. Mais il ne saurait renvoyer le franchiseur et le

franchisé dos à dos en estimant que les torts sont partagés, supposés égaux et donc se

compensent, sinon sa décision serait censurée par la Cour de cassation478

.

478

Ex. Cass. com.,5 décembre 2000 ; Dr. et pat. 2001, n°93, obs. P. CHAUVEL. Dans cet arrêt

concernant un contrat de concession, la Chambre commerciale a cassé l’arrêt d’appel en décidant ainsi :

« Attendu que pour rejeter la demande de la société Software en paiement d’une certaine somme, l’arrêt retient que les parties qui ont participé par leur attitude fautive à la rupture du contrat, doivent être déboutées de leurs demandes respectives ; Attendu qu’en se déterminant ainsi , sans rechercher si les manquements respectifs des parties à leurs obligations contractuelles avaient causés à chacune d’elles un égal préjudice de nature à entraîner la compensation totale des sommes auxquelles elles pouvaient prétendre réciproquement, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ».

Page 149: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

144

138. Justification. Cette attitude de la Cour de cassation vis-à-vis des arrêts qui se

contentent de prononcer la résiliation du contrat de franchise aux torts réciproques des

parties sans pour autant déterminer la part de la responsabilité de chacune d’elles est

pleinement justifiée479

. D’une part, elle est conforme à l’équité. En effet, il n’est pas,

nous semble-t-il, juste de traiter de manière égale un contractant ayant manqué

gravement à ses obligations et un autre dont le manquement n’est qu’une réaction

provoquée par le premier, et qui n’a pas, le plus souvent, le même degré de gravité.

D’autre part, une telle solution a l’avantage de faire obstacle aux manoeuvres du

franchiseur ou du franchisé malhonnête qui, en vue de se dégager du contrat peu

avantageux sans être obligé de payer une indemnité à son partenaire, cherche, par tout

les moyens, à inciter son cocontractant à manquer à ses obligations. Toutefois, il

convient de noter qu’une fois que le juge prononce la résiliation du contrat, celle-ci

entraîne l’anéantissement du rapport contractuel liant le franchiseur au franchisé.

§ 2. Effets de la résiliation judiciaire

139. Le principe : absence de rétroactivité. Une fois prononcée, la résiliation

judiciaire entraîne l’anéantissement du contrat de franchise. Celui-ci s’efface. Il perd

son pouvoir de produire des effets juridiques. Les relations contractuelles liant le

franchiseur au franchisé sont censées s’éteindre. Aucune de ces stipulations ne peut plus

produire d’effet.480

479

D. TALLON, La résolution du contrat aux torts réciproques, in Mélanges. Charles Freyria, Ester 1994,

p.231, n°8, p.235 : « la semonce est totalement justifiée, car la thèse de la neutralisation traduisait une certaine démission des juges du fond : ceux-ci devant un litige souvent complexe, se contentent de faire disparaître le contrat sans chercher plus avant ... Les torts réciproques ne sont pas nécessairement des torts équivalents et, encore moins, des torts qui aboutissent à un même résultat ». V. aussi, S. STIJNS,

« La résolution pour inexécution en droit belge : conditions et mise en œuvre », in Les sanctions de

l’inexécution des obligations contractuelles, Etude de droit comparé, sous la dir. M. Fontaine et G. Viney,

Bruylant, LGDJ 2001, p.513, et spéc., n° 32 , p.552 : « la circonstance que les deux parties à un contrat synallagmatique n’ont pas exécuté leurs obligations, ne supprime ni leur responsabilité contractuelle, ni le devoir qu’elles ont chacune d’indemniser l’autre partie, en proportion avec leur part de responsabilité pour le dommage qui est une suite directe et immédiate de leurs manquements ». 480

Cass. civ.,1er

mars 1996, RJDA. 1996, n° 882.

Page 150: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

145

Quant à la portée de cette résiliation, celle-ci n’opère que pour le futur.

Contrairement à la résolution dont l’effet est rétroactif481

, la résiliation supprime le

contrat de franchise inexécuté à partir du moment de l’inexécution, sans remettre en

cause les effets qu’il a pu valablement produire dans le passé. Ces effets sont maintenus.

C’est ce qu’illustre un arrêt du 16 janvier 2001482

. Dans cet arrêt, la Chambre

commerciale de la Cour de cassation a approuvé un arrêt d’appel d’avoir prononcé la

résiliation du contrat de franchise aux torts exclusifs du franchiseur à partir de la date où

il a violé son obligation d’exclusivité. La Chambre commerciale a décidé que : « Mais

attendu qu’ayant retenu, par motifs propres et adoptés, la date du 14 juin 1993 comme

étant celle de la première vente réalisée au point de vente ouvert dans le magasin le

Printemps de Strasbourg et fixé à cette date la résiliation des contrats de franchise,

c’est à bon droit que, répondant aux conclusions prétendument délaissées, la cour

d’appel a statué comme elle l’a fait que le moyen n’est pas fondé en aucune de ses

branches ».

En effet, l’exclusion de l’effacement rétroactif s’explique ici par la nature même du

contrat de franchise. Celui-ci appartient à la catégorie des contrats à exécution

successive. Son exécution s’effectue pendant un certain laps de temps. En conséquence,

lorsqu’est prononcé l’anéantissement du contrat de franchise, il n’est pas possible

d’admettre la rétroactivité de celui-ci. Il est, en réalité, impossible, dans ce genre de

contrat, de revenir sur les effets accomplis483

. Faire autrement, et anéantir le contrat de

franchise non seulement pour l’avenir mais aussi pour le passé et faire comme s’il

n’avait eu aucune existence juridique n’est qu’une fiction juridique484

.

481

Sur la rétroactivité, v. S. MERCOLI, La rétroactivité dans le droit des contrats, PUAM, 2001, préface

Goubeaux. 482

Cass. com., 16 janvier 2001, pourvoi n° 98-14. 385. V. également, CA Paris 1er

mars 1990, Juris-Data,

1990-020781. 483

V. J. FLOUR, J -L. AUBERT, Y. FLOUR, E. SAVAUX, Les obligations, 3. Le rapport d’obligation,

Sirey Université, 4e édition, n°255, p.190 ; Ph. MALAURIE, L. AYNES, Ph. STOFFEL-MUNCK, Les

obligations, Defrénois, 2e édition, 2005, n° 881, p.449 ; F. TERRE, Ph. SIMLER, Y. LEQUETTE, Les

obligations, Précis Dalloz, 9e édition, 2005, n°655, p.644 ; Ch. LARROUMET, Les obligations, t.3, Le

contrat, Economica, 5e édition, 2003, n°714, 817 ; J. GHESTIN, Ch. JAMIN, M. BILLIAU, Les effets du

contrat, LGDJ, 3e édition, 2001, n° 532, p.589, et s.

484 S. MERCOLI, La rétroactivité dans le droit des contrats, PUAM., 2001, préface G. Goubeaux, n°4,

p.17 et s. Dans le même sens, G. WICKER, Les fictions juridiques, contribution à l’analyse de l’acte

juridique, LGDJ, 1996, préface J. Amiel-Donat, n°301, p.283 et s.

Page 151: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

146

Outre l’impossibilité matérielle, l’exclusion de l’effet rétroactif de

l’anéantissement du contrat de franchise s’explique par le bon sens. Il n’y pas de raison

de revenir sur le temps passé et de gommer les prestations régulièrement485

. Comme le

relève certains auteurs : « L’anéantissement du contrat se fondant non sur un vice

affectant sa formation mais sur un incident d’exécution, il n’y a alors aucune raison de

remettre en cause un contrat, au prétexte de manquements ultérieurs, pour toute la

période durant laquelle il a reçu une exécution paisible »486.

140. Exception au principe : moment de l’intervention de l’inexécution. Cependant,

il ne faut pas déduire de tout cela que la résiliation judiciaire ne peut jamais se

transformer en résolution et produire un effacement rétroactif du contrat de franchise.

En effet, l’examen de certains arrêts, rendus récemment dans d’autres domaines que la

franchise, laisse à penser que le fait que le contrat soit un contrat à exécution successive

ne fait pas nécessairement obstacle à l’effacement rétroactif de celui-ci. La Cour de

cassation a eu l’occasion, en matière de contrat de bail, d’affirmer de manière non

équivoque que « si dans un contrat synallagmatique à exécution successive, la

résiliation judiciaire n’opère pas pour le temps où le contrat a été régulièrement

exécuté, la résolution judiciaire pour absence d’exécution ou exécution imparfaite dès

l’origine entraîne l’anéantissement rétroactif du contrat »487.

Suivant cette jurisprudence, la date du manquement à l’exécution correcte est un

critère pour déterminer la portée de l’anéantissement du contrat de franchise. La

question de savoir s’il s’agit d’un effacement rétroactif ou non dépend donc de la date

de l’inexécution imputable à l’une des parties. Ainsi, il s’agit d’une résiliation lorsque

l’inexécution intervient alors que le contrat de franchise a été pendant un certain temps

régulièrement ou correctement exécuté. Dans cette hypothèse, le contrat de franchise est

anéanti uniquement pour le futur. En revanche, il s’agit d’une résolution à effet

rétroactif lorsqu’il y a une inexécution ou absence d’exécution dès l’origine ou lorsqu’il

y a une exécution mais imparfaite dès le début du contrat.

485

F. TERRE, Ph. SIMLER, Y. LEQUETTE, op.cit., n°655, p.644 et s ; Ch. LARROUMET,Les

obligations, t.3, Le contrat, Economica, 5e edition, 2003, n°714.

486 F. TERRE, Ph. SIMLER, Y. LEQUETTE, op.cité.

487 Cass.civ. 3

e, 30 avril 2003, JCP G 2004, n° 10, II, 10031, obs. Ch. JAMIN ; Defrénois 2003, art.

37810, obs. E. SAVAUX ; RTD civ. 2003, p.502, J. MESTRE et B. FAGES.

Page 152: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

147

Une telle solution semble tout à fait logique488

. Elle prend en considération le

moment où l’équilibre que crée le contrat entre les parties lors de sa conclusion est

remis en cause.

D’ailleurs, une illustration de cette solution peut être trouvée en matière de contrats

de franchise. Certains arrêts semblent avoir appliqué ce critère de la date d’inexécution

pour déterminer la portée de la résiliation judiciaire. Tel est le cas, par exemple, de

l’arrêt du 2 octobre 1982489

. Dans cet arrêt, la Chambre commerciale de la Cour de

cassation a approuvé partiellement un arrêt d’appel ayant prononcé la résolution du

contrat de franchise aux torts exclusifs du franchisé au motif que le contrat n’avait pas

encore pris commencement d’exécution. En conséquence, elle l’a aussi cassé

partiellement pour ne pas avoir tiré toutes les conséquences de cette décision. La

Chambre commerciale a reproché aux juges du fonds d’avoir condamné le franchisé à

payer au franchiseur, à titre de dommages et intérêts, la redevance prévue alors que la

résolution avait pour effet de faire disparaître le contrat dès son origine et de remettre

les parties dans l’état où elles se trouvaient avant la conclusion du contrat.

141. Conclusion de la section II. Les parties doivent respecter les obligations

réciproques que met le contrat de franchise à leur charge. Le franchisé comme le

franchiseur doit veiller à bien respecter son engagement. Toute inexécution du contrat

de la part de l’une ou de l’autre ou même de la part des deux parties remet en cause

l’économie du contrat. Elle entraîne donc la résiliation ou la résolution du contrat. Cette

résiliation ou résolution, une fois intervenue, emporte extinction des relations

contractuelles entre le franchiseur et le franchisé. Le contrat de franchise résilié perd son

pouvoir de produire des effets juridiques. Il en va de même pour la résiliation

unilatérale.

488

S. MERCOLI, La rétroactivité dans le droit des contrats, PUAM, 2001, préface Goubeaux, n° 129, p.

143 : « La pratique s’accommode assez bien de cette sanction. Puisque les effets passés du contrat conservent leur utilité pour les contractants, et notamment pour l’auteur de la résiliation, pourquoi devrait-on effacer les prestations accomplies ? (…) Antérieurement à la rupture, et pour toute la période déjà écoulée, l’avantage recherché peut être considéré comme acquis par chacun des contractants. Ceux-ci peuvent avoir intérêt à ce que l’exécution antérieure soit maintenue, quitte à mettre à néant le contrat pour l’avenir ». 489

Cass. com., 12 octobre 1982, pourvoi, n° 81-10.984.

Page 153: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

148

SECTION II. RESILIATION UNILATERALE DU CONTRAT DE FRANCHISE

142. Rayonnement de l’unilatéralisme. En application de l’article 1184 du Code civil,

une partie à un contrat de franchise ne peut rompre unilatéralement le contrat, même s’il

y a une inexécution de la part de son cocontractant. Pour cela, il doit s’adresser au juge

et lui demander de prononcer l’anéantissement du contrat. Cependant, ce principe de la

judiciarisation de la résiliation du contrat n’est pas d’ordre public. En vertu du principe

de la liberté contractuelle, les parties peuvent stipuler dans leur contrat de franchise une

clause résolutoire prévoyant la possibilité de rompre unilatéralement le contrat en cas

d’inexécution (§ 1). En l’absence même de toute clause résolutoire, la jurisprudence

admet aujourd’hui qu’une partie puisse rompre unilatéralement le contrat avant même

son terme en cas d’inexécution grave de la part de son cocontractant de ses obligations

(§ 2).

Page 154: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

149

§ 1. Résiliation unilatérale en vertu d’une clause résolutoire

143. Plan. Après avoir abordé la notion de clause résolutoire (A), nous étudierons sa

mise en œuvre (B).

A. Notion de clause résolutoire

144. Stipulation fréquente. Les contrats de franchise contiennent parfois une clause

selon laquelle le contrat sera résolu ou résilié de plein droit en cas d’inexécution par

l’une partie de ses obligations. Une telle clause est appelée clause résolutoire490

. Sa

stipulation est une pratique très répandue non seulement dans les contrats de

franchise491

ou de concession492

, mais aussi dans tous les contrats de la distribution493

,

voire dans les contrats d’affaires de manière générale494

. Dans ces contrats, le désir des

contractants d’assurer la bonne exécution de leur contrat fait que la stipulation des

clauses résolutoires est la règle. Notons, toutefois, que l’insertion d’une clause

résolutoire dans le contrat de franchise n’est pas de nature à priver le franchiseur du

droit de saisir le juge pour lui demander la résiliation ou la résolution du contrat495

.

145. Avantages et inconvénients. La stipulation d’une clause résolutoire dans un

contrat de franchise présente pour le franchiseur -partie au profit de qui une telle clause

est stipulée- de multiples avantages. Tout d’abord, la clause résolutoire constitue un

moyen très efficace pour assurer la discipline au sein du réseau.

490

V. Ch. PAULIN, La clause résolutoire, LGDJ, 1996, préface J. Devèze. Ch. PAULIN, La clause

résolutoire, in La cessation des relations d’affaires, PUAM, 1997, p.57 ; B. TEYSSIE, Les clauses de

résiliation et de résolution, Cah. dr. entr. 1975 / 1, p.13. 491

J.-P. CLEMENT, Le contrat de franchise en droit français, p.119, spéc, p.150. V. également, D.

LEGEAIS, La franchise, JCP N 1992, I, p.255, n°60. 492

C. CHAMPAUD, La concession commerciale, RTD com. 1963, p.479, n° 34. 493

M-E. ANDRE, Les contrats de la grande distribution, bibliothèque de droit de l’entreprise, Litec 1991,

p.184, n° 369. 494

D. LEDOUBLE, L’entreprise et le contrat, Bibliothèque du droit de l’entreprise, Litec 1980, praface.

C. Champaud, p.228, n°235. Selon l’auteur, la clause résolutoire est omniprésente dans les contrats clés

en mains, les contrats de livraison, d’installation de fournitures technologiques, dans des contrats de

savoir-faire, de licence de brevet. 495

Cass. civ., 29 avril 1985, Bull. civ. III, n°70, p.54. Dans cet arrêt, il a été jugé que l’insertion dans le

contrat d’une clause résolutoire de plein droit ne prive pas le créancier du droit d’agir en résolution

judiciaire pour le même manquement.

Page 155: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

150

La menace de perdre le contrat et donc d’être évincé du réseau, qui pèse sur le

franchisé comme « une épée de Damoclès », fait que celui-ci s’efforce constamment

d’exécuter scrupuleusement ses obligations. Cela permet, finalement, d’assurer

l’homogénéité du réseau et de le rendre plus efficace, plus apte à faire face à ses

concurrents. Ensuite, elle permet au franchiseur de se libérer immédiatement de son

cocontractant défaillant, sans pour autant subir le coût et l’aléa de la lenteur du

procès496

. La clause résolutoire constitue donc une clause d’« évitement du juge » 497

.

Enfin, la clause résolutoire assure au franchiseur la « réallocation » immédiate de

ses ressources498

. Grâce à la clause résolutoire, celui-ci peut faire cesser immédiatement

ses relations contractuelles avec le franchisé défaillant et aller réutiliser ses ressources

ailleurs499

.Le franchiseur, victime d’une défaillance de la part de l’un de ses franchisés,

peut rompre immédiatement le contrat qui le lie à celui-ci et confier la franchise à

quelqu’un d’autre que ce soit un tiers ou un autre franchisé. A tout cela s’ajoute aussi

l’avantage que la clause résolutoire a pour effet, en cas de procédure collective du

franchisé, de faire échapper le franchiseur à la concurrence des autres créanciers du

franchisé si elle a produit son effet avant le jugement déclaratif500

.

Toutefois, si l’insertion de la clause résolutoire dans un contrat de franchise

présente certains avantages pour le franchiseur, elle ne manque pas pourtant de

présenter de graves inconvénients pour le franchisé. La présence d’une telle clause lui

fait perdre les garanties que présente l’intervention judiciaire501

.

496

F. TERRE, Ph. SIMLER, Y. LEQUETTE, Les obligations, Précis Dalloz, 9e

édition, 2005, n° 662,

p.651.

; G. VIRASSAMY, Les contrats de dépendance, LGDJ, 1986, n°280, p.221. 497

S. GUINCHARD, L’évitement du juge civil, in Les transformations de la régulation juridique, LGDJ,

1998, p.221. 498

Ch. JAMIN, « Les conditions de la résolution du contrat : vers un modèle unique ?», Rapport français,

in Les sanctions de l’inexécution des obligations contractuelles, Etude de droit comparé, sous la dir. M.

Fontaine et G. Viney, Bruylant, L.G.D.J, 2001, p.451, et spéc., n°19, p.487 et s. 499

Ibid. 500

V. A. JACQUEMENT, Droit des entreprises en difficulté, Litec, 5e édition, 2007, n° 317, p.181 ; Ch.

PAULIN, La clause résolutoire, th., précitée, n° 262, p.266, et s. 501

F. TERRE, Ph. SIMLER, Y. LEQUETTE, Les obligations, Précis Dalloz, 9e

édition, 2005, n° 662, p.

65 et s ; B. TEYSSIE, Les clauses de résiliation et de résolution, Cah. dr. entr. 1975 /1, p. 13, et sépc., p.

14.

Page 156: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

151

Une fois que la clause résolutoire a satisfait toutes les conditions requises pour sa

mise en œuvre, elle anéantit le contrat. Le franchisé ne saurait -comme en matière de

résiliation ou de résolution judiciaire- empêcher le jeu de la clause résolutoire en offrant

l’exécution du contrat. Il ne saurait non plus l’empêcher en s’adressant, par exemple, au

juge pour qu’il lui accorde un délai de grâce502

. En effet, en présence d’une telle clause,

le rôle du juge se réduit au seul fait de vérifier les conditions de mise en œuvre de la

clause résolutoire et sa mise en œuvre de bonne foi. D’où la qualification de

« dangereuse » 503

de la clause résolutoire, et donc se pose la question de sa validité.

146. Validité. Compte tenu des inconvénients que peut présenter la clause résolutoire

pour le franchisé, certains auteurs plaident pour que la stipulation de cette clause ne soit

pas admise dans les contrats de franchise et les contrats de la distribution de manière

générale504

. Selon leur analyse, le contrat de franchise suppose une large collaboration

entre les parties pour réaliser leur but commun qui consiste dans l’augmentation de la

clientèle. Cette collaboration implique nécessairement l’existence d’un rapport

contractuel stable. Or, cela ne peut se concevoir en présence d’une clause résolutoire

insérée dans le contrat de franchise qui ne fait qu’accroître la précarité du contrat505

.

Pour d’autres auteurs, moins rigoureux, la clause résolutoire devrait être stipulée

dans l’intérêt réciproque des deux parties ou, à tout le moins, être stipulée moyennant

une contrepartie, sous peine d’être considérée non avenue506

.

502

Cass. civ., 4 juin 1986, RTD civ. 1987, 318, obs. J. MESTRE ; Cass. com., 17 décembre 1991, L.

LEVENEUR, Droit des contrats : 10 ans de la jurisprudence commentée, Litec 2002, n° 84, p. 156. 503

B. TEYSSIE, Les clauses de résiliation et de résolution, Cah.dr. entre 1975 /1 , p. 13 , et spéc., p.14 ;

F. TERRE , Ph. SIMLER, Y. LEQUETTE, Droit civil, Les obligations, précis Dalloz, 7é édition, 2001, n°

637, p.601 ; Ph. MALAURIE, L. AYNES, Ph. STOFFEL-MUNCK, Les obligations, Defrénois, 2007, n°

886, p. 432 , et s. 504

Ph. Le TOURNEAU, Droit de la responsabilité et des contrats, Dalloz, 2006 /2007, n° 1236, p 358. 505

Ph. Le TOURNEAU, op.cit : « cette modalité , imposée dans les contrats d’adhésion par la partie la plus forte, paraît excessive ; elle devrait être tenue pour non avenue, au moins dans les contrats de coopération (comme la concession commerciale, qui suppose une large collaboration des parties dans un but commun, l’augmentation de la clientèle) .Peut-on parler de coopération lorsqu’il est possible de rompre brutalement le contrat, souvent pour une défaillance minime, sans demande préalable de justification ou sans proposition d’aide ? » 506

En ce sens, v. Ph. DELEBECQUE, L’anéantissement unilatéral du contrat, in L’unilatéralisme et le

droit des obligations, Economica, 1999, n°14, Egalement, M. A. FRISON-ROCHE, Unilatéralité et

consentement, in L’unilatéralisme et le droit des obligations, op.cit., p, 29 : « ce qui n’est pas supportable, c’est l’unilatéralité qui persiste dans le contrat formé sans prendre la forme commutative, sans bilatéralités, sans qu’aucune contrepartie ne lui corresponde ».

Page 157: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

152

Cette dernière solution est identique à celle retenue par les normes AFNOR,

normes contenant un certain nombre de règles minimales relatives au contrat de

franchise507

. Pour autant, sauf dans certains domaines, le principe de la validité de la

stipulation d’une clause résolutoire est admis en droit positif508

. Pour ce qui concerne

les contrats de franchise, la Cour de cassation a affirmé, à plus d’une occasion, qu’en

vertu du principe de la liberté contractuelle, le franchiseur et le franchisé peuvent

librement aménager la sanction de l’inexécution de leur contrat509

. Notons, toutefois,

que si le principe est celui de la validité de la stipulation de la clause résolutoire, celle-ci

n’est efficace que si elle remplit certaines conditions.

147. Conditions d’efficacité Afin de protéger la partie contre qui la clause résolutoire

est stipulée, la jurisprudence a subordonné l’efficacité de celle-ci à la satisfaction de

certaines conditions. Tout d’abord, la jurisprudence exige, pour qu’une clause

résolutoire puisse produire son effet extinctif, qu’elle soit formellement et expressément

stipulée dans le contrat510

. Selon elle, la clause résolutoire ne peut être déduite

tacitement du contrat511

.

Une telle exigence peut, en effet, s’expliquer par la volonté, d’une part, d’informer

le franchisé de la dangerosité de la clause résolutoire, et, d’autre part, d’éviter toute

discussion sur la réalité de la volonté des parties. Elle exige, ensuite, que la clause

exprime de manière non équivoque la commune intention du franchisé et du franchiseur

d’éluder l’intervention judiciaire dans les litiges auxquels pourrait donner lieu leur

contrat512

.

507

La norme AFNOR a été publiée en 1987. Critiquée par la FFF, elle n’a pas été officiellement

homologuée par les pouvoirs publics, de sorte qu’elle n’a qu’une valeur incitative. Sur l’ensemble de la

question, v. Ph. Le TOURNEAU et M. ZOÏA, «Franchisages-Variétés de franchise », J-CI. Contrats et

distribution, 2002, fasc. 1045, n° 39, n°161. 508

Ch. PAULIN, La clause résolutoire, LGDJ, 1996, préface. J. Devèze, n° 27, p.40. Sur le plan

communautaire, la Cour de justice européenne a eu l’occasion récemment d’affirmer, en matière de

contrat de distribution automobile, que le règlement n° 1400 / 2002 n’interdit pas la stipulation des

clauses résolutoires de plein droit. CJCE, 18 janvier 2007, aff. 421/05 ; RDC. 2007, p.765, obs. L. IDOT. 509

V. J.-M. LELOUP, La franchise, Droit et pratique, Delmas, 4e édition, 2004, n° 2051, p.328 et la

jurisprudence citée. 510

Ch. PAULIN, th., précitée, n°18 et s p.25. 511

Ibid. 512

Cass. civ., 12 octobre 1994, JCP G 1995, I, 3828, n°14, obs. Ch. JAMIN. Dans cet arrêt il a été jugé

que « la clause résolutoire de plein droit, qui permet aux parties de soustraire la résolution d’une convention à l’appréciation des juges, doit être exprimée de manière non équivoque, faute de quoi les juges retrouvent leur pouvoir d’appréciation ».

Page 158: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

153

A cet égard, les juges exigent que la clause précise que l’inexécution de la part du

franchisé de l’une de ses obligations contractuelles entraîne de plein droit la résiliation

du contrat513

. A défaut de l’expression «de plein droit » ou de toute expression

équivalente comme « automatiquement » ou « ipso facto », la clause ne sera pas

considérée comme une clause résolutoire, mais comme un simple rappel de l’article

1184514

permettant à son bénéficiaire de saisir le juge515

.

La méfiance de la jurisprudence à l’égard de la clause résolutoire ne se limite pas

là. Elle est même allée jusqu’à restreindre son champ d’application. Toujours dans le

but d’informer le contractant des conséquences dangereuses de la clause résolutoire, la

jurisprudence exige, en effet, pour être efficace, que celle-ci précise les obligations dont

elle sanctionne l’inexécution516

. Le franchiseur doit mentionner les obligations dont la

violation, par le franchisé, entraîne la résiliation de plein droit du contrat, comme par

exemple, la violation de la clause de non-concurrence pendant la durée du contrat, la

communication du savoir-faire à un tiers, la communication d’informations erronées

concernant les comptes ou le chiffre d’affaires de l’exploitation, le défaut de paiement

des redevances, la violation de l’obligation d’exclusivité, la non atteinte des objectifs

fixés, la cessation d’activité etc..

A vrai dire, l’exigence de préciser les obligations dont l’inexécution sera

sanctionnée par la clause résolutoire n’est pas sans présenter certaines avantages tant

pour le franchisé que pour le franchiseur. Pour le franchisé, une telle précision a pour

but de l’informer, dès le début, quelles sont les obligations dont l’inexécution par lui

remettra en cause le contrat de franchise517

. Cela lui permettra donc de se montrer plus

diligent et d’y prêter beaucoup plus attention.

513

Ex. Cass. civ., 3e, 7 octobre.1998 , Bull. civ. III, n° 191. Dans cet arrêt, la troisième Chambre civile de

la cour de cassation a censuré les juges du fond pour avoir constaté que le contrat était résilié par

application de la clause résolutoire, alors que cette convention ne stipulait pas l’application d’une clause

résolutoire de plein droit. 514

J. CARBONNIER, Les obligations, PUF, 22e édition, 2000, n° 188, p. 343.

515 L. CADIET, Les clauses contractuelles relatives à l’action en justice, in Les principales clauses

conclues entre professionnels, PUAM 1990, n° 27, p.206 et s. L’auteur qualifie les clauses qui se

contentent de prévoir la résolution en cas d’inexécution de ses obligations par le débiteur, sans autre

précision, de fausses clauses résolutoires. 516

Ch. PAULIN, th., préc., n° 19 , p.28 et s. 517

Certains contrats de franchise, notamment ceux de restauration rapide contiennent de nombreuses

obligations mises à la charge du franchisé. Par exemple, le manuel de Mc Donald contient 358 pages

détaillant jusqu’au plus infime détail, les obligations dont la méconnaissance entraîne la résiliation de

plein droit du contrat de franchise.

Page 159: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

154

Pour le franchiseur, la précision des obligations dont la clause résolutoire

sanctionne l’inexécution peut être un moyen efficace pour que le franchisé n’échappe

pas à la sanction en invoquant son ignorance518

. Toutefois, il convient de noter qu’une

fois que la clause résolutoire satisfait aux exigences de forme et à certaines conditions

de fond, sa mise en œuvre entraîne l’extinction du contrat de franchise.

B. Mise en œuvre de la clause résolutoire

148. Conditions et effets. Dès l’instant que la clause résolutoire satisfait toutes les

conditions requises pour son application (1), elle confère au franchiseur le droit

d’anéantir le contrat de franchise. Ce droit est potestatif, c’est-à-dire que son exercice ne

dépend que de la seule volonté du franchiseur. Le franchisé ne peut que subir les

conséquences de sa décision. Dès lors, se pose la question du rôle du juge lors de sa

mise en œuvre (2).

1. Conditions d’application

149. Plan. Deux conditions sont exigées pour la mise en œuvre d’une clause résolutoire

par le franchiseur : une inexécution illicite imputable au franchisé (a) et la nécessité

d’une mise en demeure (b).

a. Inexécution illicite imputable au franchisé

150. Caractère comminatoire. Parce que le contrat de franchise est un «pari sur

l’avenir »519, le franchiseur et le franchisé prévoient fréquemment des clauses de

résiliation de sauvegarde520

.

518

V. Ch. PAULIN, th., précitée, n°19, p.29 . 519

V. R. FABRE, Les clauses d’adaptation dans les contrats, RTD civ. 1983, 1, n° 3. 520

J.-M. MOUSSERON, Technique contractuelle, par P. MOUSSERON, J. RAYNARD, J.-B. SEUBE,

Edition Francis Lefebvre, 3e édition, 2005, n°1359 et s ; B. TEYSSIE, Les clauses de résiliation et de

résolution, Cah. dr. entr. 1975, p. 13, et spéc., n°1. C. CHABAS, L’inexécution licite du contrat, LGDJ

2002, préface J. Ghestin, n° 90, p.91 et s ; J.-M. MOUSSERON, La gestion des risques par le contrat,

RTD civ. 1987, p. 481.

Page 160: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

155

Ces clauses ont pour finalité de protéger les intérêts des contractants contre tout

événement de nature à perturber gravement l’équilibre contractuel521

. Or, tel n’est pas le

cas pour les clauses résolutoires qui ont pour but d’assurer la discipline dans

l’exécution du contrat de franchise. Elles ont un aspect comminatoire522

. Elles

constituent une sorte de peine privée 523

. Comme le relève justement un auteur, elles ont

« au moins autant pour objet de mettre fin à un contrat qui n’a plus d’utilité que de

faire peser sur le débiteur le poids d’une sanction s’il ne respecte pas son engagement

de manière scrupuleuse »524. Leur mise en œuvre suppose donc une inexécution illicite

imputable au franchisé525

. Peu importe que cette inexécution soit volontaire ou due à

une négligence, une imprudence526. Dès qu’il y a une défaillance illicite imputable au

franchisé, la clause résolutoire produit son effet extinctif. Elle entraîne la résiliation du

contrat de franchise dès la date de l’intervention de l’inexécution527

. Peu importe que le

franchisé soit de bonne foi ou non. Celle-ci n’a pas d’incidence sur la mise en œuvre de

la clause résolutoire528

.

Toutefois, il faut noter que la clause résolutoire ne saurait produire ses effets

lorsque l’inexécution par le franchisé est une inexécution licite. Tel est, par exemple, le

cas lorsque le franchisé n’exécute pas son obligation de paiement de redevances, dont la

clause résolutoire sanctionne l’inexécution, parce que le franchiseur ne lui a pas

transmis le savoir-faire ou l’assistance technique convenue ou il ne lui a pas fournit les

produits commandés dont il a besoin. Dans tous ces cas, la clause résolutoire ne peut

être invoquée par le franchiseur. Il en va de même lorsque l’inexécution du contrat de

franchise est imputable à un cas de force majeure529

.

521

V. Infra n° 198 et s. 522

Ch. PAULIN, La clause résolutoire, LGDJ., 1996, préface, n°111, p.119. Egalement, C. CHABAS, th.,

précitée. 523

J. MESTRE, RTD .civ. 1987, p.317 ; Ch. JAMIN, Les conditions de la résolution du contrat : vers un

modèle unique ?, in Les sanctions de l’inexécution des obligations contractuelles, sous la dir. M. Fontaine

et G. Viney, LGDJ 2001, p.451 et spéc, n°18, p.483. 524

Ch. JAMIN, Les conditions de la résolution du contrat : vers un modèle unique ?, op. cit. 525

Ch. PAULIN, La clause résolutoire, th., précitée, n° 70, p.73 ; C. CHABAS, L’inexécution licite du

contrat, LGDJ 2002, préface J. Ghestin , spéc.,71 , p.70. 526

Ibid. 527

Il n’est pas exclu que la clause résolutoire entraîne la destruction rétroactive du contrat de franchise. Il

en est ainsi lorsqu’il y a une inexécution, dès l’origine, par le franchisé de l’une de ses obligations. 528

Ex. Cass. civ., 3e septembre 2003, Contrats. conc. consom., 2003, comm. 174, obs. L EVENEUR.

Dans cet arrêt, il a été jugé qu’en cas d’inexécution par le débiteur, sa bonne foi est sans incidence sur

l’acquisition de la clause résolutoire. V. aussi, D. MAZEAUD, Clause résolutoire expresse, RDC. 2004,

p.644. 529

Ch. PAULIN, th., précitée, n°111, p.119 et s.

Page 161: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

156

A cet égard, on note que le franchisé doit, pour pouvoir s’échapper du jeu de la

peine privée de la clause résolutoire, prouver que l’inexécution invoquée par le

franchiseur ne lui est pas imputable, et qu’ elle est due à un événement de force majeure

ou au fait du franchiseur530

. Reste maintenant à aborder la deuxième condition de la

mise en œuvre de la clause résolutoire qu’est la mise en demeure.

b. Mise en demeure

151. Une formalité en principe requise. Avant d’anéantir le contrat de franchise, le

franchiseur doit mettre son franchisé défaillant en demeure. Cette mise en demeure

constitue le premier acte tendant à l’acquisition de la clause résolutoire531

. Par celle-ci,

le franchiseur doit indiquer au franchisé sa volonté d’obtenir l’exécution du contrat et

lui préciser le délai à l’échéance duquel s’il n’a pas exécuté ses obligations, le contrat

sera résilié. Une telle solution peut s’expliquer par le principe selon lequel toute

sanction de l’inexécution exige une mise en demeure préalable532

.

Quant à la modalité de la mise en demeure, celle-ci peut être faite par tout moyen.

Mais généralement, la mise en demeure est faite au moyen de lettre recommandée avec

accusé de réception.

152. Absence de caractère d’ordre public. Toutefois, la mise en demeure lors de

l’application de la clause résolutoire n’est pas d’ordre public533

. Le franchiseur et le

franchisé peuvent valablement stipuler que l’inexécution par ce dernier entraîne, de

plein droit et sans mise en demeure préalable, la résiliation du contrat.

530

Ch. PAULIN, th., précitée, n° 70 , p.73 et s. 531

Ch. PAULIN, th., précitée, n° 70 , p.73 et s. 532

R. LIBCHABER, Demeure et mise en demeure en droit français, Rapport français , in Les sanctions de

l’inexécution des obligations contractuelles, Etude de droit comparé, sous la dir. M. Fontaine et G. Viney,

Bruylant,L.G.D.J, 2001, p.113 ; BERTRAND DE CONINCK, La mise en demeure, Rapport belge, in Les

sanctions de l’inexécution des obligations contractuelles, Etude de droit comparé, op.cit., p. 135 ; X.

LAGARDE, Remarques sur l’actualité de la mise en demeure, JCP G 1996, I, p.423. 533

V. Cass. civ., 3e, 29 juin 1977, Bull. civ. III, n° 293 , p.223. Dans cet arrêt, il a été jugé que « la

résiliation d’une convention en vertu d’une clause résolutoire expresse peut intervenir sans mise en demeure préalable, dès lors que cette dispense est expressément prévue par le contrat ».

Page 162: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

157

En fait, dès lors que la clause résolutoire, prérogative contractuelle, satisfait toutes

les conditions requises pour sa mise en œuvre, elle confère au franchiseur un droit

potestatif de rompre le contrat534

. Cela signifie que le franchiseur est libre de se libérer

de son contrat. Le franchisé, quant à lui, ne peut que supporter les conséquences de son

choix. D’où se pose la question de savoir quel peut être le rôle du juge lors de son

application.

2. Le rôle du juge dans l’application de la clause résolutoire

153. Office du juge. Si le juge ne dispose pas d’un pouvoir d’appréciation quant à

l’opportunité de l’application de la clause résolutoire (a), il a, par contre, un pouvoir de

contrôle sur la régularité de sa mise en œuvre (b).

a. Absence de pouvoir d’appréciation quant a l’opportunité de l’application de la

clause résolutoire

154. Effacement du juge. Dès lors que la clause résolutoire satisfait toutes les

conditions requises pour sa mise en œuvre, elle produit son effet extinctif consistant

dans l’anéantissement du contrat de franchise. Le juge ne dispose pas du pouvoir

d’apprécier l’opportunité de la résiliation. Par conséquent, sauf en cas de mise en œuvre

de manière déloyale de la clause résolutoire, le juge ne saurait faire obstacle à son

application. Il ne saurait, par exemple, paralyser les effets de cette clause sous prétexte

que le manquement reproché au franchisé n’est pas suffisamment grave ou qu’il est

disproportionné par rapport à la sanction imposée535

.

534

J. ROCHFELD, Les droits potestatifs accordés par le contrat, in Le contrat au début du XXIe siècle,

Mélanges J. Ghestin, LGDJ, 2001,747, et spéc., n°3, p.748 . Le droit potestatif est « défini comme le pouvoir, pour son titulaire, d’influer sur une situation juridique préexistante en la modifiant, l’éteignant ou en en créant une nouvelle, par sa volonté unilatérale et sans que son partenaire, placé dans une position de totale sujétion, puisse y faire obstacle ». V. aussi, I. NAJJAR, Le droit d’option : contribution

à l’étude du droit potestatif et de l’acte unilatéral, LGDJ, 1967, préface P. Raynaud. 535

Ch. PAULIN, La clause résolutoire, th., précitée, n° 287, p.277 et s.

Page 163: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

158

Une fois que la matérialité du manquement reproché au franchisé est avérée, le

contrat de franchise est résilié536

et le juge ne peut que constater cette résiliation qui

s’est déjà effectuée en dehors de lui537

.

155. Justification de l’effacement du juge. L’absence du pouvoir d’appréciation par le

juge de l’opportunité de l’application de clause résolutoire, solution retenue

généralement dans certains systèmes juridiques538

, s’explique par le principe du respect

de l’autonomie de la volonté « en vertu duquel les contractants sont libres de créer une

faculté de destruction volontaire et unilatérale »539. Elle s’explique aussi par le double

principe de la cohérence juridique et l’utilité de la clause540

. Comme le relèvent certains

auteurs, il serait peu cohérent que la Cour de cassation juge valable la stipulation d’une

clause résolutoire de plein droit permettant aux contractants d’échapper au pouvoir

d’appréciation du juge en matière de résolution, puis de réintroduire, par un biais ou par

un autre, ce pouvoir d’appréciation contre lequel la clause résolutoire est précisément

dressée541

.

156. Le souhait de l’intervention du juge. Pour autant, et quelle que soit la raison

justifiant cet effacement du juge, la reconnaissance au juge d’un pouvoir d’appréciation

quant à l’opportunité de l’application de la clause résolutoire paraît souhaitable, voire

indispensable542

.

536

C. JAMIN, «Les conditions de la résolution du contrat : vers un modèle unique ?», in Les sanctions de

l’inexécution des obligations contractuelles, op.cit., n°19, p.486. 537

Ibid. 538

En droit anglais, par exemple, la jurisprudence considère que le juge n’a pas la possibilité de faire

échec à la clause résolutoire en appréciant la proportionnalité entre l’obligation inexécutée et la résolution

imposée. V. Y.-M. LAITHIER, Etude comparative des sanctions de l’inexécution du contrat, L.G.D.J,

2004, préface. H. Muir Watte, n° 164, p.235,et spéc., p.236 . 539

L. CADIET, Les clauses contractuelles relatives à l’action en justice , in Les principales clauses des

contrats conclus entre professionnels, PUAM, 1990, p.193, et spéc., n°30, p.207. 540

L. AYNES, « Clause résolutoire de plein droit : le juge n’a pas de pouvoir modérateur », Dr et patr.

.2004, n°128, p.40 : «La première raison, décisive, tient à la cohérence du système juridique, son honnêteté, si l’on veut ». Y- M. LAITHIER, th., préc., n°162, p.233, et spéc., p.234 : « l’effacement du juge est principalement motivé par un double impératif de cohérence et d’utilité. Dès lors que la licéité de la clause résolutoire opérant de plein droit est reconnue, la cohérence de l’ordre juridique requiert du juge qu’il n’en paralyse pas les effets, provisoirement ou définitivement, au seul motif que le manquement du débiteur n’est pas d’une gravité suffisante pour entraîner l’anéantissement du contrat ... ». 541

L. AYNES, « Clause résolutoire de plein droit : le juge n’a pas de pouvoir modérateur », op.cit., p.40. 542

Certains auteurs plaident pour la reconnaissance au juge d’un pouvoir d’appréciation de l’opportunité

de l’application de la clause résolutoire à l’instar même de celui qui lui est reconnu en matière de clause

pénale. V. F. OSMAN, Le pouvoir modérateur du juge dans la mise en œuvre de la clause résolutoire de

plein droit, Defrénois 1993, art. 35433, p. 65. V. également, S. LE GAC-PECH, La proportionnalité en

droit privé des contrats, LGDJ, 2000, préface. H. Muir-Watt, 2000, n° 624, p.244.

Page 164: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

159

En effet, dans les contrats de franchise en particulier, et les contrats de la

distribution de manière générale, il ne semble pas raisonnable que le juge soit « le

spectateur passif de la querelle contractuelle, et prisonnier du principe d’autonomie de

la volonté qui lui impose de respecter les termes de la convention »543. Il faudrait lui

octroyer un certain pouvoir d’appréciation. En cas de saisine, le juge devrait pouvoir

vérifier si le manquement reproché au franchisé est proportionnel par rapport à la

sanction imposée. Il devrait faire échec à la clause résolutoire chaque fois qu’il se révèle

qu’elle a été invoquée par le franchiseur pour sanctionner une inexécution minime.

Certes, une telle solution peut faire perdre à la clause résolutoire la plus grande

partie de son intérêt. Son mécanisme se rapprocherait de celui de la résiliation judiciaire

qui suppose la preuve d’un manquement grave544

. Néanmoins, elle n’est pas sans

justification. Deux raisons peuvent être invoquées. La première réside dans la nature

spécifique du contrat de franchise545

.

543

L. CADIET, Une justice contractuelle, l’autre, in Le contrat au début du XXIe siècle, Mélanges J.

Ghestin, LGDJ., 2001, p.177, et spéc., n°2, p.178 et s. Sur la question du juge et le contrat, v. D.

MAZEAUD, « Le juge et le contrat : variation optimiste sur un couple (illégitime) », in Propos sur les

obligations et quelques autres thèmes fondamentaux du droit, Mélanges. J.-L. Aubert, Dalloz, 2005, 235. 544

Y.-M. LAITHIER, th., précitée, n°175 , p.250 et s. L’auteur n’hésite pas à montrer son hostilité à tout

contrôle par le juge de la proportionnalité entre l’inexécution et la résolution .Un tel contrôle, dit–il, fait

perdre à la clause résolutoire son utilité consistant à éviter les aléas de l’appréciation du juge. Pour lui, on

ne voit pas pour quelle raison les parties ne pourraient pas convenir qu’une violation objectivement

mineure du contrat, par exemple, le non respect de l’obligation d’exploiter le fonds de commerce à

certaines heures. De même, H. LECUYER, « Le principe de proportionnalité et l’extinction du contrat,

Existe-t-il un principe de proportionnalité en droit privé ?»LPA. 1998, n° 117, p. 31, qui se montre hostile

à l’instauration d’un contrôle de proportionnalité entre la sanction de la clause résolutoire et l’obligation

inexécutée : « (…) le contrat devrait être respecté car il est acte de prévision. Respecter le contrat, c’est respecter les prévisions des contractants et celles-ci ne doivent pas être trahies, si l’on veut bien admettre que le contrat est le plus sûr moyen-sinon le seul-dont dispose l’homme pour se projeter dans l’avenir, projection elle-même indispensable ». 545

G. VIRASSAY, Les contrats de dépendance, LGD., 1986, préface J. Ghestin, n° 280, p.221, 222 :

« Compte tenu de la spécificité des contrats de dépendance, la réintroduction du juge dans le schéma classique du conflit contractuel nous paraît indispensable, même si cela doit passer par une limitation de la liberté des parties dans l’aménagement de leur convention. Surtout qu’en fait, les contrats de dépendances sont dans leur plus grande part des contrats d’adhésion et que seul le partenaire privilégiée est en mesure d’imposer ses exigences. L’intervention obligatoire du juge permettrait de s’assurer que l’inexécution par l’assujetti de ses obligations présente un tel caractère de gravité, et que son contractant n’en profite pas pour mettre fin à la convention pour des motifs inavoué , sinon inavouables » . V. Ph. Le

TOURNEAU, Droit de la responsabilité et des contrats, Dalloz, 2006 /2007, n°1236, p 358. Selon ces

auteurs, la stipulation des clauses résolutoires dans les contrats de la distribution s’accommode mal avec

l’esprit de ces contrats. Ils observent que « cette modalité, imposée dans les contrats d’adhésion par la partie la plus forte, paraît excessive ; elle devrait être tenue pour non avenue, au moins dans les contrats de coopération (comme la concession commerciale, qui suppose une large collaboration des parties dans un but commun, l’augmentation de la clientèle). Peut-on parler de coopération lorsqu’il est possible de rompre brutalement le contrat, souvent pour une défaillance minime, sans demande préalable de justification ou sans proposition d’aide ? )

Page 165: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

160

Dans ce dernier, le postulat du libéralisme selon lequel un contrat est juste s’il a été

accepté librement ne se vérifie pas réellement. Le contrat de franchise est un contrat

d’adhésion546

. Il est pré-rédigé par le franchiseur. Celui-ci conçoit la clause résolutoire

et l’impose au franchisé. Celui-ci ne saurait même en discuter le contenu par crainte

souvent de perdre le bénéfice du contrat. Ce n’est donc que par fiction que l’on parle

d’une clause résolutoire bilatérale547

. La deuxième raison réside dans la grande valeur

patrimoniale du contrat de franchise. Celui-ci est, en effet, conçu comme un « contrat

de situation »548, puisqu’il est le support de l’activité de la situation professionnelle des

parties, et notamment celle du franchisé. Que le contrat de franchise disparaisse, c’est

cette situation professionnelle elle-même qui disparaît. Dès lors, ne paraît-il pas juste

que le juge soit le gardien raisonnable du lien contractuel et qu’il puisse neutraliser les

effets de la clause résolutoire chaque fois qu’il se révèle que le manquement invoqué

par le franchiseur est infime ou disproportionné par rapport à la sanction infligée ?

D’ailleurs, le contrôle de la proportionnalité peut être conçu comme un moyen

efficace d’apaiser les craintes qu’inspire la clause résolutoire. Un tel contrôle

contribuerait, d’une part, à atténuer le déséquilibre qu’engendre la stipulation de la

clause résolutoire, et, d’autre part, à faire obstacle à tout franchiseur malhonnête

invoquant la clause résolutoire dans le seul désir d’échapper de manière anticipée au

contrat549

. Ces objectifs semblent s’accommoder parfaitement avec l’évolution récente

de la théorie générale du contrat marquée par le double principe de l’équilibre

contractuel 550

et de la protection du lien contractuel551

.

546

Sur ce point, v. G. BERLIOZ, Le contrat d’adhésion, LGDJ, 1976. 547

Ph. JESTAZ, Rapport de synthèse, in L’unilatéralisme et le droit des obligations, Economica., 1999,

p.87, et spéc., p.90 et s : « Une clause du contrat, bilatérale par définition ou plutôt par la fiction d’une libre discussion contractuelle, autorise l’une des parties ou les deux parties à appuyer de façon unilatérale, mais efficace, sur certain bouton propre à déclencher des effets de droits ». 548

M. CABRILLAC, Remarques sur la théorie générale du contrat et les créations récentes de la pratique

commerciale, Mélanges. Gabriel Marty, 1978, p.235, spéc., n° 8, p.238. V. D. MAINGUY, Remarques

sur les contrats de situation et quelques évolutions récentes du droit des contrats, in Mélanges M.

Cabrillac, Dalloz, Litec, 1999, p.165. 549

S. LE GAC-PECH, La proportionnalité en droit privé des contrats, th., précitée, n° 623, p.243. 550

L. FIN-LANGER, L’équilibre contractuel, LGDJ., 2002, préfac. C. Thibierge. 551

M.-E. PANCRAZI-TIAN, La protection judiciaire du lien contractuel, PUAM., 1996, préface. J.

Mestre.

Page 166: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

161

Malgré cela, la Cour de cassation se montre toujours hostile à reconnaître au juge

un pouvoir modérateur quant à l’opportunité de la clause résolutoire. Toutefois, il

convient de noter que si le juge n’a pas de pouvoir modérateur quant à l’opportunité de

l’application de la clause résolutoire, il peut, en revanche, procéder à un contrôle de la

mise en œuvre de la clause résolutoire.

b. Contrôle judiciaire de la mise en œuvre de la clause résolutoire

157. Exigence de bonne foi. La bonne foi, notion non « unitaire »552

, « floue »553,

« souple »554, d’un « contenu ouvert et indéterminé »

555, est un moyen permettant

l’assouplissement de la loi du contrat et la rectification des effets des stipulations qui

pourraient créer un trop grand déséquilibre entre les parties556

. Elle est aujourd’hui

derrière toute obligation557

. Il en résulte que le franchiseur doit se montrer loyal dans

l’application de la clause résolutoire558

. Il ne doit pas, lors de la mise en œuvre de la

clause résolutoire, adopter des comportements susceptibles de nuire au franchisé. Tout

comportement déloyal de sa part, lors de l’application de la clause résolutoire, peut faire

échec à la mise en œuvre de celle-ci. Il permet au juge ou à l’arbitre de neutraliser les

effets de la clause résolutoire.

158. Illustrations. C’est ainsi qu’il a été jugé dans un arrêt du 23 juin 2005559

. En

l’espèce, un franchiseur a mis fin au contrat de franchise en invoquant la clause

résolutoire autorisant la résiliation du contrat en cas de non-respect de l’objectif de

vente fixé à 65 % de marchandises livrées. Cependant, les juges du fonds ont considéré

que la résiliation du contrat de franchise était injustifiée au motif que la défaillance du

franchisé résultait essentiellement de la violation par le franchiseur de ses engagements

contractuels.

552

P. JOURDAIN, La bonne foi dans la formation du contrat, Rapport français, in La bonne foi, Travaux

de l’Association Henri Capitant, Litec, 1992, p.121. 553

P. CHAUVEL, note sous Cass. com., 7 janvier, 22 avril 1997, D. 1998, p. 45 554

A. BENABENT, La bonne foi dans l’exécution du contrat, Rapport français, in La bonne foi, Travaux

de l’Association Henri Capitant, Litec, 1992, p.293. 555

P.-V OMMESLAGHE, Rapport général, in La bonne foi, Travaux de l’Association Henri Capitant,

Litec, 1992, p. 25, et spéc., n° 4, p.28. 556

G. LYON-CAEN, De l’évolution de la notion de bonne foi, RTD civ. 1946, p. 82, n° 9. 557

D. MAZEAUD, obs sous Cass. civ. 3er

,14 septembre 2005, D. 2006, p.761. 558

Y. PICOD, La clause résolutoire et la règle morale, JCP G 1990, I, 3447. Y. PICOD, L’exigence de

bonne foi dans l’exécution du contrat, in Le juge et l’exécution du contrat, PAUM, 1993, sous la dir. J.

Mestre, p.57. 559

CA Nîmes, 23 juin 2005, Juris-Data, n° 2005-282018.

Page 167: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

162

Il en est de même pour un arrêt du 13 janvier 1989 rendu par la Cour d’appel de

Paris560

. En l’espèce, faute d’atteindre l’objectif prévu par le franchisé, le franchiseur a

résilié le contrat. Or, les juges du fond l’ont condamné pour rupture fautive, et considéré

la clause non acquise. Ils ont considéré que le fait que le franchiseur ne réponde pas aux

courriers du franchisé proposant de faire d’autres commandes pour atteindre le chiffre

d’affaires requis reflète sa mauvaise foi et donc prive la clause résolutoire de son effet

extinctif.

La même solution a été retenue dans la sentence n°8260561

. En l’espèce, un

contrat de franchise avait été conclu entre un franchisé saoudien et un franchiseur

français. Le contrat contenait une clause selon laquelle le franchisé s’interdisait de céder

le contrat ou de recourir à un sous-franchisé sans en informer préalablement le

franchiseur. Quelques temps plus tard, le franchisé a installé un magasin en sous-

franchisé du premier magasin sans en informer le franchiseur. Suite à cette violation, le

franchiseur a fait application de la clause résolutoire, conformément au contrat, et a mis

fin à celui-ci sans mise en demeure. Or, le tribunal arbitral, statuant selon le droit

français, a considéré que si les éléments constitutifs de l’infraction prévue à l’article

903.3 du contrat invoqué par le franchiseur étaient bien réunis, celui-ci n’était pas de

bonne foi lors de l’application de la clause. Le tribunal arbitral a constaté que le

franchiseur était au courant depuis plus d’un an de l’installation d’un magasin sous-

franchisé par le franchisé et qu’il n’avait jamais émis de protestations à cet égard. En

outre, il n’a pas hésité, quelques semaines seulement après la rupture du contrat, à

nommer ce sous-franchisé pour distribuer ses produits en lieu et place de l’ancien

franchisé.

159. Justification. A vrai dire, la mise en échec de la clause résolutoire par le juge ou

l’arbitre lorsqu’il constate que le franchiseur a eu un comportement déloyal lors de sa

mise en oeuvre est pleinement justifiée. Agir de bonne foi est un devoir général

incombant à tout contractant. Cette obligation impose au franchiseur de s’abstenir de

tout fait qui puisse empêcher le franchisé d’exécuter ses obligations ou susceptible de

lui nuire.

560

CA Paris 13 janvier 1989, in J.-P. CLEMENT, La franchise : 20 ans de jurisprudence, n°34, p.90 561

Aff. n°8260 de 1995, cité par C.-Q. CORINNE TRUONG, Les différends liés à la rupture des contrats

internationaux de distribution dans les sentences arbitrales CCI, Litec, 2002, préface P. Fouchard, 274,

p.234 et s.

Page 168: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

163

La violation par le franchiseur de son obligation d’agir de bonne foi lors de la mise

en œuvre de la clause résolutoire ne doit pas seulement paralyser le droit de s’en

prévaloir, mais également engager sa responsabilité pour rupture fautive. Ce n’est que

de cette manière que « sera respecté un équilibre minimum entre la liberté contractuelle

et la sécurité du contractant qui a adhéré à une telle clause, laquelle introduit déjà une

dose de précarité suffisamment forte dans la relation contractuelle »562.

160. Synthèse. La clause résolutoire est un acte de rupture unilatérale. Dès lors que sont

satisfaites toutes les conditions de forme et de fond requises pour celle-ci, le contrat de

franchise est résilié. Le juge, quant à lui, ne peut que constater cette résiliation, sauf en

cas de mise en œuvre de manière déloyale de la clause résolutoire par le franchiseur.

Dans cette hypothèse, le juge intervient, non seulement pour faire obstacle au jeu de la

clause résolutoire, mais aussi pour engager la responsabilité du franchiseur dont le

comportement se révèle déloyal. Notons, enfin, que le contractant, victime d’une

inexécution, peut résilier unilatéralement le contrat de franchise en dehors même de

toute clause résolutoire.

§ 2. Résiliation unilatérale en l’absence de clause résolutoire

161. Plan. La possibilité pour une partie de rompre unilatéralement le contrat avant son

terme est désormais admise en droit positif (A) si certaines conditions sont réunies (B) .

562

D. MAZEAUD, Durées et ruptures, in Durée et exécution du contrat, RDC. 2004, p. 129, et spéc , n°

14 , p.138 et s.

Page 169: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

164

A. Admission de la résiliation unilatérale du contrat de franchise

162. La force obligatoire du contrat. Si la faculté de la résiliation unilatérale est

admise en matière de contrats de franchise à durée indéterminée, il en va tout autrement

en matière de contrats de franchise à durée déterminée. Dans ce dernier, le principe de

la force obligatoire du contrat est absolu. Les parties sont tenues au contrat jusqu’au

terme pour lequel il a été fixé. En l’absence de toute clause résolutoire, la jurisprudence

n’admet la possibilité pour une partie de résilier unilatéralement le contrat avant son

terme que dans certaines hypothèses très exceptionnelles (1). Toutefois, la jurisprudence

a évolué depuis 1998, date à la quelle elle a admis qu’une partie puisse mettre fin

unilatéralement au contrat avant même son terme lorsque son cocontractant manque

gravement à ses obligations (2).

1. Le caractère traditionnellement exceptionnel de la résiliation unilatérale

163. Le principe de la résiliation judiciaire. Contrairement aux contrats à durée

indéterminée dans lesquels chacune des parties bénéficie d’une faculté de résiliation

unilatérale à tout moment, sous réserve du respect d’un préavis raisonnable563

, dans les

contrats à durée déterminée, le principe est l’interdiction de la résiliation

unilatérale564

.Sauf clause résolutoire expresse 565

ou mutuus dissensus566, ni le

franchiseur ni le franchisé ne peut se désengager unilatéralement du contrat avant

l’arrivée du terme pour lequel il a été stipulé567

. Cette solution s’impose même s’il y a

une inexécution de la part de l’une des parties. L’idée dominante est que nul ne peut se

faire justice soi-même568

.

563

Supra n° 85 et s. 564

V. C. GORGAS-BERNARD, La résiliation unilatérale du contrat à durée déterminée, PAUM, 2006,

préface. Ch. Jamin. V. aussi, J. MESTRE, Résiliation unilatérale et non- renouvellement dans les contrats

de distribution, in La cessation des relations contractuelles d’affaires, sous la dir. J. Mestre, PUAM, 1997,

p.10, spéc., p.13. H. HOUIN, La rupture unilatérale des contrats synallagmatiques, th., Paris II, 1973. 565

Supra n° 144 et s. 566

Supra n° 99 et s. 567

J. MESTRE, Résiliation unilatérale et non-renouvellement dans les contrats de distribution, op.cit., p.

13. 568

J. BEGUIN, Rapport sur l’adage « Nul ne peut se faire justice à soi-même », en droit français, Travaux

de l’Association Henri Capitant, t.XVIII, Dalloz, 1966, p.41.

Page 170: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

165

En effet, en pareille hypothèse, le franchiseur ou le franchisé, qui s’estime victime

d’une inexécution du fait du cocontractant a une option : soit recourir à l’exception

d’inexécution et ne pas exécuter ses obligations569

; soit s’adresser au juge et lui

demander de prononcer l’anéantissement du contrat aux torts du cocontractant

défaillant. Mais il ne saurait en aucun cas rompre unilatéralement le contrat, sous peine

d’engager sa responsabilité570

.

164. Fondement du principe. La judiciarisation de la résiliation dans les contrats à

durée déterminée s’explique par le principe de l’autonomie contractuelle571

. En fixant

un terme à leur contrat, le franchiseur et le franchisé ont choisi de faire de la durée un

élément essentiel de leur convention, de sorte qu’elle contribue à assurer la stabilité du

lien contractuel et l’amortissement des investissements effectués pour l’exploitation de

la franchise. Par conséquent, chacun d’eux doit rester lié jusqu’à l’expiration de cette

durée.

569

Dans le contrat de franchise -comme d’ailleurs dans tout contrat synallagmatique- chacune des parties

peut refuser d’exécuter ses obligations tant que son partenaire n’exécute pas les siennes. Il s’agit ici de la

règle de l’exception d’inexécution, qui n’est que le corollaire de la réciprocité et de l’interdépendance des

obligations que tout contrat synallagmatique fait naître à la charge des deux parties. Sur cette technique,

V. J. GHESTIN, L’exception d’inexécution, Rapport français, in Les sanctions de l’inexécution des

obligations contractuelles, Etude de droit comparé, sous la dir. M. Fontaine et G. Viney, Bruylant,

L.G.D.J, 2001, p 3. Toutefois, il est à noter qu’il arrive parfois que cette technique aboutisse, de manière

indirecte, à la rupture unilatérale d’un contrat de franchise. V. J. ROCHE-DAHAN, L’exception

d’inexécution, une forme de résolution unilatérale du contrat synallagmatique, D. 1994, chro., p. 255 , et

spéc., n° 9, p.256 et s. 570

Comp. Cass. com., 9 juillet 1996, RJDA 1996, n° 1433 ; Cass. com., 25 mars 1991, Contrats. conc.

conso., 1991, n° 126, comm. L. LEVENEUR ; Cass. com., 15 janvier 1973, D.1973, p.473, note. .J.

GHESTIN. 571

Ph. JESTAZ, Rapport de synthèse, in L’unilatéralisme et le droit des obligations, sous la dir. Ch.

Jamin et D. Mazeaud, Economica, 1999, p.87, et spéc., p.90 et s ; Ph. MALAURIE, L. AYNES, Ph.

STOFFEL-MUNCK, Les obligations, 2e édition, Defrénois, 2005, n° 755, p.364 : « Une fois conclu, le

contrat, par sa force obligatoire, échappe à la fantaisie individuelle et aux caprices du temps » ; P.

ANCEL, La force obligatoire : jusqu’où faut-il la défendre?, in La nouvelle crise du contrat, Dalloz,

2003, p163 ; du même auteur, Force obligatoire et contenu obligationnel du contrat, RTD civ.1999,

p.771 ; Ch. JAMIN, Les conditions de la résolution du contrat : vers un modèle unique ?, in Les sanctions

de l’inexécution des obligations contractuelles, Etude en droit comparé, sous la direction .M. Fontaine et

G. Viney, Bruylant, LGDJ 2001 p. 451, et spéc n°5, p.459 ; du même auteur, «Les sanctions unilatérales

de l’inexécution du contrat : trois idéologies en concurrence », in L’unilatéralisme et le droit des

obligations, sous la dir. Ch. Jamin et D. Mazeaud, Economica, 1999 , n° 3 , p.73 S. STIJNS, La

résolution pour inexécution en droit belge : conditions et mise en œuvre, in Les sanctions de l’inexécution

des obligations contractuelles, Etude en droit comparé , sous la direction .M. Fontaine et G. Viney,

Bruylant et LGDJ 2001 op., cit., n°19, p.534 ; G. ROUHETTE, La force obligatoire du contrat : Rapport

français in Le contrat aujourd’hui : comparaisons franco-anglaises, sous la dir. D. Tallon et D. Harris,

LGDJ, 1987, p.28.

Page 171: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

166

Aucun d’eux ne saurait prononcer unilatéralement et prématurément le « divorce

contractuel » 572 avant que le terme extinctif contractuellement fixé soit échu. Le

principe de la force obligatoire du contrat empêche que l’une des parties se désengage

du contrat sans la permission du contractant. Comme le relèvent certains auteurs, c’est

que leur volonté commune « a créée, celle d’un seul ne saurait, en principe, le détruire,

si le juge ne le permet pas » 573. Le principe de la judiciarisation de la résiliation ou de

la résolution du contrat à durée déterminée peut aussi s’expliquer par la méfiance à

l’égard des parties qui ne respectent pas leurs engagements574

. Si l’on admet la

possibilité de la rupture unilatérale, il y a lieu de craindre qu’un franchiseur ou un

franchisé puisse, après s’être avisé que l’opération conclue est moins avantageuse

qu’escomptée, mette fin au contrat unilatéralement, ce qui serait de nature à remettre en

cause, non seulement le contrat de franchise en question, mais aussi l’ordre social et

économique dans son ensemble.

165. Atténuations exceptionnelles. Quel que soit le fondement de la judiciarisation de

la résiliation du contrat, celui-ci souffre parfois d’atténuations. En effet, la jurisprudence

admet la possibilité pour une partie à un contrat de franchise de rompre, unilatéralement

et sans le recours préalable au juge, au cas où il y aurait une faute particulièrement

grave brisant le climat de confiance et rendant donc la poursuite des relations

contractuelles jusqu’à son terme impossible.

C’est ce qu’illustre l’arrêt du 27 février 1989 rendu par la Cour d’appel de Paris575

.

En l’espèce, un contrat de franchise a été conclu entre le franchiseur -la société

Conforma et le franchisé -la société Seda- pour une durée d’un an renouvelable.

572

L’expression est de D. MAZEAUD, Durée et rupture, in La durée et exécution du contrat, RDC. 2004,

p.129, et spéc., n° 4, p.130. 573

Ph. MALAURIE, L. AYNES, Ph. STOFFEL-MUNCK, Les obligations, Defrénois, 2005, n° 883,

p.429. 574

Ch. JAMIN, Les sanctions unilatérales de l’inexécution du contrat : trois idéologies en concurrence, in

L’unilatéralisme et le droit des obligations, Economica, 1999, p.73 n° 3. Ch. JAMIN, « Les conditions de

la résolution du contrat : vers un modèle unique » ,Rapport français, in Les sanctions de l’inexécution des

obligations contractuelles, Etude de droit comparé, sous la dir. M. Fontaine et G. Viney, Bruylant ,

LGDJ , 2001 , p.451 , n° 1 et s. 575

CA Paris 27 février 1989 : in J.-P. CLEMENT, la franchise : 20 de jurisprudence, n°40, p.98.

Page 172: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

167

Après avoir vainement tenté d’obtenir de Conforma l’autorisation d’ouvrir à Calais

et, plus tard, à Saint Omer un magasin sous l’enseigne Conforma, la société Seda

franchisée a ouvert un magasin sous l’enseigne Inter Conforma dans lequel elle a mis en

vente un certain nombre de produits similaires à la gamme Conforma. Celle-ci a alors

mis unilatéralement et immédiatement fin au contrat de franchise. Les juges du fond ont

déclaré non fautive la résiliation procédée par la société franchiseur. En effet, la Cour a

relevé que la répétition et la gravité des actes du franchisé ne pouvaient être tolérées

passivement par le franchiseur, puisqu’ils ont chaque fois fait l’objet de mise en

demeure dans le but de les faire cesser.

Outre le cas de la faute particulièrement grave faisant disparaître la confiance

entre le franchiseur et le franchisé, la jurisprudence admet la possibilité de rupture

unilatérale d’un contrat de franchise -et même de tout contrat- lorsque le maintien du

contrat jusqu’à la décision du tribunal causerait à l’une des parties un dommage

irréparable. En pareille hypothèse, il y a une urgence qui enlève à la rupture unilatérale

« non autorisée son caractère fautif »576. Il serait, en effet, là « inique d’obliger celui

qui est manifestement lésé et mis en péril pressant par les agissements de l’autre, à

continuer dans tous les cas l’exécution à découvert de son côté, pendant la durée d’un

procès que la mauvaise foi de l’adversaire risque de prolonger longtemps »577. Hormis

l’hypothèse de la faute grave et de l’urgence, la rupture unilatérale du contrat de

franchisé ne peut intervenir en dehors du juge. Celui qui rompt le contrat de son propre

chef avant le terme engage sa responsabilité.

Toutefois, il convient de noter que cette solution n’est plus vraiment en vigueur

aujourd’hui. Depuis 1998, la Cour de cassation admet la possibilité pour une partie de

rompre unilatéralement le contrat, en dehors même d’une clause résolutoire ou de toute

idée d’une urgence ou d’un rapport personnel devenu intolérable, lorsque son

cocontractant manque gravement à ses obligations

576

Ph. JESTAZ, L’urgence et les principes classiques du droit civil, LGDJ, 1968, préface. P. Raynaud, n°

98, p.92. V. M VASSEUR, Urgence et droit civil, RTD civ.1954 p.421, n°11 : «L’urgence autorise le contractant dont les intérêts sont en péril pressant à s’affranchir du respect des exigences légales dès lors que l’observation de celles-ci retarderait la rupture du contrat, indispensable à la sauvegarde de ses intérêts ». 577

R. CASSIN, Réflexions sur la résolution judiciaire, RTD civ.1945, p. et spéc., n°14, p.178.

Page 173: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

168

2. Evolution jurisprudentielle

166. Une forme de résiliation concurrente de la résiliation judiciaire. Depuis 1998,

la jurisprudence admet la possibilité de la rupture unilatérale d’un contrat à durée

déterminée578

. La Cour de cassation a, à plusieurs reprises, déclaré que « la gravité du

comportement d’une partie à un contrat peut justifier que l’autre partie y mette fin de

façon unilatérale à ses risques et périls, peu important que le contrat soit à durée

déterminée ou non »579.

La résiliation unilatérale du contrat, qui était hier une exception, est donc devenue

aujourd’hui un principe alternatif ou même concurrent de la résiliation judiciaire580

. Il

s’agit donc d’une évolution « d’une résolution accidentelle maniée par le juge, vers une

résolution prérogative maniée par le créancier »581

. Cette jurisprudence a une portée

générale. Elle concerne tous les contrats, y compris les contrats de franchise. C’est ce

qu’illustre un arrêt du 13 mai 2004 où la Cour d’appel de Versailles a jugé qu’une partie

à un contrat de franchise peut prendre l’initiative de rompre unilatéralement le contrat

dès que son cocontractant manque gravement à ses obligations contractuelles582

.

En l’espèce, un contrat de franchise avait été conclu pour une durée déterminée.

Or, quelques mois après la signature du contrat, le franchisé a notifié au franchiseur la

résiliation du contrat au motif qu’il avait manqué, d’une part, à l’obligation légale

d’information précontractuelle qui lui incombait et, d’autre part, à l’obligation

d’assistance technique.

578

Cass. civ., 1er

, 13 octobre 1998, D. 1999, p.197, note. Ch. JAMIN ; D. 1999, somm. comm.,115, note

Ph. DELEBECQUE ; D. 1999, p .374 , note. D. MAZEAUD 579

Cass. civ., 1er

, 20 février 2001, D. 2001, p. p.1569, note. Ch. JAMIN ; Defrénois 2001, p.705, note. E.

SAVAUX ; RTD civ. 2001, p.363, J. MESTRE et B. FAGES; D. ; Cass. civ. 1er

, 28 octobre 2003 ; RDC.

2004, p.273, obs. L. AYNES. 580

Ch. JAMIN, obs sous. Cass. civ., 1er

, 20 février 2001, op.cit., p.1569 : « L’utilisation d’une même formule signifie donc clairement que la première Chambre civile entend non point s’en tenir à une exception, mais bien poser un principe concurrent à celui qui existe quand la résolution est prononcée par le juge ». 581

J. ROCHFELD, Résolution et exception d’inexécution, in Les concepts contractuels français à l’heure

des principes du droit européen des contrats, sous la dir.de P. Rémy-Corlay et D. Fenouillet, Dalloz,

2003, p.213, et spéc., p.217. 582

CA Versailles 13 mai 2004, G.P. 2005, 57, note. J. FRANÇOIS FORGERON et M. CHARLOTTE-

GRASSET.

Page 174: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

169

Cette résiliation unilatérale et anticipée du contrat de franchise a été considérée

comme injustifiée par le franchiseur. Il a donc assigné le franchisé en paiement de

redevances contractuellement dues ainsi qu’en versement de dommages et intérêts. Les

juges de première instance ont pris acte de la résiliation du contrat de franchise à

l’initiative et sous la responsabilité du franchisé et ont condamné ce dernier à des

dommages et intérêts. Ce jugement a été approuvé par la Cour d’appel de Versailles.

Celle-ci a rappelé qu’en application de l’article 1184 du code civil, il ne peut être

valablement mis fin de manière anticipée au contrat de franchise liant les parties qu’à la

condition que la preuve soit rapportée d’un manquement suffisamment grave de l’une

d’entre elles à ses obligations contractuelles. Or, il se révèle, en l’espèce, que les

manquements invoqués par le franchisé n’étaient pas suffisamment graves. Selon les

juges du fond, « le grief émis par le franchisé ayant trait à la défaillance de l’outil

informatique, n’est pas davantage caractérisé, dans la mesure où il est acquis aux

débats que le franchisé a traité directement avec le fournisseur de cet équipement et a

obtenu du franchiseur la mise à disposition d’un nouveau matériel dans l’attente que le

matériel commandé par ses soins soit opérationnel. C’est donc à juste titre que les

premiers juges ont prononcé la résiliation judiciaire aux torts exclusifs du franchisé

ayant pris l’initiative de la rupture du contrat de franchise ».

Il ressort de cette jurisprudence que chacune des parties au contrat de franchise

peut désormais dénoncer, unilatéralement et de son propre chef, le contrat en cas

d’inexécution grave commise par l’autre partie. Tel peut être, par exemple, en cas de

non-communication par le franchiseur de son savoir-faire au franchisé ou lorsque le

franchisé viole son obligation de non-concurrence. Dans ces hypothèses, le franchisé ou

le franchiseur peut légitimement prendre l’initiative de rompre le contrat sans attendre

une décision du juge. Il n’est pas besoin pour lui de recourir au juge pour éteindre le

contrat. Le recours à l’article 1184 du code civil n’est plus, comme avant, une

obligation, mais une simple faculté. Sachant que la résiliation du contrat se fera, dans ce

cas, à ses risques et périls583

.

583

F. TERRE, Ph. SIMLER, Y. LEQUETTE, Les obligations, Précis Dalloz, 9e édition, 2005, n°

661,p.650, et s : « Sous couvert d’une dérogation à l’article 1184 du Code civil, c’est en réalité une véritable option qui est ouverte au débiteur mécontent : dès lors qu’un contractant estime que les manquements de son partenaire sont suffisamment graves pour justifier la résolution du contrat, il peut soit saisir le juge, soit prononcer lui-même cette résolution, mais à ses risques et périls ».

Page 175: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

170

167. Opportunité de la résiliation unilatérale. L’admission de résiliation unilatérale

du contrat paraît opportune sur le plan économique. Elle rend la résiliation ou la

résolution, en tant que sanction de l’inexécution, mieux adaptée à la rapidité du marché,

à ses exigences et à ses changements, ce qui en fait, par conséquent, une sanction plus

efficace584

. Elle permet aussi au franchiseur ou au franchisé, victime d’une inexécution

grave, de rompre, immédiatement et sans attendre l’intervention du juge, le contrat de

franchise en cas de manquement de la part de son cocontractant et d’aller chercher

ailleurs un autre contrat pouvant répondre mieux à ses attentes585

. Cela permet, par

conséquent, une réallocation plus prompte des ressources586

, réallocation qui paraît

parfois, non seulement « préférable à une simple réparation tournée vers le passé »587,

mais même nécessaire pour maintenir le jeu de la concurrence au sein du marché588

.

Cependant, tous ces avantages ne doivent pas faire oublier le risque que fait courir

l’admission de la résiliation unilatérale. E effet, il n’est pas inconcevable que ce pouvoir

potestatif de rompre le contrat soit utilisé de manière abusive. Il n’est pas inimaginable

qu’un franchiseur, par exemple, mette fin au contrat de franchise dans le seul dessein de

se débarrasser de son cocontractant et de conclure un autre contrat plus avantageux. Dès

lors, non seulement le principe de la force obligatoire sera gravement blessé, mais le

mal fait au franchisé sera très grave. Les conséquences de la rupture peuvent conduire

l’environnement contractuel à ne plus faire confiance au franchisé, ayant subi la rupture.

« Au final, celui-ci sera éliminé, car présumé coupable, il doit selon l’opinion publique

du marché périr alors qu’il était peut-être innocent »589. D’ où la nécessité s’impose

que la rupture unilatérale du contrat de franchise soit soumise à certaines conditions,

conditions à défaut desquelles non seulement la rupture du contrat de franchise sera

considérée comme non avenue, mais aussi la responsabilité de son auteur sera engagée.

584

J. SIMON, Quelques réflexions sur la sanction en droit des affaires, in Le juge et le droit de

l’économie, Mélanges. P. BEZARD, Montechrestien, 2002, p.147, et spéc., n°10, p.151 : « L’efficacité de la sanction quant à elle tient largement à la rapidité avec laquelle elle intervient , c'est-à-dire un délai compatible avec la vie des affaires ». 585

Ph. Le TOURNEAU, Droit de la responsabilité et des contrats, Dalloz, 2006 /2007, n°6031, et s 586

Ch. JAMIN, Le renouveau des sanctions contractuelles : pot-pourri introductif, in Le renouveau des

sanctions contractuelles, sous la dir. F. Collart-Dutilleul et C. Coulon, Economica, 2007, p.3, et spéc.,

n°5,p.6 ; du même auteur, obs.sous .Cass. civ.1er

, 13 octobre 1998, D. 1999, p.197, et spéc., n° 4 , p.200 . 587

S. LE GAC-PECH, Rompre son contrat, op.cit., p.149, n°55. 588

E. BAZIN, La résolution unilatérale du contrat, R.R.J 2000 / 4, p. 1381, n° 43, p.1405, et s. 589

E. BAZIN, op.cit., n° 36 , p.1401 .

Page 176: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

171

B. Conditions de la rupture unilatérale

168. Mise en œuvre de la résiliation unilatérale. L’admission de la possibilité de

rompre unilatéralement un contrat de franchise nécessite, en premier lieu, l’existence

d’un manquement grave commis par l’une des parties (1). C’est là une condition

essentielle à défaut de laquelle la résiliation unilatérale d’un contrat de franchise ne sera

pas admise. Elle nécessite ensuite le respect de certaines procédures lors de la rupture

du contrat (2).

1. La nécessite d’un manquement grave

169. Ultime exigence. Pour qu’une partie à un contrat de franchise puisse valablement

rompre unilatéralement le contrat, il faut qu’il y ait un manquement grave de la part de

son cocontractant à ses obligations. La gravité du manquement est une exigence

élémentaire, voire fondamentale de la résiliation unilatérale. A défaut, nul ne songera à

admettre que le contrat de franchise puisse être rompu en dehors du juge. Cette exigence

d’un manquement d’une gravité suffisante se justifie par le souci de protéger le principe

de la force obligatoire du contrat, et donc d’assurer la préservation du lien contractuel

utile. Il ne faut pas, en effet, qu’un franchiseur ou qu’un franchisé puisse se désengager

unilatéralement du contrat pour une simple défaillance minime commise par son

cocontractant, sinon la sécurité et la stabilité des rapports contractuels seront remises en

cause.

170. Appréciation objective et subjective. Toutefois, si la jurisprudence exige, pour

qu’une partie à un contrat de franchise puisse rompre unilatéralement le contrat, qu’il y

ait un manquement grave ou un comportement grave de la part de son cocontractant,

elle ne définit pas pour autant en quoi consiste ce manquement grave590

. Faut-il se

référer à une interprétation objective pour apprécier ce que l’on entend par manquement

grave ?

590

V. P. STOFFEL-MUNCK, Le contrôle a posteriori de la résiliation unilatérale, in Rupture unilatérale

du contrat : vers un nouveau pouvoir, Dr et patr. mai 2004, n° 126, p.70.

Page 177: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

172

Faut-il, au contraire, recourir à une interprétation subjective de celui-ci puisque

certains arrêts emploient le terme « comportement » pour admettre la possibilité de la

rupture unilatérale dans certains contrats ?

A vrai dire, le manquement grave ou le comportement grave, fondement unique

justifiant la résiliation unilatérale du contrat, doit être entendu dans les deux sens. Le

premier sens peut s’entendre comme une défaillance d’ordre matériel. Ainsi, pourra être

considéré comme manquement grave, permettant au franchiseur ou au franchisé de

rompre unilatéralement le contrat, toute défaillance ou tout manquement portant sur une

obligation essentielle ou toute autre obligation de nature à remettre en cause l’économie

du contrat de franchise. Tel peut être, par exemple, le cas de la violation de la clause

d’exclusivité insérée dans le contrat de franchise. Une telle clause n’est pas,

contrairement au contrat de concession, de l’essence du contrat de franchise591

. Mais

une fois qu’elle y est stipulée, elle devient essentielle en ce sens qu’elle peut consister

en un facteur de rationalité592

, de prévisibilité et de sécurité permettant d’assurer la

rentabilité des investissements593

. De là, tout manquement par le franchisé ou même par

le franchiseur à une telle stipulation peut être qualifié de manquement grave justifiant la

rupture unilatérale du contrat de franchise. Tel peut être aussi le cas du manquement par

le franchisé à son obligation de respecter les normes du réseau. Effectivement, une telle

obligation a pour objet d’assurer l’uniformité et l’homogénéité entre tous les points

franchisés, uniformité et homogénéité qui ne sont pas seulement indispensables à la

mise en œuvre de la franchise, mais également gage de la réussite de la réitération du

succès du franchiseur594

. Dès lors, tout manquement par le franchisé à cette obligation

pourra permettre la rupture unilatérale du contrat.

591

Supra, n°121et s. 592

J. GUYENOT, Etude juridique et économique des conventions d’exclusivité de vente, Dr. soc. 1965,

p.2. Pour cet auteur, la clause d’exclusivité rationalise le commerce et serait même un procédé « parfait »

pour une grande industrie cherchant des débouchés à l’étranger. 593

G. PARLEANI, Les clauses d’exclusivité, in Les principales clauses des contrats conclus entre

professionnels, PUAM 1990, p. 55, n° 2 ; 594

D. FERRIER, La franchise internationale, J.D.I .1988, p.625, et spéc., n° 10, p.629 : «Sans une application du système franchisé parfaitement conforme à son modèle d’origine, il n’y a plus réitération de la réussite commerciale du franchiseur mais innovation et l’économie même de la franchisé se trouve atteinte » . Ch. ATIAS, Le contentieux de la franchise, Revue de loyers, 1997, n°302, p.926 : « Le succès du réseau est en partie fondé sur l’alignement des diverse pratiques de présentation, de commercialisation, et de gestion de tous les franchisés ».

Page 178: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

173

Cette appréciation objective du manquement grave a le mérite d’assurer la sécurité

juridique des relations contractuelles liant franchiseurs et franchisés595

. Néanmoins, elle

peut paraître restrictive. Le manquement grave peut ne pas tenir seulement à une

défaillance d’ordre matériel, mais aussi à une défaillance d’ordre comportemental596

.

Tel est, par exemple, le cas de la violation de l’obligation de bonne foi et de déloyauté.

Un tel manquement peut justifier que la résiliation du contrat de franchise intervienne

en dehors du juge. En effet, une telle appréciation subjective du manquement grave a

l’avantage de la souplesse. Elle peut embrasser les hypothèses où il s’agit d’un manque

de loyauté597

. Elle contribue ainsi au mouvement de moralisation des relations

contractuelles entre franchiseurs et franchisés598

. S’ajoute à cela, elle permet d’aligner le

régime de la résiliation unilatérale sur celui de la résiliation judiciaire puisque le fait

générateur de la résiliation sera, dans les deux matières, apprécié d’une manière presque

identique, alignement auquel une partie de la doctrine se montre favorable599

.

Qu’il soit apprécié de manière objective ou subjective, le manquement doit être

particulièrement grave, sinon, la responsabilité de l’auteur de la rupture du contrat de

franchise peut être engagée ultérieurement pour rupture irrégulière600

.

595

S. AMRANI-MEKKI, La résiliation unilatérale des contrats à durée déterminée, Defrénois 2003 , art.

37688, p.369, et spéc.,n° 21 , p.383 . 596

En ce sens, J. MESTRE et B. FAGES, obs. sous Cass. 1er

civ., 20 février 2001, RTD civ. 2001, p. 364.

Pour ces auteurs la gravité prise en compte pour justifier la résiliation unilatérale « ne s’attache pas toujours au caractère essentiel de l’obligation inexécutée et aux conséquences matérielles qui en résultent pour le créancier .Elle peut aussi tenir à des agissements plus personnels du débiteur liés par exemple à sa déloyauté manifeste ». 597

J. MESTRE et B. FAGES, obs.sous Cass. civ. 1er

, 20 février 2001, op.cit. 598

G. VIRASSAMY, La moralisation des contrats de distribution par la loi Doubin du 31 décembre 1989,

JCP E 1990, II, 15809. 599

V. E. SAVAUX, obs sous Cass. 1er

civ., 20 février 2001, Defrénois 2001, art.37365, p.705 : « on ne voit pas pourquoi le juge sanctionnerait une résolution dans des circonstances où il l’aurait lui-même prononcée ». De même, Y. LEQUETTE, La résolution unilatérale du contrat aux risques et périls des

créanciers, RDA. 2003, n° 1, p.149 : « ... on perçoit mal pourquoi le juge sanctionnerait un contractant d’avoir procédé à la résolution unilatérale d’un contrat dans un cas où lui-même l’aurait prononcée ».

Cette dernière observation est reprise par F. TERRE, Ph. SIMLER, Y. LEQUETTE, Les obligations,

Précis Dalloz, 9e édition, 2005, n°661, p.650. Contrario, v. J. ROCHFELD, Résolution et exception

d’inexécution, in Les concepts contractuels français à l’heure des principes du droit européen des

contrats, sous la dir.de P. Rémy-Corlay et D. Fenouillet, Dalloz, 2003, p.213, et spéc., p.220. L’auteur

plaide pour une appréciation objective du manquement ou du comportement grave justifiant la résiliation

unilatérale. Selon lui, « dès lors que le critère serait manié par le créancier et non plus par le juge, il serait nécessaire de lui donner un sens plus restreint et plus précis. L’idée fondamentale serait que, pour se passer de juge et abandonner l’appréciation à l’une des parties, il faut que le manquement soit facile à caractérise, qu’il soit « plus évidemment grave ». 600

Infra n°

Page 179: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

174

171. Contrôle judiciaire. Si une partie peut aujourd’hui rompre unilatéralement le

contrat avant même l’échéance du terme pour lequel il a été stipulé, cette rupture

unilatérale sera, en revanche, à ses risques et périls. Cela veut dire que le contractant,

qui a subi la résiliation unilatérale, peut saisir a posteriori le juge pour contester la

régularité de la résiliation. Dans l’hypothèse où la résiliation unilatérale paraît

injustifiée, la responsabilité de son auteur sera engagée601

.Ainsi, en cas de rupture

unilatérale prononcée par le franchiseur, le franchisé, qui se prétend victime d’une

rupture abusive, pourra postérieurement saisir le juge pour en contester la régularité. Ce

dernier va, en effet, vérifier le bien fondé de la résiliation.

S’il constate que la rupture prononcée par le franchiseur est justifiée par la gravité

de l’inexécution commise par le franchisé, à tel point que, s’il avait été saisi, il aurait

décidé du même sort, le juge ne pourra, dans ce cas, que constater la résiliation. Sa

décision d’admettre la validité de celle-ci ne sera, en effet, qu’une décision déclarative

et non constitutive602

. La résiliation du contrat de franchise était déjà encourue. A cet

égard, il est à noter que la résiliation unilatérale, faite par le franchiseur, entraîne la

destruction anticipée du contrat de franchise. Elle anéantit celui-ci pour le futur, c'est-à-

dire dès la date de l’intervention du manquement grave, à moins que ce manquement

n’ait lieu dès le début du contrat, alors, la résiliation se transforme en résolution en

effaçant rétroactivement le contrat de franchise. La solution est donc identique à celle

retenue en matière de résiliation judiciaire603

. A l’inverse, si le juge constate que les

motifs allégués par le franchiseur ne sont pas exacts, et que le manquement invoqué par

lui n’est pas d’une gravité suffisante pour lui permettre de rompre unilatéralement le

contrat, il engagera, alors, sa responsabilité pour rupture irrégulière.

601

V. P. STOFFEL-MUNCK, Le contrôle a posteriori de la résiliation unilatérale, in Rupture unilatérale

du contrat : vers un nouveau pouvoir, Dr et patr. mai 2004, n° 126, p.70. Egalement, Ch. ATIAS, « Les

« risques et périls » de l’exception d’inexécution : limites de la description normative », Dalloz, 2003,

doc.1103. 602

La décision du juge est réputée déclarative lorsqu’elle reconnaît l’existence d’un droit antérieur

contesté. En revanche, la décision du juge est considérée constitutive quant elle attribue des droits

nouveaux. Sur l’ensemble de la question v. L. MAZEAUD, De la distinction des jugements déclaratifs et

des jugements constitutifs de droits, RTD civ. 1928, p.17. 603

Supra n° 139, et s.

Page 180: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

175

Dans ce cas, le juge, qui dispose d’un pouvoir souverain quant à la détermination

de la sanction, peut soit prononcer la résiliation du contrat à ses torts et le condamner à

des dommages et intérêts, soit ordonner le maintien du contrat de franchise abusivement

rompu. Mais le plus souvent, les juges préfèrent la condamnation à des dommages et

intérêts de l’auteur de la rupture abusive à celle au maintien forcé du contrat604

.

172. Complicité d’un tiers. En principe, le contrat a une force obligatoire pour les

personnes qui y consentent puisqu’il est le fruit de leur volonté. Il ne peut produire effet

qu’entre ces mêmes parties. Il ne profite ni ne nuit aux tiers. Cette solution, consacrée

par 1165 du Code civil605

, s’explique par le principe de l’effet relatif des conventions606

,

principe dont le fondement peut se trouver dans l’autonomie de la volonté607

. Toutefois,

si, en vertu du principe de l’effet relatif des conventions, un tiers ne peut se voir imposé

l’exécution d’un contrat auquel il n’a pas participé, ce contrat lui étant néanmoins

opposable608

.

604

Infra n° 276 et s. 605

« Les conventions n’ont d’effet qu’entre les parties contractantes ; elles ne nuissent point au tiers, et elles ne lui profitent que dans le cas prévu par l’article 1121 ». 606

D. MAZEAUD, Contrat, responsabilité et tiers ( Du nouveau à l’horizon ), in Libre droit, Mélange. Ph.

Le TOURNEAU, Dalloz, 2008, p.745 et s ; M. GRIMALDI, Le contrat et les tiers, in Libres propos sur

les sources du droit, Mélanges. Ph. Jestaz, Dalloz, 2006, p.163 ; Ph. DIDIER, L’effet relatif, in Les

concepts contractuels français à l’heure des principes du droit européen des contrats, Dalloz, 2003, p.187 ;

M. BACACHE-GELLI, La relativité des conventions et les groupes de contrats, LGDJ, 2000, préface Y.

Lequette ; Ph. DELMAS-SAINT HILAIRE, Le tiers à l’acte juridique, la notion de partie, LGDJ, 2000,

préface J. Hauser. 607

M. GRIMALDI, op.cit., n° 5, p.167. L’effet relatif peut se justifier tant par des raisons théoriques que

pratiques D’abord, il s’explique par le principe très dogmatique de l’autonomie de la volonté, « car si l’on ne peut être lié que par sa propre volonté, comment pourrait-on l’être par un contrat auquel on est resté étranger ? ». Il s’explique aussi par « le souci pragmatique d’indépendance des individus, qui veut que chacun s’occupe de ses affaires et non de celles des autres ». 608

Sur l’opposabilité, M. GRIMALDI, Le contrat et les tiers, op.cit. ; R. WINTGEN, Etude critique de

l’opposabilité : les effets du contrat à l’égard des tiers en droit français et allemand, LGDJ, 2004, préf. J.

Ghestin ; J. DUCLOS, L’opposabilité, essai d’une théorie générale, LGDJ, 1984, préf. D. Martin ; I.

MARCHESSAUX, Rapport français, in Les effets du contrat à l’égard des tiers : comparaisons franco-

belges, sous la dir. J. Ghestin et M. Fontaine, LGDJ, 1992, p.67 ; G. VIRASSAMY, La connaissance et

l’opposabilité, in Les effets du contrat à l’égard des tiers : comparaisons franco-belges, sous la dir. J.

Ghestin et M. Fontaine, LGDJ, 1992, p.132.

Page 181: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

176

Cette opposabilité, qui est le complément de sa relativité609

, et qui signifie que le

contrat constitue un événement juridique610

, crée un nouvel ordre juridique que les tiers

doivent respecter, sous peine d’engage leur responsabilité délictuelle Il en résulte que

lorsqu’un tiers aide de manière directe ou indirecte le franchisé ou le franchiseur à

violer ses obligations, il engagera sa responsabilité extracontractuelle. C’est ainsi que,

dans arrêt du 23 janvier 2007, la Chambre commerciale a approuvé un arrêt d’appel qui

avait condamné in solidum un franchisé ayant fautivement résilié le contrat avant son

terme et un franchiseur tiers, sur le fondement de la concurrence déloyale, pour sa

complicité dans cette rupture irrégulière611

.

A cet égard, il est important de noter que, pour mettre en jeu la responsabilité d’un

tiers pour sa complicité d’une rupture fautive, il suffit d’établir la connaissance par lui

de l’existence du contrat violé. Autrement dit, la connaissance est une condition

nécessaire et suffisante de la responsabilité du tiers qui contracte en méconnaissance des

droits d’autrui. Une telle exigence « de la connaissance s’explique parfaitement puisque

la technique de l’opposabilité des contrats aux tiers repose implicitement sur le

mécanisme de la responsabilité civile. Celle-ci suppose nécessairement une faute qui

consistera à porter atteinte aux prévisions ou aux anticipations d’autrui en pleine

connaissance de la situation contractuelle engagée. L’opposabilité vient ainsi

incontestablement limiter la liberté d’action des tiers, désormais contraints de respecter

l’existence des conventions, ce qui suppose toutefois qu’ils en aient eu connaissance.

C’est en effet une règle de bon sens que l’on ne peut attendre ce respect que des tiers

informés.

609

M. GRIMALDI, Le contrat et les tiers, op.cit., n°13, p.174 et s : « Parce que le contrat n’a qu’un effet relatif, son exécution ne peut être exigée ni d’un tiers ni par un tiers : corollaire du respect des libertés individuelles, sa relativité cantonner aux parties le domaine du pouvoir de contrainte, que seuls le créancier et le débiteur peuvent exercer et subir. Mais parce que le contrat est opposable, son existence doit être respectée par les tiers et peut être invoquées par eux : corollaire de la légitimité du contrat et de sa place dans l’ordonnancement juridique, son opposabilité le pose comme un fait social erga omnes et pro omnes ». 610

D. MAZEAUD, Contrat, responsabilité et tiers (Du nouveau à l’horizon), op.cit., n° 3, p. p.746 et s ;

M. GRIMALDI, Le contrat et les tiers, op.cit ; O. DEBAT, Le contrat, source de responsabilité envers

les tiers, LPA, 23 septembre 2003, n° 190, p. 3 ; G. VIRASSAMY, La connaissance et l’opposabilité,

op.cit. 611

Cass. com., 23 janvier 2007, pourvoi n° 05-10.422.

Page 182: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

177

Et à la condition au surplus qu’ils ne disposent pas d’un droit légitime de nuire

qui ne peut être limité dans ses effets par la connaissance qu’ils ont de la situation

contractuelle préexistante »612

. La connaissance de l’existence du contrat par un tiers ne

peut être présumée613

. La jurisprudence rappelle souvent que le contractant, qui se

prétend victime de la complecité d’un tiers dans la violation des dispositions du contrat,

doit apporter la preuve que celui-ci connaissait l’existence de ce contrat lors de l’acte614

.

Guidés par le désire de préserver la stabilité des relations contractuelles, les juges

semblent toutefois avoir assouplir cette condition. Effectivement, ils n’hésitent pas, dans

certaines hypothèses, à présumer la connaissance d’un tiers, complice d’une rupture

fautive du contrat, de l’existence du contrat si certains éléments sont réunis615

. Ils vont

même parfois jusqu’à imposer à la charge du tiers une obligation générale de se

renseigner. Le non-respect de cette obligation engagera sa responsabilité délictuelle.

C’est ce qui a été jugé dans l’arrêt cité ci au-dessus. Dans ce dernier, les juges du fond

ont considéré que le franchiseur tiers avait le devoir de s’assurer que le candidat

franchisé est libre de tout engagement antérieur dans un autre groupe, et que la seule

stipulation, dans le contrat, selon laquelle le candidat devait se libérer lui-même de tout

engagement antérieur dans un autre groupe ne peut considérer que ce tiers s’est acquitté

de ce devoir.

612

G. VIRASSAMY, La connaissance et l’opposabilité, in Les effets du contrat à l’égard des tiers :

comparaisons franco-belges, sous la dir. J. Ghestin et M. Fontaine, LGDJ, 1992, p.132, et spéc., n° 147,

p.151. 613

G. VIRASSAMY, La connaissance et l’opposabilité, op.cit. 614

Voir par exemple, Cass. com., 12 mars 1963 ; D. 1963, p.367, note. J. ROBERT. En l’espèce, une

société française avait obtenu l’exclusivité de la distribution de magnétophones fabriqués par une société

allemande. Une seconde société commercialisait les mêmes produits en France. La première société

assignait alors la seconde devant le juge des référés. Pour sa défense, la société défenderesse faisait valoir

son ignorance de la convention d’exclusivité. Le juge des référés désignait un administrateur judiciaire

chargé d’appréhender les magnétophones et de les conserver pour le compte de qui il appartiendra au

motif qu’il reviendra « le cas échéant, à la société défenderesse d’établir sa bonne foi et son ignorance de l’existence du contrat d’exclusivité... devant le juge du principal ». La Cour de cassation censurait

cette motivation en relevant que la Cour d’appel avait « ainsi préjugé de l’opposabilité » à la société

défenderesse « d’un contrat auquel cette société n’était point partie ». Et elle affirma qu’il incombait au

demandeur d’établir la connaissance du contrat litigieux, et par conséquent, refuse de présumer que le

tiers pouvait connaître le contrat 615

Cass. com., 23 janvier 2007, précité. Dans cet arrêt, pour établir la connaissance du tiers franchiseur

complice de la rupture fautive du contrat de franchise due au franchisé, les juges ont retenu un faisceau

d’éléments. D’abord, sa qualité concurrente et professionnelle de haut niveau dans la distribution.

Ensuite, le fait qu’il était au courant que le franchiseur voulait former et modifier le réseau et que cette

perspective a amené certains franchisés à révéler leur intention dans la presse de se retirer du réseau.

Enfin que le contrat proposé au franchisé défaillant contenait une clause imposant à ce que ce dernier soit

libéré par lui-même de tout engagement antérieur dans un autre groupe.

Page 183: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

178

Pour échapper à toute responsabilité, le tiers franchiseur ou franchisé doit donc

rapporter la preuve qu’il a pris toutes les mesures nécessaires pour vérifier que le

franchisé candidat n’est pas lié par un autre contrat avec un autre franchiseur

concurrent.

173. Rôle du juge des référés. Pour éviter toute mauvaise surprise auquel peut donner

lieu un éventuel contrôle a posteriori du juge, il est conseillé au franchisé ou au

franchiseur qui s’estime victime d’une grave inexécution de la part du cocontractant,

soit de recourir au juge des référés pour constater la gravité de l’inexécution616

, soit de

ne recourir à la résiliation unilatérale qu’en présence d’un manquement particulièrement

grave, dépassant même le seuil de la gravité retenue en matière de résiliation

judiciaire617

. En procédant ainsi, il sera, peut être, à l’abri de toute condamnation à

laquelle pourrait donner lieu le contrôle a posteriori du juge en cas de contestation de la

légitimité de la résiliation. Il convient, enfin, de noter que, pour éviter toute censure

postérieure du juge, il ne suffit pas que l’auteur de la rupture du contrat de franchise

prouve la réalité d’un manquement grave, encore faut-il qu’il respecte certaines

procédures lors de la mise en œuvre de la rupture unilatérale.

2. Procédures à respecter lors de la résiliation du contrat

174. Obligation de notification. Parce que la résiliation unilatérale est un acte

unilatéral réceptice618

, c’est-à-dire qui exprime une volonté unique qui est celle du

contractant victime de l’inexécution grave, le franchiseur ou le franchisé qui entend

rompre le contrat doit notifier à son contractant sa volonté.

616

V. B. MELIN-SOUCRAMANIEN, Le juge des référés et le contrat, PAUM, 2000, préface. J. Mestre. 617

En ce sens, L. LEVENEUR, obs sous. Cass. civ. 1er

, 28 octobre 2003, Contrats. conc. conso., 2004,

comm. n° 4 , qui note que la gravité du comportement qui justifierait la rupture unilatérale ne saurait être

simplement celle qui permet la résolution judiciaire. Selon cet auteur, un degré supplémentaire doit être

atteint, sans quoi la règle posée à l’article 1184 al. 3 serait vidée de toute substance. 618

V. Ch. PAULIN, La clause résolutoire, LGDJ, 1996, préface, n° 212

Page 184: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

179

La décision de rupture doit, en effet, être portée officiellement à la connaissance du

contractant qui la subit619

. A vrai dire, une telle obligation, que la Chambre

commerciale a eu l’occasion d’affirmer en matière de droit bancaire620

, n’est en réalité

qu’une formalité minime. Elle a le mérite d’assurer la stabilité des relations

contractuelles en évitant que le contractant défaillant soit dans l’espoir de garder

toujours son contrat alors qu’en réalité il l’a perdu. Comme le relève un auteur : «

Autoriser le créancier à déclarer le contrat résolu sans recourir à une intervention

préalable du juge permettrait tout à foi de réduire le contentieux et d’autoriser le

créancier à contracter avec un tiers sans attendre le prononcé de la résolution par le

juge »621.

175. Obligation de mise en demeure ? On peut s’interroger sur la question de savoir si

le franchiseur ou le franchisé qui entend rompre unilatéralement le contrat pour cause de

manquement grave du cocontractant est tenu de mettre ce dernier en demeure avant de

procéder à la rupture622

.

La réponse paraît positive. Dans un arrêt du 9 novembre 2005, la Cour d’appel de

Paris a jugé que « celui qui entend se prévaloir d’une inexécution ne peut résilier la

convention, à ses risques et périls, qu’après une mise en demeure adressée à son

cocontractant, restée infructueuse, d’exécuter ses obligations »623

.

619

Sur la nécessité de la notification dans la résiliation unilatérale du contrat, v. Ch. JAMIN, Le

renouveau des sanctions contractuelles : pot-pourri introductif, in Le renouveau des sanctions

contractuelle, sous la dir. F. Collart-Dutilleul et C. Coulon, Economica, 2007, p.3, et spéc., n° 5, p.6. V.

aussi, Lamy droit du contrat, 2008, n° 462 ; L. AYNES, « Le droit de rompre unilatéralement : fondement

et perspectives », in Rupture unilatérale du contrat : vers un nouveau pouvoir, Dr. et patr. 2004, n° 126,

p.64. 620

Cass. cass., 26 novembre 2003, n°02-10.391, cité par L. AYNES, « Le droit de rompre

unilatéralement : fondement et perspectives », op.cit. Dans cet arrêt, la Chambre commerciale de la Cour

de cassation a jugé que, si dans certaines circonstances, la banque pouvait être dispensée de respecter un

préavis, elle ne pouvait jamais être dispensée de notifier par écrit sa décision de rupture. 621

Ch. JAMIN, Le renouveau des sanctions contractuelles : pot-pourri introductif, op.cit., n°5, p.6. 622

Sur la question de la mise en demeure en général, v. R. LIBCHABER, Demeure et mise en demeure en

droit français, Rapport français , in Les sanctions de l’inexécution des obligations contractuelles, Etude de

droit comparé, sous la dir. M. Fontaine et G. Viney, Bruylant, L.G.D.J, 2001, p.113 ; BERTRAND de

CONINCK, « La mise en demeure », Rapport Belge, in Les sanctions de l’inexécution des obligations

contractuelles, Etude de droit comparé, op.cit., p. 135 ; X. LAGARDE, Remarques sur l’actualité de la

mise en demeure , JCPG 1996, I, p.423. 623

CA Paris 9 novembre 2005, cité par Ch. JAMIN, Le renouveau des sanctions contractuelles : pot-

pourri introductif, in Le renouveau des sanctions contractuelle, sous la dir. F. Collart-Dutilleul et C.

Coulon, Economica, 2007, p.3, et spéc., p.6.

Page 185: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

180

En effet, une telle solution paraît justifiée. Le franchiseur ou le franchisé qui entend

rompre le contrat devrait être tenu de procéder à une ultime mise en demeure avant de le

faire. Le franchiseur, par exemple, victime d’une inexécution grave de la part du

franchisé, devrait avertir ce dernier que s’il persiste à ne pas exécuter ses engagements

ou à ne pas s’abstenir de se comporter de manière déloyale dans tel ou tel délai, le

contrat de franchise sera résilié à son initiative. Une telle obligation de mise en demeure

s’accommode parfaitement avec le régime de la résiliation unilatérale. En réalité, le

manquement grave, fondement de la résiliation unilatérale, ne s’attache pas à l’idée

d’un dommage imminent permettant à un contractant, par l’effet de l’urgence, de

rompre immédiatement le contrat. Il ne tient pas non plus forcément à celle que le

contrat a perdu tout intérêt, et par conséquent qu’il est trop tard de le sauver. Il peut

arriver qu’un contrat, bien que son équilibre ou son économie soit remis en cause du fait

de la défaillance de l’une des parties, garde encore un intérêt ou une certaine utilité, du

moins de manière provisoire. Dès lors, pourquoi n’oblige-t-on pas la partie, victime

d’un manquement grave, à envisager de le sauver par le biais de l’octroi d’une ultime

chance au contractant défaillant afin de remédier à l’inexécution de ses obligations ou

de corriger son comportement ?

Ainsi on pourrait préserver le lien contractuel dont l’organisme n’est pas

totalement mort, et donc éviter le préjudice parfois énorme résultant de la perte du

contrat, notamment quand il s’agit d’un contrat de franchise. Dans le même temps, on

pourrait atténuer la dangerosité et la crainte de la rupture unilatérale, vue comme une

sanction « insolite », et la restaurer comme une sanction « normale » à l’instar de la

résiliation judiciaire. Par ailleurs, la mise en demeure constitue un indéniable atout pour

les contractants sur le plan procédural. Conçue comme une sorte de « politesse

contractuelle »624, la mise en demeure est pour le franchisé ou le franchiseur, victime

d’une inexécution grave, un moyen de preuve de l’imputabilité de celle-ci au

cocontractant défaillant625

.

624

X. LAGARDE, « Remarques sur l’actualité de la mise en demeure », JCP G 1996, I, p.423. 625

R. LIBCHABER, « Demeure et mise en demeure en droit français », Rapport français, in Les

sanctions de l’inexécution des obligations contractuelles, Etude de droit comparé, sous la dir. M. Fontaine

et G. Viney, Bruylant, L.G.D.J, 2001, p.113, et spéc., n°18, p.129, qui observe que la mise en demeure

« tiendra lieu en justice de constat de carence du débiteur, et permettra d’en tirer les conséquences »625

.

BERTRAND DE CONINCK, « La mise en demeure », Rapport belge, in Les sanctions de l’inexécution

des obligations contractuelles, op.cit.,n° 5, p.137, pour qui la mise en demeure a une fonction de preuve

d’imputabilité : « Par la mise en demeure, le créancier ne se borne pas à informer et à avertir son

Page 186: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

181

Tous ces avantages de la mise en œuvre peuvent aujourd’hui expliquer pourquoi

celle-ci figure comme un principe dans certains projets de lois626

et dans plusieurs droits

étrangers627

. Reste à savoir maintenant si le franchiseur ou le franchise est tenu de

respecter un délai de préavis avant de procéder à la rupture du contrat.

176. Obligation de respecter un délai de préavis. Le temps peut parfois être un

moyen de protection utile pour les contractants. Dès lors, la question qui se pose est

celle de savoir si le franchiseur ou le franchisé, victime d’une inexécution grave, doit

respecter un délai de préavis avant de mettre fin au contrat.

Si l’on s’en tient à certains arrêts rendus en dehors du domaine de la franchise, la

réponse peut être positive. La première Chambre civile de la Cour de cassation a, dans

un arrêt du 13 octobre 1998, déclaré que la gravité du comportement justifiant la rupture

unilatérale du contrat n’est pas nécessairement « exclusive d’un délai de préavis »628.

De cet attendu, on pourrait en déduire que le franchiseur ou le franchisé peut être tenu

d’une obligation de préavis dans la rupture du contrat.

Cependant, il convient de noter que l’objectif de l’octroi d’un délai de préavis ici

n’est pas de permettre au franchisé ou au franchiseur défaillant « de se mettre en règle

et remédier à ses défaillances : tout est fini, la décision de la rupture du contrat de

franchise est déjà prise, le contrat est rompu »629. Il a seulement pour finalité de lui

permettre d’organiser les conséquences de cette rupture : organiser son entreprise,

réorienter son activité et trouver des solutions de remplacement afin d’assurer sa

reconversion.

débiteur ; en outre, il fixe préventivement l’imputabilité du manquement éventuel. Le créancier indique que la demeure ne trouve pas son origine dans son propre chef mais bien dans celui de son débiteur ». 626

Le rapport Catala propose d’introduire un nouveau cas de mise en demeure obligatoire à l’article 1158

de l’avant projet qui consacre la résolution unilatérale. Selon cet avant-projet, celle-ci n’est possible

qu’après une mise en demeure du débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai

raisonnable. 627

Ainsi en droit suisse dont l’art. L. L.107 du Code des obligations prévoit que la mise en demeure est

une exigence avant toute rupture du contrat. De même en droit anglais et américain dont les tribunaux

considèrent que l’inexécution insuffisamment grave devient essentielle et lorsqu’elle est consécutive au

délai accordé par le créancier. V. Y.-M. LAITHIER, Etude comparative des sanctions de l’inexécution du

contrat, LGDJ 2004, préface .H. Muir-Watt, n°203, p. 284 et s. 628

Cass. civ 1er

, 13 octobre 1998, D. 1999, p.197, note. Ch. JAMIN ; D. 1999, somm., comm.,115, note.

Ph. DELEBECQUE ; Defrénois.1999, p. 374, note. D. MAZEAUD. 629

L. AYNES, Le droit de rompre unilatéralement : fondement et perspectives, in Rupture unilatérale du

contrat : vers un nouveau pouvoir, Dr.et patr, 2004, n° 126, p. 64, et spéc., p.67.

Page 187: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

182

177. La question de l’obligation de motivation de la rupture. La question, là, est de

savoir si le franchiseur ou le franchisé mettant fin unilatéralement au contrat doit

motiver sa décision de le rompre. En principe, la théorie générale des obligations ne

connaît pas d’obligation de motivation des actes juridiques630

. En ce qui concerne la

résiliation unilatérale dans les contrats à durée déterminée, la solution semble moins

nette. La jurisprudence n’exige pas, pour qu’une résiliation soit valable, qu’elle soit

motivée par son auteur631

.

Pour autant, une partie de la doctrine considère que, compte tenu du pouvoir

exorbitant de rompre unilatéralement le contrat et afin de ne pas nuire à sa force

obligatoire, le contractant qui entend rompre le lien contractuel devrait être tenu d’une

obligation de motiver sa décision632

. Cette analyse mérite, nous semble-t-il, d’être

retenue, notamment dans le domaine des contrats de situation parmi lesquels figure le

contrat de franchise au premier rang. Le franchiseur, par exemple, rompant

unilatéralement et par son propre chef le contrat de franchise devrait motiver sa

décision. Il devrait expliquer au franchisé les raisons pour lesquelles il est amené à agir

ainsi. Cette solution peut se justifier par l’idée selon laquelle « la motivation constitue

une exigence propre au pouvoir »633. Elle peut se justifier aussi par la volonté d’éviter

que le contrat de franchise ne soit remis en cause arbitrairement. En effet, la motivation

de la décision de la rupture peut être vue comme « un garde-fou utile et efficace »634.

Elle peut constituer un instrument de contrôle efficace du pouvoir unilatéral que détient

un franchiseur ou un franchisé sur le sort du contrat635

.

630

V.C GORGAS-BERNARD, La résiliation unilatérale du contrat à durée déterminée, PAUM, 2006,

préface. Ch. Jamin, n°478, p.235 et s. Voir également, Obligation de motivation et droit des contrats,

RDC. 2004, p.555 et s ; X . LAGARDE, La motivation des actes juridiques, in La motivation, TAHC

(Travaux de l’Association Henri Capitant), LGDJ, 2000, p.73 ; M. Fabre-Magnan, L’obligation de

motivation en droit des contrats, in Le contrat au début de XXIe siècle, Mélanges J. Ghestin , LGDJ ,

2001 , p.301. 631

C. GORGAS-BERNARD, th., précitée, n° 507, p.246 632

S. AMRANI-MEKKI, La résiliation unilatérale des contrats à durée déterminée, Defrénois 2003,

art.37688, p.369, et spéc., 39 ; L. AYNES, Le droit de rompre unilatéralement : fondement et

perspectives , op.cit., p.67. 633

P. LOKIEC, Contrat et pouvoir, LGDJ, 2004, préface. A. Lyon-Caen, n° 352, p.257. 634

S. AMRANI-MEKKI, La résiliation unilatérale des contrats à durée déterminée, Defrénois 2003,

art.37688, p.369, et spéc., 39. 635

D. MAZEAUD, « Durées et ruptures » in Durée et exécution du contrat, op.cit ; P. LOKIEC, th.,

précitée., n° 353 , p.257.

Page 188: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

183

Toutefois, il est à noter que la motivation par l’auteur de sa décision de rupture

n’est en réalité qu’une précaution faible, pour ne pas dire inutile636

, puisque le juge va,

en cas de contestation, vérifier lui-même postérieurement le bien fondé de la rupture

unilatérale. Le véritable intérêt de la motivation réside, nous semble-t-il, dans sa

fonction préventive. Elle pourrait obliger le contractant qui entend rompre le contrat de

franchise à réfléchir à sa décision avant de passer à l’acte, ce qui conduirait, par

conséquent, à éviter ou, à tout le moins, atténuer, le risque de rupture arbitraire du

contrat.

178. Conclusion de la section II. Chacune des parties à un contrat de franchise peut

rompre unilatéralement le contrat, et avant même que le terme extinctif

contractuellement fixé, si son cocontractant n’exécute pas l’une des obligations

sanctionnées par une clause résolutoire clairement stipulée dans le contrat ou lorsqu’il

manque gravement à ses obligations. Dans l’une ou l’autre des hypothèses, le contrat de

franchise est résilié pour l’avenir, sauf s’il y a absence d’exécution ou exécution

imparfaite dès l’origine. Dans cette hypothèse, la résiliation peut se transformer en

résolution et anéantir rétroactivement le contrat dès son origine.

636

En ce sens, E. SAVAUX, obs. sous Cass.civ.1er

, 20 février 2001, Defrénois 2001, art.37365, p.705.

Pour l’auteur, il s’agit d’une précaution inutile eu égard au contrôle a posteriori du juge.

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184

179. Conclusion du chapitre I. Evènement futur et certain, l’inexécution par le

franchiseur ou le franchisé de ses obligations remet en cause l’équilibre contractuel que

crée le contrat de franchise lors de sa conclusion. Elle fera obstacle à la réalisation du

but de la franchise qui consiste dans la réitération du succès du franchiseur. Et par

conséquent, elle sera sanctionnée par l’anéantissement du contrat aux torts exclusifs du

contractant défaillant. Qu’elle soit prononcée par le juge à la demande du contractant

qui s’estime victime d’une inexécution ou procédée par la volonté unilatérale de l’une

des parties contractantes, la résiliation entraîne la fin anticipée des relations

contractuelles liant le franchiseur et le franchisé. Elle supprime le contrat de franchise

dès le moment de l’intervention de l’inexécution, et parfois avec un effet rétroactif s’il y

a une absence d’une inexécution du contrat de franchise ou une inexécution mais

imparfaite dès l’origine. Notons, enfin, que la résiliation du contrat de franchise peut

être intervenue pour cause autre que l’inexécution du contrat.

Page 190: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

185

CHAPITRE II - EXTINCTION ANTICIPÉE DU CONTRAT DE FRANCHISE

POUR CAUSE AUTRE QUE L’INEXECUTION

180. Causes d’extinction extérieures et causes d’extinction inhérentes aux parties.

De multiples événements peuvent survenir, lors de l’exécution du contrat de franchise,

pour produire un effet extinctif sur le rapport contractuel liant le franchiseur au

franchisé. Certains de ces évènements sont extérieurs aux parties contractantes (Section

I). D’autres, au contraire, y sont liés (Section II).

Page 191: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

186

SECTION I - DISPARITION DU CONTRAT POUR CAUSES EXTERIEURES

AUX PARTIES

181. Force majeure et hardship. Le contrat de franchise peut parfois subir « les

meurtrissures du temps »637

. Certains événements peuvent survenir, postérieurement à

sa formation, rendant impossible son exécution. D’autres surviennent rendant non

impossible l’exécution du contrat de franchise, mais très difficile et très coûteuse pour

l’une des parties. Dans ces deux hypothèses, se pose le délicat problème de la

continuation ou de la cessation du contrat. On s’interroge, en effet, sur le sort du contrat

de franchise en pareilles circonstances. La question ne fait pas de difficultés lorsqu’il

s’agit d’un évènement de force majeure. Celui-ci emporte l’extinction du contrat de

franchise dès lors qu’il rend définitivement impossible son exécution (§ 1). En

revanche, l’extinction paraît incertaine lorsqu’il s’agit d’un évènement de hardship (§

2).

§ 1. Extinction certaine du contrat en cas de force majeure

182. Plan. Avant d’étudier les effets de la force majeure sur le contrat de franchise (B),

il convient tout d’abord de savoir quels sont les critères de celle-ci (A).

A. Critères de la force majeure

183. Caractères cumulatifs. Un évènement quelconque ne peut être qualifié de force

majeure ayant un effet exonératoire que s’il remplit cumulativement trois critères :

l’irrésistibilité, l’imprévisibilité et l’extériorité.

637

P. DURAND, La tendance à la stabilité du rapport contractuel, LGDJ, 1960, préface, p. III.

Page 192: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

187

1. L’irrésistibilité

184. Elément fondamental. Classiquement, pour qu’un événement puisse constitué une

force majeure, il faut qu’il soit irrésistible638

. Ce caractère d’irrésistibilité, élément

prééminent de la force majeure correspond à l’impossibilité pour le débiteur de mettre

en œuvre les moyens nécessaires pour exécuter le contrat au moment où l’événement

survient639

. Ainsi, si l’empêchement ou l’obstacle à l’exécution du contrat de franchise

se révèle insurmontable par le franchisé ou le franchiseur, celui-ci sera exonéré de toute

responsabilité pour ne pas avoir à exécuté ses obligations. A l’impossible nul n’est tenu

« impossibilium nulla obligatio »640

, « ce qui est insupportable ne peut être de

droit »641, « l’engagement qui sort du domaine des possibilités humaines sort en même

temps du domaine du droit »642. En revanche, si cet obstacle est surmonté ou évité par

lui, sa responsabilité ne sera pas écartée. En pareille hypothèse, il est tenu pour

responsable de n’avoir pas exécuté ses engagements puisqu’il peut éviter l’inexécution

du contrat.

185. Appréciation. Quant à l’appréciation de l’irrésistibilité, celle-ci s’apprécie in

abstracto. On ne recherche pas si le franchisé ou le franchiseur, lui-même, pouvait

surmonter l’évènement, mais si un autre contractant moyen placé dans les mêmes

circonstances aurait pu normalement y résister643

. Les juges tiennent compte alors de

toutes les circonstances, de temps, de lieu, des circonstances économiques, sociales,

politiques ainsi que des moyens dont le franchisé ou le franchiseur disposait pour

résister à l’évènement644

. A coté du caractère irrésistible, les juges exigent, pour la

qualification de la force majeure, que l’évènement exonératoire soit imprévu.

638

Ph. Le TOURNEAU, Droit de la responsabilité et des contrats, Dalloz , 2006/2007, n° 1807 ; Ph.

MALAURIE, L. AYNES, Ph. STOFFEL-MUNCK, Droit civil, Les obligations, Defrénois, 3e édition,

2007, n° 954, p.513 ; J. FLOUR, J.-L. AUBERT, Y. FLOUR, E. SAVAUX, Les obligations, Le rapport

d’obligation, Sirey, 4e édition, 2006, n° 209, p.156 ; P.-H. ANTONMATTEI, Contribution à l’étude de la

force majeure, LGDJ, 1992, préface B. Teyssié n°77, p.58 et s. 639

V. Ph. Le TOURNEAU, Droit de la responsabilité et des contrats, op.cit., n° 1809. 640

R. FIATTE, Les effets de la force majeure, th., Paris 1932, p.13 et s. 641

H. ROLAND et L. BOYER, Adages du droit français, Litec , 4e édition, n° 18, p.25.

642 C. MOULY, Les causes d’extinction du cautionnement, préface. M. Cabrillac, Bibl. dr entr. 1980,

n°177, p.216. 643

Ph. Le TOURNEAU, Droit de la responsabilité et des contrats, Dalloz, 2006/2007, n° 1808 ; G.

VINEY et P. JOURDIN, Traité de droit civil, Les conditions de la responsabilité, LGDJ, 3e édition, 2006,

n° 398, p.274. 644

P.-H. ANTONMATTEI, th., précitée, n° 100, p.71 et s : « Le temps et le lieu influencent aussi l’appréciation des événements humains. Les magistrats sont fort justement sensibles à la situation

Page 193: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

188

2. L’imprévisibilité

186. Deuxième critère. Le deuxième critère requis pour qu’un évènement constitue un

cas de force majeure est qu’il soit imprévisible645

. Celui-ci suppose que l’évènement

empêchant l’exécution du contrat ne pouvait être prévu par le franchisé ou le

franchiseur lors de sa conclusion. Si celui-ci avait pu prévoir l’évènement empêchant

l’exécution du contrat, il serait en faute de ne pas avoir pris les mesures nécessaires afin

d’y parer646

. En pareille hypothèse, il sera reproché d’avoir pris un engagement tout en

sachant que ce dernier pourrait devenir irréalisable647

.

187. Appréciation. Quant à l’appréciation de l’imprévisibilité, la jurisprudence se livre

en principe à une appréciation in abstracto. Elle exige un évènement « normalement »

imprévisible ou « raisonnablement » 648 imprévisible, non au moment où il survient,

mais au moment de la conclusion du contrat. « Car promettre tout en prévoyant

raisonnablement qu’il est possible que survienne telle impossibilité d’exécution, c’est

accepter de ne pas invoquer la force majeure »649

. Toutefois, il faut noter que rein

n’empêche que le juge se livre à une appréciation in concreto pour déterminer si

l’empêchement d’exécution constitue un évènement prévisible ou non650

.

politique du pays ou se déroulent vols à main armée, émeutes, guerre civile ». V. aussi, G. VINEY et P.

JOURDIN, op.cit. 645

Ph. Le TOURNEAU, Droit de la responsabilité et des contrats, Dalloz, 2006/2007, n° 1813 ; Ph.

MALAURIE, L. AYNES, Ph. STOFFEL-MUNCK, Droit civil, Les obligations, Defrénois, 3e édition,

2007, n° 952, p.512 ; J. FLOUR, J.-L. AUBERT, Y. FLOUR, E. SAVAUX, Les obligations, Le rapport

d’obligation, Sirey, 4e édition, 2006, n° 209, p.156.P.-H. ANTONMATTEI, Contribution à l’étude de la

force majeure, LGDJ, 1992, préface B. Teyssié. De même, J. MESTRE, Force majeure et sort du lien

contractuel, RTD civ. 1990, 658. 646

Cass. ass. Plén., 14 avril 2006, n° 02-11.168 ; D. 2006, p.1577, note. P. JOURDAIN ; Defrénois 2006,

p.1212, note. E. SAVAUX ; Dr. et patri. 2006, p. 98, obs. Ph. STOFFEL-MUNCK; RDC. 2006, 1207,

obs. G. VINEY; RDCL. 2006, n° 2129, note. M. MEKKI. Egalement, cass. 1er

civ, 21 novembre 2006, n°

05-10. 783 ; Contrats. conc., consom. 2007, comm. 89, note. L. LEVENEUR. 647

Ph. MALAURIE, L. AYNES, Ph. STOFFEL-MUNCK, op.cit., n° 955, p.514 : « S’il avait pu être prévu lors de la conclusion du contrat, le débiteur n’aurait pas dû s’engager sans autre précaution ». 648

Ph. MALAURIE, L. AYNES, Ph. STOFFEL-MUNCK, op.cit. Ph. STOFFEL-MUNCK, obs sous

Cass.1er

civ., 6 novembre 2002 et Cass.soc., 12 février 2003, RDC. 2004/ 1, p.59. L’auteur observe

qu’ « il convient de se demander si l’empêchement en cause est un risque que le débiteur doit assumer au regard des diligences qu’on était en droit d’attendre de lui ou si cet empêchement est de nature telle que nul créancier raisonnable n’aurait, dans le contexte particulier de la formation du contrat, envisagé que le débiteur devrait en répondre » 649

Ph. MALAURIE, L. AYNES, Ph. STOFFEL-MUNCK, op.cit. 650

V. Lamy droit du contrat, 2007, n° 380 – 55.

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189

188. Un obscurcissement et un éclaircissement quant à l’exigence de

l’imprévisibilité. A propos de l’imprévisibilité, une tendance jurisprudentielle était

apparue consistant à faire de l’irrésistibilité « le critère fondamental de l’exonération

pour cause de force majeure, même dans les cas où il n’y avait peut-être pas

imprévisibilité et extériorité »651

. En effet, la première chambre civile ainsi que la

chambre commerciale de la cour de cassation se sont écartées, pendant quelque temps,

de la conception classique de la force majeure. Elles admettaient la qualification de la

force majeure de l’événement dès lors que le débiteur se trouve irrésistiblement

empêché d’exécuter ses obligations.

Ces deux chambres ont, à plusieurs reprises, déclaré que « l’irrésistibilité de

l’évènement est, à elle seule, constitutive de la force majeure lorsque sa prévision ne

saurait permettre d’en empêcher les effets, sous réserve que le débiteur ait pris toutes

les mesures requises pour éviter la réalisation de l’événement»652.

Une telle tendance jurisprudentielle, approuvée par certains auteurs653

, peut se

comprendre lorsque l’évènement, bien qu’il soit prévisible, paraît irrésistible et que le

débiteur a tenté d’en prévenir la survenance654

. En pareille hypothèse, l’imprévisibilité

n’est qu’« une exigence accessoire qui, comme telle, n’est pas toujours nécessaire »655.

651

Ph. MALINVAUD, Droit des obligations, Litec, 9e édition, 2005, n° 697, p.427 et s.

652 Cass. com., 1

e octobre 1997, RJDA. 1997, n° 1317 ; RDT civ. 1998, p.121, obs. P. JOURDAIN ;Cass.

com., 29 mai 2001, Bull.civ., IV, n° 199 ; Cass. 1er

civ., 6 novembre 2002, RTD civ. 2003, p.301, obs. P.

JOURDAIN ; RDC 2003, p.59, obs. Ph. STOFFEL-MUNCK. V. aussi, G. VINEY et P. JOURDIN,

Traité de droit civil, Les conditions de la responsabilité, LGDJ, 3e édition, 2006, n° 396, p. 270 et la

nombreuse jurisprudence citée. 653

P.-H. ANTONMATTEI, Contribution à l’étude de la force majeure, LGDJ, 1992, préface B. Teyssié,

n° n°90, p.66. L’idée invoquée par cet auteur est qu’un évènement peut être à la fois prévisible et

irrésistible et qu’il ne serait pas opportun de refuser l’exonération au seul motif que le sujet pouvait

prévoir un obstacle que de toute façon il ne pouvait ni éviter ni surmonter. Il observait que

l’imprévisibilité n’est pas inhérente à la qualification de la force majeure. Et que sauf à jouer le rôle

d’indice de l’inévitabilité, l’imprévisibilité doit être écartée de la qualification de force majeure. 654

.G. VINEY et P. JOURDIN, Traité de droit civil, Les conditions de la responsabilité, LGDJ, 3e édition,

2006, n° 396, p.270, et spéc., p.272 : « « La solution est logique. Dès lors qu’à l’irrésistibilité de l’évènement, appréciée au moment où il se produit, s’ajoute l’impossibilité d’en empêcher la réalisation et d’en éviter les effets, la force majeure doit être admise, même si l’évènement n’échappant pas à toute prévision. La condition d’imprévisibilité ne réapparaît que lorsque la prévision de l’événement peut permettre, par la mise en œuvre de moyens appropriés, d’éviter ses effets préjudiciables. En somme, soit l’évènement invoqué, ou ses effets dommageables, pouvaient être évités à condition d’avoir été prévus, et l’imprévisibilité doit logiquement être exigée ; mais elle est plutôt un indice de l’irrésistibilité qu’une condition vraiment autonome de la force majeure. Soit l’évènement et ses effets ne pouvaient de toute façon pas être évités, quelles que soient les précautions prises et, dans ce cas, exiger l’imprévisibilité n’a plus de sens ; l’irrésistibilité suffit, accompagnée de l’inévitabilité. De sorte que la force majeure est, en définitive, un événement irrésistible que l’agent ne pouvait prévoir ou dont il ne pouvait éviter les effets dommageables par des mesures appropriées ». V. aussi J. FLOUR, J.-L. AUBERT, Y. FLOUR, E.

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190

Néanmoins, elle a suscité des interrogations sur le fait de savoir si l’imprévisibilité

est encore une condition de l’imprévisibilité656

.

Mais, une telle ambiguïté semble aujourd’hui être levée. Un arrêt de l’Assemblée

plénière a rappelé de l’importance du caractère de l’imprévisibilité dans la qualification

de force majeure. Il a défini la force majeure comme « l’évènement présentant un

caractère imprévisible lors de la conclusion du contrat et irrésistible dans son

exécution »657

. Notons, enfin, qu’il ne suffit pas, pour que l’évènement constitue une

force majeure, qu’il soit irrésistible et imprévisible, encore faut-il qu’il ne soit pas

imputable au débiteur.

3. L’extériorité

189. Fait non imputable au contractant. Le troisième et dernier critère requis pour

qu’un évènement constitue une force majeure est qu’il soit extérieur au débiteur, sinon

il lui serait imputable et engagerait sa responsabilité658

.

Il en résulte que l’impossibilité d’exécution du contrat de franchise ne sera pas de

nature à exonérer le franchisé ou le franchiseur de sa responsabilité s’il s’avère que son

fait est à l’origine de celle-ci. En pareille hypothèse, celui-ci serait tenu pour

responsable. Tel peut être, par exemple, le cas, en matière de franchise industrielle ou

de restauration rapide, lorsque l’impossibilité d’exécution du contrat par le franchisé ou

le franchiseur est due à la fermeture définitive du magasin par décision administrative

en raison du manquement répété à des règles de santé publique.

SAVAUX , Droit civil, Les obligations, Le rapport d’obligation, Sirey, 4

e édition, 2006, n° 209, p.156. J.

MOURY, Force majeure : éloge de la sobriété, RTD civ. 2004, p.471. 655

J. FLOUR, J -L. AUBERT, Y. FLOUR, E. SAVAUX, op.cit. 656

V. en ce sens, J. COLONNA, L’imprévisibilité est-elle encore une condition de la force majeure en

matière contractuelle ? RRJ. 2004-1, p.541 et s. 657

Cass. ass. Plén., 14 avril 2006, n° 02-11.168 ; D. 2006, p.1577, notre. P. JOURDAIN ; Dr et p. 2006,

p.98, obs. Ph. STOFFEL-MUNCK; RDC. 2006, 1207, obs. G. VINEY ; RDCL 2006, n° 2129, note. M.

MEKKI 658

Ph. Le TOURNEAU, Droit de la responsabilité et des contrats, Dalloz, 2006/2007, n°1816 ; Ph.

MALAURIE, L. AYNES, Ph. STOFFEL-MUNCK, n° 956, p. 514 ; I. GUYOT, Le caractère extérieur de

la force majeure, RRJ. 2002-1, p.213 V.aussi, G. VINEY et P. JOURDIN, Traité de droit civil, Les

conditions de la responsabilité, LGDJ, 3e édition, 2006, n° 385, p.253 et spéc., p. 254 .Pour ces auteurs, la

condition d’extériorité imposée par la jurisprudence est inhérente à la notion de cause étrangère, « car elle signifie tout simplement que le défendeur ne peut invoquer, pour échapper à sa responsabilité ni un fait qu’il aurait lui-même provoqué ou à l’origine duquel il serait, ni un fait dont une règle juridique quelconque lui impose précisément de garantir les conséquences dommageables pour les tiers ».

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191

Tel peut être aussi le cas lorsqu’il y a déchéance du brevet du franchiseur

consécutive au non paiement des redevances. Dans toutes ces hypothèses, le contractant

est tenu pour responsable de l’inexécution du contrat, étant donné que l’évènement

empêchant l’exécution du contrat est dû par sa faute.

Comme le relève un auteur : « Seule, en effet, une impossibilité non fautive

d’exécuter éteint l’obligation. A défaut, l’obligation survit pour laisser place à une

obligation de réparer distincte de cette dernière et qui s’y substitue »659

. Reste à

souligner qu’une fois que l’évènement remplit cumulativement les trois critères, de

l’irrésistibilité, de l’imprévisibilité, et l’extériorité, il doit développe un effet extinctif du

le contrat de franchise.

B. L’effet extinctif de la force majeure

190. Effet extinctif et mécanisme d’extinction. S’il ne fait pas le moindre doute que la

force majeure emporte extinction immédiate du contrat de franchise (1), il convient

néanmoins de s’interroger sur le mécanisme de cette extinction (2).

1. Extinction a effet immédiat

191. Suspension du contrat en cas d’impossibilité d’exécution provisoire. L’impact

de la force majeure sur le contrat de franchise varie en fonction de l’impossibilité

d’exécution quand celle-ci est temporaire ou définitive. En cas d’impossibilité

momentanée d’exécution, l’évènement de force majeure n’emporte pas l’extinction du

contrat de franchise, mais seulement sa suspension660

. Le contrat est considéré suspendu

pendant le temps de l’impossibilité d’exécution. « Pendant cette période, le contrat est

relâché, n’est plus « en vigueur » ; mais il existe toujours et sa reprise se fera

automatiquement dès qu’elle sera possible »661

.

659

P.-H. ANTONMATTEI, Contribution à l’étude de la force majeure, LGDJ, 1992, préface B. Teyssié,

n° 218, p.157. 660

V. Cass. civ. 3e., 22 février 2006, pourvoi n° 05- 12. 032 ; RDC. 2006, p. 1487, obs. Y.-M.

LAITHIER. 661

A. BENABENT, Droit civil, Les obligations, Montchrestien, 11e édition, 2007, n°339, p.264. V. aussi,

Ch. LARROUMET, Les obligations, Le contrat, t.III, Economica, 5e édition, 2003, n° 272, p. 841 : « En

Page 197: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

192

Par voie de conséquence, le franchisé ou le franchiseur, empêché d’exécuter ses

obligations, n’est exonéré de sa responsabilité que pendant le temps qu’il a été empêché.

Il n’est exonéré de l’inexécution de ses engagements qu’à la mesure temporelle de

l’empêchement sur lequel elle est fondée. En effet, lorsque l’impossibilité d’exécution

n’est que provisoire, la force obligatoire du contrat ainsi que l’espoir d’une exécution

utile de celui-ci s’opposent à la libération définitive du contractant tant qu’il y a

toujours une chance, même minime, que l’exécution du contrat redevienne possible.

192. Extinction du contrat en cas d’impossibilité définitive. En revanche, lorsque

l’impossibilité d’exécution est définitive, l’évènement de force majeure emporte

l’extinction anticipée du contrat de franchise662

. Il développe, à ce titre, un effet

extinctif immédiat sur le contrat de franchise aussitôt qu’il intervient663

. Celui-ci sera

considéré comme éteint dès l’instant de la réalisation de la force majeure. A partir de

cette date, le contrat perd son pouvoir de créer de nouvelles obligations.

Toutes les obligations qui sont déjà nées sont aussi éteintes à cette date, sauf les

obligations qui produisent des effets post-contractuels, telles que l’obligation de non-

concurrence et l’obligation de confidentialité. Celles-ci seront maintenues en dépit de la

fin du contrat, à moins que la force majeure ne les prive de leur objet. En cas de groupe

de contrats ou de chaîne de contrats, l’effet extinctif que produit la force majeure à

l’égard du contrat de franchise va rejaillir sur les autres contrats qui y sont liés. Ainsi,

par exemple, lorsque c’est le contrat de franchise principale qui est éteint par la

survenance de la force majeure, le sous-contrat de franchise s’éteint aussi. Ce dernier

devient en effet sans cause664

. Ce n’est là que la simple application de la règle selon

laquelle l’accessoire suit le principal665

. La force majeure libère définitivement le

franchisé ou le franchiseur débiteur de son obligation et le dispense de tout versement

des dommages et intérêts au profit de son cocontractant.

effet, lorsque l’exécution redevient possible au bout d’un délai raisonnable, il n’y a pas de raison de considérer que le débiteur est libéré ». 662

J. MESTRE, Force majeure et sort du lien contractuel, RTD civ. 1990, p.658. Egalement, P.-H.

ANTONMATTEI, Contribution à l’étude de la force majeure, LGDJ, 1992, préface B. Teyssié, n° 215,

p.156 et s. 663

V. P.-H. ANTONMATTEI, th., précitée., n° 240, p.172 et s. 664

V. J. NERET, Le sous-contrat, LGDJ 1979, préface P. Catala, n° 168 et s. 665

Ibid.

Page 198: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

193

Corrélativement, ce dernier se trouve libéré de ses obligations qui sont devenues

sans cause666

. Toutefois, il convient, finalement, de noter que si le fait que la force

majeure entraîne l’extinction immédiate du contrat ne saurait susciter le moindre doute,

il y a bien une querelle sur le mécanisme de cette extinction

2. Mécanisme d’extinction

193. Caducité ou résiliation ? L’impossibilité d’exécution du contrat de franchise due

à la survenance d’un cas de force majeure emporte l’extinction anticipée de celui-ci.

Cela ne fait aucune difficulté. Cependant, il en serait s’agissant du mécanisme de cette

extinction. Faut-il attacher l’extinction du contrat de franchise, en cas de force majeure,

au mécanisme de la caducité ? Faut-il, au contraire, la fonder sur la résiliation ou la

résolution ?

Si l’on examine la jurisprudence, on constate que celle-ci paraît moins nette sur la

qualification juridique de l’extinction du contrat en cas de force majeure. Dans un

premier temps, la jurisprudence privilégiait le recours à la résolution ou à la résiliation

judiciaire pour expliquer l’extinction du contrat en cas de survenance d’un événement

de force majeure rendant impossible son exécution667

. Selon elle, l’article 1184 du Code

civil est général et ne distingue pas entre l’inexécution résultant d’un cas fortuit et celle

provenant de la faute du débiteur668

. Certains auteurs approuvent cette jurisprudence. Ils

considèrent que l’inexécution fortuite doit être soumise au même régime que

l’inexécution fautive669

. D’autres, représentant la majorité des auteurs, au contraire,

l’ont critiquée en considérant qu’elle confond l’inexécution fautive dont le domine

relève de la résiliation ou de la résolution judiciaire et l’inexécution fortuite relevant de

la théorie des risques670

.

666

V en ce sens, A. CERMOLACCE, Cause et exécution du contrat, PUAM, 2001, préface J. Mestre, n°

428, p.253 et s. 667

Cass. 1er

civ., 12 mars 1985, RTD civ. 1986, p. 245, obs. J. MESTRE. 668

J. MESTRE, obs. sous Cass. 1er

civ., 12 mars 1985, précité. 669

F. TERRE, Ph. SIMLER, et Y. LEQUETTE, Droit civil, Les obligations, Dalloz, 9e édition, 2005,

n°650, p.637. 670

V. J. CARBONNIER, Droit civil, Les obligations, tom 4, PUF, 22e édition, 2000, n° 186, p.341 : «Si

l’inexécution provient d’une cause étrangère non imputable au débiteur, et nommément d’une force majeure, la résolution de l’a. 1184 n’est plus à sa place. Sans doute, dans un contrat synallagmatique une des obligations se trouvant ainsi éteinte par l’impossibilité fortuite de l’exécuter, l’autre doit

Page 199: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

194

Ce dernier courant doctrinal n’a pas été sans influence sur la jurisprudence671

.

Sensible aux critiques qui lui ont été adressées, la jurisprudence a, ensuite, atténué sa

position. Se fondant sur la théorie des risques, la jurisprudence a affirmé qu’en cas

d’impossibilité d’exécution par suite d’un évènement de force majeure, le contrat

s’éteint de plein droit sans l’intervention du juge672

. Pourtant, la jurisprudence

n’explique pas s’il s’agit d’un cas de caducité ou d’un cas de résiliation. Quant à la

doctrine, celle-ci est divisée. Certains auteurs considèrent qu’en cas de survenance d’un

évènement de force majeure rendant impossible l’exécution d’un contrat, l’extinction de

celui-ci procède du mécanisme de la résolution ou de la résiliation673

. A l’opposé,

d’autres auteurs estiment que l’extinction du contrat en cas de force majeure doit être

attachée au mécanisme de la caducité674

.

194. La caducité, mécanisme d’extinction opportun. Pour notre part, nous estimons

que le recours au mécanisme de la caducité pour expliquer l’extinction du contrat en cas

de force majeure paraît opportun, étant donné que l’empêchement est dû en dehors de la

volonté des parties. La résiliation ou la résolution, comme une technique d’extinction du

rapport contractuel, doit être réservé aux cas où l’inexécution du contrat a pour origine

une faute ou toute autre cause imputable aux parties.

normalement s’éteindre aussi. Mais c’est l’application d’une autre théorie, celle des risques. Il y a là deux mécanisme distincts, respectivement applicables à l’inexécution fautive et à l’inexécution fortuite, et qui suivent des règles différentes ». J. FLOUR, J -L. AUBERT, Y. FLOUR et E. SAVAUX, Droit civil,

Les obligations, Le rapport d’obligation, Sirey, 4e édition, 2006, n° 249, p.186 et s ; J. GHESTIN, Ch.

JAMIN, M. BILLIAU, Traité de droit civil, Les effets du contrat, 3e édition, LGDJ, 2001, n° 639, p.680 et

s. 671

Sur l’influence de la doctrine en droit positif, v. G. DECOCQ, Réflexion sur l’influence doctrinale, in

Libres propos sur les sources du droit, Mélanges. Ph. Jestaz, Dalloz, 2006, p.112. 672

Cass. com., 28 avril 1982, RTD civ. 1983, p. 340, obs. F. CHABAS. 673

P. MALINVAUD, Droit des obligations, Litec, 9e édition, 2005, n° 702, p.430 ; J. GHESTIN, Ch.

JAMIN, M. BILLIAU, Traité de droit civil, Les effets du contrat, 3e édition, LGDJ, 2001, n° 643, p.682.

674 A. BENABENT, Droit civil, Les obligations, Montchrestien, 11

e édition, 2007, n°341, p.265 ; J.-M.

MOUSSERON, Technique contractuelle, par P. MOUSSERON, J. RAYNARD, J.-B. SEUBE, Edition

Francis Lefebvre, 3e édition, 2005, n° 1318 ; R. CHAABAN, La caducité des actes juridiques, Etude de

droit civil, LGDJ, 2005, préface. Y. Lequette, n° 38, p. 33 et spéc, n° 55, p. 53 et s M-E. ANDRE, M - P.

DUMONT, Ph. GRIGNON, L’après-contrat, Edition Francis Lefebvre, 2005, n °31, p.39. V. également,

F. GARRON, La caducité du contrat, PUAM, 1999, préface. J. Mestre, n°122, p.152, et spéc.,n° 127,

p.154 ; P.-H. ANTONMATTEI, Contribution à l’étude de la force majeure, LGDJ, 1992, préface B.

Teyssié, n° 177, p.127 ; V. WESTER-OUISSE, La caducité en matière contractuelle ; une notion à

réinventer, JCP G 2001, I, p.290 ; B. MERCADAL, Les causes d’extinction des contrats en droit français,

RDAI, 1997, n°7, p.869 et s ; C. MOULY, Les causes d’extinction du cautionnement, préface. M.

Cabrillac, Bib. dr. entre.1980 , n°176 , p.215. Cet auteur observe que le terme de la caducité « évoque la chute de l’élément mort qui se sépare de son support après avoir vécu avec lui une part de temps ».

Page 200: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

195

Il en résulte qu’en cas d’impossibilité d’exécution du contrat de franchise par suite

d’un évènement de force majeure, l’extinction du contrat procède du mécanisme de la

caducité et non de la résiliation. Définie comme « l’expiration anticipée et de plein droit

d’un acte valable à effet totalement ou partiellement différé ou prolongé, tenant à la

défaillance d’un élément essentiel à sa survie »675, cette caducité entraîne la destruction

anticipée du contrat pour l’avenir et sans rétroactivité. Elle s’impose en réalité comme

conséquence logique de la disparition d’un élément essentiel du contrat tenant à son

objet676

.

A vrai dire, en empêchant un des contractants d’exécuter son obligation, la force

majeure prive cette dernière de son objet, et par là même, elle provoque la disparition de

l’objet du contrat de franchise, ce qui entraîne, finalement, sa caducité. Celle-ci emporte

extinction de plein droit du contrat de franchise. Cela signifie qu’aucune manifestation

de volonté de la part du franchisé ou du franchiseur ni l’intervention au juge ne sont

requis pour faire éteindre le contrat677

.

Néanmoins, rien n’interdit au franchiseur et au franchisé de recourir au juge pour

statuer sur la caducité de leur contrat. Mais le juge ne peut, en pareille hypothèse, que

constater « une extinction qui existe déjà par le seul fait de la réalisation du fait

générateur de caducité, et d’autre part il ne peut pas décider, pour des raisons de pure

opportunité, d’écarter la disparition de l’acte juridique, comme il peut le faire lorsqu’il

s’agit de résolution judiciaire »678

. La nature de la décision du juge est donc déclarative

et non constitutive679

. Toutefois, il convient de noter que la caducité cède sa place pour

la réalisation lorsque le contrat de franchise contient une clause de résiliation pour cas

de force majeure.

675

J -M. MOUSSERON et A. SEUBE, A propos de contrats d’assistance et de fourniture, D. 1973, chron.

p. 197. V. aussi, Y. BUFFLAN- LANORE, Essai sur la notion de caducité des actes juridiques en droit

civil, LGDJ, 1963 ; J-M. MOUSSERON, Technique contractuelle, par P. MOUSSERON, J.RAYNARD,

J.-B. SEUBE, Edition Francis Lefebvre, 3e édition, 2005, n° 1318 et s.

676 J -M. MOUSSERON, Technique contractuelle, op.cit.

677 J -M. MOUSSERON, Technique contractuelle, par P. MOUSSERON, J. RAYNARD, J.-B. SEUBE,

Edition Francis Lefebvre, 3e édition, 2005, n° 1318 et s.

678 F. GARRON, La caducité du contrat, PUAM, 1999, préface. J. Mestre, n° 298, p. 370.

679 V. sur ce point v. L. MAZEAUD, De la distinction des jugements déclaratifs et des jugements

constitutifs de droits », RTD civ. 1928, p.17.

Page 201: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

196

195. Résiliation en vertu d’une clause de force majeure. Sous la seule réserve de

respecter l’ordre public et les bonnes mœurs, les parties à un contrat de franchise sont

libres d’aménager le contenu de leur convention. Ils peuvent, par exemple, stipuler dans

leur contrat une clause de force majeure qui prévoit la résiliation du contrat à la

survenance de certains événements. Une telle clause peut se rencontrer dans les contrats

internes680

. Mais fréquemment, elle est stipulée dans les contrats internationaux681

. Ce

recours fréquent s’explique souvent par les différentes conceptions de la force majeure

retenues par les droits nationaux682

.

La validité des clauses de force majeure ne suscite aucune difficulté683

En effet,

dès lors que les règles qui requièrent la force majeure ne sont pas d’ordre public, le

franchisé et le franchiseur peuvent déterminer les cas de force majeure et leurs effets sur

leur contrat. En vertu du principe de la liberté contractuelle, le franchisé et le

franchiseur peuvent assouplir les conditions classiques de la force majeure en stipulant,

par exemple, que toute partie peut résilier le contrat, moyennant un préavis, en cas de

survenance d’un évènement, qui n’est pas nécessairement irrésistible, mais simplement

imprévisible et indépendant de la volonté des parties, rendant impossible l’exécution

totale ou partielle du contrat684

.

680

A. BENABENT, Droit civil, Les obligations, Montchrestien, 11e édition, 2007, n° 337, p.263 et s. V.

également, Ph. DELEBECQUE, Les aménagements contractuels de l’exécution du contrat, LPA mai

2000, n° 90, p.22 ; P.-H. ANTONMATTEI, Contribution à l’étude de la force majeure, LGDJ, 1992,

préface B. Teyssié, n° 177, p.127. 681

M. FONTAINE et F. DELY, Droits des contrats internationaux, Analyse et rédaction de clauses,

Bruylant, 2003, p. 435 ; H. KONARSKI, Les clauses de force majeure et de hardship dans la pratique

contractuelle international, RDAI, 2003, n°4, p.405 ; D. MATRAY et F. VIDTS, Les clauses d’adaptation

de contrats, in Les grandes clauses des contrats internationaux, Bruxelles, 11 et 12 mars 2005, Bruylant,

2005, p.93 ; M. FONTAINE, Les clauses de force majeure dans les contrats internationaux, DPCI, 1979,

p.437 ; D. LAMETHE, La clause de force majeure dans les contrats internationaux, Cah. jur. éléctr.- gaz,

1987, 467 682

M. FONTAINE et F. DELY, Droits des contrats internationaux, Analyse et rédaction de clauses,

Bruylant, op.cit. 683

V H., L et J. MAZEAUD et F. CHABAS, Leçons de droit civil, Obligations, théorie générale, t.II,

Montchrestien, 9e édition, 1998, n° 581, p.669 ; P.-H. ANTONMATTEI, Contribution à l’étude de la

force majeure, th., précitée, n°188, p.135. 684

Sur ce point v. M. FONTAINE et F. DELY, Droits des contrats internationaux, Analyse et rédaction

de clauses, Bruylant, 2003, p. 435, et spéc., p. 440 et s.

Page 202: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

197

Ils peuvent, au contraire, accentuer les critères traditionnels de qualification :

« Une partie n’est pas tenue pour responsable de la non-exécution de l’une quelconque

de ses obligations dans la mesure où elle prouve que : cette non-exécution a été due à

un empêchement indépendant de sa volonté ; qu’elle ne pouvait pas raisonnablement

être tenue de prévoir cet empêchement et ses effets sur son aptitude à exécuter le

contrat au moment de sa conclusion ; et qu’elle n’aurait pas pu raisonnablement éviter

ou surmonter cet empêchement, ou à tout le moins, ses effets »685.

Qu’ils assouplissent ou renforcent les critères classiques de la force majeure, le

franchiseur et le franchisé doivent, pour l’efficacité de la clause, en rédiger

soigneusement les termes. Ils doivent, par exemple, définir avec précision les

évènements qui devront nécessairement être considérés comme constitutifs de la force

majeure. En effet, la jurisprudence interprète de manière restrictive la clause de force

majeure. En présence de clauses rédigées de manière vague et équivoque, les juges

disposent d’un pouvoir interprétatif. Ils n’hésitent pas à faire obstacle à la mise en

œuvre des clauses de force majeure d’un contenu large et imprécis qui ne correspond

pas aux critères de la force majeure686

. Les parties à un contrat de franchise doivent

donc veiller à ce que la rédaction des termes des clauses de force majeure soit précise et

claire. A ce titre, qu’il est préférable, afin d’assurer l’efficacité de la clause de force

majeure, que le franchisé et le franchiseur énumèrent certains exemples dans leur

contrat tels qu’une catastrophe naturelle comme une inondation, un tremblement de

terre, ou des cas de guerres, d’embargo687

ou même de grèves ou l’interdiction

d’exportation, qu’entraînent la résiliation du contrat.

685

Clause extraite du contrat modèle CCI de franchise internationale de distribution. 686

V. CA Paris 19 janvier 2006, Revue de des transports, 2007, n°3, comm.62, obs. Ph. DELEBECQUE. 687

Sur la question de l’embargo et ses effets sur la survie du contrat, v. B. GRELON et T. DAL FARRA,

Le sort des contrats en cas d’embargo, Contrats, conc. consom., 1994, n° 2, p.1.

Page 203: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

198

Une clause extraite du contrat modèle CCI de franchise internationale de

distribution peut, à cet égard, être cité : « En cas d’événement irrésistible (incluant,

sans que cela soit exhaustif : inondation, tremblement de terre, tempête, épidémie ou

toute autre calamité naturelle), de guerre ou de conflit armé ou de situation d’hostilité

(incluant, sans que cela soit exhaustif : acte de guerre, blocus, embargo, soulèvement

ou insurrection), d’acte de l’autorité publique ou de réglementation (incluant, sans que

cela soit exhaustif : les interdictions ou restrictions d’importation ou d’exportation,

ainsi que la réglementation sur l’attribution des ressources énergétiques), de conflit du

travail (incluant, sans que cela soit exhaustif :la grève, le lock-out ou les actes de

sabotage) ou d’autre cause échappant au contrôle normal des parties, aucune d’entre

elles ne sera responsable de l’inexécution de l’une quelconque de ses obligations, sous

réserve toutefois que la partie affectée par le cas de force majeure informe l’autre par

écrit dans un délai d’au moins ………. jours, et si cela est nécessaire par télex ou

télécopie, de la survenance de l’événement, à moins que tous les moyens de

communication entre les pays du franchiseur et du franchisé soient également affectés,

et prenne toutes les mesures nécessaires pour diminuer le préjudice qui pourrait

résulter de cet évènement »688.

En procédant ainsi, non seulement les parties pourront éviter un éventuel conflit

portant sur la qualification des évènements constitutifs de force majeure pouvant se

déclancher dans le futur, mais également toute mauvaise interprétation à laquelle peut

donner lieu la clause de force majeure en cas de litige. En présence d’une telle

précision, le juge ne peut que constater l’efficacité des clauses de force majeure. Il

s’exposera à la censure de la Cour de cassation s’il leur donne un sens différent.

Soucieux de ne pas entraver l’efficacité de la clause de force majeure, certains contrats

ne se contentent pas de déterminer avec précisions les évènements pouvant être

qualifiés de force majeure entraînant la résiliation du contrat, ils déterminent aussi les

conditions de la mise en œuvre de cette clause.

688

Article 26 B du contrat modèle CCI de franchise internationale de distribution.

Page 204: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

199

196. Mise en œuvre de la clause de force majeure. Lorsque l’hypothèse de force

majeure est réalisée, la clause décrit souvent le régime qui lui est applicable689

. Elle

comporte généralement une obligation de notification à la charge de celui qui subit la

force majeure690

. Cette notification se fait le plus souvent par écrit. « La partie affectée

par le cas de force majeure informe l’autre par écrit dans un délai d’au moins …jours,

et si cela est nécessaire par télex ou télécopie de la survenance de l’événement.. »691.

Tout retard dans la notification de la force majeure peut mettre à la charge de celui, qui

subit l’événement de force majeure, l’obligation de réparer le dommage résultant du

retard dans le respect des formalités requises692

.

Notons, toutefois, que si la survenance d’un cas de force majeure emporte

l’extinction de pleine droit du contrat de franchise, la solution est toute autre s’agissant

de la survenance d’un cas de hardship qui n’entraîne qu’éventuellement l’extinction du

contra de franchise.

§. 2. Extinction incertaine du contrat en cas de hardship

197. La renégociation et son éventuel échec. Le contrat de franchise est un contrat qui

s’inscrit dans la durée. Il a été conclu en tenant compte de certaines circonstances qui

l’entourent. Toutefois, ces circonstances, autour desquelles il a été conclu, ne se figent

pas lors de sa conclusion. Certains évènements peuvent perturber profondément

l’équilibre contractuel que les parties ont établi lors de la conclusion du contrat de

franchise. En pareille hypothèse, le contrat de franchise peut prévoir une obligation de

renégociation à la charge des parties pour l’adaptation du contrat aux nouvelles

circonstances (A). Il peut aussi prévoir qu’en cas d’échec des négociations, chacune des

parties peut résilier le contrat (B).

689

M. FONTAINE et F. DELY, Droits des contrats internationaux, Analyse et rédaction de clauses,

Bruylant, 2003, p. 435, et spéc., p. 452 et s. 690

M. FONTAINE et F. DELY, op. cit., p. 453. 691

Article 26 B du contrat modèle CCI de franchise internationale de distribution. 692

M. FONTAINE et F. DELY, op.cit., p. 456. V. aussi, S. HOTTE, La rupture du contrat international,

Contribution à l’étude du droit transnational des contrats, Defrénois, 2007, préface. DE Jean-Michel

Jacquet, n° 594, p. 223 et s.

Page 205: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

200

A. La renégociation du contrat 198. Aménagement conventionnel. Contrairement à de nombreux droits étrangers, il

n’y a pas, en droit français, une obligation de renégociation de plein droit en cas

changement radical des circonstances altérant gravement l’équilibre contractuel initial

(1). Ce n’est qu’en présence de clause de hardship que le franchisé et le franchiseur

peuvent être tenus de renégocier les termes du contrat dont l’équilibre est remis en

cause (2).

1. Absence d’une obligation de plein droit.

199. Le caractère facultatif de la renégociation. Certains évènements, économiques,

monétaires, politiques et sociaux, imprévisibles lors de la formation du contrat, peuvent

survenir, postérieurement à la conclusion du contrat de franchise, rendant l’exécution de

celui-ci, par l’une des parties, non pas impossible comme c’est le cas de la force

majeure, mais plus onéreuse.

En pareille hypothèse, des questions peuvent se poser. Le franchisé ou le

franchiseur qui subit le déséquilibre est-il autorisé à réviser le contrat? Peut-il mettre fin

au contrat dont l’exécution lui est devenue si coûteuse? Le juge est-il autorisé à

intervenir, à la demande de la partie désavantagée, pour rétablir l’équilibre contractuel

initial du contrat ? En principe, le franchisé ou le franchiseur lésé doit maintenir le

contrat tel qu’il est. La difficulté dans l’exécution ne constitue pas une cause de rupture

du contrat. Celui-ci ne peut ni modifier unilatéralement les termes du contrat ni y mettre

fin, sous peine d’engager sa responsabilité contractuelle693

.

693

V. Ph. MALAURIE, L. AYNES, Ph. STOFFEL-MUNCK, Droit civil, Les obligations, Defrénois, 3e

édition, 2007, n° 757, p. 379 et s ; Ph. Le TOURNEAU, Droit de la responsabilité et des contrats, Dalloz,

2006 / 2007, n° 3702 ; FAUVARQUE-COSSON, Le changement de circonstances, RDC 2004 / 1, p.67.

Page 206: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

201

Si le franchisé désavantagé demande au franchiseur de renégocier les termes du

contrat afin de rétablir l’équilibre contractuel initial, ce dernier n’est nullement tenu

d’accepter cette demande de renégociation. Il peut l’admettre, et par conséquent,

modifier les termes du contrat de sorte qu’il soit bien adapté aux circonstances

nouvelles. Il peut, au contraire, la refuser et obliger le franchisé à poursuivre l’exécution

des obligations que le contrat met à sa charge « coûte que coûte ». Dans ce cas, le

franchisé ne saurait se plaindre du refus de la révision du contrat, par le franchiseur,

devant le juge en invoquant, par exemple, l’équité. Sauf clause contraire, celui-ci ne

peut y intervenir en raison de l’intangibilité du contrat694

. Le juge doit respecter le

principe de la force obligatoire du contrat qui s’impose à lui comme aux parties

200. Le rejet de la théorie de l’imprévision par la Cour de cassation. Contrairement

à la jurisprudence administrative695

, et aux antipodes de nombreux droits étrangers696

, la

Cour de cassation a refusé et refuse toujours la théorie de l’imprévision.

694

V. Que reste-il de l’intangibilité du contrat ?, Dr. et patr. 1998, 41 et s. 695

La jurisprudence administrative admet que lorsque l’économie du contrat avec l’administration est

bouleversée à la suite d’un événement extérieur à la volonté des contractants et imprévu au moment de la

conclusion du contrat, le cocontractant peut obtenir une indemnité d’imprévision. V F. HAUT, Contrats

administratifs, in Les modifications du contrat au cours de son exécution en raison de circonstances

nouvelles, sous la dir. R. Rodiere et D. Tallon, Edition, Pedone, 1986, p. 35. 696

De nombreux systèmes juridiques retiennent la théorie de l’imprévision. Tel est le cas du droit

allemand qui admet la révision judiciaire du contrat lorsque son exécution pour l’une des parties devient

excessivement coûteuse à la suite de la survenance de certains événements imprévisibles et indépendant

des contractants. Cette adaptation se justifie, en droit allemand, par le fait qu’il serait contraire à la bonne

foi d’exiger du débiteur l’exécution des prestations telles qu’elles avaient été initialement convenues. Il

s’agit donc de protéger la partie qui est victime d’une situation très inéquitable et qui excède largement la

limite normale des risques contractuels. (V. S. HOTTE, La rupture du contrat international, Contribution

à l’étude du droit transnational des contrats, Defrénois, 2007, préface. DE Jean-Michel Jacquet, n°570, p.

211 et s. V. aussi, F. FERRAND, Droit privé allemand, Dalloz, 1997, n°293, p.308 et s ; R.

SPARWASSER, in Les modifications du contrat au cours de son exécution en raison de circonstances

nouvelles, sous la dir. R. Rodiere et D. Tallon, Edition, Pedone, 1986, p. 123 ). De même, pour le droit

italien dont les articles 1467 et 1468 du Code civil posent le régime de l’eccessiva onerosità selon lequel

le débiteur d’un contrat à exécution successive dont l’exécution est devenue excessivement coûteuse en

raison d’évènements exceptionnels et imprévus peut demander la révision judiciaire du contrat (A.

PRADO, Le hardship dans le droit du commerce international, Bruyant, Bruxelles, 2003, n° 71, p.57 et s.

Egalement, H. COURTOIS, in Les modifications du contrat au cours de son exécution en raison de

circonstances nouvelles, sous la dir. R. Rodiere et D. Tallon, Edition, Pedone, 1986, p. 99). Il en va de

même pour le droit néerlandais (WILLEM J.H. WIGGERS, Les causes d’extinction des contrats en droit

néerlandais, RDAI, 1997, n°7, p.845, et spéc., p.850 ). C’est aussi le cas pour le droit algérien (D.

TALLON, La révision du contrat pour imprévision au regard des enseignements récents du droit

comparé, in Droit et vie des affaires, Mélanges. A. Sayag, Litec, 1997, 403, et spéc., p. 407). La

possibilité de la révision du contrat dont l’équilibre initial est remis en cause suite à un changement de

circonstances est aussi prévue par les Principes d’ Unidroit (Art. 6-2-3) et les Principes du droit européen

du contrat (Art. 6. 111).

Page 207: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

202

Sauf exception légale697

, ou clause contraire, elle interdit au juge d’intervenir pour

réviser les termes initiaux d’un contrat devenu gravement déséquilibré suite au

changement de circonstances. Aux yeux de la Cour de cassation, qui applique avec

rigueur le principe pact sunt servanda de l’article 1134 du Code civil, le contrat est la

« chose » des parties698

et le juge doit la respecter699

. Celui qui a pris un engagement est

tenu de s’y confirmer sous peine d’engager de responsabilité, et rien de moins qu’une

force majeure ne saurait le libérer de son obligation700

. Cette solution sévère a été

appliquée pour la première fois en 1876 dans la fameuse affaire du Canal de

Craponne701

. Dans ce fameux arrêt, la Cour de cassation décida que « dans aucun cas, il

n’appartient aux tribunaux, quelque équitable que puisse leur paraître leur décision, de

prendre en considération le temps et les circonstances pour modifier la convention des

parties et substituer des clauses nouvelles à celles qui ont été librement acceptées par

les contractants ».

Depuis lors, cette solution est maintenue. La Cour de cassation a sanctionné, à

plusieurs reprises, les cours d’appel ayant acceptées de réviser des contrats dont

l’équilibre initial avait été largement rompu en raison de la survenance de certains

évènements politiques ou économiques rendant leur exécution extraordinairement

onéreuse702

. En décidant ainsi, et interprétant l’article 1134 du Code civil suivant une

« clé spiritualiste et libérale »703

, la Cour de cassation a opté fermement en faveur du

respect du principe de la force obligatoire du contrat. Cette solution, retenue par la Cour

de cassation, ne fait pas l’unanimité de la doctrine.

697

Sur les exceptions légales au principe de l’intangibilité du contrat, v. J. GHESTIN, Ch. JAMIN, M.

BILLIAU, Traité de droit civil, Les effets du contrat, 3e édition, LGDJ, 2001, n° 304, p.366 et s.

698 V. B. FAGES, Nouveaux pouvoirs : Le contrat est-il encore la « chose » des parties ?, in La nouvelle

crise du contrat, sous la dir. Ch. Jamin et D. Mazeaud, Dalloz, 2003, p.153. 699

Sur ce point, v. J. MESTRE, Le respect de la loi contractuelle par le juge, RTD civ.1990, p.113. Aussi,

D. MAZEAUD, D. MAZEAUD, « Le juge et le contrat : variation optimiste sur un couple « illégitime »,

in Propos sur les obligations et quelques autres thèmes fondamentaux du droit, Mélanges .J.-L. Aubert,

Dalloz, 2005, 235. 700

V. Supra n° 192 et s. 701

Cass. civ., 6 mars 1876, Les grands arrêts de la jurisprudence civil, par H. CAPITANT, F. TERRE et

Y. LEQEUTTE, Dalloz, 2007, n°163. 702

Cass. com., 15 décembre 1979, RTD civ. 1980, p.780, obs. G. CORNU. V. plus récemment, Cass. 1er

civ., 16 mars 2004, n°01-15.804 ; JCP E 2004, II, p.737, note. O. RENARD-PAYEN ; RLDC 2004,

n°222, note. D. HOUTCIEFF ; D. 2004, jurs., p.1754, note. D. MAZEAUD 703

Ch. JAMIN, Une brève histoire politiques des interprétations de l’article 1134 du Code civil », D.

2002, chro., p. 901, et spéc., 903.

Page 208: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

203

Certains auteurs l’ont approuvée en invoquant l’argument de la sécurité des

relations contractuelles. Selon eux, admettre la révision par le juge du contrat devenu

déséquilibré suite à des changements de circonstances reviendrait à remettre en cause la

sécurité des transactions704

. D’autres, au contraire, n’ont pas hésité à la critiquer en

considérant qu’elle a pour effet de favoriser « l’obsolescence du contrat au détriment

de sa pérennité »705

.

Toutefois, et face au refus ferme de la Cour de cassation d’introduire la théorie de

l’imprévision en droit français et d’admettre ainsi la révision du contrat en cas de

changement de circonstances altérant gravement son équilibre, le franchisé et le

franchiseur, qui veulent la flexibilité de leur contrat, ne peuvent qu’aménager leur

contrat par la stipulation d’une clause de hardship.

704

H., L. et J. MAZEAUD et CHABAS, Leçon de droit civil, tom. II, Obligations, théorie générale,

Montchrestien, 9e édition, 1998, n° 730, p. 730 : « L’office du juge est de définir les obligations légales

ou conventionnelles qui pèsent sur les parties, de les contraindre à les respecter, de les asservir à leur parole, et non de les en délier. Le législateur a seul le pouvoir de modifier les obligations des parties ou d’inviter le juge à le faire. Il serait extrêmement dangereux de laisser le contrat à la discrétion du juge ; intervenant dans l’exécution de la convention avec son sentiment personnel de l’équité et dans l’intérêt général, il ruinerait le contrat, et mettrait en péril l’économie tout entier, en supprimant la sécurité dans les rapports contractuels ». A. SERIAUX, Droit des obligations, PUF, 2

e édition, 1998, n°46, p.182, et

spéc., p.186. L’auteur estime que « la loi contractuelle doit être maintenue coûte que coûte. Il n’y a rien d’injuste à cela » expliquant qu’un déséquilibre matériel n’est pas « forcément injuste au sens strict ». 705

L. AYNES, Le devoir de renégocier, RJ com. 1999, p.11, et spéc., n°4, p.12. V. également, Ph.

MALAURIE, L. AYNES, Ph. STOFFEL-MUNCK, Droit civil, Les obligations, 3e édition, 2007,

Defrénois, n° 759, p.381 : « Pour l’imprévision, il paraît nécessaire, dans une période d’instabilité

économique, de permettre l’adaptation du contrat aux circonstances changeantes d’un monde

mouvant... » ; F. TERRE, Ph. SIMLER et Y. LEQUETTE, Droit civil, Les obligations, Dalloz, 9e édition,

2005, n° 471, p.475 : « La multiplication des contrats conclus pour une longue durée, soit que la complexité de la tâche à accomplir appelle d’importants délais d’exécution, soit encore que l’insécurité du monde environnant incite à s’assurer par des accords durables un approvisionnement en matière premières ou en énergie, milite également en faveur d’une évolution de la jurisprudence ». L. AYNES,

Le devoir de renégocier, RJ com. 1999, p.11, et spéc., n°4, p.12. L’auteur considère que les raisons de

cette position de la Cour de cassation, qui privilégie la rigidité sur la flexibilité risque de favoriser

l’obsolescence du contrat au détriment de sa pérennité. D. MAZEAUD, La révision du contrat, LPA.

2005, n°129, p.4 ; D. TALLON, La révision du contrat pour imprévision au regard des enseignements

récents du droit comparé, in Droit et vie des affaires, Mélanges. A. Sayag, Litec, 1997, 403 ; J.

GHESTIN, Ch. JAMIN, M. BILLIAU, Traité de droit civil, Les effets du contrat, 3e édition, LGDJ, 2001,

n° 305,p. 368 et spéc., n° 317,p.318. Ph. Le TOURNEAU, Droit de la responsabilité et des contrats,

Dalloz, 2006 / 2007, n° 3702 : « Pacta sunt servanda c’est entendu, mais rebus sic stantibus ( les choses demeurant en l’état ) et, si ce n’est pas le cas, le contrat doit être modifié. La parole donnée doit s’apprécier eu égard aux circonstances qui existaient lors de la conclusion du contrat » ; C. WITZ,

Force obligatoire et durée du contrat, in Les concepts contractuels français à l’heure des Principes du droit

européen des contrats, sous la dir. P. Rémy-Corlay et D. Fenouillet, Dalloz, 2003, p.174 et s ; Ph.

STOFFEL-MUNCK, Regard sur la théorie de l’imprévision, Vers une souplesse contractuelle en droit

privé français contemporain, PAUM, 1994 ; B. FAUVARQUE-COSSON, Le changement de

circonstances, RDC 2004 / 1, p.67.

Page 209: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

204

2. Une prévision contractuelle nécessaire : la clause de hardship

201. Utilité. Le contrat de franchise -comme tout contrat- est un acte de prévision706

.

« Contracter c’est prévoir. Tout contrat est une entreprise sur l’avenir. Tout contrat

contient une idée d’assurance »707

. Il « n’est pas un temps subi ; il est un temps voulu,

organisé par l’intelligence et la liberté des intéressés »708

. Partant de ce constat, les

parties à un contrat de franchise, notamment au contrat de franchise international709

,

peuvent stipuler dans leur contrat une clause de hardship710

.

Cette clause, appelée aussi en pratique clause de dureté711

, clause de sauvegarde712

,

enfin clause de renégociation713

, prévoit la révision du contrat lorsqu’un bouleversement

a profondément modifié l’équilibre initial des obligations de l’une d’entre elles.

Omniprésente dans les contrats internationaux714

, elle tend aussi à se répandre en droit

interne715

.

706

Sur ce point, v. H .LECUYER, Le contrat, acte de prévision, in L’avenir du droit, Mélanges. F. Terré,

Dalloz, Litec, 1999, p.643. 707

G. RIPERT, La règle morale dans les obligations civiles, LGDJ, 4e édition, 1949, n°84, p.151.

708 J -M. MOUSSERON, La gestion des risques par le contrat, RTD. 1988, p. 488, n°1.

709 Sur le contrat de franchise internationale, v. H. KENFACK, La franchise international, th., Toulouse I,

1996. 710

Sur cette clause, v. A. PRADO, Le hardship dans le droit du commerce international, Bruyant,

Bruxelles, 2003 ; M. FONTAINE et F. DELY, Droits des contrats internationaux, Analyse et rédaction de

clauses, Bruylant, 2003, p.487 ; D. MATRAY et F. VIDTS, Les clauses d’adaptation de contrats, in Les

grandes clauses des contrats internationaux, Bruxelles, 11 et 12 mars 2005, Bruylant, 2005, p.93., p. 123 ;

Lamy droit du contrat, 2008, n° 348- 29 ; J.-M. MOUSSERON, Technique contractuelle, n° 1655 et s ;

U. DRAETTA, Les clauses de force majeure et de hardship dans les contrats internationaux, RDAI, 2002,

n°3/4, p.437 ; B. OPPETT, L’adaptation des contrats internationaux aux changements de circonstances :

la clause de « hardship », JDI, 1974, n°2,p.796; M. FONTAINE, Les clauses de hardship, aménagement

conventionnel de l’imprévision dans les contrats internationaux à long terme, Dr. et prat. du comm.intern,

1976, p.42 ; J. GHESTIN, Ch. JAMIN, M. BILLIAU, Traité de droit civil, Les effets du contrat, 3e

édition, LGDJ, 2001, n° 318, p.382. 711

Lamy droit du contrat, 2008, n° 348- 29. 712

Ph. MALAURIE, L. AYNES, Ph. STOFFEL-MUNCK, Droit civil, Les obligations, 2e édition, 2005,

Defrénois, n° 762,p.368; J.-M. MOUSSERON, La gestion des risques par le contrat, RTD. 1988, n°19, p.

490 ; Ch. SOUCHON, Contrats de droit privé, in Les modifications du contrat au cours de son exécution

en raison de circonstances nouvelles, sous la dir. R. Rodiere et D. Tallon, Edition, Pedone, 1986, p.14, et

spéc., p.29. 713

Ch. JAROSSON, Les clauses de renégociation, de conciliation et médiation, in Les principales clauses

des contrats conclus entre professionnels, PUAM, 1990, p.141. 714

A. PRADO, op.cit. 715

D. LEDOUBLE, L’entreprise et le contrat, Bibliothèque de droit de l’entreprise, 1980, préface C.

Champaud, n° 227, p.220 et s ; J. GHESTIN, Ch. JAMIN, M. BILLIAU, Traité de droit civil, Les effets

du contrat, 3e édition, LGDJ, 2001, n° 318, p.382 ; Ph. MALAURIE, L. AYNES, Ph. STOFFEL-

MUNCK, Droit civil, Les obligations, 2e édition, 2005, Defrénois, n° 762,p. 368 ; A. BENABENT, Droit

civil, Les obligations, Montchrestien, 11e édition, 2007, n°294, p.229 ;

Page 210: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

205

La clause de hardship permet en effet au franchiseur comme au franchisé de

modifier les termes du contrat si un changement vient, postérieurement à la formation

du contrat, à remettre en cause son économie. « Elle a pour objet de remédier aux

inconvénients du principe de la force obligatoire du contrat dans les conventions de

longue durée »716

. La clause de hardship a donc pour finalité de protéger les intérêts des

parties. D’où sa distinction avec la clause résolutoire ayant un caractère comminatoire

d’autant plus qu’elle vise à sanctionner un manquement à la loi contractuelle717

. D’où

apparaît donc aussi son assimilation avec certaines clauses voisines de sauvegarde ayant

pour objet de préserver les intérêts des parties.

202. Distinction de clauses voisines : clause de révision, clause de force majeure. La

clause de hardship se caractérise par la procédure de renégociation qu’elle instaure.

Cette procédure a une originalité de sorte qu’elle permet de la distinguer de certaines

clauses voisines telle que, par exemple, la clause de révision. Alors que celle-ci établit

un mécanisme de révision périodique du contrat indépendamment de tout événement

imprévu et extérieur qui pourrait se produire, la clause de hardship ne peut trouver son

application qu’en cas de rupture de l’équilibre contractuel initial suite à la survenance

d’un changement de circonstances718

.

La clause de hardship se différencie également de la clause de force majeure719

.

Quant à sa mise en œuvre, la clause de force majeure exige, comme condition préalable

de son application, l’impossibilité d’exécution du contrat par l’une des parties. Or, rien

de tel en matière de clause de hardship qui requière simplement la rupture de l’équilibre

contractuel initial720

.

716

J. GHESTIN, Ch. JAMIN, M. BILLIAU, Traité de droit civil, Les effets du contrat, op.cit. 717

V. Supra n° et s.150. 718

V. A. PRADO, Le hardship dans le droit du commerce international, Bruyant, Bruxelles, 2003, n°172,

p. 120. 719

V. Supra n°195 et s. 720

D. MATRAY et F. VIDTS, Les clauses d’adaptation de contrats, in Les grandes clauses des contrats

internationaux, Bruxelles, 11 et 12 mars 2005, Bruylant, 2005, p.93, et spéc., p.106. V. également, M.

FONTAINE et F. DELY, Droits des contrats internationaux, Analyse et rédaction de clauses, Bruylant,

2003, p.487 ; A. PRADO, op.cit., n°173, p.120 ; H. KONARSKI, Les clauses de force majeure et de

harship dans la pratique contractuelle international, RDAI, 2003, n°4, p.405.

Page 211: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

206

En ce qui concerne les effets juridiques qu’elles produisent, la clause de force

majeure entraîne la résiliation du contrat, tandis que la clause de hardship engendre

seulement la renégociation entre les parties pour remédier au déséquilibre contractuel

dans la prestation de l’une d’entre elles. Ce n’est qu’en cas d’échec qu’elle prévoit

parfois la résiliation du contrat. Toutefois, et malgré la différence assez claire entre la

clause de hardship et celle de force majeure, il arrive parfois que leur distinction soit, en

pratique, malaisée, notamment en ce qui concerne les conditions de leur mise en

œuvre721

.

203. Conditions d’application. Pour que la clause de hardship puisse trouver à

s’appliquer, deux conditions doivent être réunies. L’une tient aux conséquences du

changement de circonstance, tandis que l’autre concerne la nature de l’évènement

venant perturber l’économie du contrat.

En premier lieu, la mise en jeu de la clause de hardship suppose que le changement

affecte gravement l’équilibre contractuel initial que le franchisé et le franchiseur ont

établi lors de la formation du contrat. La survenance d’évènements nouveaux doit, en

effet, entraîner un déséquilibre profond, de telle manière que l’exécution du contrat est

devenue notablement plus onéreuse pour l’une des parties. En deuxième lieu, un tel

changement qui remet en cause l’économie du contrat de franchise, doit être

imprévisible lors de la formation du contrat et indépendant de la volonté des parties. Ces

deux critères de l’imprévisibilité et de l’extériorité sont indispensables à la mis en

œuvre de la clause de hardship.

721

V. M. FONTAINE et F. DELY, Droits des contrats internationaux, Analyse et rédaction de clauses,

Bruylant, 2003, p. p.491 et s : « La distinction entre bouleversement des circonstances et force majeure est nette au niveau des principes, mais dans la pratique contractuelle, il arrive de plus en plus que des clauses de force majeure adoptent des définitions du concept qui atténuent l’exigence relative à l’impossibilité d’exécution. Les clauses se rapprochent dès lors au niveau des hypothèses couvertes, mais les régimes peuvent rester différents ». H. KONARSKI, Les clauses de force majeure et de harship dans

la pratique contractuelle internationale, op.cit., : « La clause de force majeure n’est pas prévue pour protéger une partie contre les risques normaux d’un contrat ; cependant, dans la pratique contractuelle actuelle, on peut constater un assouplissement des standards de force majeure. Un tel assouplissement permet à son tour une fusion des clauses de force majeure et clauses de hardship dans une même catégorie de clauses ».

Page 212: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

207

Ainsi, toute évolution ou toute modification dont les répercussions sur la situation

des parties peuvent être prévues lors de la formation du contrat de franchise ne peut pas

être de nature à déclencher la mise en jeu de la clause de hardship722

, même si elle

affecte gravement l’économie du contrat. Comme le relève un auteur le « présupposé

est que si les parties, au moment de la conclusion du contrat, avaient pu être en mesure

de prévoir la survenance d’un tel événement et ses conséquences sur le rapport

contractuel, elles auraient également eu les moyens de se protéger contre ce risque par

une clause spécifique. L’absence d’une telle clause signifierait donc que l’une des

parties avait tacitement assumé ce risque »723

.

A cet égard, il est à noter qu’il est possible pour les parties au contrat de franchise de

déterminer, dans leur contrat, les événements susceptibles de déclencher le mécanisme

de la clause de hardship. Le franchisé et le franchiseur peuvent, par exemple, prévoir de

manière plus ou moins large qu’« en cas de changement du système monétaire, ou en

cas de modification du système juridique ou politique perturbant profondément

l’équilibre contractuel initial que les parties ont prévu lors de la conclusion du contrat,

celles-ci doivent se réunir afin d’adapter le contrat aux nouvelles circonstances »724

. Ils

peuvent même être plus précis et déterminer l’hypothèse ou les hypothèses où la clause

de hardship trouvera à s’appliquer. Tel est le cas, par exemple, lorsque le contrat de

franchise prévoit la renégociation « en cas de changement conduisant à une

aggravation importante des coûts de fabrication ou en cas d’application de nouveaux

droits d’importation ou d’exportation »725.Une telle précision a l’avantage de limiter le

champ d’application de la clause de hardship, ce qui conduit, en fin de compte, à limiter

tout éventuel risque de conflit sur la qualification de circonstances modifiant l’économie

du contrat.

722

En ce sens, A. PRADO, Le hardship dans le droit du commerce international, Bruyant, Bruxelles,

2003, p.132. V. aussi, M. FONTAINE et F. DELY, Droits des contrats internationaux, Analyse et

rédaction de clauses, Bruylant, 2003, p. 499. 723

A. PRADO, th., précitée. 724

Sur la rédaction de la clause de hardship, v. M. FONTAINE et F. DELY, Droits des contrats

internationaux, Analyse et rédaction de clauses, Bruylant, 2003, p. 487, et spéc., p. 500 et s. 725

M. FONTAINE et F. DELY, Droits des contrats internationaux, op.cit., p.502.

Page 213: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

208

D’ailleurs, il n’y a pas de paradoxe entre le fait que le changement de

circonstances, autorisant la modification de l’économie, soit nécessairement

imprévisible et la prévision par les parties d’un tel changement. « Le fait même que

l’on stipule une clause de hardship implique évidement que les parties sont conscientes

de la possibilité d’un bouleversement futur des circonstances. Mais elles ne sont pas en

mesure d’en prévoir ni la nature, ni la portée, ni le moment »726.

204. Effets. Lorsque les conditions de mise en œuvre de la clause de hardship sont

réunies, le franchiseur et le franchisé sont tenus d’une obligation de renégociation. Ils

doivent tenter de se mettre d’accord sur une solution juste et raisonnable, qui doit être,

autant que possible, cohérent avec les termes et les conditions du contrat. Toutefois, il

ne s’agit là que d’une obligation de moyen727

. En effet, la clause de hardship n’engendre

pas à la charge des parties une obligation de révision. Ni le franchiseur, ni le franchisé,

ne sont nullement tenus de procéder à la modification proposée par le cocontractant728

.

La clause crée donc seulement une obligation de renégociation à la charge des parties, et

non une obligation d’aboutir à la modification du contrat. Cependant, si la clause de

hardship ne met à la charge des parties qu’une simple obligation de renégociation, cette

obligation doit néanmoins être exécutée de bonne foi, sous peine d’engager la

responsabilité de celui qui y manque729

. Le refus par le franchiseur ou le franchisé

d’entrer ou de participer à des renégociations ou toute attitude négative de sa part

entravant le bon déroulement de cette renégociation constitue une inexécution

engageant sa responsabilité contractuelle730

.

726

M. FONTAINE et F. DELY, Droits des contrats internationaux, op.cit., p.499. 727

M. FONTAINE et F. DELY, Droits des contrats internationaux, Analyse et rédaction de clauses,

Bruylant, 2003, p. 499 et spéc., p.510 et s. V. également, D. MATRAY et F. VIDTS, Les clauses

d’adaptation de contrats, in Les grandes clauses des contrats internationaux, Bruxelles, 11 et 12 mars

2005, Bruylant, 2005, p.93, et spéc., p. 125 ; J. GHESTIN, Ch. JAMIN, M. BILLIAU, Traité de droit

civil, Les effets du contrat, 3e édition, LGDJ, 2001, n° 321, p.385. Certains n’hésitent pas à défendre la

thèse selon laquelle l’obligation de renégocier pourrait être libellée de manière à répondre à la

qualification d’obligation de résultat. Ainsi, A. PRADO ( Le hardship dans le droit du commerce

international, Bruyant, Bruxelles, 2003, p.220 ) pour qui « au sein de la lex mercaroria, les parties ont l’autonomie de fixer le niveau des efforts exigés par des parties pour l’accomplissement de l’obligation de négocier à la suite d’un bouleversement de circonstances, de sorte que l’on pourrait envisager la validité d’une obligation de résultat, à condition qu’elle soit formellement établie dans le contrat ». 728

Cass. com., 30 octobre 2006 ; D. 2007, jurs., p.765, note. D. MAZEAUD. 729

En ce sens, J. GHESTIN, Ch. JAMIN, M. BILLIAU, op.cit. V. aussi, Ch. SOUCHON, Contrats de

droit privé, in Les modifications du contrat au cours de son exécution en raison de circonstances

nouvelles, sous la dir. R. Rodiere et D. Tallon, Edition, Pedone, 1986, p.14 et spéc., p.29. 730

Ch. SOUCHON, op.cit.

Page 214: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

209

La partie lésée peut, dans ce cas, agir en justice en inexécution de l’obligation de

négociation et obtenir des dommages et intérêts visant à réparer le préjudice que l’échec

de la négociation lui a causé731

.

205. Le sort du contrat au cours de la période de renégociation. Pendant la période

de la renégociation, le contrat de franchise est réputé continuer à produire ses effets, à

moins que les parties ne prévoient sa suspension732

. Si le franchiseur et le franchisé

arrivent à se mettre d’accord sur l’adaptation de leur contrat à l’évolution de son

environnement, le contrat sera maintenu suivant les nouveaux termes introduits par les

parties. En pareille hypothèse, l’adaptation du contrat de franchise contribue à éloigner

la menace de sa rupture, et favorise finalement sa pérennisation733

.

206. Le sort du contrat en cas d’échec de la renégociation. En revanche, si la

négociation échoue, bien qu’elle se soit déroulée correctement et qu’elle soit exempte

de faute, la question se pose alors de savoir quel est le sort du contrat en pareille

hypothèse. Pour certains auteurs734

, lorsque la clause de hardship ne prévoit pas le sort

du contrat en cas d’échec de la négociation, celui-ci doit en principe continuer. Ainsi,

selon eux, le contrat de franchise resterait en vigueur dans toutes ses stipulations. Le

contractant désavantagé doit continuer à exécuter les obligations que met le contrat de

franchise à sa charge, même si cette exécution lui coûte cher. D’autres auteurs

contestent cette solution735

. Ils estiment que si les parties n’ont pas pu, malgré leur

volonté commune, d’aboutir, à un accord, la survie du contrat paraît inconcevable. La

résiliation du contrat est alors la solution qui s’impose.

731

D. MATRAY et F. VIDTS, op.cit., p. 126 732

Ibid. 733

Sur la pérennité du lien contrat, v. A.-S. LAVEFVE LABORDERIE, La pérennité contractuelle,

LGDJ, 2005, préface C. Thibierge. 734

D. MATRAY et F. VIDTS, Les clauses d’adaptation des contrats, op.cit., p.127 : « Si le contrat ne règle pas les suites d’un échec éventuel des négociations, la solution devra en principe être recherchée dans le droit applicable. En règle générale, les parties resteront tenues d’en exécuter toutes les stipulations nonobstant la rupture d’équilibre dénoncée. Si elles ne parviennent pas à un accord sur de nouveaux termes, aucune adaptation ne sera envisageable sauf situation de force majeure ». 735

R. FABRE, Les clauses d’adaptation dans les contrats, RTD civ. 1983, n°75, p. 28 : « Comment en effet, obliger des parties à poursuivre des relations qu’elles n’arrivent pas à adapter alors qu’elles les jugent déséquilibrées. Les parties ont souhaité aménager leur contrat parce qu’il était en déséquilibre et que l’on ne peut pas leur imposer en cas d’échec des négociations, la continuation du contrat. On déduit alors de leur volonté de négocier le souhait de ne pas exécuter un contrat déséquilibré ». Egalement, Ch.

SOUCHON, Contrats de droit privé, in Les modifications du contrat au cours de son exécution en raison

de circonstances nouvelles, sous la dir. R. Rodiere et D. Tallon, Edition, Pedone, 1986, p.14., p.30.

Page 215: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

210

Toutefois, il convient de noter que le problème de la détermination du sort du

contrat en cas d’échec de la renégociation ne se pose pas ou ne se pose que rarement,

étant donné que les contractants adjoignent, dans la plupart des cas, à la clause de

hardship une clause de résiliation qui interviendra à défaut d’accord sur l’aménagement

du contrat.

B. Résiliation éventuelle du contrat en cas d’échec des renégociations

207. Fin du contrat. En cas de désaccord entre le franchiseur et le franchisé sur

l’adaptation de leur contrat aux nouvelles circonstances, ceux-ci peuvent recourir à un

tiers pour procéder à la révision des conditions et des termes du contrat. Ce tiers peut

être un arbitre736

. Il peut être aussi un tribunal737

. Les parties peuvent même privilégier

une voie intermédiaire sans recourir à un tribunal ou un arbitre en convenant de se

soumettre à la décision impartiale d’un tiers en qualité d’expert technique738

.

A vrai dire, le recours à un tiers pour la révision du contrat peut constituer un

moyen de sauver le contrat de franchise et, par conséquent, écarter tout éventuel échec

de celui-ci, échec dont les répercussions peuvent parfois être considérables tant sur le

plan économique et que sur le plan social. Pour autant, un tel recours au tiers, afin de

rétablir l’équilibre contractuel initial du contrat, n’est pas souvent le choix préféré des

parties. Comme étant les mieux placées que quiconque pour mesurer la distance et les

difficultés qui empêchent la réalisation du but attendu du contrat, il arrive que le

franchiseur et le franchisé optent pour une autre voie radicale qui est la destruction

anticipée du contrat. Ceux-ci peuvent, par exemple, prévoir, par leur clause de hardship,

la possibilité pour chacun d’eux de résilier le contrat si aucun accord sur l’adaptation du

contrat de franchise au nouvel environnement qui l’entoure n’a été trouvé.

736

V. A. PRADO, Le hardship dans le droit du commerce international, Bruyant, Bruxelles, 2003, p.155.

Egalement, v. D. MATRAY et F. VIDTS, Les clauses d’adaptation de contrats, in Les grandes clauses

des contrats internationaux, Bruxelles, 11 et 12 mars 2005, Bruylant, 2005, p.93, et spéc., p.123 et s ; M.

FONTAINE et F. DELY, Droits des contrats internationaux, Analyse et rédaction de clauses, Bruylant,

2003, p. 499 et spéc., p. 520 et s. 737

D. MATRAY et F. VIDTS, Les clauses d’adaptation de contrats, op.cit., p. 136. 738

D. MATRAY et F. VIDTS, Les clauses d’adaptation de contrats, op.cit., p.132.

Page 216: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

211

« A défaut d’accord des parties dans un délai de … jours à compter de la

demande d’adaptation, chacune des parties aura la faculté de mettre fin au contrat,

sans indemnité, moyennant un préavis de …jours à notifier par lettre recommandée.

Pendant ce préavis, les fournitures se poursuivront sans modification des conditions

contractuelles …. A défaut d’accord des parties sur telle adaptation dans un délai de

trente jours de la demande d’adaptation, la partie qui aura invoqué la clause aura le

droit de mettre fin au contrat sans préavis ni indemnité. Elle devra user de cette faculté

dans un délai supplémentaire de trente jours, faute de quoi le contrat s’exécutera sans

modification aucune des conditions contractuelles »739.

La clause de hardship, dont la finalité est de protéger les intérêts des parties,

opère, dans ces hypothèses, comme une véritable clause d’exonération740

. Elle permet

au franchisé de résilier le contrat tout en le dispensant de payer des dommages et

intérêts. Comme le relèvent certains auteurs : « En optant pour ce régime, les parties

entendent donner la primauté au maintient de l’équilibre économique du contrat et

sacrifiant ainsi à sa propre survie »741. Ainsi, la volonté de rupture de l’une des parties

au contrat de franchise peut résister à la perspective d’une continuation de celui-ci sous

une forme modifiée.

739

FONTAINE et F. DELY, Droits des contrats internationaux, Analyse et rédaction de clauses, Bruylant,

2003, p. 499 et spéc., p. 518 et s. 740

D. MATRAY et F. VIDTS, Les clauses d’adaptation de contrats, in Les grandes clauses des contrats

internationaux, Bruxelles, 11 et 12 mars 2005, Bruylant, 2005, p.93, et spéc., 127. 741

Ibid.

Page 217: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

212

208. Conclusion de la section I - Cause d’exonération, cause d’irresponsabilité, la

force majeure emporte la destruction anticipée des relations contractuelles qui existent

entre le franchiseur et le franchisé dès lors qu’elle rend définitivement impossible la

poursuite du contrat de franchise. En pareille hypothèse, le contrat s’éteint de plein droit

à compter de la réalisation de l’évènement de force majeure. En revanche, la situation

est différente s’il s’agit de cas de hardship qui traduisent un changement de

circonstances remettant en cause l’économie du contrat. A la différence du cas de force

majeure, la survenance de hardship ne rend pas définitivement impossible l’exécution

du contrat de franchise, mais simplement difficile, et plus onéreuse pour l’une des

parties. Par conséquent, il n’est donc pas de nature, en droit français, à entraîner

l’extinction de plein droit du contrat de franchise. Elle entraîne non plus la

renégociation de plein de droit des termes du contrat profondément déséquilibré. Il n’en

va autrement qu’en présence d’une clause contraire. En dehors des hardship ou de cas

de force majeure, il convient de noter que les causes d’extinction des relations du

contrat de franchise peuvent parfois être inhérentes aux parties.

Page 218: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

213

SECTION II - EXTINCTION DU CONTRAT DE FRANCHISE POUR CAUSES

INHERENTES AUX PARTIES : L’ATTEINTE A L’INTUITUS PERSONAE

AFFECTANT LES PARTIES

209. Intuitus personae et son incidence. L’intuitus personae, dont l’image classique de

se manifeste dans les contrats à titre gratuit742

, est une notion « insaisissable »743

, « à

géométrie variable »744

. Il signifie que le contrat est conclu en considération de la

personne du contractant745

. Il trouve son terrain d’élection dans les contrats de

franchise. Dans ces derniers, la personnalité du franchiseur ou du franchisé constitue un

élément essentiel. Elle est même la matière de ce genre de contrats puisqu’elle participe

à leur objet746

. Cette prise en compte de la personne du contractant dans le contrat de

franchise, et notamment le franchisé, s’explique par le fait que ce type de contrat

contient par nature une licence de marque, et le transfert par le franchiseur d’un savoir-

faire et d’une assistance technique. Par conséquent, il implique un rapport de

collaboration et de confiance très étroite entre les parties afin de mettre en place un

système homogène de distribution. Certes, le choix de la personne, membre du réseau, a

pour effet d’assurer la bonne exécution du contrat de franchise. Cependant, il n’est pas

sans inconvénient sur la survie du contrat de franchise. Sa présence est de nature à

fragiliser les relations contractuelles. Le contrat de franchise est voué à l’échec dès lors

que, l’une des parties dont la personnalité a été prise en compte lors de la conclusion du

contrat, disparaît (§ 1) ou même lorsqu’il y a une mutation dans l’une de ses qualités

déterminant la conclusion du contrat (§ 2).

742

J. GHESTIN, Traité de droit civil, La formation du contrat, LGDJ 1993, n° 537, p. 501. 743

L. AYNES, La cession de contrat, Economica , 1984 , préface Ph. Malaurie, n° 331. 744

Ph.Le TOURNEAU, « Contrat intuitu personae », J-C1. Contrats- distribution, 1998, fasc. 420, n° 34. 745

M. CONTAMINE-RAYNAUD, L’intuitus personae dans les contrats, th., Paris II 1974 , n° 28, p.33. 746

Sur ce point, M. BOURGEOIS, La personne objet de contrat, Recherche paradigme, 2005.

Page 219: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

214

§1. Disparition du contractant

210. Plan. Evènement susceptible d’entraîner la destruction précoce du contrat de

franchise, la disparition du contractant peut résulter aussi bien de sa fin (A), que de son

changement (B).

A. Disparition due à la fin du contractant 211. Annonce. La disparition du contractant à un contrat de franchise peut avoir pour

cause son décès s’il s’agit d’une personne physique (1) ou sa dissolution s’il s’agit

d’une personne morale (2)

1. Le décès du contractant personne physique

212. Principe et exception. En principe, le décès du contractant n’est pas une cause

d’extinction du contrat747

. Celui-ci se transmet aux héritiers du défunt qui lui succèdent

et prennent sa suite dans l’exécution du contrat748

. Cette solution, qui trouve son

fondement dans les articles 1122 749

et 724 750

du code civil, s’explique par le souci de

préserver autant que possible la stabilité des relations contractuelles751

. Cependant, le

principe de la transmission du contrat de plein droit aux héritiers n’est pas absolu.

747

V. M. BEHAR-TOUCHAIS, Le décès du contractant, Economica, 1988, préface G. Champenois. 748

V. M.-L. IZORCHE, Circulation du contrat, J-CI Contrats-distribution, 1995, fasc., 160, n° 17. 749

Article 1122 du Code civil : « On est censé avoir stipulé pour soi et pour ses héritiers et ayants cause, à moins que le contraire ne soit exprimé ou ne résulte de la nature de la convention ». 750

Article 724 du Code civil : « Les héritiers désignés par la loi sont saisis de plein droit des biens, droits et actions du défunt (…) » 751

J.-M. MOUSSERON, Technique contractuelle, par. P. MOUSSERON, J. RAYNARD, J -B. SEUBE,

Edition Francis Lefebvre, 3e édition, 2005, n° 1184, n° 4 : « Prohiber, à l’instar des droits primitifs, toute

transmission des positions contractuelles serait, en effet, grave puisque cela reviendrait à affirmer le caractère viager de toutes les dettes et créances et la caducité générale des contrats au décès de l’un des partenaires avec les nombreuses difficultés de liquidation dues au développement hétérogène dans le temps des effets des accords ».

Page 220: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

215

En effet, certains contrats ne peuvent pas survivre à la mort du contractant en

raison de leur caractère intuitus personae. Celui-ci fait obstacle à la circulation du

contrat étant donné qu’il impose l’exécution personnelle752

. Tel est le cas du contrat de

franchise753

. Dans ce dernier, la personnalité du contractant, notamment le franchisé, est

prise en compte lors de la conclusion du contrat. C’est le Seul qui peut exécuter

valablement le contrat. Par conséquent, lorsqu’il disparaît, cette disparition entraîne ipso

facto la fin anticipée du contrat754

. Il y a là une impossibilité d’exécution du contrat de

franchise. L’intuitus personae rend en effet impossible toute substitution des héritiers

aux contractants.

213. Caducité ou résiliation du contrat ? Toutefois, la qualification juridique de

l’extinction du contrat de franchise due à la disparition de l’une des parties suscite un

débat doctrinal. Pour certains auteurs, le décès du contractant dans un contrat conclu

intuitus personae entraîne sa résiliation755

.

752

M. BEHAR-TOUCHAIS, « Le décès du contractant », Economica, 1988, préface G. Champenois, n°

120, p.115, n° 158, p.145 : « Le décès du contractant, entraînant la disparition de sa personne physique, rend l’objet de son obligation ou de son droit impossible, et provoque la disparition de cette obligation ou de ce droit ». V. Ph. Le TOURNEAU, Le contrat intuitus personae, J-CI.Contrats-distribution, 2003,

fasc. 420, n° 89 ; M-E. ANDRE, « L’intuitus personae dans les contrats entre professionnels », in

Mélange. M. Cabrillac, Dalloz 1999, p.23 et spéc, n°21. M. CONTAMINE-RAYNAUD L’intuitus

personae dans les contrats, th., Paris II, 1974, n°103, p.141, et s 753

Y. MAROT, L’intuitus personae, L’officiel de la franchise, février 2008, n° 78, p.130 ; M.

MALAURIE-VIGNAL, Droit de la distribution, Sirey, 2006, n° 728, p.199 et s ; D. FERRIER, Droit de

la distribution, Litec, 4e édition, 2006, n° 713, p. 317 et s ; J.-M. LELOUP, La franchise, Droit et

pratique, Delmas, 4e édition, 2004, n° 1505, p. 266 ; Ph. Le TOURNEAU, Les contrats de franchisage,

Litec, 2003, n° 329, p.115 ; L. GIMALAC, S. GRAC, La franchise, Guide juridique et pratique,

Puitsfleuri, 2003, p.18 ; D. MATRAY, Introduction générale, in Le contrat de franchise, Bruylant, 2001,

séminaire organisé à Liège Le 29 septembre 2000, p.7, et spéc., p.23 et s ; Ch. ATIAS, Le contentieux de

la franchise, Analyse Loyers, 1996, n° 331; F. COLLART-DUTILLEUL, Ph. .DELEBECQUE, Contrats

civils et commerciaux, Précis Dalloz, 7e édition, 2004, n° 956, p.935 ; J -M. MOUSSERON, Technique

contractuelle, par P. MOUSSERON, J. RAYNARD, J -B. SEUBE, Edition Francis Lefebvre, 3e édition,

2005, n°1186. D. KARJESKI, L’intuitus personae dans les contrats, th., Toulouse, 1998, n 173, p.171. 754

CA Poitiers, 17 juin 1981, JCP G 1984, II, 20184, note. J. BEAUCHARD V. D. MATRAY,

Introduction générale, in Le contrat de franchise, Bruylant, 2001, séminaire organisé à Liège Le 29

septembre 2000, p.7, et spéc., p.23 ; Ph. .BESSIS, Le contrat de franchisage, L.G.D.J, 1990, n°83, p.94 ;

F. COLLART-DUTILLEUL, Ph. DELEBECQUE, op.cit., n° 956, p. 935. 755

H, L., J. MAZEAUD et F. CHABAS, Leçons de droit civil, Les obligations, t. II, 9e édition ,

Montchrestien , 1998, n° 739 , p.863 ; M. BEHAR-TOUCHAIS, Le décès du contractant, Economica,

1988, préface.G. Champenois, n° 122, p.117 ; du même auteur, Extinction du contra, J -CI. Contrats et

distribution, 1998, fasc. 175, n° 89 : « Il s’agira d’un effet résolutoire de l’acte juridique lui-même, si le contrat est à exécution instantanée .En revanche, si le contrat est à exécution successive, l’effet résolutoire concerne la ou les seules obligations non encore exécutées au moment du décès ». La

qualification de résiliation en cas de décès a été retenue dans certains droits étrangers ; M.

GAËLKOSTIC, L’intuitus personae dans les contrats de droit privé, th., Paris V, 1997, n° 511, p. 350 ;

D. M. CONTAMINE-RAYNAUD, L’intuitus personae dans les contrats, th., Paris II, 1974, n° n°208 ,

214 , n° 229 , 237. La qualification de résiliation de l’extinction du contrat en cas de décès du

cocontractant est aussi retenue dans beaucoup de droits étrangers. Ainsi en droit belge dans lequel la

doctrine considère que le décès est une cause de résiliation du contrat qui, comme telle, opère ex nunc( P -

Page 221: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

216

Ils justifient leur analyse par le fait que tout contrat marqué d’intuitus personae

contient tacitement une clause prévoyant la résiliation de plein droit en cas de décès de

l’un des contractants756

. Suivant cette analyse, le décès du franchisé ou du franchiseur a

donc pour conséquence d’entraîner la résiliation du contrat de franchise. D’autres

estiment que l’extinction d’un contrat en cas de décès doit être qualifiée de caducité757

.

Cette dernière qualification nous paraît plus adéquate. En effet, la résiliation est un

mécanisme qui trouve sa mise en œuvre en cas d’impossibilité d’exécution imputable à

l’une des parties. Or, cela n’est pas le cas en cas de décès de l’une d’elles. Celui-ci n’a

pas pour origine une faute. Il constate simplement un fait juridique qui s’impose aux

parties. Dès lors, le mécanisme de la résiliation devrait être écarté au profit de celui de

la caducité. Il n’en va autrement qu’en présence d’une clause d’intuitus personae

prévoyant la résiliation du contrat.

214. La stipulation fréquente de clauses d’intuitus personae. Fréquemment, les

contrats de franchise contiennent des clauses d’intuitus personae758. Selon ces clauses,

en cas de décès de l’une des parties, le contrat de franchise ne pourra être transmis à ses

héritiers qu’avec l’agrément préalable de l’autre partie 759

.

H. DELVAUX, Les causes d’extinction des contrats en droit belge, RDAI/ 1997, n° 7, p.837 et préc., n°5,

p.842). Il en va de la même en droit anglais (P -R. ELLINGTON, « Termination of contracts Under

English Law », RDAI / 1997, n° 7, p.857, et spéc., p.865). 756

H, L., J. MAZEAUD et F. CHABAS, Leçons de droit civil, Les obligations, t. II, 9e édition ,

Montchrestien, 1998, n° 739, p.863. Pour ces auteurs, lorsqu’un contrat est conclu intuitus personae, le

décès de l’un ou de l’autre des contractants entraîne la résiliation automatique du contrat. Cette résiliation

est conventionnelle, et trouve sa source dans la volonté tacite des parties de mettre fin à leur contrat en

cas d’une atteinte à intuitus personae. Ces auteurs observent ainsi : « Lorsque le contrat est résilié par le décès de l’une des parties, on ne se trouve pas, d’ailleurs, en présence d’une résiliation forcée, mais bien plutôt d’une résiliation conventionnelle tacite ; en contractant intuitus personae, les parties se sont implicitement entendues que le contrat cessera par le décès du débiteur, ou par tout événement de force majeure (infirmité, etc.) rendant impossible pour le débiteur l’exécution de ses obligations .Il en résulte que les contractants peuvent valablement stipuler une convention contraire ». 757

En ce sens, v. R. CHAABAN, La caducité des actes juridiques, Etude de droit civil, LGDJ, 2005,

préface Y. Lequette, n° 94, p. 98 ; C. PELLETIER, La caducité des actes juridiques en droit privé

français, L. Harmattan, 2004, préface P. Jestaz, n° 143, p.191 ; M.-E. ANDRE, L’intuitus personae dans

les contrats entre professionnels, in Mélanges. M. Cabrillac, Dalloz, 1999, p. 23, n° 22, p.32 et s ; F.

GARRON, La caducité du contrat, PUAM, 1999, préface. J. Mestre, n°122, p.152, et spéc., n° 127,

p.154 ; P.-L. FORIERS, La caducité des obligations contractuelles par disparition d’un élément essentiel

à leur formation, Bruylant, Bruxelles, 1998, n° 27, p.32 ; B. MERCADAL, Les causes d’extinction des

contrats en droit français, RDAI / 1997, n° 7, p.869, et spéc., 870. J.-M. MOUSSERON, Technique

contractuelle, par P. MOUSSERON, J. RAYNARD, J.B. SEUBE, Edition Francis Lefebvre, 3e édition,

2005, n° 1202 et s. 758

O. GAST , La clause de personnalité ou « d’intuitus personae » dans les contrats de franchise , LPA

18 décembre 1987, n° 151 , p.7 ; J. CALVO, Les clauses d’intuitus personae dans les contrats

commerciaux, LPA 5 juillet 1996 , n° 81, p.10. 759

O. GAST, opt.cit.

Page 222: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

217

La stipulation de telles clauses est admise par la jurisprudence. Celle-ci reconnaît

leur validité dès lors qu’elles sont expressément prévues dans le contrat et qu’elles sont

mises en œuvre de manière loyale760

. Elles sont, dans la quasi-totalité des cas, stipulées

au profit du seul franchiseur. Elles sont souvent rédigées ainsi : « Le présent contrat est

strictement personnel ; il est résilié de plein droit en cas de décès du franchisé »761. Ce

renforcement de l’intuitus personae à l’égard du franchisé s’explique, en réalité, par

l’appartenance du franchisé au réseau de franchise et par le fait que sa défaillance

produira des effets négatifs sur l’activité des autres franchisés et sur l’image du

franchiseur762

.

A vrai dire pour faire obstacle à la transmission du contrat de franchise en cas de

décès, les parties n’ont pas a priori besoin de recourir à la stipulation de telles clauses.

Il est unanimement admis que le contrat de franchise est un contrat conclu intuitus

personae763. Cela est considéré comme allant de soi.

760

Voir par exemple, Cass. com., 2 juillet 1991, RJDA 1991, n°70 ; RTD civ. 1992, p.93, obs. J.

MESTRE. En l’espèce, un contrat de concession d’automobile a été conclu entre un concédant (la société

Peugeot) et un concessionnaire (la société Carles) pour la concession, dans la ville de Tulle, des véhicules

de marque Talbot. Ce contrat comportait une clause selon laquelle en cas de changement dans la personne

du concessionnaire, le contrat de concession serait résilié de plein droit. A la suite du décès du président

de la société concessionnaire, la société concédante avait résilié le contrat de concession conformément à

la clause prévue. Toutefois, le nouveau dirigeant, qui était le fils du précédent et qui n’avait pas pu

convaincre le concédant que la concession lui soit à nouveau accordé, a assigné la société concédante

pour rupture abusive. La Cour d’appel de Paris lui a donné gain de cause, et condamné la société

concédante à des dommages et intérêts pour rupture abusive. Insatisfait de cet arrêt, la société concédante

a formé un pourvoi. Or, ce pourvoi fut rejeté par la Chambre commerciale de la Cour de cassation ayant

déclaré : « Mais attendu que l’arrêt du 11 juillet 1984, par des motifs expressément repris par l’arrêt du 7 juillet 1988, a constaté qu’après avoir, huit jours à peine après le décès du président de la société Carles, pris acte de la résiliation de plein droit du contrat de concession, la société Peugeot, saisie d’une nouvelle candidature de la même société Carles, qu’elle s’était engagée à examiner par priorité et dont les circonstances révèlent qu’elle méritait une étude sérieuse et approfondie, lui a signifié sa décision avec une précipitation excessive, sans faire d’enquête, sans rechercher à compléter son information ni solliciter de renseignements ; qu’ayant relevé que la brusquerie avec laquelle la société Peugeot a d’abord signifié la résiliation du contrat, puis écarté l’offre d’en conclure un nouveau, rendait illusoire et sans intérêt le droit du concessionnaire de proposer un successeur et révélait que la décision était déjà prise de confier la concession Talbot à un autre, la cour d’appel a pu déduire de l’ensemble de ces constatations et appréciations que la façon dont la société Peugeot avait exercé son droit de choisir son nouveau concessionnaire, présentait un caractère abusif et constituait une faute ». 761

O. GAST , La clause de personnalité ou « d’intuitus personae » dans les contrats de franchise , LPA

18 décembre 1987, n° 151 , p.7 ; J.CALVO, Les clauses d’intuitus personae dans les contrats

commerciaux, LPA 5 juillet 1996 , n°81 , p.10. 762

D. FERRIER, Franchise, Rép. com. Dalloz 1996, n°88. 763

Y. MAROT, L’intuitus personae, L’officiel de la franchise, février 2008, n° 78, p.130 ; M.

MALAURIE-VIGNAL, Droit de la distribution, Sirey, 2006, n° 728, p.199 et s ; D. FERRIER, Droit de

la distribution, Litec, 4e édition, 2006, n° 713, p. 317 et s ; J.-M. LELOUP, La franchise, Droit et

pratique, Delmas, 4e édition, 2004, n° 1505, p. 266 ; Ph. Le TOURNEAU, Les contrats de franchisage,

Litec, 2003, n° 329, p.115 ; L. GIMALAC, S. GRAC, La franchise, Guide juridique et pratique,

Puitsfleuri, 2003, p.18 ; D. MATRAY, Introduction générale, in Le contrat de franchise, Bruylant, 2001,

séminaire organisé à Liège Le 29 septembre 2000, p.7, et spéc., p.23 et s ; Ch. ATIAS, Le contentieux de

Page 223: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

218

Pourtant, la pratique révèle que leur stipulation est omniprésente, de manière

presque systématique, en matière de contrats de franchise,764

et aussi dans la majorité

des contrats d’affaires765

, de sorte qu’ il est souvent difficile de méconnaître le caractère

personnel dans ce genre de contrats766

. Cela peut, peut-être, s’expliquer par la volonté

des contractants d’affirmer le caractère personnel de leur relation contractuelle, et

d’éviter, donc, tout éventuel risque d’élimination du caractère personnel de leur

contrat767

, ou une discussion éventuelle sur ce point. Notons, enfin, que si le décès de la

personne physique entraîne la disparition du contrat de franchise, il en va de même pour

la dissolution de la personne morale.

2. La dissolution du contractant personne morale

215. Diversité des causes de dissolution. La société franchisée ou franchiseur comme

« la personne physique n’est pas éternelle : elle naît, elle vit et elle meurt. La mort de

la société s’appelle la dissolution »768.

En réalité, les causes de dissolution de la société, partie à un contrat de franchise,

peuvent être diverses. Elles peuvent être liées à l’expiration du temps pour lquelle elle a

été constituée769

, à la réalisation ou à l’extinction de son objet ou à l’annulation du

contrat de société.

la franchise, Analyse Loyers, 1996, n° 331 ; F. COLLART-DUTILLEUL, Ph. DELEBECQUE, Contrats

civils et commerciaux, Précis Dalloz, 7e édition, 2004, n° 956, p.935 ; J.-M. MOUSSERON, Technique

contractuelle, par P. MOUSSERON, J. RAYNARD, J.-B. SEUBE, Edition Francis Lefebvre, 3e édition,

2005, n°1186. D. KARJESKI, L’intuitus personae dans les contrats, th., Toulouse, 1998, n 173, p.171. 764

O. GAST, La clause de personnalité ou « d’intuitus personae » dans les contrats de franchise, LPA 18

décembre 1987, n°151, p.7. 765

J. CALVO, Les clauses d’intuitus personae dans les contrats commerciaux, LPA 5juillet 1996, n°81,

p.10 766

J. MESTRE, RTD civ.1987, p. 747 : « Il n’est de nos jours guère possible de méconnaître la présence de l’intuitus personae dans la plupart des contrats conclus par une entreprise (non seulement contrats bancaires, mais encore concession, franchise, agence commerciale, ingénierie, etc) ». 767

M. AZOULAI, L’élimination de l’intuitus personae dans le contrat, in La tendance à la stabilité du

rapport contractuel, LGDJ 1960, p.2. 768

A. BRUNET, Dissolution, Rép. société. Dalloz, n°1. 769

Ex. Cass. com., 23 octobre 2007, pourvoi n° 05-19.092.

Page 224: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

219

Elles peuvent aussi être liées à la dissolution anticipée décidée par les associés

770ou à la dissolution anticipée prononcée par le tribunal à la demande de l’un d’entre

eux, à la liquidation judiciaire de la société771

ou enfin à la mésentente entre associés

paralysant le fonctionnement de la société772

. Outre ces hypothèses, la dissolution de la

société partie au contrat de franchise peut être due à l’opération de fusion avec une autre

société. En pareille hypothèse, la dissolution de la société absorbée est en principe sans

incidence sur la survie des contrats qu’elle a conclus. Selon, les articles L. 372-1, al. 1 et

381 al. 1 du Code de commerce, le principe est la transmission universelle du

patrimoine de la société absorbée par la société absorbante773

. Tous les contrats

auxquels la société absorbée était partie seront poursuivis par la société absorbante.

Celle-ci remplace la société absorbée dans ses engagements à l’égard des tiers. Un tel

principe de transmission universelle du patrimoine de la société absorbée à la société

absorbante en cas de fusion a le mérite d’apporter la souplesse que la pratique recherche

dans les opérations de restructurations sociétaires. « Tout le socle juridique de l’activité

économique transférée est sauvegardé »774.

Toutefois, si le principe est la transmission du patrimoine en cas de fusion, ce

principe ne peut s’appliquer au contrat de franchise et à tous les contrats marqués par

intuitus personae de façon générale.

770

V. Cass. com., 31 octobre 2006, Revues des sociétés, 2007, p.559, obs. L. AMIEL-COSME. 771

Ph. MERLE, Droit commercial, Sociétés commerciales, Précis Dalloz, 10e édition, 2005, n° 105, et s.

772 H. LECUYER, Mésentente entre associés : dissolution pour la bonne cause, Rev. Droit des sociétés,

n°11, novembre 2005, 190. 773

Article 372-1, al. 1er

du code de commerce : « La fusion ou la scission entraîne la dissolution sans liquidation des sociétés qui disparaissent et la transmission universelle de leur patrimoine aux sociétés bénéficiaires, dans l’état où il se trouve à la date de réalisation définitive de l’opération. Elle entraîne simultanément l’acquisition, par les associés des sociétés qui disparaissent, de la qualité d’associés des sociétés bénéficiaires, dans les conditions déterminées par le contrat de fusion ou de scission ». Article

381, al. 1er

: « La société absorbante est débitrice des créanciers non obligataires de la société absorbée au lieu et place de celle-ci sans que cette substitution emporte novation à leur égard ». 774

C. PRIETO, La société contractante, PUAM, 1994, préface .J. Mestre. n° 577, p. 329, et spcé., p.330.

Page 225: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

220

Cet intuitus personae s’oppose en effet à sa transmission de plein droit en cas de

fusion775

. Il l’emporte sur le principe de la transmission universelle du patrimoine 776

.

Le contrat de franchise ne peut donc être transmis à la société absorbante, sauf accord

contraire de la part des parties777

, d’où l’éventuelle extinction du contrat de franchise778

.

216. Caducité du contrat. Peu importe la cause de la dissolution de la société

franchisée ou franchiseur, celle-ci entraîne ipso facto l’extinction anticipée du contrat de

franchise779

. En pareille hypothèse, le contrat devient caduc pour cause de disparition

d’un des éléments essentiels à sa survie qui rend impossible son exécution.

775

Cass. com., 29 octobre 2002, n° 01-03. 987 ; RJDA. 2003, n° 263 ; RTD civ. 2003, p.295. obs. J.

MESTRE et B. FAGES ; Dr. patr. 2003, n°117, p.98, obs. D. PORACCHIA. Dans cet arrêt où un agent

commercial réclamait à la société bénéficiaire d’un apport partiel d’actif les indemnités de rupture du

contrat qui le liait à la société apporteuse, la Cour de cassation a approuvé les juges du fonds d’avoir

rejeté cette demande, au motif que le contrat d’agence commercial conclu en considération de la personne

ne peut être transmis, même par cession partielle d’actif, qu’avec l’accord du cessionnaire et de l’agent.

V. plus récemment, Cass. com., 7 juin 2006, pourvoi n° 05-11. 384 ; D. 2006, p. 1685, obs. A.

LIENHARD. 776

Sur ce point, v. R. HOUIN, obs sous CA Amiens, 5 octobre 1974, RTD com.1975, p.136 : « il peut donc exister des biens qui ne peuvent pas être transmis par la société absorbée à la société absorbante ; tel est le cas aussi des contrats qui présentent un caractère intuitus personae ». V. aussi, C. PRIETO, La société contractant, PUAM, 1994, préface J. Mestre, n° 685, p.415: « (…) l’intuitus societatis produit des effets importants face aux événements sociétaires. Tout d’abord, le contrat intuitus societatis contrarie nécessairement la règle de la transmission universelle du patrimoine, en s’attachant à la dissolution de la société en dépit de l’absence de liquidation. La continuation de la personne morale est inefficace pour emporter la poursuite du contrat. Ensuite, l’intuitus societatis contrarie de la même façon le maintien de la personne morale, en s’attachant à la perte de la qualités due à certains événements sociétaires ». C. PRIETO, Evènement affectant la personne de la société contractante, in La cessation des

relations contractuelles d’affaires, sous la dir. J. Mestre, PUAM, 1997, p.81 ; A. VIANDIER, Les

contrats conclus intuitus personae face à la fusion des sociétés, in Mélanges. Ch. Mouly, Litec, 1998,

p.193. A. VIANDIER, Limites au principe de transmission universelle du patrimoine en cas d’apport

partiel actif, JCP E 2004, n° 49, 1774 ; O. BARRET, A propos de la transmission universelle du

patrimoine d’une société , in prospective du droit économique, Dialogue avec M. JEANTIN, Dalloz,

1999, p.109 ; Y. DELGOVE, Le sort du contrat en cas de restructuration de la société contractante, Dr.

patri, 1999, n° 72, p.76 ; Cass. com. 29 octobre 2002, D. 2003, n° 32, p. 2231, note .J -P. BRILL et

C.KOERING, « Apport partiel d’actif, transmission universelle de patrimoine et contrat conclu intuitus

personae : un dérapage » ; N. PERREAU et C. ACKERMANN, « La transmission de contrats intuitus

personae dans le cadre d’opération d’apport partiel d’actif et de fusion », L PA, 3 juin 2004, n° 111, p.4 ;

J. MONNET et H. HOVASSE, « Fusion. Contrats intuitus personae », Dr. sociétés. 2006, p. 23 ; P. Le

CANNU, Fusion et changement du partenaire : les baux jours de l’intuitus personae, RTD civ. 2006, p.

429 ; P.-Y. BERARD, Les fusions à l’épreuve de l’intuitus personae, RTD com. 2007, p. 279. 777

Cass. com.,3 juin 2008, pourvoi n° 06-18.007 ; D ; 2008, p.1623.obs. A. LIENHARD 778

V. D. MATRAY, Introduction générale, in Le contrat de franchise, Bruylant, 2001, séminaire organisé

à Liège Le 29 septembre 2000, p.7, et spéc., p.24. 779

L. GIMALAC et S. GRAC, La franchise, Guide juridique et pratique, Puits fleuri, 2003, p.18 ; D.

MATRAY, Introduction générale, in Le contrat de franchise, Bruylant, 2001, séminaire organisé à Liège

Le 29 septembre 2000, p.7, et spéc., p.24.

Page 226: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

221

C’est ce qu’illustre l’arrêt du 18 février 1997. Dans cette décision, rendue à propos

d’un contrat de concession de marque, la Chambre Commerciale de la Cour de

cassation a reconnu tacitement la caducité du contrat de concession en raison de la

fusion de la société concessionnaire. Elle a approuvé l’arrêt d’appel en décidant que :

« Après avoir retenu qu’un contrat de concession de marque au profit d’une société

prévoyait une impossibilité de transfert de droit et qu’à partir de la date de

l’absorbation définitive de la société concessionnaire de la marque, la personnalité

morale du concessionnaire de la marque avait disparu, une cour d’appel a pu décider

que le contrat de concession de marque avait cessé d’exister à compter de cette date »

780. La même solution se rencontre lorsque la disparition de celui-ci est due au

changement de contractant.

B. Disparition due au changement de contractant

217. Problématique. Au cours du contrat de franchise, bien des évènements volontaires

ou fortuits peuvent affecter la situation de l’une des parties. Tel est, par exemple, le cas

lorsqu’ un contrat de franchise, après avoir été bien adapté aux objectifs et aux besoins

des parties, devient pour le franchisé ou le franchiseur un fardeau inutile. Le contrat lui-

même garde son utilité et sa raison d’être, mais l’une des parties ne peut pas poursuivre

son exécution, soit parce qu’elle n’a pas les moyens de l’exécuter, soit parce qu’elle ne

le désire pas. Que se passe-t-il dans ces hypothèses ? Le franchisé ou le franchiseur

peut-il céder son contrat avec, ou non, son fonds de commerce à un tiers qui le remplace

dans l’exécution du contrat et donc éviter le paiement d’une indemnisation qui serait

allouée au cocontractant s’il y avait résiliation du contrat ? Le principe, en la matière,

est l’incessibilité du contrat de franchise en raison de son caractère intuitus personae. Il

en résulte que la disparition du franchiseur ou du franchisé, à l’égard duquel cette

question se pose souvent -à travers la cession du contrat ou de son fonds de commerce-

entraîne normalement l’extinction de plein droit du contrat (1). Toutefois, ce principe

souffre de plus en plus de tempéraments en pratique (2).

780

Cass. com., 18 février 1997, Rev. sociétés. 1998, p. 324, note. Ph. FORTUIT.

Page 227: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

222

1. Le principe : extinction en cas de cession du contrat de franchise

218. Principe de l’incessibilité du contrat et ses conséquences. La question de la

cession du contrat a fait l’objet d’une vive controverse doctrinale. Certains auteurs

contestent la possibilité de la cession du contrat781

, tandis que d’autres l’admettent782

.

Toutefois, la jurisprudence a mis fin à ce débat doctrinal en admettant la possibilité

pour une partie de céder son contrat avec le consentement de son cocontractant783

. En

matière de contrat de franchise, le principe est l’incessibilité du contrat en raison de son

caractère intuitus personae784.

781

J. GHESTIN, Ch. JAMIN, M. BILLIAU, Les effets du contrat, L.G.D.J, 3e édition, 2001, n° 1024 et

spéc., n° 1044 et s ; Ch. JAMIN, Cession de contrat et consentement du cédé, D. 1995, Chron., p. 131 ;

M. BILLIAU, Cession de contrat ou « délégation » de contrat, JCP. G 1994 I, 3758. Ces auteurs

considèrent que la cession du contrat conventionnelle ne peut être admise. Pour justifier leur analyse, ces

auteurs invoquent deux arguments de texte. D’abord, l’article 1134 du Code civil interdit à un contractant

de modifier unilatéralement les termes de son engagement. Ainsi, selon eux, non seulement le cédé peut

continuer à se prévaloir du contrat à l’encontre du cédant mais, en outre, celui-ci devrait demeurer tenu de

ses obligations à l’égard de lui. Ensuite, l’article 1156 du Code civil qui pose le principe de l’effet relatif

des conventions s’oppose à ce que le cessionnaire exige à son profit l’exécution du contrat et puisse agir à

l’encontre du cédé avec lequel il n’a pas contracté. En d’autres termes, ce courant doctrinal considère que

la convention conclue entre le cédant et le cessionnaire est inopposable au cédé en l’absence de l’accord

de celui-ci. Si, en revanche, le cédé donne son consentement, il participe à l’opération et il n’est donc plus

possible de parler de cession de contrat puisque c’est un nouveau contrat qui se noue entre le cédé et le

cessionnaire. L’échange du consentement engendre, pour eux, un contrat nouveau et qui se forme entre le

cédé et le cessionnaire, dont les caractéristiques sont exactement identiques au contrat cédé. 782

L. AYNES, La cession de contrat et les opérations juridiques à trois personnes, Economica, 1984,

préface Ph. Malaurie, n°73, et s. L. AYNES, Les clauses de circulation du contrat, in Les principales

clauses des contrats conclus entre les professionnels, PUAM, 1990, p. 131. Cet auteur, adoptant une

conception objective du contrat, admet la cession de contrat. Selon lui, le contrat doit être appréhendé

comme un bien et, à ce titre, doit pouvoir, comme tout autre élément du patrimoine, être cédé. Il s’agit,

dit-il, de la cession du « rapport contractuel » et non du « rapport d’obligation ». Ce faisant, l’institution

ne se heurte pas aux principes « qui forment les colonnes du temple contractuel ». D’une part, le principe

d’intangibilité ne s’oppose pas au changement de l’une des parties au contrat car les obligations assumées

par le cessionnaire restent identiques à celles souscrites au profit du cédé, notamment à leur cause, objet

et modalités. D’autre part, le principe de l’effet relatif ne s’applique ici car le cessionnaire perd sa qualité

de tiers pour endosser celle de partie au contrat. Ainsi, la cession du contrat permet d’assurer le respect

des articles 1134 et 1165 du Code civil dans la mesure où elle permet au contrat successif de demeurer

obligatoire malgré la modification de l’une des parties. 783

Cass. com., 7 janvier 1997, pourvoi n°94-16.335 et n° 95-10.252. 784

Ph. Le TOURNEAU, Les contrats de franchisage, Litec, 2e édition, 2007, n° 259, p.119 et s ; M.

MALAURIE-VIGNAL, Droit de la distribution, Sirey, 2006, n° 728, p.199 et s ; D. FERRIER, Droit de

la distribution, Litec, 4e édition, 2006, n° 713, p.317 et s ; J.-M. LELOUP, La franchise, Droit et pratique,

Delmas, 4e édition, 2004, n°1505, p.266 ; D. MATRAY, Introduction générale, in Le contrat de franchise,

Bruylant, 2001, séminaire organisé à Liège Le 29 septembre 2000, p.7, et spéc., p.23 et s ; J.-M.

MOUSSERON, Technique contractuelle, par P. MOUSSERON, J. RAYNARD, J.-B. SEUBE, Edition

Francis Lefebvre, 3e édition, 2005, n°1186. D. KARJESKI, L’intuitus personae dans les contrats, th.,

Toulouse, 1998, n 173, p.171 ; M. MALAURIE-VIGNAL, Intuitus personae et liberté de la concurrence

dans les contrats de la distribution, JCP E 1998, n° 7, p.260.

Page 228: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

223

Cet intuitus personae, renforcé par une solidarité commerciale de fait et par la

poursuite d’intérêts communs, fait obstacle à ce que l’une des parties cède le contrat

seul ou avec son fonds de commerce sous quelque forme que ce soit785

. En

conséquence, lorsque l’une des parties au contrat de franchise cède son contrat, cette

cession emporte extinction de plein droit du contrat, sauf agrément de l’autre partie786

.

En pareille hypothèse, le contrat devient caduc pour cause de disparition d’un élément

essentiel à son existence ou à sa survie tenant à l’une des parties.

219. La portée du principe de l’incessibilité. Intuitus personae unilatéral ou

bilatéral ? Certaines décisions ont jugé que l’intuitus personae dans les contrats de

franchise a un caractère unilatéral787

, et qu’il ne touche que la personne du franchisé.

Par conséquent, le principe de l’incessibilité du contrat de franchise n’est pas opposable

au franchiseur qui peut céder le contrat sans l’agrément préalable du ou des franchisés.

Il n’en va autrement qu’en présence d’une clause qui interdit à toutes les parties de

céder le contrat sans l’agrément de l’autre.

Une partie de la doctrine approuve ces décisions. Elle estime que le contrat de

franchise n’est conclu intuitus personae qu’au égard de la personne du franchiseur788

.

785

Ph. Le TOURNEAU, Les contrats de franchisage, op.cit., n° 259, p.119 et s D. MATRAY,

Introduction générale, in Le contrat de franchise, Bruylant, 2001, séminaire organisé à Liège Le 29

septembre 2000, p.7, et spéc., p.23 et s. 786

Cass. civ.,1er

, 6 juin 2000, n° 97-19.347 ; RTD civ. 2000, p.571, obs. J. MESTRE et B. FAGES. Dans

cet arrêt, la Cour de cassation a jugé que « le fait qu’un contrat ait été conclu en considération de la personne du cocontractant ne fait pas obstacle à ce que les droits et obligations de ce dernier soient transférés à un tiers dès lors que l’autre partie y a consenti ». 787

CA Paris 6 février 1992, Juris-Data n° 020332. Il a été jugé que si dans le contrat de franchise, il existe

un intuitus personae au profit du franchiseur qui agrée les franchisés, il n’en va pas de même pour ces

derniers. Et que dès lors que le cessionnaire des contrats de franchise conserve les caractéristiques et les

services intrinsèques de la franchise, qu’il reprend le personnel qui l’anime, offre son savoir-faire de

professionnel et que la preuve de la perturbation de l’économie du contrat n’est pas rapportée, la cession

est valable. CA Pau 24 janvier 1996, Juris-Data n° 1996-041922. Dans cet arrêt, il a été jugé que l’apport

partiel d’actif de son fonds par le franchiseur à une société n’entraîne pas la résiliation du contrat. De

même dans un autre arrêt du 10 avril 1996, (T. com. Paris, 10 avril 1996, Juris-Data n° 042059) dans

lequel il a été jugé que la cession de contrat de franchise par le franchiseur est possible sans que l’on

puisse y opposer l’intuitus personae qui n’est inhérent qu’au franchisé. 788

Ph. Le TOURNEAU, Les contrats de franchisage, Litec, 2e édition, 2007, n° 259, p.119 et s : « (…) le

contrat de franchisage paraît en principe incessible, étant fortement marqué par la considération de la personne du franchisé, qu’elle soit une personne physique ou une personne dite morale ». Y. MAROT,

« Revendre une franchise-liberté contrôlée », Franchise Magazine mai-juin 1993 .Cet auteur observe :

« Dans presque tous les cas, le contrat n’est pas conclu intuitus personae eu égard à la personne du franchiseur .Ainsi, en cas de cession du réseau, le franchisé ne pourra rompre son contrat du seul fait d’un changement de franchiseur». De même, H. BENSOUSSAN, Le droit de la franchise, Apogée, 1999,

Page 229: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

224

Celui-ci est donc libre de céder son réseau sans même obtenir l’accord préalable de

ses franchisés. Sauf changement dans l’économie par son successeur, ces franchisés ne

peuvent opposer cette cession et donc demander la résiliation du contrat. Une telle

solution est étonnante. Elle méconnaît, nous semble-t-il, la réalité du contrat de

franchise qui est conclu intuitus personae eu égard aux deux parties. Si le franchiseur

choisit son franchisé en fonction de ses qualités et de ses aptitudes à mettre

efficacement en œuvre le système de la franchise, le franchisé choisit aussi son

franchiseur en fonction de la notoriété de son réseau, de sa réputation et de son savoir-

faire. Il n’y a pas donc lieu de dire que le principe de l’incessibilité du contrat de

franchise ne s’applique qu’au seul franchisé789

. D’ailleurs, cette solution contrarie

l’enseignement que l’on peut déduire de l’arrêt du 6 mai 1997 rendu par la Chambre

commerciale, arrêt affirmant que le cédé doit donner toujours son consentement à la

cession790

.

Le caractère bilatéral de l’intuitus personae dans le contrat de franchise a été

récemment affirmé par la Chambre Commerciale dans deux arrêts rendus le 3 juin

2008791

. Celle-ci a jugé que la transmission du contrat de franchise à propos d’une

fusion -absorbation supposait l’accord du franchisé. Toutefois, il convient de noter que

si le principe est l’incessibilité du contrat de franchise, ce principe n’est pas absolu.

Certains tempéraments y sont apportés.

2. Tempéraments au principe

220. Diversités des tempéraments. Le principe de l’incessibilité du contrat de

franchise souffre de plus en plus des tempéraments sur le plan pratique. Certains de ces

tempéraments sont d’origine contractuelle (a), tandis que d’autres sont d’origine

jurisprudentielle (b).

p.242 : « Sans doute, le peu de maîtrise initiale des conventions par les franchisés, incite les franchiseurs à conférer un caractère unilatéral à l’intuitus personae ». 789

F.-L. SIMON, La circulation du contrat de franchise, in La franchise : un an d’actualité, LPA, 09

novembre 2006, n°224, p.30 et LPA, 15 novembre 2007, n°229, p.38, numéro spécial. 790

Cass. com., 6 mai 1997, pourvoi n° 94-16. 335. 791

Cass. com.,3 juin 2008, pourvoi n° 06-18.007.

Page 230: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

225

a. Tempéraments contractuels

221. Modalité des clauses. Les modalités encadrant la cession des contrats de franchise

varie en fonction des prévisions des parties. Certains contrats de franchise contiennent

une clause qui permet au franchisé, par exemple, de céder librement son contrat, avec

son fonds de commerce ou non, tout en autorisant le franchiseur à résilier le contrat

dans la mesure où il se révèle que le successeur est inapte à appliquer le système de la

franchise (1). Toutefois, de telles clauses peuvent, dans certaines circonstances, paraître

dangereuses étant donné qu’elles peuvent conduire à l’entrée dans le réseau de franchise

d’un nouveau contractant concurrent ou incompétent. C’est la raison pour laquelle les

parties y ont de moins en moins recours. Fréquemment, les contrats de franchise

comportent une clause qui subordonne la possibilité pour le franchisé de céder son

contrat de franchise à l’agrément préalable du franchiseur (2). Sachant qu’en cas de

cession du contrat accompagné d’un fonds de commerce, le franchisé est le plus souvent

lié par une clause de préférence (3).

1. Clause de libre circulation sous condition résolutoire de performance

222. Mécanisme. En vertu du principe de la liberté contractuelle, le franchiseur et le

franchisé peuvent prévoir dans leur contrat une clause appelée « clause de libre

circulation sous condition résolutoire de performance »792. Selon cette clause, le

franchisé, par exemple, peut librement céder le contrat de franchise, avec son fonds de

commerce ou non.

Cependant, le franchiseur a la faculté de résilier avec effet immédiat le contrat, par

lettre recommandée avec accusé de réception et sans indemnité, si le candidat

successeur du franchisé ne répond pas aux conditions objectives d’aptitude ou de

solvabilité requise793

.

792

J.-M. LELOUP, La franchise, Droit et pratique, 3é édition, Delmas, 2004, n° 1507, p.271.

793 J.-M. MOUSSERON, Technique contractuelle, par P. MOUSSERON, J. RAYNARD, J-B. SEUBE,

Edition Francis Lefebvre, 3e édition, 2005, n° 1245.

Page 231: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

226

En pareille hypothèse, le franchisé dispose souvent d’un droit de repentir et il a la

faculté de renoncer à son projet et de poursuivre la relation contractuelle avec le

franchiseur794

.

223. Avantages et inconvénients. La présence d’une telle clause comporte certains

avantages pour le franchisé. Elle lui permet de céder librement, et dans le meilleur délai,

le contrat dès lors qu’il trouve des offres intéressantes. Toutefois, elle ne manque pas de

présenter de graves inconvénients tant pour le candidat successeur du franchisé que

pour le réseau de franchise. Pour le bénéficiaire du transfert du contrat, celui-ci peut, à

tout moment, être évincé du réseau s’il ne prouve pas son aptitude et sa compétence à

faire une bonne application du système de la franchise. Pour le réseau de franchise, la

clause de libre circulation s’avère risquée pour la sauvegarde de l’image du réseau

puisqu’elle pourrait aboutir à l’entrée dans le réseau d’un membre incapable d’exploiter

le système ou de maintenir la qualité du concept de la franchise 795

ou à celle d’un

concurrent dont le seul souci est de révéler le savoir-faire du franchiseur. C’est la raison

pour laquelle les franchiseurs écartent désormais la stipulation d’une telle clause au

profit de celle soumettant la cession à leur agrément préalable.

2. Clause d’agrément

224. Exercice généralement réservé au seul franchiseur. L’examen de la pratique

montre que les contrats de franchise contiennent fréquemment une clause d’agrément.

Selon cette clause, une partie ne peut céder le contrat de franchise seul ou avec son

fonds de commerce sans l’accord exprès préalable de son cocontractant796

. Une telle

clause d’agrément préalable peut être bilatérale, c'est-à-dire qu’elle peut être appliquée

indifféremment au franchisé comme au franchiseur797

.

794

Ibid. 795

Ibid. 796

Ph. Le TOURNEAU, Les contrats de franchisage, Litec, 2e édition, 2007, n° 259, p.119; M.

MALAURIE-VIGNAL, Droit de la distribution, Sirey, 2006, n° 737, p 202, et s ; D. FERRIER, Droit de

la distribution, Litec, 4e édition, 2006, n° 713, p.317 et s ; J.-M. LELOUP, La franchise, Droit et pratique,

Delmas, 4e édition, 2004, n° 1508, p.267, et s. V. aussi, J. RAYNARD, La technique contractuelle au

service de la pérennité du réseau de distribution, Cah. dr. entr. 2005, n°3, p.30, et spéc., p.35. 797

CA Rennes, 20 janvier 2004, Juris-Data n° 2004-239028. Dans cet arrêt, un certain nombre de

franchisés ont résilié le contrat de franchise, au motif que leur franchiseur a cédé son contrat sans leur

agrément préalable. De son coté, le franchiseur a contesté cette résiliation et les a assigné pour rupture

fautive du contrat de franchise. Pour fonder sa demande, le franchiseur invoquait que le contrat de

franchise stipulait qu’il était conclu en considération de la personne du franchisé, et qu’aucune clause ne

Page 232: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

227

Elle peut aussi être unilatérale et ne s’applique qu’à une seule partie. Le plus

souvent, elle est stipulée à l’égard seul du franchisé. « Le franchisé ne pourra céder les

droits qu’il tient du présent contrat, sauf s’il obtient préalablement et par écrit le

consentement du franchiseur »798. Cela ne doit pas surprendre, étant donné que le

contrat de franchise est un contrat d’adhésion rédigé par le seul franchiseur. Le

franchisé ne peut qu’accepter les conditions prévues au contrat ou le laisser.

225. Utilité. A la différence de la clause d’incessibilité799

, la clause d’agrément n’a pas

pour effet de priver le franchisé de la possibilité de céder son contrat, mais seulement de

permettre au franchiseur de contrôler le choix de la personne du cessionnaire800

. En

d’autres termes, la cession de contrat de franchise par le franchisé est soumise à

l’autorisation préalable du franchiseur. Cette autorisation « ne constitue que la

conséquence de ce que la cession fait grief au contractant cédé puisqu’en changeant de

cocontractant, il change à la fois de créancier et de débiteur »801. De là résulte l’intérêt

capital de la clause d’agrément qui consiste dans le fait de permettre une conciliation

entre deux intérêts antagonistes que sont l’intérêt du franchisé de céder le contrat,

accompagné ou non de son fonds de commerce, et l’intérêt du franchiseur de maintenir

l’intuitus personae en le transférant sur la personne du successeur.

A cet égard, les Professeurs Behar-Touchais et G. Virassamy observent que le

« consentement sous réserve d’agrément du cessionnaire nous semble (…) être une

technique opportune en cas de cession du contrat de distribution en réseau, car elle

seule prend incontestablement en compte les intérêts du cédé, l’intérêt collectif du

réseau et celui des autres distributeurs.

stipulait la réciprocité du caractère intuitus personae. Par conséquent, ces franchisés n’avaient pas le droit

de rompre le contrat. Or, sa demande a été rejetée par les juges du fond qui se sont prononcés pour la

résiliation du contrat de franchise aux torts du franchiseur. Pour justifier sa décision, l’arrêt considère

qu’à l’origine le contrat de franchise stipulait qu’il était conclu en considération du seul franchisé, la

souscription de parts sociales des franchisés dans la société du franchiseur et l’acceptation du règlement

interne qui en découlait avaient, postérieurement à la conclusion du contrat, instauré un caractère intuitus personae au profit des franchisés. Cette réciprocité de l’intuitus personae impliquait que chacune des

parties ne puisse céder son contrat sans l’agrément de l’autre. 798

J.-M. MOUSSERON, Technique contractuelle, par P. MOUSSERON, J. RAYNARD et J.-B. SEUBE,

Edition Francis Lefebvre, 3e édition, 2005, n° 1241 et s.

799 L. AYNES, Les clauses de circulation du contrat, in Les principales clauses des contrats conclus entre

professionnels, PUAM, 1990, p.135. 800

V. L. AYNES, La cession de contrat et les opérations juridiques à trois personnes, Economica 1984,

préface. Ph. Malaurie, n° 384, p.256, et spéc., n° 390, p.259 et s. 801

V. F.-L. SIMON La circulation du contrat de franchise, in Le contrat de franchise : un an d’actualité,

LPA, 9 novembre 2006, n° 224, p.30.

Page 233: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

228

Il n’y a pas en effet dans ce cas liberté de substitution de contractant, au contraire,

une vérification des aptitudes du candidat cessionnaires est effectuée. L’agrément se

présente ainsi comme un mécanisme permettant de maintenir la considération de la

personne, puisque si le fournisseur a choisi le distributeur initial, il a aussi grâce à

l’agrément une possibilité de choix, certes plus limitée, du successeur du

distributeur »802. Malgré sa fonction de conciliation, la clause d’agrément reste parfois

mal ressentie par les franchisés qui contestent parfois sa validité.

226. Validité. La stipulation d’une clause d’agrément est admise en droit positif. La

jurisprudence reconnaît l’efficacité d’une telle clause interdisant au franchisé de céder

les droits et les obligations résultant du contrat sans l’accord préalable du franchiseur

dès lors qu’elle se trouve mise en œuvre de manière non abusive803

. C’est ainsi que,

dans un arrêt du 21 septembre 2005, la Cour d’appel de Paris a jugé que la clause

d’agrément, qui constituait une modalité d’application de l’intuitus personae propre au

contrat de franchise et tendait à éviter que le bénéfice du savoir-faire et de l’assistance

apportée aille indirectement à un concurrent, n’apparaissait pas contraire au règlement

CE du 30 novembre 1988 et au règlement CE du 22 décembre 1999 qui l’avait

remplacé804

.

Sur le plan communautaire, la clause d’agrément n’est pas considérée comme

restrictive de concurrence au sens de l’article 85 § 1 du traité de Rome dès lors qu’elle

tend à éviter que le bénéfice du savoir-faire et de l’assistance apportée aille

indirectement à un concurrent805

. Selon le règlement n°4087/88, art .3 - 2. «le

franchisé peut se voir interdire de céder les droits et obligations résultants du contrat

sans l’accord préalable du franchiseur ». De même pour les lignes directrices de la

Commission européenne du 13 octobre 2000 qui considère que la clause d’agrément ne

constitue pas une restriction de la concurrence806

.

802

M. BEHAR-TOUCHAIS et G. VIRASSAMY, Les contrats de la distribution, LGDJ 1999, n° 600,

p.311. 803

J. RAYNARD, La technique contractuelle au service de la pérennité du réseau de distribution, Cah. dr.

entr. 2005, n° 3, p.30, et spéc., p.35. V.aussi, Cass. com., 2 juillet 2002, D. 2003, p.93, note. D.

MAZEAUD ; JCP G 2003, II, 100023, note. D. MAINGUY; RDC. 2003, p.152, note. M. BEHAR-

TOUCHAIS ; RTD civ. 2002, 810, obs. J. MESTRE et B. FAGES. 804

CA Paris, 21 septembre 2005, Juris-Data n° 294284. 805

M. C. BOUTARD-LABARD, Franchise et contraintes du droit communautaire, Cah. dr. entr. 1987,

n°2, p. 15. 806

V. Ph. Le TOURNEAU, Les contrats de franchisage, Litec, 2e édition, 2007, n° 574, p. 258.

Page 234: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

229

227. Mécanisme. En présence d’une clause d’agrément, le franchisé se trouve tenu vis -

à- vis du franchiseur d’une obligation de ne pas faire. Il ne doit pas céder son contrat de

franchise seul ou accompagné de son fonds de commerce sans son agrément préalable.

Pratiquement, le franchisé, qui désire céder son contrat doit informer le franchiseur de

son intention. Il doit aussi lui communiquer le nom du candidat se portant acquéreur du

fonds de commerce ou du contrat807

. Une fois informé, le franchiseur dispose d’un

certain délai qui est souvent d’un à trois mois pour réfléchir et informer le franchisé de

sa décision808

. En cas d’agrément par le franchiseur, la relation contractuelle perdure. Le

contrat de franchise se poursuit avec le successeur dans les mêmes conditions que celles

prévues au contrat initial809

. A moins qu’il n’ait été prévu qu’un nouveau contrat de

franchise ne soit signé avec le nouveau le membre cédé. Si, au contraire, l’agrément est

refusé, alors plusieurs hypothèses sont envisageables. Ou bien le franchisé renonce à la

cession et poursuit le contrat avec le franchiseur. Dans ce cas, il doit honorer ses

engagements au terme du contrat. Ou bien il cède seulement son fonds de commerce

sans le contrat, mais dans ce cas, le contrat de franchise sera résilié à ses torts pour

impossibilité d’exécution. Ou bien enfin, il va à l’encontre du refus d’agrément et cède

le contrat. En pareille hypothèse, le franchisé s’expose non seulement à la résiliation du

contrat à ses torts mais aussi à la condamnation des dommages et intérêts à ses torts810

.

228. Le refus d’agrément n’est pas un droit discrétionnaire. Toutefois, il faut noter

que si le franchiseur a le droit de refuser de poursuivre le rapport contractuel avec

quelqu’un d’autre que celui avec lequel il a signé le contrat, ce droit n’est pas

discrétionnaire811

. Le droit de refuser l’agrément ne constitue pas une prérogative

discrétionnaire qui échappe à toute surveillance judiciaire.

807

H. BENSOUSSAN, Le droit de la franchise, Apogée 1999, p.239. 808

J.-M. LELOUP, La franchise, Droit et pratique, Delmas, 4e édition, 2004, n° 1515, et s, p.269 ; H.

BENSOUSSAN, Le droit de la franchise, op.cit. 809

H. BENSOUSSAN, Le droit de la franchise, Apogée 1999, p240 ; D. LEGAIS, La franchise, JCP N

1992, 214, n° 73, p.227. 810

CA Paris, 21 septembre 2005, Juris-Data n° 2005-2942841. 811

Sur les droits discrétionnaires, v. A. ROUAST, Les droits discrétionnaires et les droits contrôlés, RTD

civ.1944, p.1.

Page 235: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

230

La Cour de cassation a, à plusieurs reprises, affirmé que « le droit d’agrément est

limité par l’abus »812.Par voie de conséquence, le franchiseur doit éviter de se décider

par caprice, sous peine d’engager sa responsabilité pour refus abusif. Il doit en effet

examiner de manière sérieuse le candidat du successeur présenté par le franchisé. A cet

égard, on cite que si le contrat prévoit les critères d’agréments, tels que les conditions

d’installation, de formation personnelle du cessionnaire, de solvabilité etc., la décision

d’agrément doit être appréciée en fonction de ces critères813

. Si aucun critère n’est

prévu, la décision du franchiseur d’agréer le cessionnaire doit s’apprécier dans les

mêmes conditions que la sélection initiale des franchisés eux-mêmes814

.

229. Contrôle des motifs. Nous estimons, à l’instar de certains auteurs815

, que le

franchiseur qui refuse d’agréer un candidat proposé par le franchisé doit justifier son

refus d’agrément. Et que sa responsabilité devrait être engagée sur le fondement de

l’abus s’il se révèle que le franchiseur n’a aucun intérêt au refus d’agrément ou que ce

refus crée un déséquilibre manifeste entre les intérêts des parties.

Toutefois, la jurisprudence, approuvée par une partie de la doctrine816

, ne semble

pas aller encore dans ce sens. La jurisprudence se contente simplement d’exercer parfois

un contrôle sur les motifs portés par le franchiseur sur la légitimité du refus. Elle admet

que le refus peut tenir en la personne du cessionnaire telle l’incompétence,

l’insolvabilité, l’absence de viabilité du projet présenté par le futur concessionnaire ou

en raison d’une participation dans le capital d’une société concurrente.

812

Cass. com., 5 octobre 2004 ; RDC.2005, 288 ; Cass.com.5 octobre 2004, JCP E 2005, I, 622 ; RDC.

2005, p.288, Ph. STOFFEL-MUNK ; Contrats, conc. consom., 2005, n° 1, p.14, comm. L. LEVENEUR.

V.aussi, Cass. com., 2 juillet 2002, D. 2003, p.93, note. D. MAZEAUD et somm., p. 2426, obs. D.

FERRIER ; JCP G 2003, II, 100023, note. D. .MAINGUY ; RDC. 2003, p.152, obs. M. BEHAR-

TOUCHAIS ; RTD civ. 2002, 810, obs. J. MESTRE et B. FAGES. 813

D. FERRIER, La rupture du contrat de franchisage, J CP CI 1977, II, 12441, n° 47. 814

Ibid. 815

Y. MAROT, Le droit d’agrément : et si le franchiseur se faisait un devoir de motiver son éventuel

refus ?, Lettre de la franchise, nombre 2001, n° 132, p.4 : « Le clarté, la transparence, l’honnêteté des relations franchiseur-franchisé exigent que le franchiseur se fasse un devoir d’examiner sérieusement et se créer l’obligation de motiver sa décision ». Egalement, D. MATRAY, Introduction générale, in Le

contrat de franchise, Bruylant, 2001, séminaire organisé à Liège Le 29 septembre 2000, p.7, et spéc.,

p.23. Th. REVET, L’obligation de motiver une décision contractuelle unilatérale, instrument de

vérification de la prise en compte de l’intérêt de l’autre partie, RDC 2004, 579. 816

M. BEHAR-TOUCHAIS, obs sous Cass. com., 2 juillet 2002, RDC. 2003, p.152.

Page 236: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

231

Elle admet aussi que le refus d’agrément peut tenir en d’autres considérations que

celles liées à la personne. C’est ce qui a été jugé dans un arrêt du 5 octobre 2004817

.

Dans cet arrêt, rendu en matière de contrat de concession, mais dont la solution est sans

doute transposable à tous les contrats de la distribution et notamment aux contrats de

franchise. En effet, un concessionnaire automobile souhaitant céder son fonds de

commerce a présenté pour agrément à la société concédant, comme devait l’y obliger

une clause du contrat de concession, son successeur avec lequel il avait déjà conclu une

promesse synallagmatique.

Toutefois, le concédant a refusé de donner son agrément à ce candidat. En

revanche, il lui a proposé de s’intéresser à une autre affaire. Le concessionnaire l’a

assigné pour refus d’agrément. Il estimait que le refus d’agrément ne tenait pas ici au

candidat présenté, dans la mesure où celui-ci se voyait reconnaître par ailleurs toutes les

qualités et garanties requises pour animer une autre concession, mais d’autres motifs

étrangers à la considération de la personne à agréer, et donc forcément empreints de

mauvaise foi. La Cour d’appel a fait droit à sa demande. Elle a considéré que

« l’absence d’agrément n’a pas été motivée par la personne du candidat » puisque la

société concédante « a même incité celui-ci à s’intéresser à une autre affaire malgré

l’existence du compromis de vente ». Elle a ajouté que la société concédante qui « ne

pouvait interférer comme elle l’a fait en l’espèce dans la négociation » entre le

concessionnaire et le candidat a « illégitimement fait obstacle à la vente projetée qui n’a

pu aboutir en raison du refus d’agrément, lequel a été détourné de sa finalité ». Mais la

Chambre commerciale a cassé l’arrêt en décidant que « en se déterminant par ces

motifs, impropres à établir que le refus d’agrément critiqué, lequel pouvait être fondé

sur des motifs autres que ceux tenant à la personne du candidat à l’agrément, était

illégitime, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ».

817

Cass. com., 5 octobre 2004; RDC 2005, p.288, P. STOFFEL-MUNK; Contrats, conc. consom., 2005,

n°1, p. 14, comm. L. LEVENEUR.

Page 237: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

232

Notons, enfin, qu’il arrive souvent que le franchiseur et le franchisé stipulent que le

contrat de franchise restera attaché au fonds de commerce. Une telle attitude

contractuelle s’explique par deux raisons. D’une part, la volonté du franchisé de faire de

son contrat un élément du fonds cessible et négociable au même titre que le droit au

bail818

. D’autre part, le souci du franchiseur de conserver un point de vente en raison de

son emplacement ou parce qu’il a fait l’objet de nombreux investissements, notamment

publicitaires. En tout état de cause, dans l’hypothèse où la cession du contrat de

franchise se trouve accompagnée du fonds de commerce du franchisé, le franchiseur

bénéficie d’un droit de préemption pour l’acquisition du fonds de commerce, droit qui

lui confère souvent le pacte de préférence prévu au contrat.

3. Pacte de préférence

230. Stipulation fréquente. Le pacte de préférence peut être défini comme « le contrat

relatif à un bien déterminé, qui confère à l’une des parties un droit de préférence, c'est-

à-dire le droit, en cas de mise en vente du bien, de se porter acquéreur de celui-ci, à

prix égal et conditions identiques »819. En matière de franchise, le contrat contient

fréquemment un pacte de préférence820

ou une clause de préférence821

, ou, plus

fréquemment encore une clause de préemption822

. Aux termes de ce pacte ou de cette

clause de préférence ou de préemption, le franchisé s’engage vis-à-vis du franchiseur à

lui offrir par priorité l’acquisition du fonds de commerce si, d’aventure, il se décide à le

vendre ou à le céder. Le franchiseur dispose donc d’un droit de préemption portant sur

l’acquisition du fonds de commerce du franchisé que lui confère le contrat.

818

V. Lamy droit économique, 2008, n° 4345. 819

M. DAGOT, Le pacte de préférence, Litec, 1988, n°1, p.1. 820

D. FERRIER, Droit de la distribution, Litec, 4e édition, 2006, n° 713, p.317 et s ; J.-M. LELOUP, La

franchise, Droit et pratique, Delmas, 4e édition, 2004, n°1536, p.273 ; L. GIMALAC. S. GRAS, La

franchise, Guide juridique et pratique, 2003, p.50 ; A. VAN DE WYNCKELE-BAZELA, « Pacte de

préférence et contrat de franchise », D. 2004, p. 2487 ; P. Le FLOCH et J.-Ch. GUEGUEN, La

transmission d’une entreprise membre d’un réseau de distribution, in Aspects organisationnels du droit

des affaires, Mélanges. J. Paillusseau, Dalloz, 2003, p.335. 821

La circulation du contrat de franchise, in Le contrat de franchise : un an d’actualité, LPA, 9 novembre

2006, n° 224, p.30. V. aussi, P. DESIDERI, « La préférence dans les relations contractuelles », PUAM,

1997, préface J. Mestre, n°51, p. 49. 822

M. LANCIAUX, Mieux connaître la clause de préemption, L’officiel de la franchise, septembre 2006,

n°64, p.96. M. MALAURIE-VIGNAL, Droit de la distribution, Sirey, 2006, n° 742, p.203.

Page 238: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

233

231. Avantages. L’insertion d’un pacte de préférence dans le contrat de franchise

confère au franchiseur un atout indéniable. Tout d’abord, il lui permet d’éviter toute

éventuelle entrée dans le réseau d’un nouveau contractant concurrent ou inapte à

appliquer correctement le concept franchisé. Ensuite, il lui permet de maintenir les

points de vente franchisé, notamment lorsque ceux-ci ont un emplacement marchand823

.

Enfin, ce mécanisme de préemption lui permet de constituer un réseau mixte

composé de franchisés et de succursales. Cela lui permet, par la suite, non seulement

d’éviter un accroissement trop considérable de commerçants indépendants dans le

réseau ou d’améliorer la synergie succursale-franchise en contrôlant mieux son

réseau824

, mais aussi de maintenir sa bonne position au sein du marché825

.

232. Sanction de la violation du pacte de préférence. Lorsque le contrat de

franchise prévoit un pacte de préférence, le franchisé est tenu vis-à-vis du franchiseur

d’une obligation de faire. Il devra offrir au franchiseur par priorité l’acquisition du

fonds de commerce s’il décide de le vendre ou de le céder.

823

A. VAN DE WYNCKELE-BAZELA, Pacte de préférence et contrat de franchise, D.2004, p.2487, n°

6, p.2488 : « La couverture géographique d’un réseau revêt donc une importance singulière pour le franchiseur qui doit la conserver intacte, voire l’étendre, pour préserver la crédibilité et la notoriété de l’enseigne. Dans cet esprit, la conservation des emplacements « leader » constitue une préoccupation stratégique de l’entreprise ; or les places sont chères : les centres-villes et les centres commerciaux ne sont pas extensibles et les surfaces de plus de 300 m2 sont soumises à autorisation. La clientèle est attachée au fonds et changer d’emplacement peut être lourd de conséquences. Ce sera toujours un manque à gagner en royalties pour le franchiseur qui par la clause de préférence peut avoir l’occasion de racheter la clientèle du franchisé, attachée au fonds et à la marque ». Voir aussi, Ph. DELEBECQUE,

La jurisprudence reconnaît au franchisé le bénéfice de la législation sur le fonds de commerce, Lamy

Droit commercial, Bulletin d’actualité, septembre 2002, n°147, p. 1, et spéc., n°9, p.3 : « Un tel pacte, dont la validité n’est pas douteuse, permet au franchiseur de maintenir l’intégralité et la densité de son réseau. Les points de vente sont, compte tenu des règles d’urbanisme commercial, de réels objets de convoitise et l’enjeu d’âpres luttes économiques. S’ils constituent de véritables fonds de commerce, ils donnent une bonne prise aux mécanismes juridiques de protection que sont les pactes de préférence. A défaut, les priorités contractuelles seraient plus difficiles à exercer ». 824

H. BENSOUSSAN, Le droit de la franchise, Apogée 1997, p. 223 ; Ph. Le TOURNEAU, Le

franchisage, Economica, 1994, p.10. 825

La plupart des réseaux sont des réseaux mixtes. Cela s’explique par la force de ce type de réseau. Le

réseau mixte permet au franchiseur d’assurer une plus grande maîtrise du réseau. Il lui permet d’obtenir

les informations financières les plus fiables grâce aux succursales et les informations les plus précises

concernant le marché, et les attentes du consommateur, par ses franchisés, qui ont tout intérêt à y

répondre le mieux possible afin de rentabiliser leur investissement. En effet, les franchiseurs recourent à

ce type souvent pour maîtriser les points de ventes importants, qui supportent l’image de marque ou qui

nécessitent des capitaux trop importants pour une rentabilité rapide. Mais pour permettre des

développements plus rapides dans des villes moins essentielles, les points de vente sont confiés à des

franchisés. Sur ce point. D. PIALOT, Le guide de la franchise, L’express 2006, p 45.

Page 239: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

234

Si le franchiseur n’exerce pas le droit de préemption que lui confère le contrat, le

franchisé retrouve alors sa liberté de vendre ou de céder son fonds de commerce826

.

Mais, si le franchisé viole le pacte de préférence, il engagera sa responsabilité. En

pareille hypothèse, le franchiseur peut non seulement résilier le contrat mais aussi

obtenir des dommages et intérêts pour le préjudice qu’il a subi du fait de la vente par le

franchisé de son fonds de commerce827

. En outre, le franchiseur, bénéficiaire du pacte

de préférence, peut également engager la responsabilité délictuelle du tiers acquéreur

lorsque celui-ci a contracté en connaissant l’existence du pacte de préférence. Une

décision rendue le 13 décembre 2005 par la Chambre commerciale illustre cette

situation828

. La Chambre commerciale de la Cour de cassation a approuvé l’arrêt

d’appel ayant retenu la responsabilité délictuelle du tiers acquéreur du fonds de

commerce dès lors qu’il avait constaté que ce dernier connaissait l’existence du pacte de

préférence et avait incité le franchisé à faire preuve de discrétion envers le franchiseur.

A cet égard, il est à rappeler que le franchiseur, victime de la violation du pacte de

préférence, peut, le cas échant, obtenir la nullité de la vente ou de la cession du fonds de

commerce procédée par le franchisé et sa substitution au tiers acquéreur s’il démontre

que celui-ci connaît l’existence du pacte de préférence lors de l’acquisition du fonds de

commerce et l’intention du bénéficiaire de s’en prévaloir829

.

826

« Mais attendu qu’en retenant que la société Prodim savait les intentions des parties à la cession de rompre le contrat de franchise, la cour d’appel, qui a ainsi caractérisé une renonciation en connaissance de cause à l’ exercice du droit de préemption du fonds a pu, sans dénaturer les actes ayant conduit à la cession de ce fonds, exclure toute faute ou fraude pouvant résulter, tant de la modification de la date de résiliation des conditions suspensives qui y étaient stipulées, que d’une prétendue dissimulation par le candidat cessionnaire de ces intentions.. ». V. Cass. com., 15 mai 2007, pourvoi n° 06-11.583 ; D. 2007,

1498, obs. E. CHEVRIER ; Contrats. conc. conso., 2007, n°204, note. M. MALAURIE-VIGNAL ; RTD

civ. 2007, p. 794, obs. P.-Y. GAUTIER. 827

CA Paris, 7 décembre 2005, Juris-Data 2005-289983. En l’espèce, un contrat de franchise prévoyait

que si le franchisé décidait de vendre son fonds de commerce, le franchiseur bénéficierait d’un droit de

préemption et qu’à défaut de préemption et si le concessionnaire n’avait pas été agréé, le contrat serait

résilié. Or, le franchisé avait notifié au franchiseur son intention de vendre son fonds pour 1000 000 £ en

précisant qu’il avait déjà trouvé un acquéreur. Au vu de ces conditions, le franchiseur n’avait pas exercé

son droit de préemption. Toutefois, le prix avait été fixé à 700 000 £ sans jamais que cela fût notifié au

franchiseur. Ce dernier, qui n’avait pas été informé des conditions de la cession, n’avait donc pas pu

utilement exercer son droit de préemption. En outre, le franchisé n’avait pas sollicité l’agrément du

franchiseur pour le candidat à la cession et ne lui avait pas fait parvenir l’acte de vente sous condition

suspensive de l’agrément du franchiseur. Les juges ont approuvé la résiliation du contrat par le

franchiseur et condamné le franchisé à des dommages et intérêts pour violation à la fois du droit de

préemption et de la clause d’agrément, dommages et intérêts égaux aux royalties qui auraient été dues au

franchiseur si le contrat avait été poursuivi jusqu’à son terme. 828

Cass. com., 13 décembre 2005, pourvoi n° 04-18.243. 829

Ch. mixt., 16 mai 2006 ; D. 2006, p.1861, obs. P.-Y. GAUTIER ; Defrenois. 2006, 1206, obs. E.

SAVAUX ; RTD civ. 2006, p.550, obs. J. MESTRE et B. FAGES. Dans cet arrêt, la Chambre mixte a

déclaré que « le bénéficiaire d’un pacte de préférence est en droit d’exiger l’annulation du contrat passé

Page 240: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

235

233. Extinction du contrat par la fusion des qualités. En tout état de cause, il est

important de souligner que lorsqu’il y a reprise par le franchiseur du fonds de commerce

de l’un des franchisés membres du réseau, cette reprise entraîne l’extinction du contrat

de franchise. L’extinction du contrat de franchise a, dans ce cas l’originalité en ce

qu’elle ne trouve pas sa cause dans un non-renouvellement du contrat de franchise à

durée déterminée ou une rupture -que cette rupture soit judiciaire ou unilatérale, fautive

ou non fautive comme nous l’avons vu auparavant-mais dans la fusion des qualités.

Cette fusion entraîne l’extinction anticipée de la relation contractuelle qui unit le

franchiseur au franchisé cédant. C’est sur ce point que l’on termine les tempéraments

contractuels pour aborder ensuite les tempéraments jurisprudentiels.

b. Tempéraments jurisprudentiels

234. Problématique. Afin d’assurer la sauvegarde des entreprises en difficulté et le

maintien de l’emploi, le juge peut ordonner la cession des contrats qu’il estime

nécessaire pour le redressement de l’entreprise défaillante. Mais, une telle cession

judiciaire est-elle possible dans le domaine des contrats de franchise où la personne du

contractant constitue un élément déterminant de la conclusion du contrat ? La réponse

est peu nette en droit positif (1). Pour lever toute ambiguïté, la question nécessite, nous

semble-t-il, de faire une distinction quant à la partie faisant l’objet d’une liquidation

judiciaire (2).

1. Problème de la cession judiciaire du contrat de franchise

235. Plan. La question de savoir si le contrat de franchise peut être judiciairement cédé

divise non seulement la jurisprudence (a) mais aussi la doctrine (b).

avec un tiers en méconnaissance de ses droits et d’obtenir sa substitution à l’acquéreur, à la condition que ce tiers ait eu connaissance, lorsqu’il a contracté, de l’existence du pacte et de l’intention du bénéficiaire de s’en prévaloir ». Les mêmes attendus ont été repris par un arrêt récent du 14 février 2007.

V. Cass. civ. 3e, 14 février 2007, pourvoi n° 05-12.814, RDC 2007, p. 701, obs. D. MAZEAUD.

Page 241: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

236

a. Division jurisprudentielle

236. Difficulté d’application de l’article L. 642-7 du Code de commerce. La question

qui se pose est celle de savoir si le contrat de franchise entre dans le champ

d’application de l’article L. 642- 7 du Code de commerce, et donc de savoir si le

tribunal peut imposer sa transmission dans le plan de cession de l’entreprise. Cette

question divise les juges du fond.

Certaines décisions retiennent une interprétation extensive de l’article L. 621-88

du Code de commerce. Ils se sont prononcés pour la cession du contrat de franchise

dans le cadre d’un plan de cession par application de l’article L. 621-88 du Code de

commerce devenu aujourd’hui l’article L. 642-7 du Code de commerce. Tel est le cas de

la Cour d’appel de Versailles qui a, dans un arrêt du 6 juin 1988, approuvé un jugement

du tribunal de Bobigny ayant ordonné la cession de l’intégralité des contrats de

franchise en décidant qu’ils sont de ceux visés par l’article 86 de la loi du 25 janvier

1985 (devenu l’article 642-7 du Code de commerce)830

.

La même solution a été reprise ultérieurement par la même juridiction, dans un

arrêt du 23 juin 1988831

. La Cour d’appel de Versailles a décidé qu’un contrat de

franchise pouvait être compris dans un plan de cession. Elle a déclaré que le contrat de

franchise est un contrat complexe qui « comporte une multitude d’échanges de services

de la part des partenaires ; qu’il s’agit bien de contrats de fournitures de biens ou

services nécessaires au maintien de l’activité, qui se trouvent constituer toute l’activité

du franchiseur en l’espèce ; considérant dès lors que ces contrats relèvent bien des

dispositions de l’art. 86 de la loi du 25 janvier 1985 ». Ainsi, selon ces décisions, le

contrat de franchise peut être judiciairement cédé lors de la cession de l’entreprise. Le

caractère d’intuitus personae par lequel il est marqué ne fait pas obstacle à cette cession.

830

CA Versailles 6 juin 1988, cité par M. ZUIN, La transmission judiciaire des contrats dans les

procédures collectives : première décision de justice, G.P. 1989, doct., p. 110. 831

CA Versailles 23 juin 1988, G.P. 1989, 1, somm.p.112.

Page 242: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

237

A l’inverse, d’autres arrêts refusent une telle interprétation en écartant la cession

judicaire du contrat de franchise en cas de liquidation judiciaire. C’est ainsi que la Cour

d’appel de Paris a, dans un arrêt du 15 décembre 1992, refusé d’admettre la cession du

contrat de franchise en cas de procédure collective832

. Dans cet arrêt, la Cour a infirmé

un jugement ayant autorisé la cession d’un contrat de franchise et du réseau au

repreneur de l’entreprise du franchiseur en décidant en ces termes : « qu’en acquérant le

réseau de franchise, qui est l’élément essentiel du fonds de commerce de Corexte,

Confortel reprend un ensemble de droits de propriété industrielle, intellectuelle, des

méthodes commerciales qu’elles doit intégrer dans sa propre entreprise et est conduit à

des adaptations, des modifications et des restructurations ; qu’il est donc improbable

qu’elle puisse exécuter le contrat de franchise aux conditions en vigueur le jour de

l’ouverture de la procédure comme l’exige l’article 86 de la loi du 25 janvier 1985 que

Confortel qui a repris le réseau a le droit d’apporter des changements dans son

organisation et son fonctionnement ; qu’elle ne peut toutefois le faire sans l’accord des

franchisés qui n’ont en aucun cas à se voir imposer des modifications de leur contrat ou

la signature d’un nouveau contrat de franchise ». La même solution a été reprise par la

Cour d’appel d’Orléans dans un arrêt du 14 septembre 2000833

. La Cour a décidé que le

contrat de franchise ne pouvait être cédé, ni par nature dans le cadre de l’art.86 ni contre

la volonté du franchisé concerné.

Elle l’a fait en ces termes : « ce contrat est, en effet, incessible par nature, sauf à

méconnaître son objet ; que celui- ci étant la mise à disposition du franchisé du savoir-

faire orignal, substantiel et secret du franchiseur, qu’il est, par hypothèse, seul en

mesure de transmettre, il est impossible, alors que les franchisés se soient engagés en

considération de la personne du franchiseur, seul créateur et détenteur du savoir-faire

qu’il leur transmet ce qui rend inopérante l’argumentation de la société PDG

Immotirée de la poursuite possible du contrat de franchise en cours dès lors que cette

continuation se fait entre parties originaires, qu’ils puissent être liés à un nouveau

franchiseur sans un nouvel accord de volonté de leur part ».

832

CA Paris, 15 décembre 1992, RJ-comm. 1993, p.151 833

CA Orléans, 14 septembre 2000, D. 2001, jurs. 1017, note. Y. MAROT.

Page 243: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

238

Suivant cette jurisprudence, le contrat de franchise ne saurait être judiciairement

cédé en raison de son caractère intuitus personae. En présence d’une telle contradiction

jurisprudentielle, il est difficile de savoir avec certitude si le contrat de franchise peut ou

non être judiciairement cédé en cas de procédure collective. Il faut donc attendre que la

Chambre commerciale de la Cour de cassation se prononce sur cette question. En

attendant, il convient de voir quelle est l’opinion de la doctrine sur cette question.

b. Divergence doctrinale

237. Doctrine favorable à la cession judiciaire du contrat de franchise. Partant

d’une interprétation extensive de l’article 621-88-ancien article 86, al. 1er

de la loi du 25

janvier 1986 du Code de commerce, devenu l’article 642-7 depuis la loi du 26 juillet

2005 de la sauvegarde des entreprises- certains auteurs estiment qu’un contrat de

franchise est susceptible d’être judiciairement cédé dès lors qu’il remplit les conditions

prévues par la loi.

Selon leur analyse, l’intuitus personae par lequel est marqué ce genre de contrat ne

peut constituer une cause de dérogation systématique aux dispositions de l’article

L.642-7, al. 3 du Code de commerce qui non seulement sont d’ordre public, mais aussi

qui ne distinguent pas entre les contrats conclus intuitus personae et ceux qui ne le sont

pas. Parmi ces auteurs, il convient de citer le Professeur M. Cabrillac. Cet auteur

observe -de manière générale mais l’observation vaut également pour les contrats de

franchise- que « la nécessité du contrat pour le maintien de l’activité est la seule

condition posée à la cession forcée, indépendamment de l’intuitus personae qui ne peut

exclure l’application de l’article 86, ce texte ne distinguant pas selon que le contrat

revêt ou non un caractère personnel »834. De même, E. Jouffin considère que « la

satisfaction des désirs individuels, tels qu’ils se sont manifestés au travers de la relation

contractuelle, ne peut entrer en ligne de compte face à l’objectif d’intérêt commun

poursuivi par la loi de 1985 »835.

834

M. CABRILLAC, not.sous.CA Douai, 8 mars 1990, JCP E 1990, II, 15829, n° 9. 835

E. JOUFFIN, Le sort des contrats en cours dans les entreprises soumises à une procédure collective,

LGDJ, 1998, préface. C. Cavalda, n°367, p.310, et s.

Page 244: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

239

238. Doctrine hostile à la cession du contrat de franchise. A l’inverse, d’autres

auteurs contestent cette analyse. Ils estiment que la cession judiciaire, qui constitue une

dérogation au droit commun des contrats, ne peut s’appliquer au contrat de franchise en

raison de son caractère intuitus personae. Cet intuitus personae, inhérent à l’objet même

du contrat de franchise, entrave cette forme de cession. Dire autrement, et admettre de

céder le contrat en cas de procédure collective, nonobstant cet intuitus personae,

reviendrait non seulement à modifier les conditions d’exécution du contrat, ce qui

constitue une violation de l’article L.642-7, al. 3 du Code de commerce, mais aussi ce

qui pourrait nuire gravement au réseau franchisé.

Ainsi, le Professeur Arlette Martin-Serf observe qu’« un contrat marqué par

l’intuitus personae ne doit pas être considéré seulement comme un bien de l’entreprise,

comme un élément de son actif parmi d’autres. Une telle conception exclusivement

économique gommerait totalement la personne du cocontractant cédé comme une

marchandise, qui a pourtant des intérêts propres qu’on ne peut balayer d’un revers de

main. Même si le repreneur demande la cession de tous les contrats dont il pense tirer

avantage, les franchisés cédés ont un droit légitime à s’opposer à la cession pour mettre

fin à des contrats devenus désavantageux pour eux. Ils ont un droit légitime de retrait

du réseau de franchise s’il leur apparaît que les éléments qui ont motivé leur adhésion

ne se retrouvent plus dans la personne du repreneur »836. Dans le même sens, M.

Marot estime qu’il n’est pas conforme aux intérêts de la franchise en général d’admettre

qu’un contrat de franchise relève de l’ancien article 86 et peut être cédé par le

tribunal.837

Cet auteur observe, à propos d’une éventuelle mise en redressement du

franchisé, que le cocontractant « franchiseur qui se verrait imposer l’application de

l’art.86 se verrait tenu de transmettre un savoir-faire à une nouvelle entreprise qui n’a

peut-être pas les aptitudes requises à le mettre en œuvre et qui ne répond pas aux

exigences inhérentes à l’identité et à la réputation du réseau de franchise. Le réseau

comporterait alors en son sein un nouveau membre qui, même animé des meilleures

intentions, pourrait altérer le réseau et porter préjudice à chacun de ses membres ».838

836

A. MARTIN-SERF, note sous CA Paris 15 décembre 1992, Rj com. 1993, p.159. 837

Y. MAROT, note.sous CA Orléans, 14 septembre 2000, D.2001, jurs., p.1017 et spéc., n° 4, p.1019. 838

Y. MAROT, op.cit., n° 6, p.1020.

Page 245: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

240

Pour nous, la question mérite une conciliation. Il ne faut pas entraver la sauvegarde

d’une entreprise partie à un contrat de franchise sous prétexte que le contrat a une

coloration personnelle. Il ne faut pas non plus la sauver au détriment de la nature assez

spécifique du contrat. En réalité, nous estimons qu’une distinction quant à la partie mise

en liquidation judiciaire est nécessaire.

2. Proposition d’une solution distinguant selon la partie mise en

liquidation judiciaire

239. Plan. Si la cession judiciaire d’un contrat de franchise est concevable lorsque c’est

le franchisé qui est soumis à une procédure collective (a), elle est, en revanche,

inconcevable lorsque c’est le franchiseur (b).

a. Possibilité de cession judiciaire de l’entreprise du franchisé

240. Absence de modification dans l’objet du contrat. Nous estimons que le contrat

de franchise peut être judiciairement cédé lorsque c’est l’entreprise du franchisé qui est

soumis à la liquidation judiciaire. En effet, l’intuitus personae du franchisé n’est pas

inhérent à la prestation promise.

Son changement n’entraîne pas de changement de l’objet du contrat de franchise.

Celui-ci a été choisi en fonction de certaines qualités objectives. Dès lors, tout repreneur

qui présente ces qualités peut se substituer au franchisé dans la poursuite de l’exécution

du contrat de franchise. En d’autres termes, une fois que le repreneur dispose de toutes

les qualités qui font que le risque de mauvaise inexécution du contrat de franchise est

écarté, il n’y a pas de raison de ne pas admettre que ce dernier ne peut lui être cédé. La

solution est cependant différente lorsque c’est l’entreprise du franchiseur qui est en

liquidation judiciaire.

Page 246: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

241

b. Impossibilité de cession judiciaire de l’entreprise du franchiseur

241. Modification inéluctable dans l’objet du contrat. Si le contrat de franchise peut

être judiciairement cédé lorsque c’est l’entreprise du franchisé qui est mise en

liquidation judiciaire, il en va tout autrement lorsque c’est l’entreprise du franchiseur

qui est soumis à cette procédure. Dans cette hypothèse, la cession judiciaire d’un contrat

de franchise paraît difficilement concevable, voire impossible. La raison en est que

l’intuitus personae du franchiseur s’incorpore à la prestation promise, de telle manière

que changer de franchiseur équivaut à changer de prestation, donc à changer même

d’objet. Or, une telle modification ne contrarie pas seulement la volonté des parties

contractantes, mais aussi les dispositions de l’article L. 642-7, al. 3 du Code de

commerce selon lequel le contrat doit être exécuté aux conditions en vigueur au jour de

l’ouverture de la procédure.

Une partie de la doctrine semble aller en ce sens. Ainsi M. le Professeur Ch.

Jamin, qui se montre hostile à la cession judiciaire du contrat de franchise au cas où le

franchiseur est soumis à la liquidation judiciaire, observe que « (...) il faut admettre que

l’intuitus personae constitue bien la limite naturelle de la cession judiciaire. Elle l’est

précisément parce que céder un tel contrat revient à le détruire, dans la mesure où on le

prive de cet objet qui est l’une des conditions de son existence. Veut-on s’en

persuader ? Il suffit de lire le troisième alinéa de l’article 86 : (ces contrats doivent

être exécutés aux conditions en vigueur au jour de l’ouverture de la procédure…). En

matière de franchise, c’est strictement impossible, puisque la personne même du

franchiseur constituait l’une de ces « conditions » .Comme veut- on que le savoir-faire,

l’âme du contrat de franchise, soit identique, alors que le franchiseur en est à la fois le

créateur et le détenteur. Ce savoir-faire devant en outre être secret, on peut se

demander comment un tiers -le cessionnaire-pourrait exécuter le contrat aux mêmes

conditions. Il est des limites qu’on ne peut impunément franchir »839.

839

Ch. JAMIN, obs sous. CA Paris, 15 décembre 1992, JCP G, 1994 .II . 22205, p 50. n°12.

Page 247: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

242

De même, J.-J. Fraimout estime que substituer « un repreneur au franchiseur, dont

les prestations sont indissolublement liées à la personne du débiteur, conduirait à

modifier l’objet du contrat de franchise, lequel met à la disposition des franchisés un

savoir-faire et des compétences »840.

Dans le même esprit, les Professeurs M. Touchais et G. Virassamy considèrent

que« (…) face à un intuitus personae très fort, comme celui concernant la personne du

franchiseur, on peut penser que l’objectif qui fonde la cession judiciaire des contrats, à

savoir la pérennité de l’entreprise, ne pourra être atteint même si l’on admet la cession

de ce contrat. Ainsi, nous pensons que l’article 86 précité n’exclut pas en principe la

cession forcée du contrat de distribution intuitus personae, et que seul un intuitus

personae très fort rendant véritablement impossible l’exécution du contrat par un tiers,

pourrait empêcher par exception sa cession ».

242. Synthèse. Le contrat de franchise est fortement marqué du sceau de l’intuitus

personae. Cet intuitus personae implique l’exécution personnelle du contrat. Seul celui

dont la personnalité a été prise en considération lors de la formation du lien peut

valablement exécuter la prestation promise. Il s’ensuit que la disparition du contractant,

qu’il s’agisse d’une personne physique ou morale, et que cette disparition soit due à son

décès ou à sa dissolution ou à la cession du contrat par lui, rend impossible l’exécution

du contrat, et donc entraîne sa caducité. Cette caducité entraîne l’expiration anticipée du

contrat de franchise avant terme. La même solution s’applique en cas de modification

des qualités des contractants.

840

J.-J. FRAIMOUT, Redressement judiciaire et liquidation judiciaire : plan de cession, J-CI.

Commercial, 1999, fasc. 2423, n° 28.

Page 248: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

243

§ 2. Modification des qualités du contractant

243. Exposé du problème. Si la disparition du contractant peut entraîner la fin des

relations contractuelles liant le franchiseur au franchisé, il en va de même pour la

disparition de l’une des qualités du contractant ayant été prise en compte lors de la

conclusion du contrat. Ces hypothèses de rupture du contrat de franchise peuvent se

rencontrer lorsque le contractant est une personne physique ou morale (A). Mais le plus

souvent, elles se manifestent lorsque le contractant est une personne morale (B).

A. Hypothèses communes aux personnes physiques et aux personnes

morales

244. La perte d’une capacité ou d’une aptitude : principe et exception. En principe,

la survenance d’une cause d’incapacité dans le chef de l’une des parties ne compromet

pas la survie du contrat. La capacité des parties n’est, en effet, requise que lors de la

formation du contrat. Le contractant, qui devient incapable en cours de contrat, reste

toujours engagé par le consentement qu’il a donné antérieurement841

. L’exécution du

contrat est assurée par le représentant de la personne incapable842

. Toutefois, ce principe

se trouve écarté lorsque le contrat est conclu intuitus personae843, comme c’est le cas

dans le contrat de franchise. Dans ce dernier, le principe est l’exécution personnelle du

contrat. Celui-ci ne peut être exécuté que par le contractant avec lequel il a été conclu.

Par conséquent, en cas de survenance d’une incapacité du contractant en tant que

personne physique au cours de l’exécution du contrat, cette incapacité, qu’elle soit

juridique ou physique, remporte l’extinction anticipée du contrat de franchise. En

pareille hypothèse, il y a, en effet, une impossibilité d’exécution du contrat de franchise

entraînant sa caducité844

.

841

M. BEHAR-TOUCHAIS, Extinction du contrat-Les causes d’extinction, J-CI. Contrats distribution,

1998, fasc.175, n°95. 842

Ibid. 843

V. D. KARJESKI, L’intuitus personae dans les contrats, th., Toulouse, 1998, n°531, p.454 et s. 844

P.-L. FORIERS, La caducité des obligations contractuelles par disparition d’un élément essentiel à

leur formation, Bruylant, Bruxelles, 1998, p.191 : « La survenance d’une cause d’incapacité emporte la dissolution du lien contractuel quant elle rend l’exécution de celui-ci impossible matériellement, physiquement, psychologiquement, ou juridiquement »844

. C. PELLETIER, La caducité des actes

juridiques en droit privé français, th., L. Harmattan 2004, préface P. Jestaz ,n°128, p.175.

Page 249: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

244

245. La perte d’une compétence. Parmi les éléments déterminants dans la conclusion

du contrat de franchise figure, au premier rang, la compétence du contractant. Celle-ci

est un facteur nécessaire à la bonne exécution du contrat de franchise. Dès lors, il ne

paraît pas étonnant de voir que le contrat s’éteint de manière anticipée en cas de

survenance d’une incompétence lors de l’exécution du contrat de franchise845

. Tel peut

être, par exemple, le cas lorsque le savoir-faire du franchiseur se trouve objectivement

dépassé par l’évolution technique, et inadaptable aux exigences du marché. En pareille

hypothèse, le contrat de franchise devient caduc pour cause de disparition d’un élément

essentiel rendant impossible l’exécution du contrat de franchise.

246. La perte de solvabilité. La connaissance de la surface financière du contractant est

primordiale dans les relations contractuelles entre franchiseur et franchisé et dans les

relations d’affaires de manière générale846

. Conçue comme un facteur assurant la bonne

exécution du contrat de franchise, la solvabilité du contractant, qu’il s’agisse d’une

personne physique ou d’une personne morale, est toujours prise en compte lors de la

formation du contrat en même temps que sa compétence. Comme le système de

franchise implique toujours, pour sa réussite, la mise en œuvre d’investissements

importants, la solvabilité du franchiseur ou du franchisé constitue un élément

déterminant dans la conclusion du contrat. En conséquence, il est permis de penser que

la survenance de tout événement susceptible de porter atteinte à cette solvabilité peut

être de nature à remettre en cause le contrat de franchise.

Ainsi est- il le cas, par exemple, de la survenance de l’ouverture d’une procédure

collective de redressement judiciaire à l’encontre, par exemple, du franchisé. Celle-ci

est « un événement qui engendre un sentiment de méfiance et qui conduit

instinctivement les contractants du débiteur à vouloir rompre le plus rapidement

possible les relations contractuelles »847. Elle risque en effet de perturber

fondamentalement l’exécution du contrat de franchise et d’altérer l’image de marque du

franchiseur848

.

845

Sur l’ensemble de cette question, v. D. KARJESKI, L’intuitus personae dans les contrats, th., précitée,

n° 533, p.457 et s. 846

V. en ce sens, J.-F. RENUCCI, L’identité du contractant, RTD com. 1993, p. 441 et s. 847

A. LAUDE, La non-continuation des contrats dans les procédures collectives, in Le cessation des

relations contractuelles d’affaires, PUAM, 1997, p.109. 848

Ph. PERNAEUD, Le sort du contrat de franchise au jour du prononcé du jugement d’ouverture du

redressement judiciaire, Cah. dr. entr.6/1985, p.7 .et s

Page 250: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

245

Par conséquent, elle entraîne ipso facto l’extinction anticipée du contrat de

franchise849

. Celui-ci est considéré caduc pour cause de disparition d’un des éléments

essentiels à son exécution850

.

Toutefois, il est important de noter que depuis 1985, l’ouverture d’une procédure

collective ne peut seule, en droit français, entraîner l’extinction du contrat851

. Le

franchiseur ne peut pas résilier le contrat au motif de la défaillance financière du

franchisé. L’article L. 622-13, al. 6, prévoit que : « Nonobstant toute disposition légale

ou toute clause contractuelle, aucune indivisibilité, résiliation ou résolution du contrat

ne peut résulter du seul fait de l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire

(d’une procédure de sauvegarde) ». Parce que le contrat de franchise est considéré

comme le moteur de l’activité des entreprises, une valeur économique participant au

redressement des entreprises ou un bien indispensable à la poursuite de l’activité852

, le

tribunal ordonne la poursuite du contrat par l’administrateur nommé par lui. Seul celui-

ci a la faculté de décider de maintenir ou de résilier le contrat de franchise en fonction

de son importance pour la survie de l’entreprise défaillante853

. Cette solution est

dérogatoire aux règles du droit des contrats854

.

849

D. MATRAY, Introduction générale, in Le contrat de franchise, Bruylant, 2001, séminaire organisé à

Liège Le 29 septembre 2000, p.7, et spéc., p.23. Dans le même sens, Ph. PERNAUD, op.cit ; 850

V. en ce sens, F. GARRON, La caducité du contrat, PUAM, 1999, préface J. Mestre, n° 132, p. 160 et

s. 851

V. Le contrat de franchise et procédures collectives, in Le contrat de franchise : un an d’actualité,

LPA, 15 novembre 2007, n° 229, p.59, et LPA 09 novembre 2006, n° 224, p. 47, numéro spécial. 852

J.-M. MOUSSERON, Valeurs, biens, droits, in Mélanges, Breton-Derrida, Dalloz 1991, p.277 et s.,

spéc., n°14. 853

V. Le contrat de franchise et procédures collectives, in Le contrat de franchise : un an d’actualité,

LPA, 15 novembre 2007, n° 229, p.59, et LPA 09 novembre 2006, n° 224, p. 47, numéro spécial, par

François-Luc. 854

Y. GUYON, Le droit des contrats à l’épreuve du droit des procédures collectives, in Le contrat au

début de XXIe, Mélanges. J. Ghestin, LGDJ, 2001, p.405 : « Par bien des côtés, le droit des procédures collectives fait exception à toutes les règles car, face à un débiteur en cessation de paiements, l’application du droit commun ne permettrait ni d’assurer l’égalité des créanciers ni, le cas échéant, le redressement de l’entreprise. Puisque nécessité n’a pas de loi, cette situation de pénuries conduit à appliquer des règles dérogatoires pour tenter de limiter les conséquences d’une défaillance qui compromet la sécurité du crédit. En somme, le droit commun conviendrait aux situations normales, mais ne permettrait pas de faire face à des crises généralisées. Il faut alors modifier ou même changer les règles un peu comme, au-delà d’une certaine force de vente, un voilier doit amener voilure normale et hisser une voile de cap. Le droit des procédures collectives est ainsi comparable à l’état d’urgence, qui suspend l’application des lois habituelles jusqu’au rétablissement de l’ordre républicain ». Y. GUYON,

Droit du marché et droit commun des obligations, Rapport de synthèse, RTD com. 1998, p.112 : « Ainsi, le droit des procédures collectives met en échec les règles les plus traditionnelles du droit civil puisque les poursuites individuelles des créanciers sont arrêtées, que l’exception d’inexécution ou la clause résolutoire sont paralysées ou qu’un contrat peut être cédé au repreneur de l’entreprise sans l’accord du partenaire… ». V. également, A. LAUDE, La non-continuation des contrats dans les procédures

collectives, in Le cessation des relations contractuelles d’affaires, sous la dir. J .Mestre, PUAM 1997,

p.109, et spéc., p.110 : « L’ouverture d’une procédure est un événement qui présente comme particularité

Page 251: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

246

Elle témoigne d’un certain recul du rôle de l’intuitus personae dans les contrats de

franchise puisque le débiteur initial est remplacé par l’administrateur judiciaire855

, et

paraît, pour certains, non-conforme à l’esprit du contrat de franchise. Ainsi, par

exemple, M. J.-M. Leloup estime que dans la mesure où il y a un redressement

judiciaire ouvert à l’encontre du franchiseur, le franchisé doit pouvoir résilier le contrat.

Pour lui, l’insolvabilité du franchiseur est la démonstration de l’insuccès de son système

de gestion. « C’est la noyade du maître-nageur »856

. Dans le même sens, H. Bensoussan

observe que le dépôt de bilan du franchiseur rend la situation du franchisé extrêmement

précaire857

. Aux yeux de cet auteur, en présence d’un redressement judiciaire ouvert à

son encontre, le franchiseur sera tenté de limiter le nombre de salariés, de réduire les

autres postes de frais généraux, notamment la publicité858, ce qui pourrait, au bout du

compte, entraîner la chute des membres du réseau franchisé.

247. Changement d’emplacement ou cession du bail. Il est de plus en plus fréquent

que le fonds de commerce soit un élément déterminant dans la conclusion du contrat de

franchise. Cela se manifeste surtout dans certains secteurs comme l’habillement, la

bijouterie et, plus généralement, le luxe859

. Dans ces derniers, les franchiseurs sont très

exigeants sur la qualité de l’emplacement de leurs franchisés.

d’être en quelque sorte si grave ou si lourde de conséquences que le législateur n’hésite pas à écarter toutes les règles rebelles au renflouement des entreprises et ce faisant à forger des principes d’exception aux principes qui régissent le droit des contrats. Ainsi, tantôt est écartée la liberté de contracter, tantôt la force obligatoire ou l’effet relatif du contrat ». 855

Le contrat de franchise et procédures collectives, in Le contrat de franchise : un an d’actualité, LPA,

15 novembre 2007, n° 229, p.59, et LPA 09 novembre 2006, n° 224, p. 47, numéro spécial, par François-

Luc. 856

J.-M. LELOUP, La franchise : Droit et pratique, 4e édition, Delmas, 2004, n°1918, p.308 : « Le

redressement judiciaire du franchiseur est la négation même du franchisage. Le contrat de franchise est celui par lequel une entreprise qui a fait la preuve de sa réussite vend à une autre les moyens de sa réussite, c'est-à-dire une franchise. L’insolvabilité du prétendu franchiseur est la démonstration de l’insuccès de son système de gestion. C’est la noyade du maître nageur. L’objet du contrat de franchise ne peut donc plus être satisfait puisque nous savons que le franchisé doit, grâce à l’avantage concurrentiel que la franchise procure, permettre un franchisé dirigeant de faire des affaires profitables. Puisque franchiser, c’est réitérer une réussite, l’échec du franchiseur qui se trouve en situation de cessation de paiement montre qu’il n’y a plus de réussite à réitérer ». 857

H. BENSOUSSAN, Le droit de la franchise, Apogée 1997, p.239 : « Le franchiseur est alors quasiment contraint de stopper le développement du réseau, l’information précontractuelle dissuadant tous les candidats et devenant ainsi facteur d’immobilisme ». 858

Ibid. 859

L. GIMALAC et S. GRAS, La franchise, Guide juridique et pratique, 2003, p.50.

Page 252: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

247

Ils choisissent fréquemment leurs franchisés en fonction de l’emplacement de leur

local860

, ne serait-ce qu’en raison souvent de ce que la « couverture géographique d’un

réseau revêt donc une importance singulière pour le franchiseur qui doit la conserver

intacte, voire l’étendre, pour préserver la crédibilité et la notoriété de l’enseigne »861.

Dès lors, il est possible de penser que tout changement dans le local du franchisé peut

être de nature à remettre en cause le contrat de franchise. La cession du bail, qui est un

des éléments composants le fonds du commerce, par le franchisé peut entraîner

l’extinction anticipée du contrat de franchise.

Au sujet de la cession du bail, il est à noter qu’il arrive, dans certaines hypothèses,

en pratique, que le franchiseur soit le propriétaire du local dans lequel le franchisé

exploite le savoir-faire qu’il a communiqué. Le franchiseur cumule ainsi les qualités de

bailleur et de franchiseur. En pareille hypothèse, le franchiseur tente le plus souvent de

rester maître du bail de commerce. Pour cela, il stipule dans le contrat de franchise une

clause d’enseigne862

. Une telle clause oblige le franchisé-locataire à exploiter son fonds

de commerce exclusivement sous l’enseigne franchisée. Toutefois, cette pratique est

condamnée par la Cour de cassation. Celle-ci considère que « l’obligation imposée au

preneur d’exercer son activité sous telle enseigne précise ne lui permettant pas de faire

valoir son droit à la déspécialisation partielle, par adjonction d’activités connexes ou

complémentaires »863. Reste maintenant à aborder les hypothèses de rupture propres aux

personnes morales.

B. Hypothèses propres aux personnes morales

248. Modification d’une qualité statutaire. De même que la personne physique, la

personnalité de la personne morale peut parfois être prise en compte par les contractants

lors de la conclusion du contrat.

860

Ibid. 861

A. VAN de WYNCKELE-BAZELA, Pacte de préférence et contrat de franchise, D. 2004, p.2487, n°

6, p.2488. 862

Sur cette clause, v. Ph. le TOURNEAU, Les contrats de franchisage, Litec, 2e édition, 2007, n°450

863 Cass.3

e civ., 12 juillet 2000, n° 98-21. 671; JCP E 2000 p.177, note. M. KEITA

Page 253: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

248

Ainsi lorsqu’un contractant à un contrat de franchise s’attache non seulement aux

aptitudes de la société de son partenaire, à son savoir-faire, à sa technique de production

ou de distribution ou à son image publicitaire, mais aussi à certaines qualités statutaires

telles que son siège social, sa forme sociale, son objet social ou son capital social, il

s’agit ici d’un intuitus societatis. Une telle prise en compte de la qualité statutaire de la

société, partie au contrat de franchise, par les contractants s’explique par le fait que cette

qualité participe à la fois de l’identité de la personne morale et de sa stabilité864

. Quelle

que soit la raison exacte, lorsqu’une qualité statutaire est prise en compte lors de la

conclusion du contrat de franchise, sa disparition est susceptible d’affecter l’existence

de celui-ci. Comme le relève un auteur : « La modification statutaire sera la preuve

indiscutable d’une altération obstacle à l’exécution du contrat, telle qu’elle avait été

entendue »865. Par conséquent, elle peut être de nature à entraîner la fin anticipée des

relations contractuelles entre franchiseur et franchisé866

. Tel pourrait être, par exemple,

le cas lorsqu’il y a modification substantielle de la forme sociale de la société

franchisée. La transformation du type de la société franchisée, par exemple, d’une

société de nom collectif en société anonyme ou en société en commandite par actions,

peut faire perdre certaines garanties attachées au type de la société. Elle peut alors

entraîner la résiliation du contrat867

.

Toutefois, il est important de souligner que si la perte d’une qualité statutaire de la

société contractante peut entraîner la résiliation du contrat, il ne s’agit pas là d’une

résiliation de plein droit.

864

C. PRIETO, La société contractante, PUAM, 1994, préface J. Mestre, p.383, n°702 et s : « Une qualité statutaire participe de l’identité de la personne morale et de sa stabilité. Une modification statutaire n’est pas une opération banale et les associés ne sauraient s’y résoudre pour des raisons futiles. La prise en compte d’une qualité exprime ainsi la recherche, de la part du contractant de la société, d’une certaine sécurité qu’il attache à la structure de la société ». V. C. PRIETO, Evénement affectant la personne de la

société contractante, in La cessation des relations contractuelles d’affaires, PUAM 1997, p.81, n° 8 et s. 865

C. PRIETO, La société contractante, th., précitée. 866

Ex. CA Paris, 27 février 1987, Juris-Data, n° 1987-021806. 867

C. RIETO, La société contractante, th., précitée, n° 703, p.384 : « On sait que la transformation ne porte pas préjudice au créancier social pour les dettes antérieures. Celui qui a contracté avec une société en nom collectif pourra rechercher la responsabilité solidaire et indéfinie des associés. Mais la poursuite du contrat, créant les dettes ultérieures, ne sera pas placée sous le même régime. Les dettes ultérieures n’engageront les associés qu’à concurrence de leurs apports dans une SARL ou une société anonyme. Cette perte de garantie spécifique au type de société peut être estimée préjudiciable et suffire à dissuader le cocontractant de maintenir le lien contractuel ».

Page 254: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

249

En effet, à défaut d’une clause de résiliation expressément prévue au contrat de

franchise stipulant que le contrat sera résilié en cas de disparition de telle ou telle qualité

statutaire de la société contractante, la résiliation ne peut intervenir868

. La perte de la

qualité, même si elle est jugée essentielle, n’a pas d’incidence sur l’existence du contrat

car la personne morale de la société est maintenue. La solution apparaît a priori

identique en cas de modification dans la personne des associés.

249. Modification portant sur la personne des associés. Il arrive fréquemment que la

conclusion du contrat de franchise ne tienne pas compte seulement des qualités de la

personne morale, mais aussi de celles de la personne de ses associés869

. La qualité de

ceux-ci peut paraître l’un des éléments déterminants dans la conclusion du contrat. Il

n’y a rien de surprenant dans cette hypothèse où l’intuitus persona se transforme en

intuitus societatis L’associé est « une composante incontestable de la personne

sociétaire. Il participe, d’une certaine manière, de l’identification de la personne

sociétaire. Les qualités de l’associé (son savoir-faire, son honnêteté ou le caractère

irréprochable de son expérience professionnelle, sa surface financière propre) peuvent

légitimement rejaillir sur l’image de marque de la société qu’elle peut inspirer. L’écran

sociétaire ne doit plus occulter la personne des associés dès lors que ces associés

contribuent au crédit de la société, à son renom »870.

Une telle prise en compte de la qualité des membres de la société franchisée ou

franchiseur n’est pas sans effets sur le maintien du contrat de franchise. En réalité, dès

lors que la qualité des associés prise en compte lors de la formation du contrat disparaît,

il s’ensuit une cessation des relations contractuelles. Une pareille hypothèse se

rencontre, le plus souvent, sur le plan pratique, en cas de cession de contrôle de la part

des associés871

.

868

V. en sens, C. PRIETO, Evénement affectant la personne de la société contractante, op.cit. 869

Y. MAROT, L’intuitus personae, L’officiel de la franchise, février 2008, n° 78, p.130. De manière

générale, v. L. PASCUAL, La prise en considération de la personne physique dans le droit des sociétés,

RTD com. 1998, p. 273 ; C. PRIETO, Evénement affectant la personne de la société contractante, n°12,

p.88. 870

C. PRIETO, Evénement affectant la personne de la société contractante, op.cit. 871

J. PAILLUSSEAU, La cession de contrôle, JCP G 1986, I, 3224, n° 11 : « La cession de contrôle est une opération différente et originale, ne s’assimilant ni à une simple cession de titres, ni à une cession en fait de l’entreprise, c’est le transfert du pouvoir dans l’entreprise sociale, tel que ce pouvoir est organisé par le droit » . V. aussi, D. MAINGUY, Cession de contrôle et sort des contrats de la société cédée, Rev.

Société.1996, 17. G. EMMANUEL, « Notion de contrôle en matière de concentration économique »,

RJDA. 2007, p.307 et s.

Page 255: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

250

Cette cession, qui résulte parfois de l’acquisition directe ou indirecte par une

société d’un nombre d’actions ou de parts suffisantes d’une autre société lui permettant

d’imposer sa volonté lors des assemblés générales, « bouleverse un élément central du

rapport contractuel » 872

entre franchiseur et franchisé et doit donc entraîne la

disparition de celui-ci. En pareille hypothèse, le contrat de franchise devient caduc pour

disparition d’un élément essentiel de son exécution873

.

Cependant, la jurisprudence considère qu’à défaut d’une clause de résiliation

contractuelle prévoyant expressément que le contrat de franchise soit conclu en

considération de la personne des associés, et qu’une éventuelle modification de ceux-ci

fasse obstacle au maintien du contrat de franchise, la résiliation du contrat ne peut pas

intervenir874

. Une telle exigence jurisprudentielle s’explique par le principe de

l’autonomie de la personne morale par rapport à ses membres875

. En cas de cession de

contrôle, il n’y a pas de disparition de la personne morale. La personnalité de celle-ci est

maintenue. Elle peut se justifier aussi par le souci de préserver la stabilité des relations

contractuelles876

. Notons, finalement, que, parce qu’il y a toujours la crainte du

franchiseur qu’un nouveau concurrent entre dans le réseau de franchise, le contrat de

franchise contient souvent une clause de résiliation prévoyant que toute prise de

contrôle ou toute modification dans l’actionnariat du franchisé -que cette modification

soit volontaire ou résulte d’un procédé involontaire- entraîne la résiliation immédiate du

contrat, sauf agrément préalable du franchiseur877

.

872

P. Le FLOCH et J-Ch. GUEGUEN, La transmission d’une entreprise membre d’un réseau de

distribution, in Aspects organisationnels du droit des affaires, Mélanges. J. paillusseau, Dalloz, 2003,

p.335, et spéc., n° 10, p.340 et s. 873

En sens, v. P. Le FLOCH et J.-Ch. GUEGUEN, op.cit., p.341 ; D. MAINGUY, Cession de contrôle et

sort des contrats de la société cédée, n°12, p.22 et s. V.aussi, F. GARRON,La caducité du contrat ,

PUAM, 1999, préface J. Mestre, n° 140, p.169 et s. 874

V. Cass.com. 15 janvier 1991, in J.-P. CLEMENT, 20 ans de jurisprudence, n° 39, p.96. A propos des

contrats de concession, V. D. MAINGUY, Cession de contrôle et sort des contrats de la société cédée,

Rev. Société.1996, 17. 875

V. par exemple, T. com. Nanterre 23 décembre. 1987, G.P. 1988, I, 716. Dans ce jugement, les juges

ont déclaré ainsi : « l’être moral que constitue la société anonyme n’est pas affecté par la modification survenue dans l’actionnariat du distributeur, ni par le changement de direction ». 876

C. PRIETO, La société contractante, PUAM, 1994, préface J. Mestre n° 707, p.423 : « …s’agissant de la prise en considération du simple associé, l’exigence est encore plus forte car elle accroît l’instabilité contractuelle en même temps qu’elle porte atteinte à l’autonomie de la personne morale. Attacher la poursuite d’un contrat à la permanence d’une personne morale offre normalement plus de stabilité que si on l’attache à la présence d’un de ses membres ». 877

Sur les différentes clauses interdisant toute sorte de cession de contrôle de la société franchisée, v. P.

BLANCHARD, Les clauses de changement de contrôle, instruments de stabilisation et sauvegarde,

RDAI. 2006, p.105. Egalement, J.-M. MOUSSERON, Technique contractuelle, par P. MOUSSERON, J.

RAYNARD, J.-B. SEUBE, Edition Francis Lefebvre, 3e édition, 2005, n° 1209. V. aussi, J. RAYNARD,

Page 256: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

251

La validité de telles clauses en droit positif ne fait guère de doute, ainsi que le

relève un arrêt du 25 janvier 1991878

.

En l’espèce, trois contrats de franchise ont été conclus entre la société franchiseur

Milleville France et la société franchisée Selfcar-franchisé, et cela pour l’exploitation

sous la marque Budget milleville d’un service de location de véhicules sur différents

territoires .Suite à la cession de la majorité des actions de la société franchisée

représentant 95 % du capital à un tiers concurrent sans l’agrément du franchiseur, celui-

ci avait informé la société franchisée par lettre que, conformément aux termes du

contrat, les trois contrats les unissant seraient résiliés de plein droit. Les juges du fond

ont considéré régulière la résiliation du contrat de franchise intervenue à l’initiative du

franchiseur conformément au contrat. En revanche, ils ont limité l’effet de la résiliation

au seul contrat en cours en estimant que les autres étaient déjà expirés. La société

franchisée s’est pourvue en cassation en invoquant que la clause selon laquelle toute

cession des actions par le franchisé entraîne la résiliation de plein droit du contrat de

franchise est contraire au principe de la libre négociabilité des actions. Elle a ajouté que

la composition de l’actionnariat, dans le capital d’une société anonyme, constitue une

liberté fondamentale à laquelle aucune convention ne peut valablement déroger sans

porter un trouble grave aux règles d’ordre public de la liberté du commerce et de la

concurrence.

Or, son pourvoi a été rejeté par la Chambre commerciale qui a décidé que : « Mais

attendu qu’ayant constaté, d’un côté, que les contrats conclus en 1986, s’ils

subordonnaient la réalisation par le franchisé de certaines opérations juridiques, telle

la cession du contrat de franchise, à l’accord préalable du franchiseur, ne visaient pas

la cession des actions représentant le capital de la société franchisée parmi celles

soumises à cet agrément, et, d’un autre côté, que le seul motif de la résiliation de ces

contrats avant leur terme par la société Milleville avait été la cession à un tiers, sans

son accord, de la majorité des actions de la société Selfcar, la cour d’appel a

légalement justifié sa décision du chef critiqué ; que le moyen n’est fondé en aucune de

ses branches » .

La technique contractuelle au service de la pérennité du réseau de distribution, Cah. dr. entr. 2005, p.30,

et spéc., p.35 et s. 878

Cass.com 15 janvier 1991, pourvoi n° 89-12. 537 ; Juris-Data n° 000184.

Page 257: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

252

Il convient, finalement, de noter que la modification dans la personne des associés

peut entraîner l’extinction anticipée de la relation contractuelle liant le franchiseur au

franchisé. La modification dans la personne des dirigeants de la société franchisée peut

aboutir au même résultat.

250. Modification de la personne des dirigeants. Compte tenu de sa personnalité,

compte tenu aussi de son expérience, la personne du dirigeant peut parfois être

déterminante dans la décision de la conclusion du contrat de franchise879

. Un contractant

a choisi de contracter avec telle ou telle société franchisée ou franchiseur en raison des

qualités et des aptitudes de ses dirigeants qui sont susceptibles d’assurer la bonne

exécution du contrat de franchise.

Dès lors, lorsqu’il y a modification dans la personne du dirigeant, cette

modification entraîne l’extinction anticipée du contrat de franchise. Le décès du

dirigeant dont la personnalité a été prise en considération lors de la formation du contrat

de franchise ou sa révocation emporte a priori la caducité du contrat880

. Néanmoins, et

de la même manière que pour la modification dans la personne des associés, la

jurisprudence refuse que la disparition de la qualité attachée au dirigeant puisse

entraîner ipso facto la destruction du contrat de franchise. Pour elle, il faut, pour cela,

qu’il y ait une clause stipulant que le contrat de franchise soit conclu en considération

de la personne des dirigeants et qu’en cas de décès ou de révocation, le contrat sera

résilié, sinon celle-ci ne saura être prononcée881

.

879

V. Y. MAROT, L’intuitus personae, L’officiel de la franchise, février 2008, n° 78, p.130. 880

En ce sens, F. GARRON, La caducité du contrat, PUAM, 1999, préface J. Mestre, n° 143, p.171. 881

Pour une illustration récente en matière de contrats de concession. v. CA Paris 25 avril 2003, RDC.

2004, p. 499, C. Bourgeon. En l’espèce, un contrat de concession a été conclu entre la société Galtier

concessionnaire et la société Honda. Ce contrat contenait une clause selon laquelle il était conclu en

considération de la personne des dirigeants de la société concessionnaire, et en cas de modification

substantielle dans celle-ci, que le contrat pouvait être dénoncé par le concédant. En raison du licenciement

du responsable salarié spécialement chargé de l’activité motocycles intervenu à la suite d’une altercation

avec la directrice générale, la société concédante Honda a notifié à la société concessionnaire la résiliation

du contrat de concession en s’appuyant sur la clause contractuelle d’intuitus personae et sur le fait que le

cadre salarié avait été son « seul interlocuteur au sein du concessionnaire-société Galtier- pendant de nombreuses années ». La société concessionnaire a estimé la résiliation du contrat par le concédant

injustifiée. Elle l’a assigné pour dommages et intérêts pour le préjudice qu’elle avait subi du fait de la

rupture du contrat. Les juges du fond l’ont débouté de sa demande. Ils ont estimé que la résiliation du

contrat de concession n’engageait pas la responsabilité du concédant, au motif que le contrat était stipulé

conclu en fonction « de l’identité et de la qualification de ses propriétaires et dirigeants de droit et de fait de celles de ses gestionnaires » et pouvait être dénoncé en cas de « modification de la direction ou du personnel de façon substantielle ».

Page 258: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

253

A cet égard, il est à noter que certains contrats de franchise, et de la distribution de

manière générale, prévoient que tout changement dans la personne des dirigeants de la

société du contractant emporte de plein droit la résiliation du contrat. La jurisprudence

reconnaît l’efficacité de cette clause dès lors qu’elle est rédigée de manière précise et

non équivoque882

. D’autres contrats de franchise admettent la possibilité de changement

dans la personne du dirigeant d’une partie mais avec le consentement préalable de son

cocontractant883

.

Une telle clause d’agrément a un caractère unilatéral. Elle est généralement

stipulée à l’égard du franchisé884

. La raison en est que le franchiseur, promoteur du

réseau, entend toujours « pouvoir librement modifier ses structures juridiques et

capitalistiques »885

. Si le franchiseur n’agrée pas au changement de la personne du

dirigeant de la société du franchiseur, le contrat est résilié. Si, au contraire, il l’agrée, le

contrat est maintenu.

251. Conclusion de la section II. Imposé par la nature même du contrat de franchise

qui implique à la fois une bonne et étroite collaboration et une confiance réciproques

entre le franchiseur et le franchisé, l’intuitus personae implique l’exécution personnelle

du contrat. Seul celui dont la personnalité a été prise en considération lors de la

formation du lien peut valablement exécuter la prestation promise. De là, la

considération de la personne fragilise la stabilité des relations contractuelles entre

franchiseur et franchisé. Puisqu’en cas de disparition de l’un ou de l’autre ou en cas de

changement dans l’une de ses qualités prises en compte lors de la conclusion du contrat,

cette disparition ou ce changement entraîne l’extinction anticipée du rapport contractuel.

882

Cass. com., 3 mars 2004, n°02 -12. 905, RLDC. 2004, p.3, J. MESTRE. Dans cet arrêt, la Chambre

commerciale de la Cour de cassation a approuvé un arrêt d’appel qui avait jugé la clause permettant la

rupture unilatérale d’une relation avec le cas de « départ du dirigeant signataire du contrat » couvre l’hypothèse du décès de celui-ci, contrairement aux prétentions de ladite société estimant avoir visé les seuls cas de démission et de révocation ». 883

Y. MAROT, L’intuitus personae, L’officiel de la franchise, février 2008, n° 78, p.130. 884

Ibid. 885

Ibid.

Page 259: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

254

252. Conclusion du chapitre II. Inscrit dans la durée, le contrat de franchise s’expose

parfois aux aléas de divers évènements qui surviennent lors de sa vie. La survenance de

ces évènements rend parfois impossible l’exécution du contrat de franchise ou plus

onéreuse pour l’une des parties contractantes. On pense là aux cas de force majeure ou

de cas de hardship. Et parfois, la survenance de ces évènements rend non pas impossible

l’exécution du contrat de franchise ou voire difficile, mais indésirable pour l’une des

parties. Tel est le cas lorsqu’il y a atteinte à l’intuitus personae afférant les parties

contractantes. Dans l’une ou l’autre hypothèse, le contrat de franchise risque d’être

éteint avant même que le terme extinctif contractuellement fixé ne soit échu.

Page 260: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

255

253. Conclusion du titre II. Comme tout contrat synallagmatique, le contrat de

franchise crée à la charge de chacune des parties des obligations contractuelles. Ces

obligations doivent être respectées. L’inexécution par l’une des parties remet en cause

l’économie du contrat de franchise et donc entraîne son extinction. Le franchisé ou le

franchiseur dont l’obligation n’a pas été respectée peut résilier le contrat soit par le

recours au juge, soit de son propre chef. Toutefois, si l’extinction du contrat de

franchise a fréquemment pour cause l’inexécution du contrat, celle-ci n’est pas la seule.

D’autres causes autres que l’inexécution peuvent aussi entraîner l’extinction du contrat

de franchise. Certaines de ces causes sont inhérentes aux parties. C’est ainsi lorsqu’il y

a atteinte à l’intuitus personae afférant les parties contractantes au contrat de franchise.

Tout changement dans la personne du contractant ou dans l’une de ses qualités prise en

compte lors de la conclusion du contrat peut constituer une cause d’extinction du contrat

de franchise. D’autres causes sont extérieures aux parties. Il s’agit là de cas de force

majeure rendant impossible l’exécution du contrat de franchise. Il s’agit aussi de cas de

hardship remettant en cause l’économie du contrat, de telle manière que l’exécution du

contrat devienne plus onéreuse, trop coûteuse pour l’une des parties

Page 261: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

256

CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE I

254. Le contrat de franchise peut en effet prendre fin pour diverses causes. La cessation

des relations contractuelles peut trouver sa source dans le non-renouvellement du

contrat à l’arrivée du terme. A l’échéance de ce terme, chacune des parties peut refuser

de maintenir le contrat de franchise au-delà du terme extinctif par lequel il est affecté.

Le franchisé comme le franchiseur dispose d’un droit au non renouvellement du contrat

à son terme. Ce droit ne doit pas toutefois être exercé de manière abusive, sinon la

responsabilité de son auteur sera engagée.

255. La cessation des relations contractuelles peut aussi trouver sa cause dans la

résiliation du contrat de franchise. Parfois, cette résiliation est intervenue suite à la

volonté des parties. Elle est voulue par elles. Tel est le cas pour la résiliation bilatérale

du contrat de franchise. Le franchiseur et le franchisé peuvent convenir à tout moment

lors de l’exécution du contrat d’y mettre fin. Tel est aussi le cas pour la résiliation

unilatérale du contrat de franchise à durée indéterminée. Dans ces hypothèses,

l’extinction du contrat de franchise est voulue par les contractants.

256. Parfois, la résiliation est intervenue suite à la survenance de certains évènements

qui risquent d’éteindre le contrat de franchise avant même que le terme extinctif

contractuellement stipulé ne soit échu. Certains de ces évènements sont liés aux parties.

On pense au cas de l’inexécution par l’une des parties de ses obligations. Cette

inexécution est sanctionnée par la résiliation ou la résolution du contrat de franchise,

résiliation ou résolution qui peut être prononcée par le juge. Elle peut aussi être

prononcée par la volonté unilatérale du franchiseur ou du franchisé dont l’obligation n’a

pas été exécutée.

Page 262: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

257

Qu’elle soit d’origine judiciaire ou qu’elle soit d’origine unilatérale, la résiliation

ou la résolution met fin au contrat de franchise. L’évènement liés aux parties, et qui font

appel à la résiliation du contrat de franchise peuvent être non pas une défaillance

contractuelle, mais une atteint portée à l’intuitus personae afférant les parties

contractantes.

257. Le fait que le contrat de franchise soit conclu en considération de la personne du

contractant rend fragile la pérennisation du contrat. Toute disparition de l’une des

parties ou tout changement dans l’une de sa qualité est susceptible d’entraîner

l’extinction des relations contractuelles. A priori, dans ce cas, l’extinction du contrat

s’explique par le cas de caducité, étant donné que le contrat de franchise a perdu un des

éléments essentiels de son exécution. Mais parce que dans la plupart du temps les

contrats de franchise prévoient la résiliation, on écarte la caducité au profit de celle-ci

258. D’autres évènements qui sont susceptibles de faire intervenir la résiliation du

contrat de franchise sont extérieurs aux parties. Il s’agit, là, de cas de force majeure

rendant impossible l’exécution du contrat. Dans ce cas, les parties prévoient souvent

une clause contractuelle permettant de résilier le contrat si une des parties a subi un

évènement de force majeure. Il peut s’agir aussi de cas de hardship qui remet en cause

l’économie du contrat de franchise. Ce cas de hardship peut éventuellement entraîner la

résiliation au cas où aucun accord entre les parties sur l’adaptation du contrat aux

nouvelles circonstances n’a été trouvé. Dans toutes ces hypothèses où la résiliation est

intervenue à la suite de la survenance d’évènements liés ou extérieurs aux parties, on

qualifie les causes d’extinction du contrat de franchise de cause d’extinction

extraordinaire, car l’extinction n’est pas, dans ces hypothèses, voulue par les parties.

Notons, enfin, que peu importe sa cause, une fois l’extinction du contrat de franchise

intervenue, elle produit certains effets juridiques à l’égard des parties.

Page 263: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

258

PARTIE II - LES EFFETS DE L’EXTINCTION DU CONTRAT DE FRANCHISE

Page 264: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

259

259. La mise en jeu de la responsabilité et la naissance de nouvelles obligations.

Quelle que soit la cause pour laquelle elle est intervenue, l’extinction du contrat a un

effet abrogatif immédiat sur le rapport contractuel entre franchiseur et franchisé. Cet

effet abrogatif n’a pas d’effet rétroactif. Elle ne remet pas en cause des obligations déjà

nées du contrat de franchise. Elle met simplement fin au pouvoir du contrat de franchise

d’engendrer de nouvelles obligations pour le futur. Toutefois, il est à noter que l’effet

abrogatif que produit l’extinction sur le contrat de franchise n’empêche pas de mettre en

jeu la responsabilité du franchiseur ou du franchisé (Titre I). Peu importe que cette

responsabilité soit de nature contractuelle ou de nature délictuelle. Paradoxalement,

l’extinction du contrat n’empêche pas de faire naître de nouvelles obligations (Titre

II), obligations dont certaines peuvent être prévues par le contrat lui-même, mais leurs

effets sont repoussés à son extinction. Ce sont ces deux questions, c'est-à-dire la

responsabilité éventuelle des contractants et les obligations nées de l’extinction du

contrat de franchise que nous allons aborder tout au long de cette deuxième partie.

Page 265: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

260

TITRE I - LA RESPONSABILITE DE L’AUTEUR DE LA

RUPTURE DU CONTRAT

Page 266: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

261

260. Plan et vue générale. La cessation des relations contractuelles unissant le

franchiseur et le franchisé peut intervenir pour des raisons diverses. Il peut s’agir du

non-renouvellement d’un contrat de franchise conclu pour une durée déterminée venue

à expiration886

. Il peut aussi s’agir d’une rupture unilatérale d’un contrat de franchise

conclu pour une durée indéterminée887

ou d’une rupture anticipée d’un contrat de

franchise conclu avec un terme888

. Quelle que soit sa forme, la rupture du contrat de

franchise peut, dans certaines hypothèses, intervenir dans des circonstances fautives et

causer un dommage à celui qui l’a subi. Il en est ainsi lorsque le franchisé a mis fin au

contrat de manière irrégulière et avant terme ou de manière brusque, sans respecter un

délai de préavis, ou, enfin, lorsque le non- renouvellement du contrat de franchise par le

franchiseur est intervenu après avoir fait croire au franchisé que le contrat se

renouvellerait pour une nouvelle durée. Dans toutes ces hypothèses, le contractant, à qui

la rupture fautive du contrat de franchise est imputable, engage sa responsabilité. Ce

dernier sera tenu de réparer tout le préjudice que son cocontractant a subi du fait de la

rupture abusive ou brusque du contrat de franchise. Cette réparation peut intervenir en

nature par la condamnation de l’auteur de la rupture fautive à maintenir le contrat et à

continuer d’exécuter ses obligations (Chapitre I). Elle peut, au contraire, être par

équivalent, l’auteur de la rupture fautive étant condamné à payer des dommages et

intérêts au cocontractant victime (Chapitre II).

886

Supra n° 24 et s. 887

Supra n° 77 et s. 888

Supra n° 113 et s.

Page 267: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

262

CHAPITRE I – REPARATION EN NATURE

261. Exposé de la problématique. En cas de rupture fautive d’un contrat de franchise,

le franchisé ou le franchiseur, victime d’une telle rupture, peut s’estimer en droit

d’obtenir le maintien du contrat fautivement rompu et pas seulement une simple

allocation de dommages et intérêts. A priori, le maintien forcé du contrat paraît la

réparation la mieux adaptée pour satisfaire ses besoins (Section I). Il lui assure une

réparation complète en ce sens qu’il efface la rupture du contrat en le remplaçant dans la

situation antérieure à celle-ci. Mais la mise en œuvre du maintien forcé n’est pas

toujours facile. Elle se heurte souvent à des difficultés pratiques. La rupture fautive d’un

contrat de franchise porte généralement atteinte à la confiance existant entre les parties,

de sorte que le rétablissement du contrat paraît souvent difficile, voire impossible. Outre

le maintien forcé qui porte atteinte à la liberté contractuelle, il arrive parfois que l’une

des parties résilie fautivement le contrat et concluet un autre contrat avec un nouveau

contractant. En pareille hypothèse, contraindre l’auteur à la reprise forcée du contrat

fautivement rompu suppose la rupture d’un nouveau contrat qu’il a conclu. Cela est

susceptible de créer un désarroi et une instabilité dans les relations contractuelles.

Toutes ces raisons expliquent que le juge préfère le plus souvent réparer le préjudice dû

à une rupture fautive par l’allocation de dommages et intérêts et qu’il ne retient le

maintien forcé que de manière exceptionnelle, à titre de réparation en nature (Section

II).

Page 268: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

263

SECTION I – LE MAINTIEN FORCE DU CONTRAT COMME REPARATION

EN NATURE

262. Afin de préserver le principe de la force obligatoire, et donc la stabilité des

rapports contractuels, il a été soutenu qu’en cas de rupture brusque ou abusive ou même

irrégulière d’un contrat de franchise, le juge doit ordonner le maintien forcé du contrat

fautivement rompu à titre de sanction et de réparation en nature (§ 1). Une telle mesure

paraît séduisante. Elle a l’avantage d’éviter l’évaluation plus ou moins arbitraire par le

juge du préjudice résultant d’une rupture fautive. Pourtant, elle est difficilement

applicable sur le plan pratique. Certains arguments s’opposent au maintien forcé du

contrat comme mode de réparation en nature (§ 2).

§1. Proposition en faveur du maintien force du contrat

263. Plaidoyer pour le maintien forcé du contrat. Au lieu et place de l’indemnisation

du contractant victime d’une rupture fautive, un courant doctrinal estime qu’il est

souhaitable, que le juge ne tienne pas compte de la rupture fautivement intervenue et

qu’il condamne son auteur au maintien du contrat889

.

889

F. TERRE, Ph. SIMLER, Y. LEQUETTE, Les obligations, Précis Dalloz, 9e édition, 2005, n° 661,

p.650 et s. Ces auteurs observent qu’il « serait souhaitable que le juge puisse non seulement allouer des dommages et intérêts afin de réparer le préjudice subi mais éventuellement maintenir le contrat abusivement résolu. Au cas contraire, en effet, ce serait remettre en cause le principe de la force obligatoire du contrat tel qu’il est traditionnellement conçu en droit français ». V. aussi, J. MESTRE,

Rupture abusive et maintien du contrat, in Exécution du contrat en nature ou par équivalent, RDC. 2005,

p.99, et spéc., p.105 ; Ph. STOFFEL-MUNCK, La rupture du contrat et le droit de la distribution, in Le

contrat électronique au cœur du commerce électronique, in Le droit de la distribution : droit commun ou

droit spécial, LGDJ, Université Poitiers collection de la Faculté de droit et des sciences sociale,2005,

p.177, et spéc., n°19,p.190 ; D. MAZEAUD, Durées et ruptures, in Durée et exécution du contrat , RDC

2004 , p.129 ,et spéc , n°19 , p.143 ; du même auteur, obs sous Cass. civ 1er

, 7 novembre 2000, D. 2001,

p.1137 ; M. AMERANI-MEKKI, La résiliation unilatérale des contrats à durée déterminée, LPA, 13 août

2002, n°161, p.4 ; B. FAGES, Le comportement du contractant, 1997, PUAM, préface J. Mestre, n°686,

p.375, et s, et spéc., n°687, p.375.

Page 269: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

264

Selon ce courant doctrinal, une telle réparation en nature serait particulièrement

opportune, notamment en ce qui concerne les contrats de franchise, de concession et les

contrats de distribution de manière générale, contrats qui sont qualifiés de contrats de

situation en raison de ce qu’ils fondent l’activité des parties.

Ainsi, Mme M.-E. Pancrazi-Tian observe que le maintien forcé, à titre de sanction

et de réparation en nature, a le mérite d’éviter toute évaluation parfois plus ou moins

arbitraire faite par le juge du préjudice résultant d’une rupture fautive890

. Cet auteur a

proposé de sanctionner le non–renouvellement abusif d’un contrat à durée déterminée

par le maintien de la convention pour une même durée et aux mêmes conditions

qu’antérieurement891

. Quant à la résiliation abusive ou brusque d’un contrat à durée

indéterminée, elle a proposé qu’elle soit sanctionnée par une prolongation du contrat

pour une période indéterminée, tout en gardant la possibilité pour chacune des parties de

mettre fin au contrat. Enfin, lorsque l’abus est relatif à une résiliation brusque d’un

contrat, elle a proposé de la sanctionner par une prolongation de la relation

contractuelle pour un délai correspondant au préavis que l’auteur aurait dû respecter892

.

Une telle analyse a été approuvée par une partie de la doctrine. M. D. Mazeaud

rejoint cette analyse. Il considère que si seule la responsabilité civile peut sanctionner

une rupture abusive, celle-ci ne se solde pas nécessairement par l’allocation de

dommages et intérêts. Et que la réparation en nature, plutôt que la réparation par

équivalent, peut être prononcée par le juge qui peut décider le maintien forcé du

contrat893

.

890

M -E. PANCRAZI-TIAN, La protection judiciaire du lien contractuel, PUAM 1997, préface J. Mestre,

n° 271, p. 228. 891

Ibid. 892

Ibid. 893

D. MAZEAUD, obs sous Cass. civ 1er

, 7 novembre 2000, D. 2001, p.1137.

Page 270: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

265

Pour dissuader un contractant de rompre de manière fautive son contrat, « il serait

judicieux de reconnaître au juge le droit de décider, comme il peut le faire en cas

d’exercice déloyal d’une clause résolutoire expresse, le maintien des effets du contrat

abusivement résolu, plutôt que de lui conférer le seul pouvoir de réparer, sous la forme

de dommages-intérêts, le préjudice subi par le cocontractant »894.

Il en va de même pour le doyen J. Mestre qui estime qu’il y a plusieurs raisons

justifiant que le juge, saisi d’une rupture abusive ou irrégulière, ordonne le maintien

forcé du contrat fautivement rompu au lieu d’allouer des dommages et intérêts au

contractant victime895

. D’abord, une telle sanction en nature se justifie par le respect des

prévisions initiales des parties. « Souvent, celles-ci ont procédé, dans la perspective de

l’établissement et de la pérennité du lien contractuel, à des investissements lourds ou

encore ont renoncé à établir des partenariats avec d’autres, et il est donc, nous semble-

t-il, normal que non seulement leurs prévisions ne soient pas ensuite trahies mais

encore que leur soit assurée, si du moins elles le souhaitent, le droit d’obtenir l’absolu

respect de la situation sur laquelle elles ont fondé leurs espoirs ». Ensuite, elle

s’explique par le principe de la force obligatoire du contrat. Le versement d’une somme,

au terme bien souvent de quelques années de procédure, n’est généralement pas

satisfactoire pour le contractant dont le partenaire s’est entre-temps évadé896

.

Enfin, le droit au maintien forcé paraît « un pendant nécessaire au développement

dans notre droit de la faculté de la résiliation unilatérale pour comportement

gravement répréhensible du contractant. Si, en effet, on ne veut pas que cette faculté

soit la porte ouverte à trop d’évasion prématurée injustifiée, il faut, nous semble t-il,

renforcer la sanction judiciaire susceptible d’atteindre ces dernières »897.

894

D. MAZEAUD, Durées et ruptures, op.cit., n°19 , p.143 . 895

J. MESTRE, Rupture abusive et maintien du contrat, in Exécution du contrat en nature ou par

équivalent, RDC 2005, p. 99, et spéc., p.105. 896

Ibid. 897

Ibid.

Page 271: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

266

M. P. Stoffel-Munck rejoint cette analyse en observant que le maintien forcé,

décidé par le juge, d’un contrat de franchise ou de concession fautivement rompu, aura

le mérite non seulement de protéger le principe de la force obligatoire du contrat mais

aussi la valeur importante que représentent de tels contrats898

. Toutefois, M. P. Stoffel-

Munck restreint la portée d’une telle sanction899

. Il estime que le maintien forcé d’un

contrat abusivement ou irrégulièrement rompu, à titre de sanction et de réparation en

nature, ne devrait être admis que dans la mesure où la rupture du contrat est intervenue à

la suite de la violation d’une obligation contractuelle900

. Selon lui, dans ce cas, le

principe de la force obligatoire du contrat justifie que le juge ordonne la continuation

forcée du contrat abusivement ou irrégulièrement rompu. En revanche, lorsque la

rupture du contrat est intervenue à la suite d’une contravention au devoir de loyauté,

seule la réparation par l’allocation des dommages et intérêts est envisageable901

, étant

donné qu’il ne s’agit pas là d’une violation d’une norme contractuelle stricto sensu,

mais d’une norme de loyauté s’imposant à toute personne902

. Certes, le maintien forcé,

comme sanction et réparation en nature, d’une rupture fautive, peut avoir pour effet

d’assurer le respect de la force obligatoire du contrat. Le fait qu’il soit forcé par le juge

de reprendre son contrat peut dissuader le franchisé ou le franchiseur de rompre. Malgré

cela, le maintien forcé ne paraît pas adéquat.

§2. Un maintien forcé du contrat inadéquat

264. Le maintien forcé : réparation d’une efficacité douteuse. S’il est vrai que le

maintien forcé peut satisfaire le besoin du franchisé ou du franchiseur dont le contrat a

été abusivement ou irrégulièrement rompu, davantage que l’allocation de dommages et

intérêts, il est, en revanche, difficile à mettre en œuvre en pratique.

898

Ph. STOFFEL-MUNCK, Le contrôle a posteriori de la résiliation unilatérale, Dr et patr. 2004, n° 126, 899

Ph. STOFFEL-MUNCK, La rupture du contrat et le droit de la distribution, in Le contrat électronique

au cœur du commerce électronique, Le droit de la distribution : droit commun ou droit spécial, LGDJ,

Université, Poitiers, Collection de la Faculté de droit et des sciences sociales, 2005, p.177, et spéc.,

n°19,p.190. 900

Ibid. 901

Ibid. 902

Ph. STOFFEL-MUNCK, L’abus dans le contrat, LGDJ, 2002, préface R. Bout, n° 117, p. 108 et s, et

spéc., n° 126, p.116.

Page 272: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

267

En effet, la rupture fautive d’un contrat de franchise porte souvent atteinte à la

confiance existant entre les parties, confiance conçue comme un élément primordial

pour la mise en œuvre du contrat de franchise. Par conséquent, le rétablissement par le

juge du contrat de franchise fautivement rompu est parfois douteux, voire impossible.

Seule la réparation par l’allocation de dommages et intérêts est donc envisageable903

.

A vrai dire, en pareille circonstance, il est réaliste de tenir cette rupture pour

acquise. Il « n’est en effet pas souhaitable d’obliger à collaborer deux parties dont

l’une n’attendra que le moment propice pour s’évader de ce rapport imposé. Certains

types de contrats impliquent à la fois confiance et collaboration sans faille (concession,

franchisage..) et le maintien forcé des relations des contractants n’y conduirait pas

véritablement »904. Décider autrement, et maintenir le contrat de franchise fautivement

rompu, nonobstant le bris du climat de confiance existant entre les parties, risque

d’aggraver la situation plutôt que d’y remédier. Comme le relève justement le

Professeur Ph. Le Tourneau : « A tout prendre, le remède risque d’être pire que le

mal : mieux vaut sans doute une rupture franche, permettant de nouer des liens

nouveaux avec un tiers, qu’un contrat qui vivote sous perfusion ! »905.

903

V. en, ce sens, Ph. Le TOURNEAU, Les contrats de franchisage, Litec, 2e édition, 2007, n° 673,

p.294, et spéc., p.295 ; M. MALAURIE-VIGNAL, Droit de la distribution, Sirey, 2006, n°700,p.190 ; Ph.

LE TOURNEAU, Droit de la responsabilité et des contrats, Dalloz, 2006 /2007, n° 6908 ; Ch.

BOURGEON, Rupture abusive et maintien du contrat : observation d’un praticien, RDC. 2005, p.109. Ph.

DELEBECQUE, « Le droit de rupture unilatérale du contrat : genèse et nature, Dr et patr, .2004, n°126,

p.160 ; J. THREARD et Ch. BOURGEON, Dépendance économique et droit de la concurrence, p.26 ; P.

CHAZAL, Les nouveaux devoirs des contractants : est-on allé trop loin ? , in La nouvelle crise du contrat,

Dalloz, 2003, p,99, et spéc., p 122 ; S. LEBRETON, L’exclusivité contractuelle et les comportements

opportunistes, Etude particulière aux contrats de distribution, Bibliothèque de droit de l’entreprise, Litec,

2002, n° 257, p. 347 ; J.-M. MOUSSERON, note sous Cass. com., 1er

décembre 1992, JCP E 1993, I, n°

234, n° 16 ; J. THREARD et Ch. BOURGEON, Dépendance économique et droit de la concurrence, p.26. 904

J. THREARD et Ch. BOURGEON, Dépendance économique et droit de la concurrence, p. 26. Dans

le même sens, P. CHAZAL, Les nouveaux devoirs des contractants : est-on allé trop loin ?, in La nouvelle

crise du contrat Dalloz, 2003, p,99, et spéc., p 122 : « parce que les contractants ne s’aiment pas comme des frères qu’il ne faut pas tenter de maintenir à tout prix le lien qui les unit. Ainsi, la continuation forcée du contrat ne devrait être admise que dans des cas très particuliers et rares, par exemple dans les contrats dans lesquels les obligations s’exécutent sans que le comportement d’une des parties puisse parasiter l’utilité de la prestation économique attendue ». 905

Ph. Le TOURNEAU, Les contrats de franchisage, Litec, 2e édition, 2007, n° 673, p.294, et spéc.,

p.295.

Page 273: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

268

265. Atteinte au principe de la liberté contractuelle. Outre son efficacité douteuse, le

maintien forcé du contrat de franchise, comme une sorte de réparation en nature, porte

atteinte à la liberté contractuelle des contractants, liberté qui est « l’âme du contrat »906.

Comme le relève un auteur : « Le maintien forcé du lien contractuel implique, à

notre sens, une atteinte insupportable à la liberté contractuelle, à la volonté

contractuelle. Comment peut-on invoquer que soit forcé un lien contractuel, par nature

volontaire ? Mais surtout, que deviennent alors les idées de collaboration des

contractants, de partenaire, voire de fraternité dont on a vu qu’elles étaient si

nécessaires à l’épanouissement de la relation contractuelle ? » 907.

266. Confusion avec l’exécution forcée. L’exécution forcée en nature et la réparation

en nature908

ne sont-elles pas une notion unique? En effet, il existe une différence

d’essence irréductible entre ces deux notions. Quant à leur objet, l’exécution forcée en

nature, qui n’est que « l’effet le plus direct du principe de la force obligatoire du

contrat »909, est de nature satisfactoire. Elle procure au créancier une satisfaction qui est

conforme à l’objet du contrat910

. C’est la prestation promise ou convenue au contrat qui

a été exécutée.

906

G .ROUHETTE, La force obligatoire du contrat : Rapport français in Le contrat aujourd’hui :

comparaisons franco-anglaises, sous la direction .D. Tallon et D. Harris, LGDJ 1987, p.28, n°2. 907

S. LEBRETON, L’exclusivité contractuelle et les comportements opportunistes, Etude particulière aux

contrats de distribution, th., précitée, n°257, p.347. Notons, à cet égard, que par une décision du 20 juillet

1988, le Conseil constitutionnel a jugé inconstitutionnelle la réintégration obligatoire d’un salarié

ordinaire au motif que cette mesure porterait atteinte à la liberté d’entreprendre. V. 908

Sur cette question, v. Exécution du contrat en nature ou par équivalent, RDC. 2005/ 1 ; P -G. JOBIN,

L’exécution forcée en nature du contrat au Québec : Les sources du droit remises en question, Libres

propos sur les sources du droit, Mélanges. Ph. Jestaz, Dalloz, 2006, p. 235 ; G. VINEY, « Exécution de

l’obligation, faculté de remplacement et réparation en nature en droit français », in Les sanctions de

l’inexécution des obligations contractuelles, Etudes de droit comparé, sous la dir. M. FONTAINE, G.

VINEY, Bruylant, LGDJ, 2001, p.16 ; P. WERY, L’exécution en nature de l’obligation contractuelle et la

réparation en nature du dommage contractuel, Rapport belge, in Les sanctions de l’inexécution des

obligations contractuelles, op. cit., p.205 ; F. BELLIVIER et R. SEFTON-GREEN, Force obligatoire et

exécution en nature du contrat en droit français et anglais : bonnes et mauvaises surprises du

comparatisme, in Le contrat au début du XXe siècle, Mélanges. J. Ghestin, LGDJ, 2001, p. 91 ; M. E.

ROUJOU DE BOUBEE, Essai sur la notion de réparation, LGDJ, 1974, préface. P. Hebraud, p. 267 et

s ; H.-R. HOUIN, La rupture unilatérale des contrats synallagmatiques, th., 1973, Paris. II, n° III- 98,

p.658, et spéc., p.659. 909

G. VINEY, Exécution de l’obligation, faculté de remplacement et réparation en nature en droit

français, op.cit., p.167, n°16, p.182. 910

M.-E. ROUJOU de BOUBEE, th., précitée. V. aussi, P. WERY, L’exécution en nature de l’obligation

contractuelle et la réparation en nature du dommage contractuel, op.cit, n°24, p. 233.

Page 274: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

269

Or, cela n’est pas le cas pour la réparation en nature. Celle-ci, qui se présente

comme une suite de la responsabilité911

, est de nature compensatoire. Elle se borne à

compenser le préjudice que subit le créancier du fait de l’inexécution de la prestation

contractuelle en lui offrant une prestation équivalente à celle qui elle a été promise. « La

réparation en nature impose donc au débiteur l’accomplissement d’une prestation qui

est étrangère au contenu obligationnel du contrat, tel que le définissent les articles

1135 et 1134 alinéa 3, du Code civil »912.

La distinction entre l’exécution en nature et la réparation en nature n’apparaît pas

seulement quant à leur objet. Elle est également visible quant à leur régime

d’application. Tout d’abord, leurs conditions sont nettement différentes. Alors que la

mise en œuvre de l’exécution en nature, qui est un droit pour le contractant victime

d’inexécution, implique seulement la preuve d’une inexécution de la part de l’un des

contractants sans qu’il y ait à établir un dommage quelconque né de cette inexécution, la

mise en œuvre de la réparation en nature, exige la preuve d’un préjudice sans lequel il

ne peut être accordé par le juge913

. Quant aux pouvoirs du juge, celui-ci ne dispose pas

d’un pouvoir d’appréciation quand il s’agit d’une demande d’exécution en nature. Le

juge, saisi du litige, n’a pas le pouvoir de refuser la demande de l’exécution en nature

présentée par le créancier et ni de lui préférer une réparation, que ce soit sous forme de

dommages et intérêts ou sous forme de réparation en nature. Il doit seulement vérifier

que l’exécution est due et que la demande n’est pas abusive914

. A vrai dire, l’exécution

en nature est un droit pour le créancier de l’obligation qui n’a pas été exécutée. Le juge

doit non seulement la respecter, mais également prendre toute mesure susceptible

d’assurer son efficacité915

.

911

P. WERY, op.cit. 912

P. WERY, op.cit. 913

Cass. civ., 3e décembre 2003, RTD civ. 2004, p. 295, obs. P. JOURDAIN ; Contrats. conc. conso.,

2004, comm. n°38, obs. L. LEVENEUR. 914

G. VINEY, « Exécution de l’obligation, faculté de remplacement et réparation en nature en droit

français », in Les sanctions de l’inexécution des obligations contractuelles, Etudes de droit comparé, sous

la dir. M. Fontaine, G. Viney, Bruylant, LGDJ, 2001, p.16 ; P. WERY, L’exécution en nature de

l’obligation contractuelle et la réparation en nature du dommage contractuel, Rapport belge, in Les

sanctions de l’inexécution des obligations contractuelles, op. cit., p.205. 915

Ibid.

Page 275: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

270

La situation est différente s’agissant de la réparation en nature. La demande de

réparation en nature est en principe soumise à l’appréciation du juge. Celui-ci est libre

de choisir les modalités qui lui paraissent les mieux adaptées à la situation916

. Il peut

même écarter la demande de réparation en nature présentée par le créancier pour y

substituer une condamnation à des dommages et intérêts ou même une autre mesure de

réparation en nature qui lui paraîtrait plus efficace pour effacer le dommage résultant de

l’inexécution917

.

Malgré ces points de divergence, la distinction entre l’exécution en nature et la

réparation en nature est parfois difficile à mettre en œuvre, notamment en ce qui

concerne l’exécution des obligations de faire ou de ne pas faire918

. En matière de

contrats de franchise, par exemple, si l’on admet que le préjudice résultant d’une rupture

fautive d’un contrat de franchise est réparé en nature par le maintien forcé du contrat, il

est alors difficile de distinguer la réparation en nature d’une condamnation à l’exécution

en nature. Les deux mécanismes fusionnent et se rejoignent alors que leurs conditions

de mise en œuvre ne sont pourtant pas identiques.

916

P. JOURDAIN, obs. sous Cass. civ., 3e, 28 septembre, 2005, RTD civ. 2006, p.129.

917 Ibid.

918 Cette difficulté de distinction a été soulignée par la plupart des auteurs, v. H. R. HOUIN, La rupture

unilatérale des contrats synallagmatiques, th., 1973, Paris. II, n° III- 98, p.658, et spéc., p.659 : « Même si l’on admet que la règle posée par ce texte ( 1142 du Code civil ) n’est pas absolue, une autre considération s’oppose à la réparation en nature, et semble bien constituer le fondement réel du droit positif : la rupture unilatérale est un acte, qui a pour effet de mettre fin à la convention qu’elle vise. Or, il est très difficile de distinguer une réparation en nature d’une contrainte à l’exécution en nature. La première aboutirait à faire revivre un contrat qui doit être tenu pour définitivement éteint, en vertu du pouvoir reconnu à la volonté unilatérale ». M.-E. ROUJOU de BOUBEE, Essai sur la notion de

réparation, LGDJ, 1974, préface. P. Hebraud, p.193 : « la distinction entre réparation en nature et exécution est loin d’être toujours nettement tranchée : il est parfois bien difficile de discerner les techniques susceptibles de satisfaire le créancier de celles qui ne pourront lui apporter qu’une compensation…Souvent on passe de manière presque insensible de l’exécution à la réparation » ;

G.VINEY, Exécution de l’obligation, faculté de remplacement et réparation en nature en droit français ,

in Les sanctions de l’inexécution des obligations contractuelles, Etudes de droit comparé, sous la dir. M.

FONTAINE, G. VINEY, Bruylant, LGDJ, 2001, p.167, n°35, p.198 et s : « on admet que le dommage contractuel peut être réparé autrement que par des dommages et intérêts (réparation en nature), la distinction entre ce type de réparation en nature et l’exécution se fait moins nette (…) la principale difficulté que soulève la réparation en nature c’est qu’elle est très difficile à distinguer de l’exécution alors que précisément elle n’a de raison d’être que si elle est autonome par rapport à celle–ci ».

Page 276: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

271

267. Conclusion de la section I. Si le maintien forcé d’un contrat de franchise

fautivement rompu, à titre de réparation en nature, peut juridiquement se justifier par le

principe de la force obligatoire du contrat, son application en pratique semble toujours

inadéquate. Elle a l’inconvénient d’être d’une efficacité incertaine. En effet, il est

souvent difficile pour le juge de faire revivre un contrat de franchise fautivement rompu

en raison de la perte de confiance que celle-ci a entraîné entre les parties. Même si nous

admettons le contraire et que nous obligeons l’auteur de la reprise du contrat qu’il a

rompu sans motif légitime, la collaboration entre les parties risquerait de ne pas être

comme avant en raison de la méfiance engendrée par cette rupture. Cela conduirait,

finalement, à la dégradation des relations contractuelles au lieu de remédier à la rupture.

A l’efficacité douteuse du maintien forcé s’ajoute aussi que le fait que celui-ci porte

atteinte au principe de la liberté contractuelle. Il rend enfin malaisée la distinction entre

l’exécution forcée du contrat et la réparation en nature du contrat. Toutes ces raisons

semblent conduire la jurisprudence à ne retenir le maintien forcé que de manière

exceptionnelle en cas de rupture abusive ou irrégulière d’un contrat de franchise.

Page 277: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

272

SECTION II - LE CARACTERE EXCEPTIONNEL DU MAINTIEN FORCE DU

CONTRAT PAR LE JUGE

268. Réticence jurisprudentielle. Si les juges des référés admettent, de manière

temporaire, le maintien forcé d’un contrat de franchise ayant été abusivement ou

irrégulièrement rompu par l’une des parties en matière de référé (§1), la jurisprudence y

est généralement hostile en dehors de ce domaine (§ 2).

§1. Le maintien forcé temporaire du contrat en matière de référé

269. La reprise forcée du contrat. L’étude de la pratique montre que le recours à la

procédure des référés est de plus en plus fréquent en matière contractuelle919

,

notamment en matière de contrats de la distribution920

, et tout particulièrement pour les

contrats de franchise où le contentieux a souvent le trait de l’urgence921

. Dans ce

dernier, dans l’attente d’une décision au fond, le contractant qui s’estime victime d’une

rupture fautive, peut s’adresser au juge des référés pour lui demander, conformément de

l’article 873 du Nouveau Code de procédure civile922

, de prendre des mesures d’urgence

pour faire cesser un trouble manifestement illicite susceptible de causer un préjudice

parfois irréparable.

919

V. B. MELIN-SOUCRAMANIEN, Le juge des référés et le contrat, PAUM, 2000, préface J. Mestre,

n° n°7, p.19 et s. 920

V. J. MESTRE, Rupture abusive et maintien du contrat, in Exécution du contrat en nature ou par

équivalent, RDC 2005, p.99. Egalement, Ch. BOURGEON, Rupture abusive et maintien du contrat :

observations d’un praticien, RDC 2005, p.109. 921

V. Ch. BOURGEON, Rupture abusive et maintien du contrat, op.cit. 922

Article 873 de Code Nouveau Code de procédure civile : « Le président peut, dans les mêmes limites et même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il peut accorder une prévision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire ».

Page 278: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

273

Toutefois, la question est de savoir si le juge des référés peut ordonner la poursuite

d’un contrat de franchise fautivement rompu. Une réponse positive peut être apportée à

cette question. En effet, le juge des référés n’hésite pas à exercer « son imperium pour

imposer la poursuite des relations commerciales lorsque le bien fondé de leur rupture

brutale lui paraît douteux, voire dès l’instant où un péril imminent est caractérisé »923.

C’est ce qu’illustre un arrêt du 15 juillet 2004, rendu à propos d’un contrat de

concession. Cet arrêt de la Cour d’appel d’Orléans a confirmé une ordonnance de référé

en condamnant un concédant à maintenir ses relations contractuelles avec un

concessionnaire dans l’attente de la décision au fond924

. Les faits dans cet arrêt étaient

les suivants : un contrat de concession automobile avait été résilié avec préavis de deux

ans. L’ancien concessionnaire prétendait avoir le droit d’intégrer le réseau devenu de

distribution sélective. Les parties étaient en litige sur le fond. Le concédant prétendait

que l’ancien concessionnaire ne remplissait pas les conditions objectives de caractère

qualificatif nécessaires à l’intégration à son réseau. En première instance, le juge des

référés a ordonné la poursuite des relations contractuelles entre les parties dans l’attente

de la décision à venir sur le fond. Ainsi, le juge des référés peut, pour éviter un

dommage imminent, suspendre momentanément les effets de la résiliation irrégulière

intervenue avant terme ou abusive d’un contrat de franchise ou d’un contrat de

concession et ordonner le maintien de relations contractuelles entre les parties jusqu’à

ce qu’une décision du juge du fond saisi du litige soit rendue.

Cependant, il faut noter que si le juge des référés dispose de la possibilité

d’ordonner le maintien forcé d’un contrat de franchise fautivement rompu, ce maintien

forcé ne doit pas être sans limite. La Cour de cassation considère que la mesure

conservatoire prise par la juridiction des référés doit être nécessairement limitée. Elle a

affirmé, dans un arrêt rendu à propos d’un contrat d’assurance, que le maintien des

effets d’un contrat fautivement dénoncée par l’une des parties peut constituer une

mesure conservatoire valablement ordonnée par le juge des référés à la condition que ce

maintien soit limité dans le temps925

.

923

Ch. BOURGEON, op.cit., p.112. 924

CA Orléans, 15 juillet 2004, RDC. 2005, p.385, obs. M. BEHAR-TOUCHAIS. 925

Cass. civ 1er

, 7 novembre 2000, D. 2001, p.1137, obs. D. MAZEAUD.

Page 279: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

274

L’objet est d’éviter que « ce maintien judiciaire forcé du contrat, prononcé à titre

de réparation et de sanction d’une rupture abusive, rime avec l’impossibilité de mettre

fin à la relation contractuelle et ne dégénère en engagement perpétuel »926. Ainsi, le

juge des référés doit donc assortir la reprise forcée du contrat de franchise, abusivement

ou irrégulièrement rompu, qu’il ordonne d’un terme extinctif certain. Il peut, par

exemple, en cas de rupture du contrat de franchise intervenue sans préavis ou avec un

préavis mais qui n’est suffisant, limiter la prolongation forcée du contrat au délai du

préavis que l’auteur aurait dû respecter927

. De même, en cas de rupture anticipée du

contrat intervenue sans juste cause, le juge des référés peut condamner l’auteur de cette

rupture à maintenir les relations contractuelles pendant le temps restant du contrat. La

juridiction des référés peut même, nous semble t-il, se contenter de limiter la

prolongation forcée du contrat de franchise jusqu’à ce qu’une décision du juge du fond

soit rendue sur le litige.

Notons, toutefois, que la reprise forcée du contrat sous la forme de réparation en

nature n’est admise qu’en matière de référés. Dès lors que l’on quitte cette sphère pour

passer à celles du débat au fond, on constate que la jurisprudence se montre hostile au

maintien forcé du contrat de franchise -ou même de tout autre contrat- abusivement ou

irrégulièrement rompu par l’une des parties.

926

D. MAZEAUD, obs sous Cass. civ 1er

, 7 novembre 2000, D. 2001, p.1137. 927

En ce sens, M -E. PANCRAZI-TIAN, La protection judiciaire du lien contractuel, PUAM 1997,

préface J. Mestre, n° 271, p. 228 et s.

Page 280: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

275

§2. Hostilité de la jurisprudence au maintien forcé du contrat en

dehors des référés

270. Arrêts isolés ayant prononcé le maintien forcé. L’examen de certaines décisions

rendues rendue en matière de contrats de la distribution illustre que le maintien forcé,

comme une réparation en nature du préjudice qui résulte de la rupture abusive ou

irrégulière du contrat, a pu séduire certains juges.

En effet, la prolongation forcée du contrat sous la forme de la réparation en nature

a été retenue par un arrêt du 9 février 1976 rendu à propos de la résiliation unilatérale

d’un contrat de concession à durée indéterminée. Dans cet arrêt, la Chambre

commerciale de la Cour de cassation approuva l’arrêt d’appel ayant jugé qu’« en cas de

préavis de résiliation d’un contrat à durée indéterminée, donné à trop bref délai, ce

préavis n’est pas nul, mais ses effets sont reportés à l’échéance du terme imposé par la

convention ou l’usage »928

.

La même solution a été retenue par le Tribunal du commerce de Paris dans un

jugement du 10 janvier 2006929

. En l’occurrence, un distributeur a proposé à son

fournisseur la résiliation amiable du contrat d’approvisionnement qui le lie pour une

durée déterminée. Or, ce dernier a refusé sa proposition. Les juges du premier degré ont

considéré qu’il n’y avait pas de résiliation amiable du contrat puisque la proposition de

résiliation faite par le distributeur a été refusée par le fournisseur.

928

Cass. com., 9 février 1976, pourvoi n°74-12283. 929

T. com. Paris, 10 janvier 2006, Juris-Data n° 2006-301225. En dehors du domine des contrats de la

distribution, le maintien forcé du contrat comme une sorte de réparation en nature a été retenu plusieurs

fois en matière bancaire. V. Cass. com., 3 décembre 1991, RJDA 1992, n°63. Dans cet arrêt, la Chambre

commerciale a condamné un banquier ayant rompu brutalement le contrat sans respecter du préavis, a

honorer les effets de commerce émis postérieurement à cette révocation comme si la relation

contractuelle s’était poursuivie. De même, CA Aix, 23 février 1996, Gaz. Pal. 1996, II, 367. Dans cet

arrêt, une banque accordait depuis plusieurs années, par l’effet de contrats d’un an régulièrement

renouvelé, sa garantie financière à une profession pour lui permettre d’être marchand de biens, la Cour

d’appel a considéré que, en cas de non-renouvellement abusif, le professionnel est en droit d’obtenir en

justice la poursuite de la garantie, ou moins le temps nécessaire pour trouver un nouveau garant.

Page 281: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

276

Par suite, ils ont condamné le distributeur à reprendre l’exécution du contrat

d’approvisionnement. Avouons, toutefois, que l’ambiguïté dont est entaché cet arrêt ne

nous permet pas d’affirmer avec exactitude s’il s’agissait, en l’espèce, d’un maintien

forcé ordonné sous la forme d’une réparation en nature ou bien d’une exécution en

nature du contrat. Seuls ces arrêts admettant l’inefficacité de l’acte de la rupture fautive

du contrat et rétablissant par la suite des relations contractuelles entre les parties. En

matière de contrats de franchise, aucun exemple de décision retenant la reprise forcée du

contrat ayant été fautivement rompu comme une sorte de réparation en nature n’a été

trouvé. Donc, le maintien du contrat n’est sûrement pas une solution générale, « ni peut-

être même dominante »930

.

271. Jurisprudence généralement défavorable au maintien forcé. Le maintien forcé

du contrat a le mérite de protéger la pérennité contractuelle de manière plus adaptée,

étant donné qu’il permettra « au cocontractant victime de la rupture de bénéficier

réellement des avantages d’un délai de préavis tant en ce qui concerne la prévision de

son avenir que la gestion de sa situation présente » 931

. En outre, il ne contrarie pas de

manière excessive le droit de rupture unilatérale des contractants car il vise

principalement à neutraliser le comportement abusif932

. Pour autant, la jurisprudence

semble hostile à cette sanction. Plusieurs arrêts illustrent cette hostilité.

S’agissant, tout d’abord, de la rupture brusque et abusive du contrat de franchise

intervenue sans respecter un préavis suffisant, on peut citer l’arrêt du 28 novembre

2006933

. Les juges du fond, approuvés par la Chambre commerciale, ont constaté le

caractère brusque et abusif de la rupture du contrat de franchise par le franchiseur. Ils

ont pourtant reconnu l’efficacité de ses effets en se contentant d’allouer au franchisé des

dommages et intérêts calculés sur la marge brute qui aurait été réalisée par ce dernier

sur la durée du préavis de six mois qui n’a pas été respecté.

930

Ibid. 931

A-S. LAVEFVE-LABORDERI, La pérennité contractuelle, th., n°940, p.521 et s. 932

En ce sens, B. FAGES, th., n° 933

Cass. com., 28 novembre 2006, pourvoi n° 05-19.090.

Page 282: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

277

Pour ce qui concerne la rupture anticipée irrégulièrement intervenue du contrat de

franchise, deux arrêts peuvent être cités. Le premier est daté du 23 janvier 2007934

. En

l’espèce, un contrat de franchise est conclu pour une durée de cinq ans pour

l’exploitation d’un fonds de commerce d’alimentation. Néanmoins, quelque temps après

la mise en œuvre du contrat, le franchisé résilie unilatéralement et de manière anticipée

le contrat sans juste motif. Après avoir reconnu l’illégalité de la rupture du contrat,

l’arrêt d’appel n’a pas condamné le franchisé à maintenir celui-ci jusqu’à son terme

initial. Elle l’a simplement condamné à verser une indemnité au franchiseur compensant

le préjudice qu’il a subi du fait de la rupture. La Chambre commerciale a estimé la

décision légalement justifiée sans expliquer particulièrement sa position.

Le deuxième arrêt est daté du 13 mai 2004935

. Dans cet arrêt, alors que la

résiliation unilatérale et anticipée du contrat de franchise par le franchisé est injustifiée,

la Cour d’appel de Versailles n’a condamné ce dernier qu’au paiement de dommages et

intérêts au franchiseur pour le préjudice qu’il a subi du fait de la résiliation anticipée du

contrat.

272. Justification. La jurisprudence refuse donc en général de réparer en nature le

préjudice résultant d’une rupture fautive d’un contrat de franchise par l’admission de

l’inefficacité de cette rupture et de rétablir, par la suite, les relations contractuelles entre

les parties. Une telle réticence de la jurisprudence à l’égard du maintien forcé du

contrat, comme une sorte de réparation en nature du préjudice résultant d’une rupture

fautive du contrat de franchise, s’explique par certaines difficultés pratiques. C’est très

difficile dans ce genre de contrat marqué fort par l’intuitus personae de rétablir le lien

contractuel fautivement rompu.

934

Cass. com., 23 janvier 2007, pourvoi n°05 -10.422. 935

CA Versailles 13 mai 2004, G.P. 2005, 57, note. J. FRANÇOIS FORGERON et M. CHARLOTTE-

GRASSET.

Page 283: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

278

L’efficacité de la reprise forcée de ce contrat, fautivement rompu, demeure souvent

douteuse en raison de l’atteinte que cette rupture porte à la confiance entre le

franchiseur et le franchisé, confiance qui constitue dans le contrat de franchise un pilier

essentiel. C’est la raison pour laquelle les juges préfèrent souvent allouer une somme

d’argent au franchisé ou au franchiseur, victime d’une rupture fautive, au lieu de

déclarer inefficace l’acte de rupture fautif et ainsi condamner son auteur à la reprise

forcée du contrat.

Page 284: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

279

273. Conclusion de la section II. Au terme de cette section, nous pouvons dire que le

maintien forcé comme une réparation en nature d’une rupture fautive du contrat de

franchise ne semble être admise en droit positif que de manière exceptionnelle et

temporaire. C’est seulement en matière de référés que l’on peut trouver des traces de

cette mesure. Dans ce domaine, le juge peut, pour prévenir un dommage imminent ou

faire cesser un trouble licite, imposer le maintien forcé au franchisé ou au franchiseur à

qui la rupture fautive du contrat est imputable. Même dans cette hypothèse, le maintien

forcé ne peut être que temporaire. Sensible au respect du principe de la liberté

contractuelle, la Cour de cassation exige que le juge des référés fixe un terme certain au

maintien forcé du contrat décidé par lui, sous peine de voir sa décision censurée.

Page 285: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

280

274. Conclusion du chapitre I. Réparer le préjudice résultant d’une rupture fautive du

contrat de franchise par la condamnation de l’auteur de cette rupture à maintenir le

contrat fautivement rompu et continuer à exécuter ses obligations contractuelles paraît

théoriquement plus satisfaisant que la réparation par équivalent. Cela satisfait mieux

l’attente du contractant victime puisqu’il efface totalement la rupture et le remet dans

l’état où il se trouvait avant ultérieurement. Pourtant, sur le plan pratique, une telle

réparation en nature s’avère difficile. On craint souvent son inefficacité, outre le fait

qu’elle porte atteinte au principe de la liberté contractuelle. Ces deux raisons montrent

pourquoi l’admission de la réparation en nature n’est qu’exceptionnelle et pourquoi les

juges préfèrent généralement réparer le préjudice subi par le contractant victime une

l’allocation de dommages et intérêts.

Page 286: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

281

CHAPITRE II - REPARATION PAR UNE ALLOCATION DE DOMMAGES-

INTERETS

275. Fixation judiciaire et fixation contractuelle des dommages et intérêts. Le

franchisé ou le franchiseur, dont le contrat a été rompu de manière fautive, peut obtenir

des dommages et intérêts dès lors qu’il rapporte la preuve que cette rupture lui a causé

un préjudice. Le montant de ces dommages et intérêts est déterminé par le juge (Section

II). Celui-ci dispose, à cet égard, d’un pouvoir souverain. Il tient compte de divers

éléments lors de la fixation du montant de l’indemnité alloué au contractant victime.

Cependant, la tâche du juge s’avère souvent difficile. L’évaluation du préjudice paraît

dans certaines hypothèses plus ou moins arbitraire. C’est pourquoi le franchiseur et le

franchisé préfèrent parfois déterminer par eux-mêmes, par avance et de manière

forfaitaire, le montant des dommages et intérêts dont le contractant sera tenu de payer

en cas de rupture fautive du contrat (Section II)

Page 287: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

282

SECTION I - FIXATION JUDICIAIRE DES DOMMAGES ET INTERETS 276. Règles générales. Une fois que le préjudice résultant de la rupture fautive du

contrat de franchise est constaté, les juges du fond sont tenus de l’évaluer. Ils disposent,

à cet égard, d’un pouvoir souverain. Généralement, ceux-ci tiennent compte, pour le

calcul du montant de l’indemnité allouée au contractant victime, du gain dont il a été

privé et de la perte qu’il a subie du fait de la rupture fautive du contrat de franchise.

Toutefois, si le juge du fond dispose d’un pouvoir souverain dans la détermination des

dommages et intérêts, ce pouvoir n’est pas sans limite. En effet, les juges du fond sont

tenus de respecter le principe de la réparation intégrale du préjudice. Ce principe impose

au juge d’indemniser tout le préjudice auquel donne lieu la rupture, mais rien que le

préjudice. Le principe de la réparation intégrale du préjudice est un principe général, de

telle sorte que la Cour de cassation n’hésite pas à censurer les décisions du fond qui y

portent atteinte. Ce principe s’impose au juge tant lors de la détermination de la

modalité d’évaluation du montant des dommages et intérêts que lors de la détermination

du moment où ces dommages et intérêts seront évalués.

Aussi, est-il opportun d’examiner le moment de l’évaluation des dommages et

intérêts (§ 1.) avant de voir comment les juges du fond évaluent leur montant (§ 2).

Page 288: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

283

§ 1. Moment de l’évaluation des dommages et intérêts

277. Evaluation au jour du jugement. La question qui se pose est de savoir à quel

moment les juges du fond se placent pour évaluer le montant de l’indemnité due par

l’auteur d’une rupture fautive du contrat de franchise. L’évaluation par le tribunal du

montant des dommages et intérêts se fait-elle au jour de l’intervention de la rupture ? Se

fait-elle, au contraire, à la date où le juge statue ?

Dans certains systèmes juridiques étrangers, l’évaluation du montant de la

réparation se fait au jour de la survenance du dommage. Ainsi, en droit anglais où le

juge se place au jour où la rupture fautive du contrat de franchise a lieu pour évaluer le

montant de l’indemnité936

. Or, cela n’est pas la position du droit français. L’évaluation

du montant des dommages et intérêts se fait à la date du jugement définitif. La

jurisprudence a, après quelques hésitations937

, décidé que l’évaluation du montant de

l’indemnité devait être faite par le juge au moment où il rend sa décision938

.

278. Le respect du principe de la réparation intégrale du préjudice. Cette solution,

affirmée par la Cour de cassation de manière constante939

, se justifie par le principe de

la réparation intégrale du dommage940

.

En effet, la substance du dommage est susceptible de varier avec l’écoulement du

temps. Entre le moment où la rupture fautive du contrat de franchise est intervenue

jusqu’à celui où le juge rend sa décision, l’ampleur du préjudice peut s’être

considérablement modifié. La perte subie, par exemple, peut s’être aggravée.

936

V. G. VINEY, L’appréciation du préjudice, LPA, 19 mai, 2005, n° 99, p. 89. Sur l’évaluation du

préjudice en droit anglais en général v. L. REISS, Le juge et le préjudice, Etude comparée des droits

français et anglais, PAUM, 2003, préface Ph. Delebecque, 937

Cass. civ., 27 juin 1928, Gaz. Pal. 1928, 2, 520. 938

V. Cass. com., 16 février 1954, D. 1954, jur., p.534, note. RODIERE. 939

Ex. Cass. 2e civ., 25 septembre 2002, n° 00-21. 614.

940V. C. COUTANT-LAPALUS, Le principe de la réparation intégrale en droit privé, PUAM, 2002,

préface Pollaud-Dulian, n° 233, p.223; G. VINEY et P. JOURDAIN, Traité droit civil, sous la direction

de J. Ghestin, Les effets de la responsabilité, LGDJ, 2e édition, 2001, n°67, p.138 ; Y. CHARTIER, La

réparation du préjudice, coll. Connaissance du droit, 1996, p.41 et s.

Page 289: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

284

Il en va de même pour le gain manqué. Celui qui « n’était que peu probable

initialement peut s’être réalisé au-delà de toutes les espérances au moment où l arbitre

[ou le juge] rend sa décision »941.

En outre, il se peut que la monnaie dans laquelle est exprimée la dette

d’indemnisation subisse des variations importantes de sa valeur942

. Le principe de la

réparation intégrale du dommage impose donc l’évaluation du préjudice au jour du

jugement définitif. Il impose même au juge du fond de tenir compte du double critère de

la perte subie et du gain manqué lorsqu’il évalue le montant des dommages et intérêts

dû par l’auteur d’une rupture fautive du contrat de franchise.

§ 2. Modalité d’évaluation du montant des dommages et intérêts

279. Critères d’évaluation : lucrum cessans et damnum emergens. Pour évaluer le

montant des dommages et intérêts dû par le responsable de la rupture fautive du contrat

de franchise, le juge, saisi de l’action en responsabilité, se réfère à deux critères

fondamentaux : le gain manqué (A) et la perte subie (B).

A. Le gain manqué

280. Distinction. Les juges du fond apprécient différemment le gain manqué dont a été

privé le contractant victime selon qu’il s’agit d’une rupture brusque ou abusive du

contrat de franchise ou d’une hypothèse de rupture irrégulière avant terme.

941

S. HOTTE, La rupture du contrat international, Contribution à l’étude du droit transnational des

contrats, Defrénois 2007, préface de Jean – Michel Jacquet, n° 1114, p.405. 942

G. VINEY et P. JOURDAIN, op.cit.

Page 290: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

285

1. La rupture brusque ou abusive

281. Bénéfices calculés sur la période du préavis : marge brute et marge nette. Une

fois le préjudice constaté, le juge est tenu de l’évaluer943

. Il dispose, à cet égard, d’un

pouvoir souverain.944

.

Lorsqu’un contrat de franchise a été brusquement rompu soit par le non-

renouvellement sans préavis lorsqu’il est à durée déterminée, soit par la résiliation

unilatérale lorsqu’il est à durée indéterminée, les juges du fond évaluent le gain manqué,

dont a été privé le contractant victime de cette rupture, en fonction de la marge

bénéficiaire que ce dernier aurait pu réaliser si le préavis avait été respecté. Néanmoins,

la question est de savoir à quelle marge bénéficiaire le juge doit-il se référer pour

évaluer le gain manqué. S’agit-il de la marge bénéficiaire brute, c'est-à-dire celle

comprenant non seulement les bénéfices pouvant être réalisés mais aussi les frais

généraux qui correspondent aux frais exposés effectués par le franchisé ou le

franchiseur pour l’exploitation de son activité? S’agit-il, au contraire, de la marge

bénéficiaire nette ?

Une telle question présente un intérêt pratique considérable. Comme le relève un

auteur : « Une mauvaise prise en considération des frais généraux peut sensiblement

fausser l’évaluation des dommages et intérêts et ainsi aboutir à l’enrichissement ou

l’appauvrissement de la victime »945

, ce qui constitue, par conséquent, une violation du

principe de la réparation intégrale du préjudice.

943

Ph. Le TOURNEAU, Droit de la responsabilité et des contrats, Dalloz 2006/ 2007, n° 2507 : « A refuser de l’évaluer parce que les éléments produits à cet effet sont confus, le juge commet un déni de justice et viole l’article 4 du Code civile ». 944

Y. CHARTIER, La réparation du préjudice, Dalloz, 1983, n°453, p.565 : « Dire que les juges du fond ont un pouvoir souverain pour constater et apprécier l’existence et l’étendue d’un préjudice, et ensuite, pour le concrétiser par une condamnation, conduit nécessairement à considérer qu’il n’y a pas en la matière, tout au moins en droit commun, de règles légales qui se traduiraient en quelque sorte par l’application d’un « tarif », application sur laquelle la Cour de cassation exercerait son pouvoir de contrôle ». Sur le pouvoir du juge v. récemment, C. BOISMAIN, Etude sur l’évaluation des dommages -

intérêts par les juges du fond, LPA, 22 février 2007, n°39, p.7. 945

A. PINNA, La mesure du préjudice contractuel, LGDJ, 2007, préface J.-Y. Gautier, n° 335, p. 313.

Page 291: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

286

L’examen de la jurisprudence montre que la marge qui est souvent prise en compte

par les juges, lors de la fixation du montant des dommages et intérêts, est de la marge

bénéficiaire brute946

. C’est ainsi que, dans un arrêt du 10 mai 2001, la Cour d’appel de

Lyon a alloué à un franchisé, dont le contrat a été rompu sans respecter un délai de

préavis, des dommages et intérêts égaux à la perte de la marge brute sur le chiffre

d’affaires qu’il aurait dû réaliser durant le préavis de six mois si ce préavis avait été

respecté947

. De même, dans un arrêt du 28 novembre 2006, la Chambre commerciale a

rejeté le pourvoi formé contre un arrêt d’appel qui avait alloué à un franchisé, victime

d’une rupture brutale, des dommages et intérêts calculés sur la marge brute qui aurait

été réalisée par ce dernier sur la durée du préavis de six mois qui n’a pas été

respectée948

.

Toutefois, il est à noter qu’afin d’écarter toute indemnisation illégale, le juge du

fond doit prendre en considération, dans le calcul du montant des dommages et intérêts,

toute évènement susceptible de provoquer de manière quasi certaine une baisse de la

marge brute pendant le cours du préavis. Dans cette hypothèse éventuelle, le montant de

la marge brute qui sera accordé au franchisé, dont le contrat a été fautivement rompu, à

titre de dommages et intérêts, pourrait être réduit à hauteur de la baisse de son

activité949

. Comme le relève un auteur : « L’objectif pour les juges étant de combler

dans le patrimoine de la victime le vide laissé par le dommage sans procurer un

enrichissement indu à cette dernière »950. Notons, enfin, que si, en droit français, le juge

se réfère à la marge bénéficiaire pour fixer le montant des dommages et intérêts en cas

de rupture brutale ou de rupture abusive d’un contrat de la distribution, cela n’est pas le

cas en matière d’arbitrage commercial international.

946

CA Amiens, 15 février 1979, JCP G 1978, II, 19012, obs. C. MEJEAN. Dans cet arrêt rendu à propos

d’une rupture brusque sans préavis d’un contrat de concession, il a été jugé que « lorsqu’un concessionnaire est brutalement privé par son concédant du droit de vendre, ses frais généraux, normalement couverts par le bénéfice brut, continuent à courir ». V. également, CA Paris, 17 février

1993, Juris-Data, n° 1993-020774 ; D. 1995, somm. 69, obs. D. FERRIER. 947

CA Lyon, 10 mai 2001, Juris-Data, 2001- 181150. 948

Cass. com., 28 novembre 2006, pourvoi n° 05-19. 090. 949

V. S. REGNAULT, Guide de la rupture des relations commerciales établies, LRDC 2008, n° 45, p. 950

N. DORANDEU, Le dommage concurrentiel, Presse Universitaire de Perpignan, 2000, préface. Y.

SERRA, n° 394, p.293.

Page 292: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

287

282. La solution en matière d’arbitrage commerciale international. En matière

d’arbitrage commercial international, le gain manqué dont a été privé le contractant du

fait de la rupture brusque sans préavis est évalué en fonction de la marge bénéficiaire

nette après la déduction des frais exposés par la victime. Les tribunaux arbitraux ont pu

affirmer, dans plusieurs sentences, que le bénéfice que le distributeur a perdu du fait de

l’interruption du contrat, et par conséquent des livraisons du fournisseur, n’est pas la

marge brute sur le prix de vente, mais le bénéfice net, après déduction de tous les frais

encourus951

. Si l’évaluation du gain manqué par le juge ou par l’arbitre est basée sur la

période du préavis, la solution est toutefois différente lorsqu’il s’agit d’une hypothèse

de rupture irrégulière avant terme du contrat de franchise.

2. La rupture irrégulière avant terme.

283. Bénéfices calculés sur la base de la période restant du contrat. En principe,

lorsqu’un contrat de franchise est conclu pour une durée déterminée, chacune des

parties doit respecter ses engagements jusqu’au terme convenu. Sauf mutuuss

dissensus952 ou clause résolutoire

953, aucune des parties ne peut se délier seule du

contrat, et cela même en cas d’inexécution par son cocontractant de ses obligations. Il

faut, pour cela, qu’elle ait recours au juge qui peut seul anéantir le contrat. Toutefois,

nous avons vu auparavant que ce principe de la judiciarisation de la résiliation du

contrat est atténué aujourd’hui par la jurisprudence qui reconnaît à chacune des parties

la possibilité de mettre fin unilatéralement au contrat en cas de comportement grave de

la part de son cocontractant.

951

Sentence CCI n° 10422 de 2003, JDI 2003, p.1142, obs. E. JOLIVET ; sentence CCI n° 1250 de 164,

Recueil 1974-1985, p.30 ; sentence CCI n° 5418 de 1987, Recueil 1986-1990, p.132. 952

Supra n° 98 et s. 953

Supra n°144 et s.

Page 293: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

288

Cette résiliation se fait à ses risques et périls, c'est-à-dire que le contractant risque

une condamnation à des dommages et intérêts si le juge constate que la rupture n’a pas

été motivée par un manquement grave de la part du cocontractant. Le montant des

dommages et intérêts dû par le franchisé ou le franchiseur qui rompt le contrat de

manière irrégulière et anticipée avant le terme pour lequel il a été conclu, est déterminé

en fonction du gain manqué dont le contractant qui subit cette rupture a été privé. Les

juges du fond apprécient en effet les bénéfices que le contractant victime d’une telle

rupture aurait pu obtenir si le contrat avait continué jusqu’au terme extinctif

contractuellement fixé954

. C’est en fonction de la perte de ces bénéfices attendus ou du

gain non réalisé que le juge détermine le montant de l’indemnité due par l’auteur de la

rupture. C’est ce qu’illustre un arrêt du 22 mars 2007.

Dans cet arrêt, la Cour d’appel de Lyon a condamné un franchisé ayant résilié

unilatéralement et avant terme un contrat de franchise, à payer à son franchiseur, à titre

de dommages et intérêts, les redevances prévues au contrat jusqu’à son terme955

. C’est

ce qu’illustre aussi l’arrêt du 1er

février 2006. La Cour d’appel de Paris condamne un

franchiseur à payer des dommages et intérêts au franchisé, victime d’une telle rupture,

égaux au montant des bénéfices qu’aurait procuré le contrat s’il avait continué jusqu’au

terme prévu, après déduction des charges d’exploitation956

.

284. Evaluation en fonction de la perte des bénéfices et non de la diminution du

chiffre d’affaires. Si la partie à un contrat de franchise peut obtenir une indemnisation

des bénéfices qu’elle avait escompté retirer du maintien de son contrat pendant la

période restant de son exécution, elle ne peut, en aucun cas, être indemnisée de la

diminution de son chiffre d’affaires. C’est ce que l’on peut déduire d’un arrêt du 1er

février 2006957

.

954

Sur le calcul du gain manqué, v. A. PINNA, La mesure du préjudice contractuel, LGDJ, 2007, préface

J.-Y. Gautier, n° 276, p.259 et s. 955

CA Lyon, 22 mars 2007, Juris-Data, n° 2007 – 332144. 956

CA Paris, 1er

février 2006, 04/17225. 957

CA Paris, 1er

février 2006, arrêt précité.

Page 294: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

289

Dans ce dernier, la Cour d’appel de Paris a refusé de tenir compte, dans le calcul

des dommages et intérêts dus par le franchiseur au franchisé, de l’écart constaté entre

son chiffre d’affaire prévisionnel et celui qui a été effectivement réalisé. La Cour décida

que « l’évaluation de ces bénéfices manqués ne peut davantage résulter d’une

application stricte des chiffres mentionnés dans le budget prévisionnel établi par le

franchiseur, dont l’obligation n’est que de moyens, étant encore rappelé que le

franchisé est un commerçant indépendant responsable de sa gestion ».

285. Exécution par équivalent ? S’agissant de la résiliation irrégulière et anticipée

d’un contrat de franchise avant terme, on note que les dommages et intérêts alloués au

contractant victime représentent comme une sorte d’exécution par équivalent du contrat

irrégulièrement résilié avant son terme958

. En pareille circonstance, les dommages et

intérêts constituent, en quelque sorte, une alternative à l’exécution forcée959

. Ce constat

n’est pas propre au contrat de franchise. Il se manifeste pour l’indemnisation de la

rupture de tous les contrats à durée déterminée960

. Une telle attitude jurisprudentielle a

amené une partie de la doctrine à nier l’existence d’une véritable « responsabilité

contractuelle » et à considérer que l’allocation de dommages -intérêts n’est qu’un mode

d’exécution par équivalent du contrat961

.

958

Sur l’exécution par équivalent v, E. SAVAUX et R -N. SCHÜTZ, Exécution par équivalent,

responsabilité et droits subjectifs, Réflexion à partir du contrat de bail, in Propos sur les obligations et

quelques autres thèmes fondamentaux du droit, Mélanges. J.-L. Aubert, Dalloz, 2005, p.271. 959

Ph. STOFFEL-MUNCK, La rupture du contrat et le droit de la distribution, in Le contrat électronique

au cœur du commerce électronique, Le droit de la distribution : droit commun ou droit spécial, LGDJ,

2005, p.177, et spéc., n° 24, p.193. 960

A. PINNA, La mesure du préjudice contractuel, préface P -Y. Gautier, 2007, n° 276, p.259 et s. 961

Ph. Le TOURNEAU, Droit de la responsabilité et des contrats, Dalloz, 2006/ 2007, n° 806 et s.

L’auteur estime que le contrat inexécuté ne justifie que le versement de dommages et intérêts au titre

d’une inexécution par équivalent. Cette position a été suivie par d’autres auteurs. Dans le même sens, M.

FAURE-ABBAD, Le fait générateur de la responsabilité contractuelle, contribution à la théorie de

l’inexécution du contrat, préface. Ph. Rémy, Collection de la Faculté de droit et des sciences sociales de

Potiers, LGDJ, 2003 ; D. TALLON, L’inexécution du contrat : pour une autre présentation, RTD civ.

1994, p.223 ; Ph. REMY, La « responsabilité contractuelle » histoire d’un faux concept, RTD civ. 1997 ;

du même auteur, Critique du système français de responsabilité civile, Droit et cultures 1996-3,31. Selon

ce dernier, « le débiteur qui n’exécute pas ou exécute mal doit des dommages et intérêts non parce qu’il a causé injustement un dommage à son cocontractant, mais simplement parce qu’il n’exécute pas le contrat ; le droit du créancier aux dommages et intérêts procède seulement de la force obligatoire du contrat ».

Page 295: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

290

Toutefois, une telle analyse ne fait pas l’unanimité. La majorité des auteurs

critiquent cette opinion en relevant que les dommages et intérêts conservent un double

rôle. Il s’agit, une part, de compenser la perte de l’avantage attendu du contrat, et

d’autre part, de réparer le préjudice causé par l’inexécution962

. La finalité de la

responsabilité contractuelle est donc de replacer le contractant victime dans la situation

où il se trouvait avant l’intervention de la rupture963

, ce qui suppose que le juge

indemnise intégralement tout le préjudice964

. Or, cela n’est possible que lorsqu’il tient

compte, dans le calcul du montant des dommages et intérêts, non seulement du gain

dont a été privée la victime, mais aussi de la perte qu’elle a subie.

B. La perte subie

286. Distinction. La perte subie prise en compte par le juge lors de la détermination du

montant des dommages et intérêts se différencie selon qu’il s’agisse d’une rupture

irrégulière et anticipée du contrat de franchise avant son terme ou qu’il s’agisse d’une

rupture brusque ou abusive d’un contrat à durée indéterminée ou à durée déterminée.

962

L. GRYNBAUM, Responsabilité et contrat : L’union libre, variation sur la responsabilité contractuelle,

le préjudice corporel et les groupes de contrat, in Libre droit, Mélange. Ph. Le TOURNEAU, Dalloz,

2008, p.409 : J. FLOUR, J.-L. AUBERT, Y. FLOUR, E. SAVAUX, Les obligations : 3. Le rapport

d’obligation, Sirey, 4e édition, 2006, n° 171 et s ; G. VINEY, La responsabilité contractuelle en

question, in Mélanges. J. Ghestin, LGDJ, 2001, p.921 ; C. LARROUMET, Pour la responsabilité

contractuelle, in Mélanges. P. Catala, Litec, 2001, p.543 ; E. SAVAUX, La fin de la responsabilité

contractuelle ?, RTD civ. 1999, p. 1 ; P. JOURDAIN, Réflexions sur la notion de responsabilité

contractuelle, in Les métamorphoses de la responsabilité civile, PUF, 1998, p.65. 963

V. E. SAVAUX, La fin de la responsabilité contractuelle ?, RTD civ. 1999, p. 1. 964

C. COUTANT-LAPALUS, Le principe de la réparation intégrale en droit privé, PUAM, 2002,

préface F. Pollaud-Dulian. V. aussi G. MAITRE, La responsabilité civile à l’épreuve de l’analyse

économique du droit, LGDJ, 2005, préface H. Muir Watt, n° 278, p.158 et s : « Il est nécessaire que la réparation procurée à la victime prenne en compte l’intégralité des préjudices subis, afin que l’incitation à prendre des précautions soit jugée économiquement efficiente (…) En effet, si l’indemnisation ne couvre pas la totalité des préjudices subis, l’auteur du dommage sera incité à prendre uniquement les précautions nécessaires à la minimisation du coût des préjudices mis à sa charge. Or, le coût social du fait dommageable n’est pas totalement couvert si l’intégralité des préjudices n’est pas indemnisée. Par conséquent, les précautions prises ne seront pas optimales. Inversement, si l’indemnisation dépasse l’ampleur du préjudice subi et permet à la victime de s’enrichir par comparaison à sa situation antérieure au dommage, alors le responsable sera incité à prendre plus de précautions que nécessaire ».

Page 296: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

291

1. La rupture irrégulière avant terme

287. La perte éprouvée. Dans l’hypothèse où un contrat de franchise a été

irrégulièrement rompu avant le terme pour lequel il a été stipulé, les juges du fond

évaluent le montant des dommages et intérêts en fonction de la perte que le franchisé ou

le franchiseur, victime d’une telle rupture, subie. Ainsi, peuvent être pris en compte par

le juge dans le calcul du montant des dommages et intérêts, les frais d’études que le

franchisé a dépensés en vue de la conclusion et de l’exécution du contrat965

, les frais de

licenciement économique et les coûts de fermeture des locaux qu’il a effectués suite à la

résiliation anticipée du contrat par le franchiseur966

. En pareille hypothèse, le franchisé

obtiendra une indemnité égale aux dépenses qu’il a effectuées.

Entre également dans le calcul du montant de l’indemnité la perte des stocks subie

par le franchisé victime d’une rupture fautive du contrat. Ce dernier aura une indemnité

égale à la valeur des stocks restant invendus lors de la rupture du contrat967

. Notons, à

cet égard, que les juges ordonnent parfois au franchiseur, à qui la rupture fautive du

contrat est imputable, de la reprise des stocks restant invendus968

. Lorsque la rupture du

contrat de franchise avant terme a entraîné pour le franchisé une perte

d’investissements, les juges du fond tiennent compte de cette perte dans le calcul du

montant des dommages et intérêts. Dans cette hypothèse, les juges accordent souvent

une indemnité à ce dernier compensant les investissements qu’il a réalisés pour

l’exploitation de la franchise, mais qu’il n’a pas eu le temps d’amortir du fait de la

rupture du contrat avant l’échéance du terme.

965

En ce sens, A. De BROSSE, La rupture fautive de relations commerciales établies, in Dossier, contrats

de distribution, l’équilibre enfin trouvé ?, D.P. 2002, 116 juin, p.50 et s. 966

V. CA Paris 1er

juillet 2004, Juris-Data, 2004, n° 257793. En matière d’arbitrage, v. Sentence CCI n°

12193 de 2004, JDI 2007, p. obs. C. TRUONG – NGUYEN. 967

V. CA Paris, 28 mars 1997, D. Aff. 1997, p. 667. 968

Cass.com.23 mai 2000, RJDA 2000, n° 973, p.772 ; RTD civ. 2001, p.137, obs. J. MESTRE et B.

FAGES.

Page 297: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

292

C’est ce qu’illustre l’arrêt du 28 mars 1997969

. Dans ce dernier, la Cour d’appel de

Paris a condamné un franchiseur à payer au franchisé, victime d’une telle rupture du

contrat avant terme, des dommages et intérêts compensant les investissements non

amortis réalisés par le franchisé durant les trois dernières années restant jusqu’à

l’échéance normale du contrat. Parfois, sinon toujours, la rupture irrégulière et anticipée

du contrat de franchise par le franchisé fait subir au franchiseur une perte résultant de

l’atteinte à l’image de son réseau. Cette atteinte est, selon certains970

, réalisée dès

l’instant que le procès ou le différent commercial fait l’objet d’une publicité. Une telle

atteinte est susceptible de créer un affaiblissement de la capacité d’attraction de la

clientèle par le franchiseur971

. Celui-ci peut détourner une partie de sa clientèle risquant

d’être suivie, à l’avenir, par l’autre partie de la clientèle d’autant que celle-ci est

« moutonnière »972. Cette perte de clientèle constitue donc un amoindrissement ou une

diminution de l’actif du franchiseur victime d’une rupture fautive. Elle est donc souvent

prise en compte par le juge dans la détermination du montant des dommages et

intérêts973

.

Pour certains auteurs, le juge peut, dans ce cas, évaluer le montant des dommages

et intérêts dus par le franchisé, auteur de la rupture anticipée, en comparant le chiffre

d’affaires avant la rupture portant atteinte à l’image du réseau avec celui après la rupture

et donc ne retenir que la différence974

. Ces auteurs soulignent néanmoins la difficulté de

constater la baisse du chiffre d’affaires975

. Il en est de même pour l’atteinte à la

réputation commerciale du contractant. Les juges du fond tiennent compte du discrédit,

par exemple, subi par le franchisé aux yeux de son banquier et de ses fournisseurs en

raison de la mauvaise situation financière dans laquelle la rupture anticipée et

irrégulière du contrat de franchise lui place. Le franchisé peut obtenir une indemnité

égale à la perte qu’il a subie.

969

CA Paris, 28 mars 1997, arrêt précité. 970

J. ORTSCHEIDT, La réparation du dommage dans l’arbitrage commercial international, Dalloz,

2001, n°164, p.79. 971

M. NUSSENBAUM, « Evaluation du préjudice de marque. Les cas particulier de l’atteinte à l’image

de marque », JCP E 1993, I, 303, n°11. 972

Y. GUYON, Droit des affaires, Droit commercial général et société, tome I, Economica, 11e édition ,

2001, n° 846, p.909. 973

CA Lyon, 22 mars 2007, Juris-Data, n° 2007-332144. 974

Y. GUYON, op.cit. 975

Y. GUYON, op.cit., n° 845, p.908.

Page 298: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

293

La question se pose par contre s’agissant des frais de justice que le contractant

victime a dû débourser pour faire reconnaître ses droits en justice: frais engendrés à

l’occasion de la procédure, frais d’honoraire d’avocats, frais d’experts etc… De tels

frais constituent-ils une perte réparable par le juge ?

Pour les frais du procès, la réponse est positive. Ces derniers entrent dans le calcul

du montant de l’indemnité. Le franchisé ou le franchiseur victime obtiendra une

indemnité compensant ces frais976

. Cette solution est même prévue par l’article 700 du

Nouveau Code procédure civile selon lequel « le juge condamne la partie tenue aux

dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il

détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient

compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même

d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à

cette condamnation ». S’agissant, par contre, des frais d’avocat, la réponse est négative.

Contrairement à ce qui se passe en matière d’arbitrage commercial international où les

frais et les honoraires des arbitres et des avocats, des experts sont pris en compte dans la

fixation du montant des dommages et intérêts dus par l’auteur de la rupture977

, les juges

français refusent de faire entrer ces frais dans le calcul du montant de l’indemnité978

.

Toutefois, en vertu du principe de la liberté contractuelle, rein n’empêche le franchiseur

et le franchisé de stipuler dans leur contrat de franchise une clause imposant, en cas de

litige, au contractant défaillant de payer les frais d’avocats engagés par le

cocontractant979

. Il reste maintenant à étudier l’hypothèse d’une rupture brusque et

abusive.

976

Sur cette question, v. F-X. LICARI, Le frais d’avocat comme dommage réparable, Lamy Revue droit

civil. 2006, n°131. 977

J. ORTSCHEIDT, La réparation du dommage dans l’arbitrage commercial international, Dalloz, 2001,

n°749, p.346 et s. 978

Cass.2e civ., 8 juillet 2004, cité par F -X. LICARI, Le frais d’avocat comme dommage réparable,

op.cit. 979

V. Sur ce point, v. L. CADIET, Clause relative aux litiges, J -C1- Contrats et distribution, fasc.190. De

même, Ph. GERBAY, Les clauses de remboursement forfaitaire des frais de recouvrement judiciaire, D.

1978, chr.p.93.

Page 299: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

294

2. La rupture brusque ou abusive

288. La perte éprouvée. En matière de rupture brusque ou abusive du contrat de

franchise, quelle que soit sa forme -un non- renouvellement du contrat à durée

déterminée sans préavis ou une résiliation d’un contrat à durée indéterminée sans

préavis- les juges du fond évaluent le montant des dommages et intérêts en fonction des

frais effectués afin de minimiser le préjudice qu’il a subi du fait de la brutalité de la

rupture ou de la rupture abusive980

.

En pareille hypothèse, les juges du fond peuvent allouer au franchisé ou au

franchiseur victime d’une telle rupture une indemnité égale aux frais exposés.

A cet égard, deux observations doivent être soulignées. La première, c’est que les

coûts et les dépenses liés à la désorganisation de l’activité ne peuvent être pris en

compte dans le calcul des dommages et intérêts que s’ils sont liés à la rupture abusive et

à la brutalité de la rupture du contrat de franchise et non pas à la rupture elle-même. En

d’autres termes, seule la perte des dépenses, qui sont la conséquence de la brusque

rupture ou de la rupture abusive, peut être indemnisée. C’est ainsi que, dans un arrêt du

23 janvier 2007, la Chambre commerciale a approuvé un arrêt d’appel qui avait rejeté

les demandes d’indemnisation présentées par un distributeur, victime d’une rupture

brusque, portant sur la réduction de son chiffre d’affaires, sur les frais de licenciement

économique, et sur les frais de redressement judiciaire qu’il a effectués suite à une

rupture brusque, au motifs qu’il n’était pas établi qu’ils avaient été la conséquence

directe de la brutalité de la rupture des relations contractuelles981

.

980

V. en ce sens, A. DE BROSSE, La rupture fautive de relations commerciales établies, in Dossier,

contrats de distribution, l’équilibre enfin trouvé ?, D.P. 2002, 116 juin, p.50 et s 981

Cass. com., 23 janvier 2007, n° 04 -16. 779.

Page 300: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

295

La même solution a été retenue en matière de rupture abusive dans un arrêt 11

juillet 1978982

. En l’occurrence, un contrat de concession a été conclu pour une durée

déterminée d’un an. Ce contrat prévoyait l’obligation pour chacune des parties de

respecter un délai de préavis lors du non-renouvellement du contrat. Le concédant n’a

pas respecté ce délai. Le concessionnaire l’a assigné en dommages et intérêts pour

rupture brusque et abusive du contrat. Accueillant sa demande, la Cour d’appel de Paris

condamne le concédant à payer des dommages et intérêts portant non seulement sur les

dépenses effectuées par le concessionnaire afin d’assurer sa reconversion, mais aussi sur

la perte de recette subie par lui l’année suivant le non-renouvellement du contrat, ainsi

que de l’incidence de ce non-renouvellement brusque sur l’évaluation de ses actifs lors

de l’apport partiel qu’il a fait à une autre société. La Chambre commerciale a censuré

l’arrêt d’appel en considérant que la perte de recette subie par le concessionnaire

l’année suivant le non-renouvellement du contrat et la diminution de valeur de ses actifs

n’avaient pas pour cause directe le non-renouvellement brusque et abusif du contrat de

concession par le concédant, mais la perte du contrat elle-même.

La deuxième observation porte sur le fait que la victime de la rupture brusque ou

abusive n’est pas tenue d’un devoir de minimiser son préjudice. Contrairement à

certains droits étrangers tels que le droit américain983

, le droit anglais984

, le droit

allemand, le droit belge et le droit québécois985

, il n’existe pas en droit français une

obligation incombant à la victime de minimiser son propre dommage986

.

982

Cass. com., 11 juillet 1978, pourvoi n° 76-13752. 983

v. R. T. COLEMAN, J. SCHUMACHER, Annual Franchise and Distribution Law Developments,

2005, p.112, 113, 120,121. 984

V. O. MORETEAU, Droit anglais des affaires, Dalloz, 1er

édition, 2000, n°704, p.407. 985

V. S. REIFEGERSTE, Pour une obligation de minimiser le dommage, PUAM, 2002, préface H-M.

Watt, n°51, p.45, et s. 986

A. BENABENT, Droit civil, Les obligations, Montchrestien, 11e édition, 2007, n° 415- 1, p. 301.

L’auteur considère que la jurisprudence consacre l’obligation pour la victime de minimiser le dommage

sur le fondement d la bonne foi. Mais elle refuse d’en faire un principe. V. Ph. MALINVAUD, Droit des

obligations, Litec, 11e édition, 2007, n° 717, p. 510 ; J.-L. AUBERT, La victime peut-elle être obligée de

minimiser son dommage ?, RJDA, 2004/ 4, chro, p.35. A cet égard, il est, toutefois, à noter que l’avant

projet de réforme du droit des obligations consacre l’obligation de minimiser le dommage. L’article 1373

de ce projet prévoit une réduction d’indemnisation « lorsque la victime avait la possibilité, par des moyens sûrs, raisonnables et proportionnés, de réduire l’étendue de son préjudice ou d’en éviter l’aggravation », sauf si ces mesures peuvent porter atteinte à son intégrité physique ». De même, l’article

1344 qui prévoit l’inclusion dans le préjudice réparable des « dépenses exposées pour prévenir la réalisation imminente d’un dommage ou pour éviter son aggravation, ainsi que pour en réduire les conséquences ».

Page 301: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

296

Les juges du fond n’ont donc pas à tenir compte, lors de la fixation du montant des

dommages et intérêts, de ce que le préjudice subi par le franchisé ou le franchiseur du

fait de la rupture fautive de son contrat aurait pu être atténué ou évité si celui-ci-ci avait

pris certaines mesures raisonnables. Ils ne sauraient, par exemple, lui reprocher sa

passivité, sinon l’évitement du préjudice, du moins, dans la limitation de l’étendue des

dommages pour décider, ensuite, de diminuer le montant de sa réparation. Comme le

relève un auteur, les juridictions du fond doivent « s’abstraire de tout critère subjectif

tiré de l’analyse du comportement ou de la situation des personnes responsables et

victimes »987

.

Outre la perte liée aux dépenses effectuées, les juges tiennent compte, pour

évaluer le montant de l’indemnité, de la perte des stocks que le franchisé a subie du fait

de la rupture brusque et abusive du contrat. Ce dernier obtiendra une indemnité à

hauteur des stocks qu’il n’a pas pu écouler du fait de la brutalité de la rupture988

.

En revanche, ils refusent de tenir compte, lors de l’évaluation du montant de

l’indemnité qui sera allouée au franchisé, de la part des investissements qu’il n’a pas pu

amortir du fait de la brutalité de la rupture. Pour eux, l’exécution du préavis par le

franchiseur ou le concédant serait sans effet sur la perte de ces investissements989

. Il

n’en va autrement que dans l’hypothèse où il se révèle que les investissements non

encore amortis ont été réalisés par le franchisé à la demande du franchiseur990

. En

pareille hypothèse, et seulement dans celle-ci, le franchisé peut obtenir une indemnité

pour la perte des investissements qu’il a subie991

.

987

A. LAUDE, L’obligation de minimiser son propre dommage existe-t- elle en droit privé français ?,

LAP 2002, ° 232, p.55. 988

Cass.com.23 mai 2000, RJDA 2000, n° 973, p.772 ; RTD civ. 2001, p.137, obs. J. MESTRE et B.

FAGES. 989

V. S. REGNAULT, Guide de la rupture des relations commerciales établies, RLDC 2008, n° 45, p.75

et la jurisprudence citée. 990

Supra n ° 124 et s. 991

Comp. CA Paris, 28 mars 1997, D. Aff. 1997, p.667. V. aussi, CA Lyon 6 décembre 2007, n ° RG 06/

06533 ; Cass. com., 7 octobre 1998, pourvoi n° 95-14. 158 ; D. 1998, jur., p. 413, note. Ch. JAMIN ; D.

1998, somm. p. 333, obs. D. FERRIER ; Contrat. conc. consom., 1998, n° 20, comm. L. LEVENEUR ;

RTD civ.1998, p.130, obs. P.- Y. GAUTIER, et p. 370, obs. J. MESTRE.

Page 302: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

297

289. Conclusion section I - L’évaluation du montant des dommages et intérêts relève

du pouvoir souverain des juges du fond. Ceux-ci déterminent souvent le montant de

l’indemnisation allouée au franchisé ou au franchiseur, victime d’une telle rupture,

grâce à des deux critères : le gain manqué et la perte subie. Pour ce qui concerne le gain

manqué, le juge prend en considération, dans la fixation du montant des dommages et

intérêts, les bénéfices que le franchisé ou le franchiseur, victime d’une rupture fautive,

aurait pu réaliser si le contrat avait continué jusqu’au terme initial pour lequel il a été

conclu ou jusqu’au terme du délai de préavis prévu au contrat. S’agissant de la perte

subie, entrent dans le calcul du montant de l’indemnisation, les dépenses et les frais

occasionnés par la rupture fautive du contrat de franchise ainsi que les investissements

inutilisables et les stocks sans valeur.

Toutefois, le juge est tenu de respecter le principe de la réparation intégrale du

préjudice lors de la détermination du montant de l’indemnité, principe qui implique que

le préjudices soit intégralement indemnisé, mais rien que le préjudice. A vrai dire,

l’évaluation des dommages et intérêts par le juge peut, dans certaines hypothèses,

paraître arbitraire en raison parfois de la difficulté d’apprécier le préjudice auquel donne

lieu la rupture fautive du contrat de franchise. C’est ce risque d’évaluation arbitraire par

le juge qui amène souvent les parties à insérer dans leur contrat une clause prévoyant

une indemnité forfaitaire.

Page 303: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

298

SECTION II - FIXATION CONVENTIONNELLE DES DOMMAGES ET INTERETS

290. Spécificité et application de la clause pénale. La volonté d’éviter les aléas de

l’évaluation du montant des dommages et intérêts dus en cas de rupture du contrat par le

juge et d’écarter les frais, les incertitudes et la lenteur d’un procès destiné à évaluer

l’indemnisation, amène souvent le franchiseur et le franchisé à déterminer par eux

mêmes le montant de l’indemnité due en cas de rupture fautive du contrat. Pour cela, ils

prévoient, dans leur contrat, une clause pénale fixant un forfait dont sera tenu celui qui

rompt de manière irrégulière ou abusive le contrat. Cette clause pénale dispose d’une

certaine spécificité qui permet de la distinguer d’autres clauses contractuelles voisines

(§ 1), spécificité qui se manifeste notamment lors de sa mise en œuvre (§ 2).

§1. La spécificité de la clause pénale

291. Débat relatif de la qualification juridique de la clause pénale. Le franchiseur et

le franchisé peuvent convenir d’évaluer, forfaitairement et par avance, le montant de la

réparation qui sera due en cas de rupture fautive du contrat. Pour cela, il leur suffit

d’insérer dans leur contrat une clause fixant le montant des dommages et intérêts dont

sera tenu l’auteur de la rupture fautive. La stipulation d’une telle clause est admise en

droit positif992

.

992

V. D. MAZEAUD, Les conventions portant sur la réparation, RDC 2007, n°1, p.149. Sur la clause

pénale de manière générale, v. D. MAZEAUD, La notion de clause pénale, LGDJ, 1992, préface. F.

Chabas.

Page 304: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

299

Toutefois, sa nature juridique fait débat au sein de la doctrine. Un courant doctrinal

estime que la clause, par laquelle les parties évaluent forfaitairement et par avance

l’indemnité due en cas de rupture du contrat ou en cas d’inexécution de celui-ci, ne peut

s’analyser en clause pénale proprement dite, et cela en raison de l’absence de caractère

comminatoire par lequel se caractérise la clause pénale.

Ainsi, M. J. Mestre considère que la clause prévoyant une indemnité forfaitaire

s’analyse en clause d’indemnisation forfaitaire ou clause de dommages et intérêts et non

pas en clause pénale au sens strict du terme993

. Selon lui, ce n’est que dans l’hypothèse

où l’évaluation des dommages et intérêts fixés par cette clause paraît fort supérieure au

préjudice que cette clause prend un aspect comminatoire994

. M. D. Mazeaud partage

cette analyse. Il considère que la clause d’indemnisation forfaitaire se distingue de la

clause pénale ayant un aspect de pénalité en ce qu’elle a pour finalité la simple

évaluation conventionnelle de la réparation995

. « Ce que cherchent uniquement les

parties, lorsqu’elles stipulent une telle disposition, c’est à soustraire l’évaluation de la

réparation due en cas d’inexécution à l’appréciation du juge et aux règles légales sur le

calcul des dommages et intérêts. Par conséquent, de telles clauses sont, dans l’esprit

des parties, dénuées de tout caractère comminatoire »996

.

Une telle conception distinguant la clause pénale de la clause d’indemnisation

forfaitaire n’est pas sans intérêt. Elle a certaines incidences sur le pouvoir modérateur

du juge du montant des dommages et intérêts. En effet, admettre que la clause fixant un

forfait de réparation n’est pas une clause pénale revient à retirer tout pouvoir

d’appréciation du juge dans l’évaluation des dommages et intérêts. Contrairement à la

clause pénale pour laquelle le juge dispose, en vertu de l’article 1152 du Code civil997

,

d’un pouvoir de réduire ou d’augmenter le montant des dommages et intérêts prévus par

cette clause lorsqu’il estime qu’il est manifestement excessif ou dérisoire, en matière de

clause d’indemnisation forfaitaire, le juge n’a pas ce pouvoir.

993

J. MESTRE, De la notion de clause pénale et ses limites, RTD civ.1985, p. 372. 994

Ibid. 995

D. MAZEAUD, La notion de clause pénale, LGDJ, 1992, préface. F. Chabas, n° 258, p.142 et s. 996

D. MAZEAUD, th., précitée, n° 269, p.147. 997

Article 1152 du Code civil prévoit : « Lorsque la convention porte que celui qui manquera de l’exécution payera une certaine somme à titre de dommages - intérêts, il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte ni moindre ».

Page 305: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

300

Dans ce dernier cas, le juge se contente d’ordonner le paiement de l’indemnité

prévue par cette clause dès lors que la rupture ou l’inexécution du contrat est survenue.

A vrai dire, cette conception ne manque pas d’arguments. Elle peut s’appuyer sur les

travaux préparatoires du Code civil998

. Elle peut aussi s’appuyer sur certaines

législations étrangères. Ainsi le droit anglo-américain qui distingue entre la « liquidated

damages clause » par laquelle les parties évaluent forfaitairement le montant des

dommages et intérêts dus par le créancier en cas d’inexécution du contrat et la « penalty

clause » fixant des dommages et intérêts à un taux très élevé en vue d’inciter le débiteur

à exécuter ses obligations999

. La première est valable, mais intangible, tandis que la

deuxième est nulle1000

. De même, le droit allemand qui, bien qu’avec un régime

différent de celui de la « common law », a établi une différence entre, d’un coté la

clause pénale, la « Vertragsstrafe », et de l’autre, la clause de dommages et intérêts, la

« Schadensersatzpauschalierung »1001

.

Pour autant, cette conception n’est pas sans contestation. Certains auteurs,

représentant la majorité de la doctrine1002

, lui reprochent d’être trop restrictive. Ils

estiment que la clause pénale a une compréhension large, de telle manière que l’on

puisse lui attribuer une double fonction indemnitaire et comminatoire. Certains n’ont

pas même hésité à invoquer les textes eux mêmes pour justifier une telle conception

large de la clause pénale.

998

V. D. MAZEAUD, th., précitée, n° 260, p.142 : « L’examen des travaux préparatoires, la place respective des textes qui régissent les clauses étudiées dans le Code civil, l’étude de la lettre de ceux-ci et la recherche de l’esprit dans lequel ils ont été crées, tout conduit à penser que le Code civil a entendu, formellement et expressément, différencier la clause de dommages et intérêts prévue par son article 1152 d’avec la clause pénale de ses articles 1126 à 1231.. La genèse de l’article 1152 du Code civil ne laisse point de doute sur la distinction qui existait dans l’esprit des rédacteurs du Code civil, entre la clause d’indemnisation forfaitaire et la clause pénale ». 999

A. PINTO-MONTEIRO, La clause pénale en Europe, in Le contrat au début du XXe siècle,

Mélanges. J. Ghestin, LGDJ, 2001, p. 719, et spéc., 725. V. aussi, R. DAVID, Les contrats en droit

anglais, LGDJ, 1973, n°443. 1000

Ibid. 1001

V. A. PINTO-MONTEIRO, op.cit., p. 729. 1002

Ph. MALAURIE, L. AYNES, Ph. STOFFEL-MUNCK, Les obligations, Defrénois, 3e édition, 2007,

n° 989, p.542 ; J. FLOUR, J- L.AUBERT, Y. FLOUR, E. SAVAUX, op.cit., n°238, p.178 ; F. TERRE,

Ph. SIMLER, Y. LEQUETTE, Les obligations, Précis Dalloz, 9e édition, 2005, n°624, p.615 ; Ph.

DELEBECQUE, Régime de la réparation.- Modalité de la réparation. - Règles particulières à la

responsabilité contractuelle - Clause pénale, J- C1. Civ. 2005, fasc.22 ; du même auteur, « Définition de

la clause pénale : évaluation conventionnelle de dommages et intérêts en cas d’inexécution de la

convention », D. 1996, p.116.

Page 306: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

301

Tel est le cas de M. Ph. Delebecque qui observe que « l’ article 1152 est le texte de

base sur la clause pénale, malgré sa place dans le Code civil et bien que la clause qu’il

définit ne présente pas nécessairement un aspect comminatoire »1003.

C’est cette ambivalence de la clause pénale qui a été retenue par la jurisprudence.

Celle-ci considère que la clause pénale a une double fonction : la fonction coercitive et

la fonction indemnitaire1004

. Selon elle, la clause pénale est un mélange de peine et

d’indemnisation. Par conséquent, la clause par laquelle le franchiseur et le franchisé

fixent, forfaitairement et par avance, l’indemnité à laquelle donnera lieu la rupture

fautive du contrat de franchise ou son inexécution s’analyse en une clause pénale. Elle

est donc soumise au pouvoir modérateur du juge lorsque le forfait de réparation paraît

manifestement excessif et dérisoire, ce qui est susceptible de protéger l’une ou l’autre

des parties contre tout éventuel abus dans la fixation du montant des dommages et

intérêts.

292. Caractère unilatéral et bilatéral de la clause pénale. Prenant sa source dans la

volonté des parties, la clause pénale peut avoir un caractère bilatéral, c'est-à-dire qu’elle

est stipulée à l’égard des deux parties1005

. Mais le plus souvent, la clause pénale a un

caractère unilatéral. Elle est stipulée au seul profit du franchiseur. Tel est, par exemple,

le cas lorsque le contrat prévoit que : « la résiliation anticipée du présent contrat, soit

pour manquement flagrant du franchisé à l’une des clauses fondamentales dudit

contrat, soit pour résiliation abusive du franchisé, ouvre droit, au profit du franchiseur,

à des dommages et intérêts fixés forfaitairement à une somme d’argent »1006. Rien n’est

étonnant en cela. Le contrat de franchise est, par nature, un contrat d’adhésion1007

, c'est-

à-dire qu’il est souvent, sinon toujours, pré-rédigé par le franchiseur. Le franchisé ne

peut qu’accepter les termes du contrat ou le laisser.

1003

Ph. DELEBECQUE, op.cit., n°4. 1004

« La peine stipulée peut se concevoir aussi bien comme un moyen de contraindre les parties à l’exécution que comme une évaluation conventionnelle anticipée d’un préjudice future». V. Cass. com., 2

mars 1990, D. 1990, 390, note. E.-S. De la MARNIERE. Récemment, Cass. com., 18 décembre 2007, n°

05-21. 441 et n° 06-10.381 ; CA Paris, 20 juin 2007, Juris-Data, n° 2007-344968 ; Cass. com., 28 juin

2005, n° 04-10. 038 ; Cass. com., 28 janvier 2003, n° 99-17. 168. 1005

V. Cass. com., 28 juin 2005, n° 04 -10. 038. 1006

V. P. AVAKIAN, Pratique contractuelle de la franchise : analyse du contenu d’un ensemble de

contrats, in Le contrat-cadre : 2. La distribution, Litec, 1995, sous la dir. A. SAYAG p. 201, et spéc, ,

n°456, p.248. 1007

Sur le contrat d’adhésion, v. G. BERLIOZ, Le contrat d’adhésion, LGDJ, 1976.

Page 307: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

302

Toutefois, il est à noter que la stipulation de la clause pénale est souvent acceptée

par les franchisés en raison des avantages qu’une telle clause présente pour eux.

293. Avantages et inconvénients de la clause pénale. La clause pénale, qui est l’une

des clauses les plus usuelles, non seulement en matière de contrats de franchise ou de

contrats de distribution, mais aussi en matière de contrats commerciaux de manière

générale1008

, présente un indéniable intérêt pour les parties. Elle permet aux parties

d’éviter les aléas de l’évaluation par le juge du montant des dommages et intérêts dus en

cas de rupture du contrat1009

. Elle leur permet également d’écarter les frais, les

incertitudes et la lenteur d’un procès judiciaire destiné à évaluer l’indemnisation. A tout

cela s’ajoute que la clause pénale dispense le créancier de rapporter la preuve du

préjudice. L’indemnité forfaitairement fixée est due aussitôt que l’événement pour

lequel elle est stipulée, qui est la rupture fautive du contrat de franchise, est intervenue.

Cependant, si les avantages de la clause pénale ne sont pas douteux, elle peut, par

contre, dans certaines hypothèses, présenter un certain danger pour les parties. Le grand

inconvénient que présente la clause pénale consiste en ce qu’elle fixe parfois un forfait

trop faible ou, au contraire, trop élevé. A cet égard, il convient de noter que le fait que la

clause pénale dispose d’une dualité de fonction, fonction coercitive d’un coté et

fonction indemnitaire d’un autre, peut parfois rendre malaisée sa distinction avec

d’autres clauses voisines telle que la clause limitative de réparation.

294. Clause pénale et clause limitative de réparation. Le franchiseur et le franchisé

peuvent, en effet, limiter l’étendue de la réparation à laquelle donne lieu la rupture

fautive du contrat de franchise. Pour cela, ils peuvent stipuler une clause limitative de

réparation qui consiste à fixer un plafond à la réparation dont est tenue la partie en cas

de rupture fautive du contrat de sa part1010

.

1008

Sur la stipulation fréquente de la clause pénale, v. D. MAZEAUD, La notion de clause pénale, LGDJ,

1992, préface. F. Chabas ; Ph. DELEBECQUE, Régime de la réparation-Modalité de la réparation.-

Règles particulière à la responsabilité contractuelle-Clause pénale, J- C1. Civ. 2005, fasc.22. 1009

Sur ce point, v. P. BAILLY, Indemnisation et aléas judiciaires, D. 1992, p.202. 1010

Sur cette clause, v. D. MAZEAUD, Les conventions portant sur la réparation, RDC 2007, n° 1,

p.149 ; Ph. MALINVAUD, Droit des obligations, Litec, 11e édition, 2007, n° 732, p.521 ; J. FLOUR, J-

L. AUBERT, Y. FLOUR, E. SAVAUX, Les obligations : 3. Le rapport d’obligation, Sirey, 4e édition,

2006, n° 234, p. 175 ; M. LAMOUREAU, L’aménagement des pouvoirs du juge par les contractants,

Recherche sur un possible imperium des contractants, PUAM, 2006, préface J. Mestre, n° 435, p. 466 ; G.

VINEY et P. JOURDAIN, Traité droit civil, sous la direction de J. Ghestin, Les effets de la

responsabilité, LGDJ, 2e édition, 2001, n° 180, p. 341 ; J. RAJSKI, Les clauses limitatives et

Page 308: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

303

Ainsi, en présence d’une telle clause, le franchisé ou le franchiseur, à qui la rupture

fautive du contrat est imputable, ne sera tenu d’indemniser son cocontractant pour le

préjudice qu’il a subi du fait de cette rupture qu’à hauteur du montant du plafond

contractuellement fixé. Si le préjudice est inférieur au plafond de réparation, le

contractant victime d’une rupture fautive du contrat de franchise pourra obtenir

l’indemnisation de son entier dommage. En revanche, si le préjudice se révèle supérieur

au montant du plafond convenu, il ne pourra pas obtenir une indemnisation supérieure

au montant maximum prévu par le contrat.

La clause limitative de réparation, dont la stipulation est admise en droit positif1011

,

a un trait commun avec la clause pénale. Chacune de ces clauses pose une limite au

principe de la réparation intégrale du préjudice puisqu’elle limite l’étendue de la

réparation due à un éventuel dommage1012

. Pour autant, chacune se distingue de l’autre.

En effet, leurs effets sont radicalement distincts. Alors que la clause pénale fixe un

forfait de réparation, la clause limitative de réparation prévoit un plafond de réparation

au-delà duquel la victime ne pourra obtenir réparation. En outre, leur régime juridique

n’est pas le même. Contrairement à la clause pénale où le juge dispose du pouvoir de

réviser le forfait de réparation prévu par la clause pénale s’il estime qu’il est

manifestement excessif ou dérisoire, en matière de clause limitative de réparation, le

juge ne dispose pas de ce pouvoir de révision1013

. Dans ce dernier cas, le juge est

simplement tenu d’évaluer le préjudice auquel donne lieu une éventuelle rupture fautive

du contrat de franchise

exonératoires de responsabilité dans les contrats internationaux, RDAI, 2002, 3 / 4, p.321 ; Ph.

MALINVAUD, De l’application de l’article 1152 aux clauses limitatives de responsabilité, Mélanges F.

Terré, Dalloz, 1999, p.689 ; Y. CHARTIER, La réparation du préjudice, coll. Connaissance du droit,

1996, p. 47 ; D. MAZEAUD, Les clauses limitatives de réparation, in Les obligations en droit français et

en droit belge, Convergences et divergences, Bruylant, Dalloz, 1994, p.155. 1011

Voir par exemple, Cass. com., 5 juin 2007, n° 06- 14. 832 ; RDC 2007, n° 4, p.1121, obs. D.

MAZEAUD ; D. 2007, p. 1721, obs. X. DELEPECHE ; JCP G 2007, 1014, obs. D. HOUTCIEFF ; D.P.

2007, n°95, obs. Ph. STOFFEL-MUNCK. Notons, toutefois, que les clauses limitatives de réparation,

fondée sur la liberté contractuelle tout autant que sur les nécessités économiques, peuvent, dans certaines

hypothèses, paraître inefficace. La jurisprudence dénie toute efficacité à ces clauses en cas de faute lourde

et lorsqu’elles portent sur certaines obligations essentielles. Sur cette question, v. Ph. MALINVAUD,

Droit des obligations, Litec, 11e édition, 2007, n° 735, p.522 et s ; D. MAZEAUD, Les conventions

portant sur la réparation, RDC 2007, n° 1, p.149;D. MAZEAUD, Les clauses limitatives de réparation, in

Les obligations en droit français et en droit belge, Convergences et divergences, Bruylant, Dalloz, 1994,

p.155 et s. 1012

Sur ce principe, C. COUTANT-LAPALUS, Le principe de la réparation intégrale en droit privé,

PUAM, 2002, préface F. Pollaud-Dulian. 1013

V. Ph. MALINVAUD, De l’application de l’article 1152 aux clauses limitatives de responsabilité,

Mélanges. F. Terré, Dalloz, 1999, p.689.

Page 309: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

304

En ce qui concerne la preuve, le bénéficiaire de la clause limitative de réparation

n’est pas dispensé de rapporter la preuve de l’existence du préjudice. Or cela n’est pas

le cas en ce qui concerne la clause pénale dont le bénéficiaire est dispensé de rapporter

la preuve de l’existence du préjudice et le juge de l’évaluer. L’indemnité forfaitaire sera

due du seul fait de l’intervention de la rupture, abstraction faite de ce que celle-ci

entraîne ou non un préjudice pour celui qui la subit.

Toutefois, et malgré cette différence, la distinction entre la clause pénale et la

clause limitative de responsabilité paraît parfois en pratique moins nette. Ainsi en est-il,

par exemple, dans le cas où le forfait de réparation paraît inférieur au préjudice causé

par la rupture du contrat de franchise ou son inexécution. En pareille hypothèse,

comment peut-on savoir si le chiffre figurant au contrat constitue d’un forfait établi par

une clause pénale ou un plafond prévu par une clause limitative ? A vrai dire, la clause

litigieuse peut parfaitement, dans cette hypothèse, s’analyser aussi bien en une clause

pénale qu’en une clause limitative de réparation1014

. Une telle difficulté de distinction de

la clause pénale avec d’autres clauses voisines se rencontre aussi s’agissant de la clause

de dédit.

295. Clause pénale et clause de dédit. Conçu comme un contrat dans un autre

contrat1015

, la clause pénale se distingue, a priori, facilement de la clause de dédit1016

.

Alors que l’indemnité prévue par la clause pénale a pour but de sanctionner la

défaillance de l’une des parties de l’inexécution de ses obligations, le paiement de

l’indemnité de dédit ne sanctionne, en effet, en rien un manquement contractuel. Il

traduit simplement l’exercice d’une prérogative contractuelle, qui consiste dans la

faculté, pour une des parties, à résilier le contrat de franchise, à tout moment et avant

même l’arrivée de son terme, moyennant le respect d’un préavis et le versement d’une

indemnité au cocontractant.

1014

Ph. DELEBECQUE, Régime de la réparation.- Modalité de la réparation. - Règles particulière à la

responsabilité contractuelle - Clause pénale, J- C1. Civ. 2005, fasc.22, n ° 1015

D. MAEAUD, La notion de la clause pénale, LGDJ, 1992, préface. F. Chabas, n° 5, p.13, et s, et

spéc., n°19, p.20 et s. 1016

Sur la clause de dédit, v. L. BOYER, La clause de dédit, in Mélanges P. Raynaud, Dalloz Sirey,

1985, p.41.

Page 310: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

305

Malgré la différence existant entre la clause pénale et la clause de dédit, leur

distinction paraît parfois difficile à mettre en œuvre sur le plan pratique. Ainsi l’illustre

l’arrêt du 29 novembre 20051017

.

En l’occurrence, un contrat de franchise contenait une clause prévoyant qu’« en

cas de rupture du contrat par l’une des parties, la partie responsable de la rupture

s’engage à verser un dédit de 15. 244, 90 euros ». Après avoir prononcé la résolution

du contrat aux torts du franchisé défaillant, la Cour d’appel a analysé la clause en

question en clause pénale en dépit du terme employé de « dédit ». Par conséquent, elle a

condamné le franchisé à payer le montant prévu par le contrat comme dommages et

intérêts forfaitaires destinés à compenser le préjudice que le franchiseur a subi du fait de

la résolution du contrat. La Chambre commerciale de la Cour de cassation a cassé l’arrêt

d’appel pour dénaturation de la loi contractuelle. Elle a décidé en ces termes : « Attendu

qu’en statuant ainsi, alors, d’un coté, que la clause litigieuse ne s’analysait pas en une

clause pénale, ayant pour objet de faire assurer par l’une des parties l’exécution de son

obligation mais en une faculté de dédit permettant aux parties de se soustraire à cette

exécution et, de l’autre, que Mme Malenfant, qui avait exécuté le contrat pendant

plusieurs mois, ne pouvait être sanctionnée par le paiement d’une indemnité stipulée à

titre de dédit, la cour d’appel a violé les textes susvisés ».

Les juges du fond doivent donc veiller à donner à la clause litigieuse sa

qualification juridique. C’est en effet de cette qualification juridique que dépend la

possibilité pour le juge de réviser ou non le montant de l’indemnité prévue par la clause.

S’il s’agit d’une indemnité de dédit, le juge n’a pas le pouvoir de réviser le montant. La

clause de dédit exclut, en effet, tout pouvoir du juge de diminuer ou d’augmenter le

montant. En revanche, s’il s’agit d’une clause pénale, le juge peut réviser celui-ci

lorsqu’il estime qu’il est manifestement excessif ou dérisoire. L’efficacité de la mise en

œuvre de la clause pénale dépend donc de l’appréciation du juge.

1017

Cass. com., 29 novembre 2005, pourvoi n° 02-19. 174.

Page 311: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

306

§ 2. Application de la clause pénale

296. Absence de préjudice. L’un des avantages majeurs que présente la clause pénale

consiste en ce qu’elle dispense son bénéficiaire de rapporter la preuve du préjudice.

Parce qu’elle est un forfait, la clause pénale est due même en l’absence du préjudice. Le

franchisé ou le franchiseur, victime d’une rupture fautive du contrat, n’a pas en effet à

prouver l’existence de son préjudice pour obtenir le paiement de l’indemnité convenue.

Il lui suffit seulement de rapporter la preuve de la survenance d’une rupture fautive du

contrat de franchise pour mettre en jeu la clause pénale.

Cette solution est constamment rappelée par la jurisprudence qui considère que « la

clause pénale, sanction contractuelle du manquement d’une partie à ses obligations,

s’applique du seul fait de cette inexécution »1018

. Elle a été récemment réaffirmée par la

troisième Chambre civile dans un arrêt du 20 décembre 20061019

. Elle s’explique par le

fait que ce « n’est pas le préjudice qui rend la peine exigible, mais l’arrivée des

événements pour lesquels elle est prévue »1020

. Dès lors qu’il y a une rupture fautive du

contrat de franchise, le franchiseur ou le franchisé lésé est en droit d’obtenir le forfait de

réparation prévu au contrat, même s’il n’a subi aucun préjudice. En pareille hypothèse,

le juge ne peut que faire application stricte du forfait de réparation convenu.

1018

V. Cass. 3 civ., 2 octobre 12 janvier 1994, RTD civ. 1994, p.605, obs. J. MESTRE ; Defrénois 1994,

p.804, obs. D. MAZEAUD ; JCP G 1994, I, 3809, obs. G. VINEY Cass. 1er

civ., 10 octobre 1995, D.

1996, som.p.116, obs. P. DELEBECQUE ; Cass. com., 12 mars 1956, Bull. civ. 1956, III, n° 108; Cass.

3e civ., 5 février 1975, D. 1975, inf. rap.p.9 1019

Cass. 3 civ., 20 décembre 2006, n° 05-20.065 ; RDC 2007, n°3, p.749, obs. S. CARVAL ; JCP G

2007, II, 10024, note. D. BAKOUCHE. Dans cet arrêt, la Cour de cassation a censuré l’arrêt d’appel en

décidant que « qu’en statuant ainsi, alors que la clause pénale, sanction de manquement d’une partie à ses obligations, s’applique du seul fait de cette inexécution, la cour d’appel a violé les textes susvisés ». 1020

Ph. DELEBECQUE, Régime de la réparation.-Modalité de la réparation.-Règles particulières à la

responsabilité contractuelle.-Clause pénale, J- C1. Civ. 2005, fasc.22, n°65.

Page 312: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

307

297. Application stricte du forfait de réparation. En matière de clause limitative de

responsabilité, le juge est obligé d’évaluer le dommage1021

. Celui-ci sera intégralement

réparé s’il n’atteint pas le chiffre fixé par la clause1022

. Mais lorsque le dommage

dépasse le maximum convenu, celui-ci ne sera réparé qu’à hauteur des prévisions des

parties. Le pouvoir du juge est donc « seulement affecté si le préjudice s’avère

supérieur au plafond, le juge étant alors contraint de s’en tenir au montant stipulé et

donc d’écarter le principe de la réparation intégrale du préjudice »1023. La situation est

différente en ce qui concerne la clause pénale. Dans cette dernière, le juge est en

principe tenu de condamner le débiteur à payer le forfait de réparation prévu par la

clause pénale. Celle-ci, qui est une « marque de défense des parties à l’égard du

juge »1024, supprime en effet son pouvoir dans l’évaluation du montant des dommages et

intérêts1025

. En présence d’une clause pénale, le juge n’a pas mission d’ordonner la

réparation intégrale du préjudice causé par la rupture fautive du contrat de franchise. Il a

simplement pour mission de faire respecter la loi des parties et d’allouer au franchisé ou

au franchiseur, victime d’une rupture fautive du contrat, le montant des dommages et

intérêts convenu.

Il en résulte que le franchisé ou le franchiseur, au profit de qui la clause pénale est

stipulée, souffre du forfait de réparation lorsque le préjudice se révèle plus élevé par

rapport à celui-ci. Dans cette hypothèse, il ne saurait obtenir une indemnité pour le

préjudice qu’il a subi autre que celle qui lui sera allouée en vertu de la clause pénale. A

moins qu’il ne démontre qu’il a subi un préjudice distinct de celui-ci couvert par la

clause pénale, celle-ci exclut en principe toute indemnité supplémentaire en réparation

du préjudice subi1026

.

1021

Ph. DELEBECQUE, Régime de la réparation.- Modalité de la réparation.-Règles particulières à la

responsabilité contractuelle.-Clause pénale, op. cit., n° 67. 1022

M. LAMOUREAU, L’aménagement des pouvoirs du juge par les contractants, Recherche sur un

possible imperium des contractants, PUAM, 2006, préface J. Mestre, n° 436,p.466 et s. 1023

Ibid. 1024

D. MAZEAUD, La notion de clause pénale, th., précitée, n°105 1025

Ph. DELEBECQUE, Régime de la réparation.-Modalité de la réparation.-Règles particulières à la

responsabilité contractuelle. - Clause pénale, op.cit., : « L’automatisme y est voulu. C’est une évaluation forfaitaire des dommages et intérêts ». V.aussi, M. LAMOUREAU, th., précitée, n° n°438, p.469 : « En stipulant une clause prévoyant une indemnité forfaitaire dans leur contrat, les parties se substituent au juge dans l’évaluation des dommages-intérêts ». 1026

CA Lyon 31 mars 2000, Juris-Data n° 2000-120706.

Page 313: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

308

Cette solution s’explique par le caractère forfaitaire de la réparation1027

, forfaitaire

de réparation qui peut être révisé par le juge lorsqu’il se révèle manifestement excessif

ou dérisoire.

298. La révision judiciaire de la clause pénale. En principe, l’évaluation

conventionnelle des dommages-intérêts tient lieu d’évaluation judiciaire. Elle est

substituée à celle-ci, de manière à ce qu’elle la rende inutile.

En conséquence, en cas de rupture fautive du contrat de franchise, le juge ne

saurait accorder au franchiseur ou au franchisé, victime d’une telle rupture, une

indemnité ni plus forte ni moindre que celle fixée par le contrat1028

. Toutefois, et parce

que la rigueur de ces clauses peut présenter un danger lorsqu’elles sont imposées par la

partie la plus forte sans discussion, le juge peut, selon l’article L.1152 du Code civil,

modérer une augmentation la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement

excessive ou dérisoire.

A cet égard, il est à noter que la réduction d’une clause pénale n’est qu’une simple

faculté pour le juge1029

. Celui-ci, qui dispose d’un pouvoir discrétionnaire en la matière,

peut refuser de procéder à la révision de la clause pénale. Rien ne l’oblige à la réviser. Il

n’est même pas tenu de motiver sa décision1030

.

1027

Ph. DELEBECQUE, Régime de la réparation.-Modalité de la réparation.-Règles particulières à la

responsabilité contractuelle, op.cit., n° 70. 1028

J. FLOUR, J- L.AUBERT, Y. FLOUR, E. SAVAUX, op.cit., n°238, p.178; F. TERRE, Ph. SIMLER,

Y.LEQUETTE, Les obligations, Précis Dalloz, 9e édition, 2005, n°624, p.615 : « (..) le juge ne peut

accorder plus que ne prévoit la clause. En ce sens, la clause pénale ressemble à la clause limitative de responsabilité. Celle-ci, dont la validité est, en principe, admise, fixe, en effet, un maximum aux dommages et intérêts qui peuvent être réclamés au débiteur et restreint la responsabilité de celui-ci. Par exemple, il est convenu que l’on ne pourra pas réclamer « plus qu’un certain montant » de dommages et intérêts, alors même que le dommage serait plus élevé. Or il en va pareillement en cas de clause pénale et il est normal, par conséquent, que ce procédé ne puisse servir à tourner les restrictions apportées par le droit positif à la validité des clauses limitatives de responsabilité. En l’absence même de fraude, on comprend d’ailleurs que des règles applicables aux clauses limitatives soient étendues aux clauses pénales ». 1029

V. M. LAMOUREAU, L’aménagement des pouvoirs du juge par les contractants, Recherche sur un

possible imperium des contractants, PUAM, 2006, préface J. Mestre, n° 439, p. 471 et s. 1030

CA Paris 20 juin 2007, Juris-Data n°2007-344968 ; CA Angers 27 mai 2002, Juris-Data n° 2002-

207620.

Page 314: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

309

La Cour de cassation a affirmé, à plusieurs reprises, que le refus par le juge de

réviser une clause pénale n’est pas soumis à une obligation de motivation1031

. Mais, en

revanche, si le juge procède à une révision de la clause pénale parce qu’il estime que

son montant est manifestement excessif ou dérisoire, il doit justifier sa décision. La

Cour de cassation lui impose, en effet, d’expliquer en quoi le montant de la clause est

manifestement excessif ou dérisoire1032

.

Tel est, par exemple, le cas lorsque les juges du fond ont réduit l’indemnité de

résiliation composée de 20000 euros plus une part variable égale à 50 % du montant de

cinq redevances annuelles restant à courir, au motif que compte tenu du fait que

l’essentiel des services fournis par le franchiseur au franchisé sont facturés à ce

montant, la peine est manifestement excessive1033

.

Une telle exigence de motivation de la révision de la clause pénale par le juge peut

s’expliquer par le fait que le principe est le respect de la loi des parties est le principe et

que la révision de la clause pénale n’est qu’une exception à ce principe1034

.

1031

Cass. com., 12 juillet 2001, JCP E 2002, 459, note. L. LEVENEUR ; Cass. 3 civ., 26 avril 1978, RTD

civ. 1979, p.139, obs. G.CORNU ; Cass.com., 26 février 1991, Bull. civ. IV, n°91, 1032

M. LAMOUREAU, th., précitée. 1033

CA Aix en Provence, 4 mars 2005, Juris-Data n° 2005-275013. 1034

V. M. LAMOUREAU, th., précitée.

Page 315: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

310

299. Conclusion section II-En vertu du principe de la liberté contractuelle, le

franchiseur et le franchisé peuvent, par l’insertion d’une clause pénale, fixer, de façon

forfaitaire et à l’avance, le montant de la réparation dont chacun d’eux sera tenu en cas

de rupture fautive du contrat. Ce forfait de réparation s’impose aux parties. Le

contractant, victime de la rupture, ne peut obtenir que le montant de réparation

contractuellement fixé. De même, le montant de réparation prévu par la clause pénale

s’impose au juge. Celui-ci ne saurait accorder au franchiseur ou au franchisé, victime

d’une telle rupture, une indemnité ni plus forte ni moindre que celle fixée par le contrat.

Néanmoins, il peut réduire ou augmenter la peine lorsqu’il estime qu’elle est

manifestement excessive et dérisoire par rapport au préjudice auquel donne lieu la

rupture fautive du contrat.

Page 316: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

311

300. Conclusion du chapitre II. En cas de rupture fautive du contrat, le franchisé ou le

franchiseur peut obtenir des dommages et intérêts dès qu’il rapporte la preuve qu’il a

subi du préjudice du fait de cette rupture. L’évaluation du montant de ces dommages et

intérêts est néanmoins souvent délicate. Les juges du fond ne sont, en principe, liés par

aucun mode de calcul précis. Ils tiennent compte généralement, pour fixer le montant de

l’indemnité due par le franchiseur ou le franchisé, à qui la rupture fautive du contrat est

imputable, des bénéfices dont le contractant victime a été privé et des pertes qu’il a

subies. Ils disposent, à cet égard, d’un pouvoir souverain dans la détermination du

montant des dommages et intérêts. La seule exigence imposée à eux, c’est de respecter

le principe de la réparation intégrale impliquant que seuls les préjudices soient

indemnisés. Le pouvoir souverain dont disposent les juges du fond peut permettre

l’évaluation la plus précise du préjudice. Mais il peut aussi, paradoxalement, conduire à

l’évaluation arbitraire. Face à ces aléas judiciaires dans l’évaluation des dommages et

intérêts, le franchiseur et le franchisé préfèrent souvent évaluer par eux-mêmes le

montant de réparation dû en cas d’une éventuelle rupture fautive du contrat. Ils fixent,

par une clause pénale, un forfait de réparation dont sera tenu l’auteur de la rupture

fautive. Un tel forfait de réparation tient lieu d’évaluation judiciaire. Elle s’impose au

juge, sauf le cas où il se révèle qu’il est manifestement excessif ou dérisoire au regard

du préjudice réalisé.

Page 317: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

312

301. Conclusion du Titre I. Le franchiseur comme le franchisé doit s’abstenir de tout

comportement critiquable non seulement lors de la formation du contrat ou lors de son

exécution, mais aussi lors de son extinction. Si le juge constate, en cas de litige portée

sur la fin des relations contractuelles, que le non-renouvellement du contrat de franchise

ou que sa résiliation est intervenue dans des circonstances fautive ou faite de manière

irrégulière non motivé par aucun manquement grave, il engagera la responsabilité de

son auteur. Il est possible, dans ces hypothèses, que le juge lui ordonne la reprise forcée

du contrat fautivement rompu. Mais la réparation en nature sous la forme de la reprise

forcée du contrat est rare. Et même si le juge se prononce en sa faveur, il restreint sa

portée dans le temps. Le plus souvent, le franchisé ou le franchiseur, victime d’une

rupture fautive, obtient des dommages et intérêts. Ces dommages et intérêts visent à

compenser tout le préjudice que le contractant a subi du fait de la rupture fautive du

contrat de franchise. Le gain manqué dont il a été privé et la perte qu’il a subie seront

indemnisés dès qu’il rapporte la preuve de son existence et de son lien de causalité avec

la rupture.

Toutefois, il convient de noter que la naissance de la responsabilité n’est pas le seul

effet de l’extinction du contrat de franchise. Il y a d’autres effets consistant le plus

souvent dans la naissance de nouvelles obligations à la charge des parties.

Page 318: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

313

TITRE II - LA NAISSANCE DE NOUVELLES OBLIGATIONS A

LA CHARGE DES PARTIES

Page 319: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

314

302. Présentation générale et plan. Si l’extinction a pour conséquence la disparition

du contrat de franchise ainsi que les obligations qu’il contenait avec lui, cela ne signifie

cependant pas que tout est fini entre les parties. Des obligations post-contractuelles vont

naître, au moment de l’extinction du contrat, à la charge des parties. Certaines de ces

obligations sont les conséquences des dispositions contractuelles. Les parties au contrat

de franchise prévoient certaines clauses qui sont destinées à régir leur relation après la

fin du contrat, ce qui lui vaut d’être qualifiée de « stipulation à effet post contractuel ».

D’autres obligations, au contraire, ne sont que la suite de l’extinction du rapport

contractuel entre franchiseur au franchisé. Quel que soit leur origine, ces obligations

n’ont pas la même nature juridique. Leur objet se distingue selon que la partie dont sera

tenue. Certaines sont portées par le franchisé (chapitre I), tandis que d’autres sont

supportées par le franchiseur (chapitre II).

Page 320: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

315

CHAPITRE I - OBLIGATIONS INCOMBANT AU FRANCHISE

303. Clauses à effet post-contractuel. A la fin du contrat de franchise, le franchisé est

tenu par certaines obligations. Certaines ne sont que la suite naturelle de la cessation du

contrat. Tel est le cas de l’obligation pour le franchisé de liquider le lien contractuel et

de restituer tous les éléments matériels et immatériels que le franchiseur lui a confiés

pour l’exploitation de la franchise (Section II). D’autres obligations sont prévues par le

contrat lui-même. Elles visent à la sauvegarde du réseau après la rupture du contrat de

franchise (Section I). Ces obligations consistent souvent en l’obligation pour le

franchisé de ne pas concurrencer l’ancien franchiseur après la cessation du lien

contractuel, en l’obligation de non pas s’affilier à un réseau concurrent et enfin en

l’obligation de ne pas divulguer le savoir-faire ou toute information qui y est liée de

près ou de loin. Elles produisent ses effets à l’égard du franchisé immédiatement et dès

lors que la cessation du contrat de franchise a lieu.

Page 321: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

316

SECTION I – OBLIGATIONS DE SAUVEGARDE DU RESEAU

304. Protection du réseau. Pendant l’exécution du contrat de franchise, un savoir-faire

et des informations économiques, techniques et commerciales ont été communiqués au

franchisé. Afin de sauvegarder le secret et la non-utilisation de ces informations et du

savoir-faire par l’ancien franchisé après la rupture du contrat, les franchiseurs recourent

à une série de techniques contractuelles. Tantôt, ils insèrent dans le contrat une clause

de non-concurrence post-contractuelle qui interdit au franchisé d’exercer son activité ou

toute activité susceptible de concurrencer le franchiseur pendant un certain délai et dans

la zone lui ayant été concédée (§ 1). Tantôt, ils stipulent dans le contrat de franchise une

clause de non-affiliation qui interdit au franchisé, après la cessation du contrat, non

d’exercer son activité, mais de s’affilier à tout réseau concurrent ou à un groupe

concurrent pendant un certain délai (§ 2). Tantôt enfin, les franchiseurs se montrent plus

soucieux et prévoient dans le contrat de franchise une clause de confidentialité qui

impose au franchisé, après l’exclusion du réseau, de ne pas divulguer les informations

qu’il a pu acquérir à l’occasion de l’exécution du contrat de franchise (§ 3). Toutes ces

clauses seront étudiées tour à tour dans cette section.

Page 322: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

317

§ 1. La clause de non-concurrence post-contractuelle

305. Plan. Seront abordés ici tour à tour la question de la validité de la clause de non-

concurrence post-contractuelle (A) et celle de sa mise en œuvre (B).

A. Validité de la clause de non-concurrence post-contractuelle

306. Une controverse passée. La question de la clause de non-concurrence a fait l’objet

d’une vive controverse doctrinale. Certains auteurs sont favorables à la stipulation de

clauses de non-concurrence au sein des contrats de franchise. D’autres, au contraire, y

sont hostiles en estimant qu’elles sont incompatibles avec la nature même du contrat de

franchise. Toutefois, ce débat est clos aujourd’hui. La jurisprudence est intervenue pour

mettre fin à cette controverse en reconnaissant la validité des clauses de non-

concurrence post-contractuelles en matière de contrats de franchise (1), pourvu qu’elles

remplissent certaines conditions (2).

1. Admission de la clause de non-concurrence post-contractuelle en droit positif

307. Débat doctrinal. La possibilité d’insertion d’une clause de non-concurrence post-

contractuelle en matière de contrats de franchise a suscité une vive controverse au sein

de la doctrine. Certains auteurs estiment que l’adjonction d’une clause de non-

concurrence post-contractuelle en matière de contrats de franchise doit être admise. Ils

justifient leur opinion par le fait que seule la stipulation d’une clause de non-

concurrence post-contractuelle est susceptible de garantir au franchiseur que l’ancien

franchisé ne continue pas, après la cessation des relations contractuelles, à utiliser les

informations et le savoir-faire qu’il a acquis à l’occasion de l’exécution du contrat1035

.

1035

J - J. BURST, Appartenance de la clientèle et la clause de non-concurrence, Cah. dr. entr.1983/1,

p.22.

Page 323: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

318

A l’inverse, d’autres auteurs contestent la présence de telles clauses en matière de

contrats de franchise1036

. Ils estiment qu’en dehors de la hypothèse où la clause de non-

concurrence se trouve accompagnée du versement d’une indemnité de clientèle, ou celle

où il y a reprise, par le franchiseur, de l’exploitation du franchisé, la stipulation d’une

clause de non-concurrence post-contractuelle doit être considérée comme illicite1037

.

Pour eux, il y a plusieurs raisons qui conduisent à ne pas admettre la stipulation d’une

telle clause dans les contrats de franchise. Premièrement, elle est incompatible avec la

nature même du contrat de franchise. Elle a, estiment-ils, pour effet de déposséder le

franchisé de sa clientèle ou d’une partie de sa clientèle au profit du franchiseur ou du

nouveau franchisé désigné par le franchiseur.

Or, cela ne paraît pas seulement injuste, mais aussi dangereux et susceptible de

contredire la qualité de commerçant indépendant du franchisé1038

. Deuxièmement, une

telle obligation est sans cause1039

. Le franchisé s’engage à ne pas exercer son activité ou

toute activité similaire sans qu’il y ait une contrepartie à son engagement.

Troisièmement, contrairement à ce que prétendent certains1040

, la clause de non-

concurrence n’est pas indispensable pour protéger le savoir-faire1041

. Celui-ci est

généralement protégé par une clause de confidentialité et, même en l’absence de clause

de non-concurrence, le franchiseur peut agir en concurrence déloyale si l’ancien

franchisé continue à utiliser son savoir-faire1042

.

1036

D. FERRIER, Appartenance de la clientèle et la clause de non-concurrence, Cah.dr.entr.1983/1, p.21.

D. FERRIER, La rupture du contrat de franchisage, JCP CI 1977, II, 12441. Dans le même sens, J.

BEAUCHARD, obs. sous CA Poitiers 17 juin 1981, JCP G 1984, II, 20184 ; J. BEAUCHARD, Droit de

la distribution et de la consommation, PUF 1996, p.199. 1037

D. FERRIER, « La rupture du contrat de franchisage », JCP .1977, II, 12441. L’auteur observe que la

seule hypothèse « dans laquelle la clause de non-concurrence se trouverait justifiée, serait celle d’une reprise par le franchiseur de l’exploitation du franchisé ; l’obligation de non-concurrence existant de façon générale à la charge du cédant du fonds de commerce jouerait alors à l’encontre du franchisé ». 1038

D. FERRIER, Appartenance de la clientèle et la clause de non-concurrence, op.cit. 1039

Contra. J.-M. LELOUP, La franchise, Droit et pratique, Delmas, 2004, n°2121, p.344 : « La clause de non-concurrence est l’une des contreparties de tout ce qui lui a été transmis pendant le contrat ». 1040

J.-J. BURST, Appartenance de la clientèle et la clause de non-concurrence, Cah.dr.entr.1983/1, p.22. 1041

D. FERRIER, Appartenance de la clientèle et la clause de non-concurrence, op. cit. Dans le même

sens, J. BEAUCHARD, obs sous. CA Poitiers 17 juin 1981, JCP G 1994, II, 20184. 1042

J. BEAUCHARD, Droit de la distribution et de la consommation, PUF 1996, p.199.

Page 324: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

319

S’ajoute à cela le fait que le savoir-faire est, en principe, « périodiquement

recyclé », de sorte que les connaissances maîtrisées par l’ancien franchisé risquent

d’être rapidement périmées1043

. Enfin, la stipulation d’une clause de non-concurrence

post-contractuelle en matière de contrats de franchise peut constituer un abus de

dépendance économique en ce qu’elle tend à dissuader le franchisé de sortir du réseau

de franchise en lui enlevant toute solution de rechange raisonnable, puisqu’il perd son

fonds de commerce avec la possibilité de l’exploiter1044

.

308. Validation jurisprudentielle. Toutefois, il faut noter que ce débat doctrinal autour

de la validité des clauses de non-concurrence n’a plus lieu aujourd’hui. La jurisprudence

y a mis fin en admettant la validité de cette stipulation. La Cour de cassation a, à

plusieurs reprises, affirmé que sont valables les clauses qui interdisent au franchisé

d’exercer l’activité ou toute activité similaire après l’expiration du contrat de

franchise1045

.

Dans le même sens, le Conseil de la concurrence a aussi énoncé que les clauses de

non-concurrence et de non-affiliation peuvent être considérées comme inhérentes à la

franchise dans la mesure où « elles permettent d’assurer la protection du savoir-faire

transmis qui ne doit profiter qu’aux membres du réseau et de laisser au franchiseur le

temps de réinstaller un franchisé »1046. A vrai dire, l’admission de la validité de la

stipulation de clause de non-concurrence post-contractuelle par la jurisprudence

s’explique, outre l’intérêt légitime de protéger le réseau de franchise1047

, par le principe

de la liberté contractuelle.

1043

D. FERRIER, Appartenance de la clientèle et la clause de non-concurrence, op.cit.: « On peut objecter que seule la clause de non-concurrence permet d’éviter l’utilisation du savoir-faire du franchiseur par l’ancien franchisé, ou par un concurrent du franchiseur auquel se rallierait désormais l’ancien franchisé. A cela, il convient de répondre tout d’abord que le savoir-faire est en principe « périodiquement recyclé », de sorte que les connaissances maîtrisées par l’ancien franchisé risquent d’être rapidement périmées, et ensuite, en admettant une certaine permanence du savoir-faire transmis, que le danger est peut-être plus grand de voir le franchisé transmettre, inutile pour lui, à un concurrent que de le voir l’utiliser lui-même. La sanction serait plus facile à mettre en œuvre dans le second cas que dans le premier ». 1044

J. BEAUCHARD, obs.sous.CA Poitiers 17 juin 1981, JCP G 1984, II, 20184. J. BEAUCHARD,

Droit de la distribution et de la consommation, PUF 1996, p.199. 1045

CA Colmar 9 juin 1982 ; D.1982, 553, note. J -J. BURST ; Cass. com. 12 janvier 1988, Bull. civ. IV,

n°31 ; D. 1989, somm.p.173, obs. Y. SERRA ; Cass. com., 22 février 2000, Contrats, cons. consom.,

2000, comm., n° 92, comm., L. LEVENEUR. 1046

Déc. Cons. conc. 24 juin 1997, Juris-Data, n° 1997-970393. 1047

V. infra n° 312.

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320

Toutefois, il faut noter que si la jurisprudence admet la validité de la clause de non-

concurrence post-contractuelle en matière des contrats de franchise, cela n’est pas sans

certaines conditions.

2. Conditions de validité de la clause de non-concurrence

309. Conditions de forme : stipulation expresse. Contrairement à la clause de non-

concurrence durant le contrat pouvant être tacite et s’imposant de plein droit en raison

de l’économie et de la nature du contrat de franchise1048

, et en se fondant sur le principe

de bonne foi dans l’exécution du contrat1049

, la clause de non-concurrence post-

contractuelle ne peut être efficaces et opposables au franchisé que si elle est

formellement et expressément stipulées dans le contrat de franchise1050

.

1048

Ph. Le TOURNEAU, Les contrats de franchisage, Litec, 2e édition, 2007, n° 232, p. 105 : « Une

clause ad hoc interdit généralement au franchisé de concurrencer son partenaire pendant la durée du contrat. Cependant, à défaut même d’une disposition expresse, une telle obligation nous semble peser implicitement sur le franchisé de par la nature du contrat ; sinon, le franchisé pourrait détourner à son profit le savoir-faire du franchiseur, élément déterminant du contrat ». V. aussi, H. LEPAGE, La théorie

économique de la franchise, Rev.conc.consom.1987, n° 28, p.8 et s. 1049

J.-M. LELOUP, La franchise, Droit et Pratique, 4e édition, Delmas, 2004, n° 460 : « De telles clauses

précisent l’obligation de non-concurrence, mais ne la créent pas. Elle est préexistante et implicite en application d’un principe constant, appuyé sur l’article 1134 du Code civil : les conventions doivent être exécutées de bonne foi. ». V. aussi, Y. AUGUET, Concurrence et clientèle, LGDJ 2000, préface. Y. Serra,

n° 144, p.166. Selon l’auteur, la collaboration à la conquête d’une clientèle impose souvent aux parties,

quelle que soit la forme juridique, une obligation de non-concurrence de plein droit. Y. SERRA, Les

fondements et le régime de l’obligation de non-concurrence, RTD com.1998, p.7, et spéc., p.10 et s : « Le principe d’exécution de bonne foi des conventions constitue une source de l’obligation de non-concurrence de plein droit dans le contrat de travail ainsi que dans certains contrats de distribution commerciale (….) Dans différents types de contrats de distribution commerciale le principe d’exécution de bonne foi du contrat sert de fondement à l’existence d’une obligation de non-concurrence de plein droit à la charge de certains contractants. Tel est le cas du contrat de concession exclusive dans lequel le principe d’une obligation de non-concurrence de plein droit est admise à la charge du concédant, lequel, en considération de l’économie du contrat de concession, ne peut, en principe, concurrencer le concessionnaire sur le territoire concédé » 1050

E. GASTINEL, Les effets juridiques de la cessation des relations contractuelles : obligation de non-

concurrence et de confidentialité, in La cessation des relations contractuelles d’affaires, PUAM, 1997,

p.197, et spéc., p.200 : « En application du principe de la liberté du commerce et de l’industrie, en l’absence de clause expresse, il est admis que les parties ne sont tenues par aucune obligation de non-concurrence ». De manière générale, v. Y. AUGUET, Concurrence et clientèle, th., précitée, n° 144,

p.166 : « (…) la rupture des relations contractuelles laisse les cocontractants libres de tout engagement de ce type. L’employeur, la société, le fournisseur, ne peuvent être tenus, à défaut d’une clause expresse fort improbable, de cesser ou de limiter leur activité parce qu’elle se développerait en concurrence avec celle de leur ancien collaborateur. Réciproquement, après l’expiration du contrat de travail, le salarié est libre de se mettre au service d’une entreprise concurrente ou de s’établir à son compte dans une activité économique concurrente de celle de son employeur. L’ancien associé, ayant cédé l’intégralité de ses droits sociaux, n’est tenu d’aucune obligation de non-concurrence, à défaut de stipulation particulière. L’agent commercial est libre de concurrencer son ancien mandant, l’ancien franchisé peut

Page 326: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

321

Ainsi, une clause peut prévoir que « le franchisé s’interdit, après la rupture du

contrat, de concurrencer directement ou indirectement le franchiseur ou le nouveau

franchisé, sur le secteur d’exclusivité, pendant une durée de trois ans »1051

ou que « le

franchisé s’interdit, pendant un an après la fin du contrat, que celui-ci expire

normalement ou qu’il soit rompu à titre anticipé, pour quelques raisons que ce soient,

par l’une ou l’autre des parties, de concurrencer directement ou indirectement le

franchiseur »1052

. En fait, l’exigence de la stipulation formelle d’une clause de non-

concurrence post-contractuelle dans un contrat de franchise s’explique sans doute par la

volonté d’attirer l’attention du franchisé sur les conséquences résultant de son

engagement de ne pas concurrencer le franchiseur à l’issue du contrat.

310. Conditions de fond : Limitation dans le temps et dans l’espace Il ne suffit pas,

pour être valable, que la clause de non-concurrence post-contractuelle soit stipulée de

manière formelle et expresse, encore faut-il qu’elle réponde à certaines conditions de

fond d’origine prétorienne. En effet, afin de réduire les conséquences excessives de la

clause de non-concurrence post-contractuelle à l’égard du franchisé, les juges exigent

qu’elle soit limitée dans le temps et dans l’espace. A défaut, la clause sera considérée

comme illicite et donc annulée pour cause d’atteinte à la liberté du commerce et de

l’industrie reconnue au franchisé.

Ainsi, a été jugé illicite, et donc annulée, la clause de non-concurrence d’un

contrat de franchise d’une marque de courtage matrimonial qui ne contenait aucune

limitation ni dans le temps et dans l’espace1053

. En effet, ces deux limitations doivent

être cumulativement réunies1054

. Elles ne sont d’ailleurs pas propres au contrat de

franchise mais valent pour tous les contrats1055

. Elles ont été énoncées par la

jurisprudence dès le début du siècle1056

.

poursuivre une activité concurrente de celle du franchiseur, l’ancien concessionnaire a la liberté de distribuer une marque concurrente ». 1051

CA Versailles 11 mai 2006, 05 / 00760. 1052

CA Paris, 23 novembre 2006, 03 / 02384. 1053

CA Caen, 3 novembre 2005, Juris-Data n° 2005, 286650 1054

Ph. le TOURNEAU, Les contrats de franchisage, Litec, 2e édition, 2007, n° 684, p. 300.

1055 Y. SERRA, Concurrence, obligation de non-concurrence, Rép.com.1996, 90.

1056 Cass. civ., 2 juillet 1900, D. 1901, juris., p . 294 : « la liberté de faire le commerce ou d’exercer une

industrie ne peut être restreinte par des conventions particulières que si ces conventions n’impliquent pas une interdiction générale et absolue c’est-à-dire illimitée tout à la fois quant au temps et quant au lieu ».

Cass. civ., 2 mars 1928, D. 1930, I, 145, note. P. Pic. Dans cet arrêt, la Cour de cassation a indiqué en ces

termes : « (…) la liberté du travail et du commerce peut être valablement restreinte par les conventions

Page 327: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

322

Sur le plan pratique, la jurisprudence admet que l’obligation de non-concurrence

post-contractuelle soit d’une durée de trois ans1057

, mais pas au-delà, sinon elle

intervient pour annuler la clause de non-concurrence ou du moins en réduire la durée

1058. A cet égard, le droit positif français paraît plus souple que le droit communautaire

qui exige que, pour qu’une clause de non-concurrence post-contractuelle soit valable,

elle doit être limitée à un an1059

.

Quant à sa limitation géographique, la jurisprudence considère qu’elle peut être

limitée à une zone géographique de cinq kilomètres du point de vente1060

, En réalité,

la limitation géographique dépend de la nature de l’activité concernée1061

. Outre la

limitation dans le temps et dans l’espace, la clause de non-concurrence doit déterminer

la nature de l’activité à laquelle le franchisé interdit de se livrer

311. Conditions de fond : limitation quant à la nature de l’activité. La jurisprudence

considère que l’obligation contractuelle de non-concurrence ne doit, en effet, porter que

sur l’exercice d’une activité identique à celle du franchiseur1062

. Selon elle, toute clause

stipulant que l’ancien franchisé s’interdit d’exercer toute activité économique encourt la

nullité1063

. La solution est tout à fait logique.

des parties, pourvu que ces conventions n’impliquent pas une interdiction générale et absolue, c'est-à-dire illimitée tout à la fois quant au temps et quant au lieu ». 1057

Cass. com. 22 février 2000 , Contrats , cons.consom., n° 99 , comm. S. POILLOT-PERUZZETTO. 1058

CA Paris 26 juin 1997, D. Aff. 1997, p.1185. Dans cet arrêt, la Cour d’appel de Paris a réduit la durée

d’une clause de non-concurrence de trois années à une année. 1059

Règlement n°4087/88 qui prévoit que « le franchisé peut se voir interdire d’exercer directement ou indirectement une activité commerciale similaire dans un territoire où il concurrencerait un membre du réseau franchisé, y compris le franchiseur, après la fin de l’accord pour une période raisonnable n’excédant pas un an ». 1060

Cass. com. 22 février 2000, Contrats , cons.consom., n° 99 , comm. S. POILLOT-PERUZZETTO. 1061

Sur le plan communautaire, l’article 5 du nouveau règlement n° 2790/1999 exige que pour qu’une

clause de non-concurrence post-contractuelle soit valide, elle ne porte pas de manière large sur le

territoire dans lequel le franchisé exploitait la franchise, mais doit être limitée aux locaux et terrain à

partir desquels l’acheteur a opéré pendant la durée du contrat. V. Ph. le TOURNEAU, Les contrats de

franchisage, Litec, 2e édition, 2007, n° 688, p.301. J.-M. LELOUP, La franchise, Droit et pratique,

Delmas, 4e éd., 2004, n°2128,p. 345.

1062 En droit communautaire, l’article 5 du nouveau règlement n° 2790/1999 prévoit que, pour être

valable, la clause doit être limitée à des biens ou services en concurrence avec les biens ou services

contractuels. 1063

Cass. com., 5 juillet 1987, Bull. civ. IV, n° 184 ; Cass. com., 22 février 2000, JCP E 2000, II,

p.1429, L. LEVENEUR ; Cass. com., 4 juin 2002, Contrats, conc., consom.2002, comm.140, obs. M.

MALAURIE-VIGNAL.

Page 328: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

323

Cependant, une pareille clause est excessive, car elle peut avoir pour effet de priver

l’ancien franchisé de la possibilité d’exercer sa profession et d’utiliser ses

qualifications1064

. D’ailleurs, elle s’oppose à l’idée même de non-concurrence qui

suppose que l’activité interdite soit identique à celle du franchiseur1065

. La limitation

dans le temps et dans l’espace de la clause de non-concurrence post-contractuelle est

exigée pour sa validation, mais elle n’est pas la seule. Encore faut-il qu’il y ait un intérêt

légitime pour le franchiseur que la clause de non-concurrence vise à protéger.

312. Condition de fond : nécessité d’un intérêt légitime. Soucieuse de l’entrave

qu’apporte la présence d’une clause de non-concurrence post-contractuelle à la liberté

du franchisé, la jurisprudence, approuvée par la doctrine1066

, considère qu’il ne suffit

pas, pour être valable, que la clause de non-concurrence soit limitée dans le temps et

dans l’espace et qu’elle concerne une activité limitée. Il faut encore qu’elle soit justifiée

par un intérêt légitime du franchiseur1067

.

1064

P. DURAND et J. LATSCHA, Le Franchising, JCP IC 1970, I, 87634, p.173, et spéc., n° 31 : « S’il est au fond normal que le concessionnaire s’interdise d’exploiter, dans la zone géographique qui lui est concédée, un établissement susceptible de concurrencer la franchise qui lui est concédée, par contre, il est quelque peu exorbitant de lui interdire toute autre activité que celle découlant de la franchise ». De

même, H. BENSOUSSAN, Le droit de la franchise, Apogée 1999, p 193 : « interdire toute activité similaire à celle relative au concept de franchise exploité reviendrait à priver l’ex-franchisé de la possibilité d’exercer sa profession, d’utiliser ses qualifications ». Y. AUGUET, Concurrence et

clientèle, th., précitée, n° 157, p.175 : « La limitation quant à l’activité interdite permet d’exclure des clauses qui viseraient toute activité économique ou professionnelle. Manifestement excessives, celles-ci porteraient une atteinte intolérable aux libertés individuelles. Avec de telles clauses, ce n’est plus le risque de concurrence qui serait combattu ». 1065

Y. SERRA, La validité de la clause de non-concurrence, D. 1987, Chro. p.113, et spéc., p.114. Selon

l’auteur, le terme même de clause de non-concurrence suppose que l’activité interdite soit de même

nature ou d’une nature voisine de celle exercée par le créancier de non-concurrence. 1066

Y. SERRA, L’obligation de non-concurrence, Sirey, Bibliothèque de droit commercial, 1970,p.12. 1067

V. Ph. Le TOURNEAU, Les contrats de franchisage, Litec, 2e éd., 2007, n° 683, p.299 ; M - E.

ANDRE, M - P. DUMONT, Ph. GRIGNON, L’après-contrat, Francis Lefebvre, 2005, n°185, p.152, et

s ;AUGUET, Concurrence et clientèle, LGDJ 2000, préface Y. Serra, n° 350, p.345, et s ; Y. PICOD,

Concurrence interdite et concurrence déloyale, D.2004, p.1153 ; Ch. JAMIN, Clause de non-concurrence

et contrat de franchise, D .2003, p.2878 ; Y. AUGUET, Concurrence et clientèle, LGDJ 2000, préface Y.

Serra, n° 350, p.345, et s ; D. LEGAIS, La franchise, JCP N 1992., p.217, n°66, p.226 ; du même auteur,

Clause de non-concurrence, J - Cl. Commerciale, 2001, fasc.256, n°12 et s ; Y. SERRA, « La validité de

la clause de non-concurrence, De la vente du fonds de commerce au contrat de franchise, 1987, Chr.

p.113 ; Cass.com.14 novembre 1995, pourvoi n° 93 16299, D. 1997, somm. p.59, obs. D. FERRIER ; De

manière générale, v. J -L. BERGEL, Les clauses de non-concurrence en droit positif français, in

Mélanges. A. JAUFFRET, PUMA 1974, p.21 ; D. VIDAL, Les clauses de non-concurrence, in Les

clauses principales conclues entre professionnels, PAUM 1990, p.83 ; J. AMIEL-DONAT, La légitimité

de la clause de non-concurrence, Contrats , conc. consom., 1992, p.1.

Page 329: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

324

Cet intérêt légitime, qui correspond en effet au besoin du franchiseur d’écarter tout

risque de nature à porter atteinte à son réseau1068

, n’est satisfait que si la clause « a pour

but, et seulement pour but, d’interdire une concurrence réellement possible et

réellement préjudiciable »1069

.

Ainsi, pour pouvoir bénéficier des avantages que présente la clause de non-

concurrence post-contractuelle, le franchiseur doit justifier que l’existence d’une telle

clause est indispensable pour protéger le réseau. Il doit, en effet, montrer que la clause

de non-concurrence post-contractuelle a pour effet d’éviter que le franchisé n’apporte le

savoir-faire et les informations confidentielles qui lui sont transmis lors de l’exécution

du contrat de franchise à un réseau concurrent et de protéger l’identité du réseau à

travers la préservation des éléments attractifs de la clientèle1070

. A vrai dire, ce dernier

intérêt légitime consistant en la préservation de la clientèle ne devrait plus pouvoir être

invoqués depuis l’arrêt Trévisan rendu en 27 mars 2002 à propos des baux

commerciaux1071

, dans lequel la Chambre commerciale reconnaît l’existence d’une

clientèle propre au franchisé1072

. Le seul intérêt légitime qui justifie donc aujourd’hui la

stipulation d’une clause de non-concurrence en matière de contrat de franchise, c’est la

protection du savoir-faire du franchiseur. Outre l’exigence de l’existence d’un intérêt

légitime que vise la clause de non-concurrence, celle-ci doit être proportionnelle à cet

intérêt.

1068

V. en ce sens, G. WICKER, La légitimité de l’intérêt à agir, in Etudes sur le droit de la concurrence et

quelques thèmes fondamentaux, Mélanges. Y. Serra, Dalloz, 2006, p.455, et spéc., n°1, p.456 et s : « (..)

la validité de l’engagement se trouve conditionnée par deux éléments qui unit un rapport nécessaire de causalité : un besoin du créancier -en l’occurrence, écarter un risque concurrentiel - ; l’aptitude de l’engagement du débiteur - l’obligation de non-concurrence- à répondre à ce besoin. Il s’ensuit que la clause de non-concurrence doit être frappée de nullité, soit en l’absence d’un tel besoin, soit lorsque l’engagement souscrite n’en représente pas la réponse adéquate … ». 1069

Y. SERRA, th., précitée, n° 16. 1070

Ph. Le TOURNEAU, Les contrats de franchisage, Litec, 2e éd., 2007, n° 683, p.299. V. aussi, Y.

SERRA, La validité de la clause de non-concurrence, De la vente du fonds de commerce au contrat de

franchise, art.précité, p.114. 1071

Cass. civ 3e,

, 27 mars 2002, D. 2002, 2400, note. H. KENFACK; JCP G 2002, II, 10112, obs. F.

AUQUE ; Dr et patr. 2002, n°106, p.99, obs. P. CHAUVEL ; JCP E 2002, p.29, note. J-L. RESPAUD ;

Rev. Loyers, juin 2002, n°828, p.314, note. G. AZEMA ; D. 2002, Act-juris, p.1487, note. E.

CHEVRIER ; LAP, 3 février 2003, n° 25, p.3, note. Y. MAROT; Ph. DELEBECQUE, La jurisprudence

reconnaît au franchisé le bénéfice de la législation sur le fonds de commerce, Lamy Droit commercial,

Bulletin d’actualité, septembre 2002, n°147, p. 1. 1072

En ce sens, v. H. KENFACK, Fin des incertitudes sur la clause de non-réaffiliation ?, Rev. Lamy. dr.

aff. 2006, n°5, p. 39.

Page 330: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

325

313. Condition de fond : exigence de proportionnalité. La Chambre commerciale de

la Cour de cassation subordonne, depuis 1994, la validité de la clause de non-

concurrence au respect du principe de la proportionnalité eu égard à l’objet du

contrat1073

. Elle considère que l’obligation de non-concurrence post-contractuelle mise à

la charge du franchisé ne doit pas être disproportionnée par rapport à l’objet du contrat.

Une telle exigence a l’avantage de réaliser un compromis ou un équilibre entre la

protection du franchiseur et la liberté économique du franchisé. Comme le relève un

auteur, elle « réalise ainsi la synthèse entre la vérification de la légitimité de l’intérêt du

créancier de non concurrence et la protection de la liberté économique individuelle du

débiteur de non-concurrence car il s’agit de mettre concrètement en relation l’intérêt

légitime du premier et l’atteinte apportée la liberté du second »1074.

Quant à l’appréciation du caractère proportionnel de la clause de non-concurrence

post-contractuelle, celle-ci se fait par rapport à sa limitation quant au temps et quant à

l’espace au regard de la nécessaire protection des intérêts du franchiseur. Dans un arrêt

du 30 mai 2006, il a été jugé que la clause de non-concurrence qui interdit au franchisé

d’exploiter directement ou indirectement le commerce de location de véhicules dans la

zone d’exclusivité et dans les départements limitrophes n’est pas proportionnée aux

intérêts légitimes du franchiseur. Par conséquent, elle doit être annulée1075

.

314. Condition de fond : exigence éventuelle d’une contrepartie financière. Depuis

2002, la validité de la stipulation d’une clause de non-concurrence post- contractuelle, à

l’égard du salarié, ne peut être admise qu’en présence d’une contrepartie financière

versée à ce dernier1076

. Lorsque cette contrepartie financière fait défaut, la clause de

non-concurrence est nulle et donc non opposable au salarié1077

.

1073

Cass. com., janvier 1994, n° 92-14. 121 ; RTD civ. 1994, p. 349, obs. J. MESTRE ; D. 1995, jur.,

p.205, note. Y. SERRA ; Cass.com., 7janvier 2004, Contrats. conc., consom.2004, comm. n°77. L.

LEVENEUR ; Cass.com., 9 juillet 2002, Contrats. conc., consom.2003, comm. n°5, obs. M.

MALAURIE-VIGNAL ; Cass.com., 22 février 2000, Conrats, conc., consom.2000, comm. n°92, obs. L.

LEVENEUR, et comm.n° 99, obs. S. POILLOT-PERZZETTO. 1074

Y. SERRA, note. sous. Cass.com., 4 janvier 1994, D. 1995, juris., p.205, n°9. 1075

CA Chambéry, 30 mai 2006, Juris-Data, n° 2006-312337. 1076

Cass. soc., 10 juillet 2002, n° 00- 45. 367 et n° 00 -45.135 ; JCP E 2003, 585, C. MASQUEFA ; JCP

E 2002, II, p. 1511, obs. COORIGNON-CARSIN ; Y. SERRA, Tsunami sur la clause de non-

concurrence, D.2002, p.2491 ; P. LANGLOIS, Les nouvelles conditions de validité des clauses de non-

concurrence, D. 2002, p.2269. 1077

Cass. soc., 7 mars 2007, n° 05. 45- 511, Lamy semaine sociale, n° 1301.

Page 331: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

326

La solution s’applique aussi lorsque la contrepartie financière existe mais qu’elle

se révèle dérisoire1078

. Une telle solution protectrice ne devrait-elle pas être étendue au

contrat de franchise en particulier et aux contrats de la distribution de manière

générale ?

Certains auteurs sont favorables à l’idée de soumettre la validité de la stipulation

d’une clause de non-concurrence post-contractuelle à l’exigence d’une contrepartie

financière1079

. Ils estiment que la clause de non-concurrence dépossède l’ex-franchisé de

sa clientèle ou d’une partie de sa clientèle. Par conséquent, elle ne devrait être admise

que si elle s’accompagne d’une indemnité de clientèle. D’autres contestent cette

extension et estiment que subordonner la validité de la clause de non-concurrence à

l’existence d’une indemnité financière pourrait non seulement susciter de sérieuses

difficultés d’ordre technique concernant la détermination de cette contrepartie, mais

aussi remettre en cause le système tout entier de la franchise1080

. A vrai dire, il n’y a

pas de véritable raison à ne pas étendre cette jurisprudence aux contrats de franchise. Si

le salarié bénéficie désormais d’une indemnité en contrepartie de son obligation de non-

concurrence post-contractuelle alors qu’il ne dispose pas d’une clientèle propre, cette

indemnité devrait a fortiori être accordée au franchisé auquel la clause de non-

concurrence post-contractuelle fait perdre sa clientèle.

1078

Cass. soc., 28 juin 2006, Juris-Data n° 2006-035916 ; Contrats. conc. consom., 2007, n° 21, comm.

M. MALAURIE-VIGNAL. Dans cet arrêt, la Chambre sociale a jugé illicite, en raison de sa contrepartie

financière dérisoire qui équivaut à une absence de contrepartie, la clause qui interdisait à un agent

technico-commercial d’exercer directement ou indirectement une activité susceptible de concurrencer la

société, pendant deux ans et dans trois départements limitrophes avec à la clef une contrepartie financière

qui équivaut deux à quatre mois de salaire. 1079

Ph. le TOURNEAU, Les contrats de franchisage, Litec, 2e édition, 2007, n° 687, p. 301 : « Cette

condition supplémentaire de validité devrait être étendue à l’ensemble de clauses de non-concurrence dans la mesure où l’arrêt du 10 juillet 2002 vise non seulement l’article L.120-2 du code de travail, mais également « le principe fondamental de libre exercice d’une activité professionnelle «…». M.-E.

ANDRE, M.-P. DUMONT, Ph. GRIGNON, L’après-contrat, Francis Lefebvre, 2005, n° 192, p.163 ; Ch.

JAMIN, Clause de non-concurrence, D. 2003, p.2878. V. aussi, D. FERRIER, Appartenance de la

clientèle et clause de non-concurrence, Cah. dr. entr. 1983/1, p.21 ; J. BEAUCHARD, Droit de la

distribution et de la consommation, PUF 1996, p.199. 1080

J -J. BURST, La clientèle et la clause de non-concurrence, Cah. dr. entr. 1983/1, p.21. D. BASCHET,

La franchise, Guide juridique-Conseils pratiques, Gualino éditeur, 2005, n° 904, p.419 et s : « Outre les difficultés pour en déterminer le montant sur le fondement soit du chiffre d’affaires, soit du résultat, soit l’équivalent de la valeur du fonds, une telle proposition, si elle était retenue par les tribunaux, aurait un effet dévastateur pour la franchise. Il serait en effet anormal qu’un franchiseur, en contrepartie d’une clause de non concurrence, soit amené à payer à son ancien franchisé une indemnité dont le montant pourrait être supérieur au droit d’entrée et aux redevances encaissées. Retenir le principe constituerait un frein certain au développement de la franchise ».

Page 332: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

327

Certes, la détermination de l’indemnité ou de la contrepartie financière, qui devrait

accordée au franchisé en contrepartie de son obligation de non-concurrence après la

cessation du contrat, peut susciter certaines difficultés techniques. Néanmoins, ces

difficultés ne sont pas infranchissables. Le montant de cette indemnité pourrait, par

exemple, être fixé par rapport à un pourcentage du chiffre d’affaires ou par rapport à un

droit d’entrée ou à une redevance. Décider autrement et refuser au franchisé toute

indemnité en contrepartie de son obligation de non-concurrence ne serait pas seulement

injuste mais aussi illogique. Injuste parce que l’ex-franchisé serait privé de la clientèle

qu’il avait créée ou développée sans aucune contrepartie. Illogique, parce que, comme

le relèvent certains auteurs1081

, il n’est pas possible, d’une part, d’admettre que la

clientèle reste attachée au franchisé, ce qui a pour effet de le priver de toute indemnité

pour perte de clientèle, et, d’autre part, de valider la clause de non-concurrence qui

expose ce même franchisé au risque de perdre son fonds de commerce. Par ailleurs, une

telle solution s’harmoniserait difficilement avec la plupart des systèmes juridiques

européens qui subordonnent la validité de l’obligation de non-concurrence à l’existence

d’une contrepartie1082

. Tel est le cas, par exemple, du droit suisse dont l’article 418-d)

al.2 du code des obligations reconnaît au franchisé, au concessionnaire et à l’agent

commercial le droit à une indemnité en contrepartie de son obligation de non

concurrence après la rupture du contrat1083

. Il en va de même pour les droits italien,

allemand, néerlandais, danois, et belge1084

.

Notons, toutefois, qu’il y a une évolution de la part de la jurisprudence en la

matière. Un arrêt récent rendu par la Chambre commerciale le 9 novembre 2007 a admis

l’indemnisation d’un ancien franchisé tenu d’un engagement de non-concurrence post-

contractuel1085

.

1081

Ph. Le TOURNEAU. M.ZOÏA, Franchisage, J-CI Contrats distribution, 2002, fasc., 1050, n° 170 :

« ou bien le franchisé est soumis à une obligation de non-concurrence et reçoit une indemnité de clientèle ; ou bien il ne reçoit, en fin de contrat, aucune indemnité, mais peut continuer d'exercer son activité ». 1082

Sur la question de l’harmonisation, v. L’harmonisation du droit des contrats en Europe, sous la dir. C.

Jamin et D. Mazeaud, Economica, 2001. 1083

T. DE HALLER, Le contrat de franchise en droit suisse, th., Lausanne, 1978, p.142. 1084

C. CASEAU-ROCHE, Les obligations post-contractuelles, thèse, Paris I, 2001, n° 380, p.304. F

DELY, Les clauses de non-concurrence dans les contrats internationaux, RDAI / 2006, n°4, p.441. De

même H. LESGUILLONS, Les clauses de non-concurrence en droit européen de la concurrence, RDAI /

2006, n°4, p.495. 1085

Cass. com., 9 novembre 2007, D. 2008, p.388, obs. D. FERRIER ;JCP E 2008, 1020, note. N.

DISSAUX. ; RTD civ.2008, p., obs. P.-Y. GAUTIER.

Page 333: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

328

En l’occurrence, six contrats de franchise avaient été conclus pour une durée de

deux ans, renouvelable par période d’un an. Après plusieurs renouvellements, le

franchiseur promoteur du réseau a refusé de reconduire cinq des contrats arrivés à leur

échéance et il a résilié le sixième sans préavis. Par l’intermédiaire de son liquidateur

judiciaire, le franchisé l’a assigné alors en paiement de diverses sommes, et notamment

le paiement d’une indemnité de clientèle liée à la cessation des contrats. Les juges du

fond l’ont débouté de sa demande. Le liquidateur s’est pourvu en cassation. Accueillant

son pourvoi, la Chambre commerciale a cassé l’arrêt d’appel, au visa de l’article L.1371

du Code civil, en décidant qu’ « alors qu’elle constatait, tout à la fois, que le franchisé

pouvait se prévaloir d’une clientèle propre, et que la rupture du contrat stipulant une

clause de non-concurrence était le fait du franchiseur, ce dont il se déduisait que

l’ancien franchisé se voyait dépossédé de cette clientèle, et qu’il subissait en

conséquence un préjudice, dont le principe était ainsi reconnu et qu’il convenait

d’évaluer, au besoin après une mesure d’instruction, la cour d’appel a violé le texte

susvisé ».

Cet arrêt est intéressant, d’autant plus qu’il reconnaît que la clause de non-

concurrence dépossède le franchisé de sa clientèle qui lui est propre. La Chambre

commerciale évoque, en l’espèce, la théorie de l’enrichissement comme fondement de

l’indemnisation de l’ancien franchisé tenu par une obligation de non-concurrence post-

contractuelle.

Pour autant, sa portée devrait être restreinte. Effectivement, contrairement à ce

qu’a fait la Chambre sociale, la Chambre commerciale ne subordonne pas expressément

la validité de la stipulation d’une clause de non-concurrence à l’existence d’une

indemnité, ce qui rend hâtif d’affirmer que l’obligation de non-concurrence post-

contractuelle à la charge du franchisé ne peut être admise qu’en présence d’une

contrepartie financière versée à ce dernier

Page 334: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

329

315. En définitive. La stipulation d’une clause de non-concurrence post-contractuelle

dans un contrat de franchise est admise lorsqu’elle est limitée dans le temps et dans

l’espace et quant à l’activité et proportionnelle à l’activité qu’elle vise à protéger. Une

fois qu’elle satisfait à toutes ces conditions, la clause de non-concurrence devient

opposable au franchisé. Celui-ci doit la respecter, sous peine d’engager sa responsabilité

pour concurrence illicite

B. Mise en œuvre de la clause de non-concurrence post-contractuelle

316. Champ et effets de la clause de non-concurrence. La clause de non-concurrence

à effet post-contractuel prend effet aussitôt que la cessation du contrat de franchise a

lieu. Peu importe la cause de cette cessation. Le franchisé, qu’il s’agisse d’une

personne physique ou d’une personne morale, et toute personne autour de lui ayant

participé à l’exploitation de la franchise, s’interdit de se livrer à toute activité

susceptible de concurrencer directement ou indirectement le franchiseur après la rupture

du contrat (1), Le non-respect de cet engagement engage la responsabilité contractuelle

du franchisé pour concurrence illicite ainsi que la responsabilité délictuelle du tiers

complice sur le fondement de la concurrence déloyale (2).

1. Portée de la clause de non-concurrence

317. Nature personnelle de l’engagement de non-concurrence : principe et

exception. En vertu du principe de l’effet relatif du contrat 1086

et en raison de la nature

personnelle de l’obligation de non-concurrence post-contractuelle, cette obligation ne

pèse que sur le franchisé qui l’a souscrite.

1086

Sur le principe de l’effet relatif, v. D. MAZEAUD, Contrat, responsabilité et tiers (Du nouveau à

l’horizon), in Libre droit, Mélanges. Ph. Le TOURNEAU, Dalloz, 2008, p.745 et s ; M. GRIMALDI, Le

contrat et les tiers, in Libres propos sur les sources du droit, Mélanges. Ph. Jestaz, Dalloz, 2006, p.163 ;

Ph. DIDIER, L’effet relatif, in Les concepts contractuels français à l’heure des principes du droit

européen des contrats, Dalloz, 2003, p.187 ; M. BACACHE-GELLI, La relativité des conventions et les

groupes de contrats, LGDJ, 2000, préface Y. Lequette ; Ph. DELMAS-SAINT HILAIRE, Le tiers à l’acte

juridique, la notion de partie, LGDJ, 2000, préface J. Hauser ; A. WEILL, La relativité des contrats en

droit privé français, th., Strasbourg, 1939 ; J.-L. GOUTAL, Recherche sur le principe de l’effet relatif des

contrats, th., Paris II, 1977.

Page 335: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

330

Elle ne saurait être opposable à son conjoint ou à ses ayants cause. Ceux-ci sont

des tiers, et donc ils ne sont pas tenus d’une telle obligation1087

. Toutefois, un tel

principe n’est pas sans exceptions. En effet, la clause de non-concurrence post-

contractuelle peut être opposable au conjoint du franchisé et à ses ayants cause lorsque

les circonstances révèlent qu’ils ont participé activement à l’exploitation de la

franchise1088

. Dans cette hypothèse, leur activité après la rupture du contrat peut

présenter certains dangers pour le franchiseur. Par conséquent, ils peuvent être tenus de

l’obligation de non-concurrence souscrite par le franchisé. Il y a là nécessité de protéger

les intérêts du franchiseur1089

.

318. Clause de non-concurrence post-contractuelle et écran de la personnalité

morale. Lorsque la clause de non-concurrence est souscrite par une personne morale,

cette clause produit des effets juridiques non seulement à l’égard de cette personne

morale, mais aussi à celui de ses dirigeants. Elle est opposable à tous les composants de

la société. Comme le relève un auteur : « L’écran de la personnalité morale ne fait pas

obstacle à ce que soit reconnue l'existence d'une obligation de non-concurrence de

plein droit à la charge du dirigeant social si l'engagement avait été souscrit par la

société »1090. Ainsi, sont tenus de l’obligation de non-concurrence souscrite par la

société franchisée les associés de celle-ci, ses dirigeants et toute personne membre de la

société franchisée. La clause de non-concurrence souscrite par celle-ci leur est

opposable. Sa violation par l’un d’eux engagera sa responsabilité.

Cette solution est illustrée par un arrêt du 18 février 2004 rendu par la Cour de

Nancy1091

. Celle-ci a jugé que « dès lors que la clause de non-concurrence interdit au

cédant de s’intéresser directement ou indirectement à tout établissement concurrent, la

clause doit être interprétée comme assujettissant non seulement la société, cédant les

parts sociales, expressément et directement mentionnée dans l’acte de cession, mais

également le gérant de la société ».

1087

CA Poitiers 17 juin 1981, JCP G 1984, II, 20184, note J. BEAUCHARD. 1088

V. M. MALAURIE-VIGNAL, Clause de non-concurrence, J-CI Contrats distribution, 2000, fasc 120,

n°35. 1089

Ibid. 1090

M. MALAURIE-VIGNAL, Clause de non-concurrence, op.cit., n° 37. 1091

CA Nancy, 18 février 2004, Contrats, conc. consom. 2005, n° 27, comm. M. MALAURIE-VIGNAL.

Page 336: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

331

Cette solution, rendue à propos d’une clause de non-concurrence applicable

pendant l’exécution du contrat de concession, peut être transposable à la clause de non-

concurrence post-contractuelle dans un contrat de franchise1092

. Elle peut être fondée sur

le double principe de la loyauté et de l’opposabilité de la clause de non-concurrence.

Reste maintenant à aborder les sanctions de la violation des clauses de non-concurrence.

2. Sanction de la violation de la clause de non-concurrence

319. Condamnation à l’exécution forcée. Lorsqu’un contrat de franchise contient une

clause de non-concurrence post–contractuelle à la charge du franchisé -ce qui est

fréquemment le cas-, celui-ci doit respecter cette clause. Il doit s’abstenir de se livrer à

toute activité commerciale susceptible de concurrencer son ancien franchiseur dans la

zone contractuellement déterminée.

Le franchiseur peut obtenir l’exécution forcée de la clause de non–concurrence en

cas de manquement de celle-ci par le francisé évincé du réseau1093

, et ainsi faire cesser

la concurrence illicite procédée par ce dernier1094

. Dans cette optique, il est à noter que

la violation d’une clause de non-concurrence par le franchisé donne souvent lieu à une

procédure de référé1095

. Le franchiseur, qui s’estime victime d’une concurrence illicite

de la part de l’ancien franchisé, peut saisir le juge des référés et lui demander de

prescrire des mesures, conformément aux articles 809 et 873 du nouveau Code de

procédure civile, pour prévenir un dommage imminent ou faire cesser un trouble

manifestement illicite causée par la concurrence faite par l’ancien franchisé. Il peut

aussi demander la condamnation du franchisé défaillant à des dommages et intérêts.

1092

En ce sens, Ph. Le Tourneau, Les contrats de franchisage, Litec 2003, n°811, p.291. 1093

CA Versailles, 11 mai 2006, Juris-Data 2006-313422. Dans cet arrêt, il a été jugé que s’il est constant

qu’après la résiliation de leur contrat de franchise, les deux franchisés ont violé la clause de non-

concurrence en poursuivant la même activité dans les mêmes locaux sous enseigne concurrente, le

franchiseur ne peut cependant demander la cessation de l’activité concurrente car la période de trois ans

de validité de la clause de non-concurrence stipulée a expiré. Le franchiseur ne peut que demander des

dommages et intérêts. 1094

CA Paris, 1er

juillet 1993, LPA 18 octobre 1993, n°125 p.12, note. O. GAST. 1095

CA Paris, 20 juin 2007, n° 05/ 04931. Sur la question du juge des référés de manière générale, v. B.

MELIN-SOUCRAMANIEN, Le juge des référés et le contrat, PAUM, 2000, préface J. Mestre.

Page 337: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

332

320. Condamnation à des dommages et intérêts. Si l’ancien franchisé se livre à une

activité concurrente à celle du franchiseur en dépit de la présence d’une obligation de

non-concurrence mise à sa charge, il commet alors une faute engageant sa responsabilité

contractuelle. En pareille hypothèse, le franchisé agit sans droit1096

. Le franchiseur peut

obtenir des dommages et intérêts, sur le fondement de la concurrence illicite, pour le

préjudice qu’il a subi du fait de la concurrence du franchisé. Mais pour cela, le

franchiseur doit d’abord rapporter la preuve du manquement du franchisé à l’obligation

de non-concurrence. A défaut de cette preuve, son action sera rejetée1097

. Toutefois, si la

preuve de la violation de la clause de non-concurrence post-contractuelle par le

franchisé est indispensable, il n’est pas nécessaire, pour pouvoir mettre en jeu sa

responsabilité, que des faits concurrentiels soient établis. Il suffit seulement que les

conditions de l’atteinte soient réunies.

En d’autres termes, pour que le franchisé soupçonnée d’une concurrence illicite

puisse être condamné à des dommages et intérêts, il n’est pas indispensable qu’un acte

de concurrence soit consommé, il suffit seulement qu’il se trouve en situation de

concurrence avec le franchiseur1098

. A vrai dire, l’existence du préjudice est présumée.

Pour les juges, celui-ci s’infère du trouble illicite engendré par la violation de la clause

de non-concurrence1099

. Par conséquent, une condamnation pourra être prononcée à

l’égard de l’ancien franchisé si la violation de la clause de non-concurrence est

constatée, même si la preuve du détournement de la clientèle n’est pas rapportée par le

franchiseur1100

.

1096

M.-L. IZORCHE, Les fondements de la sanction de la concurrence déloyale et du parasitisme, RTD

com.1998, p.17 et spéc., n°7,p.20. 1097

Cass. com., 20 juin 2006, Pourvoi n° 04-14. 663. Dans cet arrêt, la Chambre commerciale a approuvé

l’arrêt d’appel en décidant ainsi : « Mais attendu, en premier lieu, qu’ayant relevé que le franchiseur réclamait des dommages et intérêts en alléguant que le franchisé avait poursuivi son activité pendant la durée de la procédure, la cour d’appel n’était pas tenue de s’expliquer sur un courrier qui, quels qu’en soient les termes relatifs à l’écoulement des stocks, était antérieur à la délivrance de l’assignation, et a pu constater qu’aucune pièce ne venait justifier de la réalité d’une telle poursuite d’activité, notamment sous la forme de cet écoulement… ». 1098

Y. SERRA, obs.sous.CA Versailles, 25 janvier 1994, D. 1995, p.205. V. aussi, D. LEGAIS, Clause de

non-concurrence, J-C1 Commercial, 2001, fasc. 256, n°46. 1099

V. par exemple, Cass. com. 9 octobre 2001 ;RTD civ. 2002, p. 304, obs. P. JOURDAIN; Contrats.

conc. consom., 2000, com. n° 6, M. MALAURIE-VIGNAL. Egalement, v. M.-L. IZORCHE, Les

fondements de la sanction de la concurrence déloyale et du parasitisme, RTD com.1998, p.17 et spéc., n°

44, p. 36. 1100

Pour illustration récente de cette solution, v. Cass. civ., 1er

, 31 mars 2007, n° 05-19. 978 ; RLDC.

2007, n° 42, obs. C. Le GALLOU.

Page 338: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

333

321. Evaluation des dommages et intérêts. Une fois l’allocation de dommages et

intérêts au franchiseur admise par le juge, se pose la question de son évaluation. En

réalité, la question de la détermination du montant de l’indemnité allouée au franchiseur

relève de l’appréciation souveraine du juge du fond1101

. Celui-ci tient compte, dans la

fixation du montant des dommages et intérêts, de la baisse du chiffre d’affaires subi par

le franchiseur1102

, et éventuellement des dépenses faites par ce dernier en vue de faire

cesser le trouble manifestant de la concurrence illicite faite par l’ancien franchisé.

322. Clause pénale. Parfois, le montant des dommages et intérêts dus en cas de la

violation de clause de non-concurrence est fixé par le contrat lui-même1103

. Afin

d’inciter le franchisé à respecter son obligation de non-concurrence et d’éviter toute

évaluation du préjudice plus au moins arbitraire par le juge, les franchiseurs veillent

fréquemment à insérer dans le contrat de franchise une clause pénale qui fixe

forfaitairement le montant des dommages et intérêts dont le franchisé sera tenu en cas

d’éventuelle violation de son obligation de non-concurrence post-contractuelle1104

.

Toutefois, pour être efficace, le montant fixé par la clause pénale ne doit pas être

excessif. En effet, conformément à l’article 1152 du code civil, le juge peut intervenir

pour minorer ou augmenter la peine si elle est manifestement excessive ou dérisoire.

323. Tiers complice. L’action en dommages et intérêts du franchiseur peut ne pas se

limiter au franchisé défaillant mais s’étendre à tout tiers qui se rend complice de la

violation de la clause de non-concurrence. Ce dernier engage sa responsabilité

délictuelle pour concurrence déloyale si le franchiseur rapporte la preuve de sa

complicité dans la violation de la clause de non-concurrence et celle du préjudice en

résultant pour lui1105

.

1101

Sur l’évaluation des dommages et intérêts, supra n° 277. 1102

CA Paris, 1er

février 2006, Juris-Data n° 2006-309721. 1103

CA 20 juin 2007, n° 05/ 04931. 1104

V. M.-E. ANDRE, M.-P. DUMONT, Ph. GRIGNON, L’après-contrat, Francis Lefebvre, 2005,

n° 210, p.177 ; M. MALAURIE-VIGNAL, Clause de non-concurrence- sanction, J- Cl. Contrats de

distribution, 2000, fasc.125, n°45. 1105

V. par exemple, Cass. com., 22 février 2000, n° 97. 18-728, LAP 13 novembre 2000, p. 14.

Page 339: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

334

A cet égard, on note que les conditions de l’engagement de la responsabilité

délictuelle du tiers sont relativement souples. La jurisprudence n’exige pas, en effet,

pour juger complice tout franchiseur concurrent, que le franchiseur victime prouve qu’il

avait incité l’ancien franchisé à la violation de son engagement de non-concurrence à

effet post-contractuel, mais seulement qu’il démontre qu’il a eu connaissance d’un tel

engagement. Autrement dit, la seule preuve de la connaissance de l’existence d’une

clause de non-concurrence post-contractuelle liant le franchisé suffit à engager la

responsabilité délictuelle d’un tiers complice pour concurrence déloyale1106

. Cette

connaissance de l’existence d’une clause de non-concurrence, fait générateur de la

responsabilité délictuelle de tout tiers, peut parfois être présumée par le juge en raison

de la stipulation fréquente de la clause de non-concurrence en matière de contrats de

franchise1107

. Quant à la preuve du préjudice, la jurisprudence considère que ce

préjudice s’infère des actes déloyaux auxquels a donné lieu la violation de la clause de

non-concurrence1108

. Une telle souplesse favorable au franchiseur ne se réduit pas au

seul cas de la violation des clauses de non-concurrence. Elle se rencontre aussi en

matière de clauses de non- affiliation.

§ 2. La clause de non-affiliation

324. Impossibilité de l’appartenance à un réseau concurrent. Le souci de préserver

le savoir-faire acquis par l’ancien franchisé pendant toute la durée de l’exécution du

contrat et la volonté de préserver un marché local précédemment couvert par le

franchisé amène souvent le franchiseur à insérer dans le contrat de franchise une clause

de non-affiliation. Selon cette clause, le franchisé s’interdit de s’affilier à un groupe ou

à un réseau concurrent après la cessation des relations contractuelles. La validité d’une

telle clause est admise en droit positif dès lors qu’elle est limitée dans le temps et dans

l’espace et justifiée par des intérêts légitimes du franchiseur (A). Une fois admise, la

clause de non-affiliation produit des effets juridiques à l’égard du franchisé. Toute

violation par celui-ci de cette clause l’expose à des sanctions civiles (B).

1106

Cass. com., 22 février 2000, précité. 1107

V. Lamy économique, 2007, n° 2640 et la jurisprudence citée. 1108

M.-L. IZORCHE, Les fondements de la sanction de la concurrence déloyale et du parasitisme, RTD

com. 1998, p. 17, et spéc., n ° 44, p. .36.

Page 340: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

335

A. Licéité de la clause de non- affiliation

325. Validité de la clause de non-affiliation. Fréquemment, les contrats de franchise

contiennent des clauses dites clauses de non-affiliation. Contrairement aux clauses de

non-concurrence, ces clauses n’interdissent pas à l’ancien franchisé la possibilité de

poursuivre son activité ou d’exercer une autre activité similaire à celle qui était la sienne

au sein du réseau, mais seulement d’entrer ou de s’affilier, ou même de participer, de

quelque manière que ce soit, directement ou indirectement, à un réseau concurrent1109

.

Elles sont souvent rédigées comme suit : « Le franchisé s’engage expressément à ne pas

s’affilier, adhérer, ou participer de quelque manière que ce soit, à une chaîne

concurrente du franchiseur ou en créer une lui-même et plus généralement à se lier à

tout groupement, organisme, ou entreprise directement concurrente du franchiseur.

Cette interdiction sera effective pour une durée d’un an et pour le territoire exclusif

accordé au franchisé »1110.

En réalité, les clauses de non-affiliation présentent d’indéniables intérêts pour les

parties, notamment pour le franchiseur au profit de qui elles sont stipulées. D’une part,

elles garantissent la protection du savoir-faire acquis par l’ancien franchisé pendant

toute la durée de l’exécution du contrat. Comme le relève un auteur « l’ex-franchisé

hors de toute structure, ne disposera pas de moyens nécessaires pour maintenir

compétitif le savoir-faire qui lui aura été transmis au cours de son contrat de franchise,

lequel deviendra vite obsolète. En revanche, ce savoir-faire ou cette image de marque

pourra être plus facilement récupéré et être retraité par un réseau concurrent qui, lui,

disposera des moyens de le faire évoluer et de lui conserver son caractère d’avantage

concurrentiel.

1109

M. DEPINCE, La clause de non-réaffiliation, Dr et patr. 2007, n°155, p. ; Ph. le TOURNEAU, Les

contrats de franchisage, 2e édition, 2007, n° 680, p. 298 ; et s ; M. MALAURIE-VIGNAL, Droit de la

distribution, Sirey 2006, n° 726, p.196 et s ; H. KENFACK, Fin des incertitudes sur la clause de non -

réaffiliation ?, Rev. Lamy. dr. aff. 2006, n°5, p.39 ; J.-M. MOUSSERON, Technique contractuelle,

Francis Lefebvre, 3e édition, 2005, par P. MOUSSERON, J. RAYNARD, J.-B. SEUB, n°1463 ; H.

BENSOUSSAN, La « clientèle au franchisé », facteur d’illégitimité de la clause de non-rétablissement,

D.2001, p.2498 ; E. SEUTET, Les clauses post- contractuelles de non–concurrence et de non–affiliation,

D. Aff. 1999, p.1157 ; E. GASTINEL, Les effets juridiques de la cessation des relations contractuelles :

obligation de non-concurrence et de confidentialité, in La cessation des relations contractuelles d’affaires,

PUAM, 1997, p.197, et spéc., p.199. 1110

V. site internet www. Observatoire de la franchise.fr

Page 341: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

336

Ainsi, pour un ancien franchisé Jacques Dessange, le danger ne vient pas de la

transformation de son ex-franchisé en « Ginette Coiffure », mais de l’ouverture d’un

salon de coiffure Jean Louis David »1111. D’ autre part, elles facilitent au franchiseur

l’installation d’un nouveau franchisé sur la zone géographique, et par conséquent,

assurent la préservation du marché local précédemment couvert par l’ancien

franchisé1112

. Toutefois, la question est de savoir si la stipulation de telles clauses en

matière de contrats de franchise est licite en droit positif.

Une réponse positive ne fait aucun doute. En effet, la jurisprudence reconnaît la

validité de la stipulation des clauses de non-affiliation dans le domaine des contrats de

franchise1113

. Selon elle, en vertu du principe de la liberté contractuelle, les parties à un

contrat de franchise peuvent stipuler dans leur contrat une clause imposant à la charge

du franchisé une obligation de non-affiliation à un réseau concurrent après la rupture du

contrat.

326. Conditions de validité : assimilation au régime des clauses de non-

concurrence ? Cependant, et parce que les clauses de non-affiliation ont pour fonction

de restreindre la liberté du commerce et de l’industrie du franchisé, leur validité n’est

pas sans être soumise à certaines conditions.

En effet, certains arrêts considèrent que les clauses de non-affiliation doivent être

soumises au même régime que des clauses de non-concurrence. Ils affirment que, pour

être valables, les clauses de non-affiliation doivent être non seulement limitées dans le

temps et dans l’espace et être justifiées par un intérêt légitime, mais aussi qu’elles

doivent être proportionnées par rapport à l’intérêt qu’elles visent à protéger. Ainsi qu’il

a été jugé dans un arrêt du 23 mars 20041114

.

1111

E. GASTINEL, Les effets juridiques de la cessation des relations contractuelles : obligation de non-

concurrence et de confidentialité, op.cit., p.199. 1112

M. DEPINCE, La clause de non-réaffiliation, Dr et patr. 2007, n°155. 1113

Cass. civ 1er

, 20 septembre 2006, Pourvoi n° 04-14.015, Arrêt n° 1323 ; Cass.com. 17 janvier 2006,

Rev. Lamy. dr. civ. 2006, n°25, p.10, note. S. DOIREAU ; Contrats. conc. consom., 2006, n °67, comm.

M. MALAURIE-VIGNAL ; CA Paris 18 décembre 1998, D. Affaire, 1999, p.420, obs. E.P. 1114

CA Rennes, 23 mars 2004, JCP E 2005, 446, n° 9, obs. Y.-J. RAYNARD. V. plus récemment, Cass.

com.,18 décembre 2007, Juris-Data n° 2007-042105 ; Caen 29 septembre 2006 ; Contrats, conc. consom.,

2006, n°7, comm.,n°132, obs. M. MALAURIE-VIGNAL.

Page 342: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

337

Dans cet arrêt, la Cour d’appel de Rennes a déclaré que la clause est « illicite dans

la mesure où elle ne tend pas à la protection d’un savoir-faire substantiel et identifié

(…), mais vise exclusivement à protéger un territoire et à assurer la reconstitution

locale du réseau en empêchant le franchisé de s’affilier à un autre réseau afin de

bénéficier de l’expérience et de la notoriété de celui-ci, ce qui constitue une entrave à

la libre concurrence et un avantage pour le franchiseur sans aucune contrepartie,

même si le franchisé conserve la possibilité d’exercer le commerce en dehors de toute

enseigne préexistante. La clause litigieuse, qui n’est pas proportionnée à la

sauvegarde des intérêts légitimes du franchisé, est donc de nul effet ». Ainsi, il y a donc

une assimilation du régime des clauses de non-concurrence et des clauses de non-

affiliation. Les deux doivent, outre la limitation dans le temps et dans l’espace et, être

justifiées par la nécessité de protéger les droits de propriété industrielle ou de maintenir

l’identité commune et la réputation du réseau, être proportionnées au regard de l’objet

du contrat. Toutefois, il est à souligner que cette assimilation du régime entre les clauses

de non-affiliation et celles de non-concurrence post-contractuelle ne peut être affirmée

avec certitude.

En effet, d’autres arrêts semblent apprécier les conditions de validité des clauses de

non-affiliation avec moins de sévérité que celles des clauses de non-concurrence. Ils se

contentent souvent d’affirmer que, pour être valables, les clauses de non-affiliation

doivent être limitées dans le temps et dans l’espace et justifiées par la nécessité de

protéger les intérêts légitimes du franchiseur. Ils ne soulignent pas si ces clauses doivent

ou non être proportionnelles par rapport à l’intérêt légitime qu’elles visent à protéger.

Tel est le cas de l’arrêt de la Cour d’appel de Paris rendu le 18 décembre 19981115

. Dans

cette décision, la Cour a jugé que « la clause interdisant l’adhésion à un réseau de

franchise dans le délai de deux années à l’issue du contrat n’est ni nulle ni susceptible

d’une application réduite à une année comme non- conforme aux normes

communautaires ; en effet, le règlement d’exemption 4087 du 30 novembre 1988 qui

limite à une année l’application d’une clause contractuelle de non concurrence ne

concerne que les clauses de non-rétablissement de l’ancien franchisé et non la clause

litigieuse qui porte sur l’adhésion à un réseau concurrent ».

1115

CA Paris 18 décembre 1998, D. Affaire, 1999, p.420, obs. E.P.

Page 343: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

338

Cette attitude jurisprudentielle, consistant à apprécier moins sévèrement les

conditions de validité des clauses de non-affiliation par rapport à celles de non-

concurrence, semble même être retenue par la Cour de cassation, comme l’illustre un

arrêt du 17 janvier 20061116

.

En l’espèce, un contrat de franchise contenait une clause de non–affiliation selon

laquelle le franchisé s’interdisait de s’affilier à un réseau concurrent pour une période de

trois ans suivant la fin du contrat. Toutefois, le franchisé avait tenté de remettre en cause

la validité de cette clause en invoquant le règlement n° 4087/88 de la Commission du 30

novembre 1988. Ce franchisé prétendait que la clause de non-affiliation que le contrat

lui imposait était stipulée pour une durée de trois ans, alors qu’vertu de ce règlement,

l’obligation pour le franchisé de ne pas exercer, directement ou indirectement, une

activité commerciale ou similaire doit être limitée à un an. Cependant, le tribunal

arbitral ne lui a pas donné raison, et l’a condamné à des dommages et intérêts pour

violation de la clause de non-affiliation. Les juges du fond ont approuvé cette sentence

en rejetant le recours en annulation formé par le franchisé. Le franchisé s’est pourvu en

cassation.

Or, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi en déclarant : « attendu que l’article 3,

paragraphe 1 du règlement CE n° 4087/88 de la Commission des Communautés

européennes concernant l’application de l’article 85, paragraphe3, devenu l’article 81

du Traité, à des catégories d’accord de franchise permet d’imposer au franchisé

l’obligation de ne pas exercer, directement ou indirectement, une activité commerciale

similaire dans un territoire où il concurrencerait un membre du réseau franchisé, y

compris le franchiseur, dans la mesure où cette obligation est nécessaire pour protéger

des droits de propriété industrielle ou intellectuelle du franchiseur ou pour maintenir

l’identité commune ou la réputation du réseau franchisé ; qu’ ayant retenu que la

clause de non-affiliation n’interdisait pas la poursuite d’une activité commerciale

identique et se trouvait limitée dans le temps et dans l’espace, c’est à bon droit que la

cour d’appel, qui a constaté que la décision arbitrale était motivée, a retenu que cette

clause ne violait aucune règle d’ordre public et a rejeté le recours en annulation ».

1116

Cass. com., 17 janvier 2006, Juris-Data n ° 2006-031799; Rev. Lamy. dr. civ. 2006, n°25, p.10, note.

S. DOIREAU; Contrats. conc. consom., 2006, n° 67, comm. M. MALAURIE-VIGNAL.

Page 344: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

339

Pour la Cour de cassation, dès lors qu’elle est limitée dans le temps et l’espace et

qu’elle se justifie par la nécessité de la protection des intérêts légitimes du franchiseur,

la clause de non-affiliation est donc licite. Une telle appréciation moins sévère des

conditions de validité des clauses de non- affiliation par rapport à celles de non-

concurrence s’explique sans doute par le fait que de telles clauses ne visent pas à

interdire à l’ancien franchisé d’exercer son activité ou toute autre activité similaire, mais

simplement à s’affilier dans un autre réseau ou groupe concurrent du franchiseur après

la rupture du lien contractuel1117

.

327. Position. Pourtant, elle ne nous paraît pas justifiée1118

. De la même manière que les

clauses de non-concurrence post-contractuelle, les clauses de non-affiliation sont aussi

contraignantes pour le franchisé1119

. Toutes deux visent à restreindre l’activité du

franchisé. Les clauses de non- affiliation portent atteinte à la possibilité pour le

franchisé de continuer à exercer son activité. Elles peuvent constituer, pour le franchisé

évincé du réseau, un handicap redoutable dans certains domaines tel, par exemple, que

la matière de la franchise hôtellerie ou industrielle ou même en matière de franchise de

location de voitures où seule une activité en réseau peut se révéler rentable.

Dès lors, le bon sens impose que les clauses de non-affiliation soient soumises aux

mêmes conditions de validité que les clauses de non-concurrence. Leur validité doit être

soumise à l’examen de la nécessité de la protection des intérêts légitimes du franchiseur.

Il en va de même pour l’exigence de proportionnalité. Il faut même aller au-delà en

soumettant la validité de telles clauses à une contrepartie financière.

1117

En ce sens, M.-E. ANDRE, M -P. DUMONT, Ph. GRIGNON, L’après -contrat, Ed. Francis Lefebvre,

2005, n° 194, p. 164. 1118

En ce sens, M. DEPINCE, La clause de non-réaffiliation, Dr et patr. 2007, n°155 ; M. MALAURIE-

VIGNAL, Droit de la distribution, Sirey, 2006, n° 727, p.196 et s ; du même auteur, obs sous Cass.com.,

17 janvier 2006, Contrats. conc. conso., 2006, n° 67 ; H. KENFACK, Fin des incertitudes sur la clause de

non-réaffiliation ? , Rev. Lamy. dr. aff. 2006, n°5, p.39 ; M -E. ANDRE, M -P. DUMONT, Ph.

GRIGNON, L’après -contrat, Ed. Francis Lefebvre, 2005, n°194, p. 164 ; CA Paris 18 décembre 1998, D.

Affaire, 1999, p.420, obs. E .P 1119

E .P, obs sous CA Paris 18 décembre 1998, précitée : « la liberté laissée à l’ancien franchisé de reprendre immédiatement l’exploitation de sa jardinerie a, en réalité, une portée très relative. Condamné à rester un commerçant indépendant, il risque de ne plus pouvoir, sans le soutien d’un nouveau réseau, maintenir son offre, ses prix, ses services ou tout autre avantage commercial et concurrentiel résultant de l’appartenance à une autre enseigne du type de celle qu’il vient de quitter ».

Page 345: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

340

Ainsi, on peut, peut-être, arriver à une bonne conciliation entre la nécessité de

protéger les intérêts du franchiseur et la liberté du franchisé d’entreprendre. Liberté qui

se trouve tellement restreinte en présence d’une clause de non-affiliation étant donné

que la violation de celle-ci par le franchisé l’exposera à des dommages et intérêts.

B. Sanction de la violation de l’obligation de non-affiliation

328. Exécution forcée : sanction concevable, mais rare. En cas de violation de la

clause de non-affiliation par l’ancien franchisé, le franchiseur peut s’adresser au juge,

notamment au juge des référés, et lui demander de le faire condamner à l’exécution

forcée de son obligation. En pareille hypothèse, le juge, saisi du litige, peut ordonner à

l’ancien franchisé défaillant de se retirer du réseau concurrent auquel il est affilié ou

simplement lui interdire, s’il se trouve pendant la phase précontractuelle de négociation,

de contracter avec le futur réseau de franchise concurrent1120

329. Condamnation à des dommages et intérêts. Lorsque le contrat de franchise

contient une clause de non-affiliation, le franchisé doit respecter cette clause. Tout

manquement par lui engage sa responsabilité contractuelle sur le fondement de la

concurrence illicite. Le franchiseur peut le faire condamner à des dommages et intérêts

pour le préjudice qu’il a subi de son affiliation du réseau concurrent. Toutefois, il faut

noter que, pour obtenir réparation, le franchiseur doit démontrer, non l’état de la

concurrence dans laquelle se trouve l’ancien franchisé, comme est le cas en matière de

clauses de non-concurrence post-contractuelle, mais l’appartenance de celui-ci à un

réseau concurrent1121

.

1120

V. M. DEPINCE, La clause de non-réaffiliation, Dr et patr. 2007, n°155. 1121

V. Cass. soc.,31 mai 2007, Contrats, conc., consom.2007, n°10, comm. 263, obs. M. MALAURIE-

VIGNAL

Page 346: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

341

330. Evaluation du montant des dommages et intérêts. Quant au montant des

dommages et intérêts dus par le franchisé défaillant au franchiseur victime, la

détermination de celui-ci se fait, de la même manière qu’en matière de clauses de non-

concurrence, en fonction de la baisse du chiffre d’affaires subi par le franchiseur1122

et,

le cas échant, en tenant compte des frais réalisés par le franchiseur afin de minimiser

son préjudice résultant de la violation par l’ancien franchisé de son obligation de non-

affiliation.

Notons, enfin, que le montant des dommages et intérêts dus par le franchisé en cas

de violation de la clause de non-affiliation est parfois prévu au contrat par la stipulation

d’une clause pénale.

331. Clause pénale. Il est possible que le montant des dommages et intérêts dus,en

raison de l’inobservation par l’ancien franchisé de son obligation de non-affiliation, soit

déterminé par avance par une clause pénale. Notons, toutefois, que le montant des

dommages et intérêts fixé par la clause pénale ne doit pas être excessif ou dérisoire,

sinon le juge peut intervenir pour le modifier.

332. Tiers complice. Le franchiseur peut également engager une action en dommages

et intérêts contre tout tiers se rendant complice de la violation de l’obligation de non-

affiliation. Mais pour cela, le franchiseur doit rapporter la preuve de sa complicité du

tiers dans la violation de la clause de non-affiliation et le préjudice résultant.

A cet égard, il convient de noter que, de la même manière que pour les clauses de

non-concurrence, la jurisprudence semble faciliter les conditions d’engagement de la

responsabilité civile délictuelle du tiers. En effet, aux yeux des juges, il suffit, pour

engager la responsabilité du tiers pour concurrence déloyale, que le franchiseur établisse

la connaissance par celui-ci de l’existence d’une clause de non-affiliation.

1122

CA Chambéry, 13 décembre 2005, Juris-Data n° 2005-296053.

Page 347: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

342

Ainsi l’illustre un arrêt du 13 décembre 2005 rendu par la Cour d’appel de

Chambéry. Dans cette décision, un franchiseur avait agi en responsabilité contre l’un de

ses concurrents, pris en qualité de tiers complice, de la violation de la clause de non-

affiliation insérée au contrat de franchise. La Cour d’appel de Chambéry avait accueilli

cette action au motif qu’il était établi que le tiers avait eu connaissance, d’une part, que

le franchisé était lié à un autre franchiseur1123

. Cette connaissance demeure même

parfois présumée par le juge en raison de ce que la stipulation d’une telle clause en

matière de contrats de franchise et dans les contrats de la distribution de manière

générale est fréquente1124

. Ce qui n’est pas le cas en matière de clauses de

confidentialité.

§ 3. La clause de confidentialité post-contractuelle

333. La protection du secret professionnel. Afin d’assurer la protection de son savoir-

faire, les franchiseurs prévoient souvent dans le contrat de franchise une clause de

confidentialité post-contractuelle. En vertu de cette clause, le franchisé s’engage à ne

pas divulguer les informations concernant le savoir-faire et les techniques commerciales

dont il a eu connaissance lors de l’exécution du contrat à quiconque après la rupture du

contrat. La validité d’une telle clause est admise en droit positif (A). Sa mise en œuvre

produit certains effets juridiques à l’égard du franchisé (B).

1123

CA Chambéry 13 décembre 2005, Juris-Data n° 2005-296053. 1124

V. Lamy économique, 2007, n° 2640 et la jurisprudence citée.

Page 348: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

343

A. Légitimité de principe de la clause de confidentialité

334. Validité au regard du droit commun. La confidentialité est l’une des

caractéristiques de la vie des affaires1125

. Dans l’entreprise, le secret « joue un rôle

particulièrement important, stratégique même dans la défense de ses positions

commerciales ou industrielles »1126. Il « abrite la réflexion, le projet et donne à la

réalisation de ce projet, l’effet de surprise qui en assure l’efficacité »1127

. En matière de

franchise, la valeur commerciale du savoir-faire réside essentiellement dans son

caractère de confidentialité.

Aussi, les franchiseurs veillent fréquemment à insérer dans leurs contrats une

clause de confidentialité post-contractuelle1128

, appelée aussi par la pratique clause de

secret1129

, ou clause de non révélation ou de non-communication1130

, interdisant au

franchisé, après la cessation du contrat de franchise, de divulguer ou communiquer, à

qui que soit, le savoir-faire qu’il a pu acquérir du franchiseur à l’occasion de l’exécution

du contrat.

1125

V. F.-X. TESTU, Secret et relations d’affaires, La confidentialité conventionnelle, Dr et patr, 2002, n°

102, p.81 ; Y. PACLOT, Secret et relations d’affaires , Les diverses facettes du secret des affaires, Dr.et

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2002, n° 3/ 4, p.359 ; M.-A. MOREAU, La protection de l’entreprise par les clauses contractuelles de

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L’Harmattan, 2005 ; F. ANGE, Le secret des affaires, th., Toulouse, 1968.

G. VIRASSAMY, Les limites à l’information sur les affaires d’une entreprise, RTD com.1988, p.179 ; R.

SAINT-ALARY, Le secret des affaires en droit français, in Le secret et le droit, Travaux de l’association

H. Capitant, 1974, p.263 ; Ch. GAVALDA, Le secret des affaires, in Mélanges. R. Savatier, Dalloz, 1965,

p.291. 1126

G. VIRASSAMY, Les limites à l’information sur les affaires d’une entreprise, op.cit., p.184. 1127

R. SAINT-ALARY, Le secret des affaires en droit français, op.cit., p.264. 1128

M.-E. ANDRE, M.-P. DUMONT, et Ph. GRIGNON, L’après contrat, Ed., Francis Lefebvre, 2005, n°

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confidentialité dans le contrat, LPA 07 août 2006, n° 156, p.4 ; Ph. STOFFEL-MUNCK, L’après-contrat,

in Durée et expiration du contrat, RDC.2004, p.159 ; M. BÜHLER, Les clauses de confidentialité dans les

contrats internationaux, RDAI/ 2002, n° 3/ 4, p.359 ; F.-X. TESTU, Secret et relations d’affaires, La

confidentialité conventionnelle, Droit et Patrimoine, 2002, n° 102, p.81 ; C. CASEAU-ROCHE, Les

obligations post-contractuelle, thèse, Paris I, 2001, n° 338, p.271 et s ; M.-A. MOREAU, La protection de

l’entreprise par les clauses contractuelles de non-concurrence et de confidentialité, Dr et pat. 1999, n° 69,

p.56. 1129

M. VIVANT, Les clauses de secret, in Les principales clauses des contrats conclu entre

professionnels, PUAM, 1990, p.101 ; B. FAGES, Les clauses de secret, JCP G 1998, II, 100000 ; J.-M.

MOUSSERON, Secret et contrat (De la fin de l’un à la fin de l’autre), in Mélanges J. Foyer, PUF, 1997,

p.258. 1130

G. VIRASSAMY, Les limites à l’information sur les affaires d’une entreprise, RTD com.1988, p.179.

Page 349: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

344

Une telle clause peut, parfois, être limitée dans le temps. Telle est la clause de

confidentialité qui prévoit que « le franchisé s’engage pour la durée du présent contrat

et pour une durée de cinq ans après sa fin, quel que soit son mode de rupture, à ne pas

communiquer, divulguer ou exploiter pour lui-même en dehors du réseau, ou pour le

bénéfice d’un tiers, personne physique ou personne morale, toute information,

connaissance ou savoir-faire confidentiels concernant le système d’exploitation de la

franchise, objet du présent contrat »1131.

Mais le plus souvent, elle n’est pas limitée dans le temps. Sa durée est, en fait, liée

à l’utilité qu’elle présente pour le franchiseur. En d’autres termes, le franchisé se trouve

tenu après la cessation des relations contractuelles autant que le savoir-faire demeure

non révélé1132

. Dès lors, la question qui se pose est celle de savoir si la stipulation d’une

telle clause est valable en droit positif. En fait, la stipulation de clauses de

confidentialité post-contractuelles est admise en droit positif, ce qui résulte notamment

de l’arrêt du 2 avril 19791133

. Dans cet arrêt, la Chambre commerciale de la Cour de

cassation a déclaré que dès lors que le procédé susceptible de protection n’est pas tombé

dans le domaine public, il peut faire l’objet d’une clause de confidentialité. Elle a, dans

cet arrêt, admis la validité de la clause de confidentialité illimitée pesant sur un

franchisé dès lors qu’elle n’empêche pas le franchisé d’exercer son activité.

335. Atténuation. Toutefois, il faut noter que si le principe en droit positif est la

validité de la clause de confidentialité, ce principe n’est cependant pas absolu. En effet,

la clause de confidentialité est fonctionnelle. Sa raison d’être est liée à l’intérêt que

trouve le franchiseur au secret du savoir-faire.

1131

M.-E. ANDRE, M.-P. DUMONT, et Ph. GRIGNON, L’après-contrat, op.cit., n°156, p.124 et s. 1132

M. BÜHLER, Les clauses de confidentialité dans les contrats internationaux, RDAI/ 2002, n° 3/ 4,

p.359, et spéc., p.371. Selon l’auteur, a nature du contrat et de l’information objet de la confidentialité

déterminera la durée de l’accord de confidentialité. Une information purement commerciale deviendrait

souvent vite obsolète, alors qu’une information scientifique ou technologique peut mériter une protection

à très long terme. Dans certains cas, 6 mois suffiront ; dans d’autres, les parties souhaiteront un

engagement pour 15 ans ou plus. 1133

Cass. com., 2 avril 1979, RTD civ. 1979, p.812, obs. G. CORNU.

Page 350: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

345

Par conséquent, dès lors que les informations confidentielles sur le savoir-faire

sont, par un biais ou un autre, tombées dans le domaine public, la clause de

confidentialité perd sa légitimité. Dans cette hypothèse, la clause de confidentialité perd

son objet1134

. Elle devient donc caduque. Le secret « n’existe plus à partir du moment

où l’information est partagée »1135. « La notion de secret s’efface en présence d’une

connaissance à ce point répandue parmi les professionnels qu’elle constituerait un

élément du domaine public »1136

La même solution pourrait s’appliquer lorsque le savoir-faire du franchiseur

devient un jour anodin1137

. Toutefois, il faut noter qu’une fois admise, la clause de

confidentialité va produire certains effets juridiques à l’égard du franchisé débiteur.

B. Mise en œuvre de la clause de confidentialité

336. Avant d’étudier la question de la violation de la clause de confidentialité et les

sanctions qu’elle appelle (1), il convient de savoir quelle est l’étendue de cette clause

(2).

1. Etendue de la clause de confidentialité

337. Etendue quant aux informations objets de la clause. Parfois, la clause de

confidentialité insérée dans le contrat de franchise détermine les informations qui ne

doivent pas être révélées par le franchisé après la cessation des relations contractuelles.

Une pareille précision a le mérite, d’une part, d’éviter toute discussion au sujet du

caractère confidentiel ou non de certaines informations et, d’autre part, de faciliter la

constitution de la preuve en cas de violation de la clause de confidentialité par le

franchisé.

1134

A. LATREILLE, Réflexion critique sur la confidentialité dans le contrat, LPA 07 août 2006, n° 156,

p.4, et spéc., n° 2. 1135

A. LATREILLE, op.cit., p.4, et spéc., n° 2. 1136

A. LATREILLE, op.cit., n° 52 ; Ph. STOFFEL-MUNCK, L’après-contrat, RDC 2004, p.159, et spéc.,

n° 20. 1137

Ph. STOFFEL-MUNCK, op.cit : « Il nous semble que, dans la mesure où l’obligation de confidentialité se justifie au regard des risques que sa divulgation entraînerait, le terme implicite de l’obligation sera le jour où la divulgation sera devenu anodine ».

Page 351: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

346

Comme le relève justement un auteur : « Ayant expressément attiré l’attention de

leur partenaire sur cet aspect, la responsabilité de ce dernier n’en sera que plus

facilement mise en œuvre en cas de non-respect de la convention sur ce point

précis »1138.

D’autres fois, la clause de confidentialité prévoit, d’une manière large, que le

franchisé conservera secrètes les informations auxquelles il aura eu accès pendant la

durée du contrat. Toutefois, cela ne signifie pas pour autant que l’étendue de

l’obligation de confidentialité est absolue. Certaines catégories d’informations sont

exclues du champ de la clause de confidentialité, telles que les informations qui sont

connues du franchisé dès avant son entrée dans le réseau. Il s’agit là d’informations à

caractère générique.

338. Les perfectionnements apportés au savoir-faire et l’obligation de

confidentialité Généralement, le franchisé apporte, lors de l’exécution du contrat de

franchise, certains perfectionnements au savoir-faire du franchiseur. Là, la question est

de savoir si le franchisé peut se voir reconnaître, à la fin du contrat, le droit de divulguer

aux tiers les perfectionnements qu’il a apporté à la formule commerciale du franchiseur.

La réponse à cette question dépend du point de savoir si les perfectionnements

apportés par le franchisé sont détachables ou non du savoir-faire de base. S’ils sont

détachables du savoir-faire de base, le franchisé peut les utiliser. Si, au contraire, ils se

révèlent indissociables du savoir-faire de base, leur divulgation ou leur utilisation n’est

pas autorisée par l’ancien franchisé. C’est ce que la Commission européenne a déclaré

dans sa décision concernant l’affaire Computerland. Dans cette affaire, la Commission a

décidé que « les anciens franchisés… sont expressément autorisés à continuer d’utiliser

les innovations ou améliorations qu’ils ont apportées et dont il peut être démontré

qu’elles sont séparables du système Computerland »1139.

1138

G. VIRASSAMY, Les limites à l’information sur les affaires d’une entreprise, RTD com.1988, p.179,

et spéc., n° 26, p.199. 1139

Déc.13 juillet 1987, Computerland, JOCE 10 août 1987, n° L. 222, pt 23 ii.

Page 352: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

347

A vrai dire, une telle solution, approuvée par certains 1140

et contestée par

d’autres1141

, nous paraît opportune, et cela pour deux raisons. D’abord, elle paraît juste.

En effet, il aurait été inéquitable de ne pas laisser au franchisé le fruit de ses efforts.

Ensuite, elle peut contribuer à rendre plus efficace le système de la franchise. Le fait de

reconnaître aux franchisés la possibilité de bénéficier du perfectionnement qu’ils ont

apporté au savoir-faire pendant l’exécution du contrat, à l’issue de celui-ci, aurait pour

effet de les inciter à s’efforcer de manière permanente- aux cotés du franchiseur- à

améliorer le concept et la formule de la franchise. Cela rend, par conséquent, le réseau

de franchise plus efficace, plus dynamique, et apte à faire face à la concurrence qu’il

rencontre au sein du marché.

339. Etendue quant aux personnes concernées. La clause de confidentialité « donne

naissance à un droit personnel : celui d’exiger ou de garder le silence »1142. Ce droit est

opposable non seulement au franchisé mais aussi à toute personne autour de lui, tel que

ses proches et ses salariés, ayant eu accès aux informations confidentielles sur le savoir-

faire1143

.

S’il s’agit d’une personne morale, la clause de confidentialité s’impose à toutes les

personnes à l’intérieur de l’entreprise franchisée, tels que les représentants légaux de la

société franchisée, les mandataires du franchisé1144

. Toutes ces personnes sont tenues

par l’engagement de confidentialité souscrite par la société franchisée. Si l’une d’entre

elles viole un tel engagement en révélant une des informations portant sur le savoir–

faire du franchiseur, sa responsabilité sera engagée.

1140

H. KENFACQ, La franchise internationale , th., Toulouse I, 1996, p.59.L’auteur estime que si le

franchisé a apporté des perfectionnements détachables du savoir-faire de base , il doit pouvoir les utiliser

en dehors du concept en cause ou les céder à des tiers. 1141

H. BENSOUSSAN, Le droit de la franchise, Apogée 1999, p, 186. Pour l’auteur, le perfectionnement

est par nature lié au savoir-faire de base détenu par le franchiseur et dès lors, il en est indissociable. Le

respect de la confidentialité s’impose pour la globalité. 1142

A. LATREILLE, Réflexion critique sur la confidentialité dans le contrat, LPA 07 août 2006, n° 156,

p.4, n° 61. 1143

H. BENSOUSSAN, Le droit de la franchise, op.cit., p, 186. M. BÜHLER, Les clauses de

confidentialité dans les contrats internationaux, RDAI/ 2002, n° 3/ 4, p.359 et spéc., p.369 et s. 1144

H. BENSOUSSAN, Le droit de la franchise, op.cit.

Page 353: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

348

2. Sanctions de la violation de la clause de confidentialité 340. Condamnation à des dommages et intérêts. En vertu de la clause de

confidentialité, le franchisé est tenu d’une obligation de ne pas faire1145

. Le non-respect

de cette obligation par lui engage sa responsabilité contractuelle.

En effet, en cas de violation de la clause de confidentialité par le franchisé,

l’exécution forcée et l’injonction de faire sont exclues, sauf dans la seule hypothèse où

le franchisé exploite l’information pour sa propre activité. Seule la sanction

indemnitaire est envisageable. Cela s’explique par le fait que la violation de l’obligation

de confidentialité crée souvent une situation irréversible. « Une fois dévoilée,

l’information confidentielle est définitivement perdue et ne peut généralement pas être

récupérée »1146. Le mal est déjà fait et le préjudice est alors réalisé

1147. La révélation

épuise la valeur de l’information confidentielle. « La violation de la confidentialité est

une sorte de délit instantané». La cessation du trouble n’est même plus possible. Le

débiteur ne peut ni ravaler ses paroles ni effacer ses écrits lorsque des tiers s’en sont

saisis »1148.

341. Conditions de l’obtention des dommages et intérêts : difficulté de la preuve.

Pour qu’il puisse faire condamner l’ancien franchisé défaillant pour cause de violation

de son engagement de confidentialité, le franchiseur doit rapporter la preuve de celle-ci.

Il doit démontrer que la fuite de l’information concernant son savoir-faire a pour origine

le manquement du franchisé à son obligation de confidentialité. La preuve par le

franchiseur de la violation par le franchisé de son engagement de confidentialité peut se

faire par tous les moyens.

1145

M. VIVANT, Les clauses de secret, in les principales clauses des contrats conclu entre professionnels,

PUAM, 1990, p.101, n°1. 1146

E. GASTINEL, Les effets juridiques de la cessation des relations contractuelles : obligation de non-

concurrence et de confidentialité », in La cessation des relations contractuelles d’affaires, PUAM 1997,

p197, spéc., p.209. 1147

A. MOREAU, La protection de l’entreprise par les clauses contractuelles de non-concurrence et de

confidentialité, Droit et .Patrimoine, 1999, n° 69, p.56, spéc., p.61 1148

A. LATREILLE, Réflexion critique sur la confidentialité dans le contrat, LPA, 08 août 2006, n° 157,

p.4, n° 151.

Page 354: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

349

En effet, il est admis que la divulgation fautive d’une information prohibée

constitue un fait juridique1149

et, donc, que la preuve est libre.

Pour autant, il n’est pas toujours aisé pour le franchiseur de prouver que la

divulgation de son savoir-faire ou de l’une de ses informations confidentielles a pour

cause la violation de son obligation par l’ancien franchisé. La preuve est en effet un

fardeau lourd à la charge du franchiseur. Sauf dans les rares hypothèses où les données

du savoir-faire sont si pointues, particulièrement originales, de sorte qu’il n’aura pas de

mal à apporter la preuve de l’inexécution ou s’il y a une preuve flagrante, telle que la

distribution par l’ancien franchisé de produits constituant en contrefaçon, le franchiseur

se trouve souvent dans l’impossibilité de démontrer la divulgation commise par l’ancien

franchisé. Celui-ci pourra échapper à toute responsabilité en invoquant que

l’information litigieuse a un caractère public ou que celle-ci était connue d’un petit

nombre de personnes et donc en passe de se propager indépendamment de toute

indiscrétion de sa part.

Face à la difficulté de rapporter la preuve de l’imputabilité de la divulgation au

franchisé, il a été proposé d’établir une présomption à la charge du confident1150

. Une

telle proposition nous paraît séduisante. Au lieu de demander au franchiseur de

rapporter la preuve de ce que la divulgation des informations confidentielles relatives au

savoir-faire est imputable à l’ancien franchisé, on peut présumer que cette divulgation

est due au fait de ce dernier puisque c’est le seul qui connaisse de telles informations.

Toutefois, il est à noter que cette présomption n’est qu’une présomption simple. Cela

signifie que dans l’éventuelle hypothèse d’une révélation d’une ou des informations

confidentielles portant sur le savoir-faire du franchiseur, l’ancien franchisé peut

échapper à l’engagement de sa responsabilité en rapportant la preuve, non d’un cas

fortuit ou d’un cas de force majeure, mais simplement qu’il a bien exécuté son

engagement et qu’aucune faute dans la conservation des informations confidentielles ne

peut lui être reprochée.

1149

A. LATREILLE, op.cit, p.4. 1150

B. FAGES, note sous CA Paris 14 février 1997, JCP G 1998, II, 100000.

Page 355: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

350

Une telle solution, dérogatoire aux règles de la preuve qui exigent du contractant

qui se prétend victime d’un dommage de rapporter la preuve de la faute de son

cocontractant, peut se justifier par la quasi-impossibilité pour le franchiseur de prouver

une divulgation fautive de la part de son ancien franchisé. Notons, toutefois, que la

jurisprudence paraît réticente à établir une présomption de fait à la charge du débiteur.

Selon elle, en présence du moindre doute sur l’origine de la divulgation des

informations confidentielles, l’incertitude bénéficie au débiteur. C’est ainsi que, dans un

arrêt du 5 octobre 1995, la Cour d’appel a jugé qu’un agent commercial n’est pas réputé

avoir divulgué des modèles confidentiels du mandant en contractant simplement avec

une société concurrente ultérieurement condamnée pour contrefaçon desdites

créations1151

.

342. Montant des dommages et intérêts. Une fois la preuve de la violation par

l’ancien franchisé de son obligation de confidentialité post-contractuelle rapportée par

le franchiseur, se pose alors le problème de l’évaluation des dommages et intérêts

alloués à ce dernier. En effet, le montant des dommages et intérêts est déterminé par le

juge du fond. Celui-ci dispose d’un pouvoir souverain dans la fixation de l’indemnité

due par le franchisé au franchiseur victime d’une divulgation fautive des informations

confidentielles. Le juge tient compte, généralement, dans le calcul de l’indemnité alloué

au franchiseur, du préjudice subi par lui consistant dans le gain manqué ou les pertes

financières liées à la divulgation de l’information confidentielle sur le savoir-faire1152

. Il

prend aussi en considération dans l’évaluation des dommages et intérêts, le préjudice

moral résultant de l’atteinte portée à l’image et à la réputation du réseau1153

.

A vrai dire, la tâche du juge s’avère souvent difficile d’autant plus que l’évaluation

du préjudice résultant de la violation de la clause de confidentialité est complexe. Afin

de pallier tout problème d’évaluation du préjudice, les parties déterminent, parfois et par

elles-mêmes, le montant des dommages et intérêts dus par le franchisé en cas de

violation de la clause de confidentialité, et cela par la stipulation d’une clause pénale

1151

CA Paris, 5 octobre 1995, Juris-Data, n° 1995-023674. 1152

CA Paris, 5 octobre 1995, précité. 1153

A. LATREILLE, Réflexion critique sur la confidentialité dans le contrat, LPA, 08 août 2006, n° 157,

p.4. Sur la question de l’évaluation du préjudice, v. Supra n° ;

Page 356: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

351

343. Clause pénale. Le contrat de franchise prévoit, dans certaines circonstances, une

clause pénale qui fixe forfaitairement le montant des dommages et intérêts résultant de

la violation de la clause de confidentialité.

Toutefois, et comme en matière de clauses de non-concurrence et clauses de non-

affiliation, il faut noter que le montant forfaitaire prévu par la clause pénale n’échappe

pas au contrôle du juge. Il peut, en vertu de l’article 1152 du Code civil, le modifier s’il

se révèle manifestement excessif ou dérisoire. Une décision du 22 janvier 2004 rendue

par la Cour de Lyon illustre cette situation1154

. Dans cet arrêt, une transaction avait été

conclue entre une chaîne de restauration rapide et l’un de ses franchisés en vue de régler

les conséquences de la rupture de leurs relations contractuelles. Un document prévoyait

que le franchisé s’engagerait à ne pas révéler ce protocole à quiconque. Or, en

communiquant ce protocole à un autre franchisé, le franchisé a violé son engagement de

confidentialité. Les juges du fond l’ont donc condamné au paiement de la clause pénale.

En revanche, ils ont réduit le montant de cette clause en estimant qu’il était excessif.

344. Condamnation du tiers complice sur le fondement de la concurrence déloyale.

A côté des dommages et intérêts qu’il pourrait obtenir pour le préjudice qu’il a subi du

fait de la divulgation par le franchisé de l’une des informations confidentielles sur le

savoir-faire, le franchiseur peut, sur le terrain délictuel et sur le fondement de la

concurrence déloyale, agir contre tout tiers complice. Il pourra, par exemple, obtenir la

condamnation d’un franchiseur concurrent à des dommages et intérêts s’il établit qu’il

est complice et bénéficiaire de la divulgation fautive faite par l’ancien franchisé1155

.

1154

CA Lyon 22 janvier 2004, Juris-Data n° 2004-23 7515. 1155

Ex.CA Amiens, 18 juillet 1974, D.1976, jur., p.703, note. J.-M. MOUSSERON et M. VIVANT.

Page 357: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

352

345. Conclusion de la section I. Lorsque le contrat de franchise comprend des

obligations à effet post-contractuel, telle que l’obligation par le franchisé de ne pas

concurrencer le franchiseur après la rupture du contrat ou l’obligation par lui de ne pas

s’affilier à un réseau concurrent après la rupture du lien contractuel ou enfin l’obligation

de ne pas divulguer le savoir-faire ou toute information qui en relève, ces obligations

produisent ses effets juridiques dès lors qu’elles remplissent les conditions requises pour

leur validité. Le franchisé qui viole l’une de ses obligations engage sa responsabilité. Il

sera condamné à des dommages et intérêts et, le cas échéant, à l’exécution forcée de

l’obligation non respectée. De même, tout tiers qui se rend complice de la violation de

l’une de ces obligations post-contractuelles sera aussi condamné, sur le fondement de

l’article L.1382 du Code civil pour concurrence déloyale.

Outre ces obligations prévues par le contrat, le franchisé se trouve tenu d’autres

obligations qui ne sont que les conséquences de la cessation du contrat de franchise telle

l’obligation de restitution.

Page 358: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

353

SECTION II – OBLIGATION DE RESTITUTION

346. Suite de l’extinction. Lorsque le contrat de franchise prend fin, le franchisé se

trouve tenu de ne pas utiliser les éléments du pouvoir attractif du réseau auquel il a

cessé d’appartenir. Il s’engage vis-à-vis du franchiseur à une obligation de restitution. Il

doit restituer les divers éléments matériels et immatériels tels l’enseigne, les documents

et le matériel que le franchiseur lui a confiés ou prêtés pour l’exploitation de la

franchise (§ 1). S’il continue à utiliser l’un des moyens du réseau de franchise auquel il

appartenait, il crée un trouble manifestement illicite pour le franchiseur engageant, par

conséquent, sa responsabilité sur le fondement de la concurrence déloyale et de la

contrefaçon par application du code de propriété intellectuelle (§ 2).

§ 1. La restitution des biens matériels et immatériels

347. Restitution de signes de ralliement. Le contrat de franchise impose au

franchiseur de concéder sa marque au franchisé. Celle-ci n’a pas seulement pour effet

d’identifier le produit ou le service faisant l’objet du contrat de franchise, mais elle

révèle aussi aux consommateurs l’appartenance du franchisé au réseau1156

. A vrai dire,

sans elle, il n’y a pas de franchise et l’objet commun de mettre en œuvre un système

homogène ne sera pas réalisé.

Toutefois, il faut noter que, lorsque le contrat de franchise prend fin -que ce soit

par sa résiliation ou son non-renouvellement- le franchisé doit restituer tous les

éléments mobiliers corporels et incorporels, ainsi que le savoir-faire et l’ensemble de

signes distinctifs y compris les papiers d’emballage1157

.

1156

Sur l’importance de la marque, v. Supra n° 118. 1157

CA Paris 8 janvier 2008, Juris-Data n°2008-355369 ; Contrats conc. consom., 2008, comm., n°99,

obs. M. MALAURIE - VIGNAL.

Page 359: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

354

La restitution doit être faite immédiatement dès lors que le contrat de franchise a

pris fin. Le retrait de l’enseigne, par exemple, sera à réaliser aussitôt que l’extinction du

contrat de franchise est survenue. A défaut de retrait ou un retrait volontairement tardif

pourront donner lieu à une action en référé, et engageront la responsabilité de l’ancien

franchisé sur le fondement de la concurrence déloyale1158

. A cet égard, on note que le

bon sens commande de laisser un délai au franchisé pour enlever le panonceau du

franchiseur1159

et continuer à utiliser les signes distinctifs après l’expiration du contrat

pour pouvoir écouler les stocks encore en sa possession1160

.

En effet, la restitution des moyens immatériels mis à la disposition du franchisé

s’opère, à l’issue de la relation contractuelle, par l’interdiction faite à celui-ci de

continuer à les utiliser. Les contrats de franchise contiennent souvent ce type de clause

stipulant. « A l’expiration du contrat, le franchisé devra supprimer toute référence à la

marque du franchiseur et devra en conséquence cesser d’utiliser l’enseigne, les

documents et papiers commerciaux sur lesquels figurent les signes distinctifs du

franchiseur »1161.

348. Restitution de documents : problème du fichier des clients. Outre la restitution

des signes de ralliement démontrant l’appartenance au réseau, l’ancien franchisé est

tenu de restituer tous les documents servant à l’exploitation du savoir-faire ainsi que

tous les papiers qui sont mis à sa disposition à l’occasion de l’exécution du contrat.

S’agissant de la restitution des documents par l’ancien franchisé lors de la cessation des

relations contractuelles, se pose, en effet, la question de la restitution des fichiers de

clientèle. L’ex-franchisé est-il tenu de restituer ces fichiers au franchiseur à l’issue du

contrat ? Une réponse positive s’impose. Le fichier de la clientèle s’attache à la

marque. Par conséquent, le franchisé doit le restituer au franchiseur à l’expiration du

contrat de franchise1162

. Il n’en va autrement qu’en présence d’une clause contractuelle

contraire.

1158

CA Bordeaux 6 septembre 2000, Juris-Data n° 2000-122436. 1159

En ce sens, Ph. Le TOURNEAU, obs sous CA Paris 16 novembre et 18 décembre 1978, et 10 janvier

1980, RJ. Com. 1980, p.18 : « Le bon sens, qui est une facette de la bonne foi,commande toutefois de reconnaître une espèce de délai de grâce au concessionnaire consistant à lui laisser le temps matériel d’enlever le panonceau du concédant ». 1160

Sur la question de l’écoulement des stocks, v. Infra n° 370 et s. 1161

M.-E. ANDRE, M.-P. DUMONT, et Ph. GRIGNON, L’après-contrat, Edition, Francis Lefebvre,

2005, n° 220, p.184. 1162

V. J.-M. LELOUP, La franchise, Droit et pratique, 4e édition, Delmas, 2004, n°2108, p. 341.

Page 360: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

355

C’est ainsi qu’il a été jugé dans un arrêt du 19 mars 2003 rendu par la Cour d’appel

de Paris1163

. En l’espèce, un franchiseur s’est engagé, à l’issue du contrat de franchise, à

ne pas exploiter le fichier des clients constitué par le franchisé. Or, le franchiseur n’a

pas respecté son engagement en adressant aux clients de l’ancien franchisé l’adresse des

points de vente où ils pouvaient désormais trouver les produits du franchiseur. Le

franchisé l’a assigné devant les juges pour méconnaissance de son engagement. Pour

échapper à toute responsabilité, le franchiseur faisait valoir qu’il s’était borné à utiliser

son fichier national dans lequel figuraient évidemment les adresses des clients du

franchisé. Les juges ont réfuté cette argumentation et considéré que le franchiseur devait

respecter l’exclusivité qu’il avait reconnue au franchisé sur son fichier. En effet, les

juges ont laissé entendre que si le franchiseur avait constitué un fichier grâce à des

ventes directes ou n’avait pas aliéné sa liberté d’exploiter le fichier des clients du

franchisé, aucun grief n’aurait pu lui être adressé.

A vrai dire, tout fichier de clientèle, pendant comme après le contrat, doit

appartenir au franchisé. C’est lui qui l’avait constitué loyalement, et donc, il doit rester

sa propriété. Il n’en va autrement qu’en présence d’une clause contraire prévoyant

l’obligation pour le franchisé, une fois le contrat rompu, de restituer au franchiseur les

fichiers de la clientèle1164

.

349 .Restitution du matériel. Afin d’assurer la réitération de la réussite du franchiseur,

celui-ci met généralement à la disposition du franchisé, à titre de dépôt ou de prêt à

usage, divers matériels, tels que le matériel de présentation, le matériel informatique, le

matériel de stockage, le matériel publicitaire1165

. Tous ces matériels doivent être

restitués une fois que le contrat de franchise a pris fin. C’est une obligation incombant à

l’ancien franchisé dont le non-respect engage sa responsabilité. L’obligation de

restitution permet au franchiseur de revendiquer la propriété des moyens mis à

disposition du franchisé à la fin de l’exploitation de la franchise. Comme le relève un

auteur la restitution assure la réintégration d’un bien dans son patrimoine d’origine1166

.

1163

CA Versailles, 19 mars 2003, D. 2003, somme, 2428, obs. D. FERRIER. 1164

En ce sens, J.-M. LELOUP, op.cit. 1165

Ex. Cass. com., .9 février. 1993, JCP E 1994, II, note. DANGLEHANT. 1166

M. MALAURIE, Les restitutions en droit civil, th., Cujas, 1991, préface G. Cornu p.16.

Page 361: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

356

350. Restitution en valeur en cas de restitution en nature coûteuse. Généralement,

lorsque les relations vont se dérouler sur une période de longue durée, leur organisation

est gérée par des contrats cadre allant fixer les modalités de la succession des

engagements. Tel est le cas en matière de franchise. La relation contractuelle est en effet

organisée par un contrat cadre1167

. Ce contrat cadre définit une fois pour toutes les

modalités de conclusion de nombreux contrats à venir tel que le contrat de licence de

marque, le contrat de licence de savoir-faire, le contrat de vente, et enfin le contrat de

prêt-à-usage. Ainsi, il arrive souvent, surtout en matière de franchise industrielle, que

certain matériel soit mis à la disposition du franchisé à titre de prêt. Ce matériel doit

alors être restitué dès lors que le contrat de franchise s’éteint1168

. A l’expiration du

contrat, le franchisé a l’obligation de restituer tout le matériel de fabrication qui lui a été

prêté à usage par le franchiseur en vue de l’application du système de la franchise. Cette

restitution doit en principe se faire en nature. Les mêmes matériels spécifiques à la

production remis au franchisé lors de la conclusion du contrat doivent être restitués. Le

franchiseur est en droit d’exiger la restitution à l’identique et de refuser toute offre de

restitution en valeur faite par le franchisé. En cas d’éventuel refus, le franchiseur peut

même réclamer la restitution en nature par une action de revendication en justice.

En effet, une telle solution peut être avantageuse pour le franchiseur. Elle peut

avoir pour effet d’éviter que son matériel soit utilisé par le franchisé après le contrat ou

par un autre concurrent l’intégrant dans son réseau. D’ailleurs, elle lui permet de ne pas

supporter la dépréciation de la chose. Néanmoins, elle n’est pas absolue. En effet, le

franchisé peut, dans certaines circonstances, ne pas être tenu d’une restitution en nature

du matériel qu’il a emprunté au franchiseur et offrir seulement à ce dernier une

restitution par équivalent. Il en est ainsi lorsque la restitution en nature du matériel

s’avère particulièrement onéreuse pour lui et sans grand intérêt pour le franchiseur.

1167

J. GASTI, Le contrat-cadre, LGDJ, 1996, préface M. Behar-Touchais, n° 92,p. 63 et s ; J. HUET, Les

principaux contrats spéciaux, LGDJ, 2e édition, 2001, n°11178 ; A. BENABENT, Les contrats spéciaux

civils et commerciaux, 7e édition, Montchrestien, 2006, n°255, p.190 ; Ph. MALAURIE, L. AYNES, P-

Y. GAUTIER, Les contrats spéciaux, 2e édition, 2005, n° 838, p.473, et s.

1168 M.-E. ANDRE, M.-P. DUMONT, et Ph. GRIGNON, L’après contrat, Ed., Francis Lefebvre, 2005, n°

216, p.182. V. aussi, J. RAYNARD, Les restitutions dans les contrats de distribution, in La cessation des

relations contractuelles d’affaires, PUAM, 1997, p.179, et spéc., p. 183 et s.

Page 362: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

357

Cette solution peut être déduite de la jurisprudence rendue en matière de restitution

en nature des cuves de stockage. Dans ce domaine, la jurisprudence était, longtemps,

hostile à l’annulation des clauses de restitution en nature des cuves de stockage que les

sociétés pétrolières imposaient souvent aux pompistes. La Cour de cassation refusait

constamment toute possibilité de restitution en valeur des cuves qui lui ont été prêtées à

usage par la société pétrolière sous prétexte que l’extraction leur posait des difficultés et

les exposait à des travaux considérablement coûteux nettement supérieurs à leur valeur

résiduelle1169

. Une telle solution n’est pas celle du Conseil de la concurrence qui a jugé

illicite, au regard du droit de la concurrence, les clauses de restitution en nature des

cuves en raison de son effet restrictif du jeu de la concurrence entre compagnies

pétrolières1170

. Cette décision du Conseil de la concurrence, jointe à de nombreuses

critiques doctrinales, n’a pas été sans effets sur la jurisprudence. La Cour de cassation a

opéré un revirement en admettant la nullité de la clause imposant au distributeur, en fin

de contrat, la restitution en nature1171

.

351. En résumé. A la fin du contrat, le franchisé s’engage vis-à-vis du franchiseur à

restituer tout le matériel et les documents étant mis à sa disposition à l’occasion de

l’exécution du contrat de franchise. Il ne doit rien conserver du pouvoir attractif du

réseau auquel il a cessé d’appartenir, sinon sa responsabilité sera engagée pour

concurrence déloyale en cas d’utilisation.

1169

Cass. com., 25 octobre 1983, pourvoi n° 82-10. 796 ; Cass. com., 22 janvier 1985, pourvoi n° 83-

10.793 ; Cass. com., 22 juillet 1986, pourvoi n° 85-13. 340 ; Cass. com., 10 février 1987, pourvoi n° 85-

14.458. 1170

Cons. con., 29 septembre 1987, cité par PEROCHON, L’adieu aux cuves :à propos de la décision du

Conseil de la concurrence du 29 sept. 1987, Cah. dr. entr. 1987, n°6, p.10. 1171

Cass. com., 8 juin 1993, pourvoi n°88-17. 989 ; Cass. com., 26 mai 1992, pourvoi n° 90 -13. 499 ;

Cass. com. 18 février 1992, D. 1992, p. 395, obs. D. FERRIER : « L’obligation de restitution en nature du matériel impose des travaux coûteux aux revendeurs de carburant, non justifiés par des nécessités techniques en raison de la durée de vie des cuves, et qu’elle est de nature à le dissuader à traiter avec un autre fournisseur ; qu’elle est ainsi disproportionnée avec la fonction qui lui est fixée de faire respecter l’exclusivité d’achat du carburant et constitue un frein à la concurrence d’autres fournisseurs ».

Page 363: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

358

§ 2. Sanctions de la méconnaissance de l’obligation de restitution

352. Concurrence déloyale. Action en contrefaçon. Tout franchisé doit, une fois que

le contrat a pris fin, cesser d’utiliser tout élément du pouvoir attractif du réseau auquel il

a cessé d’appartenir. Il doit s’abstenir de tout acte de nature à entraîner ou à créer une

confusion entre son activité et le réseau de franchise.

S’il continue à utiliser l’un des moyens du réseau de franchise auquel il

appartenait, il crée un trouble manifestement illicite pour le franchiseur engageant, par

conséquent, sa responsabilité sur le fondement de la concurrence déloyale et de la

contrefaçon. C’est ainsi que, dans un arrêt du 22 mars 2007, la Cour d’appel de Lyon a

condamné un ancien franchisé à des dommages et intérêts sur le fondement de la

concurrence déloyale, au motif qu’il a poursuivi l’utilisation des signes distinctifs du

franchiseur ainsi que de son numéro de téléphone figurant sur l’enseigne de celui-ci1172

.

De même, dans un arrêt 18 mai 2006, un franchisé a été condamné à payer des

dommages et intérêts à l’ancien franchiseur, au motif qu’il s’était rendu coupable de

contrefaçon de la marque de ce dernier1173

. Dans cet arrêt, l’ancien franchisé a, après la

cessation du contrat de franchise, continué à faire usage de la marque du franchiseur.

Cet usage contrefaisant s’est manifesté par la présence d’un autocollant reproduisant la

marque de l’ancien franchiseur en bas de la vitrine et par le maintien, pendant deux ans,

de l’enseigne sous le nom de l’ex-franchiseur dans l’annuaire téléphonique.

A ces deux arrêts, un troisième, du 6 septembre 2000, peut être ajouté où les juges

du fond ont condamné un ancien franchisé à des dommages et intérêts, sur le fondement

de la concurrence déloyale, pour détournement de la clientèle après la cessation du

contrat1174

.

1172

CA Lyon, 22 mars 2007, Juris-Data n° 2007-332144. 1173

CA Aix-en-Provence, 18 mai 2006, Juris-Data, n° 2006-305117. 1174

CA Bordeaux, 6 septembre 2000, Juris-Data, n° 2006-122436.

Page 364: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

359

En l’espèce, un ancien franchisé, dans le secteur de la location de véhicules

automobiles, a continué à utiliser le numéro de téléphone de son agence de location

après la cessation du contrat de franchise en détournant ainsi la clientèle du franchisé

remplaçant puis l’a cédé à un franchisé exploitant une marque concurrente. Les juges du

fond ont considéré que le fait pour le franchisé d’avoir demandé la mise sur liste rouge

du numéro de téléphone était indifférente puisque trop tardive et que les clients avaient

déjà appelé ce numéro en croyant s’adresser à l’ancien franchisé. Le préjudice, dans cet

arrêt, a été évalué sur la base de 10% du chiffre d’affaires du franchisé victime.

Toutefois, il est à noter que la charge de la preuve de l’utilisation des signes

distinctifs de réseau de franchise par l’ancien franchisé incombe au franchiseur. Ce

dernier doit, pour pouvoir mettre en jeu la responsabilité de l’ancien franchisé sur le

fondement de la concurrence déloyale ou de la contrefaçon, rapporter la preuve de ce

que celui-ci n’a pas cessé d’utiliser les éléments du pouvoir attractif du réseau de

franchise après la rupture du contrat de franchise. A défaut de cette preuve, sa demande

sera rejetée par les juges. C’est ainsi que, dans un arrêt du 13 février 2003, la Cour de

Lyon a débouté un franchiseur de sa demande visant à condamner l’ancien franchisé à

des dommages et intérêts pour concurrence déloyale, au motif que la preuve n’était pas

rapportée que l’ancien franchisé, après la résiliation du contrat de franchise, aurait

manqué à l’obligation d’enlever tout signe d’appartenance au réseau du franchiseur1175

.

Dans cet arrêt, les juges du fond ont considéré qu’un constat d’huissier, dressé à la

demande du franchisé, relève que les éléments du salon de coiffure portent une nouvelle

marque qui a remplacé celle du franchiseur et qu’il ne mentionne rien sur le mobilier

spécifique au réseau du franchiseur. Il appartient donc à ce dernier d’établir que le

franchisé continue à utiliser les agencements spécifiques de son réseau.

1175

CA Lyon, 13 février 2003, Juris-Data n°2003-218257.

Page 365: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

360

353. Juge des référés. Il est important de souligner que le juge de référés est compétent

pour mettre fin le plus vite possible à toute utilisation illicite des éléments du réseau,

utilisation qui peut porter atteinte à son image. Il peut être sollicité pour prononcer une

astreinte journalière afin de parvenir au plutôt au retrait de tout signe distinctif du

réseau. Il peut en outre désigner un auxiliaire de justice chargé de veiller à la restitution

par le franchisé des documents et au retrait de toute mention ou inscription portant la

marque du franchiseur1176

.

354. Conclusion de la section II. Le contrat de franchise -comme d’autres contrats de

distribution- met à la disposition du franchisé des éléments divers et variés comme des

signes distinctifs -signes, marque, éléments d’aménagement et décoration- et des

documents, des moyens publicitaires, du matériel, enfin une enseigne…etc. Tous ces

éléments doivent être restitués par le franchisé lorsque le contrat de franchise cesse

d’exister. A la fin du contrat, le franchisé ne doit rien conserver du pouvoir attractif du

réseau auquel il a cessé d’appartenir. Il doit cesser d’utiliser la marque, l’enseigne, tous

les éléments et le matériel de l’ancien franchiseur, sinon il s’expose à engager sa

responsabilité sur le fondement de la concurrence déloyale ou la contrefaçon.

355. Conclusion du chapitre I. Le franchisé doit cesser d’utiliser les signes distinctifs

appartenant au franchiseur une fois le contrat éteint. Il doit restituer tous ce que le

franchiseur a mis à sa disposition pour l’exploitation de la franchise. Par ailleurs, le

franchisé est tenu de ne pas porter atteinte au réseau après le contrat. Si le contrat

contient une clause de non-concurrence ou de non-affiliation, il doit respecter, sous

peine d’engager sa responsabilité et d’être condamné à des dommages et intérêts pour le

préjudice que le franchiseur a subi. Reste maintenant à aborder les obligations

incombant à la charge du franchiseur.

1176

V. CA Colmar, 6 décembre 1977, Cah. .dr.ent.1987 / 4, D. FERRIER.

Page 366: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

361

CHAPITRE II – OBLIGATIONS INCOMBANT AU FRANCHISEUR

356. Présentation générale et plan. Afin de réduire leur préjudice résultant de la

cessation de leur contrat, les franchisés tentent souvent d’obtenir du franchiseur une

indemnité destinée à compenser la perte de la clientèle créée ou développée au cours de

l’exécution du contrat (Section I). Outre l’obtention d’une indemnité de clientèle en fin

de contrat, les franchisés tentent aussi d’obtenir de leur franchiseur la reprise des stocks

de produits invendus restant entre leurs mains lors de la cessation des relations

contractuelles (Section II). Cependant, leurs tentatives se sont heurtées à un refus ferme

de la jurisprudence. Contrairement à certains droits étrangers, le droit français refuse de

reconnaître aux franchisés un droit à une indemnité de clientèle, à l’instar de l’agent

commercial, ou de contraindre le franchiseur à reprendre les stocks non encore vendus

restant entre leurs mains lors de la cessation des relations contractuelles, en l’absence

d’une clause contractuelle contraire ou d’un texte législatif.

Page 367: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

362

SECTION I - L’INDEMNITE DE CLIENTELE

357. Problématique. Lors de la cessation de leur relation contractuelle, et sauf

manquement de sa part entraînant cette cessation, l’agent commercial reçoit une

indemnité qui compense la perte de la clientèle qu’ils subissent du fait de la cessation de

leur contrat conformément à l’article L. 134-12, alinéa 1er

du Code de commerce. Les

franchisés -comme d’ailleurs leurs homologues concessionnaires- regardent toujours

avec envie une telle indemnité, indemnité dont l’obtention permettrait sans doute de

restreindre leur préjudice et d’assurer plus rapidement leur reconversion. Toutefois, et

faute d’un texte législatif leur reconnaissant une telle indemnité, le droit français leur

refuse une indemnité de clientèle à la fin de leur contrat (§ 1.). Une pareille solution,

défavorable aux franchisés, n’est pas celle que retiennent de nombreux droits étrangers

qui leur reconnaissent, au contraire, un droit à une indemnité de clientèle à la fin du

contrat de la même manière que l’agent commercial et le VRP (§ 2.).

Page 368: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

363

§ 1. L’absence d’une indemnité de clientèle en droit français

358. Doctrine favorable et jurisprudence hostile. Divers arguments doctrinaux ont été

invoqués en vue de reconnaître aux franchisés un droit à une indemnité pour la perte de

la clientèle que la cessation du contrat leur cause (A). Or, la jurisprudence se montre

toujours sourde à ces arguments et refuse de leur reconnaître une telle indemnité en

l’absence d’un texte législatif (B).

A. Arguments doctrinaux favorables à l’attribution d’une indemnité de clientèle

aux franchises.

359. Thèses invoquées. Afin de faire admettre judiciairement le versement d’une

indemnité de clientèle aux profits des franchisés, la doctrine invoque tantôt la thèse de

l’existence d’une perte de clientèle que subit le franchisé du fait de la cessation du

contrat de franchise (1), tantôt la thèse de la rémunération du franchisé pour sa

participation au développement et à l’animation du réseau (2).

1. La perte de clientèle

360. Le transfert de la clientèle. Pour justifier la reconnaissance d’un droit à une

indemnité de clientèle comparable à celle de l’agent commercial1177

, certains auteurs ont

avancé l’idée que l’exclusion du franchisé du réseau prive le franchisé de la clientèle

qu’il a développée ou, parfois, créée. Celle-ci se détournera soit vers le fonds du

nouveau franchisé, soit directement vers le franchiseur. D’où le franchisé -comme le

concessionnaire- peut avoir droit à une indemnité pour la perte de la clientèle que

l’exclusion du réseau lui a causée.

1177

L’article L. 134-12, alinéa 1er

du Code de commerce prévoit qu’ « en cas de cessation de ses relations

avec le mandant, l’agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice ».

Page 369: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

364

Tel est le cas du Professeur J. Guyenot qui observait, à propos des contrats de

concession, que « le retrait de la concession exclusive prive presque toujours

l’entreprise concessionnaire de la clientèle attachée au produit et à la marque, clientèle

qui désertera son fonds pour se porter vers celui qui pourra l’approvisionner. Le

concessionnaire évincé du réseau ayant dès lors conscience d’avoir crée ou développé

la clientèle au profit du concédant, se considère spolié si une juste indemnité ne lui est

pas accordée pour compenser la perte de clientèle qu’il subit »1178. Il a étendu le même

raisonnement, que certains n’ont pas hésité à critiquer1179

, au contrat de franchise. M. J.

Guyenot écrivait que « l’ouverture de la franchise a pour effet d’amener en un lieu

d’exploitation d’une marque une clientèle préexistante, tandis que le retrait opère

transfert de ladite clientèle au profit du nouveau lieu d’exploitation de la marque dans

le secteur concédé. Dans ces conditions, le franchisé ne peut pas être réputé titulaire

d’un fonds de commerce, en l’absence d’une clientèle propre »1180.

361. Analyse discutable. Une telle analyse n’emporte pas la conviction. Si une partie

de la clientèle suit le franchiseur après la cessation du contrat parce qu’elle est attachée

à sa marque, l’autre reste attachée au franchisé, ne serait-ce qu’en raison de ses qualités

personnelles et parfois de son agencement. Il y a en effet une coexistence de clientèle

dans le contrat de franchise : une partie de la clientèle appartient au franchiseur et

l’autre appartient au franchisé. La jurisprudence dominante1181

et la quasi-totalité des

auteurs partagent cette opinion1182

.

1178

J. GUYENOT, Concession commerciale, Encycl. Dalloz, n° 183 cité par D. FERRIER, La rupture du

contrat de franchisage, JCP CI 1977, I, 12441, p.269, et spéc., n°24 et s. 1179

V. A. SAYAG, note sous Cass.com., 13 mai 1970, JCP G 19 71, II, 16819. 1180

J. GUYENOT, Licensing et franchising, Gaz. Pal. 1976, 1, doctr., p.155, n°24 . 1181

Cass. civ 3e,

, 27 mars 2002, D. 2002, 2400, note. H. KENFACK ; JCP G 2002, II, 10112, F.

AUQUE ; Dr.et patri.. 2002, n°106, p.99, obs. P. CHAUVEL ; JCP E 2002, p.29, note. J.-L. RESPAUD;

Rev. Loyers, juin 2002, n°828, p. 314, note. G. AZEMA ; D. 2002, Act-juris, p.1487, note. E.

CHEVRIER ; LAP, 3 février 2003, n° 25, p.3, note. Y. MAROT. V. plus récemment, CA Paris, 12

janvier 2005, LPA, 8 décembre 2005, n°244, p.9. Y. MAROT. 1182

D. FERRIER, « L’appartenance de la clientèle », Cah.dr.ent.1983/1, p.21 ; du même auteur, La

rupture du contrat de franchisage, JCP CI 1977, I, 12441, p.269, et spéc., n°28 ; J. - J.BURST,

« L’appartenance de la clientèle », Cah. dr. ent.1983/1, p.22. J. THREARD et Ch. BOURGEON,

« Dépendance économique et droit de la concurrence (réflexion sur l’art.8 de l’Ordonnance du 1er

décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence), Cah.dr.ent.1987/2, p.20, et spéc., n°8,

p.21 ; H. BENSOUSSAN, Le droit de la franchise, Apogée 1999, p, 233 et s ; J. BEAUCHARD, Droit de

la distribution et de la consommation, PUF, 1996, p.191 ; D. BASCHET, La franchise, Guide juridique-

conseils pratique, Gualino, 2005, n° 497, p.310 et s ; Ph. Le TOURNEAU, Les contrats de franchisage,

Litec, 2e édition, 2007, n° 327, p.150 et s.

Page 370: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

365

D’ailleurs, la thèse de l’existence d’une perte de clientèle manque de cohérence.

Les partisans de cette thèse estiment que la rupture du contrat de franchise prive le

franchisé de la clientèle attachée à la marque ou au produit du franchiseur. Or, si l’on

admettait cette analyse, pourquoi indemniser le franchisé, lors de la cessation du contrat,

de la perte de la clientèle que cette cessation lui cause comme ils le prétendaient ? La

clientèle ne lui appartient pas à l’origine. Elle appartient au franchiseur. Elle est attachée

à lui et à sa marque.

En fait, c’est de deux choses l’une. Ou bien on admet que le franchisé ne dispose

pas d’une clientèle qui lui est propre, et dans ce cas, il ne peut prétendre à avoir droit à

une indemnité de clientèle à la fin du contrat car cette clientèle ne lui appartient pas à

l’origine. Ou bien on admet qu’il a, au moins pour partie, une clientèle propre. Alors,

aucune indemnité ne peut lui être versée car il conserve cette clientèle et continue d’en

profiter après la rupture du contrat de franchise. Comme le relève le Professeur D.

Ferrier « si la clientèle n’est attirée que par la marque ou le produit, elle n’appartient

donc qu’au franchiseur et on se demande au titre de quelle perte il conviendra

d’indemniser le franchisé à l’expiration du contrat grâce auquel ce dernier a pu

profiter de ce qui appartient à son cocontractant »1183. Toutefois, il faut noter que si la

thèse de l’existence d’une perte clientèle n’emporte pas la conviction pour la majorité

des auteurs, elle n’est pas la seule ayant été invoquée pour faire admettre judiciairement

le versement d’une indemnité de clientèle aux franchisés. Il y a aussi la thèse de la

rémunération de la participation du franchisé au développement de l’activité du

franchiseur.

2. La rémunération de la participation du franchisé au développement de l’activité

du franchiseur

362. Justice distributive. Outre la thèse de la perte de la clientèle, la thèse de la

rémunération du franchisé pour sa participation au développement et à l’animation de

l’activité du franchiseur a été invoquée afin de justifier la reconnaissance, au franchisé,

d’un droit à une indemnité de clientèle en fin de contrat.

1183

D. FERRIER, La rupture du contrat de franchisage, JCP CI 1977, I, 12441, p.269, et spéc., n°25,

p.274.

Page 371: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

366

En effet, certains auteurs estiment qu’à l’instar de l’agent commercial, le franchisé

déploie des efforts et à recours à diverses actions pour faire connaître aux

consommateurs la marque, le produit ou le service du franchiseur afin de les fidéliser ou

de les rattacher au réseau du franchiseur. Selon eux, une telle participation au

développement et à l’animation de l’activité du franchiseur de la part du franchisé

justifie l’octroi d’une indemnité de clientèle à son profit en fin du contrat. Cette

indemnité rémunère le franchisé de la clientèle qu’il a apportée en nombre et valeur au

franchiseur. Telle semble être, a priori, l’opinion de M. G. Virassamy1184

. Selon cet

auteur, le franchisé ou le concessionnaire, lié par un contrat de dépendance, participe à

l’animation et au développement de l’activité du franchiseur ou du concédant. Il se met

entièrement au service de celui-ci qui n’hésite pas, le plus souvent, à en faire un élément

de son entreprise en lui imposant sa propre politique d’ensemble. De là, il paraît normal

qu’à la cessation des relations contractuelles, il puisse avoir une indemnité de fin de

contrat1185

.

Dans le même sens, M. F.-X. Licari plaide pour une application de l’article L. 134-

12 du Code de commerce prévoyant une indemnité au profit de l’agent commercial lors

de la cessation du contrat1186

. Cet auteur estime que l’indemnité attribuée à l’agent

commercial, prévue par cet article, a pour fonction, à la fois, de récompenser l’agent

commercial de ses efforts déployés pour le développement et l’animation de l’activité

du mandant et compenser le déséquilibre économique existant au cours de la relation.

Ainsi, l’article 134-12 du Code de commerce répond à deux finalités : une finalité

protectrice et une finalité de justice distributive. Selon l’auteur, cette double finalité

coïncide parfaitement avec la situation du franchisé dont l’intégration au réseau du

franchiseur est plus étroite encore que celle de l’agent commercial. Il observe que

« l’agent commercial comme le concessionnaire ou le franchisé développent un travail

de conquête du marché dont une partie non négligeable du résultat bénéficie au maître

du réseau au-delà de ce que dure la relation de distribution.

1184

G. VIRASSAMY, Les contrats de dépendance, LGDJ, 1986, préface J. Ghestin, n° 304, p.246. 1185

Ibid. 1186

F.-X. LICARI, La protection du distributeur intégré en droit français et allemand, Bibliothèque de

droit de l’entreprise, Litec, 2002, préface C. Witz, p. 563, et s. Plus récemment, F.-X. LICARI, «

L’application par analogie du droit de l’agence commerciale, fondement possible de la reconnaissance

d’une indemnité de fin de contrat au concessionnaire et au franchisé », RLDA. 2007, n°13, p.93.

Page 372: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

367

Puisque concessionnaires et franchisés fournissent un travail et des

investissements supérieurs à ceux mis en œuvre par les agents commerciaux, on doit

reconnaître que l’appréciation incorporée dans l’art. L. 134-12 C.com est valable a

fortiori pour le cas non réglé par la loi »1187.

Il en va de même pour. J. Beauchard qui plaide en faveur d’une intervention

législateur pour reconnaître aux franchisés comme aux concessionnaires une indemnité

à la fin de leur contrat de la même manière que l’agent commercial et le VRP lors de la

cessation du contrat1188

. Pour justifier l’octroi d’une telle indemnité au profit des

franchisés et des concessionnaires, outre l’idée de la contribution de ceux–ci dans le

développement de la clientèle du franchiseur ou du franchisé, J. Beauchard a évoqué les

conséquences économiques graves qu’ils subissaient du fait de la rupture du contrat.

Selon lui, si «le contrat est rompu ou n’est pas renouvelé à son terme, il est rare que le

franchisé ou le concessionnaire puisse se reconvertir facilement ou même survivre

économiquement. Le concessionnaire qui perd sa concession ne peut céder un fonds de

commerce, puisque le fonds n’a pratiquement aucune valeur sans le contrat. La

reconversion même de ses locaux n’est pas toujours facile et ne se fait jamais sans

nouveaux investissements. Le franchisé qui perd son contrat, ne peut lui non plus céder

son fonds de commerce. Et, en général, il ne peut même pas céder son droit au bail

puisque celui-ci, dans la plupart des cas, ne peut l’être qu’à un successeur dans le

fonds. Sans compter que le contrat comporte fréquemment une clause de non-

concurrence »1189

. Face à ces circonstances, le franchisé ou le concessionnaire se trouve

dans la contrainte de déposer le bilan et l’entreprise ne tarde pas à être liquidée1190

.

1187

F.-X. LICARI, th., précitée, p.656. 1188

J. BEAUCHARD, La nécessaire protection du concessionnaire et du franchisé à la fin du contrat, in

Libre droit, Mélanges. Ph. Le TOURNEAU, Dalloz, 2008, p. 37, et spéc., p.48 : « On dit que le mandataire contribue par son travail à créer une clientèle au profit du mandant et que, par la rupture du contrat, le mandant prive en quelque sorte le mandant du fruit de son travail (sauf à observer que, pendant toute la durée du mandant, il a perçu des commissions qui rémunéraient son travail précisément et que sa reconversion est souvent plus facile que celle du concessionnaire ou du franchisé). Mais précisément, ces considérations se retrouvent a fortiori dans les contrats de concession et de franchise ». 1189

Ibid. 1190

Ibid.

Page 373: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

368

De là, il ne paraît pas admissible, non seulement sur le plan d’équité mais aussi sur

le plan économique, que le franchiseur ou le concessionnaire se débarrasse, si

facilement et sans indemnité, du franchisé ou du concessionnaire « lorsqu’il n’a pas

démérité ou nui par son incompétence à l’intérêt commun. Et l’on trouve là, à notre

sens, un fondement qui peut être suffisant pour justifier une indemnité de rupture, sauf

faute suffisamment grave [du franchisé ou du concessionnaire] justifiant une résiliation

sans indemnité »1191

.

Voici donc une indemnité qui puise sa justification dans le développement d’une

clientèle commune, indemnité dont l’obtention n’est subordonnée qu’à la preuve que le

franchisé a apporté une clientèle qu’il a augmentée en nombre et en valeur. Cette thèse

paraît séduisante. L’octroi d’une indemnité de clientèle au franchisé comme une sorte

de rémunération de sa participation au développement de l’activité est pleinement

justifiée, notamment dans l’hypothèse où le franchisé a pu réussir à introduire le produit

et le service du franchiseur pour la première fois sur le marché. Pour autant, la

jurisprudence demeure toujours hostile à reconnaître au franchisé un droit à une

indemnité de clientèle à la fin du contrat.

B. Hostilité jurisprudentielle

363. Rejet et son fondement. Malgré la faveur d’une partie de la doctrine à l’octroi

d’une indemnité de clientèle aux franchisés comme aux concessionnaires à la fin du

contrat, la jurisprudence y paraît réticente. Elle refuse fermement de reconnaître au

concessionnaire, et, par analogie, au franchisé, un droit à une indemnité de clientèle à

l’instar de l’agent commercial (1), au motif que, contrairement à ce dernier qui est un

mandataire, le franchisé et le concessionnaire ont la qualité de commerçant indépendant

du franchisé (2).

1191

Ibid.

Page 374: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

369

1. Le rejet de la jurisprudence

364. Application par analogie. Les concessionnaires prétendent souvent avoir droit à

une indemnité de clientèle à la fin du contrat comparable à celle que reçoit l’agent

commercial ou le VRP en fin de contrat1192

.

Toutefois, la jurisprudence refuse de leur reconnaître un droit à une telle

indemnité. Elle considère qu’à défaut d’un texte législatif et hormis l’hypothèse où le

contrat de franchise prévoit que le concessionnaire aura droit à une indemnité de

clientèle à la fin du contrat, ce dernier ne saurait obtenir une telle indemnité lors de la

cessation des relations contractuelles1193

. En matière de contrats de franchise, aucun

arrêt publié -à notre connaissance au moins jusqu’à l’heure actuelle- ne s’est prononcé

directement sur la question. La totalité des arrêts que nous avons pu examiner portant

sur la question de l’indemnité de clientèle sont relatifs à ceux des contrats de

concession1194

. Pour autant, il ne fait aucun doute que la solution rendue en matière de

contrats de concession est applicable en matière de contrats de franchise. Ce qui est

dénié aux concessionnaires, le sera aussi aux franchisés1195

. Cela s’explique en raison de

l’identité de la qualité de commerçant indépendant du concessionnaire et du franchisé,

identité qui permet d’appliquer un régime identique1196

. C’est sur cette qualité que se

fonde la jurisprudence pour refuser d’octroyer une indemnité de clientèle aux franchisés

comme aux concessionnaires.

1192

V. Ph. GRIGNON, Le fondement de l’indemnité de fin de contrat des intermédiaires du commerce,

Bibliothèque de droit de l’entreprise, Litec, 2000, préface D. Ferrier et J.-M. Mousseron, 2000, 256,

p.239, et la jurisprudence citée. 1193

Cass. com., 9 mars 1976, Bull. civ. IV., n° 90. Dans cet arrêt, les juges ont considéré qu’en l’absence

de stipulation contraire, le contrat de concession exclusive de vente conclu à durée indéterminée peut être

résilié par le concédant, sans que celui-ci ne soit tenu de payer aucune indemnité. 1194

V. Ph. GRIGNON, Le fondement de l’indemnité de fin de contrat des intermédiaires du commerce,

Bibliothèque de droit de l’entreprise, Litec, 2000, préface D. Ferrier et J.-M. Mousseron, 2000, 256,

p.239, et la jurisprudence citée. 1195

F.-X. LICARI, La protection du distributeur intégré en droit français et allemand, Bibliothèque de

droit de l’entreprise, Litec, 2002, préface C. Witz, p. 563 et s. V. aussi, D. FERRIER, La rupture du

contrat de franchisage, JCP CI 1977, I, 12441, p.269, et spéc., n°24. 1196

J.-L. BERGEL, Différence de nature (égale) différence de régime, RTD civ. 1984, p.255, et spéc., n°

3, p.258 : « ( …) que toute identité de nature implique une identité de régime et que toute différence de nature implique une différence de régime ».

Page 375: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

370

2. Fondement du rejet

365. La qualité de commerçant indépendant. Le rejet de la part de la jurisprudence de

reconnaître aux concessionnaires, et par analogie aux franchisés, un droit à une

indemnité de clientèle lors de la cessation des relations contractuelles en l’absence d’un

texte législatif ou d’une clause contractuelle contraire stipulée expressément dans le

contrat s’explique par la qualité de commerçant indépendant du franchisé ou du

concessionnaire1197

. Celle-ci s’oppose à l’octroi d’une indemnité de clientèle au

franchisé ou au concessionnaire en fin de contrat comparable à celle de l’agent

commercial1198

.En effet, en raison de son indépendance juridique, le franchisé est censé

avoir une clientèle qui lui est propre et personnellement attachée, ne serait-ce qu’en

raison de ses qualités personnelles et de son emplacement ou de son agencement1199

.

1197

Ph. Le TOURNEAU, Les contrats de franchisage, Litec, 2e édition, 2007, n° 327, p.150 et s ; D.

FERRIER, La rupture du contrat de franchisage, JCP CI 1977, I, 12441, p.269, et spéc., n°24 et s ; du

même auteur, « L’appartenance de la clientèle », Cah.dr.ent.1983/1, p.21 ; A. ROLLAND, La situation

juridique des concessionnaires et des franchises membres d’un réseau commercial, th., Renne, 1976, n°

230, p. 161 et s ;F.-X. LICARI, La protection du distributeur intégré en droit français et allemand, th.,

Bibliothèque de droit de l’entreprise, Litec, 2002, p.557 et s ; Ph. GRIGNON, Le fondement de

l’indemnité de fin de contrat des intermédiaires du commerce, Bibliothèque de droit de l’entreprise, Litec,

2000, préface D. Ferrier et J.-M. Mousseron, 2000, 256, p.239, et s ; N. DISSAUX, La qualification

d’intermédiaire dans les relations contractuelles, LGDJ, 2007, préface Ch. Jamin, n° 680, p. 315 et s ; J.-

M. DE BERMOND DE VAULX, Les problèmes juridiques posés par l’expiration des contrats de

concession exclusive, JCP CI 1984, I, 14246, n° 21 ; C. CHAMPAUD, La concession commercial, RTD

com. 1963, p.451, et spéc., n°33, p.477 ; P. PIGASSOU, La distribution intégrée, RTD com. 1980, p.473,

et spéc., n° 40, p.504 et s. 1198

C. CHAMPAUD, La concession commerciale, RTD com. 1963, p.451, et spéc., n°33, p.477 : « Les

agents commerciaux « prospectent » et constituent une clientèle en qualité de mandataires, pour le compte de leur mandant ; les V.R.P. le font en qualité de préposés salariés pour le compte de leur employeur. En cas de non-renouvellement ou de rupture de leur contrat, ils sont sans droit sur les clients et doivent s’abstenir d’entretenir avec eux des relations d’affaires. C’est en fonction de leur participation à la constitution de la clientèle de leur mandant ou de leur employeur et de leur absence de droit sur le fruit de leur travail que le législateur leur a reconnu l’indemnité dite de clientèle. La situation juridique du concessionnaire est juridiquement tout autre. La clientèle qu’il constitue lui appartient en même temps qu’au concédant. Elle est un élément du fonds de commerce qu’il possède. Sans s’exposer à aucune action judiciaire il peut, après l’expiration de la concession, proposer à ses clients et leur vanter les mérites supérieurs des produits concurrents de ceux qu’il achetait pour les revendre en vertu du contrat expiré ». 1199

D. FERRIER, L’appartenance de la clientèle, Cah.dr.ent.1983/1, p.21 ; D. FERRIER, La rupture du

contrat de franchisage, JCP CI 1977, I, 12441, p.269, et spéc., n°28 : « On admettra la coexistence, parmi les clients de l’entreprise franchisée, de personnes qui sont attachées à la seule marque du franchiseur et de personnes attachées à la seule activité du franchisé, sans considérer l’impact de la marque ou de l’activité dans l’attraction initiale de ces clients » . Dans le même sens, J. THREARD et Ch.

BOURGEON, « Dépendance économique et droit de la concurrence (réflexion sur l’art.8 de

l’Ordonnance du 1er

décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence ), Cah.dr.ent.1987/2,

p.20, et spéc., n°8, p.21 : « compte tenu des méthodes modernes de ventes recourant aux techniques publicitaires les plus élaborées, l’importance de la marque dans l’attrait de la clientèle s’en trouve accrue. Il est certain cependant que le développement et la fidélisation de cette clientèle repose pour une

Page 376: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

371

Cela a été récemment affirmé par la Cour de cassation dans un arrêt du 27 mars 2002

après certaines années d’ambiguïté et d’incertitude chez les juges du fond1200

. Dans cet

arrêt, la troisième Chambre civile de la Cour de cassation a jugé que « si une clientèle

est au plan national attachée à la notoriété de la marque du franchiseur, la clientèle

locale n’existe que par le fait des moyens mis en œuvre par le franchisé, parmi lesquels

les éléments corporels de son fonds de commerce, matériel et stock, et l’élément

incorporel que constitue le bail.

part non négligeable sur le travail propre des distributeurs qui ont la charge de maintenir l’image de la marque » ; H.BENSOUSSAN, Le droit de la franchise , Apogée 1999 , p, 233 : « [La] démarche traditionnelle d’un client qui se rend dans une unité de franchise nouvelle est de tester. Les signes de ralliement du franchiseur facilitent sans doute cette étape pour le client averti, mais chacun sait que malgré tous les efforts d’un franchiseur pour parvenir à une homogénéité totale des points de distribution, toutes les unités franchisés n’offrent pas le même service ni la même qualité. Un commerçant compétent constituera nécessairement une clientèle, en l’absence d’une marque connue et de l’aide d’un groupe, même si cela peut prendre un certain temps, alors qu’un commerçant incompétent ne pourra jamais poursuivre son activité, même s’il jouit de signes de ralliement de la clientèle connus ». 1200

Par un arrêt du 6 février 1996 ( CA Paris, 6 février 1996, JCP G 1997, II, 22818, obs. B. BOCCARA ;

RTD com.1996, 237, J. DERRUPE ; D.1996, somm., 57, obs. D. FERRIER ; R. FABRE, La clientèle

dans la franchise, Cah. dr. entr. 1996 / 3, p.17 ; D. BASCHET, La franchise est en deuil, Gaz. Pal. 1996,

I, doct., p.557 ), la Cour d’ appel de Paris a décidé que la clientèle du franchisé appartenait, en principe,

au franchiseur, sauf si le franchisé parvenait à démontrer une clientèle liée à sa personne ou un

achalandage : « pour qu’un locataire franchisé ou un concessionnaire d’une marque soit considéré comme ayant un fonds de commerce en propre, il doit apporter la preuve de ce qu’il a une clientèle liée à son activité personnelle, indépendamment de son attrait en raison de la marque du franchiseur ou du concédant, ou bien qu’il démontre que l’élément du fonds qu’il apporte, le droit au bail, attire la clientèle de manière telle qu’il prévaut sur la marque ». Cette jurisprudence a été critiquée par la majorité

de la doctrine. Ainsi, J. DERRUPPE (Le franchisé a-t-il encore une clientèle et un fonds de commerce ?,

Actualité juridique propriété immobilière, AJPI, 1997, p.1102, et sépc., p. 1004) qui observe « alors que l’on s’apprête à accorder aux professions libérales une protection de leur statut locatif comparable à celle des commerçants et artisans, peut-on imaginer qu’un grand nombre de commerçants en soient privés parce qu’ils ont eu recours à de nouvelles techniques de distribution ? ». L’auteur ajoute aussi que

« refuser à la grande majorité des franchisés et des concessionnaires la propriété d’un fonds de commerce est certainement aller à l’encontre d’un sentiment commun .Non seulement les intéressés en seront surpris, mais tout autant sinon plus les franchiseurs et les concédants qui n’ont jamais eu ni la conscience ni le désire d’être propriétaires des fonds de leurs distributeurs .Quant aux clients, on les étonnerait fort en leur disant qu’ils ne sont pas les clients de la boutique ou du garage où ils ont leur habitudes ». De même, D. BASCHET, (La propriété de la clientèle dans le contrat de franchise, Gaz. Pal.

1994, II, 1256 ; du même auteur, « La franchise est en deuil », Gaz. Pal. 1996, I, p.22) qui estime que

dénier ne manquera pas d’entraîner de lourdes conséquences vis-à-vis des franchisés. Selon lui, en posant

comme principe que les franchisés ne sont pas propriétaires du fonds qu’ils exploitent, à moins qu’ils ne

rapportent la preuve d’une clientèle autonome, la jurisprudence menace à terme la stabilité économique

des réseaux de franchise et de distribution intégrée de manière générale. Sensible à ces critiques, la Cour

d’appel semble avoir opéré un revirement, cinq ans plus tard, en reconnaissant au franchisé une clientèle

et donc fonds de commerce autonome par rapport à celui appartenant au franchiseur. Par conséquent, il

peut bénéficier d’un droit au renouvellement de son bail ou, à défaut, d’une indemnité d’éviction. C’est

ainsi dans un arrêt daté du 4 octobre 2000 (CA Paris, 4 octobre 2000, LPA 16 novembre 2000, p.11, note.

J. DERUPPE ; du même auteur ; AJDI mars 2001, p. 244 ; JCP E 2001, II, p.324, note. BOCCARA ; D.

2001, p. 1718, H. KENFACK), que la Cour d’appel de Paris a décidé que « le fonds de commerce est un ensemble de nature à attirer la clientèle intéressée par le produit vendu ou la prestation offerte en vue de l’enrichissement de celui qui assume le risque d’une telle entreprise, c'est-à-dire celui de la perte des investissements qu’il a faits pour l’acquérir, la maintenir et la développer ». Pour autant, la question de

l’existence d’une clientèle propre au franchisé demeurait incertaine jusqu’ à l’époque où la Cour de

cassation a décidé d’intervenir par l’arrêt de Trévisan en levant toute ambiguïté sur cette question.

Page 377: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

372

Cette clientèle fait elle-même partie du fonds de commerce du franchisé, puisque,

même si celui-ci n’est pas propriétaire de la marque et de l’enseigne mises à sa

disposition pendant l’exécution du contrat de franchise, elle est créée par son activité,

avec des moyens que, contractant à titre personnel avec ses fournisseurs ou prêteur de

deniers, il met en œuvre à ses risques et périls. Par ailleurs, le franchiseur reconnaît au

franchisé le droit de disposer des éléments constitutifs de leur fonds, la cour d’appel en

déduit exactement que les preneurs sont en droit de réclamer le paiement d’une

indemnité d’éviction et a, par ces seuls motifs, légalement justifiée sa décision » 1201. Il

en résulte, par conséquent, que contrairement à l’agent commercial qui restitue la

clientèle qu’il a développée et créée tout au long du contrat au mandataire le franchisé

conserve sa clientèle qu’il a développée dans le cadre de son contrat. Une telle solution,

favorable au franchiseur, retenue en droit français n’est pas toutefois celle de certains

droits étrangers qui reconnaissent au franchisé un droit à une indemnité de clientèle à la

fin du contrat comparable à celle que reçoit l’agent commercial et le VRP.

§ 2. L’existence d’un droit à une indemnité de clientèle dans certains

droits étrangers

366. En droit allemand. Contrairement au droit français et à certains droits étrangers

1202 refusant de reconnaître au franchisé un droit à une indemnité de clientèle à la fin du

contrat, le droit allemand accorde une indemnité de clientèle au franchisé à la fin du

contrat de franchise de la même manière qu’à l’agent commercial1203

.

1201

Cass. civ 3e,

, 27 mars 2002, D. 2002, 2400, note. H. KENFACK ; JCP G 2002, II, 10112, F.AUQUE ;

Dr et patri, 2002, n° 106, p.99, obs. P. CHAUVEL ; JCP E 2002, p.29, note. J.-L. RESPAUD ; Rev.

Loyers, juin 2002, n°828, p.314, note. G. AZEMA ; D. 2002, Act-juris, p.1487, note. E. CHEVRIER ;

LAP, 3 février 2003, n° 25, p.3, note. Y. MAROT ; Ph. DELEBECQUE, La jurisprudence reconnaît au

franchisé le bénéfice de la législation sur le fonds de commerce, Lamy Droit commercial, Bulletin

d’actualité, septembre 2002, n°147, p. 1. 1202

Certains droits étrangers se montrent réticent à reconnaître au franchisé ou au concessionnaire un

droit à une indemnité de clientèle, à la fin du contrat. Tel est le cas du droit saoudien. Dans ce dernier, la

jurisprudence a affirmé à maintes reprises qu’à défaut d’une clause stipulée dans le contrat prévoyant

expressément le droit pour le franchisé ou le concessionnaire à une indemnité de clientèle, celui-ci ne

saurait avoir une telle indemnité (Ch. com., Diwan Al-Mazalim, 11 novembre 1994, inédit). La même

position est retenue en droit suisse (V. C-Q. CORINNE TRUONG, Les différends liés à la rupture des

contrats internationaux de distribution dans les sentences arbitrales CCI, Bib dr entr, Litec, 2002, préface

Ph. Fouchard, n° 318, p.265 et s et les sentences statant selon le droit suisse ). Il en va de même

également pour le droit suédois (J.-J. ZANDER, « Suede : La rupture du contrat de distribution »,

CJFE/CFCE 1997, n°2, p.363, et spéc., p.367 ). 1203

F.-X. LICARI, La protection du distributeur intégré en droit français et allemand, th., Bibliothèque de

droit de l’entreprise, Litec, 2002, p. 576 et s. Plus récemment, F.-X. LICARI, « L’application par

analogie du droit de l’agence commerciale, fondement possible de la reconnaissance d’une indemnité de

Page 378: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

373

Toutefois, il faut noter que l’attribution d’une indemnité au franchisé, lors de la

cessation des relations contractuelles, pour la perte de la clientèle qu’il subit du fait de

cette cessation n’est pas sans condition. En effet, la jurisprudence estime que, pour que

l’article 89 b (HGB) du Code de commerce allemand relatif à l’agent commercial puisse

s’appliquer par analogie aux franchisés et aux concessionnaires, deux conditions

doivent être cumulativement remplies, de telle manière que si l’une d’elles fait défaut, le

franchisé ou le concessionnaire n’aura aucun droit à une indemnité de clientèle1204

. Il

faut, d’abord, qu’il existe un lien juridique entre le franchisé et le franchiseur qui ne se

réduit pas à une simple relation acheteur-vendeur. Ce lien consiste dans l’intégration du

franchisé dans le réseau du franchiseur. Une telle exigence ne pose aucune difficulté,

d’autant plus que le système de la franchise impose, par nature, une intégration du

franchisé dans le réseau de franchise plus évidente et plus étroite que celui de l’agent

commercial ou même que le concessionnaire1205

.

Il faut ensuite qu’il y ait un transfert par le franchisé de la clientèle au

franchiseur1206

. Celui-ci doit être en mesure d’exploiter cette clientèle après la rupture

du contrat de franchise. Si ces deux conditions sont satisfaites, alors, la situation du

franchisé sera assimilée à celle de l’agent commercial. Par conséquent, il pourra avoir

une indemnité qui compense la perte de clientèle causée la cessation des relations

contractuelles. Une solution identique se trouve consacrée en droit autrichien.

367. En droit autrichien. Aux antipodes du droit français qui refuse toujours de

reconnaître au franchisé et au concessionnaire, une indemnité de clientèle à l’expiration

du contrat, au motif que cette clientèle lui appartient et reste entre ses mains après le

contrat, le droit autrichien leur reconnaît le droit d’avoir une indemnité qui compense la

perte de la clientèle que lui fait subir la rupture du contrat.

fin de contrat au concessionnaire et au franchisé » (Quelques réflexions à propos de CA Paris, 1

er mars

2006, SAS Général Motors c/ sté Coroller Automobiles », RLDF. 2007, n°13, p.93. 1204

F.-X. LICARI, th., précitée, p.577, et s. 1205

F.-X. LICARI, th., précitée, p.578 et. 1206

Ibid.

Page 379: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

374

En réalité, la jurisprudence autrichienne fait une application analogique des

dispositions concernant l’agence commerciale aux relations contractuelles entre

franchiseur et franchisé1207

. Elle considère que le franchisé est en droit d’avoir une

indemnité pour la perte de la clientèle que la rupture du contrat lui cause. Cette

indemnité, qui n’est d’ailleurs accordée que si aucun manquement contractuel ne peut

être reproché au franchisé, se justifie par le fait de son intégration quasi-totale dans le

réseau du franchiseur et par le fait qu’il contribue substantiellement au développement

du chiffre d’affaires du franchiseur. Cette solution a été clairement affirmée dans l’arrêt

Yves Rocher rendu par la Cour suprême autrichienne le 10 avril 1991

1208. Dans cet arrêt,

les juges ont considéré que le degré d’intégration du franchisé dans le réseau franchiseur

Yves Rocher était comparable à celui d’un agent commercial. D’où il résulte qu’il

pouvait avoir droit à une indemnité en fin de contrat. Il en va de même pour le droit

espagnol.

368. En droit espagnol. Le principe traditionnellement retenu en droit espagnol était

l’absence d’un droit à indemnisation pour le concessionnaire ou le franchisé, sauf en cas

de rupture abusive où le juge prenait en compte dans le calcul des dommages et intérêts

la perte de la clientèle1209

. C’est seulement en cas de rupture fautive du contrat par le

franchiseur qu’une indemnité pouvait être accordée au franchisé évincé du réseau. Cette

solution a été affirmée à plusieurs reprises par la Cour suprême espagnole1210

.

1207

B. VICTOR GRANZER, « Autriche : Les droits du concessionnaire en fin de contrat », CJFE, 1997,

n°2, p.335. 1208

Ibid. 1209

N. CHARPENTIER MAVRINAC,« Espagne : La rupture du contrat de distribution exclusive »,

CJFE/CFCE 1997, n° 2, p.357, et spéc., p.360. 1210

Ibid.

Page 380: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

375

Toutefois, il est important de noter que, depuis 1994, la jurisprudence espagnole

semble avoir opéré un revirement. De plus en plus soucieuse des conséquences

économiques parfois désastreuses que subissent les franchisés comme les

concessionnaires du fait de la cessation de leur contrat, la jurisprudence a décidé

d’appliquer par analogie au contrat de franchise -comme d’ailleurs au contrat de

concession- les règles ou les dispositions légales relatives à l’agence commerciale quant

à l’indemnité de clientèle1211

. Elle reconnaît désormais au franchisé un droit à une

indemnité pour perte de clientèle à la fin du contrat sur le fondement de

l’enrichissement sans cause1212

.

369. Conclusion de la section I. A l’instar des concessionnaires, les franchisés ne

disposent pas, en droit français, d’un droit à une indemnité de clientèle lors de la

cessation des relations contractuelle, n’est-ce qu’en raison de leur qualité de

commerçant indépendant. Contrairement aux agents commerciaux qui prospectent et

constituent une clientèle en qualité de mandataire pour le compte de leur mandant, les

franchisés sont censés avoir une clientèle qui leur reste attachée à la fin du contrat. Une

telle solution, retenue dans certains droits étrangers, réfutée par d’autres, n’est pas

satisfaisante, puisqu’elle ne tient pas compte du rôle du franchisé dans la création et le

développement de la clientèle du franchiseur. Même si le franchisé garde, en fin de

contrat, sa propre clientèle à laquelle il peut proposer d’autres produits d’un franchiseur

concurrent, une part de cette clientèle est transférée au franchiseur et s’attache à sa

marqué grâce au franchisé. Une telle solution défavorable pour le franchisé n’est pas la

seule. Ce dernier ne peut aussi obliger le franchiseur à reprendre les stocks invendus

restant entre ses mains lors de la rupture du contrat, sauf clause contraire ou faute

commise par ce dernier.

1211

Ibid. 1212

Ibid.

Page 381: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

376

SECTION II-LA REPRISE DES STOCKS EN FIN DE CONTRAT

370. Le sort des stocks à la fin de contrat. Afin de satisfaire la demande de la clientèle

dans les meilleurs délais, le franchisé est souvent, tout au long de sa relation avec le

franchiseur, contractuellement tenu d’entretenir un stock minimal de marchandises dans

ses magasins, et de le renouveler régulièrement jusqu’au terme du contrat. Or, il arrive

parfois qu’au jour où le contrat de franchise prend fin, le franchisé n’ait pas eu le temps

de revendre toutes les marchandises achetées au franchiseur. En pareille hypothèse, la

question est la suivante : le franchiseur peut-il être tenu de reprendre les stocks de

produits restant entre les mains du franchisé lors de la cessation du contrat, étant donné

que celui-ci ne pourra les écouler après la rupture du contrat de franchise sauf à engager

sa responsabilité ? Ou, au contraire, le franchisé doit –il conserver ses stocks, même si

ceux-ci deviennent sans utilité après la rupture, d’autant qu’il est censé en avoir la

propriété? Ces interrogations vont être examinées aussi bien en droit français (§ 1)

qu’en droit comparé (§ 2).

§1. La situation en droit français

371. Principe et exception. En droit français, le principe est que, dans le silence du

contrat de franchise, le franchiseur ne peut être tenu d’une obligation implicite de

reprendre les stocks non encore vendus restant entre les mains du franchisé lors de la

rupture du contrat (A). Toutefois, il est à noter que dans la plupart des hypothèses, les

contrats de franchise contiennent une clause réglant le sort des stocks en fin de contrat

(B).

Page 382: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

377

A. Absence d’une reprise de plein droit du stock en fin de contrat

372. Doctrine favorable et jurisprudence hostile. Différentes propositions sont

favorables à l’instauration d’une obligation de reprise des stocks par le franchiseur en

fin de contrat (1). Aucune de ces propositions n’a été retenue par la jurisprudence. Cette

dernière se montre toujours hostile à contraindre le franchiseur de reprendre les stocks

restant invendus chez le franchisé à la fin du contrat en l’absence de toute clause (2).

1. Propositions favorables à la reprise des stocks de plein droit par le franchiseur

373. Proposition parlementaire Le désire de protéger le distributeur intégré,

notamment le franchisé, contre les conséquences économiques désastreuses résultant de

la cessation des relations contractuelles, a conduit à de nombreuses propositions de lois

tendant à définir un statut juridique du franchisé et du concessionnaire1213

. Parmi ces

propositions, on retiendra celle de MM. Glon et Cousté visant à instaurer à la charge du

franchiseur ou du concédant, en fin de contrat, une obligation de reprise des stocks

restant invendus entre les mains du franchisé ou du concessionnaire. Selon l’article 6 de

leur proposition de loi, le franchiseur ou le concédant dispose d’une option en fin de

contrat : soit laisser au franchisé ou au concessionnaire le temps d’écouler les stocks

restant sous l’enseigne du réseau, soit reprendre dès la cessation du contrat les

marchandises invendues.

1214.

1213

Proposition de M. LACHEVRE, J.O. 4 octobre 1956, Doc. Par.1956, p.87 annexe n°7 ; proposition de

MM. LAURIOL et ANSQUER, n°529, 2éme session, 1977 – 1978 ; proposition de M. DALLADIER, n°

112383, session 1956-1957 ; proposition de MM. CUPFER et DALLADIER, n° 5087, session 1956-

1957 ; proposition de MM. GLON et COUSTE, n°891, 1er session 1973-1974. Pour une étude

approfondie de ces propositions, v. - M. DE BERMOND DE VAULX, Les problèmes juridiques posés

par l’expiration des contrats de concession exclusive, JCP CI 1984, I, 14246. Egalement, L. AMIEL-

COSME, Les réseaux de distribution, LGDJ, 1995, préface Y. Guyon, n° 48, p.56 et s. 1214

Proposition précitée.

Page 383: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

378

Dans l’hypothèse où le franchiseur ou le concessionnaire refuse de choisir l’un ou

l’autre terme de cette alternative, il devra verser une indemnité au franchisé ou au

concessionnaire égale à la valeur du stock évalué au jour de la cessation du contrat.

Toutefois, cette proposition de loi, tendant à l’instauration d’une obligation de reprise

des stocks de plein droit par le franchiseur en fin de contrat, n’a pas été retenue. Notons

que ce n’est pas la seule proposition favorable à la reprise des stocks par le franchiseur.

Il y a aussi d’autres propositions doctrinales qui y sont favorables.

374. Propositions doctrinales. Dans la volonté d’atténuer les conséquences

économiques graves que la cessation des relations contractuelles peut faire subir aux

franchisés, certains auteurs ont avancé l’idée de la garantie d’éviction afin de justifier la

reprise des stocks de plein droit par le franchiseur ou par le concédant en fin de contrat.

Tel est le cas du Professeur Cabrillac1215

. Selon l’analyse de cet éminent auteur, le

franchiseur ou le concédant est -comme tout vendeur- tenu, à l’égard de son

distributeur, d’une obligation de garantie du fait personnel. En vertu de cette obligation,

il doit s’abstenir de tout acte susceptible d’apporter un trouble de droit ou de fait à la

jouissance du droit de vendre les produits dont dispose le franchisé ou le

concessionnaire. Or, en mettant fin au contrat, soit par sa résiliation, soit par son non

renouvellement, avant même que les produits destinés à la vente ne soient vendues, le

franchiseur ou le concédant apporte un trouble de fait au franchisé ou au

concessionnaire, puisque celui-ci ne peut plus utiliser les produits selon leur destination

normale, c'est-à-dire les revendre. Cela constitue donc une négation de son obligation de

garantie impliquant la reprise des stocks invendus restant chez le franchisé, ou à tous le

moins, de l’indemniser de la perte causée.

1215

M. CABRILLAC, Le sort des stocks détenus par le revendeur lors de l’expiration de la concession de

vente, D. 1964, p.181.

Page 384: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

379

Une telle analyse fondant l’obligation de reprise des stocks par le franchiseur sur la

garantie du fait personnel, peut être de nature à offrir une bonne protection économique

et sociale au franchisé ou au concessionnaire. Aussi, elle a été retenue par certaines

Cours d’appel 1216

ainsi que par certains auteurs1217

. Néanmoins, elle ne manque pas de

présenter des inconvénients.

D’abord, on lui a reproché d’être trop restrictive. La garantie du fait personnel ne

peut jouer que dans les hypothèses où la cessation du contrat de franchise est

intervenue dans des circonstances fautives imputables au franchiseur1218

. C’est

seulement dans cette hypothèse qu’il peut être concevable que la cessation du contrat

cause un trouble au franchisé. Cependant, lorsque la cessation du contrat n’est que

l’exercice normal d’un droit, tel que le droit de ne pas renouveler un contrat de

franchise arrivant à son terme ou l’exercice du droit de résiliation unilatérale d’un

contrat de franchise conclu sans terme, dans cette hypothèse, aucun trouble ne saurait en

résulter. Ensuite, elle ne peut être invoquée si le franchisé ne subit aucun trouble dans

l’écoulement de leurs stocks1219

. Enfin, elle ne peut jouer que lorsque le contrat de

franchise ne met à la charge du franchisé aucun quota d’achat ou de vente, ce qui est le

cas lorsque la constitution d’un stock est recommandée et non imposée par le

franchiseur.

1216

CA Paris, 12 octobre 1966, D. 1967, p.516, note. M. CABRILLAC. Dans cet arrêt, il a été jugé que

la clause par laquelle le fournisseur se réserve la simple faculté de reprendre les stocks du distributeur

devait être réputée non écrite, comme contraire à la règle « qui doit garantie ne peut évincer » consacrée

par l’article 1628 du code civil. 1217

A. ROLAND, La situation juridique des concessionnaires et des franchisés membres d’un réseau

commercial, th., Rennes, 1976, n° 253, p.175. L’auteur observait que la théorie de l’éviction invoquée par

M. Cabrillac paraît être particulièrement bien adaptée au double souci d’efficacité économique et de

protection économique et sociale, auquel aspirent les concessionnaires et les franchisés. : « Le souci de maintenir l’efficacité économique est satisfaite dans la mesure d’une part, où le transfert de propriété né de la vente est préservé, et où d’autre part, la garantie n’est accordée qu’aux concessionnaires et aux franchisés qui la méritent ». Dans le même sens J. HUET, Les principaux contrats spéciaux, 2

e édition,

LGDJ, 2001, n° 11606, p.539 et s. Selon ce dernier, le raisonnement « paraît convaincant et le résultat est de nature à tempérer les inconvénients de ce contrat, où le distributeur se trouve dans une situation de dépendance marquée ». 1218

J. HEMARD, note sous Cass. com., 8 avril 1967, JCP G 1968, .II, 15346 ; A. ROLAND, La situation

juridique des concessionnaires et des franchisés membres d’un réseau commercial, th., Rennes, 1976, n°

235, p.175 et s ; G. VIRASSAMY, Les contrats de dépendance. Essai sur les activités professionnelles

exercées dans une dépendance économique, préface J. Ghestin, LGDJ, 1986, n° 68, p.58 ; J. LE

CALVEZ, Evolution et rôle des clauses d’exclusivité : les aspects juridiques des conventions de

concession exclusive, th., Paris I, 1979, p.149. 1219

Ibid.

Page 385: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

380

Comme le relève un auteur, en pareille hypothèse, il est à craindre que

«l’obligation de garantie devienne un moyen de pression de la part du concessionnaire

qui pourrait mettre en réserve un stock particulièrement important pour tenter de

dissuader le concédant de mettre fin au contrat »1220.

Tous ces défauts ont conduit certains auteurs à renoncer à la thèse de la garantie

d’éviction, comme fondement juridique de l’obligation de reprise des stocks par le

franchiseur, pour en chercher un autre comme, par exemple, la théorie de la cause. Ces

auteurs ont, en effet, proposé de fonder l’existence d’une l’obligation de reprise des

stocks par le franchiseur sur l’idée de cause1221

. Selon leurs analyses, l’achat des

produits par le franchisé ou par le concessionnaire a pour cause l’existence du contrat de

franchise que lui confère la faculté de les commercialiser dans des conditions normales.

Or, avec la fin du contrat, ces achats se trouvent dépourvus de cause. Par voie de

conséquence, la détention d’un stock n’a plus de raison d’être, d’où résulte l’obligation

de reprise des stocks par le franchiseur en fin de contrat. En d’autres termes,

l’acquisition des produits par le franchisé n’est justifiée que par le besoin de l’exécution

du contrat de franchise. Elle a, en effet, pour équivalent, la faculté de les

commercialiser. Or, si cette faculté disparaît, la conservation par le franchisé de ces

produits devient sans cause. Par conséquent, le franchiseur doit reprendre les stocks

invendus restant entre les mains du franchisé lors de la rupture du contrat.

Aussi séduisante qu’elle soit, la théorie de la cause, comme fondement juridique

de l’obligation de reprise des stocks ne peut échapper à certaines critiques. D’abord, elle

conduirait à une reprise automatique des stocks par le franchiseur sans tenir compte ni

du fait de savoir si le franchisé a la possibilité d’écouler les stocks qu’il détient en fin de

contrat, ni de la loyauté du franchisé. Ensuite, sa valeur est douteuse car il y a bien

quelques artifices à dégager de la volonté commune des parties.

1220

M-A. COUDERT, La garantie d’éviction dans les ventes commerciales, D.1973, Chro., p.114. 1221

P. PIGASSOU, La distribution intégrée, RTD com. 1980, p.473, et spéc., n° 62, p.519 : « La théorie de la cause serait assurément un instrument de régulation extrêmement utile pour régler la question des stocks à l’expiration du contrat de distribution intégrée ». J. LE CALVEZ, Evolution et rôle des clauses

d’exclusivité : les aspects juridiques des conventions de concession exclusive, th. Paris I, 1979, p. 149 :

« C’est elle [ la notion de cause ] qui va permettre de fournir la justification de reprise : il ne suffit pas de l’écarter au seul motif qu’il s’agit d’un concept délicat ». J - M. BERMOND DE VAULX, Les

problèmes juridiques posés par l’expiration des concessions, JCP CI 1984, II, 12441, n°16.

Page 386: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

381

Chacun sait que le franchisé ou le concessionnaire « n’est en aucune manière libre

de sa politique commerciale, de la politique de produit le tout lui est imposé de telle

sorte que la mévente d’un produit ou d’une marchandise ne saurait lui être imputée s’il

a fait un effort sérieux de démarchage ou de sollicitation de la clientèle. En un mot, s’il

a accompli avec diligence ses obligations »1222.

Tous ces inconvénients ont amené de nombreux auteurs à aller chercher ailleurs un

autre fondement juridique justifiant la reprise de plein droit par le franchiseur ou par le

concédant, à la fin du contrat, des stocks non encore vendus.

Certains de ces auteurs ont récemment proposé de fonder l’obligation de reprise

des stocks de plein droit par le franchiseur sur le devoir de coopération et sur

l’équité1223

. Selon leurs analyses, le franchiseur est tenu d’un devoir de coopération en

vue d’une liquidation harmonieuse de la relation contractuelle afin de minimiser les

dommages résultant de la cessation du contrat. Il doit reprendre les stocks devenus

inutiles en fin de contrat ou, au moins, aider le franchisé à les écouler. Ce devoir trouve

sa source dans l’article 1135 du code civil aux termes duquel « les conventions obligent

non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l’équité,

l’usage ou la loi donnent à l’obligation d’après sa nature »1224. Toutefois, les auteurs

soulignent qu’afin d’éviter de créer une injustice à l’égard du franchiseur, la reprise ne

doit concerner que les seuls produits imposés au franchisé. Tous les produits que celui-

ci a commandés en vue de satisfaire la demande de sa clientèle doivent rester à sa

charge.

1222

G. VIRASSAMY, Les contrats de dépendance. Essai sur les activités professionnelles exercées dans

une dépendance économique, préface J. Ghestin, LGDJ, 1986, n° 70, p.59. 1223

D. MAINGUY, La revente, Litec, 1996, préface Ph. Malaurie, n° 259, p.318 et s ; D. MAINGUY,

Remarques sur les contrats de situation et quelques évolutions récentes du droit des contrats, in Mélanges.

M. Cabrillac, Dalloz, 1999, p.165, n° 23, p.182 et s. V.aussi, F.-X. LICARI, La protection du distributeur

intégré en droit français et allemand, Litec 2001, préface. C. Witz, p 597 et s. 1224

Sur cet article, v. C. Mouly-Guillemaud, Retour sur l’article 1135 du code civil : une nouvelle source

du contenu contractuel, LGDJ, 2006, préface D. Ferrier. Aussi, Ph. JAQUES, Regards sur l’article 1135

du code civil, Dalloz, 2005, préface F. Chabas.

Page 387: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

382

Comme le relève un auteur l’équité « commande une juste répartition des risques,

et en conséquence de n’imposer une telle obligation de rachat qu’en ce qui concerne les

produits dont la détention était contractuellement imposée au concessionnaire. Les

investissements « somptuaires » fruit d’une mauvaise évaluation des perspectives du

marché par le concessionnaire, doivent rester à la charge définitive du

distributeur »1225.

Cependant, il convient de noter que, malgré les différentes propositions

parlementaires et doctrinales faites en vue de justifier une obligation de reprise de plein

droit par le franchiseur des stocks restant invendus entre les mains du franchisé lors de

la cessation des relations contractuelles, la jurisprudence se montre rigoureusement

hostile à contraindre le franchiseur à reprendre les stocks du franchisé en fin de contrat

en l’absence de toute clause.

2. Hostilité jurisprudentielle à la reprise des stocks

375. Le principe : l’exclusion de la reprise de plein droit des stocks. Il arrive, dans

certaines hypothèses, que le franchisé détienne certains stocks lors de la cessation des

relations contractuelles le liant au franchiseur. En pareille hypothèse, la question est de

savoir si le franchiseur peut être tenu de reprendre les stocks restant invendus entre les

mains du franchisé en fin de contrat.

La réponse à cette question ne peut être que négative. La jurisprudence dominante

retient, comme principe, que, dans le silence du contrat, et à défaut de tout accord

contractuel, le franchiseur ou le concédant n’est pas tenu de reprendre les stocks de

produits qui restent entre les mains du franchisé ou du concessionnaire lors de la

cessation des relations contractuelles1226

. Celui-ci en reste propriétaire. Il doit assumer

son écoulement même s’il ne dispose plus de signes distinctifs de la marque.

1225

F.-X. Licari, th., précitée, p.603. 1226

Ex. Cass. com., 8 mars 1967, JCP. 1968, II, 15346, note. J. HEMARD ; Cass. com., 16 février 1970,

RTD com. 1970, p.765, note. J. HEMARD ; Cass. com., 21 octobre 1964, Bull. civ.IV, p.390.

Page 388: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

383

En effet, aux yeux de la jurisprudence, la non-reprise du stock par le franchiseur ou

par le concédant lors de la fin du contrat constitue « une éventualité [que le franchisé

ou le concessionnaire] a dû prévoir en signant le contrat qui ne comportait aucune

garantie de ce chef »1227. La reprise constitue en effet un avantage qu’aucun usage ne

consacre1228

.

376. Appréciation. Certain auteurs ont approuvé la jurisprudence refusant d’imposer au

franchiseur la reprise des stocks en l’absence de disposition contractuelle. Pour eux, le

franchisé est un commerçant qui doit assumer les aléas de son activité commerciale,

aléas parmi lesquels figure la non-reprise des stocks en fin de contrat. Ils estiment que la

non-reprise des stocks en fin de contrat n’est, en effet, qu’une contribution au manque à

gagner ou une contrepartie aux pertes ou aux avantages que chacun des membres du

réseau doit supporter1229

. A l’inverse, d’autres auteurs, de plus en plus nombreux,

déplorent la sévérité ou l’iniquité de cette solution1230

.

1227

Cass. com., 8 mars 1967, précité. 1228

Cass. com., 21 octobre 1964, Bull. civ. IV, p.390 ; CA Paris, 19 novembre 1969, D. 1970, jurs., p.98. 1229

En ce sens, J. GUYENO, Les ventes avec clauses d’exclusivité et les groupements commerciaux de

concessionnaire, Gaz.Pal.1972, doct., 481 : « Les juges ne doivent, ni mettre systématiquement le stocks d’invendus à la charge de l’une des parties, ni en relever nécessairement le concessionnaire, car il peut être parfois équitable qu’il en supporte la charge en totalité ou en partie. Celle-ci peut représenter sa contribution au manque à gagner ou être une contrepartie aux pertes que chaque membre de la communauté d’entreprises doit supporter au prorata des avantages qu’il a pu en retirer en période contractuelle ». Dans le même sens, C-Q. CORRINE TRUONG, Les différends liés à la rupture des

contrats internationaux de distribution dans les sentences arbitrales CCI, Litec, n° 300, p.256 et s : « il convient de se rallier à cette approche qui respecte la volonté des parties et éviter les arbitraires en « censeurs » qui seraient tentés de mettre à la charge d’une des parties une obligation qui n’a pas été prévue au contrat. Le distributeur tout comme le concédant, est un professionnel de la distribution qui a négocié en toute connaissance de cause le contrat » ; H. KENFACK, La franchise internationale, th.,

Toulouse I, 1996, n° 345, p.384 : « Cette solution n’est pas avantageuse pour les franchisés étrangers. Elle paraît pourtant logique dans le domaine international. En effet, si les parties avaient voulu l’éviter, elle auraient dû inclure dans leur contrat une clause relative au stock ». 1230

Ph. STOFFEL-MUNCK, L’après -contrat, in Durée et expiration du contrat, RDC.2004, p.159, et

spéc., n° 9, p.162. Pour l’auteur, le principe d’absence d’une obligation de reprise des stocks par le

franchiseur dans le silence du contrat constitue « une entorse à l’unité du régime de l’après -contrat où, habituellement, les choses remises au titre du contrat doivent être restituées au titre de l’après -contrat ». V. aussi, F.-X. LICARI, La protection du distributeur intégré en droit français et allemand, th.,

Bibliothèque de droit de l’entreprise, Litec 2001, préface. C. Witz, p.602 ; J. BEAUCHARD, Droit de la

distribution et de la consommation, PUF 1996, p.191 ; Ph. BESSIS, Le contrat de franchisage, LGDJ,

1990, n°94, 104 ; A. ROLLAND, La situation juridique des concessionnaires et des franchisés membres

d’un réseau commercial, th., Rennes 1976, n° 235 ; D. MAINGUY, La revente, Litec, 1996, préfac Ph.

Malaurie, n° 259, p.318 et s ; D. MAINGUY « Remarques sur les contrats de situation et quelques

évolutions récentes du droit des contrats, in Mélanges. M. Cabrillac, Dalloz, 1999, p.165, n° 23, p.182 et

s ; G. VIRASSAMY, Les contrats de dépendance, Essai sur les activités professionnelles exercées dans

une dépendance économique, préface J. Ghestin, LGDJ, 1986, n°66, p. 56 et s ; P. PIGASSOU, La

distribution intégrée, RTD com.1980, n° 61, p.518, et s ; J. LE CALVEZ, Evolution et rôle des clauses

d’exclusivité : les aspects juridiques des conventions de concession exclusive, th., Paris I, 1979, p.149 ;

J.-M. BERMOND DE VAULX, Les problèmes juridiques posés par l’expiration des concessions, JCP CI

1984, II, 12441, n°16 ; M. CABRILLAC, Le sort des stocks détenus par le revendeur lors de l’expiration

Page 389: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

384

Ils estiment que la conservation des stocks par le franchisé constitue pour lui un

lourd fardeau dans la mesure où la perte des signes distinctifs du réseau et l’installation

du nouveau franchisé entravent la commercialisation normale des produits restés en sa

possession en fin de contrat. Or, l’obligation pour le franchiseur de racheter les éléments

des stocks de son ancien distributeur ne s’accompagne d’aucun inconvénient notable

puisqu’il a la possibilité de les écouler soit par lui-même, soit auprès de tous les

membres du réseau. Certains d’entre eux ont invoqué l’incohérence de la jurisprudence

qui, selon eux, d’une part, empêche le franchisé ou le concessionnaire de se prévaloir de

sa qualité de commerçant indépendant et de revendre les stocks qu’il déteint après

l’expiration du contrat, et, d’autre part, lui laisse le soin d’écouler les stocks non encore

vendus restant en sa possession1231

.

377. Position. Pour nous, la solution de la jurisprudence selon laquelle le franchiseur

n’a pas l’obligation de reprendre les stocks à la fin du contrat dans le silence du contrat

paraît inopportune. Elle ne correspond pas, croyons-nous, à la réalité du rapport

contractuel entre franchiseur et franchisé, réalité qui consiste à ce que, dans l’immense

majorité des contrats de franchise, la constitution des stocks est imposée par le

franchiseur. Ce dernier oblige au franchisé une quantité de marchandises qu’il doit

maintenir pour mieux satisfaire la demande de la clientèle.

de la concession de vente, D. 1964, p.181 ; G. FARJAT, Droit économique, Thémis, 1982, p.302, et

spéc., p.333.. 1231

M. CABRILLAC, note sous Cass. com., 8 mars 1967, JCP G 1968, II, 15346. Selon l’auteur, il y a là

« une incompatibilité flagrante entre la jurisprudence qui empêche le concessionnaire de se prévaloir de cette qualité (revendeur indépendant) après l’expiration de la concession et la règle qui lui laisserait le soin d’écouler les produits non encore vendus ». V. aussi, G. FARJAT, op.cit, qui observait ainsi : « On voit, dès lors, la belle contradiction : le commerçant, devenu propriétaire de la marchandise, ne peut imposer la reprise, mais il ne pourrait plus la vendre, n’étant plus concessionnaire ! Comme on l’a fait observer, la marchandise qu’il détient serait en quelque sorte frappée d’indisponibilité ! En réalité, ce cumul des avantages de l’indépendance et de la dépendance est juridiquement inadmissible. De deux choses l’une, ou le concédant entend que sa marchandise ne soit distribuée que par un réseau intégré sans période transitoire, et il lui importe de prendre toutes précautions à cet égard : les stocks doivent être repris par lui ou le nouveau concessionnaire ; où l’ex- concessionnaire, devenu commerçant indépendant, peut vendre licitement une marchandise dont il est propriétaire, jusqu’à l’écoulement des stocks ».

Page 390: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

385

Le franchisé ne peut souvent lui refuser en raison de l’état de la dépendance

économique quasi-totale dans laquelle il se trouve à l’égard du franchiseur, état de

dépendance économique qui fait, parfois que le franchisé, bien qu’il soit un commerçant

juridiquement indépendant, n’est pas totalement libre dans la gestion de ses stocks, ou

dans sa politique commerciale de manière générale1232

.

S’ajoute à cela qu’admettre que, dans le silence du contrat, le franchiseur n’a pas

l’obligation de reprendre les stocks du franchisé à la fin du contrat ne manque pas

d’engendrer certains inconvénients pour le franchiseur lui-même. Une telle solution

pourrait amener le franchisé, pendant le délai de préavis, à vendre les stocks restant

dans son magasin à perte, ce qui ne manquerait pas, non seulement d’aggraver son

préjudice, mais aussi de porter atteinte à la réputation et à l’image du réseau et à sa

principale force qui est l’homogénéité. Nous estimons donc qu’il est souhaitable que le

franchiseur soit implicitement tenu d’une obligation de reprendre les stocks non vendus

restant entre les mains du franchisé à la fin du contrat, sauf s’il se révèle que

l’impossibilité d’écoulement des stocks est due à un manquement qui lui est imputable.

Une telle solution, pouvant trouver son fondement dans le principe de l’équité, pourrait

contribuer à remédier à l’une des principales sources de déséquilibre économique du

contrat de franchise, en particulier, et de tous les contrats d’intégration, de manière

générale. Malgré cela, la jurisprudence dominante considère que le principe est que le

franchiseur ne peut se voir imposer la reprise des stocks non encore vendus restant entre

les mains du contrat de franchise en l’absence d’une clause expresse, sauf en cas d’une

faute commise par lui lors de la rupture du contrat de franchise.

1232

V. M. F. DE BOÜARD, (La dépendance économique née d’un contrat, th., Bibliothèque de L’institut

A. Tunc, 2007, préface G. Viney n°22, p.16 ), qui observe ainsi : « La dépendance économique naît d’un trompe l’œil. La situation juridique qui est donnée à voir est celle d’un commerçant engagé dans une relation d’affaires avec un partenaire dont il demeure juridiquement indépendant. Mais il s’agit là d’un habillage qui masque la complexité des rapports qui naissent entre les parties. La réalité de l’intégration est celle d’un entrepreneur qui se trouve privé d’entreprise propre et employé à développer, par l’exploitation qu’il fait de son outil de production ou de ses installations commerciales, celle de son partenaire dominant. De ce double-visage de la relation de dépendance économique née d’un contrat d’intégration, le droit ne retient que l’aspect juridique. Et parce que l’habillage juridique dont est parée la relation de dépendance économique masque sa véritable nature, le traitement juridique qu’il détermine apparaît inadaptée à la réalité sociale à laquelle il s’applique ». V. aussi, C. DE CONT, Propriété

économique, dépendance et responsabilité, 1997, préface F. Collart-Dutilleul et G - J. Martin, p. 21 et s

22. L’auteur observe, quant à l’impact de l’intégration économique sur l’agent intégré, que « (…) la perte du pouvoir-maîtrise de l’agent économique dominé sur son bien au profit du pôle intégrateur. Ce dernier dispose alors de la maîtrise de l’exploitation ; c’est lui qui dicte à l’intégré l’essentiel de sa politique industrielle et commerciale, alors même qu’il n’en a pas l’appartenance ».

Page 391: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

386

378. Tempéraments au principe. Si le principe est que, dans le silence du contrat, le

franchiseur n’est pas tenu de reprendre les stocks restant entre les mains du franchisé, ce

principe souffre néanmoins parfois de certaines exceptions.

Les circonstances de la cessation des relations contractuelles entre franchiseur et

franchisé peuvent, dans certaines hypothèses, conduire les tribunaux à régler le sort des

stocks au détriment du franchiseur. Il en est ainsi, par exemple, lorsque la cessation du

contrat de franchise par le franchiseur s’est réalisée dans des circonstances fautives ou

abusives imputables à lui. En pareille hypothèse, les juges n’hésitent pas à contraindre

le franchiseur, à qui la cessation fautive du contrat est imputable, à reprendre le stock

détenu par le franchisé lors de la cessation du contrat à titre de réparation. Un arrêt du

23 mai 2000 rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation illustre

parfaitement cette tendance1233

. Dans cet arrêt, rendu en matière de contrats de

concession, mais dont la solution est transposable aux contrats de franchise, les faits se

présentent de la manière suivante. Un contrat de concession est conclu entre la société

Ligne Roset, concédant, et la société Rehitime, concessionnaire pour une durée de trois

ans. Ce contrat ne contenait ni des clauses de tacite reconduction ou de renouvellement,

ni des clauses de prorogation. En revanche, il prévoyait dans son article 17 que la

société concessionnaire disposait d’un délai de trois mois pour pouvoir écouler les

stocks détenus après la cessation du contrat. Toutefois, et quelques jours avant

l’échéance du contrat, la société concédante a notifié à la société concessionnaire

qu’elle n’entendait pas renouveler le contrat la liant avec elle pour une nouvelle durée.

La société concessionnaire estimait qu’il y avait là une brusque rupture du contrat de la

part de la société concédante. Elle l’a donc assigné en paiement de dommages et intérêts

et en reprise des stocks détenus par elle lors de la cessation du contrat. Les juges du

fond, saisis du litige, lui ont donné gain de cause. Ils ont considéré que si la société

concédante Ligne Roset avait le droit de ne pas renouveler le contrat de concession

venu à expiration, la notification tardive, quelques jours avant l’échéance, de son refus

de renouvellement constituait une brusque rupture engageant sa responsabilité.

1233

Cass. com., 23 mai 2000, RJDA 2000, n° 973, p.772 ; RTD civ. 2001, p.137, obs. J. MESTRE et B.

FAGES.

Page 392: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

387

La Cour d’appel a condamné celle-ci à payer une indemnité, à titre de réparation,

pour brusque rupture ainsi qu’à la reprise des stocks restant entre les mains de la société

concessionnaire lors de la cessation du contrat de franchise. Pour justifier sa décision, la

Cour d’appel relève que même s’il est constant que le contrat de concession n’a prévu

aucun préavis lors du non-renouvellement de celui-ci, les usages commerciaux imposent

à la société concédante Ligne Roset de respecter un préavis qui doit nécessairement

précéder le terme contractuel permettant à la société concessionnaire Rehitime

d’organiser sa reconversion. Ce préavis ne doit pas se confondre avec la période de fin

de relation prévue à l’article 17 qui, postérieure à l’échéance, n’a pour but que

d’organiser l’écoulement du stock et de traiter les affaires en cours une fois que le

contrat de concession prend fin.

La société Ligne Roset s’est pourvue en cassation en reprochant à l’arrêt d’appel

de méconnaître les termes du contrat. Selon elle, le refus du renouvellement du contrat

intervenu peu avant l’échéance ne constitue pas une faute, puisque, d’une part, la règle

dans les contrats à durée déterminée est que la survenance du terme entraîne une

extinction automatique du contrat sans qu’aucune manifestation de la part de l’une des

parties en ce sens soit nécessaire. D’autre part, le contrat de concession ne contenait

aucune clause de tacite reconduction ou de prorogation pour que la notification du

préavis lors du non-renouvellement du contrat soit exigée d’elle. Or, son pourvoi a été

rejeté par la Chambre commerciale. Celle-ci a approuvé l’arrêt d’appel en jugeant ainsi :

« Mais attendu qu’après avoir retenu que le caractère tardif de la notification de non-

renouvellement constituait une faute de la société Roset dans le contexte exposé, l’arrêt

constate que le contrat de concession imposait au concessionnaire un niveau de stock

élevé, que l’absence de préavis a conduit la société Rehitim à s’approvisionner

jusqu’au terme du contrat et que la présence à proximité immédiate du nouveau

concessionnaire Ligne Roset a freiné l’écoulement du stock ; qu’ayant ainsi déterminé

le préjudice complémentaire né de la faute commise, la Cour d’appel a légalement

justifié sa décision de le réparer par la reprise par le concédant du stock restant… »

Page 393: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

388

Ainsi, si le franchiseur met fin au contrat de franchise de manière irrégulière ou

abusive, il peut être contraint de reprendre les stocks restant entre les mains du franchisé

lors de la cessation du contrat. Ce n’est là, en réalité, qu’une application du droit

commun de la responsabilité1234

379. Synthèse. Le principe est que, dans le silence du contrat de franchise, le

franchiseur ne saurait tenu de reprendre les stocks restants chez le franchisé en fin de

contrat, puisque ce dernier en est le propriétaire. Il n’en va autrement qu’en cas de

rupture fautive imputable au franchiseur. Toutefois, il convient de noter qu’il est de

moins en moins fréquent de rencontrer des contrats de franchise qui ne règlent pas la

question du sort des stocks en fin de contrat. Les parties déterminent, le plus souvent, le

sort des stocks, dès la formation du contrat de franchise, par l’insertion d’une clause.

B. Stipulation contractuelle relative à la reprise des stocks

380. Clauses variantes. Afin d’éviter toute discussion éventuelle entre les parties quant

au sort des stocks en fin de contrat, le franchiseur et le franchisé veillent, le plus

souvent, à insérer une clause réglant cette question. Tantôt, ils prévoient une clause

stipulant la reprise des stocks par le franchiseur en fin de contrat (1). Tantôt, au

contraire, ils l’excluent expressément en indiquant que le franchisé assume seul

l’écoulement des produits qu’il détient en fin de contrat (2).

1234

Ph. le TOURNEAU, Concession exclusive, J-CI Contrats et distribution, 2001, fasc.1035, n° 191.

Pour l’auteur, la responsabilité est « une voie commode et simple, que la jurisprudence pourrait emprunter plus souvent. Une fois encore, la responsabilité civile remplit à merveille son office de remédier aux lacunes du droit, ici des contrats spéciaux, d’être ce Bon Samaritain toujours disponible pour venir en aider aux victimes désemparées que nous nous plaisons à louer ». V. Ph. le TOURNEAU,

Droit de la responsabilité et des contrats, Dalloz, 2006/2007, n° 24, p.23 et s : « La responsabilité pour faute est un moyen efficace, souvent le seul, pour lutter contre la vocation impérialiste du marché, ou freiner le libéralisme absolu érigé au rang de dogme. Bon Samaritain toujours disponible, elle est un remède général aux lacunes du droit, aux défaillances du législateur et aux modifications des données ».

Page 394: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

389

1. Clause prévoyant la reprise des stocks

381. Clauses contractuelles imposant la reprise des stocks par le franchiseur. Il

arrive que les contrats de franchise contiennent une clause prévoyant que le franchiseur

s’engage expressément à reprendre les stocks du franchisé en fin de contrat au prix

facturé1235

. La validité de telles clauses n’est pas douteuse1236

. La jurisprudence

reconnaît son efficacité dès lors qu’elle est expressément stipulée dans le contrat1237

.

La clause imposant la reprise des stocks par le franchiseur en fin de contrat présente un

caractère obligatoire pour ce dernier1238

. Cela veut dire qu’en présence d’une pareille

clause, le franchiseur est tenu d’une obligation de faire dont le non respect engage sa

responsabilité contractuelle et entraîne l’attribution au profit du franchisé de dommages

et intérêts1239

.

Dans certaines hypothèses, le contrat prévoit une certaine limite à la clause de

reprise des stocks par le franchiseur. Il en est ainsi lorsque le contrat stipule que la

clause imposant la reprise des stocks par le franchiseur ne s’applique pas lorsque la

rupture du contrat de franchise est imputable au franchisé1240

. Quant à la portée de la

clause imposant la reprise des stocks de plein droit par le franchiseur, les contrats de

franchise prévoient, dans l’immense majorité des cas, que la reprise des stocks par le

franchiseur ne peut concerner que les produits restant à l’état neuf entre les mains du

franchisé et commandés durant les six derniers mois.

1235

Par exemple, le contrat de franchise « Prénatal » prévoit que le franchiseur rachètera les stocks du

distributeur, et prendra en charge auprès de la clientèle les livraisons en cours au moment de la rupture du

contrat. 1236

Ph. le TOURNEAU, Les contrats de franchisage, Litec, 2e edition, 2007, n° 675, p.296, et s. V. aussi,

Les Lamy droit économique, 2007, n° 4387, et la jurisprudence citée ; M. MALAURIE-VIGNAL, Droit

de la distribution, Sirey, 2006, n° 712, p.193. 1237

CA Paris 15 janvier 1999, D. Aff. 1999, p.516, obs. E.C 1238

Ph. Le TOURNEAU, Les contrats de franchisage, Litec, 2e édition, 2007, n° 675, p.296, et s. V. Les

Lamy droit économique, 2007, n° 4387, la jurisprudence citée ; M. MALAURIE-VIGNAL, Droit de la

distribution, Sirey, 2006, n° 712, p.193. 1239

Lamy droit économique, 2007, n° 4387. V. également, A. ROLAND, th., précitée, n° 248, p.172. 1240

Cass. com. 8 mars 1967, JCP.1968.II, n° 15346, note. J. HEMARD ; Cass.com.23 mai 2002, RJDA

2000, n° 973, p.772 ; RTD civ. 2001, p.137, obs. J. MESTRE et B. FAGES.

Page 395: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

390

Une clause stipulée au sein du contrat de franchise prévoit ainsi : « En cas de résiliation

ou de non-renouvellement du contrat par le franchiseur, hors faute du franchisé, les

stocks de produits et pièces de rechange invendus, restés à l’état neuf, commandés dans

les six derniers mois, seront repris par le franchiseur au tarif, moins décote de ….%,

destinée à couvrir les frais de ce dernier »1241. En pareille hypothèse, le franchiseur ne

sera donc tenu de reprendre que les produits conformes au contrat.

Toutefois, en l’absence de toute disposition contractuelle déterminant la nature des

stocks sur lesquels porte la clause de reprise, celle-ci a une portée générale1242

. Le

franchiseur peut être tenu de reprendre tous les stocks de produits que détient le

franchisé lors de la cessation des relations contractuelles et, y compris ceux qui ne sont

pas en bon état. Il ne saurait refuser de reprendre certains types de produits, sauf s’il

démontre qu’ils sont périmés en raison de la mauvaise gestion du franchisé1243

. Pour ce

qui concerne les modalités de la mise en œuvre de la clause imposant la reprise des

stocks par le franchiseur à l’issue du contrat, elles sont généralement déterminées par le

contrat lui-même1244

. Le contrat fixe souvent le délai pendant lequel le franchiseur

s’engage à reprendre les stocks après la cessation du contrat et ainsi que la valeur de

reprise des marchandises. A ce sujet, il est à noter que, sur le plan pratique, le

franchiseur applique, souvent, une réduction de 25 % sur le prix initial1245

. Un tel

abattement ne devrait pas être admis lorsque le franchiseur ne reprend que des

marchandises neuves revêtues de leur emballage original, puisque, dans cette hypothèse,

le franchiseur n’a pas de grandes difficultés à les commercialiser, soit directement, soit

auprès de l’un de ses franchisés1246

.

1241

Ph. le TOURNEAU, Les contrats de franchisage, Litec, 2e edition, 2007, n° 675, p.296, et s

1242 Lamy économique, 2007, 4388

1243 CA Paris 15 janvier 1999, D. Aff. 1999, p.516, obs. E.C. Dans cet arrêt, il fut jugé qu’une clause de

reprise des stocks, quand bien même elle ne comporterait aucune restriction quant à la durée de validité

des produits pour leur reprise par le concédant, ne saurait contraindre ce dernier à reprendre des

marchandises périmées dès lors que leur présence chez le distributeur ne peut s’expliquer que par sa

mauvaise gestion de son stock. 1244

A cet égard, la norme AFNOR sur la franchise insiste sur la nécessité pour les parties de prévoir les

modalités d’écoulement ou de reprise des stocks et du matériel spécifiques à son expiration. 1245

F.-X. LICARI, th., précitée. 1246

Ibid.

Page 396: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

391

Il convient, toutefois, de noter que la plupart du temps, la clause de reprise n’est

pas rédigée d’une manière contraignante, en ce sens qu’elle ne constitue point une

obligation pour le franchiseur.

382. Clause autorisant la reprise des stocks en fin de contrat. Dans certaines

hypothèses, le contrat de franchise contient une clause selon laquelle le franchiseur se

réserve la simple faculté de reprendre le stock du franchisé en fin de contrat. Cependant,

ce n’est pas une obligation1247

. Cette clause prévoit parfois même les modalités en cas

de reprise des stocks par le franchiseur. C’est le cas lorsque le contrat de franchise

contient une clause rédigée comme suit : « Dans les …jours suivant la fin du contrat, le

franchisé fournira au franchiseur un état complet du stock des produits de la franchise

qu’il détiendra encore accompagné de leur prix de revente. Le franchiseur aura la

possibilité (mais non l’obligation) de racheter tout ou partie de ce stock au prix de

vente initial ou au prix de marché s’il est inférieur. La décision de rachat devra être

notifiée par écrit dans les… jours suivant la réception de l’inventaire du stock. Si les

parties ne s’accordent pas sur le prix de rachat des produits de la franchise dans un

délai de …… jours, sa détermination sera faite par un évaluateur indépendant. Si le

franchiseur décide de ne pas racheter les produits de la franchise, le franchisé sera

libre de les vendre mais dans des conditions normales et sans rabais excessif »1248.

Aux antipodes des clauses qui imposent la reprise des stocks par le franchiseur lors

de la rupture du contrat ayant un caractère contraignant, les clauses autorisant la reprise

des stocks par le franchiseur n’ont qu’un caractère facultatif. Le franchiseur n’est pas

tenu de racheter les stocks restant non encore vendus chez le franchisé lors de la rupture

du contrat de franchise. Autrement dit, en présence d’une telle clause, le franchiseur se

réserve la simple faculté de reprendre le stock du franchisé en fin de contrat, sans qu’il

soit tenu de le faire1249

. C’est à priori un avantage pour le franchiseur.

1247

Ph. Le TOURNEAU, Les contrats de franchisage, Litec, 2e édition, 2007, n° 675, p.296, et s. V.

aussi, Lamy économique, 2007, n° 4389. 1248

Article 28, 2, du contrat modèle CCI de franchise internationale de distribution. 1249

Ph. Le TOURNEAU, Les contrats de franchisage, Litec, 2e edition, 2007, n° 675, p.296, et s ;Lamy

économique, 2007, 4389.

Page 397: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

392

En revanche, une telle clause ne manque pas de présenter certains inconvénients

pour le franchisé. En présence d’une telle clause, celui-ci se trouve dans l’incertitude

totale quant à la possibilité d’écouler les stocks de produits et de pièces restant dans son

magasin lors de la cessation du rapport contractuel, étant donné que tout dépend de la

volonté du franchiseur. Ainsi, la situation du franchisé dont le contrat contient une

clause autorisant la reprise des stocks par le franchiseur n’est pas moins mauvaise que

celle du franchisé dont le contrat contient une clause excluant expressément toute

reprise des stocks par le franchiseur. La situation de ce dernier peut être même plus

avantageuse puisqu’il connaît dès le début le sort des stocks qu’il détient. Par

conséquent, il pourrait prendre toutes les mesures nécessaires.

2. Clause excluant la reprise des stocks

383. Validité. Parfois, les contrats de franchise contiennent une clause qui exclut

expressément toute reprise des stocks par le franchiseur lors de la cessation du contrat.

Toutefois, la question est de savoir si une telle clause est valable. La jurisprudence,

approuvée par une partie de la doctrine1250

, s’est, dans un premier temps, prononcée

pour la nullité des clauses excluant toute reprise des stocks par le franchiseur. Elle

considérait une telle clause contraire à la règle « qui doit garantie ne peut évincer »

consacrée par l’article 1628 du code civil. Par conséquent, elle devait être réputée non

écrite1251

.

Toutefois, la jurisprudence a opéré un revirement en décidant que « l’équilibre des

obligations voulu par les parties serait rompu si l’on supprimait le risque sciemment

accepté par le revendeur de se trouver en fin de contrat avec un stock qu’il lui serait

désormais plus difficile d’écouler »1252

. Ainsi lorsque le contrat de franchise stipule que

les stocks ne seront en aucun cas repris par le franchiseur en fin de contrat, cette clause

doit recevoir application.

1250

M. CABRILLAC, not sous CA Parsi 12 octobre 1966, D.1967, jurs, p.516. 1251

CA Paris 12 octobre 1966, D. 1967, jurs, p.516, note.M. CABRILLAC. 1252

CA Paris 19 novembre 1969, JCP. 1970, Ed., CI, II, n° 87387, note.P. LEVEL.

Page 398: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

393

384. Inconvénients éventuels. L’insertion d’une clause excluant la reprise des stocks

par le franchiseur pourrait, dans certaines circonstances, présenter de graves

inconvénients pour les parties. Une telle clause pourrait avoir pour effet d’amener le

franchisé à revendre, pendant le délai de préavis, les stocks de produits qu’il détient en

fin de contrat, à des prix bas ou cassés. Cela ne manquerait pas, parfois, non seulement

d’augmenter son préjudice mais aussi de porter atteinte à l’image et à la réputation du

réseau.

385. Précaution. Aussi, lorsque le contrat contient une clause excluant la reprise des

stocks par le franchiseur, celui-ci doit se montrer plus souple soit en aménageant un

délai de préavis suffisant, soit en laissant à l’ancien franchisé la possibilité d’utiliser les

signes distinctifs postérieurement à la rupture du contrat pour faciliter l’écoulement

rapide des stocks et dans des conditions satisfaisantes. Il s’agit, là, d’ « une sage

précaution qui permet tout à la fois, d’atténuer et de sauvegarder l’image de marque du

réseau »1253

. Reste enfin à savoir si le franchiseur est tenu ou non de reprendre les

stocks non vendus chez le franchisé à la fin du contrat en droit comparé.

§ 2. La situation en droit compare

386. Diversité de position. Certains systèmes juridiques étrangers s’harmonisent avec

le droit français en excluant l’obligation de reprise des stocks par le franchiseur en fin

de contrat (A). D’autres systèmes, au contraire, se distinguent en imposant une telle

obligation à la charge du franchiseur (B).

1253

A. ROLLAND, La situation juridique des concessionnaires et des franchisés membres d’un réseau

commerciale, th., Rennes, 1976,, n°251, p.174.

Page 399: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

394

A. Droits excluant la reprise des stocks

387. Droit suédois. En effet, certains droits étrangers adoptent une position identique à

celle retenue par le droit français. Dans le silence du contrat, ils refusent de mettre à la

charge du franchiseur ou du concédant une obligation de reprise des stocks de plein

droit en fin de contrat. Tel est le cas du droit suédois1254

. Selon ce dernier, le franchiseur

ou même le concédant n’est nullement tenu de reprendre les stocks du franchisé restant

invendus en fin de contrat en l’absence de tout accord. Ces stocks restent à la charge du

franchisé ou du concessionnaire qui en est propriétaire1255

.

Il n’en va autrement qu’au cas où il se révèle que la rupture du contrat de franchise

par le franchiseur est intervenue dans des circonstances fautives. Dans cette hypothèse,

et seulement dans cette hypothèse, le franchiseur peut être contraint de reprendre les

stocks du franchisé restant invendus lors de la cessation du contrat1256

.

388. Droit autrichien. La même solution se trouve consacrée par le droit autrichien1257

.

En effet, les tribunaux autrichiens considèrent qu’en l’absence de tout accord sur le sort

des stocks à la fin du contrat, la reprise des stocks restant invendus entre les mains du

franchisé ne peut être imposée au franchiseur.

Cependant, les tribunaux prennent en considération les circonstances dans

lesquelles la cessation du contrat de franchise est intervenue. Ils n’hésitent pas à

contraindre le franchiseur à racheter les stocks restant en possession du franchisé en fin

de contrat lorsqu’il se révèle que la rupture du contrat de franchise effectuée par lui était

fautive1258

.

1254

J.-J. ZANDER : « SUEDE : La rupture du contrat de distribution », CJFE / CFCE 1997, n° 2, p.363,

et spéc., 367. 1255

Ibid. 1256

Ibid. 1257

C. CASEAU-ROCHE, Les obligations post-contractuelles, th., Paris I, 2001, n°24, p.32 et s. 1258

Ibid.

Page 400: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

395

389. Droit saoudien. La solution est tout à fait semblable en droit saoudien. Dans ce

dernier, le principe est l’absence d’obligation de reprise des stocks par le franchiseur ou

par le concédant en fin de contrat. Il n’en va autrement qu’en cas de rupture fautive du

contrat qui lui est imputable. Cette solution est rappelée par une jurisprudence

constante1259

. Selon celle-ci, dans le silence du contrat, et sauf clause contraire, le

franchiseur ne saurait être tenu de reprendre les stocks invendus restant en la possession

du franchisé lors de la cessation des relations contractuelles. Ces stocks restent à la

charge du franchisé qui en est le propriétaire. Par conséquent, il doit donc supporter le

risque de son non-écoulement. Il n’en va autrement qu’en cas de rupture fautive du

contrat imputable au franchiseur. Toutefois, il convient de noter que si certains droits

étrangers retiennent comme principe l’absence de reprise des stocks de plein droit par le

franchiseur en fin de contrat, d’autres droits étrangers, de plus en plus nombreux,

l’écartent en préférant offrir une protection économique et sociale aux franchisés ou aux

concessionnaires.

B. Droits admettant la reprise des stocks de plein droit

390. Droit allemand. En droit allemand, la jurisprudence constante estime qu’en vertu

de l’obligation générale de loyauté ( Treuepflicht ) découlant de l’article 242 du BGB,

qui se trouve renforcée notamment dans les contrats de la distribution, le franchiseur ou

le concédant est tenu de prêter assistance au franchisé ou au concessionnaire en

possession d’un stock en fin de contrat1260

. Cette assistance peut consister soit à l’aider à

écouler ses stocks restant invendus lors de la rupture du contrat, soit à les racheter.

1259

Ch. com., Diwan Al-Mazalim, 21 mars 2005 ;Ch. com., Diwan Al-Mazalim, 11 novembre 1994,

inédit. 1260

M. MALAURIE-VIGNAL, Droit de la distribution, Sirey, 2006, n° 715, p. 193. V. aussi, F.-X.

LICARI, La protection du distributeur intégré en droit français et allemand, Litec 2001, préface. C.Witz,

p.594 et s.

Page 401: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

396

391. Droit belge. Une position identique est retenue par le droit belge1261

. En effet, les

juges belges se fondent parfois sur la bonne foi dans l’exécution du contrat et l’équité

pour contraindre le franchiseur à reprendre les stocks du franchisé restant invendus lors

de la cessation des relations contractuelles. Dans un arrêt du 27 mai 1994 rendu en

matière de contrat de concession, mais la solution pourrait aussi s’appliquer aux contrats

de franchise, le juge des référés a condamné un concédant à reprendre immédiatement

ces stocks sous peine d’astreinte, avec remboursement de sa valeur établie par expert, en

relevant l’importance des frais de stockage pour le concessionnaire et les graves

conséquences financières résultant de l’impossibilité d’écouler ce stock dans des

conditions raisonnables après la fin du contrat1262

.

392. Droit irlandais. La même solution se trouve consacrée en droit irlandais1263

. Dans

ce dernier, la règle retenue est qu’en l’absence d’un accord réglant le sort des stocks en

fin de contrat, les stocks invendus restant en possession du distributeur en fin de contrat

doivent être retournés au fournisseur. Il en est de même pour les échantillons et tout

matériel publicitaire ou promotionnel.

Quant au délai du renvoi des stocks que le distributeur évincé du réseau doit

respecter, les tribunaux irlandais estiment que celui-ci doit être raisonnable1264

, sauf s’il

s’agit de stocks périssables. Alors ceux-ci doivent être renvoyés par le distributeur au

fournisseur dans un délai spécial, c'est-à-dire un délai bref de telle manière qu’il

permette un maintien des stocks en bon état1265

.

393. Droit grec. Il en va de même pour le droit grec. Dans ce dernier, le franchiseur est

tenu d’une obligation de reprise de plein droit des stocks invendus restant en possession

du franchisé lors de la cessation des relations contractuelles

1261

V. P. DEMOLIN, Le contrat de franchise : chronique de jurisprudence français et belge 1995-2000,

Larcier, 2001, p.117 et s. 1262

Bruxelles, 27 mai 1994, R.D.C. 1995, p.496, cité par P. DEMOLIN, Le contrat de franchise :

chronique de jurisprudence français et belge 1995-2000, op.cit., n° 166, p.117. 1263

V. « Irlande : rupture du contrat de concession de distribution », CJFE/CFCE 1997/n°5, p.969, et

spéc., p.973. 1264

Ibid. 1265

Ibid.

Page 402: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

397

Une pareille solution peut être déduite d’une sentence arbitrale portant sur la

rupture d’un contrat de concession. Dans cette sentence, le Tribunal arbitral, statuant

selon le droit grec, a imposé la reprise du stock au concédant autrichien, bien que le

contrat ait été régulièrement résilié et en l’absence même de toute clause

contractuelle1266

.

394. Droit américain. Cette solution, favorable au franchisé en ce sens qu’elle peut être

de nature à atténuer le préjudice qu’il subit du fait de la cessation du contrat, se trouve

aussi consacrée dans certains Etats aux Etats-Unis1267

. C’est ainsi, par exemple, que le

droit de l’Etat du Texas oblige le franchiseur ou le concédant à racheter les stocks du

franchisé ou du concessionnaire restant invendus entre ses mains en fin de contrat1268

.

Ce dernier prévoit même une procédure détaillée régissant le rachat de ces stocks1269

.

395. Conclusion de la section II – Les stocks restant invendus chez le franchisé lors de

l’extinction des relations contractuelles restent à sa charge, étant donné qu’il en est

sensé propriétaire. Cette solution s’impose même si les stocks sont imposés à lui par le

franchiseur. Il en va tout autrement en cas de clause prévoyant la reprise des stocks par

le franchiseur lors de la rupture du contrat ou lorsqu’il y a une faute commise par le

franchiseur lors de la cessation des relations contractuelles. Dans ces seules hypothèses,

le franchiseur soit tenu de reprendre des stocks restant chez le franchisé lors de la

rupture du contrat.

1266

Sentence, n°7862 de 1997, citée par C-Q. CORINNE TRUONG, Les différends liés à la rupture des

contrats internationaux de distribution dans les sentences arbitrales CCI, Thèse, Litec 2002, préfac P.

Fouchard, n°301, p.257. 1267

H. LASTENOUSE, La protection des concessionnaires aux Etats-Unis au travers des dealer

protection statutes : le cas de la Californie, de l’Ohio et du Texas, RDAI, 1995, n°7, p.839, et spéc.,

p.845. 1268

Ibid 1269

Ibid.

Page 403: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

398

396. Conclusion du chapitre II - Le franchiseur n’est pas en principe tenu, lors de

l’extinction des relations contractuelles, de payer au franchisé une indemnité autre que

celle dont il sera tenu en cas de rupture fautive. Il n’est pas tenu non plus de reprendre

les stocks restant à la charge du franchisé lors de l’extinction du contrat de franchise.

L’absence de telles obligations à la charge du franchiseur s’explique par le fait que,

contrairement à l’agent commercial qui ne travaille pas en son nom et pour son compte,

le franchisé est un commerçant juridiquement indépendant, bien qu’il soit

économiquement dépendant. Il dispose d’une clientèle propre qu’il garde même après

l’extinction du contrat le liant au franchiseur. Les produits qu’il a achetés du franchiseur

mais qu’il n’a pas pu écouler du fait de la rupture du contrat restent à sa charge parce

qu’il en est propriétaire. Il revient donc au franchisé, qui désire obtenir une indemnité

de clientèle en fin de contrat ou qui veut écarter le risque de supporter à charge des

stocks, de prévoir dans leur contrat une clause en ce sens. Or, cela n’est pas toujours

facile en raison de ce que le contrat de franchise est un contrat d’adhésion pré-rédigé par

le franchiseur, ce qui nécessite donc la protection du franchisé, surtout lors de

l’extinction du contrat.

Page 404: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

399

397. Conclusion du titre II. L’extinction du contrat de franchise produit certains effets

à l’égard des parties qui ne sont, en réalité, que ses suites logiques. Elle impose au

franchisé comme au franchiseur de liquider la relation contractuelle. Quant au franchisé,

celui-ci doit cesser d’utiliser les signes distinctifs appartenant au franchiseur aussitôt

que l’extinction du contrat de franchise survient. De même, il est tenu de restituer à ce

dernier tous les matériels qu’il a mis à sa disposition en vue de l’exécution du contrat de

franchise. La restitution se fait en principe en nature, sauf dans l’hypothèse où celle-ci

paraît excessivement coûteuse. Alors, la restitution peut se faire par équivalent1270

. Le

non-respect de l’obligation de restitution par le franchisé engage sa responsabilité. Le

franchisé est encore tenu de respecter les obligations à effet post-contractuel que met le

contrat de franchise à sa charge et visant à protéger le réseau. Non seulement, il ne doit

pas révéler le secret du savoir-faire après le contrat, mais également il ne doit pas

concurrencer le franchiseur et ne pas s’affilier à un autre réseau concurrent. De la part

du franchiseur, celui-ci n’est tenu de presque rien, sauf de restituer la caution s’il y en a

une. Il n’a pas l’obligation de verser au franchisé évincé une indemnité ni de reprendre

les stocks restant entre ses mains lors de l’extinction du contrat, sauf clause contraire ou

en cas de rupture fautive. Une telle solution n’est point satisfaisante. Le franchisé

s’expose à des conséquences économiques désastreuses en fin de contrat, et cela en

raison de la perte des investissements qui deviendront souvent inutiles après le contrat et

en raison aussi de l’obligation de non-concurrence et de non-affiliation. Nous soutenons

donc que, sauf rupture fautive de sa part, l’octroi d’une indemnité au franchisé en fin de

contrat fondée sur sa participation à la création et au développement de la clientèle du

réseau, à coté de l’obligation du franchiseur de reprendre les stocks restant invendus

entre les mains du franchisé à la fin du contrat, paraît nécessaire et susceptible de

remédier à l’une des principales sources de déséquilibre du contrat de franchise.

1270

Supra n° 379

Page 405: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

400

CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE

398. Qu’elle puise sa source dans le non-renouvellement du contrat à l’échéance du

terme ou qu’elle puise sa source dans sa résiliation, l’extinction des relations

contractuelles entre franchiseur et franchisé constitue un moment délicat et complexe.

Elle entraîne souvent de multiples effets juridiques à l’égard des parties. D’une part,

l’extinction du contrat de franchise peut faire naître la responsabilité de l’une des

parties, en raison du comportement fautif qu’il a adopté lors de la cessation du lien

contractuel. Le franchiseur ou le franchisé peut obtenir réparation du préjudice qu’il a

subi du fait de la cessation fautive du contrat faite par son cocontractant. Dans cette

hypothèse, le franchisé ou le franchiseur peut demander la réparation en nature par la

condamnation forcée de son cocontractant à reprendre le lien contractuel fautivement

rompu. Mais le juge n’est nullement tenu de satisfaire sa demande. Il peut faire droit à

sa demande comme il peut l’écarter en optant pour la réparation par des dommages et

intérêts. Généralement les juges optent en faveur de la réparation par allocation de

dommages et intérêts plutôt que de condamner le contractant défaillant au maintien

forcé du contrat fautivement rompu. Et cela est en raison de l’efficacité douteuse de ce

dernier à coté des difficultés pratiques qu’elle pose, bien que la réparation en nature

sous la forme de la reprise forcée du contrat permette paradoxalement, d’éviter les

difficultés de la détermination du montant des dommages et intérêts et son évaluation

parfois faite de manière arbitraire.

399. Outre l’engagement parfois de la responsabilité, l’extinction du contrat implique la

séparation des parties et donc la liquidation des relations contractuelles. Le franchisé

doit restituer tout ce qui a été mis à sa disposition par le franchiseur en vue de

l’exécution du contrat. Le franchiseur, quant à lui, n’est pas tenu de payer au franchisé

une indemnité en fin de contrat ni d’acheter les produits qui ne sont pas écoulés par le

franchisé lors de la cessation du contrat, sauf stipulation contraire ou en cas de rupture

fautive du contrat lui étant imputable.

Page 406: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

401

L’absence de telles obligations à la charge du franchiseur déséquilibre les relations

contractuelles au bénéfice de celui-ci, relations contractuelle qui sont à l’origine déjà

déséquilibrées en raison de l’état de l’infériorité économique du franchisé. Ce

déséquilibre, découlant de l’intégration forte du franchisé dans le réseau, se manifeste

clairement lors de la cessation du contrat de franchise. Il est encore aggravé par les

engagements de non-concurrence et de non-affiliation à effet-post contractuel imposés

par le franchiseur au franchisé sous prétexte de la sauvegarde du réseau. Si la protection

du réseau par le franchiseur demeure une chose indispensable, le déséquilibre que

supporte le franchisé à la fin du contrat ne mérite t-il pas que l’ on lui prête plus

attention et que l’on cherche un remède ?

Page 407: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

402

CONCLUSION GENERALE

400. Constantes Au terme de cette étude, un certain nombre de principes peuvent être

dégagés.

1- Lorsqu’un contrat de franchise est conclu pour une durée déterminée, ce contrat

prend fin à l’expiration de cette durée, sauf renouvellement du contrat. A l’échéance du

terme, chacune des parties recouvre sa liberté. Le principe est l’absence d’un droit au

renouvellement du contrat à son terme. Ce principe doit, en effet, être préservé. Il se

justifie non seulement par l’indépendance juridique des parties, mais aussi par le souci

de protéger l’efficacité du réseau. Une éventuelle reconnaissance au franchisé, par

exemple, d’un droit au renouvellement du contrat à l’arrivée du terme peut nuire au

réseau de franchise. D’une part, elle pourrait entraver la possibilité pour le franchiseur

de réorganiser son réseau et de procéder aux aménagements que lui impose le marché.

D’autre part, il est à craindre que la reconnaissance d’un droit au renouvellement au

profit du franchisé réduise sa mobilité, son dynamisme au sein du réseau, ce qui

rendrait, dans les deux hypothèses, sclérosé voir rigide, et donc entraînerait sa

destruction.

2- Afin de stabiliser les relations contractuelles et d’éviter tout éventuel préjudice

résultant de la rupture du contrat, il est nécessaire de mettre à la charge du franchiseur

ou du franchisé une obligation de respecter un délai de préavis non seulement lors de la

résiliation du contrat à durée indéterminée mais également lors du non-renouvellement

du contrat à durée déterminée. Une telle obligation a l’avantage de permettre au

contractant subissant la rupture de prendre les mesures nécessaires pour opérer sa

reconversion. Cela permettra, par conséquent, de réduire le préjudice résultant de la

perte du contrat. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle l’obligation de respecter un

délai de préavis lors du non-renouvellement est consacrée par le Code de déontologie

européenne de la franchise.

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403

L’article 14 de ce Code prévoit l’obligation pour le franchiseur d’informer le

franchisé, avec un préavis suffisant, de son intention de ne pas renouveler l’ancien

contrat arrivé à son terme ou de ne pas signer un nouveau contrat.

3 -Compte tenu de la nature du contrat de franchise qualifié de contrat d’adhésion et

compte tenu aussi de ce qu’il constitue le support de l’activité et de la situation

professionnelle du franchisé, il est nécessaire d’octroyer au juge un certain pouvoir

d’appréciation de l’opportunité de l’application de clause résolutoire. En cas de saisine

du juge, celui-ci ne doit pas se contenter de contrôler simplement si la clause résolutoire

a été mise en œuvre par le franchiseur de manière loyale ou non ; il doit aussi vérifier si

la sanction imposée est proportionnée au manquement reproché au franchisé. Il devrait

faire échec à la clause résolutoire chaque fois qu’il se révèle qu’elle a été invoquée par

le franchiseur pour sanctionner une inexécution minime.

4 -Le contrat de franchise est un contrat fort marqué par l’intuitus personae, et cela en

raison de la communication du savoir-faire et de la collaboration étroite entre les

parties. Toutefois, cet intuitus personae constitue un facteur d’instabilité des relations

contractuelles unissant le franchiseur au franchisé. Tout changement dans la personne

du franchiseur ou du franchisé ou dans l’une de ses qualités prise en compte lors de la

conclusion du contrat peut être de nature à entraîner la fin anticipée du contrat. Afin de

stabiliser, au moins de manière relative, la situation juridique des parties -notamment

celle du franchisé, une obligation de motivation devrait être mise à la charge du

contractant qui refuse d’agréer le cessionnaire en cas de cession du contrat de franchise

ou du fonds de commerce. De même, la cession judiciaire du contrat de franchise en cas

de procédure collective doit être favorisée au cas où cette procédure frappe le franchisé.

En pareille hypothèse, il n’y a pas de raison pour le franchiseur de ne pas admettre une

telle cession tant que le successeur présente toutes les qualités requises et susceptibles

d’assurer la bonne exécution du contrat.

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404

Bien sûr, la situation n’est pas la même lorsque c’est le franchiseur qui se trouve

mis en redressement. Dans ce cas, la cession judiciaire du contrat est impossible sauf

accord des franchisés, étant donné que l’objet du contrat qui est le savoir-faire sera

modifié.

5- Pour réduire les effets néfastes que produisent les clause de non-concurrence et de

non-affiliation à l’égard du franchisé après le contrat, il ne suffit pas que ces clauses

soient limitées dans le temps et dans l’espace et justifiées par un intérêt légitime ou

encore qu’elles soient proportionnées par rapport à l’intérêt du franchiseur qu’elles

visent à protéger. Encore faut-il que leur validité soit soumise à une contrepartie

financière. Cette contrepartie financière permettra la survie de l’activité commerciale du

franchisé après la rupture du contrat. Nous avons vu qu’un arrêt récent rendu par la

Chambre commerciale va apparemment en ce sens. Mais cet arrêt reste peu net. Nous

espérons que celle-ci subordonne clairement et expressément, à l’instar de la Chambre

sociale pour le contrat de travail, la validité de la clause de non-affiliation et de la clause

de non-concurrence, particulièrement cette dernière, à une contrepartie financière.

6- Nous avons vu que la jurisprudence refuse de mettre à la charge du franchiseur une

obligation de reprendre les stocks restant entre les mains du franchisé lors de la rupture

du contrat en l’absence d’une clause en ce sens. Une telle solution devrait être modifiée.

Elle ne correspond pas, croyons- nous, à la réalité du rapport contractuel entre

franchiseur et franchisé, réalité qui consiste à ce que, dans l’immense majorité des

contrats de franchise, la constitution des stocks est imposée par le franchiseur. Ce

dernier oblige le franchisé à détenir une quantité de marchandises qu’il doit maintenir

pour mieux satisfaire la demande de la clientèle. Le franchisé ne peut généralement pas

le refuser en raison de l’état de la dépendance économique quasi-totale dans laquelle il

se trouve à l’égard du franchiseur.

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405

Nous estimons donc qu’il est souhaitable que le franchiseur soit tenu d’une

obligation de reprendre les stocks non vendus restant entre les mains du franchisé à la

fin du contrat, sauf s’il se révèle que l’impossibilité d’écoulement des stocks est due à

un manquement qui lui est imputable.

7- Enfin, le franchisé devrait avoir une indemnité de clientèle en fin de contrat

récompensant la clientèle qu’elle apporte au franchiseur et qui reste toujours attachée à

sa marque après la rupture du contrat.

401. Pour une meilleure protection du franchisé. Au total, la fin du contrat de

franchise est régie par les règles du droit commun du contrat et certaines règles du droit

du marché, à savoir le droit de la concurrence et le droit des procédures collectives. Le

franchisé, partie en état d’infériorité économique dans ses relations avec le franchiseur,

ne bénéfice pas d’un régime protecteur au stade de l’extinction du contrat. Il n’a pas

droit, à l’instar de l’agent commercial, à une indemnité à la fin du contrat dite indemnité

de clientèle, et cela en raison de sa qualité de commerçant indépendant. La

jurisprudence se contente de le protéger lors de l’extinction du contrat de franchise par

le recours à l’application de la théorie de l’abus et par une interprétation extensive de la

bonne foi. Une telle protection fondée sur le droit commun peut être de nature à atténuer

ou limiter la situation précaire du franchisé.

Pour autant, elle ne semble pas suffisante compte tenu des conséquences

économiques graves que la perte du contrat impose au franchisé, conséquences

économiques allant même parfois jusqu’à entraîner la mort commerciale de celui-ci. Un

tel risque économique mérite aujourd’hui l’intervention du législateur pour reconnaître

au franchisé un droit à une indemnité en fin de contrat, sauf faute commise de sa part. Il

mérite aussi que les juges mettent, en se fondant sur l’article 1135 du Code civil, une

obligation à la charge du franchiseur de reprendre les stocks restant invendus lors de la

cessation du contrat, sauf aussi faute de la part du franchisé. Une telle protection, dont

l’efficacité a été approuvée dans plusieurs pays sans pour autant qu’elle remette en

cause le système de la franchise, ne peut-elle être appliquée en droit français ? N’est-

elle pas même de nature à transforme le contrat de franchisé de contrat déséquilibré en

contrat égalitaire, au moins, de manière relative?

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NOTES, COMMENTAIRES ET OBSERVATIONS SOUS ARRETS

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BEAUCHARD ( J.) - obs. sous CA Poitiers, 17 juin 1981, JCP G 1984, II, 20184.

CABRILLAC ( M.) - not.sous.CA Douai, 8 mars 1990, JCP E 1990, II, 15829. CORNU ( G.) - obs. sous Cass. com., 15 décembre 1979, RTD civ. 1980, p.780. CARVAL ( S.) - obs. sous Cass. 3 civ., 20 décembre 2006, RDC 2007, n°3, p.749.

CHEVRIER ( E.) - obs. sous CA Paris, 15 septembre 2000, D. 2000, AJ, 389.

- obs. sous CA Paris 30 juin 2000, D. 2000, 379.

- obs. sous Cass. com., 6 mai 2002, D. 2002, p.1754.

- obs. sous Cass. civ. 3e, 27 mars 2002, D. Act-juris, p.1487.

- obs sous Cass. com., 15 mai 2007, D. 2007, p.1498. CHAUVEL (P) - obs. sous Cass. com.,5 décembre 2000 ; Droit et patrimoine, 2001,n° 93.

CHABAS ( F.) - obs. sous Cass. com., 28 avril 1982, RTD civ. 1983, p. 340. DELEBECQUE ( Ph.) - obs. sous Cass. 1

er civ., 10 octobre 1995, D. 1996, som.p.116.

- obs. sous . Cass. Civ. 1er, 13 octobre 1998, D. 1999, somm., p. 115.

De la MARNIERE (E- S) - obs. sous Cass. com., 2 mars 1990, D. 1990, 390.

FAGES (B.) - note sous CA Paris 14 février 1997, JCP G 1998, II, 100000. FERRIER ( D.)

- obs. sous Cass. com., 3 octobre 1989, D. 1990, somm, p.370.

- obs. sous Cass. com,. 16 janvier 1990, D. 1990, somm., p. 369.

- obs. sous CA Paris, 30 mars 1992, D.1992, somm. p.388.

- obs. sous Cass. com., 19 avril 1991, D. 1992, somm., p. 391

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- obs. sous CA Paris, 16 avril 1991 et 29 mai 1992, D. 1992, somm., p. 391

- obs. sous CA Paris 14 février 1991, D.1992, somm., p.392.

- obs. sous Cass. com., 9 novembre 1993, D. 1995, somm., p.78

- obs. sous Cass. com., 10 janvier 1995, D. 1997, somm., p.58.

- obs. sous CA Paris, 6 février 1996, D. 1996, somm., p.57.

- obs. sous Cass. com., 16 décembre 1997, D. 1998, Somm., p. 338.

- obs. sous Cass. com., 7 octobre 1997, 14 octobre 1997. D. 1998, somm., p.333.

- obs. sous 20 janvier 1998, D. 1998, somm., .p.333.

- obs. sous Cass. com., 19 octobre 1999 et

- obs. sous CA Montpellier, 6 janvier 1999, D. 2001, somm. p.296.

- obs. sous Cass. com ., 6 mai 2002, D.2002, p.3008.

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- obs. sous CA Paris, 3 juillet 2002, D. 2003, somm., p.2429

- obs. sous Cass. com., 19 novembre 2002, D. 2003, somm., p. 2427,

- obs. sous Paris, 24 janvier 2002, D. 2003, somme, 2428.

- obs. sous CA Paris, 3 juillet 2002, D. 2003, somm., 2429.

- obs. sous. Cass.com., 23 avril 2003, D. 2003, somm.,p.2433

- obs. sous Cass. com., 9 novembre 2007, D. 2008, p.388.

FRANÇOIS FORGERON ( J.) et CHARLOTTE -GRASSET ( M.) - obs. sous CA Versailles 13 mai 2004, Gaz. Pal. 2005, 57. FAUVARQUE-COSSON ( B.) - obs. sous Cass. civ. 1

er, 6 juillet 2005, RDC. 2006, n° 4, p. 1279.

GAUTIER (P.-Y.)

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- obs. sous Cass. com., 15 mai 2007, RTD civ. 2007, p. 794. - obs. sous Ch. mixt., 16 mai 2006, D. 2006, p.1861.

- obs. sous Cass. com., 9 novembre 2007, RTD. 2008, p.119.

GHESTIN ( J.) - obs. sous Cass. com., 15 janvier 1973, D.1973, p. 473.

HEMARD ( J.) - obs. sous Cass. com., 9 juillet 1952, RTD com. 1953, p.720.

HOUIN ( R.) - obs. sous CA Amiens, 5 octobre 1974, RTD com.1975, p.136.

JAMIN ( Ch.) - obs. sous Cass. civ. 3

e, 10 mars 1993, JCP 1993, I, 3725.

- obs. sous Cass. com., 5 octobre 1993, JCP 1994, II, 22224.

- obs. sous Cass. com., JCP G 1994, I, doct., p.3757.

- obs. sous Cass. com., 5 avril 1994, JCP 1994, I, n° 3803.

- obs. sous Cass. civ. 1er

, 31 janvier 1995, D. 1995, p.389.

- obs. sous Cass. civ., 12 octobre 1994, JCP G 1995, I, 3828.

- obs. sous Cass. com., 3 juin 1997, JCP 1997, I, 4056.

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- obs. sous Cass. Com., 7 octobre 1998 et Cass. com., 20 janvier 1998, D.1998,

jur., p.413.

- note sous Cass. civ.1er

, 13 octobre 1998, D. 1998, jur., p.197.

- note sous CA Douai, 6 juillet 1999, JCP 1999, I, 191.

- obs. sous Cass. civ. 1er

, 20 février 2001, D. 2001, p.1568.

- obs. sous Cass. civ. 3e, 30 avril 2003, JCP G 2004, n° 10, II, 10031.

JOURDAIN ( P.) - obs. sous Cass. com., 1

e octobre 1997, RDT civ. 1998, p.121.

- obs. sous Cass. civ. 6 novembre 2002, RTD civ. 2003, p.301.

- obs. sous Cass. civ., 3e décembre 2003, RTD civ. 2004, p. 295.

- obs sous Cass. ass. Plén., 14 avril 2006, D. 2006, p.1577.

- obs. sous Cass. civ., 3e, 28 septembre, 2005, RTD civ. 2006, p.129.

JOLIVET ( E.) - obs. sous Sentence CCI n° 10422 de 2003, JDI 2003, p.1142.

KENFACK ( H.) - obs. sous CA Paris octobre 2000, D. 2001, p.1718.

- obs. sous Cass. civ. 3e, 27 mars 2002, D. 2002, 2400.

- obs. sous Cass. com., 14 mars 2006, D. 2006, jur. p.1901.

LAITHIER (Y.-M.) - obs. sous Cass. civ. 3

e., 22 février 2006, RDC. 2006, p. 1487.

LE TOURNEAU ( Ph.) - note. sous CA Paris, 8 décembre 1978, R.J. Com. 1980, p.179.

LEVENEUR ( L.)

- obs. sous Cass. com., 25 mars 1991, Contrats. conc. conso., 1991, comm. n° 126.

- obs. sous Cass. com., 18 mars 1993, Contrats, conc. consom., 1993, comm. n°107.

- obs. sous Cass.com.4 avril 1994, , Contrats. conc. consom,1994, comm, n°159

- obs. sous Cass. com., 4 janvier 1994, Contrats. conc. consom., 1994, n°69.

- obs. sous Cass. com., 28 mai 1994, Contrats. conc. consom., 1994 , n° 191

- obs. sous Cass. com., 5 juillet 1994, 1994, Contrats. conc. consom., 1994, comm.,

n° 219.

- obs. sous Cass. com., 16 décembre 1997, Contrats. conc. consom., 1998, n°39.

- obs. sous Cass. Com., 7 octobre 1997, Contrats. conc. consom., 1998, n° 20.

- obs. sous Cass. com., 20 janvier 1998, Contrats. conc. consom., 1998, coom. n°56

- obs. sous Cass. com., 22 février 2000, Contrats, cons. consom., 2000, comm., n°

92.

- obs. sous Cass. com., 12 juillet 2001, JCP E 2002, 459.

- obs. sous Cass. civ. 3e

, septembre 2003, Contrats. conc. consom., 2003, comm

n° 174.

- obs. sous. Cass. civ.1er

, 28 octobre 2003, Contrats. conc. conso., 2004, comm. n° 4 - obs. sous Cass. civ., 24 septembre 2004, Contrats. conc. consom,, 2004, coom. n°

174. comm. n° 4

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- obs. sous Cass. com., 12 mai 2004, Contrat. conc. conso., 2004, comm.n° 104, - obs. sous Cass. com., 5 octobre 2004, Contrats, conc. consom., 2005 , comm ; n° 14.

- obs. sous Cass.com., 7janvier 2004, Contrats. conc., consom.2004, comm. n°77. - obs. sous. Cass. civ.1

er , 21 novembre 2006, Contrats. conc., consom. 2007, comm.

89.

MAROT ( Y.)

- obs. sous T. com. Paris, 6 mai 1997, LPA 31 août 2000, n° 174, p.4.

- obs. sous Cass. civ. 3e, 27 mars 2002, LPA, 3 février 2003, n° 25, p.3.

- obs. sous CA Paris 12 janvier 2005, LPA, 8 décembre 2005, n° 44, p.9.

MAINGUY (D.) - note. sous Cass. com., 3 décembre 2002 et 23 avril 2003, JCP E 2003, n°51,

p.1792.

MAINGUY ( D.) et RESPAUD (J.- L.) - obs. sous Cass. com., 31 janvier 2006, JCP E 2007, n° 11, 1348.

MALAURIE-VIGNAL ( M.) - obs. sous Cass. com., 17 janvier 2004, Contrats. conc. consom, 2004, commn° 77.

- obs. sous Cass. com., 17 janvier 2006, Contrats. conc. consom, 2006,.commn° 67.

- obs. sous CA Paris, 8 mars 2006, Contrats. conc. consom., 2006, commn° 133.

- obs. sous Cass. com., 14 mars 2006, Contrats. conc. consom., 2006, comm. n° 82.

- obs. sous Cass. com., 14 mars 2006, Contrats. conc. consom., 2006, comm. n° 81.

- obs. sous CA Paris 24 mars 2006, Contrat. conc. consom, comm. n°133.

- obs. sous Cass. com., 15 mai 2007, Contrat. conc. consom., 2007, comm. n° 204.

- obs. sous Caen 29 septembre 2006 ; Contrats, conc. consom., 2006, comm.,n°132.

- obs. sous Cass. soc.,31 mai 2007, Contrats, conc., consom.2007, comm. n° 263.

- obs. sous CA Paris 8 janvier 2008, Contrats conc. consom., 2008, comm., n° 99.

MAZEAUD ( D.)

- obs. sous Cass. com., 5 avril 1994, D. 1995, somm., p. 90.

- obs. sous Cass. com., 20 janvier 1998, D. 1999, somm., p.114.

- obs. sous Cass. civ. 1er

, 13 octobre 1998, Defrénois 1999, p.374.

- obs. sous Cass. com., 27 octobre 1998, D. 2000, somm., p. 362.

- obs. sous Cass. civ., 7 novembre 2000, somm., p.1137.

- obs. sous Cass.civ., 1er 16 février 1999, D. 2000, somm., p.360.

- obs. sous Cass. civ. 1er

, 20 février 2001, D. 2001, somm., p.3239.

- obs. sous Cass. com., 25 avril 2000, D. 2001, somm., p.3237.

- obs. sous Cass. com., 15 janvier 2002, D. 2002, somm., p.2841.

- obs. sous Cass. com., 6 mai 2002, D. 2002, p. 2842.

- obs. sous Cass. civ. 1er,

16 mars 2004, D. 2004, comm., p. 1754.

- obs. sous Cass. civ.1er

, 28 octobre 2003, RDC 2004, p.277.

- obs. sous Cass. civ. 3e, 20 octobre 2004, RDC 2005, p. 264.

- obs. sous Cass. com., 30 octobre 2006, D. 2007, jurs., p.765. - obs. sous Cass. civ. 3

e,14 septembre 2005. D. 2006, p.761.

- obs. sous Cass. civ. 3e, 14 février 2007, RDC 2007, p. 701.

Page 442: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

437

MESTRE ( J.)

- obs. Cass. civ.3e, 23 février 1982, RTD civ. 1982, p.236.

- obs. sous Cass. civ., 4 juin 1986, RTD civ. 1987, 318.

- obs. sous Cass. civ. 1er

, 3 novembre 1983, RTD civ. 1985, p.166.

- obs. sous Cass. 1er

civ., 12 mars 1985, RTD civ. 1986, p. 245.

- obs. sous Cass. civ., 1er

18 janvier 1983 et 10 janvier 1984, RTD civ. 1985, p.157.

- obs. sous Cass. civ. 1er

, 22 juillet 1986, RTD civ. 1988, p. 122.

- obs. sous CA Aix -en -Provence, 13 septembre 1989, RTD civ. 1990, p. 654.

- obs. sous CA Paris, 15 février 1990, RTD civ.1990, p. 653.

- obs. sous Cass. com., 13 mars 1990, RTD civ. 1990, p.464.

- obs. sous CA Paris, 19 juin 1990, RTD civ.1992, p.393.

- obs. sous .RTD civ.1990, p.655.

- obs. sous CA Versailles 22 novembre 1992, RTD civ., p.556.

- obs. Cass. civ.3e, 10 mars 1993, RTD civ. 1994, p.100.

- obs. Cass. com., 4 janvier 1994, RTD civ. 1994, p.352.

- obs. sous Cass. com., 5 avril 1994, RTD civ. 1994, p.603.

- obs. Cass. civ. 1er

, 18 juin 1994, RTD civ. 1995, p.108.

- obs. sous Cass. 3 civ., 2 octobre 12 janvier 1994, RTD civ. 1994, p.605.

- obs. Cass. com., 28 février 1995, RTD civ. 1995, p.885.

- obs. Cass. com., 5 mars 1996, RTD civ. 1996, p.904.

- obs. Cass. com., 3 juin 1997, RTD civ.1997, p.935.

- obs. CA Paris 5 décembre 1997 et 30 janvier 1998, RTD civ. 1998, p.371.

- obs. Cass. com., 20 janvier 1998, RTD civ. 1998, p.675.

- obs. Cass. civ.1er

, 13 octobre 1998, RTD civ.1998, p.394.

MESTRE ( J.) et FAGES ( B.)

- obs. sous Conseil constit., 9 novembre 1999, RTD civ. 2000, p.109.

- obs. sous Cass. com., 23 mai 2000, RTD civ.2001, p.137.

- obs. sous. Cass. civ. 1er

, 6 juin 2000, RTD 2000, p.571. - obs. sous Cass. civ.1

er, 20 février 2001, RTD civ.2001, p.363.

- obs. sous Cass. com., 25 avril 2001, RTD civ. 2002, p.99.

- obs. sous Cass. civ. 1er

, 19 mars 2002, RTD civ. 2002, p.510.

- obs. sous Cass. com., 6 mai 2002, RTD civ. 2002, p.810.

- obs. sous Cass. com., 15 janvier 2002, RTD civ. 2002, p.294.

- obs. sous Cass. civ. 1er

, 28 octobre 2003, RTD civ.2004, p.89.

- obs. sous Cass. com., 5 octobre 2004, RTD civ. 2005, p.127.

- obs. sous Cass. civ. 3e, 30 avril 2003, RTD civ. 2003, p.502.

- obs. sous Cass. com., 13 décembre 2005, RTD. 2006, p.310.

- obs. sous Cass. com., 12 juillet 2005, RTD civ. 2006, p.307.

- obs. sous Cass.civ.1er

, 15 novembre 2005, RTD. 2006, 114.

- obs. sous Ch. mixt., 16 mai 2006, RTD civ. 2006, p.550,

MEJEAN (C.) - obs. sous CA Amiens, 15 février 1979, JCP G 1978, II, 19012.

Page 443: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

438

PEDAMON ( M.) - note. sous CA Douai, 15 mars 2001, JCP E 2001.

POILLOT-PERUZZETTO ( S.) - note. sous Cass. com. 22 février 2000, Contrats , cons. consom., comm., n° 99.

RODIERE ( ) - obs. sous Cass. com., 16 février 1954, D. 1954, jur., p.534.

SAVAUX ( E. ) - obs. sous Cass. civ., 1

er, 20 février 2001, Defrénois 2001, p. 705.

- obs. sous Cass .civ. 3e, 30 avril 2003, Defrénois 2003, art. 37810.

- obs. sous Ch. mixt., 16 mai 2006, Defrénois. 2006, 1206.

- obs. sous Cass. ass. Plén., 14 avril 2006, Defrénois. 2006, p.1212.

SERRA (Y.) - note. sous Cass. com. 12 janvier 1988, D. 1989, somm.p.173. STOFFEL -MUNCK (Ph.) - obs. sous Cass. com., 2 juillet 2002, RDC 2003, p.50.

- obs. sous Cass. 1er

civ., 6 novembre 2002, RDC 2003, p.59 .

- obs. sous Cass. com., 12 mai 2004, RDC 2004, p. 943.

- obs. sous Cass. com., 3 novembre 2004 et 5 octobre 2004, RDC 2005, 288.

- obs. sous Cass. ass. Plén., 14 avril 2006, Droit et patrimoine. 2006, p.98.

Page 444: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

439

Index

- A -

Abus - de droit d’agrément, 228, 229. - contradiction au détriment d’autrui, 55 et s. - abus de dépendance économique, 28. - de ne pas renouveler un contrat, 7, 11, 26,44, 47 et s, 55, 61, 62 et s, 69, 71. - de résilier un contrat à durée indéterminée, 6,11, 61, 84 et s, 93 et s. Acte de prévision, 34. Adaptation du contrat, 205 et s.

Agent commercial, 5, 31, 362 et s, 366 et s. AFNOR (norme), 146. Aptitude, 244.

Arbitrage commercial, 158, 282.

Associés, 249.

- B -

Bonne foi, 61, 62, 90, 94, 157 et s.

Bonnes mœurs, 195.

- C - Caducité, 193, 194, 213, 216. Capacité, 244. Cessation du contrat, - v. Non -renouvellement, Résiliation.

Cession - bail, 247.

- contrôle, 249.

- contrat de franchise, 123, 217 et s.

- fonds de commerce, 123.

- judiciaire du contrat, 235 et s.

Chiffre d’affaires, 28, 127, 281, 284, 287. Clause approvisionnement, 123.131.

Clause de non -affiliation, 17, 63, 324 et s.

- sanction, 328.

- validité, 325 et s.

Page 445: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

440

Clause d’agrément, 250.

- caractère, 224.

- mécanisme, 227.

- sanction, 227.

- utilité, 225.

- validité, 226.

Clause - non-concurrence pendant le contrat, 129,

Clause - non-concurrence post-contractuelle, 17, 63, 124,

- conditions de forme, 309.

- conditions de fond, 310 et s.

- mise en œuvre, 316.

- portée, 317 et s.

- sanction, 319 et s.

- validité, 306 et s.

Clause - confidentialité, 17, 337 et s.

- étendue, 337 et s. - validité, 334 et s.

Clause dédit, 295, Clause d’enseigne, 247.

Clause d’exclusivité territoriale, 121, 130. Clause de force majeure, 195 et s, 202. Clause indemnisation forfaitaire, 291.

Clause d’Internet, 122. Clause d’intuits personae, 214, 219. Clause de hardship, 201 et s.

Clause limitative de réparation, 294. Clause de libre circulation sous condition résolutoire de performance, 222.

- avantages, 223.

- inconvénients, 223.

- mécanisme, 222.

Clause de préavis, 52, 89.

Clause pénale, 322, 331, 343.

- avantages, 293.

- clause pénale et clause forfaitaire de dommages-intérêts, 291.

- clause pénale et clause limitative de réparation, 294.

- caractère, 292.

- clause pénale et clause de dédit, 295.

- mise en œuvre, 296.

- preuve, 296.

- révision judiciaire 298, 322.

Clause de préemption, 132.

Clause de préférence, 132. Clause punitive, 132. Clause de quotas, 147, 158.

Clause résolutoire, 163 et s, 283.

- avantages, 145.

- bonne foi, 157.

- caractère comminatoire, 150.

- conditions d’efficacité, 147 et s.

- contrôle judiciaire, 150 et s.

Page 446: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

441

- délai de grâce, 145.

- inefficacité, 157.

- inconvénients, 145.

- mise en demeure, 151 et s.

- notion, 144.

- sanction, 157 et s. - validité, 156. Clause de renouvellement exprès, 44, 47, 48,49. Clause du non-renouvellement, 49.

Clause de révision, 202.

Clause de résiliation de sauvegarde, 150.

Clause de stocks, 32, 381 et s. Clause de tacite reconduction, 41 et s, 47, 48, 49.

Clientèle commune, 31,133, 362 et s. Code de déontologie européenne de la franchise, 50. Compétence, 245. Comportement, 288, - déloyal, 133, 138. - grave, 166 et s.

Complicité, 172, 323, 332, 344. Comminatoire, 150, 291. Confiance, 19, 61 et s, 133, 165, 264, 272.

Contrat - contrat d’adhésion, 156, 158. - contrat d’agence commerciale (V.Agent commercial). - contrat de coopération commerciale, 31, 119. - contrat de concession, 4, 31, 26, 48, 93, 94, 96,364, 365.

- contrat de cadre, 350.

- contrat de coopération, 31,

- contrat de collaboration, 119.

- contrat de dépendance économique, 28. - contrat de distribution sélective, 4. - contrat déséquilibré, 200 et s.

- contrat à exécution successive, 139. - contrat de fourniture, 119.

- contrat d’intérêt commun, 11, 31, 62 et s, 95. - contrat intuitus personae, (V. intuitus personae )

- contrat innommé, 5.

- contrat de mandat, 4, 31,

- contrat de situation, 156, - contrat synallagmatique, 114 - contrat de travail, 120,314.

Contrôle - du franchiseur, 128. - judiciaire, 62, 156, 157, 171, 229. - clause résolutoire, 154, 157.

- de la Cour de cassation, 137.

Concurrence déloyale, 323, 344, 352. Contrefaçon, 252

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442

- D - Dépendance économique, 28, 32, 62, 95. Décès, 212.

Déséquilibre, 362, 377.

Développement de la clientèle, 31, 62, 63, 360 et s.

Devoir - coopération, 62.

- transparence, 61.

Dirigeants, 250.

Dommages -intérêts, 14, 26, 28, 54, 93, 132, 171, 264,207, 271, 275, 291 et s, 329,

340 et s,

- évaluation judiciaire, 276 et s, 284,321, 342.

- fixation conventionnelle, 290 et s. - moment de l’évaluation, 277 et s. - rupture irrégulière avant terme, 283 et s, 287 et s.

- rupture abusive et brusque, 281 et s, 288 et s.

Droit commun, 5, 62.

Droit comparé 13, 68 s, 366, 367, et s.

Droit de la concurrence, 28, 38, 82. Droit discrétionnaire, 80, 228. Droit d’entrée, 13, 19.126.

Droit à une indemnité de clientèle (V. indemnité de clientèle)

Droit de rompre, 79 et s, 118 et s, 366 et s, 386 et s.

Droit au renouvellement, 25, 26, 31 et s, 62 et s, 68, 70, 72. Droit potestatif, 80, 148, 152,

- E - Economie du contrat, 24,113, 119, 203, Effet relatif du contrat, 172, 317.

Equité, 138, 362, 377. Equilibre contractuel, 63, 199, 203 et s.

Exécution forcée, 266, 319, 328. Exécution par équivalent, 285.

Extériorité, 189 et s.

- F - Faute, 31, 91, 114 et s, 135, 165.

Fichiers des clients, 348. Fond du commerce - cession, 132.

- vente et achat, 132.

- franchisé, 123. Force obligatoire, 34, 54, 57, 104,124, 162 et s, 200. Formalisme, 101, 196. Force majeure, 92, 181 et s.

- appréciation, 185, 187.

- critères183 et s.

Page 448: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

443

- Effets, 10, 191 et s. Franchise - notion, 2, 3.

- corner, 26.

- international, 195 et s 201.

Fusion, 215, 219.

Fusion des qualités, 233.

- I -

Impossibilité d’exécution, 191 et s, 212, 244.

Imputabilité de l’inexécution, 117 et s.

Imprévisibilité, 186 et s.

Indemnité compensatrice de fin de contrat, 27, 63, 71, 72.

Indemnité de clientèle, 16, 63, 357, et s. Indépendance juridique, 27,28, 32, 36, 63, 365 et s, 375 et s. Inexécution, 118 et s, 126 et s, 135 et s, 148 et s, 165 et s. Intérêt légitime, 312. Intérêt commun, 31, 62 et s, 95, 133. Internet, 122.

Inexécution (V. manquement)

Intégration économique, 362, 367, 369. Intuitus persona, 9, 209 et s, 214, 219, 236 et s, 240 et s, 244 et s, 247, 265, 272.

intuitus societatis, 248 et s. Investissements, 27, 28, 32, 44, 58, et s, 61 et s, 93 et s, 121, 164, 287. Irrésistibilité, 184 et s.

- H -

Hardship, 10, 181, 197 et s.

Homogénéité du réseau, 128, 170.

- J -

Justice distributive, 326. Juge - des référés, 173, 268, 269, 319, 353.

- du fond, 118 et s, 126 et s, 135 et s, 270 et s, 281, 297 et s.

- effacement, 155.

- pourvoir, 115, 154, 155 et s, 266, 279 et s, 294, 297. Jugement constitutif, 171, 194.

Jugement déclaratif, 171, 194.

L Liberté contractuelle, 7, 25, 35, 65, 69, 70, 96.

Liquidation judiciaire, 235 et s. Liquidated damages, 291.

Page 449: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

444

Loyauté, 26, 94, 129, 133, 157.

Loi Doubin, 26.

- M -

Mandat - agent commercial, 31.

Maintien forcé du contrat, 171, 262, 263, 264 et s, 268 et s, 270 s.

Manquement grave, 91, 118, et s, 126 et s, 135, 166 et s, 184 et s, 169, 283. - appréciation subjective, 170.

- appréciation objective, 170.

Marque, 118, 128. Mauvaise foi V. Bonne foi. Minimisation du dommage, 288. Mise en demeure, 151, 175.

Mise en œuvre - clause résolutoire, 148 et s.

- clause de force majeure, 196.

- clause pénale, 296 et s.

- résiliation unilatérale, 168 et s.

Motivation - refuse d’agrément, 229.

- non-renouvellement d’un contrat de franchise, 28, 31, 62 et s.

- résiliation unilatérale d’un contrat de franchise à durée indéterminée, 95 et s.

- résiliation unilatérale d’un contrat de franchise à durée déterminée, 177.

Modification unilatérale, 124.

Mutuus dissensus, 163, 283. - effets, 107.

- notion, 99, et s.

- preuve, 106.

- N -

Non -renouvellement 7, 24 et s, 47, 62 et s. Normes d’exploitation de la franchise, 128.

Nullité, 1, 28, 118, 132.

- O - Objet du contrat, 240. Obligation

- approvisionnement, 123.131.

- application des normes du réseau, 128.

- assistance technique et commerciale, 3, 4, 120.

- assistance en fin de contrat, 90.

- bonne foi, 133, 157.

- de ne concurrence, 17, 129.

- de non-affiliation, 17.

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445

- de confidentialité, 17, 333 et s.

- de collaboration, 19, 63, 146.

- de coopération, 62 et s, 133.

- communication de documents de gestion, 127.

- d’exclusivité territoriale, 121, 130.

- d’information, 166.

- de loyauté, 133, 157.

- de mise en demeure, 151, 175.

- de minimiser le dommage, 288.

- de notification, 174, 196.

- de préavis, 48 et s, 84 et s, 176.

- de payement du droit d’entrée, 126.

- de payement des redevances, 126.

- de reprise des stocks, 15.

- de restitution, 15.

- de se renseigner, 172.

- de transmission de la marque et signes distinctifs, 3, 4,118.

- de transmission du savoir-faire, 119.

Obligation de moyen, 120. Office du juge, 153. Opposabilité, 172. Ordre public, 79, 152.

- P - Pacta sunt servandat V. Force obligatoire

Pacte de préférence - stipulation fréquente, 230. - avantages, 231.

- sanction, 232.

Perfectionnements apportés au savoir-faire, 338. Personne physique, 212, 244.

Personne morale, 215, 244, 248 et s, 318. Perte subie, 286 et s. Plafond de réparation, 294, 297.

Prêt à usage, 350. Préavis - appréciation, 53, 88.

- clause, 52, 89.

- contrat à durée déterminée, 47et s, 176.

- contrat à durée indéterminée, 6, 47, 84 et s.

- durée, 53, 88.

- forme et modalité, 52, 87.

- sanction, 48 et s, 85 et s.

Preuve,

- violation de la clause de non –concurrence post-contractuelle, 320.

- complicité du tiers, 323.

28, 266, 341, 352, 294.

Page 451: Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences ...

446

Préjudice, 63,

- atteinte à l’image du réseau, 287.

-frais de justice ou frais du procès, 287.

- frais d’études, 287.

- gain manqué, 280 et s.

- investissements, 287.

- perte subie, 286 et s.

- rupture irrégulière avant terme, 283 et s, 287 et s.

- rupture abusive et brusque, 93, 281 et s, 288 et s.

Précarité, 32 et s, 42, 43, 93, 146. Principe - de l’autonomie de la volonté, 155.

- absence de droit au renouvellement du contrat, 39 et s.

- de l’interdiction des engagements perpétuels, 81.

- de l’incessibilité du contrat, 218 et s.

- libre rupture du contrat à durée indéterminée, 78, 96.

- principe de la liberté contractuelle, 265.

- résiliation ou résolution judiciaire, 163.

- de la réparation intégrale du préjudice, 278.

- transparence, 61. - non- transmission du contrat, 212 et s. Promesse de renouvellement, 44. Proportionnalité,

- clause résolutoire, 154,156.

- clause pénale, 298, 326 et s.

- clause de non-concurrence post-contractuelle, 313.

Procédure collective, 125, 235 et s, 246.

- R - Redressement judiciaire, 236 et s, 246.

Redevances, 3, 4, 126. Renouvellement du contrat, V. Non -renouvellement du contrat

Relations post-contractuelles, 17

Relation commerciale précaire, 43

Relation commerciale établie, 51, Renégociation, 197 et s, 204, 205, 206. Réparation intégrale, 278. Réparation, 167, 264, 272,

- en nature 266, (V. maintien forcé du contrat) - par une allocation des dommages et intérêts 275 et s.

Réseau de franchise, 37, 62.

Résiliation - atteinte à l’ intuitus personae, 213, 249.

- atteinte à l’ intuitus societatis, 248.

- atteinte à l’intuitus socii, 249, 250.

- aux torts de l’une des parties, 118 et s.

- aux torts réciproques, 135 et s.

- bilatérale, 8, 99 et s.

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447

- contrat à durée indéterminée, 6, 51, 43, 72 et s, 93 et 263, 378.

- contrat à durée déterminée, 8, 118 et s, 143 et s, 166 et s, 246, 263, 378.

- effets, 139 et s.

- force majeure, 192 et s.

- inexécution, 118 et s.

- hardship, 206, et s.

- judiciaire, 103, 117 et s.

- irrégulière, 171 et s.

- atteinte à l’ intuitus personae, 213, 249.

- atteinte à intuitus societatis, 248.

- unilatérale, 6,9, 103, 109, 143 et s, 162 et s.

- solvabilité, 246.

Résolution - effet, 139 et s, - inexécution, 118 et s. - judiciaire, 103, 117 et s, - unilatérale (V. Résiliation unilatérale ) Responsabilité, 14, 26,28, 44, 48, 51, 52 et s, 58, 61et s, 80, 85, 91, 92 et s, 109, 118

et s, 132, 135 et s, 157 et s, 170, 171, 192 , 259 et s, 281 et s, 378. Restitution, 15, 347, et s

- de documents, 348.

- ficher des clients, 3

- du matériel, 349.

- en nature, 350.

- en valeur, 350

- de signes de ralliement, 347.

- sanction, 352. .

Rétroactivité V. Effet de la résolution. Rupture V. Résiliation

- S - Sanction - abus de dépendance économique, 28. - obligation de non -concurrence, 319 et s.

- obligation de non -affiliation, 328 et s.

- obligation de confidentialité, 340 et s.

- pacte de préférence, 232. - non-renouvellement abusif, 48, 51, 262 et s, 270, 281 et s. - restitution, 352 et s. - résiliation abusive, 51, 58 et s, 262 et s, 270, 288. - résiliation irrégulière, 171, 262 et s, 270 et s, 283, 287. Savoir-faire, 3, 4,19, 119, 147, 238, 241, 334, 335, 335, 338.

Secret des affaires, 333 Signes de ralliement, 3, 4,118, Solidarisme contractuel, 95,

Solvabilité, 246. Société - anonyme, 248.

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448

- associés, 249

- cession de parts sociaux, 249.

- cession de contrôle, 249.

- dissolution, 215.

- dirigeants, 250

- fusion, 215.

- de nom collectif, 248.

- qualité statutaire, 248, Suspension du contrat, 191. Succursale, 132. Stocks, 32, 33, 370 et s, 386 et s.

-T - Tacite reconduction, 41 et s, 47, 48, 49. Terme extinctif, 7, 19, 24 et s, 34, 47, 164, Tiers, 171, 323, 332, 344, Théorie de l’imprévision, 200. Théorie de la cause, 374. Transparence, 61, Transfère de clientèle, 362, 366. Trouble de droit, 374.

- U -

Unilatéralisme, 142 et s, 162 et s. Urgence, 165, 175, 269.

- V -

Vente par Internet, 122. VRP, 5, 362 et s.

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Table des matières

Introduction…………………………………………………………………………….1

PREMIERE PARTIE - LES CAUSES D’EXTINCTION DU CONTRAT DE

FRANCHISE………………………………………………………………………… 23

TITRE I– LES CAUSES D’EXTINCTION ORDINAIRES………………………26

CHAPITRE I – EXTINCTION DU CONTRAT DE FRANCHISE PAR L’ARRIVEE

DU TERME EXTINCTIF…………………………………………………………… 28

SECTION I - LES SOLUTIONS DU DROIT FRANÇAIS………………………… 29

§ 1. Le principe de l’absence d’un droit au renouvellement du contrat……………. 29

A- Principe bien établi…………………………………………………………… 29

B- Appréciation du principe……………………………………………………… 39

1. Arguments défavorables à l’absence de droit au renouvellement…………………. 39

2. Arguments favorables à l’absence de droit au renouvellement ……………………..43

§ 2. Tempéraments au principe………………………………………………………...46

A- Tempéraments contractuels…………………………………………………… 46

1. Clauses de renouvellement par tacite reconduction……………………………… ...46

2. Clauses de renouvellement exprès…………………………………………………..46

B- Tempéraments jurisprudentiels………………………………………………….50

1. Contrôle tenant aux circonstances du non-renouvellement…………………………50

a). Obligation de respecter un préavis et abus du droit au renouvellement………… 51

b) Obligation de cohérence et abus de droit au renouvellement……………………..59

2. La question du contrôle des motifs de la décision de non- renouvellement……… 63

Conclusion de la section I………………………………………………………………71

SECTION II - LES SOLUTIONS DU DROIT COMPARÉ………………………… 72

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450

§ 1. En droit américain……………………………………………………………… 72

§ 2. En droit saoudien……………………………………………………………… 77

§ 3. En droit russe……………………………………………………………… 79

Conclusion de la section II…………………………………………………………… 81

Conclusion du chapitre I……………………………………………………………… 82

CHAPITRE II - EXTINCTION DU CONTRAT DE FRANCHISE PAR LA

RESILIATION ……………………………………………………………………… 83

SECTION I. - RESILIATION UNILATERALE DES CONTRATS DE FRANCHISE A

DUREE INDETERMINEE…………………………………………………………….84

§ 1. Le principe de libre rupture unilatérale……………………………………………84

A- L’existence d’un droit de résiliation unilatérale du contrat reconnu aux deux

parties…………………………………………………………………………………. 85

B- Fondement juridique du droit de la résiliation unilatérale………………………86

§ 2. Tempéraments…………………………………………………………………….88

A- L’exigence de respecter d’un délai de préavis……………………………………88

1. Principe…………………………………………………………………………...89

2. Exceptions………………………………………………………………………...93

B- La réalisation des investissements, un élément identifiant l’abus dans la rupture

du contrat…………………………………………………………………………… 94

C- Absence d’obligation de motivation…………………………………………. 98

Conclusion de la section I……………………………………………………………101

SECTION II - RESILIATION BILATERALE DU CONTRAT DE FRANCHISE… 102

§ 1. Notion de mutuus dissensus…………………………………………………… 102

§ 2. Mise en œuvre du mutuus dissensus……………………………………………...106

A.- La preuve du mutuus dissensus…………………………………………………106…

B - Les effets du mutuus dissensus………………………………………………… 107

Conclusion de la section II………………………………………………………..109

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451

Conclusion du chapitre I………………………………………………………… 109

Conclusion du titre I……………………………………………………………… 109

TITRE-II LES CAUSES D’EXTINCTION EXTRAORDINAIRES…………….110

CHAPITRE I- EXTINCTION ANTICIPÉE DU CONTRAT DE FRANCHISE POUR

CAUSE D’INEXECUTION…………………………………………………………112

SECTION I- LA RESILIATION JUDICIAIRE DU CONTRAT DE

FRANCHISE…………………………………………………………………………113

§ 1. Le prononcé de la résiliation judiciaire………………………………………… 114

A- Résiliation aux torts de l’une des parties……………………………………...114

1. Résiliation aux torts du franchiseur…………………………………………… 114

2. Résiliation aux torts du franchisé………………………………………………… 128

B- Résiliation aux torts réciproques des deux parties…………………………… 141

§ 2. Effets de la résiliation judiciaire………………………………………………...144.

Conclusion de la section I…………………………………………………………...147.

SECTION I.- RESILIATION UNILATERALE DU CONTRAT DE

FRANCHISE……….....................................................................................148

§ 1. Résiliation unilatérale en vertu d’une clause résolutoire ……………………… 149

A- Notion de clause résolutoire…………………………………………………… 149

B- Mise en œuvre de la clause résolutoire………………………………………… 154

1. Conditions d’application ………..………………………………………………… 154

a). Inexécution illicite imputable au franchisé …………………………………… 154

b). Mise en demeure………………………………………………………………...156

2. Le rôle du juge dans l’application de la clause résolutoire ……………………… 157

a.) Absence de pouvoir d’appréciation quant a l’opportunité de l’application de la

clause résolutoire………………………………………………………… 157

b). Contrôle judiciaire de la mise en œuvre de la clause résolutoire ………………161

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452

§ 2. Résiliation unilatérale en l’absence de clause résolutoire …………………….163

A.- Admission de la résiliation unilatérale du contrat de franchise …………….164

1. Le caractère traditionnellement exceptionnel de la résiliation unilatérale……....164

2. Evolution jurisprudentielle……………………………………………………....168

B - Conditions de la rupture unilatérale…………………………………………..171

1. La nécessite d’un manquement grave …………………………………………....171

2. Procédures à respecter lors de la résiliation du contrat ………………………… .178

Conclusion de la section II………………………………………………………..... 183

Conclusion du chapitre I

CHAPITRE II.- EXTINCTION ANTICIPÉE DU CONTRAT DE FRANCHISE POUR

CAUSE AUTRE QUE L’INEXECUTIOIN………………………….. …………… 185

SECTION I- DISPARITION DU CONTRAT POUR CAUSES EXTERIEURES AUX

PARTIES…………………………………………………………………………… 186

§ 1. Extinction certaine du contrat en cas de force majeure………………………… 186

A -. Critères de la force majeure ……………………………………………………186

1. L’irrésistibilité…………………………………………………………………… 187

2. L’imprévisibilité……………………………………………………………………188

3. L’extériorité……………………………………………………………………… 190

B- L’effet extinctif de la force majeure ……………………………………………191

1. Extinction a effet immédiat……………………………………………………… 191

2. Mécanisme d’extinction ………………………………………………………… 193

§.2. Extinction incertaine du contrat en cas de hardship…………………………… 199

A.- La renégociation du contrat……………………………………………………200

1. Absence d’une obligation de plein droit……………………………………………200

2. Une prévision contractuelle nécessaire : la clause de hardship…………………… 204

B- Résiliation éventuelle du contrat en cas d’échec des renégociations…………. 210

Conclusion de la section I…………………………………………………………… 212

SECTION II - EXTINCTION DU CONTRAT DE FRANCHISE POUR CAUSES

INHERENTES AUX PARTIES: L’ATTEINTE A L’INTUITUS PERSONAE

AFFECTANT LES PARTIES ……………………………………………………… 213

§1. Disparition du contractant……………………………………………………… 214

A- Disparition due a la fin du contractant……………………………………….. 214

1. Le décès du contractant personne physique……………………………………… 214

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453

2. La dissolution du contractant personne morale ………………………………… 218

B- Disparition due au changement de contractant ……………………………… 221

1. Le principe : extinction en cas de cession du contrat de franchise……………… 222.

2. Tempéraments au principe……………………………………………………… 224

a). Tempéraments contractuels…………………………………………………… 225

1. Clause de libre circulation sous condition résolutoire de performance………… 225

2. Clause d’agrément……………………………………………………………… 226

3. Pacte de préférence……………………………………………………………… 232

b). Tempéraments jurisprudentiels……………………………………………… 235

1. Problème de la cession judiciaire du contrat de franchise……………………… 235

a). Division jurisprudentielle……………………………………………………… 236

b). Divergence doctrinale………………………………………………………… 238

2. Proposition d’une solution distinguant selon la partie mise en liquidation

judiciaire……. 240

a.). Possibilité de cession judiciaire de l’entreprise du franchisé…………………… 240

b). Impossibilité de cession judiciaire de l’entreprise du franchiseur……………… 241

§ 2. Modification des qualités du contractant……………………………………… 243

A- Hypothèses communes aux personnes physiques et aux personnes morales…… 243

B- Hypothèses propres aux personnes morales……………………………………… 247

Conclusion de la section II………………………………………………………… 253

Conclusion du chapitre II…………………………………………………………….254

Conclusion du titre II…………………………………………………………………255

CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE I…………………………………… 256

PARTIE II – LES EFFETS DE L’EXTINCTION DU CONTRAT DE FRANCHISE………………………………………………………………………258 TITRE I - LA RESPONSABILITÉ DE L’AUTEUR DE LA RUPTURE DU

CONTRAT………………………………………………………………………… 260

CHAPITRE I – RÉPARATION EN NATURE………………………………………262

SECTION I – LE MAINTIEN FORCE DU CONTRAT COMME REPARATION EN

NATURE…………………………………………………………………………… 263

§1. Proposition en faveur du maintien force du contrat …………………………… 263

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454

§2. L’inadéquation du maintien forcé du contrat…………………………………… 266

Conclusion de la section I………………………………………………………… 271

SECTION II - LE CARACTERE EXCEPTIONNEL DU MAINTIEN FORCE DU

CONTRAT PAR LE JUGE ……………………………………………………… 272

§1. Le maintien forcé temporaire du contrat en matière de référé……………………272

§2. Hostilité de la jurisprudence au maintien forcé du contrat en dehors des référés 275

Conclusion de la section II……………………………………………………… 279

Conclusion du chapitre I………………………………………………………… 280

CHAPITRE II- REPARATION PAR UNE ALLOCATION DE DOMMAGES-

INTERETS…………………………………………………………………………...281

SECTION I - FIXATION JUDICIAIRE DES DOMMAGES ET INTERETS…….. 282

§ 1. Moment de l’évaluation des dommages et intérêts……………………………....283

§ 2. Modalité d’évaluation du montant des dommages et intérêts……………………284

A -. Le gain manqué……………………………………………………………….284

1. La rupture brusque ou abusive……………………………………………………..285

2. La rupture irrégulière avant terme………………………………………………….287

B- La perte subie…………………………………………………………………… 290

1. La rupture irrégulière avant terme……………………………………………….... 290

2. La rupture brusque ou abusive……………………………………………………. 293

Conclusion section I…………………………………………………………………. 297

SECTION II - FIXATION CONVENTIONNELLE DES DOMMAGES ET

INTERETS……………………………………………………………………………298

§1. La spécificité de la clause pénale…………………………………………………298

§ 2. Application de la clause pénale………………………………………………… 306

Conclusion section II………………………………………………………………… 310

Conclusion du chapitre II…………………………………………………………… .311

Conclusion du Titre I………………………………………………………………....312

TITRE II - LA NAISSANCE DE NOUVELLES OBLIGATIONS A LA CHARGE

DES PARTIES………………………………………………………………………313

CHAPITRE I - OBLIGATIONS INCOMBANT AU FRANCHISÉ……………… 315

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455

SECTION I – OBLIGATIONS DE SAUVEGARDE DU RESEAU………………...316

§ 1. La clause de non-concurrence post-contractuelle………………………………..317

A-. Validité de la clause de non-concurrence post-contractuelle………………….317

1. Admission de la clause de non-concurrence post -contractuelle en droit positif…317

2. Conditions de validité de la clause de non-concurrence…………………………...320

B- Mise en œuvre de la clause de non-concurrence post-contractuelle…………….329

1. Portée de la clause de non-concurrence…………………………………………....329

2. Sanction de la violation de la clause de non-concurrence………………………....331

§ 2. La clause de non- affiliation…………………………………………………….334

A- Licéité de la clause de non- affiliation…………………………………………...335

B- Sanction de la violation de l’obligation de non- affiliation……………………...340

§ 3. La clause de confidentialité post-contractuelle………………………………….342 A. Légitimité de principe de la clause de confidentialité………………………….343

B. Mise en œuvre de la clause de confidentialité………………………………….345

1. Etendue de la clause de confidentialité…………………………………………....345

2. Sanctions de la violation de la clause de confidentialité…………………………..348

Conclusion de la section I…………………………………………………………...352

SECTION II – OBLIGATION DE RESTITUTION………………………………...353

§ 1. La restitution des biens matériels et immatériels………………………………..353

§ 2. Sanctions de la méconnaissance de l’obligation de restitution……………….....358

Conclusion de la section II…………………………………………………………...360

Conclusion du chapitre I……………………………………………………………..360

CHAPITRE II – OBLIGATIONS INCOMBANT AU FRANCHISEUR…………..361

SECTION I - L’INDEMNITE DE CLIENTELE……………………………………362

§ 1. L’absence d’une indemnité de clientèle en droit français……………………….363

A- Arguments doctrinaux favorables à l’attribution d’une indemnité de clientèle aux

franchises……………………………………………………………………………..363

1. La perte de clientèle………………………………………………………………..363

2. La rémunération de la participation du franchisé au développement de l’activité du

franchiseur …………………………………………………………………………...365

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B- Hostilité jurisprudentielle……………………………………………………….368

1. Le rejet de la jurisprudence………………………………………………………..369

2. Fondement du rejet………………………………………………………………...370

§ 2. L’existence d’un droit à une indemnité de clientèle dans certains droits

étrangers……………………………………………………………………………...372

Conclusion de la section I……………………………………………………………375

SECTION II-LA REPRISE DES STOCKS EN FIN DE CONTRAT……………….376

§1. La situation en droit français…………………………………………………..376

A- Absence d’une reprise de plein droit du stock en fin de contrat…………….377

1. Propositions favorables à la reprise des stocks de plein droit par le

franchiseur…………………………………………………………………………377

2. Hostilité jurisprudentielle à la reprise des stocks……………………………….382

B- Stipulation contractuelle relative à la reprise des stocks…………………...388

1. Clause prévoyant la reprise des stocks………………………………………….389

2. Clause excluant la reprise des stocks……………………………………………392

§ 2. La situation en droit compare…………………………………………………393

A- Droits excluant la reprise des stocks…………………………………………393

B- . Droits admettant la reprise des stocks de plein droit………………………...395

Conclusion de la section II………………………………………………………...397

Conclusion du chapitre II………………………………………………………….397

Conclusion du titre II……………………………………………………………...398

CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE…………………………………..399

CONCLUSION GENERALE……………………………………………………..401

BIBLIOGRAPHIE……………………………………………………………………….406

INDEX…………………………………………………………………………….438

TABLES DES MATIERS…………………………………………………………448

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RÉSUMÉ

La fin du contrat de franchise a diverses causes. Les causes d’extinction peuvent être

ordinaires : l’arrivée du terme, la résiliation unilatérale lorsque le contrat est conclu sans

terme ou encore la résiliation bilatérale. L’extinction du contrat peut encore résulter de

circonstances extraordinaires. Sont des causes d’extinction extraordinaires la résiliation du

contrat pour inexécution, la survenance d’un cas de force majeure, l’exécution de la clause de

hardship ou encore l’atteinte portée à l’intuitus personae. La fin du contrat de franchise

entraîne la liquidation du lien contractuel et donne parfois lieu à un éventuel engagement de la

responsabilité de la partie auteur d’une rupture fautive. En outre, elle peut déclencher la prise

d’effet d’obligations post-contractuelles : obligation de non-concurrence, obligation de non-

réaffiliation, obligation de confidentialité, obligation de reprise des stocks et, enfin, obligation

de payer une indemnité dite de clientèle.

MOTS – CLEFS : Arrivée du terme extinctif - Résiliation - Responsabilité - Obligation de non concurrence -

Obligation de non affiliation - Obligation de confidentialité - Reprise des stocks - Indemnité

de clientèle

SUMMARY

The termination's causes of a Franchise Agreement are generally classified into ordinary

causes and extraordinary causes. Ordinary causes include the end of the contractual term

without renewal, rescission by either party and bilateral termination. Regarding extraordinary

causes, they include the unilateral termination of the agreement due to any event of Force

Majeure or hardship or affecting the intuitus personae. Whatever the termination's causes,

some legal obligations shall arise thereafter. Beside the obligation of liquidation, there are

some other obligations including mainly the obligation of non-competition, the obligation of

non-affiliation with any third party, the obligation of confidentiality, the obligation to return

back stocks and the obligation of indemnity.

KEYWORDS:

Ordinary causes - Extraordinary causes - Legal Obligations: Liquidation - Non competition -

Non-affiliation - Returning Stocks -Indemnity.