Université de Poitiers Faculté de droit et des sciences sociales
- Ecole doctorale -
La fin La fin La fin La fin du contrat du contrat du contrat du contrat de franchise de franchise de franchise de franchise
Thèse pour le doctorat en droit présentée et soutenue publiquement le 9 septembre 2008
par
Yasser AL SURAIHY
MEMBRES DU JURY
Directeur de recherches : M. Éric SAVAUX
Professeur à l’Université de Poitiers
Suffragants : M. Didier FERRIER
Professeur à l’Université de Montpellier
M. Hugues KENFACK Professeur à l’Université de Toulouse
Mme Rose -Noëlle SCHÜTZ Professeur à l’Université de Poitiers
L’Université de Poitiers n’entend pas donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans les thèses. Ces opinions doivent être considérées comme propres à leurs auteurs.
Je remercie Monsieur le Professeur Éric Savaux d’avoir dirigé avec patience et bienveillance les recherches ayant conduit à cette thèse. Qu’il veuille bien trouver ici l’expression de ma reconnaissance. Je remercie également Monsieur le Professeur Philippe Delebecque et Monsieur Yves Marot pour l’aide et les informations qui m’ont apportés.
RÉSUMÉ
La fin du contrat de franchise a diverses causes. Les causes d’extinction peuvent être
ordinaires : l’arrivée du terme, la résiliation unilatérale lorsque le contrat est conclu sans
terme ou encore la résiliation bilatérale. L’extinction du contrat peut encore résulter de
circonstances extraordinaires. Sont des causes d’extinction extraordinaires la résiliation du
contrat pour inexécution, la survenance d’un cas de force majeure, l’exécution de la clause de
hardship ou encore l’atteinte portée à l’intuitus personae. La fin du contrat de franchise
entraîne la liquidation du lien contractuel et donne parfois lieu à un éventuel engagement de la
responsabilité de la partie auteur d’une rupture fautive. En outre, elle peut déclencher la prise
d’effet d’obligations post-contractuelles : obligation de non-concurrence, obligation de non-
réaffiliation, obligation de confidentialité, obligation de reprise des stocks et, enfin, obligation
de payer une indemnité dite de clientèle.
MOTS – CLEFS : Arrivée du terme extinctif - Résiliation - Responsabilité - Obligation de non concurrence -
Obligation de non affiliation - Obligation de confidentialité - Reprise des stocks - Indemnité
de clientèle
SUMMARY
The termination's causes of a Franchise Agreement are generally classified into ordinary
causes and extraordinary causes. Ordinary causes include the end of the contractual term
without renewal, rescission by either party and bilateral termination. Regarding extraordinary
causes, they include the unilateral termination of the agreement due to any event of Force
Majeure or hardship or affecting the intuitus personae. Whatever the termination's causes,
some legal obligations shall arise thereafter. Beside the obligation of liquidation, there are
some other obligations including mainly the obligation of non-competition, the obligation of
non-affiliation with any third party, the obligation of confidentiality, the obligation to return
back stocks and the obligation of indemnity.
KEYWORDS:
Ordinary causes - Extraordinary causes - Legal Obligations: Liquidation - Non competition -
Non-affiliation - Returning Stocks -Indemnity.
SOMMAIRE Introduction
PARTIE I - LES CAUSES D’EXTINCTION DU CONTRAT DE FRANCHISE.
Titre I - Les causes d’extinction ordinaires
Chapitre I - Extinction du contrat de franchise par l’arrivée du terme extinctif
Chapitre II - Extinction du contrat de franchise par la résiliation
Titre II - Les causes d’extinction extraordinaires
Chapitre I - Extinction anticipée du contrat de franchise pour cause d’inexécution
Chapitre II- Extinction anticipée du contrat de franchise pour cause autre que l’inexécution
PARTIE II - LES EFFETS DE L’EXTINCTION DU CONTRAT DE FRANCHISE
Titre I - La responsabilité de l’auteur de la rupture du contrat
Chapitre I - Réparation en nature
Chapitre II - Réparation par une allocation de dommages-intérêts
Titre II - La naissance de nouvelles obligations à la charge des parties
Chapitre I - Obligations incombant au franchisé
Chapitre II - Obligations incombant au franchiseur
CONCLUSION GENERALE
BIBLIOGRAPHIE
NDEX
TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION
2
1. Conception de la fin du contrat. Expression consacrée en doctrine et en
jurisprudence, la fin du contrat peut être entendue de différentes façons. Certains
retiennent une conception large de la fin du contrat1. Ils estiment que celle-ci
correspond à toutes les hypothèses où un contrat, notamment un contrat de franchise,
valable ou nul, prend fin. Ainsi, selon eux, la nullité est une cause d’extinction du
contrat de franchise.
Une telle conception large de la fin du contrat ne sera pas retenue dans notre
étude. La fin du contrat doit, à notre sens, être limitée aux seules hypothèses où un
contrat de franchise valable prend fin. Peu importe la cause de cette fin. En effet,
contrairement à ces auteurs, nous estimons que la nullité ne constitue pas une cause
d’extinction du contrat en général et le contrat de franchise tout particulièrement. Celle-
ci est une sanction de la formation du contrat. Elle intervient pour sanctionner
l’existence d’un défaut originaire2. Le contrat de franchise nul est dès sa formation non
valable. Il n’a aucune valeur juridique. Par conséquent, il n’a pu être générateur
d’aucune obligation3. Quod Nullum est nullum producit effectum4
. De là, le contrat de
franchise nul n’a pas à s’éteindre. Si, éventuellement, ce contrat produit certains effets
dans la pratique avant que le juge prononce son annulation, ces effets doivent
disparaître de manière rétroactive, car il n’y a pas en réalité de contrat mais une
apparence de contrat qui engendre des effets que le juge prend en compte, non en tant
que découlant d’une situation juridique -le contrat valablement formé-, mais en tant que
résultant d’une situation de fait5.
1 M.-E. ANDRE, M -P. DUMONT, Ph. GRIGNON, L’après -contrat, Edition Francis Lefebvre 2005, n°
34, p. 41 ; J.- M. LELOUP, La franchise, Droit et pratique, Delmas, 4e édition, 2004, n° 2002, p.317 et s.
2 M. BEHAR-TOUCHAIS, Extinction du contrat : les causes, J.-C1. Contrats Distribution, fasc. 175, n°2,
p.7. 3 Ibid.
4 V. A. PIEDELIEVRE, Quelques réflexion sur la maxime « Quod nullum est nullum producit
effectum », in Mélanges P. Voirin, 1976, p.638. 5 V. C. GUELFUCCI-THIBIERGE, Nullité, restitution, et responsabilité, LGDJ 1992, préface J. Ghestin,
n° 736, p. 425 et s. V. aussi, L. LEVENEUR, Situation de fait et droit privé, LGDJ 1990, préface M.
Gobert.
3
Il faut toutefois noter que la solution n’est pas absolue. Il peut arriver, dans
certaines hypothèses, que la nullité puisse constituer une véritable cause d’extinction du
contrat de franchise. Il en est ainsi lorsqu’elle intervient pour sanctionner un contrat de
franchise valablement formé. Une telle hypothèse a été déjà retenue dans l’arrêt Prodim-
Duval. Dans cet arrêt, les juges ont prononcé la nullité d’un contrat de franchise
valablement formé pour exploitation abusive par le franchiseur de la situation de
dépendance économique dans laquelle se trouve son franchisé6. Pour autant, une telle
hypothèse, qui illustre à quel point le droit de la concurrence perturbe les règles du droit
commun des obligations7, est sur le plan pratique rare. Aussi, nous excluons la nullité
comme cause d’extinction du contrat de franchise.
2. Aperçu historique et développement du contrat de franchise. Le contrat de
franchise est un contrat né aux Etats-Unis sous le nom de franchising8. Ses origines se
trouvent dans le développement de l’industrie automobile sous l’effet de la législation
anti-trust prohibant la vente directe des véhicules par les constructeurs aux utilisateurs.
En France, un engouement entoure la franchise. Il s’explique par l’attrait de la
nouveauté ainsi que par le vent de défaveur qui, dans le même temps, soufflait sur la
concession commerciale9.
6 Cass. com., 16 décembre 1997, Bull. civ, IV, p.291, n° 337 ; D. 1998, somm., p. 338, obs. D. FERRIER.
En l’espèce, un franchiseur avait conclu avec l’un de ses franchisés à la fois un contrat de franchise et un
contrat de location-gérance. Plus tard, le franchisé avait assigné le franchiseur en annulation du contrat de
franchise pour abus de dépendance économique. Les juges du fond lui ont donné gain de cause et déclaré
nul le contrat de franchise. Le franchiseur s’est pourvu en cassation en demandant la censure de l’arrêt
d’appel. Sourde à ses arguments, la Chambre commerciale a rejeté le pourvoi en décidant que : « Justifie sa décision d’annuler un contrat de franchise pour abus de dépendance économique, la cour d’appel qui retient qu’après la conclusion des contrats de location - gérance et de franchisage, le franchiseur avait obtenu du franchisé qu’il lui abandonne les services administratifs et comptables de son magasin, en contrepartie d’une redevance majorée, qu’il avait mis en place un système de commande informatisée ne permettant pas au franchisé de connaître d’ avance le prix d’achat des marchandises, qu’il avait aussi obtenu de celui-ci une délégation de pouvoirs et de signature bancaire, à la faveur de laquelle il laissait systématiquement impayées quelques factures auprès d’autres fournisseurs, afin de l’amener à ne contracter qu’avec lui, et que le franchisé ne pouvait se soustraire à sa volonté, la dénonciation du contrat de franchise devant avoir pour inévitable conséquence la dénonciation du contrat de location – gérance, cette circonstances le privant de trouver des solutions alternatives pour obtenir d’autres sources d’approvisionnement ». 7 Sur ce point, v. M. MALAURIE-VIGNAL, Droit de la concurrence et droit des contrats, D. 1995, p. 51 :
« Aucun contrat ne semble échapper à l’emprise du droit de la concurrence : les contrats de distribution, franchise, concession …, mais aussi le prêt, le courtage, ou le contrat de conseil, ou le contrat de sous-traitance en relèvent ». V. aussi, J. MESTRE et B. FAGES, L’emprise du droit de la concurrence sur le
contrat, RTD com. 1998, p. 71. 8 V. Ph. Le TOURNEAU, Les contrats de franchisage, Litec, 2007, n° 1 et s.
9 Ibid.
4
Aujourd’hui, le contrat de franchise connaît un développement remarquable. Il
existe, non seulement dans le domaine de la restauration rapide, des services des
groupes hôtels, de la commercialisation des produits de beauté, mais aussi dans le
domaine de l’entretien automobile, des conseils matrimoniaux, de la location de
voitures, de la vente de vêtements et enfin dans le domaine du transport aérien10
. La
franchise embrasse en effet toutes les activités liées à la fourniture de biens ou de
services aux consommateurs, ce qui peut parfois entraîner une confusion entre le contrat
de franchise et d’autres contrats voisins.
3. Définition du contrat de franchise. Définir un contrat de franchise, c’est permettre
de le qualifier. La qualification est une question cruciale, non seulement en ce qu’elle
commande le régime juridique applicable à la convention11
, mais aussi pour l’identifier
parmi les nombreux contrats voisins du domaine de la distribution.
Le contrat de franchise est un contrat par lequel un franchiseur, titulaire d’une
marque et d’un savoir-faire économique ou technique éprouvé, s’engage à
communiquer au franchisé l’usage de ces éléments, moyennant le paiement d’un droit
d’entrée et d’une redevance, afin de reproduire la réussite commerciale qu’il a connue
dans son activité12
. C’est donc un accord ou une méthode de réitération13
. Ainsi défini,
le contrat de franchise repose donc sur trois éléments qui sont les suivants : la mise à
disposition des signes de ralliement de la clientèle de la part du franchiseur au franchisé,
la communication de son savoir-faire et son assistance technique et commerciale. Ces
éléments sont essentiels. C’est grâce à eux, et surtout grâce à l’élément du savoir-faire,
défini comme « un ensemble d’informations pratiques non brevetées, résultant de
l’expérience du franchiseur et testées par celui-ci, ensemble qui est secret, substantiel et
identifié »14
, qu’il est possible de distinguer le contrat de franchise d’autres contrats
voisins.
10
V. D. PIALOT, Le guide de la franchise, L’express 2006, p.12 et s. 11
Sur la question de la qualification du contrat, F. TERRE, L’influence de la volonté individuelle sur les
qualifications, LGDJ, 1957, préface R. LE BALLE. 12
V. D. FERRIER, Le droit de la distribution, Litec, 4e édition, 2006, n° 672, p. 301.
13 Ibid.
14 Règlement .n°4087/ 88, art .1-3.
5
4. Le contrat de franchise et les autres contrats de la distribution. Parce qu’il
entraîne la transmission des signes de ralliement de la clientèle et la communication du
savoir-faire et une assistance technique et commerciale, le contrat de franchise se
distingue du contrat de concession. Si celui-ci implique la mise à disposition d’un nom
commercial, de symboles, ainsi qu’une assistance commerciale de la part du concédant
au concessionnaire, il ne fait toutefois pas référence à l’existence d’un savoir-faire.
Il ne crée aucune obligation de transmission de connaissances propres à l’activité
au concessionnaire15
. En d’autres termes, contrairement au contrat de franchise, le
contrat de concession ne nécessite pas la communication de savoir-faire. Le contrat de
franchise se distingue aussi du contrat d’agence commerciale. Dans ce dernier, l’agent,
bien qu’il soit juridiquement indépendant, agit au nom et pour le compte de son
mandant, alors que, dans le contrat de franchise, le franchisé est un commerçant
indépendant agissant en son nom et pour son propre compte16
. Dans le même ordre
d’idée, le contrat de franchise ne doit pas confondre avec le contrat de distribution
sélective. Dans ce dernier, dont le recours est fréquent surtout dans le domaine du luxe,
du prestige17
un fournisseur s’engage à approvisionner dans un secteur déterminé un ou
à plusieurs commerçants18
. Le contrat de distribution sélective n’emporte ni utilisation
de la même enseigne, ni communication de savoir-faire.
En outre, la franchise est une technique de réitération alors que la distribution
sélective est une technique de distribution. Malgré leur nature et leur objet différents, le
contrat de franchise a un trait commun avec le contrat de concession et le contrat de
distribution sélective en ce qu’il est un contrat innommé.
15
Cass. com., 4 juin 2002, pourvoi n° 99-19464. 16
V. F.-L. SIMON, L’identification du contrat de franchise, in Le contrat de franchise : un an d’actualité,
numéro spécial, LPA, 2007, n° 229, p. 9. 17
Le recours aux contrats de distribution sélective en matière de luxe et de prestige s’explique par la
volonté du fournisseur que la marque distribuée ne soit pas dévalorisée par certains modes de
commercialisation tels, par exemple, par la vente en hypermarché. V. C. LEBEL, A. CASALONGA et C.
MENAGE, La distribution des produits de luxe, LGDJ, 1990. 18
V. J.-P. VIENNOIS, La distribution sélective, Litec 1999, préface D. Ferrier.
6
5. Les contrats de franchise sont des contrats innommés. Fruit de la liberté
contractuelle, issu de la pratique commerciale, de « l’anxiété conquérante mais
désordonnée des gens d’affaires »19
, le contrat de franchise est un contrat innomé, c'est-
à-dire qui ne fait l’objet d’aucun régime légal spécifique, contrairement à l’agent
commercial et au VRP20
. Il vit en effet de la seule sève de la théorie générale des
contrats21
. Par conséquent, la fin du contrat de franchise est régie par les règles du droit
commun des contrats22
. Le régime juridique de la cessation des relations contractuelles
entre franchiseur et franchisé dépend donc de ce que le contrat de franchise est conclu
pour une durée indéterminée ou pour une durée déterminée.
6. Contrat de franchise à durée indéterminée : extinction par la résiliation
unilatérale. Généralement, les contrats de franchise sont conclus pour une durée
déterminée23
. Toutefois, cela ne signifie absolument pas que les contrats de franchise ne
peuvent pas être conclus sans durée24
. Les parties peuvent librement ne pas fixer un
terme extinctif de leur relation contractuelle et conclure un contrat non limité dans le
temps25
. Cela arrive souvent soit parce que le franchiseur et le franchisé envisagent, dès
le début, d’établir une relation longue dont la durée ne peut être fixée de manière exacte
lors de la conclusion du contrat, soit parce qu’ils ont prolongé leur contrat initial -ce qui
est fréquemment le cas- au-delà du terme pour lequel il a été stipulé sans fixer un terme.
19
J.-M. LELOUP, La création des contrats par la pratique commerciale, in L’évolution contemporaine du
droit des contrats, PUF, 1986, p.167. 20
V. J. BEAUCHARD, La nécessaire protection du concessionnaire et du franchisé à la fin du contrat, in
Libre droit, Mélanges. Ph. Le Tourneau, Dalloz, 2008, p. 37. 21
M. CABRILLAC, Remarques sur la théorie générale du contrat et les créations récentes de la pratique
commerciale, Mélanges. G. Marty, Toulouse, 1978, p.235 et s. 22
J. BEAUCHARD, La nécessaire protection du concessionnaire et du franchisé à la fin du contrat,
op.cit. V. également, Ph. STOFFEL-MUNCK, La rupture du contrat et le droit de la distribution, in Le
contrat électronique au cœur du commerce électronique, Le droit de la distribution : droit commun ou
droit spécial, LGDJ, Université, Poitiers, Coll. Faculté de droit et des sciences sociale, 2005, p.177. 23
Infra n° 24 et s. 24
T. com. Paris. Juris-Data n° 2006-314 649 ; CA Paris, 2 avril 2003, Juris-Data, n° 2003-211259 ; CA
Paris, 27 novembre 1985, Juris-Data n° 1985-027632. 25
Le recours au contrat de franchise à durée indéterminée peut, en effet, se concevoir dans les domaines
qui n’exigent pas la réalisation par les parties, et notamment par le franchisé, d’énormes investissements
en vue de l’exploitation de la franchise. Tel est, par exemple, le cas dans le domaine des conseils
matrimoniaux, fiscaux et juridiques. V. Infra n° 99 et s.
7
Toutefois, il faut noter que lorsqu’un contrat de franchise est conclu sans durée
limitée, le principe est la résiliation unilatérale du contrat. Le franchiseur et le franchisé
liés par un contrat de franchise à durée indéterminée peuvent alors librement et
unilatéralement rompre leur contrat chaque fois qu’ils jugent opportun de dénouer le
lien qu’ils avaient noué26
. Chacun d’entre eux dispose, en cela, d’un droit de résiliation
unilatérale27
, sous réserve de ne pas abuser de son droit et de respecter un délai de
préavis28
. Ce droit de résiliation unilatérale, doté désormais d’une valeur
constitutionnelle29
et ayant un caractère d’ordre public30
, se justifie par le principe de la
prohibition des engagements perpétuels31
. Outre ce fondement classique de la protection
de la liberté contractuelle conçu comme « l’âme du contrat »32, le droit de résiliation
unilatérale dans les contrats à durée indéterminée s’explique par la volonté de préserver
la concurrence au sein du marché.
Comme le relèvent certains auteurs, « la théorie de la concurrence fournit
aujourd’hui une justification supplémentaire à la prohibition des engagements
perpétuels : un tel engagement constitue en effet une formidable barrière à l’entrée sur
le marché qui empêche les agents économiques qui seraient en mesure de devenir des
contractants de se porter candidats à une relation contractuelle en raison de
l’indissolubilité des liens préexistants. La rente de situation dont bénéficient ainsi les
contractants ayant pénétré antérieurement sur le marché est un facteur très important
d’inefficacité économique »33.
26
M. BEHAR-TOUCHAIS et G. VIRASSAMY, Les contrats de la distribution, LGDJ, 1999, n° 332, p.
151 ; J. MESTRE, Résiliation unilatérale et non –renouvellement dans les contrats de distribution, in La
cessation des relations contractuelles d’affaires, PUAM 1997, p.13, et spéc., p.19 ; D. LEGEAIS,
Franchise, J.-C1. Commercial, 2001, fasc. 333, n° 66, p. 18.
27 J. MESTRE, Résiliation unilatérale et non -renouvellement dans les contrats de distribution, op.cit,
p.19. 28
Infra n° 79 et s. 29
Cons-const 9 novembre 1999, déci n° 99 - 419 DC, JO 16 novembre 1999, p.16962 ; RTD civ. 2000,
p.109, obs. J. MESTRE et B. FAGES : « Considérant que, si le contrat est la loi commune des parties , la liberté qui découle de l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et citoyen de 1789 justifie qu’un contrat de droit privé à durée indéterminée puisse être rompu unilatéralement par l’un ou l’autre des contractants , l’information du contractant, ainsi que la réparation du préjudice éventuel résultant des conditions de la rupture ,devant ,toutefois ,être garanties ». 30
J. AZEMA, La durée des contrats successifs, LGDJ, préface R. Nerson, n°192, p.153. 31
Ibid. 32
G. ROUHETTE, La force obligatoire du contrat : Rapport français, in Le contrat aujourd’hui :
comparaisons Franco-Anglaises, sous la dir. D. Tallon et D. Harris, LGDJ 1987, p. 28, n° 2. 33
MM. L.- J. VOGEL, « Vers un retour des contrats perpétuels ? Evolution récente du droit de la
distribution », Contrats. conc. consom., Août Septembre, 1991, p.1. V, aussi, M. BEHAR-TOUCHAIS et
G. VIRASSAMY, Les contrats de la distribution, LGDJ, 1999, n° 332, p. 151 ; A. VAN EECKHOUT,
RDC 2004, p.192.
8
Le principe est donc la libre rupture unilatérale dans les contrats de franchise à
durée indéterminée, ce qui n’est pas le cas s’agissant des contrats de franchise à durée
déterminée.
7. Contrat de franchise à durée déterminée : extinction du contrat par l’arrivée du
terme. Si le temps apparaît comme un support ou comme une substance dans tous les
contrats de collaboration34
, il en est ainsi notamment pour les contrats de franchise. Ces
contrats sont fréquemment conclus pour une durée déterminée. Cette limitation de la
durée du contrat de franchise s’explique par son économie35
. Dans ce genre de contrats,
les parties -notamment le franchisé- effectuent des investissements parfois énormes
pour l’exploitation de la franchise. Par conséquent, elles veulent donc stabiliser leurs
relations pour amortir ces investissements. Cela s’explique aussi par le fait que le
contrat de franchise contient souvent des obligations, telle que l’obligation d’exclusivité
dont la limitation dans la durée est une condition indispensable de validité.
Quelle que soit la raison amenant les parties à limiter dans le temps leur relation
contractuelle, lorsqu’un contrat de franchise est affecté par un terme extinctif, ce contrat
prend fin à l’arrivée de ce terme36
.La réalisation de celui-ci produit un effet « couperet »
37 sur le lien contractuel liant le franchiseur au franchisé. Il met fin au contrat de
franchise pour l’avenir, sans remettre en cause les effets que le contrat a valablement
produits dans le passé. En effet, en l’absence de clause de renouvellement, chacune des
parties retrouve sa liberté contractuelle à l’échéance du terme. Aucune d’elles ne
bénéfice d’un droit au renouvellement du contrat expiré à l’échéance38
.
34
V. P. HEBRAUD, Observations sur la notion du temps dans le droit civil, in Mélanges P. Kayser,
PUAM, 1979, t.II, p.1. 35
L’économie du contrat peut renvoyer aussi bien à la structure qu’au contenu du contrat ou au but
commun des contractants ou enfin à l’équilibre contractuel. Sur cette notion, v. S. PIMONT, L’économie
du contrat, PUAM, 2004, préface J. Beauchard. 36
Infra n° 24 et s 37
C. BLOUD -REY, Le terme dans le contrat, PUAM 2003, préface. P.-Y. Gautier, n° 541, p.461 et s. 38
M. MALAURIE-VIGNAL, Droit de la distribution, Sirey, 2006, n° 651, p.177 et s ; D.
FERRIER, Droit de la distribution, Litec, 4e édition, 2006, n° 709, p. 316, et s ; J.-M. LELOUP, La
franchise, Droit et pratique, Delmas 4e
édition, 2004, n° 332 ; J.-M. MOUSSERON, Technique
contractuelle, par P. MOUSSERON, J. RAYNARD, J.-B. SEUBE, Edition Francis Lefebvre, 3e édition,
2005, n° 1276, et s, n° 1285, et s ; Ph. STOFFEL-MUNCK, La rupture du contrat et le droit de la
distribution, in Le contrat électronique au cœur du commerce électronique, Le droit de la distribution :
droit commun ou droit spécial, LGDJ, 2005, Collection de l’Université de Poitiers collection de la Faculté
de droit et des sciences sociale, p.177, et spéc., n° 12,p.185 ; J. MESTRE, Résiliation unilatérale et non–
renouvellement dans les contrats de distribution, in La cessation des relations contractuelles d’affaires,
PUAM, 1997, p.13 ; D. FERRIER, Franchise, Rép. com .Dalloz 1996, n° 84, p.13 ; Ph. Le TOURNEAU,
9
Le franchiseur peut librement refuser de renouveler le contrat de franchise arrivant
à son terme et conclure un autre contrat avec un autre franchisé. Il peut même proposer
au même franchisé de conclure un nouveau contrat moins favorable que le précédent39
.
Ce dernier ne saurait se plaindre de cela puisqu’il ne dispose d’aucun droit au
renouvellement. La jurisprudence considère que le refus de renouvellement du contrat à
son terme ne constitue pas un abus mais l’exercice d’un droit de ne pas contracter40
. Le
principe est donc le primat de la liberté contractuelle41
. Une telle solution est-elle
justifiée ? Pourquoi ne pas reconnaître au franchisé un droit au renouvellement du
contrat à son terme tant qu’il satisfait correctement à ses engagements ? Outre l’arrivée
du terme extinctif, le contrat de franchise peut prendre fin par la résiliation bilatérale.
8. Extinction du contrat de franchise par la résiliation bilatérale. En vertu du
principe de la liberté contractuelle, le franchiseur et le franchisé peuvent convenir de
résilier bilatéralement leur relation contractuelle sans pour autant qu’ils soient tenus
d’attendre le terme extinctif qu’ils ont contractuellement fixé. Pour cela, il leur suffit de
conclure un accord dit mutuus dissensus ayant pour objet de faire disparaître le contrat
de franchise initial. Mode original d’extinction, ce mutuus dissensus, qui ne porte pas
atteinte au principe de la force obligatoire du contrat, a l’avantage d’offrir aux parties un
bon arrangement pour sortir du lien contractuel42
. « Pas de juge, pas d’avocat » - . On
se serre virilement la main et on se dit : adieu camarade » 43. Outre la résiliation
bilatérale, l’extinction anticipée du contrat de franchise peut parfois être due à la
survenance de divers événements.
Le franchisage, Economica, 1994, 48 ; D. FERRIER, La rupture du contrat de franchisage, JCP CI 1977,
II, 12441 ; THIERRY de HALLER, Le contrat de franchise en droit suisse, th., Lausanne 1977, p.121. 39
CA Paris 12 janvier 2005, LPA, 8 décembre 2005, n° 44, p.9, note. Y. MAROT. 40
Cass. com., 5 juillet 1994, pourvoi n° 92-17918 ; Contrats. conc. consom 1994, n° 219, comm. L.
LEVENEUR. CA Paris 12 janvier 2005, LPA, 8 décembre 2005, n° 44, p.9, note. Y. MAROT 41
V. D. MAZEAUD, La politique contractuelle de la Cour de cassation, in Libres propos sur les sources
du droit, Mélanges. Ph. Jestaz, Dalloz, 2006, p. 371. 42
E. PUTMAN, La révocation amiable, in La cessation des relations contractuelles d’affaires, PUAM
1997, p.125, et spéc., n°1, p.126. 43
P.-Y. GAUTIER, Rapport de synthèse, in La cessation des relations contractuelles d’affaires, PUAM
1997, p. 215, et spéc., n° 8, p. 221, et s.
10
9. Extinction anticipée du contrat de franchise pour cause d’inexécution ou
d’atteinte à l’intuitus personae. Certains événements liés aux parties peuvent survenir,
lors de la vie du contrat de franchise, et mettre fin à celui-ci de manière précoce. Parmi
ces événements, on peut citer l’inexécution par l’une des parties de ses obligations. Le
contrat de franchise est en effet un contrat synallagmatique.
Il crée des obligations à la charge des deux parties. Le franchiseur est tenu de
transmettre au franchisé sa marque, ses signes distinctifs, son savoir-faire et son
assistance technique et commerciale44
. Il peut aussi être tenu, vis-à-vis du franchisé
d’une obligation d’approvisionnement exclusif, d’une obligation de ne pas modifier
unilatéralement la stratégie du réseau45
….
Corrélativement, le franchisé s’engage à payer au franchiseur un droit d’entrée et
des redevances convenues calculées souvent en fonction du chiffre d’affaires, de
respecter les normes du réseau, et de ne pas concurrencer le franchiseur lors de
l’exécution du contrat46
. Si l’un d’eux manque à l’une des obligations que le contrat met
à sa charge, l’autre peut mettre fin au contrat. En pareille hypothèse, deux voies sont
offertes au franchisé ou au franchiseur, victime d’une inexécution, pour faire cesser les
relations contractuelles le liant au contractant défaillant. Il peut s’adresser au juge et lui
demander l’anéantissement du contrat. Si le juge, dont le pouvoir d’appréciation est
souverain, estime que le manquement reproché au contractant défaillant est
suffisamment grave, il prononce la résiliation ou la résolution à ses torts accompagnée
même parfois de dommages et intérêts. Le juge peut même prononcer la résiliation ou la
résolution du contrat de franchise aux torts partagés des deux parties. Il en est ainsi
lorsqu’il constate que l’inexécution est imputable à leur faute respective47
. Le
contractant, dont le contrat de franchise n’a pas été exécuté, peut aussi résilier
unilatéralement et de manière anticipée le contrat que celui-ci contienne une clause
résolutoire ou non.
44
Infra n° 118et s. 45
Infra n° 123 et s. 46
Infra n° 126 et s. 47
Infra n° 125 et s.
11
A cet égard, la jurisprudence admet, depuis 1998, qu’une partie à un contrat à
durée déterminée puisse y mettre fin unilatéralement, avant même l’arrivée du terme,
lorsque son cocontractant manque gravement à ses obligations48
. La résiliation
unilatérale du contrat, qui était hier une exception limitée à certaines hypothèses49
, est
devenue aujourd’hui un principe alternatif ou même concurrent à celui de la résiliation
judiciaire50
.
Toutefois, il est à rappeler que si une partie à un contrat de franchise à durée
déterminée peut aujourd’hui rompre unilatéralement le contrat avant même l’échéance
du terme pour lequel il a été stipulé, cette rupture unilatérale se fait à ses risques et
périls. Cela signifie que le cocontractant qui a subi la résiliation peut saisir a posteriori
le juge pour contester la régularité de la résiliation. Dans le cas éventuel où la résiliation
paraît injustifiée, la responsabilité de son auteur sera engagée51
.
Les évènements liés aux parties, qui sont susceptibles d’entraîner l’extinction
anticipée du contrat de franchise, ne se limitent pas seulement à l’hypothèse de
l’inexécution fautive du contrat. Ils peuvent aussi comprendre les hypothèses où il y a
une atteinte à l’intuitus personae. En effet, le contrat de franchise est par nature conclu
intuitus personae52.
48
Cass. civ., 1er
, 13 octobre 1998, D. 1999, p.197, note. Ch. JAMIN ; D. 1999, somm. comm.,115, note
Ph. DELEBECQUE ; Defrénois.1999 , p .374 , note. D. MAZEAUD. Cass. civ., 1er
, 20 février 2001,
Defrénois 2001, p. 705, note. E. SAVAUX; RTD civ. 2001, p. 363, J. MESTRE et B. FAGES ; D. 2001,
p. 1568, obs. Ch. JAMIN. 49
Infra n° 198 et s. 50
Ch. JAMIN, not. sous. Cass. civ., 1er
, 20 février 2001, op.cit., p.1569 : « L’utilisation d’une même formule signifie donc clairement que la première Chambre civile entend non point s’en tenir à une exception, mais bien poser un principe concurrent à celui qui existe quand la résolution est prononcée par le juge ». 51
V. P. STOFFEL-MUNCK, Le contrôle a posteriori de la résiliation unilatérale, in Rupture unilatérale
du contrat : vers un nouveau pouvoir, Dr et patr. mai 2004, n° 126, p.70. Egalement, Ch. ATIAS, « Les
« risques et périls » de l’exception d’inexécution : limites de la description normative », Dalloz, 2003,
doc.1103. 52
Y. MAROT, L’intuitus personae, L’officiel de la franchise, février 2008, n° 78, p.130 ; Ph. Le
TOURNEAU, Les contrats de franchisage, Litec, 2007, n° 329 ; M. MALAURIE-VIGNAL, Droit de la
distribution, Sirey, 2006, n° 728, p.199 et s ; D. FERRIER, Droit de la distribution, Litec, 4e édition,
2006, n° 713, p. 317 et s ; J. -M. LELOUP, La franchise, Droit et pratique, Delmas, 4e édition, 2004, n°
1505, p. 266 ; L. GIMALAC et S. GRAC, La franchise, Guide juridique et pratique, Puitsfleuri, 2003,
p.18 ; D. MATRAY, Introduction générale, in Le contrat de franchise, Bruylant, 2001, séminaire organisé
à Liège Le 29 septembre 2000, p.7, et spéc., p.23 et s ; Ch. ATIAS, Le contentieux de la franchise,
Analyse Loyers, 1996, n° 331 ; F. COLLART-DUTILLEUL, Ph. DELEBECQUE, Contrats civils et
commerciaux, Précis Dalloz, 7e édition, 2004, n° 956, p.935 ; J.-M. MOUSSERON, Technique
contractuelle, par P. MOUSSERON, J. RAYNARD, J.-B. SEUBE, Edition Francis Lefebvre, 3e édition,
2005, n°1186. D. KARJESKI, L’intuitus personae dans les contrats, th., Toulouse, 1998, n 173, p.171.
12
Cet intuitus personae, dont la notion est « insaisissable »53
, « à géométrie
variable »54
, et dont l’image classique se manifeste traditionnellement dans les contrats
à titre gratuit55
, signifie que le contrat est conclu en considération de la personne du
contractant56
. La prise en compte de la personnalité du contractant dans le contrat de
franchise s’explique, outre par le principe de la liberté contractuelle57
, par la nature
assez spécifique de ce type de contrat. Celui-ci entraîne une licence de marque, une
communication du savoir-faire et une assistance technique et commerciale, ce qui
implique, par conséquent, une collaboration et une confiance très étroite entre les parties
afin de mettre en place un système homogène de distribution.
Certes, l’intuitus personae a pour effet d’assurer la bonne exécution du contrat de
franchise58
. Cependant, il n’est pas sans inconvénient. Parce qu’il exige l’exécution
personnelle du contrat de franchise, l’intuitus personae fragilise les relations
contractuelles. Le contrat de franchise peut prendre fin, à tout moment au cours de son
exécution, lorsqu’il y a disparition du contractant ou modification dans l’une de ses
qualités prise en compte lors de la conclusion du contrat. En dehors de l’intuitus
personae, il convient de noter que les événements entraînant l’extinction anticipée du
contrat de franchise sont parfois extérieurs aux parties.
10. Extinction du contrat pour cause de force majeure ou cas d’hardship. Le
contrat de franchise -comme tout contrat- est un « pari sur l’avenir »59. Il peut parfois
subir « les meurtrissures du temps »60
. En effet, certains événements extérieurs aux
parties peuvent survenir, au cours de la vie du contrat de franchise, et mettre fin à celui-
ci. Parmi ces événements extérieurs, on peut citer les cas de force majeure ayant le
caractère de l’irrésistibilité, de l’imprévisibilité et de l’extériorité.
53
L. AYNES, La cession de contrat, Economica, 1984, préface Ph. Malaurie, n° 331. 54
Ph .Le TOURNEAU, Contrat intuitu personae, J- C1. Contrats- distribution, 1998, fasc. 420, n° 34. 55
J. GHESTIN, Traité de droit civil, La formation du contrat, LGDJ 1993, n° 537, p. 501. 56
V. M. CONTAMINE-RAYNAUD, L’intuitus personae dans les contrats, th., Paris II 1974 , n° 28,
p.33. 57
M-E. ANDRE, L’intuitus personae dans les contrats entre professionnels, in Mélanges. M. Cabrillac,
Dalloz 1999, p.23, et spéc., n° 16, p. 31 et s. 58
M. CONTAMINE – RAYNAUD, th., précitée, n° 208 , p.301. C. PRIETO, Evénement affectant la
personne de la société contractante, in La cessation des relations contractuelles d’affaires, PUAM 1997, p.
n°5 p.84. 59
R. FABRE, Les clauses d’adaptation dans les contrats, RTD civ. 1983, p. 1, n° 3. 60
P. DURAND, La tendance à la stabilité du rapport contractuel, LGDJ, 1960, préface, p. III.
13
La survenance de tels événements rend impossible l’exécution du contrat de
franchise par l’une des parties, ce qui entraîne, par la suite, son extinction anticipée. A
l’impossible nul n’est tenu : « impossibilium nulla obligatio », « ce qui est
insupportable ne peut être de droit »61. Dans cette hypothèse, le contrat de franchise
devient caduc en raison de la disparition d’un élément essentiel tenant à son objet, sauf
en présence d’une clause prévoyant sa résiliation62
. A cet égard, on souligne que les
contrats de franchise, notamment les contrats de franchise internationaux63
, contiennent
souvent une clause dite clause de force majeure prévoyant la possibilité de résiliation du
contrat par le franchisé ou le franchiseur empêché d’exécuter.
On peut également citer les cas de hardship. Ceux-ci rendent non pas impossible
l’exécution du contrat de franchise -comme c’est le cas de la force majeure-, mais
seulement difficile et très coûteuse pour l’une des parties. Ainsi, ils peuvent, dans
certaines hypothèses, entraîner la résiliation du contrat de franchise et donc son
extinction. La résiliation n’est pas toutefois de plein droit. Contrairement à certains
droits étrangers, le droit français ne retient pas la théorie de l’imprévision. A défaut
d’une clause de hardship prévoyant la renégociation des termes du contrat déséquilibré
ou, en cas d’échec, sa résiliation, la jurisprudence considère que celui-ci doit être
maintenu en dépit même de la difficulté d’exécution qu’il pose à l’une des parties64
.
11. La protection des parties lors de la fin du contrat : le recours à la théorie de
l’abus par la jurisprudence. Conçu comme un contrat de situation en ce sens qu’il est
déterminant pour la vie d’une entreprise ou son niveau d’activité65
, l’extinction du
contrat de franchise, quelle que soit sa cause, modifie profondément la situation
commerciale des partenaires, et notamment celle du franchisé qui se trouve souvent en
position d’infériorité économique. La situation de ce dernier en cas de résiliation ou de
refus de renouvellement est désastreuse, ne serait-ce qu’en raison de sa dépendance
économique quasi-totale à l’égard du franchiseur.
61
H. ROLAND et L. BOYER, Adages du droit français, Litec, 4e édition, 1999, n° 18, p.25.
62 Article 26 B du contrat modèle CCI de franchise internationale de distribution.
63 Sur le contrat de franchise internationale, v. H. KENFACK, La franchise internationale, th., Toulouse I,
1996. 64
Infra n °197 et s. 65
M. CABRILLAC, Remarques sur la théorie générale du contrat et les créations récentes de la pratique
commerciale, Mélanges. G. Marty, Toulouse, 1978, p.235 et s.
14
Comme le relève le Professeur Beauchard, si « le contrat est rompu ou n’est pas
renouvelé à son terme, il est rare que le franchisé ou le concessionnaire puisse se
reconvertir facilement ou même survive économiquement. Le concessionnaire qui perd
sa concession ne peut céder un fonds de commerce, puisque le fonds n’a pratiquement
aucune valeur sans le contrat. La reconversion même de ses locaux n’est pas toujours
facile et ne se fait jamais sans nouveaux investissements. Le franchisé qui perd son
contrat, ne peut lui non plus céder son fonds de commerce. Et, en général, il ne peut
même pas céder son droit au bail puisque celui-ci, dans la plupart des cas, ne peut
l’être qu’à un successeur dans le fonds. Sans compter que le contrat comporte
fréquemment une clause de non-concurrence »66
.
Sensibles aux conséquences économiques auxquelles s’exposent les franchisés en
fin de contrat, certains auteurs ont plaidé pour la reconnaissance en leur faveur d’un
droit d’indemnisation en fin de contrat à l’instar des agents commerciaux67
. Selon eux,
cette indemnité de fin de contrat peut se justifier par l’intérêt commun par lequel est
caractérisé le contrat de franchise comme le contrat de concession. Toutefois, la
jurisprudence n’est pas encore en ce sens. Elle se contente toujours d’appliquer la
théorie de l’abus afin de protéger les intérêts des parties au contrat de franchise. Elle
considère que le franchiseur n’est tenu d’aucune indemnité à payer au franchisé évincé
du réseau en raison du non-renouvellement du contrat ou de sa résiliation, sauf en cas de
rupture abusive ou brusque68
.
A cet égard, il est à noter que, soucieux de la protection des intérêts du franchisé et
du concessionnaire, certains auteurs appellent à l’instauration à la charge du franchiseur
et du concédant d’une obligation de motivation lors du non-renouvellement du contrat
ou lors de sa résiliation.
66
J. BEAUCHARD, La nécessaire protection du concessionnaire et du franchisé à la fin du contrat, in
Libre droit, Mélanges Ph. Le Tourneau, Dalloz, 2008, p. 37. 67
J. BEAUCHARD, La nécessaire protection du concessionnaire et du franchisé à la fin du contrat,
op.cit., p. 48. V. aussi, F- X. LICARI, La protection du distributeur intégré en droit français et allemand,
Bibliothèque de droit de l’entreprise, Litec, 2002, préface C. Witz, p. 563, et s. Plus récemment, F- X.
LICARI, « L’application par analogie du droit de l’agence commerciale, fondement possible de la
reconnaissance d’une indemnité de fin de contrat au concessionnaire et au franchisé », RLDA. 2007,
n°13, p.93 ; A. BRUNET, Clientèle commune et contrat d’intérêt commun, in Mélanges. A. WeilL,
Dalloz, Litec, 1983, p.85 ;T. HASSLER, L’intérêt commun, RTD com. 1984, p.581. 68
Infra n° 364 et s.
15
Mais, la jurisprudence refuse, au moins jusqu’alors, de retenir une telle obligation
de motivation. Elle affirme que le principe est la liberté du franchiseur de ne pas
renouveler un contrat de franchise à son échéance ou de le résilier unilatéralement
lorsqu’il est conclu sans durée. Les juges se contentent généralement de contrôler les
circonstances entourant la rupture du contrat de franchise, et d’engager la responsabilité
de l’auteur de la rupture du contrat dans la mesure où il se révèle que cette rupture est
intervenue dans des circonstances abusives ou fautives. La responsabilité de celui-ci
peut être contractuelle. Elle peut aussi être de nature délictuelle fondée sur l’article L.
442- 6 du Code de commerce.
12. L’article L. 442-6 du Code de commerce. La stabilisation des relations
commerciales et la protection des intérêts des parties lors de l’extinction de celles-ci est
toujours un sujet de préoccupation, tant pour la jurisprudence que pour le législateur69
.
A cette fin, ce dernier a édicté en 1996 une loi appelée loi Galland70
. Cette loi modifie
l’article 36 de l’ordonnance du 1er
décembre 1986. Elle crée de nouveaux délits civils
concernant la rupture brutale des relations commerciales établies et l’obtention
d’avantages manifestement dérogatoires sous la menace d’une rupture de ces relations.
Les dispositions de cette loi ont été modifiées par la loi sur les nouvelles régulations
économiques NRE du 15 mai 200171
. L’ensemble de ces dispositions est désormais
codifié à l’article L.442-6, I, 5° c.com72
.
69
D. MAZEAUD, Durées et Ruptures, in Durée et exécution du contrat, RDC. 2004, p. 129, n° 5 : « (…)
la question de la rupture du contrat est aujourd’hui au cœur des préoccupations du législateur, qu’elle est le terreau de moult turbulences jurisprudentielles et le ferment de controverses doctrinales ».V.
également, J. BEAUCHARD, Stabilisation des relations commerciales : la rupture de relations
commerciales continues, LPA 5 janvier 1998, n° 2, p. 14 et s. 70
L. n° 96-588, 1er
juillet 1996, JO 3 juillet 1996, p.9983. 71
L. n° 2001-420, 15 mai 2001, JO 16 mai 200, p.7776. Sur l’ensemble de cette loi, v. M.-E.
PANCRAZI, « La moralisation des pratiques commerciales », Dr. et patr. 2001, n°99, p.65. V. aussi, M.
PEDAMON, Nouvelles règles relatives à la rupture des relations commerciales établies, Bull. d’actualité
Lamy Droit économique, décembre 2001, p.1. 72
V. M. MALAURIE-VIGNAL, L’article L.442-6 du code de commerce, une disposition restée lettre
morte ?,Contrats. conc. conso., 2006, n° 6, p.10.
16
Cet article dispose qu’ : « Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à
réparer le préjudice causé le fait par tout producteur, commerçant, industriel ou
personne immatriculée au répertoire des métiers de rompre brutalement, même
partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la
durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis
déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords
interprofessionnels (…)»73. Selon cet article, le franchiseur qui met fin à une relation
commerciale établie sans respecter un délai de préavis suffisant engagera sa
responsabilité délictuelle74
. La même protection se trouve retenue dans certains droits
étrangers.
13. La protection des parties à la fin du contrat en droit comparé. Certains droits
étrangers préfèrent protéger les intérêts des parties, et notamment ceux du franchisé par
le recours à la théorie de l’abus. Soucieux de la protection de la liberté du franchiseur,
ils retiennent comme principe que le franchisé n’a pas droit au maintien du contrat. Par
conséquent, il ne bénéfice pas d’une indemnité en cas de refus de renouvellement du
contrat ou en cas de résiliation, sauf s’il prouve que ce refus ou cette résiliation
intervient de manière fautive. Tel est la position du droit saoudien 75
et de certains États
des États-Unis76
. D’autres droits, à l’inverse, se montrent plus soucieux de la protection
du franchisé. Ils considèrent que ce dernier dispose d’un droit au maintien du contrat.
Sauf manquement grave de sa part, le franchisé dispose d’un droit au renouvellement du
contrat ou, à défaut, d’une indemnité.
73
Sur cet article, v. S. REGNAULT, Guide de la rupture des relations commerciales établies, LRDC
2008, n° 45, D. FERRIER, L’article L.442-6-I, 5°, du Code de commerce s’applique à toute forme de
rupture brutale de tout type de relations commerciales , D. 2003, p.2433 ; D. MAINGUY, Les mystères
de la rupture brutale de relations commerciales établies, JCP E 2003, n°51, p.1792 ; A. GRIZAU
« Rupture brutale des relations commerciales : Réflexion sur les premiers cas d’application de l’article
L.442-6 », in Dossier Contrats de distribution L’équilibre enfin trouvé ?, Droit et patrimoine. 2003,
n°116, p.71 ; D. MAINGUY, L’esprit et la lettre du nouvel article L.442-6, du Code de commerce », JCP
E 2002, n° 28, p.1729. 74
S. REGNAULT, Guide de la rupture des relations commerciales établies, LRDC 2008, n° 45. 75
Infra n° 70 et s. 76
Infra n° 69 et s.
17
Telle est la position du droit russe 77
et de certains autres États des États-Unis78
. Il
convient, enfin, de noter que l’extinction du contrat de franchise -comme tout contrat-
entraîne certains effets juridiques à l’égard des parties.
14. Mise en jeu de la responsabilité du contractant lors de l’extinction du
contrat. Il y a toujours un lien fort entre le contrat et la responsabilité. Tous les
deux sont « les piliers de l’économie libérale »79, et « objets d’une régularisation
de marché »80
. En matière de contrat de franchise, l’extinction de celui-ci donne
parfois lieu à la mise en jeu de la responsabilité de l’un des contractants. En cas de
rupture abusive ou brusque du contrat de franchise, le franchiseur ou le franchisé
voit sa responsabilité engagée. Le contractant, victime d’une rupture fautive, peut
obtenir une réparation du préjudice qu’il a subi. En pareille hypothèse, le juge
dispose, en effet, d’un pouvoir souverain dans la détermination du mode de
réparation du préjudice qui lui paraît le plus approprié. Il peut opter pour la
réparation en nature en condamnant l’auteur de la rupture à maintenir le contrat
fautivement rompu et donc en l’obligeant à continuer d’exécuter ses obligations81
. Il
peut, au contraire, opter pour la réparation par équivalent à travers la condamnation
de l’auteur de la rupture fautive à payer des dommages et intérêts au contractant
victime, ce qui est généralement le cas. Quant au montant des dommages et intérêts,
celui-ci est évalué par le juge en fonction du gain manqué dont a été privé le
franchisé ou le franchiseur, victime d’une rupture fautive du contrat, et de la perte
qu’il a subie82
.
Toutefois, le juge est tenu, lors de l’évaluation du montant des dommages et
intérêts de respecter le principe de la réparation intégrale du préjudice, sinon sa
décision sera censurée par la Cour de cassation83
.
77
Infra n° 72 et s. 78
Infra n° 68 et s. 79
V. M-A. FRISON-ROCHE, La redécouverte des « piliers du droit » : le contrat et la responsabilité, in
Les transformations de la régulation juridique, LGDJ, 1998, p.277, et spéc., n° 7,p. 281. 80
Ibid. 81
Infra n° 268 et s. 82
Infra n° 276 et s. 83
Ex. Cass. 2e civ., 25 septembre 2002, n° 00-21. 614 ; Cass. 1
er civ., 3 juin 1997, n° 95 -11. 308 ; RTD
civ. 1998, p.121, obs. P. JOURDAIN ; Cass. 3e civ., 6 juin 1974, n° 72-13. 687. Sur le principe de la
réparation intégrale du préjudice de manière générale, v. C. COUTANT-LAPALUS, Le principe de la
réparation intégrale en droit privé, PUAM, 2002, préface Pollaud-Dulian.
18
Dans certaines hypothèses, le montant des dommages et intérêts est déterminé
par les parties elles-mêmes. Le souci d’éviter toute évaluation arbitraire par le juge
des dommages et intérêts amène souvent le franchisé et le franchiseur à insérer dans
leur contrat une clause pénale prévoyant une indemnité forfaitaire dont le
contractant sera tenu en cas de rupture fautive du contrat84
. Ce forfait
d’indemnisation s’impose aux parties comme elle s’impose au juge. Néanmoins, ce
dernier a le pouvoir de réviser le montant de l’indemnité prévu au contrat s’il se
révèle manifestement excessif ou dérisoire par rapport au préjudice que le
contractant a subi. Outre la mise en jeu éventuelle de la responsabilité de l’auteur de
la rupture, l’extinction du contrat de franchise entraîne la liquidation contractuelle
entre les parties.
15. Liquidation contractuelle. L’extinction du contrat de franchise a un effet
abrogatif immédiat sur le rapport contractuel entre franchiseur et franchisé. Elle
implique la séparation contractuelle entre les parties. Ainsi, chacune des parties doit
restituer ce qu’elle a reçu de l’autre à l’occasion de l’exécution du contrat de
franchise. Le franchisé, par exemple, doit restituer les divers éléments matériels et
immatériels tels les documents et les matériels que le franchiseur lui a prêtés pour
l’exploitation de la franchise. La restitution doit en principe se faire en nature. Les
mêmes matériels spécifiques à la production remis au franchisé lors de la conclusion
du contrat doivent être restitués. Toutefois cette solution n’est pas absolue. La
restitution peut se faire par équivalent lorsqu’elle se révèle coûteuse pour le
franchisé85
. Quant au sort des stocks restant invendus lors de l’extinction du contrat
de franchise, ceux-ci restent à la charge du franchisé. Sauf clause contraire, et
hormis le cas d’une rupture fautive lui étant imputable, le franchiseur ne saurait être
tenu de reprendre les stocks invendus restant entre les mains du franchisé en fin de
contrat86
.
84
Infra n° 290 et s. 85
Infra n° 350. 86
Infra n°370 et s.
19
Une telle solution favorable au franchiseur, retenue par certains droits étrangers et
réfutée par d’autres87
, est-elle satisfaisante ? N’est-elle pas incompatible avec la nature
même du contrat de franchise, qualifié de contrat d’adhésion dans lequel c’est le
franchiseur qui impose au franchisé une quantité de marchandises qu’il doit maintenir
pour mieux satisfaire la demande de la clientèle ? Si le franchiseur n’est pas tenu de
reprendre les stocks du franchisé dans le silence de celui-ci, il en va de même pour
l’indemnisation de la perte de clientèle à la fin du contrat.
16. Absence d’indemnisation de clientèle. A la fin de leur relation contractuelle, et
sauf manquement de leur part entraînant cette cessation, l’agent commercial et le V.R.P
reçoivent une indemnité qui compense la perte de la clientèle qu’ils subissent du fait de
la cessation de leur contrat88
. Les franchisés -comme d’ailleurs leurs homologues les
concessionnaires- regardent toujours avec envie à telle indemnité dont l’obtention leur
permettra sans doute de restreindre leur préjudice et d’assurer le plus rapidement leur
reconversion.
Malgré la faveur d’une partie de la doctrine à l’octroi d’une indemnité de clientèle
aux franchisés comme aux concessionnaires à la fin du contrat89
, la jurisprudence y
paraît réticente. Elle refuse fermement de reconnaître au concessionnaire, et par
analogie au franchisé, un droit à une indemnité de clientèle à l’instar de l’agent
commercial, au motif que le franchisé et le concessionnaire ont la qualité de
commerçant indépendant, contrairement à l’agent commercial qui est un mandataire90
.
87
Infra n° 386 et s. 88
V. Ph. GRIGNON, Le fondement de l’indemnité de fin de contrat des intermédiaires du commerce,
Bibliothèque de droit de l’entreprise, Litec, 2000, préface D. Ferrier et J.M. Mousseron, 256, p.239. 89
J. BEAUCHARD, La nécessaire protection du concessionnaire et du franchisé à la fin du contrat, in
Libre droit, Mélanges. Ph. Le TOURNEAU, Dalloz, 2008, p. 37, et spéc., p.48. V. aussi, F.-X. LICARI,
La protection du distributeur intégré en droit français et allemand, Bibliothèque de droit de l’entreprise,
Litec, 2002, préface C. Witz, p. 563, et s. Plus récemment, F.-X. LICARI, « L’application par analogie
du droit de l’agence commerciale, fondement possible de la reconnaissance d’une indemnité de fin de
contrat au concessionnaire et au franchisé », RLDA. 2007, n°13, p.93 ; G. VIRASSAMY, Les contrats de
dépendance, LGDJ, 1986, préface J. Ghestin, n° 304, p.246 ; J. GUYENOT, Licensing et franchising,
Gaz. Pal. 1976, 1, doctr., p.155, n°24. 90
F.-X. LICARI, La protection du distributeur intégré en droit français et allemand, Bibliothèque de droit
de l’entreprise,th., précitée. p.557. Egalement, Ph. GRIGNON, Le fondement de l’indemnité de fin de
contrat des intermédiaires du commerce, Bibl. dr. entr., Litec, 2000, préface D. Ferrier et J.-M.
Mousseron, 2000, 256, p.239, et la jurisprudence citée.
20
Que le franchisé soit un commerçant indépendant qui travaille en son nom et pour
son compte, cela ne fait aucun doute. Il est vrai qu’il dispose d’un fonds de commerce et
d’une clientèle qui lui sont propres. Mais n’est-il pas aussi vrai que le franchisé, même
s’il garde sa clientèle, apporte au franchiseur une nouvelle clientèle, et donc ne mérite-t-
il pas une indemnité ? Enfin, on note que l’extinction du contrat de franchise entraîne
souvent la naissance de nouvelles obligations post-contractuelles. Ces obligations sont
souvent prévues au contrat, et dès sa conclusion, mais leurs effets juridiques sont
reportés jusqu’au jour de son extinction.
17. Relation post-contractuelle. La fin du contrat de franchise a en principe pour
conséquence d’abroger le rapport contractuel entre les parties. Le contrat perd sa force
obligatoire. Il ne peut plus donc produire de nouvelles obligations. Le franchiseur et le
franchisé redeviennent étrangers l’un de l’autre. S’ils continuent à entretenir une
relation, elle n’aura pas de lien avec leur contrat initial qui s’est déjà éteint. Il s’agit en
effet d’une relation de fait précaire, sauf en cas de conclusion d’un nouveau contrat.
Toutefois, il est des cas où le contrat organise parfois non seulement le
comportement actuel des parties, mais aussi leur comportement futur91
. Tel est le cas
lorsque le contrat prévoit, par exemple, des obligations qui restent à la charge d’une des
parties à son expiration. Il s’agit là de la période post- contractuelle. Parmi ces
obligations post-contractuelles, on cite l’obligation de confidentialité, l’obligation de
non-concurrence et de non-affiliation post-contractuelle que met le contrat de franchise
à la charge du franchisé92
. Ces obligations, visant à protéger le réseau du franchiseur,
doivent en effet, pour être valables, satisfaire certaines conditions. Ainsi, par exemple,
la clause de non-concurrence et la clause de non- affiliation post-contractuelle qui
doivent non seulement être limitées dans le temps et dans l’espace 93
et justifiées par
l’existence d’un intérêt légitime du franchiseur94
, mais aussi être proportionnelles par
rapport à l’intérêt du franchiseur qu’elles visent à protéger95
. Parfois elles doivent être
soumises au paiement d’une contrepartie financière96
.
91
Sur ce point v. A. SERIAUX, Le futur contractuel, in Le droit et le futur, PUF 1985, p.77 et s. 92
Infra n° 335 et s. 93
CA Caen, 3 novembre 2005, Juris-Data n° 2005-286650. 94
Ph. Le TOURNEAU, Les contrats de franchisage, Litec, 2e éd., 2007, n° 683, p.299.
95 Cass. com., 7 décembre 2007, n° 06-15.137.
96 Cass. com., 9 novembre 2007, D. 2008, p.388, obs. D. FERRIER ; JCP E 2008, 1020, note. N.
DISSAUX.
21
Qu’il s’agisse d’une obligation de confidentialité post-contractuelle ou qu’il
s’agisse d’une obligation de non-concurrence ou de non-affiliation post-contractuelles,
une fois ces obligations remplis les conditions de leurs validités, le franchisé doit les
respecter, sinon sa responsabilité sera engagée. En cas d’éventuelle violation de l’une de
ses obligations, le franchisé évincé du réseau sera condamné à des dommages et intérêts
pour le préjudice qu’il a causé à son ancien franchiseur du fait de sa violation.
18. Enjeu de l’étude. En raison de multiples avantages qu’il présent, le contrat de
franchise se développe de manière remarquable presque dans tous les domaines. Or, ce
développement ne manque pas de susciter des véritables problèmes pour les parties,
notamment lors de l’extinction du contrat. D’où paraît l’intérêt de l’étude de la fin du
contrat de franchise.
D’ailleurs, une étude portant sur la fin du contrat de franchise permet de révéler
quelles sont les différentes difficultés techniques que rencontrent les parties à la fin de
leur relation contractuelle. Quels sont les événements dont la survenance provoque la
cessation du contrat de franchise ? Comment les parties gèrent le risque de la
survenance de tels événements fragilisant la stabilité des relations contractuelles ?
L’étude de la fin du contrat permet aussi de savoir si les instruments et les règles du
droit commun sont suffisants pour protéger les intérêts des parties, notamment le
franchisé qui se trouve en situation d’infériorité et qui s’expose parfois à la mort
commerciale une fois qu’il a perdu le contrat. De même, par quelle méthode de
réparation, le préjudice résultant de la rupture abusive ou fautive du contrat de franchise
sera-t-il réparé? Enfin, quels sont les instruments contractuels auxquels le franchiseur et
le franchisé ont recours pour se protéger après la fin du contrat ? Autant de questions
que suscite la fin du contrat de franchise.
22
Parce que dans la majorité des hypothèses, le contentieux suscité par la fin du
contrat de franchise se trouve autour de sa source et de ses effets, la présente étude sera
divisée en deux parties. La première sera portée sur les causes d’extinction du contrat de
franchise (première partie ), tandis que la deuxième traitera des effets de l’extinction
du contrat de franchise ( deuxième partie )
PREMIERE PARTIE - LES CAUSES D’EXTINCTION DU CONTRAT DE
FRANCHISE.
DEUXIEME PARTIE - LES EFFETS D’EXTINCTION DU CONTRAT DE
FRANCHISE
23
PARTIE I - LES CAUSES D’EXTINCTION DU CONTRAT DE
FRANCHISE
24
19. Diversité de causes d’extinction. Forme d’association commerciale structurée, le
contrat de franchise se définit comme une méthode de collaboration entre deux parties
juridiquement indépendantes, le franchiseur, d’une part, et le franchisé, d’autre part. Le
franchiseur, promoteur du réseau, confère à son franchisé le droit de réitérer sa réussite
à l’aide de ses signes de ralliement de la clientèle, de son savoir-faire, et de son
assistance technique et commerciale. En contrepartie, le franchisé paie un droit d’entrée
et une redevance. Fruit de la pratique contractuelle, le contrat de franchise établit donc
entre les parties une relation durable qui est fondée sur la confiance et la collaboration
réciproques. Cette relation peut durer autant d’années qu’ils en sont satisfaits.
Toutefois, cette relation n’est pas éternelle. Comme tout contrat, le contrat de
franchise doit un jour prendre fin. L’extinction du contrat de franchise a des causes
diverses. Elle provient, le plus souvent, de la survenance du terme extinctif. D’autant
plus qu’une partie importante des contrats de franchise est conclu pour un temps limité
ou une durée déterminée. Sauf une clause ou un accord organisant le renouvellement du
contrat de franchise pour une nouvelle durée contractuelle, celui-ci s’éteint à l’arrivée
du terme pour lequel il a été conclu. Cependant, si l’écoulement du temps ou l’arrivée
du terme extinctif est la cause la plus fréquente de l’extinction des contrats de franchise,
il n’est pas la seule. La cessation des relations contractuelles entre franchiseur et
franchisé peut résulter de la résiliation conventionnelle ou bilatérale du contrat de
franchise. Le franchiseur et le franchisé peuvent, à tout moment, faire disparaître leur
contrat, que celui-ci soit conclu pour une durée déterminée ou une durée indéterminée.
L’extinction du contrat de franchise découle aussi de sa résiliation par l’une des parties
lorsque celui-ci est conclu pour une durée indéterminée. Dans ce dernier cas, chacune
des parties dispose d’un droit d’y mettre unilatéralement fin puisque le principe est la
prohibition des engagements perpétuels.
25
A ces causes d’extinction du contrat de franchise, que nous avons évoquées ci-
dessus, d’autres peuvent s’ajouter. En effet, la fin du rapport contractuel peut trouver
son origine dans la survenance de certains évènements. Ces évènements peuvent être
liés aux parties. Il en est ainsi en cas d’inexécution fautive par l’une des parties de ses
obligations. Cet évènement entraîne souvent la rupture judiciaire ou unilatérale du
contrat de franchise. De même, lorsqu’il y a atteinte à l’intuitus personae du contractant
permettant la destruction anticipée du contrat de franchise. Ils peuvent aussi être
extérieurs aux parties. Tel est, par exemple, le cas de la survenance d’un évènement de
force majeure ou de cas de hardship entraînant la cessation du contrat de franchise. Au
regard de ce qui vient d’être dit, on constate que les causes d’extinction du contrat de
franchise varient selon le cas pour lequel elles sont intervenues. Certaines causes
d’extinction du contrat de franchise sont prévues par les parties, et par conséquent, on
peut les qualifier de causes d’extinction ordinaires (Titre I). D’autres, au contraire, sont
imprévues, ce qui nous amène à les qualifier de causes d’extinction extraordinaires
(Titre II).
26
TITRE I – LES CAUSES D’EXTINCTION ORDINAIRES
27
20. Fin typique des relations contractuelles. Il arrive, dans certaines hypothèses que
les contrats de franchise soient inscrits dans la durée. Cette durée varie de cinq ans
jusqu’à vingt ans selon le secteur concerné. Cette limitation dans le temps s’explique
souvent par l’économie du contrat de franchise. La réalisation de l’opération envisagée
étant lourde et complexe, elle exige l’écoulement d’un temps d’une certaine longueur.
Toutefois, lorsque le contrat de franchise est conclu pour une durée déterminée, ce
contrat prend fin à l’expiration de cette durée. L’arrivée du terme extinctif met fin au
rapport contractuel liant le franchiseur au franchisé (Chapitre I). Ce n’est là qu’une
cause d’extinction naturelle du contrat de franchise. Il en est de même pour la résiliation
du contrat de franchise qui intervient en dehors de tout idée d’inexécution de la part
d’une des parties de ses obligations (Chapitre II).
28
CHAPITRE I – EXTINCTION DU CONTRAT DE FRANCHISE PAR
L’ARRIVÉE DU TERME
21. Comparaison. L’extinction des relations contractuelles entre franchiseurs et
franchisés à l’échéance du terme est toujours une source de difficulté. Les franchisés
évincés du réseau par le non-renouvellement de leur contrat à l’échéance -comme les
concessionnaires- se plaignent de leur situation précaire. Ils invoquent souvent les
investissements énormes qu’ils ont réalisés pour l’exploitation de la franchise pour se
faire reconnaître un droit au renouvellement du contrat à leur profit ou, tout au moins,
une indemnité. De leur côté, les franchiseurs soutiennent que, pour l’efficacité de leurs
réseaux, ils doivent être libres de ne pas renouveler un contrat expiré. Face à un
problème d’équilibre entre deux intérêts antagonistes, nous allons voir quelles sont les
solutions apportées par le droit français (Section I). Ensuite, nous allons les comparer à
celles retenues par certains droits étrangers (Section II).
29
SECTION I – LES SOLUTIONS DU DROIT FRANÇAIS
22. Principe et tempéraments. Lorsqu’un contrat de franchise est conclu pour une
durée déterminée, ce contrat prend fin à l’expiration de cette durée. Sauf clause
contraire, le principe est l’absence d’un droit au renouvellement du contrat (§ 1).
Toutefois, ce principe supporte souvent des tempéraments en pratique (§ 2).
§ 1. Le principe de l’absence d’un droit au renouvellement du contrat
23. Plan. S’il est de jurisprudence constante que le principe est que le franchisé ne
bénéfice pas d’un droit au renouvellement du contrat venu à expiration, (A), ce principe
mérite néanmoins d’être soumis à appréciation (B).
A. Principe bien établi
24. Terme extinctif. L’économie du contrat impose parfois que certaines relations
contractuelles soient conclues dans la durée97
. Il en est ainsi en matière de contrats de
franchise. En effet, l’examen de la pratique montre que la quasi-totalité des contrats de
franchise sont conclus pour une durée déterminée98
.
97
Sur la durée dans le contrat, v. C. BLOUD-REY, Le terme dans le contrat, PUAM 2003, préface. P.-Y.
Gautier ; L. LAWSON-BODY, Réflexion sur la distinction entre le terme extinctif et le terme suspensif,
LPA, 2002, n°169, p.3 ; E. PUTMAN, Le temps et le droit, in Dossier Le droit face au temps, Dr. patr.
2000, n° 78, p.43 ; M. NOSSEREAU, Le terme, modalité de l’obligation, Dossier Le droit face au temps,
op.cit., p.50 ; T. BONNEAU, La durée dans les contrats, J- CI Contrats et distribution, 1990, fasc. 70 ; I.
PETE, La durée d’efficacité du contrat, th., Montpellier I, 1984 ; J -M. MOUSSERON, La durée dans la
formation des contrats, in Mélanges. A. Jauffret, PUAM, 1974 ; J. AZEMA, La durée des contrats
successifs, LGDJ 1969, préface. R. Nerson ; H. ROLAND, Regards sur l’absence de terme extinctif dans
les contrats successifs, in Mélanges. Voirin, 1967, p. 47. 98
V.D. FERRIER, Droit de la distribution, Litec, 4e édition, 2006, n° 709, p.316, et s ; D. MATRAY,
Introduction générale, in Le contrat de franchise, Bruylant, 2001, séminaire organisé à Liège Le 29
septembre 2000, p.7 ; J. BEAUCHARD, Droit de la distribution et de la consommation, PUF 1996, p.186
J.-P. CLEMENT, Le contrat de franchise en droit français, in Les contrats de distribution commerciale en
droit belge et en droit français, Bruxelles-Larcier, 1996, sous la dir. B. PINCHART et J. TRIAILLE, p.
119, et spéc., p. 149. R. BALDI, Le droit de la distribution commerciale dans l’Europe communautaire,
Bruylant 1988, p.141.
30
Cette durée varie de cinq à vingt ans selon le secteur concerné99
. Une telle
limitation de durée dans le contrat de franchise peut trouver à plusieurs raisons. Elle
peut s’expliquer par la volonté des parties d’assurer la stabilité de leur relation
contractuelle, notamment pour le franchisé à qui l’exploitation de la franchise impose la
réalisation d’investissements énormes. Elle peut aussi s’expliquer par le fait que le
franchiseur et le franchisé sont parfois enserrés dans une durée qui leur est imposée par
la loi et qu’ils ne peuvent pas dépasser, sous peine de voir leur contrat remis en cause. Il
en est ainsi de l’article L. 330-1 du Code de commerce -issu de la loi du 14 octobre
1943- qui limite à dix ans la durée maximale de validité des clauses d’exclusivité100
.
25. Effets du terme extinctif. Quelle que soit la raison amenant les parties à limiter
dans le temps leur relation contractuelle, lorsqu’un contrat de franchise est affecté par
un terme extinctif, ce contrat prend fin à l’arrivée de ce terme101
. La réalisation de celui-
ci produit un effet « couperet » 102
sur le lien contractuel liant le franchiseur au
franchisé. Il met fin au contrat de franchise pour l’avenir, sans remettre en cause les
effets qu’il a valablement produits dans le passé.
En effet, à l’échéance du terme, chacune des parties retrouve sa liberté
contractuelle. Aucune d’elles ne bénéfice d’un droit au renouvellement du contrat de
franchise à son échéance103
.
99
J.-P. CLEMENT, Le contrat de franchise en droit français, op.cit. 100
J.-M. LELOUP, La franchise, Droit et pratique, Delmas 4e édition, 2004, n° 2076, et s.
101 Sur le terme extinctif, v. C. BLOUD-REY, Le terme dans le contrat, PUAM 2003, préface. P.-Y.
Gautier. V .aussi, L. LAWSON-BODY, Réflexion sur la distinction entre le terme extinctif et le terme
suspensif, LPA, 2002, n°169, p.3. 102
V. C .BLOUD –REY, Le terme dans le contrat, PUAM 2003, préface .P.-Y. Gautier, n°541, p.461 et s. 103
Ph. Le TOURNEAU, Les contrats de franchisage, Litec, 2007, n° 652, p. 287 et s ; M. MALAURIE-
VIGNAL, Droit de la distribution, Sirey, 2006, n° 651, p.177 et s ; D. FERRIER, Droit de la distribution,
Litec, 4e édition, 2006, n° 709,p.316, et s ; J.- M. LELOUP, La franchise, Droit et pratique, Delmas 4
e
édition, 2004, n°332 ; J -M. MOUSSERON, Technique contractuelle, par P. MOUSSERON, J.
RAYNARD, J.-B. SEUBE, Edition Francis Lefebvre, 3e édition, 2005, n° 1276, et s, n° 1285, et s ; Ph.
STOFFEL-MUNCK, La rupture du contrat et le droit de la distribution, in Le contrat électronique au
cœur du commerce électronique, Le droit de la distribution : droit commun ou droit spécial, LGDJ, 2005,
Collection de l’ Université de Poitiers collection de la faculté de droit et des sciences sociale, p.177, et
spéc., n°12,p.185 ; J. MESTRE, Résiliation unilatérale et non–renouvellement dans les contrats de
distribution, in La cessation des relations contractuelles d’affaires , PUAM 1997, p.13 ; D. FERRIER,
« Franchise » Rép.com .Dalloz 1996, n°84, p.13 ; Ph. Le TOURNEAU, Le franchisage, Economica,
1994, 48 ; D. FERRIER, La rupture du contrat de franchisage, J CP CI 1977, II, 12441. ; THIERRY de
HALLER, Le contrat de franchise en droit suisse, th., Lausanne 1977, p.121.
31
Le franchiseur peut donc librement refuser de renouveler le contrat expiré. Il peut
même proposer au franchisé de conclure un nouveau contrat moins favorable que le
précédent104
. Le franchisé ne saurait, en aucun cas, se plaindre puisqu’il ne dispose
d’aucun droit au renouvellement au contrat à son échéance. Cette solution est
constamment rappelée par la jurisprudence.
26. Illustrations jurisprudentielles. En effet, la Cour de cassation tient fermement au
principe de la liberté de ne pas renouveler un contrat à l’arrivée de son terme. Elle
considère que si les parties sont libres de s’engager dans le contrat de franchise, elles
doivent aussi être libres de s’en désengager. Elle a affirmé, à plusieurs reprises, que le
non-renouvellement du contrat à expiration est un droit appartenant au franchiseur qui
peut le mettre en œuvre sans être tenu de motiver sa décision ou de verser une
indemnité, sauf exercice abusif de sa part. C’est ce qui a été jugée par la Chambre
commerciale de la Cour de cassation dans un arrêt du 5 juillet 1994105
.
En l’espèce, un contrat de franchise a été conclu entre la société Centre de Beauté
de Faucigny (le franchisé) et la société Laboratoire de biologie végétale Yves Rocher (le
franchiseur) pour une durée de cinq ans à compter du 24 mai 1987. Ce contrat prévoyait
une remise de trente et un pour cent sur le prix figurant sur le catalogue adressé aux
distributeurs franchisés. Courant mai et juin 1988, la société franchiseur Yves Rocher a
adressé au franchisé des correspondances pour l’informer qu’elle réduisait la marge qui
lui était consentie à cinq pour cent pour une durée limitée. Or, le franchisé a refusé
d’appliquer ces nouvelles conditions. Suite à ce refus, le franchiseur a informé le
franchisé qu’il ne renouvellerait pas le contrat le 30 juin 1992, date de son échéance.
Estimant injustifié ce refus de renouvellement, le franchisé a assigné le franchiseur en
paiement des dommages et intérêts pour refus abusif de renouvellement. Le franchisé
invoquait devant les juges du fonds que le refus de renouvellement du franchiseur était
dicté par une intention de nuire, une malveillance et que ce dernier avait abusé de l’état
de dépendance économique dans lequel il se trouvait pour lui imposer des modifications
injustifiées du contrat.
104
CA Paris 12 janvier 2005, LPA, 8 décembre 2005, n° 44, p.9, note. Y. MAROT. 105
Cass. com., 5 juillet 1994, 1994, pourvoi n° 92-17918 ;Contrats. conc. consom.,1994, n° 219, comm.
L. LEVENEUR.
32
Cependant, sa demande a été rejetée par les juges du fond qui ont retenu
qu’aucune faute ne pouvait être reprochée au franchiseur dans l’exercice de son droit de
ne pas renouveler un contrat venu à expiration. Le franchisé n’a pas renoncé et s’est
pourvu en cassation. Or, la Chambre commerciale a rejeté son pourvoi en décidant
ainsi : « Mais attendu que l’arrêt, après avoir rappelé que le non-renouvellement d’un
contrat à durée déterminée ne constitue pas une rupture des conventions commerciales
lorsque celles-ci ont pris fin en application de la convention, ce qui exclut qu’il y ait
rupture, retient qu’il n’apparaît pas que la contribution aux actions de promotion
demandée par le franchiseur aux franchisés et acceptée par un grand nombre d’entre
eux , ait été commercialement injustifiée et que le franchisé ne justifiait pas que, du fait
de l’activité déployée et des dépenses faites par lui en exécution du contrat, le refus de
renouvellement du contrat par le franchiseur ait présenté le caractère d’un abus de
droit ou de sa malveillance ; que par ces constatations et appréciations, la cour d’appel
a procédé à la recherche prétendument omise ; d’où s’ensuit que le moyen n’est pas
fondé ».
Cette solution, qui n’est que l’application du droit commun des contrats, affirmée en
matière de contrats de concession depuis longtemps106
, a été ultérieurement reprise par
deux décisions. La première a été rendue par le tribunal de commerce de Paris le 6 mai
1997107
. Dans ce jugement, les faits étaient les suivants. Un contrat de franchise a été
conclu en vue de la distribution des lunettes créées par le franchiseur pour une durée de
cinq ans. Faute d’aboutir à un accord sur de nouvelles conditions pour la poursuite du
contrat, ni sur les conditions du rachat du fonds par le franchiseur lors de l’échéance du
terme, celui-ci a refusé de renouveler le contrat et a établi à proximité du fonds du
franchisé un nouveau point de vente. Estimant injustifié le non-renouvellement du
contrat de franchise par le franchiseur, le franchisé l’a assigné en rupture abusive et en
concurrence préjudiciable. Sur le premier point, le tribunal a rejeté la demande en
décidant que le refus par le franchiseur de renouveler le contrat à expiration ne constitue
pas un abus mais un simple exercice de son droit contractuel.
106
Cass. com., 31 janvier 2006, pourvoi n° 03-13.739 ; Cass. com., 9 juillet 1952, RTD com. 1953, p.720,
obs. J. HEMARD ; Cass. com., 6 janvier 1987, Bull .IV, n°7 ; Cass. com., 5 avril 1994, Bull .IV, n° 149
; Cass. com., 25 avril 2000, D. 2001, somm.. 3237 .obs. D. MAZEAUD; RTD civ. 2002, p. 99, obs. J.
MESTRE et B. FAGES. 107
T. com. Paris, 6 mai 1997, LPA 31 août 2000, n° 174, p. 4, obs. Y. MAROT.
33
Sur le second, le tribunal a accepté la demande du franchisé et condamné le
franchiseur à payer des dommages et intérêts pour le préjudice qu’il a causé au
franchisé du fait de l’ouverture d’un point de vente à proximité de son fonds de
commerce. La deuxième décision a été rendue par la Cour d’appel de Paris le 12 janvier
2005108
. En l’occurrence, un contrat de franchise de location de véhicule a été conclu
entre un franchiseur (la société Ada) et un franchisé (la société Soixante) pour une durée
de cinq ans. Ce contrat contenait une clause prévoyant que « dans les six mois
précédant l’arrivée du terme, les parties se concerteront pour envisager la possibilité
d’un renouvellement et en discuter les éventuelles conditions et modalités ». Suivant
cette clause, la société franchiseur avait communiqué par courrier à la société franchisée
le nouveau contrat type en vigueur ainsi qu’un exemplaire du dossier d’information
précontractuelle requis par la loi Doubin du 31 décembre 1989 (devenu l’article L.330-3
du code de commerce). Il était précisé que cette communication était faite en vue de
« préparer l’éventuel renouvellement ».
Toutefois, le 26 octobre 1998, le franchiseur informait le franchisé qu’il ne
renouvelait pas le contrat et lui proposait en revanche de bénéficier d’une franchise
corner109
. Ce dernier a refusé cette proposition. Il s’estimait lésé par le comportement
jugé déloyal et de mauvaise foi de son franchiseur. Le franchisé l’a alors assigné en
dommages et intérêts pour la perte de la valeur du fonds exploité et les investissements
commerciaux et publicitaires réalisés. Or, sa demande a été rejetée par les juges du
fond. La Cour d’appel de Paris a retenu que si le contrat de franchise contenait bien une
disposition selon laquelle dans « les six mois précédant l’arrivée du terme les parties se
concerteront pour envisager la possibilité d’un renouvellement et en discuter les
éventuelles conditions et modalités », cette disposition ne créait, cependant, nullement
l’obligation de conclure un nouveau contrat d’autant plus que le franchiseur n’était pas
tenu de renouveler le contrat.
108
CA Paris, 12 janvier 2005, LPA, 8 décembre 2005, n° 44, p. 9, note. Y. MAROT. 109
La franchise corner, désignée parfois sous le vocable franchise de stand ou franchise de comptoir,
présente toutes les caractéristiques d’une franchise normale. Le franchisé qui en bénéficie gère un espace
plus restreint dans une structure commerciale plus vaste où se trouvent présentées diverses marques
(grands magasins, aéroport). Celui-ci dispose également d’une exclusivité à l’intérieur de cet espace, mais
il est exposé à la concurrence très proche des autres stands. Cette technique est particulièrement présente
dans le domaine du luxe. Sur l’ensemble de la question, v. L. GIMALAC et S. GRAC, La franchise,
Guide juridique et pratique, Puitsfleuri, 2003, p.26 et s.
34
Elle a rappelé que le non-renouvellement est un droit contractuel pour le
franchiseur qui n’engage sa responsabilité qu’en cas d’exercice abusif de sa part.
27. Prétention au renouvellement fondée sur la perte des investissements réalisés.
Parce qu’ils doivent investir humainement, intellectuellement et financièrement dans la
franchise, les franchisés ont du mal à admettre que tout puisse s’éteindre en si peu de
temps110
. Certains d’entre eux prétendent donc devant les juges, afin d’obtenir le
renouvellement de leur contrat ou, tout au moins, une indemnité compensatrice, qu’ils
n’ont pas pu amortir les investissements qu’ils ont mis en place pour l’exploitation de la
franchise en raison de la rupture du contrat par le franchiseur111
. Or, les juges rejettent
généralement leurs arguments en considérant que le franchisé est un commerçant qui
doit mesurer les risques de son activité commerciale parmi lesquels figure l’éventuelle
perte des investissements.
28. Prétention au renouvellement fondée sur l’interdiction de l’abus de dépendance
économique. Face au rejet quasi systématique de la part de la jurisprudence des
arguments fondés sur la perte des investissements mis en place pour l’exploitation de la
franchise, les franchisés ont changé leur politique de défense. Ils sollicitent parfois
l’abus de dépendance économique afin de remettre en cause le non-renouvellement du
contrat par le franchiseur.
La dépendance économique n’est pas, en effet, répréhensible en elle-même, mais
c’est l’abus de cette dépendance qui l’est puisqu’il porte atteinte au jeu normal de la
concurrence112
.
110
H. BENSOUSSAN, Le droit de la franchise, Apogée 1999, p, 198. 111
CA Aix-en-Provence, 7 octobre 1987, cité in Lamy économique 2007, n° 4412. 112
V. M. MALAURIE-VIGNAL, Précision sur la notion de dépendance économique au sens de l’article
L.442-6 du Code de commerce, Contrats. conc. conso., 2006, n° 7, comm. 133 ; M. GLAIS, La sanction
des abus de dépendance économique : entre désillusion et espoir , Contrats. conc. consom., 2006, n°12,
comm. 25 ; Ph. Le TOURNEAU, Les contrats de franchisage, Litec, 2007, n° 457, p.165 ; J.-C. GRALL,
Distinction entre relation de dépendance et état de dépendance économique, Bulletin d’actualité, Lamy
droit économique, 2002, n°147, p.1; M. MALAURIE-VIGNAL, «La dépendance économique ne suffit
pas : il faut qu’il y ait exploitation abusive de la situation », Contrats. conc. conso., 2002, n°121 ; A.
PIROVANO et M. SALAH, «L’abus de dépendance économique : Une notion subversive?», LAP 1990,
n° 114, p. 4 et n° 115, p.4 ; J. THREARD et Ch. BOURGEON, Dépendance économique et droit de la
concurrence, Cah. dr. entr. 1987/ 2, p. 20.
35
Cet abus se trouve de plus en plus marqué dans les relations d’affaires113
, et
notamment dans celles qui impliquent une intégration forte entre entreprises devenue
aujourd’hui une modalité d’organisation relationnelle114
. Il en va ainsi en matière de
contrat de franchise où les relations de dépendance 115
et l’intégration économique et
contractuelle entre deux partenaires juridiquement indépendants paraissent
indiscutables116
. Dans ce contrat, le franchisé, déçu de ne pas être maintenu dans le
réseau du franchiseur, prétend souvent qu’il a été victime d’une exploitation abusive de
la part de ce dernier de sa situation de dépendance économique117
. Il allègue que le non-
renouvellement du contrat est motivé par son refus de se soumettre à des conditions
commerciales injustifiées proposées par lui. Or, cette pratique abusive est prohibée par
l’article L.420-2 du Code de commerce118
.
113
A. KARIM, Essai de systématisation sur l’application de la théorie de l’abus de droit en matière
contractuelle, in Mélanges. Ph. Simler, Litec, Dalloz, 2006, p.587, n°2. L’auteur observe que : « depuis quelques années une augmentation des abus contractuels. Les contractants ont de plus en plus tendance à abuser de leur position économique, sociale voire intellectuelle afin de détourner leurs droits de contracter ou droits contractuels pour tirer des profits excessifs des contrats ». 114 A. CATHIARD, L’abus dans les contrats conclus entre professionnels, L’apport de l’analyse
économique du contrat, PAUM, 2006, préface X. Lagarde, n° 105, p.108 : « L’intégration constitue une modalité d’organisation relationnelle qui permet à l’un des professionnels d’imposer à son cocontractant une discipline ou une contrainte dans la conduite de l’échange. Les entreprises les plus puissantes, compte tenu de leur part de marché ou de la détention d’actifs spécifiques, placent leurs partenaires en état de subordination économique pour prescrire la politique de la relation. Ce mécanisme conduit à réduire substantiellement les coûts induits par le recours à la collaboration, dont la gestion implique des frais supplémentaires puisque, par définition, tous les opérateurs participent à la prise de décisions. Aussi, les agents économiques les plus importants se sont efforcés de mettre au point des processus contractuels garantissant l’intégration de leurs partenaires dans leurs propres structures. Ces arrangements conduisent le pôle intégrateur à placer sous tutelle son cocontractant en matière stratégique, organisationnelle ou opérationnelle. Ce dernier se trouve alors soumis à des moyens de pression et de coercition unilatéraux substantiels. L’exercice du pouvoir et la conduite de la relation se trouvent centralisés entre les mains d’un seul des professionnels, son partenaire lui étant subordonné ». 115
G. VIRASSAMY, Les contrats de dépendance, LGDJ, 1986, préface J. Ghestin, n°5, p.612. L’auteur
définit les relations de dépendance comme « une activité professionnelle dans laquelle l’un des partenaires, l’assujetti, se trouve tributaire pour son existence ou sa survie, de la relation régulière privilégiée ou exclusive qu’il a établie avec son cocontractant, le partenaire privilégie, ce qui a pour effet de le placer dans sa dépendance économique et sous sa domination ». 116
C. MARMUSE, «Le corbeau et le renard ou le paradoxe des relations entre fournisseurs et
distributeurs », in Fournisseurs et distributeurs : dépendance ou partenariat ?, LPA, n° 29 du 6 mars 1996,
p.16, et spéc., p.18 ;. «Dans le contrat de franchise, bien que les deux acteurs (franchiseur et franchisé) demeurent des entités juridiquement indépendantes, la spécificité des actifs concernés et l’objectif de contrôle qui est celui du franchiseur conduisent à une quasi-intégration économique et contractuelle, qui limite par un contrat unique, les coûts de transaction habituels entre fournisseurs et distributeur ». 117
V. par exemple, Cass. com., 5 juillet 1994, Contrats. conc. consom., 1994, n°219, comm. L.
LEVENEUR. 118
L’article L. 420-2 du Code de commerce prévoit : « est prohibée, dans les conditions prévues à l'article L. 420-1, l'exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d'entreprises d'une position dominante sur le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci. Ces abus peuvent notamment consister en refus de vente, en ventes liées ou en conditions de vente discriminatoires ainsi que dans la rupture de relations commerciales établies, au seul motif que le partenaire refuse de se soumettre à des conditions commerciales injustifiées Est en outre prohibée, dès lors qu'elle est susceptible d'affecter le fonctionnement ou la structure de la concurrence, l'exploitation abusive par une entreprise ou un groupe
36
Pour pouvoir mettre en évidence cette pratique abusive, le franchisé doit tout
d’abord démontrer l’état de dépendance économique dans laquelle il se trouve. A ce
titre, il doit démontrer les quatre critères identifiant la situation de dépendance
économique 119
: la notoriété du franchiseur, l’importance de sa part du marché,
l’importance de la part du chiffre d’affaires réalisé avec lui dans le chiffre d’affaires
total de l’entreprise en situation de dépendance, et enfin l’impossibilité pour lui de
bénéficier d’une solution équivalente auprès d’un autre franchiseur120
.
En plus de la démonstration de la situation de dépendance économique, le
franchisé doit ensuite prouver qu’il y a une exploitation abusive par le franchiseur de la
dépendance économique dans laquelle il se trouve et que cette exploitation abusive
porte atteinte au jeu de la concurrence. Cette condition, critiquée par une partie de la
doctrine121
, est indispensable à la mise en œuvre de la sanction de l’abus de dépendance
économique122
. Cela s’explique par la dialectique et la finalité du droit de la
concurrence qui n’a pas pour objet la protection d’un concurrent particulier mais bien
celle du libre jeu de l’offre et de la demande sur un marché123
. Une fois toutes les
conditions requises pour la mise en œuvre de l’article L.420-2 du Code de commerce
réunies, le franchiseur, accusé d’avoir abusé de la situation de dépendance économique
du franchisé, ne pourra éviter la sanction que s’il prouve qu’il n’a pas commis d’abus.
d'entreprises de l'état de dépendance économique dans lequel se trouve à son égard une entreprise cliente ou fournisseur. Ces abus peuvent notamment consister en refus de vente, en ventes liées, en pratiques discriminatoires visées au I de l'article L. 442-6 ou en accords de gamme ». 119
V.M. MALAURIE-VIGNAL, Précision sur la notion de dépendance économique au sens de l’article
L.442-6 du Code de commerce, op.cit. M. GLAIS, La sanction des abus de dépendance économique :
entre désillusion et espoir », Contrats. conc. consom., 2006, n° 12, comm. 25. 120
Sur la condition de l’absence d’une solution équivalente, il est à noter qu’elle a été supprimée par la loi
du 15 mai 2001. Pour autant, la jurisprudence continue toujours d’en faire un élément déterminant pour
l’existence d’une situation de dépendance économique et donc pour l’application de l’article L. 420-2 du
Code de commerce. V. CA Paris, 8 mars 2006, Contrats. conc. conso., 2006, n°133, comm. M.
MALAURIE-VIGNAL; Cass. com., 7 janvier 2004, Juris-Data, n° 2004-022753. 121
J. THREARD et Ch. BOURGEON, Dépendance économique et droit de la concurrence, Cah. dr. entr.
1987/2, p. 20, et spéc., n° 15,p.23. 122
M. GLAIS, La sanction des abus de dépendance économique : entre désillusion et espoir, Contrats.
conc. consom., 2006, n°12, comm. 25 123
Ibid.
37
Autrement dit, dans ces circonstances, le franchiseur est tenu d’une obligation de
motivation. Il ne doit pas se contenter de répondre qu’il n’a pas commis d’abus, mais il
doit nécessairement se justifier et préciser ses motifs pour combattre cette accusation124
.
A supposer que l’exploitation abusive par le franchiseur soit identifiée et que le juge ait
pu constater que le non-renouvellement est motivé, par exemple, par le refus par le
franchisé de soumettre à des conditions commerciales injustifiées, alors, trois
hypothèses sont envisageables. Ou bien, le juge sanctionne l’exploitation abusive par le
franchiseur par le prononcé de la nullité totale du contrat de franchise conformément à
l’article 420-2.
C’est ce qui a été jugé dans un arrêt du 16 décembre 1997125
. En l’espèce, un
franchiseur avait conclu avec l’un de ses franchisés à la fois un contrat de franchise et
un contrat de location-gérance. Plus tard, le franchisé avait assigné le franchiseur en
annulation de contrat pour abus de dépendance économique. Les juges du fond lui ont
donné gain de cause et déclaré nul le contrat de franchise pour abus de dépendance
économique. Le franchiseur s’est pourvu en cassation. Mais, la Chambre commerciale a
rejeté son pourvoi. Elle a déclaré que : « Justifie sa décision d’annuler un contrat de
franchise pour abus de dépendance économique, la cour d’appel qui retient qu’après la
conclusion des contrats de location- gérance et de franchisage, le franchiseur avait
obtenu du franchisé qu’il lui abandonne les services administratifs et comptables de son
magasin, en contrepartie d’une redevance majorée, qu’il avait mis en place un système
de commande informatisée ne permettant pas au franchisé de connaître d’avance le
prix d’achat des marchandises, qu’il avait aussi obtenu de celui-ci une délégation de
pouvoirs et de signateur bancaire, à la faveur de laquelle il laissait systématiquement
impayée quelques factures auprès d’autres fournisseurs, afin de l’amener à ne
contracter qu’avec lui, et que le franchisé ne pouvait se soustraire à sa volonté, la
dénonciation du contrat de franchise devant avoir pour inévitable conséquence la
dénonciation du contrat de location-gérance, cette circonstance le privant de trouver
des solutions alternatives pour obtenir d’autres sources d’approvisionnement »
124
J. THREARD et Ch. BOURGEON, op.ci., n° 30, p.25 et s : « En fait, si on ne lui impose pas explicitement d’avoir de bons motifs de rupture, on lui interdit simplement d’en avoir de mauvais. Et c’est de la contestation de l’absence de mauvais motifs que l’on pourra déduire l’existence vraisemblable de motifs sérieux ». 125
Cass. com. 16 décembre 1997, Bull. civ, IV, p.291, n° 337 ; D. 1998, somm., p. 338, obs. D.
FERRIER.
38
Ou bien, le juge sanctionne l’abus de dépendance économique simplement par la
nullité de la décision du franchiseur de mettre fin au contrat de franchise par son non-
renouvellement. Il considère donc que celui-ci est non avenu et peut ordonner la reprise
des relations contractuelles126
. Ou bien enfin, le juge se contente de sanctionner
l’exploitation abusive par le franchiseur de l’état de dépendance économique dans
laquelle se trouve le franchisé par la mise en jeu de sa responsabilité et de le condamner
à des dommages et intérêts127
. Il y a donc un véritable intérêt pour les franchisés à
invoquer l’abus de dépendance économique par le franchiseur.
Toutefois, il faut noter que la mise en œuvre de telles sanctions par le juge à
l’encontre du franchiseur qui abuse de la situation de dépendance économique de son
franchisé est rarement retenue. La plupart des tentatives des franchisés ont été sans
succès en raison souvent de la difficulté de satisfaire toutes les conditions exigées pour
la mise en œuvre de l’article L.420-2 du Code de commerce, notamment la preuve de ce
que l’abus de dépendance économique a un effet anticoncurrentiel sur le marché128
.
29. Synthèse. Le principe est la liberté de renouveler un contrat à son échéance. Sauf
clause contraire, le sort du contrat de franchise est donc à la merci du franchiseur qui
peut refuser de procéder au renouvellement du contrat expiré et donc mettre fin au
rapport contractuel le liant au franchisé. Celui-ci ne saurait se plaindre de ce refus et
demander une indemnité, étant donné qu’il n’a, à l’origine, aucun droit au
renouvellement du contrat venu à expiration. Ce principe, favorable au franchiseur,
mérite néanmoins d’être soumis à appréciation.
126
V en ce sens, J. THREARD et Ch. BOURGEON, op.cit., n 33, p.26. 127
J. THREARD et Ch. BOURGEON, op.cit., n° 34, p. 26. 128
V. M. GLAIS, La sanction des abus de dépendance économique : entre désillusion et espoir, Contrats.
conc. consom., 2006, n°12.
39
B. Appréciation du principe
30. Plan. Seront examiner ici successivement les arguments qui militent contre et en
faveur du principe de l’absence de droit au renouvellement du contrat de franchise à
l’échéance du terme.
1. Arguments défavorables à l’absence de droit au renouvellement
31. Argument fondé sur la notion d’intérêt commun. L’intérêt commun est une
notion prétorienne129
. Elle a été forgée par la jurisprudence à la fin du 19e siècle
130 afin
de « contrebalancer la liberté de révocation reconnue au mandant »131 prévu par
l’article 2004 du Code civil. Les juges énoncent que lorsque le contrat de mandat est
conclu dans l’intérêt commun des deux parties, c'est-à-dire lorsque les parties ont «des
droits directs et concurrents sur l’objet du mandat » et qu’«elles contribuent par leur
activité réciproque et leur collaboration suivie à l’accroissement d’une chose qui soit
leur bien commun »132, il ne peut être résilié que de leur accord commun. A défaut, la
partie qui rompt le contrat sera tenue d’indemniser son cocontractant133
. Ce régime
protecteur se trouve aujourd’hui étendu à certains contrats commerciaux tels que, par
exemple, le contrat d’agence commerciale134
.
129
Ph. GRIGNON, Le concept d’intérêt commun dans le droit de la distribution, in Mélanges.
M.CABRILLAC, Litec, 1999, p.127 ; A. BRUNET, Clientèle commune et contrat d’intérêt commun, in
Mélanges. A. WeilL, Dalloz, Litec, 1983, p.85 ; T. HASSLER, L’intérêt commun, RTD com. 1984,
p.581. 130
Cass. req. 8 avril 1875, DP. 1858, I, p.134 ; Cass. req. 13 mai 1885, DP. 1885, I, p.350. 131
A. BENABENT, Les contrats spéciaux civils et commerciaux, 7e édition Montchrestien, 2006, n° 682,
p.460 et s ; F. COLLART-DUTILLEUL et Ph. DELEBECQUE, Contrats civils et commerciaux, 7e
édition, Précis Dalloz, 2004, n° 672, p.581 ; Ph. MALAURIE, L. AYNES et P.-V. GAUTIER, Droit civil,
Les contrats spéciaux, Defrénois, 2004, n°557, p.340. 132
J.GHESTIN, Le mandat d’intérêt commun, in Les activités et les biens de l’entreprise, Mélanges. J.
Derruppe, Litec, 1991, n°7, p.112. 133
Ibid. 134
L’article 4 de la loi n°91-593 du 25 juin 1991 (ancien article 3 alinéa 1er
du décret du 23 décembre
1958) dispose que «les contrats intervenus entre agents commerciaux et leurs mandants sont conclus dans l’intérêt commun des parties ». Sur l’ensemble de la question voir, F. FOURNIER, L’agence
commerciale, Dix ans après la mise en vigueur du nouveau statut, Litec, 2005, préface. D. Ferrier. De
même, Ph. GRIGNON, Le concept d’intérêt commun dans le droit de la distribution, Mélanges. M.
Cabrillac, Litec, 1999, p.127.
40
Certains auteurs n’ont pas hésité à se fonder sur la qualification d’intérêt commun
pour réfuter le principe de l’absence de droit au renouvellement du contrat au profit des
franchisés. Ils considèrent que les contrats de franchise sont des contrats d’intérêt
commun. Le franchiseur et le franchisé sont liés par une convergence d’intérêt. Ils
collaborent tous les deux afin de réaliser un but commun et identique qui est la création
et le développement de la clientèle. De cette qualification, ils déduisent que la logique
de l’intérêt commun du contrat de franchise suppose que le franchisé puisse tirer profit
de la clientèle qu’il a contribué à créer ou à développer. Or, cela ne peut se réaliser que
si on lui assure la stabilité du contrat par le biais de la reconnaissance à son profit d’un
droit au renouvellement du contrat venu à expiration.
Telle est l’opinion du Professeur A. Brunet135
. Selon cet auteur, la qualification
d’intérêt commun par laquelle le contrat de franchise -comme le contrat de concession-
se caractérise implique à la charge du franchiseur une obligation de ne pas empêcher le
franchisé de tirer profit de la clientèle qu’il a, lui-même, contribué à créer ou à
développer136
. Par conséquent, hormis une faute grave de sa part, le franchiseur ne
saurait lui refuser le renouvellement du contrat à expiration, sous peine d’engager sa
responsabilité contractuelle137
. La même analyse est partagée par le Professeur M. T.
Hassler. Celui-ci observe que la qualification d’intérêt commun du contrat de franchise
et du contrat de concession fait naître à la charge du franchiseur et du concédant une
obligation de renouveler le contrat une fois que celui-ci arrive à expiration, sinon il sera
tenu de payer une indemnité au franchisé évincé138
.
135
A. BRUNET, Clientèle commune et contrat d’intérêt commun, in Mélanges. A. Weill, Dalloz, Litec,
1983, p.85. 136
A. BRUNET, op. cit., n° 21, p.97et s. 137
A. BRUNET, op.cit., n° 23, p.98 : « Il est acquis que, dans le contrat d’agence, une obligation de résultat, celle de ne pas révoquer le mandat, pèse sur le mandant, eu égard à l’intérêt du mandataire au maintien du pouvoir de représentation. Cette solution doit être généralisée à tous les contrats d’intérêt commun : chaque fois que le propriétaire du fonds, le concédant ou le franchiseur rompt le contrat, il viole son obligation contractuelle de ne pas mettre fin au contrat. L’analyse qui précède rend parfaitement compte de l’hypothèse du contrat à durée indéterminée. Mais comment régler la question lorsque le contrat est à durée déterminée ? On pourrait au contraire estimer que l’intérêt commun doit jouer le même rôle, quelle que soit la durée du contrat, et donner toujours naissance, même dans le contrat à durée déterminée, à une obligation contractuelle de poursuivre le contrat. A la vérité, peu importe la nature de la responsabilité encourue. Qu’elle soit contractuelle ou délictuelle, le résultat est identique : est fautive la partie qui, tirant profit de la clientèle créée par l’autre, refuse de renouveler le contrat, parce que son attitude constitue une méconnaissance du droit du contractant sur la clientèle ». 138
T. HASSLER, L’intérêt commun, RTD com. 1984, p.581, et spéc.,p. 625, et s. L’auteur observe
qu’ « il serait souhaitable et raisonnable que la durée des contrats conclus par les distributeurs représentant une marque soit modelée de façon à ce qu’ils puissent amortir leurs investissements, résultats que la théorie de l’abus de droit ne permet pas d’obtenir actuellement. L’intérêt commun
41
Aussi séduisante qu’elle soit, l’analyse de ces auteurs paraît insuffisante pour
réfuter le principe de l’absence de droit au renouvellement au profit du franchisé. La
qualification d’intérêt commun du contrat de franchise, à laquelle nous sommes
favorables avec certains auteurs139
, mais à laquelle aussi la jurisprudence semble
toujours hostile tant en matière de franchise 140
que de concession141
, ne peut, à notre
avis, servir de fondement à une obligation du franchiseur de renouveler le contrat à son
échéance. Ce n’est pas son rôle, car celui-ci se réduit, en effet, à imposer à celui qui
résilie le contrat marqué par un intérêt commun de motiver sa décision de résiliation ou,
à défaut, de payer une indemnité à son cocontractant142
.
32. Inopportunité économique. Certains auteurs reprochent à la jurisprudence qui
refuse de reconnaître au distributeur, que celui-ci soit un concessionnaire ou un
franchisé, un droit au renouvellement du contrat à expiration d’être inopportune. Selon
ces auteurs, qui sollicitent une intervention législative pour protéger le distributeur143
,
un tel principe n’est pas sans conséquences nocives sur le plan économique.
servirait de fondement à l’obligation de renouveler le contrat assurant ainsi un juste équitable au contrat ». 139
Ph. Le TOURNEAU, Les contrats de franchisage, Litec, 2007, n°220, p. 101, et notamment, n°222, p.
102 : « Intervention du législateur ou non, c’est un fait que dans les contrats de franchisage toutes les parties poursuivent un but identique : ce sont des contrats de collaboration. L’objectif commun est le développement de la clientèle, qui sera bénéfique tant pour le franchiseur que pour le franchisé. Il suppose la durée. L’intérêt commun procède de la collaboration des deux parties à la réalisation d’une œuvre commune, au sein de laquelle leurs intérêts particuliers, tout en subsistant, convergent étroitement et se subliment dans un intérêt supérieur. Chacun des faits et gestes des parties à un tel contrat doit être animé par la visée de l’intérêt commun (comme tout citoyen devrait rechercher le bien commun). Ajoutez à cela l’effet de réseau donnant le jour à une « solidarité » (au sens banal du mot) entre ses participants. Chaque membre est responsable pour une quote-part de la vitalité de l’ensemble. La réussite et le dynamisme du réseau sont donc là aussi de l’intérêt commun de chacun de ses membres ». V. aussi, D.
MATRAY, Introduction générale, in Le contrat de franchise, Bruylant, 2001, Séminaire organisé à Liège
le 29 septembre 2000, p.7. 140
V. Y. MAROT, Franchise et contrat d’intérêt commun, Franchise Magazine, 1992, n°109, p.58. 141
Cass .com., 26 juin 1972, Bull civ., IV, n° 205, p.198; Cass. com., 30 novembre 1982, Bull. civ., IV,
n° 383, p.320 ; C D. FERRIER ; P. BECQUE, L’intérêt commun et la fin des contrats de distribution
exclusive, Cah. dr. entr. 1985 / 6, p. 24; L. AMIEL-COSME, Les réseaux de distribution, LGDJ, 1995,
préface. Y. Guyon, n°120, p.108 et s ; Cass. com., 7 octobre 1997, 14 octobre 1997 et 20 janvier 1997 ;
D. 1998, somm, p.333. obs. D. FERRIER ; D. 1998, somm. comm, p. 114. obs. D. MAZEAUD; JCP G
1998,.II, 10085, obs. J.-P. CHAZAL ; Ph. GRIGNON, Le concept d’intérêt commun dans le droit de la
distribution, Mélanges. M. CABRILLAC, Litec, 1999, p.127. 142
En ce sens, G. VIRASSAMY, La moralisation des contrats de distribution par la loi Doubin du 31
décembre 1989, JCP E 1990, II, 15809, et spéc., n°44 et s. Selon l’auteur, la qualification d’intérêt
commun du contrat de franchise ou du contrat de concession ne peut être servie comme argument
justifiant la reconnaissance au profit du franchisé ou du concessionnaire un droit au renouvellement du
contrat à expiration. Autrement dit « constituerait une dérogation inhabituelle aux effets classiques de l’intérêt commun qui se borne normalement à faire obligation au contractant de motiver sa décision de rompre les relations contractuelles à durée indéterminée, mais sans lui imposer le renouvellement du contrat à durée déterminée arrivé à son terme ». 143
J. THREARD, Le Statut légal du concessionnaire, JCP IC 1977, II, p.12536.
42
Ils estiment que la situation précaire dans laquelle se trouve le franchisé ou le
concessionnaire, placé en situation de dépendance économique à l’égard du franchiseur
ou du concédant, pourrait le décourager d’investir dans le domaine de la concession ou
dans celui de la franchise144
, ce qui conduirait, finalement, à remettre en cause ce
nouveau commerce intégré.
Une telle objection n’emporte pas la conviction. Eviter la perte éventuelle des
investissements effectués par le franchisé ou le concessionnaire qui pourrait engendrer
leur situation précaire n’est pas, nous semble t-il, une raison suffisante pour que l’on lui
reconnaisse un droit au renouvellement. Un tel risque peut très bien être conjuré si le
franchisé ou le concessionnaire a pris toutes les précautions raisonnables, par exemple,
en mesurant bien la durée du contrat et le coût de ses investissements mis en place pour
l’exploitation de la franchise. D’ailleurs, le franchisé -comme le concessionnaire- bien
qu’il soit sous la dépendance économique quasi-totale du franchiseur, est un
commerçant indépendant qui doit donc supporter les risques de son activité, risque
parmi lesquels figure le non-amortissement des investissements mis en place pour
l’exploitation de la franchise.
33. Crainte du détournement du droit au non-renouvellement. Pour critiquer
l’opportunité de l’absence de droit au renouvellement du contrat au profit du franchisé
ou du concessionnaire, certains avancent la crainte du détournement du droit au non-
renouvellement par le franchiseur ou par le concédant145
.
Pour ces auteurs, dans la mesure où la plupart des contrats de franchise ou de
concession contiennent une clause imposant la conservation des stocks restant en fin de
contrat à la charge du franchisé ou du concessionnaire, il n’est pas inconcevable que
l’absence d’un droit au renouvellement du contrat incite le franchiseur ou le concédant à
conclure des contrats de courte durée non renouvelables dans le seul but d’écouler leurs
produits146
.
144
J. THREARD, op.cit., n° 32 : « il faut comprendre qu’à une époque où les investissements sont onéreux, il est déraisonnable d’obliger certains à investir tandis que leurs prédécesseurs n’ont pas encore amorti des installations identiques qui deviennent souvent inutilisables ». 145
J. THERARD, Le statut légal du concessionnaire, op.cit., , n° 35 146
Ibid.
43
Certes, une telle crainte paraît légitime. En pareille hypothèse, il y aura
évidemment une atteinte à l’économie du contrat de franchise. Les franchisés ne
seraient plus les participants à la réussite commerciale des franchiseurs, mais de simples
instruments précaires de la valorisation des investissements de ceux-ci. Pour autant,
cette menace n’est pas suffisante pour reconnaître au franchisé comme au
concessionnaire un droit au renouvellement du contrat. Une telle crainte pourrait être
écartée, non par l’instauration d’un droit au renouvellement du contrat au profit du
franchisé, mais par la simple mise en œuvre d’une obligation de reprise des stocks à la
charge du franchiseur en fin de contrat147
. Ainsi, peut-on protéger les intérêts des
franchisés sans que cela soit au détriment de ceux du franchiseur.
A vrai dire, tous les arguments défavorables au principe de l’absence de droit au
renouvellement du contrat à expiration emportent peu l’adhésion par rapport à ceux qui
y sont favorables.
2. Arguments favorables à l’absence de droit au renouvellement
34. Le respect de la force obligatoire du terme extinctif. Le principe de l’absence de
droit au renouvellement du contrat à son échéance au profit de l’une ou de l’autre des
parties trouve, en premier lieu, son fondement dans l’article 1134 du Code civil.
En refusant de reconnaître aux franchisés un droit au renouvellement de leur
contrat à l’arrivée du terme, le juge entend faire respecter la force obligatoire du terme
extinctif du contrat148
. Admettre le contraire, ce serait non seulement remettre en cause
la notion de terme extinctif, mais aussi les prévisions des parties étant donné que le
contrat est un acte de prévision149
.
147
Infra n° 370 et s. 148
V.C. BLOUD-REY, Le terme dans le contrat, PUAM 2003, préface. P.- Y. Gautier, n° 546, p. 464, et
n° 552, p. 470. Pour l’auteur, le non-renouvellement d’un contrat à durée déterminée n’est que le
corollaire de la force obligatoire du terme extinctif contractuel. M. BEHAR-TOUCHAIS et G.
VIRASSAMY, Les contrats de la distribution, LGDJ 1999, n 332, p.151. 149
V.H .LECUYER, Le contrat, acte de prévision, in L’avenir du droit, Mélanges. F. TERRE, Dalloz,
Litec, 1999, p.643.
44
35. Le respect de la liberté contractuelle. Outre le respect de la force obligatoire du
terme extinctif, l’absence de droit au renouvellement systématique au profit de l’une des
parties à l’échéance peut trouver un fondement dans le souci de respecter la volonté des
parties. Le refus de renouvellement, qui s’apparente à un rejet de l’offre de conclure un
nouveau contrat, est une prérogative reconnue à chaque contractant. Il participe à la
liberté contractuelle qui est « l’âme du contrat »150. « Il en est même la manifestation
première, car la liberté contractuelle tient, avant tout, dans la possibilité de conclure ou
non le contrat. Parce que celui-ci postule un accord de volontés, on a peine à imaginer,
d’emblée, qu’il puisse être conclu contre la volonté de l’une des parties » 151.
36. L’indépendance juridique des parties. L’indépendance juridique des parties au
contrat de franchise a été aussi invoquée comme argument justifiant l’absence de droit
au renouvellement du contrat au profit de l’une d’elles152
. Le franchisé est un
commerçant travaillant en son propre nom et pour son propre compte et il doit apprécier
les aléas de ses engagements parmi lesquels figure la précarité de sa relation
contractuelle. Comme le relève le doyen J. Mestre : « Comment, en effet, la logique
d’indépendance qui a guidé le choix du producteur pourrait–elle vraiment sortir
indemne d’une obligation mise à sa charge de renouveler une relation arrivée à terme
ou encore de justifier la résiliation d’un contrat pourtant conçu sans durée
déterminée ? »153.
37. La préservation de l’efficacité économique du réseau de franchise. L’un des
agrments les plus décisifs qui milite en faveur de l’absence de droit au renouvellement
est le souci de préserver l’efficacité du réseau. En effet, il y a lieu de craindre que
l’instauration d’un droit au renouvellement du contrat au profit du franchisé entrave la
possibilité pour le franchiseur de réorganiser son réseau et de procéder aux
aménagements que lui impose le marché.
150
G. ROUHETTE, La force obligatoire du contrat : Rapport français in Le contrat aujourd’hui :
comparaisons Franco-Anglaises, sous la direction .D. Tallon et D. Harris, LGDJ 1987, p.28, n°2 151
O. BARRET, Variation autour du refus de contracter, in Propos sur les obligations et quelques autres
thèmes fondamentaux du droit, Mélanges .J.-L. Aubert, Dalloz, 2005, n°1, p. 3. 152
Ph. Le TOURNEAU, Les contrats de franchisage, 2e édition, Litec 2007, n°642, p.283.
153J. MESTRE, Résiliation unilatérale et non –renouvellement dans les contrats de distribution, in La
cessation des relations contractuelles d’affaires, PUAM, 1997, p.10, et spéc., p.11.
45
Cet obstacle rendrait sclérosé, voir rigide le réseau de franchise, et par conséquent,
pourrait entraîner sa destruction. De même, il est à craindre que la reconnaissance d’un
droit au renouvellement au profit du franchisé réduise sa mobilité, son dynamisme au
sein du réseau, mobilité et dynamisme que crée généralement la menace du non-
renouvellement du contrat à expiration.
Ainsi, le Professeur D. Ferrier observe que la reconnaissance d’un droit au
renouvellement du contrat au profit du franchisé est une solution de nature à porter
atteinte à l’économie du contrat de franchise. Selon lui, « l’efficacité de l’activité
économique du réseau, constitué sous la conduite du franchiseur, est conditionnée par
la mobilité des franchisés, seule capable de réaliser l’adaptation permanente de ce
réseau aux besoins du marché, et aussi de protéger l’ensemble contre le tort que l’un
des éléments pourrait causer à tous les autres du fait d’une mauvaise exploitation
commerciale sous la marque commune, indépendamment de toute faute contractuelle.
Or la mobilité des franchisés présuppose la possibilité pour le franchiseur de ne pas
renouveler un contrat à son terme lorsque l’intérêt du réseau l’exige » 154.
38. Justification tirée du droit de la concurrence. Le principe de l’absence de droit au
renouvellement du contrat de franchise peut trouver une justification supplémentaire
dans le droit de la concurrence. D’une part, un tel principe a pour effet d’éviter de créer
une rente de situation pour une catégorie de franchisés, rente de situation qui est conçue
«comme un facteur très important d’inefficacité économique»155. D’autre part, elle
permet au franchiseur d’adapter les techniques contractuelles de distribution à la
conjoncture économique, notamment aux actions de la concurrence et à la demande de
la clientèle. Cela revient, au bout du compte, à assurer le jeu de la concurrence et
l’efficacité économique.
154
D. FERRIER, La rupture du contrat de franchisage, JCP CI 1977, II, 12441, n°12. V. également J.
BEAUCHARD, Droit de la distribution, PUF, 1996, p.190, qui observe qu’« il ne conviendrait pas de figer les réseaux en accordant des droits trop forts à la stabilité des concessionnaires .Cela nuirait au dynamisme de l’outil commercial ». 155
MM. L. J. VOGEL, « Vers un retour des contrats perpétuels? Evolution récente du droit de la
distribution », Contrats, Contrats, conc. cons., 1999, p. 1.
46
Comme le relèvent certains auteurs le «droit de sortir de la relation contractuelle,
qu’elle soit à durée déterminée ou à durée indéterminée, permet ainsi d’adapter les
techniques contractuelles de distribution à la conjoncture économique, notamment aux
actions de la concurrence et à la demande de la clientèle, et peut finalement constituer
un moyen d’assurer le libre jeu de la concurrence et l’efficacité
économique »156. Toutefois, il convient enfin de noter que si le principe de l’absence de
droit au renouvellement du contrat à expiration paraît pleinement justifié, ce principe
souffre, néanmoins de certains tempéraments.
§. 2. Tempéraments au principe
39. Atténuations d’origines diverses. Afin de stabiliser les relations contractuelles, des
tempéraments ont été apportés au principe de l’absence de droit au renouvellement du
contrat de franchise à l’arrivée du terme. Certains de ces tempéraments sont d’origine
contractuelle (A), tandis que d’autres sont d’origine jurisprudentielle (B).
A. Tempéraments contractuels
40. La continuation du rapport contractuel. Lorsque le contrat de franchise est
conclu pour une durée déterminée -ce qui est généralement le cas-, il est fréquent que
les parties prévoient le renouvellement du contrat à l’échéance. Ce renouvellement peut
être organisé par une clause de tacite reconduction (1) ou par une clause expresse (2).
1. Clauses de renouvellement par tacite reconduction
41. Stipulation fréquente. Il arrive fréquemment que le contrat de franchise contienne
une clause aux termes de laquelle, à défaut d’une manifestation expresse de la part de
l’une des parties de ne pas renouveler le contrat avant son échéance, celui-ci sera
renouvelé pour une nouvelle durée157
.
156
M. BEHAR-TOUCHAIS et G. VIRASSAMY, Les contrats de la distribution, LGDJ 1999, n°332,
p.152. 157
V. par exemple, Cass. com., 27 janvier 2007, Juris-Data, n° 2007- 05-19.523.
47
Une telle clause est souvent ainsi rédigée : « le présent contrat est conclu pour une
durée déterminée. Il prend effet à la date de sa signature et se terminera à la date à
laquelle il sera tacitement reconduit aux mêmes conditions pour une durée identique.
La partie qui ne souhaiterait pas reconduire le contrat devra le dénoncer par lettre
recommandée avec demande d’avis de réception, en respectant un préavis »158.
42. Intérêt de la clause. A priori, pour maintenir leur lien contractuel au-delà de son
terme extinctif, le franchiseur et le franchisé n’ont pas besoin de recourir à la stipulation
de clause de tacite reconduction. Il est, en effet, admis que la tacite reconduction joue
d’office si les parties ont poursuivi le contrat après son terme et qu’aucune d’entre elles
n’a manifesté sa volonté de ne pas renouveler le contrat159
. Cette solution, qui trouve ses
racines dans le droit du bail160
, s’explique par le fait que parce que chacune des parties
« pourrait toujours ne pas renouveler le contrat et que si elle ne le fait pas, c’est
qu’elle entend que le contrat soit reconduit, ce qui n’est pas non plus démenti par le
comportement de l’autre partie »161. Autrement dit, la continuation par les contractants
de l’exécution de leurs obligations au-delà du terme reflète, pour la jurisprudence, leur
« intention commune de ne pas changer un ordre satisfaisant »162. Toutefois, cela ne
signifie absolument pas que la stipulation d’une telle clause au sein du contrat de
franchise est dénué de tout intérêt. En effet, en l’absence de toute clause prévoyant le
renouvellement du contrat de franchise pour une nouvelle durée et pour les mêmes
conditions du contrat initial, la tacite reconduction donne naissance un nouveau contrat,
mais à durée indéterminée dont les conditions peuvent ne pas être identiques163
.
158
Sur ces clauses, v. A-V. EECKOUT, La durée du préavis de rupture d’une relation d’affaires, RDC.
2005, p.491, et spéc., p.495 et s. 159
V. Ph. Le TOURNEAU, Les contrats de franchisage, 2e édition, Litec 2007, n° 658, p.289. Sur la tacite
reconduction de manière générale, v. Lamy droit du contrat, 2007, n° 410- 23 et s ; J. MESTRE et B.
FAGES, Effets de la tacite reconduction, RTD civ. 2006, p.114 ; J.-M. MOUSSERON, Technique
contractuelle, par P. MOUSSERON, J. RAYNARD, J.-B. SEUBE, 3e édition, Edition. Francis Lefebvre,
2005, n° 553 et s ; A. BENABENT, La prolongation du contrat, in Durée et exécution du contrat, RDC
2004, p. 117 et spéc., p.121 et s ; Ch. LAROUMET, Droit civil, Les obligations, Economica 2003, n°
206, p.174 ; B. KOHIL, Les clauses mettant fin au contrat et les clauses survivant au contrat, Revue du
droit des affaires internationales RDAI. 2002 , n° 3/4 , p.443 ; D. FAVRE, Contribution à l’étude de la
tacite reconduction, LPA 1996, n°95, p.23 ; B. AMAR-LAYANI, La tacite reconduction, D. 1996, Chron,
143 ; J. MESTRE, Tacite reconduction du contrat et sort du cautionnement, RTD civ. 1992, p.556 ; P.
GODE, Volonté et manifestation tacite, .PUF, 1977, n° 27, p.36. 160
B. AMAR-LAYANI, op.cit. 161
Ch. LAROUMET, op.cit., n° 206, p.188. 162
P. GODE, Volonté et manifestation tacite, th., précitée, 1977, n°27,p.36. 163
« Sauf disposition ou volonté contraire, la tacite reconduction d’un contrat à durée déterminée, dont le terme extinctif a produit ses effets, dont le terme extinctif a produits ses effets, donne naissance à un nouveau contrat, de durée indéterminée, et dont les autres éléments ne sont pas nécessairement
48
Par ailleurs, la présence d’une clause de tacite reconduction a l’avantage de
restreindre de manière considérable l’instabilité des situations des contractants164
,
surtout celle du franchisé dont le sort n’est pas enviable. Elle impose à celui qui ne
désire pas renouveler le contrat de franchise à son échéance de manifester son intention
à son partenaire dans un certain délai préalable. A défaut, il sera engagé pour un
nouveau contrat. Cela permettra au franchisé, par exemple, qui subit le non-
renouvellement, de prendre toutes les mesures nécessaires pour préparer sa
reconversion, et par conséquent, éviter tous les préjudices éventuels en résultant.
43. Relation commerciale précaire. Dans certaines hypothèses, le franchiseur et le
franchisé stipulent dans leur contrat une clause qui écarte expressément tout
renouvellement du contrat par tacite reconduction à l’arrivée du terme, mais qu’à
l’expiration du contrat, ils poursuivent néanmoins leur relation contractuelle.
En pareille hypothèse, la question est de savoir si la poursuite des relations
contractuelles par les parties, après l’échéance du terme, constitue une dénonciation, de
leur part, de la clause de non-reconduction stipulée dans le contrat, donc de savoir si le
contrat est renouvelé. Une réponse négative s’impose. La poursuite d’un contrat de
franchise, contenant une clause excluant toute possibilité de renouvellement par tacite
reconduction, après son terme n’entraîne pas un renouvellement de celui-ci qui s’est
déjà éteint à l’arrivée du terme extinctif. Elle constitue simplement une relation de fait
précaire, de telle manière que le franchiseur comme le franchisé peut y mettre fin à tout
moment165
.
identiques ». Cass. civ. 1
er, 15 novembre 2005, n° 02-21. 366 ; RTD civ. 2006, p. 114, obs. J. MESTRE
et B. FAGES. 164
A. LAUDE, La reconnaissance par le juge de l’existence du contrat, PUAM, 1991, préface. J. Mestre,
n° 628, p.380, et s. 165
Lamy droit économique, 2008, n° 4384. V. aussi, A. BENABENT, La prolongation du contrat, in
Durée et exécution du contrat, RDC. 2004, p. 125. L’auteur critique cette solution en observant que
« lorsque les parties ont stipulé une clause écartant la tacite reconduction mais que, cinq ans plus tard, à l’expiration du contrat, elles continuent en fait leurs relations, ne faut-il pas considérer tout simplement qu’elles ont changé d’avis ? Pourquoi leur volonté initiale serait-elle supérieure à leur volonté actuelle, pourquoi cette volonté les lierait-elles définitivement ? Ce qu’on peut faire un jour, on peut le défaire le lendemain et ce qu’on peut refuser d’envisager à une époque, on peut l’admettre plus tard ».
49
La solution ne pourrait être autrement que si, postérieurement au terme, un nouvel
accord sur le renouvellement du contrat de franchise entre le franchiseur et le franchisé
a lieu166
.
En dehors de la poursuite par les parties d’un contrat de franchise excluant toute
possibilité de renouvellement tacite, il convient de noter que le contrat de franchise
comporte parfois une clause prévoyant le renouvellement exprès.
2. Clauses de renouvellement exprès
44. Renouvellement conditionné et non conditionné. L’examen de la pratique de la
franchise montre qu’il arrive parfois que les contrats de franchise contiennent une
clause prévoyant que le contrat sera automatiquement renouvelé, aux mêmes conditions
et pour une durée identique à celle du contrat initial, à moins que l’une des parties ne
notifie à l’autre son intention de ne pas le renouveler un certains temps avant l’arrivée
du terme167
. Contrairement au renouvellement par tacite reconduction qui se déduit du
comportement des parties dans la poursuite de leur contrat après son terme, le
renouvellement du contrat est là expressément prévu dans le contrat et dès le début168
.
Il faut toutefois souligner que si le renouvellement exprès du contrat de franchise
peut parfois intervenir sans que des conditions particulières soient exigées, cela est de
plus en plus rare. Le renouvellement du contrat de franchise se trouve, dans de très
nombreuses hypothèses, subordonné à la réalisation de certaines conditions par le
franchisé.
166
J. MESTRE, Résiliation unilatérale et non-renouvellement dans les contrats de distribution, in La
cessation des relations contractuelles d’affaires, PUAM 1997, p.13, et spéc., p.15. 167
V. Article 7, A, du contrat modèle ICC du contrat de franchise international de la distribution. 168
Sur ce point, v. A. BENABENT, La prolongation du contrat, in Durée et exécution du contrat, RDC
2004, p.117, et s. L’auteur propose de distinguer trois situations qui permettent de clarifier la distinction.
Tout d’abord, lorsque les parties sont d’accord pour un renouvellement exprès. Dans ce cas, il estime
qu’il n’y a pas de difficulté particulière. Ensuite, les parties ont pu prévoir dans leur contrat initial le
renouvellement de la convention. Dans ce cas, l’auteur parle d’un renouvellement stipulé qui ne doit pas
se confondre avec la tacite reconduction. Enfin, la tacite reconduction recouvre l’hypothèse selon laquelle
les parties continuent leur relation « comme si le contrat initial existait encore alors qu’il est expiré ».
50
Tel est, par exemple, le cas lorsque le contrat de franchise prévoit que le
renouvellement ne peut intervenir qu’à la condition de la réalisation par le franchisé de
certains résultats ou de la cessation par lui de la commercialisation d’une autre
marque169
, ou enfin à la vente des produits supplémentaires170
. Dans toutes ces
hypothèses, le franchiseur perd la liberté de décision quant au non-renouvellement du
contrat171
. Il est tenu vis-à-vis du franchisé d’une promesse de renouvellement. Par
conséquent, il ne peut lui refuser le renouvellement du contrat que si les conditions
exigées ne sont pas satisfaites, sinon son refus de renouvellement sera considéré abusif
et donc sa responsabilité sera engagée. Reste enfin à étudier les tempéraments au
principe de l’absence de droit au renouvellement apportés par la jurisprudence.
B. Tempéraments jurisprudentiels
45. Application de la théorie de l’abus. Afin d’instaurer un équilibre entre les intérêts
des parties, et afin de protéger le franchisé -partie en état de dépendance économique-,
contre les conséquences économiques désastreuses auxquelles pourrait donner lieu la
rupture du contrat de franchise, les juges exercent souvent un contrôle sur les
circonstances dans lesquelles le non-renouvellement du contrat par le franchiseur
intervient (1). Ils n’hésitent pas à engager la responsabilité du franchiseur lorsqu’ils
constatent que le non-renouvellement est abusif. Certains auteurs plaident pour étendre
ce contrôle aux motifs du non-renouvellement, mais la jurisprudence le refuse, au
moins, jusqu’ alors (2).
1. Contrôle tenant aux circonstances du non-renouvellement
46. Plan. Le franchiseur qui ne veut pas renouveler le contrat à expiration doit non
seulement respecter un délai de préavis (a) mais aussi s’abstenir de tout comportement
incohérent (b), susceptible de mettre en jeu sa responsabilité sur le fondement de l’abus.
169
V. Lamy droit économique, 2007, n° 4330. 170
M. MALAURIE-VIGNAL, Droit de la distribution, Sirey, 2006, n°660. 171
V. G. VIRASSAMY, Les contrats de dépendance, LGDJ, 1986, préface J. Ghestin, n° 282, p.223 et s.
51
a. Obligation de respecter un préavis et abus du droit au renouvellement
47. Le principe : absence d’obligation de préavis. Le préavis est défini comme « un
avis ou avertissement, délivré par une personne à une autre, d’une mesure qui la
concerne, et ce préalablement à sa mise en œuvre »172. Il a une fonction économique qui
consiste à donner à la partie subissant la rupture du contrat le temps nécessaire pour
organiser son activité et préparer sa reconversion173
.
A priori, le préavis n’est requis que pour ce qui concerne la rupture des contrats de
franchise à durée indéterminée174
. Dans ces derniers, le respect du préavis constitue en
effet « une règle générale »175. Parce que chacune des parties ignore le moment où le
contrat prend fin, la jurisprudence impose, à celui qui désire le rompre, de prévenir son
cocontractant un certain temps à l’avance176
. Le but est d’éviter que l’un des
contractants ne subisse un éventuel préjudice résultant de la rupture du contrat. Or, rien
de tel ne s’impose dans le contrat à durée déterminée où le préavis est conçu comme
une notion étrangère177
. Cela s’explique par le fait que dans ces contrats -et aux
antipodes des contrats à durée indéterminée-, chacune des parties connaît, dès le
moment de la conclusion du contrat, la date de sa fin. En conséquence, le franchiseur
ou le franchisé qui ne désire pas renouveler le contrat à expiration n’est nullement tenu
de prévenir son cocontractant à l’avance. « Puisqu’il s’agit d’une pure application du
contrat, le franchisé n’a pas à être prévenu longtemps à l’avance du non-
renouvellement du contrat arrivé à son terme, sauf clause contractuelle fixant un
préavis »178.
172
A. SONE, Le préavis en droit privé, PUAM, 2003, préface. F. Bussy, n° 6 et s. 173
A-V. EECKOUT, La durée du préavis de rupture d’une relation d’affaires, RDC. 2005, p.491 ; Ph.
STOFFEL-MUNK, obs sous Cass. com., 12 mai 2004, RDC 2004, p. 943 ; A. SONE, th., précitée ; J.-L.
RESPAUD, Préavis, Assistance et reconversion du distributeur évincé, Cah. dr. ent. 2002 / 5, p. 19 et s. 174
Infra n° 84 et s. 175
J. AZEMA, La durée des contrats successifs, LGDJ, 1969, préface. R. Nerson, n° 228, p.174. 176
Cass. com., 12 mai 2004, Contrat. conc. conso., 2004, n° 104, comm. L. LVENEUR. 177
F. BUSSY, préface in Le préavis en droit privé, th., de A. SONET, PUAM, 2003, qui considère que
« il paraît aller de soi que le préavis n’a pas sa place dans les contrats à durée déterminée » ; A.
SONET, th., précitée, n° 150, et s ; C . BLOUD -REY, Le terme dans le contrat, PUAM, 2003, préface.
P.-Y. GAUTIER, n° 541, p. 448 et s ; M. BEHER-TOUCHAIS, Extinction du contrat, J-Cl. Contrats
Distribution, 1998, fasc. 175, n°123 ; M. BEHAR-TOUCHAIS et G. VIRASSAMY, Les contrats de la
distribution, LGDJ, 1999, n°346, p.158. ; J. AZEMA, La durée des contrats successifs, th., précitée, n°
239, p.183, et s. 178
Ph. Le TOURNEAU, Les contrats de franchisage, Litec, 2e édition, 2007, n° 654, p.288.
52
Il n’en va autrement que lorsque le contrat de franchise contient une clause de
tacite reconduction ou clause de renouvellement179
. Dans cette hypothèse, chacune des
parties au contrat de franchise est tenue de respecter un délai de préavis lorsqu’elle ne
désire pas renouveler le contrat, puisque la présence d’une telle clause de tacite
reconduction ou de renouvellement dans le contrat fait perdre au terme son effet
extinctif.
48. Atténuation jurisprudentielle. Toutefois, il faut noter que le principe de l’absence
d’un préavis lors du non-renouvellement du contrat de franchise souffre de plus en plus
d’atténuations.
Fondée sur les articles 1134 et 1135 du Code civil, la jurisprudence impose parfois
une obligation de respecter un préavis à la charge de l’auteur du non-renouvellement180
.
Elle considère que le franchiseur ou le concédant qui ne souhaite pas renouveler le
contrat à expiration doit informer son franchisé ou son concessionnaire suffisamment à
l’avance181
. Peu importe que le contrat contienne ou non une clause de renouvellement
par tacite reconduction ou exprès. Le non respect d’un préavis dans le non-
renouvellement constitue une faute engageant la responsabilité de son auteur. Celui-ci
sera condamné à des dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat182
. Une telle
solution, tendant à la protection des contractants subissant la rupture du contrat contre
les conséquences désastreuses auxquelles peut donner lieu cette rupture, a été tacitement
affirmée par la Cour de cassation en matière de contrat de concession. Dans un arrêt du
31 janvier 2006, la Chambre commerciale a approuvé un arrêt d’appel d’avoir jugé non
fautif le non-renouvellement du contrat de concession procédé par le concédant sans
préavis dès lors que le concessionnaire n’a pas tenu ses engagements183
.
179
M. BEHAR-TOUCHAIS et G. VIRASSAMY, op.cit., n° 346, p.158 et s. 180
V. D. FERRIER, La rupture du contrat de franchisage, JCP CI 1977, II, 12441. 181
D. FERRIER, La rupture du contrat de franchisage, op.cit. V. aussi, M. BEHAR-TOUCHAIS et G.
VIRASSAMY, Les contrats de la distribution, LGDJ, 1999, n°346, p.158, et s. 182
V. par exemple, CA Paris 5 décembre 1997 et 30 janvier 1998, RTD civ. 1998, p.371, obs. J.
MESTRE. Sur la sanction de la rupture abusive, v. Infra n° 183
Cass. com., 31 janvier 2006, pourvoi n° 03-13.739. « Attendu, en second lieu, qu’ayant rappelé que la société MBK avait cherché à adapter les objectifs à la situation de la société Y... pour les fixer en 1996 puis en 1997 à la vente de vingt scooters et constatant les mauvais résultats de la société Y... qui ne vendait que cinq ou six scooters par an, la cour d'appel, qui a ainsi fait ressortir l'inexécution de ses obligations par le concessionnaire, a pu estimer non fautif le non renouvellement sans préavis par la société MBK du contrat à durée déterminée d'une année, non renouvelable tacitement, la liant à la société Y... »
53
Une lecture de cet arrêt laisse à penser que la responsabilité du concédant, ayant
refusé de renouveler le contrat sans respecter un délai de préavis, aurait pu être engagée
s’il n’y avait pas eu de défaillance contractuelle de la part du concessionnaire. En
d’autres termes, l’obligation de respecter un préavis dans le non-renouvellement du
contrat, que ce soit un contrat de concession ou de franchise, s’impose sauf en cas de
faute de la part du contractant subissant la rupture du contrat.
49. Approbation. Une telle attitude jurisprudentielle, visant à mettre une obligation de
préavis à la charge de l’auteur du non-renouvellement dans les contrats de franchise en
particulier et dans les contrats de la distribution en général, a été approuvée par la
majorité de la doctrine184
.
Le Professeur D. Ferrier, par exemple, estime que l’exigence d’un délai de préavis
lors du non- renouvellement est une solution encore plus pertinente pour le contrat de
franchise que pour le contrat de concession, car « le non-renouvellement du contrat
impliquera non seulement la disparition des signes de ralliement de clientèle et des
autres droits incorporels utilisés jusque-là par le franchisé mais également une
reconversion de ce dernier au plan de sa gestion commerciale. La poursuite de celle-ci
exigera en effet la mise en place d’un nouveau dispositif et il paraît indispensable que le
franchisé puisse s’en inquiéter au cours de la période associée au préavis afin de
réduire le délai de reconversion qui suivra l’expiration du contrat »185.
Dans le même sens, les Professeurs M. Behar-Touchais et G. Virassamy observent
qu’ « exiger un préavis même quand le contrat est à durée déterminée n’est pas si
exorbitant, en particulier en la matière des contrats de la distribution » 186.
184
D. FERRIER, La rupture du contrat de franchisage, JCP CI 1977, p. 12441, n° 18. V. également, M.
BEHAR-TOUCHAIS et G. VIRASSAMY, Les contrats de la distribution, LGDJ, 1999, n° 346. A propos
des contrats de concession, v. Y. CHAPAUD, La concession commerciale, RTD com. 1963, p.451, n°35,
pour qui l’exigence du respect d’un préavis « serait parfaitement conciliable avec l’indépendance juridique du concessionnaire …On doit lui fournir les moyens d’éviter un hiatus dans son activité commerciale .Pour être parfaitement juste, le délai de préavis devrait être fonction du degré d’intégration du concessionnaire, c'est-à-dire de sa subordination qui rendra sa réadaptation plus ou moins aisée et plus ou moins longue ». 185
D. FERRIER, La rupture du contrat de franchisage, op, cit. 186
M. BEHAR-TOUCHAIS et G. VIRASSAMY, op.cit.
54
A vrai dire, nous estimons que le respect d’un préavis lors du non-renouvellement
ne paraît pas seulement raisonnable et opportun, mais aussi qu’il devrait être la règle
générale s’appliquant à tous les contrats de la distribution bornés dans le temps. Peu
importe que ces contrats renferment ou non une clause de tacite reconduction ou de
renouvellement exprès ou même une clause écartant expressément toute possibilité de
renouvellement. Une telle solution peut être justifiée par plusieurs raisons. La première
est que dans les contrats de franchise à durée déterminée, les contractants ne sont
fréquemment pas « dans un état d’esprit différent de celui qui préside à la conclusion
d’une convention à durée indéterminée»187
. En effet, ceux-ci partent du principe que
leur coopération est établie sur une base durable188
.
En deuxième lieu, il arrive, dans certaines hypothèses, qu’un bon nombre de
franchiseurs prévoient une clause écartant expressément tout renouvellement du contrat
à expiration, et puis lors de l’échéance, et malgré cette clause, les parties conviennent de
renouveler leur contrat. Or, une pareille attitude n’est pas sans conséquences sur les
franchisés. Elle pourrait susciter l’impression chez eux que la stipulation du terme n’est
qu’une simple formalité et que le lien contractuel pourra quand même être poursuivi
toutes les fois qu’il révèle que le contrat est scrupuleusement exécuté.
187
En ce sens, F.-X. LICARI, La protection du distributeur intégré en droit français et allemand, Litec,
2002, préface. C. Witz, p.499. 188
J. BEAUCHARD, La nécessaire protection du concessionnaire et du franchisé à la fin du contrat, in
Libre droit, Mélanges. Ph. Le TOURNEAU, Dalloz, 2008, p. 37: « Les contrats de franchise et de concession sont fondamentalement des contrats de coopération et de collaboration commerciale faites pour durer ». J.-M. LELOUP, Les rapports juridiques dans le contrat de franchise, in Aspects juridiques
de la franchise, Journée d’étude de faculté de Lyon organisée le 21 mai 1986, Litec, p.13, et spéc., p.25.
L’auteur observe que les contrats de franchise sont souvent conclus à durée déterminée. Cela s’explique à
la fois par le fait qu’il faut permettre l’amortissement des investissements du franchisé et qu’il faut aussi
permettre de modifier le contrat une fois que le système commercial paraît vieilli. « Mais nonobstant la mobilité que l’on pourrait souhaiter, peut-être, d’un point de vente de vue théorique, il y a lieu de constater que les contrats de franchise durent finalement, par signature de nouveaux contrats, plus longtemps que cette durée déterminée initiale. Et l’on observe depuis une quinzaine d’années une grande stabilité du lien contractuel, phénomène qui est tout à fait à l’avantage du franchisé : les contrats se succèdent entre même partenaire, avec parfois même une pluralité d’établissement de franchisés, c'est-à-dire qu’un même franchisé le sera plusieurs fois d’un même franchiseur ».
55
En troisième lieu, il arrive souvent que le contrat de franchise ait été à plusieurs
reprises renouvelé. Or, de tels renouvellements successifs peuvent faire perdre dans
l’esprit des parties aux relations à durée déterminée la signification que ces dernières
ont normalement du droit strict189
et créer légitiment chez le franchisé « la croyance ou
l’espoir de la poursuite des relations contractuelles par un nouveau renouvellement,
sauf au moins à en être averti, avant l’échéance normale du contrat » 190. Leur espoir
que le contrat sera renouvelé l’emporte alors sur le caractère certain du terme
En quatrième et dernier lieu, c’est que l’exigence d’un préavis dans le non-
renouvellement du contrat s’inscrit dans le principe de la transparence dans les relations
contractuelles191
. Une telle exigence a l’avantage de permettre au contractant subissant
la rupture de prendre les mesures nécessaires pour opérer sa reconversion, ce qui lui
permettra de minimiser son préjudice résultant de la perte du contrat. D’où la raison
pour laquelle l’obligation de respecter un délai de préavis lors du non-renouvellement
est consacrée par le Code de déontologie européenne de la franchise.
50. Le Code de déontologie européenne de la franchise. L’article 14 du Code de
déontologie européenne de la franchise prévoit l’obligation pour le franchiseur
d’informer le franchisé, avec un préavis suffisant, de son intention de ne pas renouveler
l’ancien contrat arrivé à son terme ou de ne pas signer un nouveau contrat.
Notons, à cet égard, que les règles du Code de déontologie européenne de la
franchise n’ont pas de caractère contraignant. Les parties ont le choix d’y recourir ou
non. Plus important que le Code de déontologie européenne de la franchise, l’exigence
d’un préavis peut aujourd’hui trouver un appui considérable dans l’article L.442-6 du
Code de commerce.
189
En ce sens, M-E. PANCRAZI-TIAN, La protection judiciaire du lien contractuel, PUAM, 1996,
préface J. Mestre, n° 259, p.221, et spéc., n° 260. 190
M. BEHAR-TOUCHAIS et G. VIRASSAMY, Les contrats de la distribution, LGDJ, 1999, n°346,
p.158, et spéc., p.159. 191
Sur le principe de la transparence, v. N. VIGNAL, La transparence en droit privé des contrats, PUAM,
1998, préface J. Mestre.
56
51. L’article L. 442-6 du Code de commerce. Afin de renforcer la lutte contre la
rupture brutale et abusive des relations commerciales, le législateur a édicté en 1996 une
loi appelée loi Galland192
. Cette loi modifie l’article 36 de l’ordonnance du 1er
décembre
1986. Elle crée de nouveaux délits civils concernant la rupture brutale de relations
commerciales établies et l’obtention d’avantage manifestement dérogatoires sous la
menace d’une rupture de ces relations. Les dispositions de cette loi ont été modifiées par
la loi sur les nouvelles régulations économiques NRE du 15 mai 2001193
.L’ensemble de
ces dispositions est désormais codifié à l’article L.442-6, I, 5° c.com194
. Cet article
dispose que : « Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice
causé le fait par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au
répertoire des métiers de rompre brutalement, même partiellement, une relation
commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation
commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux
usages du commerce, par des accords interprofessionnels (…)».
La majorité de la doctrine estime que l’article L.442-6, I, 5° du Code de commerce
a une large portée. Selon elle, l’expression de « relation commerciale établie »
employée par cet article comprend non seulement la relation d’affaires à durée
indéterminée mais aussi celle constituée par une succession de contrats à durée
déterminée195
.
192
L. n° 96-588, 1er
juillet 1996, JO 3 juillet 1996, p.9983. 193
L. n° 2001-420, 15 mai 2001, JO 16 mai 200, p.7776. Sur l’ensemble de cette loi, v. M -E.
PANCRAZI, « La moralisation des pratiques commerciales », Dr. et patrimoine, 2001, n°99, p.65. De
même, M. PEDAMON, Nouvelles règles relatives à la rupture des relations commerciales établies, Bull.
d’actualité Lamy Droit économique, décembre 2001, p.1. 194
V. M. MALAURIE-VIGNAL, L’article L.442-6 du code de commerce, une disposition restée lettre
morte ?, Contrats. conc. conso., 2006, n°6, p.10. 195
M.MALAURIE-VIGNAL, Droit de la distribution, Sirey, 2006, n° 681 ; A-V EECKOUT, La durée du
préavis de rupture d’une relation d’affaires, RDC 2005, p.491 ; J.-M. MOUSSERON, Technique
contractuelle, par P. MOUSSERON, J. RAYNARD, J.-B. SEUBE, Technique contractuelle, Edition
Francis Lefebvre, 3e édition, 2005, n° 1286 ; A DE BROSSE, La rupture fautive de relations commerciale
établies, in Dossier Contrats de distribution L’équilibre enfin trouvé ?, Dr. patr. 2003, n°116, p.50 ; A.
GRIZAU, « Rupture brutale des relations commerciales : Réflexion sur les premiers cas d’application de
l’article L.442-6 », in Dossier Contrats de distribution L’équilibre enfin trouvé ?, Dr et patr. 2003, n°116,
p.71 ; D. MAINGUY, Les mystères de la rupture brutale de relations commerciales établies, JCP E
2003, n°51, p.1792 ; D. FERRIER, L’article L.442-6-I, 5°, du Code de commerce s’applique à tout forme
de rupture brutale de tout type de relations commerciales, D. 2003, p. 2433 ; D. MAINGUY, L’esprit et la
lettre du nouvel article L.442-6, du Code de commerce, JCP E 2002, n° 28, p.1729 ; F.-X. LICARI, La
protection du distributeur intégré en droit français et allemand, Litec, 2002, préface. C. Witz, p. 502 et s ;
M. PEDAMON, Nouvelles règles relatives à la rupture des relations commerciale établies, Bull.
d’actualité Lamy Droit économique, décembre 2001, p.1 ; M. BEHAR-TOUCHAIS et G. VIRASSAMY,
Les contrats de la distribution, LGDJ 1999, n°346 p. 158 et s ; J. BEAUCHARD, Stabilisation des
relations commerciales : la rupture de relations commerciales continues, LPA 5 janvier 1998, n° 2, 14 ,16
57
En conséquence, elle constitue donc « une relation commerciale établie » entrant
dans le champ de l’article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, la relation contractuelle
liant le franchiseur au franchisé dès lors qu’elle a été renouvelée plusieurs fois. Le
franchiseur qui entend ne pas renouveler le contrat est donc tenu de respecter un délai
de préavis. Il doit informer le franchisé, par écrit et dans un délai raisonnable avant
l’échéance du terme, de sa volonté de ne pas renouveler le contrat, sinon il ne peut
échapper au grief de la brutalité et sa responsabilité sera engagée196.
52. Préavis contractuel. Forme et modalité de son exécution. Afin de stabiliser leur
relation contractuelle, le franchisé et le franchiseur prévoient dans leur contrat une
clause de préavis imposant à celui qui ne désire pas renouveler d’informer son
cocontractant, dans certain délai à l’avance et par une lettre recommandée avec accusé
de réception, son intention de mettre fin au contrat. Le non-respect par l’une des parties
du préavis prévu au contrat engagera sa responsabilité contractuelle197
.
53. La durée du préavis. Si le franchiseur et le franchisé peuvent librement déterminer
le délai du préavis que l’auteur du non - renouvellement doit respecter, ce délai doit être
raisonnablement suffisant pour que la partie -notamment le franchisé en situation de
dépendance économique- subissant le non-renouvellement puisse préparer sa
reconversion et trouver une solution de remplacement. Sinon, le juge n’en tiendra pas
compte et considèrera le non-renouvellement comme abusif198
.
et s ; P. VERGUCHE, La rupture brutale d’une relation commerciale établie, RJ com.1997, p.129, et
spéc, p.137. 196
V. F-X. LICARI, th., précitée. 197
Cass. com., 29 janvier 2008, pourvoi n° 06-13. 462. Dans cette décision, la Chambre commerciale a
approuvé l’arrêt d’appel d’avoir rejeté la demande présentée par un franchisé visant à la condamnation du
franchiseur à des dommages et intérêts pour avoir manqué à son obligation de préavis dans le non-
renouvellement du contrat. « Mais attendu qu’ayant relevé que la société Alain Afflelou franchiseur avait expressément informé la société Sportes diffusion de sa volonté de non-renouvellement des contrats par tacite reconduction en envoyant à l’adresse de chacun de ses magasins une lettre recommandée avec demande d’avis de réception qui lui avait été retournée avec la mention « non réclamé. Retour à l’envoyeur », l’arrêt, appréciant souverainement les éléments de preuve qui lui étaient soumis, retient que la société Sportes diffusion ne peut invoquer la non-réception des deux courriers de notification retournés au franchiseur avec la mention « non réclamé, retour à l’envoyeur » dès lors que n’est rapportée ni même alléguée, la preuve d’une erreur d’adresse des destinataires ; que le moyen n’est pas fondé » 198 Comp. Cass. com., 12 mai 2004, pourvoi n° 01-12.865 ; RDC 2004, p. 943, note. Ph. STOFFEL-
MUNCK. Dans cet arrêt concernant un contrat de concession, la Chambre commerciale a cassé un arrêt
d’appel qui, pour estimer suffisant le préavis de rupture d’une relation commerciale à durée indéterminée,
s’est borné à constater qu’il avait été fixé par le contrat.
58
54. Le respect du contrat au cours du préavis. Rien n’empêche le franchisé ou le
franchiseur, pendant le délai de préavis, d’aller conclure ou de préparer la conclusion
d’un nouveau contrat avec un nouveau partenaire afin d’assurer sa reconversion.
Toutefois, cela ne doit pas, en aucun cas, être au détriment du contrat.
En effet, le franchiseur et le franchisé doivent maintenir leurs obligations jusqu’au
terme du contrat. Pendant le préavis, et tant que celui-ci n’a pas pris fin, le franchiseur
reste tenu, vis-à-vis du franchisé, par exemple, de lui communiquer son savoir-faire, son
assistance technique et commerciale et de lui fournir les produits faisant l’objet du
contrat. Il en va de même pour le franchisé qui doit continuer à lui payer les redevances
convenues, et à respecter les normes de réseaux. Le non-respect de l’un ou l’autre de ses
engagements que met le contrat de franchise à sa charge engagera sa responsabilité.
C’est ainsi qu’un franchiseur a été condamné à des dommages et intérêts pour avoir
manqué à son obligation d’exclusivité durant le préavis du non-renouvellement qu’il a
donné au franchisé199
.
En l’espèce, un franchiseur avait notifié au franchisé son intention de ne pas
renouveler le contrat le liant depuis onze ans à son échéance. Or, deux mois avant
l’arrivée du terme, le franchiseur a diffusé une circulaire annonçant, dans le territoire
protégé par l’exclusivité conférée au franchisé, les noms et adresses du nouveau
franchisé et invitant les clients à prendre contact dès à présent avec lui. Les juges du
fond, approuvé par la Cour de cassation, ont considéré que la diffusion par le
franchiseur deux mois avant l’expiration du contrat d’une telle circulaire constituait une
atteinte fautive à l’exclusivité toujours en vigueur consentie au franchisé.
Il convient finalement de souligner qu’outre le respect du préavis lors du non-
renouvellement du contrat de franchise, l’auteur du non-renouvellement doit s’abstenir
d’adopter tout comportement incohérent susceptible de nuire à son cocontractant, sinon
il ne pourra échapper à la sanction de l’abus.
199
Cass. com., 12 novembre 1996, pourvoi n° 94-14. 329, RJDA 1997, n° 343.
59
b. Obligation de cohérence et abus de droit au renouvellement
55. Le principe de cohérence ou l’interdiction de se contredire. Contracter avec
quelqu’un, c’est accepter d’adopter une conduite ordonnée, un comportement cohérent
envers lui. C’est là tout le sens du principe de cohérence200
ou du principe de
l’interdiction de se contredire au détriment d’autrui201
.
Ce principe pose à la charge de tout contractant une obligation d’agir de manière
cohérente. Il lui interdit de changer trop brusquement d’avis, de revenir sur ses actes, et
donc de décevoir l’attente légitime qu’il a créée par ses attitudes202
. Sa finalité est alors
« de protéger autrui contre les retournements d’attitude d’une personne qui, ayant
durablement laissé croire qu’elle ferait une chose, se contredit brutalement en décidant
de faire le contraire »203.
56. Consécration en droit comparé. Le principe de l’interdiction de se contredire au
détriment d’autrui est connu dans plusieurs systèmes juridiques étrangers. Il en est ainsi
en droit anglais où il est connu sous le nom d’« estoppel »204 ou en droit allemand et
droit suisse sous le terme de « Verwirkung » 205. Il en va de même pour le droit
musulman dans lequel ce principe est désigné sous le terme de « tanakod »206 ou enfin
dans le droit du commerce international207
.
200
D. HOUTCIEFF, Le principe de cohérence en matière contractuelle, PUAM, 2001, préface. H. Muir-
Watt. 201
V. L’interdiction de se contredire au détriment d’autrui, Economica 1999, Coll. Paris, sous la dir. M.
BEHAR-TOUCHAIS. 202
D. HOUTCIEFF, th., précitée, n° 54, p.64. 203
Ph. STOFFEL-MUNCK, L’abus dans le contrat, LGDJ, 2002, préface. R. Bout, n° 99, p.92. 204
B. FAUVARQUE-COSSON, L’estoppel du droit anglais, in L’interdiction de se contredire au
détriment d’autrui, Economica 1999, sous la dir. M. BEHAR-Touchais, p.3 ; B. FAUVARQUE-
COSSON, obs sous Cass. civ., 1er
6 juillet 2005, RDC 2006, n° 4, p. 1279. 205
F. RANIERI, Le principe de l’interdiction de se contredire au détriment d’autrui ou du venire contra
factum proprium dans les droits allemand et suisse et sa diffusion en Europe, in L’interdiction de se
contredire au détriment d’autrui, op.cit., p.25. Selon l’auteur, en droit allemand, « le principe de bonne foi est devenu aujourd’hui un remède pour assurer la légitimation formelle de toute une série de solutions équitables. Et il est en même temps un repère formule, qui permet au juge allemand d’agir en tant que législateur, en lui offrant la possibilité de créer des normes là où il en manque ou de modifier des effets considérés comme étant inéquitables de dispositions légales ou contractuelles ». 206
D. HOUTCIEFF, th., précitée, n° 951, p.726 et s ; A-M. OMAR, La notion d’irrecevabilité en droit
judiciaire privé, LGDJ, 1967, préface. R. Perrot, n°30, p.13. 207
P. PINSOLLE, Les applications du principe de l’interdiction de se contredire au détriment d’autrui en
droit du commerce international, in L’interdiction de se contredire au détriment d’autrui, opt.cit., p.37. V.
également, E. GAILLARD, L’interdiction de se contredire au détriment d’autrui comme principe général
du droit du commerce international, Rev.arb.1985, p.241.
60
57. Consécration récente en droit français? En droit français, le principe de
cohérence ou le principe de l’interdiction de se contredire au détriment d’autrui, dans
lequel certains auteurs ne voient qu’un simple corollaire de la force obligatoire du
contrat208
tandis que d’autres y voient un principe autonome qui ne peut s’identifier à
cette dernière209
, n’ont pas été expressément consacré par les juges en tant que tel. Ce
n’est qu’à partir de 2005 que la question de la consécration du principe de cohérence ou
de l’interdiction de se contredire au détriment d’autrui parmi les autres principes a été
posée en droit français.
A cette époque, la première Chambre civile de la Cour de cassation a, pour la
première fois, utilisé le terme «estoppel » pour rejeter le pourvoi d’un demandeur qui,
après avoir sollicité l’arbitrage, invoquait l’absence de convention d’arbitrage
valable210
.
58. L’incohérence, source de responsabilité : sanction sur le fondement de l’abus.
Que le principe de cohérence ou l’interdiction de se contredire soit ou non consacré
expressément dans l’ordre juridique français, il convient de noter que les juges tiennent
compte de l’attitude contradictoire du contractant. Ils n’hésitent pas, en effet, à
sanctionner le franchiseur, sur le fondement de l’abus, lorsqu’ils constatent que celui-ci
a incité le franchisé à procéder à des investissements peu de temps avant l’échéance
dans l’espoir de la poursuite de la relation contractuelle et, de manière brusque, lui a
refusé le renouvellement du contrat211
.
208
B. CELICE, Les réserves et le non-vouloir dans les actes juridiques, .LGDJ, 1968, préface J.
Carbonnier, n°176 : « ce sont les obligations et les liens de droit qui imposent à autrui la cohérence dans son comportement » V. aussi, B. FAGES, Le comportement du contractant, th. PUAM, 1997, préface J.
Mestre, n° 595, p. 322. Pour l’auteur, « la notion du contrat est dès le départ liée à l’aide de cohérence : c’est être cohérent que de respecter ses engagements ». 209
D. HOUTCIEFF, th., précitée, n° 929, p.715 et s. 210
B. FAUVARQUE-COSSON, obs sous Cass. civ. 1er
, 6 juillet 2005, RDC. 2006, n° 4, p. 1279. 211
M. MALAURIE-VIGNAL, Droit de la distribution, Sirey, 2006, n° 657, n° 657, p.179 ; D. FERRIER,
Un an de droit des contrats de distribution intégrée, Cah. dr. ent. 2005, n° 6, p. 24 ; Ch. BOURGEON, La
prise en compte des investissements dans la résiliation abusive des contrats de distribution, RDC 2004,
p.1107 ; Ph. Le TOURNEAU, Les contrats de franchisage, Litec, 2003, n°787, p. 280 ; F.-X. LICARI, La
protection du distributeur intégré en droit français et allemand, .Litec, 2002, préface. C. Witz, p.481 ; M.
BEHAR-TOUCHAIS et G. VIRASSAMY, Les contrats de la distribution, LGDJ 1999, n° 350, p.163 ; J.
MESTRE, Résiliation unilatérale et non-renouvellement dans les contrats de distribution, in La cessation
des relations contractuelles d’affaires, Colloque de l’institut de Droit des affaires d’Aix-en-Provence,
PUAM, 1996, p.9, et spéc., p.16.
61
59. Approbation. Une telle solution jurisprudentielle est pleinement justifiée. Refuser
de renouveler le contrat après avoir exigé du franchisé de réaliser certains
investissements, le franchiseur se montre totalement indifférent à l’impasse économique
et sociale dans laquelle ses exigences combinées à l’exercice de son droit de ne pas
renouveler le contrat ont placé le franchisé212
.
Comme le relève un auteur, « l’incitation à l’investissement dont le concédant [ou
le franchiseur] est l’auteur, crée nécessairement chez son partenaire une croyance
légitime au maintien ou au renouvellement du contrat ; dans une telle hypothèse, une
certaine stabilité du lien contractuel, d’expression essentiellement indemnitaire, doit se
substituer à sa précarité naturelle dans l’intérêt légitime du concessionnaire [du
franchisé]. Dès lors, lorsque ce dernier s’est plié aux exigences du concédant [ou du
franchiseur] mais que celui-ci, telle une girouette ou plutôt un contractant déloyal et de
mauvaise foi, décide de mettre fin au contrat, il ne fait alors guère de doute que
l’exercice de son droit de ne pas maintenir le contrat ou de ne pas renouveler est abusif
et doit être sanctionné »213.
60. Limite. Toutefois, il faut noter qu’à défaut de circonstances suffisantes créant la
croyance légitime chez le franchisé à la poursuite de la relation contractuelle, la
jurisprudence paraît de plus en plus réticente à admettre le caractère abusif du non-
renouvellement ou de la rupture du contrat de franchise. Non seulement elle refuse de
retenir l’abus dans le non-renouvellement du contrat par le franchiseur lorsque la
réalisation des investissements a été faite à l’initiative du franchisé et non sous la
contrainte du franchiseur214
, mais aussi lorsque les éléments de fait créant la croyance
chez le franchisé dans la durabilité du contrat sont assez faibles. C’est ce que l’on peut
déduire de l’arrêt du 3 novembre 2004 rendu par la Chambre commerciale de la Cour de
cassation215
.
212
D. MAZEAUD, Durée et rupture, in Durée et exécution du contrat, RDC 2004, 129, n° 22, p.144 213
D. MAZEAUD, obs. sous Cass. com., 5 avril 1994, D. 1995, somm., p. 90. V. aussi, J. MESTRE, obs.
sous . CA Paris 15 février 1990, RTD civ.1990, p.653. 214
Comp. Cass. com., 7 octobre 1997 et 20 janvier 1998, D.1998, jur., p.413, Ch. JAMIN ; somm.333,
obs. D. FERRIER. 215
Cass. com., 5 octobre et 3 novembre 2004, RDC. 2005, 288, obs. Ph. STOFFEL-MUNCK.
62
Cet arrêt est rendu à propos d’un contrat de concession mais dont la solution est
sans doute transposable à tous les contrats de la distribution et notamment aux contrats
de franchise. En l’occurrence, un concédant a été condamné pour rupture abusive du
contrat de concession au motif qu’il a laissé croire au concessionnaire à la poursuite du
contrat. L’arrêt d’appel a retenu que le concédant avait rompu le contrat après avoir
préparé avec le concessionnaire la stratégie commerciale à venir et avait même fixé la
date d’une prochaine réunion. Or, l’arrêt a été cassé par la Chambre commerciale. Celle-
ci a jugé qu’ « en se déterminant par ces motifs, alors que le concédant était en droit de
rompre le contrat à tout moment, indépendamment de l’échec de la reprise de la
concession, la cour d’appel, qui n’a pas constaté que le concédant avait fait croire au
concessionnaire que le contrat serait poursuivi pour l’inciter à procéder à des
investissements, n’a pas donné de base légale à sa décision ».
61. Critique. De cet arrêt, on peut déduire que le fait matériel de la réalisation des
investissements à l’initiative du franchiseur est nécessaire pour rendre abusif le non-
renouvellement du contrat par celui-ci ou même sa résiliation216
. L’incohérence de son
comportement ne peut donc engager sa responsabilité, sur le fondement de l’abus, tant
qu’il n’a pas incité le franchisé à procéder à des investissements. Autrement dit, le fait
que le franchiseur laisse le franchisé croire que le contrat serait poursuivi ne rend pas le
non-renouvellement ultérieur abusif dans la mesure où il n’a pas incité le franchisé à
effectuer des investissements.
Une telle solution, que certains estiment qu’elle constitue «un défi au respect de la
parole donnée» 217
, paraît critiquable à plusieurs égards. D’abord, elle s’accommode
mal avec le devoir de transparence qui exige de chaque contractant non seulement de
clarifier le contenu du contrat, mais également d’adopter un comportement clair dans le
déroulement du contrat218
.
216
Ph. STOFFEL-MUNCK, obs sous Cass. com., 5 octobre et 3 novembre 2004, arrêt précité. 217
M. MALAURIE-VIGNAL, Droit de la distribution, Sirey, 2006, n° 657, p.179. 218
V. N. VIGNAL, La transparence en droit privé des contrats, PUAM, 1998, préface J. Mestre, n° 33,
p.41. L’exigence de transparence est exigée « lorsque la formation suppose une période de négociation, au cours de laquelle les partenaires précisent leurs objectifs, discutent les propositions et les contre–propositions qu’ils se font mutuellement afin de déterminer son contenu. Et elle est également exigée dans le déroulement des relations d’affaires, lorsque le maintien de celle–ci est incertain, soit parce que ces relations ne sont pas organisées par un contrat–cadre, leur continuation dépendant alors de la conclusion d’une nouvelle convention, soit parce qu’elles sont régies par un accord dont l’une des parties envisage de modifier le contenu ».
63
Ce devoir s’impose dans toutes les hypothèses où il se révèle que la croyance de
l’une des parties dans la continuation du contrat est susceptible d’être trompée. Ensuite,
elle peut avoir pour effet de déstabiliser les rapports contractuels. En effet, si la
croyance dans la continuation du contrat de franchise que le franchiseur a créée dans
l’esprit du franchisé n’a pas réellement amené celui-ci à effectuer des investissements,
elle pourrait néanmoins le conduire à prendre des engagements vis-à-vis des tiers
comme, par exemple, l’obtention de crédit par sa banque, l’engagement dont la
dénonciation ultérieure de sa part peut engager sa responsabilité. La responsabilité du
franchiseur devrait donc être engagée dès lors qu’il se révèle qu’il a crée par son attitude
chez le franchisé la croyance dans le maintient du contrat abstraction faite du fait que
cela a amené ou non ce dernier à réaliser certains investissements. Ce n’est que de cette
manière que l’on peut assurer la stabilité et la sécurité des relations contractuelles. Reste
à savoir si la responsabilité de l’auteur du non-renouvellement peut être engagée si le
juge constate que les motifs du non-renouvellement fournis par lui sont inexacts ou
injustifiés.
2. La question du contrôle des motifs de la décision de non- renouvellement
62. Débat doctrinal. La motivation peut être définie comme étant un acte
d’« extériorisation [par lequel une personne] doit expliquer ses raisons, et donc les
exprimer, pour pouvoir prendre certaines décisions et adopter certaines attitudes »219
ou comme « un discours rhétorique destiné à convaincre de la rationalité d’une
décision générale ou particulière, par la présentation organisée de l’ensemble des
considérations qui, selon son auteur, commandent qu’il prenne telle option »220
.
Certains auteurs plaident pour que soit imposée à la charge du franchiseur ou du
concédant, qui ne souhaite pas renouveler le contrat à expiration, une obligation de
motivation221
.
219
M. FABRE-MAGNAN, L’obligation de motivation en droit des contrats, in Le contrat au début de
XXIe siècle, Mélanges. J. Ghestin, LGDJ, 2001, p.301,et spéc., p.306.
220 Th. REVET, L’obligation de motiver une décision contractuelle unilatérale, instrument de vérification
de la prise en compte de l’intérêt de l’autre partie, in Obligation de motivation et droit des contrats, RDC.
2004, p.579. 221
M. FABRE-MAGNAN, Pour la reconnaissance d’une obligation de motiver la rupture des contrats de
dépendance économique, in Obligation de motivation et droit des contrats, RDC. 2004, p.573 ; D.
MAINGUY, Remarques sur les contrats de situation et quelques évolutions récentes du droit des contrats,
in Mélanges M. Cabrillac, Dalloz, Litec, 1999, p. 165, et spéc., n°16, p.177 ; Ch. JAMIN, La recherche
64
Cette obligation conduirait généralement à retenir un abus à son encontre à défaut
de motif justifiant son refus de renouveler le contrat ou lorsqu’il justifie son refus de
renouvellement par des motifs fallacieux et, positivement, à le contraindre à donner un
motif légitime à sa décision de rompre222
. Selon l’analyse de ces auteurs, une pareille
obligation de motivation à la charge du franchiseur peut être fondée sur le devoir de
coopération qui s’analyse en la prise en considération des intérêts légitimes du franchisé
lorsque, pendant des années, celui-ci a contribué au développement et à la prospérité du
réseau de franchise223
.
Ils ajoutent que, outre le fait qu’elle peut être un instrument efficace de contrôle de
l’exercice correct du droit de rompre224
, la mise en œuvre de cette obligation peut se
justifier par une double raison. D’une part, elle peut s’expliquer par l’état de
dépendance dans lequel se trouve le franchisé à l’égard du franchiseur, état de
dépendance qui fait, selon eux, que le franchisé ne dispose pas des moyens de
démontrer l’abus si le franchiseur n’est pas obligé, à tout le moins, d’alléguer les raisons
qui l’ont conduit à ne pas renouveler ou à rompre le contrat225
.
de nouveaux équilibres entre les parties dans les réseaux intégrés de distribution, LPA 1996, 6 mars, n°
29, p.24, et spéc., p.30 ; du même auteur, Plaidoyer pour le solidarisme contractuel, Mélanges. J.Ghestin,
LGDJ, 2001, p.441 et p.464 et s ; D. MAZEAUD, Loyauté, solidarité, fraternité : la nouvelle donne
contractuelle ?, Mélanges F. Terré, Dalloz, Litec, 1999, p. 603 ; D. MAZEAUD, obs sous Cass com., 25
avril 2001, D. 2001, somm., p.3237 ; D. MAZEAUD, Solidarisme contractuel et réalisation du contrat, in
Le solidarisme contractuel, Economica, 2004, sous la dir. L. Grynbaum et M. Nicod, p. 57, n° 19,p.67 ;
P.-Y. GAUTIER, rapport de synthèse, La cessation des relations contractuelles d’affaires, Colloque de
l’institut de Droit des affaires d’Aix-en-Provence, PUAM, 1996, p. 216 ; P.-Y. GAUTIER, obs. sous
Cass. com., 7 octobre 1998, RTD civ. 1998, p. 130 ; F. COLLART-DUTILLEUL et Ph.
DELEBECQUE, Contrats civils et commerciaux, 7e édition, Précis Dalloz, 2004, n° 950, p.926 et s.
222 D. MAZEAUD, Durées et ruptures, in Durée et exécution du contrat, RDC 2004, p. 129, et spéc.,
n°24, p.146 et s. 223
Ch. JAMIN, Plaidoyer pour le solidarisme contractuel, Mélanges. J. Ghestin, LGDJ, 2001, p.441 et
p.464 et s ; D. MAZEAUD, Loyauté, solidarité, fraternité : la nouvelle donne contractuelle?, Mélange. F.
Terré, Dalloz, Litec, 1999, p.603 ; du même auteur, Solidarisme contractuel et réalisation du contrat, in
Le solidarisme contractuel, Economica, 2004, sous la dir. L. Grynbaum et M. Nicod, p.57, n°19,p. 67 224
D. MAZEAUD, obs sous Cass com., 25 avril 2001, D. 2001, somm., p. 3237. 225
M. FABRE-MAGNAN, Pour la reconnaissance d’une obligation de motiver la rupture des contrats de
dépendance économique, in Obligation de motivation et droit des contrats, RDC. 2004, p.573, et spéc.,
p.577 : « le contractant en état de dépendance économique ne dispose en effet pas des moyens de démontrer l’abus -limite nécessaire et incontestée du droit de rompre -si son cocontractant n’est pas obligé à tout le moins d’alléguer les raisons qui l’ont conduit à rompre le contrat. A partir de là, le contrôle minimum consistera pour les juges à n’admettre que les raisons suffisamment sérieuses pour justifier le dommage causé au contractant pour lequel le contrat constitue le moyen de subsistance ».
65
D’autre part, l’exigence de motivation dans la rupture du contrat de franchise peut
se justifier par les conséquences économiques graves que subit le franchisé du fait de
cette rupture, conséquences allant parfois jusqu’à l’arrêt définitif de son activité
commerciale226
.
A l’inverse, d’autres auteurs contestent cette analyse. Ils refusent de mettre à la
charge du franchiseur qui ne souhaite pas renouveler le contrat à l’échéance une
obligation de motiver sa décision227
. A leurs yeux, le franchiseur doit être libre de ne
pas procéder au renouvellement du contrat dont le terme est échu. Aucune motivation
dans sa décision ne doit être exigée de lui. Décider autrement, estiment-ils, pourrait
établir une rigidité dans les réseaux de distribution et créer ainsi des rentes de
situation228
.
226
D. MAINGUY, Remarques sur les contrats de situation et quelques évolutions récentes du droit des
contrats, n°16, p.176, et spéc., p.177 : « Au soutien d’une telle exigence, un premier argument résulte de l’analyse des conséquences de la rupture d’un contrat de situation. Au-delà de la simple contemplation des intérêts du contractant, la situation future de l’entreprise se prête à l’observation. La fin du contrat risque d’emporter l’arrêt de son activité s’il ne trouve pas de solution de remplacement, justifiant l’observation des conséquences de la rupture sur l’entreprise en elle–même, à travers ses dirigeants, la collectivité du personnel, ses associés, ses fournisseurs ou clients : tous perdent un travail, un emploi ou un marché ». 227
M. MALAURIE-VIGNAL, Droit de la distribution, Sirey, 2006, n 677, p.183 ; Y. MAROT, obs sous.
CA Paris, 12 janvier 2005, LPA 8 décembre 2005, p.9 ; D. FERRIER, Une obligation de motiver ?, in
Obligation de motivation et droit des contrats, RDC. 2004, p.558 ; M. BEHAR-TOUCHAIS, Motivation
et agrément, RDC. 2003, p.152 ; B. FAGES, Des motifs de débat, in Obligation de motivation et droit
des contrats, RDC. 2004, p. 563 ; J.-P. CHAZAL, Les nouveaux devoirs des contractants : est–on allé
trop loin ? in La nouvelle crise du contrat Dalloz, 2003, p. 99, et spéc., p.122. 228
Y. MAROT, obs. CA Paris, 12 janvier 2005, LPA 8 décembre 2005, p.9, et spéc, 15 : « … le franchiseur doit être libre de l’admission à l’origine de tout franchisé dans son réseau, tout comme il doit être libre de maintien de ce même franchisé dans le réseau lors du renouvellement du contrat. En effet, le réseau a évolué depuis la date à laquelle le franchisé est entré ; des membres sont entrés et sortis du réseau, l’environnement économique a évolué, le savoir-faire s’est généralement enrichi. Les conditions qui ont pu prévaloir lors de l’admission à l’origine ont donc changé et la candidature doit pouvoir être réexaminée par le franchiseur dans une totale liberté ».
Dans le même sens, J.-P. CHAZAL, Les nouveaux devoirs des contractants : est–on allé trop loin ? in La
nouvelle crise du contrat Dalloz, 2003, p. 99, et spéc., p.122. : «(…) il serait inopportun d’admettre un devoir de motiver la résiliation des contrats de distribution .En premier lieu, il faudrait s’entendre sur le contenu de la motivation .Quels sont les motifs qui légitimeraient une résiliation du contrat indépendamment de toute inexécution ? Difficile à dire, mais la jurisprudence élaborée à propos du mandat d’intérêt commun laisser présager l’instauration d’une regrettable rigidité dans les réseaux de distribution, créant ainsi des rentes de situation. En second lieu, si l’on convient que les motifs qui animent l’auteur de la résiliation ne sont pas indifférents, ils ne forment pas le cœur du problème. En effet, le principal est de ne pas causer à son partenaire un préjudice insupportable en ne respectant pas un minimum d’équilibre économique. Or, pour l’appréciation d’un éventuel déséquilibre causé par la rupture ou le non–renouvellement d’un contrat, la durée, en ce qu’elle permet de rentabiliser les investissements, est une valeur économique qu’il faut peser dans la balance des obligations et des droits réciproques .La commutativité (art.1104), la cause (art.1131c .civ.) et l’équité (art.1135 c.civ.) sont donc les notions idoines pour sanctionner les déséquilibres injustes causés par la décision de rupture ».
66
D’ailleurs, la mise éventuelle d’une telle obligation à la charge du franchiseur
emporterait une présomption d’exercice abusif du droit de ne pas renouveler le
contrat229
. Celui-ci sera censé avoir abusé de son droit au non-renouvellement du contrat
à expiration jusqu’à ce qu’il puisse fournir une justification de sa décision. Or, cela ne
paraît pas seulement difficilement conciliable avec les règles du droit commun, mais
encore remettrait en cause la présomption de bonne foi230
. Enfin, pour écarter toute
éventuelle mise en œuvre d’une obligation de motivation à la charge du franchiseur, un
auteur observe que l’exigence de motivation dans le non-renouvellement ou dans la
rupture du contrat de manière générale aurait pour corollaire l’exercice d’un contrôle
régulier par le juge, ce qui serait sans doute excessivement lourd pour les tribunaux231
.
63. L’obligation de motivation, solution justifiée, mais non idéale. L’instauration
d’une obligation de motivation à la charge du franchiseur qui ne désire pas renouveler le
contrat à son échéance pourrait conduire à instaurer, au moins relativement, un équilibre
dans les relations contractuelles entre franchiseur et franchisé232
, équilibre qui paraît, au
moins, jusqu' à alors, toujours introuvable233
. D’ailleurs, elle peut se justifier par des
raisons économiques. La rupture du contrat de franchise par le non-renouvellement ou
pour toute autre cause expose le franchisé évincé du réseau à des conséquences
économiques désastreuses. Contrairement au franchiseur qui trouve le plus souvent
facilement un autre franchisé à qui accorder l’exploitation de la franchise, le franchisé
se trouve fréquemment placé dans une situation délicate, sans aucune solution de
rechange équivalente234
.
229
D. FERRIER, Une obligation de motiver?, in Obligation de motivation et droit des contrats, RDC avril
2004, p.558, et spéc., n°8, p.561. 230
Ibid. 231
M. BEHAR-TOUCHAIS, Motivation et agrément, RDC. 2003, p.152, et spéc., p.154 et s. 232
En ce sens, D. MAZEAUD, Durée et rupture, op.cit, n° 24, p.146 et s : « Instrument de contrôle du pouvoir unilatéral que détient un contractant sur le sort du lien contractuel, l’obligation de motivation paraissait pourtant appropriée pour que soit établi un équilibre minimum entre, d’une part, la liberté de principe qui doit être reconnue au concédant de changer de cocontractant, et donc de rompre unilatéralement ou de ne pas renouveler le contrat, d’autre part, la sécurité du concessionnaire que la rupture du contrat place inéluctablement dans une situation économique et sociale pour le moins délicate ». 233
J. BEAUCHARD, Droit de la distribution et de la consommation, PUF 1996, p.190. 234
Sur la situation du franchisé en fin du contrat, v. J. BEAUCHARD, La nécessaire protection du
concessionnaire et du franchisé à la fin du contrat, in Mélanges. Ph. Le Tourneau, Dalloz, 2008, p.37, et
spéc., p.41 : « Si le contrat est rompu ou n’est pas renouvelé à son terme, il est rare que le concessionnaire ou le franchisé puisse se reconvertir facilement, ou même survive (économiquement). Le concessionnaire qui perd sa concession ne peut céder un fonds de commerce, puisque le fonds n’a pratiquement aucune valeur sans le contrat. La reconversion même de ses locaux n’est pas toujours facile et ne se fait jamais sans nouveaux investissements. Le franchisé qui perd son contrat, ne peut lui non plus, céder son fonds de commerce. Et, en générale, il ne peut même pas céder son droit au bail puisque
67
Il aura de la peine à se lier à un autre réseau de franchise, ne serait-ce que parce
qu’il est généralement lié par une clause de non-concurrence lui interdisant, pendant un
certain délai, d’exercer son activité ou toute autre activité similaire.
S’ajoute à cela que les investissements, parfois gigantesques, qui se trouvent
souvent imposés à lui par le franchiseur, deviennent inutiles. Il serait, dans beaucoup de
cas, difficile pour le franchisé évincé de réutiliser les installations qu’il avait mises en
place à l’occasion de l’exécution du contrat ou même de les écouler, d’autant plus que
de telles installations n’ont bien souvent d’utilité que dans le domaine de la franchise235
.
Tout cela peut entraîner pour le franchisé évincé non seulement d’énormes préjudices,
mais aussi parfois le ruiner et le faire disparaître totalement et de manière définitive de
la scène commerciale. Dès lors, la prise en considération d’une telle situation
économique, que peut connaître le franchisé évincé à la fin du contrat, mériterait
d’imposer une obligation de motivation à la charge du franchiseur lors du non-
renouvellement du contrat.
En effet, et comme le relèvent certains auteurs, s’il est incontestable que
l’économie ne peut dans tous les cas dicter la solution juridique à adopter, elle permet
néanmoins de fournir « une série d’arguments en faveur de l’adoption de telle ou telle
règle de droit ou au contraire démontrent l’inefficacité ou les effets pervers de telle ou
telle autre règle »236 .
celui-ci, dans la plupart des cas, ne peut l’être qu’à un successeur dans le fonds. Sans compter que le contrat comporte fréquemment une clause de non -concurrence ». V. aussi J. BEAUCHARD, Droit de la
distribution et de la consommation, PUF 1996, p.190 ; Ph. Le TOURNEAU, Le franchisage,
Economica, 1994, p.47, et s. 235
R. BALD, Le droit de la distribution commerciale dans l’Europe communautaire, Bruylant 1988,
p.141. L’auteur a fait remarquer que le non renouvellement du contrat de franchise par le franchiseur peut
placer le franchisé dans une situation qui peut être fort délicate si l’essentiel des amortissements n’a pas
été effectué faute de temps. C’est sur cette base que l’on s’est demandé si les caractéristiques particulières
du contrat de franchise ne justifieraient pas une plus grande protection du franchisé que des
concessionnaires exclusifs, par l’instauration de délais plus longs. J. BEAUCHARD, Droit de la
distribution et de la consommation, op.cit. 236
J. CHESTIN et G. GOUBEAUX, avec le concours M. FABRE-Magnan, Introduction générale, LGDJ,
4e édition, 1994, n°115, p. 84, et spéc., p.85. V. aussi, R. ENCINAS de MUNAGOM, L’analyse
économique est-elle une source de droit ? Propos sur la doctrine du premier président de la Cour de
cassation, RTD civ. 2006, p.505.
68
La mise en œuvre d’une obligation de motivation à la charge du franchiseur lors du
non-renouvellement du contrat peut également trouver une raison justificative dans la
nature même du contrat de franchise. En fait, celui-ci est un contrat d’intérêt
commun237
. Bien qu’ils soient juridiquement indépendants, le franchisé et le franchiseur
sont liés par une convergence d’intérêt. Les deux parties collaborent afin de réaliser un
but commun qui est la création et le développement de la clientèle. La logique de cet
intérêt commun impose, nous semble t-il, pour le franchiseur qui ne désire pas
renouveler le contrat à expiration, de justifier sa décision de rupture ou, à défaut, de
payer une indemnité au franchisé évincé238
. En outre, l’exigence de motivation aurait
pour effet d’amener le franchiseur à prendre en compte les intérêts du franchisé lors de
la prise de la décision de non- renouvellement du contrat ou de résiliation, de sorte que
sa décision soit prise après réflexion239
, ce qui reviendrait, finalement, à limiter le risque
d’arbitraire240
.
Pour autant, et malgré les avantages qu’elle présente, l’instauration d’une
obligation de motivation à la charge du franchiseur lors du non-renouvellement du
contrat ne paraît pas la solution idéale susceptible de fournir une bonne protection aux
franchisés comme aux concessionnaires à la fin de leur contrat241
. Obliger le franchiseur
ou le concédant à motiver son refus de renouveler le contrat, à défaut de quoi, celui-ci
sera jugé abusif et donc engagera sa responsabilité « manquerait encore d’efficacité
puisque le remède ne serait que curatif »242.
237
Favorable à cette qualification, Ph. Le TOURNEAU, Les contrats de franchisage, Litec, 2003, n°275,
p.98, et spéc., n° 277, p.99. V. également, D. MATRAY, Introduction générale, in Le contrat de
franchise, Bruylant, 2001, Séminaire organisé à Liège Le 29 septembre 2000, p.7 ; A. BRUNET,
Clientèle commune et contrat d’intérêt commun, in Mélanges. A. Weill, Dalloz Litec 1983, p.85 ; T.
HASSLER, L’intérêt commun, RTD com. 1984, p.581, et spéc.,p. 625. 238
V. Ph. Le TOURNEAU, Les contrats de franchisage, Litec, 2e édition, 2007, n° 656, p.288. L’auteur
s’interroge sur le point de savoir s’il ne faudrait pas que la décision de non - renouvellement du contrat de
franchise soit motivée en raison de son caractère d’intérêt commun : « Peut- être faudrait-t-il cependant qu’il fût motivé, à raison du caractère d’intérêt commun du contrat, depuis que cette expression a été employée par la loi du 31 décembre 1989 ». 239
Th. REVET, L’obligation de motiver une décision contractuelle unilatérale, instrument de vérification
de la prise en compte de l’intérêt de l’autre partie, in Obligation de motivation et droit des contrats, RDC
avril 2004, p. 579, et notamment n° 5, p.583. 240
X. LAGARDE, La motivation des actes juridiques, La motivation, TAHC, LGDJ, 2000, p.78 : « La
motivation oblige à la réflexion en sorte qu’elle limite à la source le risque d’arbitraire » 241
En ce sens, J. BEAUCHARD, La nécessaire protection du concessionnaire et du franchisé à la fin du
contrat, in Libre droit, Mélanges. Ph. Le Tourneau, Dalloz, 2008, p. 37, et spéc., p.47. 242
Ibid.
69
La raison en est que les litiges concernant la rupture du contrat, « sont aléatoires
et trop longs. Ce sont des litiges qui vont toujours en appel, sinon en cassation compte
tenu des intérêts en jeu, cruciaux pour l’une des parties au moins. Il s’écoule facilement
cinq ou six ans, voire plus en cas de cassation, avant qu’une décision définitive soit
rendue, laquelle se traduit essentiellement par des dommages-intérêts, en général
insuffisants et qui viennent trop tard : le mal est fait, l’entreprise du concessionnaire ou
du franchisé est alors en liquidation judiciaire et les dommages-intérêts ne viennent
combler bien souvent qu’une partie du passif, qui entre-temps, a crû
considérablement »243.
Au lieu d’instaurer une obligation de motivation dans le non-renouvellement ou
dans la résiliation unilatérale du contrat lorsque celui-ci est conclu pour une durée
indéterminée, il paraît opportun d’octroyer aux franchisés comme aux concessionnaires
une indemnité à la fin de leur contrat244
. Cette indemnité, reconnue par la loi, peut être
fondée sur la participation du franchisé au développement de l’activité du franchiseur.
Toutefois, ce n’est pas du droit positif. La jurisprudence refuse constamment non
seulement de reconnaître aux franchisés le droit d’une indemnité en fin de contrat, autre
que celle qui serait due en cas de rupture fautive, mais encore de mettre à la charge du
franchiseur une obligation de motivation lors de non-renouvellement.
64. Réticence jurisprudentielle. En effet, la jurisprudence tient fermement au principe
de la liberté de renouveler un contrat à son échéance245
. Elle refuse d’imposer au
franchiseur, qui ne veut pas renouveler le contrat, une obligation de motiver sa décision.
Selon elle, libre de s’engager, le franchiseur doit être libre de se libérer d’un tel
engagement. Il peut donc librement refuser de renouveler le contrat à son terme sans
être tenu de justifier sa décision. Cette solution est rappelée par une jurisprudence
constante.
243
Ibid. 244
J. BEAUCHARD, La nécessaire protection du concessionnaire et du franchisé à la fin du contrat,
op.cit. 245
V. D. MAZEAUD, La politique contractuelle de la Cour de cassation, in Libres propos sur les sources
du droit, Mélanges. Ph. Jestaz, Dalloz, 2006, p. 371.
70
Dans un arrêt du 6 mai 1997, le Tribunal de commerce de Paris a jugé que le non-
renouvellement était un droit appartenant au franchiseur qui pouvait l’exercer sans qu’il
soit tenu de justifier sa décision246
. La même solution a été ultérieurement réaffirmée
par la Cour d’appel de Paris dans un arrêt du 12 janvier 2005247
. Dans cet arrêt, celle-ci
a jugé que le franchiseur n’était pas tenu de justifier les motifs du non-renouvellement,
et par conséquent, le tribunal ne pouvait procéder à aucun contrôle des motifs. En
jugeant ainsi, la Cour d’appel de Paris a voulu s’aligner sur la jurisprudence de la Cour
de cassation rendue en matière de contrat de concession. Dans ce dernier, la Chambre
commerciale a affirmé que le concédant « n’avait pas à donner de motifs au non-
renouvellement du contrat (…) que ceux-ci fussent-ils fallacieux ou non sérieux, ne
pouvaient constituer un abus, et que l’examen des motifs de rupture invoqués (…] était
inutile »248.
Une telle réticence de la part de la jurisprudence à l’égard de l’instauration d’une
obligation de motivation à la charge du franchiseur ou du concédant lors du non-
renouvellement du contrat, s’explique, sans doute, par le souci de préserver la liberté de
celui-ci. En effet, « un véritable contrôle des motifs de la rupture, cela abouti à exiger
une cause légitime de rupture et à restreindre ainsi excessivement la liberté de
rompre »249.
65. Synthèse. Le principe est la liberté de mettre fin à un contrat de franchise à
l’échéance de son terme. Le franchiseur comme le franchisé est libre de ne pas procéder
au renouvellement du contrat venu à expiration. Il n’est pas tenu de motiver sa décision.
Par conséquent, les motifs invoqués par le franchiseur ne peuvent donc donner lieu à
aucun contrôle judiciaire. Une telle attitude de la jurisprudence, favorable au
franchiseur, s’explique par la volonté de ne pas restreindre la liberté contractuelle de ce
dernier.
246
T. com. Paris, 6 mai 1997, LPA 31 août 2000, n° 174, p.4, obs. Y. MAROT. 247
CA Paris, 12 janvier 2005, LPA 8 décembre 2005, n° 244, p.9, obs. Y. MAROT. 248
Cass. com., 25 avril 2001, D. 2001, p. 3237, note. D. MAZEAUD 249
M. BEHAR-TOUCHAIS et G. VIRASSAMY, Les contrats de la distribution, LGDJ 1999, n° 357,
p.168 et s.
71
66. Conclusion de la section I. Au terme de cette section, on constate que, sauf clause
contraire, chacune des parties est libre de ne pas renouveler le contrat de franchise à son
échéance. Le franchiseur peut refuser de renouveler le contrat à son terme et aller
ailleurs conclure un nouveau contrat avec un nouveau franchisé. Le non -
renouvellement du contrat est un droit qui lui appartient et qu’il peut mettre en œuvre
sans qu’il soit tenu de verser une indemnité au franchisé évincé et sans même qu’il soit
tenu de motiver sa décision de ne pas renouveler le contrat. Toutefois, afin de protéger
les intérêts du franchisé, les juges recourent à l’application de la théorie de l’abus. Ils
exercent souvent un contrôle sur les circonstances dans lesquelles le non-
renouvellement est intervenu. Ils n’hésitent pas, par exemple, à engager la
responsabilité du franchiseur sur le fondement de l’abus quand ils constatent que le non-
renouvellement est intervenu de manière brusque, c'est- à- dire, sans respecter un délai
de préavis ou après avoir entretenu le franchisé dans l’espoir d’obtenir le
renouvellement du contrat et donc le maintien dans le réseau. C’est ainsi, par la voie du
droit commun et par la théorie de l’abus que le droit français entend instaurer un
équilibre entre les deux intérêts antagonistes des parties au contrat de franchise. Une
telle voie souple, qui reflète le souci de ne pas figer les relations contractuelles entre
franchiseur et franchisé, est déjà retenue dans certains systèmes juridiques étrangers.
72
SECTION II – LES SOLUTIONS DU DROIT COMPARÉ.
67. Regard comparatiste. La recherche d’un équilibre entre les intérêts du franchiseur
et ceux du franchisé nous amène à jeter un regard sur certains droits étrangers tels que le
droit américain (§ 1.), le droit saoudien (§ 2) et enfin le droit russe (§ 3). Il s’agit de
savoir comment ces droits traitent le problème de la rupture des relations contractuelles
liant le franchiseur au franchisé par le non-renouvellement du contrat de franchise venu
à expiration.
§ 1. En droit américain
68. Priorité à la protection du franchisé. Aux États-Unis, les contrats de franchise
sont typiquement conclus pour une durée déterminée250
. Cette durée varie d’un secteur à
un autre. Elle est généralement de cinq à dix ans251
. Quelle que soit la durée du contrat
de franchise, il est à noter que les franchisés bénéficient dans certains États des États-
Unis d’une protection considérable. Sensibles à leur situation précaire et aux préjudices
parfois énormes auxquels les exposent la cessation du contrat, certains Etats leur
reconnaissent un droit au renouvellement du contrat à son échéance. Selon le droit
positif de ces États252
, la liberté du franchiseur de rompre le contrat est restreinte. A
défaut d’une juste cause, telle la carence du franchisé dans l’exécution de ses
obligations ou la nécessité de procéder à une réorganisation du réseau, le franchiseur ne
peut refuser au franchisé le renouvellement du contrat, sous peine d’engager sa
responsabilité pour rupture irrégulière.
250
T. RONALD, J. COLEMAN, J. SCHUMACHER, Annual Franchise and Distribution Law
Developments, ABA, 2005, p35. V. aussi, J. BRICKLY et F. DARK, The economic effects of franchise
termination laws, Journal of Law & Economics, vol .XXXIV, April 1991, p.101. 251
T. RONALD, J. COLEMAN, J. SCHUMACHER, op.cit. 252
Ces États sont les suivants : Californie, Illinois, Indiana, Maryland, Michigan, Delaware, Virginie,
Washington, Wisconsin, Minnesota, Nebraska, Connecticut et New Jersey. V. J. BRICKLY et F.
DARK,The economic effects of franchise termination laws, op.cit., p.113.
73
Même en présence d’une juste cause, le franchiseur est tenu de respecter un délai
de préavis pour le non-renouvellement d’au moins soixante jours253
. C’est ainsi que la
Cour suprême du New Jersey a, dans un arrêt du 29 juin 1981, condamné un franchiseur
qui n’avait pas renouvelé un contrat de franchise au motif qu’il voulait vendre son fonds
de commerce pour des raisons financières254
. La Cour a retenu que cette raison
économique n’était pas suffisante pour permettre au franchiseur de refuser le
renouvellement du contrat qui est un droit pour le franchisé.
La même solution a été récemment reprise par un arrêt du 27 août 2004255
. En
l’espèce, un contrat de franchise a été conclu pour une durée déterminée. Peu avant
l’échéance du terme, le franchiseur a informé le franchisé qu’il ne renouvellerait pas le
contrat au motif qu’il n’avait pas satisfait au minimum des obligations que le contrat de
franchise met à sa charge. Le franchisé estimait infondé ce refus du renouvellement du
contrat de la part du franchiseur. Il l’a donc assigné en justice pour rupture irrégulière
du contrat. Les juges du fond ont fait droit à sa demande et ont condamné le franchiseur
pour non-renouvellement fautif. La Cour a retenu, d’une part, qu’aucun manquement
contractuel ne pouvait être reprocher au franchisé lors de la prise de la décision du non-
renouvellement du contrat. Et d’autre part, les manquements que le franchiseur
reprochait au franchisé n’étaient survenus que postérieurement à sa décision de ne pas
renouveler le contrat et qu’ils n’étaient pas suffisamment graves pour justifier son refus
de renouvellement. Une telle restriction apportée à la liberté du franchiseur de mettre fin
au contrat lorsque celui-ci vient à expiration s’explique, pour certains256
, par l’intérêt
commun qui caractérise le contrat de franchise.
253
Ainsi en est-il, par exemple, dans l’État de New Jersey où la loi prévoit que le franchiseur ne peut
refuser le renouvellement du contrat de franchise à l’échéance qu’en présence d’un motif légitime et avec
le respect d’un préavis de soixante jours. 254
V. K-M. GNUVA, Le déséquilibre inhérent à la relation de franchise : étude comparative du droit
français et du droit américain, th., Nice. 1997, p.231 et la jurisprudence citée. 255
333 F. Supp. 2d 25, ( Aug. 27, 2004), Annual Franchise and Distribution Law Developments, par T.
RONALD, J. COLEMAN, J. SCHUMACHER, ABA, 2005, p.49. 256
En ce sens, H. R. BRUNO, Franchise Law Journal, spring 2002, volume 21, n° 4, p.204 et s. V. aussi,
J. BRICKLY et F. DARK, The economic effects of franchise termination laws, Journal of Law &
Economics, vol .XXXIV, April 1991, p.101, et spec., p.113 et s.
74
Le franchiseur et le franchisé collaborent afin de réaliser un but commun qui est la
création et le développement de la clientèle. Par voie de conséquence, le franchisé doit
avoir droit au renouvellement du contrat, sauf motif légitime257
. Toutefois, il faut noter
que cette situation avantageuse dont bénéficient les franchisés ne se retrouve que dans
certains États des États-Unis. Dans d’autres, le principe est la liberté pour le franchiseur
de ne pas renouveler le contrat venu à expiration.
69. Priorité à la protection de la liberté du franchiseur. Si certains États des États-
Unis semblent favorables à la protection du franchisé en instaurant un droit au
renouvellement du contrat à son profit, il n’en va pas de même pour la majorité des
Etats qui sont soucieux de la protection de la liberté du franchiseur.
En effet, selon le droit positif de la plupart des États des Etats-Unis, le principe est
que le franchiseur demeure libre de renouveler ou non le contrat venu à expiration. Il
peut refuser de procéder au renouvellement du contrat de franchise à l’échéance sans
pour autant qu’il soit tenu de justifier sa décision par quelle que cause que ce soit ou
payer une indemnité au franchisé, évincé du réseau258
. Une partie de la doctrine
américaine approuve cette solution. Elle considère que si la recherche d’une protection
du franchisé est tout à fait légitime, elle ne doit pas pourtant pas se faire au détriment
des intérêts du franchiseur et du réseau dans son ensemble259
. Selon elle, restreindre la
faculté du franchiseur de ne pas renouveler le contrat à expiration en exigeant de lui que
le non- renouvellement soit justifié par une juste cause ou, à défaut, d’indemniser le
franchisé évincé pourrait entraîner une augmentation des frais économiques de
l’assistance, des contrôles exercés par le franchiseur sur la qualité des produits ou des
services offerts par leur réseau aux clients260
.
257
Ibid. 258
V. T. RONALD, J. COLEMAN, J. SCHUMACHER, Annual Franchise and Distribution Law
Developments, ABA 2005, p35 et s ; M. ABELl, Termination of international franchise agreement,
Solicitors Journal .February, 1992, p.145 ; J. BRICKLY et F. DARK, The economic effects of franchise
termination laws, Journal of Law & Economics, vol .XXXIV, April 1991, p.101, et spec., p. 104 et s. 259
V. J. BRICKLY et F. DARK, The economic effects of franchise termination laws, Journal of Law &
Economics, op.cit, p. 101. 260
Ibid.
75
Autrement dit ; cela entraînerait, d’une part, une hausse des prix non seulement
pour l’adhésion aux réseaux de franchise, mais aussi pour les produits et les services
offerts au consommateur, et, d’autre part, une diminution de l’attraction des
investissements dans le domaine de la franchise, ce qui pourrait provoquer sa
destruction261
. Toutefois, il faut souligner que si le principe est la liberté du franchiseur
de procéder ou non au renouvellement du contrat, cela ne signifie pas pour autant que
ces États sont insensibles à la protection des franchisés. En effet, les tribunaux de ces
états limitent parfois le droit pour le franchiseur de ne pas renouveler le contrat
lorsqu’ils constatent que le franchisé a mis en place des investissements énormes pour
l’exploitation de la franchise et que ces investissements n’ont pas pu être amortis sur la
durée du contrat.
C’est ce qu’illustre l’affaire Atlantic Richfield v. Razumic262. Dans cette affaire,
bien que le contrat n’ait pas prévu un droit au renouvellement et que le franchiseur n’ait
pas laissé entendre au franchisé que le contrat serait renouvelé, la Cour a décidé que les
investissements consentis par le franchisé et les efforts effectués pour la bonne
exécution du contrat pouvaient justifier que ce dernier ne soit pas rompu suite à la
décision arbitraire du franchiseur de terminer leur rapport contractuel. Cette tendance
chez les juges, qui vise à protéger le franchisé auquel aucun manquement ne peut être
reproché contre la perte de ses investissements, a été réaffirmée récemment par la Cour
d’appel du Maryland dans un arrêt du 4 avril 2005263
.
En l’espèce, un contrat de franchise a été conclu entre la société National Budget
Rent a Car (le franchiseur) et la société Maryland Budget (le franchisé), et cela en vue
de mettre en place un système de franchise de location de voitures. Ce contrat prévoyait
que le franchiseur disposait du droit de mettre fin au contrat sous la seule réserve de
respecter un délai de préavis.
261
Ibid. 262
V. K - M. GNUVA, Le déséquilibre inhérent à la relation de franchise : étude comparative du droit
français et du droit américain, th., Nice 1997, p.230 et la jurisprudence citée. 263
Md. Ct. Spec. App. ( Apr. 4, 2005), in Annual Franchise and Distribution Law Developments, par T.
RONALD, J. COLEMAN, J. SCHUMACHER ABA 2005, p.43.
76
Quelque temps plus tard, le franchisé a conclu un contrat de sous-franchise avec la
société DMF. Ce contrat prévoyait que si le contrat de franchise principal prenait fin, le
contrat de sous-franchise prendrait aussi fin. Satisfaites de leur collaboration
contractuelle, les deux sociétés Maryland Budget et DMF ont convenu de conclure un
nouveau contrat de sous-franchise pour une durée de cinq ans renouvelable par durée
d’un an. Or, quelque temps après la mise en œuvre du contrat de sous-franchise, le
franchiseur principal (la société National Budget Rent a Car) a notifié à la société DMF
sous-franchisée qu’ il avait racheté la société Maryland Budget et qu’il entendait mettre
fin à la sous-franchise. La société DMF contestait cette rupture et la qualifiait d’injuste.
Elle a donc assigné le franchiseur principal pour rupture irrégulière du contrat. Or, sa
demande a été rejetée par les juges de premier degré qui ont retenu que le contrat de
franchise principal donnait au franchiseur le droit de mettre fin au contrat quand bon lui
semblait.
La société DMF, sous-franchisé, a interjeté appel devant la Cour d’appel du
Maryland qui a donné gain de cause au franchisé. La Cour a relevé que la conclusion
par les parties d’un nouveau contrat de cinq ans avait abrogé le premier prévoyant qu’au
cas où le contrat de franchise principal prenait fin, le contrat de sous-franchise de DMF
prendrait fin aussi. Elle a aussi décidé que les investissements énormes consentis par la
société DMF et les préjudices économiques considérables que pourrait subir celle-ci du
fait de la perte de ces investissements justifiait que son contrat soit maintenu jusqu’au
terme qui avait été fixé. Une telle solution visant à protéger le franchisé sans restreindre
la liberté du franchiseur lors de la rupture du contrat est aussi retenue en droit saoudien
77
§ 2. En droit saoudien
70. Absence d’un droit au renouvellement. En droit saoudien264
, le contrat de
franchise ne fait pas l’objet d’une réglementation spécifique. La question de l’extinction
des rapports contractuels entre franchiseur et franchisé est traitée à la fois par les règles
relatives à l’agence commerciale et par les règles générales gouvernant le contrat
inspirées du droit musulman.
En effet, lorsqu’un contrat de franchise est conclu pour une durée déterminée, ce
contrat prend fin à l’expiration de cette durée. Les juges saoudiens font une application
rigoureuse de la loi des parties. Ils considèrent que le franchiseur comme le franchisé
retrouve sa liberté contractuelle à l’arrivée du terme. Sauf clause contraire, aucune des
parties ne bénéfice d’un droit au renouvellement du contrat à son terme. Il en résulte
que le franchiseur peut valablement refuser le renouvellement du contrat expiré sans
pour autant qu’il soit tenu de motiver sa décision ou d’indemniser le franchisé évincé du
réseau.
71. Illustration. Cette solution est constamment rappelée par la Chambre commerciale
de Diwan Al-Mazalim qui est compétente pour les affaires commerciales265
. Ainsi en
est-il, par exemple, dans l’affaire Yves Rocher266. En l’occurrence, un contrat de
franchise a été conclu entre la société française Yves Rocher (le franchiseur) et une
société saoudienne (le franchisé) pour la distribution des produits du premier en Arabie
saoudite.
264
En Arabie Saoudite, le système juridique est hybride. Des lois étatiques coexistent avec un ensemble
de normes juridiques non codifiées formant le droit musulman. Ces normes juridiques du droit musulman
sont issues de certains ouvrages doctrinaux bien précis. En effet, la non codification du droit musulman
en Arabie s’explique par l’idée de la nécessité de conserver aux juges un large pouvoir d’appréciation que
les textes légaux ne leur confèrent pas. Toutefois, cette situation de non-codification des règles en Arabie
n’emporte pas l’adhésion des jurisconsultes. Un vif débat sur la nécessité ou non de codifier le droit
musulman en Arabie est lancé depuis plusieurs décennies et est toujours d’actualité. Plusieurs voix
s’élèvent aujourd’hui pour soutenir et réclamer la codification du droit musulman. Une tentative
individuelle de codification du droit musulman selon la doctrine Hanbelite a été menée par un juge, en
1980, AHMED AL-KARI. Ce code est appelé « Magelet Al -Ahkam Al-Charaïa » ( Jeddah, 1980). Mais
il reste toujours peu efficace. 265
Diwan Al-Mazalim, est un organe judiciaire qui englobe diverses juridictions spécialisées. Il comporte
trois types de chambres : Chambre commerciale, Chambre administrative, et Chambre pénale. 266
Ch. com., Diwan Al-Mazalim, 11 novembre 1994, inédit.
78
Le contrat a été conclu pour une durée de cinq ans, renouvelable par tacite
reconduction pour une durée identique, sauf si l’une des parties manifeste, six mois
avant l’échéance du terme, sa volonté de ne pas renouveler le contrat. Six mois avant
l’échéance, conformément au contrat, le franchiseur a notifié au franchisé que le contrat
ne serait pas renouvelé à expiration, au motif que ce dernier n’avait pas satisfait aux
obligations que le contrat mettait à sa charge. Le franchiseur reprochait au franchisé le
mauvais chiffre d’affaires qu’il avait réalisé. Estimant abusif le non-renouvellement du
contrat par le franchiseur, le franchisé l’a assigné en dommages et intérêts pour rupture
abusive et en indemnité pour les frais qu’il avait exposés pour la promotion et le
développement de sa marque et de ses produits. Le franchisé invoquait devant les juges
que le non-renouvellement du contrat par le franchiseur n’était pas justifié étant donné
que le mauvais chiffre d’affaires que celui-ci lui reprochait était dû à son manquement
répété à son obligation de fourniture.
Or, la Chambre commerciale a rejeté sa demande d’indemnisation en relevant que
le non- renouvellement du contrat par le franchiseur ne constituait que l’exercice de son
droit et que seul l’abus de ce droit pouvait engager sa responsabilité. Pour la demande
d’indemnité, la Chambre commerciale a estimé qu’en l’absence de clause lui
reconnaissant le droit à une indemnité en cas de cessation des relations contractuelles, le
franchisé ne pouvait invoquer le droit à être indemnisé des frais qu’il avait dispensés
pour la promotion et le développement de sa marque et de ses produits. Une telle
position n’est pas celle appliquée en droit russe.
79
§ 3. En droit russe
72. Une protection excessive. Dans les États de l’ex - RURSS, le contrat de franchise
n’est pas réglementé. L’extinction des relations contractuelles entre franchiseur et
franchisé est traitée par les règles du droit commun des contrats ainsi que par les règles
relatives à l’agent commercial267
.
Dans les États de l’ex-URSS, le contrat de franchise peut être conclu sans terme.
Dans cette hypothèse, le droit russe reconnaît à chacune des parties une faculté de
résiliation unilatérale avec l’exigence de respecter un préavis. Mais la plupart du temps,
le contrat de franchise est affecté d’un terme. Il est conclu pour une durée déterminée. A
l’expiration de cette durée, le franchisé bénéfice d’une protection considérable, voire
même excessive par rapport à tous les droits étrangers que nous avons pu voir
précédemment. En réalité, le franchisé bénéfice d’un droit au renouvellement à
l’expiration de son contrat si aucun manquement ne peut lui être reproché268
. Selon les
tribunaux russes, à défaut d’une carence de sa part, le franchiseur ne peut refuser de
procéder le renouvellement du contrat. S’il le refuse sans juste cause, il sera non
seulement contraint de verser une indemnité au franchisé évincé, mais aussi il se verra
interdire la possibilité de conclure des contrats similaires avec un tiers dans le même
territoire, et cela pendant une durée de trois ans à compter de la date d’expiration du
contrat269
.
73. Critique. Une partie de la doctrine russe a critiqué cette solution. Elle estime que
s’il paraît légitime de protéger le franchisé -partie en situation d’infériorité économique-
cela ne doit en aucun cas se faire au prix ou au détriment des intérêts du franchiseur.
267
V. J.-J. LECAT, Les contrats d’intermédiaires (agence, commission et franchise) et les formes
d’implantation légères en Russie, Ukraine, Belarus,et Kazakhstan, CJFE / CFCE N° 6/ 2001, p.1337,et
spéc ,p.1356. Egalement, O. GAST et L. STOUPAKOLVA, La franchise en Russie, LAP, 1994, n°111,
p. 14. 268
J.-J. LECAT, op.cit. .1337,et spéc ,p.1356. 269
Ibid.
80
Selon elle, une pareille protection excessive accordée aux franchisés par le droit
russe pourrait avoir des conséquences nocives non seulement sur le système de la
franchise mais également sur l’économie russe dans son ensemble. Elle peut constituer
une véritable barrière pour les franchiseurs, dont la majorité sont étrangers, d’organiser
leur réseau de franchise selon l’évolution du marché, ce qui conduirait à leur rigidité et
donc à leur destruction270
.
270
J -J. LECAT, op,cit. L’auteur critique de telle position en observant que « ces dispositions sont extrêmement pénalisantes pour le franchiseur. En effet, les contrats de franchise sont généralement conclus pour une durée relativement longue (la durée initiale moyenne des contrats proposés par les franchiseurs présents en Russie est de 5 ans) au cours de laquelle la franchise évolue tant en termes de procédés et de techniques commerciales, que de notoriété et par conséquent, le franchiseur doit pouvoir réévaluer son coût. Par ailleurs, le droit de préférence accordé au franchisé évincé suppose que celui-ci n’ait pas organisé sa reconversion pendant cette période de trois ans, ce qui semble peu probable. La portée de cette mesure de protection apparaît dès lors comme vaine ».
81
74. Conclusion de la deuxième section. Le regard comparatiste que nous avons jeté sur
certains droits étrangers illustre que la situation du franchisé paraît tantôt identique à
celle retenue en droit français, tantôt plus favorable que celle-ci. Certains droits
étrangers sont soucieux de la protection de la liberté du franchiseur. Ils retiennent le
principe qu’à défaut d’une clause prévoyant l’obligation pour le franchiseur de
renouveler le contrat, celui-ci est libre de procéder ou non au renouvellement du contrat
expiré. Aucune indemnité, ni motivation ne sera exigée de lui. Selon ces droits, ce n’est
qu’en cas de non- renouvellement abusif de la part du franchiseur que celui-ci sera tenu
d’indemniser le franchisé évincé du réseau. C’est ainsi la position du droit saoudien et
de certains États des États-Unis.
D’autres droits, à l’inverse, se montrent plus soucieux de la protection du franchisé.
Ils considèrent que ce dernier dispose d’un droit au renouvellement du contrat à son
échéance. Sauf manquement grave de sa part ou un besoin prépondérant de procéder à
une réorganisation dans le réseau de franchise, le franchiseur ne saurait refuser le
renouvellement du contrat, sous peine d’être contraint à lui verser une indemnité. Telle
est la position du droit russe et celle de certains États des États -Unis.
82
75. Conclusion du chapitre I - La règle est la liberté contractuelle. Libre de s’engager
dans leurs relations contractuelles, les parties à un contrat de franchise sont aussi libres
de se désengager. A l’arrivée du terme, aucune des parties ne saurait prétendre avoir
droit au renouvellement du contrat de franchise, sauf clause contraire. Ni le franchisé ni
le franchiseur ne saurait être contraint à maintenir son contrat au-delà du terme. Ce
dernier peut mettre fin à la relation contractuelle le liant au franchisé par le non-
renouvellement du contrat à son terme. Le franchisé ne saurait prétendre avoir droit à
une indemnité pour le préjudice qu’il subit du fait du non - renouvellement du contrat
par le franchiseur, sauf s’il démontre que le refus de renouvellement est abusif.
En dehors de l’expiration du contrat liée à sa durée déterminée, le contrat de
franchise peut prend fin par la résiliation, que celle-ci soit bilatérale ou unilatérale
lorsqu’il est conclu pour une durée indéterminée.
83
CHAPITRE II - EXTINCTION DU CONTRAT DE FRANCHISE
PAR LA RESILIATION
76. Présentation générale et plan. Le franchiseur et le franchisé peuvent ne pas fixer
un terme extinctif de leur relation contractuelle et conclure un contrat à durée
indéterminée. Il peut en être ainsi soit parce qu’ils envisagent, par exemple, dès le
début, d’établir une relation contractuelle longue dont la durée ne peut être fixée de
manière exacte lors de la conclusion du contrat ; soit parce qu’ils ont poursuivi leur
contrat initial au-delà du terme pour lequel il a été stipulé sans fixer un terme, ce qui est
souvent le cas en pratique. Dans ce dernier, le contrat de franchise étant à l’origine un
contrat à durée déterminée, il se transforme en contrat à durée indéterminée. Peu
importe la raison pour laquelle les parties ont eu recours à la conclusion d’un contrat de
franchise à durée indéterminée, dans ce dernier, la résiliation unilatérale constitue le
mode normale d’extinction des relations contractuelles entre franchiseurs et franchisés
(Section I). Toutefois, il convient de noter qu’en dehors de toute durée du contrat de
franchise, le franchiseur et le franchisé peuvent librement aménager à l’amiable la
disparition de leur relation contractuelle, que celle-ci soit à durée indéterminée ou à
durée déterminée, en résiliant bilatéralement le contrat avant même son échéance
(SectionII).
84
SECTION I - RESILIATION UNILATERALE DES CONTRATS DE
FRANCHISE A DUREE INDETERMINEE
77. Liberté de rupture et ses limites. Lorsqu’un contrat de franchise est conclu pour
une durée indéterminée, le principe est que chacune des parties peut y mettre fin
unilatéralement à tout moment (§ 1). Cette faculté de rupture unilatérale réciproque
constitue le droit commun des contrats à durée indéterminée. Elle se justifie par le souci
de protéger la liberté contractuelle des parties contre tout engagement perpétuel. La
règle est qu’aucun ne peut être tenu pour l’indéfini. Toutefois, si le principe est la liberté
de la rupture unilatérale dans les contrats de franchise à durée indéterminée, ce principe
n’est pas toutefois sans présenter de réels dangers. Il peut être de nature à fragiliser la
stabilité des relations contractuelles entre franchiseur et franchisé. C’est pourquoi
certains tempéraments y ont été apportés en pratique (§ 2).
§ 1. Le principe de libre rupture unilatérale
78. Plan. En matière de contrats de franchise à durée indéterminée -et en matière de
contrats à durée indéterminée de manière générale-, il existe un droit de résiliation
unilatérale reconnu à chacune des parties (A), droit de résiliation unilatérale dont il
convient d’étudier le fondement (B)
85
A. L’existence d’un droit de résiliation unilatérale du contrat reconnu aux deux
parties
79. Caractère d’ordre public. Lorsqu’un contrat de franchise est conclu pour une
durée indéterminée, chacune des parties peut y mettre fin unilatéralement sous réserve
de respecter un délai de préavis271
. Le franchisé comme le franchiseur dispose en effet,
en la matière, d’un droit de résiliation unilatérale272
. Ce droit, doté désormais d’une
valeur constitutionnelle273
, est d’ordre public274
. Il en résulte que chacune des parties ne
pourra renoncer à l’avance à l’exercice de son droit de résiliation. De même, toute
clause l’ôte de ce droit sera sanctionnée par la nullité absolue275
.
80. Droit potestatif mais pas discrétionnaire. Outre son caractère d’ordre public, le
droit de résiliation unilatérale, dont bénéfice chacune des parties à un contrat de
franchise à durée indéterminée, est un droit potestatif. Sa mise en œuvre dépend de la
seule volonté arbitraire de celui qui souhaite y recourir276
. Le franchiseur, par exemple,
peut faire usage de son droit de rompre et de mettre fin au contrat indépendamment du
consentement de son franchisé. Par contre, celui-ci ne saurait que subir les
conséquences.
271
T. com. Parsi. Juris-Data n° 2006-314649 ; CA Paris, 2 avril 2003, Juris-Data, n° 2003-211259 ; CA
Paris, 27 novembre 1985, Juris-Data n° 1985-027632. 272
V. M. BEHAR-TOUCHAIS et G. VIRASSAMY, Les contrats de la distribution, LGDJ, 1999, n° 332,
p. 151; J. MESTRE, Résiliation unilatérale et non- renouvellement dans les contrats de distribution, in La
cessation des relations contractuelles d’affaires , PUAM 1997 , p.13 , p.19. 273
Cons-const 9 novembre 1999, déci n° 99-419 DC, JO 16 novembre 1999, p.16962 ; RTD civ. 2000 ,
p.109, obs. J. MESTRE et B. FAGES : «Considérant que, si le contrat est la loi commune des parties , la liberté qui découle de l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et citoyen de 1789 justifie qu’un contrat de droit privé à durée indéterminée puisse être rompu unilatéralement par l’un ou l’autre des contractants, l’information du contractant du cocontractant, ainsi que la réparation du préjudice éventuel résultant des conditions de la rupture, devant, toutefois, être garanties ». 274
J. AZEMA, La durée des contrats successifs, th., précitée, n°192 , p.153. 275
V. en ce sens, J. AZEMA, th., précitée. 276
Le droit potestatif a été défini comme comme « le pouvoir, pour son titulaire, d’influer sur une situation juridique préexistante en la modifiant, l’éteignant ou en en créant une nouvelle, par sa volonté unilatérale et sans que son partenaire, placé dans une position de totale sujétion, puisse y faire obstacle ». J. ROCHFELD, « Les droits potestatifs accordés par le contrat », in Le contrat au début du
XXIe siècle, Mélanges J. Ghestin, LGDJ, 2001, 747, et spéc., n° 3, p. 748. V. L. AYNES, Rapport
introductif, in L’unilatéralisme et le droit des obligations, sous la dir. Ch. Jamin et D. Mazeaud,
Economica,, 1999, p.3 ; I. NAJJAR, Le droit d’option, contribution à l’étude du droit potestatif et de l’acte
unilatéral, LGDJ, 1967, préface P. Raynaud.
86
Dire autrement et soumettre la mise en œuvre du droit la résiliation unilatérale au
consentement mutuel des deux parties serait non seulement vider ce droit de son
essence, mais également laisser l’une des parties « à la merci de l’autre qui pourrait à
son gré la retenir perpétuellement dans les liens contractuels »277
. Cependant, si le droit
de la résiliation unilatérale d’un contrat de franchise a durée indéterminée est un droit
potestatif, il n’est pas discrétionnaire278
. Le franchiseur ou le franchisé engagera sa
responsabilité et sera condamné à réparer tout le préjudice que son cocontractant a subi
si l’exercice de son droit de résilier le contrat paraît abusif279
. Reste maintenant à savoir
quel est le fondement du droit de la résiliation unilatérale.
B. Fondement juridique du droit de la résiliation unilatérale
81. Fondement classique. L’existence d’un droit de résiliation unilatérale au profit des
deux parties en matière de contrats de franchise à durée indéterminée trouve son
fondement dans le principe de l’interdiction des engagements perpétuels280
.
277
J. AZEMA, th., précitée, n°182 , p.45 et s. V. également, R. LIBCHABER, Réflexions sur les
engagements perpétuels et la durée des sociétés , Rev. des sociétés, 1995, p.440, et spéc., p. 441 et s, pour
qui «il est important que ce soit une résiliation unilatérale qui mette fin au contrat ,et non un accord sur l’extinction de ses effets .A admettre qu’il faille un mutuus dissensus pour échapper à l’emprise du contrat, une partie se trouverait trop aisément livrée aux volontés de l’autre; et les intentions égales de départ ,qui avaient été de laisser le contrat en cours tant que les parties y auraient avantage , se trouveraient méconnues au bénéfice d’une seule .La résiliation unilatérale est ainsi le meilleur moyen de borner les effets d’un contrat qui n’a pas été voulu illimité , sans pour autant créer de risques de maintenir abusif dans la situation pour aucune des deux parties » . 278
Sur les droits discrétionnaires, v. A. ROUAST, Les droits discrétionnaires et les droits contrôlés, RTD civ.
1944, p.1. 279
Infra n° 281et s. 280
Lamy droit économique, 2008, n° 4960 ; Ph. Le TOURNEAU, Les contrats de franchisage, Litec,
2007, n° 779, p. 277 et s ; F -X. LICARI , La protection du distributeur intégré en droit français et
allemand , Litec, 2002, préf. C.Witz , p. 493 et s ; D. LEGEAIS, Franchise, J -CI. Commercial 2001,
Fasc. 333, n° 66, p.18 ; M. BEHAR -TOUCHAIS et G. VIRASSAMY, Les contrats de la distribution,
LGDJ, 1999, n° 332, p. 151 ; J. MESTRE, Résiliation unilatérale et non- renouvellement dans les contrats
de distribution , in La cessation des relations contractuelles d’affaires , PUAM 1997, p.13, p.19. Sur la
question de manière générale, v. D. MAZEAUD, durée et rupture du contrat, RDC ; R. ENCINAS de
MUNAGORRI, L’acte unilatérale dans les rapports contractuels, LGDJ, 1995 R. LIBCHABER,
Réflexions sur les engagements perpétuels et la durée des sociétés, Rev. des sociétés, 1995, p.440 ; P.
MORVAN, L’hypothèse des droits perpétuels en droit commercial, LPA 5 novembre, 1993, n°33 ; F.
RIZZO, Regards sur la prohibition des engagements perpétuels , Dr et patr. 2000, n°78 ; MM. L. J. Vogel
«Vers un retours des contrats perpétuels? Evolution récente du droit de la distribution», Contrats. conc.
consom., août 1991, p.1 ; I. PETEL, Les durées d’efficacité du contrat , th., Montpellier 1984, n °335 et
s ; H. HOUIN, La rupture unilatérale des contrats synallagmatiques, th., Paris II, 1973 , p.115 et s ; J.
AZEMA, La durée des contrats successifs, LGDJ 1969 , préface R. Nerson, n° 182 , p.45 et s ; J.
GUYENOT, La rupture abusive des contrats à durée indéterminée, in La tendance à la stabilité du rapport
contractuel, ouvrage collectif sous la dir. P. Durand, LGDJ 1964, p. 235.
87
L’indétermination de la durée du contrat peut avoir pour conséquence de
transformer la force obligatoire du contrat en un véritable « esclavage
conventionnel »281. Comme le relève un auteur, si le principe de la force obligatoire du
contrat doit être respecté par les parties, ce principe doit, en revanche, se concilier avec
un autre principe fondamental qui ne permet pas d’engager ses services pour toute sa
vie ou pour une entreprise non déterminée282
. Chacune des parties ne doit donc pas être
tenue par une relation contractuelle illimitée. Le droit de la rupture unilatérale dans les
contrats à durée indéterminée est ainsi conçu «comme une mesure indispensable de
sauvegarder des contractants contre les engagements perpétuels»283
. Outre ce
fondement classique de la protection de la liberté individuelle, le droit de résiliation
unilatérale des contrats à durée indéterminée trouve un autre fondement moderne d’une
coloration économique.
82. Fondement moderne d’une coloration économique. Le principe de la libre
circulation des biens et de services et de la concurrence au sein d’un marché s’oppose
en effet à ce qu’une partie à un contrat de franchise soit engagée dans un lien
contractuel illimité. Un pareil engagement peut être de nature à nuire gravement à
l’efficacité du marché puisqu’il conduirait à la rigidité de celui-ci. Comme le relèvent
certains auteurs« la théorie de la concurrence fournit aujourd’hui une justification
supplémentaire à la prohibition des engagements perpétuels : un tel engagement
constitue en effet une formidable barrière à l’entrée sur le marché qui empêche les
agents économiques qui seraient en mesure de devenir des contractants de se porter
candidats à une relation contractuelle en raison de l’indissolubilité des liens
préexistants. La rente de situation dont bénéficient ainsi les contractants ayant pénétré
antérieurement sur le marché est un facteur très important d’inefficacité
économique »284.
281
C. RUET, La résiliation unilatérale des contrats à exécution successive, th., Paris XI, 1995, n°2, 282
J.GUYENOT, La rupture abusive des contrats à durée indéterminée, in La tendance à la stabilité du
rapport contractuel, sous la dir. P. Durand, LGDJ 1964, p.235, et spéc., p. 236. 283
J. AZEMA, th., précitée, n°182, p. 145. 284
MM. L. J. VOGEL « Vers un retours des contrats perpétuels ? Evolution récente du droit de la
distribution », op. cit. V. M. BEHAR-TOUCHAIS et G. VIRASSAMY, Les contrats de la distribution,
LGDJ, 1999, n° 332, p. 151 ; A- V. EECKHOUT, RDC. 2004, p.192.
88
C’est donc ces deux fondements principaux qui peuvent justifier aujourd’hui
l’existence d’un droit de libre rupture unilatérale des contrats à durée indéterminée de
manière générale et des contrats de franchise en tout particulièrement.
Notons, toutefois, que si le principe est que chaque partie peut toujours mettre fin
au contrat qui ne comporte aucun terme, ce principe supporte néanmoins certaines
limites. Certain tempéraments y sont apportés en pratique afin de protéger les intérêts
des parties contractantes.
§ 2. Tempéraments
83. Plan. Le principe de la libre résiliation unilatérale d’un contrat de franchise à durée
indéterminée a été atténué par la jurisprudence à travers l’application de la théorie de
l’abus. En effet, les juges sanctionnent pour rupture abusive, d’une part la résiliation
unilatérale du contrat de franchise à durée indéterminée qui intervient sans délai de
préavis (A), et d’autre part, la résiliation unilatérale qui intervient alors que certains
investissements exigés par le contrat n’ont pas encore été amortis (B). Cependant, cette
sanctionne vaut pas quand la résiliation unilatérale intervient sans motifs (C).
A. L’exigence du respecte d’un délai de préavis
84. Principe et exceptions. Le principe est que chacun des contractants est tenu de
respecter un délai de préavis avant de rompre son contrat de franchise conclu sans durée
(1). Ce principe n’est pas cependant sans exceptions (2).
89
1. Principe
85. Exigence jurisprudentielle : rupture abusive. Le recours à des contrats de
franchise à durée indéterminée peut paraître avantageux tant pour le franchiseur que
pour le franchisé. Il permet à chacun d’eux de maîtriser le moment où il veut se dénouer
du contrat285
.
Pourtant, il n’est pas sans inconvénients. La possibilité pour une partie de rompre
unilatéralement le contrat de franchise conclu sans terme à tout moment rend précaire,
voire instable les relations contractuelles. Elle peut être de nature à faire subir au
franchiseur ou au franchisé -notamment ce dernier en situation de dépendance
économique-, de graves conséquences économiques allant parfois à remettre en cause
définitivement son activité commerciale. Consciente de ce danger, la jurisprudence
impose à la charge de celui qui veut résilier le contrat à durée indéterminée une
obligation de respecter un délai de préavis. Elle exige de la partie désirant mettre fin au
contrat de franchise conclu sans terme de notifier, suffisamment à l’avance, à son
cocontractant de sa décision de rompre le contrat286
. Le préavis constitue, en effet, en la
matière «une règle générale»287.
A cet égard, la jurisprudence recourt à la théorie de l’abus pour sanctionner
l’inobservation du préavis lors de la rupture unilatérale des contrats à durée
indéterminée288
, abus qui « se résume au comportement incivil d’un contractant envers
l’autre, indépendamment du point de savoir si les prestations promises sont utilement
fournies ou non »289
. Elle considère comme abusive la résiliation unilatérale d’un
contrat de franchise à durée indéterminée qui est intervenue sans préavis ou avec un
préavis insuffisant290
.
285
V. H. ROLAND, regards sur l’absence de terme extinctif dans les contrats successifs, in Mélanges.
Voirin, 1967, p. 737. 286
T. com. Parsi. Juris-Data n° 2006-314 649 ; CA Paris, 2 avril 2003, Juris-Data, n° 2003-211259 ; CA
Paris, 27 novembre 1985, Juris-Data n° 1985-027632. 287
J. AZEMA, La durée des contrats successifs, LGDJ, 1969, préface. R. Nerson, n° 228, p.174. 288
A. SONE, Le préavis en droit privé, PUAM, 2003, n° 416, p.188 et s. 289
Ph. STOFFEL-MUNCK, L’abus dans le contrat, th. LGDJ, 2000, préface. R.BOUT, n°273, p.237. 290
V. J. MESTRE, Résiliation unilatérale et non –renouvellement dans les contrats de distribution, op.cit.
90
Une telle solution est pleinement justifiée. Le préavis peut permettre au contractant
qui subit la rupture unilatérale du contrat de franchise de préparer sa reconversion et de
trouver une solution de remplacement291
, ce qui conduira, par conséquent, à limiter son
préjudice éventuel résultant de cette rupture. Il s’agit donc « d’une règle de courtoisie
contractuelle »292
, qui consiste « à ne pas prendre son partenaire au pied-levé, à lui
donner une chance d’organiser sa reconversion : happy-end contractuel »293. C’est
pour quoi l’exigence du préavis dans la rupture des relations contractuelles est
aujourd’hui consacrée par la loi elle-même.
86. Exigence légale : rupture brutale. L’article L. 442-6 du Code de commerce exige
désormais, pour la rupture d’une relation commerciale établie, le respect d’un préavis
suffisant294
. Cet article, dont la finalité est de stabiliser les relations contractuelles295
,
qui s’applique à toutes les relations commerciales établies y compris celles qui ne sont
pas formulées par un contrat, dispose que : « Engage la responsabilité de son auteur et
l’oblige à réparer le préjudice causé le fait par tout producteur, commerçant, industriel
ou personne immatriculée au répertoire des métiers de rompre brutalement, même
partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la
durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis
déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords
interprofessionnels (…)».
291
V. A-V. EECKOUT, La durée du préavis de rupture d’une relation d’affaires, RDC. 2005, p.491 ;Ph.
STOFFEL-MUNK, obs sous Cass. com., 12 mai 2004, RDC 2004, p. 943 ; L. RESPAUD, Préavis,
Assistance et reconversion du distributeur évincé, Cah. dr. ent. 2002 / 5, p. 19 et s ; A. SONE, op.cit. 292
V. J. MESTRE, obs. RTD civ. 1986, p.105. V. aussi, Ch. LASSALAS, Les critères de l’abus dans la
rupture des relations contractuelles, Dr et patr. 1997, p.61. 293
Ph. STOFFEL-MUNCK, L’abus dans le contrat, th. LGDJ, 2000, préface R. BOUT, n° 110, p.101. 294
V. M. MALAURIE-VIGNAL, L’article L.442 – 6 du code de commerce, une disposition restée lettre
morte ?, Contrats. conc. conso., 2006, n°6, p.10 ; M. MALAURIE-VIGNAL, Droit de la distribution,
Sirey, 2006, n°681 ; ARNAUD VAN EECKOUT, La durée du préavis de rupture d’une relation
d’affaires, RDC. 2005, p.491 ; J.-M. MOUSSERON, Technique contractuelle, par P. MOUSSERON, J.
RAYNARD, J.-B. SEUBE, Technique contractuelle, Edition Francis Lefebvre, 3e édition, 2005, n° 1286 ;
A DE BROSSE, La rupture fautive de relations commerciale établies, in Dossier Contrats de distribution
L’équilibre enfin trouvé ?, D. P. 2003, n°116, p.50 ; A. GRIZAU Rupture brutale des relations
commerciales : Réflexion sur les premiers cas d’application de l’article L.442-6, in Dossier Contrats de
distribution L’équilibre enfin trouvé ?, Droit et patrimoine. 2003, n°116, p.71 ; D. MAINGUY,Les
mystères de la rupture brutale de relations commerciales établies , JCPE 2003, n°51, p.1792 ; D.
FERRIER, L’article L.442-6-I, 5°, du Code de commerce s’applique à tout forme de rupture brutale de
tout type de relations commerciales , D. 2003, p.2433 ; D. MAINGUY, L’esprit et la lettre du nouvel
article L.442-6 du Code de commerce, JCPE 2002, n°28, p.1729 295
J. BEAUCHARD, Stabilisation des relations commerciales : la rupture de relations commerciales
continues, LPA 5 janvier 1998, n° 2, p. 14. V. aussi P. VERGUCHE, La rupture brutale d’une relation
commerciale établie, RJ com.1997, p.129, et spéc, p.137.
91
Ainsi, le franchisé comme le franchiseur doit respecter un délai de préavis
suffisant lorsqu’il désire résilier le contrat conclu sans terme, sinon sa résiliation sera
considérée comme brutale. Par conséquent, sa responsabilité délictuelle sera engagée
sur le fondement de l’article L. 442-6 du Code de commerce296
. En pareille hypothèse,
il sera condamné au paiement de dommages et intérêts pour le préjudice que son
contractant a subi du fait de la brutalité de la rupture297
.
87. Forme de la notification du préavis. Autrefois, la notification du préavis n’était
subordonnée à aucun formalisme. La jurisprudence exigeait simplement que le préavis
soit dépourvu de toute ambiguïté. Mais depuis 1998, la situation a changé. Le
législateur impose que le préavis soit donné sous la forme d’un écrit. L’article L.442-6
du Code de commerce l’affirme. Le franchiseur ou le franchisé, qui désire mettre un
terme à son contrat conclu sans terme, est donc tenu de notifier sa décision à son
cocontractant par écrit. A ce propos, il est à noter que les tribunaux exigent souvent que
la décision de la rupture soit notifiée par une lettre recommandée avec un avis de
réception.
88. La durée du préavis : appréciation objective et subjective. Il ne suffit pas que le
préavis de rupture d’un contrat de franchise à durée indéterminée soit notifié par écrit,
encore faut-il qu’il soit raisonnablement suffisant, de sorte qu’il permette à celui
subissant l’acte de rupture unilatérale de préparer sa reconversion.
En effet, l’appréciation du caractère suffisant de la durée est une question de fait
abandonnée au pouvoir souverain des juges du fond298
. Ceux-ci apprécient souvent in
obstracto la durée du préavis en tenant compte, par exemple, de la durée de la relation,
de la dépendance économique, de la notoriété des produits, du temps d’écoulement des
stocks, et enfin de l’importance des investissements réalisés299
.
296
S. REGNAULT, Guide de la rupture des relations commerciales établies, RLDC 2008, n° 45, p.75. 297
V. Infra n° 280 et s. 298 V. M. BEHAR-TOUCHAIS, De la difficile appréciation du délai raisonnable du préavis pour rompre
une relation commerciale établie, RDC. 2006, p.431. 299
A-V. EECKOUT, La durée du préavis de rupture d’une relation d’affaires, RDC. 2005, p.491, et spéc.,
p.494 et la jurisprudence citée.
92
Ils peuvent aussi apprécier la durée du préavis in concréto en prenant en
considération la situation du contractant contre qui intervient la rupture unilatérale du
contrat de franchise à durée indéterminée. C’est ainsi, par exemple, le cas lorsque les
juges estiment que le délai du préavis de six mois respecté par le franchiseur ou le
concédant dans la rupture d’une relation contractuelle durant depuis dix ans est
raisonnablement suffisant dès lors que le franchisé ou le concessionnaire bénéfice de
plusieurs marques300
. Notons qu’un tel pouvoir d’appréciation de la durée du préavis est
reconnu au juge même si le préavis est fixé par le contrat.
89. Clause de préavis. Bien que le préavis soit aujourd’hui une exigence légale, les
contractants préfèrent souvent fixer un délai de préavis lors de la rupture du contrat301
.
Une telle tendance s’explique sans doute par la volonté des parties de stabiliser leur
relation contractuelle. Le non-respect par le franchiseur ou le franchisé de ce délai du
préavis lors de la rupture du contrat rendra brusque sa rupture et donc engagera sa
responsabilité contractuelle.
A cet égard, il est important de souligner que le fait pour le franchiseur ou le
franchisé de respecter le préavis prévu au contrat lors de la rupture unilatérale de celui-
ci ne suffit pas seul pour mettre à l’abri sa responsabilité. Comme le relève un auteur :
« La stricte application du contrat ne suffit plus à sécuriser la partie à l’initiative de la
rupture.. »302. Alors même que le délai du préavis a été fixé par les contractants, les
juges du fond disposent d’un pouvoir d’apprécier le caractère suffisant de ce délai. Ils
peuvent, par exemple, estimer que ce délai de préavis contractuellement fixé est
insuffisant, eu égard aux circonstances de fait et, par conséquent, ils engagent la
responsabilité de l’auteur303
.
300
Cass. com., 31 janvier 2006, n° 03- 13. 739 ; JCP E 2007, n°11, 1348, obs. D. MAINGUY et J.- L.
RESPAUD. 301
A- V. EECKOUT, La durée du préavis de rupture d’une relation d’affaires, op.cit. 302
A-V. EECKOUT, La durée du préavis de rupture d’une relation d’affaires, op.cit. 303
Comp. Cass. com., 12 mai 2004, RDC. 2004, p. 943, note. Ph. STOFFEL-MUNCK. Dans cet arrêt
concernant un contrat de concession, la Chambre commerciale a cassé un arrêt d’appel qui, pour estimer
suffisant le préavis de rupture d’une relation commerciale à durée indéterminée, s’était borné à constater
qu’il avait été fixé par le contrat.
93
90. Absence d’obligation d’assistance en vue de la reconversion du contractant. Si
le franchiseur est tenu de respecter un délai de préavis dans la rupture unilatérale d’un
contrat à durée indéterminée, il n’est pas pourtant obligé d’assister son franchisé pour
l’aider à préparer sa reconversion. Certes, toute aide de sa part en vue de la reconversion
du franchisé évincé, prouve sa bonne foi et sa loyauté dans la rupture du contrat. Mais
aucun engagement d’assistance en ce sens n’est exigé de lui.
Une telle solution est illustrée par un arrêt du 6 mai 2002. Dans cet arrêt, rendu à
propos d’un contrat de concession mais dont la solution est sans doute transposable à
tous les contrats de la distribution et notamment aux contrats de franchise, la Chambre
commerciale a cassé un arrêt d’appel en décidant que « le concédant n’est pas tenu
d’une obligation d’assistance du concessionnaire en vue de sa reconversion » 304
. Donc,
aucune obligation d’assistance en vue de la reconversion du franchisé en fin de contrat
ne peut être mise à la charge du franchiseur. Ce dernier est même, dans certaines
hypothèses, autorisé à mettre fin au contrat sans respecter un délai de préavis préalable.
2. Exceptions
91. Faute grave. Si, par principe, chacune des parties à un contrat de franchise est tenue
d’une obligation de respecter un délai de préavis avant de procéder à la résiliation
unilatérale de son contrat, celle-ci est, en revanche, dispensée d’une telle obligation
dans la hypothèse où il y a une faute grave ou un manquement grave commis par son
cocontractant305
.
En pareille hypothèse, il peut rompre immédiatement le contrat sans que cela
puisse engager sa responsabilité pour rupture abusive ou brutale. Le but est, en effet, de
protéger les intérêts du contractant victime d’une faute lourde, et éviter que celui-ci ne
subisse de graves préjudices susceptibles de compromettre sa survie économique. Il en
va de même en cas de force majeure.
304
Cass. com., 6 mai 2002, n° 99.14. 093, RTD civ. 2002, 810, obs. J. MESTRE et B. FAGES; JCP E
2002, II, p.19, note. J -L. RESPAUD ; D. 2002, p. 1754, obs. E. CHEVRIER ; D. 2002, p.2842, obs. D.
MAZEAUD ; D. 2002, p.3008, obs. D. FERRIER. 305
S. REGNAULT, Guide de la rupture des relations commerciales établies, RLDC 2008, n° 45, p.75.
94
92. Force majeure. Outre le cas de la faute de grave, la partie à un contrat de franchise
à durée indéterminée n’est pas tenue de respecter un délai de préavis lors de la rupture
unilatérale en cas de force majeure306
, c'est-à-dire tout événement imprévisible lors de la
conclusion du contrat, irrésistible et extérieur aux parties307
. Cet événement permet en
effet au franchisé comme au franchiseur de rompre sans délai le contrat tout en
l’exonérant de sa responsabilité pour le préjudice que son cocontractant pourrait subir
du fait de la brutalité de la rupture. Il convient finalement de noter que la responsabilité
du franchiseur peut être engagée même si celui-ci a respecté un délai de préavis
suffisant dans la rupture d’un contrat de franchise à durée indéterminée. Il en est parfois
ainsi lorsqu’il impose à son franchisé de réaliser certains investissements et puis rompre
le contrat.
B. La réalisation des investissements, un élément identifiant l’abus
dans la rupture du contrat
93. Investissements imposés et investissements spontanément effectués. Le contrat
de franchise -comme les autres contrats de la distribution- impose souvent à la charge
du franchisé la réalisation de certains investissements. Ces investissements, portant
souvent sur la présentation des locaux de vente ou de leur extension ou encore sur
l’acquisition de matériel ou d’outillage, peuvent paraître énormes pour le franchisé, de
telle manière que le non amortissement de ceux-ci peut lui faire subir d’énormes
préjudices. Dès lors, la question est de savoir si la réalisation de tels investissements
peut faire frein au droit du franchiseur de mettre fin au contrat quand bon lui semble.
La jurisprudence distingue entre les investissements qui sont effectués
spontanément par le distributeur et ceux qui lui sont imposés par son fournisseur. Selon
elle, seuls ces derniers peuvent être pris en compte lors de la rupture.
306
S. REGNAULT, op.cit. 307
V. Infra n° 183 et s.
95
Elle affirme souvent que le non- amortissement des investissements réalisés par le
concessionnaire n’est de nature à rendre abusive la résiliation unilatérale du contrat de
concession procédée par le concédant que dans la seule hypothèse où il se révèle que
ces investissements sont réalisés à sa demande. Ainsi, l’illustre un arrêt du 7 octobre
1997308
. En l’occurrence, la société concédante Volvo a résilié le contrat de concession
à durée indéterminée le liant avec la société concessionnaire Maine Auto avec un
préavis d’un an. Or, celle-ci a contesté cette rupture en l’estimant abusive. Elle a donc
assigné la société concédante en dommages et intérêts compensant les investissements
non amortis qu’elle a réalisés en vue de l’exécution du contrat. Après avoir rappelé le
principe de libre rupture unilatérale des contrats conclus sans durée, les juges du fond
n’ont pas donné droit à sa demande. La société concessionnaire s’est pourvue en
cassation. Or, son pourvu a été rejeté par la Chambre commerciale. Celle-ci a considéré
que les juges du fond relevaient que le concessionnaire n’a pas rapporté la preuve que le
concédant l’a contraint à exposer d’importants frais d’investissements, et que ces
derniers avaient été engagés spontanément par lui pour remédier à des résultats de vente
très inférieurs aux objectifs convenus. La même solution a été reprise récemment par la
même Chambre dans un arrêt du 6 novembre 2007. Dans cet arrêt, la Chambre
commerciale a approuvé un arrêt d’appel d’avoir rejeté la demande présentée par un
concessionnaire visant à la condamnation du concédant à des dommages et intérêts pour
la perte des investissements non amortis due à la résiliation unilatérale du contrat, au
motif que le concessionnaire n’a pas rapporté la preuve que ces investissements perdus
ont bien été exigés ou conseillés par le concédant309
.
Une telle solution rendue à propos des contrats de concession a une portée
générale. Elle s’applique à tous les contrats de la distribution et y compris les contrats
de franchise. Ainsi, le franchiseur engagera sa responsabilité pour rupture abusive s’il
résilie le contrat alors que les investissements qu’il a imposés au franchisé n’ont pas
encore été amortis.
308
Cass. com., 7 octobre 1998, pourvoi n° 95-14. 158 ; D. 1998, jur., p. 413, note. Ch. JAMIN ; D. 1998,
somm. p. 333, obs. D. FERRIER ; Contrat. conc. consom., 1998, n° 20, comm. L. LEVENEUR ; RTD
civ.1998, p. 130, obs. P. -Y. GAUTIER, et p. 370, obs. J. MESTRE. Cass. com., 4 janvier 1994, JCP G
1994, I, 3757. 309
Cass. com., 6 novembre 2007, pourvoi n° 05-15.152.
96
Dans cette hypothèse, il sera condamné à payer des dommages et intérêts
compensant les investissements non encore amortis310
. A vrai dire, une telle solution,
faisant une distinction selon les investissements imposés et spontanément effectués par
le franchisé ou le concessionnaire, a été critiquée par une partie de la doctrine. Celle-ci
estime que cette solution est dommageable sur le plan économique parce qu’elle
fragilise la survie des entreprises franchisées comme des entreprises concessionnaires.
Par ailleurs, elle ne tient pas compte du fait que, face à la menace de l’exclusion du
réseau, qui pèse sur lui comme « une épée de Damoclès », le franchisé et le
concessionnaire se trouve contraint, non seulement de veiller à bien exécuter
scrupuleusement leurs engagements, mais encore à mettre en place divers
investissements parfois énormes de nature à augmenter son chiffre d’affaires311
.
Sensibles à ces critiques, la Cour de cassation semble aujourd’hui avoir infléchi sa
position. Au lieu de distinguer entre les investissements spontanément effectués par le
distributeur et ceux qui lui sont imposés, la jurisprudence distingue désormais entre les
investissements qui sont par leur nature, indissociablement liés de l’exploitation de la
franchise ou de la concession et les autres investissements312
. Selon elle, seuls le non
amortissement des investissements nécessaires à l’exécution du contrat de franchise ou
du contrat de concession peut rendre abusive la résiliation du contrat par le franchiseur
ou le concédant.
94. Une durée minimale. Rupture rapide. Il arrive, dans certaines hypothèses, que la
jurisprudence impose une durée minimale pour la réalisation des investissements. Avant
cette durée, le franchiseur ou le concédant ne peut résilier le contrat, sous peine
d’engager sa responsabilité pour rupture abusive. C’est ce qu’illustre un arrêt du 20
janvier 1998313
.
310
V. Infra n° 287. 311
V. en ce sens. Ch. JAMIN, obs sous Cass. com., 4 janvier JCP G 1994, I, doct, p. 3757. Egalement, J.
GHESTIN, Ch. JAMIN, et M. BILLIAU, Les effets du contrat, LGDJ 2001, n° 231, p. 282 et s., spéc ,
p.284 : « Les concessionnaires paraissent en effet soumis aujourd’hui à l’alternative suivante : soit ils investissent ,ce qui n’interdira pas leur exclusion du réseau en dépit des sommes importants qu’ils auront pu engager ; soit ils n’investissent pas ,mais ils seront alors sûrs d’en être exclus . Marquant une trop nette rupture entre le temps économique du contrat, et son temps juridique, cette solution apparaît dommageable sur un plan économique, car elle rend plus fragile la survie de ces entreprises moyennes que sont les concessions commerciales » 312
Voir par exemple, Cass. com., 14 février 2006, pourvoi n° 03-18. 686. Aussi, Cass. com., 11 mai 1999,
pourvoi n° 97-10. 999. 313
Cass. com., 20 janvier 1998, pourvoi n° 96-18.353 ; Contrats, conc., consom. 1998, n° 56, comm. L.
LEVENEUR ; D. 1998, p. 413, note. Ch. JAMIN, et somm. p.333, obs. D. FERRIER ; RTD civ. 1998,
p.675, obs. J. MESTRE ; D. 1999, 114, obs. D. MAZEAUD.
97
En l’espèce, un concessionnaire avait repris une concession déficitaire. Ce
concessionnaire s’était vu imposer par le concédant, au moment de la formation du
contrat, des exigences très lourdes. La société concédante avait demandé à la société
concessionnaire de constituer un capital de 1500 000 F entièrement libéré, de bloquer en
compte courant d’associés la somme de 2500 000F et d’obtenir 8600 000F de crédit
divers. Deux ans après ces lourds investissements, la société concédante a résilié le
contrat. La société concessionnaire l’a assigné en dommages et intérêts pour rupture
abusive.
La Cour d’appel a rejeté sa demande en estimant que la résiliation n’était pas
abusive. La société concessionnaire s’est pourvue en cassation. La Chambre
commerciale a cassé l’arrêt d’appel en décidant que le redressement espéré de la
concession impliquait, compte tenu des investissements exigés, que le concessionnaire
bénéficie d’une période d’exploitation relativement longue pour assurer la pérennité de
son entreprise. Une telle solution est pleinement approuvée. Le franchiseur ou le
concédant qui impose en effet à son franchisé ou à son concessionnaire la réalisation de
certains investissements doit, conformément à l’exigence de bonne foi et de loyauté
dans l’exécution du contrat, lui laisser le temps de les amortir. Mettant fin au contrat
avant l’amortissement de ces investissements, le franchiseur ou le concédant adopte un
comportement de malveillance et de désinvolture à l’égard de son franchisé ou de son
concessionnaire314
. Ce comportement critiquable fait dégénérer son droit de mettre fin
au contrat en abus. Il devra alors être condamné à indemniser la perte des
investissements que son cocontractant a subis du fait de la brutalité de la rupture.
En dehors de la question des investissements, il convient de noter que si chacune des
parties à un contrat de franchise à durée indéterminée est tenue d’adopter un
comportement loyal lors de la résiliation du contrat et n’abuse de son droit d’y mettre
fin. En revanche, elle n’est nullement tenue de justifier sa décision.
314
Sur ce point, v. B. FAGES, Des comportements contractuels à éviter, Dr. et patr. 1998, n° 60, p.67. B.
FAGES, Le comportement du contractant, PUAM, 1997, préface J. Mestre, n° 207, p.122 et s ; n° 664,
365 et s.
98
C. Absence d’obligation de motivation
95. Doctrine favorable à l’obligation de motivation. La motivation315
, dont nous
avons eu l’occasion de parler s’agissant de la question du non-renouvellement du
contrat de franchise à durée déterminée316
, constitue toujours un point névralgique en
matière de rupture des contrats de la distribution.
Une partie de la doctrine dite « solidarisme contractuel »317 estime que le fait que
les contrats de franchise et les contrats de concession sont des contrats d’intérêt
commun implique qu’il y ait solidarisme entre les contractants318
. Ce solidarisme fait
naître un certain altruisme de l’un, qui doit prendre en considération, voir en charge les
intérêts de l’autre. Il lui consent même parfois quelques sacrifices319
. De là, ce courant
doctrinal en déduit que le franchiseur ou le concédant qui résilie son contrat conclu sans
terme doit être tenu de motiver sa décision. A défaut de quoi, la résiliation unilatérale du
contrat sera considérée comme abusive et l’auteur sera condamné à de dommages et
intérêts pour le préjudice résultant de cette rupture. Selon ce courant « solidarisme »,
l’instauration d’une telle obligation de motivation peut se justifier par deux raisons.
315
Sur la motivation, v. Obligation de motivation et droit des contrats, RDC. 2004, p.579 ; M. FABRE-
MAGNAN, L’obligation de motivation en droit des contrats, in Le contrat au début de XXIe siècle,
Mélanges. J. Ghestin, LGDJ, 2001, p.301 ; La motivation, Travaux de l’Association Henri Capitant, LGDJ,
2000. 316
V. Supra n° 24 et s. 317
Sur le solidarisme, v. Le solidarisme contractuel, mythe ou réalité, sous la dir. L. Grynbaum et M.
Nicod, Economica, 2004 ; D. MAZEAUD, Petit leçon de solidarisme contractuel, D. 2001, p.3236 ; D.
MAZEAUD, Loyauté, solidarité, fraternité : la nouvelle donne contractuelle ?, Mélanges. F. Terre,
Dalloz, Litec, 1999, p.603. 318
M .FABRE-MAGNAN, Pour la reconnaissance d’une obligation de motiver la rupture des contrats de
dépendance économique, in Obligation de motivation et droit des contrats, RDC. 2004, p.573 ; D.
MAZEAUD, Solidarisme contractuel et réalisation du contrat, in Le solidarisme contractuel, Economica,
2004, sous la dir. L. Grynbaum et M. Nicod, p.57, n°19,p.67 ; D. MAZEAUD, Unilatéralisme et
motivation en droit des contrats, D. 2001, somm., p.3237 ; Ch. JAMIN, Plaidoyer pour le solidarisme
contractuel, Mélanges. J.Ghestin, LGDJ, 2001, p.441 ; D. MAINGUY, Remarques sur les contrats de
situation et quelques évolutions récentes du droit des contrats, n°16, p.176, et spéc., p.177 ; D.
MAZEAUD, Loyauté, solidarité, fraternité : la nouvelle donne contractuelle ?, Mélanges. F. Terre,
Dalloz, Litec, 1999, p.603. 319
D. MAZEAUD, Loyauté, solidarité, fraternité : la nouvelle donne contractuelle ?, Mélanges. F. Terre,
Dalloz, Litec, 1999, p.603.
99
D’une part, par l’état de dépendance dans lequel se trouve le franchisé ou le
concessionnaire à l’égard du franchiseur ou du concédant, état de dépendance qui fait,
estime-t-il, que le franchisé et le concessionnaire ne dispose pas de moyens de
démontrer l’abus si le franchiseur ou le concédant n’est pas obligé, à tout le moins,
d’alléguer les raisons qui l’ont conduit à rompre le contrat320
. D’autre part, par le fait
que la rupture du contrat de franchise ou de concession peut entraîner de graves
conséquences économiques pour le franchisé ou le concessionnaire, conséquences allant
même parfois jusqu’à sa disparition économique définitive321
.
96. Le refus de la jurisprudence. Toutefois, la jurisprudence ne tient pas compte de ce
courant doctrinal. Elle refuse toujours, au moins jusqu’alors, d’instaurer une obligation
de motivation à la charge de l’auteur de la rupture unilatérale d’un contrat de franchise
ou de concession à durée à indéterminée.
La Cour de cassation a eu l’occasion de rappeler, à plusieurs reprises, que le
franchiseur comme le concédant peut résilier unilatéralement le contrat conclu sans
durée sans donner des motifs de sa décision de rupture. Elle est allée même affirmer que
le fait de donner des motifs fallacieux ou non sérieux de rupture d’un contrat de
franchise ou de concession à durée indéterminée ne constitue pas un abus en soi322
.
Cette solution a été récemment réaffirmée par la Chambre commerciale dans un arrêt du
6 novembre 2007 rendu à propos d’un contrat de concession323
.
320
M .FABRE-MAGNAN, Pour la reconnaissance d’une obligation de motiver la rupture des contrats de
dépendance économique, op. cit., p.573, et spéc., p.577 : « le contractant en état de dépendance économique ne dispose en effet pas des moyens de démontrer l’abus - limite nécessaire et incontestée du droit de rompre – si son cocontractant n’est pas obligé à tout le moins d’alléguer les raisons qui l’ont conduit à rompre le contrat. A partir de là, le contrôle minimum consistera pour les juges à n’admettre que les raisons suffisamment sérieuses pour justifier le dommage causé au contractant pour lequel le contrat constitue le moyen de subsistance ». 321
D. MAINGUY, Remarques sur les contrats de situation et quelques évolutions récentes du droit des
contrats, op.cit., n° 16, p.176, et spéc., p.177 : « Au soutien d’une telle exigence, un premier argument résulte de l’analyse des conséquences de la rupture d’un contrat de situation. Au-delà de la simple contemplation des intérêts du contractant, la situation future de l’entreprise se prête à l’observation. La fin du contrat risque d’emporter l’arrêt de son activité s’il ne trouve pas de solution de remplacement, justifiant l’observation des conséquences de la rupture sur l’entreprise en elle –même, à travers ses dirigeants, la collectivité du personnel, ses associés, ses fournisseurs ou clients : tous perdent un travail, un emploi ou un marché ». 322
Cass. com., 25 avril 2001, D. 2001, p. 3237, note. D. MAZEAUD 323
Cass. com., 6 novembre 2007, pourvoi n° 05- 15. 152.
100
En l’espèce, un contrat de concession a été conclu pour une durée indéterminée.
Quelque temps après, le concédant a résilié unilatéralement le contrat avec le respect
d’un préavis d’un an. Le concessionnaire estimait abusive cette résiliation. Il l’a donc
assigné en dommages et intérêts compensant le préjudice qu’il a subi du fait de cette
rupture, notamment la perte des investissements non encore amortis. Le concessionnaire
soutenait que les motifs de la rupture mentionnés par le concédant ne sont pas établis,
cette seule circonstance suffisant à démontrer le caractère abusif de cette résiliation. Les
juges du fond n’ont pas donné suite à sa demande en considérant non abusive la
résiliation unilatérale du contrat de concession par le concédant. Le concessionnaire
s’est pourvu en cassation. Or, la Chambre commerciale a rejetée son pourvoi. Celle-ci a
approuvé l’arrêt d’appel en décidant ainsi : « Mais attendu, en premier lieu, que l’arrêt
retient, par motifs propres, que le contrat de concession à durée indéterminée a été
résilié en respectant le préavis contractuel, selon « la résiliation ordinaire » et non à
titre de sanction, sans qu’il soit besoin de motifs, si bien que l’inexactitude des motifs
invoqués est inopérante pour caractériser l’exercice abusif du droit de résiliation […]
la cour a légalement justifié sa décision ».
Le principe est donc la liberté de la résiliation unilatérale, sauf abus et sous réserve
de respecter un délai de préavis. Par conséquent, le juge, saisi d’une action en
résiliation, ne peut contrôler les motifs de la résiliation pour lesquels l’un des
contractants a mis fin au contrat de franchise à durée indéterminée. Bref, l’examen des
motifs de la rupture est inutile.
101
97. Conclusion de la section I - Le principe demeure la liberté de rupture unilatérale
dans les contrats à durée indéterminée. Le franchiseur comme le franchisé peut y mettre
fin, à n’ importe quel moment lors de l’exécution du contrat qui ne comporte pas de
terme extinctif.. Son contractant ne peut se plaindre de cette résiliation unilatérale en
invoquant qu’elle n’est pas justifiée par une inexécution grave ou une autre raison
quelconque. La jurisprudence affirme que l’auteur de la résiliation unilatérale n’a pas à
justifier sa décision de rompre le contrat. Toutefois, si l’auteur n’est pas tenu
d’expliquer à son cocontractant les raisons qui l’ont amené à rompre le contrat de
franchise, il est tenu par contre de respecter un délai de préavis lors de la résiliation
unilatérale. Il doit laisser à son cocontractant un certain temps pour préparer sa
reconversion et trouver une solution de remplacement. Sinon sa responsabilité sera
engagée pour rupture brutale ou abusive, et sera donc condamné à réparer tout le
préjudice résultant de la brutalité de la rupture du contrat.
Notons, enfin, que la résiliation du contrat de franchise à durée indéterminée ou à
durée déterminée peut parfois trouver sa source, non dans la seule volonté de l’une des
parties, mais dans leur volonté commune. Par un accord commun, le franchiseur et le
franchisé peuvent bilatéralement résilier le contrat et ainsi faire disparaître leur lien
contractuel.
102
SECTION II – RESILIATION BILATERALE DU CONTRAT DE FRANCHISE
98. Pouvoir bilatéral de résiliation. Par principe, lorsqu’un contrat de franchise est
conclu pour une durée déterminée, les parties sont tenues par ce contrat jusqu’à
l’échéance du terme. Aucune d’entre elles ne peut se délier du contrat avant son terme.
Toutefois, ce principe n’est pas absolu. Le franchiseur et le franchisé peuvent, par
mutuus dissensus, rompre leur relation contractuelle avant le terme pour lequel elle a été
stipulée ( § 1.). Mode original d’extinction, ce mutuus dissensus ne porte pas, en cela,
atteinte au principe de la force obligatoire du contrat. Le second alinéa de l’article 1134
du Code civil reconnaît aux parties le droit de défaire d’un commun accord ce qu’elles
ont précédemment voulu. Une fois établie, le mutuus dissensus a pour effet de liquider
les relations contractuelles pour l’avenir sans remettre en cause les effets que le contrat
de franchise a pu produire dans le passé (§ 2.).
§ 1. Notion de mutuus dissensus
99. Distinction de notions voisines. Il arrive, dans certaines hypothèses, que le
franchiseur et le franchisé souhaitent mettre fin à leur relation contractuelle avant le
terme pour lequel elle a été conclue. Pour ce faire, il leur suffit de conclure un nouveau
contrat aux termes duquel leur contrat de franchise initial est rompu. Ce nouveau contrat
est désigné par la pratique du « mutuus dissensus »324
ou parfois de « révocation
amiable »325
ou encore de « résiliation amiable »326
.
324
R. VATINET, Le mutuus dissensus, RTD civ.1987, p.252. Certains auteurs préfèrent l’appeler
« contrarius consensus ». V. J. FLOUR, J -L. AUBERT, E. SAVAUX, Les obligations, L’acte juridique,
12e édition, Sirey, 2006, n° 379, p. 317 ; Ph. MALAURIE, L. AYNES, Ph. STOFLE-MUNCK, Les
obligations, Defrénois, 2005, n° 756, p. 364. 325
E. PUTMAN, La révocation amiable, in La cessation des relations contractuelles d’affaires, sous la
dir. J. Mestre, PUAM 1997, p. 125 ; M. BEHAR-TOUCHAIS, Extinction du contrat-Les causes, J-CI.
Contrats et distribution, 1998, fasc. 175, n° 129 et s. 326
H, L, J. MAZEAUD et F. CHABAS, Leçons de droit civil, Les obligations, t. II, 9e édition, 1998,
Montchrestien , n°722, p.846 ; J. MESTRE, obs. sous Cass. com. 1er
février 1994 , RTD civ. 1994,
p.356.
103
Le mutuus dissensus, en tant que mode d’extinction conventionnel, peut parfois se
confondre avec d’autres modes conventionnels d’extinction du contrat, tel que, par
exemple, la transaction327
. Chacun de ces modes constitue une convention ayant pour
objet de mettre fin à l’amiable à un contrat. Une transaction peut même compléter un
mutuus dissensus328. Corrélativement, un mutuus dissensus peut être l’un des éléments
d’une transaction329
. De multiples illustrations de cette imbrication entre mutuus
dissensus et transaction peuvent rendre malaisée la distinction entre ces deux
mécanismes. Cependant, et malgré toutes ces ressemblances, la différence entre ces
deux mécanismes est assez claire. La transaction suppose toujours une situation
litigieuse de nature à expliquer des concessions réciproques. Le franchiseur et le
franchisé se mettent d’accord par contrat afin de mettre fin à une contestation née ou à
naître entre eux. Or, ce n’est pas le cas du mutuus dissensus qui ne cherche pas
forcément à mettre fin à un litige. Le mutuus dissensus intervient souvent là où le
contrat de franchise se trouve bien exécuté par les parties330
.
100. L’exigence d’échange de consentement. L’extinction du contrat de franchise par
mutuus dissensus exige qu’il y ait un échange de consentement entre les parties quant à
leur volonté de révoquer leur contrat initial. C’est une condition indispensable. En effet,
le principe en droit français est que le contrat ne s’éteint pas par désuétude331
. Il en
résulte qu’en l’absence d’une manifestation de la part des parties de dénoncer leur
contrat de franchise initiale, l’inactivité prolongée par l’une ou l’autre ne présume pas la
résiliation du contrat ou son abandon332
.
101. Absence de formalisme. Toutefois, il faut noter que s’il est exigé qu’il y ait une
manifestation de la volonté de la part du franchiseur et du franchisé de mettre fin à leur
contrat initial par une autre convention révocatoire, cela ne signifie pas pour autant que
le mutus dissensus soit soumis à un quelconque formalisme.
327
E. PUTMAN, op.cit., n°11, p.129 et s. 328
Ibid. 329
Ibid. 330
E. PUTMAN, op.cit., n°12, p.129 et s. 331
E. PUTMAN, op.cit., n°26,p.135 et s. 332
Ibid.
104
Aucune formalité pour l’efficacité de celui-ci n’est exigée. Le principe est le
consensualisme. « Le seul échange des consentements suffit pour que cette convention
extinctive voie le jour »333.
102. Conditions d’efficacité. Le mutuus dissensus est une convention révocatoire
autonome334
. Il doit donc, pour être efficace, remplir toutes les conditions de validité
des conventions : consentement, objet et cause335
.
103. Un mode original d’extinction. Le mutuus dissensus constitue un mode
d’extinction des relations contractuelles assez particulier par rapport aux autres modes
d’extinction conventionnels336
. Son mécanisme tient à ce que l’extinction du contrat de
franchise intervient par le consentement mutuel des parties. Elle est le fruit d’un accord
passé entre le franchiseur et le franchisé pour mettre fin au contrat de franchise initial
qu’ils avaient eux-mêmes conclu. Ainsi, le mutuus dissensus peut constituer un bon
arrangement pour sortir du lien contractuel qui vaut mieux que tous les procès337
.
Comme le relève le Professeur Gautier : « Ce sont les parties, adultes et raisonnables,
qui décident ensemble, à l’instar d’époux bien sages, de mettre fin à leur liaison par un
consentement mutuel-«Pas de juge, pas d’avocat »- .On se serre virilement la main et
on se dit : adieu camarade » 338.
D’où l’originalité du mutuus dissensus par rapport à la résiliation ou la résolution
judiciaire dans laquelle le juge n’éteint pas seulement un contrat de franchise parce que
l’une des parties n’a pas respecté ses obligations contractuelles mais il accorde parfois à
la partie victime des dommages et intérêts pour le préjudice qu’il subit.
333
C. DELFORGE, L’unilatéralisme et la fin du contrat, in la fin du contrat, Formation permanente CUP,
2001, n° 17, p.25. 334
R.VATINET, Le mutuus dissensus, RTD civ.1987, p.252. 335
F. TERRE, PH .SIMLER et Y .LEQUETTE, Droit civil, Les obligations, Précis Dalloz, 9e
ed., 2005 ,
n° 451 , p.437. 336
R. VATINET, Le mutuus dissensus, RTD civ. 1987, p.252, e spéc., n° 8, p.265 et s. 337
E. PUTMAN, La révocation amiable, in La cessation des relations contractuelles d’affaires, PUAM
1997, p.125, et spéc., n°1, p.126. 338
P.-Y. GAUTIER, Rapport de synthèse, in La cessation des relations contractuelles d’affaires, PUAM
1997, p.215, et spéc., n° 8, p.221, et s.
105
D’où aussi son originalité par rapport à la résiliation unilatérale dans laquelle l’une
des parties met fin au contrat de son propre chef en raison de l’inexécution par son
cocontractant de ses obligations339
.
104. Absence d’atteinte au principe de la force obligatoire. Une fois valablement
formé, le contrat de franchise -comme d’ailleurs tout contrat- a force obligatoire340
. Le
sens de cette force obligatoire est que le contrat doit être respecté par les contractants,
de sorte que ni le franchiseur ni le franchisé ne saurait s’en délier par sa propre volonté.
Toutefois, lorsque le franchiseur et le franchisé conviennent de mettre fin, par mutuus
dissensus à leur contrat de franchise, cet accord ne contrevient pas à la force obligatoire
du contrat. Il n’y porte aucune atteinte341
. L’article 1134 du Code civil al. 2 reconnaît
aux parties le droit de se défaire d’un commun accord de ce qu’elles ont précédemment
voulu. En effet, ce que le franchiseur et le franchisé ont fait par leur accord mutuel, ils
peuvent le défaire par leur volonté commune. « Ce que la parole donnée a fait,
l’échéance des paroles peut le défaire »342. Le mutuus dissensus n’est donc, au
contraire, que le corollaire du principe même de la force obligatoire du contrat343
.
Notons, enfin, que dès lors qu’il satisfait toutes les conditions requises pour son
efficacité, le mutuus dissensus produit certains effets juridiques à l’égard des parties.
339
J. MESTRE, obs. sous Cass. com., 1er
février 1994, RTD civ. 1994, p. 356 : « Lorsque les parties procèdent à une résiliation amiable, elles défont d’un commun accord ce qu’elles avaient initialement construit ensemble, et pratiquent une sorte de prorogation à rebours, en anticipant le terme convenu et donc en réduisant la durée de leur accord, se privant donc désormais chacune du droit d’invoquer l’avenir. Ainsi, par cet anéantissement immédiat du lien contractuel, la résiliation amiable se distingue clairement d’une résolution judiciaire, dans laquelle le contractant victime qui l’obtient est en droit d’obtenir des dommages –intérêts pour le préjudice qu’il subit du fait de la rupture anticipée, ainsi que d’une résiliation unilatérale puisque, du moins dans le cas où celle-ci ne peut être justifiée par son auteur, l’auteur partie pourra pareillement prétendre à une indemnité en faisant valoir que le contrat aurait dû aller à son terme ». 340
Sur le principe de la force obligatoire du contrat, v. P. ANCEL, « La force obligatoire : jusqu’où faut-il
la défendre ? », in La nouvelle crise du contrat, Dalloz, 2003, p163. P. ANCEL, Force obligatoire et
contenu obligationnel du contrat, RTD civ.1999, p.771. V. aussi, G. ROUHETTE, La force obligatoire du
contrat, Rapport français, in Le contrat aujourd’hui : comparaisons Franco-Anglais, sous la dir. D. Tallon
et D. Harris, LGDJ, 1987, p.28. 341
J. FLOUR, J.-L AUBERT, E. SAVAUX, Les obligations, L’acte juridique, 12e édition, Sirey, 2006,
n° 379, p.317 : « la révocation par le consentement mutuel des parties ne porte précisément pas atteinte à la force obligatoire .Tout au contraire, elle repose elle–même sur le même pouvoir conféré aux volontés individuelles qui a permis le contrat initial : ce que deux personne ont fait d’un commun accord, elles sont libres, sauf exception, de le défaire de la même manière. C’est ce que l’on nomme habituellement le mutuus dissensus, et qu’il serait peut-être plus exact d’appeler le contrarius consensus ». 342
E. PUTMAN, La révocation amiable, in La cessation des relations contractuelles d’affaires, PUAM
1997, p.125, n°1. 343
Ibid.
106
§ 2. Mise en œuvre du mutuus dissensus
105. Etablissement et effet. Le mutuus dissensus est une convention extinctive. Il peut
être établi par le franchiseur ou le franchisé par tout moyen (A). Une fois établi, le
mutuus dissensus va produire son effet extinctif. Il liquidera la relation contractuelle
entre le franchiseur et le franchisé (B).
A. La preuve du mutuus dissensus
106. Liberté de la preuve. L’absence de formalité du mutuus dissensus n’est pas sans
conséquences sur les moyens de sa preuve. En effet, la jurisprudence a affirmé, à
maintes reprises, que la preuve du mutuus dissensus peut être faite par un écrit ou
déduite tacitement de certaines circonstances. C’est ainsi qu’il fut jugé dans un
jugement du 9 septembre 2005344
.
Dans cette décision, le tribunal de commerce de Paris a, pour juger qu’un contrat
de franchise a été résilié par l’accord tacite des parties, a retenu un faisceau d’indices
précis manifestant la volonté commune d’un franchisé et d’un franchiseur de résilier le
contrat qui les liait. En l’occurrence, le franchisé avait indiqué au franchiseur son
souhait de résilier le contrat et lui demandait sa confirmation par écrit. Faute de réponse
de la part du franchiseur, deux autres lettres lui ont été adressées. Dans ces deux lettres,
le franchisé proposait au franchiseur la suspension pendant trois mois des redevances de
franchise et publicitaire. Et puis audit terme, le franchisé a décidé de ne pas reprendre le
paiement de ses redevances, tandis que le franchiseur ne les lui facturait pas, cessant
même de lui envoyer les prospectus des produits habituellement commercialisés par le
réseau. Au vu de ces éléments prolongés dans le temps, le Tribunal observe que les
parties n’avaient pas sérieusement voulu poursuivre l’exécution de leur contrat.
344
T. com. Paris, 9 septembre 2005, LPA, 2006, n° 224, p.35.
107
A vrai dire, si le principe est la liberté de la preuve du mutuus dissensus, il est
néanmoins préférable que le franchiseur et le franchisé établissent leur accord
révocatoire par écrit. Le recours à celui-ci aurait le mérite à la fois d’éviter toute sorte
de litige sur le sort du contrat de franchise et de stabiliser les rapports contractuels.
Comme le relève justement un auteur « un écrit quelconque permettra d’être pleinement
rassuré sur la volonté claire et certaine des deux partenaires de cesser leur courant
d’affaires « … » ainsi assuré que tout est bien fini et [ et qu’ils ] pourront « convoler »
ailleurs, en justes noces contractuelles »345
. Reste maintenant à aborder les effets du
mutuus dissensus.
B. Les effets du mutuus dissensus
107. Le principe : absence d’effet rétroactif. Le mutuus dissensus est une convention
extinctive. Il a un effet destructeur du contrat. Dès lors que son existence est établie, il
entraîne l’anéantissement du contrat de franchise. Celui-ci ne sera plus en mesure de
produire de nouvelles obligations à la charge des parties. Les relations contractuelles
entre le franchisé et le franchiseur cessent. Chacun d’eux se délie de ses engagements.
Toutefois, cet anéantissement n’est pas rétroactif. Le mutuus dissensus supprime le
contrat de franchise pour le futur sans remettre en cause les effets qu’il a pu produire
dans le passé. L’exclusion de l’effacement rétroactif s’explique par la nature du contrat
de franchise. Celui-ci est un contrat à exécution successive. Il n’est pas possible
d’effacer les faits déjà accomplis. Seules les obligations qui subsistent entre les parties
s’effacent. Il s’explique aussi par la volonté même des parties. En recourant au mutuus
dissensus, le franchiseur et le franchisé entendent seulement anticiper le terme de leur
contrat sans pour autant l’anéantir rétroactivement346
.
345
P. -Y. GAUTIER, Rapport de synthèse, in La cessation des relations contractuelles d’affaires, sous la
dir. J. Mestre, PUAM, 1997, p.215, et spéc., n° 8, p.222. 346
V. J. MESTRE, obs. sous Cass. com. 1er
février 1994 , RTD civ. 1994, p.356.
108
108. Exception. Il peut arriver dans certaines hypothèses que le mutuus dissensus ait un
effet rétroactif, de manière qu’il efface le contrat de franchise dès son origine. Il en est
ainsi lorsque le mutuus dissensus intervient juste après la conclusion du contrat de
franchise et avant sa mise en œuvre. Dans cette hypothèse, il n’y a aucune difficulté à
remettre les parties contractantes dans la situation où elles se trouvaient avant la
conclusion de leur contrat.
109. Action en responsabilité. Une fois intervenu, le mutuus dissensus fait obstacle à
toute demande indemnitaire fondée sur l’inexécution du contrat de franchise pour la
période postérieure à la résiliation amiable. Aucune action en responsabilité
contractuelle fondée sur le contrat initial ne peut être intentée du fait de la résiliation
amiable du contrat de franchise.
Toutefois, la jurisprudence admet qu’un franchiseur ou un franchisé puisse
intenter une action en responsabilité contractuelle pour les fautes commises avant la
résiliation bilatérale du contrat. C’est ce qu’illustre un arrêt du 22 mai 2003 rendu par la
Cour d’appel de Lyon347
. En l’espèce, un contrat de franchise a été résilié à l’amiable
par les parties. Or, 15 jours avant la date d’effet de la résiliation du contrat, le
franchiseur a supprimé l’accès au logiciel informatique. Le franchisé l’a assigné en
dommages et intérêts pour violation de ses obligations. La Cour d’appel lui a donné
gain de cause et a condamné le franchiseur à des dommages et intérêts. Elle a déclaré
que la résiliation du contrat de franchise d’un commun accord n’excluait pas la
responsabilité du franchiseur lorsque celui-ci a manqué à ses obligations contractuelles
en supprimant l’accès au logiciel informatique 15 jours avant la date d’effet de la
résiliation. Une telle solution paraît pleinement fondée d’autant plus qu’elle vise à
assurer la sécurité des relations contractuelles entre les parties.
347
CA Lyon, mai 2003, Juris-data n° 2003 -212752.
109
110. Conclusion de la section II - Contrat destructeur du contrat initial, le mutuus
dissensus permet au franchiseur et au franchisé de mettre fin à leur contrat initial
amiablement avant même que le terme extinctif pour lequel il a été stipulé ne soit échu.
Une fois établi, il va produire son effet extinctif sur le contrat de franchise. Les relations
contractuelles entre le franchiseur et le franchisé cessent d’exister et de produire leurs
effets juridiques dès le moment où les parties décident d’arrêter définitivement leur
relation contractuelle.
111. Conclusion du Chapitre II - Qu’elle soit unilatérale ou bilatérale, la résiliation est
un acte extinctif. Une fois intervenue, elle abroge le contrat de franchise. Celui-ci cesse
de produire ses effets juridiques. Il perd même son pouvoir de créer de nouvelles
obligations à la charge des parties. Celles-ci deviennent libres de leurs obligations, sauf
pour les obligations qui sont exigibles avant l’intervention de la résiliation et qui ne sont
pas encore exécutées ou pour les obligations post-contractuelles qui prennent effet lors
de l’extinction du contrat.
112. Conclusion du Titre I - L’extinction des relations contractuelles entre franchiseur
et franchisé peut trouver sa source à l’arrivé du terme lorsque chacune des parties refuse
de renouveler le contrat. Outre cette cause d’extinction naturelle et fréquente,
l’extinction du contrat de franchise peut aussi trouver sa source dans la résiliation
unilatérale lorsque celui-ci est conclu pour une durée indéterminée ou dans la résiliation
bilatérale intervenue par consentement commun des parties. Dans toutes ces hypothèses,
les causes d’extinction des relations contractuelles unissant le franchiseur au franchisé
ne sont que des causes d’extinction ordinaires. Contrairement aux hypothèses où
l’extinction du contrat de franchise trouve sa cause dans un événement inattendu, telle
que l’inexécution par l’une des partes de l’une de ses obligations ou l’atteinte à
l’intuitus personae de l’une des parties ou encore la survenance d’un événement rendant
impossible l’exécution du contrat de franchise ou remettant en cause son équilibre. Il
s’agit, là, de causes d’extinction extraordinaires.
110
TITRE II - LES CAUSES D’EXTINCTION EXTRAORDINAIRES
111
113. Destruction volontaire ou involontaire du contrat. La possibilité de la
réitération de la réussite du franchiseur, objet du contrat de franchise, dépend de la
bonne exécution du contrat de franchise par le franchisé comme par le franchiseur.
Chacun d’entre eux doit exécuter scrupuleusement ses obligations. Il doit collaborer de
manière efficace avec son cocontractant pour pouvoir réaliser le but attendu du contrat.
Tout manquement par l’une ou l’autre des parties à ses engagements est susceptible de
remettre en cause l’économie du contrat de franchise, et donc entraîner son extinction
(ChapitreI).
La cessation anticipée du rapport contractuel entre franchiseur et franchisé ne
résulte pas uniquement de l’inexécution par l’une des parties de ses obligations. Il peut
arriver, dans bien des cas, que la destruction du contrat de franchise soit imputable à un
événement autre que l’inexécution des obligations (Chapitre II). Cet événement peut
être lié aux parties comme il peut aussi être extérieur à elles.
112
CHAPITRE I - EXTINCTION ANTICIPÉE DU CONTRAT DE FRANCHISE
POUR CAUSE D’INEXECUTION
114. Destruction due à une faute. Le contrat de franchise est un contrat
synallagmatique. Il crée à la charge de chacune des parties certaines obligations qu’elle
doit respecter. Le franchiseur est tenu de transmettre au franchisé sa marque, ses signes
distinctifs, et son savoir-faire et de lui fournir une assistance technique et commerciale
de manière permanente tout au long du contrat. De son côté, le franchisé est tenu de
payer des redevances et d’appliquer les normes de l’exploitation de la franchise qui lui
sont transmises par le franchiseur. Toute inexécution par l’un ou l’autre de ses
obligations est susceptible de remettre en cause l’économie du contrat de franchise et
donc d’entraîner sa résiliation. Cette résiliation peut être faite aussi bien par le juge
(Section I) que par la volonté unilatérale du contractant quand le contrat n’a pas été
exécuté (Section II).
113
SECTION I. LA RESILIATION JUDICIAIRE DU CONTRAT DE FRANCHISE
115. Présentation générale et plan. Quand un franchisé ou un franchiseur manque à
ses obligations, son cocontractant a trois solutions. Premièrement, il peut ne pas
exécuter ses propres obligations. C’est ce que l’on appelle l’exception d’inexécution.
Ici, le contrat de franchise n’est pas éteint, mais simplement suspendu. Deuxièmement,
le contractant peut aussi s’adresser au juge et lui demander l’exécution forcée du contrat
avec, le cas échant, des dommages et intérêts. Troisièmement, il peut recourir au juge et
lui demander de lui permettre de sortir du contrat de franchise le liant avec un partenaire
défaillant en prononçant sa destruction définitive. Seule cette dernière voie, que l’article
1184 reconnaît au contractant victime d’inexécution, retiendra là notre attention.
En effet, une fois saisi d’une demande de résolution ou de résiliation du contrat, le
juge dispose d’un pouvoir souverain pour prononcer ou non la destruction du contrat. Il
va vérifier si le manquement allégué par le franchiseur ou le franchisé est assez grave
pour remettre en cause le contrat. Il n’y a pas de difficulté si l’inexécution du contrat
porte sur une obligation essentielle ou lorsqu’elle est totale. La résiliation judiciaire est,
dans ce cas, encourue. La difficulté apparaît lorsque l’inexécution commise par le
franchiseur ou le franchisé porte sur une obligation accessoire ou qu’elle est de moindre
importance. En pareille hypothèse, le juge du fond vérifie généralement si une telle
inexécution empêche la réalisation du but contractuel que les parties attendent de la
conclusion du contrat. Selon que la réponse est positive ou négative, il va ou non résilier
le contrat de franchise. Une fois la résiliation prononcée par le juge (§ 1), elle entraîne
la destruction du contrat de franchise pour le futur, sans remettre en cause les effets déjà
accomplis, à moins qu’il n’y ait dès l’origine une absence d’exécution ou une exécution
imparfaite (§ 2.).
114
§ 1. Le prononcé de la résiliation judiciaire
116. Plan. La résiliation judiciaire du contrat de franchise peut intervenir aux torts
exclusifs de l’une des parties (A). Elle peut aussi intervenir à leurs torts réciproques (B).
A. Résiliation aux torts de l’une des parties
117. Imputabilité de l’inexécution. La résiliation judiciaire du contrat de franchise
peut être prononcée à l’encontre du franchiseur (1) ou du franchisé (2) qui ne respecte
pas les obligations que met le contrat à sa charge.
1. Résiliation aux torts du franchiseur
118. Défaillances relatives à la transmission de la marque et des signes distinctifs.
La mise à disposition au franchisé par le franchiseur d’une marque et de signes
distinctifs de ralliement de la clientèle constitue un des éléments essentiels et
indispensables du contrat de franchise348
. La marque349
, qui est un élément permettant
aux consommateurs d’identifier un service ou un produit350
, constitue « la plaque
tournante, le pivot autour duquel va s’articuler la construction du réseau de
franchise »351 et la « clé de voûte juridique du contrat de franchise où la franchise est
une nébuleuse dont le noyau central est la marque »352.
348
D. FERRIER, Le droit de la franchise, 4e édition, Litec, 2006, n° 692, p.308 ; D. BASCHET, La
franchise, Guide juridique-conseils pratique, Gualino éditeur, 2005, n°171, p.98 ; Y. MAROT, Le droit de
la franchise, Gualino éditeur, 2003, p.53 J.-P. CLEMENT, Franchise et droits des marques, in Mélanges.
J.-J. BURST, Litec, 1997, p.113 ; J -J. BURST, Eléments de ralliement de la clientèle et franchise, Cah.
dr. entr. 1988, n° 2, p. 40. 349
L’article L.711-1 du Code de la propriété intellectuelle définit la marque comme « un signe
susceptible de représentation graphique servant à distinguer les produits ou services d’une personne
physique ou morale ». 350
J -N. KAPFERER, Les marques, captal de l’entreprise, Les Editions d’Organisation, 1991, p.133 :
« S’il est vrai que la marque part d’un produit, elle n’est pas le produit. La marque est le sens du produit. Les produits sont muets. Face à une boîte de cassoulet sans marque, l’acheteur est perplexe. Comment prévoir les satisfactions que l’on retirera vraiment de cette boîte ? La marque signe l’intention de l’auteur, du créateur : quelles valeurs a-t-il cherché à matérialiser dans cette boîte ? Qu’a-t-il voulu injecter dans ce produit : un amour de la tradition, un goût du travail bien fait, un respect des goûts modernes, une volonté de trouver un compromis heureux entre l’ère du gras et les contraintes du léger ?.... La marque est un programme génétique. Elle porte en elle le code des futurs produits ». V. P.
NUSS, Le consommateur d’aujourd’hui face à la marque, in Mélanges, J -J. BURST, Litec, 1997, p.363
et spéc., p.369. 351
P. NUSS, Table ronde, in Aspects juridiques de la franchise, Journée d’étude de Faculté de Lyon
organisée le 21 mai 1986, Litec, p.33, et spéc., p. 42. 352
Ibid.
115
C’est grâce à elle, en accompagnant les signes distinctifs, que le public peut
identifier l’appartenance du franchisé au réseau, l’identité et la réputation de celui-ci353
.
C’est grâce à elle aussi que le franchisé peut « sécuriser le consommateur, le fidéliser et
créer la valeur ajoutée pour l’entreprise »354. En somme, « la réussite commerciale du
franchiseur et des franchisés se manifeste et se prolonge, en effet, dans la notoriété de
la marque et plus généralement des signes distinctifs communs à l’ensemble du réseau.
Le réseau est « symbolisé» aux yeux des consommateurs et utilisateurs finaux par
l’enseigne »355.
De là, il ne paraît pas étonnant que lorsqu’un franchiseur manque à son obligation
de transmettre à son franchisé sa marque et ses signes distinctifs, ce manquement remet
en cause le contrat de franchise. Il s’agit ici d’un manquement à une obligation
essentielle sanctionné par le juge par le prononcé de la résiliation du contrat356
, voire
même, plus récemment, par la nullité pour défaut d’objet et de cause357
.
119. Défaillances du franchiseur relatives à la transmission du savoir-faire. A coté
de son obligation de mettre à disposition du franchisé sa marque et ses signes distinctifs,
le franchiseur est tenu de lui transmettre son savoir-faire. Il doit lui communiquer son
savoir-faire, c'est-à-dire ses connaissances pratiques et techniques « transmissibles, non
immédiatement accessibles au public, non brevetées et conférant à celui qui la maîtrise
un avantage concurrentiel »358.
353
D. BASCHET, La franchise, op.cit. 354
M. GABON, Les marques face au défit du temps, Entreprendre, 2004, n°182, p.70. 355
D. FERRIER, Franchise, Rép.com. Dalloz, 1996, n°10. 356
CA Paris, 20 mai 1988 ; CA Nancy, 12 septembre 1988 ; CA Paris 26 avril 1989, in J.-P. CLEMENT,
La franchise 20 ans de jurisprudence, n° 26, p.80 ; n°29, p.84 et n°47, p.110 ; CA Versailles 9 décembre
1987, Cah .dr.entr.1988, 2, p.42, note. J.-J. BURST 357
Ex. Cass. com., 6 mai 2003, La lettre de la FFF, supp. jurid. n°1, 2004, p.3. Cass. com., 15 juillet 1993,
Lettre de la distribution, 1993-11. Dans cet arrêt, la Cour de cassation a décidé que « faute de notoriété, la marque offerte par le franchiseur n’est pas une contrepartie aux obligations souscrites par le franchisé, le contrat de franchise se trouve privé de cause et doit être annulé ». D. BASCHET (La franchise, Guide
juridique-conseils pratique, Gualino éditeur, 2005, n°182, p.95) critique cette jurisprudence. Il estime
qu’exiger que la marque soit notoire empêcherait la création de tout réseau. Il observe ainsi : « En effet, lors du lancement d’un réseau de franchise, à moins que le franchiseur n’exploite déjà de nombreuses succursales, la notoriété de la marque est faible. C’est grâce au développement du réseau en franchise que la marque va devenir, sinon notoire, du moins connue ». 358
J.-M. LELOUP, La franchise, Droit et pratique, 4e édition, Delmas, 2004, n°349. En effet, le savoir-
faire est une notion floue. Il est difficile à cerner. De nombreuses définitions du savoir-faire ont été
données par la doctrine. Pour J.-M. MOUSSERON, (Traité des Brevets, Litec, 1984, n°12,) le savoir-
faire est « un ensemble d’informations pour la connaissance desquelles une personne désireuse de faire des économies d’argent et de temps, est prête à payer une certaine somme » ou comme un « ensemble de connaissances techniques, transmissibles, non immédiatement accessibles au public » (Aspects juridiques
116
La communication d’un savoir-faire est un élément fondamental du contrat de
franchise. Il est la clé de voûte359
. C’est lui qui permet de distinguer le contrat de
franchise des autres contrats voisins. En effet, en l’absence de savoir-faire, le contrat ne
peut être qualifié de contrat de franchise360
, mais de simple contrat de distribution
exclusive361
ou de contrat de collaboration362
, voire de contrat de fourniture363
. Bref,
toute l’économie du contrat de franchise repose sur le savoir-faire, de telle manière que
sans la transmission de celui-ci, le contrat de franchise serait vidé de sa cause, et la
réitération de la réussite du franchiseur pour lequel le contrat a été conclu serait
impossible.
Dès lors, tout manquement par le franchiseur à son obligation de transmettre au
franchisé son savoir-faire est susceptible d’entraîner l’anéantissement anticipé du
contrat de franchise à ses torts. C’est ce qui a été jugé par la Chambre commerciale dans
un arrêt du 24 mai 1994364
.
du Know-how, Cah. dr. entre. 1972 / 1). D. FERRIER, (Franchise et savoir-faire, Mélanges J.-J. BURST,
Litec, 1997, p.157) le savoir-faire « repose sur la combinaison d’éléments tels que la marque, les signes distinctifs, l’agencement du point de vente, les services rendus à la clientèle, les efforts de promotion, les produits ou services commercialisés, les conseils par le franchiseur ». Ph. Le TOURNEAU (Les contrats
de franchisage, Litec 2003, n°548, p.203) considère le savoir-faire comme une « connaissance technique, conférant un avantage économique, transmissible, secrète, non brevetée et identifiée ». J. BEAUCHARD,
(Droit de la distribution et de la consommation, PUF, 1996, p.194) voit dans le savoir- faire « un
ensemble d’informations pratiques non brevetables ». Pour D. BASCHET, (le savoir-faire dans le contrat
de franchise, G.P. 1994, I, p.690.), le savoir-faire peut se définir comme « un ensemble de connaissances empiriques qui, présentées de manière isolée sont imprécises, mais qui lorsqu’elles sont mises en œuvre ensemble, d’une façon déterminé par l’expérience, procurent à celui qui les maîtrise l’aptitude à obtenir un résultat qui, sans ces connaissances n’auraient pu être atteint ». S’agissant de la jurisprudence, celle-
ci définit le savoir-faire comme « l’ensemble des méthodes commerciales de nature à fonder la réussite du franchiseur » (Paris, 24 janvier 1975 : PIBD 1975, 3, p.323), ou « les techniques commerciales
expérimentées constamment mises au point par le franchiseur » (Cass. com., 3 octobre 1989, D. 1990,
somm, p.370, obs. D. FERRIER ; CA Paris, 18 juin 1992 et 27 mai 1993, D. 1995, somm. p.76, obs. D.
FERRIER.). En droit communautaire, le savoir-faire a aussi fait l’objet de plusieurs définitions. Il est
défini par le règlement n°2790-99 (règlement, art.1-f) comme « un ensemble secret, substantiel et identifié d’informations pratiques non brevetées, résultant de l’expérience du fournisseur et testées par celui-ci ». 359
D. BASCHET, La franchise, Guide juridique-conseils pratique, Gualino éditeur, 2005, n°241, p.119 ;
D. BASCHET, Le savoir-faire dans le contrat de franchise, Gaz. Pal. 1994, I, doctr., p .609. De même, D.
FERRIER, Franchise et savoir-faire, Mélanges. J.-J. BURST, Litec, 1997, p.161. 360
CA Montpellier 26 novembre 2002, Lettre de la distribution, 2003, n° 2. 361
Ch. ATIAS, Le contentieux de la franchise, Analyse de loyers, 1996, n°30, p.1115. 362
F. COLLART-DUTILLEUL et Ph. DELEBECQUE, Contrats civils et commerciaux, 7e édition, Précis
Dalloze, 2004, n°953,p. 930. 363
D. FERRIER, « L’obligation du franchiseur de transmettre son savoir-faire : élément constitutif», obs.
CA Paris, 16 avril 1991 et 29 mai 1992, D. 1992, p. 391. 364
Cass. com., 28 mai 1994, Contrats. conc. consom., 1994 , n° 191 , comm. L. LEVENEUR.
117
En l’espèce, un contrat de franchise de service a été conclu pour une durée de cinq
ans .En vertu de ce contrat, le franchiseur était tenu de fournir au franchisé des
prestations de services pour la création d’entreprises, notamment les formalités de
constitution, domiciliation, location de bureaux, assistance, secrétariat et comptabilité.
Or, peu de temps après la conclusion du contrat, le franchisé a assigné le franchiseur en
résiliation pour absence du savoir-faire qu’il lui avait promis. Les juges du fond lui ont
donné raison et prononcé la résolution judiciaire du contrat aux torts exclusif du
franchiseur, au motif que le savoir-faire promis était insuffisant pour effectuer les
prestations. Le franchiseur s’est pourvu en cassation.
Cependant, la Cour de cassation a rejeté sa demande en approuvant l’arrêt d’appel
d’avoir déclaré que « le franchiseur n’avait transmis au franchisé qu’un savoir-faire
dépourvu d’originalité, que ce dernier était en mesure d’acquérir par ses propres
moyens et qui était manifestement insuffisant pour lui permettre d’effectuer les
prestations franchisées qui nécessitaient une parfaite maîtrise des techniques
juridiques, comptables, financières et commerciales, ce qui l’avait obligé à limiter son
activité à la location de bureaux qui ne nécessitait aucun savoir-faire particulier ; c’est
en motivant sa décision, hors de toute contradiction, que la cour d’appel a décidé la
résolution du contrat aux torts exclusifs du franchiseur» .
La même solution a été ultérieurement reprise par la même Chambre dans un arrêt
du 12 juillet 2005365
. En l’occurrence, quelque temps après le commencement de
l’exécution du contrat, le franchiseur a assigné le franchisé en paiement de
marchandises qui lui avaient été livrées. Or, pour ne pas régler ce qui lui était demandé,
le franchisé s’est prévalu de l’inexécution par le franchiseur de son obligation de
transfert de savoir-faire et de son conseil. La Cour d’appel de Paris a écarté
l’argumentation du franchisé en relevant que l’exception d’inexécution ne peut être
opposée que pour des obligations d’un même contrat. En revanche, elle a prononcé la
résiliation du contrat aux torts du franchiseur pour manquement à son obligation de
transmettre son savoir-faire au franchisé.
365
Cass. com., 12 juillet 2005, RJDA 2005, n°1316 ; RTD civ. 2006, p.307, obs. J. MESTRE et B.
FAGES.
118
La Chambre commerciale a approuvé l’arrêt d’appel, d’une part, d’avoir rejeté le
jeu de l’exception de l’inexécution entre deux obligations au motif que celui-ci ne joue
qu’entre deux obligations nées d’un même contrat, et, d’autre part, d’avoir prononcé la
résiliation du contrat de franchise aux torts du franchiseur qui n’a pas satisfait à son
obligation de transmission d’un savoir-faire.
120. Défaillances du franchiseur relatives à l’assistance technique. Pour qu’un
franchisé puisse réitérer la réussite commerciale du franchiseur, il ne suffit pas qu’il
bénéfice de son pouvoir attractif et de son savoir-faire, encore faut-il qu’il bénéficie de
son assistance technique et commerciale dès la phase préparatoire du contrat et ce
jusqu’à son expiration. Comme le relève un auteur : « Préparateur du succès d’autrui,
le franchiseur en est aussi l’accompagnateur et le soutien permanent »366. L’obligation
d’assistance imposée au franchiseur, qui n’est en réalité que la prolongation de
l’obligation de communication du savoir-faire367
, a deux objets. Le premier est la
maintenance de la pertinence du savoir-faire commercial avec, le cas échéant, la
communication au franchisé de toute modification souhaitable368
. Le second concerne le
soutien de l’activité du franchisé par des conseils.
En conséquence, le franchiseur est tenu d’intervenir quand le franchisé rencontre
des difficultés dans l’exploitation de son savoir-faire, dans son actualisation et dans son
adaptation au marché. Il doit, à titre d’exemple, fournir au franchisé son assistance
quant au choix du point de vente, et quant à la gestion commerciale : conseils en matière
d’approvisionnement, de réception de marchandises, ou de gestion des stocks, et son
assistance en matière de marketing, de publicité, d’action de promotion ou en matière
financière, administrative, juridique, sociale, informatique, comptable369
.
366
Ch. ATIAS, Le contentieux de la franchise, op.cit., n°22, p.1112. 367
Ph. Le TOURNEAU, Les contrats de franchisage Litec, 2e édition, 2007, n° 524, p.241 et s.
368 CA Paris 14 février 1991, D.1992, somm., p.392, obs. D. FERRIER.
369 D. FERRIER, Droit de la distribution, 4
e édition, Litec 2006, n° 697, p.310 et s ; du même auteur,
Franchise, Rép. com. Dalloz .1996, n°22, et s ; J.-M. LELOUP, La Franchise : Droit et pratique, 4e
édition, Delmas 2004 , n° 2032, p. 324 ; D. LEGEAIS, La franchise, JCP N 1992, I, p.217 , et spéc., n° 39
, p.221 ; du même auteur , Franchise , J-CI Commercial .2000, fasc .333, et spéc., n° 37 et s ; D.
BASCHET, La franchise : Guide juridique, conseils pratiques, Gualino éditeur, 2005, n°341, p.157 et s .
119
Une telle obligation est une obligation fondamentale370
. C’est un devoir imposé au
franchiseur par la nature du contrat de franchise371
. Il en résulte que toute carence
contractuelle commise par le franchiseur peut être considérée comme un manquement
grave susceptible d’entraîner la résolution ou la résiliation du contrat à ses torts372
. C’est
ainsi, par exemple, qu’un contrat de franchise a été judiciairement résilié aux torts du
franchiseur qui a failli à son devoir d’assistance et de conseil, notamment pour les
difficultés financières du franchisé liées aux tarifs non concurrentiels qu’il pratiquait373
.
Deux observations doivent, en effet, être soulignées s’agissant de l’assistance du
franchiseur. La première, c’est que l’obligation pesant sur le franchiseur est une
obligation de moyens et non de résultat. Par conséquent, le franchisé, qui veut mettre en
jeu la responsabilité du franchiseur pour manquement à son obligation d’assistance, doit
préciser les diligences et les carences de celui-ci, à défaut, sa responsabilité ne sera pas
engagée. C’est ainsi qu’il a été jugé dans un arrêt du 20 juin 2006374
. Dans cet arrêt, la
Chambre commerciale de la Cour de cassation a rejeté un pourvoi formé contre un arrêt
d’appel ayant jugé que le franchiseur avait satisfait à son obligation d’assistance dès lors
que le franchisé reconnaissait avoir reçu des visites suivies de comptes rendus et qu’il
n’avait formulé aucune contestation pendant toute la durée des relations
contractuelles375
. De même, le Tribunal de commerce de Paris a, pour rejeter l’action en
résiliation initiée par le franchisé à l’encontre de son franchiseur pour manquement à
son obligation d’assistance, relevé, d’une part, que le franchiseur avait proposé en vain
des stages de formation à son franchisé et, d’autre part, que des suggestions précises
avaient été faites par le franchiseur au franchisé pour améliorer la rentabilité de son
exploitation et que ce dernier les avait néanmoins refusées en préférant définir lui-même
sa politique commerciale376
.
370
Ph. Le TOURNEAU, Les contrats de franchisage, Litec, 2e édition, 2007, n°525, p.241 :
« L’assistance technique est très importante dans tous les contrats comportant une communication de savoir-faire industriel ou commercial. Elle est donc fondamentale dans les contrats de transfert de maîtrise industrielle, notamment vers les pays en voie de développement, et dans les contrats de franchisage ». 371
R. de BALMANN, L’assistance est un devoir, L’Officiel de la franchise, 2002, n°50, p.102. 372
CA Paris, 15 octobre 2003, Juris-Data 2003-225457 ; Cass. com., 7 mars 1995, RJDA 1995, n° 836. 373
CA Versailles, 4 juillet 1996, Juris-Data n° 1996-043384 ; Cass. com., 7 mars 1995, RJDA 1995,
n°836 ; Aussi, Cass. com., 17 novembre 1998, RJDA 1999, n°30. 374
Cass. com., 20 juin 2006, pourvoi n° 04 -14.663. 375
Cass. com., 20 juin 2006, pourvoi n° 04 -14.663. 376
T. com., Paris, 17 janvier 2006, Juris-Data n° 2006-304909.
120
La deuxième observation est que l’assistance du franchiseur ne doit, en aucun cas,
priver le franchisé de son indépendance commerciale, sinon le contrat risque d’être
requalifié en contrat de travail377
. En dehors de l’obligation d’assistance technique et
commerciale, il convient de noter que lorsque le contrat contient une clause
d’exclusivité territoriale, le franchiseur doit respecter cette clause, sinon sa
responsabilité contractuelle sera engagée
121. Violation de la clause d’exclusivité territoriale. « Qui dit franchise, dit droit
privilégié»378. En effet, les contrats de franchise contiennent fréquemment une clause
qui concède au franchisé le droit exclusif à l’exploitation de la marque ou de l’enseigne
ou à la distribution des produits du franchiseur, ou de l’ensemble à l’intérieur d’un
territoire contractuellement défini.
Cette clause d’exclusivité territoriale peut porter simplement sur l’exclusivité de la
franchise ou de l’enseigne : « Pendant toute la durée du contrat, le franchiseur ne
pourra pas, à l’intérieur du territoire, exercer lui-même l’activité ou confier à une autre
personne que le franchisé le droit d’exercer cette activité ou d’utiliser un quelconque
droit de propriété intellectuelle en relation avec une activité similaire à celle visée par
le contrat » 379. Elle peut porter aussi sur l’exclusivité de fourniture de produits : «
Pendant toute la durée du contrat, le franchiseur ne pourra pas, à l’intérieur du
territoire, fournir à qui que ce soit les produits de la franchise ou autoriser tout tiers à
commercialiser les produits de la franchise en appliquant une méthode identique ou
similaire à celle concernée par le système »380.
377
CA Paris, 3 juillet 2002, D. 2003, somm., 2429, obs. D. FERRIER, V. aussi, CA Montpellier, 6,
janvier 1999, D. 2001, p.296, note. D. FERRIER. Dans cet arrêt, les juges ont requalifié un contrat de
franchise en contrat de travail en raison de l’immixtion excessive du franchiseur dans la gestion du
franchisé. Les juges ont relevé que le franchisé prospectait les clients auxquels il proposait un contrat
établi par le franchiseur, et non seulement le prix était fixé par lui-même et le paiement était réalisé
directement auprès de lui, mais il déterminait aussi les conditions d’exercice de l’activité. 378
Ch. ATIAS, Le contentieux de la franchise, Analyses Loyers, 1996, n°1, p.1105. 379
Article 51 du contrat modèle ICC de franchise international de distribution. 380
Ibid.
121
A vrai dire, contrairement au contrat de concession381
, la clause d’exclusivité n’est
pas indispensable dans le contrat de franchise. Elle n’est pas de l’essence de celui-ci382
.
La jurisprudence a affirmé, à plusieurs reprises, que la clause d’exclusivité territoriale
ne constitue pas une condition de validité du contrat de franchise et, par conséquent, son
absence ne peut entraîner la nullité de celui-ci383
. Pour autant, sa stipulation est
répandue en pratique384
. Cela peut s’expliquer par le fait que la clause d’exclusivité.-
quelle que soit sa forme ou son étendue-, « assure non seulement l’étroitesse des
relations d’affaires, mais encore et surtout, leur régularité. Elle est synonyme de
prévisibilité, de sécurité, et permet donc d’assurer la rentabilité des
investissements »385.
Elle peut aussi s’expliquer par le fait qu’elle se révèle parfois nécessaire à la
réitération de la réussite386
. Comme le relève un auteur, « l’application du savoir-faire
est réservée à une zone de chalandise parce que l’expérience du franchiseur a permis
de constater que cette zone constitue l’assiette de la réussite d’un point de distribution
franchisé, et non parce que le franchiseur cherche à limiter le jeu de la concurrence
entre les franchisés (au contraire, plus il a de franchisés installés, plus sa position est
confortée)»387.
381
Ch. ATIAS, op.cit. Selon l’auteur, en l’absence d’exclusivité territoriale, le contrat de concession peut
être disqualifié en contrat d’agréation. 382
D. FERRIER, Le droit de la distribution, 4e édition, Litec, 2006, n° 694, p. 309 ; J.-M. LELOUP, La
franchise, Droit et pratique, 4e édition, Delmas, 2004, n° 2035, p.325 ; Ph. Le TOURNEAU, Les contrats
de franchisage, Litec 2003, n° 525, p. 194 ; D. LEGEAIS, La franchise, JCP N 1992, I, p. 217, et spéc ,
n°43 ; O. GAST, La clause d’exclusivité territoriale est-elle essentielle au contrat de franchise, LPA du
29 juillet 1987, p. 29. 383
Cass. com., 19 novembre 2002, D. 2003, p. 2427, obs. D. FERRIER ; Cass. com,. 16 janvier 1990, D.
1990, somm., p. 369, obs. D. FERRIER. 384
V. L. GUISERIX, « Clause d’exclusivité territoriale : A examiner de près », Franchise. Magasine,
décembre 2003-janvier.2004, n° 173, p. 120. Selon l’auteur, environ 90 % des réseaux prévoient une
clause d’exclusivité territoriale dans les contrats de franchise. 385
G. PARLEANI, Les clauses d’exclusivité, in Les principales clauses des contrats conclus entre
professionnels, PUAM 1990, p. 55 et spéc., n° 2 et s : « ce souci général de prévisibilité, et donc de protection contre les aléas de la vie économique, explique qu’on rencontre ce type de clauses dans tous les secteurs de la vie des affaires, à tous les stades de la fabrication ou de la distribution (de la licence d’exploitation d’un brevet au contrat de bière), et dans les contrats les plus variés (licence de brevet, concession, franchise, etc ..) ». 386
D. FERRIER, Le droit de la distribution, 4e édition, Litec, 2006, n° 694, p, 309, pour qui le territoire
correspond, en effet, au potentiel de la chalandise nécessaire et suffisant pour assurer cette réussite. D. La
clause d’exclusivité territoriale peut être un élément essentiel du contrat de franchise, D. 1995, p. 78. V.
également, D. LEGEAIS, La franchise, JCP N 1992, I, p. 217, et spéc, n° 43, p.223, qui considère que
l’exclusivité territoriale, parce qu’elle constitue le support géographique de la réussite commerciale, peut
faire partie du savoir-faire et donc être un élément essentiel de la franchise. 387
D. FERRIER, Franchise et savoir-faire, Mélanges J.-J. BURST, Litec., 1997, p.157, et spec., n° 20,
p.163.
122
Quelle que soit la raison exacte de sa stipulation fréquente en matière de contrat de
franchise, la clause d’exclusivité territoriale y est en principe illicite au regard de
l’article L. 420-1 du Code de commerce388
. En effet, elle entraîne un partage du marché
entre franchiseur et franchisé389
. Pour autant, le droit interne390
aussi bien que le droit
communautaire391
exemptent sa stipulation en raison de ce qu’elle est indispensable de
la protection des investissements consentis par le franchisé ou parce qu’elle est
essentielle à la réitération du concept de franchise392
.
Toutefois, il faut noter qu’une fois valablement insérée dans le contrat de
franchise, la clause d’exclusivité territoriale devient un élément essentiel du contrat. Les
parties doivent la respecter. Si, par exemple, la clause d’exclusivité territoriale concède
au franchisé l’exclusivité sur une zone déterminée, le franchiseur s’engage à ne pas
implanter d’autres magasins franchisés dans la zone protégée. Par contre, si la clause
concède simplement au franchisé le droit exclusif d’exploitation de l’enseigne ou de la
distribution des produits, le franchiseur s’oblige à ne pas conclure d’autres contrats de
franchise dans le territoire et à ne vendre des produits à personne d’autres que son
franchisé. Toute violation par le franchiseur de cette clause peut remettre en cause le
contrat de franchise. Elle entraîne l’extinction du contrat de franchise par sa résolution
ou sa résiliation que le juge peut éventuellement prononcer aux torts exclusifs du
franchiseur393
.
388
L’article L.420 du Code de commerce prévoit que : « sont prohibées… lorsqu’elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, les actions concertées, conventions, entente ( express ou tacite) ou conditions, notamment lorsqu’elles tendent à : - limiter l’accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d’autres entreprises ; - faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse ; - limiter ou contrôler la production, les débouchés, les investissements ou les progrès techniques ; - répartir les marchés ou les sources d’approvisionnement ». 389
J.-J. BURST, Franchise et droit des pratiques restrictives de la concurrence : Franchise et droit
communautaire de la concurrence, in Aspects juridiques de la franchise, journée d’étude faculté de droit
de Lyon, 21 mai 1986, Litec, 186, p. 63. 390
Cass. com., 10 janvier 1995, RJDA. 1995, n° 561 ; D. 1997, somm.58, obs. D. FERRIER. 391
CJCE, 28 janvier 1986, aff.161/84, Pronuptia, Rec. CJCE, p.353, att.23. 392
D. FERRIER, Le droit de la distribution, op.cit. 393
Cass. com., 18 mars 1993, J-P. CLEMENT, La Franchise, 20 ans de jurisprudence, n°153, p. 260 ;
Contrats, conc. consom., 1993, n°107, comm. L. LEVENEUR.
123
122. La vente par Internet et la clause d’exclusivité. Le commerce électronique est en
forte expansion394
, notamment dans les réseaux de distribution où Internet devient
aujourd’hui un mode de distribution concurrent des circuits traditionnels constitués
essentiellement par les magasins395
. Cela ne doit pas surprendre. Internet permet aux
agents économiques de conquérir plus rapidement un nouveau marché avec des moyens
moins coûteux396
.
Cependant, si la distribution sur Internet constitue un atout capital pour les réseaux
de distribution, le développement de ce mode ne manque pas de susciter de sérieuses
difficultés. Le recours à Internet pour la commercialisation des produits risque de
bouleverser les structures classiques de ces réseaux. Il remet en question les règles du
droit de la concurrence en raison de la concurrence qu’il peut faire à la distribution par
points de vente physiques397
. Dès lors, la question qui se pose est celle de savoir si la
vente sur Internet par le franchiseur ne porte pas atteinte à l’exclusivité accordée au
franchisé, et, par conséquent, si elle entraîne la résiliation du contrat à ses torts. C’est la
question qui était posée à la Cour de cassation dans l’affaire jugée le 14 mars 2006398
.
394
En 2003, les entreprises françaises auraient réalisé quatre milliards d’euros de chiffre d’affaires par
l’intermédiaire du commerce électronique. Alors qu’en 2004, ce chiffre était de six milliards d’euros, soit
une progression de plus 50 %. V. P.-M. REVERDY, « Un franchiseur peut exploiter un site Internet
marchand concurrençant le franchisé sans qu’il s’agisse d’une atteint à l’exclusivité territoriale prévue au
contrat », JCP E 2006, p. 1902. 395
V. SELINSKY, Les ventes sur Internet en question, Rev. Lamy. Conc. 2007, n°1 ; M. BEHAR-
TOUCHAIS, De la création d’un site Internet par le franchiseur qui a consenti une exclusivité territoriale
à son franchisé, RDC. 2006, p.786 ; D. FERRIER, La distribution sur Internet dans le cadre d’un réseau,
D. 2006, n° 37, p. 2594 ; A. LECOURT, Franchise et Internet des rapports contractuels délicats, D. 2004,
p.623 ; D. FERRIER, La distribution sur l’Internet, JCPE 2000, n°2, p.12 ; R. FABRE, Les contrats de
distribution et Internet à la lumière du nouveau règlement communautaire, D. 2001, n°5, chron. p.461 ; E.
BARBRY, L’Internet et les réseaux de distribution, Gaz. Pal. 2001, p.29 ; C. COLLARD et C.
ROCQUILLY, Réseaux de distribution fermés et commerce électronique : Implications en droit
communautaire de la concurrence, LPA 3 avril 2000, n° 67, p.4 ; N. GASTAGNON, Internet et réseaux
de distribution, Contrats, conc. consom., octobre 2003, chron., p.12 ; C. MANARA, Web et distribution
sélective : réseau contre réseau ?, D. 1999, n°44, p.725 ; O. GAST et O. RENAUD, Internet en toute
franchise : quelle est la marge de manœuvre du franchiseur ?, LPA 22 août 2001, n°167, p.4. 396
D. FERRIER, La distribution sur Internet dans le cadre d’un réseau, D. 2006, n° 37, p. 2594. 397
D. FERRIER, La distribution sur Internet dans le cadre d’un réseau, op.cit. ; A. LECOURT,
Franchise et Internet : des rapports contractuels délicats, D. 2004, p. 623. 398
Cass. com., 14 mars 2006, Juris-Data n° 2006-032686 ; D. 2006, jur.p. 1901, note. H. KENFACK ;
Contrats. conc. consom., 2006, n° 82, comm. M. MALAURIE-VIGNAL ; RDC. 2006, p. 786, note. M.
BEHAR-TOUCHAIS.
124
En l’espèce, un contrat de franchise de distribution de fleurs a été conclu entre la
société Flora Partner (le franchiseur) et la société Laurent Portal Rouvelet (le
franchisé), et cela en vue de l’exploitation d’un magasin sous la marque, le signe et les
techniques du franchiseur pour une durée de six ans. Ce contrat concédait au franchisé
le droit exclusif à l’exploitation. L’article 7-3 du contrat prévoyait que « l’exclusivité
territoriale implique que le franchiseur s’engage, pendant la durée du présent contrat,
à ne pas autoriser l’ouverture d’autres points de vente (Le Jardin des fleurs) dans le
territoire d’exclusivité susmentionné, en dehors de celui du franchisé ». A la fin de
l’année 1999, le franchiseur a ouvert un site Internet sous l’enseigne Le Jardin des
Fleurs. Estimant qu’il avait violé son obligation contractuelle d’exclusivité, le franchisé
l’a assigné en résiliation du contrat et en paiement de dommages et intérêts. La Cour
d’appel de Bordeaux a, dans un arrêt du 26 février 2003399
, fait droit à sa demande et
prononcé la résiliation du contrat de franchise aux torts du franchiseur. Les juges du
fond ont considéré que l’obligation d’exclusivité territoriale est essentielle et
déterminante pour le franchisé, et qu’elle doit donc le protéger de toute vente à
l’initiative du franchiseur, directement ou indirectement. Or, la vente sur Internet, bien
que constituant une vente passive, porte atteinte à cette exclusivité puisqu’elle est
réalisée sans contrepartie financière pour le franchisé qui, néanmoins, contribue au
fonctionnement du site par prélèvement effectué sur la redevance communication qu’il
verse au franchiseur. La Chambre commerciale a cassé l’arrêt d’appel en décidant que la
création d’un site Internet n’est pas assimilable à l’implantation d’un point de vente
dans le secteur protégé, et, par conséquent, il n’y a pas violation de la clause
d’exclusivité territoriale.
Il ressort de cet arrêt que le franchiseur peut librement vendre ses produits sur
Internet400
. Sauf disposition contractuelle contraire, ce dernier peut, sans méconnaître
l’obligation d’exclusivité territoriale qu’il a contractuellement consentie au franchisé,
commercialiser ses produits par le biais d’un site Internet.
399
CA Bordeaux, 26 février 2003, RJDA 2004, n°805 ; Juris-Data, n° 2003-217863. 400
Lignes directrices sur les restrictions verticales, 13 octobre 2000, JOCE n° 291 ? p.1, point 51 :
« Chaque distributeur doit être libre de recourir à Internet pour faire de la publicité ou vendre des produits ».
125
Une telle solution paraît justifiée. Le franchiseur qui crée un site Internet ou qui se
contente de répondre seulement à des demandes reçues par des clients situés dans le
territoire exclusif concédé au franchisé ne fait qu’effectuer une vente passive401
. Celle-ci
ne contrevient pas à l’obligation d’exclusivité. Elle n’est pas de nature à porter atteinte à
l’exclusivité territoriale consentie au franchisé et donc ne peut justifier la résiliation
judiciaire du contrat402
. Il en va différemment lorsque la vente par le franchiseur
constitue une vente active, c’est-à-dire lorsqu’il prospecte la clientèle à l’intérieur du
territoire exclusif du franchisé, par exemple, par publipostage ou au moyen de visite. En
pareille hypothèse, il y a violation de sa part de son obligation d’exclusivité justifiant la
résiliation du contrat à ses torts, étant donné qu’il concurrence le franchisé dans la zone
territoriale qui lui est réservée403
.
Ainsi, on pourrait préserver le développement des réseaux de distribution sans
léser les intérêts des parties404
. Pourtant, la prudence s’impose. La position de la
Chambre commerciale dans cet arrêt semble moins nette. Celle-ci ne se réfère pas à la
distinction entre les ventes actives et les ventes passives pour juger si la vente par
Internet constitue ou non une violation de la clause d’exclusivité territoriale. Elle s’en
tient seulement à une interprétation restrictive de la clause d’exclusivité en considérant
que la création d’un site Internet n’est pas assimilable à l’implantation d’un point de
vente. Elle se fonde ainsi sur une comparaison purement matérielle des conditions de
vente.
401
M. BEHAR-TOUCHAIS, obs sous Cass. com., 18 mars 2006, RDC. 2006, p. 786 ; M. MALAURIE-
VIGNAL, Droit de la distribution, Sirey, 2006, n° 612, p. 166 et s ; D. FERRIER, La distribution sur
Internet dans le cadre d’un réseau, D. 2006, n° 37, p. 2594 ; A. LECOURT, Franchise et Internet : des
rapports contractuels délicats, D. 2004, p. 623 ; D. FERRIER, La distribution sur l’Internet, JCP E 2000,
n° 2, p.12 ; R. FABRE, Les contrats de distribution et Internet à la lumière du nouveau règlement
communautaire, D. 2001, n ° 5, chron. p. 461. 402
M. BEHAR-TOUCHAIS, op.cit ; M. MALAURIE-VIGNAL, Droit de la distribution, Sirey, op.cit ; D.
FERRIER, La distribution sur Internet dans le cadre d’un réseau, op.cit. 403
M. BEHAR-TOUCHAIS, op.cit 404
Cette solution a été retenue dans une sentence arbitrale du 2 septembre 2000 rendue par la Chambre
d’arbitrage de l’American Arbitration Association le 2 septembre 2000 dans l’affaire Emporium Drug
Mart. En l’espèce, un franchiseur avait mis en vente ses produits directement via un site Internet sous le
nom domaine « drugemporium.com ». Cette initiative commerciale avait été prise de manière unilatérale
par le franchiseur lui-même sans que les franchisés n’aient été avisés ou préalablement consultés. Les
franchisés alléguaient que la vente directe par Internet du franchiseur aux utilisateurs est une violation des
stipulations contractuelles. Les arbitres ont considéré que cette concurrence diminuait la valeur des
territoires exclusifs des franchisés et ont ainsi ordonné au fournisseur de ne plus vendre aux clients situés
dans les territoires concédés. En outre, le franchisé devait indiquer sur son site que ses clients ne
pourraient être livrés. Sur cette affaire, consulter le site internet: www.juriscom.net.
126
En présence d’une telle ambiguïté de la part de la jurisprudence, il est conseillé au
franchiseur et au franchisé de régler la question de la possibilité du recours à Internet
par l’insertion d’une « clause d’Internet »405. Cette clause doit être claire et prévoir de
manière non équivoque les modalités de l’utilisation d’Internet. Ainsi, tout conflit sur
l’utilisation d’Internet par les parties au contrat de franchise pourrait être évité.
123. Manquement à l’obligation d’approvisionnement. Outre les obligations
précédentes, le franchiseur est tenu envers son franchisé d’une obligation
d’approvisionnement. Cette obligation est essentielle, de telle sorte qu’à défaut, la
réitération par le franchisé de la réussite du franchiseur peut paraître impossible. Le non
respect par le franchiseur de cette obligation peut donc être de nature à entraîner la
résiliation ou la résolution du contrat à ses torts406
.
C’est ce qu’illustre un arrêt du 28 juin 2005407
. En l’espèce, quelque temps après le
commencement de l’exécution du contrat, le franchisé a manifesté au franchiseur sa
volonté de céder son contrat. Le franchiseur lui a présenté un cessionnaire. Or, le
franchisé a refusé d’agréer le cessionnaire choisi par son franchiseur. Toutefois, à la
suite de ce refus, le franchiseur s’est abstenu de fournir le franchisé. Ce dernier l’a alors
assigné en résiliation. Les juges du fond ont fait droit à sa demande et prononcé la
résiliation du contrat de franchise aux torts du franchiseur. Pour justifier sa décision, la
Cour d’appel relève qu’il y avait une succession de manquements croissants du
franchiseur à ses obligations contractuelles et que l’approvisionnement du magasin
franchisé et les opérations promotionnelles n’étaient plus correctement assurées.
Le franchiseur s’est pourvu en cassation. La Chambre commerciale a rejeté le
pourvoi en considérant que la Cour d’appel avait exactement déduit que la rupture du
contrat de franchise était imputable au franchiseur qui avait gravement manqué à son
obligation d’approvisionnement et de fourniture des offres promotionnelles.
405
S. PILLOT-PEROZETTO, Précisions sur le régime des clauses relatives à l’utilisation d’Internet par
les distributeurs en droit de la concurrence, Contrats, conc. conso., 2002, p.31. 406
D. LEGEAIS, La franchise, JCP N 1992, I, p.217, n° 60, p.225 407
Cass. com., 28 juin 2005, pourvoi n° 04-10. 038.
127
La Chambre a déclaré ainsi : « Mais attendu, en premier lieu, que la Cour d’appel
n’a pas exigé que le franchiseur assure l’animation et le développement d’un réseau
identique à celui-ci existant avant la cession, mais appréciant son comportement au
regard des obligations essentielles restant lui incomber à l’égard d’un franchisé
minoritaire, et retenant une succession de manquements de plus en plus graves aux
obligations contractuelles, dès lors que l’approvisionnement du magasin n’était plus
assuré correctement et que les opérations promotionnelles n’étaient plus effectuées, en
a exactement déduit que la rupture du contrat de franchisé était imputable au
franchiseur qui avait manqué à ses obligations contractuelles ».
124. Modification unilatérale du contrat. Si le franchiseur se voit reconnaître la
possibilité de modifier son mode de distribution et de faire coexister des circuits de
distribution différents, c’est à la condition de respecter ses engagements antérieurs sans
avantager une catégorie de distributeurs au détriment d’une autre. Toute modification
du contrat de franchise susceptible de nuire aux intérêts du franchisé peut engager sa
responsabilité et entraîner donc la résiliation du contrat à ses torts408
. Dans un arrêt du
20 février 2003, la Cour d’appel de Paris a prononcé la résiliation du contrat de
franchise aux torts du franchiseur qui a brutalement changé sa politique commerciale
sans information préalable au franchisé409
.
125. En résumé. Franchiser, c’est réitérer une réussite. Le franchiseur doit donc
respecter toutes les obligations que met le contrat de franchise à sa charge. Toute
défaillance contractuelle de sa part est susceptible de faire obstacle à la réitération de la
réussite par le franchisé et donc entraîner la résiliation du contrat à ses torts. La même
solution s’applique en ce qui concerne la défaillance du franchisé.
408
CA Paris, 15 sept. 2000, D. 2000, AJ, 389, E. CHEVRIER ; CA Rouen 13 oct .1994, Juris-Data, n°
1994-050353. 409
CA Paris, 20 février 2003, Juris-Datat n° 2003-211466.
128
2. Résiliation aux torts du franchisé
126. Défaillances relatives au paiement des redevances. Le contrat de franchise est
un contrat synallagmatique. Il prévoit généralement l’obligation pour le franchisé de
payer une redevance et un droit d’entrée au franchiseur en contrepartie des avantages
que procure le contrat de franchise : la notoriété de la marque et des signes de
ralliements du franchiseur, le savoir-faire, l’assistance technique continue. Il s’agit ici
de rémunérer l’initiative qu’a prise le franchiseur, les montages qu’il a conçus, ainsi que
le soin qu’il apporte à l’animation de son réseau410
. Le non respect par le franchisé de
son obligation de payer des redevances ou le droit d’entrée constitue un manquement
grave justifiant la résiliation ou la résolution judiciaire du contrat à ses torts411
.
Ainsi, dans un arrêt du 22 mars 2005, la Cour d’appel de Poitiers a prononcé la
résiliation du contrat de franchise aux torts du franchisé après avoir constaté que ce
dernier n’avait pas payé les redevances dues depuis six ans412
. De même, dans un arrêt
du 30 mai 2006, la Cour de Chambéry a prononcé la résiliation du contrat de franchise
aux torts du franchisé qui avait refusé de payer les redevances au franchiseur en
invoquant vainement l’exception d’inexécution413
.
127. Défaillances relatives à la communication de documents de gestion. Outre
l’obligation de payer la rémunération du franchiseur, le franchisé est tenu de
communiquer au franchiseur des documents de gestion, notamment les tableaux de
chiffre d’affaires. Une telle obligation n’est en réalité qu’une obligation accessoire. Son
inexécution par le franchisé n’est pas, a priori, susceptible, en elle-même, d’entraîner
l’anéantissement du contrat.
410
V D. FERRIER, Le droit de la distribution, 4e édition, Litec, 2006, n° 700, p.311 ; J.-M. LELOUP, La
franchise, Droit et pratique, Delmas, 4e édition, 2004, n° 2039, p. 326 ; D. LEGEAIS, La franchise, JCP N
1992, I, p. 217, et spéc., n° 56, p. 225. 411
CA Versailles, 4 juillet 1996, Jursi-Data n°1996-04 33 84 ; CA Paris, 31 mars 1995, Jursi-Data,
n°1995-.044748 ; D. FERRIER, Franchisage : une rupture délicate, cah. dr. ent. 1987, n° 26, p.12. 412
CA Poitiers 22 mars 2005, Juris-Data, n° 2005-3930. 413
CA Chambéry, 30 mai 2006, Juris-Data, n° 2006-312337.
129
Néanmoins, parce qu’elle contribue à la réalisation de la fin attendue du contrat, de
sorte que son inexécution est susceptible de compromettre l’économie du contrat de
franchise414
, le juge admet parfois que sa violation par le franchisé puisse entraîner la
résiliation du contrat à ses torts. En effet, en ne communiquant pas les documents de
gestion et en particulier les tableaux de chiffre d’affaires, le franchiseur ne se trouve pas
seulement dans l’impossibilité de déterminer les royalties dues par le franchisé, mais
aussi de fournir à ce dernier l’assistance technique et commerciale dont il a besoin.
S’ajoute à cela, que le non respect de la communication de documents de gestion
par le franchisé interdit au franchiseur d’exercer son devoir de contrôle sur le franchisé
quant à la bonne application des normes du réseau, et notamment celles relatives à la
mise en œuvre du savoir-faire. C’est pourquoi donc tout manquement à une telle
obligation par le franchisé est susceptible d’entraîner la résiliation du contrat à ses
torts415
.
128. Défaillances du franchisé relatives aux normes d’exploitation de la franchise.
La notion de réseau confère une dimension collective aux rapports bilatéraux entre
franchiseur et franchisé en vue de former un ensemble cohérent416
. Elle se construit
par la pluralité des volontés individuelles unissant un fournisseur à une multitude de
distributeurs417
. Tout a été mis en œuvre pour présenter aux consommateurs une image
uniforme : services identiques, produits identiques, décor identique, conditions de vente
identiques. La finalité du système de la franchise consiste donc à créer et à développer
une image de marque, un style que le client retrouvera dans chaque point de vente418
.
C’est pourquoi certains auteurs parlent ici d’une théorie institutionnelle du réseau de la
distribution419
.
414
Sur le rôle des obligations accessoires dans la destruction du contrat, v. M. PICARD et A.
PRUDHOMME, Résolution judiciaire, RTD civ. 1912, p.61 et s. 415
CA Paris 10 novembre 1987, Juris-Data, n° 1987-027263. 416
P. PIGASSOU, La distribution intégrée, RTD com. 1980, p.473, et spéc., p. 483. 417
L. AMIEL-COSME, Les réseaux de distribution, LGDJ, 1995, préface Y. Guyon. 418
R. FABRE, La nature juridique des réseaux, Rev. Lamy droit des affaires, 2005, n° 79. V. aussi, M. C.
BOUTARD-LABARDE, Franchise et contraintes du droit communautaire, Cah. dr. ent. 1987, 2, p. 11 et
spéc., n° 9, p. 12. 419
L. AMIEL-COSME, La théorie institutionnelle du réseau, in Aspects actuels du droit des affaires,
Mélanges. Y. Guyon, Dalloz, 2003, n° 1, p.1.
P. PIGASSOU, La distribution intégrée, RTD com. 1980, p.473, p.483.
130
En conséquence, chaque membre du réseau est tenu de respecter les normes de
l’exploitation de la franchise mises au point par le franchiseur. Le franchisé doit se
conformer aux modalités d’aménagement du magasin et aux techniques de présentation
des produits. Comme le relève un auteur « par son agencement et sa présentation, le
magasin du franchisé n’est pas un local neutre où le commerçant entrepose
passivement quelques produits qu’il propose aux consommateurs. C’est un centre
essentiel de décision »420.
Le franchisé doit aussi se conformer aux normes ou aux modes opératoires de
l’exploitation du savoir-faire décrits par le franchiseur. Il doit appliquer à la lettre les
normes ou les directives de mise en œuvre du savoir-faire. Il ne dispose pas de choix
dans l’application des différentes normes. Elles lui sont imposées. La « franchise n’est
pas un système où l’on peut prendre ce qui paraît bien et laisser ce qui ne paraît pas
bien, car il n’appartient pas au franchisé d’en juger »421. Le non-respect par le
franchisé de son obligation de suivre les normes de l’exploitation de la franchise
constitue une violation d’une obligation essentielle du contrat de franchise. Une telle
violation peut faire échec à la réitération de la réussite du franchiseur. En fait, en
présence d’une inapplication ou d’une application non-conforme des normes
d’exploitation de la franchise, il n’y a plus de réitération de la réussite commerciale du
franchiseur, mais l’innovation et l’économie même de la franchise se trouvent
atteintes422
. Il remet aussi en cause l’homogénéité du réseau. La défaillance du franchisé
va rejaillir de manière négative sur l’ensemble de ce réseau. Chaque membre du réseau
qui représente l’image va supporter les conséquences de cette défaillance. Par exemple,
lorsqu’un consommateur n’est pas satisfait de tel ou tel service ou de tel ou tel produit
qui lui sont présentés par un point de vente, il ressentira de la méfiance à l’égard de tous
les autres points de vente franchisés.
420
K. TORBEY, Les contrats de franchise et de management à l’épreuve du droit des sociétés, LGDJ
2002, préface .Ph .Merle, n°47, p.32 421
J.-M. LELOUP, Les rapports juridiques dans le contrat de franchise, in Aspects juridiques de la
franchise, Journée d’étude de faculté de Lyon organisée le 21 mai 1986, Litec, p.13, et spéc., p.32. 422
D. FERRIER, La franchise internationale, J.D.I .1988, p.625, et spéc., n°10, p.629.
131
Comme le relève un auteur : « Que l’un soit défaillant, tous en pâtiront »423. Il
n’est donc pas surprenant que lorsqu’un franchisé manque à son obligation de respecter
les normes du réseau, le juge prononce la résiliation du contrat de franchise à ses torts,
voire parfois sa condamnation à des dommages et intérêts pour le préjudice qu’il fait
subir au franchiseur et à tous les membres du réseau424
. C’est ainsi que, dans un
jugement du 30 novembre 1978, le Tribunal de commerce de Paris a prononcé la
résiliation du contrat de franchise aux torts exclusifs du franchisé qui ne s’était pas
rendu aux présentations de collections organisées par le franchiseur425
.
En ce qui concerne l’obligation de respecter les normes du réseau, une observation
s’impose. En effet, le franchiseur est tenu d’un devoir de vigilance et de contrôle vis-à-
vis des membres du réseau426
. Il s’engage à contrôler en permanence l’activité de ses
membres et à vérifier leur respect des normes de qualité et de l’exploitation du savoir-
faire qui leur sont imposées427
.
Tout manquement par le franchiseur à ce devoir engagera sa responsabilité vis-à-
vis des membres du réseau428
. En réalité, le laxisme du franchiseur l’exposerait « à
glisser du statut de victime à celui de responsable de l’échec du franchisé et du
préjudice qui en résulterait pour les autres membres du réseau comme pour les
tiers »429. Les franchisés subissant un préjudice résultant de la défaillance par l’un des
membres à son obligation de respecter les normes peuvent mettre en jeu la
responsabilité contractuelle du franchiseur pour absence de contrôle430
. Ils peuvent aussi
engager la responsabilité délictuelle du franchisé défaillant pour le préjudice que leur
cause sa faute de ne pas avoir respecté le contrat auquel il est soumis431
.
423
Ph. Le TOURNEAU, Le franchisage, Economica 1994, p.50 : « La force du réseau résulte de sa cohésion et de la puissance de chacun de ses membres. Que l’un soit défaillant, tous en pâtiront ». 424
Cass.com .9 décembre 1986, D. 1988, somm .22, obs. D. FERRIER. 425
T. com. Paris, 30 novembre 1978, cité par J.-M. LELOUP, La franchise, op.cit., p.24. 426
Ph. Le TOURNEAU, Les contrats de franchisages, Litec, 2007, n° 234, p.83, n°288, p.103, n°531,
p.197.V, aussi, D. FERRIER, Franchise et savoir-faire, Mélange. J-J. Burst, Litec, 1997, p.161. 427
L. AMIEL-COSME, La théorie institutionnelle du réseau, in Aspects actuels du droit des affaires,
Mélange. Y. Guyon, Dalloz, 2003, n°1, p.1, et spéc., n° 13, p. 14 : « Dans le réseau, l’exercice du pouvoir est dévolu à l’intégrateur. En conséquence, les distributeurs intégrés sont soumis aux normes communes de l’institution, sous le contrôle de l’intégrateur, ce qui confère ainsi un caractère hiérarchique ». 428
C. BIDAN et Th. Le BRAS, La responsabilité civile du franchiseur dans la gestion du franchisé, RJ-
com.1986, p.18. 429
D. FERRIER, Franchise et savoir–faire, in Mélange J.-J. Burst, Litec, 1997, p.157. 430
R. FABRE, La nature juridique des réseaux, Revue Lamy droit des affaires, 2005, n° 79. 431
Ibid
132
129. Violation de la clause de non-concurrence pendant le contrat. De nombreux
contrats de franchise432
comportent une clause qui interdit au franchisé d’exercer une
activité similaire ou identique de nature à faire concurrence au franchiseur433
. Cette
clause de non-concurrence peut parfois prendre effet lors de l’exécution du contrat de
franchise. Elle peut aussi, au contraire, reporter ses effets juridiques après le contrat434
.
Seule celle stipulée pendant le contrat retient ici notre intention. Elle est souvent rédigée
ainsi : « Pendant toute la durée du présent contrat, le franchisé s’interdit de
commercialiser, directement ou indirectement par toute personne physique ou morale
interposée y compris par les détenteurs de son capital social, tout produit concurrent de
ceux commercialisés par le franchiseur, que ceux-ci fassent ou non partie des produits
faisant l’objet du présent contrat, de proposer tout service concurrent des services du
franchiseur ; de prospecter en dehors du territoire contractuel »435. « Pendant la durée
du contrat, le franchisé s’interdit de développer directement ou indirectement, que ce
soit de manière indépendante ou comme salarié, pour son propre compte ou au nom
d’une autre personne, une activité similaire dans un territoire où il concurrencerait un
membre du réseau de franchise, y compris le franchiseur »436.
Quelle que soit la forme avec laquelle elle est rédigée, une fois que la clause de
non-concurrence est prévue au contrat, elle doit être respectée par le franchisé. Toute
violation par lui de cette clause constitue une atteinte grave à la loyauté. « Elle permet
un détournement du savoir-faire transmis au franchisé et un détournement de
clientèle »437.
432
P. AVAKIAN, « Pratique contractuelle de la franchise : analyse du contenu d’un ensemble de
contrats », in Le contrat-cadre : 2 .La distribution, Litec, 1995, sous la dir. A. SAYAG, p. 201, et spéc., n°
414. Selon l’auteur, plus de 7 contrats sur 10 comportent une clause interdisant au franchisé d’exercer une
activité similaire, dans une zone géographique déterminée, pendant la durée du contrat. 433
M. BEN SOUSSEN, Les clauses de non–concurrence ont-elles encore un avenir?, L’officiel de la
franchise, septembre 2006, n° 64, p. 98 ; M. MALAURIE-VIGNAL, Droit de la distribution, Sirey,
2006, n° 326, p.92 ;J-M. LELOUP, La franchise, Droit et pratique, Delmas, 4e édition, 2004, n° 460, p.
80, et n° 1220, p. 221 ; Ph. Le TOURNEAU, Les contrats de franchisage, Litec, 2003, n° 287, p. 103 et n°
494 et p. 185 ; Ch. JAMIN, Clause de non-concurrence et contrat de franchise, D. 2003, doct., 2878 ; Y.
SERRA, La validité de la clause de non-concurrence : De la vente du fonds de commerce au contrat de
franchise, D. 1987, p.113. 434
V. Sur la clause de non -concurrence post-contractuel, v. Infra n° 306 et s. 435
J -M. LELOUP, La franchise, Droit et pratique, Delmas, 4e édition, 2004, n°1220, p.221.
436 Article 6-1, f du contrat modèle ICC de franchise internationale de distribution.
437 J.-M. LELOUP, La franchise, Droit et pratique, Delmas, op.cit., n° 2042.
133
Les juges n’hésitent pas donc, en présence d’un tel manquement, à prononcer la
résiliation du contrat de franchise à ses torts. C’est ainsi que, dans un arrêt du 6 mai
2003, la Cour d’appel de Rennes a prononcé la résiliation du contrat de franchise aux
torts exclusifs du franchisé, au motif qu’il avait manqué à son obligation de non-
concurrence438
. Il en va de même en cas de violation de l’obligation d’exclusivité
territoriale.
130. Violation de l’obligation d’exclusivité territoriale. A la différence des contrats
de concession, la clause d’exclusivité territoriale n’est pas indispensable dans les
contrats de franchise439
. Elle n’est pas de l’essence de ceux-ci. Pour autant, il faut noter
que dès lors qu’elle est prévue dans le contrat de franchise, la clause d’exclusivité
territoriale devient un élément essentiel. Elle doit donc être respectée. Le franchisé, qui
bafoue la clause d’exclusivité territoriale en ouvrant un autre magasin ou en fournissant
à des clients hors de sa zone, commet une défaillance contractuelle justifiant la
résiliation du contrat à ses torts.
C’est ainsi que, dans un arrêt du 30 janvier 2002, la Cour d’appel de Paris a
prononcé la résiliation du contrat de franchise aux torts du franchisé ayant violé son
obligation d’exclusivité territoriale en ouvrant hors de sa zone un point de vente vendant
des produits identiques à ceux du franchiseur440
.
131. Défaillances du franchisé relatives à l’obligation d’exclusivité
d’approvisionnement. Les contrats de franchise contiennent fréquemment une clause
d’approvisionnement exclusif par laquelle le franchisé s’engage vis-à-vis du franchiseur
à s’approvisionner exclusivement ou quasi exclusivement auprès de lui ou de l’un des
fournisseurs désignés par lui. Une telle clause présente de multiples avantages pour les
parties. Pour le franchisé, elle lui assure d’être régulièrement approvisionné en produits
qu’il va commercialiser.
438
CA Rennes, 6 mais 2003, Juris-Data, n° 2003-221106. 439
Cass. com., 19 novembre 2002, D. 2003, somm., 2427.D. FERRIER. 440
CA Paris, 30 janvier 2002, Juris-Data, n° 2002-174913.
134
Pour le franchiseur, elle lui permet non seulement de vendre ou d’écouler dans tout
son réseau les produits qu’il fabrique mais aussi d’assurer l’homogénéité des produits et
des services offerts aux clients. Voilà pourquoi sa stipulation est une pratique répandue
en matière de contrats de franchise441
, même si elle n’est pas de l’essence de ceux-ci442
.
En principe, les clauses d’approvisionnement exclusif sont illicites au regard du
droit de la concurrence puisqu’elles entravent la concurrence au sein du marché443
. Elles
créent un partage du marché tant entre franchisés qu’entre franchiseur et franchisé et
limitent la liberté de celui-ci de choisir ses sources d’approvisionnement, ce qui a pour
conséquence de rendre plus difficile l’accès du marché pour les producteurs concurrents
en limitant les débouchés à leur détriment444
. Pour autant, le droit interne445
et le droit
communautaire 446
en tolèrent la stipulation dès lors qu’elles paraissent indispensables
tant à la mise en œuvre par le franchisé du concept du franchiseur qu’au maintien de
l’identité commune et l’image et la réputation du réseau.
441
J.-M. LELOUP, Les clauses d’approvisionnement exclusif : droit d’origine interne et communautaire,
D. 1999, p. 1166 ; H. BENSOUSSAN, « Réseau de franchise. De l’obligation d’approvisionnement
exclusif à l’achat privilégié d’intérêt commun, D. 1998, II, p 454 ; O. GAST, L’affaire Phildar, ou le
nouveau régime juridique des clauses d’approvisionnement exclusif, D. 1997, p. 172 ; Y. MAROT,
Approvisionnement exclusif, Pour y voir plus clair, Fr. Mag. octobre et novembre. 1996, n° 136, p.12. 442
D. BASCHET, La franchise : Guide juridique, conseils pratiques, Gualino éditeur, 2005, n°741, p.327 443
L’article L.420 du Code de commerce prévoit que : « sont prohibées… lorsqu’elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, les actions concertées, conventions, entente expresse ou tacite ou conditions, notamment lorsqu’elles tendent à : - limiter l’accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d’autres entreprises ; - faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse ; - limiter ou contrôler la production, les débouchés, les investissements ou le progrès techniques ; - répartir les marchés ou les sources d’approvisionnement ». 444
J.-J. BURST, « Franchise et droit des pratiques restrictives de la concurrence : Franchise et droit
communautaire de la concurrence », in Aspects juridiques de la franchise, journée d’étude faculté de droit
de Lyon, 21 mai 1986, Litec, 186, p.63 ; M.C. BOUTARD-LABARDE, Franchise et contraintes du droit
communautaire, Cah. dr. entr. 1987 / 2, p.1. 445
Cass. com., 6 avril 1999, LPA 12 mai 2000, n°95, p.131. Dans cet arrêt, la Chambre commerciale a
admis la licéité de la clause d’approvisionnement exclusif en estimant que la fabrication des produits en
cause s’effectuait selon des procédés spécifiques obéissant à un cahier des charges précis et contraignant,
d’où il est résulté un savoir-faire dont le franchiseur était seul détenteur. Quant au Conseil de la
concurrence, il a, dans une décision du 24 mai 1994 rendue dans l’affaire Jean-Louis David, jugé licite la
clause prévoyant que le franchisé s’engageait à n’acheter et à ne faire usage que des produits indiqués
pour permettre et faciliter la réalisation des coiffures, traitements et soins du cheveu, selon le style Jean-
Louis David. V. aussi, Cass. com., 10 janvier 1995, D. 1997, p.58, obs. D. FERRIER. 446
CJCE 28 janvier 1986, Pronuptia, aff.161/84, Rec CJCE, p..353.
135
Toutefois, lorsque la clause d’approvisionnement exclusif est valablement insérée
dans le contrat de franchise, elle doit être respectée par le franchisé. Celui-ci ne saurait
s’approvisionner auprès de quelqu'un d’autre que le franchiseur ou celui que ce dernier
a désigné. Il s’agit là d’une obligation essentielle.
Comme le relève un Pigassou « l’aspect général de la présentation, et en quelque
sorte l’image du point de vente, doivent coïncider avec l’image du produit sous peine de
désorienter le consommateur et détourner le produit »447. Le non-respect par le
franchisé de cette obligation constitue donc un manquement grave, d’autant plus qu’il
« modifie l’offre du magasin franchisé qui cesse ainsi de répondre aux normes de
l’enseigne»448. Par conséquent, il entraîne la résiliation judiciaire à ses torts.
C’est ainsi que les juges du fond ont, dans un arrêt du 20 octobre 2003, prononcé la
résiliation du contrat de franchise aux torts du franchisé qui avait manqué à son
obligation d’approvisionnement exclusif en vendant d’autres produits que ceux agréés
par le franchiseur449
.
132. La cession ou la vente de fonds de commerce pendant le contrat. Le fonds de
commerce est une universalité de fait biens meubles incorporels et corporels qui sont
affectés à l’exploitation d’une activité commerciale ou industrielle450
.
447
P. PIGASSOU, La distribution intégrée, RTD com 1980, 480. 448
J.-M. LELOUP, La franchise, Droit et pratique, 4e édition, Delmas, 2004, n° 2041, p.326.
449 CA Basse-Terre, 20 octobre 2003, Juris-Data, n° 2003-247239.
450 S. REZEK, Achat et vente de fonds de commerce, Litec, 2
e édition, 2005.n° 1, p.1 et s.
136
Après une certaine période d’hésitation451
, la jurisprudence a reconnu au franchisé
le propriétaire de son fonds de commerce. Par un arrêt du 27 mars 2002, la troisième
Chambre civile a décidé que « si une clientèle est au plan national attachée à la
notoriété de la marque du franchiseur, la clientèle locale n’existe que par le fait des
moyens mis en œuvre par le franchisé, parmi lesquels les éléments corporels de son
fonds de commerce, matériel et stock, et l’élément incorporel que constitue le bail,que
cette clientèle fait elle-même partie du fonds de commerce du franchisé, puisque, même
si celui-ci n’est pas propriétaire de la marque et de l’enseigne mises à sa disposition
pendant l’exécution du contrat de franchise, elle est créée par son activité, avec des
451
Par un arrêt du 6 février 1996 (CA Paris, 6 février 1996, JCP G 1997, II, 22818, obs. B. BOCCARA ;
RTD com.1996, 237, J. DERRUPE ; D. 1996, somm., 57, obs. D. FERRIER ; R. FABRE, La clientèle
dans la franchise, Cah. dr. entr. 1996 / 3, p.17 ; D. BASCHET, La franchise est en deuil, Gaz. Pal. 1996,
I, doct., p.557 ), la Cour d’appel de Paris a décidé que la clientèle du franchisé appartenait, en principe, au
franchiseur, sauf si le franchisé parvenait à démontrer une clientèle liée à sa personne ou à un
achalandage : « pour qu’un locataire franchisé ou un concessionnaire d’une marque soit considéré comme ayant un fonds de commerce en propre, il doit apporter la preuve de ce qu’il a une clientèle liée à son activité personnelle, indépendamment de son attrait en raison de la marque du franchiseur ou du concédant, ou bien qu’il démontre que l’élément du fonds qu’il apporte, le droit au bail, attire la clientèle de manière telle qu’il prévaut sur la marque ». Cette jurisprudence a été critiquée par la majorité de la
doctrine. Ainsi, J. DERRUPPE (Le franchisé a-t-il encore une clientèle et un fonds de commerce ?,
Actualité juridique propriété immobilière, AJPI, 1997, p.1102, et spéc., p.1004) qui observe « alors que l’on s’apprête à accorder aux professions libérales une protection de leur statut locatif comparable à celle des commerçants et artisans, peut-on imaginer qu’un grand nombre de commerçants en soient privés parce qu’ils ont eu recours à de nouvelles techniques de distribution ? ». L’auteur ajoute aussi que
« refuser à la grande majorité des franchisés et des concessionnaires la propriété d’un fonds de commerce est certainement aller à l’encontre d’un sentiment commun. Non seulement les intéressés en seront surpris, mais tout autant sinon plus les franchiseurs et les concédants qui n’ont jamais eu ni la conscience ni le désir d’être propriétaires des fonds de leurs distributeurs. Quant aux clients, on les étonnerait fort en leur disant qu’ils ne sont pas les clients de la boutique ou du garage où ils ont leurs habitudes ». De même, D. BASCHET, (La propriété de la clientèle dans le contrat de franchise, Gaz. Pal.
1994, II, 1256 ; du même auteur, « La franchise est en deuil », Gaz. Pal. 1996, I, p.22) estime que dénier
un fonds au franchisé ne manquera pas d’entraîner de lourdes conséquences vis-à-vis des franchisés.
Selon lui, en posant comme principe que les franchisés ne sont pas propriétaires du fonds qu’ils
exploitent, à moins qu’ils n’apportent la preuve d’une clientèle autonome, la jurisprudence menace à
terme la stabilité économique des réseaux de franchise, et de distribution intégrée de manière générale.
Sensible à ces critiques, la Cour d’appel semble avoir opéré un revirement, cinq ans plus tard, en
reconnaissant au franchisé une clientèle et donc un fonds de commerce autonome par rapport à celui
appartenant au franchiseur. Et par conséquent, il peut bénéficier d’un droit au renouvellement de son bail
ou, à défaut, d’une indemnité d’éviction. C’est ainsi que dans un arrêt daté du 4 octobre 2000 (CA Paris,
4 octobre 2000, LPA 16 novembre 2000, p.11, note. J. DERUPPE ; du même auteur ; AJDI mars 2001,
p.244 ; JCPE 2001, II, p.324, note. BOCCARA ; D. 2001, p. 1718, H. KENFACK), la Cour d’appel de
Paris a décidé que « le fonds de commerce est un ensemble de nature à attirer la clientèle intéressée par le produit vendu ou la prestation offerte en vue de l’enrichissement de celui qui assume le risque d’une telle entreprise, c'est-à-dire celui de la perte des investissements qu’il a faits pour l’acquérir, la maintenir et la développer ». Et pour autant, la question de l’existence d’une clientèle propre au franchisé demeurait
incertaine jusqu’ à l’époque où la Cour de cassation a décidé d’intervenir dans l’arrêt de Trévisan en
levant toute ambiguïté sur cette question.
137
moyens que, contractant à titre personnel avec ses fournisseurs ou prêteur de deniers, il
met en œuvre à ses risques et périls. … » 452
Il en résulte que le franchisé, membre d’un réseau, reste maître de son fonds de
commerce. Il peut le céder ou le vendre. Il peut le faire sans qu’il soit obligé de céder le
contrat de franchise453
. En effet, la jurisprudence, critiquée par une partie de la
doctrine454
, estime que la cession du fonds de commerce par le franchisé n’entraîne pas
automatiquement la cession du contrat de franchise455
.Cette solution a été réaffirmée par
un arrêt du 7 janvier 2004 dans lequel la Chambre commerciale a jugé que la cession du
fonds de commerce n’entraînait pas par elle-même la cession du contrat de franchise 456
.
452
Cass. civ 3e,
, 27 mars 2002, D. 2002, 2400, note. H. KENFACK ; JCP G 2002, II, 10112, F. AUQUE ;
Dr et patri, 2002, n°106, p.99, obs. P. CHAUVEL ; JCP E 2002, p.29, note. J.-L. RESPAUD ; Rev.
Loyers, juin 2002, n° 828, p. 314, note. G. AZEMA ; D. 2002, Act-juris, p.1487, note. E. CHEVRIER ;
LAP, 3 février 2003, n° 25, p.3, note. Y. MAROT ; Ph. DELEBECQUE, La jurisprudence reconnaît au
franchisé le bénéfice de la législation sur le fonds de commerce, Lamy Droit commercial, Bulletin
d’actualité, septembre 2002, n°147, p. 1. V. Infra n° 363 et s. 453
P. Le FLOCH et J.-Ch. GUEGUEN, La transmission d’une entreprise membre d’un réseau de
distribution, in Aspects organisationnels du droit des affaires, Mélanges. J. Paillusseau, Dalloz, 2003,
p.335. 454
M. JEANTIN, Biens de l’exploitation. Eléments du fonds de commerce. Biens exclus, J-Cl.
Commercial, fasc.1040, n°47 : « certains de ces contrats constituent le seul élément permettant au fonds de commerce de survivre. Il en est ainsi de tous les contrats, de plus en plus nombreux, réalisant l’intégration de plusieurs entreprises (contrats de sous-traitance, de fourniture, de concession exclusive ou de franchise). De plus, on ne peut manquer de relever que ces contrats fournissent à l’entreprise considérée une clientèle : or celle-ci est considérée comme l’élément essentiel du fonds de commerce. N’est–il pas dans ces conditions absurde de considérer la clientèle comme un élément du fonds de commerce et, dans le même temps d’exclure du fonds les contrats qui peuvent seuls lui fournir cette clientèle ? ». Egalement, P. Le FLOCH, Fonds de commerce et contrats de distribution, J-Cl.
Commercial, fasc.1730, n°54 : « (…) la supériorité d’un système de transmission automatique, au concessionnaire ou au locataire - gérant, des contrats conclus pour les besoins de l’exploitation nous paraît contestable. L’inconvénient serait évident si la construction des conventions devait être imposée au successeur : des exploitations auxquelles serait attaché un contrat désavantageux risquerait de ne pas trouver d’acquéreur. Il serait moins net si la solution n’était que supplétive, mais sauf à écarter expressément toute reprise de contrat, l’acquéreur risquerait tout de même d’avoir à supporter le poids de contrats occultes ». 455
V. CA Paris, 30 juin 2000, D. 2000, 379, E. CHEVRIER ; CA Paris, 19 juin 1991, D.1992, somm.
p.388, obs. D. FERRIER ; RTD com. 1991, p. J. DERRUPPE. Dans cet arrêt, il a été jugé que « il est de principe constant que le fonds de commerce n’est pas un patrimoine autonome, il ne comprend ni les dettes ni les créances du commerçant, et que, par voie de conséquences, les contrats en sont exclus ; il n’est d’exception que pour certains d’entre eux admis par la loi, à savoir les contrats de travail, d’assurance, d’édition et de bail ; pour tous autres contrats, il appartient aux parties de prévoir leur inclusion, ce qui peut être fait, de manière expresse ou tacite, et dans les cas seulement ou lesdits contrats n’ont pas été passés intuitus personae ». 456
Cass. com., 7 janvier 2004, n° 02-12.366. V. Plus récemment, Cass. com., 15 mai 2007 ; D. 2007,
1498, obs. E. CHEVRIER ; Contrats. conc. conso., 2007, n°204, note. M. MALAURIE-VIGNAL ; RTD
civ. 2007, p. 794, obs. P.-Y. GAUTIER.
138
Toutefois, il faut noter que si le contrat de franchise n’empêche pas le franchisé,
titulaire du fonds de commerce, de le vendre ou de le céder. Cette cession ou cette vente
ne doit pas intervenir lors de l’exécution du contrat, sinon elle entraîne la résiliation du
contrat de franchise à ses torts puisqu’elle rend impossible l’exécution du contrat457
. A
vrai dire, deux observations s’imposent s’agissant de la cession ou de la vente du fonds
de commerce. La première, c’est que le contrat de franchise contient fréquemment une
clause de résiliation selon laquelle, en cas de cession ou de vente par le franchisé de son
fonds de commerce sans l’agrément du franchiseur, le contrat est résilié.
La deuxième observation est que lorsque le franchisé manifeste sa volonté de céder
son fonds de commerce ou de le vendre, c’est le franchiseur qui se porte souvent
acquéreur. En effet, les franchiseurs veillent fréquemment à prévoir dans leurs contrats
un pacte de préférence458
ou une clause de préférence459
, ou, plus fréquemment encore
une clause de préemption460
. En présence d’une telle clause, le franchisé est tenu vis-à-
vis du franchiseur d’une obligation de faire. Il s’engage à lui offrir par priorité
l’acquisition du fonds de commerce si d’aventure il se décide à le vendre ou à le céder.
Le non-respect par le franchisé de cette clause l’expose à la condamnation à de
dommages et intérêts461
.
457
CA Paris, 3 juillet 2006, Juris-Data n° 2006-314649 ; CA Paris, 30 juin 2000, arrêt, précité. 458
D. FERRIER, Droit de la distribution, Litec, 4e édition, 2006, n° 713, p.317 et s ; J.-M. LELOUP, La
franchise, Droit et pratique, Delmas, 4e édition, 2004, n°1536, p.273 ; L. GIMALAC et S.GRAS, La
franchise, Guide juridique et pratique, 2003, p.50 ; A. VAN DE WYNCKELE-BAZELA, Pacte de
préférence et contrat de franchise, D. 2004, p.2487. V. aussi, P. Le FLOCH et J.-Ch. GUEGUEN, La
transmission d’une entreprise membre d’un réseau de distribution, in Aspects organisationnels du droit
des affaires, Mélanges J. Paillusseau, Dalloz, 2003, p.335. 459
P. DESIDERI, La préférence dans les relations contractuelles, PUAM, 1997, préface J. Mestre,
n°51,p. 49. 460
M. LANCIAUX, Mieux connaître la clause de préemption, L’officiel de la franchise, septembre 2006,
n°64, p.96. V. aussi, M. MALAURIE-VIGNAL, Droit de la distribution, Sirey, 2006, n° 742, p.203. 461
CA Paris, 7 décembre 2005, Juris-Data 2005-289983. En l’espèce, un contrat de franchise prévoyait
que si le franchisé décidait de vendre son fonds de commerce, le franchiseur bénéficierait d’un droit de
préemption et qu’à défaut de préemption et si le cessionnaire n’avait pas été agréé, le contrat serait résilié.
Or, le franchisé avait notifié au franchiseur son intention de vendre son fonds pour 1000 000 £ en
précisant qu’il avait déjà trouvé un acquéreur. Au vu de ces conditions, le franchiseur n’avait pas exercé
son droit de préemption. Toutefois, le prix avait été fixé à 700 000 £ sans jamais que cela fût notifié au
franchiseur. Ce dernier, qui n’avait pas été informé des conditions de la cession, n’avait donc pas pu
utilement exercer son droit de préemption. En outre, le franchisé n’avait pas sollicité l’agrément du
franchiseur pour le candidat à la cession et il ne lui avait pas fait parvenir l’acte de vente sous condition
suspensive de l’agrément du franchiseur. Les juges ont approuvé la résiliation du contrat par le
franchiseur et condamné le franchisé à des dommages et intérêts pour violation à la fois du droit de
préemption et de la clause d’agrément, dommages et intérêts égaux aux royalties qui auraient été dues au
franchiseur si le contrat avait été poursuivi jusqu’à son terme.
139
Il peut même entraîner la nullité de la vente ou de la cession effectuée avec un tiers
si ce dernier était de mauvaise foi, c'est-à-dire s’il connaissait la volonté du franchiseur
de faire jouer la clause462
. Un tel mécanisme de préemption confère au franchiseur un
atout indéniable. Tout d’abord, il lui permet de maintenir les points de vente franchisés,
notamment lorsque ceux-ci ont un emplacement marchand. Comme le relève un auteur :
« La couverture géographique d’un réseau revêt donc une importance singulière pour
le franchiseur qui doit la conserver intacte, voire l’étendre, pour préserver la crédibilité
et la notoriété de l’enseigne. Dans cet esprit, la conservation des emplacements «
leader » constitue une préoccupation stratégique de l’entreprise ; or les places sont
chères : les centres-villes et les centres commerciaux ne sont pas extensibles et les
surfaces de plus de 300 m2 sont soumises à autorisation. La clientèle est attachée au
fonds et changer d’emplacement peut être lourd de conséquences. Ce sera toujours un
manque à gagner en royalties pour le franchiseur qui par la clause de préférence peut
avoir l’occasion de racheter la clientèle du franchisé, attachée au fonds et à la
marque »463.
Puis, ce mécanisme de préemption lui permet de constituer un réseau mixte
composé de franchisés et de succursales. Cela lui permet, par la suite, non seulement
d’éviter un accroissement trop considérable de commerçants indépendants dans le
réseau ou d’améliorer la synergie succursale-franchise en contrôlant mieux son
réseau464
, mais aussi de maintenir sa bonne position au sein du marché465
.
462
Ch. mixt., 16 mai 2006; D. 2006, p.1861, obs. P.-Y. GAUTIER ; Defrenois. 2006, 1206, obs. E.
SAVAUX ; RTD civ. 2006, p.550, obs. J. MESTRE et B. FAGES. Dans cet arrêt, la Chambre mixte a
déclaré que « le bénéficiaire d’un pacte de préférence est en droit d’exiger l’annulation du contrat passé avec un tiers en méconnaissance de ses droits et d’obtenir sa substitution à l’acquéreur, à la condition que ce tiers ait eu connaissance, lorsqu’il a contracté, de l’existence du pacte et de l’intention du bénéficiaire de s’en prévaloir ». V. aussi, Cass. civ. 3
e, 14 février 2007, pourvoi n° 05-12.814.
463 A. VAN DE WYNCKELE-BAZELA, Pacte de préférence et contrat de franchise, D. 2004, p.2487, n°
6, p.2488. 464
H. BENSOUSSAN, Le droit de la franchise, Apogée 1997, p. 223 ; Ph. Le TOURNEAU, Le
franchisage, Economica, 1994, p.10. 465
La plupart des réseaux sont des réseaux mixtes. Cela s’explique par la force de ce type de réseau. Le
réseau mixte permet au franchiseur d’assurer une plus grande maîtrise du réseau. Il lui permet d’obtenir
les informations financières les plus fiables grâce aux succursales et les informations les plus précises
concernant le marché, et les attentes du consommateur, par ses franchisés, qui ont tout intérêt à y
répondre le mieux possible afin de rentabiliser leur investissement. En effet, les franchiseurs recourent à
ce type souvent pour maîtriser les points de ventes importants, qui supportent l’image de marque ou qui
nécessitent des capitaux trop importants pour une rentabilité rapide. Mais pour permettre des
développements plus rapides dans des villes moins essentielles, les points de vente sont confiés à des
franchisés. V. D. PIALOT, Le guide de la franchise, L’express 2006, p45. Aussi, R. FABRE, La nature
juridique des réseaux, Rev. Lamy. Droit des affaires, 2005, n°79. Magazine Entreprendre, 2005, juillet,
p.121.
140
133. Comportement déloyal. Le comportement du contractant est un élément essentiel
dans les relations contractuelles466
. Comme le relève le doyen J. Mestre : «… le contrat
ne peut se réduire à la création juridique d’une ou plusieurs obligations, pas plus qu’il
ne saurait se résumer, dans une approche économique, en un transfert de valeurs ou
une modification de patrimoine. Parce que sa raison d’être est d’unir des individus, et
aussi parce que, né de la volonté, il a vocation à se prolonger dans la loyauté, le
contrat est aussi, et sans doute surtout, une affaire de personnes »467. Dans le même
sens, le Professeur M. J.-P. Chazal observe que « l’obligation n’est jamais une chose
purement économique : la loyauté s’incorpore dans les obligations pour ne former
qu’une avec elles, si tant est qu’elle n’en est pas une à part entière »468.
Cette observation trouve son terrain d’élection dans les contrats de franchise plus
que dans d’autres contrats. En effet, le contrat de franchise est un contrat d’intérêt
commun469
. Le franchiseur et le franchisé collaborent afin de réaliser un objectif
commun qui est la création et le développement de la clientèle. Cet intérêt commun
unissant le franchiseur et le franchisé établit entre eux une relation durable fondée sur
un rapport de confiance réciproque470
et une collaboration étroite471
. En conséquence, le
franchiseur comme le franchisé doit être de bonne foi472
. Cela signifie qu’il doit
exécuter ses obligations contractuelles de la manière la plus efficace en procurant à son
cocontractant le plus haut degré de satisfaction au-delà des stipulations contractuelles473
.
Et qu’il s’abstienne d’adopter tout comportement susceptible de paralyser la bonne
exécution du contrat. Le non-respect de l’obligation de loyauté par le franchisé ou le
franchiseur peut entraîner l’anéantissement du contrat à ses torts.
466
V. B. FAGES, le comportement du contractant, PUAM, 1997, préface J. Mestre. 467
J. MESTRE, préface .de la thèse de .B .FAGES, Le comportement du contractant, PUAM 1997. 468
J.-P.CHAZAL, Les nouveaux devoirs des contractants : est-on allé trop loin ? in La nouvelle crise du
contrat,99, et spéc., p.117. 469
Supra n° 41 et s. 470
Ph. Le TOURNEAU, Les contrats de franchisage, Litec, 2003, n°283, p.101. 471
Y. MAROT, La collaboration entre franchiseur et franchisé, LPA 2000, 31 août, n° 174. 472
Ph. le TOURNEAU, Les contrats de franchisage, op.cit. 473
Y. PICOD, Le devoir de loyauté dans l’exécution du contrat, LGDJ, préface. G. Couturier, n°83, p.97 ;
du même auteur, L’exigence de la bonne foi dans l’exécution du contrat, in Le juge et l’exécution du
contrat, PAUM 1993, p.57.
141
C’est ainsi que la Chambre commerciale a, dans un arrêt du 24 mai 1994, rejeté un
pourvoi contre l’arrêt d’appel ayant prononcé la résiliation du contrat de franchise aux
torts exclusifs du franchisé et le paiement des dommages et intérêts au motif qu’il s’est
livré à une campagne de dénigrement du franchiseur474
. La Chambre a considéré que la
cour d’appel avait bien relevé que le franchisé avait fait distribuer une lettre circulaire
indiquant aux autres franchisés que l'augmentation des prix par le franchiseur était
unilatérale, que celui-ci ne respectait pas ses engagements, et qu’enfin la franchise était
dans un état lamentable afin de rendre exsangue le réseau de franchise, ce qui constituait
un comportement nocif susceptible de nuire gravement à l’intérêt du franchiseur et à
celui du réseau dans son ensemble.
134. Synthèse. Pour pouvoir réitérer le succès du franchiseur, le franchisé doit respecter
tous ses engagements vis-à-vis de lui. Il doit, par exemple, exécuter les obligations
matérielles que le contrat de franchise met à sa charge de manière scrupuleuse. Il doit
aussi se comporter de manière loyale tout au long de la relation contractuelle. A défaut,
la réitération de la réussite du franchiseur sera impossible et le contrat de franchise sera
mis en échec à ses torts. Cette solution vaut aussi bien pour le franchisé que pour le
franchiseur. Chacun d’eux est tenu, outre l’exécution matérielle du contrat, d’adopter un
comportement loyal, sinon ils s’exposent tous les deux à la sanction de la résiliation ou
résolution du contrat par le juge à leurs torts et griefs réciproques.
B. Résiliation aux torts réciproques des deux parties
135. Existence de fautes réciproques. Il arrive, dans certaines hypothèses, que
l’anéantissement du contrat de franchise résulte non de la seule défaillance du franchisé
ou celle du franchiseur, mais de leur défaillance commune. Le franchisé et le
franchiseur ont contribué tous les deux par leurs fautes à l’inexécution du contrat. En
pareille hypothèse, le juge doit prononcer la résiliation ou la résolution du contrat de
franchise aux torts partagés ou aux torts réciproques des parties475
.
474
Cass. com., 24 mai 1994, pourvoi n° 92-17007. 475
V. D. TALLON, La résolution du contrat aux torts réciproques, in Mélanges. Charles Freyria, Ester
1994, p. 231. V, également, C. ANDRE, Le fait du créancier contractuel, L.G.D.J 2002, préface G. Viney,
n° 252, p. 159, et spéc., n°558, p.167.
142
Chaque partie défaillante sera tenue de répondre de sa part de responsabilité dans
l’échec du contrat de franchise.
136. Illustration. Par un arrêt du 21 octobre 1997, la Chambre commerciale a approuvé
la Cour d’appel de Paris d’avoir prononcé la résiliation du contrat de franchise aux torts
réciproques des deux parties476
. Dans cet arrêt, la Cour de cassation a considéré que les
juges du fond relevaient que chacune des parties avait participé par sa faute à
l’inexécution du contrat. Pour le franchiseur, il y avait un retard dans la livraison des
marchandises et dans la fourniture de produits de mauvaise qualité. Alors que pour le
franchisé, celui-ci avait manqué à son obligation de paiement de marchandises livrées et
la violation de la clause d’exclusivité.
Il en est de même dans un arrêt du 30 janvier 2002477
. En l’occurrence, un contrat
de franchise stipulait une clause résolutoire selon laquelle en cas de manquement
contractuel par le franchisé, le contrat serait résilié de plein droit. Suite à la violation par
le franchisé de son obligation d’exclusivité et de non-concurrence, le franchiseur a
résilié le contrat conformément à la stipulation prévue. Or, les juges du fond l’ont
condamné pour résiliation fautive et ont prononcé la résiliation du contrat de franchise
aux torts réciproques. Dans cet arrêt, les juges du fond ont, en effet, constaté qu’il y
avait des manquements de la part des deux parties. Du côté du franchisé, ils ont relevé
qu’il y avait violation à la fois de l’obligation d’exclusivité territoriale et de l’obligation
de non-concurrence. Le franchisé avait ouvert un second établissement dans la même
ville avec une activité identique à celle de l’établissement principal pour vendre des
articles similaires du franchiseur sans marque apparente. Du côté du franchiseur, les
juges relevaient qu’il avait commis une faute en informant ses fournisseurs, avant
l’envoi d’une mise en demeure au franchisé, que celui-ci ne faisait plus partie de la
chaîne et qu’il ne devait plus bénéficier des avantages spécifiques du réseau.
476
Cass. com., 21 octobre 1997, pourvoi n° 95-15-664. 477
CA Paris, 30 janvier 2002, Juris-Data, n° 2002-174913.
143
Ainsi, il apparaît, à travers cette jurisprudence, que les juges tiennent compte de ce
que chacune des parties a bien exécuté ses engagements et qu’elle n’a pas, par sa faute,
participé à l’inexécution du contrat. Ils n’hésitent pas à prononcer la résiliation ou la
résolution du contrat de franchise aux torts réciproques quand ils constatent qu’il y a
une relation de cause à d’effet entre les manquements du franchisé et du franchiseur et
l’inexécution du contrat.
137. Nécessité de la détermination de la part de responsabilité. Il faut cependant
souligner que les torts réciproques ne sont pas nécessairement des torts équivalents ou
des torts égaux. La faute du franchiseur peut être plus ou moins grave que celle
commise par le franchisé. L’inverse est vrai. La défaillance du franchiseur peut être
moins importante que celle du franchisé. Pour des raisons d’équité, le juge, qui est saisi
d’une action en résiliation ou en résolution, ne doit pas donc prononcer sèchement celle-
ci aux torts réciproques des parties dès lors qu’il constate simplement que chacune
d’elles a manqué à ses obligations. Il doit détermine la part de responsabilité incombant
à chacune d’elles.
Autrement dit, le juge est tenu de mesurer le préjudice que fait subir l’une à l’autre.
Il lui incombe de rechercher si les manquements respectifs du franchiseur et du
franchisé à leurs obligations contractuelles ont causé à chacun d’eux un égal préjudice
de nature à entraîner la compensation totale entre les dommages et intérêts auxquels ils
peuvent réciproquement prétendre. Mais il ne saurait renvoyer le franchiseur et le
franchisé dos à dos en estimant que les torts sont partagés, supposés égaux et donc se
compensent, sinon sa décision serait censurée par la Cour de cassation478
.
478
Ex. Cass. com.,5 décembre 2000 ; Dr. et pat. 2001, n°93, obs. P. CHAUVEL. Dans cet arrêt
concernant un contrat de concession, la Chambre commerciale a cassé l’arrêt d’appel en décidant ainsi :
« Attendu que pour rejeter la demande de la société Software en paiement d’une certaine somme, l’arrêt retient que les parties qui ont participé par leur attitude fautive à la rupture du contrat, doivent être déboutées de leurs demandes respectives ; Attendu qu’en se déterminant ainsi , sans rechercher si les manquements respectifs des parties à leurs obligations contractuelles avaient causés à chacune d’elles un égal préjudice de nature à entraîner la compensation totale des sommes auxquelles elles pouvaient prétendre réciproquement, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ».
144
138. Justification. Cette attitude de la Cour de cassation vis-à-vis des arrêts qui se
contentent de prononcer la résiliation du contrat de franchise aux torts réciproques des
parties sans pour autant déterminer la part de la responsabilité de chacune d’elles est
pleinement justifiée479
. D’une part, elle est conforme à l’équité. En effet, il n’est pas,
nous semble-t-il, juste de traiter de manière égale un contractant ayant manqué
gravement à ses obligations et un autre dont le manquement n’est qu’une réaction
provoquée par le premier, et qui n’a pas, le plus souvent, le même degré de gravité.
D’autre part, une telle solution a l’avantage de faire obstacle aux manoeuvres du
franchiseur ou du franchisé malhonnête qui, en vue de se dégager du contrat peu
avantageux sans être obligé de payer une indemnité à son partenaire, cherche, par tout
les moyens, à inciter son cocontractant à manquer à ses obligations. Toutefois, il
convient de noter qu’une fois que le juge prononce la résiliation du contrat, celle-ci
entraîne l’anéantissement du rapport contractuel liant le franchiseur au franchisé.
§ 2. Effets de la résiliation judiciaire
139. Le principe : absence de rétroactivité. Une fois prononcée, la résiliation
judiciaire entraîne l’anéantissement du contrat de franchise. Celui-ci s’efface. Il perd
son pouvoir de produire des effets juridiques. Les relations contractuelles liant le
franchiseur au franchisé sont censées s’éteindre. Aucune de ces stipulations ne peut plus
produire d’effet.480
479
D. TALLON, La résolution du contrat aux torts réciproques, in Mélanges. Charles Freyria, Ester 1994,
p.231, n°8, p.235 : « la semonce est totalement justifiée, car la thèse de la neutralisation traduisait une certaine démission des juges du fond : ceux-ci devant un litige souvent complexe, se contentent de faire disparaître le contrat sans chercher plus avant ... Les torts réciproques ne sont pas nécessairement des torts équivalents et, encore moins, des torts qui aboutissent à un même résultat ». V. aussi, S. STIJNS,
« La résolution pour inexécution en droit belge : conditions et mise en œuvre », in Les sanctions de
l’inexécution des obligations contractuelles, Etude de droit comparé, sous la dir. M. Fontaine et G. Viney,
Bruylant, LGDJ 2001, p.513, et spéc., n° 32 , p.552 : « la circonstance que les deux parties à un contrat synallagmatique n’ont pas exécuté leurs obligations, ne supprime ni leur responsabilité contractuelle, ni le devoir qu’elles ont chacune d’indemniser l’autre partie, en proportion avec leur part de responsabilité pour le dommage qui est une suite directe et immédiate de leurs manquements ». 480
Cass. civ.,1er
mars 1996, RJDA. 1996, n° 882.
145
Quant à la portée de cette résiliation, celle-ci n’opère que pour le futur.
Contrairement à la résolution dont l’effet est rétroactif481
, la résiliation supprime le
contrat de franchise inexécuté à partir du moment de l’inexécution, sans remettre en
cause les effets qu’il a pu valablement produire dans le passé. Ces effets sont maintenus.
C’est ce qu’illustre un arrêt du 16 janvier 2001482
. Dans cet arrêt, la Chambre
commerciale de la Cour de cassation a approuvé un arrêt d’appel d’avoir prononcé la
résiliation du contrat de franchise aux torts exclusifs du franchiseur à partir de la date où
il a violé son obligation d’exclusivité. La Chambre commerciale a décidé que : « Mais
attendu qu’ayant retenu, par motifs propres et adoptés, la date du 14 juin 1993 comme
étant celle de la première vente réalisée au point de vente ouvert dans le magasin le
Printemps de Strasbourg et fixé à cette date la résiliation des contrats de franchise,
c’est à bon droit que, répondant aux conclusions prétendument délaissées, la cour
d’appel a statué comme elle l’a fait que le moyen n’est pas fondé en aucune de ses
branches ».
En effet, l’exclusion de l’effacement rétroactif s’explique ici par la nature même du
contrat de franchise. Celui-ci appartient à la catégorie des contrats à exécution
successive. Son exécution s’effectue pendant un certain laps de temps. En conséquence,
lorsqu’est prononcé l’anéantissement du contrat de franchise, il n’est pas possible
d’admettre la rétroactivité de celui-ci. Il est, en réalité, impossible, dans ce genre de
contrat, de revenir sur les effets accomplis483
. Faire autrement, et anéantir le contrat de
franchise non seulement pour l’avenir mais aussi pour le passé et faire comme s’il
n’avait eu aucune existence juridique n’est qu’une fiction juridique484
.
481
Sur la rétroactivité, v. S. MERCOLI, La rétroactivité dans le droit des contrats, PUAM, 2001, préface
Goubeaux. 482
Cass. com., 16 janvier 2001, pourvoi n° 98-14. 385. V. également, CA Paris 1er
mars 1990, Juris-Data,
1990-020781. 483
V. J. FLOUR, J -L. AUBERT, Y. FLOUR, E. SAVAUX, Les obligations, 3. Le rapport d’obligation,
Sirey Université, 4e édition, n°255, p.190 ; Ph. MALAURIE, L. AYNES, Ph. STOFFEL-MUNCK, Les
obligations, Defrénois, 2e édition, 2005, n° 881, p.449 ; F. TERRE, Ph. SIMLER, Y. LEQUETTE, Les
obligations, Précis Dalloz, 9e édition, 2005, n°655, p.644 ; Ch. LARROUMET, Les obligations, t.3, Le
contrat, Economica, 5e édition, 2003, n°714, 817 ; J. GHESTIN, Ch. JAMIN, M. BILLIAU, Les effets du
contrat, LGDJ, 3e édition, 2001, n° 532, p.589, et s.
484 S. MERCOLI, La rétroactivité dans le droit des contrats, PUAM., 2001, préface G. Goubeaux, n°4,
p.17 et s. Dans le même sens, G. WICKER, Les fictions juridiques, contribution à l’analyse de l’acte
juridique, LGDJ, 1996, préface J. Amiel-Donat, n°301, p.283 et s.
146
Outre l’impossibilité matérielle, l’exclusion de l’effet rétroactif de
l’anéantissement du contrat de franchise s’explique par le bon sens. Il n’y pas de raison
de revenir sur le temps passé et de gommer les prestations régulièrement485
. Comme le
relève certains auteurs : « L’anéantissement du contrat se fondant non sur un vice
affectant sa formation mais sur un incident d’exécution, il n’y a alors aucune raison de
remettre en cause un contrat, au prétexte de manquements ultérieurs, pour toute la
période durant laquelle il a reçu une exécution paisible »486.
140. Exception au principe : moment de l’intervention de l’inexécution. Cependant,
il ne faut pas déduire de tout cela que la résiliation judiciaire ne peut jamais se
transformer en résolution et produire un effacement rétroactif du contrat de franchise.
En effet, l’examen de certains arrêts, rendus récemment dans d’autres domaines que la
franchise, laisse à penser que le fait que le contrat soit un contrat à exécution successive
ne fait pas nécessairement obstacle à l’effacement rétroactif de celui-ci. La Cour de
cassation a eu l’occasion, en matière de contrat de bail, d’affirmer de manière non
équivoque que « si dans un contrat synallagmatique à exécution successive, la
résiliation judiciaire n’opère pas pour le temps où le contrat a été régulièrement
exécuté, la résolution judiciaire pour absence d’exécution ou exécution imparfaite dès
l’origine entraîne l’anéantissement rétroactif du contrat »487.
Suivant cette jurisprudence, la date du manquement à l’exécution correcte est un
critère pour déterminer la portée de l’anéantissement du contrat de franchise. La
question de savoir s’il s’agit d’un effacement rétroactif ou non dépend donc de la date
de l’inexécution imputable à l’une des parties. Ainsi, il s’agit d’une résiliation lorsque
l’inexécution intervient alors que le contrat de franchise a été pendant un certain temps
régulièrement ou correctement exécuté. Dans cette hypothèse, le contrat de franchise est
anéanti uniquement pour le futur. En revanche, il s’agit d’une résolution à effet
rétroactif lorsqu’il y a une inexécution ou absence d’exécution dès l’origine ou lorsqu’il
y a une exécution mais imparfaite dès le début du contrat.
485
F. TERRE, Ph. SIMLER, Y. LEQUETTE, op.cit., n°655, p.644 et s ; Ch. LARROUMET,Les
obligations, t.3, Le contrat, Economica, 5e edition, 2003, n°714.
486 F. TERRE, Ph. SIMLER, Y. LEQUETTE, op.cité.
487 Cass.civ. 3
e, 30 avril 2003, JCP G 2004, n° 10, II, 10031, obs. Ch. JAMIN ; Defrénois 2003, art.
37810, obs. E. SAVAUX ; RTD civ. 2003, p.502, J. MESTRE et B. FAGES.
147
Une telle solution semble tout à fait logique488
. Elle prend en considération le
moment où l’équilibre que crée le contrat entre les parties lors de sa conclusion est
remis en cause.
D’ailleurs, une illustration de cette solution peut être trouvée en matière de contrats
de franchise. Certains arrêts semblent avoir appliqué ce critère de la date d’inexécution
pour déterminer la portée de la résiliation judiciaire. Tel est le cas, par exemple, de
l’arrêt du 2 octobre 1982489
. Dans cet arrêt, la Chambre commerciale de la Cour de
cassation a approuvé partiellement un arrêt d’appel ayant prononcé la résolution du
contrat de franchise aux torts exclusifs du franchisé au motif que le contrat n’avait pas
encore pris commencement d’exécution. En conséquence, elle l’a aussi cassé
partiellement pour ne pas avoir tiré toutes les conséquences de cette décision. La
Chambre commerciale a reproché aux juges du fonds d’avoir condamné le franchisé à
payer au franchiseur, à titre de dommages et intérêts, la redevance prévue alors que la
résolution avait pour effet de faire disparaître le contrat dès son origine et de remettre
les parties dans l’état où elles se trouvaient avant la conclusion du contrat.
141. Conclusion de la section II. Les parties doivent respecter les obligations
réciproques que met le contrat de franchise à leur charge. Le franchisé comme le
franchiseur doit veiller à bien respecter son engagement. Toute inexécution du contrat
de la part de l’une ou de l’autre ou même de la part des deux parties remet en cause
l’économie du contrat. Elle entraîne donc la résiliation ou la résolution du contrat. Cette
résiliation ou résolution, une fois intervenue, emporte extinction des relations
contractuelles entre le franchiseur et le franchisé. Le contrat de franchise résilié perd son
pouvoir de produire des effets juridiques. Il en va de même pour la résiliation
unilatérale.
488
S. MERCOLI, La rétroactivité dans le droit des contrats, PUAM, 2001, préface Goubeaux, n° 129, p.
143 : « La pratique s’accommode assez bien de cette sanction. Puisque les effets passés du contrat conservent leur utilité pour les contractants, et notamment pour l’auteur de la résiliation, pourquoi devrait-on effacer les prestations accomplies ? (…) Antérieurement à la rupture, et pour toute la période déjà écoulée, l’avantage recherché peut être considéré comme acquis par chacun des contractants. Ceux-ci peuvent avoir intérêt à ce que l’exécution antérieure soit maintenue, quitte à mettre à néant le contrat pour l’avenir ». 489
Cass. com., 12 octobre 1982, pourvoi, n° 81-10.984.
148
SECTION II. RESILIATION UNILATERALE DU CONTRAT DE FRANCHISE
142. Rayonnement de l’unilatéralisme. En application de l’article 1184 du Code civil,
une partie à un contrat de franchise ne peut rompre unilatéralement le contrat, même s’il
y a une inexécution de la part de son cocontractant. Pour cela, il doit s’adresser au juge
et lui demander de prononcer l’anéantissement du contrat. Cependant, ce principe de la
judiciarisation de la résiliation du contrat n’est pas d’ordre public. En vertu du principe
de la liberté contractuelle, les parties peuvent stipuler dans leur contrat de franchise une
clause résolutoire prévoyant la possibilité de rompre unilatéralement le contrat en cas
d’inexécution (§ 1). En l’absence même de toute clause résolutoire, la jurisprudence
admet aujourd’hui qu’une partie puisse rompre unilatéralement le contrat avant même
son terme en cas d’inexécution grave de la part de son cocontractant de ses obligations
(§ 2).
149
§ 1. Résiliation unilatérale en vertu d’une clause résolutoire
143. Plan. Après avoir abordé la notion de clause résolutoire (A), nous étudierons sa
mise en œuvre (B).
A. Notion de clause résolutoire
144. Stipulation fréquente. Les contrats de franchise contiennent parfois une clause
selon laquelle le contrat sera résolu ou résilié de plein droit en cas d’inexécution par
l’une partie de ses obligations. Une telle clause est appelée clause résolutoire490
. Sa
stipulation est une pratique très répandue non seulement dans les contrats de
franchise491
ou de concession492
, mais aussi dans tous les contrats de la distribution493
,
voire dans les contrats d’affaires de manière générale494
. Dans ces contrats, le désir des
contractants d’assurer la bonne exécution de leur contrat fait que la stipulation des
clauses résolutoires est la règle. Notons, toutefois, que l’insertion d’une clause
résolutoire dans le contrat de franchise n’est pas de nature à priver le franchiseur du
droit de saisir le juge pour lui demander la résiliation ou la résolution du contrat495
.
145. Avantages et inconvénients. La stipulation d’une clause résolutoire dans un
contrat de franchise présente pour le franchiseur -partie au profit de qui une telle clause
est stipulée- de multiples avantages. Tout d’abord, la clause résolutoire constitue un
moyen très efficace pour assurer la discipline au sein du réseau.
490
V. Ch. PAULIN, La clause résolutoire, LGDJ, 1996, préface J. Devèze. Ch. PAULIN, La clause
résolutoire, in La cessation des relations d’affaires, PUAM, 1997, p.57 ; B. TEYSSIE, Les clauses de
résiliation et de résolution, Cah. dr. entr. 1975 / 1, p.13. 491
J.-P. CLEMENT, Le contrat de franchise en droit français, p.119, spéc, p.150. V. également, D.
LEGEAIS, La franchise, JCP N 1992, I, p.255, n°60. 492
C. CHAMPAUD, La concession commerciale, RTD com. 1963, p.479, n° 34. 493
M-E. ANDRE, Les contrats de la grande distribution, bibliothèque de droit de l’entreprise, Litec 1991,
p.184, n° 369. 494
D. LEDOUBLE, L’entreprise et le contrat, Bibliothèque du droit de l’entreprise, Litec 1980, praface.
C. Champaud, p.228, n°235. Selon l’auteur, la clause résolutoire est omniprésente dans les contrats clés
en mains, les contrats de livraison, d’installation de fournitures technologiques, dans des contrats de
savoir-faire, de licence de brevet. 495
Cass. civ., 29 avril 1985, Bull. civ. III, n°70, p.54. Dans cet arrêt, il a été jugé que l’insertion dans le
contrat d’une clause résolutoire de plein droit ne prive pas le créancier du droit d’agir en résolution
judiciaire pour le même manquement.
150
La menace de perdre le contrat et donc d’être évincé du réseau, qui pèse sur le
franchisé comme « une épée de Damoclès », fait que celui-ci s’efforce constamment
d’exécuter scrupuleusement ses obligations. Cela permet, finalement, d’assurer
l’homogénéité du réseau et de le rendre plus efficace, plus apte à faire face à ses
concurrents. Ensuite, elle permet au franchiseur de se libérer immédiatement de son
cocontractant défaillant, sans pour autant subir le coût et l’aléa de la lenteur du
procès496
. La clause résolutoire constitue donc une clause d’« évitement du juge » 497
.
Enfin, la clause résolutoire assure au franchiseur la « réallocation » immédiate de
ses ressources498
. Grâce à la clause résolutoire, celui-ci peut faire cesser immédiatement
ses relations contractuelles avec le franchisé défaillant et aller réutiliser ses ressources
ailleurs499
.Le franchiseur, victime d’une défaillance de la part de l’un de ses franchisés,
peut rompre immédiatement le contrat qui le lie à celui-ci et confier la franchise à
quelqu’un d’autre que ce soit un tiers ou un autre franchisé. A tout cela s’ajoute aussi
l’avantage que la clause résolutoire a pour effet, en cas de procédure collective du
franchisé, de faire échapper le franchiseur à la concurrence des autres créanciers du
franchisé si elle a produit son effet avant le jugement déclaratif500
.
Toutefois, si l’insertion de la clause résolutoire dans un contrat de franchise
présente certains avantages pour le franchiseur, elle ne manque pas pourtant de
présenter de graves inconvénients pour le franchisé. La présence d’une telle clause lui
fait perdre les garanties que présente l’intervention judiciaire501
.
496
F. TERRE, Ph. SIMLER, Y. LEQUETTE, Les obligations, Précis Dalloz, 9e
édition, 2005, n° 662,
p.651.
; G. VIRASSAMY, Les contrats de dépendance, LGDJ, 1986, n°280, p.221. 497
S. GUINCHARD, L’évitement du juge civil, in Les transformations de la régulation juridique, LGDJ,
1998, p.221. 498
Ch. JAMIN, « Les conditions de la résolution du contrat : vers un modèle unique ?», Rapport français,
in Les sanctions de l’inexécution des obligations contractuelles, Etude de droit comparé, sous la dir. M.
Fontaine et G. Viney, Bruylant, L.G.D.J, 2001, p.451, et spéc., n°19, p.487 et s. 499
Ibid. 500
V. A. JACQUEMENT, Droit des entreprises en difficulté, Litec, 5e édition, 2007, n° 317, p.181 ; Ch.
PAULIN, La clause résolutoire, th., précitée, n° 262, p.266, et s. 501
F. TERRE, Ph. SIMLER, Y. LEQUETTE, Les obligations, Précis Dalloz, 9e
édition, 2005, n° 662, p.
65 et s ; B. TEYSSIE, Les clauses de résiliation et de résolution, Cah. dr. entr. 1975 /1, p. 13, et sépc., p.
14.
151
Une fois que la clause résolutoire a satisfait toutes les conditions requises pour sa
mise en œuvre, elle anéantit le contrat. Le franchisé ne saurait -comme en matière de
résiliation ou de résolution judiciaire- empêcher le jeu de la clause résolutoire en offrant
l’exécution du contrat. Il ne saurait non plus l’empêcher en s’adressant, par exemple, au
juge pour qu’il lui accorde un délai de grâce502
. En effet, en présence d’une telle clause,
le rôle du juge se réduit au seul fait de vérifier les conditions de mise en œuvre de la
clause résolutoire et sa mise en œuvre de bonne foi. D’où la qualification de
« dangereuse » 503
de la clause résolutoire, et donc se pose la question de sa validité.
146. Validité. Compte tenu des inconvénients que peut présenter la clause résolutoire
pour le franchisé, certains auteurs plaident pour que la stipulation de cette clause ne soit
pas admise dans les contrats de franchise et les contrats de la distribution de manière
générale504
. Selon leur analyse, le contrat de franchise suppose une large collaboration
entre les parties pour réaliser leur but commun qui consiste dans l’augmentation de la
clientèle. Cette collaboration implique nécessairement l’existence d’un rapport
contractuel stable. Or, cela ne peut se concevoir en présence d’une clause résolutoire
insérée dans le contrat de franchise qui ne fait qu’accroître la précarité du contrat505
.
Pour d’autres auteurs, moins rigoureux, la clause résolutoire devrait être stipulée
dans l’intérêt réciproque des deux parties ou, à tout le moins, être stipulée moyennant
une contrepartie, sous peine d’être considérée non avenue506
.
502
Cass. civ., 4 juin 1986, RTD civ. 1987, 318, obs. J. MESTRE ; Cass. com., 17 décembre 1991, L.
LEVENEUR, Droit des contrats : 10 ans de la jurisprudence commentée, Litec 2002, n° 84, p. 156. 503
B. TEYSSIE, Les clauses de résiliation et de résolution, Cah.dr. entre 1975 /1 , p. 13 , et spéc., p.14 ;
F. TERRE , Ph. SIMLER, Y. LEQUETTE, Droit civil, Les obligations, précis Dalloz, 7é édition, 2001, n°
637, p.601 ; Ph. MALAURIE, L. AYNES, Ph. STOFFEL-MUNCK, Les obligations, Defrénois, 2007, n°
886, p. 432 , et s. 504
Ph. Le TOURNEAU, Droit de la responsabilité et des contrats, Dalloz, 2006 /2007, n° 1236, p 358. 505
Ph. Le TOURNEAU, op.cit : « cette modalité , imposée dans les contrats d’adhésion par la partie la plus forte, paraît excessive ; elle devrait être tenue pour non avenue, au moins dans les contrats de coopération (comme la concession commerciale, qui suppose une large collaboration des parties dans un but commun, l’augmentation de la clientèle) .Peut-on parler de coopération lorsqu’il est possible de rompre brutalement le contrat, souvent pour une défaillance minime, sans demande préalable de justification ou sans proposition d’aide ? » 506
En ce sens, v. Ph. DELEBECQUE, L’anéantissement unilatéral du contrat, in L’unilatéralisme et le
droit des obligations, Economica, 1999, n°14, Egalement, M. A. FRISON-ROCHE, Unilatéralité et
consentement, in L’unilatéralisme et le droit des obligations, op.cit., p, 29 : « ce qui n’est pas supportable, c’est l’unilatéralité qui persiste dans le contrat formé sans prendre la forme commutative, sans bilatéralités, sans qu’aucune contrepartie ne lui corresponde ».
152
Cette dernière solution est identique à celle retenue par les normes AFNOR,
normes contenant un certain nombre de règles minimales relatives au contrat de
franchise507
. Pour autant, sauf dans certains domaines, le principe de la validité de la
stipulation d’une clause résolutoire est admis en droit positif508
. Pour ce qui concerne
les contrats de franchise, la Cour de cassation a affirmé, à plus d’une occasion, qu’en
vertu du principe de la liberté contractuelle, le franchiseur et le franchisé peuvent
librement aménager la sanction de l’inexécution de leur contrat509
. Notons, toutefois,
que si le principe est celui de la validité de la stipulation de la clause résolutoire, celle-ci
n’est efficace que si elle remplit certaines conditions.
147. Conditions d’efficacité Afin de protéger la partie contre qui la clause résolutoire
est stipulée, la jurisprudence a subordonné l’efficacité de celle-ci à la satisfaction de
certaines conditions. Tout d’abord, la jurisprudence exige, pour qu’une clause
résolutoire puisse produire son effet extinctif, qu’elle soit formellement et expressément
stipulée dans le contrat510
. Selon elle, la clause résolutoire ne peut être déduite
tacitement du contrat511
.
Une telle exigence peut, en effet, s’expliquer par la volonté, d’une part, d’informer
le franchisé de la dangerosité de la clause résolutoire, et, d’autre part, d’éviter toute
discussion sur la réalité de la volonté des parties. Elle exige, ensuite, que la clause
exprime de manière non équivoque la commune intention du franchisé et du franchiseur
d’éluder l’intervention judiciaire dans les litiges auxquels pourrait donner lieu leur
contrat512
.
507
La norme AFNOR a été publiée en 1987. Critiquée par la FFF, elle n’a pas été officiellement
homologuée par les pouvoirs publics, de sorte qu’elle n’a qu’une valeur incitative. Sur l’ensemble de la
question, v. Ph. Le TOURNEAU et M. ZOÏA, «Franchisages-Variétés de franchise », J-CI. Contrats et
distribution, 2002, fasc. 1045, n° 39, n°161. 508
Ch. PAULIN, La clause résolutoire, LGDJ, 1996, préface. J. Devèze, n° 27, p.40. Sur le plan
communautaire, la Cour de justice européenne a eu l’occasion récemment d’affirmer, en matière de
contrat de distribution automobile, que le règlement n° 1400 / 2002 n’interdit pas la stipulation des
clauses résolutoires de plein droit. CJCE, 18 janvier 2007, aff. 421/05 ; RDC. 2007, p.765, obs. L. IDOT. 509
V. J.-M. LELOUP, La franchise, Droit et pratique, Delmas, 4e édition, 2004, n° 2051, p.328 et la
jurisprudence citée. 510
Ch. PAULIN, th., précitée, n°18 et s p.25. 511
Ibid. 512
Cass. civ., 12 octobre 1994, JCP G 1995, I, 3828, n°14, obs. Ch. JAMIN. Dans cet arrêt il a été jugé
que « la clause résolutoire de plein droit, qui permet aux parties de soustraire la résolution d’une convention à l’appréciation des juges, doit être exprimée de manière non équivoque, faute de quoi les juges retrouvent leur pouvoir d’appréciation ».
153
A cet égard, les juges exigent que la clause précise que l’inexécution de la part du
franchisé de l’une de ses obligations contractuelles entraîne de plein droit la résiliation
du contrat513
. A défaut de l’expression «de plein droit » ou de toute expression
équivalente comme « automatiquement » ou « ipso facto », la clause ne sera pas
considérée comme une clause résolutoire, mais comme un simple rappel de l’article
1184514
permettant à son bénéficiaire de saisir le juge515
.
La méfiance de la jurisprudence à l’égard de la clause résolutoire ne se limite pas
là. Elle est même allée jusqu’à restreindre son champ d’application. Toujours dans le
but d’informer le contractant des conséquences dangereuses de la clause résolutoire, la
jurisprudence exige, en effet, pour être efficace, que celle-ci précise les obligations dont
elle sanctionne l’inexécution516
. Le franchiseur doit mentionner les obligations dont la
violation, par le franchisé, entraîne la résiliation de plein droit du contrat, comme par
exemple, la violation de la clause de non-concurrence pendant la durée du contrat, la
communication du savoir-faire à un tiers, la communication d’informations erronées
concernant les comptes ou le chiffre d’affaires de l’exploitation, le défaut de paiement
des redevances, la violation de l’obligation d’exclusivité, la non atteinte des objectifs
fixés, la cessation d’activité etc..
A vrai dire, l’exigence de préciser les obligations dont l’inexécution sera
sanctionnée par la clause résolutoire n’est pas sans présenter certaines avantages tant
pour le franchisé que pour le franchiseur. Pour le franchisé, une telle précision a pour
but de l’informer, dès le début, quelles sont les obligations dont l’inexécution par lui
remettra en cause le contrat de franchise517
. Cela lui permettra donc de se montrer plus
diligent et d’y prêter beaucoup plus attention.
513
Ex. Cass. civ., 3e, 7 octobre.1998 , Bull. civ. III, n° 191. Dans cet arrêt, la troisième Chambre civile de
la cour de cassation a censuré les juges du fond pour avoir constaté que le contrat était résilié par
application de la clause résolutoire, alors que cette convention ne stipulait pas l’application d’une clause
résolutoire de plein droit. 514
J. CARBONNIER, Les obligations, PUF, 22e édition, 2000, n° 188, p. 343.
515 L. CADIET, Les clauses contractuelles relatives à l’action en justice, in Les principales clauses
conclues entre professionnels, PUAM 1990, n° 27, p.206 et s. L’auteur qualifie les clauses qui se
contentent de prévoir la résolution en cas d’inexécution de ses obligations par le débiteur, sans autre
précision, de fausses clauses résolutoires. 516
Ch. PAULIN, th., préc., n° 19 , p.28 et s. 517
Certains contrats de franchise, notamment ceux de restauration rapide contiennent de nombreuses
obligations mises à la charge du franchisé. Par exemple, le manuel de Mc Donald contient 358 pages
détaillant jusqu’au plus infime détail, les obligations dont la méconnaissance entraîne la résiliation de
plein droit du contrat de franchise.
154
Pour le franchiseur, la précision des obligations dont la clause résolutoire
sanctionne l’inexécution peut être un moyen efficace pour que le franchisé n’échappe
pas à la sanction en invoquant son ignorance518
. Toutefois, il convient de noter qu’une
fois que la clause résolutoire satisfait aux exigences de forme et à certaines conditions
de fond, sa mise en œuvre entraîne l’extinction du contrat de franchise.
B. Mise en œuvre de la clause résolutoire
148. Conditions et effets. Dès l’instant que la clause résolutoire satisfait toutes les
conditions requises pour son application (1), elle confère au franchiseur le droit
d’anéantir le contrat de franchise. Ce droit est potestatif, c’est-à-dire que son exercice ne
dépend que de la seule volonté du franchiseur. Le franchisé ne peut que subir les
conséquences de sa décision. Dès lors, se pose la question du rôle du juge lors de sa
mise en œuvre (2).
1. Conditions d’application
149. Plan. Deux conditions sont exigées pour la mise en œuvre d’une clause résolutoire
par le franchiseur : une inexécution illicite imputable au franchisé (a) et la nécessité
d’une mise en demeure (b).
a. Inexécution illicite imputable au franchisé
150. Caractère comminatoire. Parce que le contrat de franchise est un «pari sur
l’avenir »519, le franchiseur et le franchisé prévoient fréquemment des clauses de
résiliation de sauvegarde520
.
518
V. Ch. PAULIN, th., précitée, n°19, p.29 . 519
V. R. FABRE, Les clauses d’adaptation dans les contrats, RTD civ. 1983, 1, n° 3. 520
J.-M. MOUSSERON, Technique contractuelle, par P. MOUSSERON, J. RAYNARD, J.-B. SEUBE,
Edition Francis Lefebvre, 3e édition, 2005, n°1359 et s ; B. TEYSSIE, Les clauses de résiliation et de
résolution, Cah. dr. entr. 1975, p. 13, et spéc., n°1. C. CHABAS, L’inexécution licite du contrat, LGDJ
2002, préface J. Ghestin, n° 90, p.91 et s ; J.-M. MOUSSERON, La gestion des risques par le contrat,
RTD civ. 1987, p. 481.
155
Ces clauses ont pour finalité de protéger les intérêts des contractants contre tout
événement de nature à perturber gravement l’équilibre contractuel521
. Or, tel n’est pas le
cas pour les clauses résolutoires qui ont pour but d’assurer la discipline dans
l’exécution du contrat de franchise. Elles ont un aspect comminatoire522
. Elles
constituent une sorte de peine privée 523
. Comme le relève justement un auteur, elles ont
« au moins autant pour objet de mettre fin à un contrat qui n’a plus d’utilité que de
faire peser sur le débiteur le poids d’une sanction s’il ne respecte pas son engagement
de manière scrupuleuse »524. Leur mise en œuvre suppose donc une inexécution illicite
imputable au franchisé525
. Peu importe que cette inexécution soit volontaire ou due à
une négligence, une imprudence526. Dès qu’il y a une défaillance illicite imputable au
franchisé, la clause résolutoire produit son effet extinctif. Elle entraîne la résiliation du
contrat de franchise dès la date de l’intervention de l’inexécution527
. Peu importe que le
franchisé soit de bonne foi ou non. Celle-ci n’a pas d’incidence sur la mise en œuvre de
la clause résolutoire528
.
Toutefois, il faut noter que la clause résolutoire ne saurait produire ses effets
lorsque l’inexécution par le franchisé est une inexécution licite. Tel est, par exemple, le
cas lorsque le franchisé n’exécute pas son obligation de paiement de redevances, dont la
clause résolutoire sanctionne l’inexécution, parce que le franchiseur ne lui a pas
transmis le savoir-faire ou l’assistance technique convenue ou il ne lui a pas fournit les
produits commandés dont il a besoin. Dans tous ces cas, la clause résolutoire ne peut
être invoquée par le franchiseur. Il en va de même lorsque l’inexécution du contrat de
franchise est imputable à un cas de force majeure529
.
521
V. Infra n° 198 et s. 522
Ch. PAULIN, La clause résolutoire, LGDJ., 1996, préface, n°111, p.119. Egalement, C. CHABAS, th.,
précitée. 523
J. MESTRE, RTD .civ. 1987, p.317 ; Ch. JAMIN, Les conditions de la résolution du contrat : vers un
modèle unique ?, in Les sanctions de l’inexécution des obligations contractuelles, sous la dir. M. Fontaine
et G. Viney, LGDJ 2001, p.451 et spéc, n°18, p.483. 524
Ch. JAMIN, Les conditions de la résolution du contrat : vers un modèle unique ?, op. cit. 525
Ch. PAULIN, La clause résolutoire, th., précitée, n° 70, p.73 ; C. CHABAS, L’inexécution licite du
contrat, LGDJ 2002, préface J. Ghestin , spéc.,71 , p.70. 526
Ibid. 527
Il n’est pas exclu que la clause résolutoire entraîne la destruction rétroactive du contrat de franchise. Il
en est ainsi lorsqu’il y a une inexécution, dès l’origine, par le franchisé de l’une de ses obligations. 528
Ex. Cass. civ., 3e septembre 2003, Contrats. conc. consom., 2003, comm. 174, obs. L EVENEUR.
Dans cet arrêt, il a été jugé qu’en cas d’inexécution par le débiteur, sa bonne foi est sans incidence sur
l’acquisition de la clause résolutoire. V. aussi, D. MAZEAUD, Clause résolutoire expresse, RDC. 2004,
p.644. 529
Ch. PAULIN, th., précitée, n°111, p.119 et s.
156
A cet égard, on note que le franchisé doit, pour pouvoir s’échapper du jeu de la
peine privée de la clause résolutoire, prouver que l’inexécution invoquée par le
franchiseur ne lui est pas imputable, et qu’ elle est due à un événement de force majeure
ou au fait du franchiseur530
. Reste maintenant à aborder la deuxième condition de la
mise en œuvre de la clause résolutoire qu’est la mise en demeure.
b. Mise en demeure
151. Une formalité en principe requise. Avant d’anéantir le contrat de franchise, le
franchiseur doit mettre son franchisé défaillant en demeure. Cette mise en demeure
constitue le premier acte tendant à l’acquisition de la clause résolutoire531
. Par celle-ci,
le franchiseur doit indiquer au franchisé sa volonté d’obtenir l’exécution du contrat et
lui préciser le délai à l’échéance duquel s’il n’a pas exécuté ses obligations, le contrat
sera résilié. Une telle solution peut s’expliquer par le principe selon lequel toute
sanction de l’inexécution exige une mise en demeure préalable532
.
Quant à la modalité de la mise en demeure, celle-ci peut être faite par tout moyen.
Mais généralement, la mise en demeure est faite au moyen de lettre recommandée avec
accusé de réception.
152. Absence de caractère d’ordre public. Toutefois, la mise en demeure lors de
l’application de la clause résolutoire n’est pas d’ordre public533
. Le franchiseur et le
franchisé peuvent valablement stipuler que l’inexécution par ce dernier entraîne, de
plein droit et sans mise en demeure préalable, la résiliation du contrat.
530
Ch. PAULIN, th., précitée, n° 70 , p.73 et s. 531
Ch. PAULIN, th., précitée, n° 70 , p.73 et s. 532
R. LIBCHABER, Demeure et mise en demeure en droit français, Rapport français , in Les sanctions de
l’inexécution des obligations contractuelles, Etude de droit comparé, sous la dir. M. Fontaine et G. Viney,
Bruylant,L.G.D.J, 2001, p.113 ; BERTRAND DE CONINCK, La mise en demeure, Rapport belge, in Les
sanctions de l’inexécution des obligations contractuelles, Etude de droit comparé, op.cit., p. 135 ; X.
LAGARDE, Remarques sur l’actualité de la mise en demeure, JCP G 1996, I, p.423. 533
V. Cass. civ., 3e, 29 juin 1977, Bull. civ. III, n° 293 , p.223. Dans cet arrêt, il a été jugé que « la
résiliation d’une convention en vertu d’une clause résolutoire expresse peut intervenir sans mise en demeure préalable, dès lors que cette dispense est expressément prévue par le contrat ».
157
En fait, dès lors que la clause résolutoire, prérogative contractuelle, satisfait toutes
les conditions requises pour sa mise en œuvre, elle confère au franchiseur un droit
potestatif de rompre le contrat534
. Cela signifie que le franchiseur est libre de se libérer
de son contrat. Le franchisé, quant à lui, ne peut que supporter les conséquences de son
choix. D’où se pose la question de savoir quel peut être le rôle du juge lors de son
application.
2. Le rôle du juge dans l’application de la clause résolutoire
153. Office du juge. Si le juge ne dispose pas d’un pouvoir d’appréciation quant à
l’opportunité de l’application de la clause résolutoire (a), il a, par contre, un pouvoir de
contrôle sur la régularité de sa mise en œuvre (b).
a. Absence de pouvoir d’appréciation quant a l’opportunité de l’application de la
clause résolutoire
154. Effacement du juge. Dès lors que la clause résolutoire satisfait toutes les
conditions requises pour sa mise en œuvre, elle produit son effet extinctif consistant
dans l’anéantissement du contrat de franchise. Le juge ne dispose pas du pouvoir
d’apprécier l’opportunité de la résiliation. Par conséquent, sauf en cas de mise en œuvre
de manière déloyale de la clause résolutoire, le juge ne saurait faire obstacle à son
application. Il ne saurait, par exemple, paralyser les effets de cette clause sous prétexte
que le manquement reproché au franchisé n’est pas suffisamment grave ou qu’il est
disproportionné par rapport à la sanction imposée535
.
534
J. ROCHFELD, Les droits potestatifs accordés par le contrat, in Le contrat au début du XXIe siècle,
Mélanges J. Ghestin, LGDJ, 2001,747, et spéc., n°3, p.748 . Le droit potestatif est « défini comme le pouvoir, pour son titulaire, d’influer sur une situation juridique préexistante en la modifiant, l’éteignant ou en en créant une nouvelle, par sa volonté unilatérale et sans que son partenaire, placé dans une position de totale sujétion, puisse y faire obstacle ». V. aussi, I. NAJJAR, Le droit d’option : contribution
à l’étude du droit potestatif et de l’acte unilatéral, LGDJ, 1967, préface P. Raynaud. 535
Ch. PAULIN, La clause résolutoire, th., précitée, n° 287, p.277 et s.
158
Une fois que la matérialité du manquement reproché au franchisé est avérée, le
contrat de franchise est résilié536
et le juge ne peut que constater cette résiliation qui
s’est déjà effectuée en dehors de lui537
.
155. Justification de l’effacement du juge. L’absence du pouvoir d’appréciation par le
juge de l’opportunité de l’application de clause résolutoire, solution retenue
généralement dans certains systèmes juridiques538
, s’explique par le principe du respect
de l’autonomie de la volonté « en vertu duquel les contractants sont libres de créer une
faculté de destruction volontaire et unilatérale »539. Elle s’explique aussi par le double
principe de la cohérence juridique et l’utilité de la clause540
. Comme le relèvent certains
auteurs, il serait peu cohérent que la Cour de cassation juge valable la stipulation d’une
clause résolutoire de plein droit permettant aux contractants d’échapper au pouvoir
d’appréciation du juge en matière de résolution, puis de réintroduire, par un biais ou par
un autre, ce pouvoir d’appréciation contre lequel la clause résolutoire est précisément
dressée541
.
156. Le souhait de l’intervention du juge. Pour autant, et quelle que soit la raison
justifiant cet effacement du juge, la reconnaissance au juge d’un pouvoir d’appréciation
quant à l’opportunité de l’application de la clause résolutoire paraît souhaitable, voire
indispensable542
.
536
C. JAMIN, «Les conditions de la résolution du contrat : vers un modèle unique ?», in Les sanctions de
l’inexécution des obligations contractuelles, op.cit., n°19, p.486. 537
Ibid. 538
En droit anglais, par exemple, la jurisprudence considère que le juge n’a pas la possibilité de faire
échec à la clause résolutoire en appréciant la proportionnalité entre l’obligation inexécutée et la résolution
imposée. V. Y.-M. LAITHIER, Etude comparative des sanctions de l’inexécution du contrat, L.G.D.J,
2004, préface. H. Muir Watte, n° 164, p.235,et spéc., p.236 . 539
L. CADIET, Les clauses contractuelles relatives à l’action en justice , in Les principales clauses des
contrats conclus entre professionnels, PUAM, 1990, p.193, et spéc., n°30, p.207. 540
L. AYNES, « Clause résolutoire de plein droit : le juge n’a pas de pouvoir modérateur », Dr et patr.
.2004, n°128, p.40 : «La première raison, décisive, tient à la cohérence du système juridique, son honnêteté, si l’on veut ». Y- M. LAITHIER, th., préc., n°162, p.233, et spéc., p.234 : « l’effacement du juge est principalement motivé par un double impératif de cohérence et d’utilité. Dès lors que la licéité de la clause résolutoire opérant de plein droit est reconnue, la cohérence de l’ordre juridique requiert du juge qu’il n’en paralyse pas les effets, provisoirement ou définitivement, au seul motif que le manquement du débiteur n’est pas d’une gravité suffisante pour entraîner l’anéantissement du contrat ... ». 541
L. AYNES, « Clause résolutoire de plein droit : le juge n’a pas de pouvoir modérateur », op.cit., p.40. 542
Certains auteurs plaident pour la reconnaissance au juge d’un pouvoir d’appréciation de l’opportunité
de l’application de la clause résolutoire à l’instar même de celui qui lui est reconnu en matière de clause
pénale. V. F. OSMAN, Le pouvoir modérateur du juge dans la mise en œuvre de la clause résolutoire de
plein droit, Defrénois 1993, art. 35433, p. 65. V. également, S. LE GAC-PECH, La proportionnalité en
droit privé des contrats, LGDJ, 2000, préface. H. Muir-Watt, 2000, n° 624, p.244.
159
En effet, dans les contrats de franchise en particulier, et les contrats de la
distribution de manière générale, il ne semble pas raisonnable que le juge soit « le
spectateur passif de la querelle contractuelle, et prisonnier du principe d’autonomie de
la volonté qui lui impose de respecter les termes de la convention »543. Il faudrait lui
octroyer un certain pouvoir d’appréciation. En cas de saisine, le juge devrait pouvoir
vérifier si le manquement reproché au franchisé est proportionnel par rapport à la
sanction imposée. Il devrait faire échec à la clause résolutoire chaque fois qu’il se révèle
qu’elle a été invoquée par le franchiseur pour sanctionner une inexécution minime.
Certes, une telle solution peut faire perdre à la clause résolutoire la plus grande
partie de son intérêt. Son mécanisme se rapprocherait de celui de la résiliation judiciaire
qui suppose la preuve d’un manquement grave544
. Néanmoins, elle n’est pas sans
justification. Deux raisons peuvent être invoquées. La première réside dans la nature
spécifique du contrat de franchise545
.
543
L. CADIET, Une justice contractuelle, l’autre, in Le contrat au début du XXIe siècle, Mélanges J.
Ghestin, LGDJ., 2001, p.177, et spéc., n°2, p.178 et s. Sur la question du juge et le contrat, v. D.
MAZEAUD, « Le juge et le contrat : variation optimiste sur un couple (illégitime) », in Propos sur les
obligations et quelques autres thèmes fondamentaux du droit, Mélanges. J.-L. Aubert, Dalloz, 2005, 235. 544
Y.-M. LAITHIER, th., précitée, n°175 , p.250 et s. L’auteur n’hésite pas à montrer son hostilité à tout
contrôle par le juge de la proportionnalité entre l’inexécution et la résolution .Un tel contrôle, dit–il, fait
perdre à la clause résolutoire son utilité consistant à éviter les aléas de l’appréciation du juge. Pour lui, on
ne voit pas pour quelle raison les parties ne pourraient pas convenir qu’une violation objectivement
mineure du contrat, par exemple, le non respect de l’obligation d’exploiter le fonds de commerce à
certaines heures. De même, H. LECUYER, « Le principe de proportionnalité et l’extinction du contrat,
Existe-t-il un principe de proportionnalité en droit privé ?»LPA. 1998, n° 117, p. 31, qui se montre hostile
à l’instauration d’un contrôle de proportionnalité entre la sanction de la clause résolutoire et l’obligation
inexécutée : « (…) le contrat devrait être respecté car il est acte de prévision. Respecter le contrat, c’est respecter les prévisions des contractants et celles-ci ne doivent pas être trahies, si l’on veut bien admettre que le contrat est le plus sûr moyen-sinon le seul-dont dispose l’homme pour se projeter dans l’avenir, projection elle-même indispensable ». 545
G. VIRASSAY, Les contrats de dépendance, LGD., 1986, préface J. Ghestin, n° 280, p.221, 222 :
« Compte tenu de la spécificité des contrats de dépendance, la réintroduction du juge dans le schéma classique du conflit contractuel nous paraît indispensable, même si cela doit passer par une limitation de la liberté des parties dans l’aménagement de leur convention. Surtout qu’en fait, les contrats de dépendances sont dans leur plus grande part des contrats d’adhésion et que seul le partenaire privilégiée est en mesure d’imposer ses exigences. L’intervention obligatoire du juge permettrait de s’assurer que l’inexécution par l’assujetti de ses obligations présente un tel caractère de gravité, et que son contractant n’en profite pas pour mettre fin à la convention pour des motifs inavoué , sinon inavouables » . V. Ph. Le
TOURNEAU, Droit de la responsabilité et des contrats, Dalloz, 2006 /2007, n°1236, p 358. Selon ces
auteurs, la stipulation des clauses résolutoires dans les contrats de la distribution s’accommode mal avec
l’esprit de ces contrats. Ils observent que « cette modalité, imposée dans les contrats d’adhésion par la partie la plus forte, paraît excessive ; elle devrait être tenue pour non avenue, au moins dans les contrats de coopération (comme la concession commerciale, qui suppose une large collaboration des parties dans un but commun, l’augmentation de la clientèle). Peut-on parler de coopération lorsqu’il est possible de rompre brutalement le contrat, souvent pour une défaillance minime, sans demande préalable de justification ou sans proposition d’aide ? )
160
Dans ce dernier, le postulat du libéralisme selon lequel un contrat est juste s’il a été
accepté librement ne se vérifie pas réellement. Le contrat de franchise est un contrat
d’adhésion546
. Il est pré-rédigé par le franchiseur. Celui-ci conçoit la clause résolutoire
et l’impose au franchisé. Celui-ci ne saurait même en discuter le contenu par crainte
souvent de perdre le bénéfice du contrat. Ce n’est donc que par fiction que l’on parle
d’une clause résolutoire bilatérale547
. La deuxième raison réside dans la grande valeur
patrimoniale du contrat de franchise. Celui-ci est, en effet, conçu comme un « contrat
de situation »548, puisqu’il est le support de l’activité de la situation professionnelle des
parties, et notamment celle du franchisé. Que le contrat de franchise disparaisse, c’est
cette situation professionnelle elle-même qui disparaît. Dès lors, ne paraît-il pas juste
que le juge soit le gardien raisonnable du lien contractuel et qu’il puisse neutraliser les
effets de la clause résolutoire chaque fois qu’il se révèle que le manquement invoqué
par le franchiseur est infime ou disproportionné par rapport à la sanction infligée ?
D’ailleurs, le contrôle de la proportionnalité peut être conçu comme un moyen
efficace d’apaiser les craintes qu’inspire la clause résolutoire. Un tel contrôle
contribuerait, d’une part, à atténuer le déséquilibre qu’engendre la stipulation de la
clause résolutoire, et, d’autre part, à faire obstacle à tout franchiseur malhonnête
invoquant la clause résolutoire dans le seul désir d’échapper de manière anticipée au
contrat549
. Ces objectifs semblent s’accommoder parfaitement avec l’évolution récente
de la théorie générale du contrat marquée par le double principe de l’équilibre
contractuel 550
et de la protection du lien contractuel551
.
546
Sur ce point, v. G. BERLIOZ, Le contrat d’adhésion, LGDJ, 1976. 547
Ph. JESTAZ, Rapport de synthèse, in L’unilatéralisme et le droit des obligations, Economica., 1999,
p.87, et spéc., p.90 et s : « Une clause du contrat, bilatérale par définition ou plutôt par la fiction d’une libre discussion contractuelle, autorise l’une des parties ou les deux parties à appuyer de façon unilatérale, mais efficace, sur certain bouton propre à déclencher des effets de droits ». 548
M. CABRILLAC, Remarques sur la théorie générale du contrat et les créations récentes de la pratique
commerciale, Mélanges. Gabriel Marty, 1978, p.235, spéc., n° 8, p.238. V. D. MAINGUY, Remarques
sur les contrats de situation et quelques évolutions récentes du droit des contrats, in Mélanges M.
Cabrillac, Dalloz, Litec, 1999, p.165. 549
S. LE GAC-PECH, La proportionnalité en droit privé des contrats, th., précitée, n° 623, p.243. 550
L. FIN-LANGER, L’équilibre contractuel, LGDJ., 2002, préfac. C. Thibierge. 551
M.-E. PANCRAZI-TIAN, La protection judiciaire du lien contractuel, PUAM., 1996, préface. J.
Mestre.
161
Malgré cela, la Cour de cassation se montre toujours hostile à reconnaître au juge
un pouvoir modérateur quant à l’opportunité de la clause résolutoire. Toutefois, il
convient de noter que si le juge n’a pas de pouvoir modérateur quant à l’opportunité de
l’application de la clause résolutoire, il peut, en revanche, procéder à un contrôle de la
mise en œuvre de la clause résolutoire.
b. Contrôle judiciaire de la mise en œuvre de la clause résolutoire
157. Exigence de bonne foi. La bonne foi, notion non « unitaire »552
, « floue »553,
« souple »554, d’un « contenu ouvert et indéterminé »
555, est un moyen permettant
l’assouplissement de la loi du contrat et la rectification des effets des stipulations qui
pourraient créer un trop grand déséquilibre entre les parties556
. Elle est aujourd’hui
derrière toute obligation557
. Il en résulte que le franchiseur doit se montrer loyal dans
l’application de la clause résolutoire558
. Il ne doit pas, lors de la mise en œuvre de la
clause résolutoire, adopter des comportements susceptibles de nuire au franchisé. Tout
comportement déloyal de sa part, lors de l’application de la clause résolutoire, peut faire
échec à la mise en œuvre de celle-ci. Il permet au juge ou à l’arbitre de neutraliser les
effets de la clause résolutoire.
158. Illustrations. C’est ainsi qu’il a été jugé dans un arrêt du 23 juin 2005559
. En
l’espèce, un franchiseur a mis fin au contrat de franchise en invoquant la clause
résolutoire autorisant la résiliation du contrat en cas de non-respect de l’objectif de
vente fixé à 65 % de marchandises livrées. Cependant, les juges du fonds ont considéré
que la résiliation du contrat de franchise était injustifiée au motif que la défaillance du
franchisé résultait essentiellement de la violation par le franchiseur de ses engagements
contractuels.
552
P. JOURDAIN, La bonne foi dans la formation du contrat, Rapport français, in La bonne foi, Travaux
de l’Association Henri Capitant, Litec, 1992, p.121. 553
P. CHAUVEL, note sous Cass. com., 7 janvier, 22 avril 1997, D. 1998, p. 45 554
A. BENABENT, La bonne foi dans l’exécution du contrat, Rapport français, in La bonne foi, Travaux
de l’Association Henri Capitant, Litec, 1992, p.293. 555
P.-V OMMESLAGHE, Rapport général, in La bonne foi, Travaux de l’Association Henri Capitant,
Litec, 1992, p. 25, et spéc., n° 4, p.28. 556
G. LYON-CAEN, De l’évolution de la notion de bonne foi, RTD civ. 1946, p. 82, n° 9. 557
D. MAZEAUD, obs sous Cass. civ. 3er
,14 septembre 2005, D. 2006, p.761. 558
Y. PICOD, La clause résolutoire et la règle morale, JCP G 1990, I, 3447. Y. PICOD, L’exigence de
bonne foi dans l’exécution du contrat, in Le juge et l’exécution du contrat, PAUM, 1993, sous la dir. J.
Mestre, p.57. 559
CA Nîmes, 23 juin 2005, Juris-Data, n° 2005-282018.
162
Il en est de même pour un arrêt du 13 janvier 1989 rendu par la Cour d’appel de
Paris560
. En l’espèce, faute d’atteindre l’objectif prévu par le franchisé, le franchiseur a
résilié le contrat. Or, les juges du fond l’ont condamné pour rupture fautive, et considéré
la clause non acquise. Ils ont considéré que le fait que le franchiseur ne réponde pas aux
courriers du franchisé proposant de faire d’autres commandes pour atteindre le chiffre
d’affaires requis reflète sa mauvaise foi et donc prive la clause résolutoire de son effet
extinctif.
La même solution a été retenue dans la sentence n°8260561
. En l’espèce, un
contrat de franchise avait été conclu entre un franchisé saoudien et un franchiseur
français. Le contrat contenait une clause selon laquelle le franchisé s’interdisait de céder
le contrat ou de recourir à un sous-franchisé sans en informer préalablement le
franchiseur. Quelques temps plus tard, le franchisé a installé un magasin en sous-
franchisé du premier magasin sans en informer le franchiseur. Suite à cette violation, le
franchiseur a fait application de la clause résolutoire, conformément au contrat, et a mis
fin à celui-ci sans mise en demeure. Or, le tribunal arbitral, statuant selon le droit
français, a considéré que si les éléments constitutifs de l’infraction prévue à l’article
903.3 du contrat invoqué par le franchiseur étaient bien réunis, celui-ci n’était pas de
bonne foi lors de l’application de la clause. Le tribunal arbitral a constaté que le
franchiseur était au courant depuis plus d’un an de l’installation d’un magasin sous-
franchisé par le franchisé et qu’il n’avait jamais émis de protestations à cet égard. En
outre, il n’a pas hésité, quelques semaines seulement après la rupture du contrat, à
nommer ce sous-franchisé pour distribuer ses produits en lieu et place de l’ancien
franchisé.
159. Justification. A vrai dire, la mise en échec de la clause résolutoire par le juge ou
l’arbitre lorsqu’il constate que le franchiseur a eu un comportement déloyal lors de sa
mise en oeuvre est pleinement justifiée. Agir de bonne foi est un devoir général
incombant à tout contractant. Cette obligation impose au franchiseur de s’abstenir de
tout fait qui puisse empêcher le franchisé d’exécuter ses obligations ou susceptible de
lui nuire.
560
CA Paris 13 janvier 1989, in J.-P. CLEMENT, La franchise : 20 ans de jurisprudence, n°34, p.90 561
Aff. n°8260 de 1995, cité par C.-Q. CORINNE TRUONG, Les différends liés à la rupture des contrats
internationaux de distribution dans les sentences arbitrales CCI, Litec, 2002, préface P. Fouchard, 274,
p.234 et s.
163
La violation par le franchiseur de son obligation d’agir de bonne foi lors de la mise
en œuvre de la clause résolutoire ne doit pas seulement paralyser le droit de s’en
prévaloir, mais également engager sa responsabilité pour rupture fautive. Ce n’est que
de cette manière que « sera respecté un équilibre minimum entre la liberté contractuelle
et la sécurité du contractant qui a adhéré à une telle clause, laquelle introduit déjà une
dose de précarité suffisamment forte dans la relation contractuelle »562.
160. Synthèse. La clause résolutoire est un acte de rupture unilatérale. Dès lors que sont
satisfaites toutes les conditions de forme et de fond requises pour celle-ci, le contrat de
franchise est résilié. Le juge, quant à lui, ne peut que constater cette résiliation, sauf en
cas de mise en œuvre de manière déloyale de la clause résolutoire par le franchiseur.
Dans cette hypothèse, le juge intervient, non seulement pour faire obstacle au jeu de la
clause résolutoire, mais aussi pour engager la responsabilité du franchiseur dont le
comportement se révèle déloyal. Notons, enfin, que le contractant, victime d’une
inexécution, peut résilier unilatéralement le contrat de franchise en dehors même de
toute clause résolutoire.
§ 2. Résiliation unilatérale en l’absence de clause résolutoire
161. Plan. La possibilité pour une partie de rompre unilatéralement le contrat avant son
terme est désormais admise en droit positif (A) si certaines conditions sont réunies (B) .
562
D. MAZEAUD, Durées et ruptures, in Durée et exécution du contrat, RDC. 2004, p. 129, et spéc , n°
14 , p.138 et s.
164
A. Admission de la résiliation unilatérale du contrat de franchise
162. La force obligatoire du contrat. Si la faculté de la résiliation unilatérale est
admise en matière de contrats de franchise à durée indéterminée, il en va tout autrement
en matière de contrats de franchise à durée déterminée. Dans ce dernier, le principe de
la force obligatoire du contrat est absolu. Les parties sont tenues au contrat jusqu’au
terme pour lequel il a été fixé. En l’absence de toute clause résolutoire, la jurisprudence
n’admet la possibilité pour une partie de résilier unilatéralement le contrat avant son
terme que dans certaines hypothèses très exceptionnelles (1). Toutefois, la jurisprudence
a évolué depuis 1998, date à la quelle elle a admis qu’une partie puisse mettre fin
unilatéralement au contrat avant même son terme lorsque son cocontractant manque
gravement à ses obligations (2).
1. Le caractère traditionnellement exceptionnel de la résiliation unilatérale
163. Le principe de la résiliation judiciaire. Contrairement aux contrats à durée
indéterminée dans lesquels chacune des parties bénéficie d’une faculté de résiliation
unilatérale à tout moment, sous réserve du respect d’un préavis raisonnable563
, dans les
contrats à durée déterminée, le principe est l’interdiction de la résiliation
unilatérale564
.Sauf clause résolutoire expresse 565
ou mutuus dissensus566, ni le
franchiseur ni le franchisé ne peut se désengager unilatéralement du contrat avant
l’arrivée du terme pour lequel il a été stipulé567
. Cette solution s’impose même s’il y a
une inexécution de la part de l’une des parties. L’idée dominante est que nul ne peut se
faire justice soi-même568
.
563
Supra n° 85 et s. 564
V. C. GORGAS-BERNARD, La résiliation unilatérale du contrat à durée déterminée, PAUM, 2006,
préface. Ch. Jamin. V. aussi, J. MESTRE, Résiliation unilatérale et non- renouvellement dans les contrats
de distribution, in La cessation des relations contractuelles d’affaires, sous la dir. J. Mestre, PUAM, 1997,
p.10, spéc., p.13. H. HOUIN, La rupture unilatérale des contrats synallagmatiques, th., Paris II, 1973. 565
Supra n° 144 et s. 566
Supra n° 99 et s. 567
J. MESTRE, Résiliation unilatérale et non-renouvellement dans les contrats de distribution, op.cit., p.
13. 568
J. BEGUIN, Rapport sur l’adage « Nul ne peut se faire justice à soi-même », en droit français, Travaux
de l’Association Henri Capitant, t.XVIII, Dalloz, 1966, p.41.
165
En effet, en pareille hypothèse, le franchiseur ou le franchisé, qui s’estime victime
d’une inexécution du fait du cocontractant a une option : soit recourir à l’exception
d’inexécution et ne pas exécuter ses obligations569
; soit s’adresser au juge et lui
demander de prononcer l’anéantissement du contrat aux torts du cocontractant
défaillant. Mais il ne saurait en aucun cas rompre unilatéralement le contrat, sous peine
d’engager sa responsabilité570
.
164. Fondement du principe. La judiciarisation de la résiliation dans les contrats à
durée déterminée s’explique par le principe de l’autonomie contractuelle571
. En fixant
un terme à leur contrat, le franchiseur et le franchisé ont choisi de faire de la durée un
élément essentiel de leur convention, de sorte qu’elle contribue à assurer la stabilité du
lien contractuel et l’amortissement des investissements effectués pour l’exploitation de
la franchise. Par conséquent, chacun d’eux doit rester lié jusqu’à l’expiration de cette
durée.
569
Dans le contrat de franchise -comme d’ailleurs dans tout contrat synallagmatique- chacune des parties
peut refuser d’exécuter ses obligations tant que son partenaire n’exécute pas les siennes. Il s’agit ici de la
règle de l’exception d’inexécution, qui n’est que le corollaire de la réciprocité et de l’interdépendance des
obligations que tout contrat synallagmatique fait naître à la charge des deux parties. Sur cette technique,
V. J. GHESTIN, L’exception d’inexécution, Rapport français, in Les sanctions de l’inexécution des
obligations contractuelles, Etude de droit comparé, sous la dir. M. Fontaine et G. Viney, Bruylant,
L.G.D.J, 2001, p 3. Toutefois, il est à noter qu’il arrive parfois que cette technique aboutisse, de manière
indirecte, à la rupture unilatérale d’un contrat de franchise. V. J. ROCHE-DAHAN, L’exception
d’inexécution, une forme de résolution unilatérale du contrat synallagmatique, D. 1994, chro., p. 255 , et
spéc., n° 9, p.256 et s. 570
Comp. Cass. com., 9 juillet 1996, RJDA 1996, n° 1433 ; Cass. com., 25 mars 1991, Contrats. conc.
conso., 1991, n° 126, comm. L. LEVENEUR ; Cass. com., 15 janvier 1973, D.1973, p.473, note. .J.
GHESTIN. 571
Ph. JESTAZ, Rapport de synthèse, in L’unilatéralisme et le droit des obligations, sous la dir. Ch.
Jamin et D. Mazeaud, Economica, 1999, p.87, et spéc., p.90 et s ; Ph. MALAURIE, L. AYNES, Ph.
STOFFEL-MUNCK, Les obligations, 2e édition, Defrénois, 2005, n° 755, p.364 : « Une fois conclu, le
contrat, par sa force obligatoire, échappe à la fantaisie individuelle et aux caprices du temps » ; P.
ANCEL, La force obligatoire : jusqu’où faut-il la défendre?, in La nouvelle crise du contrat, Dalloz,
2003, p163 ; du même auteur, Force obligatoire et contenu obligationnel du contrat, RTD civ.1999,
p.771 ; Ch. JAMIN, Les conditions de la résolution du contrat : vers un modèle unique ?, in Les sanctions
de l’inexécution des obligations contractuelles, Etude en droit comparé, sous la direction .M. Fontaine et
G. Viney, Bruylant, LGDJ 2001 p. 451, et spéc n°5, p.459 ; du même auteur, «Les sanctions unilatérales
de l’inexécution du contrat : trois idéologies en concurrence », in L’unilatéralisme et le droit des
obligations, sous la dir. Ch. Jamin et D. Mazeaud, Economica, 1999 , n° 3 , p.73 S. STIJNS, La
résolution pour inexécution en droit belge : conditions et mise en œuvre, in Les sanctions de l’inexécution
des obligations contractuelles, Etude en droit comparé , sous la direction .M. Fontaine et G. Viney,
Bruylant et LGDJ 2001 op., cit., n°19, p.534 ; G. ROUHETTE, La force obligatoire du contrat : Rapport
français in Le contrat aujourd’hui : comparaisons franco-anglaises, sous la dir. D. Tallon et D. Harris,
LGDJ, 1987, p.28.
166
Aucun d’eux ne saurait prononcer unilatéralement et prématurément le « divorce
contractuel » 572 avant que le terme extinctif contractuellement fixé soit échu. Le
principe de la force obligatoire du contrat empêche que l’une des parties se désengage
du contrat sans la permission du contractant. Comme le relèvent certains auteurs, c’est
que leur volonté commune « a créée, celle d’un seul ne saurait, en principe, le détruire,
si le juge ne le permet pas » 573. Le principe de la judiciarisation de la résiliation ou de
la résolution du contrat à durée déterminée peut aussi s’expliquer par la méfiance à
l’égard des parties qui ne respectent pas leurs engagements574
. Si l’on admet la
possibilité de la rupture unilatérale, il y a lieu de craindre qu’un franchiseur ou un
franchisé puisse, après s’être avisé que l’opération conclue est moins avantageuse
qu’escomptée, mette fin au contrat unilatéralement, ce qui serait de nature à remettre en
cause, non seulement le contrat de franchise en question, mais aussi l’ordre social et
économique dans son ensemble.
165. Atténuations exceptionnelles. Quel que soit le fondement de la judiciarisation de
la résiliation du contrat, celui-ci souffre parfois d’atténuations. En effet, la jurisprudence
admet la possibilité pour une partie à un contrat de franchise de rompre, unilatéralement
et sans le recours préalable au juge, au cas où il y aurait une faute particulièrement
grave brisant le climat de confiance et rendant donc la poursuite des relations
contractuelles jusqu’à son terme impossible.
C’est ce qu’illustre l’arrêt du 27 février 1989 rendu par la Cour d’appel de Paris575
.
En l’espèce, un contrat de franchise a été conclu entre le franchiseur -la société
Conforma et le franchisé -la société Seda- pour une durée d’un an renouvelable.
572
L’expression est de D. MAZEAUD, Durée et rupture, in La durée et exécution du contrat, RDC. 2004,
p.129, et spéc., n° 4, p.130. 573
Ph. MALAURIE, L. AYNES, Ph. STOFFEL-MUNCK, Les obligations, Defrénois, 2005, n° 883,
p.429. 574
Ch. JAMIN, Les sanctions unilatérales de l’inexécution du contrat : trois idéologies en concurrence, in
L’unilatéralisme et le droit des obligations, Economica, 1999, p.73 n° 3. Ch. JAMIN, « Les conditions de
la résolution du contrat : vers un modèle unique » ,Rapport français, in Les sanctions de l’inexécution des
obligations contractuelles, Etude de droit comparé, sous la dir. M. Fontaine et G. Viney, Bruylant ,
LGDJ , 2001 , p.451 , n° 1 et s. 575
CA Paris 27 février 1989 : in J.-P. CLEMENT, la franchise : 20 de jurisprudence, n°40, p.98.
167
Après avoir vainement tenté d’obtenir de Conforma l’autorisation d’ouvrir à Calais
et, plus tard, à Saint Omer un magasin sous l’enseigne Conforma, la société Seda
franchisée a ouvert un magasin sous l’enseigne Inter Conforma dans lequel elle a mis en
vente un certain nombre de produits similaires à la gamme Conforma. Celle-ci a alors
mis unilatéralement et immédiatement fin au contrat de franchise. Les juges du fond ont
déclaré non fautive la résiliation procédée par la société franchiseur. En effet, la Cour a
relevé que la répétition et la gravité des actes du franchisé ne pouvaient être tolérées
passivement par le franchiseur, puisqu’ils ont chaque fois fait l’objet de mise en
demeure dans le but de les faire cesser.
Outre le cas de la faute particulièrement grave faisant disparaître la confiance
entre le franchiseur et le franchisé, la jurisprudence admet la possibilité de rupture
unilatérale d’un contrat de franchise -et même de tout contrat- lorsque le maintien du
contrat jusqu’à la décision du tribunal causerait à l’une des parties un dommage
irréparable. En pareille hypothèse, il y a une urgence qui enlève à la rupture unilatérale
« non autorisée son caractère fautif »576. Il serait, en effet, là « inique d’obliger celui
qui est manifestement lésé et mis en péril pressant par les agissements de l’autre, à
continuer dans tous les cas l’exécution à découvert de son côté, pendant la durée d’un
procès que la mauvaise foi de l’adversaire risque de prolonger longtemps »577. Hormis
l’hypothèse de la faute grave et de l’urgence, la rupture unilatérale du contrat de
franchisé ne peut intervenir en dehors du juge. Celui qui rompt le contrat de son propre
chef avant le terme engage sa responsabilité.
Toutefois, il convient de noter que cette solution n’est plus vraiment en vigueur
aujourd’hui. Depuis 1998, la Cour de cassation admet la possibilité pour une partie de
rompre unilatéralement le contrat, en dehors même d’une clause résolutoire ou de toute
idée d’une urgence ou d’un rapport personnel devenu intolérable, lorsque son
cocontractant manque gravement à ses obligations
576
Ph. JESTAZ, L’urgence et les principes classiques du droit civil, LGDJ, 1968, préface. P. Raynaud, n°
98, p.92. V. M VASSEUR, Urgence et droit civil, RTD civ.1954 p.421, n°11 : «L’urgence autorise le contractant dont les intérêts sont en péril pressant à s’affranchir du respect des exigences légales dès lors que l’observation de celles-ci retarderait la rupture du contrat, indispensable à la sauvegarde de ses intérêts ». 577
R. CASSIN, Réflexions sur la résolution judiciaire, RTD civ.1945, p. et spéc., n°14, p.178.
168
2. Evolution jurisprudentielle
166. Une forme de résiliation concurrente de la résiliation judiciaire. Depuis 1998,
la jurisprudence admet la possibilité de la rupture unilatérale d’un contrat à durée
déterminée578
. La Cour de cassation a, à plusieurs reprises, déclaré que « la gravité du
comportement d’une partie à un contrat peut justifier que l’autre partie y mette fin de
façon unilatérale à ses risques et périls, peu important que le contrat soit à durée
déterminée ou non »579.
La résiliation unilatérale du contrat, qui était hier une exception, est donc devenue
aujourd’hui un principe alternatif ou même concurrent de la résiliation judiciaire580
. Il
s’agit donc d’une évolution « d’une résolution accidentelle maniée par le juge, vers une
résolution prérogative maniée par le créancier »581
. Cette jurisprudence a une portée
générale. Elle concerne tous les contrats, y compris les contrats de franchise. C’est ce
qu’illustre un arrêt du 13 mai 2004 où la Cour d’appel de Versailles a jugé qu’une partie
à un contrat de franchise peut prendre l’initiative de rompre unilatéralement le contrat
dès que son cocontractant manque gravement à ses obligations contractuelles582
.
En l’espèce, un contrat de franchise avait été conclu pour une durée déterminée.
Or, quelques mois après la signature du contrat, le franchisé a notifié au franchiseur la
résiliation du contrat au motif qu’il avait manqué, d’une part, à l’obligation légale
d’information précontractuelle qui lui incombait et, d’autre part, à l’obligation
d’assistance technique.
578
Cass. civ., 1er
, 13 octobre 1998, D. 1999, p.197, note. Ch. JAMIN ; D. 1999, somm. comm.,115, note
Ph. DELEBECQUE ; D. 1999, p .374 , note. D. MAZEAUD 579
Cass. civ., 1er
, 20 février 2001, D. 2001, p. p.1569, note. Ch. JAMIN ; Defrénois 2001, p.705, note. E.
SAVAUX ; RTD civ. 2001, p.363, J. MESTRE et B. FAGES; D. ; Cass. civ. 1er
, 28 octobre 2003 ; RDC.
2004, p.273, obs. L. AYNES. 580
Ch. JAMIN, obs sous. Cass. civ., 1er
, 20 février 2001, op.cit., p.1569 : « L’utilisation d’une même formule signifie donc clairement que la première Chambre civile entend non point s’en tenir à une exception, mais bien poser un principe concurrent à celui qui existe quand la résolution est prononcée par le juge ». 581
J. ROCHFELD, Résolution et exception d’inexécution, in Les concepts contractuels français à l’heure
des principes du droit européen des contrats, sous la dir.de P. Rémy-Corlay et D. Fenouillet, Dalloz,
2003, p.213, et spéc., p.217. 582
CA Versailles 13 mai 2004, G.P. 2005, 57, note. J. FRANÇOIS FORGERON et M. CHARLOTTE-
GRASSET.
169
Cette résiliation unilatérale et anticipée du contrat de franchise a été considérée
comme injustifiée par le franchiseur. Il a donc assigné le franchisé en paiement de
redevances contractuellement dues ainsi qu’en versement de dommages et intérêts. Les
juges de première instance ont pris acte de la résiliation du contrat de franchise à
l’initiative et sous la responsabilité du franchisé et ont condamné ce dernier à des
dommages et intérêts. Ce jugement a été approuvé par la Cour d’appel de Versailles.
Celle-ci a rappelé qu’en application de l’article 1184 du code civil, il ne peut être
valablement mis fin de manière anticipée au contrat de franchise liant les parties qu’à la
condition que la preuve soit rapportée d’un manquement suffisamment grave de l’une
d’entre elles à ses obligations contractuelles. Or, il se révèle, en l’espèce, que les
manquements invoqués par le franchisé n’étaient pas suffisamment graves. Selon les
juges du fond, « le grief émis par le franchisé ayant trait à la défaillance de l’outil
informatique, n’est pas davantage caractérisé, dans la mesure où il est acquis aux
débats que le franchisé a traité directement avec le fournisseur de cet équipement et a
obtenu du franchiseur la mise à disposition d’un nouveau matériel dans l’attente que le
matériel commandé par ses soins soit opérationnel. C’est donc à juste titre que les
premiers juges ont prononcé la résiliation judiciaire aux torts exclusifs du franchisé
ayant pris l’initiative de la rupture du contrat de franchise ».
Il ressort de cette jurisprudence que chacune des parties au contrat de franchise
peut désormais dénoncer, unilatéralement et de son propre chef, le contrat en cas
d’inexécution grave commise par l’autre partie. Tel peut être, par exemple, en cas de
non-communication par le franchiseur de son savoir-faire au franchisé ou lorsque le
franchisé viole son obligation de non-concurrence. Dans ces hypothèses, le franchisé ou
le franchiseur peut légitimement prendre l’initiative de rompre le contrat sans attendre
une décision du juge. Il n’est pas besoin pour lui de recourir au juge pour éteindre le
contrat. Le recours à l’article 1184 du code civil n’est plus, comme avant, une
obligation, mais une simple faculté. Sachant que la résiliation du contrat se fera, dans ce
cas, à ses risques et périls583
.
583
F. TERRE, Ph. SIMLER, Y. LEQUETTE, Les obligations, Précis Dalloz, 9e édition, 2005, n°
661,p.650, et s : « Sous couvert d’une dérogation à l’article 1184 du Code civil, c’est en réalité une véritable option qui est ouverte au débiteur mécontent : dès lors qu’un contractant estime que les manquements de son partenaire sont suffisamment graves pour justifier la résolution du contrat, il peut soit saisir le juge, soit prononcer lui-même cette résolution, mais à ses risques et périls ».
170
167. Opportunité de la résiliation unilatérale. L’admission de résiliation unilatérale
du contrat paraît opportune sur le plan économique. Elle rend la résiliation ou la
résolution, en tant que sanction de l’inexécution, mieux adaptée à la rapidité du marché,
à ses exigences et à ses changements, ce qui en fait, par conséquent, une sanction plus
efficace584
. Elle permet aussi au franchiseur ou au franchisé, victime d’une inexécution
grave, de rompre, immédiatement et sans attendre l’intervention du juge, le contrat de
franchise en cas de manquement de la part de son cocontractant et d’aller chercher
ailleurs un autre contrat pouvant répondre mieux à ses attentes585
. Cela permet, par
conséquent, une réallocation plus prompte des ressources586
, réallocation qui paraît
parfois, non seulement « préférable à une simple réparation tournée vers le passé »587,
mais même nécessaire pour maintenir le jeu de la concurrence au sein du marché588
.
Cependant, tous ces avantages ne doivent pas faire oublier le risque que fait courir
l’admission de la résiliation unilatérale. E effet, il n’est pas inconcevable que ce pouvoir
potestatif de rompre le contrat soit utilisé de manière abusive. Il n’est pas inimaginable
qu’un franchiseur, par exemple, mette fin au contrat de franchise dans le seul dessein de
se débarrasser de son cocontractant et de conclure un autre contrat plus avantageux. Dès
lors, non seulement le principe de la force obligatoire sera gravement blessé, mais le
mal fait au franchisé sera très grave. Les conséquences de la rupture peuvent conduire
l’environnement contractuel à ne plus faire confiance au franchisé, ayant subi la rupture.
« Au final, celui-ci sera éliminé, car présumé coupable, il doit selon l’opinion publique
du marché périr alors qu’il était peut-être innocent »589. D’ où la nécessité s’impose
que la rupture unilatérale du contrat de franchise soit soumise à certaines conditions,
conditions à défaut desquelles non seulement la rupture du contrat de franchise sera
considérée comme non avenue, mais aussi la responsabilité de son auteur sera engagée.
584
J. SIMON, Quelques réflexions sur la sanction en droit des affaires, in Le juge et le droit de
l’économie, Mélanges. P. BEZARD, Montechrestien, 2002, p.147, et spéc., n°10, p.151 : « L’efficacité de la sanction quant à elle tient largement à la rapidité avec laquelle elle intervient , c'est-à-dire un délai compatible avec la vie des affaires ». 585
Ph. Le TOURNEAU, Droit de la responsabilité et des contrats, Dalloz, 2006 /2007, n°6031, et s 586
Ch. JAMIN, Le renouveau des sanctions contractuelles : pot-pourri introductif, in Le renouveau des
sanctions contractuelles, sous la dir. F. Collart-Dutilleul et C. Coulon, Economica, 2007, p.3, et spéc.,
n°5,p.6 ; du même auteur, obs.sous .Cass. civ.1er
, 13 octobre 1998, D. 1999, p.197, et spéc., n° 4 , p.200 . 587
S. LE GAC-PECH, Rompre son contrat, op.cit., p.149, n°55. 588
E. BAZIN, La résolution unilatérale du contrat, R.R.J 2000 / 4, p. 1381, n° 43, p.1405, et s. 589
E. BAZIN, op.cit., n° 36 , p.1401 .
171
B. Conditions de la rupture unilatérale
168. Mise en œuvre de la résiliation unilatérale. L’admission de la possibilité de
rompre unilatéralement un contrat de franchise nécessite, en premier lieu, l’existence
d’un manquement grave commis par l’une des parties (1). C’est là une condition
essentielle à défaut de laquelle la résiliation unilatérale d’un contrat de franchise ne sera
pas admise. Elle nécessite ensuite le respect de certaines procédures lors de la rupture
du contrat (2).
1. La nécessite d’un manquement grave
169. Ultime exigence. Pour qu’une partie à un contrat de franchise puisse valablement
rompre unilatéralement le contrat, il faut qu’il y ait un manquement grave de la part de
son cocontractant à ses obligations. La gravité du manquement est une exigence
élémentaire, voire fondamentale de la résiliation unilatérale. A défaut, nul ne songera à
admettre que le contrat de franchise puisse être rompu en dehors du juge. Cette exigence
d’un manquement d’une gravité suffisante se justifie par le souci de protéger le principe
de la force obligatoire du contrat, et donc d’assurer la préservation du lien contractuel
utile. Il ne faut pas, en effet, qu’un franchiseur ou qu’un franchisé puisse se désengager
unilatéralement du contrat pour une simple défaillance minime commise par son
cocontractant, sinon la sécurité et la stabilité des rapports contractuels seront remises en
cause.
170. Appréciation objective et subjective. Toutefois, si la jurisprudence exige, pour
qu’une partie à un contrat de franchise puisse rompre unilatéralement le contrat, qu’il y
ait un manquement grave ou un comportement grave de la part de son cocontractant,
elle ne définit pas pour autant en quoi consiste ce manquement grave590
. Faut-il se
référer à une interprétation objective pour apprécier ce que l’on entend par manquement
grave ?
590
V. P. STOFFEL-MUNCK, Le contrôle a posteriori de la résiliation unilatérale, in Rupture unilatérale
du contrat : vers un nouveau pouvoir, Dr et patr. mai 2004, n° 126, p.70.
172
Faut-il, au contraire, recourir à une interprétation subjective de celui-ci puisque
certains arrêts emploient le terme « comportement » pour admettre la possibilité de la
rupture unilatérale dans certains contrats ?
A vrai dire, le manquement grave ou le comportement grave, fondement unique
justifiant la résiliation unilatérale du contrat, doit être entendu dans les deux sens. Le
premier sens peut s’entendre comme une défaillance d’ordre matériel. Ainsi, pourra être
considéré comme manquement grave, permettant au franchiseur ou au franchisé de
rompre unilatéralement le contrat, toute défaillance ou tout manquement portant sur une
obligation essentielle ou toute autre obligation de nature à remettre en cause l’économie
du contrat de franchise. Tel peut être, par exemple, le cas de la violation de la clause
d’exclusivité insérée dans le contrat de franchise. Une telle clause n’est pas,
contrairement au contrat de concession, de l’essence du contrat de franchise591
. Mais
une fois qu’elle y est stipulée, elle devient essentielle en ce sens qu’elle peut consister
en un facteur de rationalité592
, de prévisibilité et de sécurité permettant d’assurer la
rentabilité des investissements593
. De là, tout manquement par le franchisé ou même par
le franchiseur à une telle stipulation peut être qualifié de manquement grave justifiant la
rupture unilatérale du contrat de franchise. Tel peut être aussi le cas du manquement par
le franchisé à son obligation de respecter les normes du réseau. Effectivement, une telle
obligation a pour objet d’assurer l’uniformité et l’homogénéité entre tous les points
franchisés, uniformité et homogénéité qui ne sont pas seulement indispensables à la
mise en œuvre de la franchise, mais également gage de la réussite de la réitération du
succès du franchiseur594
. Dès lors, tout manquement par le franchisé à cette obligation
pourra permettre la rupture unilatérale du contrat.
591
Supra, n°121et s. 592
J. GUYENOT, Etude juridique et économique des conventions d’exclusivité de vente, Dr. soc. 1965,
p.2. Pour cet auteur, la clause d’exclusivité rationalise le commerce et serait même un procédé « parfait »
pour une grande industrie cherchant des débouchés à l’étranger. 593
G. PARLEANI, Les clauses d’exclusivité, in Les principales clauses des contrats conclus entre
professionnels, PUAM 1990, p. 55, n° 2 ; 594
D. FERRIER, La franchise internationale, J.D.I .1988, p.625, et spéc., n° 10, p.629 : «Sans une application du système franchisé parfaitement conforme à son modèle d’origine, il n’y a plus réitération de la réussite commerciale du franchiseur mais innovation et l’économie même de la franchisé se trouve atteinte » . Ch. ATIAS, Le contentieux de la franchise, Revue de loyers, 1997, n°302, p.926 : « Le succès du réseau est en partie fondé sur l’alignement des diverse pratiques de présentation, de commercialisation, et de gestion de tous les franchisés ».
173
Cette appréciation objective du manquement grave a le mérite d’assurer la sécurité
juridique des relations contractuelles liant franchiseurs et franchisés595
. Néanmoins, elle
peut paraître restrictive. Le manquement grave peut ne pas tenir seulement à une
défaillance d’ordre matériel, mais aussi à une défaillance d’ordre comportemental596
.
Tel est, par exemple, le cas de la violation de l’obligation de bonne foi et de déloyauté.
Un tel manquement peut justifier que la résiliation du contrat de franchise intervienne
en dehors du juge. En effet, une telle appréciation subjective du manquement grave a
l’avantage de la souplesse. Elle peut embrasser les hypothèses où il s’agit d’un manque
de loyauté597
. Elle contribue ainsi au mouvement de moralisation des relations
contractuelles entre franchiseurs et franchisés598
. S’ajoute à cela, elle permet d’aligner le
régime de la résiliation unilatérale sur celui de la résiliation judiciaire puisque le fait
générateur de la résiliation sera, dans les deux matières, apprécié d’une manière presque
identique, alignement auquel une partie de la doctrine se montre favorable599
.
Qu’il soit apprécié de manière objective ou subjective, le manquement doit être
particulièrement grave, sinon, la responsabilité de l’auteur de la rupture du contrat de
franchise peut être engagée ultérieurement pour rupture irrégulière600
.
595
S. AMRANI-MEKKI, La résiliation unilatérale des contrats à durée déterminée, Defrénois 2003 , art.
37688, p.369, et spéc.,n° 21 , p.383 . 596
En ce sens, J. MESTRE et B. FAGES, obs. sous Cass. 1er
civ., 20 février 2001, RTD civ. 2001, p. 364.
Pour ces auteurs la gravité prise en compte pour justifier la résiliation unilatérale « ne s’attache pas toujours au caractère essentiel de l’obligation inexécutée et aux conséquences matérielles qui en résultent pour le créancier .Elle peut aussi tenir à des agissements plus personnels du débiteur liés par exemple à sa déloyauté manifeste ». 597
J. MESTRE et B. FAGES, obs.sous Cass. civ. 1er
, 20 février 2001, op.cit. 598
G. VIRASSAMY, La moralisation des contrats de distribution par la loi Doubin du 31 décembre 1989,
JCP E 1990, II, 15809. 599
V. E. SAVAUX, obs sous Cass. 1er
civ., 20 février 2001, Defrénois 2001, art.37365, p.705 : « on ne voit pas pourquoi le juge sanctionnerait une résolution dans des circonstances où il l’aurait lui-même prononcée ». De même, Y. LEQUETTE, La résolution unilatérale du contrat aux risques et périls des
créanciers, RDA. 2003, n° 1, p.149 : « ... on perçoit mal pourquoi le juge sanctionnerait un contractant d’avoir procédé à la résolution unilatérale d’un contrat dans un cas où lui-même l’aurait prononcée ».
Cette dernière observation est reprise par F. TERRE, Ph. SIMLER, Y. LEQUETTE, Les obligations,
Précis Dalloz, 9e édition, 2005, n°661, p.650. Contrario, v. J. ROCHFELD, Résolution et exception
d’inexécution, in Les concepts contractuels français à l’heure des principes du droit européen des
contrats, sous la dir.de P. Rémy-Corlay et D. Fenouillet, Dalloz, 2003, p.213, et spéc., p.220. L’auteur
plaide pour une appréciation objective du manquement ou du comportement grave justifiant la résiliation
unilatérale. Selon lui, « dès lors que le critère serait manié par le créancier et non plus par le juge, il serait nécessaire de lui donner un sens plus restreint et plus précis. L’idée fondamentale serait que, pour se passer de juge et abandonner l’appréciation à l’une des parties, il faut que le manquement soit facile à caractérise, qu’il soit « plus évidemment grave ». 600
Infra n°
174
171. Contrôle judiciaire. Si une partie peut aujourd’hui rompre unilatéralement le
contrat avant même l’échéance du terme pour lequel il a été stipulé, cette rupture
unilatérale sera, en revanche, à ses risques et périls. Cela veut dire que le contractant,
qui a subi la résiliation unilatérale, peut saisir a posteriori le juge pour contester la
régularité de la résiliation. Dans l’hypothèse où la résiliation unilatérale paraît
injustifiée, la responsabilité de son auteur sera engagée601
.Ainsi, en cas de rupture
unilatérale prononcée par le franchiseur, le franchisé, qui se prétend victime d’une
rupture abusive, pourra postérieurement saisir le juge pour en contester la régularité. Ce
dernier va, en effet, vérifier le bien fondé de la résiliation.
S’il constate que la rupture prononcée par le franchiseur est justifiée par la gravité
de l’inexécution commise par le franchisé, à tel point que, s’il avait été saisi, il aurait
décidé du même sort, le juge ne pourra, dans ce cas, que constater la résiliation. Sa
décision d’admettre la validité de celle-ci ne sera, en effet, qu’une décision déclarative
et non constitutive602
. La résiliation du contrat de franchise était déjà encourue. A cet
égard, il est à noter que la résiliation unilatérale, faite par le franchiseur, entraîne la
destruction anticipée du contrat de franchise. Elle anéantit celui-ci pour le futur, c'est-à-
dire dès la date de l’intervention du manquement grave, à moins que ce manquement
n’ait lieu dès le début du contrat, alors, la résiliation se transforme en résolution en
effaçant rétroactivement le contrat de franchise. La solution est donc identique à celle
retenue en matière de résiliation judiciaire603
. A l’inverse, si le juge constate que les
motifs allégués par le franchiseur ne sont pas exacts, et que le manquement invoqué par
lui n’est pas d’une gravité suffisante pour lui permettre de rompre unilatéralement le
contrat, il engagera, alors, sa responsabilité pour rupture irrégulière.
601
V. P. STOFFEL-MUNCK, Le contrôle a posteriori de la résiliation unilatérale, in Rupture unilatérale
du contrat : vers un nouveau pouvoir, Dr et patr. mai 2004, n° 126, p.70. Egalement, Ch. ATIAS, « Les
« risques et périls » de l’exception d’inexécution : limites de la description normative », Dalloz, 2003,
doc.1103. 602
La décision du juge est réputée déclarative lorsqu’elle reconnaît l’existence d’un droit antérieur
contesté. En revanche, la décision du juge est considérée constitutive quant elle attribue des droits
nouveaux. Sur l’ensemble de la question v. L. MAZEAUD, De la distinction des jugements déclaratifs et
des jugements constitutifs de droits, RTD civ. 1928, p.17. 603
Supra n° 139, et s.
175
Dans ce cas, le juge, qui dispose d’un pouvoir souverain quant à la détermination
de la sanction, peut soit prononcer la résiliation du contrat à ses torts et le condamner à
des dommages et intérêts, soit ordonner le maintien du contrat de franchise abusivement
rompu. Mais le plus souvent, les juges préfèrent la condamnation à des dommages et
intérêts de l’auteur de la rupture abusive à celle au maintien forcé du contrat604
.
172. Complicité d’un tiers. En principe, le contrat a une force obligatoire pour les
personnes qui y consentent puisqu’il est le fruit de leur volonté. Il ne peut produire effet
qu’entre ces mêmes parties. Il ne profite ni ne nuit aux tiers. Cette solution, consacrée
par 1165 du Code civil605
, s’explique par le principe de l’effet relatif des conventions606
,
principe dont le fondement peut se trouver dans l’autonomie de la volonté607
. Toutefois,
si, en vertu du principe de l’effet relatif des conventions, un tiers ne peut se voir imposé
l’exécution d’un contrat auquel il n’a pas participé, ce contrat lui étant néanmoins
opposable608
.
604
Infra n° 276 et s. 605
« Les conventions n’ont d’effet qu’entre les parties contractantes ; elles ne nuissent point au tiers, et elles ne lui profitent que dans le cas prévu par l’article 1121 ». 606
D. MAZEAUD, Contrat, responsabilité et tiers ( Du nouveau à l’horizon ), in Libre droit, Mélange. Ph.
Le TOURNEAU, Dalloz, 2008, p.745 et s ; M. GRIMALDI, Le contrat et les tiers, in Libres propos sur
les sources du droit, Mélanges. Ph. Jestaz, Dalloz, 2006, p.163 ; Ph. DIDIER, L’effet relatif, in Les
concepts contractuels français à l’heure des principes du droit européen des contrats, Dalloz, 2003, p.187 ;
M. BACACHE-GELLI, La relativité des conventions et les groupes de contrats, LGDJ, 2000, préface Y.
Lequette ; Ph. DELMAS-SAINT HILAIRE, Le tiers à l’acte juridique, la notion de partie, LGDJ, 2000,
préface J. Hauser. 607
M. GRIMALDI, op.cit., n° 5, p.167. L’effet relatif peut se justifier tant par des raisons théoriques que
pratiques D’abord, il s’explique par le principe très dogmatique de l’autonomie de la volonté, « car si l’on ne peut être lié que par sa propre volonté, comment pourrait-on l’être par un contrat auquel on est resté étranger ? ». Il s’explique aussi par « le souci pragmatique d’indépendance des individus, qui veut que chacun s’occupe de ses affaires et non de celles des autres ». 608
Sur l’opposabilité, M. GRIMALDI, Le contrat et les tiers, op.cit. ; R. WINTGEN, Etude critique de
l’opposabilité : les effets du contrat à l’égard des tiers en droit français et allemand, LGDJ, 2004, préf. J.
Ghestin ; J. DUCLOS, L’opposabilité, essai d’une théorie générale, LGDJ, 1984, préf. D. Martin ; I.
MARCHESSAUX, Rapport français, in Les effets du contrat à l’égard des tiers : comparaisons franco-
belges, sous la dir. J. Ghestin et M. Fontaine, LGDJ, 1992, p.67 ; G. VIRASSAMY, La connaissance et
l’opposabilité, in Les effets du contrat à l’égard des tiers : comparaisons franco-belges, sous la dir. J.
Ghestin et M. Fontaine, LGDJ, 1992, p.132.
176
Cette opposabilité, qui est le complément de sa relativité609
, et qui signifie que le
contrat constitue un événement juridique610
, crée un nouvel ordre juridique que les tiers
doivent respecter, sous peine d’engage leur responsabilité délictuelle Il en résulte que
lorsqu’un tiers aide de manière directe ou indirecte le franchisé ou le franchiseur à
violer ses obligations, il engagera sa responsabilité extracontractuelle. C’est ainsi que,
dans arrêt du 23 janvier 2007, la Chambre commerciale a approuvé un arrêt d’appel qui
avait condamné in solidum un franchisé ayant fautivement résilié le contrat avant son
terme et un franchiseur tiers, sur le fondement de la concurrence déloyale, pour sa
complicité dans cette rupture irrégulière611
.
A cet égard, il est important de noter que, pour mettre en jeu la responsabilité d’un
tiers pour sa complicité d’une rupture fautive, il suffit d’établir la connaissance par lui
de l’existence du contrat violé. Autrement dit, la connaissance est une condition
nécessaire et suffisante de la responsabilité du tiers qui contracte en méconnaissance des
droits d’autrui. Une telle exigence « de la connaissance s’explique parfaitement puisque
la technique de l’opposabilité des contrats aux tiers repose implicitement sur le
mécanisme de la responsabilité civile. Celle-ci suppose nécessairement une faute qui
consistera à porter atteinte aux prévisions ou aux anticipations d’autrui en pleine
connaissance de la situation contractuelle engagée. L’opposabilité vient ainsi
incontestablement limiter la liberté d’action des tiers, désormais contraints de respecter
l’existence des conventions, ce qui suppose toutefois qu’ils en aient eu connaissance.
C’est en effet une règle de bon sens que l’on ne peut attendre ce respect que des tiers
informés.
609
M. GRIMALDI, Le contrat et les tiers, op.cit., n°13, p.174 et s : « Parce que le contrat n’a qu’un effet relatif, son exécution ne peut être exigée ni d’un tiers ni par un tiers : corollaire du respect des libertés individuelles, sa relativité cantonner aux parties le domaine du pouvoir de contrainte, que seuls le créancier et le débiteur peuvent exercer et subir. Mais parce que le contrat est opposable, son existence doit être respectée par les tiers et peut être invoquées par eux : corollaire de la légitimité du contrat et de sa place dans l’ordonnancement juridique, son opposabilité le pose comme un fait social erga omnes et pro omnes ». 610
D. MAZEAUD, Contrat, responsabilité et tiers (Du nouveau à l’horizon), op.cit., n° 3, p. p.746 et s ;
M. GRIMALDI, Le contrat et les tiers, op.cit ; O. DEBAT, Le contrat, source de responsabilité envers
les tiers, LPA, 23 septembre 2003, n° 190, p. 3 ; G. VIRASSAMY, La connaissance et l’opposabilité,
op.cit. 611
Cass. com., 23 janvier 2007, pourvoi n° 05-10.422.
177
Et à la condition au surplus qu’ils ne disposent pas d’un droit légitime de nuire
qui ne peut être limité dans ses effets par la connaissance qu’ils ont de la situation
contractuelle préexistante »612
. La connaissance de l’existence du contrat par un tiers ne
peut être présumée613
. La jurisprudence rappelle souvent que le contractant, qui se
prétend victime de la complecité d’un tiers dans la violation des dispositions du contrat,
doit apporter la preuve que celui-ci connaissait l’existence de ce contrat lors de l’acte614
.
Guidés par le désire de préserver la stabilité des relations contractuelles, les juges
semblent toutefois avoir assouplir cette condition. Effectivement, ils n’hésitent pas, dans
certaines hypothèses, à présumer la connaissance d’un tiers, complice d’une rupture
fautive du contrat, de l’existence du contrat si certains éléments sont réunis615
. Ils vont
même parfois jusqu’à imposer à la charge du tiers une obligation générale de se
renseigner. Le non-respect de cette obligation engagera sa responsabilité délictuelle.
C’est ce qui a été jugé dans l’arrêt cité ci au-dessus. Dans ce dernier, les juges du fond
ont considéré que le franchiseur tiers avait le devoir de s’assurer que le candidat
franchisé est libre de tout engagement antérieur dans un autre groupe, et que la seule
stipulation, dans le contrat, selon laquelle le candidat devait se libérer lui-même de tout
engagement antérieur dans un autre groupe ne peut considérer que ce tiers s’est acquitté
de ce devoir.
612
G. VIRASSAMY, La connaissance et l’opposabilité, in Les effets du contrat à l’égard des tiers :
comparaisons franco-belges, sous la dir. J. Ghestin et M. Fontaine, LGDJ, 1992, p.132, et spéc., n° 147,
p.151. 613
G. VIRASSAMY, La connaissance et l’opposabilité, op.cit. 614
Voir par exemple, Cass. com., 12 mars 1963 ; D. 1963, p.367, note. J. ROBERT. En l’espèce, une
société française avait obtenu l’exclusivité de la distribution de magnétophones fabriqués par une société
allemande. Une seconde société commercialisait les mêmes produits en France. La première société
assignait alors la seconde devant le juge des référés. Pour sa défense, la société défenderesse faisait valoir
son ignorance de la convention d’exclusivité. Le juge des référés désignait un administrateur judiciaire
chargé d’appréhender les magnétophones et de les conserver pour le compte de qui il appartiendra au
motif qu’il reviendra « le cas échéant, à la société défenderesse d’établir sa bonne foi et son ignorance de l’existence du contrat d’exclusivité... devant le juge du principal ». La Cour de cassation censurait
cette motivation en relevant que la Cour d’appel avait « ainsi préjugé de l’opposabilité » à la société
défenderesse « d’un contrat auquel cette société n’était point partie ». Et elle affirma qu’il incombait au
demandeur d’établir la connaissance du contrat litigieux, et par conséquent, refuse de présumer que le
tiers pouvait connaître le contrat 615
Cass. com., 23 janvier 2007, précité. Dans cet arrêt, pour établir la connaissance du tiers franchiseur
complice de la rupture fautive du contrat de franchise due au franchisé, les juges ont retenu un faisceau
d’éléments. D’abord, sa qualité concurrente et professionnelle de haut niveau dans la distribution.
Ensuite, le fait qu’il était au courant que le franchiseur voulait former et modifier le réseau et que cette
perspective a amené certains franchisés à révéler leur intention dans la presse de se retirer du réseau.
Enfin que le contrat proposé au franchisé défaillant contenait une clause imposant à ce que ce dernier soit
libéré par lui-même de tout engagement antérieur dans un autre groupe.
178
Pour échapper à toute responsabilité, le tiers franchiseur ou franchisé doit donc
rapporter la preuve qu’il a pris toutes les mesures nécessaires pour vérifier que le
franchisé candidat n’est pas lié par un autre contrat avec un autre franchiseur
concurrent.
173. Rôle du juge des référés. Pour éviter toute mauvaise surprise auquel peut donner
lieu un éventuel contrôle a posteriori du juge, il est conseillé au franchisé ou au
franchiseur qui s’estime victime d’une grave inexécution de la part du cocontractant,
soit de recourir au juge des référés pour constater la gravité de l’inexécution616
, soit de
ne recourir à la résiliation unilatérale qu’en présence d’un manquement particulièrement
grave, dépassant même le seuil de la gravité retenue en matière de résiliation
judiciaire617
. En procédant ainsi, il sera, peut être, à l’abri de toute condamnation à
laquelle pourrait donner lieu le contrôle a posteriori du juge en cas de contestation de la
légitimité de la résiliation. Il convient, enfin, de noter que, pour éviter toute censure
postérieure du juge, il ne suffit pas que l’auteur de la rupture du contrat de franchise
prouve la réalité d’un manquement grave, encore faut-il qu’il respecte certaines
procédures lors de la mise en œuvre de la rupture unilatérale.
2. Procédures à respecter lors de la résiliation du contrat
174. Obligation de notification. Parce que la résiliation unilatérale est un acte
unilatéral réceptice618
, c’est-à-dire qui exprime une volonté unique qui est celle du
contractant victime de l’inexécution grave, le franchiseur ou le franchisé qui entend
rompre le contrat doit notifier à son contractant sa volonté.
616
V. B. MELIN-SOUCRAMANIEN, Le juge des référés et le contrat, PAUM, 2000, préface. J. Mestre. 617
En ce sens, L. LEVENEUR, obs sous. Cass. civ. 1er
, 28 octobre 2003, Contrats. conc. conso., 2004,
comm. n° 4 , qui note que la gravité du comportement qui justifierait la rupture unilatérale ne saurait être
simplement celle qui permet la résolution judiciaire. Selon cet auteur, un degré supplémentaire doit être
atteint, sans quoi la règle posée à l’article 1184 al. 3 serait vidée de toute substance. 618
V. Ch. PAULIN, La clause résolutoire, LGDJ, 1996, préface, n° 212
179
La décision de rupture doit, en effet, être portée officiellement à la connaissance du
contractant qui la subit619
. A vrai dire, une telle obligation, que la Chambre
commerciale a eu l’occasion d’affirmer en matière de droit bancaire620
, n’est en réalité
qu’une formalité minime. Elle a le mérite d’assurer la stabilité des relations
contractuelles en évitant que le contractant défaillant soit dans l’espoir de garder
toujours son contrat alors qu’en réalité il l’a perdu. Comme le relève un auteur : «
Autoriser le créancier à déclarer le contrat résolu sans recourir à une intervention
préalable du juge permettrait tout à foi de réduire le contentieux et d’autoriser le
créancier à contracter avec un tiers sans attendre le prononcé de la résolution par le
juge »621.
175. Obligation de mise en demeure ? On peut s’interroger sur la question de savoir si
le franchiseur ou le franchisé qui entend rompre unilatéralement le contrat pour cause de
manquement grave du cocontractant est tenu de mettre ce dernier en demeure avant de
procéder à la rupture622
.
La réponse paraît positive. Dans un arrêt du 9 novembre 2005, la Cour d’appel de
Paris a jugé que « celui qui entend se prévaloir d’une inexécution ne peut résilier la
convention, à ses risques et périls, qu’après une mise en demeure adressée à son
cocontractant, restée infructueuse, d’exécuter ses obligations »623
.
619
Sur la nécessité de la notification dans la résiliation unilatérale du contrat, v. Ch. JAMIN, Le
renouveau des sanctions contractuelles : pot-pourri introductif, in Le renouveau des sanctions
contractuelle, sous la dir. F. Collart-Dutilleul et C. Coulon, Economica, 2007, p.3, et spéc., n° 5, p.6. V.
aussi, Lamy droit du contrat, 2008, n° 462 ; L. AYNES, « Le droit de rompre unilatéralement : fondement
et perspectives », in Rupture unilatérale du contrat : vers un nouveau pouvoir, Dr. et patr. 2004, n° 126,
p.64. 620
Cass. cass., 26 novembre 2003, n°02-10.391, cité par L. AYNES, « Le droit de rompre
unilatéralement : fondement et perspectives », op.cit. Dans cet arrêt, la Chambre commerciale de la Cour
de cassation a jugé que, si dans certaines circonstances, la banque pouvait être dispensée de respecter un
préavis, elle ne pouvait jamais être dispensée de notifier par écrit sa décision de rupture. 621
Ch. JAMIN, Le renouveau des sanctions contractuelles : pot-pourri introductif, op.cit., n°5, p.6. 622
Sur la question de la mise en demeure en général, v. R. LIBCHABER, Demeure et mise en demeure en
droit français, Rapport français , in Les sanctions de l’inexécution des obligations contractuelles, Etude de
droit comparé, sous la dir. M. Fontaine et G. Viney, Bruylant, L.G.D.J, 2001, p.113 ; BERTRAND de
CONINCK, « La mise en demeure », Rapport Belge, in Les sanctions de l’inexécution des obligations
contractuelles, Etude de droit comparé, op.cit., p. 135 ; X. LAGARDE, Remarques sur l’actualité de la
mise en demeure , JCPG 1996, I, p.423. 623
CA Paris 9 novembre 2005, cité par Ch. JAMIN, Le renouveau des sanctions contractuelles : pot-
pourri introductif, in Le renouveau des sanctions contractuelle, sous la dir. F. Collart-Dutilleul et C.
Coulon, Economica, 2007, p.3, et spéc., p.6.
180
En effet, une telle solution paraît justifiée. Le franchiseur ou le franchisé qui entend
rompre le contrat devrait être tenu de procéder à une ultime mise en demeure avant de le
faire. Le franchiseur, par exemple, victime d’une inexécution grave de la part du
franchisé, devrait avertir ce dernier que s’il persiste à ne pas exécuter ses engagements
ou à ne pas s’abstenir de se comporter de manière déloyale dans tel ou tel délai, le
contrat de franchise sera résilié à son initiative. Une telle obligation de mise en demeure
s’accommode parfaitement avec le régime de la résiliation unilatérale. En réalité, le
manquement grave, fondement de la résiliation unilatérale, ne s’attache pas à l’idée
d’un dommage imminent permettant à un contractant, par l’effet de l’urgence, de
rompre immédiatement le contrat. Il ne tient pas non plus forcément à celle que le
contrat a perdu tout intérêt, et par conséquent qu’il est trop tard de le sauver. Il peut
arriver qu’un contrat, bien que son équilibre ou son économie soit remis en cause du fait
de la défaillance de l’une des parties, garde encore un intérêt ou une certaine utilité, du
moins de manière provisoire. Dès lors, pourquoi n’oblige-t-on pas la partie, victime
d’un manquement grave, à envisager de le sauver par le biais de l’octroi d’une ultime
chance au contractant défaillant afin de remédier à l’inexécution de ses obligations ou
de corriger son comportement ?
Ainsi on pourrait préserver le lien contractuel dont l’organisme n’est pas
totalement mort, et donc éviter le préjudice parfois énorme résultant de la perte du
contrat, notamment quand il s’agit d’un contrat de franchise. Dans le même temps, on
pourrait atténuer la dangerosité et la crainte de la rupture unilatérale, vue comme une
sanction « insolite », et la restaurer comme une sanction « normale » à l’instar de la
résiliation judiciaire. Par ailleurs, la mise en demeure constitue un indéniable atout pour
les contractants sur le plan procédural. Conçue comme une sorte de « politesse
contractuelle »624, la mise en demeure est pour le franchisé ou le franchiseur, victime
d’une inexécution grave, un moyen de preuve de l’imputabilité de celle-ci au
cocontractant défaillant625
.
624
X. LAGARDE, « Remarques sur l’actualité de la mise en demeure », JCP G 1996, I, p.423. 625
R. LIBCHABER, « Demeure et mise en demeure en droit français », Rapport français, in Les
sanctions de l’inexécution des obligations contractuelles, Etude de droit comparé, sous la dir. M. Fontaine
et G. Viney, Bruylant, L.G.D.J, 2001, p.113, et spéc., n°18, p.129, qui observe que la mise en demeure
« tiendra lieu en justice de constat de carence du débiteur, et permettra d’en tirer les conséquences »625
.
BERTRAND DE CONINCK, « La mise en demeure », Rapport belge, in Les sanctions de l’inexécution
des obligations contractuelles, op.cit.,n° 5, p.137, pour qui la mise en demeure a une fonction de preuve
d’imputabilité : « Par la mise en demeure, le créancier ne se borne pas à informer et à avertir son
181
Tous ces avantages de la mise en œuvre peuvent aujourd’hui expliquer pourquoi
celle-ci figure comme un principe dans certains projets de lois626
et dans plusieurs droits
étrangers627
. Reste à savoir maintenant si le franchiseur ou le franchise est tenu de
respecter un délai de préavis avant de procéder à la rupture du contrat.
176. Obligation de respecter un délai de préavis. Le temps peut parfois être un
moyen de protection utile pour les contractants. Dès lors, la question qui se pose est
celle de savoir si le franchiseur ou le franchisé, victime d’une inexécution grave, doit
respecter un délai de préavis avant de mettre fin au contrat.
Si l’on s’en tient à certains arrêts rendus en dehors du domaine de la franchise, la
réponse peut être positive. La première Chambre civile de la Cour de cassation a, dans
un arrêt du 13 octobre 1998, déclaré que la gravité du comportement justifiant la rupture
unilatérale du contrat n’est pas nécessairement « exclusive d’un délai de préavis »628.
De cet attendu, on pourrait en déduire que le franchiseur ou le franchisé peut être tenu
d’une obligation de préavis dans la rupture du contrat.
Cependant, il convient de noter que l’objectif de l’octroi d’un délai de préavis ici
n’est pas de permettre au franchisé ou au franchiseur défaillant « de se mettre en règle
et remédier à ses défaillances : tout est fini, la décision de la rupture du contrat de
franchise est déjà prise, le contrat est rompu »629. Il a seulement pour finalité de lui
permettre d’organiser les conséquences de cette rupture : organiser son entreprise,
réorienter son activité et trouver des solutions de remplacement afin d’assurer sa
reconversion.
débiteur ; en outre, il fixe préventivement l’imputabilité du manquement éventuel. Le créancier indique que la demeure ne trouve pas son origine dans son propre chef mais bien dans celui de son débiteur ». 626
Le rapport Catala propose d’introduire un nouveau cas de mise en demeure obligatoire à l’article 1158
de l’avant projet qui consacre la résolution unilatérale. Selon cet avant-projet, celle-ci n’est possible
qu’après une mise en demeure du débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai
raisonnable. 627
Ainsi en droit suisse dont l’art. L. L.107 du Code des obligations prévoit que la mise en demeure est
une exigence avant toute rupture du contrat. De même en droit anglais et américain dont les tribunaux
considèrent que l’inexécution insuffisamment grave devient essentielle et lorsqu’elle est consécutive au
délai accordé par le créancier. V. Y.-M. LAITHIER, Etude comparative des sanctions de l’inexécution du
contrat, LGDJ 2004, préface .H. Muir-Watt, n°203, p. 284 et s. 628
Cass. civ 1er
, 13 octobre 1998, D. 1999, p.197, note. Ch. JAMIN ; D. 1999, somm., comm.,115, note.
Ph. DELEBECQUE ; Defrénois.1999, p. 374, note. D. MAZEAUD. 629
L. AYNES, Le droit de rompre unilatéralement : fondement et perspectives, in Rupture unilatérale du
contrat : vers un nouveau pouvoir, Dr.et patr, 2004, n° 126, p. 64, et spéc., p.67.
182
177. La question de l’obligation de motivation de la rupture. La question, là, est de
savoir si le franchiseur ou le franchisé mettant fin unilatéralement au contrat doit
motiver sa décision de le rompre. En principe, la théorie générale des obligations ne
connaît pas d’obligation de motivation des actes juridiques630
. En ce qui concerne la
résiliation unilatérale dans les contrats à durée déterminée, la solution semble moins
nette. La jurisprudence n’exige pas, pour qu’une résiliation soit valable, qu’elle soit
motivée par son auteur631
.
Pour autant, une partie de la doctrine considère que, compte tenu du pouvoir
exorbitant de rompre unilatéralement le contrat et afin de ne pas nuire à sa force
obligatoire, le contractant qui entend rompre le lien contractuel devrait être tenu d’une
obligation de motiver sa décision632
. Cette analyse mérite, nous semble-t-il, d’être
retenue, notamment dans le domaine des contrats de situation parmi lesquels figure le
contrat de franchise au premier rang. Le franchiseur, par exemple, rompant
unilatéralement et par son propre chef le contrat de franchise devrait motiver sa
décision. Il devrait expliquer au franchisé les raisons pour lesquelles il est amené à agir
ainsi. Cette solution peut se justifier par l’idée selon laquelle « la motivation constitue
une exigence propre au pouvoir »633. Elle peut se justifier aussi par la volonté d’éviter
que le contrat de franchise ne soit remis en cause arbitrairement. En effet, la motivation
de la décision de la rupture peut être vue comme « un garde-fou utile et efficace »634.
Elle peut constituer un instrument de contrôle efficace du pouvoir unilatéral que détient
un franchiseur ou un franchisé sur le sort du contrat635
.
630
V.C GORGAS-BERNARD, La résiliation unilatérale du contrat à durée déterminée, PAUM, 2006,
préface. Ch. Jamin, n°478, p.235 et s. Voir également, Obligation de motivation et droit des contrats,
RDC. 2004, p.555 et s ; X . LAGARDE, La motivation des actes juridiques, in La motivation, TAHC
(Travaux de l’Association Henri Capitant), LGDJ, 2000, p.73 ; M. Fabre-Magnan, L’obligation de
motivation en droit des contrats, in Le contrat au début de XXIe siècle, Mélanges J. Ghestin , LGDJ ,
2001 , p.301. 631
C. GORGAS-BERNARD, th., précitée, n° 507, p.246 632
S. AMRANI-MEKKI, La résiliation unilatérale des contrats à durée déterminée, Defrénois 2003,
art.37688, p.369, et spéc., 39 ; L. AYNES, Le droit de rompre unilatéralement : fondement et
perspectives , op.cit., p.67. 633
P. LOKIEC, Contrat et pouvoir, LGDJ, 2004, préface. A. Lyon-Caen, n° 352, p.257. 634
S. AMRANI-MEKKI, La résiliation unilatérale des contrats à durée déterminée, Defrénois 2003,
art.37688, p.369, et spéc., 39. 635
D. MAZEAUD, « Durées et ruptures » in Durée et exécution du contrat, op.cit ; P. LOKIEC, th.,
précitée., n° 353 , p.257.
183
Toutefois, il est à noter que la motivation par l’auteur de sa décision de rupture
n’est en réalité qu’une précaution faible, pour ne pas dire inutile636
, puisque le juge va,
en cas de contestation, vérifier lui-même postérieurement le bien fondé de la rupture
unilatérale. Le véritable intérêt de la motivation réside, nous semble-t-il, dans sa
fonction préventive. Elle pourrait obliger le contractant qui entend rompre le contrat de
franchise à réfléchir à sa décision avant de passer à l’acte, ce qui conduirait, par
conséquent, à éviter ou, à tout le moins, atténuer, le risque de rupture arbitraire du
contrat.
178. Conclusion de la section II. Chacune des parties à un contrat de franchise peut
rompre unilatéralement le contrat, et avant même que le terme extinctif
contractuellement fixé, si son cocontractant n’exécute pas l’une des obligations
sanctionnées par une clause résolutoire clairement stipulée dans le contrat ou lorsqu’il
manque gravement à ses obligations. Dans l’une ou l’autre des hypothèses, le contrat de
franchise est résilié pour l’avenir, sauf s’il y a absence d’exécution ou exécution
imparfaite dès l’origine. Dans cette hypothèse, la résiliation peut se transformer en
résolution et anéantir rétroactivement le contrat dès son origine.
636
En ce sens, E. SAVAUX, obs. sous Cass.civ.1er
, 20 février 2001, Defrénois 2001, art.37365, p.705.
Pour l’auteur, il s’agit d’une précaution inutile eu égard au contrôle a posteriori du juge.
184
179. Conclusion du chapitre I. Evènement futur et certain, l’inexécution par le
franchiseur ou le franchisé de ses obligations remet en cause l’équilibre contractuel que
crée le contrat de franchise lors de sa conclusion. Elle fera obstacle à la réalisation du
but de la franchise qui consiste dans la réitération du succès du franchiseur. Et par
conséquent, elle sera sanctionnée par l’anéantissement du contrat aux torts exclusifs du
contractant défaillant. Qu’elle soit prononcée par le juge à la demande du contractant
qui s’estime victime d’une inexécution ou procédée par la volonté unilatérale de l’une
des parties contractantes, la résiliation entraîne la fin anticipée des relations
contractuelles liant le franchiseur et le franchisé. Elle supprime le contrat de franchise
dès le moment de l’intervention de l’inexécution, et parfois avec un effet rétroactif s’il y
a une absence d’une inexécution du contrat de franchise ou une inexécution mais
imparfaite dès l’origine. Notons, enfin, que la résiliation du contrat de franchise peut
être intervenue pour cause autre que l’inexécution du contrat.
185
CHAPITRE II - EXTINCTION ANTICIPÉE DU CONTRAT DE FRANCHISE
POUR CAUSE AUTRE QUE L’INEXECUTION
180. Causes d’extinction extérieures et causes d’extinction inhérentes aux parties.
De multiples événements peuvent survenir, lors de l’exécution du contrat de franchise,
pour produire un effet extinctif sur le rapport contractuel liant le franchiseur au
franchisé. Certains de ces évènements sont extérieurs aux parties contractantes (Section
I). D’autres, au contraire, y sont liés (Section II).
186
SECTION I - DISPARITION DU CONTRAT POUR CAUSES EXTERIEURES
AUX PARTIES
181. Force majeure et hardship. Le contrat de franchise peut parfois subir « les
meurtrissures du temps »637
. Certains événements peuvent survenir, postérieurement à
sa formation, rendant impossible son exécution. D’autres surviennent rendant non
impossible l’exécution du contrat de franchise, mais très difficile et très coûteuse pour
l’une des parties. Dans ces deux hypothèses, se pose le délicat problème de la
continuation ou de la cessation du contrat. On s’interroge, en effet, sur le sort du contrat
de franchise en pareilles circonstances. La question ne fait pas de difficultés lorsqu’il
s’agit d’un évènement de force majeure. Celui-ci emporte l’extinction du contrat de
franchise dès lors qu’il rend définitivement impossible son exécution (§ 1). En
revanche, l’extinction paraît incertaine lorsqu’il s’agit d’un évènement de hardship (§
2).
§ 1. Extinction certaine du contrat en cas de force majeure
182. Plan. Avant d’étudier les effets de la force majeure sur le contrat de franchise (B),
il convient tout d’abord de savoir quels sont les critères de celle-ci (A).
A. Critères de la force majeure
183. Caractères cumulatifs. Un évènement quelconque ne peut être qualifié de force
majeure ayant un effet exonératoire que s’il remplit cumulativement trois critères :
l’irrésistibilité, l’imprévisibilité et l’extériorité.
637
P. DURAND, La tendance à la stabilité du rapport contractuel, LGDJ, 1960, préface, p. III.
187
1. L’irrésistibilité
184. Elément fondamental. Classiquement, pour qu’un événement puisse constitué une
force majeure, il faut qu’il soit irrésistible638
. Ce caractère d’irrésistibilité, élément
prééminent de la force majeure correspond à l’impossibilité pour le débiteur de mettre
en œuvre les moyens nécessaires pour exécuter le contrat au moment où l’événement
survient639
. Ainsi, si l’empêchement ou l’obstacle à l’exécution du contrat de franchise
se révèle insurmontable par le franchisé ou le franchiseur, celui-ci sera exonéré de toute
responsabilité pour ne pas avoir à exécuté ses obligations. A l’impossible nul n’est tenu
« impossibilium nulla obligatio »640
, « ce qui est insupportable ne peut être de
droit »641, « l’engagement qui sort du domaine des possibilités humaines sort en même
temps du domaine du droit »642. En revanche, si cet obstacle est surmonté ou évité par
lui, sa responsabilité ne sera pas écartée. En pareille hypothèse, il est tenu pour
responsable de n’avoir pas exécuté ses engagements puisqu’il peut éviter l’inexécution
du contrat.
185. Appréciation. Quant à l’appréciation de l’irrésistibilité, celle-ci s’apprécie in
abstracto. On ne recherche pas si le franchisé ou le franchiseur, lui-même, pouvait
surmonter l’évènement, mais si un autre contractant moyen placé dans les mêmes
circonstances aurait pu normalement y résister643
. Les juges tiennent compte alors de
toutes les circonstances, de temps, de lieu, des circonstances économiques, sociales,
politiques ainsi que des moyens dont le franchisé ou le franchiseur disposait pour
résister à l’évènement644
. A coté du caractère irrésistible, les juges exigent, pour la
qualification de la force majeure, que l’évènement exonératoire soit imprévu.
638
Ph. Le TOURNEAU, Droit de la responsabilité et des contrats, Dalloz , 2006/2007, n° 1807 ; Ph.
MALAURIE, L. AYNES, Ph. STOFFEL-MUNCK, Droit civil, Les obligations, Defrénois, 3e édition,
2007, n° 954, p.513 ; J. FLOUR, J.-L. AUBERT, Y. FLOUR, E. SAVAUX, Les obligations, Le rapport
d’obligation, Sirey, 4e édition, 2006, n° 209, p.156 ; P.-H. ANTONMATTEI, Contribution à l’étude de la
force majeure, LGDJ, 1992, préface B. Teyssié n°77, p.58 et s. 639
V. Ph. Le TOURNEAU, Droit de la responsabilité et des contrats, op.cit., n° 1809. 640
R. FIATTE, Les effets de la force majeure, th., Paris 1932, p.13 et s. 641
H. ROLAND et L. BOYER, Adages du droit français, Litec , 4e édition, n° 18, p.25.
642 C. MOULY, Les causes d’extinction du cautionnement, préface. M. Cabrillac, Bibl. dr entr. 1980,
n°177, p.216. 643
Ph. Le TOURNEAU, Droit de la responsabilité et des contrats, Dalloz, 2006/2007, n° 1808 ; G.
VINEY et P. JOURDIN, Traité de droit civil, Les conditions de la responsabilité, LGDJ, 3e édition, 2006,
n° 398, p.274. 644
P.-H. ANTONMATTEI, th., précitée, n° 100, p.71 et s : « Le temps et le lieu influencent aussi l’appréciation des événements humains. Les magistrats sont fort justement sensibles à la situation
188
2. L’imprévisibilité
186. Deuxième critère. Le deuxième critère requis pour qu’un évènement constitue un
cas de force majeure est qu’il soit imprévisible645
. Celui-ci suppose que l’évènement
empêchant l’exécution du contrat ne pouvait être prévu par le franchisé ou le
franchiseur lors de sa conclusion. Si celui-ci avait pu prévoir l’évènement empêchant
l’exécution du contrat, il serait en faute de ne pas avoir pris les mesures nécessaires afin
d’y parer646
. En pareille hypothèse, il sera reproché d’avoir pris un engagement tout en
sachant que ce dernier pourrait devenir irréalisable647
.
187. Appréciation. Quant à l’appréciation de l’imprévisibilité, la jurisprudence se livre
en principe à une appréciation in abstracto. Elle exige un évènement « normalement »
imprévisible ou « raisonnablement » 648 imprévisible, non au moment où il survient,
mais au moment de la conclusion du contrat. « Car promettre tout en prévoyant
raisonnablement qu’il est possible que survienne telle impossibilité d’exécution, c’est
accepter de ne pas invoquer la force majeure »649
. Toutefois, il faut noter que rein
n’empêche que le juge se livre à une appréciation in concreto pour déterminer si
l’empêchement d’exécution constitue un évènement prévisible ou non650
.
politique du pays ou se déroulent vols à main armée, émeutes, guerre civile ». V. aussi, G. VINEY et P.
JOURDIN, op.cit. 645
Ph. Le TOURNEAU, Droit de la responsabilité et des contrats, Dalloz, 2006/2007, n° 1813 ; Ph.
MALAURIE, L. AYNES, Ph. STOFFEL-MUNCK, Droit civil, Les obligations, Defrénois, 3e édition,
2007, n° 952, p.512 ; J. FLOUR, J.-L. AUBERT, Y. FLOUR, E. SAVAUX, Les obligations, Le rapport
d’obligation, Sirey, 4e édition, 2006, n° 209, p.156.P.-H. ANTONMATTEI, Contribution à l’étude de la
force majeure, LGDJ, 1992, préface B. Teyssié. De même, J. MESTRE, Force majeure et sort du lien
contractuel, RTD civ. 1990, 658. 646
Cass. ass. Plén., 14 avril 2006, n° 02-11.168 ; D. 2006, p.1577, note. P. JOURDAIN ; Defrénois 2006,
p.1212, note. E. SAVAUX ; Dr. et patri. 2006, p. 98, obs. Ph. STOFFEL-MUNCK; RDC. 2006, 1207,
obs. G. VINEY; RDCL. 2006, n° 2129, note. M. MEKKI. Egalement, cass. 1er
civ, 21 novembre 2006, n°
05-10. 783 ; Contrats. conc., consom. 2007, comm. 89, note. L. LEVENEUR. 647
Ph. MALAURIE, L. AYNES, Ph. STOFFEL-MUNCK, op.cit., n° 955, p.514 : « S’il avait pu être prévu lors de la conclusion du contrat, le débiteur n’aurait pas dû s’engager sans autre précaution ». 648
Ph. MALAURIE, L. AYNES, Ph. STOFFEL-MUNCK, op.cit. Ph. STOFFEL-MUNCK, obs sous
Cass.1er
civ., 6 novembre 2002 et Cass.soc., 12 février 2003, RDC. 2004/ 1, p.59. L’auteur observe
qu’ « il convient de se demander si l’empêchement en cause est un risque que le débiteur doit assumer au regard des diligences qu’on était en droit d’attendre de lui ou si cet empêchement est de nature telle que nul créancier raisonnable n’aurait, dans le contexte particulier de la formation du contrat, envisagé que le débiteur devrait en répondre » 649
Ph. MALAURIE, L. AYNES, Ph. STOFFEL-MUNCK, op.cit. 650
V. Lamy droit du contrat, 2007, n° 380 – 55.
189
188. Un obscurcissement et un éclaircissement quant à l’exigence de
l’imprévisibilité. A propos de l’imprévisibilité, une tendance jurisprudentielle était
apparue consistant à faire de l’irrésistibilité « le critère fondamental de l’exonération
pour cause de force majeure, même dans les cas où il n’y avait peut-être pas
imprévisibilité et extériorité »651
. En effet, la première chambre civile ainsi que la
chambre commerciale de la cour de cassation se sont écartées, pendant quelque temps,
de la conception classique de la force majeure. Elles admettaient la qualification de la
force majeure de l’événement dès lors que le débiteur se trouve irrésistiblement
empêché d’exécuter ses obligations.
Ces deux chambres ont, à plusieurs reprises, déclaré que « l’irrésistibilité de
l’évènement est, à elle seule, constitutive de la force majeure lorsque sa prévision ne
saurait permettre d’en empêcher les effets, sous réserve que le débiteur ait pris toutes
les mesures requises pour éviter la réalisation de l’événement»652.
Une telle tendance jurisprudentielle, approuvée par certains auteurs653
, peut se
comprendre lorsque l’évènement, bien qu’il soit prévisible, paraît irrésistible et que le
débiteur a tenté d’en prévenir la survenance654
. En pareille hypothèse, l’imprévisibilité
n’est qu’« une exigence accessoire qui, comme telle, n’est pas toujours nécessaire »655.
651
Ph. MALINVAUD, Droit des obligations, Litec, 9e édition, 2005, n° 697, p.427 et s.
652 Cass. com., 1
e octobre 1997, RJDA. 1997, n° 1317 ; RDT civ. 1998, p.121, obs. P. JOURDAIN ;Cass.
com., 29 mai 2001, Bull.civ., IV, n° 199 ; Cass. 1er
civ., 6 novembre 2002, RTD civ. 2003, p.301, obs. P.
JOURDAIN ; RDC 2003, p.59, obs. Ph. STOFFEL-MUNCK. V. aussi, G. VINEY et P. JOURDIN,
Traité de droit civil, Les conditions de la responsabilité, LGDJ, 3e édition, 2006, n° 396, p. 270 et la
nombreuse jurisprudence citée. 653
P.-H. ANTONMATTEI, Contribution à l’étude de la force majeure, LGDJ, 1992, préface B. Teyssié,
n° n°90, p.66. L’idée invoquée par cet auteur est qu’un évènement peut être à la fois prévisible et
irrésistible et qu’il ne serait pas opportun de refuser l’exonération au seul motif que le sujet pouvait
prévoir un obstacle que de toute façon il ne pouvait ni éviter ni surmonter. Il observait que
l’imprévisibilité n’est pas inhérente à la qualification de la force majeure. Et que sauf à jouer le rôle
d’indice de l’inévitabilité, l’imprévisibilité doit être écartée de la qualification de force majeure. 654
.G. VINEY et P. JOURDIN, Traité de droit civil, Les conditions de la responsabilité, LGDJ, 3e édition,
2006, n° 396, p.270, et spéc., p.272 : « « La solution est logique. Dès lors qu’à l’irrésistibilité de l’évènement, appréciée au moment où il se produit, s’ajoute l’impossibilité d’en empêcher la réalisation et d’en éviter les effets, la force majeure doit être admise, même si l’évènement n’échappant pas à toute prévision. La condition d’imprévisibilité ne réapparaît que lorsque la prévision de l’événement peut permettre, par la mise en œuvre de moyens appropriés, d’éviter ses effets préjudiciables. En somme, soit l’évènement invoqué, ou ses effets dommageables, pouvaient être évités à condition d’avoir été prévus, et l’imprévisibilité doit logiquement être exigée ; mais elle est plutôt un indice de l’irrésistibilité qu’une condition vraiment autonome de la force majeure. Soit l’évènement et ses effets ne pouvaient de toute façon pas être évités, quelles que soient les précautions prises et, dans ce cas, exiger l’imprévisibilité n’a plus de sens ; l’irrésistibilité suffit, accompagnée de l’inévitabilité. De sorte que la force majeure est, en définitive, un événement irrésistible que l’agent ne pouvait prévoir ou dont il ne pouvait éviter les effets dommageables par des mesures appropriées ». V. aussi J. FLOUR, J.-L. AUBERT, Y. FLOUR, E.
190
Néanmoins, elle a suscité des interrogations sur le fait de savoir si l’imprévisibilité
est encore une condition de l’imprévisibilité656
.
Mais, une telle ambiguïté semble aujourd’hui être levée. Un arrêt de l’Assemblée
plénière a rappelé de l’importance du caractère de l’imprévisibilité dans la qualification
de force majeure. Il a défini la force majeure comme « l’évènement présentant un
caractère imprévisible lors de la conclusion du contrat et irrésistible dans son
exécution »657
. Notons, enfin, qu’il ne suffit pas, pour que l’évènement constitue une
force majeure, qu’il soit irrésistible et imprévisible, encore faut-il qu’il ne soit pas
imputable au débiteur.
3. L’extériorité
189. Fait non imputable au contractant. Le troisième et dernier critère requis pour
qu’un évènement constitue une force majeure est qu’il soit extérieur au débiteur, sinon
il lui serait imputable et engagerait sa responsabilité658
.
Il en résulte que l’impossibilité d’exécution du contrat de franchise ne sera pas de
nature à exonérer le franchisé ou le franchiseur de sa responsabilité s’il s’avère que son
fait est à l’origine de celle-ci. En pareille hypothèse, celui-ci serait tenu pour
responsable. Tel peut être, par exemple, le cas, en matière de franchise industrielle ou
de restauration rapide, lorsque l’impossibilité d’exécution du contrat par le franchisé ou
le franchiseur est due à la fermeture définitive du magasin par décision administrative
en raison du manquement répété à des règles de santé publique.
SAVAUX , Droit civil, Les obligations, Le rapport d’obligation, Sirey, 4
e édition, 2006, n° 209, p.156. J.
MOURY, Force majeure : éloge de la sobriété, RTD civ. 2004, p.471. 655
J. FLOUR, J -L. AUBERT, Y. FLOUR, E. SAVAUX, op.cit. 656
V. en ce sens, J. COLONNA, L’imprévisibilité est-elle encore une condition de la force majeure en
matière contractuelle ? RRJ. 2004-1, p.541 et s. 657
Cass. ass. Plén., 14 avril 2006, n° 02-11.168 ; D. 2006, p.1577, notre. P. JOURDAIN ; Dr et p. 2006,
p.98, obs. Ph. STOFFEL-MUNCK; RDC. 2006, 1207, obs. G. VINEY ; RDCL 2006, n° 2129, note. M.
MEKKI 658
Ph. Le TOURNEAU, Droit de la responsabilité et des contrats, Dalloz, 2006/2007, n°1816 ; Ph.
MALAURIE, L. AYNES, Ph. STOFFEL-MUNCK, n° 956, p. 514 ; I. GUYOT, Le caractère extérieur de
la force majeure, RRJ. 2002-1, p.213 V.aussi, G. VINEY et P. JOURDIN, Traité de droit civil, Les
conditions de la responsabilité, LGDJ, 3e édition, 2006, n° 385, p.253 et spéc., p. 254 .Pour ces auteurs, la
condition d’extériorité imposée par la jurisprudence est inhérente à la notion de cause étrangère, « car elle signifie tout simplement que le défendeur ne peut invoquer, pour échapper à sa responsabilité ni un fait qu’il aurait lui-même provoqué ou à l’origine duquel il serait, ni un fait dont une règle juridique quelconque lui impose précisément de garantir les conséquences dommageables pour les tiers ».
191
Tel peut être aussi le cas lorsqu’il y a déchéance du brevet du franchiseur
consécutive au non paiement des redevances. Dans toutes ces hypothèses, le contractant
est tenu pour responsable de l’inexécution du contrat, étant donné que l’évènement
empêchant l’exécution du contrat est dû par sa faute.
Comme le relève un auteur : « Seule, en effet, une impossibilité non fautive
d’exécuter éteint l’obligation. A défaut, l’obligation survit pour laisser place à une
obligation de réparer distincte de cette dernière et qui s’y substitue »659
. Reste à
souligner qu’une fois que l’évènement remplit cumulativement les trois critères, de
l’irrésistibilité, de l’imprévisibilité, et l’extériorité, il doit développe un effet extinctif du
le contrat de franchise.
B. L’effet extinctif de la force majeure
190. Effet extinctif et mécanisme d’extinction. S’il ne fait pas le moindre doute que la
force majeure emporte extinction immédiate du contrat de franchise (1), il convient
néanmoins de s’interroger sur le mécanisme de cette extinction (2).
1. Extinction a effet immédiat
191. Suspension du contrat en cas d’impossibilité d’exécution provisoire. L’impact
de la force majeure sur le contrat de franchise varie en fonction de l’impossibilité
d’exécution quand celle-ci est temporaire ou définitive. En cas d’impossibilité
momentanée d’exécution, l’évènement de force majeure n’emporte pas l’extinction du
contrat de franchise, mais seulement sa suspension660
. Le contrat est considéré suspendu
pendant le temps de l’impossibilité d’exécution. « Pendant cette période, le contrat est
relâché, n’est plus « en vigueur » ; mais il existe toujours et sa reprise se fera
automatiquement dès qu’elle sera possible »661
.
659
P.-H. ANTONMATTEI, Contribution à l’étude de la force majeure, LGDJ, 1992, préface B. Teyssié,
n° 218, p.157. 660
V. Cass. civ. 3e., 22 février 2006, pourvoi n° 05- 12. 032 ; RDC. 2006, p. 1487, obs. Y.-M.
LAITHIER. 661
A. BENABENT, Droit civil, Les obligations, Montchrestien, 11e édition, 2007, n°339, p.264. V. aussi,
Ch. LARROUMET, Les obligations, Le contrat, t.III, Economica, 5e édition, 2003, n° 272, p. 841 : « En
192
Par voie de conséquence, le franchisé ou le franchiseur, empêché d’exécuter ses
obligations, n’est exonéré de sa responsabilité que pendant le temps qu’il a été empêché.
Il n’est exonéré de l’inexécution de ses engagements qu’à la mesure temporelle de
l’empêchement sur lequel elle est fondée. En effet, lorsque l’impossibilité d’exécution
n’est que provisoire, la force obligatoire du contrat ainsi que l’espoir d’une exécution
utile de celui-ci s’opposent à la libération définitive du contractant tant qu’il y a
toujours une chance, même minime, que l’exécution du contrat redevienne possible.
192. Extinction du contrat en cas d’impossibilité définitive. En revanche, lorsque
l’impossibilité d’exécution est définitive, l’évènement de force majeure emporte
l’extinction anticipée du contrat de franchise662
. Il développe, à ce titre, un effet
extinctif immédiat sur le contrat de franchise aussitôt qu’il intervient663
. Celui-ci sera
considéré comme éteint dès l’instant de la réalisation de la force majeure. A partir de
cette date, le contrat perd son pouvoir de créer de nouvelles obligations.
Toutes les obligations qui sont déjà nées sont aussi éteintes à cette date, sauf les
obligations qui produisent des effets post-contractuels, telles que l’obligation de non-
concurrence et l’obligation de confidentialité. Celles-ci seront maintenues en dépit de la
fin du contrat, à moins que la force majeure ne les prive de leur objet. En cas de groupe
de contrats ou de chaîne de contrats, l’effet extinctif que produit la force majeure à
l’égard du contrat de franchise va rejaillir sur les autres contrats qui y sont liés. Ainsi,
par exemple, lorsque c’est le contrat de franchise principale qui est éteint par la
survenance de la force majeure, le sous-contrat de franchise s’éteint aussi. Ce dernier
devient en effet sans cause664
. Ce n’est là que la simple application de la règle selon
laquelle l’accessoire suit le principal665
. La force majeure libère définitivement le
franchisé ou le franchiseur débiteur de son obligation et le dispense de tout versement
des dommages et intérêts au profit de son cocontractant.
effet, lorsque l’exécution redevient possible au bout d’un délai raisonnable, il n’y a pas de raison de considérer que le débiteur est libéré ». 662
J. MESTRE, Force majeure et sort du lien contractuel, RTD civ. 1990, p.658. Egalement, P.-H.
ANTONMATTEI, Contribution à l’étude de la force majeure, LGDJ, 1992, préface B. Teyssié, n° 215,
p.156 et s. 663
V. P.-H. ANTONMATTEI, th., précitée., n° 240, p.172 et s. 664
V. J. NERET, Le sous-contrat, LGDJ 1979, préface P. Catala, n° 168 et s. 665
Ibid.
193
Corrélativement, ce dernier se trouve libéré de ses obligations qui sont devenues
sans cause666
. Toutefois, il convient, finalement, de noter que si le fait que la force
majeure entraîne l’extinction immédiate du contrat ne saurait susciter le moindre doute,
il y a bien une querelle sur le mécanisme de cette extinction
2. Mécanisme d’extinction
193. Caducité ou résiliation ? L’impossibilité d’exécution du contrat de franchise due
à la survenance d’un cas de force majeure emporte l’extinction anticipée de celui-ci.
Cela ne fait aucune difficulté. Cependant, il en serait s’agissant du mécanisme de cette
extinction. Faut-il attacher l’extinction du contrat de franchise, en cas de force majeure,
au mécanisme de la caducité ? Faut-il, au contraire, la fonder sur la résiliation ou la
résolution ?
Si l’on examine la jurisprudence, on constate que celle-ci paraît moins nette sur la
qualification juridique de l’extinction du contrat en cas de force majeure. Dans un
premier temps, la jurisprudence privilégiait le recours à la résolution ou à la résiliation
judiciaire pour expliquer l’extinction du contrat en cas de survenance d’un événement
de force majeure rendant impossible son exécution667
. Selon elle, l’article 1184 du Code
civil est général et ne distingue pas entre l’inexécution résultant d’un cas fortuit et celle
provenant de la faute du débiteur668
. Certains auteurs approuvent cette jurisprudence. Ils
considèrent que l’inexécution fortuite doit être soumise au même régime que
l’inexécution fautive669
. D’autres, représentant la majorité des auteurs, au contraire,
l’ont critiquée en considérant qu’elle confond l’inexécution fautive dont le domine
relève de la résiliation ou de la résolution judiciaire et l’inexécution fortuite relevant de
la théorie des risques670
.
666
V en ce sens, A. CERMOLACCE, Cause et exécution du contrat, PUAM, 2001, préface J. Mestre, n°
428, p.253 et s. 667
Cass. 1er
civ., 12 mars 1985, RTD civ. 1986, p. 245, obs. J. MESTRE. 668
J. MESTRE, obs. sous Cass. 1er
civ., 12 mars 1985, précité. 669
F. TERRE, Ph. SIMLER, et Y. LEQUETTE, Droit civil, Les obligations, Dalloz, 9e édition, 2005,
n°650, p.637. 670
V. J. CARBONNIER, Droit civil, Les obligations, tom 4, PUF, 22e édition, 2000, n° 186, p.341 : «Si
l’inexécution provient d’une cause étrangère non imputable au débiteur, et nommément d’une force majeure, la résolution de l’a. 1184 n’est plus à sa place. Sans doute, dans un contrat synallagmatique une des obligations se trouvant ainsi éteinte par l’impossibilité fortuite de l’exécuter, l’autre doit
194
Ce dernier courant doctrinal n’a pas été sans influence sur la jurisprudence671
.
Sensible aux critiques qui lui ont été adressées, la jurisprudence a, ensuite, atténué sa
position. Se fondant sur la théorie des risques, la jurisprudence a affirmé qu’en cas
d’impossibilité d’exécution par suite d’un évènement de force majeure, le contrat
s’éteint de plein droit sans l’intervention du juge672
. Pourtant, la jurisprudence
n’explique pas s’il s’agit d’un cas de caducité ou d’un cas de résiliation. Quant à la
doctrine, celle-ci est divisée. Certains auteurs considèrent qu’en cas de survenance d’un
évènement de force majeure rendant impossible l’exécution d’un contrat, l’extinction de
celui-ci procède du mécanisme de la résolution ou de la résiliation673
. A l’opposé,
d’autres auteurs estiment que l’extinction du contrat en cas de force majeure doit être
attachée au mécanisme de la caducité674
.
194. La caducité, mécanisme d’extinction opportun. Pour notre part, nous estimons
que le recours au mécanisme de la caducité pour expliquer l’extinction du contrat en cas
de force majeure paraît opportun, étant donné que l’empêchement est dû en dehors de la
volonté des parties. La résiliation ou la résolution, comme une technique d’extinction du
rapport contractuel, doit être réservé aux cas où l’inexécution du contrat a pour origine
une faute ou toute autre cause imputable aux parties.
normalement s’éteindre aussi. Mais c’est l’application d’une autre théorie, celle des risques. Il y a là deux mécanisme distincts, respectivement applicables à l’inexécution fautive et à l’inexécution fortuite, et qui suivent des règles différentes ». J. FLOUR, J -L. AUBERT, Y. FLOUR et E. SAVAUX, Droit civil,
Les obligations, Le rapport d’obligation, Sirey, 4e édition, 2006, n° 249, p.186 et s ; J. GHESTIN, Ch.
JAMIN, M. BILLIAU, Traité de droit civil, Les effets du contrat, 3e édition, LGDJ, 2001, n° 639, p.680 et
s. 671
Sur l’influence de la doctrine en droit positif, v. G. DECOCQ, Réflexion sur l’influence doctrinale, in
Libres propos sur les sources du droit, Mélanges. Ph. Jestaz, Dalloz, 2006, p.112. 672
Cass. com., 28 avril 1982, RTD civ. 1983, p. 340, obs. F. CHABAS. 673
P. MALINVAUD, Droit des obligations, Litec, 9e édition, 2005, n° 702, p.430 ; J. GHESTIN, Ch.
JAMIN, M. BILLIAU, Traité de droit civil, Les effets du contrat, 3e édition, LGDJ, 2001, n° 643, p.682.
674 A. BENABENT, Droit civil, Les obligations, Montchrestien, 11
e édition, 2007, n°341, p.265 ; J.-M.
MOUSSERON, Technique contractuelle, par P. MOUSSERON, J. RAYNARD, J.-B. SEUBE, Edition
Francis Lefebvre, 3e édition, 2005, n° 1318 ; R. CHAABAN, La caducité des actes juridiques, Etude de
droit civil, LGDJ, 2005, préface. Y. Lequette, n° 38, p. 33 et spéc, n° 55, p. 53 et s M-E. ANDRE, M - P.
DUMONT, Ph. GRIGNON, L’après-contrat, Edition Francis Lefebvre, 2005, n °31, p.39. V. également,
F. GARRON, La caducité du contrat, PUAM, 1999, préface. J. Mestre, n°122, p.152, et spéc.,n° 127,
p.154 ; P.-H. ANTONMATTEI, Contribution à l’étude de la force majeure, LGDJ, 1992, préface B.
Teyssié, n° 177, p.127 ; V. WESTER-OUISSE, La caducité en matière contractuelle ; une notion à
réinventer, JCP G 2001, I, p.290 ; B. MERCADAL, Les causes d’extinction des contrats en droit français,
RDAI, 1997, n°7, p.869 et s ; C. MOULY, Les causes d’extinction du cautionnement, préface. M.
Cabrillac, Bib. dr. entre.1980 , n°176 , p.215. Cet auteur observe que le terme de la caducité « évoque la chute de l’élément mort qui se sépare de son support après avoir vécu avec lui une part de temps ».
195
Il en résulte qu’en cas d’impossibilité d’exécution du contrat de franchise par suite
d’un évènement de force majeure, l’extinction du contrat procède du mécanisme de la
caducité et non de la résiliation. Définie comme « l’expiration anticipée et de plein droit
d’un acte valable à effet totalement ou partiellement différé ou prolongé, tenant à la
défaillance d’un élément essentiel à sa survie »675, cette caducité entraîne la destruction
anticipée du contrat pour l’avenir et sans rétroactivité. Elle s’impose en réalité comme
conséquence logique de la disparition d’un élément essentiel du contrat tenant à son
objet676
.
A vrai dire, en empêchant un des contractants d’exécuter son obligation, la force
majeure prive cette dernière de son objet, et par là même, elle provoque la disparition de
l’objet du contrat de franchise, ce qui entraîne, finalement, sa caducité. Celle-ci emporte
extinction de plein droit du contrat de franchise. Cela signifie qu’aucune manifestation
de volonté de la part du franchisé ou du franchiseur ni l’intervention au juge ne sont
requis pour faire éteindre le contrat677
.
Néanmoins, rien n’interdit au franchiseur et au franchisé de recourir au juge pour
statuer sur la caducité de leur contrat. Mais le juge ne peut, en pareille hypothèse, que
constater « une extinction qui existe déjà par le seul fait de la réalisation du fait
générateur de caducité, et d’autre part il ne peut pas décider, pour des raisons de pure
opportunité, d’écarter la disparition de l’acte juridique, comme il peut le faire lorsqu’il
s’agit de résolution judiciaire »678
. La nature de la décision du juge est donc déclarative
et non constitutive679
. Toutefois, il convient de noter que la caducité cède sa place pour
la réalisation lorsque le contrat de franchise contient une clause de résiliation pour cas
de force majeure.
675
J -M. MOUSSERON et A. SEUBE, A propos de contrats d’assistance et de fourniture, D. 1973, chron.
p. 197. V. aussi, Y. BUFFLAN- LANORE, Essai sur la notion de caducité des actes juridiques en droit
civil, LGDJ, 1963 ; J-M. MOUSSERON, Technique contractuelle, par P. MOUSSERON, J.RAYNARD,
J.-B. SEUBE, Edition Francis Lefebvre, 3e édition, 2005, n° 1318 et s.
676 J -M. MOUSSERON, Technique contractuelle, op.cit.
677 J -M. MOUSSERON, Technique contractuelle, par P. MOUSSERON, J. RAYNARD, J.-B. SEUBE,
Edition Francis Lefebvre, 3e édition, 2005, n° 1318 et s.
678 F. GARRON, La caducité du contrat, PUAM, 1999, préface. J. Mestre, n° 298, p. 370.
679 V. sur ce point v. L. MAZEAUD, De la distinction des jugements déclaratifs et des jugements
constitutifs de droits », RTD civ. 1928, p.17.
196
195. Résiliation en vertu d’une clause de force majeure. Sous la seule réserve de
respecter l’ordre public et les bonnes mœurs, les parties à un contrat de franchise sont
libres d’aménager le contenu de leur convention. Ils peuvent, par exemple, stipuler dans
leur contrat une clause de force majeure qui prévoit la résiliation du contrat à la
survenance de certains événements. Une telle clause peut se rencontrer dans les contrats
internes680
. Mais fréquemment, elle est stipulée dans les contrats internationaux681
. Ce
recours fréquent s’explique souvent par les différentes conceptions de la force majeure
retenues par les droits nationaux682
.
La validité des clauses de force majeure ne suscite aucune difficulté683
En effet,
dès lors que les règles qui requièrent la force majeure ne sont pas d’ordre public, le
franchisé et le franchiseur peuvent déterminer les cas de force majeure et leurs effets sur
leur contrat. En vertu du principe de la liberté contractuelle, le franchisé et le
franchiseur peuvent assouplir les conditions classiques de la force majeure en stipulant,
par exemple, que toute partie peut résilier le contrat, moyennant un préavis, en cas de
survenance d’un évènement, qui n’est pas nécessairement irrésistible, mais simplement
imprévisible et indépendant de la volonté des parties, rendant impossible l’exécution
totale ou partielle du contrat684
.
680
A. BENABENT, Droit civil, Les obligations, Montchrestien, 11e édition, 2007, n° 337, p.263 et s. V.
également, Ph. DELEBECQUE, Les aménagements contractuels de l’exécution du contrat, LPA mai
2000, n° 90, p.22 ; P.-H. ANTONMATTEI, Contribution à l’étude de la force majeure, LGDJ, 1992,
préface B. Teyssié, n° 177, p.127. 681
M. FONTAINE et F. DELY, Droits des contrats internationaux, Analyse et rédaction de clauses,
Bruylant, 2003, p. 435 ; H. KONARSKI, Les clauses de force majeure et de hardship dans la pratique
contractuelle international, RDAI, 2003, n°4, p.405 ; D. MATRAY et F. VIDTS, Les clauses d’adaptation
de contrats, in Les grandes clauses des contrats internationaux, Bruxelles, 11 et 12 mars 2005, Bruylant,
2005, p.93 ; M. FONTAINE, Les clauses de force majeure dans les contrats internationaux, DPCI, 1979,
p.437 ; D. LAMETHE, La clause de force majeure dans les contrats internationaux, Cah. jur. éléctr.- gaz,
1987, 467 682
M. FONTAINE et F. DELY, Droits des contrats internationaux, Analyse et rédaction de clauses,
Bruylant, op.cit. 683
V H., L et J. MAZEAUD et F. CHABAS, Leçons de droit civil, Obligations, théorie générale, t.II,
Montchrestien, 9e édition, 1998, n° 581, p.669 ; P.-H. ANTONMATTEI, Contribution à l’étude de la
force majeure, th., précitée, n°188, p.135. 684
Sur ce point v. M. FONTAINE et F. DELY, Droits des contrats internationaux, Analyse et rédaction
de clauses, Bruylant, 2003, p. 435, et spéc., p. 440 et s.
197
Ils peuvent, au contraire, accentuer les critères traditionnels de qualification :
« Une partie n’est pas tenue pour responsable de la non-exécution de l’une quelconque
de ses obligations dans la mesure où elle prouve que : cette non-exécution a été due à
un empêchement indépendant de sa volonté ; qu’elle ne pouvait pas raisonnablement
être tenue de prévoir cet empêchement et ses effets sur son aptitude à exécuter le
contrat au moment de sa conclusion ; et qu’elle n’aurait pas pu raisonnablement éviter
ou surmonter cet empêchement, ou à tout le moins, ses effets »685.
Qu’ils assouplissent ou renforcent les critères classiques de la force majeure, le
franchiseur et le franchisé doivent, pour l’efficacité de la clause, en rédiger
soigneusement les termes. Ils doivent, par exemple, définir avec précision les
évènements qui devront nécessairement être considérés comme constitutifs de la force
majeure. En effet, la jurisprudence interprète de manière restrictive la clause de force
majeure. En présence de clauses rédigées de manière vague et équivoque, les juges
disposent d’un pouvoir interprétatif. Ils n’hésitent pas à faire obstacle à la mise en
œuvre des clauses de force majeure d’un contenu large et imprécis qui ne correspond
pas aux critères de la force majeure686
. Les parties à un contrat de franchise doivent
donc veiller à ce que la rédaction des termes des clauses de force majeure soit précise et
claire. A ce titre, qu’il est préférable, afin d’assurer l’efficacité de la clause de force
majeure, que le franchisé et le franchiseur énumèrent certains exemples dans leur
contrat tels qu’une catastrophe naturelle comme une inondation, un tremblement de
terre, ou des cas de guerres, d’embargo687
ou même de grèves ou l’interdiction
d’exportation, qu’entraînent la résiliation du contrat.
685
Clause extraite du contrat modèle CCI de franchise internationale de distribution. 686
V. CA Paris 19 janvier 2006, Revue de des transports, 2007, n°3, comm.62, obs. Ph. DELEBECQUE. 687
Sur la question de l’embargo et ses effets sur la survie du contrat, v. B. GRELON et T. DAL FARRA,
Le sort des contrats en cas d’embargo, Contrats, conc. consom., 1994, n° 2, p.1.
198
Une clause extraite du contrat modèle CCI de franchise internationale de
distribution peut, à cet égard, être cité : « En cas d’événement irrésistible (incluant,
sans que cela soit exhaustif : inondation, tremblement de terre, tempête, épidémie ou
toute autre calamité naturelle), de guerre ou de conflit armé ou de situation d’hostilité
(incluant, sans que cela soit exhaustif : acte de guerre, blocus, embargo, soulèvement
ou insurrection), d’acte de l’autorité publique ou de réglementation (incluant, sans que
cela soit exhaustif : les interdictions ou restrictions d’importation ou d’exportation,
ainsi que la réglementation sur l’attribution des ressources énergétiques), de conflit du
travail (incluant, sans que cela soit exhaustif :la grève, le lock-out ou les actes de
sabotage) ou d’autre cause échappant au contrôle normal des parties, aucune d’entre
elles ne sera responsable de l’inexécution de l’une quelconque de ses obligations, sous
réserve toutefois que la partie affectée par le cas de force majeure informe l’autre par
écrit dans un délai d’au moins ………. jours, et si cela est nécessaire par télex ou
télécopie, de la survenance de l’événement, à moins que tous les moyens de
communication entre les pays du franchiseur et du franchisé soient également affectés,
et prenne toutes les mesures nécessaires pour diminuer le préjudice qui pourrait
résulter de cet évènement »688.
En procédant ainsi, non seulement les parties pourront éviter un éventuel conflit
portant sur la qualification des évènements constitutifs de force majeure pouvant se
déclancher dans le futur, mais également toute mauvaise interprétation à laquelle peut
donner lieu la clause de force majeure en cas de litige. En présence d’une telle
précision, le juge ne peut que constater l’efficacité des clauses de force majeure. Il
s’exposera à la censure de la Cour de cassation s’il leur donne un sens différent.
Soucieux de ne pas entraver l’efficacité de la clause de force majeure, certains contrats
ne se contentent pas de déterminer avec précisions les évènements pouvant être
qualifiés de force majeure entraînant la résiliation du contrat, ils déterminent aussi les
conditions de la mise en œuvre de cette clause.
688
Article 26 B du contrat modèle CCI de franchise internationale de distribution.
199
196. Mise en œuvre de la clause de force majeure. Lorsque l’hypothèse de force
majeure est réalisée, la clause décrit souvent le régime qui lui est applicable689
. Elle
comporte généralement une obligation de notification à la charge de celui qui subit la
force majeure690
. Cette notification se fait le plus souvent par écrit. « La partie affectée
par le cas de force majeure informe l’autre par écrit dans un délai d’au moins …jours,
et si cela est nécessaire par télex ou télécopie de la survenance de l’événement.. »691.
Tout retard dans la notification de la force majeure peut mettre à la charge de celui, qui
subit l’événement de force majeure, l’obligation de réparer le dommage résultant du
retard dans le respect des formalités requises692
.
Notons, toutefois, que si la survenance d’un cas de force majeure emporte
l’extinction de pleine droit du contrat de franchise, la solution est toute autre s’agissant
de la survenance d’un cas de hardship qui n’entraîne qu’éventuellement l’extinction du
contra de franchise.
§. 2. Extinction incertaine du contrat en cas de hardship
197. La renégociation et son éventuel échec. Le contrat de franchise est un contrat qui
s’inscrit dans la durée. Il a été conclu en tenant compte de certaines circonstances qui
l’entourent. Toutefois, ces circonstances, autour desquelles il a été conclu, ne se figent
pas lors de sa conclusion. Certains évènements peuvent perturber profondément
l’équilibre contractuel que les parties ont établi lors de la conclusion du contrat de
franchise. En pareille hypothèse, le contrat de franchise peut prévoir une obligation de
renégociation à la charge des parties pour l’adaptation du contrat aux nouvelles
circonstances (A). Il peut aussi prévoir qu’en cas d’échec des négociations, chacune des
parties peut résilier le contrat (B).
689
M. FONTAINE et F. DELY, Droits des contrats internationaux, Analyse et rédaction de clauses,
Bruylant, 2003, p. 435, et spéc., p. 452 et s. 690
M. FONTAINE et F. DELY, op. cit., p. 453. 691
Article 26 B du contrat modèle CCI de franchise internationale de distribution. 692
M. FONTAINE et F. DELY, op.cit., p. 456. V. aussi, S. HOTTE, La rupture du contrat international,
Contribution à l’étude du droit transnational des contrats, Defrénois, 2007, préface. DE Jean-Michel
Jacquet, n° 594, p. 223 et s.
200
A. La renégociation du contrat 198. Aménagement conventionnel. Contrairement à de nombreux droits étrangers, il
n’y a pas, en droit français, une obligation de renégociation de plein droit en cas
changement radical des circonstances altérant gravement l’équilibre contractuel initial
(1). Ce n’est qu’en présence de clause de hardship que le franchisé et le franchiseur
peuvent être tenus de renégocier les termes du contrat dont l’équilibre est remis en
cause (2).
1. Absence d’une obligation de plein droit.
199. Le caractère facultatif de la renégociation. Certains évènements, économiques,
monétaires, politiques et sociaux, imprévisibles lors de la formation du contrat, peuvent
survenir, postérieurement à la conclusion du contrat de franchise, rendant l’exécution de
celui-ci, par l’une des parties, non pas impossible comme c’est le cas de la force
majeure, mais plus onéreuse.
En pareille hypothèse, des questions peuvent se poser. Le franchisé ou le
franchiseur qui subit le déséquilibre est-il autorisé à réviser le contrat? Peut-il mettre fin
au contrat dont l’exécution lui est devenue si coûteuse? Le juge est-il autorisé à
intervenir, à la demande de la partie désavantagée, pour rétablir l’équilibre contractuel
initial du contrat ? En principe, le franchisé ou le franchiseur lésé doit maintenir le
contrat tel qu’il est. La difficulté dans l’exécution ne constitue pas une cause de rupture
du contrat. Celui-ci ne peut ni modifier unilatéralement les termes du contrat ni y mettre
fin, sous peine d’engager sa responsabilité contractuelle693
.
693
V. Ph. MALAURIE, L. AYNES, Ph. STOFFEL-MUNCK, Droit civil, Les obligations, Defrénois, 3e
édition, 2007, n° 757, p. 379 et s ; Ph. Le TOURNEAU, Droit de la responsabilité et des contrats, Dalloz,
2006 / 2007, n° 3702 ; FAUVARQUE-COSSON, Le changement de circonstances, RDC 2004 / 1, p.67.
201
Si le franchisé désavantagé demande au franchiseur de renégocier les termes du
contrat afin de rétablir l’équilibre contractuel initial, ce dernier n’est nullement tenu
d’accepter cette demande de renégociation. Il peut l’admettre, et par conséquent,
modifier les termes du contrat de sorte qu’il soit bien adapté aux circonstances
nouvelles. Il peut, au contraire, la refuser et obliger le franchisé à poursuivre l’exécution
des obligations que le contrat met à sa charge « coûte que coûte ». Dans ce cas, le
franchisé ne saurait se plaindre du refus de la révision du contrat, par le franchiseur,
devant le juge en invoquant, par exemple, l’équité. Sauf clause contraire, celui-ci ne
peut y intervenir en raison de l’intangibilité du contrat694
. Le juge doit respecter le
principe de la force obligatoire du contrat qui s’impose à lui comme aux parties
200. Le rejet de la théorie de l’imprévision par la Cour de cassation. Contrairement
à la jurisprudence administrative695
, et aux antipodes de nombreux droits étrangers696
, la
Cour de cassation a refusé et refuse toujours la théorie de l’imprévision.
694
V. Que reste-il de l’intangibilité du contrat ?, Dr. et patr. 1998, 41 et s. 695
La jurisprudence administrative admet que lorsque l’économie du contrat avec l’administration est
bouleversée à la suite d’un événement extérieur à la volonté des contractants et imprévu au moment de la
conclusion du contrat, le cocontractant peut obtenir une indemnité d’imprévision. V F. HAUT, Contrats
administratifs, in Les modifications du contrat au cours de son exécution en raison de circonstances
nouvelles, sous la dir. R. Rodiere et D. Tallon, Edition, Pedone, 1986, p. 35. 696
De nombreux systèmes juridiques retiennent la théorie de l’imprévision. Tel est le cas du droit
allemand qui admet la révision judiciaire du contrat lorsque son exécution pour l’une des parties devient
excessivement coûteuse à la suite de la survenance de certains événements imprévisibles et indépendant
des contractants. Cette adaptation se justifie, en droit allemand, par le fait qu’il serait contraire à la bonne
foi d’exiger du débiteur l’exécution des prestations telles qu’elles avaient été initialement convenues. Il
s’agit donc de protéger la partie qui est victime d’une situation très inéquitable et qui excède largement la
limite normale des risques contractuels. (V. S. HOTTE, La rupture du contrat international, Contribution
à l’étude du droit transnational des contrats, Defrénois, 2007, préface. DE Jean-Michel Jacquet, n°570, p.
211 et s. V. aussi, F. FERRAND, Droit privé allemand, Dalloz, 1997, n°293, p.308 et s ; R.
SPARWASSER, in Les modifications du contrat au cours de son exécution en raison de circonstances
nouvelles, sous la dir. R. Rodiere et D. Tallon, Edition, Pedone, 1986, p. 123 ). De même, pour le droit
italien dont les articles 1467 et 1468 du Code civil posent le régime de l’eccessiva onerosità selon lequel
le débiteur d’un contrat à exécution successive dont l’exécution est devenue excessivement coûteuse en
raison d’évènements exceptionnels et imprévus peut demander la révision judiciaire du contrat (A.
PRADO, Le hardship dans le droit du commerce international, Bruyant, Bruxelles, 2003, n° 71, p.57 et s.
Egalement, H. COURTOIS, in Les modifications du contrat au cours de son exécution en raison de
circonstances nouvelles, sous la dir. R. Rodiere et D. Tallon, Edition, Pedone, 1986, p. 99). Il en va de
même pour le droit néerlandais (WILLEM J.H. WIGGERS, Les causes d’extinction des contrats en droit
néerlandais, RDAI, 1997, n°7, p.845, et spéc., p.850 ). C’est aussi le cas pour le droit algérien (D.
TALLON, La révision du contrat pour imprévision au regard des enseignements récents du droit
comparé, in Droit et vie des affaires, Mélanges. A. Sayag, Litec, 1997, 403, et spéc., p. 407). La
possibilité de la révision du contrat dont l’équilibre initial est remis en cause suite à un changement de
circonstances est aussi prévue par les Principes d’ Unidroit (Art. 6-2-3) et les Principes du droit européen
du contrat (Art. 6. 111).
202
Sauf exception légale697
, ou clause contraire, elle interdit au juge d’intervenir pour
réviser les termes initiaux d’un contrat devenu gravement déséquilibré suite au
changement de circonstances. Aux yeux de la Cour de cassation, qui applique avec
rigueur le principe pact sunt servanda de l’article 1134 du Code civil, le contrat est la
« chose » des parties698
et le juge doit la respecter699
. Celui qui a pris un engagement est
tenu de s’y confirmer sous peine d’engager de responsabilité, et rien de moins qu’une
force majeure ne saurait le libérer de son obligation700
. Cette solution sévère a été
appliquée pour la première fois en 1876 dans la fameuse affaire du Canal de
Craponne701
. Dans ce fameux arrêt, la Cour de cassation décida que « dans aucun cas, il
n’appartient aux tribunaux, quelque équitable que puisse leur paraître leur décision, de
prendre en considération le temps et les circonstances pour modifier la convention des
parties et substituer des clauses nouvelles à celles qui ont été librement acceptées par
les contractants ».
Depuis lors, cette solution est maintenue. La Cour de cassation a sanctionné, à
plusieurs reprises, les cours d’appel ayant acceptées de réviser des contrats dont
l’équilibre initial avait été largement rompu en raison de la survenance de certains
évènements politiques ou économiques rendant leur exécution extraordinairement
onéreuse702
. En décidant ainsi, et interprétant l’article 1134 du Code civil suivant une
« clé spiritualiste et libérale »703
, la Cour de cassation a opté fermement en faveur du
respect du principe de la force obligatoire du contrat. Cette solution, retenue par la Cour
de cassation, ne fait pas l’unanimité de la doctrine.
697
Sur les exceptions légales au principe de l’intangibilité du contrat, v. J. GHESTIN, Ch. JAMIN, M.
BILLIAU, Traité de droit civil, Les effets du contrat, 3e édition, LGDJ, 2001, n° 304, p.366 et s.
698 V. B. FAGES, Nouveaux pouvoirs : Le contrat est-il encore la « chose » des parties ?, in La nouvelle
crise du contrat, sous la dir. Ch. Jamin et D. Mazeaud, Dalloz, 2003, p.153. 699
Sur ce point, v. J. MESTRE, Le respect de la loi contractuelle par le juge, RTD civ.1990, p.113. Aussi,
D. MAZEAUD, D. MAZEAUD, « Le juge et le contrat : variation optimiste sur un couple « illégitime »,
in Propos sur les obligations et quelques autres thèmes fondamentaux du droit, Mélanges .J.-L. Aubert,
Dalloz, 2005, 235. 700
V. Supra n° 192 et s. 701
Cass. civ., 6 mars 1876, Les grands arrêts de la jurisprudence civil, par H. CAPITANT, F. TERRE et
Y. LEQEUTTE, Dalloz, 2007, n°163. 702
Cass. com., 15 décembre 1979, RTD civ. 1980, p.780, obs. G. CORNU. V. plus récemment, Cass. 1er
civ., 16 mars 2004, n°01-15.804 ; JCP E 2004, II, p.737, note. O. RENARD-PAYEN ; RLDC 2004,
n°222, note. D. HOUTCIEFF ; D. 2004, jurs., p.1754, note. D. MAZEAUD 703
Ch. JAMIN, Une brève histoire politiques des interprétations de l’article 1134 du Code civil », D.
2002, chro., p. 901, et spéc., 903.
203
Certains auteurs l’ont approuvée en invoquant l’argument de la sécurité des
relations contractuelles. Selon eux, admettre la révision par le juge du contrat devenu
déséquilibré suite à des changements de circonstances reviendrait à remettre en cause la
sécurité des transactions704
. D’autres, au contraire, n’ont pas hésité à la critiquer en
considérant qu’elle a pour effet de favoriser « l’obsolescence du contrat au détriment
de sa pérennité »705
.
Toutefois, et face au refus ferme de la Cour de cassation d’introduire la théorie de
l’imprévision en droit français et d’admettre ainsi la révision du contrat en cas de
changement de circonstances altérant gravement son équilibre, le franchisé et le
franchiseur, qui veulent la flexibilité de leur contrat, ne peuvent qu’aménager leur
contrat par la stipulation d’une clause de hardship.
704
H., L. et J. MAZEAUD et CHABAS, Leçon de droit civil, tom. II, Obligations, théorie générale,
Montchrestien, 9e édition, 1998, n° 730, p. 730 : « L’office du juge est de définir les obligations légales
ou conventionnelles qui pèsent sur les parties, de les contraindre à les respecter, de les asservir à leur parole, et non de les en délier. Le législateur a seul le pouvoir de modifier les obligations des parties ou d’inviter le juge à le faire. Il serait extrêmement dangereux de laisser le contrat à la discrétion du juge ; intervenant dans l’exécution de la convention avec son sentiment personnel de l’équité et dans l’intérêt général, il ruinerait le contrat, et mettrait en péril l’économie tout entier, en supprimant la sécurité dans les rapports contractuels ». A. SERIAUX, Droit des obligations, PUF, 2
e édition, 1998, n°46, p.182, et
spéc., p.186. L’auteur estime que « la loi contractuelle doit être maintenue coûte que coûte. Il n’y a rien d’injuste à cela » expliquant qu’un déséquilibre matériel n’est pas « forcément injuste au sens strict ». 705
L. AYNES, Le devoir de renégocier, RJ com. 1999, p.11, et spéc., n°4, p.12. V. également, Ph.
MALAURIE, L. AYNES, Ph. STOFFEL-MUNCK, Droit civil, Les obligations, 3e édition, 2007,
Defrénois, n° 759, p.381 : « Pour l’imprévision, il paraît nécessaire, dans une période d’instabilité
économique, de permettre l’adaptation du contrat aux circonstances changeantes d’un monde
mouvant... » ; F. TERRE, Ph. SIMLER et Y. LEQUETTE, Droit civil, Les obligations, Dalloz, 9e édition,
2005, n° 471, p.475 : « La multiplication des contrats conclus pour une longue durée, soit que la complexité de la tâche à accomplir appelle d’importants délais d’exécution, soit encore que l’insécurité du monde environnant incite à s’assurer par des accords durables un approvisionnement en matière premières ou en énergie, milite également en faveur d’une évolution de la jurisprudence ». L. AYNES,
Le devoir de renégocier, RJ com. 1999, p.11, et spéc., n°4, p.12. L’auteur considère que les raisons de
cette position de la Cour de cassation, qui privilégie la rigidité sur la flexibilité risque de favoriser
l’obsolescence du contrat au détriment de sa pérennité. D. MAZEAUD, La révision du contrat, LPA.
2005, n°129, p.4 ; D. TALLON, La révision du contrat pour imprévision au regard des enseignements
récents du droit comparé, in Droit et vie des affaires, Mélanges. A. Sayag, Litec, 1997, 403 ; J.
GHESTIN, Ch. JAMIN, M. BILLIAU, Traité de droit civil, Les effets du contrat, 3e édition, LGDJ, 2001,
n° 305,p. 368 et spéc., n° 317,p.318. Ph. Le TOURNEAU, Droit de la responsabilité et des contrats,
Dalloz, 2006 / 2007, n° 3702 : « Pacta sunt servanda c’est entendu, mais rebus sic stantibus ( les choses demeurant en l’état ) et, si ce n’est pas le cas, le contrat doit être modifié. La parole donnée doit s’apprécier eu égard aux circonstances qui existaient lors de la conclusion du contrat » ; C. WITZ,
Force obligatoire et durée du contrat, in Les concepts contractuels français à l’heure des Principes du droit
européen des contrats, sous la dir. P. Rémy-Corlay et D. Fenouillet, Dalloz, 2003, p.174 et s ; Ph.
STOFFEL-MUNCK, Regard sur la théorie de l’imprévision, Vers une souplesse contractuelle en droit
privé français contemporain, PAUM, 1994 ; B. FAUVARQUE-COSSON, Le changement de
circonstances, RDC 2004 / 1, p.67.
204
2. Une prévision contractuelle nécessaire : la clause de hardship
201. Utilité. Le contrat de franchise -comme tout contrat- est un acte de prévision706
.
« Contracter c’est prévoir. Tout contrat est une entreprise sur l’avenir. Tout contrat
contient une idée d’assurance »707
. Il « n’est pas un temps subi ; il est un temps voulu,
organisé par l’intelligence et la liberté des intéressés »708
. Partant de ce constat, les
parties à un contrat de franchise, notamment au contrat de franchise international709
,
peuvent stipuler dans leur contrat une clause de hardship710
.
Cette clause, appelée aussi en pratique clause de dureté711
, clause de sauvegarde712
,
enfin clause de renégociation713
, prévoit la révision du contrat lorsqu’un bouleversement
a profondément modifié l’équilibre initial des obligations de l’une d’entre elles.
Omniprésente dans les contrats internationaux714
, elle tend aussi à se répandre en droit
interne715
.
706
Sur ce point, v. H .LECUYER, Le contrat, acte de prévision, in L’avenir du droit, Mélanges. F. Terré,
Dalloz, Litec, 1999, p.643. 707
G. RIPERT, La règle morale dans les obligations civiles, LGDJ, 4e édition, 1949, n°84, p.151.
708 J -M. MOUSSERON, La gestion des risques par le contrat, RTD. 1988, p. 488, n°1.
709 Sur le contrat de franchise internationale, v. H. KENFACK, La franchise international, th., Toulouse I,
1996. 710
Sur cette clause, v. A. PRADO, Le hardship dans le droit du commerce international, Bruyant,
Bruxelles, 2003 ; M. FONTAINE et F. DELY, Droits des contrats internationaux, Analyse et rédaction de
clauses, Bruylant, 2003, p.487 ; D. MATRAY et F. VIDTS, Les clauses d’adaptation de contrats, in Les
grandes clauses des contrats internationaux, Bruxelles, 11 et 12 mars 2005, Bruylant, 2005, p.93., p. 123 ;
Lamy droit du contrat, 2008, n° 348- 29 ; J.-M. MOUSSERON, Technique contractuelle, n° 1655 et s ;
U. DRAETTA, Les clauses de force majeure et de hardship dans les contrats internationaux, RDAI, 2002,
n°3/4, p.437 ; B. OPPETT, L’adaptation des contrats internationaux aux changements de circonstances :
la clause de « hardship », JDI, 1974, n°2,p.796; M. FONTAINE, Les clauses de hardship, aménagement
conventionnel de l’imprévision dans les contrats internationaux à long terme, Dr. et prat. du comm.intern,
1976, p.42 ; J. GHESTIN, Ch. JAMIN, M. BILLIAU, Traité de droit civil, Les effets du contrat, 3e
édition, LGDJ, 2001, n° 318, p.382. 711
Lamy droit du contrat, 2008, n° 348- 29. 712
Ph. MALAURIE, L. AYNES, Ph. STOFFEL-MUNCK, Droit civil, Les obligations, 2e édition, 2005,
Defrénois, n° 762,p.368; J.-M. MOUSSERON, La gestion des risques par le contrat, RTD. 1988, n°19, p.
490 ; Ch. SOUCHON, Contrats de droit privé, in Les modifications du contrat au cours de son exécution
en raison de circonstances nouvelles, sous la dir. R. Rodiere et D. Tallon, Edition, Pedone, 1986, p.14, et
spéc., p.29. 713
Ch. JAROSSON, Les clauses de renégociation, de conciliation et médiation, in Les principales clauses
des contrats conclus entre professionnels, PUAM, 1990, p.141. 714
A. PRADO, op.cit. 715
D. LEDOUBLE, L’entreprise et le contrat, Bibliothèque de droit de l’entreprise, 1980, préface C.
Champaud, n° 227, p.220 et s ; J. GHESTIN, Ch. JAMIN, M. BILLIAU, Traité de droit civil, Les effets
du contrat, 3e édition, LGDJ, 2001, n° 318, p.382 ; Ph. MALAURIE, L. AYNES, Ph. STOFFEL-
MUNCK, Droit civil, Les obligations, 2e édition, 2005, Defrénois, n° 762,p. 368 ; A. BENABENT, Droit
civil, Les obligations, Montchrestien, 11e édition, 2007, n°294, p.229 ;
205
La clause de hardship permet en effet au franchiseur comme au franchisé de
modifier les termes du contrat si un changement vient, postérieurement à la formation
du contrat, à remettre en cause son économie. « Elle a pour objet de remédier aux
inconvénients du principe de la force obligatoire du contrat dans les conventions de
longue durée »716
. La clause de hardship a donc pour finalité de protéger les intérêts des
parties. D’où sa distinction avec la clause résolutoire ayant un caractère comminatoire
d’autant plus qu’elle vise à sanctionner un manquement à la loi contractuelle717
. D’où
apparaît donc aussi son assimilation avec certaines clauses voisines de sauvegarde ayant
pour objet de préserver les intérêts des parties.
202. Distinction de clauses voisines : clause de révision, clause de force majeure. La
clause de hardship se caractérise par la procédure de renégociation qu’elle instaure.
Cette procédure a une originalité de sorte qu’elle permet de la distinguer de certaines
clauses voisines telle que, par exemple, la clause de révision. Alors que celle-ci établit
un mécanisme de révision périodique du contrat indépendamment de tout événement
imprévu et extérieur qui pourrait se produire, la clause de hardship ne peut trouver son
application qu’en cas de rupture de l’équilibre contractuel initial suite à la survenance
d’un changement de circonstances718
.
La clause de hardship se différencie également de la clause de force majeure719
.
Quant à sa mise en œuvre, la clause de force majeure exige, comme condition préalable
de son application, l’impossibilité d’exécution du contrat par l’une des parties. Or, rien
de tel en matière de clause de hardship qui requière simplement la rupture de l’équilibre
contractuel initial720
.
716
J. GHESTIN, Ch. JAMIN, M. BILLIAU, Traité de droit civil, Les effets du contrat, op.cit. 717
V. Supra n° et s.150. 718
V. A. PRADO, Le hardship dans le droit du commerce international, Bruyant, Bruxelles, 2003, n°172,
p. 120. 719
V. Supra n°195 et s. 720
D. MATRAY et F. VIDTS, Les clauses d’adaptation de contrats, in Les grandes clauses des contrats
internationaux, Bruxelles, 11 et 12 mars 2005, Bruylant, 2005, p.93, et spéc., p.106. V. également, M.
FONTAINE et F. DELY, Droits des contrats internationaux, Analyse et rédaction de clauses, Bruylant,
2003, p.487 ; A. PRADO, op.cit., n°173, p.120 ; H. KONARSKI, Les clauses de force majeure et de
harship dans la pratique contractuelle international, RDAI, 2003, n°4, p.405.
206
En ce qui concerne les effets juridiques qu’elles produisent, la clause de force
majeure entraîne la résiliation du contrat, tandis que la clause de hardship engendre
seulement la renégociation entre les parties pour remédier au déséquilibre contractuel
dans la prestation de l’une d’entre elles. Ce n’est qu’en cas d’échec qu’elle prévoit
parfois la résiliation du contrat. Toutefois, et malgré la différence assez claire entre la
clause de hardship et celle de force majeure, il arrive parfois que leur distinction soit, en
pratique, malaisée, notamment en ce qui concerne les conditions de leur mise en
œuvre721
.
203. Conditions d’application. Pour que la clause de hardship puisse trouver à
s’appliquer, deux conditions doivent être réunies. L’une tient aux conséquences du
changement de circonstance, tandis que l’autre concerne la nature de l’évènement
venant perturber l’économie du contrat.
En premier lieu, la mise en jeu de la clause de hardship suppose que le changement
affecte gravement l’équilibre contractuel initial que le franchisé et le franchiseur ont
établi lors de la formation du contrat. La survenance d’évènements nouveaux doit, en
effet, entraîner un déséquilibre profond, de telle manière que l’exécution du contrat est
devenue notablement plus onéreuse pour l’une des parties. En deuxième lieu, un tel
changement qui remet en cause l’économie du contrat de franchise, doit être
imprévisible lors de la formation du contrat et indépendant de la volonté des parties. Ces
deux critères de l’imprévisibilité et de l’extériorité sont indispensables à la mis en
œuvre de la clause de hardship.
721
V. M. FONTAINE et F. DELY, Droits des contrats internationaux, Analyse et rédaction de clauses,
Bruylant, 2003, p. p.491 et s : « La distinction entre bouleversement des circonstances et force majeure est nette au niveau des principes, mais dans la pratique contractuelle, il arrive de plus en plus que des clauses de force majeure adoptent des définitions du concept qui atténuent l’exigence relative à l’impossibilité d’exécution. Les clauses se rapprochent dès lors au niveau des hypothèses couvertes, mais les régimes peuvent rester différents ». H. KONARSKI, Les clauses de force majeure et de harship dans
la pratique contractuelle internationale, op.cit., : « La clause de force majeure n’est pas prévue pour protéger une partie contre les risques normaux d’un contrat ; cependant, dans la pratique contractuelle actuelle, on peut constater un assouplissement des standards de force majeure. Un tel assouplissement permet à son tour une fusion des clauses de force majeure et clauses de hardship dans une même catégorie de clauses ».
207
Ainsi, toute évolution ou toute modification dont les répercussions sur la situation
des parties peuvent être prévues lors de la formation du contrat de franchise ne peut pas
être de nature à déclencher la mise en jeu de la clause de hardship722
, même si elle
affecte gravement l’économie du contrat. Comme le relève un auteur le « présupposé
est que si les parties, au moment de la conclusion du contrat, avaient pu être en mesure
de prévoir la survenance d’un tel événement et ses conséquences sur le rapport
contractuel, elles auraient également eu les moyens de se protéger contre ce risque par
une clause spécifique. L’absence d’une telle clause signifierait donc que l’une des
parties avait tacitement assumé ce risque »723
.
A cet égard, il est à noter qu’il est possible pour les parties au contrat de franchise de
déterminer, dans leur contrat, les événements susceptibles de déclencher le mécanisme
de la clause de hardship. Le franchisé et le franchiseur peuvent, par exemple, prévoir de
manière plus ou moins large qu’« en cas de changement du système monétaire, ou en
cas de modification du système juridique ou politique perturbant profondément
l’équilibre contractuel initial que les parties ont prévu lors de la conclusion du contrat,
celles-ci doivent se réunir afin d’adapter le contrat aux nouvelles circonstances »724
. Ils
peuvent même être plus précis et déterminer l’hypothèse ou les hypothèses où la clause
de hardship trouvera à s’appliquer. Tel est le cas, par exemple, lorsque le contrat de
franchise prévoit la renégociation « en cas de changement conduisant à une
aggravation importante des coûts de fabrication ou en cas d’application de nouveaux
droits d’importation ou d’exportation »725.Une telle précision a l’avantage de limiter le
champ d’application de la clause de hardship, ce qui conduit, en fin de compte, à limiter
tout éventuel risque de conflit sur la qualification de circonstances modifiant l’économie
du contrat.
722
En ce sens, A. PRADO, Le hardship dans le droit du commerce international, Bruyant, Bruxelles,
2003, p.132. V. aussi, M. FONTAINE et F. DELY, Droits des contrats internationaux, Analyse et
rédaction de clauses, Bruylant, 2003, p. 499. 723
A. PRADO, th., précitée. 724
Sur la rédaction de la clause de hardship, v. M. FONTAINE et F. DELY, Droits des contrats
internationaux, Analyse et rédaction de clauses, Bruylant, 2003, p. 487, et spéc., p. 500 et s. 725
M. FONTAINE et F. DELY, Droits des contrats internationaux, op.cit., p.502.
208
D’ailleurs, il n’y a pas de paradoxe entre le fait que le changement de
circonstances, autorisant la modification de l’économie, soit nécessairement
imprévisible et la prévision par les parties d’un tel changement. « Le fait même que
l’on stipule une clause de hardship implique évidement que les parties sont conscientes
de la possibilité d’un bouleversement futur des circonstances. Mais elles ne sont pas en
mesure d’en prévoir ni la nature, ni la portée, ni le moment »726.
204. Effets. Lorsque les conditions de mise en œuvre de la clause de hardship sont
réunies, le franchiseur et le franchisé sont tenus d’une obligation de renégociation. Ils
doivent tenter de se mettre d’accord sur une solution juste et raisonnable, qui doit être,
autant que possible, cohérent avec les termes et les conditions du contrat. Toutefois, il
ne s’agit là que d’une obligation de moyen727
. En effet, la clause de hardship n’engendre
pas à la charge des parties une obligation de révision. Ni le franchiseur, ni le franchisé,
ne sont nullement tenus de procéder à la modification proposée par le cocontractant728
.
La clause crée donc seulement une obligation de renégociation à la charge des parties, et
non une obligation d’aboutir à la modification du contrat. Cependant, si la clause de
hardship ne met à la charge des parties qu’une simple obligation de renégociation, cette
obligation doit néanmoins être exécutée de bonne foi, sous peine d’engager la
responsabilité de celui qui y manque729
. Le refus par le franchiseur ou le franchisé
d’entrer ou de participer à des renégociations ou toute attitude négative de sa part
entravant le bon déroulement de cette renégociation constitue une inexécution
engageant sa responsabilité contractuelle730
.
726
M. FONTAINE et F. DELY, Droits des contrats internationaux, op.cit., p.499. 727
M. FONTAINE et F. DELY, Droits des contrats internationaux, Analyse et rédaction de clauses,
Bruylant, 2003, p. 499 et spéc., p.510 et s. V. également, D. MATRAY et F. VIDTS, Les clauses
d’adaptation de contrats, in Les grandes clauses des contrats internationaux, Bruxelles, 11 et 12 mars
2005, Bruylant, 2005, p.93, et spéc., p. 125 ; J. GHESTIN, Ch. JAMIN, M. BILLIAU, Traité de droit
civil, Les effets du contrat, 3e édition, LGDJ, 2001, n° 321, p.385. Certains n’hésitent pas à défendre la
thèse selon laquelle l’obligation de renégocier pourrait être libellée de manière à répondre à la
qualification d’obligation de résultat. Ainsi, A. PRADO ( Le hardship dans le droit du commerce
international, Bruyant, Bruxelles, 2003, p.220 ) pour qui « au sein de la lex mercaroria, les parties ont l’autonomie de fixer le niveau des efforts exigés par des parties pour l’accomplissement de l’obligation de négocier à la suite d’un bouleversement de circonstances, de sorte que l’on pourrait envisager la validité d’une obligation de résultat, à condition qu’elle soit formellement établie dans le contrat ». 728
Cass. com., 30 octobre 2006 ; D. 2007, jurs., p.765, note. D. MAZEAUD. 729
En ce sens, J. GHESTIN, Ch. JAMIN, M. BILLIAU, op.cit. V. aussi, Ch. SOUCHON, Contrats de
droit privé, in Les modifications du contrat au cours de son exécution en raison de circonstances
nouvelles, sous la dir. R. Rodiere et D. Tallon, Edition, Pedone, 1986, p.14 et spéc., p.29. 730
Ch. SOUCHON, op.cit.
209
La partie lésée peut, dans ce cas, agir en justice en inexécution de l’obligation de
négociation et obtenir des dommages et intérêts visant à réparer le préjudice que l’échec
de la négociation lui a causé731
.
205. Le sort du contrat au cours de la période de renégociation. Pendant la période
de la renégociation, le contrat de franchise est réputé continuer à produire ses effets, à
moins que les parties ne prévoient sa suspension732
. Si le franchiseur et le franchisé
arrivent à se mettre d’accord sur l’adaptation de leur contrat à l’évolution de son
environnement, le contrat sera maintenu suivant les nouveaux termes introduits par les
parties. En pareille hypothèse, l’adaptation du contrat de franchise contribue à éloigner
la menace de sa rupture, et favorise finalement sa pérennisation733
.
206. Le sort du contrat en cas d’échec de la renégociation. En revanche, si la
négociation échoue, bien qu’elle se soit déroulée correctement et qu’elle soit exempte
de faute, la question se pose alors de savoir quel est le sort du contrat en pareille
hypothèse. Pour certains auteurs734
, lorsque la clause de hardship ne prévoit pas le sort
du contrat en cas d’échec de la négociation, celui-ci doit en principe continuer. Ainsi,
selon eux, le contrat de franchise resterait en vigueur dans toutes ses stipulations. Le
contractant désavantagé doit continuer à exécuter les obligations que met le contrat de
franchise à sa charge, même si cette exécution lui coûte cher. D’autres auteurs
contestent cette solution735
. Ils estiment que si les parties n’ont pas pu, malgré leur
volonté commune, d’aboutir, à un accord, la survie du contrat paraît inconcevable. La
résiliation du contrat est alors la solution qui s’impose.
731
D. MATRAY et F. VIDTS, op.cit., p. 126 732
Ibid. 733
Sur la pérennité du lien contrat, v. A.-S. LAVEFVE LABORDERIE, La pérennité contractuelle,
LGDJ, 2005, préface C. Thibierge. 734
D. MATRAY et F. VIDTS, Les clauses d’adaptation des contrats, op.cit., p.127 : « Si le contrat ne règle pas les suites d’un échec éventuel des négociations, la solution devra en principe être recherchée dans le droit applicable. En règle générale, les parties resteront tenues d’en exécuter toutes les stipulations nonobstant la rupture d’équilibre dénoncée. Si elles ne parviennent pas à un accord sur de nouveaux termes, aucune adaptation ne sera envisageable sauf situation de force majeure ». 735
R. FABRE, Les clauses d’adaptation dans les contrats, RTD civ. 1983, n°75, p. 28 : « Comment en effet, obliger des parties à poursuivre des relations qu’elles n’arrivent pas à adapter alors qu’elles les jugent déséquilibrées. Les parties ont souhaité aménager leur contrat parce qu’il était en déséquilibre et que l’on ne peut pas leur imposer en cas d’échec des négociations, la continuation du contrat. On déduit alors de leur volonté de négocier le souhait de ne pas exécuter un contrat déséquilibré ». Egalement, Ch.
SOUCHON, Contrats de droit privé, in Les modifications du contrat au cours de son exécution en raison
de circonstances nouvelles, sous la dir. R. Rodiere et D. Tallon, Edition, Pedone, 1986, p.14., p.30.
210
Toutefois, il convient de noter que le problème de la détermination du sort du
contrat en cas d’échec de la renégociation ne se pose pas ou ne se pose que rarement,
étant donné que les contractants adjoignent, dans la plupart des cas, à la clause de
hardship une clause de résiliation qui interviendra à défaut d’accord sur l’aménagement
du contrat.
B. Résiliation éventuelle du contrat en cas d’échec des renégociations
207. Fin du contrat. En cas de désaccord entre le franchiseur et le franchisé sur
l’adaptation de leur contrat aux nouvelles circonstances, ceux-ci peuvent recourir à un
tiers pour procéder à la révision des conditions et des termes du contrat. Ce tiers peut
être un arbitre736
. Il peut être aussi un tribunal737
. Les parties peuvent même privilégier
une voie intermédiaire sans recourir à un tribunal ou un arbitre en convenant de se
soumettre à la décision impartiale d’un tiers en qualité d’expert technique738
.
A vrai dire, le recours à un tiers pour la révision du contrat peut constituer un
moyen de sauver le contrat de franchise et, par conséquent, écarter tout éventuel échec
de celui-ci, échec dont les répercussions peuvent parfois être considérables tant sur le
plan économique et que sur le plan social. Pour autant, un tel recours au tiers, afin de
rétablir l’équilibre contractuel initial du contrat, n’est pas souvent le choix préféré des
parties. Comme étant les mieux placées que quiconque pour mesurer la distance et les
difficultés qui empêchent la réalisation du but attendu du contrat, il arrive que le
franchiseur et le franchisé optent pour une autre voie radicale qui est la destruction
anticipée du contrat. Ceux-ci peuvent, par exemple, prévoir, par leur clause de hardship,
la possibilité pour chacun d’eux de résilier le contrat si aucun accord sur l’adaptation du
contrat de franchise au nouvel environnement qui l’entoure n’a été trouvé.
736
V. A. PRADO, Le hardship dans le droit du commerce international, Bruyant, Bruxelles, 2003, p.155.
Egalement, v. D. MATRAY et F. VIDTS, Les clauses d’adaptation de contrats, in Les grandes clauses
des contrats internationaux, Bruxelles, 11 et 12 mars 2005, Bruylant, 2005, p.93, et spéc., p.123 et s ; M.
FONTAINE et F. DELY, Droits des contrats internationaux, Analyse et rédaction de clauses, Bruylant,
2003, p. 499 et spéc., p. 520 et s. 737
D. MATRAY et F. VIDTS, Les clauses d’adaptation de contrats, op.cit., p. 136. 738
D. MATRAY et F. VIDTS, Les clauses d’adaptation de contrats, op.cit., p.132.
211
« A défaut d’accord des parties dans un délai de … jours à compter de la
demande d’adaptation, chacune des parties aura la faculté de mettre fin au contrat,
sans indemnité, moyennant un préavis de …jours à notifier par lettre recommandée.
Pendant ce préavis, les fournitures se poursuivront sans modification des conditions
contractuelles …. A défaut d’accord des parties sur telle adaptation dans un délai de
trente jours de la demande d’adaptation, la partie qui aura invoqué la clause aura le
droit de mettre fin au contrat sans préavis ni indemnité. Elle devra user de cette faculté
dans un délai supplémentaire de trente jours, faute de quoi le contrat s’exécutera sans
modification aucune des conditions contractuelles »739.
La clause de hardship, dont la finalité est de protéger les intérêts des parties,
opère, dans ces hypothèses, comme une véritable clause d’exonération740
. Elle permet
au franchisé de résilier le contrat tout en le dispensant de payer des dommages et
intérêts. Comme le relèvent certains auteurs : « En optant pour ce régime, les parties
entendent donner la primauté au maintient de l’équilibre économique du contrat et
sacrifiant ainsi à sa propre survie »741. Ainsi, la volonté de rupture de l’une des parties
au contrat de franchise peut résister à la perspective d’une continuation de celui-ci sous
une forme modifiée.
739
FONTAINE et F. DELY, Droits des contrats internationaux, Analyse et rédaction de clauses, Bruylant,
2003, p. 499 et spéc., p. 518 et s. 740
D. MATRAY et F. VIDTS, Les clauses d’adaptation de contrats, in Les grandes clauses des contrats
internationaux, Bruxelles, 11 et 12 mars 2005, Bruylant, 2005, p.93, et spéc., 127. 741
Ibid.
212
208. Conclusion de la section I - Cause d’exonération, cause d’irresponsabilité, la
force majeure emporte la destruction anticipée des relations contractuelles qui existent
entre le franchiseur et le franchisé dès lors qu’elle rend définitivement impossible la
poursuite du contrat de franchise. En pareille hypothèse, le contrat s’éteint de plein droit
à compter de la réalisation de l’évènement de force majeure. En revanche, la situation
est différente s’il s’agit de cas de hardship qui traduisent un changement de
circonstances remettant en cause l’économie du contrat. A la différence du cas de force
majeure, la survenance de hardship ne rend pas définitivement impossible l’exécution
du contrat de franchise, mais simplement difficile, et plus onéreuse pour l’une des
parties. Par conséquent, il n’est donc pas de nature, en droit français, à entraîner
l’extinction de plein droit du contrat de franchise. Elle entraîne non plus la
renégociation de plein de droit des termes du contrat profondément déséquilibré. Il n’en
va autrement qu’en présence d’une clause contraire. En dehors des hardship ou de cas
de force majeure, il convient de noter que les causes d’extinction des relations du
contrat de franchise peuvent parfois être inhérentes aux parties.
213
SECTION II - EXTINCTION DU CONTRAT DE FRANCHISE POUR CAUSES
INHERENTES AUX PARTIES : L’ATTEINTE A L’INTUITUS PERSONAE
AFFECTANT LES PARTIES
209. Intuitus personae et son incidence. L’intuitus personae, dont l’image classique de
se manifeste dans les contrats à titre gratuit742
, est une notion « insaisissable »743
, « à
géométrie variable »744
. Il signifie que le contrat est conclu en considération de la
personne du contractant745
. Il trouve son terrain d’élection dans les contrats de
franchise. Dans ces derniers, la personnalité du franchiseur ou du franchisé constitue un
élément essentiel. Elle est même la matière de ce genre de contrats puisqu’elle participe
à leur objet746
. Cette prise en compte de la personne du contractant dans le contrat de
franchise, et notamment le franchisé, s’explique par le fait que ce type de contrat
contient par nature une licence de marque, et le transfert par le franchiseur d’un savoir-
faire et d’une assistance technique. Par conséquent, il implique un rapport de
collaboration et de confiance très étroite entre les parties afin de mettre en place un
système homogène de distribution. Certes, le choix de la personne, membre du réseau, a
pour effet d’assurer la bonne exécution du contrat de franchise. Cependant, il n’est pas
sans inconvénient sur la survie du contrat de franchise. Sa présence est de nature à
fragiliser les relations contractuelles. Le contrat de franchise est voué à l’échec dès lors
que, l’une des parties dont la personnalité a été prise en compte lors de la conclusion du
contrat, disparaît (§ 1) ou même lorsqu’il y a une mutation dans l’une de ses qualités
déterminant la conclusion du contrat (§ 2).
742
J. GHESTIN, Traité de droit civil, La formation du contrat, LGDJ 1993, n° 537, p. 501. 743
L. AYNES, La cession de contrat, Economica , 1984 , préface Ph. Malaurie, n° 331. 744
Ph.Le TOURNEAU, « Contrat intuitu personae », J-C1. Contrats- distribution, 1998, fasc. 420, n° 34. 745
M. CONTAMINE-RAYNAUD, L’intuitus personae dans les contrats, th., Paris II 1974 , n° 28, p.33. 746
Sur ce point, M. BOURGEOIS, La personne objet de contrat, Recherche paradigme, 2005.
214
§1. Disparition du contractant
210. Plan. Evènement susceptible d’entraîner la destruction précoce du contrat de
franchise, la disparition du contractant peut résulter aussi bien de sa fin (A), que de son
changement (B).
A. Disparition due à la fin du contractant 211. Annonce. La disparition du contractant à un contrat de franchise peut avoir pour
cause son décès s’il s’agit d’une personne physique (1) ou sa dissolution s’il s’agit
d’une personne morale (2)
1. Le décès du contractant personne physique
212. Principe et exception. En principe, le décès du contractant n’est pas une cause
d’extinction du contrat747
. Celui-ci se transmet aux héritiers du défunt qui lui succèdent
et prennent sa suite dans l’exécution du contrat748
. Cette solution, qui trouve son
fondement dans les articles 1122 749
et 724 750
du code civil, s’explique par le souci de
préserver autant que possible la stabilité des relations contractuelles751
. Cependant, le
principe de la transmission du contrat de plein droit aux héritiers n’est pas absolu.
747
V. M. BEHAR-TOUCHAIS, Le décès du contractant, Economica, 1988, préface G. Champenois. 748
V. M.-L. IZORCHE, Circulation du contrat, J-CI Contrats-distribution, 1995, fasc., 160, n° 17. 749
Article 1122 du Code civil : « On est censé avoir stipulé pour soi et pour ses héritiers et ayants cause, à moins que le contraire ne soit exprimé ou ne résulte de la nature de la convention ». 750
Article 724 du Code civil : « Les héritiers désignés par la loi sont saisis de plein droit des biens, droits et actions du défunt (…) » 751
J.-M. MOUSSERON, Technique contractuelle, par. P. MOUSSERON, J. RAYNARD, J -B. SEUBE,
Edition Francis Lefebvre, 3e édition, 2005, n° 1184, n° 4 : « Prohiber, à l’instar des droits primitifs, toute
transmission des positions contractuelles serait, en effet, grave puisque cela reviendrait à affirmer le caractère viager de toutes les dettes et créances et la caducité générale des contrats au décès de l’un des partenaires avec les nombreuses difficultés de liquidation dues au développement hétérogène dans le temps des effets des accords ».
215
En effet, certains contrats ne peuvent pas survivre à la mort du contractant en
raison de leur caractère intuitus personae. Celui-ci fait obstacle à la circulation du
contrat étant donné qu’il impose l’exécution personnelle752
. Tel est le cas du contrat de
franchise753
. Dans ce dernier, la personnalité du contractant, notamment le franchisé, est
prise en compte lors de la conclusion du contrat. C’est le Seul qui peut exécuter
valablement le contrat. Par conséquent, lorsqu’il disparaît, cette disparition entraîne ipso
facto la fin anticipée du contrat754
. Il y a là une impossibilité d’exécution du contrat de
franchise. L’intuitus personae rend en effet impossible toute substitution des héritiers
aux contractants.
213. Caducité ou résiliation du contrat ? Toutefois, la qualification juridique de
l’extinction du contrat de franchise due à la disparition de l’une des parties suscite un
débat doctrinal. Pour certains auteurs, le décès du contractant dans un contrat conclu
intuitus personae entraîne sa résiliation755
.
752
M. BEHAR-TOUCHAIS, « Le décès du contractant », Economica, 1988, préface G. Champenois, n°
120, p.115, n° 158, p.145 : « Le décès du contractant, entraînant la disparition de sa personne physique, rend l’objet de son obligation ou de son droit impossible, et provoque la disparition de cette obligation ou de ce droit ». V. Ph. Le TOURNEAU, Le contrat intuitus personae, J-CI.Contrats-distribution, 2003,
fasc. 420, n° 89 ; M-E. ANDRE, « L’intuitus personae dans les contrats entre professionnels », in
Mélange. M. Cabrillac, Dalloz 1999, p.23 et spéc, n°21. M. CONTAMINE-RAYNAUD L’intuitus
personae dans les contrats, th., Paris II, 1974, n°103, p.141, et s 753
Y. MAROT, L’intuitus personae, L’officiel de la franchise, février 2008, n° 78, p.130 ; M.
MALAURIE-VIGNAL, Droit de la distribution, Sirey, 2006, n° 728, p.199 et s ; D. FERRIER, Droit de
la distribution, Litec, 4e édition, 2006, n° 713, p. 317 et s ; J.-M. LELOUP, La franchise, Droit et
pratique, Delmas, 4e édition, 2004, n° 1505, p. 266 ; Ph. Le TOURNEAU, Les contrats de franchisage,
Litec, 2003, n° 329, p.115 ; L. GIMALAC, S. GRAC, La franchise, Guide juridique et pratique,
Puitsfleuri, 2003, p.18 ; D. MATRAY, Introduction générale, in Le contrat de franchise, Bruylant, 2001,
séminaire organisé à Liège Le 29 septembre 2000, p.7, et spéc., p.23 et s ; Ch. ATIAS, Le contentieux de
la franchise, Analyse Loyers, 1996, n° 331; F. COLLART-DUTILLEUL, Ph. .DELEBECQUE, Contrats
civils et commerciaux, Précis Dalloz, 7e édition, 2004, n° 956, p.935 ; J -M. MOUSSERON, Technique
contractuelle, par P. MOUSSERON, J. RAYNARD, J -B. SEUBE, Edition Francis Lefebvre, 3e édition,
2005, n°1186. D. KARJESKI, L’intuitus personae dans les contrats, th., Toulouse, 1998, n 173, p.171. 754
CA Poitiers, 17 juin 1981, JCP G 1984, II, 20184, note. J. BEAUCHARD V. D. MATRAY,
Introduction générale, in Le contrat de franchise, Bruylant, 2001, séminaire organisé à Liège Le 29
septembre 2000, p.7, et spéc., p.23 ; Ph. .BESSIS, Le contrat de franchisage, L.G.D.J, 1990, n°83, p.94 ;
F. COLLART-DUTILLEUL, Ph. DELEBECQUE, op.cit., n° 956, p. 935. 755
H, L., J. MAZEAUD et F. CHABAS, Leçons de droit civil, Les obligations, t. II, 9e édition ,
Montchrestien , 1998, n° 739 , p.863 ; M. BEHAR-TOUCHAIS, Le décès du contractant, Economica,
1988, préface.G. Champenois, n° 122, p.117 ; du même auteur, Extinction du contra, J -CI. Contrats et
distribution, 1998, fasc. 175, n° 89 : « Il s’agira d’un effet résolutoire de l’acte juridique lui-même, si le contrat est à exécution instantanée .En revanche, si le contrat est à exécution successive, l’effet résolutoire concerne la ou les seules obligations non encore exécutées au moment du décès ». La
qualification de résiliation en cas de décès a été retenue dans certains droits étrangers ; M.
GAËLKOSTIC, L’intuitus personae dans les contrats de droit privé, th., Paris V, 1997, n° 511, p. 350 ;
D. M. CONTAMINE-RAYNAUD, L’intuitus personae dans les contrats, th., Paris II, 1974, n° n°208 ,
214 , n° 229 , 237. La qualification de résiliation de l’extinction du contrat en cas de décès du
cocontractant est aussi retenue dans beaucoup de droits étrangers. Ainsi en droit belge dans lequel la
doctrine considère que le décès est une cause de résiliation du contrat qui, comme telle, opère ex nunc( P -
216
Ils justifient leur analyse par le fait que tout contrat marqué d’intuitus personae
contient tacitement une clause prévoyant la résiliation de plein droit en cas de décès de
l’un des contractants756
. Suivant cette analyse, le décès du franchisé ou du franchiseur a
donc pour conséquence d’entraîner la résiliation du contrat de franchise. D’autres
estiment que l’extinction d’un contrat en cas de décès doit être qualifiée de caducité757
.
Cette dernière qualification nous paraît plus adéquate. En effet, la résiliation est un
mécanisme qui trouve sa mise en œuvre en cas d’impossibilité d’exécution imputable à
l’une des parties. Or, cela n’est pas le cas en cas de décès de l’une d’elles. Celui-ci n’a
pas pour origine une faute. Il constate simplement un fait juridique qui s’impose aux
parties. Dès lors, le mécanisme de la résiliation devrait être écarté au profit de celui de
la caducité. Il n’en va autrement qu’en présence d’une clause d’intuitus personae
prévoyant la résiliation du contrat.
214. La stipulation fréquente de clauses d’intuitus personae. Fréquemment, les
contrats de franchise contiennent des clauses d’intuitus personae758. Selon ces clauses,
en cas de décès de l’une des parties, le contrat de franchise ne pourra être transmis à ses
héritiers qu’avec l’agrément préalable de l’autre partie 759
.
H. DELVAUX, Les causes d’extinction des contrats en droit belge, RDAI/ 1997, n° 7, p.837 et préc., n°5,
p.842). Il en va de la même en droit anglais (P -R. ELLINGTON, « Termination of contracts Under
English Law », RDAI / 1997, n° 7, p.857, et spéc., p.865). 756
H, L., J. MAZEAUD et F. CHABAS, Leçons de droit civil, Les obligations, t. II, 9e édition ,
Montchrestien, 1998, n° 739, p.863. Pour ces auteurs, lorsqu’un contrat est conclu intuitus personae, le
décès de l’un ou de l’autre des contractants entraîne la résiliation automatique du contrat. Cette résiliation
est conventionnelle, et trouve sa source dans la volonté tacite des parties de mettre fin à leur contrat en
cas d’une atteinte à intuitus personae. Ces auteurs observent ainsi : « Lorsque le contrat est résilié par le décès de l’une des parties, on ne se trouve pas, d’ailleurs, en présence d’une résiliation forcée, mais bien plutôt d’une résiliation conventionnelle tacite ; en contractant intuitus personae, les parties se sont implicitement entendues que le contrat cessera par le décès du débiteur, ou par tout événement de force majeure (infirmité, etc.) rendant impossible pour le débiteur l’exécution de ses obligations .Il en résulte que les contractants peuvent valablement stipuler une convention contraire ». 757
En ce sens, v. R. CHAABAN, La caducité des actes juridiques, Etude de droit civil, LGDJ, 2005,
préface Y. Lequette, n° 94, p. 98 ; C. PELLETIER, La caducité des actes juridiques en droit privé
français, L. Harmattan, 2004, préface P. Jestaz, n° 143, p.191 ; M.-E. ANDRE, L’intuitus personae dans
les contrats entre professionnels, in Mélanges. M. Cabrillac, Dalloz, 1999, p. 23, n° 22, p.32 et s ; F.
GARRON, La caducité du contrat, PUAM, 1999, préface. J. Mestre, n°122, p.152, et spéc., n° 127,
p.154 ; P.-L. FORIERS, La caducité des obligations contractuelles par disparition d’un élément essentiel
à leur formation, Bruylant, Bruxelles, 1998, n° 27, p.32 ; B. MERCADAL, Les causes d’extinction des
contrats en droit français, RDAI / 1997, n° 7, p.869, et spéc., 870. J.-M. MOUSSERON, Technique
contractuelle, par P. MOUSSERON, J. RAYNARD, J.B. SEUBE, Edition Francis Lefebvre, 3e édition,
2005, n° 1202 et s. 758
O. GAST , La clause de personnalité ou « d’intuitus personae » dans les contrats de franchise , LPA
18 décembre 1987, n° 151 , p.7 ; J. CALVO, Les clauses d’intuitus personae dans les contrats
commerciaux, LPA 5 juillet 1996 , n° 81, p.10. 759
O. GAST, opt.cit.
217
La stipulation de telles clauses est admise par la jurisprudence. Celle-ci reconnaît
leur validité dès lors qu’elles sont expressément prévues dans le contrat et qu’elles sont
mises en œuvre de manière loyale760
. Elles sont, dans la quasi-totalité des cas, stipulées
au profit du seul franchiseur. Elles sont souvent rédigées ainsi : « Le présent contrat est
strictement personnel ; il est résilié de plein droit en cas de décès du franchisé »761. Ce
renforcement de l’intuitus personae à l’égard du franchisé s’explique, en réalité, par
l’appartenance du franchisé au réseau de franchise et par le fait que sa défaillance
produira des effets négatifs sur l’activité des autres franchisés et sur l’image du
franchiseur762
.
A vrai dire pour faire obstacle à la transmission du contrat de franchise en cas de
décès, les parties n’ont pas a priori besoin de recourir à la stipulation de telles clauses.
Il est unanimement admis que le contrat de franchise est un contrat conclu intuitus
personae763. Cela est considéré comme allant de soi.
760
Voir par exemple, Cass. com., 2 juillet 1991, RJDA 1991, n°70 ; RTD civ. 1992, p.93, obs. J.
MESTRE. En l’espèce, un contrat de concession d’automobile a été conclu entre un concédant (la société
Peugeot) et un concessionnaire (la société Carles) pour la concession, dans la ville de Tulle, des véhicules
de marque Talbot. Ce contrat comportait une clause selon laquelle en cas de changement dans la personne
du concessionnaire, le contrat de concession serait résilié de plein droit. A la suite du décès du président
de la société concessionnaire, la société concédante avait résilié le contrat de concession conformément à
la clause prévue. Toutefois, le nouveau dirigeant, qui était le fils du précédent et qui n’avait pas pu
convaincre le concédant que la concession lui soit à nouveau accordé, a assigné la société concédante
pour rupture abusive. La Cour d’appel de Paris lui a donné gain de cause, et condamné la société
concédante à des dommages et intérêts pour rupture abusive. Insatisfait de cet arrêt, la société concédante
a formé un pourvoi. Or, ce pourvoi fut rejeté par la Chambre commerciale de la Cour de cassation ayant
déclaré : « Mais attendu que l’arrêt du 11 juillet 1984, par des motifs expressément repris par l’arrêt du 7 juillet 1988, a constaté qu’après avoir, huit jours à peine après le décès du président de la société Carles, pris acte de la résiliation de plein droit du contrat de concession, la société Peugeot, saisie d’une nouvelle candidature de la même société Carles, qu’elle s’était engagée à examiner par priorité et dont les circonstances révèlent qu’elle méritait une étude sérieuse et approfondie, lui a signifié sa décision avec une précipitation excessive, sans faire d’enquête, sans rechercher à compléter son information ni solliciter de renseignements ; qu’ayant relevé que la brusquerie avec laquelle la société Peugeot a d’abord signifié la résiliation du contrat, puis écarté l’offre d’en conclure un nouveau, rendait illusoire et sans intérêt le droit du concessionnaire de proposer un successeur et révélait que la décision était déjà prise de confier la concession Talbot à un autre, la cour d’appel a pu déduire de l’ensemble de ces constatations et appréciations que la façon dont la société Peugeot avait exercé son droit de choisir son nouveau concessionnaire, présentait un caractère abusif et constituait une faute ». 761
O. GAST , La clause de personnalité ou « d’intuitus personae » dans les contrats de franchise , LPA
18 décembre 1987, n° 151 , p.7 ; J.CALVO, Les clauses d’intuitus personae dans les contrats
commerciaux, LPA 5 juillet 1996 , n°81 , p.10. 762
D. FERRIER, Franchise, Rép. com. Dalloz 1996, n°88. 763
Y. MAROT, L’intuitus personae, L’officiel de la franchise, février 2008, n° 78, p.130 ; M.
MALAURIE-VIGNAL, Droit de la distribution, Sirey, 2006, n° 728, p.199 et s ; D. FERRIER, Droit de
la distribution, Litec, 4e édition, 2006, n° 713, p. 317 et s ; J.-M. LELOUP, La franchise, Droit et
pratique, Delmas, 4e édition, 2004, n° 1505, p. 266 ; Ph. Le TOURNEAU, Les contrats de franchisage,
Litec, 2003, n° 329, p.115 ; L. GIMALAC, S. GRAC, La franchise, Guide juridique et pratique,
Puitsfleuri, 2003, p.18 ; D. MATRAY, Introduction générale, in Le contrat de franchise, Bruylant, 2001,
séminaire organisé à Liège Le 29 septembre 2000, p.7, et spéc., p.23 et s ; Ch. ATIAS, Le contentieux de
218
Pourtant, la pratique révèle que leur stipulation est omniprésente, de manière
presque systématique, en matière de contrats de franchise,764
et aussi dans la majorité
des contrats d’affaires765
, de sorte qu’ il est souvent difficile de méconnaître le caractère
personnel dans ce genre de contrats766
. Cela peut, peut-être, s’expliquer par la volonté
des contractants d’affirmer le caractère personnel de leur relation contractuelle, et
d’éviter, donc, tout éventuel risque d’élimination du caractère personnel de leur
contrat767
, ou une discussion éventuelle sur ce point. Notons, enfin, que si le décès de la
personne physique entraîne la disparition du contrat de franchise, il en va de même pour
la dissolution de la personne morale.
2. La dissolution du contractant personne morale
215. Diversité des causes de dissolution. La société franchisée ou franchiseur comme
« la personne physique n’est pas éternelle : elle naît, elle vit et elle meurt. La mort de
la société s’appelle la dissolution »768.
En réalité, les causes de dissolution de la société, partie à un contrat de franchise,
peuvent être diverses. Elles peuvent être liées à l’expiration du temps pour lquelle elle a
été constituée769
, à la réalisation ou à l’extinction de son objet ou à l’annulation du
contrat de société.
la franchise, Analyse Loyers, 1996, n° 331 ; F. COLLART-DUTILLEUL, Ph. DELEBECQUE, Contrats
civils et commerciaux, Précis Dalloz, 7e édition, 2004, n° 956, p.935 ; J.-M. MOUSSERON, Technique
contractuelle, par P. MOUSSERON, J. RAYNARD, J.-B. SEUBE, Edition Francis Lefebvre, 3e édition,
2005, n°1186. D. KARJESKI, L’intuitus personae dans les contrats, th., Toulouse, 1998, n 173, p.171. 764
O. GAST, La clause de personnalité ou « d’intuitus personae » dans les contrats de franchise, LPA 18
décembre 1987, n°151, p.7. 765
J. CALVO, Les clauses d’intuitus personae dans les contrats commerciaux, LPA 5juillet 1996, n°81,
p.10 766
J. MESTRE, RTD civ.1987, p. 747 : « Il n’est de nos jours guère possible de méconnaître la présence de l’intuitus personae dans la plupart des contrats conclus par une entreprise (non seulement contrats bancaires, mais encore concession, franchise, agence commerciale, ingénierie, etc) ». 767
M. AZOULAI, L’élimination de l’intuitus personae dans le contrat, in La tendance à la stabilité du
rapport contractuel, LGDJ 1960, p.2. 768
A. BRUNET, Dissolution, Rép. société. Dalloz, n°1. 769
Ex. Cass. com., 23 octobre 2007, pourvoi n° 05-19.092.
219
Elles peuvent aussi être liées à la dissolution anticipée décidée par les associés
770ou à la dissolution anticipée prononcée par le tribunal à la demande de l’un d’entre
eux, à la liquidation judiciaire de la société771
ou enfin à la mésentente entre associés
paralysant le fonctionnement de la société772
. Outre ces hypothèses, la dissolution de la
société partie au contrat de franchise peut être due à l’opération de fusion avec une autre
société. En pareille hypothèse, la dissolution de la société absorbée est en principe sans
incidence sur la survie des contrats qu’elle a conclus. Selon, les articles L. 372-1, al. 1 et
381 al. 1 du Code de commerce, le principe est la transmission universelle du
patrimoine de la société absorbée par la société absorbante773
. Tous les contrats
auxquels la société absorbée était partie seront poursuivis par la société absorbante.
Celle-ci remplace la société absorbée dans ses engagements à l’égard des tiers. Un tel
principe de transmission universelle du patrimoine de la société absorbée à la société
absorbante en cas de fusion a le mérite d’apporter la souplesse que la pratique recherche
dans les opérations de restructurations sociétaires. « Tout le socle juridique de l’activité
économique transférée est sauvegardé »774.
Toutefois, si le principe est la transmission du patrimoine en cas de fusion, ce
principe ne peut s’appliquer au contrat de franchise et à tous les contrats marqués par
intuitus personae de façon générale.
770
V. Cass. com., 31 octobre 2006, Revues des sociétés, 2007, p.559, obs. L. AMIEL-COSME. 771
Ph. MERLE, Droit commercial, Sociétés commerciales, Précis Dalloz, 10e édition, 2005, n° 105, et s.
772 H. LECUYER, Mésentente entre associés : dissolution pour la bonne cause, Rev. Droit des sociétés,
n°11, novembre 2005, 190. 773
Article 372-1, al. 1er
du code de commerce : « La fusion ou la scission entraîne la dissolution sans liquidation des sociétés qui disparaissent et la transmission universelle de leur patrimoine aux sociétés bénéficiaires, dans l’état où il se trouve à la date de réalisation définitive de l’opération. Elle entraîne simultanément l’acquisition, par les associés des sociétés qui disparaissent, de la qualité d’associés des sociétés bénéficiaires, dans les conditions déterminées par le contrat de fusion ou de scission ». Article
381, al. 1er
: « La société absorbante est débitrice des créanciers non obligataires de la société absorbée au lieu et place de celle-ci sans que cette substitution emporte novation à leur égard ». 774
C. PRIETO, La société contractante, PUAM, 1994, préface .J. Mestre. n° 577, p. 329, et spcé., p.330.
220
Cet intuitus personae s’oppose en effet à sa transmission de plein droit en cas de
fusion775
. Il l’emporte sur le principe de la transmission universelle du patrimoine 776
.
Le contrat de franchise ne peut donc être transmis à la société absorbante, sauf accord
contraire de la part des parties777
, d’où l’éventuelle extinction du contrat de franchise778
.
216. Caducité du contrat. Peu importe la cause de la dissolution de la société
franchisée ou franchiseur, celle-ci entraîne ipso facto l’extinction anticipée du contrat de
franchise779
. En pareille hypothèse, le contrat devient caduc pour cause de disparition
d’un des éléments essentiels à sa survie qui rend impossible son exécution.
775
Cass. com., 29 octobre 2002, n° 01-03. 987 ; RJDA. 2003, n° 263 ; RTD civ. 2003, p.295. obs. J.
MESTRE et B. FAGES ; Dr. patr. 2003, n°117, p.98, obs. D. PORACCHIA. Dans cet arrêt où un agent
commercial réclamait à la société bénéficiaire d’un apport partiel d’actif les indemnités de rupture du
contrat qui le liait à la société apporteuse, la Cour de cassation a approuvé les juges du fonds d’avoir
rejeté cette demande, au motif que le contrat d’agence commercial conclu en considération de la personne
ne peut être transmis, même par cession partielle d’actif, qu’avec l’accord du cessionnaire et de l’agent.
V. plus récemment, Cass. com., 7 juin 2006, pourvoi n° 05-11. 384 ; D. 2006, p. 1685, obs. A.
LIENHARD. 776
Sur ce point, v. R. HOUIN, obs sous CA Amiens, 5 octobre 1974, RTD com.1975, p.136 : « il peut donc exister des biens qui ne peuvent pas être transmis par la société absorbée à la société absorbante ; tel est le cas aussi des contrats qui présentent un caractère intuitus personae ». V. aussi, C. PRIETO, La société contractant, PUAM, 1994, préface J. Mestre, n° 685, p.415: « (…) l’intuitus societatis produit des effets importants face aux événements sociétaires. Tout d’abord, le contrat intuitus societatis contrarie nécessairement la règle de la transmission universelle du patrimoine, en s’attachant à la dissolution de la société en dépit de l’absence de liquidation. La continuation de la personne morale est inefficace pour emporter la poursuite du contrat. Ensuite, l’intuitus societatis contrarie de la même façon le maintien de la personne morale, en s’attachant à la perte de la qualités due à certains événements sociétaires ». C. PRIETO, Evènement affectant la personne de la société contractante, in La cessation des
relations contractuelles d’affaires, sous la dir. J. Mestre, PUAM, 1997, p.81 ; A. VIANDIER, Les
contrats conclus intuitus personae face à la fusion des sociétés, in Mélanges. Ch. Mouly, Litec, 1998,
p.193. A. VIANDIER, Limites au principe de transmission universelle du patrimoine en cas d’apport
partiel actif, JCP E 2004, n° 49, 1774 ; O. BARRET, A propos de la transmission universelle du
patrimoine d’une société , in prospective du droit économique, Dialogue avec M. JEANTIN, Dalloz,
1999, p.109 ; Y. DELGOVE, Le sort du contrat en cas de restructuration de la société contractante, Dr.
patri, 1999, n° 72, p.76 ; Cass. com. 29 octobre 2002, D. 2003, n° 32, p. 2231, note .J -P. BRILL et
C.KOERING, « Apport partiel d’actif, transmission universelle de patrimoine et contrat conclu intuitus
personae : un dérapage » ; N. PERREAU et C. ACKERMANN, « La transmission de contrats intuitus
personae dans le cadre d’opération d’apport partiel d’actif et de fusion », L PA, 3 juin 2004, n° 111, p.4 ;
J. MONNET et H. HOVASSE, « Fusion. Contrats intuitus personae », Dr. sociétés. 2006, p. 23 ; P. Le
CANNU, Fusion et changement du partenaire : les baux jours de l’intuitus personae, RTD civ. 2006, p.
429 ; P.-Y. BERARD, Les fusions à l’épreuve de l’intuitus personae, RTD com. 2007, p. 279. 777
Cass. com.,3 juin 2008, pourvoi n° 06-18.007 ; D ; 2008, p.1623.obs. A. LIENHARD 778
V. D. MATRAY, Introduction générale, in Le contrat de franchise, Bruylant, 2001, séminaire organisé
à Liège Le 29 septembre 2000, p.7, et spéc., p.24. 779
L. GIMALAC et S. GRAC, La franchise, Guide juridique et pratique, Puits fleuri, 2003, p.18 ; D.
MATRAY, Introduction générale, in Le contrat de franchise, Bruylant, 2001, séminaire organisé à Liège
Le 29 septembre 2000, p.7, et spéc., p.24.
221
C’est ce qu’illustre l’arrêt du 18 février 1997. Dans cette décision, rendue à propos
d’un contrat de concession de marque, la Chambre Commerciale de la Cour de
cassation a reconnu tacitement la caducité du contrat de concession en raison de la
fusion de la société concessionnaire. Elle a approuvé l’arrêt d’appel en décidant que :
« Après avoir retenu qu’un contrat de concession de marque au profit d’une société
prévoyait une impossibilité de transfert de droit et qu’à partir de la date de
l’absorbation définitive de la société concessionnaire de la marque, la personnalité
morale du concessionnaire de la marque avait disparu, une cour d’appel a pu décider
que le contrat de concession de marque avait cessé d’exister à compter de cette date »
780. La même solution se rencontre lorsque la disparition de celui-ci est due au
changement de contractant.
B. Disparition due au changement de contractant
217. Problématique. Au cours du contrat de franchise, bien des évènements volontaires
ou fortuits peuvent affecter la situation de l’une des parties. Tel est, par exemple, le cas
lorsqu’ un contrat de franchise, après avoir été bien adapté aux objectifs et aux besoins
des parties, devient pour le franchisé ou le franchiseur un fardeau inutile. Le contrat lui-
même garde son utilité et sa raison d’être, mais l’une des parties ne peut pas poursuivre
son exécution, soit parce qu’elle n’a pas les moyens de l’exécuter, soit parce qu’elle ne
le désire pas. Que se passe-t-il dans ces hypothèses ? Le franchisé ou le franchiseur
peut-il céder son contrat avec, ou non, son fonds de commerce à un tiers qui le remplace
dans l’exécution du contrat et donc éviter le paiement d’une indemnisation qui serait
allouée au cocontractant s’il y avait résiliation du contrat ? Le principe, en la matière,
est l’incessibilité du contrat de franchise en raison de son caractère intuitus personae. Il
en résulte que la disparition du franchiseur ou du franchisé, à l’égard duquel cette
question se pose souvent -à travers la cession du contrat ou de son fonds de commerce-
entraîne normalement l’extinction de plein droit du contrat (1). Toutefois, ce principe
souffre de plus en plus de tempéraments en pratique (2).
780
Cass. com., 18 février 1997, Rev. sociétés. 1998, p. 324, note. Ph. FORTUIT.
222
1. Le principe : extinction en cas de cession du contrat de franchise
218. Principe de l’incessibilité du contrat et ses conséquences. La question de la
cession du contrat a fait l’objet d’une vive controverse doctrinale. Certains auteurs
contestent la possibilité de la cession du contrat781
, tandis que d’autres l’admettent782
.
Toutefois, la jurisprudence a mis fin à ce débat doctrinal en admettant la possibilité
pour une partie de céder son contrat avec le consentement de son cocontractant783
. En
matière de contrat de franchise, le principe est l’incessibilité du contrat en raison de son
caractère intuitus personae784.
781
J. GHESTIN, Ch. JAMIN, M. BILLIAU, Les effets du contrat, L.G.D.J, 3e édition, 2001, n° 1024 et
spéc., n° 1044 et s ; Ch. JAMIN, Cession de contrat et consentement du cédé, D. 1995, Chron., p. 131 ;
M. BILLIAU, Cession de contrat ou « délégation » de contrat, JCP. G 1994 I, 3758. Ces auteurs
considèrent que la cession du contrat conventionnelle ne peut être admise. Pour justifier leur analyse, ces
auteurs invoquent deux arguments de texte. D’abord, l’article 1134 du Code civil interdit à un contractant
de modifier unilatéralement les termes de son engagement. Ainsi, selon eux, non seulement le cédé peut
continuer à se prévaloir du contrat à l’encontre du cédant mais, en outre, celui-ci devrait demeurer tenu de
ses obligations à l’égard de lui. Ensuite, l’article 1156 du Code civil qui pose le principe de l’effet relatif
des conventions s’oppose à ce que le cessionnaire exige à son profit l’exécution du contrat et puisse agir à
l’encontre du cédé avec lequel il n’a pas contracté. En d’autres termes, ce courant doctrinal considère que
la convention conclue entre le cédant et le cessionnaire est inopposable au cédé en l’absence de l’accord
de celui-ci. Si, en revanche, le cédé donne son consentement, il participe à l’opération et il n’est donc plus
possible de parler de cession de contrat puisque c’est un nouveau contrat qui se noue entre le cédé et le
cessionnaire. L’échange du consentement engendre, pour eux, un contrat nouveau et qui se forme entre le
cédé et le cessionnaire, dont les caractéristiques sont exactement identiques au contrat cédé. 782
L. AYNES, La cession de contrat et les opérations juridiques à trois personnes, Economica, 1984,
préface Ph. Malaurie, n°73, et s. L. AYNES, Les clauses de circulation du contrat, in Les principales
clauses des contrats conclus entre les professionnels, PUAM, 1990, p. 131. Cet auteur, adoptant une
conception objective du contrat, admet la cession de contrat. Selon lui, le contrat doit être appréhendé
comme un bien et, à ce titre, doit pouvoir, comme tout autre élément du patrimoine, être cédé. Il s’agit,
dit-il, de la cession du « rapport contractuel » et non du « rapport d’obligation ». Ce faisant, l’institution
ne se heurte pas aux principes « qui forment les colonnes du temple contractuel ». D’une part, le principe
d’intangibilité ne s’oppose pas au changement de l’une des parties au contrat car les obligations assumées
par le cessionnaire restent identiques à celles souscrites au profit du cédé, notamment à leur cause, objet
et modalités. D’autre part, le principe de l’effet relatif ne s’applique ici car le cessionnaire perd sa qualité
de tiers pour endosser celle de partie au contrat. Ainsi, la cession du contrat permet d’assurer le respect
des articles 1134 et 1165 du Code civil dans la mesure où elle permet au contrat successif de demeurer
obligatoire malgré la modification de l’une des parties. 783
Cass. com., 7 janvier 1997, pourvoi n°94-16.335 et n° 95-10.252. 784
Ph. Le TOURNEAU, Les contrats de franchisage, Litec, 2e édition, 2007, n° 259, p.119 et s ; M.
MALAURIE-VIGNAL, Droit de la distribution, Sirey, 2006, n° 728, p.199 et s ; D. FERRIER, Droit de
la distribution, Litec, 4e édition, 2006, n° 713, p.317 et s ; J.-M. LELOUP, La franchise, Droit et pratique,
Delmas, 4e édition, 2004, n°1505, p.266 ; D. MATRAY, Introduction générale, in Le contrat de franchise,
Bruylant, 2001, séminaire organisé à Liège Le 29 septembre 2000, p.7, et spéc., p.23 et s ; J.-M.
MOUSSERON, Technique contractuelle, par P. MOUSSERON, J. RAYNARD, J.-B. SEUBE, Edition
Francis Lefebvre, 3e édition, 2005, n°1186. D. KARJESKI, L’intuitus personae dans les contrats, th.,
Toulouse, 1998, n 173, p.171 ; M. MALAURIE-VIGNAL, Intuitus personae et liberté de la concurrence
dans les contrats de la distribution, JCP E 1998, n° 7, p.260.
223
Cet intuitus personae, renforcé par une solidarité commerciale de fait et par la
poursuite d’intérêts communs, fait obstacle à ce que l’une des parties cède le contrat
seul ou avec son fonds de commerce sous quelque forme que ce soit785
. En
conséquence, lorsque l’une des parties au contrat de franchise cède son contrat, cette
cession emporte extinction de plein droit du contrat, sauf agrément de l’autre partie786
.
En pareille hypothèse, le contrat devient caduc pour cause de disparition d’un élément
essentiel à son existence ou à sa survie tenant à l’une des parties.
219. La portée du principe de l’incessibilité. Intuitus personae unilatéral ou
bilatéral ? Certaines décisions ont jugé que l’intuitus personae dans les contrats de
franchise a un caractère unilatéral787
, et qu’il ne touche que la personne du franchisé.
Par conséquent, le principe de l’incessibilité du contrat de franchise n’est pas opposable
au franchiseur qui peut céder le contrat sans l’agrément préalable du ou des franchisés.
Il n’en va autrement qu’en présence d’une clause qui interdit à toutes les parties de
céder le contrat sans l’agrément de l’autre.
Une partie de la doctrine approuve ces décisions. Elle estime que le contrat de
franchise n’est conclu intuitus personae qu’au égard de la personne du franchiseur788
.
785
Ph. Le TOURNEAU, Les contrats de franchisage, op.cit., n° 259, p.119 et s D. MATRAY,
Introduction générale, in Le contrat de franchise, Bruylant, 2001, séminaire organisé à Liège Le 29
septembre 2000, p.7, et spéc., p.23 et s. 786
Cass. civ.,1er
, 6 juin 2000, n° 97-19.347 ; RTD civ. 2000, p.571, obs. J. MESTRE et B. FAGES. Dans
cet arrêt, la Cour de cassation a jugé que « le fait qu’un contrat ait été conclu en considération de la personne du cocontractant ne fait pas obstacle à ce que les droits et obligations de ce dernier soient transférés à un tiers dès lors que l’autre partie y a consenti ». 787
CA Paris 6 février 1992, Juris-Data n° 020332. Il a été jugé que si dans le contrat de franchise, il existe
un intuitus personae au profit du franchiseur qui agrée les franchisés, il n’en va pas de même pour ces
derniers. Et que dès lors que le cessionnaire des contrats de franchise conserve les caractéristiques et les
services intrinsèques de la franchise, qu’il reprend le personnel qui l’anime, offre son savoir-faire de
professionnel et que la preuve de la perturbation de l’économie du contrat n’est pas rapportée, la cession
est valable. CA Pau 24 janvier 1996, Juris-Data n° 1996-041922. Dans cet arrêt, il a été jugé que l’apport
partiel d’actif de son fonds par le franchiseur à une société n’entraîne pas la résiliation du contrat. De
même dans un autre arrêt du 10 avril 1996, (T. com. Paris, 10 avril 1996, Juris-Data n° 042059) dans
lequel il a été jugé que la cession de contrat de franchise par le franchiseur est possible sans que l’on
puisse y opposer l’intuitus personae qui n’est inhérent qu’au franchisé. 788
Ph. Le TOURNEAU, Les contrats de franchisage, Litec, 2e édition, 2007, n° 259, p.119 et s : « (…) le
contrat de franchisage paraît en principe incessible, étant fortement marqué par la considération de la personne du franchisé, qu’elle soit une personne physique ou une personne dite morale ». Y. MAROT,
« Revendre une franchise-liberté contrôlée », Franchise Magazine mai-juin 1993 .Cet auteur observe :
« Dans presque tous les cas, le contrat n’est pas conclu intuitus personae eu égard à la personne du franchiseur .Ainsi, en cas de cession du réseau, le franchisé ne pourra rompre son contrat du seul fait d’un changement de franchiseur». De même, H. BENSOUSSAN, Le droit de la franchise, Apogée, 1999,
224
Celui-ci est donc libre de céder son réseau sans même obtenir l’accord préalable de
ses franchisés. Sauf changement dans l’économie par son successeur, ces franchisés ne
peuvent opposer cette cession et donc demander la résiliation du contrat. Une telle
solution est étonnante. Elle méconnaît, nous semble-t-il, la réalité du contrat de
franchise qui est conclu intuitus personae eu égard aux deux parties. Si le franchiseur
choisit son franchisé en fonction de ses qualités et de ses aptitudes à mettre
efficacement en œuvre le système de la franchise, le franchisé choisit aussi son
franchiseur en fonction de la notoriété de son réseau, de sa réputation et de son savoir-
faire. Il n’y a pas donc lieu de dire que le principe de l’incessibilité du contrat de
franchise ne s’applique qu’au seul franchisé789
. D’ailleurs, cette solution contrarie
l’enseignement que l’on peut déduire de l’arrêt du 6 mai 1997 rendu par la Chambre
commerciale, arrêt affirmant que le cédé doit donner toujours son consentement à la
cession790
.
Le caractère bilatéral de l’intuitus personae dans le contrat de franchise a été
récemment affirmé par la Chambre Commerciale dans deux arrêts rendus le 3 juin
2008791
. Celle-ci a jugé que la transmission du contrat de franchise à propos d’une
fusion -absorbation supposait l’accord du franchisé. Toutefois, il convient de noter que
si le principe est l’incessibilité du contrat de franchise, ce principe n’est pas absolu.
Certains tempéraments y sont apportés.
2. Tempéraments au principe
220. Diversités des tempéraments. Le principe de l’incessibilité du contrat de
franchise souffre de plus en plus des tempéraments sur le plan pratique. Certains de ces
tempéraments sont d’origine contractuelle (a), tandis que d’autres sont d’origine
jurisprudentielle (b).
p.242 : « Sans doute, le peu de maîtrise initiale des conventions par les franchisés, incite les franchiseurs à conférer un caractère unilatéral à l’intuitus personae ». 789
F.-L. SIMON, La circulation du contrat de franchise, in La franchise : un an d’actualité, LPA, 09
novembre 2006, n°224, p.30 et LPA, 15 novembre 2007, n°229, p.38, numéro spécial. 790
Cass. com., 6 mai 1997, pourvoi n° 94-16. 335. 791
Cass. com.,3 juin 2008, pourvoi n° 06-18.007.
225
a. Tempéraments contractuels
221. Modalité des clauses. Les modalités encadrant la cession des contrats de franchise
varie en fonction des prévisions des parties. Certains contrats de franchise contiennent
une clause qui permet au franchisé, par exemple, de céder librement son contrat, avec
son fonds de commerce ou non, tout en autorisant le franchiseur à résilier le contrat
dans la mesure où il se révèle que le successeur est inapte à appliquer le système de la
franchise (1). Toutefois, de telles clauses peuvent, dans certaines circonstances, paraître
dangereuses étant donné qu’elles peuvent conduire à l’entrée dans le réseau de franchise
d’un nouveau contractant concurrent ou incompétent. C’est la raison pour laquelle les
parties y ont de moins en moins recours. Fréquemment, les contrats de franchise
comportent une clause qui subordonne la possibilité pour le franchisé de céder son
contrat de franchise à l’agrément préalable du franchiseur (2). Sachant qu’en cas de
cession du contrat accompagné d’un fonds de commerce, le franchisé est le plus souvent
lié par une clause de préférence (3).
1. Clause de libre circulation sous condition résolutoire de performance
222. Mécanisme. En vertu du principe de la liberté contractuelle, le franchiseur et le
franchisé peuvent prévoir dans leur contrat une clause appelée « clause de libre
circulation sous condition résolutoire de performance »792. Selon cette clause, le
franchisé, par exemple, peut librement céder le contrat de franchise, avec son fonds de
commerce ou non.
Cependant, le franchiseur a la faculté de résilier avec effet immédiat le contrat, par
lettre recommandée avec accusé de réception et sans indemnité, si le candidat
successeur du franchisé ne répond pas aux conditions objectives d’aptitude ou de
solvabilité requise793
.
792
J.-M. LELOUP, La franchise, Droit et pratique, 3é édition, Delmas, 2004, n° 1507, p.271.
793 J.-M. MOUSSERON, Technique contractuelle, par P. MOUSSERON, J. RAYNARD, J-B. SEUBE,
Edition Francis Lefebvre, 3e édition, 2005, n° 1245.
226
En pareille hypothèse, le franchisé dispose souvent d’un droit de repentir et il a la
faculté de renoncer à son projet et de poursuivre la relation contractuelle avec le
franchiseur794
.
223. Avantages et inconvénients. La présence d’une telle clause comporte certains
avantages pour le franchisé. Elle lui permet de céder librement, et dans le meilleur délai,
le contrat dès lors qu’il trouve des offres intéressantes. Toutefois, elle ne manque pas de
présenter de graves inconvénients tant pour le candidat successeur du franchisé que
pour le réseau de franchise. Pour le bénéficiaire du transfert du contrat, celui-ci peut, à
tout moment, être évincé du réseau s’il ne prouve pas son aptitude et sa compétence à
faire une bonne application du système de la franchise. Pour le réseau de franchise, la
clause de libre circulation s’avère risquée pour la sauvegarde de l’image du réseau
puisqu’elle pourrait aboutir à l’entrée dans le réseau d’un membre incapable d’exploiter
le système ou de maintenir la qualité du concept de la franchise 795
ou à celle d’un
concurrent dont le seul souci est de révéler le savoir-faire du franchiseur. C’est la raison
pour laquelle les franchiseurs écartent désormais la stipulation d’une telle clause au
profit de celle soumettant la cession à leur agrément préalable.
2. Clause d’agrément
224. Exercice généralement réservé au seul franchiseur. L’examen de la pratique
montre que les contrats de franchise contiennent fréquemment une clause d’agrément.
Selon cette clause, une partie ne peut céder le contrat de franchise seul ou avec son
fonds de commerce sans l’accord exprès préalable de son cocontractant796
. Une telle
clause d’agrément préalable peut être bilatérale, c'est-à-dire qu’elle peut être appliquée
indifféremment au franchisé comme au franchiseur797
.
794
Ibid. 795
Ibid. 796
Ph. Le TOURNEAU, Les contrats de franchisage, Litec, 2e édition, 2007, n° 259, p.119; M.
MALAURIE-VIGNAL, Droit de la distribution, Sirey, 2006, n° 737, p 202, et s ; D. FERRIER, Droit de
la distribution, Litec, 4e édition, 2006, n° 713, p.317 et s ; J.-M. LELOUP, La franchise, Droit et pratique,
Delmas, 4e édition, 2004, n° 1508, p.267, et s. V. aussi, J. RAYNARD, La technique contractuelle au
service de la pérennité du réseau de distribution, Cah. dr. entr. 2005, n°3, p.30, et spéc., p.35. 797
CA Rennes, 20 janvier 2004, Juris-Data n° 2004-239028. Dans cet arrêt, un certain nombre de
franchisés ont résilié le contrat de franchise, au motif que leur franchiseur a cédé son contrat sans leur
agrément préalable. De son coté, le franchiseur a contesté cette résiliation et les a assigné pour rupture
fautive du contrat de franchise. Pour fonder sa demande, le franchiseur invoquait que le contrat de
franchise stipulait qu’il était conclu en considération de la personne du franchisé, et qu’aucune clause ne
227
Elle peut aussi être unilatérale et ne s’applique qu’à une seule partie. Le plus
souvent, elle est stipulée à l’égard seul du franchisé. « Le franchisé ne pourra céder les
droits qu’il tient du présent contrat, sauf s’il obtient préalablement et par écrit le
consentement du franchiseur »798. Cela ne doit pas surprendre, étant donné que le
contrat de franchise est un contrat d’adhésion rédigé par le seul franchiseur. Le
franchisé ne peut qu’accepter les conditions prévues au contrat ou le laisser.
225. Utilité. A la différence de la clause d’incessibilité799
, la clause d’agrément n’a pas
pour effet de priver le franchisé de la possibilité de céder son contrat, mais seulement de
permettre au franchiseur de contrôler le choix de la personne du cessionnaire800
. En
d’autres termes, la cession de contrat de franchise par le franchisé est soumise à
l’autorisation préalable du franchiseur. Cette autorisation « ne constitue que la
conséquence de ce que la cession fait grief au contractant cédé puisqu’en changeant de
cocontractant, il change à la fois de créancier et de débiteur »801. De là résulte l’intérêt
capital de la clause d’agrément qui consiste dans le fait de permettre une conciliation
entre deux intérêts antagonistes que sont l’intérêt du franchisé de céder le contrat,
accompagné ou non de son fonds de commerce, et l’intérêt du franchiseur de maintenir
l’intuitus personae en le transférant sur la personne du successeur.
A cet égard, les Professeurs Behar-Touchais et G. Virassamy observent que le
« consentement sous réserve d’agrément du cessionnaire nous semble (…) être une
technique opportune en cas de cession du contrat de distribution en réseau, car elle
seule prend incontestablement en compte les intérêts du cédé, l’intérêt collectif du
réseau et celui des autres distributeurs.
stipulait la réciprocité du caractère intuitus personae. Par conséquent, ces franchisés n’avaient pas le droit
de rompre le contrat. Or, sa demande a été rejetée par les juges du fond qui se sont prononcés pour la
résiliation du contrat de franchise aux torts du franchiseur. Pour justifier sa décision, l’arrêt considère
qu’à l’origine le contrat de franchise stipulait qu’il était conclu en considération du seul franchisé, la
souscription de parts sociales des franchisés dans la société du franchiseur et l’acceptation du règlement
interne qui en découlait avaient, postérieurement à la conclusion du contrat, instauré un caractère intuitus personae au profit des franchisés. Cette réciprocité de l’intuitus personae impliquait que chacune des
parties ne puisse céder son contrat sans l’agrément de l’autre. 798
J.-M. MOUSSERON, Technique contractuelle, par P. MOUSSERON, J. RAYNARD et J.-B. SEUBE,
Edition Francis Lefebvre, 3e édition, 2005, n° 1241 et s.
799 L. AYNES, Les clauses de circulation du contrat, in Les principales clauses des contrats conclus entre
professionnels, PUAM, 1990, p.135. 800
V. L. AYNES, La cession de contrat et les opérations juridiques à trois personnes, Economica 1984,
préface. Ph. Malaurie, n° 384, p.256, et spéc., n° 390, p.259 et s. 801
V. F.-L. SIMON La circulation du contrat de franchise, in Le contrat de franchise : un an d’actualité,
LPA, 9 novembre 2006, n° 224, p.30.
228
Il n’y a pas en effet dans ce cas liberté de substitution de contractant, au contraire,
une vérification des aptitudes du candidat cessionnaires est effectuée. L’agrément se
présente ainsi comme un mécanisme permettant de maintenir la considération de la
personne, puisque si le fournisseur a choisi le distributeur initial, il a aussi grâce à
l’agrément une possibilité de choix, certes plus limitée, du successeur du
distributeur »802. Malgré sa fonction de conciliation, la clause d’agrément reste parfois
mal ressentie par les franchisés qui contestent parfois sa validité.
226. Validité. La stipulation d’une clause d’agrément est admise en droit positif. La
jurisprudence reconnaît l’efficacité d’une telle clause interdisant au franchisé de céder
les droits et les obligations résultant du contrat sans l’accord préalable du franchiseur
dès lors qu’elle se trouve mise en œuvre de manière non abusive803
. C’est ainsi que,
dans un arrêt du 21 septembre 2005, la Cour d’appel de Paris a jugé que la clause
d’agrément, qui constituait une modalité d’application de l’intuitus personae propre au
contrat de franchise et tendait à éviter que le bénéfice du savoir-faire et de l’assistance
apportée aille indirectement à un concurrent, n’apparaissait pas contraire au règlement
CE du 30 novembre 1988 et au règlement CE du 22 décembre 1999 qui l’avait
remplacé804
.
Sur le plan communautaire, la clause d’agrément n’est pas considérée comme
restrictive de concurrence au sens de l’article 85 § 1 du traité de Rome dès lors qu’elle
tend à éviter que le bénéfice du savoir-faire et de l’assistance apportée aille
indirectement à un concurrent805
. Selon le règlement n°4087/88, art .3 - 2. «le
franchisé peut se voir interdire de céder les droits et obligations résultants du contrat
sans l’accord préalable du franchiseur ». De même pour les lignes directrices de la
Commission européenne du 13 octobre 2000 qui considère que la clause d’agrément ne
constitue pas une restriction de la concurrence806
.
802
M. BEHAR-TOUCHAIS et G. VIRASSAMY, Les contrats de la distribution, LGDJ 1999, n° 600,
p.311. 803
J. RAYNARD, La technique contractuelle au service de la pérennité du réseau de distribution, Cah. dr.
entr. 2005, n° 3, p.30, et spéc., p.35. V.aussi, Cass. com., 2 juillet 2002, D. 2003, p.93, note. D.
MAZEAUD ; JCP G 2003, II, 100023, note. D. MAINGUY; RDC. 2003, p.152, note. M. BEHAR-
TOUCHAIS ; RTD civ. 2002, 810, obs. J. MESTRE et B. FAGES. 804
CA Paris, 21 septembre 2005, Juris-Data n° 294284. 805
M. C. BOUTARD-LABARD, Franchise et contraintes du droit communautaire, Cah. dr. entr. 1987,
n°2, p. 15. 806
V. Ph. Le TOURNEAU, Les contrats de franchisage, Litec, 2e édition, 2007, n° 574, p. 258.
229
227. Mécanisme. En présence d’une clause d’agrément, le franchisé se trouve tenu vis -
à- vis du franchiseur d’une obligation de ne pas faire. Il ne doit pas céder son contrat de
franchise seul ou accompagné de son fonds de commerce sans son agrément préalable.
Pratiquement, le franchisé, qui désire céder son contrat doit informer le franchiseur de
son intention. Il doit aussi lui communiquer le nom du candidat se portant acquéreur du
fonds de commerce ou du contrat807
. Une fois informé, le franchiseur dispose d’un
certain délai qui est souvent d’un à trois mois pour réfléchir et informer le franchisé de
sa décision808
. En cas d’agrément par le franchiseur, la relation contractuelle perdure. Le
contrat de franchise se poursuit avec le successeur dans les mêmes conditions que celles
prévues au contrat initial809
. A moins qu’il n’ait été prévu qu’un nouveau contrat de
franchise ne soit signé avec le nouveau le membre cédé. Si, au contraire, l’agrément est
refusé, alors plusieurs hypothèses sont envisageables. Ou bien le franchisé renonce à la
cession et poursuit le contrat avec le franchiseur. Dans ce cas, il doit honorer ses
engagements au terme du contrat. Ou bien il cède seulement son fonds de commerce
sans le contrat, mais dans ce cas, le contrat de franchise sera résilié à ses torts pour
impossibilité d’exécution. Ou bien enfin, il va à l’encontre du refus d’agrément et cède
le contrat. En pareille hypothèse, le franchisé s’expose non seulement à la résiliation du
contrat à ses torts mais aussi à la condamnation des dommages et intérêts à ses torts810
.
228. Le refus d’agrément n’est pas un droit discrétionnaire. Toutefois, il faut noter
que si le franchiseur a le droit de refuser de poursuivre le rapport contractuel avec
quelqu’un d’autre que celui avec lequel il a signé le contrat, ce droit n’est pas
discrétionnaire811
. Le droit de refuser l’agrément ne constitue pas une prérogative
discrétionnaire qui échappe à toute surveillance judiciaire.
807
H. BENSOUSSAN, Le droit de la franchise, Apogée 1999, p.239. 808
J.-M. LELOUP, La franchise, Droit et pratique, Delmas, 4e édition, 2004, n° 1515, et s, p.269 ; H.
BENSOUSSAN, Le droit de la franchise, op.cit. 809
H. BENSOUSSAN, Le droit de la franchise, Apogée 1999, p240 ; D. LEGAIS, La franchise, JCP N
1992, 214, n° 73, p.227. 810
CA Paris, 21 septembre 2005, Juris-Data n° 2005-2942841. 811
Sur les droits discrétionnaires, v. A. ROUAST, Les droits discrétionnaires et les droits contrôlés, RTD
civ.1944, p.1.
230
La Cour de cassation a, à plusieurs reprises, affirmé que « le droit d’agrément est
limité par l’abus »812.Par voie de conséquence, le franchiseur doit éviter de se décider
par caprice, sous peine d’engager sa responsabilité pour refus abusif. Il doit en effet
examiner de manière sérieuse le candidat du successeur présenté par le franchisé. A cet
égard, on cite que si le contrat prévoit les critères d’agréments, tels que les conditions
d’installation, de formation personnelle du cessionnaire, de solvabilité etc., la décision
d’agrément doit être appréciée en fonction de ces critères813
. Si aucun critère n’est
prévu, la décision du franchiseur d’agréer le cessionnaire doit s’apprécier dans les
mêmes conditions que la sélection initiale des franchisés eux-mêmes814
.
229. Contrôle des motifs. Nous estimons, à l’instar de certains auteurs815
, que le
franchiseur qui refuse d’agréer un candidat proposé par le franchisé doit justifier son
refus d’agrément. Et que sa responsabilité devrait être engagée sur le fondement de
l’abus s’il se révèle que le franchiseur n’a aucun intérêt au refus d’agrément ou que ce
refus crée un déséquilibre manifeste entre les intérêts des parties.
Toutefois, la jurisprudence, approuvée par une partie de la doctrine816
, ne semble
pas aller encore dans ce sens. La jurisprudence se contente simplement d’exercer parfois
un contrôle sur les motifs portés par le franchiseur sur la légitimité du refus. Elle admet
que le refus peut tenir en la personne du cessionnaire telle l’incompétence,
l’insolvabilité, l’absence de viabilité du projet présenté par le futur concessionnaire ou
en raison d’une participation dans le capital d’une société concurrente.
812
Cass. com., 5 octobre 2004 ; RDC.2005, 288 ; Cass.com.5 octobre 2004, JCP E 2005, I, 622 ; RDC.
2005, p.288, Ph. STOFFEL-MUNK ; Contrats, conc. consom., 2005, n° 1, p.14, comm. L. LEVENEUR.
V.aussi, Cass. com., 2 juillet 2002, D. 2003, p.93, note. D. MAZEAUD et somm., p. 2426, obs. D.
FERRIER ; JCP G 2003, II, 100023, note. D. .MAINGUY ; RDC. 2003, p.152, obs. M. BEHAR-
TOUCHAIS ; RTD civ. 2002, 810, obs. J. MESTRE et B. FAGES. 813
D. FERRIER, La rupture du contrat de franchisage, J CP CI 1977, II, 12441, n° 47. 814
Ibid. 815
Y. MAROT, Le droit d’agrément : et si le franchiseur se faisait un devoir de motiver son éventuel
refus ?, Lettre de la franchise, nombre 2001, n° 132, p.4 : « Le clarté, la transparence, l’honnêteté des relations franchiseur-franchisé exigent que le franchiseur se fasse un devoir d’examiner sérieusement et se créer l’obligation de motiver sa décision ». Egalement, D. MATRAY, Introduction générale, in Le
contrat de franchise, Bruylant, 2001, séminaire organisé à Liège Le 29 septembre 2000, p.7, et spéc.,
p.23. Th. REVET, L’obligation de motiver une décision contractuelle unilatérale, instrument de
vérification de la prise en compte de l’intérêt de l’autre partie, RDC 2004, 579. 816
M. BEHAR-TOUCHAIS, obs sous Cass. com., 2 juillet 2002, RDC. 2003, p.152.
231
Elle admet aussi que le refus d’agrément peut tenir en d’autres considérations que
celles liées à la personne. C’est ce qui a été jugé dans un arrêt du 5 octobre 2004817
.
Dans cet arrêt, rendu en matière de contrat de concession, mais dont la solution est sans
doute transposable à tous les contrats de la distribution et notamment aux contrats de
franchise. En effet, un concessionnaire automobile souhaitant céder son fonds de
commerce a présenté pour agrément à la société concédant, comme devait l’y obliger
une clause du contrat de concession, son successeur avec lequel il avait déjà conclu une
promesse synallagmatique.
Toutefois, le concédant a refusé de donner son agrément à ce candidat. En
revanche, il lui a proposé de s’intéresser à une autre affaire. Le concessionnaire l’a
assigné pour refus d’agrément. Il estimait que le refus d’agrément ne tenait pas ici au
candidat présenté, dans la mesure où celui-ci se voyait reconnaître par ailleurs toutes les
qualités et garanties requises pour animer une autre concession, mais d’autres motifs
étrangers à la considération de la personne à agréer, et donc forcément empreints de
mauvaise foi. La Cour d’appel a fait droit à sa demande. Elle a considéré que
« l’absence d’agrément n’a pas été motivée par la personne du candidat » puisque la
société concédante « a même incité celui-ci à s’intéresser à une autre affaire malgré
l’existence du compromis de vente ». Elle a ajouté que la société concédante qui « ne
pouvait interférer comme elle l’a fait en l’espèce dans la négociation » entre le
concessionnaire et le candidat a « illégitimement fait obstacle à la vente projetée qui n’a
pu aboutir en raison du refus d’agrément, lequel a été détourné de sa finalité ». Mais la
Chambre commerciale a cassé l’arrêt en décidant que « en se déterminant par ces
motifs, impropres à établir que le refus d’agrément critiqué, lequel pouvait être fondé
sur des motifs autres que ceux tenant à la personne du candidat à l’agrément, était
illégitime, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ».
817
Cass. com., 5 octobre 2004; RDC 2005, p.288, P. STOFFEL-MUNK; Contrats, conc. consom., 2005,
n°1, p. 14, comm. L. LEVENEUR.
232
Notons, enfin, qu’il arrive souvent que le franchiseur et le franchisé stipulent que le
contrat de franchise restera attaché au fonds de commerce. Une telle attitude
contractuelle s’explique par deux raisons. D’une part, la volonté du franchisé de faire de
son contrat un élément du fonds cessible et négociable au même titre que le droit au
bail818
. D’autre part, le souci du franchiseur de conserver un point de vente en raison de
son emplacement ou parce qu’il a fait l’objet de nombreux investissements, notamment
publicitaires. En tout état de cause, dans l’hypothèse où la cession du contrat de
franchise se trouve accompagnée du fonds de commerce du franchisé, le franchiseur
bénéficie d’un droit de préemption pour l’acquisition du fonds de commerce, droit qui
lui confère souvent le pacte de préférence prévu au contrat.
3. Pacte de préférence
230. Stipulation fréquente. Le pacte de préférence peut être défini comme « le contrat
relatif à un bien déterminé, qui confère à l’une des parties un droit de préférence, c'est-
à-dire le droit, en cas de mise en vente du bien, de se porter acquéreur de celui-ci, à
prix égal et conditions identiques »819. En matière de franchise, le contrat contient
fréquemment un pacte de préférence820
ou une clause de préférence821
, ou, plus
fréquemment encore une clause de préemption822
. Aux termes de ce pacte ou de cette
clause de préférence ou de préemption, le franchisé s’engage vis-à-vis du franchiseur à
lui offrir par priorité l’acquisition du fonds de commerce si, d’aventure, il se décide à le
vendre ou à le céder. Le franchiseur dispose donc d’un droit de préemption portant sur
l’acquisition du fonds de commerce du franchisé que lui confère le contrat.
818
V. Lamy droit économique, 2008, n° 4345. 819
M. DAGOT, Le pacte de préférence, Litec, 1988, n°1, p.1. 820
D. FERRIER, Droit de la distribution, Litec, 4e édition, 2006, n° 713, p.317 et s ; J.-M. LELOUP, La
franchise, Droit et pratique, Delmas, 4e édition, 2004, n°1536, p.273 ; L. GIMALAC. S. GRAS, La
franchise, Guide juridique et pratique, 2003, p.50 ; A. VAN DE WYNCKELE-BAZELA, « Pacte de
préférence et contrat de franchise », D. 2004, p. 2487 ; P. Le FLOCH et J.-Ch. GUEGUEN, La
transmission d’une entreprise membre d’un réseau de distribution, in Aspects organisationnels du droit
des affaires, Mélanges. J. Paillusseau, Dalloz, 2003, p.335. 821
La circulation du contrat de franchise, in Le contrat de franchise : un an d’actualité, LPA, 9 novembre
2006, n° 224, p.30. V. aussi, P. DESIDERI, « La préférence dans les relations contractuelles », PUAM,
1997, préface J. Mestre, n°51, p. 49. 822
M. LANCIAUX, Mieux connaître la clause de préemption, L’officiel de la franchise, septembre 2006,
n°64, p.96. M. MALAURIE-VIGNAL, Droit de la distribution, Sirey, 2006, n° 742, p.203.
233
231. Avantages. L’insertion d’un pacte de préférence dans le contrat de franchise
confère au franchiseur un atout indéniable. Tout d’abord, il lui permet d’éviter toute
éventuelle entrée dans le réseau d’un nouveau contractant concurrent ou inapte à
appliquer correctement le concept franchisé. Ensuite, il lui permet de maintenir les
points de vente franchisé, notamment lorsque ceux-ci ont un emplacement marchand823
.
Enfin, ce mécanisme de préemption lui permet de constituer un réseau mixte
composé de franchisés et de succursales. Cela lui permet, par la suite, non seulement
d’éviter un accroissement trop considérable de commerçants indépendants dans le
réseau ou d’améliorer la synergie succursale-franchise en contrôlant mieux son
réseau824
, mais aussi de maintenir sa bonne position au sein du marché825
.
232. Sanction de la violation du pacte de préférence. Lorsque le contrat de
franchise prévoit un pacte de préférence, le franchisé est tenu vis-à-vis du franchiseur
d’une obligation de faire. Il devra offrir au franchiseur par priorité l’acquisition du
fonds de commerce s’il décide de le vendre ou de le céder.
823
A. VAN DE WYNCKELE-BAZELA, Pacte de préférence et contrat de franchise, D.2004, p.2487, n°
6, p.2488 : « La couverture géographique d’un réseau revêt donc une importance singulière pour le franchiseur qui doit la conserver intacte, voire l’étendre, pour préserver la crédibilité et la notoriété de l’enseigne. Dans cet esprit, la conservation des emplacements « leader » constitue une préoccupation stratégique de l’entreprise ; or les places sont chères : les centres-villes et les centres commerciaux ne sont pas extensibles et les surfaces de plus de 300 m2 sont soumises à autorisation. La clientèle est attachée au fonds et changer d’emplacement peut être lourd de conséquences. Ce sera toujours un manque à gagner en royalties pour le franchiseur qui par la clause de préférence peut avoir l’occasion de racheter la clientèle du franchisé, attachée au fonds et à la marque ». Voir aussi, Ph. DELEBECQUE,
La jurisprudence reconnaît au franchisé le bénéfice de la législation sur le fonds de commerce, Lamy
Droit commercial, Bulletin d’actualité, septembre 2002, n°147, p. 1, et spéc., n°9, p.3 : « Un tel pacte, dont la validité n’est pas douteuse, permet au franchiseur de maintenir l’intégralité et la densité de son réseau. Les points de vente sont, compte tenu des règles d’urbanisme commercial, de réels objets de convoitise et l’enjeu d’âpres luttes économiques. S’ils constituent de véritables fonds de commerce, ils donnent une bonne prise aux mécanismes juridiques de protection que sont les pactes de préférence. A défaut, les priorités contractuelles seraient plus difficiles à exercer ». 824
H. BENSOUSSAN, Le droit de la franchise, Apogée 1997, p. 223 ; Ph. Le TOURNEAU, Le
franchisage, Economica, 1994, p.10. 825
La plupart des réseaux sont des réseaux mixtes. Cela s’explique par la force de ce type de réseau. Le
réseau mixte permet au franchiseur d’assurer une plus grande maîtrise du réseau. Il lui permet d’obtenir
les informations financières les plus fiables grâce aux succursales et les informations les plus précises
concernant le marché, et les attentes du consommateur, par ses franchisés, qui ont tout intérêt à y
répondre le mieux possible afin de rentabiliser leur investissement. En effet, les franchiseurs recourent à
ce type souvent pour maîtriser les points de ventes importants, qui supportent l’image de marque ou qui
nécessitent des capitaux trop importants pour une rentabilité rapide. Mais pour permettre des
développements plus rapides dans des villes moins essentielles, les points de vente sont confiés à des
franchisés. Sur ce point. D. PIALOT, Le guide de la franchise, L’express 2006, p 45.
234
Si le franchiseur n’exerce pas le droit de préemption que lui confère le contrat, le
franchisé retrouve alors sa liberté de vendre ou de céder son fonds de commerce826
.
Mais, si le franchisé viole le pacte de préférence, il engagera sa responsabilité. En
pareille hypothèse, le franchiseur peut non seulement résilier le contrat mais aussi
obtenir des dommages et intérêts pour le préjudice qu’il a subi du fait de la vente par le
franchisé de son fonds de commerce827
. En outre, le franchiseur, bénéficiaire du pacte
de préférence, peut également engager la responsabilité délictuelle du tiers acquéreur
lorsque celui-ci a contracté en connaissant l’existence du pacte de préférence. Une
décision rendue le 13 décembre 2005 par la Chambre commerciale illustre cette
situation828
. La Chambre commerciale de la Cour de cassation a approuvé l’arrêt
d’appel ayant retenu la responsabilité délictuelle du tiers acquéreur du fonds de
commerce dès lors qu’il avait constaté que ce dernier connaissait l’existence du pacte de
préférence et avait incité le franchisé à faire preuve de discrétion envers le franchiseur.
A cet égard, il est à rappeler que le franchiseur, victime de la violation du pacte de
préférence, peut, le cas échant, obtenir la nullité de la vente ou de la cession du fonds de
commerce procédée par le franchisé et sa substitution au tiers acquéreur s’il démontre
que celui-ci connaît l’existence du pacte de préférence lors de l’acquisition du fonds de
commerce et l’intention du bénéficiaire de s’en prévaloir829
.
826
« Mais attendu qu’en retenant que la société Prodim savait les intentions des parties à la cession de rompre le contrat de franchise, la cour d’appel, qui a ainsi caractérisé une renonciation en connaissance de cause à l’ exercice du droit de préemption du fonds a pu, sans dénaturer les actes ayant conduit à la cession de ce fonds, exclure toute faute ou fraude pouvant résulter, tant de la modification de la date de résiliation des conditions suspensives qui y étaient stipulées, que d’une prétendue dissimulation par le candidat cessionnaire de ces intentions.. ». V. Cass. com., 15 mai 2007, pourvoi n° 06-11.583 ; D. 2007,
1498, obs. E. CHEVRIER ; Contrats. conc. conso., 2007, n°204, note. M. MALAURIE-VIGNAL ; RTD
civ. 2007, p. 794, obs. P.-Y. GAUTIER. 827
CA Paris, 7 décembre 2005, Juris-Data 2005-289983. En l’espèce, un contrat de franchise prévoyait
que si le franchisé décidait de vendre son fonds de commerce, le franchiseur bénéficierait d’un droit de
préemption et qu’à défaut de préemption et si le concessionnaire n’avait pas été agréé, le contrat serait
résilié. Or, le franchisé avait notifié au franchiseur son intention de vendre son fonds pour 1000 000 £ en
précisant qu’il avait déjà trouvé un acquéreur. Au vu de ces conditions, le franchiseur n’avait pas exercé
son droit de préemption. Toutefois, le prix avait été fixé à 700 000 £ sans jamais que cela fût notifié au
franchiseur. Ce dernier, qui n’avait pas été informé des conditions de la cession, n’avait donc pas pu
utilement exercer son droit de préemption. En outre, le franchisé n’avait pas sollicité l’agrément du
franchiseur pour le candidat à la cession et ne lui avait pas fait parvenir l’acte de vente sous condition
suspensive de l’agrément du franchiseur. Les juges ont approuvé la résiliation du contrat par le
franchiseur et condamné le franchisé à des dommages et intérêts pour violation à la fois du droit de
préemption et de la clause d’agrément, dommages et intérêts égaux aux royalties qui auraient été dues au
franchiseur si le contrat avait été poursuivi jusqu’à son terme. 828
Cass. com., 13 décembre 2005, pourvoi n° 04-18.243. 829
Ch. mixt., 16 mai 2006 ; D. 2006, p.1861, obs. P.-Y. GAUTIER ; Defrenois. 2006, 1206, obs. E.
SAVAUX ; RTD civ. 2006, p.550, obs. J. MESTRE et B. FAGES. Dans cet arrêt, la Chambre mixte a
déclaré que « le bénéficiaire d’un pacte de préférence est en droit d’exiger l’annulation du contrat passé
235
233. Extinction du contrat par la fusion des qualités. En tout état de cause, il est
important de souligner que lorsqu’il y a reprise par le franchiseur du fonds de commerce
de l’un des franchisés membres du réseau, cette reprise entraîne l’extinction du contrat
de franchise. L’extinction du contrat de franchise a, dans ce cas l’originalité en ce
qu’elle ne trouve pas sa cause dans un non-renouvellement du contrat de franchise à
durée déterminée ou une rupture -que cette rupture soit judiciaire ou unilatérale, fautive
ou non fautive comme nous l’avons vu auparavant-mais dans la fusion des qualités.
Cette fusion entraîne l’extinction anticipée de la relation contractuelle qui unit le
franchiseur au franchisé cédant. C’est sur ce point que l’on termine les tempéraments
contractuels pour aborder ensuite les tempéraments jurisprudentiels.
b. Tempéraments jurisprudentiels
234. Problématique. Afin d’assurer la sauvegarde des entreprises en difficulté et le
maintien de l’emploi, le juge peut ordonner la cession des contrats qu’il estime
nécessaire pour le redressement de l’entreprise défaillante. Mais, une telle cession
judiciaire est-elle possible dans le domaine des contrats de franchise où la personne du
contractant constitue un élément déterminant de la conclusion du contrat ? La réponse
est peu nette en droit positif (1). Pour lever toute ambiguïté, la question nécessite, nous
semble-t-il, de faire une distinction quant à la partie faisant l’objet d’une liquidation
judiciaire (2).
1. Problème de la cession judiciaire du contrat de franchise
235. Plan. La question de savoir si le contrat de franchise peut être judiciairement cédé
divise non seulement la jurisprudence (a) mais aussi la doctrine (b).
avec un tiers en méconnaissance de ses droits et d’obtenir sa substitution à l’acquéreur, à la condition que ce tiers ait eu connaissance, lorsqu’il a contracté, de l’existence du pacte et de l’intention du bénéficiaire de s’en prévaloir ». Les mêmes attendus ont été repris par un arrêt récent du 14 février 2007.
V. Cass. civ. 3e, 14 février 2007, pourvoi n° 05-12.814, RDC 2007, p. 701, obs. D. MAZEAUD.
236
a. Division jurisprudentielle
236. Difficulté d’application de l’article L. 642-7 du Code de commerce. La question
qui se pose est celle de savoir si le contrat de franchise entre dans le champ
d’application de l’article L. 642- 7 du Code de commerce, et donc de savoir si le
tribunal peut imposer sa transmission dans le plan de cession de l’entreprise. Cette
question divise les juges du fond.
Certaines décisions retiennent une interprétation extensive de l’article L. 621-88
du Code de commerce. Ils se sont prononcés pour la cession du contrat de franchise
dans le cadre d’un plan de cession par application de l’article L. 621-88 du Code de
commerce devenu aujourd’hui l’article L. 642-7 du Code de commerce. Tel est le cas de
la Cour d’appel de Versailles qui a, dans un arrêt du 6 juin 1988, approuvé un jugement
du tribunal de Bobigny ayant ordonné la cession de l’intégralité des contrats de
franchise en décidant qu’ils sont de ceux visés par l’article 86 de la loi du 25 janvier
1985 (devenu l’article 642-7 du Code de commerce)830
.
La même solution a été reprise ultérieurement par la même juridiction, dans un
arrêt du 23 juin 1988831
. La Cour d’appel de Versailles a décidé qu’un contrat de
franchise pouvait être compris dans un plan de cession. Elle a déclaré que le contrat de
franchise est un contrat complexe qui « comporte une multitude d’échanges de services
de la part des partenaires ; qu’il s’agit bien de contrats de fournitures de biens ou
services nécessaires au maintien de l’activité, qui se trouvent constituer toute l’activité
du franchiseur en l’espèce ; considérant dès lors que ces contrats relèvent bien des
dispositions de l’art. 86 de la loi du 25 janvier 1985 ». Ainsi, selon ces décisions, le
contrat de franchise peut être judiciairement cédé lors de la cession de l’entreprise. Le
caractère d’intuitus personae par lequel il est marqué ne fait pas obstacle à cette cession.
830
CA Versailles 6 juin 1988, cité par M. ZUIN, La transmission judiciaire des contrats dans les
procédures collectives : première décision de justice, G.P. 1989, doct., p. 110. 831
CA Versailles 23 juin 1988, G.P. 1989, 1, somm.p.112.
237
A l’inverse, d’autres arrêts refusent une telle interprétation en écartant la cession
judicaire du contrat de franchise en cas de liquidation judiciaire. C’est ainsi que la Cour
d’appel de Paris a, dans un arrêt du 15 décembre 1992, refusé d’admettre la cession du
contrat de franchise en cas de procédure collective832
. Dans cet arrêt, la Cour a infirmé
un jugement ayant autorisé la cession d’un contrat de franchise et du réseau au
repreneur de l’entreprise du franchiseur en décidant en ces termes : « qu’en acquérant le
réseau de franchise, qui est l’élément essentiel du fonds de commerce de Corexte,
Confortel reprend un ensemble de droits de propriété industrielle, intellectuelle, des
méthodes commerciales qu’elles doit intégrer dans sa propre entreprise et est conduit à
des adaptations, des modifications et des restructurations ; qu’il est donc improbable
qu’elle puisse exécuter le contrat de franchise aux conditions en vigueur le jour de
l’ouverture de la procédure comme l’exige l’article 86 de la loi du 25 janvier 1985 que
Confortel qui a repris le réseau a le droit d’apporter des changements dans son
organisation et son fonctionnement ; qu’elle ne peut toutefois le faire sans l’accord des
franchisés qui n’ont en aucun cas à se voir imposer des modifications de leur contrat ou
la signature d’un nouveau contrat de franchise ». La même solution a été reprise par la
Cour d’appel d’Orléans dans un arrêt du 14 septembre 2000833
. La Cour a décidé que le
contrat de franchise ne pouvait être cédé, ni par nature dans le cadre de l’art.86 ni contre
la volonté du franchisé concerné.
Elle l’a fait en ces termes : « ce contrat est, en effet, incessible par nature, sauf à
méconnaître son objet ; que celui- ci étant la mise à disposition du franchisé du savoir-
faire orignal, substantiel et secret du franchiseur, qu’il est, par hypothèse, seul en
mesure de transmettre, il est impossible, alors que les franchisés se soient engagés en
considération de la personne du franchiseur, seul créateur et détenteur du savoir-faire
qu’il leur transmet ce qui rend inopérante l’argumentation de la société PDG
Immotirée de la poursuite possible du contrat de franchise en cours dès lors que cette
continuation se fait entre parties originaires, qu’ils puissent être liés à un nouveau
franchiseur sans un nouvel accord de volonté de leur part ».
832
CA Paris, 15 décembre 1992, RJ-comm. 1993, p.151 833
CA Orléans, 14 septembre 2000, D. 2001, jurs. 1017, note. Y. MAROT.
238
Suivant cette jurisprudence, le contrat de franchise ne saurait être judiciairement
cédé en raison de son caractère intuitus personae. En présence d’une telle contradiction
jurisprudentielle, il est difficile de savoir avec certitude si le contrat de franchise peut ou
non être judiciairement cédé en cas de procédure collective. Il faut donc attendre que la
Chambre commerciale de la Cour de cassation se prononce sur cette question. En
attendant, il convient de voir quelle est l’opinion de la doctrine sur cette question.
b. Divergence doctrinale
237. Doctrine favorable à la cession judiciaire du contrat de franchise. Partant
d’une interprétation extensive de l’article 621-88-ancien article 86, al. 1er
de la loi du 25
janvier 1986 du Code de commerce, devenu l’article 642-7 depuis la loi du 26 juillet
2005 de la sauvegarde des entreprises- certains auteurs estiment qu’un contrat de
franchise est susceptible d’être judiciairement cédé dès lors qu’il remplit les conditions
prévues par la loi.
Selon leur analyse, l’intuitus personae par lequel est marqué ce genre de contrat ne
peut constituer une cause de dérogation systématique aux dispositions de l’article
L.642-7, al. 3 du Code de commerce qui non seulement sont d’ordre public, mais aussi
qui ne distinguent pas entre les contrats conclus intuitus personae et ceux qui ne le sont
pas. Parmi ces auteurs, il convient de citer le Professeur M. Cabrillac. Cet auteur
observe -de manière générale mais l’observation vaut également pour les contrats de
franchise- que « la nécessité du contrat pour le maintien de l’activité est la seule
condition posée à la cession forcée, indépendamment de l’intuitus personae qui ne peut
exclure l’application de l’article 86, ce texte ne distinguant pas selon que le contrat
revêt ou non un caractère personnel »834. De même, E. Jouffin considère que « la
satisfaction des désirs individuels, tels qu’ils se sont manifestés au travers de la relation
contractuelle, ne peut entrer en ligne de compte face à l’objectif d’intérêt commun
poursuivi par la loi de 1985 »835.
834
M. CABRILLAC, not.sous.CA Douai, 8 mars 1990, JCP E 1990, II, 15829, n° 9. 835
E. JOUFFIN, Le sort des contrats en cours dans les entreprises soumises à une procédure collective,
LGDJ, 1998, préface. C. Cavalda, n°367, p.310, et s.
239
238. Doctrine hostile à la cession du contrat de franchise. A l’inverse, d’autres
auteurs contestent cette analyse. Ils estiment que la cession judiciaire, qui constitue une
dérogation au droit commun des contrats, ne peut s’appliquer au contrat de franchise en
raison de son caractère intuitus personae. Cet intuitus personae, inhérent à l’objet même
du contrat de franchise, entrave cette forme de cession. Dire autrement, et admettre de
céder le contrat en cas de procédure collective, nonobstant cet intuitus personae,
reviendrait non seulement à modifier les conditions d’exécution du contrat, ce qui
constitue une violation de l’article L.642-7, al. 3 du Code de commerce, mais aussi ce
qui pourrait nuire gravement au réseau franchisé.
Ainsi, le Professeur Arlette Martin-Serf observe qu’« un contrat marqué par
l’intuitus personae ne doit pas être considéré seulement comme un bien de l’entreprise,
comme un élément de son actif parmi d’autres. Une telle conception exclusivement
économique gommerait totalement la personne du cocontractant cédé comme une
marchandise, qui a pourtant des intérêts propres qu’on ne peut balayer d’un revers de
main. Même si le repreneur demande la cession de tous les contrats dont il pense tirer
avantage, les franchisés cédés ont un droit légitime à s’opposer à la cession pour mettre
fin à des contrats devenus désavantageux pour eux. Ils ont un droit légitime de retrait
du réseau de franchise s’il leur apparaît que les éléments qui ont motivé leur adhésion
ne se retrouvent plus dans la personne du repreneur »836. Dans le même sens, M.
Marot estime qu’il n’est pas conforme aux intérêts de la franchise en général d’admettre
qu’un contrat de franchise relève de l’ancien article 86 et peut être cédé par le
tribunal.837
Cet auteur observe, à propos d’une éventuelle mise en redressement du
franchisé, que le cocontractant « franchiseur qui se verrait imposer l’application de
l’art.86 se verrait tenu de transmettre un savoir-faire à une nouvelle entreprise qui n’a
peut-être pas les aptitudes requises à le mettre en œuvre et qui ne répond pas aux
exigences inhérentes à l’identité et à la réputation du réseau de franchise. Le réseau
comporterait alors en son sein un nouveau membre qui, même animé des meilleures
intentions, pourrait altérer le réseau et porter préjudice à chacun de ses membres ».838
836
A. MARTIN-SERF, note sous CA Paris 15 décembre 1992, Rj com. 1993, p.159. 837
Y. MAROT, note.sous CA Orléans, 14 septembre 2000, D.2001, jurs., p.1017 et spéc., n° 4, p.1019. 838
Y. MAROT, op.cit., n° 6, p.1020.
240
Pour nous, la question mérite une conciliation. Il ne faut pas entraver la sauvegarde
d’une entreprise partie à un contrat de franchise sous prétexte que le contrat a une
coloration personnelle. Il ne faut pas non plus la sauver au détriment de la nature assez
spécifique du contrat. En réalité, nous estimons qu’une distinction quant à la partie mise
en liquidation judiciaire est nécessaire.
2. Proposition d’une solution distinguant selon la partie mise en
liquidation judiciaire
239. Plan. Si la cession judiciaire d’un contrat de franchise est concevable lorsque c’est
le franchisé qui est soumis à une procédure collective (a), elle est, en revanche,
inconcevable lorsque c’est le franchiseur (b).
a. Possibilité de cession judiciaire de l’entreprise du franchisé
240. Absence de modification dans l’objet du contrat. Nous estimons que le contrat
de franchise peut être judiciairement cédé lorsque c’est l’entreprise du franchisé qui est
soumis à la liquidation judiciaire. En effet, l’intuitus personae du franchisé n’est pas
inhérent à la prestation promise.
Son changement n’entraîne pas de changement de l’objet du contrat de franchise.
Celui-ci a été choisi en fonction de certaines qualités objectives. Dès lors, tout repreneur
qui présente ces qualités peut se substituer au franchisé dans la poursuite de l’exécution
du contrat de franchise. En d’autres termes, une fois que le repreneur dispose de toutes
les qualités qui font que le risque de mauvaise inexécution du contrat de franchise est
écarté, il n’y a pas de raison de ne pas admettre que ce dernier ne peut lui être cédé. La
solution est cependant différente lorsque c’est l’entreprise du franchiseur qui est en
liquidation judiciaire.
241
b. Impossibilité de cession judiciaire de l’entreprise du franchiseur
241. Modification inéluctable dans l’objet du contrat. Si le contrat de franchise peut
être judiciairement cédé lorsque c’est l’entreprise du franchisé qui est mise en
liquidation judiciaire, il en va tout autrement lorsque c’est l’entreprise du franchiseur
qui est soumis à cette procédure. Dans cette hypothèse, la cession judiciaire d’un contrat
de franchise paraît difficilement concevable, voire impossible. La raison en est que
l’intuitus personae du franchiseur s’incorpore à la prestation promise, de telle manière
que changer de franchiseur équivaut à changer de prestation, donc à changer même
d’objet. Or, une telle modification ne contrarie pas seulement la volonté des parties
contractantes, mais aussi les dispositions de l’article L. 642-7, al. 3 du Code de
commerce selon lequel le contrat doit être exécuté aux conditions en vigueur au jour de
l’ouverture de la procédure.
Une partie de la doctrine semble aller en ce sens. Ainsi M. le Professeur Ch.
Jamin, qui se montre hostile à la cession judiciaire du contrat de franchise au cas où le
franchiseur est soumis à la liquidation judiciaire, observe que « (...) il faut admettre que
l’intuitus personae constitue bien la limite naturelle de la cession judiciaire. Elle l’est
précisément parce que céder un tel contrat revient à le détruire, dans la mesure où on le
prive de cet objet qui est l’une des conditions de son existence. Veut-on s’en
persuader ? Il suffit de lire le troisième alinéa de l’article 86 : (ces contrats doivent
être exécutés aux conditions en vigueur au jour de l’ouverture de la procédure…). En
matière de franchise, c’est strictement impossible, puisque la personne même du
franchiseur constituait l’une de ces « conditions » .Comme veut- on que le savoir-faire,
l’âme du contrat de franchise, soit identique, alors que le franchiseur en est à la fois le
créateur et le détenteur. Ce savoir-faire devant en outre être secret, on peut se
demander comment un tiers -le cessionnaire-pourrait exécuter le contrat aux mêmes
conditions. Il est des limites qu’on ne peut impunément franchir »839.
839
Ch. JAMIN, obs sous. CA Paris, 15 décembre 1992, JCP G, 1994 .II . 22205, p 50. n°12.
242
De même, J.-J. Fraimout estime que substituer « un repreneur au franchiseur, dont
les prestations sont indissolublement liées à la personne du débiteur, conduirait à
modifier l’objet du contrat de franchise, lequel met à la disposition des franchisés un
savoir-faire et des compétences »840.
Dans le même esprit, les Professeurs M. Touchais et G. Virassamy considèrent
que« (…) face à un intuitus personae très fort, comme celui concernant la personne du
franchiseur, on peut penser que l’objectif qui fonde la cession judiciaire des contrats, à
savoir la pérennité de l’entreprise, ne pourra être atteint même si l’on admet la cession
de ce contrat. Ainsi, nous pensons que l’article 86 précité n’exclut pas en principe la
cession forcée du contrat de distribution intuitus personae, et que seul un intuitus
personae très fort rendant véritablement impossible l’exécution du contrat par un tiers,
pourrait empêcher par exception sa cession ».
242. Synthèse. Le contrat de franchise est fortement marqué du sceau de l’intuitus
personae. Cet intuitus personae implique l’exécution personnelle du contrat. Seul celui
dont la personnalité a été prise en considération lors de la formation du lien peut
valablement exécuter la prestation promise. Il s’ensuit que la disparition du contractant,
qu’il s’agisse d’une personne physique ou morale, et que cette disparition soit due à son
décès ou à sa dissolution ou à la cession du contrat par lui, rend impossible l’exécution
du contrat, et donc entraîne sa caducité. Cette caducité entraîne l’expiration anticipée du
contrat de franchise avant terme. La même solution s’applique en cas de modification
des qualités des contractants.
840
J.-J. FRAIMOUT, Redressement judiciaire et liquidation judiciaire : plan de cession, J-CI.
Commercial, 1999, fasc. 2423, n° 28.
243
§ 2. Modification des qualités du contractant
243. Exposé du problème. Si la disparition du contractant peut entraîner la fin des
relations contractuelles liant le franchiseur au franchisé, il en va de même pour la
disparition de l’une des qualités du contractant ayant été prise en compte lors de la
conclusion du contrat. Ces hypothèses de rupture du contrat de franchise peuvent se
rencontrer lorsque le contractant est une personne physique ou morale (A). Mais le plus
souvent, elles se manifestent lorsque le contractant est une personne morale (B).
A. Hypothèses communes aux personnes physiques et aux personnes
morales
244. La perte d’une capacité ou d’une aptitude : principe et exception. En principe,
la survenance d’une cause d’incapacité dans le chef de l’une des parties ne compromet
pas la survie du contrat. La capacité des parties n’est, en effet, requise que lors de la
formation du contrat. Le contractant, qui devient incapable en cours de contrat, reste
toujours engagé par le consentement qu’il a donné antérieurement841
. L’exécution du
contrat est assurée par le représentant de la personne incapable842
. Toutefois, ce principe
se trouve écarté lorsque le contrat est conclu intuitus personae843, comme c’est le cas
dans le contrat de franchise. Dans ce dernier, le principe est l’exécution personnelle du
contrat. Celui-ci ne peut être exécuté que par le contractant avec lequel il a été conclu.
Par conséquent, en cas de survenance d’une incapacité du contractant en tant que
personne physique au cours de l’exécution du contrat, cette incapacité, qu’elle soit
juridique ou physique, remporte l’extinction anticipée du contrat de franchise. En
pareille hypothèse, il y a, en effet, une impossibilité d’exécution du contrat de franchise
entraînant sa caducité844
.
841
M. BEHAR-TOUCHAIS, Extinction du contrat-Les causes d’extinction, J-CI. Contrats distribution,
1998, fasc.175, n°95. 842
Ibid. 843
V. D. KARJESKI, L’intuitus personae dans les contrats, th., Toulouse, 1998, n°531, p.454 et s. 844
P.-L. FORIERS, La caducité des obligations contractuelles par disparition d’un élément essentiel à
leur formation, Bruylant, Bruxelles, 1998, p.191 : « La survenance d’une cause d’incapacité emporte la dissolution du lien contractuel quant elle rend l’exécution de celui-ci impossible matériellement, physiquement, psychologiquement, ou juridiquement »844
. C. PELLETIER, La caducité des actes
juridiques en droit privé français, th., L. Harmattan 2004, préface P. Jestaz ,n°128, p.175.
244
245. La perte d’une compétence. Parmi les éléments déterminants dans la conclusion
du contrat de franchise figure, au premier rang, la compétence du contractant. Celle-ci
est un facteur nécessaire à la bonne exécution du contrat de franchise. Dès lors, il ne
paraît pas étonnant de voir que le contrat s’éteint de manière anticipée en cas de
survenance d’une incompétence lors de l’exécution du contrat de franchise845
. Tel peut
être, par exemple, le cas lorsque le savoir-faire du franchiseur se trouve objectivement
dépassé par l’évolution technique, et inadaptable aux exigences du marché. En pareille
hypothèse, le contrat de franchise devient caduc pour cause de disparition d’un élément
essentiel rendant impossible l’exécution du contrat de franchise.
246. La perte de solvabilité. La connaissance de la surface financière du contractant est
primordiale dans les relations contractuelles entre franchiseur et franchisé et dans les
relations d’affaires de manière générale846
. Conçue comme un facteur assurant la bonne
exécution du contrat de franchise, la solvabilité du contractant, qu’il s’agisse d’une
personne physique ou d’une personne morale, est toujours prise en compte lors de la
formation du contrat en même temps que sa compétence. Comme le système de
franchise implique toujours, pour sa réussite, la mise en œuvre d’investissements
importants, la solvabilité du franchiseur ou du franchisé constitue un élément
déterminant dans la conclusion du contrat. En conséquence, il est permis de penser que
la survenance de tout événement susceptible de porter atteinte à cette solvabilité peut
être de nature à remettre en cause le contrat de franchise.
Ainsi est- il le cas, par exemple, de la survenance de l’ouverture d’une procédure
collective de redressement judiciaire à l’encontre, par exemple, du franchisé. Celle-ci
est « un événement qui engendre un sentiment de méfiance et qui conduit
instinctivement les contractants du débiteur à vouloir rompre le plus rapidement
possible les relations contractuelles »847. Elle risque en effet de perturber
fondamentalement l’exécution du contrat de franchise et d’altérer l’image de marque du
franchiseur848
.
845
Sur l’ensemble de cette question, v. D. KARJESKI, L’intuitus personae dans les contrats, th., précitée,
n° 533, p.457 et s. 846
V. en ce sens, J.-F. RENUCCI, L’identité du contractant, RTD com. 1993, p. 441 et s. 847
A. LAUDE, La non-continuation des contrats dans les procédures collectives, in Le cessation des
relations contractuelles d’affaires, PUAM, 1997, p.109. 848
Ph. PERNAEUD, Le sort du contrat de franchise au jour du prononcé du jugement d’ouverture du
redressement judiciaire, Cah. dr. entr.6/1985, p.7 .et s
245
Par conséquent, elle entraîne ipso facto l’extinction anticipée du contrat de
franchise849
. Celui-ci est considéré caduc pour cause de disparition d’un des éléments
essentiels à son exécution850
.
Toutefois, il est important de noter que depuis 1985, l’ouverture d’une procédure
collective ne peut seule, en droit français, entraîner l’extinction du contrat851
. Le
franchiseur ne peut pas résilier le contrat au motif de la défaillance financière du
franchisé. L’article L. 622-13, al. 6, prévoit que : « Nonobstant toute disposition légale
ou toute clause contractuelle, aucune indivisibilité, résiliation ou résolution du contrat
ne peut résulter du seul fait de l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire
(d’une procédure de sauvegarde) ». Parce que le contrat de franchise est considéré
comme le moteur de l’activité des entreprises, une valeur économique participant au
redressement des entreprises ou un bien indispensable à la poursuite de l’activité852
, le
tribunal ordonne la poursuite du contrat par l’administrateur nommé par lui. Seul celui-
ci a la faculté de décider de maintenir ou de résilier le contrat de franchise en fonction
de son importance pour la survie de l’entreprise défaillante853
. Cette solution est
dérogatoire aux règles du droit des contrats854
.
849
D. MATRAY, Introduction générale, in Le contrat de franchise, Bruylant, 2001, séminaire organisé à
Liège Le 29 septembre 2000, p.7, et spéc., p.23. Dans le même sens, Ph. PERNAUD, op.cit ; 850
V. en ce sens, F. GARRON, La caducité du contrat, PUAM, 1999, préface J. Mestre, n° 132, p. 160 et
s. 851
V. Le contrat de franchise et procédures collectives, in Le contrat de franchise : un an d’actualité,
LPA, 15 novembre 2007, n° 229, p.59, et LPA 09 novembre 2006, n° 224, p. 47, numéro spécial. 852
J.-M. MOUSSERON, Valeurs, biens, droits, in Mélanges, Breton-Derrida, Dalloz 1991, p.277 et s.,
spéc., n°14. 853
V. Le contrat de franchise et procédures collectives, in Le contrat de franchise : un an d’actualité,
LPA, 15 novembre 2007, n° 229, p.59, et LPA 09 novembre 2006, n° 224, p. 47, numéro spécial, par
François-Luc. 854
Y. GUYON, Le droit des contrats à l’épreuve du droit des procédures collectives, in Le contrat au
début de XXIe, Mélanges. J. Ghestin, LGDJ, 2001, p.405 : « Par bien des côtés, le droit des procédures collectives fait exception à toutes les règles car, face à un débiteur en cessation de paiements, l’application du droit commun ne permettrait ni d’assurer l’égalité des créanciers ni, le cas échéant, le redressement de l’entreprise. Puisque nécessité n’a pas de loi, cette situation de pénuries conduit à appliquer des règles dérogatoires pour tenter de limiter les conséquences d’une défaillance qui compromet la sécurité du crédit. En somme, le droit commun conviendrait aux situations normales, mais ne permettrait pas de faire face à des crises généralisées. Il faut alors modifier ou même changer les règles un peu comme, au-delà d’une certaine force de vente, un voilier doit amener voilure normale et hisser une voile de cap. Le droit des procédures collectives est ainsi comparable à l’état d’urgence, qui suspend l’application des lois habituelles jusqu’au rétablissement de l’ordre républicain ». Y. GUYON,
Droit du marché et droit commun des obligations, Rapport de synthèse, RTD com. 1998, p.112 : « Ainsi, le droit des procédures collectives met en échec les règles les plus traditionnelles du droit civil puisque les poursuites individuelles des créanciers sont arrêtées, que l’exception d’inexécution ou la clause résolutoire sont paralysées ou qu’un contrat peut être cédé au repreneur de l’entreprise sans l’accord du partenaire… ». V. également, A. LAUDE, La non-continuation des contrats dans les procédures
collectives, in Le cessation des relations contractuelles d’affaires, sous la dir. J .Mestre, PUAM 1997,
p.109, et spéc., p.110 : « L’ouverture d’une procédure est un événement qui présente comme particularité
246
Elle témoigne d’un certain recul du rôle de l’intuitus personae dans les contrats de
franchise puisque le débiteur initial est remplacé par l’administrateur judiciaire855
, et
paraît, pour certains, non-conforme à l’esprit du contrat de franchise. Ainsi, par
exemple, M. J.-M. Leloup estime que dans la mesure où il y a un redressement
judiciaire ouvert à l’encontre du franchiseur, le franchisé doit pouvoir résilier le contrat.
Pour lui, l’insolvabilité du franchiseur est la démonstration de l’insuccès de son système
de gestion. « C’est la noyade du maître-nageur »856
. Dans le même sens, H. Bensoussan
observe que le dépôt de bilan du franchiseur rend la situation du franchisé extrêmement
précaire857
. Aux yeux de cet auteur, en présence d’un redressement judiciaire ouvert à
son encontre, le franchiseur sera tenté de limiter le nombre de salariés, de réduire les
autres postes de frais généraux, notamment la publicité858, ce qui pourrait, au bout du
compte, entraîner la chute des membres du réseau franchisé.
247. Changement d’emplacement ou cession du bail. Il est de plus en plus fréquent
que le fonds de commerce soit un élément déterminant dans la conclusion du contrat de
franchise. Cela se manifeste surtout dans certains secteurs comme l’habillement, la
bijouterie et, plus généralement, le luxe859
. Dans ces derniers, les franchiseurs sont très
exigeants sur la qualité de l’emplacement de leurs franchisés.
d’être en quelque sorte si grave ou si lourde de conséquences que le législateur n’hésite pas à écarter toutes les règles rebelles au renflouement des entreprises et ce faisant à forger des principes d’exception aux principes qui régissent le droit des contrats. Ainsi, tantôt est écartée la liberté de contracter, tantôt la force obligatoire ou l’effet relatif du contrat ». 855
Le contrat de franchise et procédures collectives, in Le contrat de franchise : un an d’actualité, LPA,
15 novembre 2007, n° 229, p.59, et LPA 09 novembre 2006, n° 224, p. 47, numéro spécial, par François-
Luc. 856
J.-M. LELOUP, La franchise : Droit et pratique, 4e édition, Delmas, 2004, n°1918, p.308 : « Le
redressement judiciaire du franchiseur est la négation même du franchisage. Le contrat de franchise est celui par lequel une entreprise qui a fait la preuve de sa réussite vend à une autre les moyens de sa réussite, c'est-à-dire une franchise. L’insolvabilité du prétendu franchiseur est la démonstration de l’insuccès de son système de gestion. C’est la noyade du maître nageur. L’objet du contrat de franchise ne peut donc plus être satisfait puisque nous savons que le franchisé doit, grâce à l’avantage concurrentiel que la franchise procure, permettre un franchisé dirigeant de faire des affaires profitables. Puisque franchiser, c’est réitérer une réussite, l’échec du franchiseur qui se trouve en situation de cessation de paiement montre qu’il n’y a plus de réussite à réitérer ». 857
H. BENSOUSSAN, Le droit de la franchise, Apogée 1997, p.239 : « Le franchiseur est alors quasiment contraint de stopper le développement du réseau, l’information précontractuelle dissuadant tous les candidats et devenant ainsi facteur d’immobilisme ». 858
Ibid. 859
L. GIMALAC et S. GRAS, La franchise, Guide juridique et pratique, 2003, p.50.
247
Ils choisissent fréquemment leurs franchisés en fonction de l’emplacement de leur
local860
, ne serait-ce qu’en raison souvent de ce que la « couverture géographique d’un
réseau revêt donc une importance singulière pour le franchiseur qui doit la conserver
intacte, voire l’étendre, pour préserver la crédibilité et la notoriété de l’enseigne »861.
Dès lors, il est possible de penser que tout changement dans le local du franchisé peut
être de nature à remettre en cause le contrat de franchise. La cession du bail, qui est un
des éléments composants le fonds du commerce, par le franchisé peut entraîner
l’extinction anticipée du contrat de franchise.
Au sujet de la cession du bail, il est à noter qu’il arrive, dans certaines hypothèses,
en pratique, que le franchiseur soit le propriétaire du local dans lequel le franchisé
exploite le savoir-faire qu’il a communiqué. Le franchiseur cumule ainsi les qualités de
bailleur et de franchiseur. En pareille hypothèse, le franchiseur tente le plus souvent de
rester maître du bail de commerce. Pour cela, il stipule dans le contrat de franchise une
clause d’enseigne862
. Une telle clause oblige le franchisé-locataire à exploiter son fonds
de commerce exclusivement sous l’enseigne franchisée. Toutefois, cette pratique est
condamnée par la Cour de cassation. Celle-ci considère que « l’obligation imposée au
preneur d’exercer son activité sous telle enseigne précise ne lui permettant pas de faire
valoir son droit à la déspécialisation partielle, par adjonction d’activités connexes ou
complémentaires »863. Reste maintenant à aborder les hypothèses de rupture propres aux
personnes morales.
B. Hypothèses propres aux personnes morales
248. Modification d’une qualité statutaire. De même que la personne physique, la
personnalité de la personne morale peut parfois être prise en compte par les contractants
lors de la conclusion du contrat.
860
Ibid. 861
A. VAN de WYNCKELE-BAZELA, Pacte de préférence et contrat de franchise, D. 2004, p.2487, n°
6, p.2488. 862
Sur cette clause, v. Ph. le TOURNEAU, Les contrats de franchisage, Litec, 2e édition, 2007, n°450
863 Cass.3
e civ., 12 juillet 2000, n° 98-21. 671; JCP E 2000 p.177, note. M. KEITA
248
Ainsi lorsqu’un contractant à un contrat de franchise s’attache non seulement aux
aptitudes de la société de son partenaire, à son savoir-faire, à sa technique de production
ou de distribution ou à son image publicitaire, mais aussi à certaines qualités statutaires
telles que son siège social, sa forme sociale, son objet social ou son capital social, il
s’agit ici d’un intuitus societatis. Une telle prise en compte de la qualité statutaire de la
société, partie au contrat de franchise, par les contractants s’explique par le fait que cette
qualité participe à la fois de l’identité de la personne morale et de sa stabilité864
. Quelle
que soit la raison exacte, lorsqu’une qualité statutaire est prise en compte lors de la
conclusion du contrat de franchise, sa disparition est susceptible d’affecter l’existence
de celui-ci. Comme le relève un auteur : « La modification statutaire sera la preuve
indiscutable d’une altération obstacle à l’exécution du contrat, telle qu’elle avait été
entendue »865. Par conséquent, elle peut être de nature à entraîner la fin anticipée des
relations contractuelles entre franchiseur et franchisé866
. Tel pourrait être, par exemple,
le cas lorsqu’il y a modification substantielle de la forme sociale de la société
franchisée. La transformation du type de la société franchisée, par exemple, d’une
société de nom collectif en société anonyme ou en société en commandite par actions,
peut faire perdre certaines garanties attachées au type de la société. Elle peut alors
entraîner la résiliation du contrat867
.
Toutefois, il est important de souligner que si la perte d’une qualité statutaire de la
société contractante peut entraîner la résiliation du contrat, il ne s’agit pas là d’une
résiliation de plein droit.
864
C. PRIETO, La société contractante, PUAM, 1994, préface J. Mestre, p.383, n°702 et s : « Une qualité statutaire participe de l’identité de la personne morale et de sa stabilité. Une modification statutaire n’est pas une opération banale et les associés ne sauraient s’y résoudre pour des raisons futiles. La prise en compte d’une qualité exprime ainsi la recherche, de la part du contractant de la société, d’une certaine sécurité qu’il attache à la structure de la société ». V. C. PRIETO, Evénement affectant la personne de la
société contractante, in La cessation des relations contractuelles d’affaires, PUAM 1997, p.81, n° 8 et s. 865
C. PRIETO, La société contractante, th., précitée. 866
Ex. CA Paris, 27 février 1987, Juris-Data, n° 1987-021806. 867
C. RIETO, La société contractante, th., précitée, n° 703, p.384 : « On sait que la transformation ne porte pas préjudice au créancier social pour les dettes antérieures. Celui qui a contracté avec une société en nom collectif pourra rechercher la responsabilité solidaire et indéfinie des associés. Mais la poursuite du contrat, créant les dettes ultérieures, ne sera pas placée sous le même régime. Les dettes ultérieures n’engageront les associés qu’à concurrence de leurs apports dans une SARL ou une société anonyme. Cette perte de garantie spécifique au type de société peut être estimée préjudiciable et suffire à dissuader le cocontractant de maintenir le lien contractuel ».
249
En effet, à défaut d’une clause de résiliation expressément prévue au contrat de
franchise stipulant que le contrat sera résilié en cas de disparition de telle ou telle qualité
statutaire de la société contractante, la résiliation ne peut intervenir868
. La perte de la
qualité, même si elle est jugée essentielle, n’a pas d’incidence sur l’existence du contrat
car la personne morale de la société est maintenue. La solution apparaît a priori
identique en cas de modification dans la personne des associés.
249. Modification portant sur la personne des associés. Il arrive fréquemment que la
conclusion du contrat de franchise ne tienne pas compte seulement des qualités de la
personne morale, mais aussi de celles de la personne de ses associés869
. La qualité de
ceux-ci peut paraître l’un des éléments déterminants dans la conclusion du contrat. Il
n’y a rien de surprenant dans cette hypothèse où l’intuitus persona se transforme en
intuitus societatis L’associé est « une composante incontestable de la personne
sociétaire. Il participe, d’une certaine manière, de l’identification de la personne
sociétaire. Les qualités de l’associé (son savoir-faire, son honnêteté ou le caractère
irréprochable de son expérience professionnelle, sa surface financière propre) peuvent
légitimement rejaillir sur l’image de marque de la société qu’elle peut inspirer. L’écran
sociétaire ne doit plus occulter la personne des associés dès lors que ces associés
contribuent au crédit de la société, à son renom »870.
Une telle prise en compte de la qualité des membres de la société franchisée ou
franchiseur n’est pas sans effets sur le maintien du contrat de franchise. En réalité, dès
lors que la qualité des associés prise en compte lors de la formation du contrat disparaît,
il s’ensuit une cessation des relations contractuelles. Une pareille hypothèse se
rencontre, le plus souvent, sur le plan pratique, en cas de cession de contrôle de la part
des associés871
.
868
V. en sens, C. PRIETO, Evénement affectant la personne de la société contractante, op.cit. 869
Y. MAROT, L’intuitus personae, L’officiel de la franchise, février 2008, n° 78, p.130. De manière
générale, v. L. PASCUAL, La prise en considération de la personne physique dans le droit des sociétés,
RTD com. 1998, p. 273 ; C. PRIETO, Evénement affectant la personne de la société contractante, n°12,
p.88. 870
C. PRIETO, Evénement affectant la personne de la société contractante, op.cit. 871
J. PAILLUSSEAU, La cession de contrôle, JCP G 1986, I, 3224, n° 11 : « La cession de contrôle est une opération différente et originale, ne s’assimilant ni à une simple cession de titres, ni à une cession en fait de l’entreprise, c’est le transfert du pouvoir dans l’entreprise sociale, tel que ce pouvoir est organisé par le droit » . V. aussi, D. MAINGUY, Cession de contrôle et sort des contrats de la société cédée, Rev.
Société.1996, 17. G. EMMANUEL, « Notion de contrôle en matière de concentration économique »,
RJDA. 2007, p.307 et s.
250
Cette cession, qui résulte parfois de l’acquisition directe ou indirecte par une
société d’un nombre d’actions ou de parts suffisantes d’une autre société lui permettant
d’imposer sa volonté lors des assemblés générales, « bouleverse un élément central du
rapport contractuel » 872
entre franchiseur et franchisé et doit donc entraîne la
disparition de celui-ci. En pareille hypothèse, le contrat de franchise devient caduc pour
disparition d’un élément essentiel de son exécution873
.
Cependant, la jurisprudence considère qu’à défaut d’une clause de résiliation
contractuelle prévoyant expressément que le contrat de franchise soit conclu en
considération de la personne des associés, et qu’une éventuelle modification de ceux-ci
fasse obstacle au maintien du contrat de franchise, la résiliation du contrat ne peut pas
intervenir874
. Une telle exigence jurisprudentielle s’explique par le principe de
l’autonomie de la personne morale par rapport à ses membres875
. En cas de cession de
contrôle, il n’y a pas de disparition de la personne morale. La personnalité de celle-ci est
maintenue. Elle peut se justifier aussi par le souci de préserver la stabilité des relations
contractuelles876
. Notons, finalement, que, parce qu’il y a toujours la crainte du
franchiseur qu’un nouveau concurrent entre dans le réseau de franchise, le contrat de
franchise contient souvent une clause de résiliation prévoyant que toute prise de
contrôle ou toute modification dans l’actionnariat du franchisé -que cette modification
soit volontaire ou résulte d’un procédé involontaire- entraîne la résiliation immédiate du
contrat, sauf agrément préalable du franchiseur877
.
872
P. Le FLOCH et J-Ch. GUEGUEN, La transmission d’une entreprise membre d’un réseau de
distribution, in Aspects organisationnels du droit des affaires, Mélanges. J. paillusseau, Dalloz, 2003,
p.335, et spéc., n° 10, p.340 et s. 873
En sens, v. P. Le FLOCH et J.-Ch. GUEGUEN, op.cit., p.341 ; D. MAINGUY, Cession de contrôle et
sort des contrats de la société cédée, n°12, p.22 et s. V.aussi, F. GARRON,La caducité du contrat ,
PUAM, 1999, préface J. Mestre, n° 140, p.169 et s. 874
V. Cass.com. 15 janvier 1991, in J.-P. CLEMENT, 20 ans de jurisprudence, n° 39, p.96. A propos des
contrats de concession, V. D. MAINGUY, Cession de contrôle et sort des contrats de la société cédée,
Rev. Société.1996, 17. 875
V. par exemple, T. com. Nanterre 23 décembre. 1987, G.P. 1988, I, 716. Dans ce jugement, les juges
ont déclaré ainsi : « l’être moral que constitue la société anonyme n’est pas affecté par la modification survenue dans l’actionnariat du distributeur, ni par le changement de direction ». 876
C. PRIETO, La société contractante, PUAM, 1994, préface J. Mestre n° 707, p.423 : « …s’agissant de la prise en considération du simple associé, l’exigence est encore plus forte car elle accroît l’instabilité contractuelle en même temps qu’elle porte atteinte à l’autonomie de la personne morale. Attacher la poursuite d’un contrat à la permanence d’une personne morale offre normalement plus de stabilité que si on l’attache à la présence d’un de ses membres ». 877
Sur les différentes clauses interdisant toute sorte de cession de contrôle de la société franchisée, v. P.
BLANCHARD, Les clauses de changement de contrôle, instruments de stabilisation et sauvegarde,
RDAI. 2006, p.105. Egalement, J.-M. MOUSSERON, Technique contractuelle, par P. MOUSSERON, J.
RAYNARD, J.-B. SEUBE, Edition Francis Lefebvre, 3e édition, 2005, n° 1209. V. aussi, J. RAYNARD,
251
La validité de telles clauses en droit positif ne fait guère de doute, ainsi que le
relève un arrêt du 25 janvier 1991878
.
En l’espèce, trois contrats de franchise ont été conclus entre la société franchiseur
Milleville France et la société franchisée Selfcar-franchisé, et cela pour l’exploitation
sous la marque Budget milleville d’un service de location de véhicules sur différents
territoires .Suite à la cession de la majorité des actions de la société franchisée
représentant 95 % du capital à un tiers concurrent sans l’agrément du franchiseur, celui-
ci avait informé la société franchisée par lettre que, conformément aux termes du
contrat, les trois contrats les unissant seraient résiliés de plein droit. Les juges du fond
ont considéré régulière la résiliation du contrat de franchise intervenue à l’initiative du
franchiseur conformément au contrat. En revanche, ils ont limité l’effet de la résiliation
au seul contrat en cours en estimant que les autres étaient déjà expirés. La société
franchisée s’est pourvue en cassation en invoquant que la clause selon laquelle toute
cession des actions par le franchisé entraîne la résiliation de plein droit du contrat de
franchise est contraire au principe de la libre négociabilité des actions. Elle a ajouté que
la composition de l’actionnariat, dans le capital d’une société anonyme, constitue une
liberté fondamentale à laquelle aucune convention ne peut valablement déroger sans
porter un trouble grave aux règles d’ordre public de la liberté du commerce et de la
concurrence.
Or, son pourvoi a été rejeté par la Chambre commerciale qui a décidé que : « Mais
attendu qu’ayant constaté, d’un côté, que les contrats conclus en 1986, s’ils
subordonnaient la réalisation par le franchisé de certaines opérations juridiques, telle
la cession du contrat de franchise, à l’accord préalable du franchiseur, ne visaient pas
la cession des actions représentant le capital de la société franchisée parmi celles
soumises à cet agrément, et, d’un autre côté, que le seul motif de la résiliation de ces
contrats avant leur terme par la société Milleville avait été la cession à un tiers, sans
son accord, de la majorité des actions de la société Selfcar, la cour d’appel a
légalement justifié sa décision du chef critiqué ; que le moyen n’est fondé en aucune de
ses branches » .
La technique contractuelle au service de la pérennité du réseau de distribution, Cah. dr. entr. 2005, p.30,
et spéc., p.35 et s. 878
Cass.com 15 janvier 1991, pourvoi n° 89-12. 537 ; Juris-Data n° 000184.
252
Il convient, finalement, de noter que la modification dans la personne des associés
peut entraîner l’extinction anticipée de la relation contractuelle liant le franchiseur au
franchisé. La modification dans la personne des dirigeants de la société franchisée peut
aboutir au même résultat.
250. Modification de la personne des dirigeants. Compte tenu de sa personnalité,
compte tenu aussi de son expérience, la personne du dirigeant peut parfois être
déterminante dans la décision de la conclusion du contrat de franchise879
. Un contractant
a choisi de contracter avec telle ou telle société franchisée ou franchiseur en raison des
qualités et des aptitudes de ses dirigeants qui sont susceptibles d’assurer la bonne
exécution du contrat de franchise.
Dès lors, lorsqu’il y a modification dans la personne du dirigeant, cette
modification entraîne l’extinction anticipée du contrat de franchise. Le décès du
dirigeant dont la personnalité a été prise en considération lors de la formation du contrat
de franchise ou sa révocation emporte a priori la caducité du contrat880
. Néanmoins, et
de la même manière que pour la modification dans la personne des associés, la
jurisprudence refuse que la disparition de la qualité attachée au dirigeant puisse
entraîner ipso facto la destruction du contrat de franchise. Pour elle, il faut, pour cela,
qu’il y ait une clause stipulant que le contrat de franchise soit conclu en considération
de la personne des dirigeants et qu’en cas de décès ou de révocation, le contrat sera
résilié, sinon celle-ci ne saura être prononcée881
.
879
V. Y. MAROT, L’intuitus personae, L’officiel de la franchise, février 2008, n° 78, p.130. 880
En ce sens, F. GARRON, La caducité du contrat, PUAM, 1999, préface J. Mestre, n° 143, p.171. 881
Pour une illustration récente en matière de contrats de concession. v. CA Paris 25 avril 2003, RDC.
2004, p. 499, C. Bourgeon. En l’espèce, un contrat de concession a été conclu entre la société Galtier
concessionnaire et la société Honda. Ce contrat contenait une clause selon laquelle il était conclu en
considération de la personne des dirigeants de la société concessionnaire, et en cas de modification
substantielle dans celle-ci, que le contrat pouvait être dénoncé par le concédant. En raison du licenciement
du responsable salarié spécialement chargé de l’activité motocycles intervenu à la suite d’une altercation
avec la directrice générale, la société concédante Honda a notifié à la société concessionnaire la résiliation
du contrat de concession en s’appuyant sur la clause contractuelle d’intuitus personae et sur le fait que le
cadre salarié avait été son « seul interlocuteur au sein du concessionnaire-société Galtier- pendant de nombreuses années ». La société concessionnaire a estimé la résiliation du contrat par le concédant
injustifiée. Elle l’a assigné pour dommages et intérêts pour le préjudice qu’elle avait subi du fait de la
rupture du contrat. Les juges du fond l’ont débouté de sa demande. Ils ont estimé que la résiliation du
contrat de concession n’engageait pas la responsabilité du concédant, au motif que le contrat était stipulé
conclu en fonction « de l’identité et de la qualification de ses propriétaires et dirigeants de droit et de fait de celles de ses gestionnaires » et pouvait être dénoncé en cas de « modification de la direction ou du personnel de façon substantielle ».
253
A cet égard, il est à noter que certains contrats de franchise, et de la distribution de
manière générale, prévoient que tout changement dans la personne des dirigeants de la
société du contractant emporte de plein droit la résiliation du contrat. La jurisprudence
reconnaît l’efficacité de cette clause dès lors qu’elle est rédigée de manière précise et
non équivoque882
. D’autres contrats de franchise admettent la possibilité de changement
dans la personne du dirigeant d’une partie mais avec le consentement préalable de son
cocontractant883
.
Une telle clause d’agrément a un caractère unilatéral. Elle est généralement
stipulée à l’égard du franchisé884
. La raison en est que le franchiseur, promoteur du
réseau, entend toujours « pouvoir librement modifier ses structures juridiques et
capitalistiques »885
. Si le franchiseur n’agrée pas au changement de la personne du
dirigeant de la société du franchiseur, le contrat est résilié. Si, au contraire, il l’agrée, le
contrat est maintenu.
251. Conclusion de la section II. Imposé par la nature même du contrat de franchise
qui implique à la fois une bonne et étroite collaboration et une confiance réciproques
entre le franchiseur et le franchisé, l’intuitus personae implique l’exécution personnelle
du contrat. Seul celui dont la personnalité a été prise en considération lors de la
formation du lien peut valablement exécuter la prestation promise. De là, la
considération de la personne fragilise la stabilité des relations contractuelles entre
franchiseur et franchisé. Puisqu’en cas de disparition de l’un ou de l’autre ou en cas de
changement dans l’une de ses qualités prises en compte lors de la conclusion du contrat,
cette disparition ou ce changement entraîne l’extinction anticipée du rapport contractuel.
882
Cass. com., 3 mars 2004, n°02 -12. 905, RLDC. 2004, p.3, J. MESTRE. Dans cet arrêt, la Chambre
commerciale de la Cour de cassation a approuvé un arrêt d’appel qui avait jugé la clause permettant la
rupture unilatérale d’une relation avec le cas de « départ du dirigeant signataire du contrat » couvre l’hypothèse du décès de celui-ci, contrairement aux prétentions de ladite société estimant avoir visé les seuls cas de démission et de révocation ». 883
Y. MAROT, L’intuitus personae, L’officiel de la franchise, février 2008, n° 78, p.130. 884
Ibid. 885
Ibid.
254
252. Conclusion du chapitre II. Inscrit dans la durée, le contrat de franchise s’expose
parfois aux aléas de divers évènements qui surviennent lors de sa vie. La survenance de
ces évènements rend parfois impossible l’exécution du contrat de franchise ou plus
onéreuse pour l’une des parties contractantes. On pense là aux cas de force majeure ou
de cas de hardship. Et parfois, la survenance de ces évènements rend non pas impossible
l’exécution du contrat de franchise ou voire difficile, mais indésirable pour l’une des
parties. Tel est le cas lorsqu’il y a atteinte à l’intuitus personae afférant les parties
contractantes. Dans l’une ou l’autre hypothèse, le contrat de franchise risque d’être
éteint avant même que le terme extinctif contractuellement fixé ne soit échu.
255
253. Conclusion du titre II. Comme tout contrat synallagmatique, le contrat de
franchise crée à la charge de chacune des parties des obligations contractuelles. Ces
obligations doivent être respectées. L’inexécution par l’une des parties remet en cause
l’économie du contrat de franchise et donc entraîne son extinction. Le franchisé ou le
franchiseur dont l’obligation n’a pas été respectée peut résilier le contrat soit par le
recours au juge, soit de son propre chef. Toutefois, si l’extinction du contrat de
franchise a fréquemment pour cause l’inexécution du contrat, celle-ci n’est pas la seule.
D’autres causes autres que l’inexécution peuvent aussi entraîner l’extinction du contrat
de franchise. Certaines de ces causes sont inhérentes aux parties. C’est ainsi lorsqu’il y
a atteinte à l’intuitus personae afférant les parties contractantes au contrat de franchise.
Tout changement dans la personne du contractant ou dans l’une de ses qualités prise en
compte lors de la conclusion du contrat peut constituer une cause d’extinction du contrat
de franchise. D’autres causes sont extérieures aux parties. Il s’agit là de cas de force
majeure rendant impossible l’exécution du contrat de franchise. Il s’agit aussi de cas de
hardship remettant en cause l’économie du contrat, de telle manière que l’exécution du
contrat devienne plus onéreuse, trop coûteuse pour l’une des parties
256
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE I
254. Le contrat de franchise peut en effet prendre fin pour diverses causes. La cessation
des relations contractuelles peut trouver sa source dans le non-renouvellement du
contrat à l’arrivée du terme. A l’échéance de ce terme, chacune des parties peut refuser
de maintenir le contrat de franchise au-delà du terme extinctif par lequel il est affecté.
Le franchisé comme le franchiseur dispose d’un droit au non renouvellement du contrat
à son terme. Ce droit ne doit pas toutefois être exercé de manière abusive, sinon la
responsabilité de son auteur sera engagée.
255. La cessation des relations contractuelles peut aussi trouver sa cause dans la
résiliation du contrat de franchise. Parfois, cette résiliation est intervenue suite à la
volonté des parties. Elle est voulue par elles. Tel est le cas pour la résiliation bilatérale
du contrat de franchise. Le franchiseur et le franchisé peuvent convenir à tout moment
lors de l’exécution du contrat d’y mettre fin. Tel est aussi le cas pour la résiliation
unilatérale du contrat de franchise à durée indéterminée. Dans ces hypothèses,
l’extinction du contrat de franchise est voulue par les contractants.
256. Parfois, la résiliation est intervenue suite à la survenance de certains évènements
qui risquent d’éteindre le contrat de franchise avant même que le terme extinctif
contractuellement stipulé ne soit échu. Certains de ces évènements sont liés aux parties.
On pense au cas de l’inexécution par l’une des parties de ses obligations. Cette
inexécution est sanctionnée par la résiliation ou la résolution du contrat de franchise,
résiliation ou résolution qui peut être prononcée par le juge. Elle peut aussi être
prononcée par la volonté unilatérale du franchiseur ou du franchisé dont l’obligation n’a
pas été exécutée.
257
Qu’elle soit d’origine judiciaire ou qu’elle soit d’origine unilatérale, la résiliation
ou la résolution met fin au contrat de franchise. L’évènement liés aux parties, et qui font
appel à la résiliation du contrat de franchise peuvent être non pas une défaillance
contractuelle, mais une atteint portée à l’intuitus personae afférant les parties
contractantes.
257. Le fait que le contrat de franchise soit conclu en considération de la personne du
contractant rend fragile la pérennisation du contrat. Toute disparition de l’une des
parties ou tout changement dans l’une de sa qualité est susceptible d’entraîner
l’extinction des relations contractuelles. A priori, dans ce cas, l’extinction du contrat
s’explique par le cas de caducité, étant donné que le contrat de franchise a perdu un des
éléments essentiels de son exécution. Mais parce que dans la plupart du temps les
contrats de franchise prévoient la résiliation, on écarte la caducité au profit de celle-ci
258. D’autres évènements qui sont susceptibles de faire intervenir la résiliation du
contrat de franchise sont extérieurs aux parties. Il s’agit, là, de cas de force majeure
rendant impossible l’exécution du contrat. Dans ce cas, les parties prévoient souvent
une clause contractuelle permettant de résilier le contrat si une des parties a subi un
évènement de force majeure. Il peut s’agir aussi de cas de hardship qui remet en cause
l’économie du contrat de franchise. Ce cas de hardship peut éventuellement entraîner la
résiliation au cas où aucun accord entre les parties sur l’adaptation du contrat aux
nouvelles circonstances n’a été trouvé. Dans toutes ces hypothèses où la résiliation est
intervenue à la suite de la survenance d’évènements liés ou extérieurs aux parties, on
qualifie les causes d’extinction du contrat de franchise de cause d’extinction
extraordinaire, car l’extinction n’est pas, dans ces hypothèses, voulue par les parties.
Notons, enfin, que peu importe sa cause, une fois l’extinction du contrat de franchise
intervenue, elle produit certains effets juridiques à l’égard des parties.
258
PARTIE II - LES EFFETS DE L’EXTINCTION DU CONTRAT DE FRANCHISE
259
259. La mise en jeu de la responsabilité et la naissance de nouvelles obligations.
Quelle que soit la cause pour laquelle elle est intervenue, l’extinction du contrat a un
effet abrogatif immédiat sur le rapport contractuel entre franchiseur et franchisé. Cet
effet abrogatif n’a pas d’effet rétroactif. Elle ne remet pas en cause des obligations déjà
nées du contrat de franchise. Elle met simplement fin au pouvoir du contrat de franchise
d’engendrer de nouvelles obligations pour le futur. Toutefois, il est à noter que l’effet
abrogatif que produit l’extinction sur le contrat de franchise n’empêche pas de mettre en
jeu la responsabilité du franchiseur ou du franchisé (Titre I). Peu importe que cette
responsabilité soit de nature contractuelle ou de nature délictuelle. Paradoxalement,
l’extinction du contrat n’empêche pas de faire naître de nouvelles obligations (Titre
II), obligations dont certaines peuvent être prévues par le contrat lui-même, mais leurs
effets sont repoussés à son extinction. Ce sont ces deux questions, c'est-à-dire la
responsabilité éventuelle des contractants et les obligations nées de l’extinction du
contrat de franchise que nous allons aborder tout au long de cette deuxième partie.
260
TITRE I - LA RESPONSABILITE DE L’AUTEUR DE LA
RUPTURE DU CONTRAT
261
260. Plan et vue générale. La cessation des relations contractuelles unissant le
franchiseur et le franchisé peut intervenir pour des raisons diverses. Il peut s’agir du
non-renouvellement d’un contrat de franchise conclu pour une durée déterminée venue
à expiration886
. Il peut aussi s’agir d’une rupture unilatérale d’un contrat de franchise
conclu pour une durée indéterminée887
ou d’une rupture anticipée d’un contrat de
franchise conclu avec un terme888
. Quelle que soit sa forme, la rupture du contrat de
franchise peut, dans certaines hypothèses, intervenir dans des circonstances fautives et
causer un dommage à celui qui l’a subi. Il en est ainsi lorsque le franchisé a mis fin au
contrat de manière irrégulière et avant terme ou de manière brusque, sans respecter un
délai de préavis, ou, enfin, lorsque le non- renouvellement du contrat de franchise par le
franchiseur est intervenu après avoir fait croire au franchisé que le contrat se
renouvellerait pour une nouvelle durée. Dans toutes ces hypothèses, le contractant, à qui
la rupture fautive du contrat de franchise est imputable, engage sa responsabilité. Ce
dernier sera tenu de réparer tout le préjudice que son cocontractant a subi du fait de la
rupture abusive ou brusque du contrat de franchise. Cette réparation peut intervenir en
nature par la condamnation de l’auteur de la rupture fautive à maintenir le contrat et à
continuer d’exécuter ses obligations (Chapitre I). Elle peut, au contraire, être par
équivalent, l’auteur de la rupture fautive étant condamné à payer des dommages et
intérêts au cocontractant victime (Chapitre II).
886
Supra n° 24 et s. 887
Supra n° 77 et s. 888
Supra n° 113 et s.
262
CHAPITRE I – REPARATION EN NATURE
261. Exposé de la problématique. En cas de rupture fautive d’un contrat de franchise,
le franchisé ou le franchiseur, victime d’une telle rupture, peut s’estimer en droit
d’obtenir le maintien du contrat fautivement rompu et pas seulement une simple
allocation de dommages et intérêts. A priori, le maintien forcé du contrat paraît la
réparation la mieux adaptée pour satisfaire ses besoins (Section I). Il lui assure une
réparation complète en ce sens qu’il efface la rupture du contrat en le remplaçant dans la
situation antérieure à celle-ci. Mais la mise en œuvre du maintien forcé n’est pas
toujours facile. Elle se heurte souvent à des difficultés pratiques. La rupture fautive d’un
contrat de franchise porte généralement atteinte à la confiance existant entre les parties,
de sorte que le rétablissement du contrat paraît souvent difficile, voire impossible. Outre
le maintien forcé qui porte atteinte à la liberté contractuelle, il arrive parfois que l’une
des parties résilie fautivement le contrat et concluet un autre contrat avec un nouveau
contractant. En pareille hypothèse, contraindre l’auteur à la reprise forcée du contrat
fautivement rompu suppose la rupture d’un nouveau contrat qu’il a conclu. Cela est
susceptible de créer un désarroi et une instabilité dans les relations contractuelles.
Toutes ces raisons expliquent que le juge préfère le plus souvent réparer le préjudice dû
à une rupture fautive par l’allocation de dommages et intérêts et qu’il ne retient le
maintien forcé que de manière exceptionnelle, à titre de réparation en nature (Section
II).
263
SECTION I – LE MAINTIEN FORCE DU CONTRAT COMME REPARATION
EN NATURE
262. Afin de préserver le principe de la force obligatoire, et donc la stabilité des
rapports contractuels, il a été soutenu qu’en cas de rupture brusque ou abusive ou même
irrégulière d’un contrat de franchise, le juge doit ordonner le maintien forcé du contrat
fautivement rompu à titre de sanction et de réparation en nature (§ 1). Une telle mesure
paraît séduisante. Elle a l’avantage d’éviter l’évaluation plus ou moins arbitraire par le
juge du préjudice résultant d’une rupture fautive. Pourtant, elle est difficilement
applicable sur le plan pratique. Certains arguments s’opposent au maintien forcé du
contrat comme mode de réparation en nature (§ 2).
§1. Proposition en faveur du maintien force du contrat
263. Plaidoyer pour le maintien forcé du contrat. Au lieu et place de l’indemnisation
du contractant victime d’une rupture fautive, un courant doctrinal estime qu’il est
souhaitable, que le juge ne tienne pas compte de la rupture fautivement intervenue et
qu’il condamne son auteur au maintien du contrat889
.
889
F. TERRE, Ph. SIMLER, Y. LEQUETTE, Les obligations, Précis Dalloz, 9e édition, 2005, n° 661,
p.650 et s. Ces auteurs observent qu’il « serait souhaitable que le juge puisse non seulement allouer des dommages et intérêts afin de réparer le préjudice subi mais éventuellement maintenir le contrat abusivement résolu. Au cas contraire, en effet, ce serait remettre en cause le principe de la force obligatoire du contrat tel qu’il est traditionnellement conçu en droit français ». V. aussi, J. MESTRE,
Rupture abusive et maintien du contrat, in Exécution du contrat en nature ou par équivalent, RDC. 2005,
p.99, et spéc., p.105 ; Ph. STOFFEL-MUNCK, La rupture du contrat et le droit de la distribution, in Le
contrat électronique au cœur du commerce électronique, in Le droit de la distribution : droit commun ou
droit spécial, LGDJ, Université Poitiers collection de la Faculté de droit et des sciences sociale,2005,
p.177, et spéc., n°19,p.190 ; D. MAZEAUD, Durées et ruptures, in Durée et exécution du contrat , RDC
2004 , p.129 ,et spéc , n°19 , p.143 ; du même auteur, obs sous Cass. civ 1er
, 7 novembre 2000, D. 2001,
p.1137 ; M. AMERANI-MEKKI, La résiliation unilatérale des contrats à durée déterminée, LPA, 13 août
2002, n°161, p.4 ; B. FAGES, Le comportement du contractant, 1997, PUAM, préface J. Mestre, n°686,
p.375, et s, et spéc., n°687, p.375.
264
Selon ce courant doctrinal, une telle réparation en nature serait particulièrement
opportune, notamment en ce qui concerne les contrats de franchise, de concession et les
contrats de distribution de manière générale, contrats qui sont qualifiés de contrats de
situation en raison de ce qu’ils fondent l’activité des parties.
Ainsi, Mme M.-E. Pancrazi-Tian observe que le maintien forcé, à titre de sanction
et de réparation en nature, a le mérite d’éviter toute évaluation parfois plus ou moins
arbitraire faite par le juge du préjudice résultant d’une rupture fautive890
. Cet auteur a
proposé de sanctionner le non–renouvellement abusif d’un contrat à durée déterminée
par le maintien de la convention pour une même durée et aux mêmes conditions
qu’antérieurement891
. Quant à la résiliation abusive ou brusque d’un contrat à durée
indéterminée, elle a proposé qu’elle soit sanctionnée par une prolongation du contrat
pour une période indéterminée, tout en gardant la possibilité pour chacune des parties de
mettre fin au contrat. Enfin, lorsque l’abus est relatif à une résiliation brusque d’un
contrat, elle a proposé de la sanctionner par une prolongation de la relation
contractuelle pour un délai correspondant au préavis que l’auteur aurait dû respecter892
.
Une telle analyse a été approuvée par une partie de la doctrine. M. D. Mazeaud
rejoint cette analyse. Il considère que si seule la responsabilité civile peut sanctionner
une rupture abusive, celle-ci ne se solde pas nécessairement par l’allocation de
dommages et intérêts. Et que la réparation en nature, plutôt que la réparation par
équivalent, peut être prononcée par le juge qui peut décider le maintien forcé du
contrat893
.
890
M -E. PANCRAZI-TIAN, La protection judiciaire du lien contractuel, PUAM 1997, préface J. Mestre,
n° 271, p. 228. 891
Ibid. 892
Ibid. 893
D. MAZEAUD, obs sous Cass. civ 1er
, 7 novembre 2000, D. 2001, p.1137.
265
Pour dissuader un contractant de rompre de manière fautive son contrat, « il serait
judicieux de reconnaître au juge le droit de décider, comme il peut le faire en cas
d’exercice déloyal d’une clause résolutoire expresse, le maintien des effets du contrat
abusivement résolu, plutôt que de lui conférer le seul pouvoir de réparer, sous la forme
de dommages-intérêts, le préjudice subi par le cocontractant »894.
Il en va de même pour le doyen J. Mestre qui estime qu’il y a plusieurs raisons
justifiant que le juge, saisi d’une rupture abusive ou irrégulière, ordonne le maintien
forcé du contrat fautivement rompu au lieu d’allouer des dommages et intérêts au
contractant victime895
. D’abord, une telle sanction en nature se justifie par le respect des
prévisions initiales des parties. « Souvent, celles-ci ont procédé, dans la perspective de
l’établissement et de la pérennité du lien contractuel, à des investissements lourds ou
encore ont renoncé à établir des partenariats avec d’autres, et il est donc, nous semble-
t-il, normal que non seulement leurs prévisions ne soient pas ensuite trahies mais
encore que leur soit assurée, si du moins elles le souhaitent, le droit d’obtenir l’absolu
respect de la situation sur laquelle elles ont fondé leurs espoirs ». Ensuite, elle
s’explique par le principe de la force obligatoire du contrat. Le versement d’une somme,
au terme bien souvent de quelques années de procédure, n’est généralement pas
satisfactoire pour le contractant dont le partenaire s’est entre-temps évadé896
.
Enfin, le droit au maintien forcé paraît « un pendant nécessaire au développement
dans notre droit de la faculté de la résiliation unilatérale pour comportement
gravement répréhensible du contractant. Si, en effet, on ne veut pas que cette faculté
soit la porte ouverte à trop d’évasion prématurée injustifiée, il faut, nous semble t-il,
renforcer la sanction judiciaire susceptible d’atteindre ces dernières »897.
894
D. MAZEAUD, Durées et ruptures, op.cit., n°19 , p.143 . 895
J. MESTRE, Rupture abusive et maintien du contrat, in Exécution du contrat en nature ou par
équivalent, RDC 2005, p. 99, et spéc., p.105. 896
Ibid. 897
Ibid.
266
M. P. Stoffel-Munck rejoint cette analyse en observant que le maintien forcé,
décidé par le juge, d’un contrat de franchise ou de concession fautivement rompu, aura
le mérite non seulement de protéger le principe de la force obligatoire du contrat mais
aussi la valeur importante que représentent de tels contrats898
. Toutefois, M. P. Stoffel-
Munck restreint la portée d’une telle sanction899
. Il estime que le maintien forcé d’un
contrat abusivement ou irrégulièrement rompu, à titre de sanction et de réparation en
nature, ne devrait être admis que dans la mesure où la rupture du contrat est intervenue à
la suite de la violation d’une obligation contractuelle900
. Selon lui, dans ce cas, le
principe de la force obligatoire du contrat justifie que le juge ordonne la continuation
forcée du contrat abusivement ou irrégulièrement rompu. En revanche, lorsque la
rupture du contrat est intervenue à la suite d’une contravention au devoir de loyauté,
seule la réparation par l’allocation des dommages et intérêts est envisageable901
, étant
donné qu’il ne s’agit pas là d’une violation d’une norme contractuelle stricto sensu,
mais d’une norme de loyauté s’imposant à toute personne902
. Certes, le maintien forcé,
comme sanction et réparation en nature, d’une rupture fautive, peut avoir pour effet
d’assurer le respect de la force obligatoire du contrat. Le fait qu’il soit forcé par le juge
de reprendre son contrat peut dissuader le franchisé ou le franchiseur de rompre. Malgré
cela, le maintien forcé ne paraît pas adéquat.
§2. Un maintien forcé du contrat inadéquat
264. Le maintien forcé : réparation d’une efficacité douteuse. S’il est vrai que le
maintien forcé peut satisfaire le besoin du franchisé ou du franchiseur dont le contrat a
été abusivement ou irrégulièrement rompu, davantage que l’allocation de dommages et
intérêts, il est, en revanche, difficile à mettre en œuvre en pratique.
898
Ph. STOFFEL-MUNCK, Le contrôle a posteriori de la résiliation unilatérale, Dr et patr. 2004, n° 126, 899
Ph. STOFFEL-MUNCK, La rupture du contrat et le droit de la distribution, in Le contrat électronique
au cœur du commerce électronique, Le droit de la distribution : droit commun ou droit spécial, LGDJ,
Université, Poitiers, Collection de la Faculté de droit et des sciences sociales, 2005, p.177, et spéc.,
n°19,p.190. 900
Ibid. 901
Ibid. 902
Ph. STOFFEL-MUNCK, L’abus dans le contrat, LGDJ, 2002, préface R. Bout, n° 117, p. 108 et s, et
spéc., n° 126, p.116.
267
En effet, la rupture fautive d’un contrat de franchise porte souvent atteinte à la
confiance existant entre les parties, confiance conçue comme un élément primordial
pour la mise en œuvre du contrat de franchise. Par conséquent, le rétablissement par le
juge du contrat de franchise fautivement rompu est parfois douteux, voire impossible.
Seule la réparation par l’allocation de dommages et intérêts est donc envisageable903
.
A vrai dire, en pareille circonstance, il est réaliste de tenir cette rupture pour
acquise. Il « n’est en effet pas souhaitable d’obliger à collaborer deux parties dont
l’une n’attendra que le moment propice pour s’évader de ce rapport imposé. Certains
types de contrats impliquent à la fois confiance et collaboration sans faille (concession,
franchisage..) et le maintien forcé des relations des contractants n’y conduirait pas
véritablement »904. Décider autrement, et maintenir le contrat de franchise fautivement
rompu, nonobstant le bris du climat de confiance existant entre les parties, risque
d’aggraver la situation plutôt que d’y remédier. Comme le relève justement le
Professeur Ph. Le Tourneau : « A tout prendre, le remède risque d’être pire que le
mal : mieux vaut sans doute une rupture franche, permettant de nouer des liens
nouveaux avec un tiers, qu’un contrat qui vivote sous perfusion ! »905.
903
V. en, ce sens, Ph. Le TOURNEAU, Les contrats de franchisage, Litec, 2e édition, 2007, n° 673,
p.294, et spéc., p.295 ; M. MALAURIE-VIGNAL, Droit de la distribution, Sirey, 2006, n°700,p.190 ; Ph.
LE TOURNEAU, Droit de la responsabilité et des contrats, Dalloz, 2006 /2007, n° 6908 ; Ch.
BOURGEON, Rupture abusive et maintien du contrat : observation d’un praticien, RDC. 2005, p.109. Ph.
DELEBECQUE, « Le droit de rupture unilatérale du contrat : genèse et nature, Dr et patr, .2004, n°126,
p.160 ; J. THREARD et Ch. BOURGEON, Dépendance économique et droit de la concurrence, p.26 ; P.
CHAZAL, Les nouveaux devoirs des contractants : est-on allé trop loin ? , in La nouvelle crise du contrat,
Dalloz, 2003, p,99, et spéc., p 122 ; S. LEBRETON, L’exclusivité contractuelle et les comportements
opportunistes, Etude particulière aux contrats de distribution, Bibliothèque de droit de l’entreprise, Litec,
2002, n° 257, p. 347 ; J.-M. MOUSSERON, note sous Cass. com., 1er
décembre 1992, JCP E 1993, I, n°
234, n° 16 ; J. THREARD et Ch. BOURGEON, Dépendance économique et droit de la concurrence, p.26. 904
J. THREARD et Ch. BOURGEON, Dépendance économique et droit de la concurrence, p. 26. Dans
le même sens, P. CHAZAL, Les nouveaux devoirs des contractants : est-on allé trop loin ?, in La nouvelle
crise du contrat Dalloz, 2003, p,99, et spéc., p 122 : « parce que les contractants ne s’aiment pas comme des frères qu’il ne faut pas tenter de maintenir à tout prix le lien qui les unit. Ainsi, la continuation forcée du contrat ne devrait être admise que dans des cas très particuliers et rares, par exemple dans les contrats dans lesquels les obligations s’exécutent sans que le comportement d’une des parties puisse parasiter l’utilité de la prestation économique attendue ». 905
Ph. Le TOURNEAU, Les contrats de franchisage, Litec, 2e édition, 2007, n° 673, p.294, et spéc.,
p.295.
268
265. Atteinte au principe de la liberté contractuelle. Outre son efficacité douteuse, le
maintien forcé du contrat de franchise, comme une sorte de réparation en nature, porte
atteinte à la liberté contractuelle des contractants, liberté qui est « l’âme du contrat »906.
Comme le relève un auteur : « Le maintien forcé du lien contractuel implique, à
notre sens, une atteinte insupportable à la liberté contractuelle, à la volonté
contractuelle. Comment peut-on invoquer que soit forcé un lien contractuel, par nature
volontaire ? Mais surtout, que deviennent alors les idées de collaboration des
contractants, de partenaire, voire de fraternité dont on a vu qu’elles étaient si
nécessaires à l’épanouissement de la relation contractuelle ? » 907.
266. Confusion avec l’exécution forcée. L’exécution forcée en nature et la réparation
en nature908
ne sont-elles pas une notion unique? En effet, il existe une différence
d’essence irréductible entre ces deux notions. Quant à leur objet, l’exécution forcée en
nature, qui n’est que « l’effet le plus direct du principe de la force obligatoire du
contrat »909, est de nature satisfactoire. Elle procure au créancier une satisfaction qui est
conforme à l’objet du contrat910
. C’est la prestation promise ou convenue au contrat qui
a été exécutée.
906
G .ROUHETTE, La force obligatoire du contrat : Rapport français in Le contrat aujourd’hui :
comparaisons franco-anglaises, sous la direction .D. Tallon et D. Harris, LGDJ 1987, p.28, n°2. 907
S. LEBRETON, L’exclusivité contractuelle et les comportements opportunistes, Etude particulière aux
contrats de distribution, th., précitée, n°257, p.347. Notons, à cet égard, que par une décision du 20 juillet
1988, le Conseil constitutionnel a jugé inconstitutionnelle la réintégration obligatoire d’un salarié
ordinaire au motif que cette mesure porterait atteinte à la liberté d’entreprendre. V. 908
Sur cette question, v. Exécution du contrat en nature ou par équivalent, RDC. 2005/ 1 ; P -G. JOBIN,
L’exécution forcée en nature du contrat au Québec : Les sources du droit remises en question, Libres
propos sur les sources du droit, Mélanges. Ph. Jestaz, Dalloz, 2006, p. 235 ; G. VINEY, « Exécution de
l’obligation, faculté de remplacement et réparation en nature en droit français », in Les sanctions de
l’inexécution des obligations contractuelles, Etudes de droit comparé, sous la dir. M. FONTAINE, G.
VINEY, Bruylant, LGDJ, 2001, p.16 ; P. WERY, L’exécution en nature de l’obligation contractuelle et la
réparation en nature du dommage contractuel, Rapport belge, in Les sanctions de l’inexécution des
obligations contractuelles, op. cit., p.205 ; F. BELLIVIER et R. SEFTON-GREEN, Force obligatoire et
exécution en nature du contrat en droit français et anglais : bonnes et mauvaises surprises du
comparatisme, in Le contrat au début du XXe siècle, Mélanges. J. Ghestin, LGDJ, 2001, p. 91 ; M. E.
ROUJOU DE BOUBEE, Essai sur la notion de réparation, LGDJ, 1974, préface. P. Hebraud, p. 267 et
s ; H.-R. HOUIN, La rupture unilatérale des contrats synallagmatiques, th., 1973, Paris. II, n° III- 98,
p.658, et spéc., p.659. 909
G. VINEY, Exécution de l’obligation, faculté de remplacement et réparation en nature en droit
français, op.cit., p.167, n°16, p.182. 910
M.-E. ROUJOU de BOUBEE, th., précitée. V. aussi, P. WERY, L’exécution en nature de l’obligation
contractuelle et la réparation en nature du dommage contractuel, op.cit, n°24, p. 233.
269
Or, cela n’est pas le cas pour la réparation en nature. Celle-ci, qui se présente
comme une suite de la responsabilité911
, est de nature compensatoire. Elle se borne à
compenser le préjudice que subit le créancier du fait de l’inexécution de la prestation
contractuelle en lui offrant une prestation équivalente à celle qui elle a été promise. « La
réparation en nature impose donc au débiteur l’accomplissement d’une prestation qui
est étrangère au contenu obligationnel du contrat, tel que le définissent les articles
1135 et 1134 alinéa 3, du Code civil »912.
La distinction entre l’exécution en nature et la réparation en nature n’apparaît pas
seulement quant à leur objet. Elle est également visible quant à leur régime
d’application. Tout d’abord, leurs conditions sont nettement différentes. Alors que la
mise en œuvre de l’exécution en nature, qui est un droit pour le contractant victime
d’inexécution, implique seulement la preuve d’une inexécution de la part de l’un des
contractants sans qu’il y ait à établir un dommage quelconque né de cette inexécution, la
mise en œuvre de la réparation en nature, exige la preuve d’un préjudice sans lequel il
ne peut être accordé par le juge913
. Quant aux pouvoirs du juge, celui-ci ne dispose pas
d’un pouvoir d’appréciation quand il s’agit d’une demande d’exécution en nature. Le
juge, saisi du litige, n’a pas le pouvoir de refuser la demande de l’exécution en nature
présentée par le créancier et ni de lui préférer une réparation, que ce soit sous forme de
dommages et intérêts ou sous forme de réparation en nature. Il doit seulement vérifier
que l’exécution est due et que la demande n’est pas abusive914
. A vrai dire, l’exécution
en nature est un droit pour le créancier de l’obligation qui n’a pas été exécutée. Le juge
doit non seulement la respecter, mais également prendre toute mesure susceptible
d’assurer son efficacité915
.
911
P. WERY, op.cit. 912
P. WERY, op.cit. 913
Cass. civ., 3e décembre 2003, RTD civ. 2004, p. 295, obs. P. JOURDAIN ; Contrats. conc. conso.,
2004, comm. n°38, obs. L. LEVENEUR. 914
G. VINEY, « Exécution de l’obligation, faculté de remplacement et réparation en nature en droit
français », in Les sanctions de l’inexécution des obligations contractuelles, Etudes de droit comparé, sous
la dir. M. Fontaine, G. Viney, Bruylant, LGDJ, 2001, p.16 ; P. WERY, L’exécution en nature de
l’obligation contractuelle et la réparation en nature du dommage contractuel, Rapport belge, in Les
sanctions de l’inexécution des obligations contractuelles, op. cit., p.205. 915
Ibid.
270
La situation est différente s’agissant de la réparation en nature. La demande de
réparation en nature est en principe soumise à l’appréciation du juge. Celui-ci est libre
de choisir les modalités qui lui paraissent les mieux adaptées à la situation916
. Il peut
même écarter la demande de réparation en nature présentée par le créancier pour y
substituer une condamnation à des dommages et intérêts ou même une autre mesure de
réparation en nature qui lui paraîtrait plus efficace pour effacer le dommage résultant de
l’inexécution917
.
Malgré ces points de divergence, la distinction entre l’exécution en nature et la
réparation en nature est parfois difficile à mettre en œuvre, notamment en ce qui
concerne l’exécution des obligations de faire ou de ne pas faire918
. En matière de
contrats de franchise, par exemple, si l’on admet que le préjudice résultant d’une rupture
fautive d’un contrat de franchise est réparé en nature par le maintien forcé du contrat, il
est alors difficile de distinguer la réparation en nature d’une condamnation à l’exécution
en nature. Les deux mécanismes fusionnent et se rejoignent alors que leurs conditions
de mise en œuvre ne sont pourtant pas identiques.
916
P. JOURDAIN, obs. sous Cass. civ., 3e, 28 septembre, 2005, RTD civ. 2006, p.129.
917 Ibid.
918 Cette difficulté de distinction a été soulignée par la plupart des auteurs, v. H. R. HOUIN, La rupture
unilatérale des contrats synallagmatiques, th., 1973, Paris. II, n° III- 98, p.658, et spéc., p.659 : « Même si l’on admet que la règle posée par ce texte ( 1142 du Code civil ) n’est pas absolue, une autre considération s’oppose à la réparation en nature, et semble bien constituer le fondement réel du droit positif : la rupture unilatérale est un acte, qui a pour effet de mettre fin à la convention qu’elle vise. Or, il est très difficile de distinguer une réparation en nature d’une contrainte à l’exécution en nature. La première aboutirait à faire revivre un contrat qui doit être tenu pour définitivement éteint, en vertu du pouvoir reconnu à la volonté unilatérale ». M.-E. ROUJOU de BOUBEE, Essai sur la notion de
réparation, LGDJ, 1974, préface. P. Hebraud, p.193 : « la distinction entre réparation en nature et exécution est loin d’être toujours nettement tranchée : il est parfois bien difficile de discerner les techniques susceptibles de satisfaire le créancier de celles qui ne pourront lui apporter qu’une compensation…Souvent on passe de manière presque insensible de l’exécution à la réparation » ;
G.VINEY, Exécution de l’obligation, faculté de remplacement et réparation en nature en droit français ,
in Les sanctions de l’inexécution des obligations contractuelles, Etudes de droit comparé, sous la dir. M.
FONTAINE, G. VINEY, Bruylant, LGDJ, 2001, p.167, n°35, p.198 et s : « on admet que le dommage contractuel peut être réparé autrement que par des dommages et intérêts (réparation en nature), la distinction entre ce type de réparation en nature et l’exécution se fait moins nette (…) la principale difficulté que soulève la réparation en nature c’est qu’elle est très difficile à distinguer de l’exécution alors que précisément elle n’a de raison d’être que si elle est autonome par rapport à celle–ci ».
271
267. Conclusion de la section I. Si le maintien forcé d’un contrat de franchise
fautivement rompu, à titre de réparation en nature, peut juridiquement se justifier par le
principe de la force obligatoire du contrat, son application en pratique semble toujours
inadéquate. Elle a l’inconvénient d’être d’une efficacité incertaine. En effet, il est
souvent difficile pour le juge de faire revivre un contrat de franchise fautivement rompu
en raison de la perte de confiance que celle-ci a entraîné entre les parties. Même si nous
admettons le contraire et que nous obligeons l’auteur de la reprise du contrat qu’il a
rompu sans motif légitime, la collaboration entre les parties risquerait de ne pas être
comme avant en raison de la méfiance engendrée par cette rupture. Cela conduirait,
finalement, à la dégradation des relations contractuelles au lieu de remédier à la rupture.
A l’efficacité douteuse du maintien forcé s’ajoute aussi que le fait que celui-ci porte
atteinte au principe de la liberté contractuelle. Il rend enfin malaisée la distinction entre
l’exécution forcée du contrat et la réparation en nature du contrat. Toutes ces raisons
semblent conduire la jurisprudence à ne retenir le maintien forcé que de manière
exceptionnelle en cas de rupture abusive ou irrégulière d’un contrat de franchise.
272
SECTION II - LE CARACTERE EXCEPTIONNEL DU MAINTIEN FORCE DU
CONTRAT PAR LE JUGE
268. Réticence jurisprudentielle. Si les juges des référés admettent, de manière
temporaire, le maintien forcé d’un contrat de franchise ayant été abusivement ou
irrégulièrement rompu par l’une des parties en matière de référé (§1), la jurisprudence y
est généralement hostile en dehors de ce domaine (§ 2).
§1. Le maintien forcé temporaire du contrat en matière de référé
269. La reprise forcée du contrat. L’étude de la pratique montre que le recours à la
procédure des référés est de plus en plus fréquent en matière contractuelle919
,
notamment en matière de contrats de la distribution920
, et tout particulièrement pour les
contrats de franchise où le contentieux a souvent le trait de l’urgence921
. Dans ce
dernier, dans l’attente d’une décision au fond, le contractant qui s’estime victime d’une
rupture fautive, peut s’adresser au juge des référés pour lui demander, conformément de
l’article 873 du Nouveau Code de procédure civile922
, de prendre des mesures d’urgence
pour faire cesser un trouble manifestement illicite susceptible de causer un préjudice
parfois irréparable.
919
V. B. MELIN-SOUCRAMANIEN, Le juge des référés et le contrat, PAUM, 2000, préface J. Mestre,
n° n°7, p.19 et s. 920
V. J. MESTRE, Rupture abusive et maintien du contrat, in Exécution du contrat en nature ou par
équivalent, RDC 2005, p.99. Egalement, Ch. BOURGEON, Rupture abusive et maintien du contrat :
observations d’un praticien, RDC 2005, p.109. 921
V. Ch. BOURGEON, Rupture abusive et maintien du contrat, op.cit. 922
Article 873 de Code Nouveau Code de procédure civile : « Le président peut, dans les mêmes limites et même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il peut accorder une prévision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire ».
273
Toutefois, la question est de savoir si le juge des référés peut ordonner la poursuite
d’un contrat de franchise fautivement rompu. Une réponse positive peut être apportée à
cette question. En effet, le juge des référés n’hésite pas à exercer « son imperium pour
imposer la poursuite des relations commerciales lorsque le bien fondé de leur rupture
brutale lui paraît douteux, voire dès l’instant où un péril imminent est caractérisé »923.
C’est ce qu’illustre un arrêt du 15 juillet 2004, rendu à propos d’un contrat de
concession. Cet arrêt de la Cour d’appel d’Orléans a confirmé une ordonnance de référé
en condamnant un concédant à maintenir ses relations contractuelles avec un
concessionnaire dans l’attente de la décision au fond924
. Les faits dans cet arrêt étaient
les suivants : un contrat de concession automobile avait été résilié avec préavis de deux
ans. L’ancien concessionnaire prétendait avoir le droit d’intégrer le réseau devenu de
distribution sélective. Les parties étaient en litige sur le fond. Le concédant prétendait
que l’ancien concessionnaire ne remplissait pas les conditions objectives de caractère
qualificatif nécessaires à l’intégration à son réseau. En première instance, le juge des
référés a ordonné la poursuite des relations contractuelles entre les parties dans l’attente
de la décision à venir sur le fond. Ainsi, le juge des référés peut, pour éviter un
dommage imminent, suspendre momentanément les effets de la résiliation irrégulière
intervenue avant terme ou abusive d’un contrat de franchise ou d’un contrat de
concession et ordonner le maintien de relations contractuelles entre les parties jusqu’à
ce qu’une décision du juge du fond saisi du litige soit rendue.
Cependant, il faut noter que si le juge des référés dispose de la possibilité
d’ordonner le maintien forcé d’un contrat de franchise fautivement rompu, ce maintien
forcé ne doit pas être sans limite. La Cour de cassation considère que la mesure
conservatoire prise par la juridiction des référés doit être nécessairement limitée. Elle a
affirmé, dans un arrêt rendu à propos d’un contrat d’assurance, que le maintien des
effets d’un contrat fautivement dénoncée par l’une des parties peut constituer une
mesure conservatoire valablement ordonnée par le juge des référés à la condition que ce
maintien soit limité dans le temps925
.
923
Ch. BOURGEON, op.cit., p.112. 924
CA Orléans, 15 juillet 2004, RDC. 2005, p.385, obs. M. BEHAR-TOUCHAIS. 925
Cass. civ 1er
, 7 novembre 2000, D. 2001, p.1137, obs. D. MAZEAUD.
274
L’objet est d’éviter que « ce maintien judiciaire forcé du contrat, prononcé à titre
de réparation et de sanction d’une rupture abusive, rime avec l’impossibilité de mettre
fin à la relation contractuelle et ne dégénère en engagement perpétuel »926. Ainsi, le
juge des référés doit donc assortir la reprise forcée du contrat de franchise, abusivement
ou irrégulièrement rompu, qu’il ordonne d’un terme extinctif certain. Il peut, par
exemple, en cas de rupture du contrat de franchise intervenue sans préavis ou avec un
préavis mais qui n’est suffisant, limiter la prolongation forcée du contrat au délai du
préavis que l’auteur aurait dû respecter927
. De même, en cas de rupture anticipée du
contrat intervenue sans juste cause, le juge des référés peut condamner l’auteur de cette
rupture à maintenir les relations contractuelles pendant le temps restant du contrat. La
juridiction des référés peut même, nous semble t-il, se contenter de limiter la
prolongation forcée du contrat de franchise jusqu’à ce qu’une décision du juge du fond
soit rendue sur le litige.
Notons, toutefois, que la reprise forcée du contrat sous la forme de réparation en
nature n’est admise qu’en matière de référés. Dès lors que l’on quitte cette sphère pour
passer à celles du débat au fond, on constate que la jurisprudence se montre hostile au
maintien forcé du contrat de franchise -ou même de tout autre contrat- abusivement ou
irrégulièrement rompu par l’une des parties.
926
D. MAZEAUD, obs sous Cass. civ 1er
, 7 novembre 2000, D. 2001, p.1137. 927
En ce sens, M -E. PANCRAZI-TIAN, La protection judiciaire du lien contractuel, PUAM 1997,
préface J. Mestre, n° 271, p. 228 et s.
275
§2. Hostilité de la jurisprudence au maintien forcé du contrat en
dehors des référés
270. Arrêts isolés ayant prononcé le maintien forcé. L’examen de certaines décisions
rendues rendue en matière de contrats de la distribution illustre que le maintien forcé,
comme une réparation en nature du préjudice qui résulte de la rupture abusive ou
irrégulière du contrat, a pu séduire certains juges.
En effet, la prolongation forcée du contrat sous la forme de la réparation en nature
a été retenue par un arrêt du 9 février 1976 rendu à propos de la résiliation unilatérale
d’un contrat de concession à durée indéterminée. Dans cet arrêt, la Chambre
commerciale de la Cour de cassation approuva l’arrêt d’appel ayant jugé qu’« en cas de
préavis de résiliation d’un contrat à durée indéterminée, donné à trop bref délai, ce
préavis n’est pas nul, mais ses effets sont reportés à l’échéance du terme imposé par la
convention ou l’usage »928
.
La même solution a été retenue par le Tribunal du commerce de Paris dans un
jugement du 10 janvier 2006929
. En l’occurrence, un distributeur a proposé à son
fournisseur la résiliation amiable du contrat d’approvisionnement qui le lie pour une
durée déterminée. Or, ce dernier a refusé sa proposition. Les juges du premier degré ont
considéré qu’il n’y avait pas de résiliation amiable du contrat puisque la proposition de
résiliation faite par le distributeur a été refusée par le fournisseur.
928
Cass. com., 9 février 1976, pourvoi n°74-12283. 929
T. com. Paris, 10 janvier 2006, Juris-Data n° 2006-301225. En dehors du domine des contrats de la
distribution, le maintien forcé du contrat comme une sorte de réparation en nature a été retenu plusieurs
fois en matière bancaire. V. Cass. com., 3 décembre 1991, RJDA 1992, n°63. Dans cet arrêt, la Chambre
commerciale a condamné un banquier ayant rompu brutalement le contrat sans respecter du préavis, a
honorer les effets de commerce émis postérieurement à cette révocation comme si la relation
contractuelle s’était poursuivie. De même, CA Aix, 23 février 1996, Gaz. Pal. 1996, II, 367. Dans cet
arrêt, une banque accordait depuis plusieurs années, par l’effet de contrats d’un an régulièrement
renouvelé, sa garantie financière à une profession pour lui permettre d’être marchand de biens, la Cour
d’appel a considéré que, en cas de non-renouvellement abusif, le professionnel est en droit d’obtenir en
justice la poursuite de la garantie, ou moins le temps nécessaire pour trouver un nouveau garant.
276
Par suite, ils ont condamné le distributeur à reprendre l’exécution du contrat
d’approvisionnement. Avouons, toutefois, que l’ambiguïté dont est entaché cet arrêt ne
nous permet pas d’affirmer avec exactitude s’il s’agissait, en l’espèce, d’un maintien
forcé ordonné sous la forme d’une réparation en nature ou bien d’une exécution en
nature du contrat. Seuls ces arrêts admettant l’inefficacité de l’acte de la rupture fautive
du contrat et rétablissant par la suite des relations contractuelles entre les parties. En
matière de contrats de franchise, aucun exemple de décision retenant la reprise forcée du
contrat ayant été fautivement rompu comme une sorte de réparation en nature n’a été
trouvé. Donc, le maintien du contrat n’est sûrement pas une solution générale, « ni peut-
être même dominante »930
.
271. Jurisprudence généralement défavorable au maintien forcé. Le maintien forcé
du contrat a le mérite de protéger la pérennité contractuelle de manière plus adaptée,
étant donné qu’il permettra « au cocontractant victime de la rupture de bénéficier
réellement des avantages d’un délai de préavis tant en ce qui concerne la prévision de
son avenir que la gestion de sa situation présente » 931
. En outre, il ne contrarie pas de
manière excessive le droit de rupture unilatérale des contractants car il vise
principalement à neutraliser le comportement abusif932
. Pour autant, la jurisprudence
semble hostile à cette sanction. Plusieurs arrêts illustrent cette hostilité.
S’agissant, tout d’abord, de la rupture brusque et abusive du contrat de franchise
intervenue sans respecter un préavis suffisant, on peut citer l’arrêt du 28 novembre
2006933
. Les juges du fond, approuvés par la Chambre commerciale, ont constaté le
caractère brusque et abusif de la rupture du contrat de franchise par le franchiseur. Ils
ont pourtant reconnu l’efficacité de ses effets en se contentant d’allouer au franchisé des
dommages et intérêts calculés sur la marge brute qui aurait été réalisée par ce dernier
sur la durée du préavis de six mois qui n’a pas été respecté.
930
Ibid. 931
A-S. LAVEFVE-LABORDERI, La pérennité contractuelle, th., n°940, p.521 et s. 932
En ce sens, B. FAGES, th., n° 933
Cass. com., 28 novembre 2006, pourvoi n° 05-19.090.
277
Pour ce qui concerne la rupture anticipée irrégulièrement intervenue du contrat de
franchise, deux arrêts peuvent être cités. Le premier est daté du 23 janvier 2007934
. En
l’espèce, un contrat de franchise est conclu pour une durée de cinq ans pour
l’exploitation d’un fonds de commerce d’alimentation. Néanmoins, quelque temps après
la mise en œuvre du contrat, le franchisé résilie unilatéralement et de manière anticipée
le contrat sans juste motif. Après avoir reconnu l’illégalité de la rupture du contrat,
l’arrêt d’appel n’a pas condamné le franchisé à maintenir celui-ci jusqu’à son terme
initial. Elle l’a simplement condamné à verser une indemnité au franchiseur compensant
le préjudice qu’il a subi du fait de la rupture. La Chambre commerciale a estimé la
décision légalement justifiée sans expliquer particulièrement sa position.
Le deuxième arrêt est daté du 13 mai 2004935
. Dans cet arrêt, alors que la
résiliation unilatérale et anticipée du contrat de franchise par le franchisé est injustifiée,
la Cour d’appel de Versailles n’a condamné ce dernier qu’au paiement de dommages et
intérêts au franchiseur pour le préjudice qu’il a subi du fait de la résiliation anticipée du
contrat.
272. Justification. La jurisprudence refuse donc en général de réparer en nature le
préjudice résultant d’une rupture fautive d’un contrat de franchise par l’admission de
l’inefficacité de cette rupture et de rétablir, par la suite, les relations contractuelles entre
les parties. Une telle réticence de la jurisprudence à l’égard du maintien forcé du
contrat, comme une sorte de réparation en nature du préjudice résultant d’une rupture
fautive du contrat de franchise, s’explique par certaines difficultés pratiques. C’est très
difficile dans ce genre de contrat marqué fort par l’intuitus personae de rétablir le lien
contractuel fautivement rompu.
934
Cass. com., 23 janvier 2007, pourvoi n°05 -10.422. 935
CA Versailles 13 mai 2004, G.P. 2005, 57, note. J. FRANÇOIS FORGERON et M. CHARLOTTE-
GRASSET.
278
L’efficacité de la reprise forcée de ce contrat, fautivement rompu, demeure souvent
douteuse en raison de l’atteinte que cette rupture porte à la confiance entre le
franchiseur et le franchisé, confiance qui constitue dans le contrat de franchise un pilier
essentiel. C’est la raison pour laquelle les juges préfèrent souvent allouer une somme
d’argent au franchisé ou au franchiseur, victime d’une rupture fautive, au lieu de
déclarer inefficace l’acte de rupture fautif et ainsi condamner son auteur à la reprise
forcée du contrat.
279
273. Conclusion de la section II. Au terme de cette section, nous pouvons dire que le
maintien forcé comme une réparation en nature d’une rupture fautive du contrat de
franchise ne semble être admise en droit positif que de manière exceptionnelle et
temporaire. C’est seulement en matière de référés que l’on peut trouver des traces de
cette mesure. Dans ce domaine, le juge peut, pour prévenir un dommage imminent ou
faire cesser un trouble licite, imposer le maintien forcé au franchisé ou au franchiseur à
qui la rupture fautive du contrat est imputable. Même dans cette hypothèse, le maintien
forcé ne peut être que temporaire. Sensible au respect du principe de la liberté
contractuelle, la Cour de cassation exige que le juge des référés fixe un terme certain au
maintien forcé du contrat décidé par lui, sous peine de voir sa décision censurée.
280
274. Conclusion du chapitre I. Réparer le préjudice résultant d’une rupture fautive du
contrat de franchise par la condamnation de l’auteur de cette rupture à maintenir le
contrat fautivement rompu et continuer à exécuter ses obligations contractuelles paraît
théoriquement plus satisfaisant que la réparation par équivalent. Cela satisfait mieux
l’attente du contractant victime puisqu’il efface totalement la rupture et le remet dans
l’état où il se trouvait avant ultérieurement. Pourtant, sur le plan pratique, une telle
réparation en nature s’avère difficile. On craint souvent son inefficacité, outre le fait
qu’elle porte atteinte au principe de la liberté contractuelle. Ces deux raisons montrent
pourquoi l’admission de la réparation en nature n’est qu’exceptionnelle et pourquoi les
juges préfèrent généralement réparer le préjudice subi par le contractant victime une
l’allocation de dommages et intérêts.
281
CHAPITRE II - REPARATION PAR UNE ALLOCATION DE DOMMAGES-
INTERETS
275. Fixation judiciaire et fixation contractuelle des dommages et intérêts. Le
franchisé ou le franchiseur, dont le contrat a été rompu de manière fautive, peut obtenir
des dommages et intérêts dès lors qu’il rapporte la preuve que cette rupture lui a causé
un préjudice. Le montant de ces dommages et intérêts est déterminé par le juge (Section
II). Celui-ci dispose, à cet égard, d’un pouvoir souverain. Il tient compte de divers
éléments lors de la fixation du montant de l’indemnité alloué au contractant victime.
Cependant, la tâche du juge s’avère souvent difficile. L’évaluation du préjudice paraît
dans certaines hypothèses plus ou moins arbitraire. C’est pourquoi le franchiseur et le
franchisé préfèrent parfois déterminer par eux-mêmes, par avance et de manière
forfaitaire, le montant des dommages et intérêts dont le contractant sera tenu de payer
en cas de rupture fautive du contrat (Section II)
282
SECTION I - FIXATION JUDICIAIRE DES DOMMAGES ET INTERETS 276. Règles générales. Une fois que le préjudice résultant de la rupture fautive du
contrat de franchise est constaté, les juges du fond sont tenus de l’évaluer. Ils disposent,
à cet égard, d’un pouvoir souverain. Généralement, ceux-ci tiennent compte, pour le
calcul du montant de l’indemnité allouée au contractant victime, du gain dont il a été
privé et de la perte qu’il a subie du fait de la rupture fautive du contrat de franchise.
Toutefois, si le juge du fond dispose d’un pouvoir souverain dans la détermination des
dommages et intérêts, ce pouvoir n’est pas sans limite. En effet, les juges du fond sont
tenus de respecter le principe de la réparation intégrale du préjudice. Ce principe impose
au juge d’indemniser tout le préjudice auquel donne lieu la rupture, mais rien que le
préjudice. Le principe de la réparation intégrale du préjudice est un principe général, de
telle sorte que la Cour de cassation n’hésite pas à censurer les décisions du fond qui y
portent atteinte. Ce principe s’impose au juge tant lors de la détermination de la
modalité d’évaluation du montant des dommages et intérêts que lors de la détermination
du moment où ces dommages et intérêts seront évalués.
Aussi, est-il opportun d’examiner le moment de l’évaluation des dommages et
intérêts (§ 1.) avant de voir comment les juges du fond évaluent leur montant (§ 2).
283
§ 1. Moment de l’évaluation des dommages et intérêts
277. Evaluation au jour du jugement. La question qui se pose est de savoir à quel
moment les juges du fond se placent pour évaluer le montant de l’indemnité due par
l’auteur d’une rupture fautive du contrat de franchise. L’évaluation par le tribunal du
montant des dommages et intérêts se fait-elle au jour de l’intervention de la rupture ? Se
fait-elle, au contraire, à la date où le juge statue ?
Dans certains systèmes juridiques étrangers, l’évaluation du montant de la
réparation se fait au jour de la survenance du dommage. Ainsi, en droit anglais où le
juge se place au jour où la rupture fautive du contrat de franchise a lieu pour évaluer le
montant de l’indemnité936
. Or, cela n’est pas la position du droit français. L’évaluation
du montant des dommages et intérêts se fait à la date du jugement définitif. La
jurisprudence a, après quelques hésitations937
, décidé que l’évaluation du montant de
l’indemnité devait être faite par le juge au moment où il rend sa décision938
.
278. Le respect du principe de la réparation intégrale du préjudice. Cette solution,
affirmée par la Cour de cassation de manière constante939
, se justifie par le principe de
la réparation intégrale du dommage940
.
En effet, la substance du dommage est susceptible de varier avec l’écoulement du
temps. Entre le moment où la rupture fautive du contrat de franchise est intervenue
jusqu’à celui où le juge rend sa décision, l’ampleur du préjudice peut s’être
considérablement modifié. La perte subie, par exemple, peut s’être aggravée.
936
V. G. VINEY, L’appréciation du préjudice, LPA, 19 mai, 2005, n° 99, p. 89. Sur l’évaluation du
préjudice en droit anglais en général v. L. REISS, Le juge et le préjudice, Etude comparée des droits
français et anglais, PAUM, 2003, préface Ph. Delebecque, 937
Cass. civ., 27 juin 1928, Gaz. Pal. 1928, 2, 520. 938
V. Cass. com., 16 février 1954, D. 1954, jur., p.534, note. RODIERE. 939
Ex. Cass. 2e civ., 25 septembre 2002, n° 00-21. 614.
940V. C. COUTANT-LAPALUS, Le principe de la réparation intégrale en droit privé, PUAM, 2002,
préface Pollaud-Dulian, n° 233, p.223; G. VINEY et P. JOURDAIN, Traité droit civil, sous la direction
de J. Ghestin, Les effets de la responsabilité, LGDJ, 2e édition, 2001, n°67, p.138 ; Y. CHARTIER, La
réparation du préjudice, coll. Connaissance du droit, 1996, p.41 et s.
284
Il en va de même pour le gain manqué. Celui qui « n’était que peu probable
initialement peut s’être réalisé au-delà de toutes les espérances au moment où l arbitre
[ou le juge] rend sa décision »941.
En outre, il se peut que la monnaie dans laquelle est exprimée la dette
d’indemnisation subisse des variations importantes de sa valeur942
. Le principe de la
réparation intégrale du dommage impose donc l’évaluation du préjudice au jour du
jugement définitif. Il impose même au juge du fond de tenir compte du double critère de
la perte subie et du gain manqué lorsqu’il évalue le montant des dommages et intérêts
dû par l’auteur d’une rupture fautive du contrat de franchise.
§ 2. Modalité d’évaluation du montant des dommages et intérêts
279. Critères d’évaluation : lucrum cessans et damnum emergens. Pour évaluer le
montant des dommages et intérêts dû par le responsable de la rupture fautive du contrat
de franchise, le juge, saisi de l’action en responsabilité, se réfère à deux critères
fondamentaux : le gain manqué (A) et la perte subie (B).
A. Le gain manqué
280. Distinction. Les juges du fond apprécient différemment le gain manqué dont a été
privé le contractant victime selon qu’il s’agit d’une rupture brusque ou abusive du
contrat de franchise ou d’une hypothèse de rupture irrégulière avant terme.
941
S. HOTTE, La rupture du contrat international, Contribution à l’étude du droit transnational des
contrats, Defrénois 2007, préface de Jean – Michel Jacquet, n° 1114, p.405. 942
G. VINEY et P. JOURDAIN, op.cit.
285
1. La rupture brusque ou abusive
281. Bénéfices calculés sur la période du préavis : marge brute et marge nette. Une
fois le préjudice constaté, le juge est tenu de l’évaluer943
. Il dispose, à cet égard, d’un
pouvoir souverain.944
.
Lorsqu’un contrat de franchise a été brusquement rompu soit par le non-
renouvellement sans préavis lorsqu’il est à durée déterminée, soit par la résiliation
unilatérale lorsqu’il est à durée indéterminée, les juges du fond évaluent le gain manqué,
dont a été privé le contractant victime de cette rupture, en fonction de la marge
bénéficiaire que ce dernier aurait pu réaliser si le préavis avait été respecté. Néanmoins,
la question est de savoir à quelle marge bénéficiaire le juge doit-il se référer pour
évaluer le gain manqué. S’agit-il de la marge bénéficiaire brute, c'est-à-dire celle
comprenant non seulement les bénéfices pouvant être réalisés mais aussi les frais
généraux qui correspondent aux frais exposés effectués par le franchisé ou le
franchiseur pour l’exploitation de son activité? S’agit-il, au contraire, de la marge
bénéficiaire nette ?
Une telle question présente un intérêt pratique considérable. Comme le relève un
auteur : « Une mauvaise prise en considération des frais généraux peut sensiblement
fausser l’évaluation des dommages et intérêts et ainsi aboutir à l’enrichissement ou
l’appauvrissement de la victime »945
, ce qui constitue, par conséquent, une violation du
principe de la réparation intégrale du préjudice.
943
Ph. Le TOURNEAU, Droit de la responsabilité et des contrats, Dalloz 2006/ 2007, n° 2507 : « A refuser de l’évaluer parce que les éléments produits à cet effet sont confus, le juge commet un déni de justice et viole l’article 4 du Code civile ». 944
Y. CHARTIER, La réparation du préjudice, Dalloz, 1983, n°453, p.565 : « Dire que les juges du fond ont un pouvoir souverain pour constater et apprécier l’existence et l’étendue d’un préjudice, et ensuite, pour le concrétiser par une condamnation, conduit nécessairement à considérer qu’il n’y a pas en la matière, tout au moins en droit commun, de règles légales qui se traduiraient en quelque sorte par l’application d’un « tarif », application sur laquelle la Cour de cassation exercerait son pouvoir de contrôle ». Sur le pouvoir du juge v. récemment, C. BOISMAIN, Etude sur l’évaluation des dommages -
intérêts par les juges du fond, LPA, 22 février 2007, n°39, p.7. 945
A. PINNA, La mesure du préjudice contractuel, LGDJ, 2007, préface J.-Y. Gautier, n° 335, p. 313.
286
L’examen de la jurisprudence montre que la marge qui est souvent prise en compte
par les juges, lors de la fixation du montant des dommages et intérêts, est de la marge
bénéficiaire brute946
. C’est ainsi que, dans un arrêt du 10 mai 2001, la Cour d’appel de
Lyon a alloué à un franchisé, dont le contrat a été rompu sans respecter un délai de
préavis, des dommages et intérêts égaux à la perte de la marge brute sur le chiffre
d’affaires qu’il aurait dû réaliser durant le préavis de six mois si ce préavis avait été
respecté947
. De même, dans un arrêt du 28 novembre 2006, la Chambre commerciale a
rejeté le pourvoi formé contre un arrêt d’appel qui avait alloué à un franchisé, victime
d’une rupture brutale, des dommages et intérêts calculés sur la marge brute qui aurait
été réalisée par ce dernier sur la durée du préavis de six mois qui n’a pas été
respectée948
.
Toutefois, il est à noter qu’afin d’écarter toute indemnisation illégale, le juge du
fond doit prendre en considération, dans le calcul du montant des dommages et intérêts,
toute évènement susceptible de provoquer de manière quasi certaine une baisse de la
marge brute pendant le cours du préavis. Dans cette hypothèse éventuelle, le montant de
la marge brute qui sera accordé au franchisé, dont le contrat a été fautivement rompu, à
titre de dommages et intérêts, pourrait être réduit à hauteur de la baisse de son
activité949
. Comme le relève un auteur : « L’objectif pour les juges étant de combler
dans le patrimoine de la victime le vide laissé par le dommage sans procurer un
enrichissement indu à cette dernière »950. Notons, enfin, que si, en droit français, le juge
se réfère à la marge bénéficiaire pour fixer le montant des dommages et intérêts en cas
de rupture brutale ou de rupture abusive d’un contrat de la distribution, cela n’est pas le
cas en matière d’arbitrage commercial international.
946
CA Amiens, 15 février 1979, JCP G 1978, II, 19012, obs. C. MEJEAN. Dans cet arrêt rendu à propos
d’une rupture brusque sans préavis d’un contrat de concession, il a été jugé que « lorsqu’un concessionnaire est brutalement privé par son concédant du droit de vendre, ses frais généraux, normalement couverts par le bénéfice brut, continuent à courir ». V. également, CA Paris, 17 février
1993, Juris-Data, n° 1993-020774 ; D. 1995, somm. 69, obs. D. FERRIER. 947
CA Lyon, 10 mai 2001, Juris-Data, 2001- 181150. 948
Cass. com., 28 novembre 2006, pourvoi n° 05-19. 090. 949
V. S. REGNAULT, Guide de la rupture des relations commerciales établies, LRDC 2008, n° 45, p. 950
N. DORANDEU, Le dommage concurrentiel, Presse Universitaire de Perpignan, 2000, préface. Y.
SERRA, n° 394, p.293.
287
282. La solution en matière d’arbitrage commerciale international. En matière
d’arbitrage commercial international, le gain manqué dont a été privé le contractant du
fait de la rupture brusque sans préavis est évalué en fonction de la marge bénéficiaire
nette après la déduction des frais exposés par la victime. Les tribunaux arbitraux ont pu
affirmer, dans plusieurs sentences, que le bénéfice que le distributeur a perdu du fait de
l’interruption du contrat, et par conséquent des livraisons du fournisseur, n’est pas la
marge brute sur le prix de vente, mais le bénéfice net, après déduction de tous les frais
encourus951
. Si l’évaluation du gain manqué par le juge ou par l’arbitre est basée sur la
période du préavis, la solution est toutefois différente lorsqu’il s’agit d’une hypothèse
de rupture irrégulière avant terme du contrat de franchise.
2. La rupture irrégulière avant terme.
283. Bénéfices calculés sur la base de la période restant du contrat. En principe,
lorsqu’un contrat de franchise est conclu pour une durée déterminée, chacune des
parties doit respecter ses engagements jusqu’au terme convenu. Sauf mutuuss
dissensus952 ou clause résolutoire
953, aucune des parties ne peut se délier seule du
contrat, et cela même en cas d’inexécution par son cocontractant de ses obligations. Il
faut, pour cela, qu’elle ait recours au juge qui peut seul anéantir le contrat. Toutefois,
nous avons vu auparavant que ce principe de la judiciarisation de la résiliation du
contrat est atténué aujourd’hui par la jurisprudence qui reconnaît à chacune des parties
la possibilité de mettre fin unilatéralement au contrat en cas de comportement grave de
la part de son cocontractant.
951
Sentence CCI n° 10422 de 2003, JDI 2003, p.1142, obs. E. JOLIVET ; sentence CCI n° 1250 de 164,
Recueil 1974-1985, p.30 ; sentence CCI n° 5418 de 1987, Recueil 1986-1990, p.132. 952
Supra n° 98 et s. 953
Supra n°144 et s.
288
Cette résiliation se fait à ses risques et périls, c'est-à-dire que le contractant risque
une condamnation à des dommages et intérêts si le juge constate que la rupture n’a pas
été motivée par un manquement grave de la part du cocontractant. Le montant des
dommages et intérêts dû par le franchisé ou le franchiseur qui rompt le contrat de
manière irrégulière et anticipée avant le terme pour lequel il a été conclu, est déterminé
en fonction du gain manqué dont le contractant qui subit cette rupture a été privé. Les
juges du fond apprécient en effet les bénéfices que le contractant victime d’une telle
rupture aurait pu obtenir si le contrat avait continué jusqu’au terme extinctif
contractuellement fixé954
. C’est en fonction de la perte de ces bénéfices attendus ou du
gain non réalisé que le juge détermine le montant de l’indemnité due par l’auteur de la
rupture. C’est ce qu’illustre un arrêt du 22 mars 2007.
Dans cet arrêt, la Cour d’appel de Lyon a condamné un franchisé ayant résilié
unilatéralement et avant terme un contrat de franchise, à payer à son franchiseur, à titre
de dommages et intérêts, les redevances prévues au contrat jusqu’à son terme955
. C’est
ce qu’illustre aussi l’arrêt du 1er
février 2006. La Cour d’appel de Paris condamne un
franchiseur à payer des dommages et intérêts au franchisé, victime d’une telle rupture,
égaux au montant des bénéfices qu’aurait procuré le contrat s’il avait continué jusqu’au
terme prévu, après déduction des charges d’exploitation956
.
284. Evaluation en fonction de la perte des bénéfices et non de la diminution du
chiffre d’affaires. Si la partie à un contrat de franchise peut obtenir une indemnisation
des bénéfices qu’elle avait escompté retirer du maintien de son contrat pendant la
période restant de son exécution, elle ne peut, en aucun cas, être indemnisée de la
diminution de son chiffre d’affaires. C’est ce que l’on peut déduire d’un arrêt du 1er
février 2006957
.
954
Sur le calcul du gain manqué, v. A. PINNA, La mesure du préjudice contractuel, LGDJ, 2007, préface
J.-Y. Gautier, n° 276, p.259 et s. 955
CA Lyon, 22 mars 2007, Juris-Data, n° 2007 – 332144. 956
CA Paris, 1er
février 2006, 04/17225. 957
CA Paris, 1er
février 2006, arrêt précité.
289
Dans ce dernier, la Cour d’appel de Paris a refusé de tenir compte, dans le calcul
des dommages et intérêts dus par le franchiseur au franchisé, de l’écart constaté entre
son chiffre d’affaire prévisionnel et celui qui a été effectivement réalisé. La Cour décida
que « l’évaluation de ces bénéfices manqués ne peut davantage résulter d’une
application stricte des chiffres mentionnés dans le budget prévisionnel établi par le
franchiseur, dont l’obligation n’est que de moyens, étant encore rappelé que le
franchisé est un commerçant indépendant responsable de sa gestion ».
285. Exécution par équivalent ? S’agissant de la résiliation irrégulière et anticipée
d’un contrat de franchise avant terme, on note que les dommages et intérêts alloués au
contractant victime représentent comme une sorte d’exécution par équivalent du contrat
irrégulièrement résilié avant son terme958
. En pareille circonstance, les dommages et
intérêts constituent, en quelque sorte, une alternative à l’exécution forcée959
. Ce constat
n’est pas propre au contrat de franchise. Il se manifeste pour l’indemnisation de la
rupture de tous les contrats à durée déterminée960
. Une telle attitude jurisprudentielle a
amené une partie de la doctrine à nier l’existence d’une véritable « responsabilité
contractuelle » et à considérer que l’allocation de dommages -intérêts n’est qu’un mode
d’exécution par équivalent du contrat961
.
958
Sur l’exécution par équivalent v, E. SAVAUX et R -N. SCHÜTZ, Exécution par équivalent,
responsabilité et droits subjectifs, Réflexion à partir du contrat de bail, in Propos sur les obligations et
quelques autres thèmes fondamentaux du droit, Mélanges. J.-L. Aubert, Dalloz, 2005, p.271. 959
Ph. STOFFEL-MUNCK, La rupture du contrat et le droit de la distribution, in Le contrat électronique
au cœur du commerce électronique, Le droit de la distribution : droit commun ou droit spécial, LGDJ,
2005, p.177, et spéc., n° 24, p.193. 960
A. PINNA, La mesure du préjudice contractuel, préface P -Y. Gautier, 2007, n° 276, p.259 et s. 961
Ph. Le TOURNEAU, Droit de la responsabilité et des contrats, Dalloz, 2006/ 2007, n° 806 et s.
L’auteur estime que le contrat inexécuté ne justifie que le versement de dommages et intérêts au titre
d’une inexécution par équivalent. Cette position a été suivie par d’autres auteurs. Dans le même sens, M.
FAURE-ABBAD, Le fait générateur de la responsabilité contractuelle, contribution à la théorie de
l’inexécution du contrat, préface. Ph. Rémy, Collection de la Faculté de droit et des sciences sociales de
Potiers, LGDJ, 2003 ; D. TALLON, L’inexécution du contrat : pour une autre présentation, RTD civ.
1994, p.223 ; Ph. REMY, La « responsabilité contractuelle » histoire d’un faux concept, RTD civ. 1997 ;
du même auteur, Critique du système français de responsabilité civile, Droit et cultures 1996-3,31. Selon
ce dernier, « le débiteur qui n’exécute pas ou exécute mal doit des dommages et intérêts non parce qu’il a causé injustement un dommage à son cocontractant, mais simplement parce qu’il n’exécute pas le contrat ; le droit du créancier aux dommages et intérêts procède seulement de la force obligatoire du contrat ».
290
Toutefois, une telle analyse ne fait pas l’unanimité. La majorité des auteurs
critiquent cette opinion en relevant que les dommages et intérêts conservent un double
rôle. Il s’agit, une part, de compenser la perte de l’avantage attendu du contrat, et
d’autre part, de réparer le préjudice causé par l’inexécution962
. La finalité de la
responsabilité contractuelle est donc de replacer le contractant victime dans la situation
où il se trouvait avant l’intervention de la rupture963
, ce qui suppose que le juge
indemnise intégralement tout le préjudice964
. Or, cela n’est possible que lorsqu’il tient
compte, dans le calcul du montant des dommages et intérêts, non seulement du gain
dont a été privée la victime, mais aussi de la perte qu’elle a subie.
B. La perte subie
286. Distinction. La perte subie prise en compte par le juge lors de la détermination du
montant des dommages et intérêts se différencie selon qu’il s’agisse d’une rupture
irrégulière et anticipée du contrat de franchise avant son terme ou qu’il s’agisse d’une
rupture brusque ou abusive d’un contrat à durée indéterminée ou à durée déterminée.
962
L. GRYNBAUM, Responsabilité et contrat : L’union libre, variation sur la responsabilité contractuelle,
le préjudice corporel et les groupes de contrat, in Libre droit, Mélange. Ph. Le TOURNEAU, Dalloz,
2008, p.409 : J. FLOUR, J.-L. AUBERT, Y. FLOUR, E. SAVAUX, Les obligations : 3. Le rapport
d’obligation, Sirey, 4e édition, 2006, n° 171 et s ; G. VINEY, La responsabilité contractuelle en
question, in Mélanges. J. Ghestin, LGDJ, 2001, p.921 ; C. LARROUMET, Pour la responsabilité
contractuelle, in Mélanges. P. Catala, Litec, 2001, p.543 ; E. SAVAUX, La fin de la responsabilité
contractuelle ?, RTD civ. 1999, p. 1 ; P. JOURDAIN, Réflexions sur la notion de responsabilité
contractuelle, in Les métamorphoses de la responsabilité civile, PUF, 1998, p.65. 963
V. E. SAVAUX, La fin de la responsabilité contractuelle ?, RTD civ. 1999, p. 1. 964
C. COUTANT-LAPALUS, Le principe de la réparation intégrale en droit privé, PUAM, 2002,
préface F. Pollaud-Dulian. V. aussi G. MAITRE, La responsabilité civile à l’épreuve de l’analyse
économique du droit, LGDJ, 2005, préface H. Muir Watt, n° 278, p.158 et s : « Il est nécessaire que la réparation procurée à la victime prenne en compte l’intégralité des préjudices subis, afin que l’incitation à prendre des précautions soit jugée économiquement efficiente (…) En effet, si l’indemnisation ne couvre pas la totalité des préjudices subis, l’auteur du dommage sera incité à prendre uniquement les précautions nécessaires à la minimisation du coût des préjudices mis à sa charge. Or, le coût social du fait dommageable n’est pas totalement couvert si l’intégralité des préjudices n’est pas indemnisée. Par conséquent, les précautions prises ne seront pas optimales. Inversement, si l’indemnisation dépasse l’ampleur du préjudice subi et permet à la victime de s’enrichir par comparaison à sa situation antérieure au dommage, alors le responsable sera incité à prendre plus de précautions que nécessaire ».
291
1. La rupture irrégulière avant terme
287. La perte éprouvée. Dans l’hypothèse où un contrat de franchise a été
irrégulièrement rompu avant le terme pour lequel il a été stipulé, les juges du fond
évaluent le montant des dommages et intérêts en fonction de la perte que le franchisé ou
le franchiseur, victime d’une telle rupture, subie. Ainsi, peuvent être pris en compte par
le juge dans le calcul du montant des dommages et intérêts, les frais d’études que le
franchisé a dépensés en vue de la conclusion et de l’exécution du contrat965
, les frais de
licenciement économique et les coûts de fermeture des locaux qu’il a effectués suite à la
résiliation anticipée du contrat par le franchiseur966
. En pareille hypothèse, le franchisé
obtiendra une indemnité égale aux dépenses qu’il a effectuées.
Entre également dans le calcul du montant de l’indemnité la perte des stocks subie
par le franchisé victime d’une rupture fautive du contrat. Ce dernier aura une indemnité
égale à la valeur des stocks restant invendus lors de la rupture du contrat967
. Notons, à
cet égard, que les juges ordonnent parfois au franchiseur, à qui la rupture fautive du
contrat est imputable, de la reprise des stocks restant invendus968
. Lorsque la rupture du
contrat de franchise avant terme a entraîné pour le franchisé une perte
d’investissements, les juges du fond tiennent compte de cette perte dans le calcul du
montant des dommages et intérêts. Dans cette hypothèse, les juges accordent souvent
une indemnité à ce dernier compensant les investissements qu’il a réalisés pour
l’exploitation de la franchise, mais qu’il n’a pas eu le temps d’amortir du fait de la
rupture du contrat avant l’échéance du terme.
965
En ce sens, A. De BROSSE, La rupture fautive de relations commerciales établies, in Dossier, contrats
de distribution, l’équilibre enfin trouvé ?, D.P. 2002, 116 juin, p.50 et s. 966
V. CA Paris 1er
juillet 2004, Juris-Data, 2004, n° 257793. En matière d’arbitrage, v. Sentence CCI n°
12193 de 2004, JDI 2007, p. obs. C. TRUONG – NGUYEN. 967
V. CA Paris, 28 mars 1997, D. Aff. 1997, p. 667. 968
Cass.com.23 mai 2000, RJDA 2000, n° 973, p.772 ; RTD civ. 2001, p.137, obs. J. MESTRE et B.
FAGES.
292
C’est ce qu’illustre l’arrêt du 28 mars 1997969
. Dans ce dernier, la Cour d’appel de
Paris a condamné un franchiseur à payer au franchisé, victime d’une telle rupture du
contrat avant terme, des dommages et intérêts compensant les investissements non
amortis réalisés par le franchisé durant les trois dernières années restant jusqu’à
l’échéance normale du contrat. Parfois, sinon toujours, la rupture irrégulière et anticipée
du contrat de franchise par le franchisé fait subir au franchiseur une perte résultant de
l’atteinte à l’image de son réseau. Cette atteinte est, selon certains970
, réalisée dès
l’instant que le procès ou le différent commercial fait l’objet d’une publicité. Une telle
atteinte est susceptible de créer un affaiblissement de la capacité d’attraction de la
clientèle par le franchiseur971
. Celui-ci peut détourner une partie de sa clientèle risquant
d’être suivie, à l’avenir, par l’autre partie de la clientèle d’autant que celle-ci est
« moutonnière »972. Cette perte de clientèle constitue donc un amoindrissement ou une
diminution de l’actif du franchiseur victime d’une rupture fautive. Elle est donc souvent
prise en compte par le juge dans la détermination du montant des dommages et
intérêts973
.
Pour certains auteurs, le juge peut, dans ce cas, évaluer le montant des dommages
et intérêts dus par le franchisé, auteur de la rupture anticipée, en comparant le chiffre
d’affaires avant la rupture portant atteinte à l’image du réseau avec celui après la rupture
et donc ne retenir que la différence974
. Ces auteurs soulignent néanmoins la difficulté de
constater la baisse du chiffre d’affaires975
. Il en est de même pour l’atteinte à la
réputation commerciale du contractant. Les juges du fond tiennent compte du discrédit,
par exemple, subi par le franchisé aux yeux de son banquier et de ses fournisseurs en
raison de la mauvaise situation financière dans laquelle la rupture anticipée et
irrégulière du contrat de franchise lui place. Le franchisé peut obtenir une indemnité
égale à la perte qu’il a subie.
969
CA Paris, 28 mars 1997, arrêt précité. 970
J. ORTSCHEIDT, La réparation du dommage dans l’arbitrage commercial international, Dalloz,
2001, n°164, p.79. 971
M. NUSSENBAUM, « Evaluation du préjudice de marque. Les cas particulier de l’atteinte à l’image
de marque », JCP E 1993, I, 303, n°11. 972
Y. GUYON, Droit des affaires, Droit commercial général et société, tome I, Economica, 11e édition ,
2001, n° 846, p.909. 973
CA Lyon, 22 mars 2007, Juris-Data, n° 2007-332144. 974
Y. GUYON, op.cit. 975
Y. GUYON, op.cit., n° 845, p.908.
293
La question se pose par contre s’agissant des frais de justice que le contractant
victime a dû débourser pour faire reconnaître ses droits en justice: frais engendrés à
l’occasion de la procédure, frais d’honoraire d’avocats, frais d’experts etc… De tels
frais constituent-ils une perte réparable par le juge ?
Pour les frais du procès, la réponse est positive. Ces derniers entrent dans le calcul
du montant de l’indemnité. Le franchisé ou le franchiseur victime obtiendra une
indemnité compensant ces frais976
. Cette solution est même prévue par l’article 700 du
Nouveau Code procédure civile selon lequel « le juge condamne la partie tenue aux
dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il
détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient
compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même
d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à
cette condamnation ». S’agissant, par contre, des frais d’avocat, la réponse est négative.
Contrairement à ce qui se passe en matière d’arbitrage commercial international où les
frais et les honoraires des arbitres et des avocats, des experts sont pris en compte dans la
fixation du montant des dommages et intérêts dus par l’auteur de la rupture977
, les juges
français refusent de faire entrer ces frais dans le calcul du montant de l’indemnité978
.
Toutefois, en vertu du principe de la liberté contractuelle, rein n’empêche le franchiseur
et le franchisé de stipuler dans leur contrat de franchise une clause imposant, en cas de
litige, au contractant défaillant de payer les frais d’avocats engagés par le
cocontractant979
. Il reste maintenant à étudier l’hypothèse d’une rupture brusque et
abusive.
976
Sur cette question, v. F-X. LICARI, Le frais d’avocat comme dommage réparable, Lamy Revue droit
civil. 2006, n°131. 977
J. ORTSCHEIDT, La réparation du dommage dans l’arbitrage commercial international, Dalloz, 2001,
n°749, p.346 et s. 978
Cass.2e civ., 8 juillet 2004, cité par F -X. LICARI, Le frais d’avocat comme dommage réparable,
op.cit. 979
V. Sur ce point, v. L. CADIET, Clause relative aux litiges, J -C1- Contrats et distribution, fasc.190. De
même, Ph. GERBAY, Les clauses de remboursement forfaitaire des frais de recouvrement judiciaire, D.
1978, chr.p.93.
294
2. La rupture brusque ou abusive
288. La perte éprouvée. En matière de rupture brusque ou abusive du contrat de
franchise, quelle que soit sa forme -un non- renouvellement du contrat à durée
déterminée sans préavis ou une résiliation d’un contrat à durée indéterminée sans
préavis- les juges du fond évaluent le montant des dommages et intérêts en fonction des
frais effectués afin de minimiser le préjudice qu’il a subi du fait de la brutalité de la
rupture ou de la rupture abusive980
.
En pareille hypothèse, les juges du fond peuvent allouer au franchisé ou au
franchiseur victime d’une telle rupture une indemnité égale aux frais exposés.
A cet égard, deux observations doivent être soulignées. La première, c’est que les
coûts et les dépenses liés à la désorganisation de l’activité ne peuvent être pris en
compte dans le calcul des dommages et intérêts que s’ils sont liés à la rupture abusive et
à la brutalité de la rupture du contrat de franchise et non pas à la rupture elle-même. En
d’autres termes, seule la perte des dépenses, qui sont la conséquence de la brusque
rupture ou de la rupture abusive, peut être indemnisée. C’est ainsi que, dans un arrêt du
23 janvier 2007, la Chambre commerciale a approuvé un arrêt d’appel qui avait rejeté
les demandes d’indemnisation présentées par un distributeur, victime d’une rupture
brusque, portant sur la réduction de son chiffre d’affaires, sur les frais de licenciement
économique, et sur les frais de redressement judiciaire qu’il a effectués suite à une
rupture brusque, au motifs qu’il n’était pas établi qu’ils avaient été la conséquence
directe de la brutalité de la rupture des relations contractuelles981
.
980
V. en ce sens, A. DE BROSSE, La rupture fautive de relations commerciales établies, in Dossier,
contrats de distribution, l’équilibre enfin trouvé ?, D.P. 2002, 116 juin, p.50 et s 981
Cass. com., 23 janvier 2007, n° 04 -16. 779.
295
La même solution a été retenue en matière de rupture abusive dans un arrêt 11
juillet 1978982
. En l’occurrence, un contrat de concession a été conclu pour une durée
déterminée d’un an. Ce contrat prévoyait l’obligation pour chacune des parties de
respecter un délai de préavis lors du non-renouvellement du contrat. Le concédant n’a
pas respecté ce délai. Le concessionnaire l’a assigné en dommages et intérêts pour
rupture brusque et abusive du contrat. Accueillant sa demande, la Cour d’appel de Paris
condamne le concédant à payer des dommages et intérêts portant non seulement sur les
dépenses effectuées par le concessionnaire afin d’assurer sa reconversion, mais aussi sur
la perte de recette subie par lui l’année suivant le non-renouvellement du contrat, ainsi
que de l’incidence de ce non-renouvellement brusque sur l’évaluation de ses actifs lors
de l’apport partiel qu’il a fait à une autre société. La Chambre commerciale a censuré
l’arrêt d’appel en considérant que la perte de recette subie par le concessionnaire
l’année suivant le non-renouvellement du contrat et la diminution de valeur de ses actifs
n’avaient pas pour cause directe le non-renouvellement brusque et abusif du contrat de
concession par le concédant, mais la perte du contrat elle-même.
La deuxième observation porte sur le fait que la victime de la rupture brusque ou
abusive n’est pas tenue d’un devoir de minimiser son préjudice. Contrairement à
certains droits étrangers tels que le droit américain983
, le droit anglais984
, le droit
allemand, le droit belge et le droit québécois985
, il n’existe pas en droit français une
obligation incombant à la victime de minimiser son propre dommage986
.
982
Cass. com., 11 juillet 1978, pourvoi n° 76-13752. 983
v. R. T. COLEMAN, J. SCHUMACHER, Annual Franchise and Distribution Law Developments,
2005, p.112, 113, 120,121. 984
V. O. MORETEAU, Droit anglais des affaires, Dalloz, 1er
édition, 2000, n°704, p.407. 985
V. S. REIFEGERSTE, Pour une obligation de minimiser le dommage, PUAM, 2002, préface H-M.
Watt, n°51, p.45, et s. 986
A. BENABENT, Droit civil, Les obligations, Montchrestien, 11e édition, 2007, n° 415- 1, p. 301.
L’auteur considère que la jurisprudence consacre l’obligation pour la victime de minimiser le dommage
sur le fondement d la bonne foi. Mais elle refuse d’en faire un principe. V. Ph. MALINVAUD, Droit des
obligations, Litec, 11e édition, 2007, n° 717, p. 510 ; J.-L. AUBERT, La victime peut-elle être obligée de
minimiser son dommage ?, RJDA, 2004/ 4, chro, p.35. A cet égard, il est, toutefois, à noter que l’avant
projet de réforme du droit des obligations consacre l’obligation de minimiser le dommage. L’article 1373
de ce projet prévoit une réduction d’indemnisation « lorsque la victime avait la possibilité, par des moyens sûrs, raisonnables et proportionnés, de réduire l’étendue de son préjudice ou d’en éviter l’aggravation », sauf si ces mesures peuvent porter atteinte à son intégrité physique ». De même, l’article
1344 qui prévoit l’inclusion dans le préjudice réparable des « dépenses exposées pour prévenir la réalisation imminente d’un dommage ou pour éviter son aggravation, ainsi que pour en réduire les conséquences ».
296
Les juges du fond n’ont donc pas à tenir compte, lors de la fixation du montant des
dommages et intérêts, de ce que le préjudice subi par le franchisé ou le franchiseur du
fait de la rupture fautive de son contrat aurait pu être atténué ou évité si celui-ci-ci avait
pris certaines mesures raisonnables. Ils ne sauraient, par exemple, lui reprocher sa
passivité, sinon l’évitement du préjudice, du moins, dans la limitation de l’étendue des
dommages pour décider, ensuite, de diminuer le montant de sa réparation. Comme le
relève un auteur, les juridictions du fond doivent « s’abstraire de tout critère subjectif
tiré de l’analyse du comportement ou de la situation des personnes responsables et
victimes »987
.
Outre la perte liée aux dépenses effectuées, les juges tiennent compte, pour
évaluer le montant de l’indemnité, de la perte des stocks que le franchisé a subie du fait
de la rupture brusque et abusive du contrat. Ce dernier obtiendra une indemnité à
hauteur des stocks qu’il n’a pas pu écouler du fait de la brutalité de la rupture988
.
En revanche, ils refusent de tenir compte, lors de l’évaluation du montant de
l’indemnité qui sera allouée au franchisé, de la part des investissements qu’il n’a pas pu
amortir du fait de la brutalité de la rupture. Pour eux, l’exécution du préavis par le
franchiseur ou le concédant serait sans effet sur la perte de ces investissements989
. Il
n’en va autrement que dans l’hypothèse où il se révèle que les investissements non
encore amortis ont été réalisés par le franchisé à la demande du franchiseur990
. En
pareille hypothèse, et seulement dans celle-ci, le franchisé peut obtenir une indemnité
pour la perte des investissements qu’il a subie991
.
987
A. LAUDE, L’obligation de minimiser son propre dommage existe-t- elle en droit privé français ?,
LAP 2002, ° 232, p.55. 988
Cass.com.23 mai 2000, RJDA 2000, n° 973, p.772 ; RTD civ. 2001, p.137, obs. J. MESTRE et B.
FAGES. 989
V. S. REGNAULT, Guide de la rupture des relations commerciales établies, RLDC 2008, n° 45, p.75
et la jurisprudence citée. 990
Supra n ° 124 et s. 991
Comp. CA Paris, 28 mars 1997, D. Aff. 1997, p.667. V. aussi, CA Lyon 6 décembre 2007, n ° RG 06/
06533 ; Cass. com., 7 octobre 1998, pourvoi n° 95-14. 158 ; D. 1998, jur., p. 413, note. Ch. JAMIN ; D.
1998, somm. p. 333, obs. D. FERRIER ; Contrat. conc. consom., 1998, n° 20, comm. L. LEVENEUR ;
RTD civ.1998, p.130, obs. P.- Y. GAUTIER, et p. 370, obs. J. MESTRE.
297
289. Conclusion section I - L’évaluation du montant des dommages et intérêts relève
du pouvoir souverain des juges du fond. Ceux-ci déterminent souvent le montant de
l’indemnisation allouée au franchisé ou au franchiseur, victime d’une telle rupture,
grâce à des deux critères : le gain manqué et la perte subie. Pour ce qui concerne le gain
manqué, le juge prend en considération, dans la fixation du montant des dommages et
intérêts, les bénéfices que le franchisé ou le franchiseur, victime d’une rupture fautive,
aurait pu réaliser si le contrat avait continué jusqu’au terme initial pour lequel il a été
conclu ou jusqu’au terme du délai de préavis prévu au contrat. S’agissant de la perte
subie, entrent dans le calcul du montant de l’indemnisation, les dépenses et les frais
occasionnés par la rupture fautive du contrat de franchise ainsi que les investissements
inutilisables et les stocks sans valeur.
Toutefois, le juge est tenu de respecter le principe de la réparation intégrale du
préjudice lors de la détermination du montant de l’indemnité, principe qui implique que
le préjudices soit intégralement indemnisé, mais rien que le préjudice. A vrai dire,
l’évaluation des dommages et intérêts par le juge peut, dans certaines hypothèses,
paraître arbitraire en raison parfois de la difficulté d’apprécier le préjudice auquel donne
lieu la rupture fautive du contrat de franchise. C’est ce risque d’évaluation arbitraire par
le juge qui amène souvent les parties à insérer dans leur contrat une clause prévoyant
une indemnité forfaitaire.
298
SECTION II - FIXATION CONVENTIONNELLE DES DOMMAGES ET INTERETS
290. Spécificité et application de la clause pénale. La volonté d’éviter les aléas de
l’évaluation du montant des dommages et intérêts dus en cas de rupture du contrat par le
juge et d’écarter les frais, les incertitudes et la lenteur d’un procès destiné à évaluer
l’indemnisation, amène souvent le franchiseur et le franchisé à déterminer par eux
mêmes le montant de l’indemnité due en cas de rupture fautive du contrat. Pour cela, ils
prévoient, dans leur contrat, une clause pénale fixant un forfait dont sera tenu celui qui
rompt de manière irrégulière ou abusive le contrat. Cette clause pénale dispose d’une
certaine spécificité qui permet de la distinguer d’autres clauses contractuelles voisines
(§ 1), spécificité qui se manifeste notamment lors de sa mise en œuvre (§ 2).
§1. La spécificité de la clause pénale
291. Débat relatif de la qualification juridique de la clause pénale. Le franchiseur et
le franchisé peuvent convenir d’évaluer, forfaitairement et par avance, le montant de la
réparation qui sera due en cas de rupture fautive du contrat. Pour cela, il leur suffit
d’insérer dans leur contrat une clause fixant le montant des dommages et intérêts dont
sera tenu l’auteur de la rupture fautive. La stipulation d’une telle clause est admise en
droit positif992
.
992
V. D. MAZEAUD, Les conventions portant sur la réparation, RDC 2007, n°1, p.149. Sur la clause
pénale de manière générale, v. D. MAZEAUD, La notion de clause pénale, LGDJ, 1992, préface. F.
Chabas.
299
Toutefois, sa nature juridique fait débat au sein de la doctrine. Un courant doctrinal
estime que la clause, par laquelle les parties évaluent forfaitairement et par avance
l’indemnité due en cas de rupture du contrat ou en cas d’inexécution de celui-ci, ne peut
s’analyser en clause pénale proprement dite, et cela en raison de l’absence de caractère
comminatoire par lequel se caractérise la clause pénale.
Ainsi, M. J. Mestre considère que la clause prévoyant une indemnité forfaitaire
s’analyse en clause d’indemnisation forfaitaire ou clause de dommages et intérêts et non
pas en clause pénale au sens strict du terme993
. Selon lui, ce n’est que dans l’hypothèse
où l’évaluation des dommages et intérêts fixés par cette clause paraît fort supérieure au
préjudice que cette clause prend un aspect comminatoire994
. M. D. Mazeaud partage
cette analyse. Il considère que la clause d’indemnisation forfaitaire se distingue de la
clause pénale ayant un aspect de pénalité en ce qu’elle a pour finalité la simple
évaluation conventionnelle de la réparation995
. « Ce que cherchent uniquement les
parties, lorsqu’elles stipulent une telle disposition, c’est à soustraire l’évaluation de la
réparation due en cas d’inexécution à l’appréciation du juge et aux règles légales sur le
calcul des dommages et intérêts. Par conséquent, de telles clauses sont, dans l’esprit
des parties, dénuées de tout caractère comminatoire »996
.
Une telle conception distinguant la clause pénale de la clause d’indemnisation
forfaitaire n’est pas sans intérêt. Elle a certaines incidences sur le pouvoir modérateur
du juge du montant des dommages et intérêts. En effet, admettre que la clause fixant un
forfait de réparation n’est pas une clause pénale revient à retirer tout pouvoir
d’appréciation du juge dans l’évaluation des dommages et intérêts. Contrairement à la
clause pénale pour laquelle le juge dispose, en vertu de l’article 1152 du Code civil997
,
d’un pouvoir de réduire ou d’augmenter le montant des dommages et intérêts prévus par
cette clause lorsqu’il estime qu’il est manifestement excessif ou dérisoire, en matière de
clause d’indemnisation forfaitaire, le juge n’a pas ce pouvoir.
993
J. MESTRE, De la notion de clause pénale et ses limites, RTD civ.1985, p. 372. 994
Ibid. 995
D. MAZEAUD, La notion de clause pénale, LGDJ, 1992, préface. F. Chabas, n° 258, p.142 et s. 996
D. MAZEAUD, th., précitée, n° 269, p.147. 997
Article 1152 du Code civil prévoit : « Lorsque la convention porte que celui qui manquera de l’exécution payera une certaine somme à titre de dommages - intérêts, il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte ni moindre ».
300
Dans ce dernier cas, le juge se contente d’ordonner le paiement de l’indemnité
prévue par cette clause dès lors que la rupture ou l’inexécution du contrat est survenue.
A vrai dire, cette conception ne manque pas d’arguments. Elle peut s’appuyer sur les
travaux préparatoires du Code civil998
. Elle peut aussi s’appuyer sur certaines
législations étrangères. Ainsi le droit anglo-américain qui distingue entre la « liquidated
damages clause » par laquelle les parties évaluent forfaitairement le montant des
dommages et intérêts dus par le créancier en cas d’inexécution du contrat et la « penalty
clause » fixant des dommages et intérêts à un taux très élevé en vue d’inciter le débiteur
à exécuter ses obligations999
. La première est valable, mais intangible, tandis que la
deuxième est nulle1000
. De même, le droit allemand qui, bien qu’avec un régime
différent de celui de la « common law », a établi une différence entre, d’un coté la
clause pénale, la « Vertragsstrafe », et de l’autre, la clause de dommages et intérêts, la
« Schadensersatzpauschalierung »1001
.
Pour autant, cette conception n’est pas sans contestation. Certains auteurs,
représentant la majorité de la doctrine1002
, lui reprochent d’être trop restrictive. Ils
estiment que la clause pénale a une compréhension large, de telle manière que l’on
puisse lui attribuer une double fonction indemnitaire et comminatoire. Certains n’ont
pas même hésité à invoquer les textes eux mêmes pour justifier une telle conception
large de la clause pénale.
998
V. D. MAZEAUD, th., précitée, n° 260, p.142 : « L’examen des travaux préparatoires, la place respective des textes qui régissent les clauses étudiées dans le Code civil, l’étude de la lettre de ceux-ci et la recherche de l’esprit dans lequel ils ont été crées, tout conduit à penser que le Code civil a entendu, formellement et expressément, différencier la clause de dommages et intérêts prévue par son article 1152 d’avec la clause pénale de ses articles 1126 à 1231.. La genèse de l’article 1152 du Code civil ne laisse point de doute sur la distinction qui existait dans l’esprit des rédacteurs du Code civil, entre la clause d’indemnisation forfaitaire et la clause pénale ». 999
A. PINTO-MONTEIRO, La clause pénale en Europe, in Le contrat au début du XXe siècle,
Mélanges. J. Ghestin, LGDJ, 2001, p. 719, et spéc., 725. V. aussi, R. DAVID, Les contrats en droit
anglais, LGDJ, 1973, n°443. 1000
Ibid. 1001
V. A. PINTO-MONTEIRO, op.cit., p. 729. 1002
Ph. MALAURIE, L. AYNES, Ph. STOFFEL-MUNCK, Les obligations, Defrénois, 3e édition, 2007,
n° 989, p.542 ; J. FLOUR, J- L.AUBERT, Y. FLOUR, E. SAVAUX, op.cit., n°238, p.178 ; F. TERRE,
Ph. SIMLER, Y. LEQUETTE, Les obligations, Précis Dalloz, 9e édition, 2005, n°624, p.615 ; Ph.
DELEBECQUE, Régime de la réparation.- Modalité de la réparation. - Règles particulières à la
responsabilité contractuelle - Clause pénale, J- C1. Civ. 2005, fasc.22 ; du même auteur, « Définition de
la clause pénale : évaluation conventionnelle de dommages et intérêts en cas d’inexécution de la
convention », D. 1996, p.116.
301
Tel est le cas de M. Ph. Delebecque qui observe que « l’ article 1152 est le texte de
base sur la clause pénale, malgré sa place dans le Code civil et bien que la clause qu’il
définit ne présente pas nécessairement un aspect comminatoire »1003.
C’est cette ambivalence de la clause pénale qui a été retenue par la jurisprudence.
Celle-ci considère que la clause pénale a une double fonction : la fonction coercitive et
la fonction indemnitaire1004
. Selon elle, la clause pénale est un mélange de peine et
d’indemnisation. Par conséquent, la clause par laquelle le franchiseur et le franchisé
fixent, forfaitairement et par avance, l’indemnité à laquelle donnera lieu la rupture
fautive du contrat de franchise ou son inexécution s’analyse en une clause pénale. Elle
est donc soumise au pouvoir modérateur du juge lorsque le forfait de réparation paraît
manifestement excessif et dérisoire, ce qui est susceptible de protéger l’une ou l’autre
des parties contre tout éventuel abus dans la fixation du montant des dommages et
intérêts.
292. Caractère unilatéral et bilatéral de la clause pénale. Prenant sa source dans la
volonté des parties, la clause pénale peut avoir un caractère bilatéral, c'est-à-dire qu’elle
est stipulée à l’égard des deux parties1005
. Mais le plus souvent, la clause pénale a un
caractère unilatéral. Elle est stipulée au seul profit du franchiseur. Tel est, par exemple,
le cas lorsque le contrat prévoit que : « la résiliation anticipée du présent contrat, soit
pour manquement flagrant du franchisé à l’une des clauses fondamentales dudit
contrat, soit pour résiliation abusive du franchisé, ouvre droit, au profit du franchiseur,
à des dommages et intérêts fixés forfaitairement à une somme d’argent »1006. Rien n’est
étonnant en cela. Le contrat de franchise est, par nature, un contrat d’adhésion1007
, c'est-
à-dire qu’il est souvent, sinon toujours, pré-rédigé par le franchiseur. Le franchisé ne
peut qu’accepter les termes du contrat ou le laisser.
1003
Ph. DELEBECQUE, op.cit., n°4. 1004
« La peine stipulée peut se concevoir aussi bien comme un moyen de contraindre les parties à l’exécution que comme une évaluation conventionnelle anticipée d’un préjudice future». V. Cass. com., 2
mars 1990, D. 1990, 390, note. E.-S. De la MARNIERE. Récemment, Cass. com., 18 décembre 2007, n°
05-21. 441 et n° 06-10.381 ; CA Paris, 20 juin 2007, Juris-Data, n° 2007-344968 ; Cass. com., 28 juin
2005, n° 04-10. 038 ; Cass. com., 28 janvier 2003, n° 99-17. 168. 1005
V. Cass. com., 28 juin 2005, n° 04 -10. 038. 1006
V. P. AVAKIAN, Pratique contractuelle de la franchise : analyse du contenu d’un ensemble de
contrats, in Le contrat-cadre : 2. La distribution, Litec, 1995, sous la dir. A. SAYAG p. 201, et spéc, ,
n°456, p.248. 1007
Sur le contrat d’adhésion, v. G. BERLIOZ, Le contrat d’adhésion, LGDJ, 1976.
302
Toutefois, il est à noter que la stipulation de la clause pénale est souvent acceptée
par les franchisés en raison des avantages qu’une telle clause présente pour eux.
293. Avantages et inconvénients de la clause pénale. La clause pénale, qui est l’une
des clauses les plus usuelles, non seulement en matière de contrats de franchise ou de
contrats de distribution, mais aussi en matière de contrats commerciaux de manière
générale1008
, présente un indéniable intérêt pour les parties. Elle permet aux parties
d’éviter les aléas de l’évaluation par le juge du montant des dommages et intérêts dus en
cas de rupture du contrat1009
. Elle leur permet également d’écarter les frais, les
incertitudes et la lenteur d’un procès judiciaire destiné à évaluer l’indemnisation. A tout
cela s’ajoute que la clause pénale dispense le créancier de rapporter la preuve du
préjudice. L’indemnité forfaitairement fixée est due aussitôt que l’événement pour
lequel elle est stipulée, qui est la rupture fautive du contrat de franchise, est intervenue.
Cependant, si les avantages de la clause pénale ne sont pas douteux, elle peut, par
contre, dans certaines hypothèses, présenter un certain danger pour les parties. Le grand
inconvénient que présente la clause pénale consiste en ce qu’elle fixe parfois un forfait
trop faible ou, au contraire, trop élevé. A cet égard, il convient de noter que le fait que la
clause pénale dispose d’une dualité de fonction, fonction coercitive d’un coté et
fonction indemnitaire d’un autre, peut parfois rendre malaisée sa distinction avec
d’autres clauses voisines telle que la clause limitative de réparation.
294. Clause pénale et clause limitative de réparation. Le franchiseur et le franchisé
peuvent, en effet, limiter l’étendue de la réparation à laquelle donne lieu la rupture
fautive du contrat de franchise. Pour cela, ils peuvent stipuler une clause limitative de
réparation qui consiste à fixer un plafond à la réparation dont est tenue la partie en cas
de rupture fautive du contrat de sa part1010
.
1008
Sur la stipulation fréquente de la clause pénale, v. D. MAZEAUD, La notion de clause pénale, LGDJ,
1992, préface. F. Chabas ; Ph. DELEBECQUE, Régime de la réparation-Modalité de la réparation.-
Règles particulière à la responsabilité contractuelle-Clause pénale, J- C1. Civ. 2005, fasc.22. 1009
Sur ce point, v. P. BAILLY, Indemnisation et aléas judiciaires, D. 1992, p.202. 1010
Sur cette clause, v. D. MAZEAUD, Les conventions portant sur la réparation, RDC 2007, n° 1,
p.149 ; Ph. MALINVAUD, Droit des obligations, Litec, 11e édition, 2007, n° 732, p.521 ; J. FLOUR, J-
L. AUBERT, Y. FLOUR, E. SAVAUX, Les obligations : 3. Le rapport d’obligation, Sirey, 4e édition,
2006, n° 234, p. 175 ; M. LAMOUREAU, L’aménagement des pouvoirs du juge par les contractants,
Recherche sur un possible imperium des contractants, PUAM, 2006, préface J. Mestre, n° 435, p. 466 ; G.
VINEY et P. JOURDAIN, Traité droit civil, sous la direction de J. Ghestin, Les effets de la
responsabilité, LGDJ, 2e édition, 2001, n° 180, p. 341 ; J. RAJSKI, Les clauses limitatives et
303
Ainsi, en présence d’une telle clause, le franchisé ou le franchiseur, à qui la rupture
fautive du contrat est imputable, ne sera tenu d’indemniser son cocontractant pour le
préjudice qu’il a subi du fait de cette rupture qu’à hauteur du montant du plafond
contractuellement fixé. Si le préjudice est inférieur au plafond de réparation, le
contractant victime d’une rupture fautive du contrat de franchise pourra obtenir
l’indemnisation de son entier dommage. En revanche, si le préjudice se révèle supérieur
au montant du plafond convenu, il ne pourra pas obtenir une indemnisation supérieure
au montant maximum prévu par le contrat.
La clause limitative de réparation, dont la stipulation est admise en droit positif1011
,
a un trait commun avec la clause pénale. Chacune de ces clauses pose une limite au
principe de la réparation intégrale du préjudice puisqu’elle limite l’étendue de la
réparation due à un éventuel dommage1012
. Pour autant, chacune se distingue de l’autre.
En effet, leurs effets sont radicalement distincts. Alors que la clause pénale fixe un
forfait de réparation, la clause limitative de réparation prévoit un plafond de réparation
au-delà duquel la victime ne pourra obtenir réparation. En outre, leur régime juridique
n’est pas le même. Contrairement à la clause pénale où le juge dispose du pouvoir de
réviser le forfait de réparation prévu par la clause pénale s’il estime qu’il est
manifestement excessif ou dérisoire, en matière de clause limitative de réparation, le
juge ne dispose pas de ce pouvoir de révision1013
. Dans ce dernier cas, le juge est
simplement tenu d’évaluer le préjudice auquel donne lieu une éventuelle rupture fautive
du contrat de franchise
exonératoires de responsabilité dans les contrats internationaux, RDAI, 2002, 3 / 4, p.321 ; Ph.
MALINVAUD, De l’application de l’article 1152 aux clauses limitatives de responsabilité, Mélanges F.
Terré, Dalloz, 1999, p.689 ; Y. CHARTIER, La réparation du préjudice, coll. Connaissance du droit,
1996, p. 47 ; D. MAZEAUD, Les clauses limitatives de réparation, in Les obligations en droit français et
en droit belge, Convergences et divergences, Bruylant, Dalloz, 1994, p.155. 1011
Voir par exemple, Cass. com., 5 juin 2007, n° 06- 14. 832 ; RDC 2007, n° 4, p.1121, obs. D.
MAZEAUD ; D. 2007, p. 1721, obs. X. DELEPECHE ; JCP G 2007, 1014, obs. D. HOUTCIEFF ; D.P.
2007, n°95, obs. Ph. STOFFEL-MUNCK. Notons, toutefois, que les clauses limitatives de réparation,
fondée sur la liberté contractuelle tout autant que sur les nécessités économiques, peuvent, dans certaines
hypothèses, paraître inefficace. La jurisprudence dénie toute efficacité à ces clauses en cas de faute lourde
et lorsqu’elles portent sur certaines obligations essentielles. Sur cette question, v. Ph. MALINVAUD,
Droit des obligations, Litec, 11e édition, 2007, n° 735, p.522 et s ; D. MAZEAUD, Les conventions
portant sur la réparation, RDC 2007, n° 1, p.149;D. MAZEAUD, Les clauses limitatives de réparation, in
Les obligations en droit français et en droit belge, Convergences et divergences, Bruylant, Dalloz, 1994,
p.155 et s. 1012
Sur ce principe, C. COUTANT-LAPALUS, Le principe de la réparation intégrale en droit privé,
PUAM, 2002, préface F. Pollaud-Dulian. 1013
V. Ph. MALINVAUD, De l’application de l’article 1152 aux clauses limitatives de responsabilité,
Mélanges. F. Terré, Dalloz, 1999, p.689.
304
En ce qui concerne la preuve, le bénéficiaire de la clause limitative de réparation
n’est pas dispensé de rapporter la preuve de l’existence du préjudice. Or cela n’est pas
le cas en ce qui concerne la clause pénale dont le bénéficiaire est dispensé de rapporter
la preuve de l’existence du préjudice et le juge de l’évaluer. L’indemnité forfaitaire sera
due du seul fait de l’intervention de la rupture, abstraction faite de ce que celle-ci
entraîne ou non un préjudice pour celui qui la subit.
Toutefois, et malgré cette différence, la distinction entre la clause pénale et la
clause limitative de responsabilité paraît parfois en pratique moins nette. Ainsi en est-il,
par exemple, dans le cas où le forfait de réparation paraît inférieur au préjudice causé
par la rupture du contrat de franchise ou son inexécution. En pareille hypothèse,
comment peut-on savoir si le chiffre figurant au contrat constitue d’un forfait établi par
une clause pénale ou un plafond prévu par une clause limitative ? A vrai dire, la clause
litigieuse peut parfaitement, dans cette hypothèse, s’analyser aussi bien en une clause
pénale qu’en une clause limitative de réparation1014
. Une telle difficulté de distinction de
la clause pénale avec d’autres clauses voisines se rencontre aussi s’agissant de la clause
de dédit.
295. Clause pénale et clause de dédit. Conçu comme un contrat dans un autre
contrat1015
, la clause pénale se distingue, a priori, facilement de la clause de dédit1016
.
Alors que l’indemnité prévue par la clause pénale a pour but de sanctionner la
défaillance de l’une des parties de l’inexécution de ses obligations, le paiement de
l’indemnité de dédit ne sanctionne, en effet, en rien un manquement contractuel. Il
traduit simplement l’exercice d’une prérogative contractuelle, qui consiste dans la
faculté, pour une des parties, à résilier le contrat de franchise, à tout moment et avant
même l’arrivée de son terme, moyennant le respect d’un préavis et le versement d’une
indemnité au cocontractant.
1014
Ph. DELEBECQUE, Régime de la réparation.- Modalité de la réparation. - Règles particulière à la
responsabilité contractuelle - Clause pénale, J- C1. Civ. 2005, fasc.22, n ° 1015
D. MAEAUD, La notion de la clause pénale, LGDJ, 1992, préface. F. Chabas, n° 5, p.13, et s, et
spéc., n°19, p.20 et s. 1016
Sur la clause de dédit, v. L. BOYER, La clause de dédit, in Mélanges P. Raynaud, Dalloz Sirey,
1985, p.41.
305
Malgré la différence existant entre la clause pénale et la clause de dédit, leur
distinction paraît parfois difficile à mettre en œuvre sur le plan pratique. Ainsi l’illustre
l’arrêt du 29 novembre 20051017
.
En l’occurrence, un contrat de franchise contenait une clause prévoyant qu’« en
cas de rupture du contrat par l’une des parties, la partie responsable de la rupture
s’engage à verser un dédit de 15. 244, 90 euros ». Après avoir prononcé la résolution
du contrat aux torts du franchisé défaillant, la Cour d’appel a analysé la clause en
question en clause pénale en dépit du terme employé de « dédit ». Par conséquent, elle a
condamné le franchisé à payer le montant prévu par le contrat comme dommages et
intérêts forfaitaires destinés à compenser le préjudice que le franchiseur a subi du fait de
la résolution du contrat. La Chambre commerciale de la Cour de cassation a cassé l’arrêt
d’appel pour dénaturation de la loi contractuelle. Elle a décidé en ces termes : « Attendu
qu’en statuant ainsi, alors, d’un coté, que la clause litigieuse ne s’analysait pas en une
clause pénale, ayant pour objet de faire assurer par l’une des parties l’exécution de son
obligation mais en une faculté de dédit permettant aux parties de se soustraire à cette
exécution et, de l’autre, que Mme Malenfant, qui avait exécuté le contrat pendant
plusieurs mois, ne pouvait être sanctionnée par le paiement d’une indemnité stipulée à
titre de dédit, la cour d’appel a violé les textes susvisés ».
Les juges du fond doivent donc veiller à donner à la clause litigieuse sa
qualification juridique. C’est en effet de cette qualification juridique que dépend la
possibilité pour le juge de réviser ou non le montant de l’indemnité prévue par la clause.
S’il s’agit d’une indemnité de dédit, le juge n’a pas le pouvoir de réviser le montant. La
clause de dédit exclut, en effet, tout pouvoir du juge de diminuer ou d’augmenter le
montant. En revanche, s’il s’agit d’une clause pénale, le juge peut réviser celui-ci
lorsqu’il estime qu’il est manifestement excessif ou dérisoire. L’efficacité de la mise en
œuvre de la clause pénale dépend donc de l’appréciation du juge.
1017
Cass. com., 29 novembre 2005, pourvoi n° 02-19. 174.
306
§ 2. Application de la clause pénale
296. Absence de préjudice. L’un des avantages majeurs que présente la clause pénale
consiste en ce qu’elle dispense son bénéficiaire de rapporter la preuve du préjudice.
Parce qu’elle est un forfait, la clause pénale est due même en l’absence du préjudice. Le
franchisé ou le franchiseur, victime d’une rupture fautive du contrat, n’a pas en effet à
prouver l’existence de son préjudice pour obtenir le paiement de l’indemnité convenue.
Il lui suffit seulement de rapporter la preuve de la survenance d’une rupture fautive du
contrat de franchise pour mettre en jeu la clause pénale.
Cette solution est constamment rappelée par la jurisprudence qui considère que « la
clause pénale, sanction contractuelle du manquement d’une partie à ses obligations,
s’applique du seul fait de cette inexécution »1018
. Elle a été récemment réaffirmée par la
troisième Chambre civile dans un arrêt du 20 décembre 20061019
. Elle s’explique par le
fait que ce « n’est pas le préjudice qui rend la peine exigible, mais l’arrivée des
événements pour lesquels elle est prévue »1020
. Dès lors qu’il y a une rupture fautive du
contrat de franchise, le franchiseur ou le franchisé lésé est en droit d’obtenir le forfait de
réparation prévu au contrat, même s’il n’a subi aucun préjudice. En pareille hypothèse,
le juge ne peut que faire application stricte du forfait de réparation convenu.
1018
V. Cass. 3 civ., 2 octobre 12 janvier 1994, RTD civ. 1994, p.605, obs. J. MESTRE ; Defrénois 1994,
p.804, obs. D. MAZEAUD ; JCP G 1994, I, 3809, obs. G. VINEY Cass. 1er
civ., 10 octobre 1995, D.
1996, som.p.116, obs. P. DELEBECQUE ; Cass. com., 12 mars 1956, Bull. civ. 1956, III, n° 108; Cass.
3e civ., 5 février 1975, D. 1975, inf. rap.p.9 1019
Cass. 3 civ., 20 décembre 2006, n° 05-20.065 ; RDC 2007, n°3, p.749, obs. S. CARVAL ; JCP G
2007, II, 10024, note. D. BAKOUCHE. Dans cet arrêt, la Cour de cassation a censuré l’arrêt d’appel en
décidant que « qu’en statuant ainsi, alors que la clause pénale, sanction de manquement d’une partie à ses obligations, s’applique du seul fait de cette inexécution, la cour d’appel a violé les textes susvisés ». 1020
Ph. DELEBECQUE, Régime de la réparation.-Modalité de la réparation.-Règles particulières à la
responsabilité contractuelle.-Clause pénale, J- C1. Civ. 2005, fasc.22, n°65.
307
297. Application stricte du forfait de réparation. En matière de clause limitative de
responsabilité, le juge est obligé d’évaluer le dommage1021
. Celui-ci sera intégralement
réparé s’il n’atteint pas le chiffre fixé par la clause1022
. Mais lorsque le dommage
dépasse le maximum convenu, celui-ci ne sera réparé qu’à hauteur des prévisions des
parties. Le pouvoir du juge est donc « seulement affecté si le préjudice s’avère
supérieur au plafond, le juge étant alors contraint de s’en tenir au montant stipulé et
donc d’écarter le principe de la réparation intégrale du préjudice »1023. La situation est
différente en ce qui concerne la clause pénale. Dans cette dernière, le juge est en
principe tenu de condamner le débiteur à payer le forfait de réparation prévu par la
clause pénale. Celle-ci, qui est une « marque de défense des parties à l’égard du
juge »1024, supprime en effet son pouvoir dans l’évaluation du montant des dommages et
intérêts1025
. En présence d’une clause pénale, le juge n’a pas mission d’ordonner la
réparation intégrale du préjudice causé par la rupture fautive du contrat de franchise. Il a
simplement pour mission de faire respecter la loi des parties et d’allouer au franchisé ou
au franchiseur, victime d’une rupture fautive du contrat, le montant des dommages et
intérêts convenu.
Il en résulte que le franchisé ou le franchiseur, au profit de qui la clause pénale est
stipulée, souffre du forfait de réparation lorsque le préjudice se révèle plus élevé par
rapport à celui-ci. Dans cette hypothèse, il ne saurait obtenir une indemnité pour le
préjudice qu’il a subi autre que celle qui lui sera allouée en vertu de la clause pénale. A
moins qu’il ne démontre qu’il a subi un préjudice distinct de celui-ci couvert par la
clause pénale, celle-ci exclut en principe toute indemnité supplémentaire en réparation
du préjudice subi1026
.
1021
Ph. DELEBECQUE, Régime de la réparation.- Modalité de la réparation.-Règles particulières à la
responsabilité contractuelle.-Clause pénale, op. cit., n° 67. 1022
M. LAMOUREAU, L’aménagement des pouvoirs du juge par les contractants, Recherche sur un
possible imperium des contractants, PUAM, 2006, préface J. Mestre, n° 436,p.466 et s. 1023
Ibid. 1024
D. MAZEAUD, La notion de clause pénale, th., précitée, n°105 1025
Ph. DELEBECQUE, Régime de la réparation.-Modalité de la réparation.-Règles particulières à la
responsabilité contractuelle. - Clause pénale, op.cit., : « L’automatisme y est voulu. C’est une évaluation forfaitaire des dommages et intérêts ». V.aussi, M. LAMOUREAU, th., précitée, n° n°438, p.469 : « En stipulant une clause prévoyant une indemnité forfaitaire dans leur contrat, les parties se substituent au juge dans l’évaluation des dommages-intérêts ». 1026
CA Lyon 31 mars 2000, Juris-Data n° 2000-120706.
308
Cette solution s’explique par le caractère forfaitaire de la réparation1027
, forfaitaire
de réparation qui peut être révisé par le juge lorsqu’il se révèle manifestement excessif
ou dérisoire.
298. La révision judiciaire de la clause pénale. En principe, l’évaluation
conventionnelle des dommages-intérêts tient lieu d’évaluation judiciaire. Elle est
substituée à celle-ci, de manière à ce qu’elle la rende inutile.
En conséquence, en cas de rupture fautive du contrat de franchise, le juge ne
saurait accorder au franchiseur ou au franchisé, victime d’une telle rupture, une
indemnité ni plus forte ni moindre que celle fixée par le contrat1028
. Toutefois, et parce
que la rigueur de ces clauses peut présenter un danger lorsqu’elles sont imposées par la
partie la plus forte sans discussion, le juge peut, selon l’article L.1152 du Code civil,
modérer une augmentation la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement
excessive ou dérisoire.
A cet égard, il est à noter que la réduction d’une clause pénale n’est qu’une simple
faculté pour le juge1029
. Celui-ci, qui dispose d’un pouvoir discrétionnaire en la matière,
peut refuser de procéder à la révision de la clause pénale. Rien ne l’oblige à la réviser. Il
n’est même pas tenu de motiver sa décision1030
.
1027
Ph. DELEBECQUE, Régime de la réparation.-Modalité de la réparation.-Règles particulières à la
responsabilité contractuelle, op.cit., n° 70. 1028
J. FLOUR, J- L.AUBERT, Y. FLOUR, E. SAVAUX, op.cit., n°238, p.178; F. TERRE, Ph. SIMLER,
Y.LEQUETTE, Les obligations, Précis Dalloz, 9e édition, 2005, n°624, p.615 : « (..) le juge ne peut
accorder plus que ne prévoit la clause. En ce sens, la clause pénale ressemble à la clause limitative de responsabilité. Celle-ci, dont la validité est, en principe, admise, fixe, en effet, un maximum aux dommages et intérêts qui peuvent être réclamés au débiteur et restreint la responsabilité de celui-ci. Par exemple, il est convenu que l’on ne pourra pas réclamer « plus qu’un certain montant » de dommages et intérêts, alors même que le dommage serait plus élevé. Or il en va pareillement en cas de clause pénale et il est normal, par conséquent, que ce procédé ne puisse servir à tourner les restrictions apportées par le droit positif à la validité des clauses limitatives de responsabilité. En l’absence même de fraude, on comprend d’ailleurs que des règles applicables aux clauses limitatives soient étendues aux clauses pénales ». 1029
V. M. LAMOUREAU, L’aménagement des pouvoirs du juge par les contractants, Recherche sur un
possible imperium des contractants, PUAM, 2006, préface J. Mestre, n° 439, p. 471 et s. 1030
CA Paris 20 juin 2007, Juris-Data n°2007-344968 ; CA Angers 27 mai 2002, Juris-Data n° 2002-
207620.
309
La Cour de cassation a affirmé, à plusieurs reprises, que le refus par le juge de
réviser une clause pénale n’est pas soumis à une obligation de motivation1031
. Mais, en
revanche, si le juge procède à une révision de la clause pénale parce qu’il estime que
son montant est manifestement excessif ou dérisoire, il doit justifier sa décision. La
Cour de cassation lui impose, en effet, d’expliquer en quoi le montant de la clause est
manifestement excessif ou dérisoire1032
.
Tel est, par exemple, le cas lorsque les juges du fond ont réduit l’indemnité de
résiliation composée de 20000 euros plus une part variable égale à 50 % du montant de
cinq redevances annuelles restant à courir, au motif que compte tenu du fait que
l’essentiel des services fournis par le franchiseur au franchisé sont facturés à ce
montant, la peine est manifestement excessive1033
.
Une telle exigence de motivation de la révision de la clause pénale par le juge peut
s’expliquer par le fait que le principe est le respect de la loi des parties est le principe et
que la révision de la clause pénale n’est qu’une exception à ce principe1034
.
1031
Cass. com., 12 juillet 2001, JCP E 2002, 459, note. L. LEVENEUR ; Cass. 3 civ., 26 avril 1978, RTD
civ. 1979, p.139, obs. G.CORNU ; Cass.com., 26 février 1991, Bull. civ. IV, n°91, 1032
M. LAMOUREAU, th., précitée. 1033
CA Aix en Provence, 4 mars 2005, Juris-Data n° 2005-275013. 1034
V. M. LAMOUREAU, th., précitée.
310
299. Conclusion section II-En vertu du principe de la liberté contractuelle, le
franchiseur et le franchisé peuvent, par l’insertion d’une clause pénale, fixer, de façon
forfaitaire et à l’avance, le montant de la réparation dont chacun d’eux sera tenu en cas
de rupture fautive du contrat. Ce forfait de réparation s’impose aux parties. Le
contractant, victime de la rupture, ne peut obtenir que le montant de réparation
contractuellement fixé. De même, le montant de réparation prévu par la clause pénale
s’impose au juge. Celui-ci ne saurait accorder au franchiseur ou au franchisé, victime
d’une telle rupture, une indemnité ni plus forte ni moindre que celle fixée par le contrat.
Néanmoins, il peut réduire ou augmenter la peine lorsqu’il estime qu’elle est
manifestement excessive et dérisoire par rapport au préjudice auquel donne lieu la
rupture fautive du contrat.
311
300. Conclusion du chapitre II. En cas de rupture fautive du contrat, le franchisé ou le
franchiseur peut obtenir des dommages et intérêts dès qu’il rapporte la preuve qu’il a
subi du préjudice du fait de cette rupture. L’évaluation du montant de ces dommages et
intérêts est néanmoins souvent délicate. Les juges du fond ne sont, en principe, liés par
aucun mode de calcul précis. Ils tiennent compte généralement, pour fixer le montant de
l’indemnité due par le franchiseur ou le franchisé, à qui la rupture fautive du contrat est
imputable, des bénéfices dont le contractant victime a été privé et des pertes qu’il a
subies. Ils disposent, à cet égard, d’un pouvoir souverain dans la détermination du
montant des dommages et intérêts. La seule exigence imposée à eux, c’est de respecter
le principe de la réparation intégrale impliquant que seuls les préjudices soient
indemnisés. Le pouvoir souverain dont disposent les juges du fond peut permettre
l’évaluation la plus précise du préjudice. Mais il peut aussi, paradoxalement, conduire à
l’évaluation arbitraire. Face à ces aléas judiciaires dans l’évaluation des dommages et
intérêts, le franchiseur et le franchisé préfèrent souvent évaluer par eux-mêmes le
montant de réparation dû en cas d’une éventuelle rupture fautive du contrat. Ils fixent,
par une clause pénale, un forfait de réparation dont sera tenu l’auteur de la rupture
fautive. Un tel forfait de réparation tient lieu d’évaluation judiciaire. Elle s’impose au
juge, sauf le cas où il se révèle qu’il est manifestement excessif ou dérisoire au regard
du préjudice réalisé.
312
301. Conclusion du Titre I. Le franchiseur comme le franchisé doit s’abstenir de tout
comportement critiquable non seulement lors de la formation du contrat ou lors de son
exécution, mais aussi lors de son extinction. Si le juge constate, en cas de litige portée
sur la fin des relations contractuelles, que le non-renouvellement du contrat de franchise
ou que sa résiliation est intervenue dans des circonstances fautive ou faite de manière
irrégulière non motivé par aucun manquement grave, il engagera la responsabilité de
son auteur. Il est possible, dans ces hypothèses, que le juge lui ordonne la reprise forcée
du contrat fautivement rompu. Mais la réparation en nature sous la forme de la reprise
forcée du contrat est rare. Et même si le juge se prononce en sa faveur, il restreint sa
portée dans le temps. Le plus souvent, le franchisé ou le franchiseur, victime d’une
rupture fautive, obtient des dommages et intérêts. Ces dommages et intérêts visent à
compenser tout le préjudice que le contractant a subi du fait de la rupture fautive du
contrat de franchise. Le gain manqué dont il a été privé et la perte qu’il a subie seront
indemnisés dès qu’il rapporte la preuve de son existence et de son lien de causalité avec
la rupture.
Toutefois, il convient de noter que la naissance de la responsabilité n’est pas le seul
effet de l’extinction du contrat de franchise. Il y a d’autres effets consistant le plus
souvent dans la naissance de nouvelles obligations à la charge des parties.
313
TITRE II - LA NAISSANCE DE NOUVELLES OBLIGATIONS A
LA CHARGE DES PARTIES
314
302. Présentation générale et plan. Si l’extinction a pour conséquence la disparition
du contrat de franchise ainsi que les obligations qu’il contenait avec lui, cela ne signifie
cependant pas que tout est fini entre les parties. Des obligations post-contractuelles vont
naître, au moment de l’extinction du contrat, à la charge des parties. Certaines de ces
obligations sont les conséquences des dispositions contractuelles. Les parties au contrat
de franchise prévoient certaines clauses qui sont destinées à régir leur relation après la
fin du contrat, ce qui lui vaut d’être qualifiée de « stipulation à effet post contractuel ».
D’autres obligations, au contraire, ne sont que la suite de l’extinction du rapport
contractuel entre franchiseur au franchisé. Quel que soit leur origine, ces obligations
n’ont pas la même nature juridique. Leur objet se distingue selon que la partie dont sera
tenue. Certaines sont portées par le franchisé (chapitre I), tandis que d’autres sont
supportées par le franchiseur (chapitre II).
315
CHAPITRE I - OBLIGATIONS INCOMBANT AU FRANCHISE
303. Clauses à effet post-contractuel. A la fin du contrat de franchise, le franchisé est
tenu par certaines obligations. Certaines ne sont que la suite naturelle de la cessation du
contrat. Tel est le cas de l’obligation pour le franchisé de liquider le lien contractuel et
de restituer tous les éléments matériels et immatériels que le franchiseur lui a confiés
pour l’exploitation de la franchise (Section II). D’autres obligations sont prévues par le
contrat lui-même. Elles visent à la sauvegarde du réseau après la rupture du contrat de
franchise (Section I). Ces obligations consistent souvent en l’obligation pour le
franchisé de ne pas concurrencer l’ancien franchiseur après la cessation du lien
contractuel, en l’obligation de non pas s’affilier à un réseau concurrent et enfin en
l’obligation de ne pas divulguer le savoir-faire ou toute information qui y est liée de
près ou de loin. Elles produisent ses effets à l’égard du franchisé immédiatement et dès
lors que la cessation du contrat de franchise a lieu.
316
SECTION I – OBLIGATIONS DE SAUVEGARDE DU RESEAU
304. Protection du réseau. Pendant l’exécution du contrat de franchise, un savoir-faire
et des informations économiques, techniques et commerciales ont été communiqués au
franchisé. Afin de sauvegarder le secret et la non-utilisation de ces informations et du
savoir-faire par l’ancien franchisé après la rupture du contrat, les franchiseurs recourent
à une série de techniques contractuelles. Tantôt, ils insèrent dans le contrat une clause
de non-concurrence post-contractuelle qui interdit au franchisé d’exercer son activité ou
toute activité susceptible de concurrencer le franchiseur pendant un certain délai et dans
la zone lui ayant été concédée (§ 1). Tantôt, ils stipulent dans le contrat de franchise une
clause de non-affiliation qui interdit au franchisé, après la cessation du contrat, non
d’exercer son activité, mais de s’affilier à tout réseau concurrent ou à un groupe
concurrent pendant un certain délai (§ 2). Tantôt enfin, les franchiseurs se montrent plus
soucieux et prévoient dans le contrat de franchise une clause de confidentialité qui
impose au franchisé, après l’exclusion du réseau, de ne pas divulguer les informations
qu’il a pu acquérir à l’occasion de l’exécution du contrat de franchise (§ 3). Toutes ces
clauses seront étudiées tour à tour dans cette section.
317
§ 1. La clause de non-concurrence post-contractuelle
305. Plan. Seront abordés ici tour à tour la question de la validité de la clause de non-
concurrence post-contractuelle (A) et celle de sa mise en œuvre (B).
A. Validité de la clause de non-concurrence post-contractuelle
306. Une controverse passée. La question de la clause de non-concurrence a fait l’objet
d’une vive controverse doctrinale. Certains auteurs sont favorables à la stipulation de
clauses de non-concurrence au sein des contrats de franchise. D’autres, au contraire, y
sont hostiles en estimant qu’elles sont incompatibles avec la nature même du contrat de
franchise. Toutefois, ce débat est clos aujourd’hui. La jurisprudence est intervenue pour
mettre fin à cette controverse en reconnaissant la validité des clauses de non-
concurrence post-contractuelles en matière de contrats de franchise (1), pourvu qu’elles
remplissent certaines conditions (2).
1. Admission de la clause de non-concurrence post-contractuelle en droit positif
307. Débat doctrinal. La possibilité d’insertion d’une clause de non-concurrence post-
contractuelle en matière de contrats de franchise a suscité une vive controverse au sein
de la doctrine. Certains auteurs estiment que l’adjonction d’une clause de non-
concurrence post-contractuelle en matière de contrats de franchise doit être admise. Ils
justifient leur opinion par le fait que seule la stipulation d’une clause de non-
concurrence post-contractuelle est susceptible de garantir au franchiseur que l’ancien
franchisé ne continue pas, après la cessation des relations contractuelles, à utiliser les
informations et le savoir-faire qu’il a acquis à l’occasion de l’exécution du contrat1035
.
1035
J - J. BURST, Appartenance de la clientèle et la clause de non-concurrence, Cah. dr. entr.1983/1,
p.22.
318
A l’inverse, d’autres auteurs contestent la présence de telles clauses en matière de
contrats de franchise1036
. Ils estiment qu’en dehors de la hypothèse où la clause de non-
concurrence se trouve accompagnée du versement d’une indemnité de clientèle, ou celle
où il y a reprise, par le franchiseur, de l’exploitation du franchisé, la stipulation d’une
clause de non-concurrence post-contractuelle doit être considérée comme illicite1037
.
Pour eux, il y a plusieurs raisons qui conduisent à ne pas admettre la stipulation d’une
telle clause dans les contrats de franchise. Premièrement, elle est incompatible avec la
nature même du contrat de franchise. Elle a, estiment-ils, pour effet de déposséder le
franchisé de sa clientèle ou d’une partie de sa clientèle au profit du franchiseur ou du
nouveau franchisé désigné par le franchiseur.
Or, cela ne paraît pas seulement injuste, mais aussi dangereux et susceptible de
contredire la qualité de commerçant indépendant du franchisé1038
. Deuxièmement, une
telle obligation est sans cause1039
. Le franchisé s’engage à ne pas exercer son activité ou
toute activité similaire sans qu’il y ait une contrepartie à son engagement.
Troisièmement, contrairement à ce que prétendent certains1040
, la clause de non-
concurrence n’est pas indispensable pour protéger le savoir-faire1041
. Celui-ci est
généralement protégé par une clause de confidentialité et, même en l’absence de clause
de non-concurrence, le franchiseur peut agir en concurrence déloyale si l’ancien
franchisé continue à utiliser son savoir-faire1042
.
1036
D. FERRIER, Appartenance de la clientèle et la clause de non-concurrence, Cah.dr.entr.1983/1, p.21.
D. FERRIER, La rupture du contrat de franchisage, JCP CI 1977, II, 12441. Dans le même sens, J.
BEAUCHARD, obs. sous CA Poitiers 17 juin 1981, JCP G 1984, II, 20184 ; J. BEAUCHARD, Droit de
la distribution et de la consommation, PUF 1996, p.199. 1037
D. FERRIER, « La rupture du contrat de franchisage », JCP .1977, II, 12441. L’auteur observe que la
seule hypothèse « dans laquelle la clause de non-concurrence se trouverait justifiée, serait celle d’une reprise par le franchiseur de l’exploitation du franchisé ; l’obligation de non-concurrence existant de façon générale à la charge du cédant du fonds de commerce jouerait alors à l’encontre du franchisé ». 1038
D. FERRIER, Appartenance de la clientèle et la clause de non-concurrence, op.cit. 1039
Contra. J.-M. LELOUP, La franchise, Droit et pratique, Delmas, 2004, n°2121, p.344 : « La clause de non-concurrence est l’une des contreparties de tout ce qui lui a été transmis pendant le contrat ». 1040
J.-J. BURST, Appartenance de la clientèle et la clause de non-concurrence, Cah.dr.entr.1983/1, p.22. 1041
D. FERRIER, Appartenance de la clientèle et la clause de non-concurrence, op. cit. Dans le même
sens, J. BEAUCHARD, obs sous. CA Poitiers 17 juin 1981, JCP G 1994, II, 20184. 1042
J. BEAUCHARD, Droit de la distribution et de la consommation, PUF 1996, p.199.
319
S’ajoute à cela le fait que le savoir-faire est, en principe, « périodiquement
recyclé », de sorte que les connaissances maîtrisées par l’ancien franchisé risquent
d’être rapidement périmées1043
. Enfin, la stipulation d’une clause de non-concurrence
post-contractuelle en matière de contrats de franchise peut constituer un abus de
dépendance économique en ce qu’elle tend à dissuader le franchisé de sortir du réseau
de franchise en lui enlevant toute solution de rechange raisonnable, puisqu’il perd son
fonds de commerce avec la possibilité de l’exploiter1044
.
308. Validation jurisprudentielle. Toutefois, il faut noter que ce débat doctrinal autour
de la validité des clauses de non-concurrence n’a plus lieu aujourd’hui. La jurisprudence
y a mis fin en admettant la validité de cette stipulation. La Cour de cassation a, à
plusieurs reprises, affirmé que sont valables les clauses qui interdisent au franchisé
d’exercer l’activité ou toute activité similaire après l’expiration du contrat de
franchise1045
.
Dans le même sens, le Conseil de la concurrence a aussi énoncé que les clauses de
non-concurrence et de non-affiliation peuvent être considérées comme inhérentes à la
franchise dans la mesure où « elles permettent d’assurer la protection du savoir-faire
transmis qui ne doit profiter qu’aux membres du réseau et de laisser au franchiseur le
temps de réinstaller un franchisé »1046. A vrai dire, l’admission de la validité de la
stipulation de clause de non-concurrence post-contractuelle par la jurisprudence
s’explique, outre l’intérêt légitime de protéger le réseau de franchise1047
, par le principe
de la liberté contractuelle.
1043
D. FERRIER, Appartenance de la clientèle et la clause de non-concurrence, op.cit.: « On peut objecter que seule la clause de non-concurrence permet d’éviter l’utilisation du savoir-faire du franchiseur par l’ancien franchisé, ou par un concurrent du franchiseur auquel se rallierait désormais l’ancien franchisé. A cela, il convient de répondre tout d’abord que le savoir-faire est en principe « périodiquement recyclé », de sorte que les connaissances maîtrisées par l’ancien franchisé risquent d’être rapidement périmées, et ensuite, en admettant une certaine permanence du savoir-faire transmis, que le danger est peut-être plus grand de voir le franchisé transmettre, inutile pour lui, à un concurrent que de le voir l’utiliser lui-même. La sanction serait plus facile à mettre en œuvre dans le second cas que dans le premier ». 1044
J. BEAUCHARD, obs.sous.CA Poitiers 17 juin 1981, JCP G 1984, II, 20184. J. BEAUCHARD,
Droit de la distribution et de la consommation, PUF 1996, p.199. 1045
CA Colmar 9 juin 1982 ; D.1982, 553, note. J -J. BURST ; Cass. com. 12 janvier 1988, Bull. civ. IV,
n°31 ; D. 1989, somm.p.173, obs. Y. SERRA ; Cass. com., 22 février 2000, Contrats, cons. consom.,
2000, comm., n° 92, comm., L. LEVENEUR. 1046
Déc. Cons. conc. 24 juin 1997, Juris-Data, n° 1997-970393. 1047
V. infra n° 312.
320
Toutefois, il faut noter que si la jurisprudence admet la validité de la clause de non-
concurrence post-contractuelle en matière des contrats de franchise, cela n’est pas sans
certaines conditions.
2. Conditions de validité de la clause de non-concurrence
309. Conditions de forme : stipulation expresse. Contrairement à la clause de non-
concurrence durant le contrat pouvant être tacite et s’imposant de plein droit en raison
de l’économie et de la nature du contrat de franchise1048
, et en se fondant sur le principe
de bonne foi dans l’exécution du contrat1049
, la clause de non-concurrence post-
contractuelle ne peut être efficaces et opposables au franchisé que si elle est
formellement et expressément stipulées dans le contrat de franchise1050
.
1048
Ph. Le TOURNEAU, Les contrats de franchisage, Litec, 2e édition, 2007, n° 232, p. 105 : « Une
clause ad hoc interdit généralement au franchisé de concurrencer son partenaire pendant la durée du contrat. Cependant, à défaut même d’une disposition expresse, une telle obligation nous semble peser implicitement sur le franchisé de par la nature du contrat ; sinon, le franchisé pourrait détourner à son profit le savoir-faire du franchiseur, élément déterminant du contrat ». V. aussi, H. LEPAGE, La théorie
économique de la franchise, Rev.conc.consom.1987, n° 28, p.8 et s. 1049
J.-M. LELOUP, La franchise, Droit et Pratique, 4e édition, Delmas, 2004, n° 460 : « De telles clauses
précisent l’obligation de non-concurrence, mais ne la créent pas. Elle est préexistante et implicite en application d’un principe constant, appuyé sur l’article 1134 du Code civil : les conventions doivent être exécutées de bonne foi. ». V. aussi, Y. AUGUET, Concurrence et clientèle, LGDJ 2000, préface. Y. Serra,
n° 144, p.166. Selon l’auteur, la collaboration à la conquête d’une clientèle impose souvent aux parties,
quelle que soit la forme juridique, une obligation de non-concurrence de plein droit. Y. SERRA, Les
fondements et le régime de l’obligation de non-concurrence, RTD com.1998, p.7, et spéc., p.10 et s : « Le principe d’exécution de bonne foi des conventions constitue une source de l’obligation de non-concurrence de plein droit dans le contrat de travail ainsi que dans certains contrats de distribution commerciale (….) Dans différents types de contrats de distribution commerciale le principe d’exécution de bonne foi du contrat sert de fondement à l’existence d’une obligation de non-concurrence de plein droit à la charge de certains contractants. Tel est le cas du contrat de concession exclusive dans lequel le principe d’une obligation de non-concurrence de plein droit est admise à la charge du concédant, lequel, en considération de l’économie du contrat de concession, ne peut, en principe, concurrencer le concessionnaire sur le territoire concédé » 1050
E. GASTINEL, Les effets juridiques de la cessation des relations contractuelles : obligation de non-
concurrence et de confidentialité, in La cessation des relations contractuelles d’affaires, PUAM, 1997,
p.197, et spéc., p.200 : « En application du principe de la liberté du commerce et de l’industrie, en l’absence de clause expresse, il est admis que les parties ne sont tenues par aucune obligation de non-concurrence ». De manière générale, v. Y. AUGUET, Concurrence et clientèle, th., précitée, n° 144,
p.166 : « (…) la rupture des relations contractuelles laisse les cocontractants libres de tout engagement de ce type. L’employeur, la société, le fournisseur, ne peuvent être tenus, à défaut d’une clause expresse fort improbable, de cesser ou de limiter leur activité parce qu’elle se développerait en concurrence avec celle de leur ancien collaborateur. Réciproquement, après l’expiration du contrat de travail, le salarié est libre de se mettre au service d’une entreprise concurrente ou de s’établir à son compte dans une activité économique concurrente de celle de son employeur. L’ancien associé, ayant cédé l’intégralité de ses droits sociaux, n’est tenu d’aucune obligation de non-concurrence, à défaut de stipulation particulière. L’agent commercial est libre de concurrencer son ancien mandant, l’ancien franchisé peut
321
Ainsi, une clause peut prévoir que « le franchisé s’interdit, après la rupture du
contrat, de concurrencer directement ou indirectement le franchiseur ou le nouveau
franchisé, sur le secteur d’exclusivité, pendant une durée de trois ans »1051
ou que « le
franchisé s’interdit, pendant un an après la fin du contrat, que celui-ci expire
normalement ou qu’il soit rompu à titre anticipé, pour quelques raisons que ce soient,
par l’une ou l’autre des parties, de concurrencer directement ou indirectement le
franchiseur »1052
. En fait, l’exigence de la stipulation formelle d’une clause de non-
concurrence post-contractuelle dans un contrat de franchise s’explique sans doute par la
volonté d’attirer l’attention du franchisé sur les conséquences résultant de son
engagement de ne pas concurrencer le franchiseur à l’issue du contrat.
310. Conditions de fond : Limitation dans le temps et dans l’espace Il ne suffit pas,
pour être valable, que la clause de non-concurrence post-contractuelle soit stipulée de
manière formelle et expresse, encore faut-il qu’elle réponde à certaines conditions de
fond d’origine prétorienne. En effet, afin de réduire les conséquences excessives de la
clause de non-concurrence post-contractuelle à l’égard du franchisé, les juges exigent
qu’elle soit limitée dans le temps et dans l’espace. A défaut, la clause sera considérée
comme illicite et donc annulée pour cause d’atteinte à la liberté du commerce et de
l’industrie reconnue au franchisé.
Ainsi, a été jugé illicite, et donc annulée, la clause de non-concurrence d’un
contrat de franchise d’une marque de courtage matrimonial qui ne contenait aucune
limitation ni dans le temps et dans l’espace1053
. En effet, ces deux limitations doivent
être cumulativement réunies1054
. Elles ne sont d’ailleurs pas propres au contrat de
franchise mais valent pour tous les contrats1055
. Elles ont été énoncées par la
jurisprudence dès le début du siècle1056
.
poursuivre une activité concurrente de celle du franchiseur, l’ancien concessionnaire a la liberté de distribuer une marque concurrente ». 1051
CA Versailles 11 mai 2006, 05 / 00760. 1052
CA Paris, 23 novembre 2006, 03 / 02384. 1053
CA Caen, 3 novembre 2005, Juris-Data n° 2005, 286650 1054
Ph. le TOURNEAU, Les contrats de franchisage, Litec, 2e édition, 2007, n° 684, p. 300.
1055 Y. SERRA, Concurrence, obligation de non-concurrence, Rép.com.1996, 90.
1056 Cass. civ., 2 juillet 1900, D. 1901, juris., p . 294 : « la liberté de faire le commerce ou d’exercer une
industrie ne peut être restreinte par des conventions particulières que si ces conventions n’impliquent pas une interdiction générale et absolue c’est-à-dire illimitée tout à la fois quant au temps et quant au lieu ».
Cass. civ., 2 mars 1928, D. 1930, I, 145, note. P. Pic. Dans cet arrêt, la Cour de cassation a indiqué en ces
termes : « (…) la liberté du travail et du commerce peut être valablement restreinte par les conventions
322
Sur le plan pratique, la jurisprudence admet que l’obligation de non-concurrence
post-contractuelle soit d’une durée de trois ans1057
, mais pas au-delà, sinon elle
intervient pour annuler la clause de non-concurrence ou du moins en réduire la durée
1058. A cet égard, le droit positif français paraît plus souple que le droit communautaire
qui exige que, pour qu’une clause de non-concurrence post-contractuelle soit valable,
elle doit être limitée à un an1059
.
Quant à sa limitation géographique, la jurisprudence considère qu’elle peut être
limitée à une zone géographique de cinq kilomètres du point de vente1060
, En réalité,
la limitation géographique dépend de la nature de l’activité concernée1061
. Outre la
limitation dans le temps et dans l’espace, la clause de non-concurrence doit déterminer
la nature de l’activité à laquelle le franchisé interdit de se livrer
311. Conditions de fond : limitation quant à la nature de l’activité. La jurisprudence
considère que l’obligation contractuelle de non-concurrence ne doit, en effet, porter que
sur l’exercice d’une activité identique à celle du franchiseur1062
. Selon elle, toute clause
stipulant que l’ancien franchisé s’interdit d’exercer toute activité économique encourt la
nullité1063
. La solution est tout à fait logique.
des parties, pourvu que ces conventions n’impliquent pas une interdiction générale et absolue, c'est-à-dire illimitée tout à la fois quant au temps et quant au lieu ». 1057
Cass. com. 22 février 2000 , Contrats , cons.consom., n° 99 , comm. S. POILLOT-PERUZZETTO. 1058
CA Paris 26 juin 1997, D. Aff. 1997, p.1185. Dans cet arrêt, la Cour d’appel de Paris a réduit la durée
d’une clause de non-concurrence de trois années à une année. 1059
Règlement n°4087/88 qui prévoit que « le franchisé peut se voir interdire d’exercer directement ou indirectement une activité commerciale similaire dans un territoire où il concurrencerait un membre du réseau franchisé, y compris le franchiseur, après la fin de l’accord pour une période raisonnable n’excédant pas un an ». 1060
Cass. com. 22 février 2000, Contrats , cons.consom., n° 99 , comm. S. POILLOT-PERUZZETTO. 1061
Sur le plan communautaire, l’article 5 du nouveau règlement n° 2790/1999 exige que pour qu’une
clause de non-concurrence post-contractuelle soit valide, elle ne porte pas de manière large sur le
territoire dans lequel le franchisé exploitait la franchise, mais doit être limitée aux locaux et terrain à
partir desquels l’acheteur a opéré pendant la durée du contrat. V. Ph. le TOURNEAU, Les contrats de
franchisage, Litec, 2e édition, 2007, n° 688, p.301. J.-M. LELOUP, La franchise, Droit et pratique,
Delmas, 4e éd., 2004, n°2128,p. 345.
1062 En droit communautaire, l’article 5 du nouveau règlement n° 2790/1999 prévoit que, pour être
valable, la clause doit être limitée à des biens ou services en concurrence avec les biens ou services
contractuels. 1063
Cass. com., 5 juillet 1987, Bull. civ. IV, n° 184 ; Cass. com., 22 février 2000, JCP E 2000, II,
p.1429, L. LEVENEUR ; Cass. com., 4 juin 2002, Contrats, conc., consom.2002, comm.140, obs. M.
MALAURIE-VIGNAL.
323
Cependant, une pareille clause est excessive, car elle peut avoir pour effet de priver
l’ancien franchisé de la possibilité d’exercer sa profession et d’utiliser ses
qualifications1064
. D’ailleurs, elle s’oppose à l’idée même de non-concurrence qui
suppose que l’activité interdite soit identique à celle du franchiseur1065
. La limitation
dans le temps et dans l’espace de la clause de non-concurrence post-contractuelle est
exigée pour sa validation, mais elle n’est pas la seule. Encore faut-il qu’il y ait un intérêt
légitime pour le franchiseur que la clause de non-concurrence vise à protéger.
312. Condition de fond : nécessité d’un intérêt légitime. Soucieuse de l’entrave
qu’apporte la présence d’une clause de non-concurrence post-contractuelle à la liberté
du franchisé, la jurisprudence, approuvée par la doctrine1066
, considère qu’il ne suffit
pas, pour être valable, que la clause de non-concurrence soit limitée dans le temps et
dans l’espace et qu’elle concerne une activité limitée. Il faut encore qu’elle soit justifiée
par un intérêt légitime du franchiseur1067
.
1064
P. DURAND et J. LATSCHA, Le Franchising, JCP IC 1970, I, 87634, p.173, et spéc., n° 31 : « S’il est au fond normal que le concessionnaire s’interdise d’exploiter, dans la zone géographique qui lui est concédée, un établissement susceptible de concurrencer la franchise qui lui est concédée, par contre, il est quelque peu exorbitant de lui interdire toute autre activité que celle découlant de la franchise ». De
même, H. BENSOUSSAN, Le droit de la franchise, Apogée 1999, p 193 : « interdire toute activité similaire à celle relative au concept de franchise exploité reviendrait à priver l’ex-franchisé de la possibilité d’exercer sa profession, d’utiliser ses qualifications ». Y. AUGUET, Concurrence et
clientèle, th., précitée, n° 157, p.175 : « La limitation quant à l’activité interdite permet d’exclure des clauses qui viseraient toute activité économique ou professionnelle. Manifestement excessives, celles-ci porteraient une atteinte intolérable aux libertés individuelles. Avec de telles clauses, ce n’est plus le risque de concurrence qui serait combattu ». 1065
Y. SERRA, La validité de la clause de non-concurrence, D. 1987, Chro. p.113, et spéc., p.114. Selon
l’auteur, le terme même de clause de non-concurrence suppose que l’activité interdite soit de même
nature ou d’une nature voisine de celle exercée par le créancier de non-concurrence. 1066
Y. SERRA, L’obligation de non-concurrence, Sirey, Bibliothèque de droit commercial, 1970,p.12. 1067
V. Ph. Le TOURNEAU, Les contrats de franchisage, Litec, 2e éd., 2007, n° 683, p.299 ; M - E.
ANDRE, M - P. DUMONT, Ph. GRIGNON, L’après-contrat, Francis Lefebvre, 2005, n°185, p.152, et
s ;AUGUET, Concurrence et clientèle, LGDJ 2000, préface Y. Serra, n° 350, p.345, et s ; Y. PICOD,
Concurrence interdite et concurrence déloyale, D.2004, p.1153 ; Ch. JAMIN, Clause de non-concurrence
et contrat de franchise, D .2003, p.2878 ; Y. AUGUET, Concurrence et clientèle, LGDJ 2000, préface Y.
Serra, n° 350, p.345, et s ; D. LEGAIS, La franchise, JCP N 1992., p.217, n°66, p.226 ; du même auteur,
Clause de non-concurrence, J - Cl. Commerciale, 2001, fasc.256, n°12 et s ; Y. SERRA, « La validité de
la clause de non-concurrence, De la vente du fonds de commerce au contrat de franchise, 1987, Chr.
p.113 ; Cass.com.14 novembre 1995, pourvoi n° 93 16299, D. 1997, somm. p.59, obs. D. FERRIER ; De
manière générale, v. J -L. BERGEL, Les clauses de non-concurrence en droit positif français, in
Mélanges. A. JAUFFRET, PUMA 1974, p.21 ; D. VIDAL, Les clauses de non-concurrence, in Les
clauses principales conclues entre professionnels, PAUM 1990, p.83 ; J. AMIEL-DONAT, La légitimité
de la clause de non-concurrence, Contrats , conc. consom., 1992, p.1.
324
Cet intérêt légitime, qui correspond en effet au besoin du franchiseur d’écarter tout
risque de nature à porter atteinte à son réseau1068
, n’est satisfait que si la clause « a pour
but, et seulement pour but, d’interdire une concurrence réellement possible et
réellement préjudiciable »1069
.
Ainsi, pour pouvoir bénéficier des avantages que présente la clause de non-
concurrence post-contractuelle, le franchiseur doit justifier que l’existence d’une telle
clause est indispensable pour protéger le réseau. Il doit, en effet, montrer que la clause
de non-concurrence post-contractuelle a pour effet d’éviter que le franchisé n’apporte le
savoir-faire et les informations confidentielles qui lui sont transmis lors de l’exécution
du contrat de franchise à un réseau concurrent et de protéger l’identité du réseau à
travers la préservation des éléments attractifs de la clientèle1070
. A vrai dire, ce dernier
intérêt légitime consistant en la préservation de la clientèle ne devrait plus pouvoir être
invoqués depuis l’arrêt Trévisan rendu en 27 mars 2002 à propos des baux
commerciaux1071
, dans lequel la Chambre commerciale reconnaît l’existence d’une
clientèle propre au franchisé1072
. Le seul intérêt légitime qui justifie donc aujourd’hui la
stipulation d’une clause de non-concurrence en matière de contrat de franchise, c’est la
protection du savoir-faire du franchiseur. Outre l’exigence de l’existence d’un intérêt
légitime que vise la clause de non-concurrence, celle-ci doit être proportionnelle à cet
intérêt.
1068
V. en ce sens, G. WICKER, La légitimité de l’intérêt à agir, in Etudes sur le droit de la concurrence et
quelques thèmes fondamentaux, Mélanges. Y. Serra, Dalloz, 2006, p.455, et spéc., n°1, p.456 et s : « (..)
la validité de l’engagement se trouve conditionnée par deux éléments qui unit un rapport nécessaire de causalité : un besoin du créancier -en l’occurrence, écarter un risque concurrentiel - ; l’aptitude de l’engagement du débiteur - l’obligation de non-concurrence- à répondre à ce besoin. Il s’ensuit que la clause de non-concurrence doit être frappée de nullité, soit en l’absence d’un tel besoin, soit lorsque l’engagement souscrite n’en représente pas la réponse adéquate … ». 1069
Y. SERRA, th., précitée, n° 16. 1070
Ph. Le TOURNEAU, Les contrats de franchisage, Litec, 2e éd., 2007, n° 683, p.299. V. aussi, Y.
SERRA, La validité de la clause de non-concurrence, De la vente du fonds de commerce au contrat de
franchise, art.précité, p.114. 1071
Cass. civ 3e,
, 27 mars 2002, D. 2002, 2400, note. H. KENFACK; JCP G 2002, II, 10112, obs. F.
AUQUE ; Dr et patr. 2002, n°106, p.99, obs. P. CHAUVEL ; JCP E 2002, p.29, note. J-L. RESPAUD ;
Rev. Loyers, juin 2002, n°828, p.314, note. G. AZEMA ; D. 2002, Act-juris, p.1487, note. E.
CHEVRIER ; LAP, 3 février 2003, n° 25, p.3, note. Y. MAROT; Ph. DELEBECQUE, La jurisprudence
reconnaît au franchisé le bénéfice de la législation sur le fonds de commerce, Lamy Droit commercial,
Bulletin d’actualité, septembre 2002, n°147, p. 1. 1072
En ce sens, v. H. KENFACK, Fin des incertitudes sur la clause de non-réaffiliation ?, Rev. Lamy. dr.
aff. 2006, n°5, p. 39.
325
313. Condition de fond : exigence de proportionnalité. La Chambre commerciale de
la Cour de cassation subordonne, depuis 1994, la validité de la clause de non-
concurrence au respect du principe de la proportionnalité eu égard à l’objet du
contrat1073
. Elle considère que l’obligation de non-concurrence post-contractuelle mise à
la charge du franchisé ne doit pas être disproportionnée par rapport à l’objet du contrat.
Une telle exigence a l’avantage de réaliser un compromis ou un équilibre entre la
protection du franchiseur et la liberté économique du franchisé. Comme le relève un
auteur, elle « réalise ainsi la synthèse entre la vérification de la légitimité de l’intérêt du
créancier de non concurrence et la protection de la liberté économique individuelle du
débiteur de non-concurrence car il s’agit de mettre concrètement en relation l’intérêt
légitime du premier et l’atteinte apportée la liberté du second »1074.
Quant à l’appréciation du caractère proportionnel de la clause de non-concurrence
post-contractuelle, celle-ci se fait par rapport à sa limitation quant au temps et quant à
l’espace au regard de la nécessaire protection des intérêts du franchiseur. Dans un arrêt
du 30 mai 2006, il a été jugé que la clause de non-concurrence qui interdit au franchisé
d’exploiter directement ou indirectement le commerce de location de véhicules dans la
zone d’exclusivité et dans les départements limitrophes n’est pas proportionnée aux
intérêts légitimes du franchiseur. Par conséquent, elle doit être annulée1075
.
314. Condition de fond : exigence éventuelle d’une contrepartie financière. Depuis
2002, la validité de la stipulation d’une clause de non-concurrence post- contractuelle, à
l’égard du salarié, ne peut être admise qu’en présence d’une contrepartie financière
versée à ce dernier1076
. Lorsque cette contrepartie financière fait défaut, la clause de
non-concurrence est nulle et donc non opposable au salarié1077
.
1073
Cass. com., janvier 1994, n° 92-14. 121 ; RTD civ. 1994, p. 349, obs. J. MESTRE ; D. 1995, jur.,
p.205, note. Y. SERRA ; Cass.com., 7janvier 2004, Contrats. conc., consom.2004, comm. n°77. L.
LEVENEUR ; Cass.com., 9 juillet 2002, Contrats. conc., consom.2003, comm. n°5, obs. M.
MALAURIE-VIGNAL ; Cass.com., 22 février 2000, Conrats, conc., consom.2000, comm. n°92, obs. L.
LEVENEUR, et comm.n° 99, obs. S. POILLOT-PERZZETTO. 1074
Y. SERRA, note. sous. Cass.com., 4 janvier 1994, D. 1995, juris., p.205, n°9. 1075
CA Chambéry, 30 mai 2006, Juris-Data, n° 2006-312337. 1076
Cass. soc., 10 juillet 2002, n° 00- 45. 367 et n° 00 -45.135 ; JCP E 2003, 585, C. MASQUEFA ; JCP
E 2002, II, p. 1511, obs. COORIGNON-CARSIN ; Y. SERRA, Tsunami sur la clause de non-
concurrence, D.2002, p.2491 ; P. LANGLOIS, Les nouvelles conditions de validité des clauses de non-
concurrence, D. 2002, p.2269. 1077
Cass. soc., 7 mars 2007, n° 05. 45- 511, Lamy semaine sociale, n° 1301.
326
La solution s’applique aussi lorsque la contrepartie financière existe mais qu’elle
se révèle dérisoire1078
. Une telle solution protectrice ne devrait-elle pas être étendue au
contrat de franchise en particulier et aux contrats de la distribution de manière
générale ?
Certains auteurs sont favorables à l’idée de soumettre la validité de la stipulation
d’une clause de non-concurrence post-contractuelle à l’exigence d’une contrepartie
financière1079
. Ils estiment que la clause de non-concurrence dépossède l’ex-franchisé de
sa clientèle ou d’une partie de sa clientèle. Par conséquent, elle ne devrait être admise
que si elle s’accompagne d’une indemnité de clientèle. D’autres contestent cette
extension et estiment que subordonner la validité de la clause de non-concurrence à
l’existence d’une indemnité financière pourrait non seulement susciter de sérieuses
difficultés d’ordre technique concernant la détermination de cette contrepartie, mais
aussi remettre en cause le système tout entier de la franchise1080
. A vrai dire, il n’y a
pas de véritable raison à ne pas étendre cette jurisprudence aux contrats de franchise. Si
le salarié bénéficie désormais d’une indemnité en contrepartie de son obligation de non-
concurrence post-contractuelle alors qu’il ne dispose pas d’une clientèle propre, cette
indemnité devrait a fortiori être accordée au franchisé auquel la clause de non-
concurrence post-contractuelle fait perdre sa clientèle.
1078
Cass. soc., 28 juin 2006, Juris-Data n° 2006-035916 ; Contrats. conc. consom., 2007, n° 21, comm.
M. MALAURIE-VIGNAL. Dans cet arrêt, la Chambre sociale a jugé illicite, en raison de sa contrepartie
financière dérisoire qui équivaut à une absence de contrepartie, la clause qui interdisait à un agent
technico-commercial d’exercer directement ou indirectement une activité susceptible de concurrencer la
société, pendant deux ans et dans trois départements limitrophes avec à la clef une contrepartie financière
qui équivaut deux à quatre mois de salaire. 1079
Ph. le TOURNEAU, Les contrats de franchisage, Litec, 2e édition, 2007, n° 687, p. 301 : « Cette
condition supplémentaire de validité devrait être étendue à l’ensemble de clauses de non-concurrence dans la mesure où l’arrêt du 10 juillet 2002 vise non seulement l’article L.120-2 du code de travail, mais également « le principe fondamental de libre exercice d’une activité professionnelle «…». M.-E.
ANDRE, M.-P. DUMONT, Ph. GRIGNON, L’après-contrat, Francis Lefebvre, 2005, n° 192, p.163 ; Ch.
JAMIN, Clause de non-concurrence, D. 2003, p.2878. V. aussi, D. FERRIER, Appartenance de la
clientèle et clause de non-concurrence, Cah. dr. entr. 1983/1, p.21 ; J. BEAUCHARD, Droit de la
distribution et de la consommation, PUF 1996, p.199. 1080
J -J. BURST, La clientèle et la clause de non-concurrence, Cah. dr. entr. 1983/1, p.21. D. BASCHET,
La franchise, Guide juridique-Conseils pratiques, Gualino éditeur, 2005, n° 904, p.419 et s : « Outre les difficultés pour en déterminer le montant sur le fondement soit du chiffre d’affaires, soit du résultat, soit l’équivalent de la valeur du fonds, une telle proposition, si elle était retenue par les tribunaux, aurait un effet dévastateur pour la franchise. Il serait en effet anormal qu’un franchiseur, en contrepartie d’une clause de non concurrence, soit amené à payer à son ancien franchisé une indemnité dont le montant pourrait être supérieur au droit d’entrée et aux redevances encaissées. Retenir le principe constituerait un frein certain au développement de la franchise ».
327
Certes, la détermination de l’indemnité ou de la contrepartie financière, qui devrait
accordée au franchisé en contrepartie de son obligation de non-concurrence après la
cessation du contrat, peut susciter certaines difficultés techniques. Néanmoins, ces
difficultés ne sont pas infranchissables. Le montant de cette indemnité pourrait, par
exemple, être fixé par rapport à un pourcentage du chiffre d’affaires ou par rapport à un
droit d’entrée ou à une redevance. Décider autrement et refuser au franchisé toute
indemnité en contrepartie de son obligation de non-concurrence ne serait pas seulement
injuste mais aussi illogique. Injuste parce que l’ex-franchisé serait privé de la clientèle
qu’il avait créée ou développée sans aucune contrepartie. Illogique, parce que, comme
le relèvent certains auteurs1081
, il n’est pas possible, d’une part, d’admettre que la
clientèle reste attachée au franchisé, ce qui a pour effet de le priver de toute indemnité
pour perte de clientèle, et, d’autre part, de valider la clause de non-concurrence qui
expose ce même franchisé au risque de perdre son fonds de commerce. Par ailleurs, une
telle solution s’harmoniserait difficilement avec la plupart des systèmes juridiques
européens qui subordonnent la validité de l’obligation de non-concurrence à l’existence
d’une contrepartie1082
. Tel est le cas, par exemple, du droit suisse dont l’article 418-d)
al.2 du code des obligations reconnaît au franchisé, au concessionnaire et à l’agent
commercial le droit à une indemnité en contrepartie de son obligation de non
concurrence après la rupture du contrat1083
. Il en va de même pour les droits italien,
allemand, néerlandais, danois, et belge1084
.
Notons, toutefois, qu’il y a une évolution de la part de la jurisprudence en la
matière. Un arrêt récent rendu par la Chambre commerciale le 9 novembre 2007 a admis
l’indemnisation d’un ancien franchisé tenu d’un engagement de non-concurrence post-
contractuel1085
.
1081
Ph. Le TOURNEAU. M.ZOÏA, Franchisage, J-CI Contrats distribution, 2002, fasc., 1050, n° 170 :
« ou bien le franchisé est soumis à une obligation de non-concurrence et reçoit une indemnité de clientèle ; ou bien il ne reçoit, en fin de contrat, aucune indemnité, mais peut continuer d'exercer son activité ». 1082
Sur la question de l’harmonisation, v. L’harmonisation du droit des contrats en Europe, sous la dir. C.
Jamin et D. Mazeaud, Economica, 2001. 1083
T. DE HALLER, Le contrat de franchise en droit suisse, th., Lausanne, 1978, p.142. 1084
C. CASEAU-ROCHE, Les obligations post-contractuelles, thèse, Paris I, 2001, n° 380, p.304. F
DELY, Les clauses de non-concurrence dans les contrats internationaux, RDAI / 2006, n°4, p.441. De
même H. LESGUILLONS, Les clauses de non-concurrence en droit européen de la concurrence, RDAI /
2006, n°4, p.495. 1085
Cass. com., 9 novembre 2007, D. 2008, p.388, obs. D. FERRIER ;JCP E 2008, 1020, note. N.
DISSAUX. ; RTD civ.2008, p., obs. P.-Y. GAUTIER.
328
En l’occurrence, six contrats de franchise avaient été conclus pour une durée de
deux ans, renouvelable par période d’un an. Après plusieurs renouvellements, le
franchiseur promoteur du réseau a refusé de reconduire cinq des contrats arrivés à leur
échéance et il a résilié le sixième sans préavis. Par l’intermédiaire de son liquidateur
judiciaire, le franchisé l’a assigné alors en paiement de diverses sommes, et notamment
le paiement d’une indemnité de clientèle liée à la cessation des contrats. Les juges du
fond l’ont débouté de sa demande. Le liquidateur s’est pourvu en cassation. Accueillant
son pourvoi, la Chambre commerciale a cassé l’arrêt d’appel, au visa de l’article L.1371
du Code civil, en décidant qu’ « alors qu’elle constatait, tout à la fois, que le franchisé
pouvait se prévaloir d’une clientèle propre, et que la rupture du contrat stipulant une
clause de non-concurrence était le fait du franchiseur, ce dont il se déduisait que
l’ancien franchisé se voyait dépossédé de cette clientèle, et qu’il subissait en
conséquence un préjudice, dont le principe était ainsi reconnu et qu’il convenait
d’évaluer, au besoin après une mesure d’instruction, la cour d’appel a violé le texte
susvisé ».
Cet arrêt est intéressant, d’autant plus qu’il reconnaît que la clause de non-
concurrence dépossède le franchisé de sa clientèle qui lui est propre. La Chambre
commerciale évoque, en l’espèce, la théorie de l’enrichissement comme fondement de
l’indemnisation de l’ancien franchisé tenu par une obligation de non-concurrence post-
contractuelle.
Pour autant, sa portée devrait être restreinte. Effectivement, contrairement à ce
qu’a fait la Chambre sociale, la Chambre commerciale ne subordonne pas expressément
la validité de la stipulation d’une clause de non-concurrence à l’existence d’une
indemnité, ce qui rend hâtif d’affirmer que l’obligation de non-concurrence post-
contractuelle à la charge du franchisé ne peut être admise qu’en présence d’une
contrepartie financière versée à ce dernier
329
315. En définitive. La stipulation d’une clause de non-concurrence post-contractuelle
dans un contrat de franchise est admise lorsqu’elle est limitée dans le temps et dans
l’espace et quant à l’activité et proportionnelle à l’activité qu’elle vise à protéger. Une
fois qu’elle satisfait à toutes ces conditions, la clause de non-concurrence devient
opposable au franchisé. Celui-ci doit la respecter, sous peine d’engager sa responsabilité
pour concurrence illicite
B. Mise en œuvre de la clause de non-concurrence post-contractuelle
316. Champ et effets de la clause de non-concurrence. La clause de non-concurrence
à effet post-contractuel prend effet aussitôt que la cessation du contrat de franchise a
lieu. Peu importe la cause de cette cessation. Le franchisé, qu’il s’agisse d’une
personne physique ou d’une personne morale, et toute personne autour de lui ayant
participé à l’exploitation de la franchise, s’interdit de se livrer à toute activité
susceptible de concurrencer directement ou indirectement le franchiseur après la rupture
du contrat (1), Le non-respect de cet engagement engage la responsabilité contractuelle
du franchisé pour concurrence illicite ainsi que la responsabilité délictuelle du tiers
complice sur le fondement de la concurrence déloyale (2).
1. Portée de la clause de non-concurrence
317. Nature personnelle de l’engagement de non-concurrence : principe et
exception. En vertu du principe de l’effet relatif du contrat 1086
et en raison de la nature
personnelle de l’obligation de non-concurrence post-contractuelle, cette obligation ne
pèse que sur le franchisé qui l’a souscrite.
1086
Sur le principe de l’effet relatif, v. D. MAZEAUD, Contrat, responsabilité et tiers (Du nouveau à
l’horizon), in Libre droit, Mélanges. Ph. Le TOURNEAU, Dalloz, 2008, p.745 et s ; M. GRIMALDI, Le
contrat et les tiers, in Libres propos sur les sources du droit, Mélanges. Ph. Jestaz, Dalloz, 2006, p.163 ;
Ph. DIDIER, L’effet relatif, in Les concepts contractuels français à l’heure des principes du droit
européen des contrats, Dalloz, 2003, p.187 ; M. BACACHE-GELLI, La relativité des conventions et les
groupes de contrats, LGDJ, 2000, préface Y. Lequette ; Ph. DELMAS-SAINT HILAIRE, Le tiers à l’acte
juridique, la notion de partie, LGDJ, 2000, préface J. Hauser ; A. WEILL, La relativité des contrats en
droit privé français, th., Strasbourg, 1939 ; J.-L. GOUTAL, Recherche sur le principe de l’effet relatif des
contrats, th., Paris II, 1977.
330
Elle ne saurait être opposable à son conjoint ou à ses ayants cause. Ceux-ci sont
des tiers, et donc ils ne sont pas tenus d’une telle obligation1087
. Toutefois, un tel
principe n’est pas sans exceptions. En effet, la clause de non-concurrence post-
contractuelle peut être opposable au conjoint du franchisé et à ses ayants cause lorsque
les circonstances révèlent qu’ils ont participé activement à l’exploitation de la
franchise1088
. Dans cette hypothèse, leur activité après la rupture du contrat peut
présenter certains dangers pour le franchiseur. Par conséquent, ils peuvent être tenus de
l’obligation de non-concurrence souscrite par le franchisé. Il y a là nécessité de protéger
les intérêts du franchiseur1089
.
318. Clause de non-concurrence post-contractuelle et écran de la personnalité
morale. Lorsque la clause de non-concurrence est souscrite par une personne morale,
cette clause produit des effets juridiques non seulement à l’égard de cette personne
morale, mais aussi à celui de ses dirigeants. Elle est opposable à tous les composants de
la société. Comme le relève un auteur : « L’écran de la personnalité morale ne fait pas
obstacle à ce que soit reconnue l'existence d'une obligation de non-concurrence de
plein droit à la charge du dirigeant social si l'engagement avait été souscrit par la
société »1090. Ainsi, sont tenus de l’obligation de non-concurrence souscrite par la
société franchisée les associés de celle-ci, ses dirigeants et toute personne membre de la
société franchisée. La clause de non-concurrence souscrite par celle-ci leur est
opposable. Sa violation par l’un d’eux engagera sa responsabilité.
Cette solution est illustrée par un arrêt du 18 février 2004 rendu par la Cour de
Nancy1091
. Celle-ci a jugé que « dès lors que la clause de non-concurrence interdit au
cédant de s’intéresser directement ou indirectement à tout établissement concurrent, la
clause doit être interprétée comme assujettissant non seulement la société, cédant les
parts sociales, expressément et directement mentionnée dans l’acte de cession, mais
également le gérant de la société ».
1087
CA Poitiers 17 juin 1981, JCP G 1984, II, 20184, note J. BEAUCHARD. 1088
V. M. MALAURIE-VIGNAL, Clause de non-concurrence, J-CI Contrats distribution, 2000, fasc 120,
n°35. 1089
Ibid. 1090
M. MALAURIE-VIGNAL, Clause de non-concurrence, op.cit., n° 37. 1091
CA Nancy, 18 février 2004, Contrats, conc. consom. 2005, n° 27, comm. M. MALAURIE-VIGNAL.
331
Cette solution, rendue à propos d’une clause de non-concurrence applicable
pendant l’exécution du contrat de concession, peut être transposable à la clause de non-
concurrence post-contractuelle dans un contrat de franchise1092
. Elle peut être fondée sur
le double principe de la loyauté et de l’opposabilité de la clause de non-concurrence.
Reste maintenant à aborder les sanctions de la violation des clauses de non-concurrence.
2. Sanction de la violation de la clause de non-concurrence
319. Condamnation à l’exécution forcée. Lorsqu’un contrat de franchise contient une
clause de non-concurrence post–contractuelle à la charge du franchisé -ce qui est
fréquemment le cas-, celui-ci doit respecter cette clause. Il doit s’abstenir de se livrer à
toute activité commerciale susceptible de concurrencer son ancien franchiseur dans la
zone contractuellement déterminée.
Le franchiseur peut obtenir l’exécution forcée de la clause de non–concurrence en
cas de manquement de celle-ci par le francisé évincé du réseau1093
, et ainsi faire cesser
la concurrence illicite procédée par ce dernier1094
. Dans cette optique, il est à noter que
la violation d’une clause de non-concurrence par le franchisé donne souvent lieu à une
procédure de référé1095
. Le franchiseur, qui s’estime victime d’une concurrence illicite
de la part de l’ancien franchisé, peut saisir le juge des référés et lui demander de
prescrire des mesures, conformément aux articles 809 et 873 du nouveau Code de
procédure civile, pour prévenir un dommage imminent ou faire cesser un trouble
manifestement illicite causée par la concurrence faite par l’ancien franchisé. Il peut
aussi demander la condamnation du franchisé défaillant à des dommages et intérêts.
1092
En ce sens, Ph. Le Tourneau, Les contrats de franchisage, Litec 2003, n°811, p.291. 1093
CA Versailles, 11 mai 2006, Juris-Data 2006-313422. Dans cet arrêt, il a été jugé que s’il est constant
qu’après la résiliation de leur contrat de franchise, les deux franchisés ont violé la clause de non-
concurrence en poursuivant la même activité dans les mêmes locaux sous enseigne concurrente, le
franchiseur ne peut cependant demander la cessation de l’activité concurrente car la période de trois ans
de validité de la clause de non-concurrence stipulée a expiré. Le franchiseur ne peut que demander des
dommages et intérêts. 1094
CA Paris, 1er
juillet 1993, LPA 18 octobre 1993, n°125 p.12, note. O. GAST. 1095
CA Paris, 20 juin 2007, n° 05/ 04931. Sur la question du juge des référés de manière générale, v. B.
MELIN-SOUCRAMANIEN, Le juge des référés et le contrat, PAUM, 2000, préface J. Mestre.
332
320. Condamnation à des dommages et intérêts. Si l’ancien franchisé se livre à une
activité concurrente à celle du franchiseur en dépit de la présence d’une obligation de
non-concurrence mise à sa charge, il commet alors une faute engageant sa responsabilité
contractuelle. En pareille hypothèse, le franchisé agit sans droit1096
. Le franchiseur peut
obtenir des dommages et intérêts, sur le fondement de la concurrence illicite, pour le
préjudice qu’il a subi du fait de la concurrence du franchisé. Mais pour cela, le
franchiseur doit d’abord rapporter la preuve du manquement du franchisé à l’obligation
de non-concurrence. A défaut de cette preuve, son action sera rejetée1097
. Toutefois, si la
preuve de la violation de la clause de non-concurrence post-contractuelle par le
franchisé est indispensable, il n’est pas nécessaire, pour pouvoir mettre en jeu sa
responsabilité, que des faits concurrentiels soient établis. Il suffit seulement que les
conditions de l’atteinte soient réunies.
En d’autres termes, pour que le franchisé soupçonnée d’une concurrence illicite
puisse être condamné à des dommages et intérêts, il n’est pas indispensable qu’un acte
de concurrence soit consommé, il suffit seulement qu’il se trouve en situation de
concurrence avec le franchiseur1098
. A vrai dire, l’existence du préjudice est présumée.
Pour les juges, celui-ci s’infère du trouble illicite engendré par la violation de la clause
de non-concurrence1099
. Par conséquent, une condamnation pourra être prononcée à
l’égard de l’ancien franchisé si la violation de la clause de non-concurrence est
constatée, même si la preuve du détournement de la clientèle n’est pas rapportée par le
franchiseur1100
.
1096
M.-L. IZORCHE, Les fondements de la sanction de la concurrence déloyale et du parasitisme, RTD
com.1998, p.17 et spéc., n°7,p.20. 1097
Cass. com., 20 juin 2006, Pourvoi n° 04-14. 663. Dans cet arrêt, la Chambre commerciale a approuvé
l’arrêt d’appel en décidant ainsi : « Mais attendu, en premier lieu, qu’ayant relevé que le franchiseur réclamait des dommages et intérêts en alléguant que le franchisé avait poursuivi son activité pendant la durée de la procédure, la cour d’appel n’était pas tenue de s’expliquer sur un courrier qui, quels qu’en soient les termes relatifs à l’écoulement des stocks, était antérieur à la délivrance de l’assignation, et a pu constater qu’aucune pièce ne venait justifier de la réalité d’une telle poursuite d’activité, notamment sous la forme de cet écoulement… ». 1098
Y. SERRA, obs.sous.CA Versailles, 25 janvier 1994, D. 1995, p.205. V. aussi, D. LEGAIS, Clause de
non-concurrence, J-C1 Commercial, 2001, fasc. 256, n°46. 1099
V. par exemple, Cass. com. 9 octobre 2001 ;RTD civ. 2002, p. 304, obs. P. JOURDAIN; Contrats.
conc. consom., 2000, com. n° 6, M. MALAURIE-VIGNAL. Egalement, v. M.-L. IZORCHE, Les
fondements de la sanction de la concurrence déloyale et du parasitisme, RTD com.1998, p.17 et spéc., n°
44, p. 36. 1100
Pour illustration récente de cette solution, v. Cass. civ., 1er
, 31 mars 2007, n° 05-19. 978 ; RLDC.
2007, n° 42, obs. C. Le GALLOU.
333
321. Evaluation des dommages et intérêts. Une fois l’allocation de dommages et
intérêts au franchiseur admise par le juge, se pose la question de son évaluation. En
réalité, la question de la détermination du montant de l’indemnité allouée au franchiseur
relève de l’appréciation souveraine du juge du fond1101
. Celui-ci tient compte, dans la
fixation du montant des dommages et intérêts, de la baisse du chiffre d’affaires subi par
le franchiseur1102
, et éventuellement des dépenses faites par ce dernier en vue de faire
cesser le trouble manifestant de la concurrence illicite faite par l’ancien franchisé.
322. Clause pénale. Parfois, le montant des dommages et intérêts dus en cas de la
violation de clause de non-concurrence est fixé par le contrat lui-même1103
. Afin
d’inciter le franchisé à respecter son obligation de non-concurrence et d’éviter toute
évaluation du préjudice plus au moins arbitraire par le juge, les franchiseurs veillent
fréquemment à insérer dans le contrat de franchise une clause pénale qui fixe
forfaitairement le montant des dommages et intérêts dont le franchisé sera tenu en cas
d’éventuelle violation de son obligation de non-concurrence post-contractuelle1104
.
Toutefois, pour être efficace, le montant fixé par la clause pénale ne doit pas être
excessif. En effet, conformément à l’article 1152 du code civil, le juge peut intervenir
pour minorer ou augmenter la peine si elle est manifestement excessive ou dérisoire.
323. Tiers complice. L’action en dommages et intérêts du franchiseur peut ne pas se
limiter au franchisé défaillant mais s’étendre à tout tiers qui se rend complice de la
violation de la clause de non-concurrence. Ce dernier engage sa responsabilité
délictuelle pour concurrence déloyale si le franchiseur rapporte la preuve de sa
complicité dans la violation de la clause de non-concurrence et celle du préjudice en
résultant pour lui1105
.
1101
Sur l’évaluation des dommages et intérêts, supra n° 277. 1102
CA Paris, 1er
février 2006, Juris-Data n° 2006-309721. 1103
CA 20 juin 2007, n° 05/ 04931. 1104
V. M.-E. ANDRE, M.-P. DUMONT, Ph. GRIGNON, L’après-contrat, Francis Lefebvre, 2005,
n° 210, p.177 ; M. MALAURIE-VIGNAL, Clause de non-concurrence- sanction, J- Cl. Contrats de
distribution, 2000, fasc.125, n°45. 1105
V. par exemple, Cass. com., 22 février 2000, n° 97. 18-728, LAP 13 novembre 2000, p. 14.
334
A cet égard, on note que les conditions de l’engagement de la responsabilité
délictuelle du tiers sont relativement souples. La jurisprudence n’exige pas, en effet,
pour juger complice tout franchiseur concurrent, que le franchiseur victime prouve qu’il
avait incité l’ancien franchisé à la violation de son engagement de non-concurrence à
effet post-contractuel, mais seulement qu’il démontre qu’il a eu connaissance d’un tel
engagement. Autrement dit, la seule preuve de la connaissance de l’existence d’une
clause de non-concurrence post-contractuelle liant le franchisé suffit à engager la
responsabilité délictuelle d’un tiers complice pour concurrence déloyale1106
. Cette
connaissance de l’existence d’une clause de non-concurrence, fait générateur de la
responsabilité délictuelle de tout tiers, peut parfois être présumée par le juge en raison
de la stipulation fréquente de la clause de non-concurrence en matière de contrats de
franchise1107
. Quant à la preuve du préjudice, la jurisprudence considère que ce
préjudice s’infère des actes déloyaux auxquels a donné lieu la violation de la clause de
non-concurrence1108
. Une telle souplesse favorable au franchiseur ne se réduit pas au
seul cas de la violation des clauses de non-concurrence. Elle se rencontre aussi en
matière de clauses de non- affiliation.
§ 2. La clause de non-affiliation
324. Impossibilité de l’appartenance à un réseau concurrent. Le souci de préserver
le savoir-faire acquis par l’ancien franchisé pendant toute la durée de l’exécution du
contrat et la volonté de préserver un marché local précédemment couvert par le
franchisé amène souvent le franchiseur à insérer dans le contrat de franchise une clause
de non-affiliation. Selon cette clause, le franchisé s’interdit de s’affilier à un groupe ou
à un réseau concurrent après la cessation des relations contractuelles. La validité d’une
telle clause est admise en droit positif dès lors qu’elle est limitée dans le temps et dans
l’espace et justifiée par des intérêts légitimes du franchiseur (A). Une fois admise, la
clause de non-affiliation produit des effets juridiques à l’égard du franchisé. Toute
violation par celui-ci de cette clause l’expose à des sanctions civiles (B).
1106
Cass. com., 22 février 2000, précité. 1107
V. Lamy économique, 2007, n° 2640 et la jurisprudence citée. 1108
M.-L. IZORCHE, Les fondements de la sanction de la concurrence déloyale et du parasitisme, RTD
com. 1998, p. 17, et spéc., n ° 44, p. .36.
335
A. Licéité de la clause de non- affiliation
325. Validité de la clause de non-affiliation. Fréquemment, les contrats de franchise
contiennent des clauses dites clauses de non-affiliation. Contrairement aux clauses de
non-concurrence, ces clauses n’interdissent pas à l’ancien franchisé la possibilité de
poursuivre son activité ou d’exercer une autre activité similaire à celle qui était la sienne
au sein du réseau, mais seulement d’entrer ou de s’affilier, ou même de participer, de
quelque manière que ce soit, directement ou indirectement, à un réseau concurrent1109
.
Elles sont souvent rédigées comme suit : « Le franchisé s’engage expressément à ne pas
s’affilier, adhérer, ou participer de quelque manière que ce soit, à une chaîne
concurrente du franchiseur ou en créer une lui-même et plus généralement à se lier à
tout groupement, organisme, ou entreprise directement concurrente du franchiseur.
Cette interdiction sera effective pour une durée d’un an et pour le territoire exclusif
accordé au franchisé »1110.
En réalité, les clauses de non-affiliation présentent d’indéniables intérêts pour les
parties, notamment pour le franchiseur au profit de qui elles sont stipulées. D’une part,
elles garantissent la protection du savoir-faire acquis par l’ancien franchisé pendant
toute la durée de l’exécution du contrat. Comme le relève un auteur « l’ex-franchisé
hors de toute structure, ne disposera pas de moyens nécessaires pour maintenir
compétitif le savoir-faire qui lui aura été transmis au cours de son contrat de franchise,
lequel deviendra vite obsolète. En revanche, ce savoir-faire ou cette image de marque
pourra être plus facilement récupéré et être retraité par un réseau concurrent qui, lui,
disposera des moyens de le faire évoluer et de lui conserver son caractère d’avantage
concurrentiel.
1109
M. DEPINCE, La clause de non-réaffiliation, Dr et patr. 2007, n°155, p. ; Ph. le TOURNEAU, Les
contrats de franchisage, 2e édition, 2007, n° 680, p. 298 ; et s ; M. MALAURIE-VIGNAL, Droit de la
distribution, Sirey 2006, n° 726, p.196 et s ; H. KENFACK, Fin des incertitudes sur la clause de non -
réaffiliation ?, Rev. Lamy. dr. aff. 2006, n°5, p.39 ; J.-M. MOUSSERON, Technique contractuelle,
Francis Lefebvre, 3e édition, 2005, par P. MOUSSERON, J. RAYNARD, J.-B. SEUB, n°1463 ; H.
BENSOUSSAN, La « clientèle au franchisé », facteur d’illégitimité de la clause de non-rétablissement,
D.2001, p.2498 ; E. SEUTET, Les clauses post- contractuelles de non–concurrence et de non–affiliation,
D. Aff. 1999, p.1157 ; E. GASTINEL, Les effets juridiques de la cessation des relations contractuelles :
obligation de non-concurrence et de confidentialité, in La cessation des relations contractuelles d’affaires,
PUAM, 1997, p.197, et spéc., p.199. 1110
V. site internet www. Observatoire de la franchise.fr
336
Ainsi, pour un ancien franchisé Jacques Dessange, le danger ne vient pas de la
transformation de son ex-franchisé en « Ginette Coiffure », mais de l’ouverture d’un
salon de coiffure Jean Louis David »1111. D’ autre part, elles facilitent au franchiseur
l’installation d’un nouveau franchisé sur la zone géographique, et par conséquent,
assurent la préservation du marché local précédemment couvert par l’ancien
franchisé1112
. Toutefois, la question est de savoir si la stipulation de telles clauses en
matière de contrats de franchise est licite en droit positif.
Une réponse positive ne fait aucun doute. En effet, la jurisprudence reconnaît la
validité de la stipulation des clauses de non-affiliation dans le domaine des contrats de
franchise1113
. Selon elle, en vertu du principe de la liberté contractuelle, les parties à un
contrat de franchise peuvent stipuler dans leur contrat une clause imposant à la charge
du franchisé une obligation de non-affiliation à un réseau concurrent après la rupture du
contrat.
326. Conditions de validité : assimilation au régime des clauses de non-
concurrence ? Cependant, et parce que les clauses de non-affiliation ont pour fonction
de restreindre la liberté du commerce et de l’industrie du franchisé, leur validité n’est
pas sans être soumise à certaines conditions.
En effet, certains arrêts considèrent que les clauses de non-affiliation doivent être
soumises au même régime que des clauses de non-concurrence. Ils affirment que, pour
être valables, les clauses de non-affiliation doivent être non seulement limitées dans le
temps et dans l’espace et être justifiées par un intérêt légitime, mais aussi qu’elles
doivent être proportionnées par rapport à l’intérêt qu’elles visent à protéger. Ainsi qu’il
a été jugé dans un arrêt du 23 mars 20041114
.
1111
E. GASTINEL, Les effets juridiques de la cessation des relations contractuelles : obligation de non-
concurrence et de confidentialité, op.cit., p.199. 1112
M. DEPINCE, La clause de non-réaffiliation, Dr et patr. 2007, n°155. 1113
Cass. civ 1er
, 20 septembre 2006, Pourvoi n° 04-14.015, Arrêt n° 1323 ; Cass.com. 17 janvier 2006,
Rev. Lamy. dr. civ. 2006, n°25, p.10, note. S. DOIREAU ; Contrats. conc. consom., 2006, n °67, comm.
M. MALAURIE-VIGNAL ; CA Paris 18 décembre 1998, D. Affaire, 1999, p.420, obs. E.P. 1114
CA Rennes, 23 mars 2004, JCP E 2005, 446, n° 9, obs. Y.-J. RAYNARD. V. plus récemment, Cass.
com.,18 décembre 2007, Juris-Data n° 2007-042105 ; Caen 29 septembre 2006 ; Contrats, conc. consom.,
2006, n°7, comm.,n°132, obs. M. MALAURIE-VIGNAL.
337
Dans cet arrêt, la Cour d’appel de Rennes a déclaré que la clause est « illicite dans
la mesure où elle ne tend pas à la protection d’un savoir-faire substantiel et identifié
(…), mais vise exclusivement à protéger un territoire et à assurer la reconstitution
locale du réseau en empêchant le franchisé de s’affilier à un autre réseau afin de
bénéficier de l’expérience et de la notoriété de celui-ci, ce qui constitue une entrave à
la libre concurrence et un avantage pour le franchiseur sans aucune contrepartie,
même si le franchisé conserve la possibilité d’exercer le commerce en dehors de toute
enseigne préexistante. La clause litigieuse, qui n’est pas proportionnée à la
sauvegarde des intérêts légitimes du franchisé, est donc de nul effet ». Ainsi, il y a donc
une assimilation du régime des clauses de non-concurrence et des clauses de non-
affiliation. Les deux doivent, outre la limitation dans le temps et dans l’espace et, être
justifiées par la nécessité de protéger les droits de propriété industrielle ou de maintenir
l’identité commune et la réputation du réseau, être proportionnées au regard de l’objet
du contrat. Toutefois, il est à souligner que cette assimilation du régime entre les clauses
de non-affiliation et celles de non-concurrence post-contractuelle ne peut être affirmée
avec certitude.
En effet, d’autres arrêts semblent apprécier les conditions de validité des clauses de
non-affiliation avec moins de sévérité que celles des clauses de non-concurrence. Ils se
contentent souvent d’affirmer que, pour être valables, les clauses de non-affiliation
doivent être limitées dans le temps et dans l’espace et justifiées par la nécessité de
protéger les intérêts légitimes du franchiseur. Ils ne soulignent pas si ces clauses doivent
ou non être proportionnelles par rapport à l’intérêt légitime qu’elles visent à protéger.
Tel est le cas de l’arrêt de la Cour d’appel de Paris rendu le 18 décembre 19981115
. Dans
cette décision, la Cour a jugé que « la clause interdisant l’adhésion à un réseau de
franchise dans le délai de deux années à l’issue du contrat n’est ni nulle ni susceptible
d’une application réduite à une année comme non- conforme aux normes
communautaires ; en effet, le règlement d’exemption 4087 du 30 novembre 1988 qui
limite à une année l’application d’une clause contractuelle de non concurrence ne
concerne que les clauses de non-rétablissement de l’ancien franchisé et non la clause
litigieuse qui porte sur l’adhésion à un réseau concurrent ».
1115
CA Paris 18 décembre 1998, D. Affaire, 1999, p.420, obs. E.P.
338
Cette attitude jurisprudentielle, consistant à apprécier moins sévèrement les
conditions de validité des clauses de non-affiliation par rapport à celles de non-
concurrence, semble même être retenue par la Cour de cassation, comme l’illustre un
arrêt du 17 janvier 20061116
.
En l’espèce, un contrat de franchise contenait une clause de non–affiliation selon
laquelle le franchisé s’interdisait de s’affilier à un réseau concurrent pour une période de
trois ans suivant la fin du contrat. Toutefois, le franchisé avait tenté de remettre en cause
la validité de cette clause en invoquant le règlement n° 4087/88 de la Commission du 30
novembre 1988. Ce franchisé prétendait que la clause de non-affiliation que le contrat
lui imposait était stipulée pour une durée de trois ans, alors qu’vertu de ce règlement,
l’obligation pour le franchisé de ne pas exercer, directement ou indirectement, une
activité commerciale ou similaire doit être limitée à un an. Cependant, le tribunal
arbitral ne lui a pas donné raison, et l’a condamné à des dommages et intérêts pour
violation de la clause de non-affiliation. Les juges du fond ont approuvé cette sentence
en rejetant le recours en annulation formé par le franchisé. Le franchisé s’est pourvu en
cassation.
Or, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi en déclarant : « attendu que l’article 3,
paragraphe 1 du règlement CE n° 4087/88 de la Commission des Communautés
européennes concernant l’application de l’article 85, paragraphe3, devenu l’article 81
du Traité, à des catégories d’accord de franchise permet d’imposer au franchisé
l’obligation de ne pas exercer, directement ou indirectement, une activité commerciale
similaire dans un territoire où il concurrencerait un membre du réseau franchisé, y
compris le franchiseur, dans la mesure où cette obligation est nécessaire pour protéger
des droits de propriété industrielle ou intellectuelle du franchiseur ou pour maintenir
l’identité commune ou la réputation du réseau franchisé ; qu’ ayant retenu que la
clause de non-affiliation n’interdisait pas la poursuite d’une activité commerciale
identique et se trouvait limitée dans le temps et dans l’espace, c’est à bon droit que la
cour d’appel, qui a constaté que la décision arbitrale était motivée, a retenu que cette
clause ne violait aucune règle d’ordre public et a rejeté le recours en annulation ».
1116
Cass. com., 17 janvier 2006, Juris-Data n ° 2006-031799; Rev. Lamy. dr. civ. 2006, n°25, p.10, note.
S. DOIREAU; Contrats. conc. consom., 2006, n° 67, comm. M. MALAURIE-VIGNAL.
339
Pour la Cour de cassation, dès lors qu’elle est limitée dans le temps et l’espace et
qu’elle se justifie par la nécessité de la protection des intérêts légitimes du franchiseur,
la clause de non-affiliation est donc licite. Une telle appréciation moins sévère des
conditions de validité des clauses de non- affiliation par rapport à celles de non-
concurrence s’explique sans doute par le fait que de telles clauses ne visent pas à
interdire à l’ancien franchisé d’exercer son activité ou toute autre activité similaire, mais
simplement à s’affilier dans un autre réseau ou groupe concurrent du franchiseur après
la rupture du lien contractuel1117
.
327. Position. Pourtant, elle ne nous paraît pas justifiée1118
. De la même manière que les
clauses de non-concurrence post-contractuelle, les clauses de non-affiliation sont aussi
contraignantes pour le franchisé1119
. Toutes deux visent à restreindre l’activité du
franchisé. Les clauses de non- affiliation portent atteinte à la possibilité pour le
franchisé de continuer à exercer son activité. Elles peuvent constituer, pour le franchisé
évincé du réseau, un handicap redoutable dans certains domaines tel, par exemple, que
la matière de la franchise hôtellerie ou industrielle ou même en matière de franchise de
location de voitures où seule une activité en réseau peut se révéler rentable.
Dès lors, le bon sens impose que les clauses de non-affiliation soient soumises aux
mêmes conditions de validité que les clauses de non-concurrence. Leur validité doit être
soumise à l’examen de la nécessité de la protection des intérêts légitimes du franchiseur.
Il en va de même pour l’exigence de proportionnalité. Il faut même aller au-delà en
soumettant la validité de telles clauses à une contrepartie financière.
1117
En ce sens, M.-E. ANDRE, M -P. DUMONT, Ph. GRIGNON, L’après -contrat, Ed. Francis Lefebvre,
2005, n° 194, p. 164. 1118
En ce sens, M. DEPINCE, La clause de non-réaffiliation, Dr et patr. 2007, n°155 ; M. MALAURIE-
VIGNAL, Droit de la distribution, Sirey, 2006, n° 727, p.196 et s ; du même auteur, obs sous Cass.com.,
17 janvier 2006, Contrats. conc. conso., 2006, n° 67 ; H. KENFACK, Fin des incertitudes sur la clause de
non-réaffiliation ? , Rev. Lamy. dr. aff. 2006, n°5, p.39 ; M -E. ANDRE, M -P. DUMONT, Ph.
GRIGNON, L’après -contrat, Ed. Francis Lefebvre, 2005, n°194, p. 164 ; CA Paris 18 décembre 1998, D.
Affaire, 1999, p.420, obs. E .P 1119
E .P, obs sous CA Paris 18 décembre 1998, précitée : « la liberté laissée à l’ancien franchisé de reprendre immédiatement l’exploitation de sa jardinerie a, en réalité, une portée très relative. Condamné à rester un commerçant indépendant, il risque de ne plus pouvoir, sans le soutien d’un nouveau réseau, maintenir son offre, ses prix, ses services ou tout autre avantage commercial et concurrentiel résultant de l’appartenance à une autre enseigne du type de celle qu’il vient de quitter ».
340
Ainsi, on peut, peut-être, arriver à une bonne conciliation entre la nécessité de
protéger les intérêts du franchiseur et la liberté du franchisé d’entreprendre. Liberté qui
se trouve tellement restreinte en présence d’une clause de non-affiliation étant donné
que la violation de celle-ci par le franchisé l’exposera à des dommages et intérêts.
B. Sanction de la violation de l’obligation de non-affiliation
328. Exécution forcée : sanction concevable, mais rare. En cas de violation de la
clause de non-affiliation par l’ancien franchisé, le franchiseur peut s’adresser au juge,
notamment au juge des référés, et lui demander de le faire condamner à l’exécution
forcée de son obligation. En pareille hypothèse, le juge, saisi du litige, peut ordonner à
l’ancien franchisé défaillant de se retirer du réseau concurrent auquel il est affilié ou
simplement lui interdire, s’il se trouve pendant la phase précontractuelle de négociation,
de contracter avec le futur réseau de franchise concurrent1120
329. Condamnation à des dommages et intérêts. Lorsque le contrat de franchise
contient une clause de non-affiliation, le franchisé doit respecter cette clause. Tout
manquement par lui engage sa responsabilité contractuelle sur le fondement de la
concurrence illicite. Le franchiseur peut le faire condamner à des dommages et intérêts
pour le préjudice qu’il a subi de son affiliation du réseau concurrent. Toutefois, il faut
noter que, pour obtenir réparation, le franchiseur doit démontrer, non l’état de la
concurrence dans laquelle se trouve l’ancien franchisé, comme est le cas en matière de
clauses de non-concurrence post-contractuelle, mais l’appartenance de celui-ci à un
réseau concurrent1121
.
1120
V. M. DEPINCE, La clause de non-réaffiliation, Dr et patr. 2007, n°155. 1121
V. Cass. soc.,31 mai 2007, Contrats, conc., consom.2007, n°10, comm. 263, obs. M. MALAURIE-
VIGNAL
341
330. Evaluation du montant des dommages et intérêts. Quant au montant des
dommages et intérêts dus par le franchisé défaillant au franchiseur victime, la
détermination de celui-ci se fait, de la même manière qu’en matière de clauses de non-
concurrence, en fonction de la baisse du chiffre d’affaires subi par le franchiseur1122
et,
le cas échant, en tenant compte des frais réalisés par le franchiseur afin de minimiser
son préjudice résultant de la violation par l’ancien franchisé de son obligation de non-
affiliation.
Notons, enfin, que le montant des dommages et intérêts dus par le franchisé en cas
de violation de la clause de non-affiliation est parfois prévu au contrat par la stipulation
d’une clause pénale.
331. Clause pénale. Il est possible que le montant des dommages et intérêts dus,en
raison de l’inobservation par l’ancien franchisé de son obligation de non-affiliation, soit
déterminé par avance par une clause pénale. Notons, toutefois, que le montant des
dommages et intérêts fixé par la clause pénale ne doit pas être excessif ou dérisoire,
sinon le juge peut intervenir pour le modifier.
332. Tiers complice. Le franchiseur peut également engager une action en dommages
et intérêts contre tout tiers se rendant complice de la violation de l’obligation de non-
affiliation. Mais pour cela, le franchiseur doit rapporter la preuve de sa complicité du
tiers dans la violation de la clause de non-affiliation et le préjudice résultant.
A cet égard, il convient de noter que, de la même manière que pour les clauses de
non-concurrence, la jurisprudence semble faciliter les conditions d’engagement de la
responsabilité civile délictuelle du tiers. En effet, aux yeux des juges, il suffit, pour
engager la responsabilité du tiers pour concurrence déloyale, que le franchiseur établisse
la connaissance par celui-ci de l’existence d’une clause de non-affiliation.
1122
CA Chambéry, 13 décembre 2005, Juris-Data n° 2005-296053.
342
Ainsi l’illustre un arrêt du 13 décembre 2005 rendu par la Cour d’appel de
Chambéry. Dans cette décision, un franchiseur avait agi en responsabilité contre l’un de
ses concurrents, pris en qualité de tiers complice, de la violation de la clause de non-
affiliation insérée au contrat de franchise. La Cour d’appel de Chambéry avait accueilli
cette action au motif qu’il était établi que le tiers avait eu connaissance, d’une part, que
le franchisé était lié à un autre franchiseur1123
. Cette connaissance demeure même
parfois présumée par le juge en raison de ce que la stipulation d’une telle clause en
matière de contrats de franchise et dans les contrats de la distribution de manière
générale est fréquente1124
. Ce qui n’est pas le cas en matière de clauses de
confidentialité.
§ 3. La clause de confidentialité post-contractuelle
333. La protection du secret professionnel. Afin d’assurer la protection de son savoir-
faire, les franchiseurs prévoient souvent dans le contrat de franchise une clause de
confidentialité post-contractuelle. En vertu de cette clause, le franchisé s’engage à ne
pas divulguer les informations concernant le savoir-faire et les techniques commerciales
dont il a eu connaissance lors de l’exécution du contrat à quiconque après la rupture du
contrat. La validité d’une telle clause est admise en droit positif (A). Sa mise en œuvre
produit certains effets juridiques à l’égard du franchisé (B).
1123
CA Chambéry 13 décembre 2005, Juris-Data n° 2005-296053. 1124
V. Lamy économique, 2007, n° 2640 et la jurisprudence citée.
343
A. Légitimité de principe de la clause de confidentialité
334. Validité au regard du droit commun. La confidentialité est l’une des
caractéristiques de la vie des affaires1125
. Dans l’entreprise, le secret « joue un rôle
particulièrement important, stratégique même dans la défense de ses positions
commerciales ou industrielles »1126. Il « abrite la réflexion, le projet et donne à la
réalisation de ce projet, l’effet de surprise qui en assure l’efficacité »1127
. En matière de
franchise, la valeur commerciale du savoir-faire réside essentiellement dans son
caractère de confidentialité.
Aussi, les franchiseurs veillent fréquemment à insérer dans leurs contrats une
clause de confidentialité post-contractuelle1128
, appelée aussi par la pratique clause de
secret1129
, ou clause de non révélation ou de non-communication1130
, interdisant au
franchisé, après la cessation du contrat de franchise, de divulguer ou communiquer, à
qui que soit, le savoir-faire qu’il a pu acquérir du franchiseur à l’occasion de l’exécution
du contrat.
1125
V. F.-X. TESTU, Secret et relations d’affaires, La confidentialité conventionnelle, Dr et patr, 2002, n°
102, p.81 ; Y. PACLOT, Secret et relations d’affaires , Les diverses facettes du secret des affaires, Dr.et
patr. 2002, n°102 ; M. BÜHLER, Les clauses de confidentialité dans les contrats internationaux, RDAI/
2002, n° 3/ 4, p.359 ; M.-A. MOREAU, La protection de l’entreprise par les clauses contractuelles de
non-concurrence et de confidentialité, Dr et patri. 1999, n° 69, p.56 ; B. PY, Le secret professionnel,
L’Harmattan, 2005 ; F. ANGE, Le secret des affaires, th., Toulouse, 1968.
G. VIRASSAMY, Les limites à l’information sur les affaires d’une entreprise, RTD com.1988, p.179 ; R.
SAINT-ALARY, Le secret des affaires en droit français, in Le secret et le droit, Travaux de l’association
H. Capitant, 1974, p.263 ; Ch. GAVALDA, Le secret des affaires, in Mélanges. R. Savatier, Dalloz, 1965,
p.291. 1126
G. VIRASSAMY, Les limites à l’information sur les affaires d’une entreprise, op.cit., p.184. 1127
R. SAINT-ALARY, Le secret des affaires en droit français, op.cit., p.264. 1128
M.-E. ANDRE, M.-P. DUMONT, et Ph. GRIGNON, L’après contrat, Ed., Francis Lefebvre, 2005, n°
152, p.122 ; H. BENSOUSSAN, Le droit de la franchise, Apogée, 1999, p.184 et s; E. GASTINEL, Les
effets juridiques de la cessation des relations contractuelles, obligation de non-concurrence et de
confidentialité », in La cessation des relations contractuelles d’affaires, PUAM 1997, p197. De manière
générale, v. Lamy droit du contrat, 2007, n° 339 -13 et s ; A. LATREILLE, Réflexion critique sur la
confidentialité dans le contrat, LPA 07 août 2006, n° 156, p.4 ; Ph. STOFFEL-MUNCK, L’après-contrat,
in Durée et expiration du contrat, RDC.2004, p.159 ; M. BÜHLER, Les clauses de confidentialité dans les
contrats internationaux, RDAI/ 2002, n° 3/ 4, p.359 ; F.-X. TESTU, Secret et relations d’affaires, La
confidentialité conventionnelle, Droit et Patrimoine, 2002, n° 102, p.81 ; C. CASEAU-ROCHE, Les
obligations post-contractuelle, thèse, Paris I, 2001, n° 338, p.271 et s ; M.-A. MOREAU, La protection de
l’entreprise par les clauses contractuelles de non-concurrence et de confidentialité, Dr et pat. 1999, n° 69,
p.56. 1129
M. VIVANT, Les clauses de secret, in Les principales clauses des contrats conclu entre
professionnels, PUAM, 1990, p.101 ; B. FAGES, Les clauses de secret, JCP G 1998, II, 100000 ; J.-M.
MOUSSERON, Secret et contrat (De la fin de l’un à la fin de l’autre), in Mélanges J. Foyer, PUF, 1997,
p.258. 1130
G. VIRASSAMY, Les limites à l’information sur les affaires d’une entreprise, RTD com.1988, p.179.
344
Une telle clause peut, parfois, être limitée dans le temps. Telle est la clause de
confidentialité qui prévoit que « le franchisé s’engage pour la durée du présent contrat
et pour une durée de cinq ans après sa fin, quel que soit son mode de rupture, à ne pas
communiquer, divulguer ou exploiter pour lui-même en dehors du réseau, ou pour le
bénéfice d’un tiers, personne physique ou personne morale, toute information,
connaissance ou savoir-faire confidentiels concernant le système d’exploitation de la
franchise, objet du présent contrat »1131.
Mais le plus souvent, elle n’est pas limitée dans le temps. Sa durée est, en fait, liée
à l’utilité qu’elle présente pour le franchiseur. En d’autres termes, le franchisé se trouve
tenu après la cessation des relations contractuelles autant que le savoir-faire demeure
non révélé1132
. Dès lors, la question qui se pose est celle de savoir si la stipulation d’une
telle clause est valable en droit positif. En fait, la stipulation de clauses de
confidentialité post-contractuelles est admise en droit positif, ce qui résulte notamment
de l’arrêt du 2 avril 19791133
. Dans cet arrêt, la Chambre commerciale de la Cour de
cassation a déclaré que dès lors que le procédé susceptible de protection n’est pas tombé
dans le domaine public, il peut faire l’objet d’une clause de confidentialité. Elle a, dans
cet arrêt, admis la validité de la clause de confidentialité illimitée pesant sur un
franchisé dès lors qu’elle n’empêche pas le franchisé d’exercer son activité.
335. Atténuation. Toutefois, il faut noter que si le principe en droit positif est la
validité de la clause de confidentialité, ce principe n’est cependant pas absolu. En effet,
la clause de confidentialité est fonctionnelle. Sa raison d’être est liée à l’intérêt que
trouve le franchiseur au secret du savoir-faire.
1131
M.-E. ANDRE, M.-P. DUMONT, et Ph. GRIGNON, L’après-contrat, op.cit., n°156, p.124 et s. 1132
M. BÜHLER, Les clauses de confidentialité dans les contrats internationaux, RDAI/ 2002, n° 3/ 4,
p.359, et spéc., p.371. Selon l’auteur, a nature du contrat et de l’information objet de la confidentialité
déterminera la durée de l’accord de confidentialité. Une information purement commerciale deviendrait
souvent vite obsolète, alors qu’une information scientifique ou technologique peut mériter une protection
à très long terme. Dans certains cas, 6 mois suffiront ; dans d’autres, les parties souhaiteront un
engagement pour 15 ans ou plus. 1133
Cass. com., 2 avril 1979, RTD civ. 1979, p.812, obs. G. CORNU.
345
Par conséquent, dès lors que les informations confidentielles sur le savoir-faire
sont, par un biais ou un autre, tombées dans le domaine public, la clause de
confidentialité perd sa légitimité. Dans cette hypothèse, la clause de confidentialité perd
son objet1134
. Elle devient donc caduque. Le secret « n’existe plus à partir du moment
où l’information est partagée »1135. « La notion de secret s’efface en présence d’une
connaissance à ce point répandue parmi les professionnels qu’elle constituerait un
élément du domaine public »1136
La même solution pourrait s’appliquer lorsque le savoir-faire du franchiseur
devient un jour anodin1137
. Toutefois, il faut noter qu’une fois admise, la clause de
confidentialité va produire certains effets juridiques à l’égard du franchisé débiteur.
B. Mise en œuvre de la clause de confidentialité
336. Avant d’étudier la question de la violation de la clause de confidentialité et les
sanctions qu’elle appelle (1), il convient de savoir quelle est l’étendue de cette clause
(2).
1. Etendue de la clause de confidentialité
337. Etendue quant aux informations objets de la clause. Parfois, la clause de
confidentialité insérée dans le contrat de franchise détermine les informations qui ne
doivent pas être révélées par le franchisé après la cessation des relations contractuelles.
Une pareille précision a le mérite, d’une part, d’éviter toute discussion au sujet du
caractère confidentiel ou non de certaines informations et, d’autre part, de faciliter la
constitution de la preuve en cas de violation de la clause de confidentialité par le
franchisé.
1134
A. LATREILLE, Réflexion critique sur la confidentialité dans le contrat, LPA 07 août 2006, n° 156,
p.4, et spéc., n° 2. 1135
A. LATREILLE, op.cit., p.4, et spéc., n° 2. 1136
A. LATREILLE, op.cit., n° 52 ; Ph. STOFFEL-MUNCK, L’après-contrat, RDC 2004, p.159, et spéc.,
n° 20. 1137
Ph. STOFFEL-MUNCK, op.cit : « Il nous semble que, dans la mesure où l’obligation de confidentialité se justifie au regard des risques que sa divulgation entraînerait, le terme implicite de l’obligation sera le jour où la divulgation sera devenu anodine ».
346
Comme le relève justement un auteur : « Ayant expressément attiré l’attention de
leur partenaire sur cet aspect, la responsabilité de ce dernier n’en sera que plus
facilement mise en œuvre en cas de non-respect de la convention sur ce point
précis »1138.
D’autres fois, la clause de confidentialité prévoit, d’une manière large, que le
franchisé conservera secrètes les informations auxquelles il aura eu accès pendant la
durée du contrat. Toutefois, cela ne signifie pas pour autant que l’étendue de
l’obligation de confidentialité est absolue. Certaines catégories d’informations sont
exclues du champ de la clause de confidentialité, telles que les informations qui sont
connues du franchisé dès avant son entrée dans le réseau. Il s’agit là d’informations à
caractère générique.
338. Les perfectionnements apportés au savoir-faire et l’obligation de
confidentialité Généralement, le franchisé apporte, lors de l’exécution du contrat de
franchise, certains perfectionnements au savoir-faire du franchiseur. Là, la question est
de savoir si le franchisé peut se voir reconnaître, à la fin du contrat, le droit de divulguer
aux tiers les perfectionnements qu’il a apporté à la formule commerciale du franchiseur.
La réponse à cette question dépend du point de savoir si les perfectionnements
apportés par le franchisé sont détachables ou non du savoir-faire de base. S’ils sont
détachables du savoir-faire de base, le franchisé peut les utiliser. Si, au contraire, ils se
révèlent indissociables du savoir-faire de base, leur divulgation ou leur utilisation n’est
pas autorisée par l’ancien franchisé. C’est ce que la Commission européenne a déclaré
dans sa décision concernant l’affaire Computerland. Dans cette affaire, la Commission a
décidé que « les anciens franchisés… sont expressément autorisés à continuer d’utiliser
les innovations ou améliorations qu’ils ont apportées et dont il peut être démontré
qu’elles sont séparables du système Computerland »1139.
1138
G. VIRASSAMY, Les limites à l’information sur les affaires d’une entreprise, RTD com.1988, p.179,
et spéc., n° 26, p.199. 1139
Déc.13 juillet 1987, Computerland, JOCE 10 août 1987, n° L. 222, pt 23 ii.
347
A vrai dire, une telle solution, approuvée par certains 1140
et contestée par
d’autres1141
, nous paraît opportune, et cela pour deux raisons. D’abord, elle paraît juste.
En effet, il aurait été inéquitable de ne pas laisser au franchisé le fruit de ses efforts.
Ensuite, elle peut contribuer à rendre plus efficace le système de la franchise. Le fait de
reconnaître aux franchisés la possibilité de bénéficier du perfectionnement qu’ils ont
apporté au savoir-faire pendant l’exécution du contrat, à l’issue de celui-ci, aurait pour
effet de les inciter à s’efforcer de manière permanente- aux cotés du franchiseur- à
améliorer le concept et la formule de la franchise. Cela rend, par conséquent, le réseau
de franchise plus efficace, plus dynamique, et apte à faire face à la concurrence qu’il
rencontre au sein du marché.
339. Etendue quant aux personnes concernées. La clause de confidentialité « donne
naissance à un droit personnel : celui d’exiger ou de garder le silence »1142. Ce droit est
opposable non seulement au franchisé mais aussi à toute personne autour de lui, tel que
ses proches et ses salariés, ayant eu accès aux informations confidentielles sur le savoir-
faire1143
.
S’il s’agit d’une personne morale, la clause de confidentialité s’impose à toutes les
personnes à l’intérieur de l’entreprise franchisée, tels que les représentants légaux de la
société franchisée, les mandataires du franchisé1144
. Toutes ces personnes sont tenues
par l’engagement de confidentialité souscrite par la société franchisée. Si l’une d’entre
elles viole un tel engagement en révélant une des informations portant sur le savoir–
faire du franchiseur, sa responsabilité sera engagée.
1140
H. KENFACQ, La franchise internationale , th., Toulouse I, 1996, p.59.L’auteur estime que si le
franchisé a apporté des perfectionnements détachables du savoir-faire de base , il doit pouvoir les utiliser
en dehors du concept en cause ou les céder à des tiers. 1141
H. BENSOUSSAN, Le droit de la franchise, Apogée 1999, p, 186. Pour l’auteur, le perfectionnement
est par nature lié au savoir-faire de base détenu par le franchiseur et dès lors, il en est indissociable. Le
respect de la confidentialité s’impose pour la globalité. 1142
A. LATREILLE, Réflexion critique sur la confidentialité dans le contrat, LPA 07 août 2006, n° 156,
p.4, n° 61. 1143
H. BENSOUSSAN, Le droit de la franchise, op.cit., p, 186. M. BÜHLER, Les clauses de
confidentialité dans les contrats internationaux, RDAI/ 2002, n° 3/ 4, p.359 et spéc., p.369 et s. 1144
H. BENSOUSSAN, Le droit de la franchise, op.cit.
348
2. Sanctions de la violation de la clause de confidentialité 340. Condamnation à des dommages et intérêts. En vertu de la clause de
confidentialité, le franchisé est tenu d’une obligation de ne pas faire1145
. Le non-respect
de cette obligation par lui engage sa responsabilité contractuelle.
En effet, en cas de violation de la clause de confidentialité par le franchisé,
l’exécution forcée et l’injonction de faire sont exclues, sauf dans la seule hypothèse où
le franchisé exploite l’information pour sa propre activité. Seule la sanction
indemnitaire est envisageable. Cela s’explique par le fait que la violation de l’obligation
de confidentialité crée souvent une situation irréversible. « Une fois dévoilée,
l’information confidentielle est définitivement perdue et ne peut généralement pas être
récupérée »1146. Le mal est déjà fait et le préjudice est alors réalisé
1147. La révélation
épuise la valeur de l’information confidentielle. « La violation de la confidentialité est
une sorte de délit instantané». La cessation du trouble n’est même plus possible. Le
débiteur ne peut ni ravaler ses paroles ni effacer ses écrits lorsque des tiers s’en sont
saisis »1148.
341. Conditions de l’obtention des dommages et intérêts : difficulté de la preuve.
Pour qu’il puisse faire condamner l’ancien franchisé défaillant pour cause de violation
de son engagement de confidentialité, le franchiseur doit rapporter la preuve de celle-ci.
Il doit démontrer que la fuite de l’information concernant son savoir-faire a pour origine
le manquement du franchisé à son obligation de confidentialité. La preuve par le
franchiseur de la violation par le franchisé de son engagement de confidentialité peut se
faire par tous les moyens.
1145
M. VIVANT, Les clauses de secret, in les principales clauses des contrats conclu entre professionnels,
PUAM, 1990, p.101, n°1. 1146
E. GASTINEL, Les effets juridiques de la cessation des relations contractuelles : obligation de non-
concurrence et de confidentialité », in La cessation des relations contractuelles d’affaires, PUAM 1997,
p197, spéc., p.209. 1147
A. MOREAU, La protection de l’entreprise par les clauses contractuelles de non-concurrence et de
confidentialité, Droit et .Patrimoine, 1999, n° 69, p.56, spéc., p.61 1148
A. LATREILLE, Réflexion critique sur la confidentialité dans le contrat, LPA, 08 août 2006, n° 157,
p.4, n° 151.
349
En effet, il est admis que la divulgation fautive d’une information prohibée
constitue un fait juridique1149
et, donc, que la preuve est libre.
Pour autant, il n’est pas toujours aisé pour le franchiseur de prouver que la
divulgation de son savoir-faire ou de l’une de ses informations confidentielles a pour
cause la violation de son obligation par l’ancien franchisé. La preuve est en effet un
fardeau lourd à la charge du franchiseur. Sauf dans les rares hypothèses où les données
du savoir-faire sont si pointues, particulièrement originales, de sorte qu’il n’aura pas de
mal à apporter la preuve de l’inexécution ou s’il y a une preuve flagrante, telle que la
distribution par l’ancien franchisé de produits constituant en contrefaçon, le franchiseur
se trouve souvent dans l’impossibilité de démontrer la divulgation commise par l’ancien
franchisé. Celui-ci pourra échapper à toute responsabilité en invoquant que
l’information litigieuse a un caractère public ou que celle-ci était connue d’un petit
nombre de personnes et donc en passe de se propager indépendamment de toute
indiscrétion de sa part.
Face à la difficulté de rapporter la preuve de l’imputabilité de la divulgation au
franchisé, il a été proposé d’établir une présomption à la charge du confident1150
. Une
telle proposition nous paraît séduisante. Au lieu de demander au franchiseur de
rapporter la preuve de ce que la divulgation des informations confidentielles relatives au
savoir-faire est imputable à l’ancien franchisé, on peut présumer que cette divulgation
est due au fait de ce dernier puisque c’est le seul qui connaisse de telles informations.
Toutefois, il est à noter que cette présomption n’est qu’une présomption simple. Cela
signifie que dans l’éventuelle hypothèse d’une révélation d’une ou des informations
confidentielles portant sur le savoir-faire du franchiseur, l’ancien franchisé peut
échapper à l’engagement de sa responsabilité en rapportant la preuve, non d’un cas
fortuit ou d’un cas de force majeure, mais simplement qu’il a bien exécuté son
engagement et qu’aucune faute dans la conservation des informations confidentielles ne
peut lui être reprochée.
1149
A. LATREILLE, op.cit, p.4. 1150
B. FAGES, note sous CA Paris 14 février 1997, JCP G 1998, II, 100000.
350
Une telle solution, dérogatoire aux règles de la preuve qui exigent du contractant
qui se prétend victime d’un dommage de rapporter la preuve de la faute de son
cocontractant, peut se justifier par la quasi-impossibilité pour le franchiseur de prouver
une divulgation fautive de la part de son ancien franchisé. Notons, toutefois, que la
jurisprudence paraît réticente à établir une présomption de fait à la charge du débiteur.
Selon elle, en présence du moindre doute sur l’origine de la divulgation des
informations confidentielles, l’incertitude bénéficie au débiteur. C’est ainsi que, dans un
arrêt du 5 octobre 1995, la Cour d’appel a jugé qu’un agent commercial n’est pas réputé
avoir divulgué des modèles confidentiels du mandant en contractant simplement avec
une société concurrente ultérieurement condamnée pour contrefaçon desdites
créations1151
.
342. Montant des dommages et intérêts. Une fois la preuve de la violation par
l’ancien franchisé de son obligation de confidentialité post-contractuelle rapportée par
le franchiseur, se pose alors le problème de l’évaluation des dommages et intérêts
alloués à ce dernier. En effet, le montant des dommages et intérêts est déterminé par le
juge du fond. Celui-ci dispose d’un pouvoir souverain dans la fixation de l’indemnité
due par le franchisé au franchiseur victime d’une divulgation fautive des informations
confidentielles. Le juge tient compte, généralement, dans le calcul de l’indemnité alloué
au franchiseur, du préjudice subi par lui consistant dans le gain manqué ou les pertes
financières liées à la divulgation de l’information confidentielle sur le savoir-faire1152
. Il
prend aussi en considération dans l’évaluation des dommages et intérêts, le préjudice
moral résultant de l’atteinte portée à l’image et à la réputation du réseau1153
.
A vrai dire, la tâche du juge s’avère souvent difficile d’autant plus que l’évaluation
du préjudice résultant de la violation de la clause de confidentialité est complexe. Afin
de pallier tout problème d’évaluation du préjudice, les parties déterminent, parfois et par
elles-mêmes, le montant des dommages et intérêts dus par le franchisé en cas de
violation de la clause de confidentialité, et cela par la stipulation d’une clause pénale
1151
CA Paris, 5 octobre 1995, Juris-Data, n° 1995-023674. 1152
CA Paris, 5 octobre 1995, précité. 1153
A. LATREILLE, Réflexion critique sur la confidentialité dans le contrat, LPA, 08 août 2006, n° 157,
p.4. Sur la question de l’évaluation du préjudice, v. Supra n° ;
351
343. Clause pénale. Le contrat de franchise prévoit, dans certaines circonstances, une
clause pénale qui fixe forfaitairement le montant des dommages et intérêts résultant de
la violation de la clause de confidentialité.
Toutefois, et comme en matière de clauses de non-concurrence et clauses de non-
affiliation, il faut noter que le montant forfaitaire prévu par la clause pénale n’échappe
pas au contrôle du juge. Il peut, en vertu de l’article 1152 du Code civil, le modifier s’il
se révèle manifestement excessif ou dérisoire. Une décision du 22 janvier 2004 rendue
par la Cour de Lyon illustre cette situation1154
. Dans cet arrêt, une transaction avait été
conclue entre une chaîne de restauration rapide et l’un de ses franchisés en vue de régler
les conséquences de la rupture de leurs relations contractuelles. Un document prévoyait
que le franchisé s’engagerait à ne pas révéler ce protocole à quiconque. Or, en
communiquant ce protocole à un autre franchisé, le franchisé a violé son engagement de
confidentialité. Les juges du fond l’ont donc condamné au paiement de la clause pénale.
En revanche, ils ont réduit le montant de cette clause en estimant qu’il était excessif.
344. Condamnation du tiers complice sur le fondement de la concurrence déloyale.
A côté des dommages et intérêts qu’il pourrait obtenir pour le préjudice qu’il a subi du
fait de la divulgation par le franchisé de l’une des informations confidentielles sur le
savoir-faire, le franchiseur peut, sur le terrain délictuel et sur le fondement de la
concurrence déloyale, agir contre tout tiers complice. Il pourra, par exemple, obtenir la
condamnation d’un franchiseur concurrent à des dommages et intérêts s’il établit qu’il
est complice et bénéficiaire de la divulgation fautive faite par l’ancien franchisé1155
.
1154
CA Lyon 22 janvier 2004, Juris-Data n° 2004-23 7515. 1155
Ex.CA Amiens, 18 juillet 1974, D.1976, jur., p.703, note. J.-M. MOUSSERON et M. VIVANT.
352
345. Conclusion de la section I. Lorsque le contrat de franchise comprend des
obligations à effet post-contractuel, telle que l’obligation par le franchisé de ne pas
concurrencer le franchiseur après la rupture du contrat ou l’obligation par lui de ne pas
s’affilier à un réseau concurrent après la rupture du lien contractuel ou enfin l’obligation
de ne pas divulguer le savoir-faire ou toute information qui en relève, ces obligations
produisent ses effets juridiques dès lors qu’elles remplissent les conditions requises pour
leur validité. Le franchisé qui viole l’une de ses obligations engage sa responsabilité. Il
sera condamné à des dommages et intérêts et, le cas échéant, à l’exécution forcée de
l’obligation non respectée. De même, tout tiers qui se rend complice de la violation de
l’une de ces obligations post-contractuelles sera aussi condamné, sur le fondement de
l’article L.1382 du Code civil pour concurrence déloyale.
Outre ces obligations prévues par le contrat, le franchisé se trouve tenu d’autres
obligations qui ne sont que les conséquences de la cessation du contrat de franchise telle
l’obligation de restitution.
353
SECTION II – OBLIGATION DE RESTITUTION
346. Suite de l’extinction. Lorsque le contrat de franchise prend fin, le franchisé se
trouve tenu de ne pas utiliser les éléments du pouvoir attractif du réseau auquel il a
cessé d’appartenir. Il s’engage vis-à-vis du franchiseur à une obligation de restitution. Il
doit restituer les divers éléments matériels et immatériels tels l’enseigne, les documents
et le matériel que le franchiseur lui a confiés ou prêtés pour l’exploitation de la
franchise (§ 1). S’il continue à utiliser l’un des moyens du réseau de franchise auquel il
appartenait, il crée un trouble manifestement illicite pour le franchiseur engageant, par
conséquent, sa responsabilité sur le fondement de la concurrence déloyale et de la
contrefaçon par application du code de propriété intellectuelle (§ 2).
§ 1. La restitution des biens matériels et immatériels
347. Restitution de signes de ralliement. Le contrat de franchise impose au
franchiseur de concéder sa marque au franchisé. Celle-ci n’a pas seulement pour effet
d’identifier le produit ou le service faisant l’objet du contrat de franchise, mais elle
révèle aussi aux consommateurs l’appartenance du franchisé au réseau1156
. A vrai dire,
sans elle, il n’y a pas de franchise et l’objet commun de mettre en œuvre un système
homogène ne sera pas réalisé.
Toutefois, il faut noter que, lorsque le contrat de franchise prend fin -que ce soit
par sa résiliation ou son non-renouvellement- le franchisé doit restituer tous les
éléments mobiliers corporels et incorporels, ainsi que le savoir-faire et l’ensemble de
signes distinctifs y compris les papiers d’emballage1157
.
1156
Sur l’importance de la marque, v. Supra n° 118. 1157
CA Paris 8 janvier 2008, Juris-Data n°2008-355369 ; Contrats conc. consom., 2008, comm., n°99,
obs. M. MALAURIE - VIGNAL.
354
La restitution doit être faite immédiatement dès lors que le contrat de franchise a
pris fin. Le retrait de l’enseigne, par exemple, sera à réaliser aussitôt que l’extinction du
contrat de franchise est survenue. A défaut de retrait ou un retrait volontairement tardif
pourront donner lieu à une action en référé, et engageront la responsabilité de l’ancien
franchisé sur le fondement de la concurrence déloyale1158
. A cet égard, on note que le
bon sens commande de laisser un délai au franchisé pour enlever le panonceau du
franchiseur1159
et continuer à utiliser les signes distinctifs après l’expiration du contrat
pour pouvoir écouler les stocks encore en sa possession1160
.
En effet, la restitution des moyens immatériels mis à la disposition du franchisé
s’opère, à l’issue de la relation contractuelle, par l’interdiction faite à celui-ci de
continuer à les utiliser. Les contrats de franchise contiennent souvent ce type de clause
stipulant. « A l’expiration du contrat, le franchisé devra supprimer toute référence à la
marque du franchiseur et devra en conséquence cesser d’utiliser l’enseigne, les
documents et papiers commerciaux sur lesquels figurent les signes distinctifs du
franchiseur »1161.
348. Restitution de documents : problème du fichier des clients. Outre la restitution
des signes de ralliement démontrant l’appartenance au réseau, l’ancien franchisé est
tenu de restituer tous les documents servant à l’exploitation du savoir-faire ainsi que
tous les papiers qui sont mis à sa disposition à l’occasion de l’exécution du contrat.
S’agissant de la restitution des documents par l’ancien franchisé lors de la cessation des
relations contractuelles, se pose, en effet, la question de la restitution des fichiers de
clientèle. L’ex-franchisé est-il tenu de restituer ces fichiers au franchiseur à l’issue du
contrat ? Une réponse positive s’impose. Le fichier de la clientèle s’attache à la
marque. Par conséquent, le franchisé doit le restituer au franchiseur à l’expiration du
contrat de franchise1162
. Il n’en va autrement qu’en présence d’une clause contractuelle
contraire.
1158
CA Bordeaux 6 septembre 2000, Juris-Data n° 2000-122436. 1159
En ce sens, Ph. Le TOURNEAU, obs sous CA Paris 16 novembre et 18 décembre 1978, et 10 janvier
1980, RJ. Com. 1980, p.18 : « Le bon sens, qui est une facette de la bonne foi,commande toutefois de reconnaître une espèce de délai de grâce au concessionnaire consistant à lui laisser le temps matériel d’enlever le panonceau du concédant ». 1160
Sur la question de l’écoulement des stocks, v. Infra n° 370 et s. 1161
M.-E. ANDRE, M.-P. DUMONT, et Ph. GRIGNON, L’après-contrat, Edition, Francis Lefebvre,
2005, n° 220, p.184. 1162
V. J.-M. LELOUP, La franchise, Droit et pratique, 4e édition, Delmas, 2004, n°2108, p. 341.
355
C’est ainsi qu’il a été jugé dans un arrêt du 19 mars 2003 rendu par la Cour d’appel
de Paris1163
. En l’espèce, un franchiseur s’est engagé, à l’issue du contrat de franchise, à
ne pas exploiter le fichier des clients constitué par le franchisé. Or, le franchiseur n’a
pas respecté son engagement en adressant aux clients de l’ancien franchisé l’adresse des
points de vente où ils pouvaient désormais trouver les produits du franchiseur. Le
franchisé l’a assigné devant les juges pour méconnaissance de son engagement. Pour
échapper à toute responsabilité, le franchiseur faisait valoir qu’il s’était borné à utiliser
son fichier national dans lequel figuraient évidemment les adresses des clients du
franchisé. Les juges ont réfuté cette argumentation et considéré que le franchiseur devait
respecter l’exclusivité qu’il avait reconnue au franchisé sur son fichier. En effet, les
juges ont laissé entendre que si le franchiseur avait constitué un fichier grâce à des
ventes directes ou n’avait pas aliéné sa liberté d’exploiter le fichier des clients du
franchisé, aucun grief n’aurait pu lui être adressé.
A vrai dire, tout fichier de clientèle, pendant comme après le contrat, doit
appartenir au franchisé. C’est lui qui l’avait constitué loyalement, et donc, il doit rester
sa propriété. Il n’en va autrement qu’en présence d’une clause contraire prévoyant
l’obligation pour le franchisé, une fois le contrat rompu, de restituer au franchiseur les
fichiers de la clientèle1164
.
349 .Restitution du matériel. Afin d’assurer la réitération de la réussite du franchiseur,
celui-ci met généralement à la disposition du franchisé, à titre de dépôt ou de prêt à
usage, divers matériels, tels que le matériel de présentation, le matériel informatique, le
matériel de stockage, le matériel publicitaire1165
. Tous ces matériels doivent être
restitués une fois que le contrat de franchise a pris fin. C’est une obligation incombant à
l’ancien franchisé dont le non-respect engage sa responsabilité. L’obligation de
restitution permet au franchiseur de revendiquer la propriété des moyens mis à
disposition du franchisé à la fin de l’exploitation de la franchise. Comme le relève un
auteur la restitution assure la réintégration d’un bien dans son patrimoine d’origine1166
.
1163
CA Versailles, 19 mars 2003, D. 2003, somme, 2428, obs. D. FERRIER. 1164
En ce sens, J.-M. LELOUP, op.cit. 1165
Ex. Cass. com., .9 février. 1993, JCP E 1994, II, note. DANGLEHANT. 1166
M. MALAURIE, Les restitutions en droit civil, th., Cujas, 1991, préface G. Cornu p.16.
356
350. Restitution en valeur en cas de restitution en nature coûteuse. Généralement,
lorsque les relations vont se dérouler sur une période de longue durée, leur organisation
est gérée par des contrats cadre allant fixer les modalités de la succession des
engagements. Tel est le cas en matière de franchise. La relation contractuelle est en effet
organisée par un contrat cadre1167
. Ce contrat cadre définit une fois pour toutes les
modalités de conclusion de nombreux contrats à venir tel que le contrat de licence de
marque, le contrat de licence de savoir-faire, le contrat de vente, et enfin le contrat de
prêt-à-usage. Ainsi, il arrive souvent, surtout en matière de franchise industrielle, que
certain matériel soit mis à la disposition du franchisé à titre de prêt. Ce matériel doit
alors être restitué dès lors que le contrat de franchise s’éteint1168
. A l’expiration du
contrat, le franchisé a l’obligation de restituer tout le matériel de fabrication qui lui a été
prêté à usage par le franchiseur en vue de l’application du système de la franchise. Cette
restitution doit en principe se faire en nature. Les mêmes matériels spécifiques à la
production remis au franchisé lors de la conclusion du contrat doivent être restitués. Le
franchiseur est en droit d’exiger la restitution à l’identique et de refuser toute offre de
restitution en valeur faite par le franchisé. En cas d’éventuel refus, le franchiseur peut
même réclamer la restitution en nature par une action de revendication en justice.
En effet, une telle solution peut être avantageuse pour le franchiseur. Elle peut
avoir pour effet d’éviter que son matériel soit utilisé par le franchisé après le contrat ou
par un autre concurrent l’intégrant dans son réseau. D’ailleurs, elle lui permet de ne pas
supporter la dépréciation de la chose. Néanmoins, elle n’est pas absolue. En effet, le
franchisé peut, dans certaines circonstances, ne pas être tenu d’une restitution en nature
du matériel qu’il a emprunté au franchiseur et offrir seulement à ce dernier une
restitution par équivalent. Il en est ainsi lorsque la restitution en nature du matériel
s’avère particulièrement onéreuse pour lui et sans grand intérêt pour le franchiseur.
1167
J. GASTI, Le contrat-cadre, LGDJ, 1996, préface M. Behar-Touchais, n° 92,p. 63 et s ; J. HUET, Les
principaux contrats spéciaux, LGDJ, 2e édition, 2001, n°11178 ; A. BENABENT, Les contrats spéciaux
civils et commerciaux, 7e édition, Montchrestien, 2006, n°255, p.190 ; Ph. MALAURIE, L. AYNES, P-
Y. GAUTIER, Les contrats spéciaux, 2e édition, 2005, n° 838, p.473, et s.
1168 M.-E. ANDRE, M.-P. DUMONT, et Ph. GRIGNON, L’après contrat, Ed., Francis Lefebvre, 2005, n°
216, p.182. V. aussi, J. RAYNARD, Les restitutions dans les contrats de distribution, in La cessation des
relations contractuelles d’affaires, PUAM, 1997, p.179, et spéc., p. 183 et s.
357
Cette solution peut être déduite de la jurisprudence rendue en matière de restitution
en nature des cuves de stockage. Dans ce domaine, la jurisprudence était, longtemps,
hostile à l’annulation des clauses de restitution en nature des cuves de stockage que les
sociétés pétrolières imposaient souvent aux pompistes. La Cour de cassation refusait
constamment toute possibilité de restitution en valeur des cuves qui lui ont été prêtées à
usage par la société pétrolière sous prétexte que l’extraction leur posait des difficultés et
les exposait à des travaux considérablement coûteux nettement supérieurs à leur valeur
résiduelle1169
. Une telle solution n’est pas celle du Conseil de la concurrence qui a jugé
illicite, au regard du droit de la concurrence, les clauses de restitution en nature des
cuves en raison de son effet restrictif du jeu de la concurrence entre compagnies
pétrolières1170
. Cette décision du Conseil de la concurrence, jointe à de nombreuses
critiques doctrinales, n’a pas été sans effets sur la jurisprudence. La Cour de cassation a
opéré un revirement en admettant la nullité de la clause imposant au distributeur, en fin
de contrat, la restitution en nature1171
.
351. En résumé. A la fin du contrat, le franchisé s’engage vis-à-vis du franchiseur à
restituer tout le matériel et les documents étant mis à sa disposition à l’occasion de
l’exécution du contrat de franchise. Il ne doit rien conserver du pouvoir attractif du
réseau auquel il a cessé d’appartenir, sinon sa responsabilité sera engagée pour
concurrence déloyale en cas d’utilisation.
1169
Cass. com., 25 octobre 1983, pourvoi n° 82-10. 796 ; Cass. com., 22 janvier 1985, pourvoi n° 83-
10.793 ; Cass. com., 22 juillet 1986, pourvoi n° 85-13. 340 ; Cass. com., 10 février 1987, pourvoi n° 85-
14.458. 1170
Cons. con., 29 septembre 1987, cité par PEROCHON, L’adieu aux cuves :à propos de la décision du
Conseil de la concurrence du 29 sept. 1987, Cah. dr. entr. 1987, n°6, p.10. 1171
Cass. com., 8 juin 1993, pourvoi n°88-17. 989 ; Cass. com., 26 mai 1992, pourvoi n° 90 -13. 499 ;
Cass. com. 18 février 1992, D. 1992, p. 395, obs. D. FERRIER : « L’obligation de restitution en nature du matériel impose des travaux coûteux aux revendeurs de carburant, non justifiés par des nécessités techniques en raison de la durée de vie des cuves, et qu’elle est de nature à le dissuader à traiter avec un autre fournisseur ; qu’elle est ainsi disproportionnée avec la fonction qui lui est fixée de faire respecter l’exclusivité d’achat du carburant et constitue un frein à la concurrence d’autres fournisseurs ».
358
§ 2. Sanctions de la méconnaissance de l’obligation de restitution
352. Concurrence déloyale. Action en contrefaçon. Tout franchisé doit, une fois que
le contrat a pris fin, cesser d’utiliser tout élément du pouvoir attractif du réseau auquel il
a cessé d’appartenir. Il doit s’abstenir de tout acte de nature à entraîner ou à créer une
confusion entre son activité et le réseau de franchise.
S’il continue à utiliser l’un des moyens du réseau de franchise auquel il
appartenait, il crée un trouble manifestement illicite pour le franchiseur engageant, par
conséquent, sa responsabilité sur le fondement de la concurrence déloyale et de la
contrefaçon. C’est ainsi que, dans un arrêt du 22 mars 2007, la Cour d’appel de Lyon a
condamné un ancien franchisé à des dommages et intérêts sur le fondement de la
concurrence déloyale, au motif qu’il a poursuivi l’utilisation des signes distinctifs du
franchiseur ainsi que de son numéro de téléphone figurant sur l’enseigne de celui-ci1172
.
De même, dans un arrêt 18 mai 2006, un franchisé a été condamné à payer des
dommages et intérêts à l’ancien franchiseur, au motif qu’il s’était rendu coupable de
contrefaçon de la marque de ce dernier1173
. Dans cet arrêt, l’ancien franchisé a, après la
cessation du contrat de franchise, continué à faire usage de la marque du franchiseur.
Cet usage contrefaisant s’est manifesté par la présence d’un autocollant reproduisant la
marque de l’ancien franchiseur en bas de la vitrine et par le maintien, pendant deux ans,
de l’enseigne sous le nom de l’ex-franchiseur dans l’annuaire téléphonique.
A ces deux arrêts, un troisième, du 6 septembre 2000, peut être ajouté où les juges
du fond ont condamné un ancien franchisé à des dommages et intérêts, sur le fondement
de la concurrence déloyale, pour détournement de la clientèle après la cessation du
contrat1174
.
1172
CA Lyon, 22 mars 2007, Juris-Data n° 2007-332144. 1173
CA Aix-en-Provence, 18 mai 2006, Juris-Data, n° 2006-305117. 1174
CA Bordeaux, 6 septembre 2000, Juris-Data, n° 2006-122436.
359
En l’espèce, un ancien franchisé, dans le secteur de la location de véhicules
automobiles, a continué à utiliser le numéro de téléphone de son agence de location
après la cessation du contrat de franchise en détournant ainsi la clientèle du franchisé
remplaçant puis l’a cédé à un franchisé exploitant une marque concurrente. Les juges du
fond ont considéré que le fait pour le franchisé d’avoir demandé la mise sur liste rouge
du numéro de téléphone était indifférente puisque trop tardive et que les clients avaient
déjà appelé ce numéro en croyant s’adresser à l’ancien franchisé. Le préjudice, dans cet
arrêt, a été évalué sur la base de 10% du chiffre d’affaires du franchisé victime.
Toutefois, il est à noter que la charge de la preuve de l’utilisation des signes
distinctifs de réseau de franchise par l’ancien franchisé incombe au franchiseur. Ce
dernier doit, pour pouvoir mettre en jeu la responsabilité de l’ancien franchisé sur le
fondement de la concurrence déloyale ou de la contrefaçon, rapporter la preuve de ce
que celui-ci n’a pas cessé d’utiliser les éléments du pouvoir attractif du réseau de
franchise après la rupture du contrat de franchise. A défaut de cette preuve, sa demande
sera rejetée par les juges. C’est ainsi que, dans un arrêt du 13 février 2003, la Cour de
Lyon a débouté un franchiseur de sa demande visant à condamner l’ancien franchisé à
des dommages et intérêts pour concurrence déloyale, au motif que la preuve n’était pas
rapportée que l’ancien franchisé, après la résiliation du contrat de franchise, aurait
manqué à l’obligation d’enlever tout signe d’appartenance au réseau du franchiseur1175
.
Dans cet arrêt, les juges du fond ont considéré qu’un constat d’huissier, dressé à la
demande du franchisé, relève que les éléments du salon de coiffure portent une nouvelle
marque qui a remplacé celle du franchiseur et qu’il ne mentionne rien sur le mobilier
spécifique au réseau du franchiseur. Il appartient donc à ce dernier d’établir que le
franchisé continue à utiliser les agencements spécifiques de son réseau.
1175
CA Lyon, 13 février 2003, Juris-Data n°2003-218257.
360
353. Juge des référés. Il est important de souligner que le juge de référés est compétent
pour mettre fin le plus vite possible à toute utilisation illicite des éléments du réseau,
utilisation qui peut porter atteinte à son image. Il peut être sollicité pour prononcer une
astreinte journalière afin de parvenir au plutôt au retrait de tout signe distinctif du
réseau. Il peut en outre désigner un auxiliaire de justice chargé de veiller à la restitution
par le franchisé des documents et au retrait de toute mention ou inscription portant la
marque du franchiseur1176
.
354. Conclusion de la section II. Le contrat de franchise -comme d’autres contrats de
distribution- met à la disposition du franchisé des éléments divers et variés comme des
signes distinctifs -signes, marque, éléments d’aménagement et décoration- et des
documents, des moyens publicitaires, du matériel, enfin une enseigne…etc. Tous ces
éléments doivent être restitués par le franchisé lorsque le contrat de franchise cesse
d’exister. A la fin du contrat, le franchisé ne doit rien conserver du pouvoir attractif du
réseau auquel il a cessé d’appartenir. Il doit cesser d’utiliser la marque, l’enseigne, tous
les éléments et le matériel de l’ancien franchiseur, sinon il s’expose à engager sa
responsabilité sur le fondement de la concurrence déloyale ou la contrefaçon.
355. Conclusion du chapitre I. Le franchisé doit cesser d’utiliser les signes distinctifs
appartenant au franchiseur une fois le contrat éteint. Il doit restituer tous ce que le
franchiseur a mis à sa disposition pour l’exploitation de la franchise. Par ailleurs, le
franchisé est tenu de ne pas porter atteinte au réseau après le contrat. Si le contrat
contient une clause de non-concurrence ou de non-affiliation, il doit respecter, sous
peine d’engager sa responsabilité et d’être condamné à des dommages et intérêts pour le
préjudice que le franchiseur a subi. Reste maintenant à aborder les obligations
incombant à la charge du franchiseur.
1176
V. CA Colmar, 6 décembre 1977, Cah. .dr.ent.1987 / 4, D. FERRIER.
361
CHAPITRE II – OBLIGATIONS INCOMBANT AU FRANCHISEUR
356. Présentation générale et plan. Afin de réduire leur préjudice résultant de la
cessation de leur contrat, les franchisés tentent souvent d’obtenir du franchiseur une
indemnité destinée à compenser la perte de la clientèle créée ou développée au cours de
l’exécution du contrat (Section I). Outre l’obtention d’une indemnité de clientèle en fin
de contrat, les franchisés tentent aussi d’obtenir de leur franchiseur la reprise des stocks
de produits invendus restant entre leurs mains lors de la cessation des relations
contractuelles (Section II). Cependant, leurs tentatives se sont heurtées à un refus ferme
de la jurisprudence. Contrairement à certains droits étrangers, le droit français refuse de
reconnaître aux franchisés un droit à une indemnité de clientèle, à l’instar de l’agent
commercial, ou de contraindre le franchiseur à reprendre les stocks non encore vendus
restant entre leurs mains lors de la cessation des relations contractuelles, en l’absence
d’une clause contractuelle contraire ou d’un texte législatif.
362
SECTION I - L’INDEMNITE DE CLIENTELE
357. Problématique. Lors de la cessation de leur relation contractuelle, et sauf
manquement de sa part entraînant cette cessation, l’agent commercial reçoit une
indemnité qui compense la perte de la clientèle qu’ils subissent du fait de la cessation de
leur contrat conformément à l’article L. 134-12, alinéa 1er
du Code de commerce. Les
franchisés -comme d’ailleurs leurs homologues concessionnaires- regardent toujours
avec envie une telle indemnité, indemnité dont l’obtention permettrait sans doute de
restreindre leur préjudice et d’assurer plus rapidement leur reconversion. Toutefois, et
faute d’un texte législatif leur reconnaissant une telle indemnité, le droit français leur
refuse une indemnité de clientèle à la fin de leur contrat (§ 1.). Une pareille solution,
défavorable aux franchisés, n’est pas celle que retiennent de nombreux droits étrangers
qui leur reconnaissent, au contraire, un droit à une indemnité de clientèle à la fin du
contrat de la même manière que l’agent commercial et le VRP (§ 2.).
363
§ 1. L’absence d’une indemnité de clientèle en droit français
358. Doctrine favorable et jurisprudence hostile. Divers arguments doctrinaux ont été
invoqués en vue de reconnaître aux franchisés un droit à une indemnité pour la perte de
la clientèle que la cessation du contrat leur cause (A). Or, la jurisprudence se montre
toujours sourde à ces arguments et refuse de leur reconnaître une telle indemnité en
l’absence d’un texte législatif (B).
A. Arguments doctrinaux favorables à l’attribution d’une indemnité de clientèle
aux franchises.
359. Thèses invoquées. Afin de faire admettre judiciairement le versement d’une
indemnité de clientèle aux profits des franchisés, la doctrine invoque tantôt la thèse de
l’existence d’une perte de clientèle que subit le franchisé du fait de la cessation du
contrat de franchise (1), tantôt la thèse de la rémunération du franchisé pour sa
participation au développement et à l’animation du réseau (2).
1. La perte de clientèle
360. Le transfert de la clientèle. Pour justifier la reconnaissance d’un droit à une
indemnité de clientèle comparable à celle de l’agent commercial1177
, certains auteurs ont
avancé l’idée que l’exclusion du franchisé du réseau prive le franchisé de la clientèle
qu’il a développée ou, parfois, créée. Celle-ci se détournera soit vers le fonds du
nouveau franchisé, soit directement vers le franchiseur. D’où le franchisé -comme le
concessionnaire- peut avoir droit à une indemnité pour la perte de la clientèle que
l’exclusion du réseau lui a causée.
1177
L’article L. 134-12, alinéa 1er
du Code de commerce prévoit qu’ « en cas de cessation de ses relations
avec le mandant, l’agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice ».
364
Tel est le cas du Professeur J. Guyenot qui observait, à propos des contrats de
concession, que « le retrait de la concession exclusive prive presque toujours
l’entreprise concessionnaire de la clientèle attachée au produit et à la marque, clientèle
qui désertera son fonds pour se porter vers celui qui pourra l’approvisionner. Le
concessionnaire évincé du réseau ayant dès lors conscience d’avoir crée ou développé
la clientèle au profit du concédant, se considère spolié si une juste indemnité ne lui est
pas accordée pour compenser la perte de clientèle qu’il subit »1178. Il a étendu le même
raisonnement, que certains n’ont pas hésité à critiquer1179
, au contrat de franchise. M. J.
Guyenot écrivait que « l’ouverture de la franchise a pour effet d’amener en un lieu
d’exploitation d’une marque une clientèle préexistante, tandis que le retrait opère
transfert de ladite clientèle au profit du nouveau lieu d’exploitation de la marque dans
le secteur concédé. Dans ces conditions, le franchisé ne peut pas être réputé titulaire
d’un fonds de commerce, en l’absence d’une clientèle propre »1180.
361. Analyse discutable. Une telle analyse n’emporte pas la conviction. Si une partie
de la clientèle suit le franchiseur après la cessation du contrat parce qu’elle est attachée
à sa marque, l’autre reste attachée au franchisé, ne serait-ce qu’en raison de ses qualités
personnelles et parfois de son agencement. Il y a en effet une coexistence de clientèle
dans le contrat de franchise : une partie de la clientèle appartient au franchiseur et
l’autre appartient au franchisé. La jurisprudence dominante1181
et la quasi-totalité des
auteurs partagent cette opinion1182
.
1178
J. GUYENOT, Concession commerciale, Encycl. Dalloz, n° 183 cité par D. FERRIER, La rupture du
contrat de franchisage, JCP CI 1977, I, 12441, p.269, et spéc., n°24 et s. 1179
V. A. SAYAG, note sous Cass.com., 13 mai 1970, JCP G 19 71, II, 16819. 1180
J. GUYENOT, Licensing et franchising, Gaz. Pal. 1976, 1, doctr., p.155, n°24 . 1181
Cass. civ 3e,
, 27 mars 2002, D. 2002, 2400, note. H. KENFACK ; JCP G 2002, II, 10112, F.
AUQUE ; Dr.et patri.. 2002, n°106, p.99, obs. P. CHAUVEL ; JCP E 2002, p.29, note. J.-L. RESPAUD;
Rev. Loyers, juin 2002, n°828, p. 314, note. G. AZEMA ; D. 2002, Act-juris, p.1487, note. E.
CHEVRIER ; LAP, 3 février 2003, n° 25, p.3, note. Y. MAROT. V. plus récemment, CA Paris, 12
janvier 2005, LPA, 8 décembre 2005, n°244, p.9. Y. MAROT. 1182
D. FERRIER, « L’appartenance de la clientèle », Cah.dr.ent.1983/1, p.21 ; du même auteur, La
rupture du contrat de franchisage, JCP CI 1977, I, 12441, p.269, et spéc., n°28 ; J. - J.BURST,
« L’appartenance de la clientèle », Cah. dr. ent.1983/1, p.22. J. THREARD et Ch. BOURGEON,
« Dépendance économique et droit de la concurrence (réflexion sur l’art.8 de l’Ordonnance du 1er
décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence), Cah.dr.ent.1987/2, p.20, et spéc., n°8,
p.21 ; H. BENSOUSSAN, Le droit de la franchise, Apogée 1999, p, 233 et s ; J. BEAUCHARD, Droit de
la distribution et de la consommation, PUF, 1996, p.191 ; D. BASCHET, La franchise, Guide juridique-
conseils pratique, Gualino, 2005, n° 497, p.310 et s ; Ph. Le TOURNEAU, Les contrats de franchisage,
Litec, 2e édition, 2007, n° 327, p.150 et s.
365
D’ailleurs, la thèse de l’existence d’une perte de clientèle manque de cohérence.
Les partisans de cette thèse estiment que la rupture du contrat de franchise prive le
franchisé de la clientèle attachée à la marque ou au produit du franchiseur. Or, si l’on
admettait cette analyse, pourquoi indemniser le franchisé, lors de la cessation du contrat,
de la perte de la clientèle que cette cessation lui cause comme ils le prétendaient ? La
clientèle ne lui appartient pas à l’origine. Elle appartient au franchiseur. Elle est attachée
à lui et à sa marque.
En fait, c’est de deux choses l’une. Ou bien on admet que le franchisé ne dispose
pas d’une clientèle qui lui est propre, et dans ce cas, il ne peut prétendre à avoir droit à
une indemnité de clientèle à la fin du contrat car cette clientèle ne lui appartient pas à
l’origine. Ou bien on admet qu’il a, au moins pour partie, une clientèle propre. Alors,
aucune indemnité ne peut lui être versée car il conserve cette clientèle et continue d’en
profiter après la rupture du contrat de franchise. Comme le relève le Professeur D.
Ferrier « si la clientèle n’est attirée que par la marque ou le produit, elle n’appartient
donc qu’au franchiseur et on se demande au titre de quelle perte il conviendra
d’indemniser le franchisé à l’expiration du contrat grâce auquel ce dernier a pu
profiter de ce qui appartient à son cocontractant »1183. Toutefois, il faut noter que si la
thèse de l’existence d’une perte clientèle n’emporte pas la conviction pour la majorité
des auteurs, elle n’est pas la seule ayant été invoquée pour faire admettre judiciairement
le versement d’une indemnité de clientèle aux franchisés. Il y a aussi la thèse de la
rémunération de la participation du franchisé au développement de l’activité du
franchiseur.
2. La rémunération de la participation du franchisé au développement de l’activité
du franchiseur
362. Justice distributive. Outre la thèse de la perte de la clientèle, la thèse de la
rémunération du franchisé pour sa participation au développement et à l’animation de
l’activité du franchiseur a été invoquée afin de justifier la reconnaissance, au franchisé,
d’un droit à une indemnité de clientèle en fin de contrat.
1183
D. FERRIER, La rupture du contrat de franchisage, JCP CI 1977, I, 12441, p.269, et spéc., n°25,
p.274.
366
En effet, certains auteurs estiment qu’à l’instar de l’agent commercial, le franchisé
déploie des efforts et à recours à diverses actions pour faire connaître aux
consommateurs la marque, le produit ou le service du franchiseur afin de les fidéliser ou
de les rattacher au réseau du franchiseur. Selon eux, une telle participation au
développement et à l’animation de l’activité du franchiseur de la part du franchisé
justifie l’octroi d’une indemnité de clientèle à son profit en fin du contrat. Cette
indemnité rémunère le franchisé de la clientèle qu’il a apportée en nombre et valeur au
franchiseur. Telle semble être, a priori, l’opinion de M. G. Virassamy1184
. Selon cet
auteur, le franchisé ou le concessionnaire, lié par un contrat de dépendance, participe à
l’animation et au développement de l’activité du franchiseur ou du concédant. Il se met
entièrement au service de celui-ci qui n’hésite pas, le plus souvent, à en faire un élément
de son entreprise en lui imposant sa propre politique d’ensemble. De là, il paraît normal
qu’à la cessation des relations contractuelles, il puisse avoir une indemnité de fin de
contrat1185
.
Dans le même sens, M. F.-X. Licari plaide pour une application de l’article L. 134-
12 du Code de commerce prévoyant une indemnité au profit de l’agent commercial lors
de la cessation du contrat1186
. Cet auteur estime que l’indemnité attribuée à l’agent
commercial, prévue par cet article, a pour fonction, à la fois, de récompenser l’agent
commercial de ses efforts déployés pour le développement et l’animation de l’activité
du mandant et compenser le déséquilibre économique existant au cours de la relation.
Ainsi, l’article 134-12 du Code de commerce répond à deux finalités : une finalité
protectrice et une finalité de justice distributive. Selon l’auteur, cette double finalité
coïncide parfaitement avec la situation du franchisé dont l’intégration au réseau du
franchiseur est plus étroite encore que celle de l’agent commercial. Il observe que
« l’agent commercial comme le concessionnaire ou le franchisé développent un travail
de conquête du marché dont une partie non négligeable du résultat bénéficie au maître
du réseau au-delà de ce que dure la relation de distribution.
1184
G. VIRASSAMY, Les contrats de dépendance, LGDJ, 1986, préface J. Ghestin, n° 304, p.246. 1185
Ibid. 1186
F.-X. LICARI, La protection du distributeur intégré en droit français et allemand, Bibliothèque de
droit de l’entreprise, Litec, 2002, préface C. Witz, p. 563, et s. Plus récemment, F.-X. LICARI, «
L’application par analogie du droit de l’agence commerciale, fondement possible de la reconnaissance
d’une indemnité de fin de contrat au concessionnaire et au franchisé », RLDA. 2007, n°13, p.93.
367
Puisque concessionnaires et franchisés fournissent un travail et des
investissements supérieurs à ceux mis en œuvre par les agents commerciaux, on doit
reconnaître que l’appréciation incorporée dans l’art. L. 134-12 C.com est valable a
fortiori pour le cas non réglé par la loi »1187.
Il en va de même pour. J. Beauchard qui plaide en faveur d’une intervention
législateur pour reconnaître aux franchisés comme aux concessionnaires une indemnité
à la fin de leur contrat de la même manière que l’agent commercial et le VRP lors de la
cessation du contrat1188
. Pour justifier l’octroi d’une telle indemnité au profit des
franchisés et des concessionnaires, outre l’idée de la contribution de ceux–ci dans le
développement de la clientèle du franchiseur ou du franchisé, J. Beauchard a évoqué les
conséquences économiques graves qu’ils subissaient du fait de la rupture du contrat.
Selon lui, si «le contrat est rompu ou n’est pas renouvelé à son terme, il est rare que le
franchisé ou le concessionnaire puisse se reconvertir facilement ou même survivre
économiquement. Le concessionnaire qui perd sa concession ne peut céder un fonds de
commerce, puisque le fonds n’a pratiquement aucune valeur sans le contrat. La
reconversion même de ses locaux n’est pas toujours facile et ne se fait jamais sans
nouveaux investissements. Le franchisé qui perd son contrat, ne peut lui non plus céder
son fonds de commerce. Et, en général, il ne peut même pas céder son droit au bail
puisque celui-ci, dans la plupart des cas, ne peut l’être qu’à un successeur dans le
fonds. Sans compter que le contrat comporte fréquemment une clause de non-
concurrence »1189
. Face à ces circonstances, le franchisé ou le concessionnaire se trouve
dans la contrainte de déposer le bilan et l’entreprise ne tarde pas à être liquidée1190
.
1187
F.-X. LICARI, th., précitée, p.656. 1188
J. BEAUCHARD, La nécessaire protection du concessionnaire et du franchisé à la fin du contrat, in
Libre droit, Mélanges. Ph. Le TOURNEAU, Dalloz, 2008, p. 37, et spéc., p.48 : « On dit que le mandataire contribue par son travail à créer une clientèle au profit du mandant et que, par la rupture du contrat, le mandant prive en quelque sorte le mandant du fruit de son travail (sauf à observer que, pendant toute la durée du mandant, il a perçu des commissions qui rémunéraient son travail précisément et que sa reconversion est souvent plus facile que celle du concessionnaire ou du franchisé). Mais précisément, ces considérations se retrouvent a fortiori dans les contrats de concession et de franchise ». 1189
Ibid. 1190
Ibid.
368
De là, il ne paraît pas admissible, non seulement sur le plan d’équité mais aussi sur
le plan économique, que le franchiseur ou le concessionnaire se débarrasse, si
facilement et sans indemnité, du franchisé ou du concessionnaire « lorsqu’il n’a pas
démérité ou nui par son incompétence à l’intérêt commun. Et l’on trouve là, à notre
sens, un fondement qui peut être suffisant pour justifier une indemnité de rupture, sauf
faute suffisamment grave [du franchisé ou du concessionnaire] justifiant une résiliation
sans indemnité »1191
.
Voici donc une indemnité qui puise sa justification dans le développement d’une
clientèle commune, indemnité dont l’obtention n’est subordonnée qu’à la preuve que le
franchisé a apporté une clientèle qu’il a augmentée en nombre et en valeur. Cette thèse
paraît séduisante. L’octroi d’une indemnité de clientèle au franchisé comme une sorte
de rémunération de sa participation au développement de l’activité est pleinement
justifiée, notamment dans l’hypothèse où le franchisé a pu réussir à introduire le produit
et le service du franchiseur pour la première fois sur le marché. Pour autant, la
jurisprudence demeure toujours hostile à reconnaître au franchisé un droit à une
indemnité de clientèle à la fin du contrat.
B. Hostilité jurisprudentielle
363. Rejet et son fondement. Malgré la faveur d’une partie de la doctrine à l’octroi
d’une indemnité de clientèle aux franchisés comme aux concessionnaires à la fin du
contrat, la jurisprudence y paraît réticente. Elle refuse fermement de reconnaître au
concessionnaire, et, par analogie, au franchisé, un droit à une indemnité de clientèle à
l’instar de l’agent commercial (1), au motif que, contrairement à ce dernier qui est un
mandataire, le franchisé et le concessionnaire ont la qualité de commerçant indépendant
du franchisé (2).
1191
Ibid.
369
1. Le rejet de la jurisprudence
364. Application par analogie. Les concessionnaires prétendent souvent avoir droit à
une indemnité de clientèle à la fin du contrat comparable à celle que reçoit l’agent
commercial ou le VRP en fin de contrat1192
.
Toutefois, la jurisprudence refuse de leur reconnaître un droit à une telle
indemnité. Elle considère qu’à défaut d’un texte législatif et hormis l’hypothèse où le
contrat de franchise prévoit que le concessionnaire aura droit à une indemnité de
clientèle à la fin du contrat, ce dernier ne saurait obtenir une telle indemnité lors de la
cessation des relations contractuelles1193
. En matière de contrats de franchise, aucun
arrêt publié -à notre connaissance au moins jusqu’à l’heure actuelle- ne s’est prononcé
directement sur la question. La totalité des arrêts que nous avons pu examiner portant
sur la question de l’indemnité de clientèle sont relatifs à ceux des contrats de
concession1194
. Pour autant, il ne fait aucun doute que la solution rendue en matière de
contrats de concession est applicable en matière de contrats de franchise. Ce qui est
dénié aux concessionnaires, le sera aussi aux franchisés1195
. Cela s’explique en raison de
l’identité de la qualité de commerçant indépendant du concessionnaire et du franchisé,
identité qui permet d’appliquer un régime identique1196
. C’est sur cette qualité que se
fonde la jurisprudence pour refuser d’octroyer une indemnité de clientèle aux franchisés
comme aux concessionnaires.
1192
V. Ph. GRIGNON, Le fondement de l’indemnité de fin de contrat des intermédiaires du commerce,
Bibliothèque de droit de l’entreprise, Litec, 2000, préface D. Ferrier et J.-M. Mousseron, 2000, 256,
p.239, et la jurisprudence citée. 1193
Cass. com., 9 mars 1976, Bull. civ. IV., n° 90. Dans cet arrêt, les juges ont considéré qu’en l’absence
de stipulation contraire, le contrat de concession exclusive de vente conclu à durée indéterminée peut être
résilié par le concédant, sans que celui-ci ne soit tenu de payer aucune indemnité. 1194
V. Ph. GRIGNON, Le fondement de l’indemnité de fin de contrat des intermédiaires du commerce,
Bibliothèque de droit de l’entreprise, Litec, 2000, préface D. Ferrier et J.-M. Mousseron, 2000, 256,
p.239, et la jurisprudence citée. 1195
F.-X. LICARI, La protection du distributeur intégré en droit français et allemand, Bibliothèque de
droit de l’entreprise, Litec, 2002, préface C. Witz, p. 563 et s. V. aussi, D. FERRIER, La rupture du
contrat de franchisage, JCP CI 1977, I, 12441, p.269, et spéc., n°24. 1196
J.-L. BERGEL, Différence de nature (égale) différence de régime, RTD civ. 1984, p.255, et spéc., n°
3, p.258 : « ( …) que toute identité de nature implique une identité de régime et que toute différence de nature implique une différence de régime ».
370
2. Fondement du rejet
365. La qualité de commerçant indépendant. Le rejet de la part de la jurisprudence de
reconnaître aux concessionnaires, et par analogie aux franchisés, un droit à une
indemnité de clientèle lors de la cessation des relations contractuelles en l’absence d’un
texte législatif ou d’une clause contractuelle contraire stipulée expressément dans le
contrat s’explique par la qualité de commerçant indépendant du franchisé ou du
concessionnaire1197
. Celle-ci s’oppose à l’octroi d’une indemnité de clientèle au
franchisé ou au concessionnaire en fin de contrat comparable à celle de l’agent
commercial1198
.En effet, en raison de son indépendance juridique, le franchisé est censé
avoir une clientèle qui lui est propre et personnellement attachée, ne serait-ce qu’en
raison de ses qualités personnelles et de son emplacement ou de son agencement1199
.
1197
Ph. Le TOURNEAU, Les contrats de franchisage, Litec, 2e édition, 2007, n° 327, p.150 et s ; D.
FERRIER, La rupture du contrat de franchisage, JCP CI 1977, I, 12441, p.269, et spéc., n°24 et s ; du
même auteur, « L’appartenance de la clientèle », Cah.dr.ent.1983/1, p.21 ; A. ROLLAND, La situation
juridique des concessionnaires et des franchises membres d’un réseau commercial, th., Renne, 1976, n°
230, p. 161 et s ;F.-X. LICARI, La protection du distributeur intégré en droit français et allemand, th.,
Bibliothèque de droit de l’entreprise, Litec, 2002, p.557 et s ; Ph. GRIGNON, Le fondement de
l’indemnité de fin de contrat des intermédiaires du commerce, Bibliothèque de droit de l’entreprise, Litec,
2000, préface D. Ferrier et J.-M. Mousseron, 2000, 256, p.239, et s ; N. DISSAUX, La qualification
d’intermédiaire dans les relations contractuelles, LGDJ, 2007, préface Ch. Jamin, n° 680, p. 315 et s ; J.-
M. DE BERMOND DE VAULX, Les problèmes juridiques posés par l’expiration des contrats de
concession exclusive, JCP CI 1984, I, 14246, n° 21 ; C. CHAMPAUD, La concession commercial, RTD
com. 1963, p.451, et spéc., n°33, p.477 ; P. PIGASSOU, La distribution intégrée, RTD com. 1980, p.473,
et spéc., n° 40, p.504 et s. 1198
C. CHAMPAUD, La concession commerciale, RTD com. 1963, p.451, et spéc., n°33, p.477 : « Les
agents commerciaux « prospectent » et constituent une clientèle en qualité de mandataires, pour le compte de leur mandant ; les V.R.P. le font en qualité de préposés salariés pour le compte de leur employeur. En cas de non-renouvellement ou de rupture de leur contrat, ils sont sans droit sur les clients et doivent s’abstenir d’entretenir avec eux des relations d’affaires. C’est en fonction de leur participation à la constitution de la clientèle de leur mandant ou de leur employeur et de leur absence de droit sur le fruit de leur travail que le législateur leur a reconnu l’indemnité dite de clientèle. La situation juridique du concessionnaire est juridiquement tout autre. La clientèle qu’il constitue lui appartient en même temps qu’au concédant. Elle est un élément du fonds de commerce qu’il possède. Sans s’exposer à aucune action judiciaire il peut, après l’expiration de la concession, proposer à ses clients et leur vanter les mérites supérieurs des produits concurrents de ceux qu’il achetait pour les revendre en vertu du contrat expiré ». 1199
D. FERRIER, L’appartenance de la clientèle, Cah.dr.ent.1983/1, p.21 ; D. FERRIER, La rupture du
contrat de franchisage, JCP CI 1977, I, 12441, p.269, et spéc., n°28 : « On admettra la coexistence, parmi les clients de l’entreprise franchisée, de personnes qui sont attachées à la seule marque du franchiseur et de personnes attachées à la seule activité du franchisé, sans considérer l’impact de la marque ou de l’activité dans l’attraction initiale de ces clients » . Dans le même sens, J. THREARD et Ch.
BOURGEON, « Dépendance économique et droit de la concurrence (réflexion sur l’art.8 de
l’Ordonnance du 1er
décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence ), Cah.dr.ent.1987/2,
p.20, et spéc., n°8, p.21 : « compte tenu des méthodes modernes de ventes recourant aux techniques publicitaires les plus élaborées, l’importance de la marque dans l’attrait de la clientèle s’en trouve accrue. Il est certain cependant que le développement et la fidélisation de cette clientèle repose pour une
371
Cela a été récemment affirmé par la Cour de cassation dans un arrêt du 27 mars 2002
après certaines années d’ambiguïté et d’incertitude chez les juges du fond1200
. Dans cet
arrêt, la troisième Chambre civile de la Cour de cassation a jugé que « si une clientèle
est au plan national attachée à la notoriété de la marque du franchiseur, la clientèle
locale n’existe que par le fait des moyens mis en œuvre par le franchisé, parmi lesquels
les éléments corporels de son fonds de commerce, matériel et stock, et l’élément
incorporel que constitue le bail.
part non négligeable sur le travail propre des distributeurs qui ont la charge de maintenir l’image de la marque » ; H.BENSOUSSAN, Le droit de la franchise , Apogée 1999 , p, 233 : « [La] démarche traditionnelle d’un client qui se rend dans une unité de franchise nouvelle est de tester. Les signes de ralliement du franchiseur facilitent sans doute cette étape pour le client averti, mais chacun sait que malgré tous les efforts d’un franchiseur pour parvenir à une homogénéité totale des points de distribution, toutes les unités franchisés n’offrent pas le même service ni la même qualité. Un commerçant compétent constituera nécessairement une clientèle, en l’absence d’une marque connue et de l’aide d’un groupe, même si cela peut prendre un certain temps, alors qu’un commerçant incompétent ne pourra jamais poursuivre son activité, même s’il jouit de signes de ralliement de la clientèle connus ». 1200
Par un arrêt du 6 février 1996 ( CA Paris, 6 février 1996, JCP G 1997, II, 22818, obs. B. BOCCARA ;
RTD com.1996, 237, J. DERRUPE ; D.1996, somm., 57, obs. D. FERRIER ; R. FABRE, La clientèle
dans la franchise, Cah. dr. entr. 1996 / 3, p.17 ; D. BASCHET, La franchise est en deuil, Gaz. Pal. 1996,
I, doct., p.557 ), la Cour d’ appel de Paris a décidé que la clientèle du franchisé appartenait, en principe,
au franchiseur, sauf si le franchisé parvenait à démontrer une clientèle liée à sa personne ou un
achalandage : « pour qu’un locataire franchisé ou un concessionnaire d’une marque soit considéré comme ayant un fonds de commerce en propre, il doit apporter la preuve de ce qu’il a une clientèle liée à son activité personnelle, indépendamment de son attrait en raison de la marque du franchiseur ou du concédant, ou bien qu’il démontre que l’élément du fonds qu’il apporte, le droit au bail, attire la clientèle de manière telle qu’il prévaut sur la marque ». Cette jurisprudence a été critiquée par la majorité
de la doctrine. Ainsi, J. DERRUPPE (Le franchisé a-t-il encore une clientèle et un fonds de commerce ?,
Actualité juridique propriété immobilière, AJPI, 1997, p.1102, et sépc., p. 1004) qui observe « alors que l’on s’apprête à accorder aux professions libérales une protection de leur statut locatif comparable à celle des commerçants et artisans, peut-on imaginer qu’un grand nombre de commerçants en soient privés parce qu’ils ont eu recours à de nouvelles techniques de distribution ? ». L’auteur ajoute aussi que
« refuser à la grande majorité des franchisés et des concessionnaires la propriété d’un fonds de commerce est certainement aller à l’encontre d’un sentiment commun .Non seulement les intéressés en seront surpris, mais tout autant sinon plus les franchiseurs et les concédants qui n’ont jamais eu ni la conscience ni le désire d’être propriétaires des fonds de leurs distributeurs .Quant aux clients, on les étonnerait fort en leur disant qu’ils ne sont pas les clients de la boutique ou du garage où ils ont leur habitudes ». De même, D. BASCHET, (La propriété de la clientèle dans le contrat de franchise, Gaz. Pal.
1994, II, 1256 ; du même auteur, « La franchise est en deuil », Gaz. Pal. 1996, I, p.22) qui estime que
dénier ne manquera pas d’entraîner de lourdes conséquences vis-à-vis des franchisés. Selon lui, en posant
comme principe que les franchisés ne sont pas propriétaires du fonds qu’ils exploitent, à moins qu’ils ne
rapportent la preuve d’une clientèle autonome, la jurisprudence menace à terme la stabilité économique
des réseaux de franchise et de distribution intégrée de manière générale. Sensible à ces critiques, la Cour
d’appel semble avoir opéré un revirement, cinq ans plus tard, en reconnaissant au franchisé une clientèle
et donc fonds de commerce autonome par rapport à celui appartenant au franchiseur. Par conséquent, il
peut bénéficier d’un droit au renouvellement de son bail ou, à défaut, d’une indemnité d’éviction. C’est
ainsi dans un arrêt daté du 4 octobre 2000 (CA Paris, 4 octobre 2000, LPA 16 novembre 2000, p.11, note.
J. DERUPPE ; du même auteur ; AJDI mars 2001, p. 244 ; JCP E 2001, II, p.324, note. BOCCARA ; D.
2001, p. 1718, H. KENFACK), que la Cour d’appel de Paris a décidé que « le fonds de commerce est un ensemble de nature à attirer la clientèle intéressée par le produit vendu ou la prestation offerte en vue de l’enrichissement de celui qui assume le risque d’une telle entreprise, c'est-à-dire celui de la perte des investissements qu’il a faits pour l’acquérir, la maintenir et la développer ». Pour autant, la question de
l’existence d’une clientèle propre au franchisé demeurait incertaine jusqu’ à l’époque où la Cour de
cassation a décidé d’intervenir par l’arrêt de Trévisan en levant toute ambiguïté sur cette question.
372
Cette clientèle fait elle-même partie du fonds de commerce du franchisé, puisque,
même si celui-ci n’est pas propriétaire de la marque et de l’enseigne mises à sa
disposition pendant l’exécution du contrat de franchise, elle est créée par son activité,
avec des moyens que, contractant à titre personnel avec ses fournisseurs ou prêteur de
deniers, il met en œuvre à ses risques et périls. Par ailleurs, le franchiseur reconnaît au
franchisé le droit de disposer des éléments constitutifs de leur fonds, la cour d’appel en
déduit exactement que les preneurs sont en droit de réclamer le paiement d’une
indemnité d’éviction et a, par ces seuls motifs, légalement justifiée sa décision » 1201. Il
en résulte, par conséquent, que contrairement à l’agent commercial qui restitue la
clientèle qu’il a développée et créée tout au long du contrat au mandataire le franchisé
conserve sa clientèle qu’il a développée dans le cadre de son contrat. Une telle solution,
favorable au franchiseur, retenue en droit français n’est pas toutefois celle de certains
droits étrangers qui reconnaissent au franchisé un droit à une indemnité de clientèle à la
fin du contrat comparable à celle que reçoit l’agent commercial et le VRP.
§ 2. L’existence d’un droit à une indemnité de clientèle dans certains
droits étrangers
366. En droit allemand. Contrairement au droit français et à certains droits étrangers
1202 refusant de reconnaître au franchisé un droit à une indemnité de clientèle à la fin du
contrat, le droit allemand accorde une indemnité de clientèle au franchisé à la fin du
contrat de franchise de la même manière qu’à l’agent commercial1203
.
1201
Cass. civ 3e,
, 27 mars 2002, D. 2002, 2400, note. H. KENFACK ; JCP G 2002, II, 10112, F.AUQUE ;
Dr et patri, 2002, n° 106, p.99, obs. P. CHAUVEL ; JCP E 2002, p.29, note. J.-L. RESPAUD ; Rev.
Loyers, juin 2002, n°828, p.314, note. G. AZEMA ; D. 2002, Act-juris, p.1487, note. E. CHEVRIER ;
LAP, 3 février 2003, n° 25, p.3, note. Y. MAROT ; Ph. DELEBECQUE, La jurisprudence reconnaît au
franchisé le bénéfice de la législation sur le fonds de commerce, Lamy Droit commercial, Bulletin
d’actualité, septembre 2002, n°147, p. 1. 1202
Certains droits étrangers se montrent réticent à reconnaître au franchisé ou au concessionnaire un
droit à une indemnité de clientèle, à la fin du contrat. Tel est le cas du droit saoudien. Dans ce dernier, la
jurisprudence a affirmé à maintes reprises qu’à défaut d’une clause stipulée dans le contrat prévoyant
expressément le droit pour le franchisé ou le concessionnaire à une indemnité de clientèle, celui-ci ne
saurait avoir une telle indemnité (Ch. com., Diwan Al-Mazalim, 11 novembre 1994, inédit). La même
position est retenue en droit suisse (V. C-Q. CORINNE TRUONG, Les différends liés à la rupture des
contrats internationaux de distribution dans les sentences arbitrales CCI, Bib dr entr, Litec, 2002, préface
Ph. Fouchard, n° 318, p.265 et s et les sentences statant selon le droit suisse ). Il en va de même
également pour le droit suédois (J.-J. ZANDER, « Suede : La rupture du contrat de distribution »,
CJFE/CFCE 1997, n°2, p.363, et spéc., p.367 ). 1203
F.-X. LICARI, La protection du distributeur intégré en droit français et allemand, th., Bibliothèque de
droit de l’entreprise, Litec, 2002, p. 576 et s. Plus récemment, F.-X. LICARI, « L’application par
analogie du droit de l’agence commerciale, fondement possible de la reconnaissance d’une indemnité de
373
Toutefois, il faut noter que l’attribution d’une indemnité au franchisé, lors de la
cessation des relations contractuelles, pour la perte de la clientèle qu’il subit du fait de
cette cessation n’est pas sans condition. En effet, la jurisprudence estime que, pour que
l’article 89 b (HGB) du Code de commerce allemand relatif à l’agent commercial puisse
s’appliquer par analogie aux franchisés et aux concessionnaires, deux conditions
doivent être cumulativement remplies, de telle manière que si l’une d’elles fait défaut, le
franchisé ou le concessionnaire n’aura aucun droit à une indemnité de clientèle1204
. Il
faut, d’abord, qu’il existe un lien juridique entre le franchisé et le franchiseur qui ne se
réduit pas à une simple relation acheteur-vendeur. Ce lien consiste dans l’intégration du
franchisé dans le réseau du franchiseur. Une telle exigence ne pose aucune difficulté,
d’autant plus que le système de la franchise impose, par nature, une intégration du
franchisé dans le réseau de franchise plus évidente et plus étroite que celui de l’agent
commercial ou même que le concessionnaire1205
.
Il faut ensuite qu’il y ait un transfert par le franchisé de la clientèle au
franchiseur1206
. Celui-ci doit être en mesure d’exploiter cette clientèle après la rupture
du contrat de franchise. Si ces deux conditions sont satisfaites, alors, la situation du
franchisé sera assimilée à celle de l’agent commercial. Par conséquent, il pourra avoir
une indemnité qui compense la perte de clientèle causée la cessation des relations
contractuelles. Une solution identique se trouve consacrée en droit autrichien.
367. En droit autrichien. Aux antipodes du droit français qui refuse toujours de
reconnaître au franchisé et au concessionnaire, une indemnité de clientèle à l’expiration
du contrat, au motif que cette clientèle lui appartient et reste entre ses mains après le
contrat, le droit autrichien leur reconnaît le droit d’avoir une indemnité qui compense la
perte de la clientèle que lui fait subir la rupture du contrat.
fin de contrat au concessionnaire et au franchisé » (Quelques réflexions à propos de CA Paris, 1
er mars
2006, SAS Général Motors c/ sté Coroller Automobiles », RLDF. 2007, n°13, p.93. 1204
F.-X. LICARI, th., précitée, p.577, et s. 1205
F.-X. LICARI, th., précitée, p.578 et. 1206
Ibid.
374
En réalité, la jurisprudence autrichienne fait une application analogique des
dispositions concernant l’agence commerciale aux relations contractuelles entre
franchiseur et franchisé1207
. Elle considère que le franchisé est en droit d’avoir une
indemnité pour la perte de la clientèle que la rupture du contrat lui cause. Cette
indemnité, qui n’est d’ailleurs accordée que si aucun manquement contractuel ne peut
être reproché au franchisé, se justifie par le fait de son intégration quasi-totale dans le
réseau du franchiseur et par le fait qu’il contribue substantiellement au développement
du chiffre d’affaires du franchiseur. Cette solution a été clairement affirmée dans l’arrêt
Yves Rocher rendu par la Cour suprême autrichienne le 10 avril 1991
1208. Dans cet arrêt,
les juges ont considéré que le degré d’intégration du franchisé dans le réseau franchiseur
Yves Rocher était comparable à celui d’un agent commercial. D’où il résulte qu’il
pouvait avoir droit à une indemnité en fin de contrat. Il en va de même pour le droit
espagnol.
368. En droit espagnol. Le principe traditionnellement retenu en droit espagnol était
l’absence d’un droit à indemnisation pour le concessionnaire ou le franchisé, sauf en cas
de rupture abusive où le juge prenait en compte dans le calcul des dommages et intérêts
la perte de la clientèle1209
. C’est seulement en cas de rupture fautive du contrat par le
franchiseur qu’une indemnité pouvait être accordée au franchisé évincé du réseau. Cette
solution a été affirmée à plusieurs reprises par la Cour suprême espagnole1210
.
1207
B. VICTOR GRANZER, « Autriche : Les droits du concessionnaire en fin de contrat », CJFE, 1997,
n°2, p.335. 1208
Ibid. 1209
N. CHARPENTIER MAVRINAC,« Espagne : La rupture du contrat de distribution exclusive »,
CJFE/CFCE 1997, n° 2, p.357, et spéc., p.360. 1210
Ibid.
375
Toutefois, il est important de noter que, depuis 1994, la jurisprudence espagnole
semble avoir opéré un revirement. De plus en plus soucieuse des conséquences
économiques parfois désastreuses que subissent les franchisés comme les
concessionnaires du fait de la cessation de leur contrat, la jurisprudence a décidé
d’appliquer par analogie au contrat de franchise -comme d’ailleurs au contrat de
concession- les règles ou les dispositions légales relatives à l’agence commerciale quant
à l’indemnité de clientèle1211
. Elle reconnaît désormais au franchisé un droit à une
indemnité pour perte de clientèle à la fin du contrat sur le fondement de
l’enrichissement sans cause1212
.
369. Conclusion de la section I. A l’instar des concessionnaires, les franchisés ne
disposent pas, en droit français, d’un droit à une indemnité de clientèle lors de la
cessation des relations contractuelle, n’est-ce qu’en raison de leur qualité de
commerçant indépendant. Contrairement aux agents commerciaux qui prospectent et
constituent une clientèle en qualité de mandataire pour le compte de leur mandant, les
franchisés sont censés avoir une clientèle qui leur reste attachée à la fin du contrat. Une
telle solution, retenue dans certains droits étrangers, réfutée par d’autres, n’est pas
satisfaisante, puisqu’elle ne tient pas compte du rôle du franchisé dans la création et le
développement de la clientèle du franchiseur. Même si le franchisé garde, en fin de
contrat, sa propre clientèle à laquelle il peut proposer d’autres produits d’un franchiseur
concurrent, une part de cette clientèle est transférée au franchiseur et s’attache à sa
marqué grâce au franchisé. Une telle solution défavorable pour le franchisé n’est pas la
seule. Ce dernier ne peut aussi obliger le franchiseur à reprendre les stocks invendus
restant entre ses mains lors de la rupture du contrat, sauf clause contraire ou faute
commise par ce dernier.
1211
Ibid. 1212
Ibid.
376
SECTION II-LA REPRISE DES STOCKS EN FIN DE CONTRAT
370. Le sort des stocks à la fin de contrat. Afin de satisfaire la demande de la clientèle
dans les meilleurs délais, le franchisé est souvent, tout au long de sa relation avec le
franchiseur, contractuellement tenu d’entretenir un stock minimal de marchandises dans
ses magasins, et de le renouveler régulièrement jusqu’au terme du contrat. Or, il arrive
parfois qu’au jour où le contrat de franchise prend fin, le franchisé n’ait pas eu le temps
de revendre toutes les marchandises achetées au franchiseur. En pareille hypothèse, la
question est la suivante : le franchiseur peut-il être tenu de reprendre les stocks de
produits restant entre les mains du franchisé lors de la cessation du contrat, étant donné
que celui-ci ne pourra les écouler après la rupture du contrat de franchise sauf à engager
sa responsabilité ? Ou, au contraire, le franchisé doit –il conserver ses stocks, même si
ceux-ci deviennent sans utilité après la rupture, d’autant qu’il est censé en avoir la
propriété? Ces interrogations vont être examinées aussi bien en droit français (§ 1)
qu’en droit comparé (§ 2).
§1. La situation en droit français
371. Principe et exception. En droit français, le principe est que, dans le silence du
contrat de franchise, le franchiseur ne peut être tenu d’une obligation implicite de
reprendre les stocks non encore vendus restant entre les mains du franchisé lors de la
rupture du contrat (A). Toutefois, il est à noter que dans la plupart des hypothèses, les
contrats de franchise contiennent une clause réglant le sort des stocks en fin de contrat
(B).
377
A. Absence d’une reprise de plein droit du stock en fin de contrat
372. Doctrine favorable et jurisprudence hostile. Différentes propositions sont
favorables à l’instauration d’une obligation de reprise des stocks par le franchiseur en
fin de contrat (1). Aucune de ces propositions n’a été retenue par la jurisprudence. Cette
dernière se montre toujours hostile à contraindre le franchiseur de reprendre les stocks
restant invendus chez le franchisé à la fin du contrat en l’absence de toute clause (2).
1. Propositions favorables à la reprise des stocks de plein droit par le franchiseur
373. Proposition parlementaire Le désire de protéger le distributeur intégré,
notamment le franchisé, contre les conséquences économiques désastreuses résultant de
la cessation des relations contractuelles, a conduit à de nombreuses propositions de lois
tendant à définir un statut juridique du franchisé et du concessionnaire1213
. Parmi ces
propositions, on retiendra celle de MM. Glon et Cousté visant à instaurer à la charge du
franchiseur ou du concédant, en fin de contrat, une obligation de reprise des stocks
restant invendus entre les mains du franchisé ou du concessionnaire. Selon l’article 6 de
leur proposition de loi, le franchiseur ou le concédant dispose d’une option en fin de
contrat : soit laisser au franchisé ou au concessionnaire le temps d’écouler les stocks
restant sous l’enseigne du réseau, soit reprendre dès la cessation du contrat les
marchandises invendues.
1214.
1213
Proposition de M. LACHEVRE, J.O. 4 octobre 1956, Doc. Par.1956, p.87 annexe n°7 ; proposition de
MM. LAURIOL et ANSQUER, n°529, 2éme session, 1977 – 1978 ; proposition de M. DALLADIER, n°
112383, session 1956-1957 ; proposition de MM. CUPFER et DALLADIER, n° 5087, session 1956-
1957 ; proposition de MM. GLON et COUSTE, n°891, 1er session 1973-1974. Pour une étude
approfondie de ces propositions, v. - M. DE BERMOND DE VAULX, Les problèmes juridiques posés
par l’expiration des contrats de concession exclusive, JCP CI 1984, I, 14246. Egalement, L. AMIEL-
COSME, Les réseaux de distribution, LGDJ, 1995, préface Y. Guyon, n° 48, p.56 et s. 1214
Proposition précitée.
378
Dans l’hypothèse où le franchiseur ou le concessionnaire refuse de choisir l’un ou
l’autre terme de cette alternative, il devra verser une indemnité au franchisé ou au
concessionnaire égale à la valeur du stock évalué au jour de la cessation du contrat.
Toutefois, cette proposition de loi, tendant à l’instauration d’une obligation de reprise
des stocks de plein droit par le franchiseur en fin de contrat, n’a pas été retenue. Notons
que ce n’est pas la seule proposition favorable à la reprise des stocks par le franchiseur.
Il y a aussi d’autres propositions doctrinales qui y sont favorables.
374. Propositions doctrinales. Dans la volonté d’atténuer les conséquences
économiques graves que la cessation des relations contractuelles peut faire subir aux
franchisés, certains auteurs ont avancé l’idée de la garantie d’éviction afin de justifier la
reprise des stocks de plein droit par le franchiseur ou par le concédant en fin de contrat.
Tel est le cas du Professeur Cabrillac1215
. Selon l’analyse de cet éminent auteur, le
franchiseur ou le concédant est -comme tout vendeur- tenu, à l’égard de son
distributeur, d’une obligation de garantie du fait personnel. En vertu de cette obligation,
il doit s’abstenir de tout acte susceptible d’apporter un trouble de droit ou de fait à la
jouissance du droit de vendre les produits dont dispose le franchisé ou le
concessionnaire. Or, en mettant fin au contrat, soit par sa résiliation, soit par son non
renouvellement, avant même que les produits destinés à la vente ne soient vendues, le
franchiseur ou le concédant apporte un trouble de fait au franchisé ou au
concessionnaire, puisque celui-ci ne peut plus utiliser les produits selon leur destination
normale, c'est-à-dire les revendre. Cela constitue donc une négation de son obligation de
garantie impliquant la reprise des stocks invendus restant chez le franchisé, ou à tous le
moins, de l’indemniser de la perte causée.
1215
M. CABRILLAC, Le sort des stocks détenus par le revendeur lors de l’expiration de la concession de
vente, D. 1964, p.181.
379
Une telle analyse fondant l’obligation de reprise des stocks par le franchiseur sur la
garantie du fait personnel, peut être de nature à offrir une bonne protection économique
et sociale au franchisé ou au concessionnaire. Aussi, elle a été retenue par certaines
Cours d’appel 1216
ainsi que par certains auteurs1217
. Néanmoins, elle ne manque pas de
présenter des inconvénients.
D’abord, on lui a reproché d’être trop restrictive. La garantie du fait personnel ne
peut jouer que dans les hypothèses où la cessation du contrat de franchise est
intervenue dans des circonstances fautives imputables au franchiseur1218
. C’est
seulement dans cette hypothèse qu’il peut être concevable que la cessation du contrat
cause un trouble au franchisé. Cependant, lorsque la cessation du contrat n’est que
l’exercice normal d’un droit, tel que le droit de ne pas renouveler un contrat de
franchise arrivant à son terme ou l’exercice du droit de résiliation unilatérale d’un
contrat de franchise conclu sans terme, dans cette hypothèse, aucun trouble ne saurait en
résulter. Ensuite, elle ne peut être invoquée si le franchisé ne subit aucun trouble dans
l’écoulement de leurs stocks1219
. Enfin, elle ne peut jouer que lorsque le contrat de
franchise ne met à la charge du franchisé aucun quota d’achat ou de vente, ce qui est le
cas lorsque la constitution d’un stock est recommandée et non imposée par le
franchiseur.
1216
CA Paris, 12 octobre 1966, D. 1967, p.516, note. M. CABRILLAC. Dans cet arrêt, il a été jugé que
la clause par laquelle le fournisseur se réserve la simple faculté de reprendre les stocks du distributeur
devait être réputée non écrite, comme contraire à la règle « qui doit garantie ne peut évincer » consacrée
par l’article 1628 du code civil. 1217
A. ROLAND, La situation juridique des concessionnaires et des franchisés membres d’un réseau
commercial, th., Rennes, 1976, n° 253, p.175. L’auteur observait que la théorie de l’éviction invoquée par
M. Cabrillac paraît être particulièrement bien adaptée au double souci d’efficacité économique et de
protection économique et sociale, auquel aspirent les concessionnaires et les franchisés. : « Le souci de maintenir l’efficacité économique est satisfaite dans la mesure d’une part, où le transfert de propriété né de la vente est préservé, et où d’autre part, la garantie n’est accordée qu’aux concessionnaires et aux franchisés qui la méritent ». Dans le même sens J. HUET, Les principaux contrats spéciaux, 2
e édition,
LGDJ, 2001, n° 11606, p.539 et s. Selon ce dernier, le raisonnement « paraît convaincant et le résultat est de nature à tempérer les inconvénients de ce contrat, où le distributeur se trouve dans une situation de dépendance marquée ». 1218
J. HEMARD, note sous Cass. com., 8 avril 1967, JCP G 1968, .II, 15346 ; A. ROLAND, La situation
juridique des concessionnaires et des franchisés membres d’un réseau commercial, th., Rennes, 1976, n°
235, p.175 et s ; G. VIRASSAMY, Les contrats de dépendance. Essai sur les activités professionnelles
exercées dans une dépendance économique, préface J. Ghestin, LGDJ, 1986, n° 68, p.58 ; J. LE
CALVEZ, Evolution et rôle des clauses d’exclusivité : les aspects juridiques des conventions de
concession exclusive, th., Paris I, 1979, p.149. 1219
Ibid.
380
Comme le relève un auteur, en pareille hypothèse, il est à craindre que
«l’obligation de garantie devienne un moyen de pression de la part du concessionnaire
qui pourrait mettre en réserve un stock particulièrement important pour tenter de
dissuader le concédant de mettre fin au contrat »1220.
Tous ces défauts ont conduit certains auteurs à renoncer à la thèse de la garantie
d’éviction, comme fondement juridique de l’obligation de reprise des stocks par le
franchiseur, pour en chercher un autre comme, par exemple, la théorie de la cause. Ces
auteurs ont, en effet, proposé de fonder l’existence d’une l’obligation de reprise des
stocks par le franchiseur sur l’idée de cause1221
. Selon leurs analyses, l’achat des
produits par le franchisé ou par le concessionnaire a pour cause l’existence du contrat de
franchise que lui confère la faculté de les commercialiser dans des conditions normales.
Or, avec la fin du contrat, ces achats se trouvent dépourvus de cause. Par voie de
conséquence, la détention d’un stock n’a plus de raison d’être, d’où résulte l’obligation
de reprise des stocks par le franchiseur en fin de contrat. En d’autres termes,
l’acquisition des produits par le franchisé n’est justifiée que par le besoin de l’exécution
du contrat de franchise. Elle a, en effet, pour équivalent, la faculté de les
commercialiser. Or, si cette faculté disparaît, la conservation par le franchisé de ces
produits devient sans cause. Par conséquent, le franchiseur doit reprendre les stocks
invendus restant entre les mains du franchisé lors de la rupture du contrat.
Aussi séduisante qu’elle soit, la théorie de la cause, comme fondement juridique
de l’obligation de reprise des stocks ne peut échapper à certaines critiques. D’abord, elle
conduirait à une reprise automatique des stocks par le franchiseur sans tenir compte ni
du fait de savoir si le franchisé a la possibilité d’écouler les stocks qu’il détient en fin de
contrat, ni de la loyauté du franchisé. Ensuite, sa valeur est douteuse car il y a bien
quelques artifices à dégager de la volonté commune des parties.
1220
M-A. COUDERT, La garantie d’éviction dans les ventes commerciales, D.1973, Chro., p.114. 1221
P. PIGASSOU, La distribution intégrée, RTD com. 1980, p.473, et spéc., n° 62, p.519 : « La théorie de la cause serait assurément un instrument de régulation extrêmement utile pour régler la question des stocks à l’expiration du contrat de distribution intégrée ». J. LE CALVEZ, Evolution et rôle des clauses
d’exclusivité : les aspects juridiques des conventions de concession exclusive, th. Paris I, 1979, p. 149 :
« C’est elle [ la notion de cause ] qui va permettre de fournir la justification de reprise : il ne suffit pas de l’écarter au seul motif qu’il s’agit d’un concept délicat ». J - M. BERMOND DE VAULX, Les
problèmes juridiques posés par l’expiration des concessions, JCP CI 1984, II, 12441, n°16.
381
Chacun sait que le franchisé ou le concessionnaire « n’est en aucune manière libre
de sa politique commerciale, de la politique de produit le tout lui est imposé de telle
sorte que la mévente d’un produit ou d’une marchandise ne saurait lui être imputée s’il
a fait un effort sérieux de démarchage ou de sollicitation de la clientèle. En un mot, s’il
a accompli avec diligence ses obligations »1222.
Tous ces inconvénients ont amené de nombreux auteurs à aller chercher ailleurs un
autre fondement juridique justifiant la reprise de plein droit par le franchiseur ou par le
concédant, à la fin du contrat, des stocks non encore vendus.
Certains de ces auteurs ont récemment proposé de fonder l’obligation de reprise
des stocks de plein droit par le franchiseur sur le devoir de coopération et sur
l’équité1223
. Selon leurs analyses, le franchiseur est tenu d’un devoir de coopération en
vue d’une liquidation harmonieuse de la relation contractuelle afin de minimiser les
dommages résultant de la cessation du contrat. Il doit reprendre les stocks devenus
inutiles en fin de contrat ou, au moins, aider le franchisé à les écouler. Ce devoir trouve
sa source dans l’article 1135 du code civil aux termes duquel « les conventions obligent
non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l’équité,
l’usage ou la loi donnent à l’obligation d’après sa nature »1224. Toutefois, les auteurs
soulignent qu’afin d’éviter de créer une injustice à l’égard du franchiseur, la reprise ne
doit concerner que les seuls produits imposés au franchisé. Tous les produits que celui-
ci a commandés en vue de satisfaire la demande de sa clientèle doivent rester à sa
charge.
1222
G. VIRASSAMY, Les contrats de dépendance. Essai sur les activités professionnelles exercées dans
une dépendance économique, préface J. Ghestin, LGDJ, 1986, n° 70, p.59. 1223
D. MAINGUY, La revente, Litec, 1996, préface Ph. Malaurie, n° 259, p.318 et s ; D. MAINGUY,
Remarques sur les contrats de situation et quelques évolutions récentes du droit des contrats, in Mélanges.
M. Cabrillac, Dalloz, 1999, p.165, n° 23, p.182 et s. V.aussi, F.-X. LICARI, La protection du distributeur
intégré en droit français et allemand, Litec 2001, préface. C. Witz, p 597 et s. 1224
Sur cet article, v. C. Mouly-Guillemaud, Retour sur l’article 1135 du code civil : une nouvelle source
du contenu contractuel, LGDJ, 2006, préface D. Ferrier. Aussi, Ph. JAQUES, Regards sur l’article 1135
du code civil, Dalloz, 2005, préface F. Chabas.
382
Comme le relève un auteur l’équité « commande une juste répartition des risques,
et en conséquence de n’imposer une telle obligation de rachat qu’en ce qui concerne les
produits dont la détention était contractuellement imposée au concessionnaire. Les
investissements « somptuaires » fruit d’une mauvaise évaluation des perspectives du
marché par le concessionnaire, doivent rester à la charge définitive du
distributeur »1225.
Cependant, il convient de noter que, malgré les différentes propositions
parlementaires et doctrinales faites en vue de justifier une obligation de reprise de plein
droit par le franchiseur des stocks restant invendus entre les mains du franchisé lors de
la cessation des relations contractuelles, la jurisprudence se montre rigoureusement
hostile à contraindre le franchiseur à reprendre les stocks du franchisé en fin de contrat
en l’absence de toute clause.
2. Hostilité jurisprudentielle à la reprise des stocks
375. Le principe : l’exclusion de la reprise de plein droit des stocks. Il arrive, dans
certaines hypothèses, que le franchisé détienne certains stocks lors de la cessation des
relations contractuelles le liant au franchiseur. En pareille hypothèse, la question est de
savoir si le franchiseur peut être tenu de reprendre les stocks restant invendus entre les
mains du franchisé en fin de contrat.
La réponse à cette question ne peut être que négative. La jurisprudence dominante
retient, comme principe, que, dans le silence du contrat, et à défaut de tout accord
contractuel, le franchiseur ou le concédant n’est pas tenu de reprendre les stocks de
produits qui restent entre les mains du franchisé ou du concessionnaire lors de la
cessation des relations contractuelles1226
. Celui-ci en reste propriétaire. Il doit assumer
son écoulement même s’il ne dispose plus de signes distinctifs de la marque.
1225
F.-X. Licari, th., précitée, p.603. 1226
Ex. Cass. com., 8 mars 1967, JCP. 1968, II, 15346, note. J. HEMARD ; Cass. com., 16 février 1970,
RTD com. 1970, p.765, note. J. HEMARD ; Cass. com., 21 octobre 1964, Bull. civ.IV, p.390.
383
En effet, aux yeux de la jurisprudence, la non-reprise du stock par le franchiseur ou
par le concédant lors de la fin du contrat constitue « une éventualité [que le franchisé
ou le concessionnaire] a dû prévoir en signant le contrat qui ne comportait aucune
garantie de ce chef »1227. La reprise constitue en effet un avantage qu’aucun usage ne
consacre1228
.
376. Appréciation. Certain auteurs ont approuvé la jurisprudence refusant d’imposer au
franchiseur la reprise des stocks en l’absence de disposition contractuelle. Pour eux, le
franchisé est un commerçant qui doit assumer les aléas de son activité commerciale,
aléas parmi lesquels figure la non-reprise des stocks en fin de contrat. Ils estiment que la
non-reprise des stocks en fin de contrat n’est, en effet, qu’une contribution au manque à
gagner ou une contrepartie aux pertes ou aux avantages que chacun des membres du
réseau doit supporter1229
. A l’inverse, d’autres auteurs, de plus en plus nombreux,
déplorent la sévérité ou l’iniquité de cette solution1230
.
1227
Cass. com., 8 mars 1967, précité. 1228
Cass. com., 21 octobre 1964, Bull. civ. IV, p.390 ; CA Paris, 19 novembre 1969, D. 1970, jurs., p.98. 1229
En ce sens, J. GUYENO, Les ventes avec clauses d’exclusivité et les groupements commerciaux de
concessionnaire, Gaz.Pal.1972, doct., 481 : « Les juges ne doivent, ni mettre systématiquement le stocks d’invendus à la charge de l’une des parties, ni en relever nécessairement le concessionnaire, car il peut être parfois équitable qu’il en supporte la charge en totalité ou en partie. Celle-ci peut représenter sa contribution au manque à gagner ou être une contrepartie aux pertes que chaque membre de la communauté d’entreprises doit supporter au prorata des avantages qu’il a pu en retirer en période contractuelle ». Dans le même sens, C-Q. CORRINE TRUONG, Les différends liés à la rupture des
contrats internationaux de distribution dans les sentences arbitrales CCI, Litec, n° 300, p.256 et s : « il convient de se rallier à cette approche qui respecte la volonté des parties et éviter les arbitraires en « censeurs » qui seraient tentés de mettre à la charge d’une des parties une obligation qui n’a pas été prévue au contrat. Le distributeur tout comme le concédant, est un professionnel de la distribution qui a négocié en toute connaissance de cause le contrat » ; H. KENFACK, La franchise internationale, th.,
Toulouse I, 1996, n° 345, p.384 : « Cette solution n’est pas avantageuse pour les franchisés étrangers. Elle paraît pourtant logique dans le domaine international. En effet, si les parties avaient voulu l’éviter, elle auraient dû inclure dans leur contrat une clause relative au stock ». 1230
Ph. STOFFEL-MUNCK, L’après -contrat, in Durée et expiration du contrat, RDC.2004, p.159, et
spéc., n° 9, p.162. Pour l’auteur, le principe d’absence d’une obligation de reprise des stocks par le
franchiseur dans le silence du contrat constitue « une entorse à l’unité du régime de l’après -contrat où, habituellement, les choses remises au titre du contrat doivent être restituées au titre de l’après -contrat ». V. aussi, F.-X. LICARI, La protection du distributeur intégré en droit français et allemand, th.,
Bibliothèque de droit de l’entreprise, Litec 2001, préface. C. Witz, p.602 ; J. BEAUCHARD, Droit de la
distribution et de la consommation, PUF 1996, p.191 ; Ph. BESSIS, Le contrat de franchisage, LGDJ,
1990, n°94, 104 ; A. ROLLAND, La situation juridique des concessionnaires et des franchisés membres
d’un réseau commercial, th., Rennes 1976, n° 235 ; D. MAINGUY, La revente, Litec, 1996, préfac Ph.
Malaurie, n° 259, p.318 et s ; D. MAINGUY « Remarques sur les contrats de situation et quelques
évolutions récentes du droit des contrats, in Mélanges. M. Cabrillac, Dalloz, 1999, p.165, n° 23, p.182 et
s ; G. VIRASSAMY, Les contrats de dépendance, Essai sur les activités professionnelles exercées dans
une dépendance économique, préface J. Ghestin, LGDJ, 1986, n°66, p. 56 et s ; P. PIGASSOU, La
distribution intégrée, RTD com.1980, n° 61, p.518, et s ; J. LE CALVEZ, Evolution et rôle des clauses
d’exclusivité : les aspects juridiques des conventions de concession exclusive, th., Paris I, 1979, p.149 ;
J.-M. BERMOND DE VAULX, Les problèmes juridiques posés par l’expiration des concessions, JCP CI
1984, II, 12441, n°16 ; M. CABRILLAC, Le sort des stocks détenus par le revendeur lors de l’expiration
384
Ils estiment que la conservation des stocks par le franchisé constitue pour lui un
lourd fardeau dans la mesure où la perte des signes distinctifs du réseau et l’installation
du nouveau franchisé entravent la commercialisation normale des produits restés en sa
possession en fin de contrat. Or, l’obligation pour le franchiseur de racheter les éléments
des stocks de son ancien distributeur ne s’accompagne d’aucun inconvénient notable
puisqu’il a la possibilité de les écouler soit par lui-même, soit auprès de tous les
membres du réseau. Certains d’entre eux ont invoqué l’incohérence de la jurisprudence
qui, selon eux, d’une part, empêche le franchisé ou le concessionnaire de se prévaloir de
sa qualité de commerçant indépendant et de revendre les stocks qu’il déteint après
l’expiration du contrat, et, d’autre part, lui laisse le soin d’écouler les stocks non encore
vendus restant en sa possession1231
.
377. Position. Pour nous, la solution de la jurisprudence selon laquelle le franchiseur
n’a pas l’obligation de reprendre les stocks à la fin du contrat dans le silence du contrat
paraît inopportune. Elle ne correspond pas, croyons-nous, à la réalité du rapport
contractuel entre franchiseur et franchisé, réalité qui consiste à ce que, dans l’immense
majorité des contrats de franchise, la constitution des stocks est imposée par le
franchiseur. Ce dernier oblige au franchisé une quantité de marchandises qu’il doit
maintenir pour mieux satisfaire la demande de la clientèle.
de la concession de vente, D. 1964, p.181 ; G. FARJAT, Droit économique, Thémis, 1982, p.302, et
spéc., p.333.. 1231
M. CABRILLAC, note sous Cass. com., 8 mars 1967, JCP G 1968, II, 15346. Selon l’auteur, il y a là
« une incompatibilité flagrante entre la jurisprudence qui empêche le concessionnaire de se prévaloir de cette qualité (revendeur indépendant) après l’expiration de la concession et la règle qui lui laisserait le soin d’écouler les produits non encore vendus ». V. aussi, G. FARJAT, op.cit, qui observait ainsi : « On voit, dès lors, la belle contradiction : le commerçant, devenu propriétaire de la marchandise, ne peut imposer la reprise, mais il ne pourrait plus la vendre, n’étant plus concessionnaire ! Comme on l’a fait observer, la marchandise qu’il détient serait en quelque sorte frappée d’indisponibilité ! En réalité, ce cumul des avantages de l’indépendance et de la dépendance est juridiquement inadmissible. De deux choses l’une, ou le concédant entend que sa marchandise ne soit distribuée que par un réseau intégré sans période transitoire, et il lui importe de prendre toutes précautions à cet égard : les stocks doivent être repris par lui ou le nouveau concessionnaire ; où l’ex- concessionnaire, devenu commerçant indépendant, peut vendre licitement une marchandise dont il est propriétaire, jusqu’à l’écoulement des stocks ».
385
Le franchisé ne peut souvent lui refuser en raison de l’état de la dépendance
économique quasi-totale dans laquelle il se trouve à l’égard du franchiseur, état de
dépendance économique qui fait, parfois que le franchisé, bien qu’il soit un commerçant
juridiquement indépendant, n’est pas totalement libre dans la gestion de ses stocks, ou
dans sa politique commerciale de manière générale1232
.
S’ajoute à cela qu’admettre que, dans le silence du contrat, le franchiseur n’a pas
l’obligation de reprendre les stocks du franchisé à la fin du contrat ne manque pas
d’engendrer certains inconvénients pour le franchiseur lui-même. Une telle solution
pourrait amener le franchisé, pendant le délai de préavis, à vendre les stocks restant
dans son magasin à perte, ce qui ne manquerait pas, non seulement d’aggraver son
préjudice, mais aussi de porter atteinte à la réputation et à l’image du réseau et à sa
principale force qui est l’homogénéité. Nous estimons donc qu’il est souhaitable que le
franchiseur soit implicitement tenu d’une obligation de reprendre les stocks non vendus
restant entre les mains du franchisé à la fin du contrat, sauf s’il se révèle que
l’impossibilité d’écoulement des stocks est due à un manquement qui lui est imputable.
Une telle solution, pouvant trouver son fondement dans le principe de l’équité, pourrait
contribuer à remédier à l’une des principales sources de déséquilibre économique du
contrat de franchise, en particulier, et de tous les contrats d’intégration, de manière
générale. Malgré cela, la jurisprudence dominante considère que le principe est que le
franchiseur ne peut se voir imposer la reprise des stocks non encore vendus restant entre
les mains du contrat de franchise en l’absence d’une clause expresse, sauf en cas d’une
faute commise par lui lors de la rupture du contrat de franchise.
1232
V. M. F. DE BOÜARD, (La dépendance économique née d’un contrat, th., Bibliothèque de L’institut
A. Tunc, 2007, préface G. Viney n°22, p.16 ), qui observe ainsi : « La dépendance économique naît d’un trompe l’œil. La situation juridique qui est donnée à voir est celle d’un commerçant engagé dans une relation d’affaires avec un partenaire dont il demeure juridiquement indépendant. Mais il s’agit là d’un habillage qui masque la complexité des rapports qui naissent entre les parties. La réalité de l’intégration est celle d’un entrepreneur qui se trouve privé d’entreprise propre et employé à développer, par l’exploitation qu’il fait de son outil de production ou de ses installations commerciales, celle de son partenaire dominant. De ce double-visage de la relation de dépendance économique née d’un contrat d’intégration, le droit ne retient que l’aspect juridique. Et parce que l’habillage juridique dont est parée la relation de dépendance économique masque sa véritable nature, le traitement juridique qu’il détermine apparaît inadaptée à la réalité sociale à laquelle il s’applique ». V. aussi, C. DE CONT, Propriété
économique, dépendance et responsabilité, 1997, préface F. Collart-Dutilleul et G - J. Martin, p. 21 et s
22. L’auteur observe, quant à l’impact de l’intégration économique sur l’agent intégré, que « (…) la perte du pouvoir-maîtrise de l’agent économique dominé sur son bien au profit du pôle intégrateur. Ce dernier dispose alors de la maîtrise de l’exploitation ; c’est lui qui dicte à l’intégré l’essentiel de sa politique industrielle et commerciale, alors même qu’il n’en a pas l’appartenance ».
386
378. Tempéraments au principe. Si le principe est que, dans le silence du contrat, le
franchiseur n’est pas tenu de reprendre les stocks restant entre les mains du franchisé, ce
principe souffre néanmoins parfois de certaines exceptions.
Les circonstances de la cessation des relations contractuelles entre franchiseur et
franchisé peuvent, dans certaines hypothèses, conduire les tribunaux à régler le sort des
stocks au détriment du franchiseur. Il en est ainsi, par exemple, lorsque la cessation du
contrat de franchise par le franchiseur s’est réalisée dans des circonstances fautives ou
abusives imputables à lui. En pareille hypothèse, les juges n’hésitent pas à contraindre
le franchiseur, à qui la cessation fautive du contrat est imputable, à reprendre le stock
détenu par le franchisé lors de la cessation du contrat à titre de réparation. Un arrêt du
23 mai 2000 rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation illustre
parfaitement cette tendance1233
. Dans cet arrêt, rendu en matière de contrats de
concession, mais dont la solution est transposable aux contrats de franchise, les faits se
présentent de la manière suivante. Un contrat de concession est conclu entre la société
Ligne Roset, concédant, et la société Rehitime, concessionnaire pour une durée de trois
ans. Ce contrat ne contenait ni des clauses de tacite reconduction ou de renouvellement,
ni des clauses de prorogation. En revanche, il prévoyait dans son article 17 que la
société concessionnaire disposait d’un délai de trois mois pour pouvoir écouler les
stocks détenus après la cessation du contrat. Toutefois, et quelques jours avant
l’échéance du contrat, la société concédante a notifié à la société concessionnaire
qu’elle n’entendait pas renouveler le contrat la liant avec elle pour une nouvelle durée.
La société concessionnaire estimait qu’il y avait là une brusque rupture du contrat de la
part de la société concédante. Elle l’a donc assigné en paiement de dommages et intérêts
et en reprise des stocks détenus par elle lors de la cessation du contrat. Les juges du
fond, saisis du litige, lui ont donné gain de cause. Ils ont considéré que si la société
concédante Ligne Roset avait le droit de ne pas renouveler le contrat de concession
venu à expiration, la notification tardive, quelques jours avant l’échéance, de son refus
de renouvellement constituait une brusque rupture engageant sa responsabilité.
1233
Cass. com., 23 mai 2000, RJDA 2000, n° 973, p.772 ; RTD civ. 2001, p.137, obs. J. MESTRE et B.
FAGES.
387
La Cour d’appel a condamné celle-ci à payer une indemnité, à titre de réparation,
pour brusque rupture ainsi qu’à la reprise des stocks restant entre les mains de la société
concessionnaire lors de la cessation du contrat de franchise. Pour justifier sa décision, la
Cour d’appel relève que même s’il est constant que le contrat de concession n’a prévu
aucun préavis lors du non-renouvellement de celui-ci, les usages commerciaux imposent
à la société concédante Ligne Roset de respecter un préavis qui doit nécessairement
précéder le terme contractuel permettant à la société concessionnaire Rehitime
d’organiser sa reconversion. Ce préavis ne doit pas se confondre avec la période de fin
de relation prévue à l’article 17 qui, postérieure à l’échéance, n’a pour but que
d’organiser l’écoulement du stock et de traiter les affaires en cours une fois que le
contrat de concession prend fin.
La société Ligne Roset s’est pourvue en cassation en reprochant à l’arrêt d’appel
de méconnaître les termes du contrat. Selon elle, le refus du renouvellement du contrat
intervenu peu avant l’échéance ne constitue pas une faute, puisque, d’une part, la règle
dans les contrats à durée déterminée est que la survenance du terme entraîne une
extinction automatique du contrat sans qu’aucune manifestation de la part de l’une des
parties en ce sens soit nécessaire. D’autre part, le contrat de concession ne contenait
aucune clause de tacite reconduction ou de prorogation pour que la notification du
préavis lors du non-renouvellement du contrat soit exigée d’elle. Or, son pourvoi a été
rejeté par la Chambre commerciale. Celle-ci a approuvé l’arrêt d’appel en jugeant ainsi :
« Mais attendu qu’après avoir retenu que le caractère tardif de la notification de non-
renouvellement constituait une faute de la société Roset dans le contexte exposé, l’arrêt
constate que le contrat de concession imposait au concessionnaire un niveau de stock
élevé, que l’absence de préavis a conduit la société Rehitim à s’approvisionner
jusqu’au terme du contrat et que la présence à proximité immédiate du nouveau
concessionnaire Ligne Roset a freiné l’écoulement du stock ; qu’ayant ainsi déterminé
le préjudice complémentaire né de la faute commise, la Cour d’appel a légalement
justifié sa décision de le réparer par la reprise par le concédant du stock restant… »
388
Ainsi, si le franchiseur met fin au contrat de franchise de manière irrégulière ou
abusive, il peut être contraint de reprendre les stocks restant entre les mains du franchisé
lors de la cessation du contrat. Ce n’est là, en réalité, qu’une application du droit
commun de la responsabilité1234
379. Synthèse. Le principe est que, dans le silence du contrat de franchise, le
franchiseur ne saurait tenu de reprendre les stocks restants chez le franchisé en fin de
contrat, puisque ce dernier en est le propriétaire. Il n’en va autrement qu’en cas de
rupture fautive imputable au franchiseur. Toutefois, il convient de noter qu’il est de
moins en moins fréquent de rencontrer des contrats de franchise qui ne règlent pas la
question du sort des stocks en fin de contrat. Les parties déterminent, le plus souvent, le
sort des stocks, dès la formation du contrat de franchise, par l’insertion d’une clause.
B. Stipulation contractuelle relative à la reprise des stocks
380. Clauses variantes. Afin d’éviter toute discussion éventuelle entre les parties quant
au sort des stocks en fin de contrat, le franchiseur et le franchisé veillent, le plus
souvent, à insérer une clause réglant cette question. Tantôt, ils prévoient une clause
stipulant la reprise des stocks par le franchiseur en fin de contrat (1). Tantôt, au
contraire, ils l’excluent expressément en indiquant que le franchisé assume seul
l’écoulement des produits qu’il détient en fin de contrat (2).
1234
Ph. le TOURNEAU, Concession exclusive, J-CI Contrats et distribution, 2001, fasc.1035, n° 191.
Pour l’auteur, la responsabilité est « une voie commode et simple, que la jurisprudence pourrait emprunter plus souvent. Une fois encore, la responsabilité civile remplit à merveille son office de remédier aux lacunes du droit, ici des contrats spéciaux, d’être ce Bon Samaritain toujours disponible pour venir en aider aux victimes désemparées que nous nous plaisons à louer ». V. Ph. le TOURNEAU,
Droit de la responsabilité et des contrats, Dalloz, 2006/2007, n° 24, p.23 et s : « La responsabilité pour faute est un moyen efficace, souvent le seul, pour lutter contre la vocation impérialiste du marché, ou freiner le libéralisme absolu érigé au rang de dogme. Bon Samaritain toujours disponible, elle est un remède général aux lacunes du droit, aux défaillances du législateur et aux modifications des données ».
389
1. Clause prévoyant la reprise des stocks
381. Clauses contractuelles imposant la reprise des stocks par le franchiseur. Il
arrive que les contrats de franchise contiennent une clause prévoyant que le franchiseur
s’engage expressément à reprendre les stocks du franchisé en fin de contrat au prix
facturé1235
. La validité de telles clauses n’est pas douteuse1236
. La jurisprudence
reconnaît son efficacité dès lors qu’elle est expressément stipulée dans le contrat1237
.
La clause imposant la reprise des stocks par le franchiseur en fin de contrat présente un
caractère obligatoire pour ce dernier1238
. Cela veut dire qu’en présence d’une pareille
clause, le franchiseur est tenu d’une obligation de faire dont le non respect engage sa
responsabilité contractuelle et entraîne l’attribution au profit du franchisé de dommages
et intérêts1239
.
Dans certaines hypothèses, le contrat prévoit une certaine limite à la clause de
reprise des stocks par le franchiseur. Il en est ainsi lorsque le contrat stipule que la
clause imposant la reprise des stocks par le franchiseur ne s’applique pas lorsque la
rupture du contrat de franchise est imputable au franchisé1240
. Quant à la portée de la
clause imposant la reprise des stocks de plein droit par le franchiseur, les contrats de
franchise prévoient, dans l’immense majorité des cas, que la reprise des stocks par le
franchiseur ne peut concerner que les produits restant à l’état neuf entre les mains du
franchisé et commandés durant les six derniers mois.
1235
Par exemple, le contrat de franchise « Prénatal » prévoit que le franchiseur rachètera les stocks du
distributeur, et prendra en charge auprès de la clientèle les livraisons en cours au moment de la rupture du
contrat. 1236
Ph. le TOURNEAU, Les contrats de franchisage, Litec, 2e edition, 2007, n° 675, p.296, et s. V. aussi,
Les Lamy droit économique, 2007, n° 4387, et la jurisprudence citée ; M. MALAURIE-VIGNAL, Droit
de la distribution, Sirey, 2006, n° 712, p.193. 1237
CA Paris 15 janvier 1999, D. Aff. 1999, p.516, obs. E.C 1238
Ph. Le TOURNEAU, Les contrats de franchisage, Litec, 2e édition, 2007, n° 675, p.296, et s. V. Les
Lamy droit économique, 2007, n° 4387, la jurisprudence citée ; M. MALAURIE-VIGNAL, Droit de la
distribution, Sirey, 2006, n° 712, p.193. 1239
Lamy droit économique, 2007, n° 4387. V. également, A. ROLAND, th., précitée, n° 248, p.172. 1240
Cass. com. 8 mars 1967, JCP.1968.II, n° 15346, note. J. HEMARD ; Cass.com.23 mai 2002, RJDA
2000, n° 973, p.772 ; RTD civ. 2001, p.137, obs. J. MESTRE et B. FAGES.
390
Une clause stipulée au sein du contrat de franchise prévoit ainsi : « En cas de résiliation
ou de non-renouvellement du contrat par le franchiseur, hors faute du franchisé, les
stocks de produits et pièces de rechange invendus, restés à l’état neuf, commandés dans
les six derniers mois, seront repris par le franchiseur au tarif, moins décote de ….%,
destinée à couvrir les frais de ce dernier »1241. En pareille hypothèse, le franchiseur ne
sera donc tenu de reprendre que les produits conformes au contrat.
Toutefois, en l’absence de toute disposition contractuelle déterminant la nature des
stocks sur lesquels porte la clause de reprise, celle-ci a une portée générale1242
. Le
franchiseur peut être tenu de reprendre tous les stocks de produits que détient le
franchisé lors de la cessation des relations contractuelles et, y compris ceux qui ne sont
pas en bon état. Il ne saurait refuser de reprendre certains types de produits, sauf s’il
démontre qu’ils sont périmés en raison de la mauvaise gestion du franchisé1243
. Pour ce
qui concerne les modalités de la mise en œuvre de la clause imposant la reprise des
stocks par le franchiseur à l’issue du contrat, elles sont généralement déterminées par le
contrat lui-même1244
. Le contrat fixe souvent le délai pendant lequel le franchiseur
s’engage à reprendre les stocks après la cessation du contrat et ainsi que la valeur de
reprise des marchandises. A ce sujet, il est à noter que, sur le plan pratique, le
franchiseur applique, souvent, une réduction de 25 % sur le prix initial1245
. Un tel
abattement ne devrait pas être admis lorsque le franchiseur ne reprend que des
marchandises neuves revêtues de leur emballage original, puisque, dans cette hypothèse,
le franchiseur n’a pas de grandes difficultés à les commercialiser, soit directement, soit
auprès de l’un de ses franchisés1246
.
1241
Ph. le TOURNEAU, Les contrats de franchisage, Litec, 2e edition, 2007, n° 675, p.296, et s
1242 Lamy économique, 2007, 4388
1243 CA Paris 15 janvier 1999, D. Aff. 1999, p.516, obs. E.C. Dans cet arrêt, il fut jugé qu’une clause de
reprise des stocks, quand bien même elle ne comporterait aucune restriction quant à la durée de validité
des produits pour leur reprise par le concédant, ne saurait contraindre ce dernier à reprendre des
marchandises périmées dès lors que leur présence chez le distributeur ne peut s’expliquer que par sa
mauvaise gestion de son stock. 1244
A cet égard, la norme AFNOR sur la franchise insiste sur la nécessité pour les parties de prévoir les
modalités d’écoulement ou de reprise des stocks et du matériel spécifiques à son expiration. 1245
F.-X. LICARI, th., précitée. 1246
Ibid.
391
Il convient, toutefois, de noter que la plupart du temps, la clause de reprise n’est
pas rédigée d’une manière contraignante, en ce sens qu’elle ne constitue point une
obligation pour le franchiseur.
382. Clause autorisant la reprise des stocks en fin de contrat. Dans certaines
hypothèses, le contrat de franchise contient une clause selon laquelle le franchiseur se
réserve la simple faculté de reprendre le stock du franchisé en fin de contrat. Cependant,
ce n’est pas une obligation1247
. Cette clause prévoit parfois même les modalités en cas
de reprise des stocks par le franchiseur. C’est le cas lorsque le contrat de franchise
contient une clause rédigée comme suit : « Dans les …jours suivant la fin du contrat, le
franchisé fournira au franchiseur un état complet du stock des produits de la franchise
qu’il détiendra encore accompagné de leur prix de revente. Le franchiseur aura la
possibilité (mais non l’obligation) de racheter tout ou partie de ce stock au prix de
vente initial ou au prix de marché s’il est inférieur. La décision de rachat devra être
notifiée par écrit dans les… jours suivant la réception de l’inventaire du stock. Si les
parties ne s’accordent pas sur le prix de rachat des produits de la franchise dans un
délai de …… jours, sa détermination sera faite par un évaluateur indépendant. Si le
franchiseur décide de ne pas racheter les produits de la franchise, le franchisé sera
libre de les vendre mais dans des conditions normales et sans rabais excessif »1248.
Aux antipodes des clauses qui imposent la reprise des stocks par le franchiseur lors
de la rupture du contrat ayant un caractère contraignant, les clauses autorisant la reprise
des stocks par le franchiseur n’ont qu’un caractère facultatif. Le franchiseur n’est pas
tenu de racheter les stocks restant non encore vendus chez le franchisé lors de la rupture
du contrat de franchise. Autrement dit, en présence d’une telle clause, le franchiseur se
réserve la simple faculté de reprendre le stock du franchisé en fin de contrat, sans qu’il
soit tenu de le faire1249
. C’est à priori un avantage pour le franchiseur.
1247
Ph. Le TOURNEAU, Les contrats de franchisage, Litec, 2e édition, 2007, n° 675, p.296, et s. V.
aussi, Lamy économique, 2007, n° 4389. 1248
Article 28, 2, du contrat modèle CCI de franchise internationale de distribution. 1249
Ph. Le TOURNEAU, Les contrats de franchisage, Litec, 2e edition, 2007, n° 675, p.296, et s ;Lamy
économique, 2007, 4389.
392
En revanche, une telle clause ne manque pas de présenter certains inconvénients
pour le franchisé. En présence d’une telle clause, celui-ci se trouve dans l’incertitude
totale quant à la possibilité d’écouler les stocks de produits et de pièces restant dans son
magasin lors de la cessation du rapport contractuel, étant donné que tout dépend de la
volonté du franchiseur. Ainsi, la situation du franchisé dont le contrat contient une
clause autorisant la reprise des stocks par le franchiseur n’est pas moins mauvaise que
celle du franchisé dont le contrat contient une clause excluant expressément toute
reprise des stocks par le franchiseur. La situation de ce dernier peut être même plus
avantageuse puisqu’il connaît dès le début le sort des stocks qu’il détient. Par
conséquent, il pourrait prendre toutes les mesures nécessaires.
2. Clause excluant la reprise des stocks
383. Validité. Parfois, les contrats de franchise contiennent une clause qui exclut
expressément toute reprise des stocks par le franchiseur lors de la cessation du contrat.
Toutefois, la question est de savoir si une telle clause est valable. La jurisprudence,
approuvée par une partie de la doctrine1250
, s’est, dans un premier temps, prononcée
pour la nullité des clauses excluant toute reprise des stocks par le franchiseur. Elle
considérait une telle clause contraire à la règle « qui doit garantie ne peut évincer »
consacrée par l’article 1628 du code civil. Par conséquent, elle devait être réputée non
écrite1251
.
Toutefois, la jurisprudence a opéré un revirement en décidant que « l’équilibre des
obligations voulu par les parties serait rompu si l’on supprimait le risque sciemment
accepté par le revendeur de se trouver en fin de contrat avec un stock qu’il lui serait
désormais plus difficile d’écouler »1252
. Ainsi lorsque le contrat de franchise stipule que
les stocks ne seront en aucun cas repris par le franchiseur en fin de contrat, cette clause
doit recevoir application.
1250
M. CABRILLAC, not sous CA Parsi 12 octobre 1966, D.1967, jurs, p.516. 1251
CA Paris 12 octobre 1966, D. 1967, jurs, p.516, note.M. CABRILLAC. 1252
CA Paris 19 novembre 1969, JCP. 1970, Ed., CI, II, n° 87387, note.P. LEVEL.
393
384. Inconvénients éventuels. L’insertion d’une clause excluant la reprise des stocks
par le franchiseur pourrait, dans certaines circonstances, présenter de graves
inconvénients pour les parties. Une telle clause pourrait avoir pour effet d’amener le
franchisé à revendre, pendant le délai de préavis, les stocks de produits qu’il détient en
fin de contrat, à des prix bas ou cassés. Cela ne manquerait pas, parfois, non seulement
d’augmenter son préjudice mais aussi de porter atteinte à l’image et à la réputation du
réseau.
385. Précaution. Aussi, lorsque le contrat contient une clause excluant la reprise des
stocks par le franchiseur, celui-ci doit se montrer plus souple soit en aménageant un
délai de préavis suffisant, soit en laissant à l’ancien franchisé la possibilité d’utiliser les
signes distinctifs postérieurement à la rupture du contrat pour faciliter l’écoulement
rapide des stocks et dans des conditions satisfaisantes. Il s’agit, là, d’ « une sage
précaution qui permet tout à la fois, d’atténuer et de sauvegarder l’image de marque du
réseau »1253
. Reste enfin à savoir si le franchiseur est tenu ou non de reprendre les
stocks non vendus chez le franchisé à la fin du contrat en droit comparé.
§ 2. La situation en droit compare
386. Diversité de position. Certains systèmes juridiques étrangers s’harmonisent avec
le droit français en excluant l’obligation de reprise des stocks par le franchiseur en fin
de contrat (A). D’autres systèmes, au contraire, se distinguent en imposant une telle
obligation à la charge du franchiseur (B).
1253
A. ROLLAND, La situation juridique des concessionnaires et des franchisés membres d’un réseau
commerciale, th., Rennes, 1976,, n°251, p.174.
394
A. Droits excluant la reprise des stocks
387. Droit suédois. En effet, certains droits étrangers adoptent une position identique à
celle retenue par le droit français. Dans le silence du contrat, ils refusent de mettre à la
charge du franchiseur ou du concédant une obligation de reprise des stocks de plein
droit en fin de contrat. Tel est le cas du droit suédois1254
. Selon ce dernier, le franchiseur
ou même le concédant n’est nullement tenu de reprendre les stocks du franchisé restant
invendus en fin de contrat en l’absence de tout accord. Ces stocks restent à la charge du
franchisé ou du concessionnaire qui en est propriétaire1255
.
Il n’en va autrement qu’au cas où il se révèle que la rupture du contrat de franchise
par le franchiseur est intervenue dans des circonstances fautives. Dans cette hypothèse,
et seulement dans cette hypothèse, le franchiseur peut être contraint de reprendre les
stocks du franchisé restant invendus lors de la cessation du contrat1256
.
388. Droit autrichien. La même solution se trouve consacrée par le droit autrichien1257
.
En effet, les tribunaux autrichiens considèrent qu’en l’absence de tout accord sur le sort
des stocks à la fin du contrat, la reprise des stocks restant invendus entre les mains du
franchisé ne peut être imposée au franchiseur.
Cependant, les tribunaux prennent en considération les circonstances dans
lesquelles la cessation du contrat de franchise est intervenue. Ils n’hésitent pas à
contraindre le franchiseur à racheter les stocks restant en possession du franchisé en fin
de contrat lorsqu’il se révèle que la rupture du contrat de franchise effectuée par lui était
fautive1258
.
1254
J.-J. ZANDER : « SUEDE : La rupture du contrat de distribution », CJFE / CFCE 1997, n° 2, p.363,
et spéc., 367. 1255
Ibid. 1256
Ibid. 1257
C. CASEAU-ROCHE, Les obligations post-contractuelles, th., Paris I, 2001, n°24, p.32 et s. 1258
Ibid.
395
389. Droit saoudien. La solution est tout à fait semblable en droit saoudien. Dans ce
dernier, le principe est l’absence d’obligation de reprise des stocks par le franchiseur ou
par le concédant en fin de contrat. Il n’en va autrement qu’en cas de rupture fautive du
contrat qui lui est imputable. Cette solution est rappelée par une jurisprudence
constante1259
. Selon celle-ci, dans le silence du contrat, et sauf clause contraire, le
franchiseur ne saurait être tenu de reprendre les stocks invendus restant en la possession
du franchisé lors de la cessation des relations contractuelles. Ces stocks restent à la
charge du franchisé qui en est le propriétaire. Par conséquent, il doit donc supporter le
risque de son non-écoulement. Il n’en va autrement qu’en cas de rupture fautive du
contrat imputable au franchiseur. Toutefois, il convient de noter que si certains droits
étrangers retiennent comme principe l’absence de reprise des stocks de plein droit par le
franchiseur en fin de contrat, d’autres droits étrangers, de plus en plus nombreux,
l’écartent en préférant offrir une protection économique et sociale aux franchisés ou aux
concessionnaires.
B. Droits admettant la reprise des stocks de plein droit
390. Droit allemand. En droit allemand, la jurisprudence constante estime qu’en vertu
de l’obligation générale de loyauté ( Treuepflicht ) découlant de l’article 242 du BGB,
qui se trouve renforcée notamment dans les contrats de la distribution, le franchiseur ou
le concédant est tenu de prêter assistance au franchisé ou au concessionnaire en
possession d’un stock en fin de contrat1260
. Cette assistance peut consister soit à l’aider à
écouler ses stocks restant invendus lors de la rupture du contrat, soit à les racheter.
1259
Ch. com., Diwan Al-Mazalim, 21 mars 2005 ;Ch. com., Diwan Al-Mazalim, 11 novembre 1994,
inédit. 1260
M. MALAURIE-VIGNAL, Droit de la distribution, Sirey, 2006, n° 715, p. 193. V. aussi, F.-X.
LICARI, La protection du distributeur intégré en droit français et allemand, Litec 2001, préface. C.Witz,
p.594 et s.
396
391. Droit belge. Une position identique est retenue par le droit belge1261
. En effet, les
juges belges se fondent parfois sur la bonne foi dans l’exécution du contrat et l’équité
pour contraindre le franchiseur à reprendre les stocks du franchisé restant invendus lors
de la cessation des relations contractuelles. Dans un arrêt du 27 mai 1994 rendu en
matière de contrat de concession, mais la solution pourrait aussi s’appliquer aux contrats
de franchise, le juge des référés a condamné un concédant à reprendre immédiatement
ces stocks sous peine d’astreinte, avec remboursement de sa valeur établie par expert, en
relevant l’importance des frais de stockage pour le concessionnaire et les graves
conséquences financières résultant de l’impossibilité d’écouler ce stock dans des
conditions raisonnables après la fin du contrat1262
.
392. Droit irlandais. La même solution se trouve consacrée en droit irlandais1263
. Dans
ce dernier, la règle retenue est qu’en l’absence d’un accord réglant le sort des stocks en
fin de contrat, les stocks invendus restant en possession du distributeur en fin de contrat
doivent être retournés au fournisseur. Il en est de même pour les échantillons et tout
matériel publicitaire ou promotionnel.
Quant au délai du renvoi des stocks que le distributeur évincé du réseau doit
respecter, les tribunaux irlandais estiment que celui-ci doit être raisonnable1264
, sauf s’il
s’agit de stocks périssables. Alors ceux-ci doivent être renvoyés par le distributeur au
fournisseur dans un délai spécial, c'est-à-dire un délai bref de telle manière qu’il
permette un maintien des stocks en bon état1265
.
393. Droit grec. Il en va de même pour le droit grec. Dans ce dernier, le franchiseur est
tenu d’une obligation de reprise de plein droit des stocks invendus restant en possession
du franchisé lors de la cessation des relations contractuelles
1261
V. P. DEMOLIN, Le contrat de franchise : chronique de jurisprudence français et belge 1995-2000,
Larcier, 2001, p.117 et s. 1262
Bruxelles, 27 mai 1994, R.D.C. 1995, p.496, cité par P. DEMOLIN, Le contrat de franchise :
chronique de jurisprudence français et belge 1995-2000, op.cit., n° 166, p.117. 1263
V. « Irlande : rupture du contrat de concession de distribution », CJFE/CFCE 1997/n°5, p.969, et
spéc., p.973. 1264
Ibid. 1265
Ibid.
397
Une pareille solution peut être déduite d’une sentence arbitrale portant sur la
rupture d’un contrat de concession. Dans cette sentence, le Tribunal arbitral, statuant
selon le droit grec, a imposé la reprise du stock au concédant autrichien, bien que le
contrat ait été régulièrement résilié et en l’absence même de toute clause
contractuelle1266
.
394. Droit américain. Cette solution, favorable au franchisé en ce sens qu’elle peut être
de nature à atténuer le préjudice qu’il subit du fait de la cessation du contrat, se trouve
aussi consacrée dans certains Etats aux Etats-Unis1267
. C’est ainsi, par exemple, que le
droit de l’Etat du Texas oblige le franchiseur ou le concédant à racheter les stocks du
franchisé ou du concessionnaire restant invendus entre ses mains en fin de contrat1268
.
Ce dernier prévoit même une procédure détaillée régissant le rachat de ces stocks1269
.
395. Conclusion de la section II – Les stocks restant invendus chez le franchisé lors de
l’extinction des relations contractuelles restent à sa charge, étant donné qu’il en est
sensé propriétaire. Cette solution s’impose même si les stocks sont imposés à lui par le
franchiseur. Il en va tout autrement en cas de clause prévoyant la reprise des stocks par
le franchiseur lors de la rupture du contrat ou lorsqu’il y a une faute commise par le
franchiseur lors de la cessation des relations contractuelles. Dans ces seules hypothèses,
le franchiseur soit tenu de reprendre des stocks restant chez le franchisé lors de la
rupture du contrat.
1266
Sentence, n°7862 de 1997, citée par C-Q. CORINNE TRUONG, Les différends liés à la rupture des
contrats internationaux de distribution dans les sentences arbitrales CCI, Thèse, Litec 2002, préfac P.
Fouchard, n°301, p.257. 1267
H. LASTENOUSE, La protection des concessionnaires aux Etats-Unis au travers des dealer
protection statutes : le cas de la Californie, de l’Ohio et du Texas, RDAI, 1995, n°7, p.839, et spéc.,
p.845. 1268
Ibid 1269
Ibid.
398
396. Conclusion du chapitre II - Le franchiseur n’est pas en principe tenu, lors de
l’extinction des relations contractuelles, de payer au franchisé une indemnité autre que
celle dont il sera tenu en cas de rupture fautive. Il n’est pas tenu non plus de reprendre
les stocks restant à la charge du franchisé lors de l’extinction du contrat de franchise.
L’absence de telles obligations à la charge du franchiseur s’explique par le fait que,
contrairement à l’agent commercial qui ne travaille pas en son nom et pour son compte,
le franchisé est un commerçant juridiquement indépendant, bien qu’il soit
économiquement dépendant. Il dispose d’une clientèle propre qu’il garde même après
l’extinction du contrat le liant au franchiseur. Les produits qu’il a achetés du franchiseur
mais qu’il n’a pas pu écouler du fait de la rupture du contrat restent à sa charge parce
qu’il en est propriétaire. Il revient donc au franchisé, qui désire obtenir une indemnité
de clientèle en fin de contrat ou qui veut écarter le risque de supporter à charge des
stocks, de prévoir dans leur contrat une clause en ce sens. Or, cela n’est pas toujours
facile en raison de ce que le contrat de franchise est un contrat d’adhésion pré-rédigé par
le franchiseur, ce qui nécessite donc la protection du franchisé, surtout lors de
l’extinction du contrat.
399
397. Conclusion du titre II. L’extinction du contrat de franchise produit certains effets
à l’égard des parties qui ne sont, en réalité, que ses suites logiques. Elle impose au
franchisé comme au franchiseur de liquider la relation contractuelle. Quant au franchisé,
celui-ci doit cesser d’utiliser les signes distinctifs appartenant au franchiseur aussitôt
que l’extinction du contrat de franchise survient. De même, il est tenu de restituer à ce
dernier tous les matériels qu’il a mis à sa disposition en vue de l’exécution du contrat de
franchise. La restitution se fait en principe en nature, sauf dans l’hypothèse où celle-ci
paraît excessivement coûteuse. Alors, la restitution peut se faire par équivalent1270
. Le
non-respect de l’obligation de restitution par le franchisé engage sa responsabilité. Le
franchisé est encore tenu de respecter les obligations à effet post-contractuel que met le
contrat de franchise à sa charge et visant à protéger le réseau. Non seulement, il ne doit
pas révéler le secret du savoir-faire après le contrat, mais également il ne doit pas
concurrencer le franchiseur et ne pas s’affilier à un autre réseau concurrent. De la part
du franchiseur, celui-ci n’est tenu de presque rien, sauf de restituer la caution s’il y en a
une. Il n’a pas l’obligation de verser au franchisé évincé une indemnité ni de reprendre
les stocks restant entre ses mains lors de l’extinction du contrat, sauf clause contraire ou
en cas de rupture fautive. Une telle solution n’est point satisfaisante. Le franchisé
s’expose à des conséquences économiques désastreuses en fin de contrat, et cela en
raison de la perte des investissements qui deviendront souvent inutiles après le contrat et
en raison aussi de l’obligation de non-concurrence et de non-affiliation. Nous soutenons
donc que, sauf rupture fautive de sa part, l’octroi d’une indemnité au franchisé en fin de
contrat fondée sur sa participation à la création et au développement de la clientèle du
réseau, à coté de l’obligation du franchiseur de reprendre les stocks restant invendus
entre les mains du franchisé à la fin du contrat, paraît nécessaire et susceptible de
remédier à l’une des principales sources de déséquilibre du contrat de franchise.
1270
Supra n° 379
400
CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE
398. Qu’elle puise sa source dans le non-renouvellement du contrat à l’échéance du
terme ou qu’elle puise sa source dans sa résiliation, l’extinction des relations
contractuelles entre franchiseur et franchisé constitue un moment délicat et complexe.
Elle entraîne souvent de multiples effets juridiques à l’égard des parties. D’une part,
l’extinction du contrat de franchise peut faire naître la responsabilité de l’une des
parties, en raison du comportement fautif qu’il a adopté lors de la cessation du lien
contractuel. Le franchiseur ou le franchisé peut obtenir réparation du préjudice qu’il a
subi du fait de la cessation fautive du contrat faite par son cocontractant. Dans cette
hypothèse, le franchisé ou le franchiseur peut demander la réparation en nature par la
condamnation forcée de son cocontractant à reprendre le lien contractuel fautivement
rompu. Mais le juge n’est nullement tenu de satisfaire sa demande. Il peut faire droit à
sa demande comme il peut l’écarter en optant pour la réparation par des dommages et
intérêts. Généralement les juges optent en faveur de la réparation par allocation de
dommages et intérêts plutôt que de condamner le contractant défaillant au maintien
forcé du contrat fautivement rompu. Et cela est en raison de l’efficacité douteuse de ce
dernier à coté des difficultés pratiques qu’elle pose, bien que la réparation en nature
sous la forme de la reprise forcée du contrat permette paradoxalement, d’éviter les
difficultés de la détermination du montant des dommages et intérêts et son évaluation
parfois faite de manière arbitraire.
399. Outre l’engagement parfois de la responsabilité, l’extinction du contrat implique la
séparation des parties et donc la liquidation des relations contractuelles. Le franchisé
doit restituer tout ce qui a été mis à sa disposition par le franchiseur en vue de
l’exécution du contrat. Le franchiseur, quant à lui, n’est pas tenu de payer au franchisé
une indemnité en fin de contrat ni d’acheter les produits qui ne sont pas écoulés par le
franchisé lors de la cessation du contrat, sauf stipulation contraire ou en cas de rupture
fautive du contrat lui étant imputable.
401
L’absence de telles obligations à la charge du franchiseur déséquilibre les relations
contractuelles au bénéfice de celui-ci, relations contractuelle qui sont à l’origine déjà
déséquilibrées en raison de l’état de l’infériorité économique du franchisé. Ce
déséquilibre, découlant de l’intégration forte du franchisé dans le réseau, se manifeste
clairement lors de la cessation du contrat de franchise. Il est encore aggravé par les
engagements de non-concurrence et de non-affiliation à effet-post contractuel imposés
par le franchiseur au franchisé sous prétexte de la sauvegarde du réseau. Si la protection
du réseau par le franchiseur demeure une chose indispensable, le déséquilibre que
supporte le franchisé à la fin du contrat ne mérite t-il pas que l’ on lui prête plus
attention et que l’on cherche un remède ?
402
CONCLUSION GENERALE
400. Constantes Au terme de cette étude, un certain nombre de principes peuvent être
dégagés.
1- Lorsqu’un contrat de franchise est conclu pour une durée déterminée, ce contrat
prend fin à l’expiration de cette durée, sauf renouvellement du contrat. A l’échéance du
terme, chacune des parties recouvre sa liberté. Le principe est l’absence d’un droit au
renouvellement du contrat à son terme. Ce principe doit, en effet, être préservé. Il se
justifie non seulement par l’indépendance juridique des parties, mais aussi par le souci
de protéger l’efficacité du réseau. Une éventuelle reconnaissance au franchisé, par
exemple, d’un droit au renouvellement du contrat à l’arrivée du terme peut nuire au
réseau de franchise. D’une part, elle pourrait entraver la possibilité pour le franchiseur
de réorganiser son réseau et de procéder aux aménagements que lui impose le marché.
D’autre part, il est à craindre que la reconnaissance d’un droit au renouvellement au
profit du franchisé réduise sa mobilité, son dynamisme au sein du réseau, ce qui
rendrait, dans les deux hypothèses, sclérosé voir rigide, et donc entraînerait sa
destruction.
2- Afin de stabiliser les relations contractuelles et d’éviter tout éventuel préjudice
résultant de la rupture du contrat, il est nécessaire de mettre à la charge du franchiseur
ou du franchisé une obligation de respecter un délai de préavis non seulement lors de la
résiliation du contrat à durée indéterminée mais également lors du non-renouvellement
du contrat à durée déterminée. Une telle obligation a l’avantage de permettre au
contractant subissant la rupture de prendre les mesures nécessaires pour opérer sa
reconversion. Cela permettra, par conséquent, de réduire le préjudice résultant de la
perte du contrat. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle l’obligation de respecter un
délai de préavis lors du non-renouvellement est consacrée par le Code de déontologie
européenne de la franchise.
403
L’article 14 de ce Code prévoit l’obligation pour le franchiseur d’informer le
franchisé, avec un préavis suffisant, de son intention de ne pas renouveler l’ancien
contrat arrivé à son terme ou de ne pas signer un nouveau contrat.
3 -Compte tenu de la nature du contrat de franchise qualifié de contrat d’adhésion et
compte tenu aussi de ce qu’il constitue le support de l’activité et de la situation
professionnelle du franchisé, il est nécessaire d’octroyer au juge un certain pouvoir
d’appréciation de l’opportunité de l’application de clause résolutoire. En cas de saisine
du juge, celui-ci ne doit pas se contenter de contrôler simplement si la clause résolutoire
a été mise en œuvre par le franchiseur de manière loyale ou non ; il doit aussi vérifier si
la sanction imposée est proportionnée au manquement reproché au franchisé. Il devrait
faire échec à la clause résolutoire chaque fois qu’il se révèle qu’elle a été invoquée par
le franchiseur pour sanctionner une inexécution minime.
4 -Le contrat de franchise est un contrat fort marqué par l’intuitus personae, et cela en
raison de la communication du savoir-faire et de la collaboration étroite entre les
parties. Toutefois, cet intuitus personae constitue un facteur d’instabilité des relations
contractuelles unissant le franchiseur au franchisé. Tout changement dans la personne
du franchiseur ou du franchisé ou dans l’une de ses qualités prise en compte lors de la
conclusion du contrat peut être de nature à entraîner la fin anticipée du contrat. Afin de
stabiliser, au moins de manière relative, la situation juridique des parties -notamment
celle du franchisé, une obligation de motivation devrait être mise à la charge du
contractant qui refuse d’agréer le cessionnaire en cas de cession du contrat de franchise
ou du fonds de commerce. De même, la cession judiciaire du contrat de franchise en cas
de procédure collective doit être favorisée au cas où cette procédure frappe le franchisé.
En pareille hypothèse, il n’y a pas de raison pour le franchiseur de ne pas admettre une
telle cession tant que le successeur présente toutes les qualités requises et susceptibles
d’assurer la bonne exécution du contrat.
404
Bien sûr, la situation n’est pas la même lorsque c’est le franchiseur qui se trouve
mis en redressement. Dans ce cas, la cession judiciaire du contrat est impossible sauf
accord des franchisés, étant donné que l’objet du contrat qui est le savoir-faire sera
modifié.
5- Pour réduire les effets néfastes que produisent les clause de non-concurrence et de
non-affiliation à l’égard du franchisé après le contrat, il ne suffit pas que ces clauses
soient limitées dans le temps et dans l’espace et justifiées par un intérêt légitime ou
encore qu’elles soient proportionnées par rapport à l’intérêt du franchiseur qu’elles
visent à protéger. Encore faut-il que leur validité soit soumise à une contrepartie
financière. Cette contrepartie financière permettra la survie de l’activité commerciale du
franchisé après la rupture du contrat. Nous avons vu qu’un arrêt récent rendu par la
Chambre commerciale va apparemment en ce sens. Mais cet arrêt reste peu net. Nous
espérons que celle-ci subordonne clairement et expressément, à l’instar de la Chambre
sociale pour le contrat de travail, la validité de la clause de non-affiliation et de la clause
de non-concurrence, particulièrement cette dernière, à une contrepartie financière.
6- Nous avons vu que la jurisprudence refuse de mettre à la charge du franchiseur une
obligation de reprendre les stocks restant entre les mains du franchisé lors de la rupture
du contrat en l’absence d’une clause en ce sens. Une telle solution devrait être modifiée.
Elle ne correspond pas, croyons- nous, à la réalité du rapport contractuel entre
franchiseur et franchisé, réalité qui consiste à ce que, dans l’immense majorité des
contrats de franchise, la constitution des stocks est imposée par le franchiseur. Ce
dernier oblige le franchisé à détenir une quantité de marchandises qu’il doit maintenir
pour mieux satisfaire la demande de la clientèle. Le franchisé ne peut généralement pas
le refuser en raison de l’état de la dépendance économique quasi-totale dans laquelle il
se trouve à l’égard du franchiseur.
405
Nous estimons donc qu’il est souhaitable que le franchiseur soit tenu d’une
obligation de reprendre les stocks non vendus restant entre les mains du franchisé à la
fin du contrat, sauf s’il se révèle que l’impossibilité d’écoulement des stocks est due à
un manquement qui lui est imputable.
7- Enfin, le franchisé devrait avoir une indemnité de clientèle en fin de contrat
récompensant la clientèle qu’elle apporte au franchiseur et qui reste toujours attachée à
sa marque après la rupture du contrat.
401. Pour une meilleure protection du franchisé. Au total, la fin du contrat de
franchise est régie par les règles du droit commun du contrat et certaines règles du droit
du marché, à savoir le droit de la concurrence et le droit des procédures collectives. Le
franchisé, partie en état d’infériorité économique dans ses relations avec le franchiseur,
ne bénéfice pas d’un régime protecteur au stade de l’extinction du contrat. Il n’a pas
droit, à l’instar de l’agent commercial, à une indemnité à la fin du contrat dite indemnité
de clientèle, et cela en raison de sa qualité de commerçant indépendant. La
jurisprudence se contente de le protéger lors de l’extinction du contrat de franchise par
le recours à l’application de la théorie de l’abus et par une interprétation extensive de la
bonne foi. Une telle protection fondée sur le droit commun peut être de nature à atténuer
ou limiter la situation précaire du franchisé.
Pour autant, elle ne semble pas suffisante compte tenu des conséquences
économiques graves que la perte du contrat impose au franchisé, conséquences
économiques allant même parfois jusqu’à entraîner la mort commerciale de celui-ci. Un
tel risque économique mérite aujourd’hui l’intervention du législateur pour reconnaître
au franchisé un droit à une indemnité en fin de contrat, sauf faute commise de sa part. Il
mérite aussi que les juges mettent, en se fondant sur l’article 1135 du Code civil, une
obligation à la charge du franchiseur de reprendre les stocks restant invendus lors de la
cessation du contrat, sauf aussi faute de la part du franchisé. Une telle protection, dont
l’efficacité a été approuvée dans plusieurs pays sans pour autant qu’elle remette en
cause le système de la franchise, ne peut-elle être appliquée en droit français ? N’est-
elle pas même de nature à transforme le contrat de franchisé de contrat déséquilibré en
contrat égalitaire, au moins, de manière relative?
406
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CHEVRIER ( E.) - obs. sous CA Paris, 15 septembre 2000, D. 2000, AJ, 389.
- obs. sous CA Paris 30 juin 2000, D. 2000, 379.
- obs. sous Cass. com., 6 mai 2002, D. 2002, p.1754.
- obs. sous Cass. civ. 3e, 27 mars 2002, D. Act-juris, p.1487.
- obs sous Cass. com., 15 mai 2007, D. 2007, p.1498. CHAUVEL (P) - obs. sous Cass. com.,5 décembre 2000 ; Droit et patrimoine, 2001,n° 93.
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er civ., 10 octobre 1995, D. 1996, som.p.116.
- obs. sous . Cass. Civ. 1er, 13 octobre 1998, D. 1999, somm., p. 115.
De la MARNIERE (E- S) - obs. sous Cass. com., 2 mars 1990, D. 1990, 390.
FAGES (B.) - note sous CA Paris 14 février 1997, JCP G 1998, II, 100000. FERRIER ( D.)
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- obs. sous CA Paris 14 février 1991, D.1992, somm., p.392.
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GHESTIN ( J.) - obs. sous Cass. com., 15 janvier 1973, D.1973, p. 473.
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JAMIN ( Ch.) - obs. sous Cass. civ. 3
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- obs. sous Cass. com., 12 mai 2004, Contrat. conc. conso., 2004, comm.n° 104, - obs. sous Cass. com., 5 octobre 2004, Contrats, conc. consom., 2005 , comm ; n° 14.
- obs. sous Cass.com., 7janvier 2004, Contrats. conc., consom.2004, comm. n°77. - obs. sous. Cass. civ.1
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MAINGUY (D.) - note. sous Cass. com., 3 décembre 2002 et 23 avril 2003, JCP E 2003, n°51,
p.1792.
MAINGUY ( D.) et RESPAUD (J.- L.) - obs. sous Cass. com., 31 janvier 2006, JCP E 2007, n° 11, 1348.
MALAURIE-VIGNAL ( M.) - obs. sous Cass. com., 17 janvier 2004, Contrats. conc. consom, 2004, commn° 77.
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- obs. sous CA Paris 24 mars 2006, Contrat. conc. consom, comm. n°133.
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- obs. sous Cass. com., 6 mai 2002, D. 2002, p. 2842.
- obs. sous Cass. civ. 1er,
16 mars 2004, D. 2004, comm., p. 1754.
- obs. sous Cass. civ.1er
, 28 octobre 2003, RDC 2004, p.277.
- obs. sous Cass. civ. 3e, 20 octobre 2004, RDC 2005, p. 264.
- obs. sous Cass. com., 30 octobre 2006, D. 2007, jurs., p.765. - obs. sous Cass. civ. 3
e,14 septembre 2005. D. 2006, p.761.
- obs. sous Cass. civ. 3e, 14 février 2007, RDC 2007, p. 701.
437
MESTRE ( J.)
- obs. Cass. civ.3e, 23 février 1982, RTD civ. 1982, p.236.
- obs. sous Cass. civ., 4 juin 1986, RTD civ. 1987, 318.
- obs. sous Cass. civ. 1er
, 3 novembre 1983, RTD civ. 1985, p.166.
- obs. sous Cass. 1er
civ., 12 mars 1985, RTD civ. 1986, p. 245.
- obs. sous Cass. civ., 1er
18 janvier 1983 et 10 janvier 1984, RTD civ. 1985, p.157.
- obs. sous Cass. civ. 1er
, 22 juillet 1986, RTD civ. 1988, p. 122.
- obs. sous CA Aix -en -Provence, 13 septembre 1989, RTD civ. 1990, p. 654.
- obs. sous CA Paris, 15 février 1990, RTD civ.1990, p. 653.
- obs. sous Cass. com., 13 mars 1990, RTD civ. 1990, p.464.
- obs. sous CA Paris, 19 juin 1990, RTD civ.1992, p.393.
- obs. sous .RTD civ.1990, p.655.
- obs. sous CA Versailles 22 novembre 1992, RTD civ., p.556.
- obs. Cass. civ.3e, 10 mars 1993, RTD civ. 1994, p.100.
- obs. Cass. com., 4 janvier 1994, RTD civ. 1994, p.352.
- obs. sous Cass. com., 5 avril 1994, RTD civ. 1994, p.603.
- obs. Cass. civ. 1er
, 18 juin 1994, RTD civ. 1995, p.108.
- obs. sous Cass. 3 civ., 2 octobre 12 janvier 1994, RTD civ. 1994, p.605.
- obs. Cass. com., 28 février 1995, RTD civ. 1995, p.885.
- obs. Cass. com., 5 mars 1996, RTD civ. 1996, p.904.
- obs. Cass. com., 3 juin 1997, RTD civ.1997, p.935.
- obs. CA Paris 5 décembre 1997 et 30 janvier 1998, RTD civ. 1998, p.371.
- obs. Cass. com., 20 janvier 1998, RTD civ. 1998, p.675.
- obs. Cass. civ.1er
, 13 octobre 1998, RTD civ.1998, p.394.
MESTRE ( J.) et FAGES ( B.)
- obs. sous Conseil constit., 9 novembre 1999, RTD civ. 2000, p.109.
- obs. sous Cass. com., 23 mai 2000, RTD civ.2001, p.137.
- obs. sous. Cass. civ. 1er
, 6 juin 2000, RTD 2000, p.571. - obs. sous Cass. civ.1
er, 20 février 2001, RTD civ.2001, p.363.
- obs. sous Cass. com., 25 avril 2001, RTD civ. 2002, p.99.
- obs. sous Cass. civ. 1er
, 19 mars 2002, RTD civ. 2002, p.510.
- obs. sous Cass. com., 6 mai 2002, RTD civ. 2002, p.810.
- obs. sous Cass. com., 15 janvier 2002, RTD civ. 2002, p.294.
- obs. sous Cass. civ. 1er
, 28 octobre 2003, RTD civ.2004, p.89.
- obs. sous Cass. com., 5 octobre 2004, RTD civ. 2005, p.127.
- obs. sous Cass. civ. 3e, 30 avril 2003, RTD civ. 2003, p.502.
- obs. sous Cass. com., 13 décembre 2005, RTD. 2006, p.310.
- obs. sous Cass. com., 12 juillet 2005, RTD civ. 2006, p.307.
- obs. sous Cass.civ.1er
, 15 novembre 2005, RTD. 2006, 114.
- obs. sous Ch. mixt., 16 mai 2006, RTD civ. 2006, p.550,
MEJEAN (C.) - obs. sous CA Amiens, 15 février 1979, JCP G 1978, II, 19012.
438
PEDAMON ( M.) - note. sous CA Douai, 15 mars 2001, JCP E 2001.
POILLOT-PERUZZETTO ( S.) - note. sous Cass. com. 22 février 2000, Contrats , cons. consom., comm., n° 99.
RODIERE ( ) - obs. sous Cass. com., 16 février 1954, D. 1954, jur., p.534.
SAVAUX ( E. ) - obs. sous Cass. civ., 1
er, 20 février 2001, Defrénois 2001, p. 705.
- obs. sous Cass .civ. 3e, 30 avril 2003, Defrénois 2003, art. 37810.
- obs. sous Ch. mixt., 16 mai 2006, Defrénois. 2006, 1206.
- obs. sous Cass. ass. Plén., 14 avril 2006, Defrénois. 2006, p.1212.
SERRA (Y.) - note. sous Cass. com. 12 janvier 1988, D. 1989, somm.p.173. STOFFEL -MUNCK (Ph.) - obs. sous Cass. com., 2 juillet 2002, RDC 2003, p.50.
- obs. sous Cass. 1er
civ., 6 novembre 2002, RDC 2003, p.59 .
- obs. sous Cass. com., 12 mai 2004, RDC 2004, p. 943.
- obs. sous Cass. com., 3 novembre 2004 et 5 octobre 2004, RDC 2005, 288.
- obs. sous Cass. ass. Plén., 14 avril 2006, Droit et patrimoine. 2006, p.98.
439
Index
- A -
Abus - de droit d’agrément, 228, 229. - contradiction au détriment d’autrui, 55 et s. - abus de dépendance économique, 28. - de ne pas renouveler un contrat, 7, 11, 26,44, 47 et s, 55, 61, 62 et s, 69, 71. - de résilier un contrat à durée indéterminée, 6,11, 61, 84 et s, 93 et s. Acte de prévision, 34. Adaptation du contrat, 205 et s.
Agent commercial, 5, 31, 362 et s, 366 et s. AFNOR (norme), 146. Aptitude, 244.
Arbitrage commercial, 158, 282.
Associés, 249.
- B -
Bonne foi, 61, 62, 90, 94, 157 et s.
Bonnes mœurs, 195.
- C - Caducité, 193, 194, 213, 216. Capacité, 244. Cessation du contrat, - v. Non -renouvellement, Résiliation.
Cession - bail, 247.
- contrôle, 249.
- contrat de franchise, 123, 217 et s.
- fonds de commerce, 123.
- judiciaire du contrat, 235 et s.
Chiffre d’affaires, 28, 127, 281, 284, 287. Clause approvisionnement, 123.131.
Clause de non -affiliation, 17, 63, 324 et s.
- sanction, 328.
- validité, 325 et s.
440
Clause d’agrément, 250.
- caractère, 224.
- mécanisme, 227.
- sanction, 227.
- utilité, 225.
- validité, 226.
Clause - non-concurrence pendant le contrat, 129,
Clause - non-concurrence post-contractuelle, 17, 63, 124,
- conditions de forme, 309.
- conditions de fond, 310 et s.
- mise en œuvre, 316.
- portée, 317 et s.
- sanction, 319 et s.
- validité, 306 et s.
Clause - confidentialité, 17, 337 et s.
- étendue, 337 et s. - validité, 334 et s.
Clause dédit, 295, Clause d’enseigne, 247.
Clause d’exclusivité territoriale, 121, 130. Clause de force majeure, 195 et s, 202. Clause indemnisation forfaitaire, 291.
Clause d’Internet, 122. Clause d’intuits personae, 214, 219. Clause de hardship, 201 et s.
Clause limitative de réparation, 294. Clause de libre circulation sous condition résolutoire de performance, 222.
- avantages, 223.
- inconvénients, 223.
- mécanisme, 222.
Clause de préavis, 52, 89.
Clause pénale, 322, 331, 343.
- avantages, 293.
- clause pénale et clause forfaitaire de dommages-intérêts, 291.
- clause pénale et clause limitative de réparation, 294.
- caractère, 292.
- clause pénale et clause de dédit, 295.
- mise en œuvre, 296.
- preuve, 296.
- révision judiciaire 298, 322.
Clause de préemption, 132.
Clause de préférence, 132. Clause punitive, 132. Clause de quotas, 147, 158.
Clause résolutoire, 163 et s, 283.
- avantages, 145.
- bonne foi, 157.
- caractère comminatoire, 150.
- conditions d’efficacité, 147 et s.
- contrôle judiciaire, 150 et s.
441
- délai de grâce, 145.
- inefficacité, 157.
- inconvénients, 145.
- mise en demeure, 151 et s.
- notion, 144.
- sanction, 157 et s. - validité, 156. Clause de renouvellement exprès, 44, 47, 48,49. Clause du non-renouvellement, 49.
Clause de révision, 202.
Clause de résiliation de sauvegarde, 150.
Clause de stocks, 32, 381 et s. Clause de tacite reconduction, 41 et s, 47, 48, 49.
Clientèle commune, 31,133, 362 et s. Code de déontologie européenne de la franchise, 50. Compétence, 245. Comportement, 288, - déloyal, 133, 138. - grave, 166 et s.
Complicité, 172, 323, 332, 344. Comminatoire, 150, 291. Confiance, 19, 61 et s, 133, 165, 264, 272.
Contrat - contrat d’adhésion, 156, 158. - contrat d’agence commerciale (V.Agent commercial). - contrat de coopération commerciale, 31, 119. - contrat de concession, 4, 31, 26, 48, 93, 94, 96,364, 365.
- contrat de cadre, 350.
- contrat de coopération, 31,
- contrat de collaboration, 119.
- contrat de dépendance économique, 28. - contrat de distribution sélective, 4. - contrat déséquilibré, 200 et s.
- contrat à exécution successive, 139. - contrat de fourniture, 119.
- contrat d’intérêt commun, 11, 31, 62 et s, 95. - contrat intuitus personae, (V. intuitus personae )
- contrat innommé, 5.
- contrat de mandat, 4, 31,
- contrat de situation, 156, - contrat synallagmatique, 114 - contrat de travail, 120,314.
Contrôle - du franchiseur, 128. - judiciaire, 62, 156, 157, 171, 229. - clause résolutoire, 154, 157.
- de la Cour de cassation, 137.
Concurrence déloyale, 323, 344, 352. Contrefaçon, 252
442
- D - Dépendance économique, 28, 32, 62, 95. Décès, 212.
Déséquilibre, 362, 377.
Développement de la clientèle, 31, 62, 63, 360 et s.
Devoir - coopération, 62.
- transparence, 61.
Dirigeants, 250.
Dommages -intérêts, 14, 26, 28, 54, 93, 132, 171, 264,207, 271, 275, 291 et s, 329,
340 et s,
- évaluation judiciaire, 276 et s, 284,321, 342.
- fixation conventionnelle, 290 et s. - moment de l’évaluation, 277 et s. - rupture irrégulière avant terme, 283 et s, 287 et s.
- rupture abusive et brusque, 281 et s, 288 et s.
Droit commun, 5, 62.
Droit comparé 13, 68 s, 366, 367, et s.
Droit de la concurrence, 28, 38, 82. Droit discrétionnaire, 80, 228. Droit d’entrée, 13, 19.126.
Droit à une indemnité de clientèle (V. indemnité de clientèle)
Droit de rompre, 79 et s, 118 et s, 366 et s, 386 et s.
Droit au renouvellement, 25, 26, 31 et s, 62 et s, 68, 70, 72. Droit potestatif, 80, 148, 152,
- E - Economie du contrat, 24,113, 119, 203, Effet relatif du contrat, 172, 317.
Equité, 138, 362, 377. Equilibre contractuel, 63, 199, 203 et s.
Exécution forcée, 266, 319, 328. Exécution par équivalent, 285.
Extériorité, 189 et s.
- F - Faute, 31, 91, 114 et s, 135, 165.
Fichiers des clients, 348. Fond du commerce - cession, 132.
- vente et achat, 132.
- franchisé, 123. Force obligatoire, 34, 54, 57, 104,124, 162 et s, 200. Formalisme, 101, 196. Force majeure, 92, 181 et s.
- appréciation, 185, 187.
- critères183 et s.
443
- Effets, 10, 191 et s. Franchise - notion, 2, 3.
- corner, 26.
- international, 195 et s 201.
Fusion, 215, 219.
Fusion des qualités, 233.
- I -
Impossibilité d’exécution, 191 et s, 212, 244.
Imputabilité de l’inexécution, 117 et s.
Imprévisibilité, 186 et s.
Indemnité compensatrice de fin de contrat, 27, 63, 71, 72.
Indemnité de clientèle, 16, 63, 357, et s. Indépendance juridique, 27,28, 32, 36, 63, 365 et s, 375 et s. Inexécution, 118 et s, 126 et s, 135 et s, 148 et s, 165 et s. Intérêt légitime, 312. Intérêt commun, 31, 62 et s, 95, 133. Internet, 122.
Inexécution (V. manquement)
Intégration économique, 362, 367, 369. Intuitus persona, 9, 209 et s, 214, 219, 236 et s, 240 et s, 244 et s, 247, 265, 272.
intuitus societatis, 248 et s. Investissements, 27, 28, 32, 44, 58, et s, 61 et s, 93 et s, 121, 164, 287. Irrésistibilité, 184 et s.
- H -
Hardship, 10, 181, 197 et s.
Homogénéité du réseau, 128, 170.
- J -
Justice distributive, 326. Juge - des référés, 173, 268, 269, 319, 353.
- du fond, 118 et s, 126 et s, 135 et s, 270 et s, 281, 297 et s.
- effacement, 155.
- pourvoir, 115, 154, 155 et s, 266, 279 et s, 294, 297. Jugement constitutif, 171, 194.
Jugement déclaratif, 171, 194.
L Liberté contractuelle, 7, 25, 35, 65, 69, 70, 96.
Liquidation judiciaire, 235 et s. Liquidated damages, 291.
444
Loyauté, 26, 94, 129, 133, 157.
Loi Doubin, 26.
- M -
Mandat - agent commercial, 31.
Maintien forcé du contrat, 171, 262, 263, 264 et s, 268 et s, 270 s.
Manquement grave, 91, 118, et s, 126 et s, 135, 166 et s, 184 et s, 169, 283. - appréciation subjective, 170.
- appréciation objective, 170.
Marque, 118, 128. Mauvaise foi V. Bonne foi. Minimisation du dommage, 288. Mise en demeure, 151, 175.
Mise en œuvre - clause résolutoire, 148 et s.
- clause de force majeure, 196.
- clause pénale, 296 et s.
- résiliation unilatérale, 168 et s.
Motivation - refuse d’agrément, 229.
- non-renouvellement d’un contrat de franchise, 28, 31, 62 et s.
- résiliation unilatérale d’un contrat de franchise à durée indéterminée, 95 et s.
- résiliation unilatérale d’un contrat de franchise à durée déterminée, 177.
Modification unilatérale, 124.
Mutuus dissensus, 163, 283. - effets, 107.
- notion, 99, et s.
- preuve, 106.
- N -
Non -renouvellement 7, 24 et s, 47, 62 et s. Normes d’exploitation de la franchise, 128.
Nullité, 1, 28, 118, 132.
- O - Objet du contrat, 240. Obligation
- approvisionnement, 123.131.
- application des normes du réseau, 128.
- assistance technique et commerciale, 3, 4, 120.
- assistance en fin de contrat, 90.
- bonne foi, 133, 157.
- de ne concurrence, 17, 129.
- de non-affiliation, 17.
445
- de confidentialité, 17, 333 et s.
- de collaboration, 19, 63, 146.
- de coopération, 62 et s, 133.
- communication de documents de gestion, 127.
- d’exclusivité territoriale, 121, 130.
- d’information, 166.
- de loyauté, 133, 157.
- de mise en demeure, 151, 175.
- de minimiser le dommage, 288.
- de notification, 174, 196.
- de préavis, 48 et s, 84 et s, 176.
- de payement du droit d’entrée, 126.
- de payement des redevances, 126.
- de reprise des stocks, 15.
- de restitution, 15.
- de se renseigner, 172.
- de transmission de la marque et signes distinctifs, 3, 4,118.
- de transmission du savoir-faire, 119.
Obligation de moyen, 120. Office du juge, 153. Opposabilité, 172. Ordre public, 79, 152.
- P - Pacta sunt servandat V. Force obligatoire
Pacte de préférence - stipulation fréquente, 230. - avantages, 231.
- sanction, 232.
Perfectionnements apportés au savoir-faire, 338. Personne physique, 212, 244.
Personne morale, 215, 244, 248 et s, 318. Perte subie, 286 et s. Plafond de réparation, 294, 297.
Prêt à usage, 350. Préavis - appréciation, 53, 88.
- clause, 52, 89.
- contrat à durée déterminée, 47et s, 176.
- contrat à durée indéterminée, 6, 47, 84 et s.
- durée, 53, 88.
- forme et modalité, 52, 87.
- sanction, 48 et s, 85 et s.
Preuve,
- violation de la clause de non –concurrence post-contractuelle, 320.
- complicité du tiers, 323.
28, 266, 341, 352, 294.
446
Préjudice, 63,
- atteinte à l’image du réseau, 287.
-frais de justice ou frais du procès, 287.
- frais d’études, 287.
- gain manqué, 280 et s.
- investissements, 287.
- perte subie, 286 et s.
- rupture irrégulière avant terme, 283 et s, 287 et s.
- rupture abusive et brusque, 93, 281 et s, 288 et s.
Précarité, 32 et s, 42, 43, 93, 146. Principe - de l’autonomie de la volonté, 155.
- absence de droit au renouvellement du contrat, 39 et s.
- de l’interdiction des engagements perpétuels, 81.
- de l’incessibilité du contrat, 218 et s.
- libre rupture du contrat à durée indéterminée, 78, 96.
- principe de la liberté contractuelle, 265.
- résiliation ou résolution judiciaire, 163.
- de la réparation intégrale du préjudice, 278.
- transparence, 61. - non- transmission du contrat, 212 et s. Promesse de renouvellement, 44. Proportionnalité,
- clause résolutoire, 154,156.
- clause pénale, 298, 326 et s.
- clause de non-concurrence post-contractuelle, 313.
Procédure collective, 125, 235 et s, 246.
- R - Redressement judiciaire, 236 et s, 246.
Redevances, 3, 4, 126. Renouvellement du contrat, V. Non -renouvellement du contrat
Relations post-contractuelles, 17
Relation commerciale précaire, 43
Relation commerciale établie, 51, Renégociation, 197 et s, 204, 205, 206. Réparation intégrale, 278. Réparation, 167, 264, 272,
- en nature 266, (V. maintien forcé du contrat) - par une allocation des dommages et intérêts 275 et s.
Réseau de franchise, 37, 62.
Résiliation - atteinte à l’ intuitus personae, 213, 249.
- atteinte à l’ intuitus societatis, 248.
- atteinte à l’intuitus socii, 249, 250.
- aux torts de l’une des parties, 118 et s.
- aux torts réciproques, 135 et s.
- bilatérale, 8, 99 et s.
447
- contrat à durée indéterminée, 6, 51, 43, 72 et s, 93 et 263, 378.
- contrat à durée déterminée, 8, 118 et s, 143 et s, 166 et s, 246, 263, 378.
- effets, 139 et s.
- force majeure, 192 et s.
- inexécution, 118 et s.
- hardship, 206, et s.
- judiciaire, 103, 117 et s.
- irrégulière, 171 et s.
- atteinte à l’ intuitus personae, 213, 249.
- atteinte à intuitus societatis, 248.
- unilatérale, 6,9, 103, 109, 143 et s, 162 et s.
- solvabilité, 246.
Résolution - effet, 139 et s, - inexécution, 118 et s. - judiciaire, 103, 117 et s, - unilatérale (V. Résiliation unilatérale ) Responsabilité, 14, 26,28, 44, 48, 51, 52 et s, 58, 61et s, 80, 85, 91, 92 et s, 109, 118
et s, 132, 135 et s, 157 et s, 170, 171, 192 , 259 et s, 281 et s, 378. Restitution, 15, 347, et s
- de documents, 348.
- ficher des clients, 3
- du matériel, 349.
- en nature, 350.
- en valeur, 350
- de signes de ralliement, 347.
- sanction, 352. .
Rétroactivité V. Effet de la résolution. Rupture V. Résiliation
- S - Sanction - abus de dépendance économique, 28. - obligation de non -concurrence, 319 et s.
- obligation de non -affiliation, 328 et s.
- obligation de confidentialité, 340 et s.
- pacte de préférence, 232. - non-renouvellement abusif, 48, 51, 262 et s, 270, 281 et s. - restitution, 352 et s. - résiliation abusive, 51, 58 et s, 262 et s, 270, 288. - résiliation irrégulière, 171, 262 et s, 270 et s, 283, 287. Savoir-faire, 3, 4,19, 119, 147, 238, 241, 334, 335, 335, 338.
Secret des affaires, 333 Signes de ralliement, 3, 4,118, Solidarisme contractuel, 95,
Solvabilité, 246. Société - anonyme, 248.
448
- associés, 249
- cession de parts sociaux, 249.
- cession de contrôle, 249.
- dissolution, 215.
- dirigeants, 250
- fusion, 215.
- de nom collectif, 248.
- qualité statutaire, 248, Suspension du contrat, 191. Succursale, 132. Stocks, 32, 33, 370 et s, 386 et s.
-T - Tacite reconduction, 41 et s, 47, 48, 49. Terme extinctif, 7, 19, 24 et s, 34, 47, 164, Tiers, 171, 323, 332, 344, Théorie de l’imprévision, 200. Théorie de la cause, 374. Transparence, 61, Transfère de clientèle, 362, 366. Trouble de droit, 374.
- U -
Unilatéralisme, 142 et s, 162 et s. Urgence, 165, 175, 269.
- V -
Vente par Internet, 122. VRP, 5, 362 et s.
449
Table des matières
Introduction…………………………………………………………………………….1
PREMIERE PARTIE - LES CAUSES D’EXTINCTION DU CONTRAT DE
FRANCHISE………………………………………………………………………… 23
TITRE I– LES CAUSES D’EXTINCTION ORDINAIRES………………………26
CHAPITRE I – EXTINCTION DU CONTRAT DE FRANCHISE PAR L’ARRIVEE
DU TERME EXTINCTIF…………………………………………………………… 28
SECTION I - LES SOLUTIONS DU DROIT FRANÇAIS………………………… 29
§ 1. Le principe de l’absence d’un droit au renouvellement du contrat……………. 29
A- Principe bien établi…………………………………………………………… 29
B- Appréciation du principe……………………………………………………… 39
1. Arguments défavorables à l’absence de droit au renouvellement…………………. 39
2. Arguments favorables à l’absence de droit au renouvellement ……………………..43
§ 2. Tempéraments au principe………………………………………………………...46
A- Tempéraments contractuels…………………………………………………… 46
1. Clauses de renouvellement par tacite reconduction……………………………… ...46
2. Clauses de renouvellement exprès…………………………………………………..46
B- Tempéraments jurisprudentiels………………………………………………….50
1. Contrôle tenant aux circonstances du non-renouvellement…………………………50
a). Obligation de respecter un préavis et abus du droit au renouvellement………… 51
b) Obligation de cohérence et abus de droit au renouvellement……………………..59
2. La question du contrôle des motifs de la décision de non- renouvellement……… 63
Conclusion de la section I………………………………………………………………71
SECTION II - LES SOLUTIONS DU DROIT COMPARÉ………………………… 72
450
§ 1. En droit américain……………………………………………………………… 72
§ 2. En droit saoudien……………………………………………………………… 77
§ 3. En droit russe……………………………………………………………… 79
Conclusion de la section II…………………………………………………………… 81
Conclusion du chapitre I……………………………………………………………… 82
CHAPITRE II - EXTINCTION DU CONTRAT DE FRANCHISE PAR LA
RESILIATION ……………………………………………………………………… 83
SECTION I. - RESILIATION UNILATERALE DES CONTRATS DE FRANCHISE A
DUREE INDETERMINEE…………………………………………………………….84
§ 1. Le principe de libre rupture unilatérale……………………………………………84
A- L’existence d’un droit de résiliation unilatérale du contrat reconnu aux deux
parties…………………………………………………………………………………. 85
B- Fondement juridique du droit de la résiliation unilatérale………………………86
§ 2. Tempéraments…………………………………………………………………….88
A- L’exigence de respecter d’un délai de préavis……………………………………88
1. Principe…………………………………………………………………………...89
2. Exceptions………………………………………………………………………...93
B- La réalisation des investissements, un élément identifiant l’abus dans la rupture
du contrat…………………………………………………………………………… 94
C- Absence d’obligation de motivation…………………………………………. 98
Conclusion de la section I……………………………………………………………101
SECTION II - RESILIATION BILATERALE DU CONTRAT DE FRANCHISE… 102
§ 1. Notion de mutuus dissensus…………………………………………………… 102
§ 2. Mise en œuvre du mutuus dissensus……………………………………………...106
A.- La preuve du mutuus dissensus…………………………………………………106…
B - Les effets du mutuus dissensus………………………………………………… 107
Conclusion de la section II………………………………………………………..109
451
Conclusion du chapitre I………………………………………………………… 109
Conclusion du titre I……………………………………………………………… 109
TITRE-II LES CAUSES D’EXTINCTION EXTRAORDINAIRES…………….110
CHAPITRE I- EXTINCTION ANTICIPÉE DU CONTRAT DE FRANCHISE POUR
CAUSE D’INEXECUTION…………………………………………………………112
SECTION I- LA RESILIATION JUDICIAIRE DU CONTRAT DE
FRANCHISE…………………………………………………………………………113
§ 1. Le prononcé de la résiliation judiciaire………………………………………… 114
A- Résiliation aux torts de l’une des parties……………………………………...114
1. Résiliation aux torts du franchiseur…………………………………………… 114
2. Résiliation aux torts du franchisé………………………………………………… 128
B- Résiliation aux torts réciproques des deux parties…………………………… 141
§ 2. Effets de la résiliation judiciaire………………………………………………...144.
Conclusion de la section I…………………………………………………………...147.
SECTION I.- RESILIATION UNILATERALE DU CONTRAT DE
FRANCHISE……….....................................................................................148
§ 1. Résiliation unilatérale en vertu d’une clause résolutoire ……………………… 149
A- Notion de clause résolutoire…………………………………………………… 149
B- Mise en œuvre de la clause résolutoire………………………………………… 154
1. Conditions d’application ………..………………………………………………… 154
a). Inexécution illicite imputable au franchisé …………………………………… 154
b). Mise en demeure………………………………………………………………...156
2. Le rôle du juge dans l’application de la clause résolutoire ……………………… 157
a.) Absence de pouvoir d’appréciation quant a l’opportunité de l’application de la
clause résolutoire………………………………………………………… 157
b). Contrôle judiciaire de la mise en œuvre de la clause résolutoire ………………161
452
§ 2. Résiliation unilatérale en l’absence de clause résolutoire …………………….163
A.- Admission de la résiliation unilatérale du contrat de franchise …………….164
1. Le caractère traditionnellement exceptionnel de la résiliation unilatérale……....164
2. Evolution jurisprudentielle……………………………………………………....168
B - Conditions de la rupture unilatérale…………………………………………..171
1. La nécessite d’un manquement grave …………………………………………....171
2. Procédures à respecter lors de la résiliation du contrat ………………………… .178
Conclusion de la section II………………………………………………………..... 183
Conclusion du chapitre I
CHAPITRE II.- EXTINCTION ANTICIPÉE DU CONTRAT DE FRANCHISE POUR
CAUSE AUTRE QUE L’INEXECUTIOIN………………………….. …………… 185
SECTION I- DISPARITION DU CONTRAT POUR CAUSES EXTERIEURES AUX
PARTIES…………………………………………………………………………… 186
§ 1. Extinction certaine du contrat en cas de force majeure………………………… 186
A -. Critères de la force majeure ……………………………………………………186
1. L’irrésistibilité…………………………………………………………………… 187
2. L’imprévisibilité……………………………………………………………………188
3. L’extériorité……………………………………………………………………… 190
B- L’effet extinctif de la force majeure ……………………………………………191
1. Extinction a effet immédiat……………………………………………………… 191
2. Mécanisme d’extinction ………………………………………………………… 193
§.2. Extinction incertaine du contrat en cas de hardship…………………………… 199
A.- La renégociation du contrat……………………………………………………200
1. Absence d’une obligation de plein droit……………………………………………200
2. Une prévision contractuelle nécessaire : la clause de hardship…………………… 204
B- Résiliation éventuelle du contrat en cas d’échec des renégociations…………. 210
Conclusion de la section I…………………………………………………………… 212
SECTION II - EXTINCTION DU CONTRAT DE FRANCHISE POUR CAUSES
INHERENTES AUX PARTIES: L’ATTEINTE A L’INTUITUS PERSONAE
AFFECTANT LES PARTIES ……………………………………………………… 213
§1. Disparition du contractant……………………………………………………… 214
A- Disparition due a la fin du contractant……………………………………….. 214
1. Le décès du contractant personne physique……………………………………… 214
453
2. La dissolution du contractant personne morale ………………………………… 218
B- Disparition due au changement de contractant ……………………………… 221
1. Le principe : extinction en cas de cession du contrat de franchise……………… 222.
2. Tempéraments au principe……………………………………………………… 224
a). Tempéraments contractuels…………………………………………………… 225
1. Clause de libre circulation sous condition résolutoire de performance………… 225
2. Clause d’agrément……………………………………………………………… 226
3. Pacte de préférence……………………………………………………………… 232
b). Tempéraments jurisprudentiels……………………………………………… 235
1. Problème de la cession judiciaire du contrat de franchise……………………… 235
a). Division jurisprudentielle……………………………………………………… 236
b). Divergence doctrinale………………………………………………………… 238
2. Proposition d’une solution distinguant selon la partie mise en liquidation
judiciaire……. 240
a.). Possibilité de cession judiciaire de l’entreprise du franchisé…………………… 240
b). Impossibilité de cession judiciaire de l’entreprise du franchiseur……………… 241
§ 2. Modification des qualités du contractant……………………………………… 243
A- Hypothèses communes aux personnes physiques et aux personnes morales…… 243
B- Hypothèses propres aux personnes morales……………………………………… 247
Conclusion de la section II………………………………………………………… 253
Conclusion du chapitre II…………………………………………………………….254
Conclusion du titre II…………………………………………………………………255
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE I…………………………………… 256
PARTIE II – LES EFFETS DE L’EXTINCTION DU CONTRAT DE FRANCHISE………………………………………………………………………258 TITRE I - LA RESPONSABILITÉ DE L’AUTEUR DE LA RUPTURE DU
CONTRAT………………………………………………………………………… 260
CHAPITRE I – RÉPARATION EN NATURE………………………………………262
SECTION I – LE MAINTIEN FORCE DU CONTRAT COMME REPARATION EN
NATURE…………………………………………………………………………… 263
§1. Proposition en faveur du maintien force du contrat …………………………… 263
454
§2. L’inadéquation du maintien forcé du contrat…………………………………… 266
Conclusion de la section I………………………………………………………… 271
SECTION II - LE CARACTERE EXCEPTIONNEL DU MAINTIEN FORCE DU
CONTRAT PAR LE JUGE ……………………………………………………… 272
§1. Le maintien forcé temporaire du contrat en matière de référé……………………272
§2. Hostilité de la jurisprudence au maintien forcé du contrat en dehors des référés 275
Conclusion de la section II……………………………………………………… 279
Conclusion du chapitre I………………………………………………………… 280
CHAPITRE II- REPARATION PAR UNE ALLOCATION DE DOMMAGES-
INTERETS…………………………………………………………………………...281
SECTION I - FIXATION JUDICIAIRE DES DOMMAGES ET INTERETS…….. 282
§ 1. Moment de l’évaluation des dommages et intérêts……………………………....283
§ 2. Modalité d’évaluation du montant des dommages et intérêts……………………284
A -. Le gain manqué……………………………………………………………….284
1. La rupture brusque ou abusive……………………………………………………..285
2. La rupture irrégulière avant terme………………………………………………….287
B- La perte subie…………………………………………………………………… 290
1. La rupture irrégulière avant terme……………………………………………….... 290
2. La rupture brusque ou abusive……………………………………………………. 293
Conclusion section I…………………………………………………………………. 297
SECTION II - FIXATION CONVENTIONNELLE DES DOMMAGES ET
INTERETS……………………………………………………………………………298
§1. La spécificité de la clause pénale…………………………………………………298
§ 2. Application de la clause pénale………………………………………………… 306
Conclusion section II………………………………………………………………… 310
Conclusion du chapitre II…………………………………………………………… .311
Conclusion du Titre I………………………………………………………………....312
TITRE II - LA NAISSANCE DE NOUVELLES OBLIGATIONS A LA CHARGE
DES PARTIES………………………………………………………………………313
CHAPITRE I - OBLIGATIONS INCOMBANT AU FRANCHISÉ……………… 315
455
SECTION I – OBLIGATIONS DE SAUVEGARDE DU RESEAU………………...316
§ 1. La clause de non-concurrence post-contractuelle………………………………..317
A-. Validité de la clause de non-concurrence post-contractuelle………………….317
1. Admission de la clause de non-concurrence post -contractuelle en droit positif…317
2. Conditions de validité de la clause de non-concurrence…………………………...320
B- Mise en œuvre de la clause de non-concurrence post-contractuelle…………….329
1. Portée de la clause de non-concurrence…………………………………………....329
2. Sanction de la violation de la clause de non-concurrence………………………....331
§ 2. La clause de non- affiliation…………………………………………………….334
A- Licéité de la clause de non- affiliation…………………………………………...335
B- Sanction de la violation de l’obligation de non- affiliation……………………...340
§ 3. La clause de confidentialité post-contractuelle………………………………….342 A. Légitimité de principe de la clause de confidentialité………………………….343
B. Mise en œuvre de la clause de confidentialité………………………………….345
1. Etendue de la clause de confidentialité…………………………………………....345
2. Sanctions de la violation de la clause de confidentialité…………………………..348
Conclusion de la section I…………………………………………………………...352
SECTION II – OBLIGATION DE RESTITUTION………………………………...353
§ 1. La restitution des biens matériels et immatériels………………………………..353
§ 2. Sanctions de la méconnaissance de l’obligation de restitution……………….....358
Conclusion de la section II…………………………………………………………...360
Conclusion du chapitre I……………………………………………………………..360
CHAPITRE II – OBLIGATIONS INCOMBANT AU FRANCHISEUR…………..361
SECTION I - L’INDEMNITE DE CLIENTELE……………………………………362
§ 1. L’absence d’une indemnité de clientèle en droit français……………………….363
A- Arguments doctrinaux favorables à l’attribution d’une indemnité de clientèle aux
franchises……………………………………………………………………………..363
1. La perte de clientèle………………………………………………………………..363
2. La rémunération de la participation du franchisé au développement de l’activité du
franchiseur …………………………………………………………………………...365
456
B- Hostilité jurisprudentielle……………………………………………………….368
1. Le rejet de la jurisprudence………………………………………………………..369
2. Fondement du rejet………………………………………………………………...370
§ 2. L’existence d’un droit à une indemnité de clientèle dans certains droits
étrangers……………………………………………………………………………...372
Conclusion de la section I……………………………………………………………375
SECTION II-LA REPRISE DES STOCKS EN FIN DE CONTRAT……………….376
§1. La situation en droit français…………………………………………………..376
A- Absence d’une reprise de plein droit du stock en fin de contrat…………….377
1. Propositions favorables à la reprise des stocks de plein droit par le
franchiseur…………………………………………………………………………377
2. Hostilité jurisprudentielle à la reprise des stocks……………………………….382
B- Stipulation contractuelle relative à la reprise des stocks…………………...388
1. Clause prévoyant la reprise des stocks………………………………………….389
2. Clause excluant la reprise des stocks……………………………………………392
§ 2. La situation en droit compare…………………………………………………393
A- Droits excluant la reprise des stocks…………………………………………393
B- . Droits admettant la reprise des stocks de plein droit………………………...395
Conclusion de la section II………………………………………………………...397
Conclusion du chapitre II………………………………………………………….397
Conclusion du titre II……………………………………………………………...398
CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE…………………………………..399
CONCLUSION GENERALE……………………………………………………..401
BIBLIOGRAPHIE……………………………………………………………………….406
INDEX…………………………………………………………………………….438
TABLES DES MATIERS…………………………………………………………448
RÉSUMÉ
La fin du contrat de franchise a diverses causes. Les causes d’extinction peuvent être
ordinaires : l’arrivée du terme, la résiliation unilatérale lorsque le contrat est conclu sans
terme ou encore la résiliation bilatérale. L’extinction du contrat peut encore résulter de
circonstances extraordinaires. Sont des causes d’extinction extraordinaires la résiliation du
contrat pour inexécution, la survenance d’un cas de force majeure, l’exécution de la clause de
hardship ou encore l’atteinte portée à l’intuitus personae. La fin du contrat de franchise
entraîne la liquidation du lien contractuel et donne parfois lieu à un éventuel engagement de la
responsabilité de la partie auteur d’une rupture fautive. En outre, elle peut déclencher la prise
d’effet d’obligations post-contractuelles : obligation de non-concurrence, obligation de non-
réaffiliation, obligation de confidentialité, obligation de reprise des stocks et, enfin, obligation
de payer une indemnité dite de clientèle.
MOTS – CLEFS : Arrivée du terme extinctif - Résiliation - Responsabilité - Obligation de non concurrence -
Obligation de non affiliation - Obligation de confidentialité - Reprise des stocks - Indemnité
de clientèle
SUMMARY
The termination's causes of a Franchise Agreement are generally classified into ordinary
causes and extraordinary causes. Ordinary causes include the end of the contractual term
without renewal, rescission by either party and bilateral termination. Regarding extraordinary
causes, they include the unilateral termination of the agreement due to any event of Force
Majeure or hardship or affecting the intuitus personae. Whatever the termination's causes,
some legal obligations shall arise thereafter. Beside the obligation of liquidation, there are
some other obligations including mainly the obligation of non-competition, the obligation of
non-affiliation with any third party, the obligation of confidentiality, the obligation to return
back stocks and the obligation of indemnity.
KEYWORDS:
Ordinary causes - Extraordinary causes - Legal Obligations: Liquidation - Non competition -
Non-affiliation - Returning Stocks -Indemnity.
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