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52 Le Journal de la Production N° 126 Novembre-Décembre 2014 Autour de la production L e début de l'aventure ne date pas d'hier, même si la forme qu’elle a au- jourd'hui dépasse celle des premières années. Comme dans beaucoup d'histoires, on trouve à l'origine la rencontre de deux hommes, l'un est à l'époque un jeune pilote qui n'a pas encore fait ses preuves mais dont le talent n'échappe pas à un passionné ! Le premier, c'est Gregory Le- blanc, seul pilote de l'histoire des 24 heures du Mans moto, avec Jean-Michel Mattioli, à afficher 4 victoires successives. L'autre, c'est le directeur de Kasto France, Chris- tian Touchais : « Nous avons rapidement soutenu Greg, en tant que pilote, alors qu'il ne courait pas encore pour Kawasaki ». Un soutien qui se traduit par la présence du logo de Kasto sur la combinaison du pilote depuis environ 10 ans. « De ce fait, j'ai pu suivre son évolution et être suffi- samment proche lorsqu'il a intégré le team SRC Kawasaki, pour déceler les besoins de l'équipe en terme de pièces mécaniques ». Des informations qu'il relaie auprès de son réseau de clients et de partenaires en vue d'élargir le soutien à l'équipe en suscitant l'intérêt d'industriels. Oui tout de suite ! Parmi les « motivés » de la première heure, on trouve la société Nicolleau Usinage. Une petite entreprise vendéenne créée en 1991 et qui compte aujourd'hui une dizaine de personnes. Entreprise de sous-traitance plus orientée sur les travaux de tournage que de fraisage, l'entreprise a investi dès 1995 dans une machine à commande numérique et, en 2000, dans un tour bi-broche multi- axes. L'entreprise est aujourd'hui à la tête d'un parc de 10 tours CN et de 2 centres d'usinage et sait aussi bien répondre à des besoins de grandes séries qu'à des sollici- tations sur des pièces unitaires et de petites séries. Cette aptitude, le sous-traitant la doit à la division en deux secteurs distincts de l'entreprise, utilisant des machines de typo- logies différentes. D'un côté, 4 tours à pro- grammation par apprentissage, de l'autre des tours bi-broches taillés pour la grande cadence. Il se trouve qu'en plus Patrice Nicolau, gérant de l'entreprise, est féru de sports mécaniques. Aussi, lorsqu'il apprend par son fournisseur de machines, BPLMO, que l'équipe SRC Kawasaki a besoin de pièces pour ses motos de compétition, c'est spontanément qu'il répond oui et, depuis maintenant 4 ou 5 années, il participe aux succès de l'équipe et en partage les décon- venues inhérentes aux aléas de cette dis- cipline exigeante. Pas question de fournir une prestation facturée et d'agir en sous- traitant, c'est la passion du sport qui anime Les sports mécaniques sont depuis longtemps des fédé- rateurs et occupent une place toujours aussi importante et de plus en plus diversifiée dans nos sociétés. Cepen- dant, les disciplines qui constituent la famille ne sont pas également dotées en termes de moyen et si les écuries automobiles draînent généralement de gros moyens, côté deux roues, la débrouille prime encore et les plus belles équipes s'appuient sur des réseaux de bonnes volontés et d'entraides remarquables. Celle de SRC Kawasaki nous en fournit un bel exemple. Une affaire de passion mécanicienne Circuit du Mans lors de 24 heures Moto.

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Autour de la production

Le début de l'aventure ne date pas d'hier, même si la forme qu’elle a au-jourd'hui dépasse celle des premières

années. Comme dans beaucoup d'histoires,

on trouve à l'origine la rencontre de deux hommes, l'un est à l'époque un jeune pilote qui n'a pas encore fait ses preuves mais dont le talent n'échappe pas à un

passionné ! Le premier, c'est Gregory Le-blanc, seul pilote de l'histoire des 24 heures du Mans moto, avec Jean-Michel Mattioli, à afficher 4 victoires successives. L'autre,

c'est le directeur de Kasto France, Chris-tian Touchais : « Nous avons rapidement soutenu Greg, en tant que pilote, alors qu'il ne courait pas encore pour Kawasaki ».

Un soutien qui se traduit par la présence du logo de Kasto sur la combinaison du pilote depuis environ 10 ans. « De ce fait, j'ai pu suivre son évolution et être suffi-samment proche lorsqu'il a intégré le team SRC Kawasaki, pour déceler les besoins de l'équipe en terme de pièces mécaniques ». Des informations qu'il relaie auprès de son réseau de clients et de partenaires en vue d'élargir le soutien à l'équipe en suscitant l'intérêt d'industriels.

Oui tout de suite !

Parmi les « motivés » de la première heure, on trouve la société Nicolleau Usinage. Une petite entreprise vendéenne créée en 1991 et qui compte aujourd'hui une dizaine de personnes. Entreprise de sous-traitance plus orientée sur les travaux de tournage que de fraisage, l'entreprise a investi dès 1995 dans une machine à commande numérique et, en 2000, dans un tour bi-broche multi-axes. L'entreprise est aujourd'hui à la tête d'un parc de 10 tours CN et de 2 centres d'usinage et sait aussi bien répondre à des besoins de grandes séries qu'à des sollici-tations sur des pièces unitaires et de petites séries. Cette aptitude, le sous-traitant la doit à la division en deux secteurs distincts de l'entreprise, utilisant des machines de typo-logies différentes. D'un côté, 4 tours à pro-grammation par apprentissage, de l'autre des tours bi-broches taillés pour la grande cadence. Il se trouve qu'en plus Patrice Nicolau, gérant de l'entreprise, est féru de sports mécaniques. Aussi, lorsqu'il apprend par son fournisseur de machines, BPLMO, que l'équipe SRC Kawasaki a besoin de pièces pour ses motos de compétition, c'est spontanément qu'il répond oui et, depuis maintenant 4 ou 5 années, il participe aux succès de l'équipe et en partage les décon-venues inhérentes aux aléas de cette dis-cipline exigeante. Pas question de fournir une prestation facturée et d'agir en sous-traitant, c'est la passion du sport qui anime

Les sports mécaniques sont depuis longtemps des fédé-rateurs et occupent une place toujours aussi importante et de plus en plus diversifiée dans nos sociétés. Cepen-dant, les disciplines qui constituent la famille ne sont pas également dotées en termes de moyen et si les écuries automobiles draînent généralement de gros moyens, côté deux roues, la débrouille prime encore et les plus belles équipes s'appuient sur des réseaux de bonnes volontés et d'entraides remarquables. Celle de SRC Kawasaki nous en fournit un bel exemple.

Une affaire de passion mécanicienne

Circuit du Mans lors de 24 heures Moto.

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tout le monde dans cette histoire comme dans d'autres. En effet, les pièces qui sont fabriquées pour l'écurie sont usinées pen-dant les heures de travail, dans les trous du planning de production de l'entreprise par une partie du personnel, lui aussi mordu de moto et de sport mécanique. « Dans cette entreprise, on est tous des passionnés, un de mes employés fait du kart, un autre de la formule 3000, un troisième de l'enduro…, je ne suis pas le seul ».

Une passion chronophage

Dans la société Paillou, autre spécialiste pour les travaux d’usinage de la pièce uni-taire à la série, c'est aussi la passion de la compétition qui est le moteur. Équipée d’un parc machines récent et performant, l'entre-prise, installée depuis 15 ans en Vendée sur le secteur de Pouzauges, emploie 15 personnes. Ici, c'est le directeur technique Pascal Paillou qui a choisi seul de répondre à l'appel de Kawasaki. « Ils m'envoient une liste de pièces dont ils ont besoin avec le délai demandé. Je choisis en fonction de ma disponibilité et des besoins de l'équipe les pièces que je peux réaliser ». Des pièces qui seront usinées par ses soins le soir et le week-end pour ne pas empiéter sur le temps de production de l'entreprise. « Avec le temps, j'ai appris à déceler quelles étaient leurs pièces d'usure, ce qui me permet, sur des pièces complexes, de faire quelques

séries qui dépassent leurs besoins expri-més, une fois que la machine est réglée ». Là encore, pas de facturation, le seul sa-laire : un « pass » lors des compétions, le plaisir de voir de près comment se passe la course, d'échanger quelques mots avec les pilotes… Des moments privilégiés au cours desquels ils peuvent voir en direct comment les pièces qu'ils ont fabriquées remplissent leur office. « Pour moi, c'est bien assez », conclut Pascal Paillou.

Un beau réseau d'acteurs

Le team SRC Kawasaki s'appuie au-jourd'hui sur une base bien plus large que les deux exemples présentés plus haut. La liste des nombreuses pièces nécessaires passe par des mains toujours plus nom-breuses, comme celles de Patrice Joslain, à la tête de A2m2, une entreprise de mé-canique générale de précision spécialisée dans la réalisation de pièces sur plan ou

à façon. Située aux portes de l'autoroute A83 entre La Rochelle et Nantes, l'entre-prise est habituée aux exigences sévères des clients dans les domaines cosmé-tique, pharmaceutique, alimentaire…, qui demandent tous une grande rigueur de précision et de suivi de la matière, de la rugosité…. Chez A2m2, c'est une équipe de trois passionnés qui se mobilise pour produire, le samedi matin sur leur temps de repos, des pièces de tournage en alliage léger.

Pour le titane, c'est Mécatec qui en fournit une partie, une entreprise angevine spécia-lisée dans la réalisation de pièces méca-niques de précision pour les secteurs de l'aéronautique, du médical, de l'optique, de l'électronique professionnelle… Expert de l'usinage 2 à 5 axes, il fournit ici une prestation de contrôle tridimensionnel des pièces pour le Team SRC.

Grégory Leblanc à peine arrivé au stand, les mécaniciens changent en quelques secondes les pneus, les freins, réalisent le plein, avant que Fabien Foret ne reparte pour une petite heure de course.

Dans le camion les mécaniciens disposent d'un stock complet de pièce pour venir à bout de toutes les pannes.

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Autour de la production

Dans ce paysage déjà riche, il y a également Moules et Outillage de l'Ouest (MOO), une entreprise de seulement 8 personnes, spécialiste de l'étude et de la réalisation de moules de plasturgie. « Nous sommes 3 passionnés de compétitions de moto, dont deux travaillant dans l'administratif » explique Antoine Prod'homme, gérant de l'entreprise. « Je lance les pièces pour le Team SCR Kawasaki en production dans

les trous du planning, ainsi elles se font la nuit et le week-end de manière automa-tique ». Pour ce qui est des opérations ma-nuelles de finition, nettoyage, emballage…, c'est autre chose, nos trois aficionados s'y attèlent après 17 heures pour ne pas per-turber la production. Que ne feraient pas des passionnés pour assister aux courses ! Des courses que l'on vit pleinement chez MOO : « Dès que nous en avons la possi-

bilité, nous nous entretenons avec Thomas Baudry, le mécanicien de l'écurie, et Gilles Stafler, le patron du Team, pour parler des pièces qu'il souhaite faire évoluer pour faci-liter leur mise en place, améliorer leur durée de vie, les alléger… Au cours de ces discus-sions, nous avons la possibilité de confron-ter notre vision de l'usinage à sa vision de concepteur et lui faire des propositions ou de l'orienter vers des pistes que nous sa-vons être envisageables en termes de réali-sation des pièces, de choix de matière… Ce sont des moments que nous vivons comme une vraie récompense de l'aide que nous fournissons gracieusement ».

Une équipe qui se renforce

Cette émulation de la course, on la trouve également chez les nouveaux venus dans l'aventure, comme l'entreprise RHM Usi-nage qui a rejoint l'équipe cette année. Pour Nicolas Fauconnier, à la tête d'une entreprise de mécanique dotée de moyens de grande capacité : « Nous avons répon-du à la demande de Jocelyn Dour qui est notre contact chez BPLMO. J'ai moi-même fait du rallye et je connais l'importance de ces contributions pour une équipe ». Chez RHM, les pièces pour SRC Kawasaki sont lancées entre deux commandes clients en veillant à ne pas perturber les délais. Par-mi celles-ci, il y a le support de pompe à essence qui a été usiné par un employé lui aussi fervent adepte de moto. Présent aux 24 Heures du Mans Moto les 20 et 21 sep-tembre dernier, il a pu constater de visu que le raccordement avec le dispositif de rem-plissage du réservoir se passait mieux sur la Kawasaki du team SRC que sur celle du box voisin. Une satisfaction qui ajoute au plaisir de partager l'exaltation de la course. Devant tant d'engouement, il est probable que l'aventure va continuer et draîner tou-jours plus de bonnes volontés à l'image de Farela, situé à Montauban, ou VJP Industrie, à Valognes, venus rejoindre des fidèles que nous n'avons pas évoqués comme Chris-tophe Hilaire à la tête du Groupe Selga et William Feodon, fondateur et dirigeant de WF Concept. Pas pour faire du « business », mais juste pour rendre service et passer de bons moments ensemble autour d'une pas-sion commune : la mécanique.

Vincent Lebugle

Une course agitéeLe team SRC qui alignait la Kawasaki n°11 sur la ligne de départ avait de bonnes raisons de croire à ses chances : Grégory Leblanc, son pilote officiel, affiche 4 victoires consécutives sur cette course mythique. Une de plus et c'est la consécration historique, ça motive. Quant à Fabien Foret, il a déjà participé à 2 victoires avec le team SRC et Mathieu Lagrive est, pour sa part, monté à 6 reprises sur le podium. Une équipe solide qui a décroché la pôle position.

Les premières heures de course avaient tout pour renforcer cette confiance avec une moto qui marche bien, des relais qui s'opèrent sans perte de temps…, jusqu'à ce que la chute de Fabien Foret coûte 15 places à l'équipe avant que “ Greg ” n'en reprenne le guidon pour un nouveau temps de course et relance les espoirs - en compétition on ne sait jamais - avant la fin de la course !

Une seconde chute de Mathieu Lagrive cette fois est venu compromettre la réussite du team mais après le changement de quelques pièces et une inspection de la moto, l'équipe reprend la course. Mais au petit matin la moto déraille et Mathieu Lagrive fait une seconde chute. De retour au stand les mécaniciens constatent que les goujons de fixation de la couronne se sont cisaillés sous l'effort. Pas de problème, ils entament le remplacement… pendant ce temps, l'un d'eux jette un œil attentif à la moto et découvre une fissure sur la tête de fourche : la course est finie pour le team SRC

Kawasaki ; Gilles Stafler ne veut pas prendre le risque d'une rupture qui mettrait en danger les pilotes.

On ne gagne pas toujours et malgré son talent Grégory Leblanc n'aura pas “ la cinquième étoile d'affilée ” : il devra encore tourner pour entrer autrement dans l'histoire ! Mais ça c'est pour le plus grand plaisir de ses fans.

Départ de Grégory Leblanc après la première chute de Fabien Foret.