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: Une coopérative gourmande d’habitation et d’agriculture urbaine à Limoilou Essai (projet) soumis en vue de l’obtention du grade M.Arch. Jennifer Boulianne Superviseure : Geneviève Vachon : École d’architecture Université Laval Hiver 2013

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���� ����� : Une coopérative gourmande d’habitation et d’agriculture urbaine à Limoilou

Essai (projet) soumis en vue de l’obtention du grade M.Arch.

Jennifer Boulianne

Superviseure :

Geneviève Vachon :

École d’architecture

Université Laval

Hiver 2013

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Résumé Cet essai s’intéresse à la contiguïté entre l’agriculture urbaine et l’architecture résidentielle et

considère l’incidence des habitudes de vie et d’une approche production-consommation

alimentaire sur les espaces domestiques du chez-soi. Cet essai porte également sur le potentiel

des espaces culinaires et productifs dans l‘habitation collective comme catalyseur des activités

sociales et familiales à l’échelle du complexe résidentiel, de même qu’à l’échelle du logement.

Colligere est un projet conçu pour être à la fois un centre de vie de quartier et un projet de

logement coopératif «nouveau genre». Il propose un mode d’habiter plus résilient, inspiré à la fois

de la coopérative et du cohousing, où la sociabilité associée à l ‘agriculture urbaine et à la

consommation alimentaire est au cœur du projet.

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Avant-propos !!Dans une optique de ville durable, le projet est né d’une volonté de soulever l’importance de

l’agriculture urbaine et de l’impératif besoin de mettre en lumière sa relation avec l’habitation

collective. Composer la ville d’aujourd’hui en intégrant un mode d’habiter alternatif, déjà

implanté en Scandinavie, de même que dans plusieurs communautés américaines ou

canadiennes -le cohousing- me semble une option plausible au Québec. Le partage d’aménités

et de ressources permettrait sans doute de faire du cohousing une solution économiquement

viable en bonifiant le logement en milieu urbain, tout en offrant des avantages généralement

retrouvés dans l’habitation unifamiliale isolée (espaces extérieurs généreux pour cultiver,

espaces suffisants pour recevoir et cuisiner en groupe, etc.). Le défi consiste également à

diversifier les typologies de façon à pouvoir proposer cette alternative à différents types de

ménages et ainsi former une communauté mixte et résiliente.

Le site choisi se trouve dans un lieu que j’affectionne spécialement : le Vieux-Limoilou. Ce sont

néanmoins les caractéristiques sociodémographiques des ménages de ce quartier, de même

que les potentiels de l’îlot circonscrit qui ont tout de suite fait de Limoilou un bon candidat pour

le projet. Le caractère propre des ruelles limouloises, le langage architectural particulier des

triplex, leurs escaliers et balcons sur rue, les volumes hétérogènes de leurs annexes dans les

arrière-cours, de même que sa vie de quartier tissée serré sont des aspects de ce quartier avec

lesquels il a été intéressant de travailler.

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Remerciements !!Je tiens à remercier tous ceux qui ont contribué, de près ou de loin, à l’aboutissement de cet

essai (projet).

D’abord, un sincère merci à ma superviseure Geneviève Vachon pour sa grande disponibilité et

sa confiance tout au long de la session. Tu as su me motiver, me remotiver, voire même me

surmotiver tout en croyant en mes idées et au potentiel de mes dessins miniatures.

Un merci spécial aux membres du jury, qui ont su soulever des questionnements qui ont favorisé

l’avancement du projet et soumettre des commentaires constructifs et pertinents lors des

critiques.

Mes amis campeurs, Japo, Virginie et Tina, ce fut un plaisir de partager avec vous ce dernier

bout du parcours académique.

Merci à tous mes collègues avec qui j’ai non seulement passé 5 années mémorables, mais qui

ont su me soutenir moralement et «m’endurer» pendant le sprint final, Lydia, Virginie, Kevin, J-R,

mon cousin, Éric et compagnie.

Enfin, merci à mon copain, à ma famille et à mes amis, d’avoir cru en moi du début à la fin et

d’avoir été là dans les bons moments, comme dans les périodes difficiles.

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Équipe d’encadrement

Superviseure du projet : Mme. Geneviève Vachon | architecte et professeure

École d’architecture de l’Université Laval

Membres du jury : M. André Casault (président)| architecte et professeur

École d’architecture de l’Université Laval

M. Olivier Bourgeois | architecte

Bourgeois Lechasseur Architectes

M. Bernard-Serge Gagné| architecte

ABCP Architecture

M. Guillaume Pelletier| architecte

Atelier Pierre Thibault

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Liste des figures !Note : Lorsqu’il n’y a pas de références, il s’agit de photos personnelles ou d’images produites par l’auteure.

Figure 1. Le profil des ménages d'aujourd'hui 3

Figure 2. Carte des réseaux de concepts 6

Figure 3. Une publicité des jardins de la victoire (1942) 8

Figure 4. Analyse de deux dispositions dans la cuisine par Christine Frederick et

comparaison entre les points de travail et les déplacements encourus 14

Figure 5. Le triplex, type portant du quartier 23

Figure 6. Vue du site depuis la 8e rue 24

Figure 7. Vue du site depuis la 1ère avenue 24

Figure 8. L'occupation actuelle de l’îlot et identification du site choisi 24

Figure 9. Les considérations importantes pour l'implantation 26

Figure 10. Le projet dans le quartier 27

Figure 11. Revisiter le rapport de l'individu avec la nourriture 28

Figure 12. Cuisiner le projet: 3 façons de vivre l'espace de la cuisine 28

Figure 13. La ruelle culinaire, porte d'entrée de la coopérative 29

Figure 14. Plans du rez-de-chaussée, de l'étage et de la mezzanine 30-31

Figure 15. La rencontre des gastrosophes: cuisiner en tout temps 32

Figure.16 Pique-niques verticaux: lanternes dans la cour partagée 33

Figure 2. Le pique-nique vertical: interstice habité 34

Figure 18. Plans des diverses typologies 34

Figure 19. La cuisine dans le jardin, le jardin dans la cuisine! 32

Figure 20. Le mur-crémaillère intégré 36

Figure 21. Coupe perspective transversale 37

Figure 22. Appropriations diverses en cœur d’îlot 38

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!!TABLE DES MATIÈRES

Résumé .................................................................................................................................................... i!Avant-propos ......................................................................................................................................... ii!Remerciements ..................................................................................................................................... iii!Équipe d’encadrement ........................................................................................................................ iv!Liste des figures ...................................................................................................................................... v!TABLE DES MATIÈRES .............................................................................................................................. vi!

1 | I N T R O D U C T I O N : une nouvelle façon d’habiter et de cultiver en ville ............................... 1!1.1 ANGLE D’APPROCHE ........................................................................................................................ 1!

1.1.1 POURQUOI UNE COOPÉRATIVE D’AGRICULTURE URBAINE ET D’HABITATION À LIMOILOU? .............................................................................................................................................................. 3!

1.2 DÉMARCHE ........................................................................................................................................ 4!2 | C A D R E C O N C E P T U E L ............................................................................................................ 7!

2.1 LE POTENTIEL DE TOUS LES ESPACES : DE L’ESTHÉTIQUE À L’ESPACE PRODUCTIF .......................... 7!2.1.1 Les surfaces cultivables en milieu urbain ................................................................................ 7!2.1.2. LA PELOUSE, LE JARDIN PITTORESQUE ET LE PAYSAGE COMESTIBLE .................................... 8!

2.2 L’AGRICULTURE URBAINE ET L’APPROPRIATION DES ESPACES COLLECTIFS EN HABITATION ...... 9!2.2.1 LES ESPACES PRODUCTIFS GÉNÉRATEURS DE SOCIABILITÉ ..................................................... 9!2.2.2 LA COUR AVANT ET SA RELATION À L’ESPACE PUBLIC : UN ESPACE OUBLIÉ ..................... 11!

2.3 UNE NOUVELLE APPROCHE PRODUCTION-CONSOMMATION ALIMENTAIRE ............................ 12!2.3.1 CONSOMMATION ALIMENTAIRE ET CHEZ-SOI : UN ENJEU ARCHITECTURAL ....................... 12!

2.4 VERS UN MODÈLE ALTERNATIF : LE «PARCOURS» ALIMENTAIRE ................................................... 17!2.4.1 LES CARACTÉRISTIQUES SPATIALES ET FORMELLES ENTRE PRODUCTION ET CONSOMMATION : LE «PARCOURS» ALIMENTAIRE ........................................................................ 18!2.4.2 LA LIMITE : PISTE DE RÉFLEXION POUR LA RELATION JARDIN-CUISINE .................................. 20!

3 | L E P R O J E T ................................................................................................................................... 21!3.1 MISSION ET OBJECTIFS ................................................................................................................... 22!3.2 UN SITE QUI SIED AU PROJET .......................................................................................................... 23!3.3 STRATÉGIES D’IMPLANTATION ........................................................................................................ 25!3.4 PROGRAMME .................................................................................................................................. 28!3.5 CONCEPT ET FORMALISATION ....................................................................................................... 32!3.6 RÉFLEXION CRITIQUE ...................................................................................................................... 38!

4 | C O N C L U S I O N ............................................................................................................................ 41!BIBLIOGRAPHIE ..................................................................................................................................... 44!LISTE DES ANNEXES ............................................................................................................................... 47!!

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1 | I N T R O D U C T I O N : une nouvelle façon d’habiter et de cultiver en ville

Colligere

Mot latin signifiant «récolter, réunir», se rapportant à la fois

à l’acte de glaner et celui de mettre ensemble (Bégout et al., 2008)

Cet essai (projet) s’intéresse à la cohabitation de l’agriculture urbaine et de l’architecture

résidentielle en milieu urbain dense et à la façon dont la rencontre de ces deux domaines

d’intervention peut générer une nouvelle façon d’habiter et de cultiver en ville. L’essai (projet)

aborde également l’incidence des relations entre les citadins et la nourriture sur les espaces de

production et de consommation de la ville. En concevant une coopérative d’habitation et

d’agriculture urbaine à Limoilou, ce projet de recherche-création vise principalement à

comprendre et à démontrer comment l’agriculture urbaine intégrée à l’habitation collective

peut agir comme élément générateur de sociabilité au cœur d’une collectivité. Comment

l’architecture et l’agriculture peuvent-ils cohabiter dans un milieu résidentiel dense et favoriser

un mode d’appropriation des espaces collectifs ? En quoi la contiguïté de l’architecture et de

l’agriculture urbaine à l’échelle domestique peut-elle favoriser la création d’espaces de qualité

qui bonifient les liens entre les espaces de production et de consommation ? Enfin, comment

exploiter le potentiel des espaces culinaires dans l‘habitation collective pour créer ou re(créer)

un lieu convivial où il fait bon «manger ensemble» , un espace pivot des activités sociales et

familiales ?

Le défi consiste surtout à proposer une architecture résidentielle de qualité, adaptée aux besoins

des ménages d’aujourd’hui. Le mode d’habiter alternatif suggéré devrait, en offrant les

avantages d’un bon équilibre entre les parties privatives et collectives, tendre vers une meilleure

qualité de vie pour les usagers.

1.1 ANGLE D’APPROCHE

Bien que l’agriculture urbaine1 ne soit pas une pratique nouvelle, son intégration dans les plans

stratégiques de développement durable de grandes villes québécoises est quant à elle assez

récente (Wegmuller, 2010). L’intérêt grandissant pour l’agriculture urbaine amène la

!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!1!L’appellation agriculture urbaine est très large et désigne tout type de culture végétale en milieu urbanisé (Hista, 2007). Cette pratique recoupe différentes formes de culture et s’adresse à divers enjeux sociaux, économiques et environnementaux, dépendamment de son contexte. !

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multiplication des jardins communautaires et collectifs, notamment à Montréal et à Québec et

met en lumière les besoins des usagers de disposer d’un espace pour cultiver en ville (Reyburn,

2002). Toutefois, la disponibilité des terrains dédiés à une telle activité est restreinte et l’offre

actuelle en espaces productifs ne rencontre pas la demande des citoyens, particulièrement

dans les quartiers centraux (Hémond, 2011 ; Hista, 2007 ; Legault, 2010). Dans les jardins collectifs

des différents arrondissements de Montréal, par exemple, les délais d’attente pour l’accès à une

parcelle varient en moyenne entre 1 et 2 ans (Projet Montréal, 2012).

À Montréal et à Toronto, le verdissement et l’exploitation « verte » de nombreuses toitures au

centre-ville a également eu un fort succès et suscité l’appropriation de ces espaces

nouvellement cultivés par les citadins (Palassio, 2009). Différentes stratégies ont été explorées

pour permettre de jouxter l’agriculture urbaine aux bâtiments existants en milieux denses,

notamment l’ajout de serres permettant une culture à l’année. Par ailleurs, les techniques de

culture qui s’annexent aux bâtiments existants offrent des possibilités limitées quant à leur

intégration architecturale et à leur participation à la composition formelle et matérielle de

l’ensemble. De même, il semble que le système constructif devrait peser dans la façon dont le

bâti et l’agriculture urbaine coexistent. Ainsi, le design du bâtiment devrait être réalisé en

connivence avec celui des espaces de culture. La réflexion dans cet essai porte donc sur la

façon dont l’agriculture urbaine peut être intégrée dès l’étape de la conception, de manière à

bonifier le projet d’architecture et la qualité de vie des usagers.

À ce jour, les apports de l’agriculture urbaine dans la ville sont bien documentés, notamment en

ce qui a trait à la sécurité alimentaire, au rôle éducatif et aux impacts environnementaux qu’ils

impliquent. Par contre, le groupe de recherche Minimun Cost Housing Group de l’Université

McGill prône que « how growing can be integrated in housing and urban design at a fine grain

level has rarely been considered by designers» (MCHG, 2005:8). Cet essai (projet) s’intéresse à

l’apport d’un tel projet intégrateur pour le quartier, mais plus particulièrement à l’apport que peut

représenter l’agriculture urbaine pour le bâtiment et ses usagers à l’échelle domestique. Il s’inscrit

donc dans une démarche où l’agriculture urbaine est au cœur des préoccupations quant aux

relations personnes-milieux, sans toutefois nier l’importance des enjeux économiques et

environnementaux qui lui est associée.

Enfin, selon Ibelings (2008), dans bien des logements «la vie s’arrête à la porte d’entrée et

n’entretient pas de lien avec ce qui se passe à l’extérieur» (Bégout, Lussault et al. 2008 :241). En

ce sens, il semble important de se questionner sur les gestes quotidiens et sur leur incidence sur le

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milieu de vie. En réponse à ce constat général, l’essai (projet) s’intéresse à la façon dont la

culture, en lien direct avec une coopérative d’habitation, peut influencer le rapport des individus

avec la nourriture et ainsi redéfinir le lien entre le logement et les espaces productifs extérieurs.

L’essai traite donc plus spécifiquement du rôle des prolongements extérieurs, mais aussi de la

cuisine dans la maison sous l’angle de ce nouveau rapport à la nourriture et à la consommation

alimentaire. Le potentiel des espaces productifs et culinaires dans l’habitation comme

catalyseur de sociabilité est ainsi abordé. Finalement, les problématiques soulevées et le

contexte social particulier du Vieux-Limoilou ont orienté la proposition : un projet de coopérative

d’habitation qui intègre de l’agriculture urbaine y est proposé comme complément au tissu

résidentiel en place (Annexe 1).

1.1.1 POURQUOI UNE COOPÉRATIVE D’AGRICULTURE URBAINE ET D’HABITATION À LIMOILOU?

D’abord, les changements sociodémographiques se traduisent dans la composition des

ménages par une augmentation du nombre de ménage composés de personnes seules, de

personnes âgées et de familles monoparentales (Figure 1). On peut ainsi se questionner sur la

capacité des logements, autrefois conçus pour un certain type de ménage à répondre aux

réalités émergentes.

À Limoilou, les ménages du quartier sont composés d’environ le tiers de familles monoparentales,

de plus de 50% de personnes seules et de plus en plus de personnes âgées (Figure 1). Il semble

donc intéressant de chercher à combler, par le projet d’architecture, une demande en

logement pour ces types de ménages (Statistique Canada, 2012).

Figure 3. Le profil des ménages d'aujourd'hui Source : réalisé d’après <http://www12.statcan.ca/census-recensement/2006>

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Face aux besoins en mutation, la coopérative propose des avantages sociaux adaptés, où la

vie communautaire et le logement privé cohabitent, permettant notamment l’habitation multi-

générationnelle, l’entraide et la réduction de l’exclusion sociale. En effet, les diverses formes de

cohabitat, se qualifient par une communauté planifiée où plusieurs familles souhaitent

cohabiter, partager des aménités et assurer la prise de décision et la gérance de l’ensemble

(Côté, 1996 ; McCammant, 1988). Dans le contexte du Vieux-Limoilou, où la présence

d’exclusion sociale et de faibles revenus des ménages est marquée, les avantages liés au

cohousing, de même qu’à l’agriculture urbaine, pourraient représenter un enjeu socio-

économique important, à la fois en ce qui a trait au fort caractère communautaire de ces types

d’espaces et à la sécurité alimentaire qui lui est associée (Annexe 2).

!D’un point de vue environnemental, la coopérative permet également de s’adapter aux

changements climatiques, un enjeu de société important. En effet, une meilleure gestion des

ressources matérielles est favorisée par le partage d’équipements au sein du complexe

résidentiel (McCammant, 1988). De même, une meilleure gestion des ressources en terrain est

assurée par l’utilisation des espaces collectifs pour la culture et la production alimentaire et

entraîne des circuits courts de production, voire même l’autarcie alimentaire. Enfin, le site choisi

se trouve dans un secteur fortement marqué par les îlots de chaleur urbain. La transformation

d’un cœur d’îlot presqu’entièrement bâti en un îlot de fraîcheur productif pourrait donc

contribuer à diminuer ce phénomène, un souhait émis par le conseil de quartier de Limoilou en

octobre 2012 (Annexe 2).

1.2 DÉMARCHE

Cet essai (projet) aborde la notion d’appropriation des espaces collectifs d’un projet

d’habitation par le biais de l’agriculture urbaine. Dans une optique de ville résiliente, il aborde la

question des espaces résiduels, pittoresques et gazonnés en milieu urbain comme espaces

potentiels de culture. En ce sens, il reconnaît le rôle des espaces extérieurs d’un bâtiment

d’habitation collective comme support à la production alimentaire.

Cet essai (projet) s’intéresse également au caractère social associé à l’agriculture urbaine dans

la littérature et tente de cerner les caractéristiques formelles et spatiales des espaces productifs

susceptibles de générer des espaces de sociabilité dans un projet d’architecture. L’essai en

design urbain de Hémond (2011) constitue un bon point de départ en la matière puisqu’il se

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penche sur l’étude des jardins collectifs de la région de Québec et établit certains critères pour

en évaluer les qualités formelles, en tenant compte de leur mode d’implantation dans les tissus

urbains.

La littérature documente également les habitudes de vie en matière de préparation et de

consommation alimentaires et en ce qui a trait au rôle de la cuisine dans l’habitation. Ces

informations permettent de comparer la façon dont la cuisine comme espace de vie est

conçue dans divers précédents architecturaux contemporains par rapport à la manière dont

celle-ci est abordée par les divers auteurs. Cette analyse vise surtout à comprendre les

différentes dimensions utiles à la conception comme les superficies requises pour les divers sous-

espaces, les patrons et les séquences de déplacement, la position relative de la cuisine dans le

logis et son rapport avec l’extérieur et les autres pièces du logement.

À travers l’analyse de divers précédents architecturaux, les relations entre les espaces productifs

et les espaces de préparation et de consommation alimentaires dans l’habitation font l’objet

d’une étude approfondie. Afin de mettre en lumière les liens qu’entretiennent ces divers

espaces, qu’ils soient intérieurs, extérieurs, collectifs ou privés, les notions de proximité, de

continuité visuelle et spatiale, de même que la nature des limites entre les espaces de

production et de consommation sont étudiées et permettent de comprendre la façon dont

celles-ci sont traduites architecturalement, notamment en ce qui a trait à la forme et à la

matérialité.

De même, puisque cette notion de limite s’avère porteuse pour le projet, son intérêt en termes

d’adaptabilité et de rapport intérieur/extérieur sont explorées dans des précédents

architecturaux qui n’allient pas nécessairement architecture et agriculture urbaine, mais qui

s’intéressent directement à ces concepts.

Enfin, la démarche de recherche-création proposée cherche à mettre en lumière la façon dont

l’architecture peut favoriser un nouveau rapport entre les individus et la nourriture dans un projet

d’habitation et d’agriculture urbaine. La carte de concepts suivante illustre les principales idées

abordées dans cet essai, tout comme les liens qui les unissent (Figure 2).

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Figure 2. Carte des réseaux de concepts

!

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2 | C A D R E C O N C E P T U E L

Cette section traite de l’agriculture urbaine comme outil potentiel d’appropriation des espaces

collectifs d’un projet d’habitation. Il aborde la question des espaces résiduels, pittoresques et

gazonnés en milieu urbain comme espaces potentiels de culture, dans une optique de ville

résiliente et environnementalement responsable. En fait, le rôle des espaces extérieurs d’un

bâtiment d’habitation collective est ainsi reconnu comme support à la production alimentaire.

2.1 LE POTENTIEL DE TOUS LES ESPACES : DE L’ESTHÉTIQUE À L’ESPACE PRODUCTIF

2.1.1 Les surfaces cultivables en milieu urbain

« treat every inch of space as valuable…» (Worrel, 2009 :24)

Mougeot (2006) prône l’importance de considérer les possibles surfaces cultivables dans la ville,

non pas en termes de terrain ou de surface au sol, mais bien en termes d’espace. En effet, il

considère que l’espace joue un rôle plus important que le terrain, dans le sens où celui-ci est

tridimensionnel et permet ainsi à l’agriculture urbaine de déjouer l’horizontalité et de prendre

une autre forme que celle des jardins conventionnels ou de la culture en sol, par exemple.

L’espace ainsi référé par Mougeot correspond non seulement aux terrains et à l’espace libre

comme surfaces potentielles pour la culture, mais également à la culture appliquée directement

aux surfaces des bâtiments. D’ailleurs, dans certains milieux très denses, la culture maraîchère

existe là où aucun terrain ou très peu d’espace au sol n’est disponible. Des techniques

alternatives à la culture au sol, de même que la création de surfaces à exploiter pour

l’agriculture urbaine sont ainsi développées et parfois même directement intégrées à

l’architecture. Beatley (2011) met également de l’avant l’idée de considérer les espaces

existants déjà construits en dur dans les environnements urbains denses comme des opportunités

pour intégrer de l’agriculture urbaine. L’auteur se penche d’ailleurs sur les interstices, les marges

et les espaces autour des bâtiments comme des lieux potentiels de culture dans la ville. Viljoen

(2005) traite également du potentiel des espaces inutilisés en ville pour la culture, mais à

l’échelle domestique ; il souligne que puisque l’agriculture urbaine peut incarner plusieurs formes,

« food growing can fit any unused corner in the ground, containers, or on building» (Viljoen,

2005 : 219).

Beatley (2009), quant à lui, propose de réinventer le jardin de la victoire contemporain : «the

downturn of the economy and the growing interest in local food suggest that this just might be

the perfect time to resurrect the victory garden» (Beatley, 2009 :51). Les jardins de la victoire,

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Figure 4. Une publicité des jardins de la victoire (1942)

!Source :http://www.nebraskastudies.org/0800/frameset_reset.html!

également appelés jardins de guerre, ont marqué l’histoire à l’époque de la Première et de la

Seconde Guerre mondiale, aux États-Unis et au Canada, notamment. Durant cette période de

crise, les gouvernements incitaient les citoyens à investir les espaces gazonnés privés et publics

pour les transformer en espaces productifs, nécessaires à cette époque pour apporter à l’effort

de guerre (Boswell, 1943). Les

valeurs véhiculées à travers les

diverses formes de promotion de

ces jardins de la victoire au sein de

la population impliquaient non

seulement le consentement des

citoyens à convertir leur propre lot

en paysage comestible, mais

également à subvenir à leurs

propres besoins alimentaires

(Figure 3). Ce mouvement,

indispensable à cette période,

inspire Beatley (2011) dans sa

proposition des jardins de la

victoire d’aujourd’hui comme mode de transformation de l’environnement urbain actuellement

dominé par la pelouse et les jardins d’ornement. !

2.1.2. LA PELOUSE, LE JARDIN PITTORESQUE ET LE PAYSAGE COMESTIBLE

Les espaces occupés par des surfaces gazonnées ou des jardins d’ornement en milieu urbain

constituent des lieux potentiels pour la culture, au même titre que les espaces actuellement

inutilisés abordés précédemment. Par ailleurs, puisque l‘esthétisme est un critère très fortement

valorisé en Amérique du Nord dans l’aménagement des espaces extérieurs végétalisés, la

pelouse demeure encore aujourd’hui une culture omniprésente. Dès le début du XIXe siècle,

l’adoption graduelle du jardin anglais transformait peu à peu le paysage américain, mais la

diffusion de masse et la popularité de la pelouse n’apparut qu’après plusieurs décennies. Dès

1960, cet engouement pour les surfaces uniformes gazonnées a toutefois commencé à faire

l’objet de divers débats à l’ère de la conscience environnementale et de parutions importantes

sur le sujet, comme le Silent Spring de Rachel Bilson (Ford, 2000). Les impacts de la pelouse sur

l’environnement, que ce soit ses besoins en eau, en fertilisants ou en combustible pour la tonte

sont toujours problématiques aujourd’hui (Worrel, 2009). L’auteur H.C. Flores (2006) considère que

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Colligere: Une coopérative gourmande d’habitation et d’agriculture urbaine à Limoilou ESSAI (P)

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la pelouse contribue sérieusement à la dégradation rapide de l’environnement parce qu’elle est

une source de gaspillage de ressources et d’argent, mais soulève également la mauvaise

utilisation de l’espace associée à l’utilisation des espaces gazonnés. À cet effet, elle prétend

que ces derniers pourraient en moyenne produire des centaines de kilos de nourriture par

année.

Aujourd’hui, des mouvements privilégiant la production alimentaire et la transformation des

espaces conventionnellement recouverts de gazon apparaissent en milieux urbains et

périurbains. Le guerrilla gardening, et le travail de Fritz Haeg (2010) dans les banlieues

américaines, par exemple, s’inscrivent dans cette ligne de pensée où la culture maraîchère

détrône la valeur symbolique associée à la pelouse. La guérilla jardinière est un mouvement né

vers 1970 qui dénonce la rareté des terres, la mauvaise utilisation de l’espace et les abus

environnementaux (Reynolds, 2009). Le champ d’action du groupe vise en fait la

réappropriation des espaces publics délaissés par l’agriculture urbaine. Celui-ci s’attaque aux

terre-pleins, devantures de lieux institutionnels ou tout autres espaces urbains résiduels ou

abandonnés. En revanche, les écrits et projets de Haeg (2010) se concentrent plutôt sur

l’appropriation des espaces extérieurs privés, principalement les cours avant des maisons

unifamiliales de banlieue. Haeg (2010) remet en question l’utilisation de la pelouse comme

recouvrement uniforme, une «surface par défaut», qui s’impose comme monoculture et tend

vers une homogénéité et une conformité du paysage. La substitution de la traditionnelle pelouse

par un espace productif entraine une certaine biodiversité et l’apparition d’une distinction

locale en termes de culture. Ainsi, les surfaces gazonnées sont implantées dans tous les

contextes, indépendamment de la situation géographique et du climat, alors que le choix des

plants de fruits et légumes reflète les besoins inhérents à chaque type de plantation et sa

capacité à pousser dans tel ou tel type d’environnement (Viljoen, Bohn & Howe, 2005). Par

ailleurs, les auteurs soutiennent également que cette relève productive laisse place à une

certaine appropriation : «The inventiveness and opportunity for personalization in the design and

management of food growing areas is one of the most endearing characteristics.» (Viljoen,

Bohn, Howe, 2005 :219).

2.2 L’AGRICULTURE URBAINE ET L’APPROPRIATION DES ESPACES COLLECTIFS EN HABITATION

2.2.1 LES ESPACES PRODUCTIFS GÉNÉRATEURS DE SOCIABILITÉ

Le fait de cultiver les aliments transforme également la relation de l’individu avec la nourriture

par ce que Johnson (2011) appelle «the growing revolution». Cette révolution consiste, en fait, à

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redéfinir la connexion de l’homme avec la nourriture et, par le fait même, son rapport à la

consommation. Elle établit ce fort lien entre la culture maraîchère et la nourriture : «And

connection with food doesn’t get much closer than hands in the dirt» (Johnson,2011 : 7).

De même, les auteurs s’entendent sur le fait que le jardin est un élément rassembleur et

convivial. Cooper (2008) aborde l’idée que le jardin génère d’autres activités que le simple acte

de glaner. En effet, ce qu’il désigne comme les «garden-practices» incluent toutes les façons

d’occuper l’espace lié au jardin, que ce soit l’utilisation de l’emplacement pour une fête ou

comme lieu de rencontre ou d’exercice, par exemple.!Page (1995) considère que ces activités

«are not extraneous ‘necessities infringing on precious garden space’, but themselves ‘a form of

gardening’, at any rate a form of appropriate engagement with the garden» (Page, 1995 : 61).

Ainsi, les diverses activités pratiquées dans l’enceinte du jardin sont également considérées

comme faisant partie intégrante de celui-ci et vont bien au-delà de la simple culture

maraîchère.

Certains auteurs considèrent aussi le double rôle du jardin. En effet, Cooper (2008) souligne que

la rêverie est souvent liée à l’idée du jardin et que «many authors have been concerned to

emphasize the more ‘cerebral’ or ‘internal’ garden-practices to which the garden is hospitable-

those of contemplation, imagination, meditation, memory» (Cooper, 2008 :83). Selon l’auteur, le

jardin comme refuge d’un individu en quête de retraite, n’empêche pas ce même jardin d’avoir

un rôle tout à fait légitime comme lieu de socialisation.

Dans le même ordre d’idées, plusieurs auteurs reconnaissent le caractère social associé aux

activités de production alimentaire dans les jardins partagés, en termes de partage et

d’inclusion sociale notamment (Boulianne et al., 2010 ; Duchemin et al., 2010 ; Gorgolewski,

2011 ; Johnson, 2011 ; Massé et Beaudry, 2008). Dans la littérature, différents profils d’usagers

fréquentant les jardins partagés au Québec sont relevés ; les espaces productifs jouent alors un

rôle différent d’une personne ou d’un groupe à un autre et dépendent également des revenus,

de l’âge et du type d’habitat (Boulianne et al., 2010 ; Hémond 2011 ; Wegmuller, 2010). Les

motivations diffèrent pour une personne âgée qui s’adonne à la pratique de l’agriculture

urbaine en quête de valorisation ou pour son loisir, et pour une personne plus démunie pour qui

cette activité est synonyme de sécurité alimentaire, par exemple.

Dans son essai, Hémond (2011) analyse les jardins communautaires et collectifs de la région de

Québec et établit différents critères d’évaluation de façon à mettre en lumière les

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caractéristiques formelles et spatiales des espaces productifs qui sont à la fois bien intégrés à leur

environnement et appropriés par les usagers. L’étude d’Hémond (2011) comprend également

une dimension urbaine importante en termes d’implantation des jardins et de leur participation à

l’espace public collectif. Dans le cadre de cet essai (projet) les enjeux urbains observés ne font

pas l’objet d’un développement exhaustif, mais l’argumentaire se concentre plutôt sur les

qualités spatiales des jardins partagés en ville.

L’accessibilité visuelle et physique, de même que les divers types d’usages et d’activités qui

interagissent avec ce jardin sont des aspects considérés dans le calcul de l’indice de qualité

formelle proposé par Hémond (2011). Cette accessibilité tient compte de la visibilité du jardin

depuis la voie publique et du type de limite en place en périphérie du jardin. L’absence de

barrière, clôture ou autre limite physique semble rendre le jardin plus invitant. Dans certains cas,

la présence de telles frontières aux abords de l’espace productif est souhaitée par les usagers

par souci de sécurité. Par ailleurs, l’encadrement du jardin par du bâti résidentiel s’avère être

une composante non-négligeable en matière de surveillance. En effet, la contiguïté avec des

arrière-cours d’habitation collective permet un certain contrôle et une sécurité naturelle contre

l’intrusion et le vandalisme. Ainsi, les clôtures et barrières ne sont pas nécessaires dans le cas où

le jardin se prévaut d’une relation étroite avec des espaces extérieurs résidentiels.

La présence d’un espace récréatif suffisant pour encourager les interactions sociales constitue

une autre qualité importante des jardins partagés. La présence de zones aménagées et de

mobilier urbain favorise l’appropriation et la sociabilité dans ce type d’environnement, que ce

soit une aire de jeu pour enfants ou un espace de détente, par exemple. Dans certains jardins,

des bacs de plantations surélevés, de même qu’un sentier accessible permettent également

aux gens à mobilité réduite de pratiquer l’agriculture urbaine. À cet égard, l’accessibilité

universelle des jardins partagés offre la possibilité à un plus grand éventail d’usagers de pratiquer

cette activité. Dans son analyse, Hémond (2011) remarque également qu’un meilleur

aménagement entraîne une occupation du site de plus longue durée par les usagers.

2.2.2 LA COUR AVANT ET SA RELATION À L’ESPACE PUBLIC : UN ESPACE OUBLIÉ Alors que la cour arrière est devenue, au fil du temps, un lieu de prédilection, la cour avant s’est

transformée en un espace sans réelle fonction, voire même un espace résiduel et inutilisé, soumis

aux règles du zonage. Elle prend parfois la forme d’une très mince bande gazonnée, peu

appropriable par les usagers, alors que dans les milieux moins denses, elle soutient une prise de

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position esthétique sous forme d’une généreuse surface gazonnée (Ford, 2000). «In most

neighborhoods, the ritual of pedestrians stopping to chat in front of a neighbor’s porch or stoop

has been replaced […] The backyard has developed to accommodate much of the activity

that once took place in front of houses » (Ford, 2000 : 60). À l’époque, la cour arrière était

destinée aux services comme la collecte des ordures, par exemple, alors que la cour avant était

un lieu de récréation et de socialisation, notamment pourvu d’équipements tels que des paniers

de basketball, par exemple. L’appropriation de la cour avant s’est toutefois amenuisée lorsque

les activités récréatives ont migré à l’arrière du bâtiment, apportant une plus grande intimité aux

résidents. L’apparition des patios et autres prolongements extérieurs, généralement situés dans la

cour arrière, a sans doute également contribué à la concentration des aménagements et

activités de ce côté du bâti (Ford, 2000).

Par ailleurs, dans ses récents projets, Haeg (2010) considère le potentiel des espaces productifs à

l’interface entre le bâti résidentiel, qui constitue un espace privé, et la rue, une voie publique,

comme moyen de contourner la tendance actuelle de s’isoler complètement du domaine

public et de pratiquer des activités seulement dans les cours arrière. Il estime qu’un

aménagement aux abords de la rue contribue à animer le domaine public en participant à la

vitalité de la rue, du quartier. Enfin, selon l’auteur, «the enclosed, cultivated space protected

behind the house is no longer a worthwhile model. The entire street must be viewed as a garden,

and by extension the entire city we are tending, and beyond» (Haeg, 2010 :21). Les projets de

l’architecte reflètent ainsi ce parti, puisque celui-ci transforme l’aspect traditionnel des cours

avant des banlieues américaines en véritable paysage comestible connecté à la rue et à ses

passants.

!2.3 UNE NOUVELLE APPROCHE PRODUCTION-CONSOMMATION ALIMENTAIRE

2.3.1 CONSOMMATION ALIMENTAIRE ET CHEZ-SOI : UN ENJEU ARCHITECTURAL

«Manger n’a jamais été qu’une petite affaire.»

(Kaufmann, 2006 :5)

Collins-Cromley (2010) considère que la nourriture est l’un des éléments qui influence le plus

fortement l’évolution de l’architecture. Une forte correspondance marque en effet le rapport

entre les courants alimentaires et les courants architecturaux, puisque les habitudes alimentaires

conditionnent la façon dont l’usager s’approprie et vit l’espace domestique, impliquant un

pendant dans la façon dont l’architecture répond aux besoins et pratiques de l’usager (Clarisse,

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2004). À travers le temps, notre rapport à la nourriture aurait amené les diverses modifications et

transformations de la maison, plus particulièrement des espaces dédiés à la consommation dans

l’habitation. Ainsi, la cuisine, mais également la salle à manger et la terrasse extérieure se sont

transformées, autant dans leur forme, que dans le rôle qu’elles jouaient au sein de l’espace

domestique notamment face aux innovations touchant à la conservation des aliments ou à leur

cuisson (Collins-Cromley, 2010).

LES HABITUDES DE CONSOMMATION ALIMENTAIRE !Ce sont non seulement les habitudes de consommation alimentaire et le rapport de l’individu à

la nourriture, mais également les pratiques sociales et culturelles qui influencent l’environnement

bâti et les manières de vivre l’espace de la cuisine (Collins-Cromley, 2010). L’étude de l’utilisation

de la cuisine pour manger ou pour préparer les repas constitue donc une étape importante pour

identifier le rôle de cette pièce dans l’idéation de la domesticité et de la vie de famille dans la

société d’aujourd’hui (Freeman, 2004). En effet, les habitudes de vie et de consommation des

individus ne sont pas standardisées ; d’une famille à l’autre, au sein d’une culture relativement

homogène, le rapport à la nourriture ne sera pas nécessairement identique et il semble qu’au

sein d’une même famille, les repas n’aient pas exactement la même fonction (Clarisse, 2004).

Selon Clarisse (2004), le manque de temps, tout comme l’évolution du rôle des femmes dans la

société seraient à l’origine de la transformation de l’espace de la cuisine au XXe siècle. De

même, la diminution du temps de préparation des repas liée à l’accès aux préparations

« industrielles » constituerait une modification des habitudes de vie et des pratiques des usagers.

À cet effet, Kaufmann (2006) distingue deux types de pratiques dans la cuisine. L’une représente

l’action quotidienne de préparer les repas, une cuisine de l’ordinaire, répétitive, axée sur

l’économie de temps ; l’autre est événementielle, créative et marquée par un désir de rompre

avec la banalité. Il semble que le rythme imposé par la semaine et la fin de semaine implique

également une distinction dans l’usage de l’espace de la cuisine. En général, la cuisine

« monotone » serait plus souvent liée aux repas typiques des jours de semaine, alors que la

cuisine « inventive », plus ludique et appréciée, serait plutôt associée aux jours de fin de semaine.

La coexistence de ces multiples façons de vivre la cuisine, par le biais de pratiques diverses dans

la préparation des repas, soit «la cuisine ordinaire», la cuisine rapide en semaine et «LA cuisine»,

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celle du weekend, témoignent bien de l’importance de la notion de temps comme générateur

de diverses utilisations possibles de l’espace de la cuisine.

Il semble que la réponse architecturale au désir de l’usager de perdre le moins de temps

possible dans ses déplacements et ses actions aie également mené à une réduction de la taille

de la cuisine : « Pour gagner du temps, il faut perdre de l’espace» (Clarisse, 2004 : 11). Cette

diminution de l’emprise de la cuisine dans l’habitation associée au début du XXe siècle est

marquée par le taylorisme et l’efficacité. L’architecte Mario Botta remet en question la

rationalisation du temps et de l’espace et soutient qu’«on peut avoir plus de plaisir à faire dix pas

de trop dans sa cuisine qu’un demi-geste en moins» (Clarisse, 2004 :207). Le fonctionnalisme qui

caractérisait le rôle de la cuisine à cette période demeure ancré dans les mentalités et est

parfois encore prisé par rapport aux qualités formelles et expérientielles de la cuisine. Par contre,

il est possible de tirer certaines leçons de ce fonctionnalisme quant à la façon de concevoir les

différents espaces et équipements dans la cuisine, de même que les liens qu’ils entretiennent,

sans pour autant réduire la cuisine à un espace uniquement servant. Par exemple, la Figure 4

présente les esquisses de Christine Frederick (1913), une économiste domestique qui s’est

Figure 5. Analyse de deux dispositions dans la cuisine par Christine Frederick et comparaison entre les points de travail et les déplacements

Source : http://www.hungrycitybook.co.uk/blog/?page_id=14

!

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penchée au début du XXe siècle sur l’analyse des séquences de travail pour améliorer

l’efficacité dans la cuisine. La Figure 4 dépeint sous forme d’analyse comparative deux

dispositions de cuisine sous l’angle des relations entre les différents points de travail et

équipements, de même que celui des déplacements encourus par la ménagère. Frederick s’est

particulièrement intéressée aux avantages d’une petite cuisine sans table dont les équipements

seraient disposés en périphérie. Ses réflexions innovantes sur l’ergonomie dans la cuisine et sur

l’importance de faire de ce lieu de travail féminin, un environnement domestique bien équipé,

l’ont aussi menée à s’interroger sur les différentes composantes de la cuisine à cette époque :

des surfaces de travail aux instruments culinaires (Rutherford, 2003). Bien que le travail de

Frederick ne constitue pas une panacée à appliquer à la cuisine d’aujourd’hui, elle demeure un

outil de compréhension des relations spatiales et des séquences de déplacement entre les

diverses activités de cette pièce.

Clarisse (2004 :210) soulève la question suivante : « Pourquoi ne pas remettre en question à

l’intérieur de l’habitation certaines de nos habitudes quotidiennes, si importantes pour notre

rapport au monde ? ». Ce questionnement rejoint la thèse de cet essai, au sens où l’exploration

d’une nouvelle façon d’aborder le rapport de l’individu à la nourriture dans l’habitation est mise

de l’avant comme piste porteuse pour la conception du logement et de l’ensemble résidentiel.

LA PLACE DE LA CUISINE DANS L’UNIVERS DOMESTIQUE !Au début du XXe siècle, la cuisine était destinée aux tâches domestiques ; elle symbolisait

principalement un lieu de travail (Clarisse, 2004). La cuisine dans la maison est ensuite passée

d’un lieu de production à un lieu de consommation alimentaire, destinée à une seule ou à

plusieurs fonctions (Parr, 2002). Aujourd’hui, la cuisine n’est plus seulement le lieu où l’on cuisine,

mais bien un espace pivot des activités familiales (Baden-Powell, 2005). Par exemple, il n’est pas

rare de constater que les enfants s’y retrouvent après l’école pour étudier ou que les parents y

demeurent après le repas, une fois les tâches terminées, seulement pour y discuter. La cuisine est

ainsi passée d’une pièce de service, d’un espace purement fonctionnel à une pièce à vivre, où

l’on y découvre le plaisir d’habiter. Ainsi, le décloisonnement de la cuisine a certainement mené

à de plus forts rapports entre celle-ci et les autres pièces de vie de l’espace domestique. La

cuisine est reconnue aujourd’hui comme le lieu fondamental des relations sociales et

interpersonnelles au sein de l’espace domestique (Freeman, 2004). En effet, par opposition aux

autres pièces de la maison qui sont généralement plus privées, la cuisine multifonctionnelle se

définit comme un important espace de sociabilité, comme un espace convivial partagé.

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Bien que la cuisine constitue un lieu de prédilection pour prendre les repas, son importance dans

la maison n’empêche pas que d’autres espaces domestiques soient également utilisés au

moment des repas, tels que le séjour, soit pour la prise d’un repas festif en groupe, ou d’un repas

de type plateau-télé sur un canapé, par exemple. Les espaces extérieurs comme le balcon ou

la terrasse sont également des lieux alternatifs à la cuisine pour la préparation et la

consommation des repas (Clarisse, 2004). Par ailleurs, Collins-Cromley (2010) n’aborde pas ces

espaces comme étant séparés et distincts. Elle qualifie plutôt l’apparition de cette dispersion des

pratiques alimentaires aux autres pièces comme la «boundaryless kitchen». Selon l’auteure, dès

la fin du XXe siècle, la cuisine ne dispose plus de limite : elle s’épand et s’étale, se greffant aux

autres pièces de la maison. Cette nouvelle cuisine s’associe par exemple au salon, pour devenir

une pièce confortable, informelle et de détente. Les espaces extérieurs adjacents à la cuisine

sans limite deviennent une extension, se transforment en prolongement de cette pièce

informelle (Collins-Cromley, 2010 :222).

LA CUISINE CONTEMPORAINE !L’analyse de la cuisine contemporaine par le biais de précédents architecturaux est

principalement étudiée afin de se familiariser avec les dimensions et particularités spatiales et

techniques de cette pièce. Elle a plus servi à comprendre les relations entre les divers espaces et

sous-espaces et la façon dont les déplacements encourus et le positionnement des plans de

travail et équipements influent sur l’interaction entre les usagers. La monographie Detail in

Contemporary Kitchen Design a été très utile à cet effet puisqu’elle étudie la cuisine à une

échelle fine et technique. La consultation de ce document a ainsi été fort pratique pour

l’avancement du projet, notamment pour le positionnement et la dimension de la pièce et des

des équipements.

Les cuisines ont été analysées selon différents critères, notamment en ce qui a trait à la

configuration spatiale des plans de travail, de même qu’à l’emprise et à la matérialité de ceux-

ci. De même, la façon d’occuper la cuisine et les relations de celle-ci avec les autres pièces a

été étudiée. Dans le cas de l’annexe 3 A, on dénote dans l’analyse illustrée du projet House for

Musicians qu’un usager qui cuisine fait nécessairement dos aux autres usagers dans la pièce. La

pièce est toutefois bien connectée avec les autres pièces de vie, espace de circulation et

terrasse, à la fois en termes de continuité visuelle et physique. Les aspects positifs et négatifs

associées à ce type d’aménagement sont soulevés. L’annexe 3 A présente donc un exemple de

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la méthode d’analyse employée et appliquée à chaque projet, alors que l’annexe 3 B illustre

plutôt les résultats obtenus sous forme de tableau comparatif des différents projets.

2.4 VERS UN MODÈLE ALTERNATIF : LE «PARCOURS» ALIMENTAIRE !La nourriture façonne l’environnement bâti. Celle-ci est donc une ressource non négligeable en

matière de programmation architecturale ; il faut donc aborder la nourriture comme un outil

conceptuel, de design, pouvant avoir une incidence directe sur notre façon de vivre ou de

concevoir notre rapport à la consommation différemment (Steel, 2009). Gorgolewski (2011)

partage également l’idée que les connexions entre les questions d’alimentation et les formes

bâties peuvent potentiellement modifier les composantes du système alimentaire contemporain.

Face à l’individualisation grandissante des pratiques culinaires (Kaufmann, 2006), n’est-il pas

opportun de se questionner sur la façon dont l’architecte peut aborder les espaces de

consommation et de préparation alimentaire comme catalyseur de la vie sociale et

familiale dans un projet d’architecture? Ce nouveau rapport à la nourriture pourrait se traduire

par une programmation innovante au sein des diverses typologies de logements et immeubles

résidentiels collectifs ou de nouvelles promiscuités entre des fonctions mixtes dans les milieux

urbanisés. La possible contiguïté de l’habitation et de la culture maraîchère est soulevée par

Gorgolewski (2011), qui insiste qu’un «dialogue between designers and inhabitants that has the

potential to create residences that can accommodate a new way of life in which food

production is an integral part of the home environment» (Gorgolewski, 2011 : 115). La

coexistence de l’agriculture urbaine et de l’architecture en milieu urbain prend ainsi tout son

sens.

En somme, le rapport de l’individu à la nourriture a certainement eu une forte influence à la fois

sur ses pratiques et ses habitudes de préparation et de consommation des aliments, mais

également sur la façon dont celles-ci ont transformé son rapport à l’espace. De plus, ces

changements comportementaux ont indubitablement modifié la façon dont la cuisine a évolué

à travers le temps. Finalement, la nouvelle façon d’aborder l’habitat collectif en milieu urbain

s’inscrit dans une approche personne-milieu visant à questionner l’environnement bâti comme

influent sur le rapport de l’homme avec la nourriture.

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2.4.1 LES CARACTÉRISTIQUES SPATIALES ET FORMELLES ENTRE PRODUCTION ET CONSOMMATION : LE «PARCOURS» ALIMENTAIRE

Dans cette stratégie alternative, où le rapport à la nourriture et à la socialisation est mis au

premier plan, les espaces de production et de consommation dans l’habitation entretiennent

des liens étroits. Les caractéristiques spatiales et formelles des espaces de production et de

consommation, de même que les relations entre ces deux types d’espaces sont analysées à

travers différents précédents architecturaux, d’échelles variées, qui allient un programme

composé d’habitation multifamiliale et d’agriculture urbaine(Annexe 4).

Ces précédents (construits ou non) sont étudiés sous l’angle de la continuité visuelle et physique

entre les espaces de production et de consommation alimentaires, des types de limites qui

ponctuent ces parcours, de la proximité entre la cuisine et les zones de culture, de la

configuration spatiale et des proportions dédiées à ces deux types d’espaces (Annexe 4).

L’échantillon se compose ainsi de quatre projet : le 60 Richmond, le MpH, l’Agro-House et le

Bosco Verticale. D’abord, le projet 60 Richmond consiste en une coopérative de résidences

pour travailleurs de 10 étages, située à Toronto et axée sur les stratégies éco-énergétiques, mais

également sur les espaces partagés intérieurs et extérieurs. MpH, est un complexe d’habitation

collective de 8 unités établie à Montréal qui allie, d’une part, une réhabilitation de bâtiments

existants et d’autre part, une construction nouvelle. De plus, ce projet met au premier plan

l’alimentation comme concept programmatique. Le projet Agro-House, conçu dans le cadre

d’un concours international, en Chine, s’intéresse également à l’agriculture urbaine et à son

rapport avec l’habitation collective. Enfin, le projet Bosco Verticale, est un projet en cours de

construction depuis 2006 à Milan, qui s’intéresse aux ambiances physiques et qui tend à

amenuiser le rapport entre les espaces intérieurs et extérieurs par le biais d’une intégration

réfléchie de la végétation.

En ce qui a trait à la continuité visuelle et physique entre les zones de culture et l’espace de la

cuisine, des distinctions majeures apparaissent lorsqu’on aborde la question du privé et du

collectif. En effet, la continuité entre les zones de culture privées et la cuisine des locataires est

souvent exploitée. Cette continuité visuelle et physique est synonyme de perméabilité entre les

différents espaces, notamment dans le cas du projet Bosco Verticale, où les prolongements

extérieurs sont en lien avec les pièces de vie (séjour et cuisine). Dans la majorité des projets

étudiés, le séjour est la pièce favorisée pour un contact avec la terrasse ou le balcon. La cuisine

se trouve toutefois souvent en relation avec le séjour, pour une séquence cuisine-séjour-espace

productif. Par ailleurs, bien que la continuité visuelle soit souhaitable entre les espaces de

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production et les logements, ceux-ci sont souvent séparés par l’espace de circulation. En effet,

dans tous les projets étudiés, l’espace productif collectif est en relation visuelle et physique avec

le système de distribution des logements, que celui-ci soit vertical ou horizontal. Par exemple,

dans le projet Agro-House, l’espace de circulation horizontal est directement en lien avec

l’espace productif partagé ; les locataires sont donc amenés à être en relation avec l’espace

cultivé dans leur parcours entre l’extérieur du bâtiment et leur logis.

Les limites qui marquent les séparations entre les espaces productifs et les logements se

présentent sous formes de frontières franchissables, infranchissables ou amovibles. Dans le cas du

projet 60 Richmond, cette limite est infranchissable entre l’espace de circulation horizontal et

l’espace productif puisque ceux-ci ne se trouvent que très rarement au même niveau. Par

contre, puisque l’espace distributif intérieur est vitré, la relation visuelle demeure possible entre

les deux espaces. Dans la plupart des cas, cette limite est franchissable par une ou deux portes

entre les espaces productifs privés et les logements.

Dans le projet MPH, la limite entre les espaces productifs partagés et les autres fonctions

collectives du complexe résidentiel se matérialise de diverses façons. Au niveau supérieur, des

serres sur les toits sont en étroite relation avec une terrasse partagée. Ces serres sont composées

de panneaux amovibles, qui favorisent une adaptation de l’espace au gré des saisons. Ainsi, la

limite entre l’espace productif et les espaces de détente collectifs disparaît en été, pour ne

laisser place qu’à un seul grand espace. Ce projet inclut également une paroi composée de fils

métalliques, où la végétation grimpe, qui agit comme filtre entre l’espace de circulation vertical

et la cour, comme limite visuelle entre ces deux fonctions. Le projet MPH est également le seul

qui marque la séparation entre l’intérieur du logement et l’espace productif par une limite qui

devient pièce habitable. En effet, certains logements disposent d’un espace intérieur/extérieur

privé, qui joue à la fois le rôle de jardin d’hiver ou de terrasse intérieure. Les parois qui séparent

l’intérieur, la pièce intérieure-extérieure et l’extérieur sont toutes deux composées d’ouvrants,

permettant une adaptabilité de cet espace selon les besoins ou les préférences des usagers.

Dans certains cas, notamment dans le projet 60 Richmond, les superficies des espaces productifs

et culinaires des logements sont beaucoup plus importantes que celles relevées dans les autres

projets à l’étude. Dans plusieurs logements de ce projet, la proportion des espaces extérieurs

productifs associés au logement s’élève même à 50% de la superficie du logement, offrant ainsi

de très généreux espaces pour la culture. Par ailleurs, puisque ce projet est dense et situé en

milieu urbain et qu’il ne dispose d’aucun espace au sol pour cultiver, deux terrasses collectives

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plantées au 2e et au 6e étage sont accessibles à tous les locataires. Ainsi, les superficies

importantes dédiées aux espaces productifs collectifs s’ajoutent à l’espace collectif productif

privé et augmentent encore plus ce fort rapport.

En ce qui a trait aux cuisines, elles représentent, en moyenne, environ 20% de la superficie totale

du logement. Dans le 60 Richmond, les logements les plus petits sont ceux qui disposent d’une

plus grande proportion cuisine-logement, avec une superficie de 42% destinée à la cuisine, alors

que dans les logements de quatre chambres, 25% de la surface de plancher est octroyée à la

cuisine. Ce rapport s’explique par le fait que la superficie de la cuisine demeure la même pour

tous les logements, que ceux-ci se composent d’une seule chambre ou de plusieurs. Dans les

autres projets, il semble plus plausible de voir que ce pourcentage ne fluctue pas d’une

typologie de logement à l’autre, offrant ainsi une cuisine de taille proportionnelle au nombre

d’occupants dans chaque unité.

Dans la moitié des précédents qui ont fait l’objet de cette étude, les espaces productifs

collectifs sont orientés plein Sud, pour un maximum d’ensoleillement naturel. Par ailleurs, ceux-ci

sont parfois disposés au Sud-Ouest, à l’Ouest, à l’Est et même au Nord, dépendamment de

l’implantation du bâti et des espaces disponibles pour la culture. Il semble qu’au niveau des

espaces productifs privés, toutes les orientations sont favorisées, puisque l’importance semble

être accordée à des logements traversants dans certains cas, ou simplement à l’accès à un

espace extérieur pour tous. En effet, l’agrégation des différentes unités, le souci d’un front bâti

sur rue, de même que l’intégration des issues, circulations et services nécessaires semblent avoir

influencé l’emplacement des espaces destinés à la culture.

2.4.2 LA LIMITE : PISTE DE RÉFLEXION POUR LA RELATION JARDIN-CUISINE La limite, ayant fait l’objet d’une analyse comparée dans la section précédente, est ici analysée

dans deux projets de l’architecte Takeshi Hosaka où l’agriculture urbaine n’est pas intégrée. Il

s’agit dans ce cas de comprendre comment l’architecte traite du rapport intérieur/extérieur.

Dans le projet, Inside House and Outside House (Annexe 5), l’architecte cherche à accentuer la

relation de l’espace domestique avec l’extérieur : «by building “inside house” together with

“outside house” where you can treat those things such as nature, rain water, soil, sand, animals,

insects and birds that were eliminated by the modern architectures and cities, and acts which

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are originally supposed to be outside the house» (Archdaily, 2011). La limite n’est alors plus une

surface, une paroi ou un seuil, elle devient tridimensionnelle : la pièce comme limite. Ce lieu

hybride entre l’intérieur et l’extérieur est ainsi une autre façon d’aborder la connexion qui peut

s’établir entre le logement et le jardin. Dans l’analyse des divers projets alliant agriculture urbaine

et habitation, la limite se matérialisait dans la majorité des cas comme une paroi plus ou moins

perméable, adaptable ou amovible. Dans le projet d’Hosaka, la Outside House, l’espace créé

par les interstices entre les divers corps de bâtiments est considéré comme pièce à vivre ; il agit

comme une extension de l’habitat.

Dans son projet Outside In, l’architecte japonais se préoccupe encore une fois du rapport

intérieur/extérieur, de même que la séquence d’espaces entre ces deux états. Ainsi, bien que

l’architecte qualifie chacun des espaces du projet dans le schéma (Annexe 5) les usagers «often

live a life in which they feel themselves being outside even while being inside» (Dezeen, 2011).

Son travail au niveau de l’adaptabilité de l’espace permet d’habiter la limite, qui, dans ce cas

est assez séquentielle. Celle-ci est traitée comme un espace, comme une pièce, comme une

limite tridimensionnelle. L’espace ainsi défini devient jardin d’hiver et est habitable en toute

saison, modifiant la façon dont les usagers peuvent occuper l’espace intérieur/extérieur créé.

Les parois, tantôt plus fixes, tantôt coulissantes et même pliables agissent comme intermédiaires

dans cette séquence intérieur-limite habitée-extérieur.

L’architecte ne cherche pas à brouiller la frontière entre l’intérieur et l’extérieur, mais plutôt à

l’épaissir, de façon à la rendre habitable. Cette nouvelle entité pourrait se traduire, dans un

projet alliant agriculture urbaine et habitation, comme une pièce où s’interpénètrent les

fonctions : un espace hybride mi- cuisine/mi- jardin. La limite, telle qu’étudiée dans divers

précédents architecturaux a particulièrement été porteuse, dans l’idée du jardin comme

prolongement du logement et de la cuisine comme prolongement du jardin.

3 | L E P R O J E T

La présente section décrit le projet d’architecture développé à la session d’hiver 2013. En

réponse aux défis et constats soulevés, le projet prend la forme d’une coopérative gourmande

d’habitation et d’agriculture urbaine dont le programme se compose de 31 logements et de

diverses fonctions associées à la production et à la consommation alimentaires, telles qu’une

généreuse cuisine collective, un commerce alimentaire et un grand jardin collectif.

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3.1 MISSION ET OBJECTIFS

MISSION

Faire cohabiter l’agriculture urbaine et l’architecture résidentielle dans un projet d’habitation

collective en milieu urbain dense en exploitant à l’échelle domestique les espaces productifs et

culinaires comme générateurs de sociabilité.

Revisiter les liens entre les espaces de production et de consommation dans un complexe

résidentiel contemporain au plan des usages, de l’implantation, de la matérialité et des

prolongements pour bonifier l’espace domestique du chez-soi, de même que les espaces

partagés.

OBJECTIFS DE DESIGN

Des objectifs de design, porteurs pour la conception architecturale, ont été établis en fonction

des enjeux et des constats du cadre conceptuel :

Parcours production-consommation et sociabilité

- Revisiter les espaces traditionnels de «cuisine» et de «jardin» et le lien qui les unit pour bonifier le

«parcours» production/consommation de l’usager, que ce soit dans le logement, hors logement

ou dans les espaces collectifs.

- Aménager l’ensemble pour que les espaces productifs contribuent au caractère

communautaire de la coopérative et que les aménagements et équipements communs

améliorent le «vivre ensemble». Les qualités formelles et spatiales des espaces communs devront

être pensés de façon à favoriser les échanges et la convivialité dans le projet d’architecture.

- Traiter l’interface entre l’agriculture urbaine et l’architecture pour enrichir l’expérience

sensorielle de l’usager dans son «parcours».

Appropriation

- Intégrer de façon réfléchie des espaces productifs en lien avec les logements qui prennent

forme à la fois comme espaces appropriables collectifs, mais également comme espaces

appropriables privés qui favorisent la personnalisation par les usagers.

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- Exploiter le potentiel que représentent les surfaces inoccupées dans un projet d’habitation

collective et intégrer de façon réfléchie des espaces productifs en lien avec les fonctions

associées au programme et les caractéristiques propres au site choisi.

- Traiter la contiguïté de l’agriculture urbaine et de l’architecture à l’échelle domestique, de

façon à créer des espaces habitables, agréables et confortables pour les occupants.

3.2 UN SITE QUI SIED AU PROJET Le site choisi s’inscrit dans le Vieux-Limoilou, au cœur d’un secteur en redéveloppement axé sur

le résidentiel, où est notamment prévu le projet d’éco-quartier de la Pointe-aux-Lièvres et où est

actuellement en construction la phase deux de la coopérative des Bons amis (Annexe 6). Le site

a également été choisi pour son accessibilité automobile et piétonne et sa proximité avec les

réseaux de transports en commun et de pistes cyclables (Annexe 6). Celui-ci se trouve

également dans un secteur d’intérêt marqué par l’École de cirque de Québec et les

commerces de la 3e avenue dans un rayon de 400 mètres (Annexe 6).!!!!

Le quartier se distingue par sa

densité résidentielle, par sa trame

orthogonale formée par la

rencontre de rues et d’avenues

perpendiculaires et par

l’implantation de son bâti au

pourtour d’îlots bordés d’arbres et

desservis par des ruelles en «H».

Son type portant, le triplex (Figure

5), se caractérise par la

superposition de trois logements,

chacun d’eux disposant d’une

adresse sur rue et d’une issue du côté de la ruelle. Les triplex limoulois sont majoritairement

mitoyens et habituellement implantés avec une marge de recul de 3 mètres, sur des parcelles

d’environ 7 mètres de front (Després & Larochelle, 1996). L’architecture particulière de Limoilou

est reconnaissable à ses escaliers extérieurs métalliques, d’une volée en façade, à ses grands

balcons avant qui favorisaient, à l’époque, le voisinage côté rue et donnaient même lieu à «un

mode particulier de sociabilité urbaine dans ce quartier» (Després & Larochelle, 1998 : 70).

Figure 6. Le triplex, type portant du quartier

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Le site d’intervention est présentement occupé par des garages automobiles, un commerce de

pierres tombales et un stationnement sur l’îlot formé par la 7e et la 8e rue, en bordure de la 1ère

avenue (Annexe 6). La superficie du site pour l’intervention est d’environ 5000m2 (Figures 6, 7 et

Figure 7. Vue du site depuis la 8e rue

Figure 8. Vue du site depuis la 1ère avenue

Figure 8. L'occupation actuelle de l’îlot et identification du site choisi

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8). Le site présente un fort potentiel de transformation et de densification. En effet, la perte de la

vocation commerciale automobile de la 1ère avenue a amené la dévitalisation et le déclin des

nombreux espaces commerciaux liés à l’automobile de cette rue importante du quartier. La

présence des garages, de leurs équipements et stationnements, tout comme les limites

physiques présentes sur le site, restreignent l’appropriation des ruelles par les résidents (Annexe

7). Ainsi, l’intégration d’un ensemble résidentiel à cet endroit favorise non seulement une

requalification de l’îlot, mais aussi une réappropriation du site et des ruelles attenantes par les

résidents. De plus, la densification de ce site contribuerait à mieux définir et à encadrer les voies,

soient la 1ère avenue et la 8e rue, contribuant ainsi à améliorer l’espace public collectif.

Dans son essai en design urbain, Hémond (2011) s’intéresse aux jardins partagés en milieux

denses à Québec. Le recensement de l’emplacement des différents sites occupés par des

jardins partagés dans la ville montre que le site choisi ne se situe pas dans la «zone de proximité»

des jardins existants. Ainsi, le projet s’insère dans un secteur où les résidants n’ont justement pas

accès à un jardin partagé (Annexe 8).

Le projet proposé s’inscrit aussi en complément du futur éco-quartier de la Pointe-aux-Lièvres qui

intègre également l’agriculture urbaine à son programme. Par ailleurs, il semble que Limoilou

pourrait bénéficier de la conjugaison d’agriculture urbaine et de logements dans tous les

nouveaux projets d’habitation, de façon à donner accès à un plus grand nombre de résidents à

cette nouvelle façon de vivre et cultiver en ville.

3.3 STRATÉGIES D’IMPLANTATION

La coopérative proposée s’implante sur l’îlot entre la pharmacie existante avec façade sur la

1ère avenue et 11 bâtiments résidentiels, dont 6 triplex.! Puisque le projet s’insère dans un îlot

partiellement construit, les marges de recul, de même que le gabarit, ont été dictés par le bâti

existant (Annexe 9). En ce sens, une analyse du contexte immédiat montre bien la présence des

triplex dont le rythme est assez régulier, de même que la présence de bâti de plus fort gabarit du

côté sud de la 1ère avenue, conséquence d’une construction plus récente suite à la

transformation des berges de la rivière Saint-Charles (Figure 9 a). Dans le souci de créer une

architecture respectueuse de son milieu, le projet se compose en écho à son contexte, avec

une trame rythmée d’unité qui reprend une largeur similaire à celle des triplex existants et avec

un bâti plus imposant, pour marquer le coin à l’angle de la 1ère avenue et de la 8e rue.

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L’ensoleillement est primordial afin de créer

un cœur d’îlot productif et habitable (figure 9

b). Le bâti est donc implanté de façon à

favoriser une importante entrée de lumière

naturelle dans la cour. La forme et la hauteur

du nouveau bâti sur la 7e rue laissent pénétrer

la lumière en toute saison pour l’agriculture

urbaine ou pour des activités hivernales. Le

besoin en lumière naturelle à longueur

d’année a également dicté l’emplacement

de serres sur les toits.

Il était important de favoriser une forte

relation entre les espaces collectifs du projet

et la voie publique afin de participer à

l’animation urbaine sur la 1ère avenue. Le coin

qui fait face au passage Anderson est

d’autant plus important puisqu’il se trouve

dans la continuité visuelle et est ainsi

directement lié au parcours de la rivière Saint-

Charles. La connexion du site avec les ruelles

voisines est également privilégiée pour

encourager la perméabilité de l’îlot (Figure 9

c). Les ruelles nouvelles ruelles sont toutefois

traitées différemment puisque l’une d’entre

elles devient piétonne et l’autre est plutôt

abordée comme une ruelle partagée, où la

voiture peut circuler, mais où le marcheur a

priorité. L’ajout de cases de stationnement sur

rue au niveau de la 7e rue (impossible

auparavant à cause des nombreuses

entrées du garage) permet de libérer plus

d’espace en cœur d’îlot. Ainsi, l’espace réservé au stationnement pour du covoiturage se limite

à une portion restreinte de la ruelle, qui devient l’espace collectif extérieur du complexe

Figure 9. Les considérations importantes pour l'implantation

c) Les connexions urbaines via les ruelles

b) L’ensoleillement et le dégagement en cœur d’îlot

!

a) Le gabarit des bâtiments existants et rythme des unités

8 e rue 7e ru

e

2e avenue

1ère avenue

8 e rue 7e ru

e

2e avenue

1ère avenue

8 e rue 7e ru

e

2e avenue

1ère avenue

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résidentiel. De cette façon, l’appropriation des ruelles et leur potentiel comme support de la vie

collective et sociale de l’îlot, anciennement entièrement bâti, est d’autant plus mise de l’avant

par la diversité d’activités que suggère un tel type d’aménagement.

Tel que soulevé lors du Conseil de quartier d’octobre 2012, les résidents souhaitent voir

apparaître à Limoilou une «ruelle de démonstration», afin de mettre en vitrine différents types

d’aménagements qui pourraient être répétés par les occupants des îlots du quartier. Dans le

projet, une ruelle de démonstration, où l’agriculture urbaine serait au premier plan, pourrait

mettre à l’avant-scène différentes techniques de culture et encourager les résidents des îlots

voisins à s’approprier leur ruelle, tout en la verdissant (Figure 10).

Dans une optique de paysage urbain productif, une ruelle d’arbres fruitiers est aménagée et

pourrait être répétée dans les îlots voisins et marquer un parcours dans le quartier où chacune

des ruelles serait plantée d’une essence différente (prunier, pommier, noisetier, etc.) (Figure 10).

Figure 9. La nouvelle coopérative dans le quartier Source : Google Maps

!

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3.4 PROGRAMME

Les principales fonctions du projet regroupent les notions d’habiter, de préparer/manger et de

produire (Figure 11 a). Des espaces partagés (extérieurs et intérieurs) et commerciaux

complètent le programme; on retrouve entres autres, un commerce de proximité, des

équipements collectifs pour les résidents, parfois accessibles aux gens du quartier, notamment

dans le cas de la buanderie, et de multiples espaces dédiés à l’agriculture urbaine (Figure 11 b).

Dans le but de concevoir une architecture prenant en compte les besoins des occupants,

différents types de logements sont développés en lien avec les caractéristiques

sociodémographiques des résidents

du quartier, tel qu’abordé dans la

section 1.1.1.

L’importance associée à la cuisine dans le projet d’habitation collective donne lieu à la

formalisation de trois types de cuisine, chacune ayant un rôle différent dans la coopérative et

s’adressant à différents types de ménages (Figure 12). Les ménages composés d’une personne

Figure 10. Revisiter le rapport de l'individu avec la nourriture: a) fonctions de base, b) fonctions complémentaires

b) a)

Figure 11. Cuisiner le projet: 3 façons de vivre l'espace de la cuisine

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seule, d’une famille, de colocataires ou d’une cohabitation multi générationnelle y trouvent ainsi

leur compte dans le complexe résidentiel.

À l’échelle de la coopérative, on retrouve diverses fonctions du domaine culinaire au rez-de-

chaussée, soit un café et un mini marché de type slowfood où des produits de la coopérative

pourraient être vendus sur la 1ère avenue. Il y a également une salle de cours de cuisine et une

généreuse cuisine collective qui bordent la ruelle culinaire, véritable porte d’entrée vers la cour

et lieu qu’on traverse «dans la cuisine» (Figure 13). On retrouve également diverses fonctions liée

aux plaisirs culinaires : de plus petites cuisines à sous-louer, un coin cuisine pour les tout-petits,

beaucoup d’espaces de rangement, etc. (Figure 14)

Figure 12. La ruelle culinaire, porte d'entrée de la coopérative

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Figure 13. Plans du rez-de-chaussée, de l'étage et de la mezzanine

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Figure 14. Plans du rez-de-chaussée, de l'étage et de la mezzanine

15

16 17

18

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3.5 CONCEPT ET FORMALISATION

La contiguïté recherchée entre agriculture urbaine et habitation, de même que les notions

abordées dans le cadre théorique, ont suggéré des pistes de solution et orienté les décisions

formelles. Le rapport de l’individu avec la nourriture a ainsi guidé la démarche exploratoire, où la

cuisine, le jardin et leur interrelation ont agi comme moteur de conception.

Cuisiner dehors, dedans, cuisiner ensemble, au quotidien : Colligere se veut un projet où

l’essence de la vie centrée sur la cuisine, sur la bouffe, est mise au premier plan (Figure 15). Cette

idée de cuisine omniprésente a défini le parti architectural et précisé les intentions quant à la

formalisation et la matérialisation; il était important que l’on puisse sentir les cuisines de

l’extérieur, percevoir les comptoirs et l’épaisseur de la crémaillère qui se poursuivent hors du

logement et que l’on distingue les volumes des boîtes à lunch qui se projettent en porte-à-faux.

De même, les espaces culinaires se démarquent par une matérialité qui leur est propre. Les

volumes destinés aux cuisines sont en bois et contrastent avec le matériau de brique utilisé pour

les espaces plus statiques du projet, soit la partie plus privative du logement : les chambres et la

salle de bain. Ce matériau a été choisi pour favoriser une bonne intégration à la fois aux triplex

déjà présents sur l’îlot, mais également au quartier.

Le concept qui unit toutes les

cuisines dans le projet est: la

cuisine dans le jardin, le jardin

dans la cuisine.

D’abord, cette idée prend la

forme des pique-niques verticaux,

c’est-à-dire des interstices mi-

jardin/mi-cuisine partagés, situés

côté cour, qui deviennent des

lieux de socialisation dans

lesquels toutes les cuisines

viennent s’ouvrir (Figure 16). Ces

espaces tempérés permettent de

tirer profit de l’alternance des

saisons et de maximiser l’espace Figure 15. La rencontre des gastrosophes: cuisiner en tout temps

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de vie des usagers, à la manière de la cuisine d’été d’autrefois. Les pique-niques verticaux

bonifient le logement en favorisant l’appropriation d’un espace intérieur/extérieur, à la fois

continuité du jardin et poursuite de la cuisine, tout en abritant la ciculation verticale. Le pique-

nique vertical est ainsi la réponse architecturale aux différents concepts abordés. Comment est-il

possible de traiter la notion de limite entre ces deux types d’espaces, abordée dans le cadre

conceptuel ? Comment la matérialiser ? Quel rôle joue-t-elle dans le projet ?

Le pique-nique vertical est ainsi imaginé de la même manière que la Outside House de Takeshi

Hosaka, au sens où il devient une pièce supplémentaire au logement, un espace appropriable

de diverses manières. L’architecte japonais définit son projet en deux temps :

«The “inside house” includes rooms where a family of four people can live in comfort,

places equipped with water supply and electric appliances, etc. It consists of an

entrance, living room, dining room, TV, air conditioner, kitchen, bedrooms, children’s

room and bathroom, etc. The “outside house” allows for things that you want to do

outside house. For example, keywords such as woodwork, work, growing plants, keeping

insects, maintenance of bicycles, hammock, sunbathing, gardening, playing with water,

seeing the sky, tools for mountain climbing, napping and reading books, etc. are

assumed». (Archdaily, 2011)

Figure 16. Pique-niques verticaux: lanternes dans la cour partagée

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Le pique-nique vertical est une structure légère avec une enveloppe de panneaux de

polycarbonate ; celle-ci peut être ouverte au gré des usagers et des saisons par un système de

panneaux coulissants. La paroi adaptable favorise ainsi une flexibilité saisonnière de cette

cheminée verte, utilisée comme lieu de culture, de rencontre ou de partage des plaisirs

culinaires. De par leur matérialité, ces éléments rappellent, de façon contemporaine, le langage

des annexes des arrière-cours limouloises.

Ces jardins d’hiver sont explorés

de 2 façons, d’une part comme

un espace terrasse partagé

entre 2 logements (plan du type

C : le foodie solitaire) (Figure 17

et 18). D’autre part, le long de la

7e rue (plan des types A et B),

chaque logement dispose d’une

terrasse privée à même cet

espace qui devient à la fois

l’annexe du jardin et celui de la

cuisine (Figure 18). Le pique-

nique vertical sert également

pour la circulation et permet

l’accès aux serres collectives en

toiture. Le transport du composte ou tout simplement la montée des vélos aux étages est facilité

par une rampe intégrée avec les escaliers.

Figure 18. Plans des 3 types de logements

Figure 17. Le pique-nique vertical: interstice habité

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L’expérience multi sensorielle associée à ce type d’espace enrichit également le projet. En effet,

l’odeur de terre humide d’un semis à peine planté, le parfum des fines herbes et des tomates

séchées au soleil ou la senteur du barbecue brésilien vont exhaler leurs arômes dans cette

cheminée de sens partagée. Dans la littérature, Barbara & Perliss (2006) s’intéressent à l’«invisible

nature of the olfactory experience, which can hardly be addressed using the usual vision-based

tools of design» (Barbara & Perliss, 2006 :13), et considèrent le potentiel des odeurs comme un

élément de composition architecturale à part entière. Cette colonne mi- jardin/mi- cuisine, où

les sens sont attisés, devient ainsi l’élément architectural dont les dimensions physique et

sensorielle rattachent les cuisines ensemble pour former un ensemble architectural cohérent.

Puis, cette idée de cuisiner partout, pour tout le monde est également explorée à l’échelle du

logement. En donnant de l’importance à la cuisine comme espace pivot des activités sociales

et familiales dans le logement, elle devient boundaryless : le logement en entier devient un lieu

de préparation et de consommation alimentaires, un espace multifonctionnel axé sur la bouffe.

La cuisine se veut un espace transformable, adaptable, qui permet à tous et chacun de cuisinier

comme il le veut, alors que les chambres et salles de bain sont concentrées dans un corps de

bâti plus statique et monofonctionnel (Figure 19). !

Figure 19. La cuisine dans le jardin, le jardin dans la cuisine!

!Ses ouvertures sur le pique-nique vertical contribuent, entres autres, au caractère perméable de

la cuisine. La cuisine est généreuse pour permettre de cuisiner à plusieurs. Son aspect

fonctionnel est essentiel et s’exprime à travers un mur crémaillère intégré qui permet le

rangement et les plans de travail (Figure 20). Ce mur-crémaillère se prolonge sur toute la

longueur du logement et sort même à l’extérieur pour souligner la présence de la cuisine. En

coupe, la lecture de la cuisine permet de comprendre qu’elle offre différentes sensations à son

usager, par le changement de niveau et par la présence variable de la crémaillère qui s’épaissit

ou devient plus légère à certains endroits et délimite des sous-zones. Cet élément de mobilier

contient donc les comptoirs, les tablettes qui se transforment avec la variation de hauteur de

plancher en banquette ou meuble télé. De plus, la notion de « filtre » entre les sphères d’activités

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privées et publiques de la maison est assurée par l’épaisseur du mur-crémaillère intégré qui vient

marquer le seuil entre l’espace de vie et les chambres.

En réponse au profil des résidents du quartier du Vieux-Limoilou et des besoins des ménages

soulevés dans la section 1.1.1 la nouvelle coopérative offre des types de logements pensés de

façon à permettre une appropriation diversifiée de l’espace, une adaptabilité possible. Par

exemple dans le logement du foodie solitaire, on peut voir que deux types d’appropriation sont

possibles pour une même configuration de logement. Ainsi, les locataires pourraient préférer une

plus grande superficie intérieure et diviser la pièce en sous-espaces, alors que le mordu de

cuisine pourrait ne souhaiter qu’avoir une grande pièce où préparer les repas, avec un

prolongement extérieur généreux. De même, le logement à la bonne franquette, peut à la fois

convenir à deux familles monoparentales qui décident de vivre ensemble et partager une seule

grande cuisine, ou à une seule famille qui désire un bureau et une chambre d’amis, par

exemple.

Le potentiel d’une cour qui serait normalement pavée ou gazonnée, mais qui devient surface

utilisable pour l’agriculture urbaine a fait l’objet d’une étude dans la section 2.1 de cet essai.

Figure 20. Le mur-crémaillère intégré

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L’espace de la cour partagée, de même que les avant-cours des plex, deviennent donc des

surfaces intéressantes à exploiter comme espaces productifs partagés et privés (Figure 21). Les

sentiers qui traversent le jardin cultivé et relient les pique-niques verticaux donnent un caractère

plus organique à la cour et tendent à briser la rigidité de l’implantation orthogonale et régulière

du bâti au pourtour de l’îlot. Le jardin est ainsi divisé non pas de façon à en faire un unique jardin

communautaire, c’est-à-dire un grand lot où chaque individu dispose de sa propre parcelle

pour cultiver, mais plutôt d’un grand espace distribué en plus petits lots exploitables. Ce

traitement cherche à encourager l’appropriation de zones par de petits groupes d’usagers, ou

encore à répondre aux nécessités de la spécialisation de certaines sous-zones pour la plantation

de riz, nordique2 par exemple, dont les besoins en eau sont très différents d’autres espèces. Tel

qu’énoncé dans le cadre théorique, les motivations sont variées pour pratiquer l’agriculture

urbaine ; les plus petites divisions pourraient ainsi être préférées par les individus moins impliqués

ou moins disposés physiquement à s’occuper d’espaces plus vastes. Les parcelles se trouvant

en lien direct avec la bande d’habitation le long de la 7e rue au rez-de-chaussée se

transforment en courettes arrière privées pour les locataires des unités qu’elles jouxtent.

Par ailleurs, certains des fragments ne sont pas prévus pour la culture : une aire de jeu gazonnée,

un carré de sable et plusieurs surfaces aménagées en bois, parfois surélevées ou creusées,

favorisent différentes manières d’occuper l’espace et la pratique de diverses activités. La

!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!2!L’organisme Craque-Bitume, situé à Limoilou, effectue présentement des expérimentations de culture de riz nordique en contexte québécois.!

Figure 21. Coupe perspective transversale à travers la cour

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Colligere: Une coopérative gourmande d’habitation et d’agriculture urbaine à Limoilou ESSAI (P)!

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présence de mobilier urbain, tel que des foyers, bancs et tables à pique-nique, favorise

également son appropriation. L’intégration d’arbres fruitiers à l’aménagement de la cour

participe à la création de zones ombragées, souhaitables en été pour la détente. Le

positionnement des arbres permet de ne pas nuire à l’ensoleillement des espaces productifs tout

en ombrageant le plus possible les terrasses en bois. Un bâtiment secondaire dessert la cour et

loge le matériel de jardin et de jeu, le poulailler et le petit clapier. Des bacs pour le composte et

les déchets y sont aussi disposés et sont accessibles depuis la cour et la rue partagée. Enfin, un

espace couvert pour le rangement temporaire des vélos est également intégré du côté de la

ruelle (Figure 22).

!

!3.6 RÉFLEXION CRITIQUE

La réalisation de cet essai (projet) soulève plusieurs pistes de réflexion sur l’ensemble de la

démarche et du processus de conception. D’abord, il aurait été intéressant d’aborder les

questions d’ambiances physiques et de tester selon des paramètres d’ensoleillement et de

températures extérieures l’enveloppe de polycarbonate des pique-niques verticaux. En effet,

cette démarche aurait pu guider la conception et permettre de bien composer ces éléments

Figure 22. Appropriations diverses en cœur d’îlot

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en y intégrant des ouvrants aux endroits stratégiques pour un espace au confort optimal en

toutes saisons. Puisqu’elles agissent vraisemblablement comme espaces tampons en hiver, le

rôle thermique de ces pièces tempérées, intérieures/extérieures, et partagées aurait pu être

porteur de solutions éco-énergétiques intégrées au projet.

Lors de la critique finale, le jury a soulevé la cohérence de l’ensemble, du concept à la

matérialisation des idées apportées. Le jury a également apprécié le travail effectué à

différentes échelles dans le projet, de même que la qualité des documents graphiques

présentés. L’élaboration de types de logements originaux et leur adaptabilité pour les

considérations sociales du quartier a également fait l’objet de commentaires constructifs.

Bien qu’au départ, le projet abordait la cuisine comme moteur de conception, le

développement et les pistes d’explorations amorcées ont finalement réorienté la conception en

lien avec le rapport entre le jardin et la cuisine. Dans la démarche, des concepts clés ont donc

été abordés plus tardivement, afin de bien couvrir et traiter l’espace mi- cuisine/ mi- jardin.

Une réflexion intéressante a toutefois été soulevée lors de la critique finale quant à

l’aboutissement des solutions et idées proposées au niveau de la cuisine. En fait, certains

membres du jury ont dénoté qu’il aurait été nécessaire de «réinventer» la cuisine sous l’angle de

la matérialité et de concevoir les espaces domestiques en termes de besoins de surfaces

particulières pour des activités liées à la culture ou à la cuisine. De même, il aurait été intéressant

de développer l’intérieur du logement à une échelle encore plus fine, jusqu’à la tectonique des

matériaux et des assemblages. Les commentaires soulevés rejoignent bien mes considérations

personnelles quant à l’avancement du projet. En effet, la prochaine étape aurait sans doute

consisté à revoir, à l’échelle micro, des solutions innovantes et pratiques quant à la matérialité

de ces espaces. Par ailleurs, il semble que le souci de traiter le projet dans son ensemble et de

s’attaquer à plusieurs autres aspects a limité le développement à cet égard.

Le jury a critiqué l’aspect plastique de la cour et soulevé que l’intégration de considérations plus

pratiques et techniques de ce type d’espace aurait enrichi la proposition. Il aurait certainement

été intéressant de valider auprès d’un organisme tel que Craque-Bitume ou les Urbainculteurs la

pertinence de découper l’espace partagé de la cour de façon à permettre à de petits groupes

de s’approprier différentes parcelles de ce grand jardin. Il aurait également été intéressant de se

pencher sur les besoins des différents types de plantations suggérées dans la cour afin de jouer

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Colligere: Une coopérative gourmande d’habitation et d’agriculture urbaine à Limoilou ESSAI (P)!

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avec des pentes, différents niveaux et l’aménager selon l’ensoleillement et la profondeur de

substrat nécessaire pour chaque type de plant.

!

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4 | C O N C L U S I O N En somme, dans une démarche de recherche-création qui tend à éclairer la production d’une

meilleure architecture résidentielle, Colligere se veut une occasion d’explorer et de mettre en

forme les différents concepts abordés dans cet essai. Au niveau programmatique, la contiguïté

de l’agriculture urbaine et de l’habitation a indubitablement généré la réflexion quant au

rapport de l’individu avec la nourriture. D’abord, la littérature a permis d’enrichir la discussion et

de comprendre les relations et le potentiel social des lieux productifs et culinaires. L’analyse de

précédents a également guidé la conception en suggérant des pistes de solution variées et

comparées dans divers projets d’architecture.

En abordant le caractère social associé à la fois à l’agriculture urbaine et aux espaces culinaires,

cet essai (projet) s’est penché sur des questions touchant les relations interpersonnelles et

sociales difficilement mesurables. Il est laborieux de généraliser et prévoir les comportements

humains quant à l’appropriation réelle et l’appréciation de ce type de projet par les usagers. La

viabilité de cette coexistence agriculture-architecture en milieu urbain demeure également une

question de taille en termes de gestion, de financement, d’engagement et de participation

citoyenne. Plusieurs projets de ce type ont vu le jour dans d’autres provinces ou d’autres pays,

mais tout porte à croire que l’implication et l’intérêt des résidents est essentiel pour s’assurer d’un

bon déroulement des activités (cuisine et jardin collectifs, entres autres).

L’ENSEMBLE URBAIN

L’analyse de site et de l’occupation actuelle a mené à des constats porteurs pour l’implantation

de la coopérative. L’étude d’autres thèmes dans le cadre théorique a permis de traduire en

orientations pour le projet, soit de composer avec l’existant, tout en proposant un ensemble

résidentiel cohérent sur l’îlot et bonifiant à la fois les façades, l’encadrement des rues et

l’expérience de l’usager par le biais d’un paysage comestible «domestique» et urbain. Enfin, les

besoins particuliers des végétaux en termes d’ensoleillement ont également influencé

l’aménagement de la cour et la disposition des serres.

LA COUR ET LES LIEUX DE PRODUCTION EXTÉRIEURS

La littérature a mis de l’avant l’idée que les espaces occupés par des surfaces gazonnées,

asphaltées ou des jardins d’ornement en milieu urbain présentent un fort intérêt comme lieux

potentiels de culture. De même, le rôle des espaces extérieurs d’un projet d’habitation collective

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a également fait l’objet d’une discussion quant à son potentiel d’appropriation. Dans cette

optique, le cœur d’ilot est ainsi passé d’un espace bétonné et occupé par du bâti à un jardin

partagé dans le projet, favorisant l’appropriation de la cour par les usagers. Dans le cadre de

cet essai (projet), Colligere s’attarde donc à établir les liens entre le bâti et le jardin, en

privilégiant les qualités inhérentes aux jardins partagés soulevées dans le mémoire d’Hémond

(2011), notamment.

Par ailleurs, l’intégration des espaces productifs dès la conception du projet permet d’enrichir les

espaces ; il est toutefois envisageable de considérer que certaines des stratégies abordées

pourraient se jouxter ou s’appliquer aux constructions d’autres îlots du quartier pour bonifier des

bâtiments existants. De même, bien que le projet s’inscrive sur un site particulier, la réflexion et les

stratégies développées pourraient également se transposer à un contexte d’intervention

différent.

LA CUISINE DANS LE LOGEMENT, LA CUISINE DANS L’ENSEMBLE

La littérature documente également les habitudes de vie en matière de préparation et de

consommation alimentaires et en ce qui a trait au rôle de la cuisine dans l’habitation. Ainsi, tel

que soulevé par Collins- Cromley (2010 :208) «The popular kitchen of the past thirty years has

reversed the home economists’ theories and incorporated social space back into the kitchen,

while attempting to preserve the efficient work space as a zone in the newly enlarged,

multipurposed room.» La cuisine est ainsi abordée dans le projet, comme une pièce à vivre,

pivot des activités sociales. Le rôle de la cuisine est également visité dans trois typologies de

logement, chacune accordant une importance différente à cette pièce «privée», «partagée»

ou «minimale». L’importance des surfaces de travail et de la disposition des équipements dans

cette pièce est relevée dans l’analyse de précédents et se traduit dans le projet par un mur-

crémaillère intégré qui traverse le logement et favorise une utilisation variée par les usagers

(changements de hauteur, différents finis, etc.).

Par ailleurs, la cuisine collective dans le complexe résidentiel, tout comme les autres fonctions

associées au domaine culinaire (salle de cours, mini-marché, etc.), sont mis au premier plan et

cherchent à ramener les qualités et le caractère social de la cuisine «domestique» à l’échelle de

l’ensemble.

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MATÉRIALISATION : LA LIMITE ENTRE CUISINE ET JARDIN

La notion de limite abordée dans le cadre conceptuel a grandement influencé la façon dont le

rapport entre les pièces que sont la cuisine et le jardin (incluant aussi la circulation verticale) a

été matérialisé. L’étude de deux de ces projets, tout comme l’analyse de précédents alliant des

programmes d’agriculture urbaine et d’habitation collective a suscité un intérêt quant à ce lien

qui unit les espaces de production et de consommation. En fait, dans le projet, les piques-niques

verticaux, les espaces mi-cuisine/mi-jardin ont permis de revisiter la limite sous forme de pièce

tempérée, à la manière dont l’architecte Hosaka Takeshi formalise une limite comme pièce,

espace.

Les limites de l’agriculture urbaine semblent être, entre autres, imposées par les lois des

municipalités et des associations de quartier et par le climat hivernal peu clément du contexte

québécois. Il demeure intéressant de développer des techniques de culture et d’innover au

niveau programmatique en ce qui a trait à la cohabitation des espaces résidentiels et productifs

en prenant en compte les dimensions et contraintes législatives et contextuelles effectives.

Enfin, l’objectif de cet essai n’est pas de romancer les enjeux associés au jardin comestible et à

la production alimentaire en milieu urbain ; il reconnaît ses importants avantages économiques,

environnementaux et sur la santé des citoyens. L’essai cherche toutefois à mettre en lumière les

enjeux socio-spatiaux de tels aménagements et la façon dont l’intégration d’agriculture urbaine

dans un projet d’habitation en architecture permet de revisiter le rapport entre l’homme et la

nourriture en terme de programmation et de qualités spatiales et formelles, pour ainsi générer

une nouvelle façon d’habiter et de cultiver en ville.

Finalement, entre l’architecture et l’agriculture urbaine, le projet se veut plus que la simple

cohabitation de deux disciplines, il devient le catalyseur de la convivialité et des plaisirs culinaires

domestiques associés à l’acte de manger, cultiver, préparer, récolter, partager, réunir.

À table !

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LISTE DES ANNEXES !Annexe 1_Planches du projet telles que présentées à la critique finale

Annexe 2_ Contexte : Cartes de l’indice de défavorisation et des îlots de chaleur urbains

Annexe 3_ La cuisine contemporaine

Annexe 4_ Analyse de précédents architecturaux : Parcours production-consommation

Annexe 5_ Analyse de précédents : la limite comme piste de réflexion

Annexe 6_ Analyse de site

Annexe 7_ Analyse de l’occupation actuelle

Annexe 8_ Les jardins collectifs et communautaires et leur rayon de proximité

Annexe 9_ Analyse du contexte bâti

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ANNEXE 2 _ CONTEXTE : ENJEUX SOCIAUX ET ENVIRONNEMENTAUX DU SECTEUR

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Annexe 3_ La cuisine contemporaine

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Annexe 3_ La cuisine contemporaine!

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Annexe 3 a) _ Analyse de précédents : Synthèse

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Annexe 3 b) _ Analyse de précédents : 60 Richmond

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Annexe 4 c) _ Analyse de précédents : 60 Richmond

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Annexe 4 d) _ Analyse de précédents : 60 Richmond

!

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Annexe 4 e) _ Analyse de précédents : MpH

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Annexe 4 f) _ Analyse de précédents : MpH

!

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Annexe 4 g) _ Analyse de précédents : Agro-House

!

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Annexe 4 h) _ Analyse de précédents : Bosco Verticale

!

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Colligere: Une coopérative gourmande d’habitation et d’agriculture urbaine à Limoilou ESSAI (P)

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Annexe 5 _ Analyse de précédents : la limite comme piste de réflexion !

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Colligere: Une coopérative gourmande d’habitation et d’agriculture urbaine à Limoilou ESSAI (P)!

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Annexe 5 _ Analyse de précédents : la limite comme piste de réflexion

!

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Colligere: Une coopérative gourmande d’habitation et d’agriculture urbaine à Limoilou ESSAI (P)

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Annexe 6 _ Analyse de site

Situation géographique_ le quartier dans la ville Source : Google Maps

Le site dans le quartier_ Accessibilité Source : Google Maps

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Annexe 6 _ Analyse de site!

Le site dans le quartier_ un secteur en développement axé sur le résidentiel Source : Google Maps

Le site dans le quartier_ Points d’intérêts à proximité (3e avenue et École de cirque) Source : Google Maps

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Annexe 7_ Analyse de l’occupation du site

APPROPRIATION DU SITE

RAPPORT À LA RUELLE_ NON APPROPRIATION

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Annexe 8 _ Les jardins collectifs et communautaires et leur rayon de proximité !

Carte réalisée d’après les relevés de l’essai de Hémond (2011) Source : Google Maps

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Colligere: Une coopérative gourmande d’habitation et d’agriculture urbaine à Limoilou ESSAI (P)

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Annexe 9_ Analyse du contexte bâti

FONCTIONS DU BÂTI Institutionnel 1_École de Cirque de Québec 6_Pavillon municipal du parc Commercial 2_Banque 3_Rue commerciale (3e avenue) Commerces de proximité 4_Commerces de proximité 7_Pharmacie et clinique médicale 9_Commerce de pierres tombales 10_Commerces liés à l’automobile (nombreux sur la 1ère avenue) Communautaire 5_Organisation québécoise des personnes atteintes de cancer 8_Résidences pour personnes âgées

!CARACTÉRISTIQUES DU BÂTI PAR RAPPORT À LA HAUTEUR Majoritairement Triplex _ Bâtiment de 3 logements, environ 10 m Point de repère _L’église Saint-Esprit (École de Cirque de Québec) marque le paysage bâti Rapport à la Rivière Saint-Charles _Les bâtiments plus récents implantés du côté de la rivière sur la 1ère avenue sont généralement plus hauts _Les bâtiments à l’usage commercial de part et d’autre de la 1ère avenue sont plutôt de faible hauteur CARACTÉRISTIQUES DE L’IMPLANTATION DU BÂTI DE PART ET D’AUTRE DE LA 1ÈRE AVENUE Triplex _ Parcelle de forme allongée et rectangulaire - Bâti implanté sur toute la largeur de la parcelle - Occupation de 42 à 61% de la surface bâtie par rapport à l’aire libre - Marge de retrait de 1 à 3 mètres par rapport à la rue