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HISTOIRE DE L’ART N O 84-85 2019/2020 83 Karina PRONITCHEVA Le musée d’art industriel en Russie Naissance et affirmation d’un concept (1860-1870) Quand, en 1885, Marius Vachon visite le musée d’art industriel 1 de l’École Stroganov de dessin technique à Moscou (fig. 1), il écrit dans son rapport à Edmond Turquet, sous-secrétaire d’État à l’Instruction publique, aux Beaux-Arts et aux Cultes : « La sec- tion historique est une sorte de musée de Cluny russe, d’un haut intérêt au point de vue historique et archéologique 2 . » Quant à la section industrielle : « [J]e signalerai là une innovation intéressante : le directeur du Musée donne une grande place dans les collections aux productions modernes et contemporaines 3 . » Et, après avoir fait le tour du musée d’art industriel de la Société d’encouragement des arts à Saint-Pétersbourg, Vachon constate : « Le Musée, qui contient environ 6 000 pièces, dont les trois quarts sont des originaux de grande valeur artistique, est un modèle d’organisation. Il est classé chronologiquement et génériquement 4 . » Quoique les musées d’art industriel de l’École Stroganov et de la Société d’encouragement des arts, nés dans les années 1860, aient recours à des sources de financement très différentes (le musée moscovite est financé par la bourgeoisie locale, le musée pétersbourgeois est soutenu par la famille impériale et la noblesse), ils sont conçus et agencés par la même personne, l’écrivain et connaisseur d’art russe Dmitry Grigorovitch (1822-1899). En fervent défenseur des intérêts de l’industrie nationale, il cherche, avec une énergie débordante, à la faire profiter de l’expérience européenne, tout en y ajoutant un côté « terroir ». Le présent article porte sur l’émergence du concept de musée d’art industriel (l’un des concepts clé du xix e  siècle) en Russie, sur la création des premiers musées d’art industriel russes dans les années 1860 ainsi que sur le rôle décisif de Dmitry Grigorovitch dans leur ÉTUDES Fig. 1. L’École Stroganov de dessin technique à Moscou, début du XX e siècle, carte postale.

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Le musée d’art industriel en RussieNaissance et affirmation d’un concept (1860-1870)

Quand, en 1885, Marius Vachon visite le musée d’art industriel1 de l’École Stroganov de dessin technique à Moscou (fig. 1), il écrit dans son rapport à Edmond Turquet, sous-secrétaire d’État à l’Instruction publique, aux Beaux-Arts et aux Cultes : « La sec-tion historique est une sorte de musée de Cluny russe, d’un haut intérêt au point de vue historique et archéologique2. » Quant à la section industrielle : « [J]e signalerai là une innovation intéressante : le directeur du Musée donne une grande place dans les collections aux productions modernes et contemporaines3. » Et, après avoir fait le tour du musée d’art industriel de la Société d’encouragement des arts à Saint-Pétersbourg, Vachon constate : « Le Musée, qui contient environ 6 000 pièces, dont les trois quarts sont des originaux de grande valeur artistique, est un modèle d’organisation. Il est classé chronologiquement et génériquement4. » Quoique les musées d’art industriel de l’École Stroganov et de la Société d’encouragement des arts, nés dans les années 1860, aient recours à des sources de financement très différentes (le musée moscovite est financé par la bourgeoisie locale, le musée pétersbourgeois est soutenu par la famille impériale et la noblesse), ils sont conçus et agencés par la même personne, l’écrivain et connaisseur d’art russe Dmitry Grigorovitch (1822-1899). En fervent défenseur des intérêts de l’industrie nationale, il cherche, avec une énergie débordante, à la faire profiter de l’expérience européenne, tout en y ajoutant un côté « terroir ». Le présent article porte sur l’émergence du concept de musée d’art industriel (l’un des concepts clé du xixe siècle) en Russie, sur la création des premiers musées d’art industriel russes dans les années 1860 ainsi que sur le rôle décisif de Dmitry Grigorovitch dans leur

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Fig. 1. L’École Stroganov de dessin technique à Moscou, début du xxe siècle, carte postale.

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mise en place. Mais, avant de voir comment ce concept s’est implanté en Russie, il convient de revenir très rapidement sur ses origines, donc sur l’idée même du South Kensington Museum.

Le South Kensington Museum comme modèleL’Exposition universelle de 1851 (fig. 2) démontre le retard considérable des Britanniques, vis-à-vis des Français, en ce qui concerne l’aspect esthétique de leurs produits d’indus-trie5 ; la décision d’améliorer l’enseignement des arts appliqués ainsi que le goût de la nation en général est alors prise. En février 1852, le département des Arts pratiques, rattaché au ministère du Commerce, est créé, avec Henry Cole à sa tête. Membre de la Société d’encouragement des arts, de l’industrie et du commerce, Cole est le prin-cipal organisateur de l’Exposition universelle de 1851, aux côtés du prince Albert, et possède une grande expertise en art industriel6 (fig. 3). La même année, le Museum of Manufactures (« musée des produits industriels »), avec l’école de dessin qui y est inté-grée, ouvre à la Marlborough House ; en 1857, le musée s’installe à South Kensington. Dès sa fondation, le musée, connu surtout sous le nom de South Kensington Museum (rebaptisé Victoria and Albert Museum en 1899), est censé recueillir les meilleurs échantillons de l’art industriel ancien et moderne : « The Museum is intended to contain not only works selected as fine examples of design or art workmanship, but others chosen with a view to an historical series of manufactures7. » Ainsi, les produits industriels contemporains s’exposent à côté des objets des sections thématiques « Grèce et Rome antiques », « Moyen Âge », « Renaissance », etc. Aussi, le Parlement britannique charge le comité de sélection présidé par Henry Cole d’acquérir les pièces les plus remarquables de

Fig. 2. W. Simpson d’après John McNevin, L’Exposition universelle de 1851. Les exposants étrangers, vue vers le transept, 1851, lithographie (Londres, Ackermann & Co), 29,6 × 36,2 cm, Londres, Victoria and Albert Museum. © Victoria and Albert Museum, London.

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l’Exposition universelle de 1851 et lui accorde un budget important. Il est intéressant de noter que, tout au long du xixe siècle, pour le South Kensington, tout comme pour d’autres musées d’art industriel en Europe, les expositions universelles ou nationales représentent un moyen simple et efficace d’enrichir leurs collections. Ainsi, d’après Marius Vachon, « [l]es expositions de 1851, 1855, 1862, 1867 et 1878 ont fourni presque exclusivement les éléments du Musée moderne8 » de South Kensington.

L’effet South KensingtonTout au long de sa présidence au département des Sciences et des Arts (tel est son nou-veau nom), à savoir jusqu’en 1873, Henry Cole défend l’intérêt économique du South Kensington Museum en soulignant son influence directe sur l’industrie nationale9. Même s’il semble difficile d’évaluer le véritable rôle que le musée a joué dans l’amélioration des arts industriels de l’époque (différents points de vue ont été énoncés sans que des conclu-sions univoques puissent en être tirées10), une chose est indéniable : lors de l’Exposition universelle de 1862 à Londres, les progrès des Britanniques dans l’art industriel sont manifestes et reconnus par le monde entier11. L’idée d’un musée d’art industriel, à l’image du South Kensington, qui contribuera à rendre l’art accessible au plus grand nombre et à améliorer l’aspect esthétique des produits d’industrie nationale, séduit alors plusieurs intellectuels et hommes d’affaires européens et américains. Une vague d’ouvertures de musées d’art industriel en Europe et d’art museums aux États-Unis12 s’amorce.

L’Österreichisches Museum für Kunst und Industrie (« musée autrichien d’art et d’industrie », aujourd’hui Museum für angewandte Kunst, « musée d’arts appliqués »), qui ouvre à Vienne en 1864, est le premier musée de ce genre en Europe continentale. Conçu à l’image du South Kensington, il doit beaucoup à l’architecte allemand et ancien professeur à l’école du South Kensington, Gottfried Semper, auteur d’un pamphlet sur l’Exposition universelle de 1851 intitulé Science, industrie et art13. En Allemagne, c’est le Deutsches Gewerbe-Museum zu Berlin (« musée allemand d’art industriel ») qui ouvre en premier en 1867, et ce, sur l’initiative de la fille aînée de la reine Victoria et du prince Albert, qui épouse en 1858 le prince Friedrich Wilhelm de Prusse et devient ainsi princesse de Prusse. D’autres musées apparaissent à Cracovie en 1868, à Hambourg en 1869, à Budapest en 1872, à Brno en 1873, etc.14. En 1888, Marius Vachon écrit : « Aujourd’hui, il n’est pas en Europe une ville de quelque importance qui ne possède un musée d’art industriel15. »

Fig. 3. Le Crystal Palace, construit à Hyde Park pour l’Exposition universelle de 1851, 1851, gravure (Londres, Read & Co).

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Alors que la France se dote d’un musée d’art industriel très tardivement (le musée des Arts décoratifs n’est inauguré qu’en 1905), le musée d’Art et d’Industrie de Lyon, qui ouvre en 1864, suit de près l’exemple du South Kensington. Quoique l’idée d’un « musée d’échantillons et de dessins de la fabrique d’étoffes de soie16 » remonte à la fin des années 1840, la Chambre de commerce de Lyon ne décide de créer un musée d’art et d’industrie à Lyon qu’en 1856, sous la pression constante des industriels de la région. En septembre 1858, l’économiste et membre de la Chambre Natalis Rondot rédige un rapport sur les musées industriels en Europe, le dédiant presque exclusivement au South Kensington Museum. Il y ajoute son projet de musée pour Lyon, qui réunirait toutes les industries de la région (soierie, orfèvrerie, serrurerie, céramique, etc.) et comprendrait trois départements : celui de l’art, celui de l’industrie et un département historique, qui, outre des échantillons de tissus anciens, présenterait la meilleure production lyonnaise moderne. Le musée d’Art et d’Industrie inauguré six ans plus tard (l’actuel musée historique des Tissus) est fortement inspiré du rapport de Rondot.

Le musée d’art industriel de l’École Stroganov à MoscouDans le mouvement général, les musées d’art industriel apparaissent aussi en Russie. « Pour la première fois, l’idée de fondation d’un musée [d’art industriel] surgit en 1862, au sein des succursales moscovites des Conseils industriel et commercial17 », donc à l’issue de l’Exposition universelle de 1862 qui démontre les succès des arts industriels britanniques. Dans sa requête auprès du ministère des Finances, le président des suc-cursales moscovites des Conseils industriel et commercial, l’industriel Alexey Khloudov (1818-1882), « a déclaré les marchands et fabricants de Moscou prêts à contribuer avec leurs propres moyens à l’organisation, à l’enrichissement et au financement dudit musée, si le gouvernement prêtait, de son côté, assistance à cette entreprise par don, pour l’hébergement de celle-ci, d’un immeuble rue Myasnitskaïa, à Moscou, appartenant au ministère des Finances18 ». Ainsi, contrairement au South Kensington Museum et aux musées d’art industriel de Vienne et de Berlin, fondés par les pouvoirs publics dans les villes capitales, le premier musée d’art industriel russe est créé sur l’initiative privée et avec des fonds privés dans la principale ville industrielle de l’Empire et a une portée nationale (alors que le musée de Lyon se positionne comme musée régional). Dès le départ, le musée moscovite est conçu non en tant qu’établissement indépendant, mais comme musée pédagogique auprès de l’École Stroganov de dessin technique, et ceci pour une bonne raison. En effet, c’est encore en 1859 que le président des succursales moscovites des Conseils industriel et commercial de l’époque, l’économiste Alexandre Chipov (1800-1878), qui occupe en même temps le poste de tuteur des écoles de des-sin de Moscou, adresse au ministère des Finances la proposition de faire fusionner les deux écoles de dessin qui existent alors à Moscou en une seule. La proposition approu-vée, le nouvel établissement, créé en 1860, reçoit le nom d’École Stroganov de dessin technique, d’après le fondateur de la première école de dessin moscovite19. L’objectif de la nouvelle École Stroganov est alors de « former des dessinateurs pour l’indus-trie manufacturière et, en général, de développer les capacités artistiques appliquées à la production industrielle et à l’artisanat20 ».

Reconnaissant la proposition des marchands de Moscou sur la création d’un musée d’art industriel « très respectable et tout à fait digne d’encouragement », le ministre des Finances, le comte Mikhaïl Reutern (1820-1890), justifie, dans son rapport à l’Empereur Alexandre II, les avantages de cette entreprise de la façon suivante : « Se trouvant en plein cœur de l’industrie manufacturière nationale, un musée de ce genre serait un excellent et utile complément de l’École Stroganov de dessin technique, et l’impact combiné de ces deux institutions contribuerait non seulement à conférer plus d’élégance et d’originalité aux œuvres de nos dessinateurs industriels, mais aussi à former le goût

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des consommateurs eux-mêmes, et, avec ceci, à apprendre à notre public à apprécier davantage les produits russes en soi21. » (L’idée d’allier le musée d’art industriel à une école est certainement inspirée du South Kensington Museum, qui comprend une école de dessin.) Le rescrit de l’Empereur stipule : « mettre à exécution22 ». Une souscription est alors lancée « pour l’organisation et le financement du musée », tandis que le président des succursales moscovites des Conseils industriel et commercial est nommé tuteur du musée23. La souscription permet de recueillir 109 984 roubles et 31 kopecks : une partie de la somme est investie dans l’aménagement de l’immeuble et le reste dans l’acquisition des collections24. Certains objets, en particulier une impor-tante collection de porcelaines européennes, sont donnés au futur musée par l’empe-reur Alexandre II en personne25. Le musée ouvre enfin ses portes rue Miasnitskaïa le 17 avril 1868. Le Règlement du musée d’art industriel de Moscou confirme son rôle au service de l’industrie russe : « Le musée d’art industriel, relevant du département du Commerce et de l’Industrie du ministère des Finances, est fondé auprès de l’École Stroganov de dessin technique et des succursales moscovites des Conseils industriel et commercial de Russie, avec les fonds réunis grâce à une souscription volontaire des zéla-teurs de l’industrie manufacturière russe26. » Organisé sur les principes du « musée de Kensington à Londres, à l’image des musées similaires ayant surgi en même temps à Lyon, Vienne et Berlin27 », le musée de Moscou occupe quatorze salles et comprend trois sections : section artistique, section industrielle et section historique (l’on retrouve ici le concept du musée d’art industriel de Natalis Rondot). La section artistique inclut des moulages en plâtre de sculptures antiques ainsi que des échantillons d’ornementation de différents styles ; la section industrielle comprend des échantillons d’art industriel d’antan et d’aujourd’hui (poterie, textile, mobilier, émail, verre, papier peint, fonderie, ciselure) ; la section historique est dédiée à l’art russe ancien (fragments d’ornements originaux ou reproduits sous forme de fac-similé, moulages ou images)28.

Fig. 4. Ivan Kramskoï, Dmitry Grigorovitch, 1876, huile sur toile, Moscou, galerie Tretiakov.

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Dmitry Grigorovitch et son « mémorandum » de 1866C’est en effet à l’écrivain et connaisseur d’art Dmitry Grigorovitch (fig. 4) que revient le rôle fondamental dans la conception du musée Stroganov. Secrétaire de la Société d’encouragement des arts à Saint-Pétersbourg, il est le principal porte-parole en faveur des arts industriels dans la Russie impériale entre 1864 et 1900. C’est encore en avril 1864 que les tuteurs du musée de l’École Stroganov à Moscou font appel à la Société d’encouragement des arts à Saint-Pétersbourg, en demandant de leur faire parvenir des projets d’exposition permanente, primés lors d’un concours récent de la Société, « pour l’étude en vue de la construction future du musée à Moscou29 », et de préciser les conditions dans lesquelles l’un des projets pourrait être utilisé. Visiblement, les échanges continuent, puisque, lors de la séance du Conseil de tutelle du musée de l’École Stroganov du 28 février 1866, Dmitry Grigorovitch présente un concept détaillé d’un musée d’art industriel. D’après Grigorovitch, l’objectif « très particulier » d’un musée d’art industriel « consiste aussi bien à procurer un plaisir esthétique par le biais de l’art, qu’à démontrer à la société un lien étroit entre l’art et certaines branches d’industrie, à démontrer le profit que cette dernière peut tirer d’une telle union, à démontrer tout le profit de l’application de l’art aux objets courants, parce que, sans compromettre leur destinée directe, l’art leur confère l’aspect agréable, de la beauté, y apporte quelque chose de vivant, d’animé, ce qui rend de tels objets particulièrement chers et plaisants30 ».

Fig. 5. Le South Kensington Museum. Cour des plâtres avec le modèle en plâtre de la chaire de la cathédrale de Pise, 1860, épreuve argentique, 26,7 × 33 cm, Londres, Victoria and Albert Museum. © Victoria and Albert Museum, London.

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L’érudit formule ensuite le principe clé de formation de la collection d’un musée d’art industriel qui doit inclure des « échantillons typiques », à savoir révélateurs, d’un art ou d’une industrie, et cite en guise d’exemple la liste des 43 spécimens illustrant « l’art de la sculpture des origines au temps présent31 ». Les chefs-d’œuvre reconnus de tous les temps (le Thésée de Phidias du fronton du Parthénon d’Athènes, un person-nage du portail de la cathédrale de Chartres, la Pietà de Michel-Ange, etc.) seraient à obtenir sous forme de moulages. Il s’agit là d’un autre témoignage de l’influence du South Kensington Museum, qui exposait les meilleures œuvres anciennes sous forme de reproductions32 (fig. 5). Quant aux objets de production contemporaine, il convient de les acquérir dans les pays producteurs (Angleterre, France, Allemagne, etc.). Tou-tefois, « il fallait veiller à ce que la plupart des objets [acquis] [soient] des œuvres qui alliant la beauté et le confort, seraient composés de matériaux trouvables en Russie, et, donc, représenteraient la possibilité substantielle d’être exécutés partout dans la Patrie33 ». En énumérant les branches de l’art industriel qui devraient être représen-tées au musée, l’auteur s’appuie sur l’état actuel de la production : « Le travail des métaux précieux, compris dans le sens étendu de cette industrie multilatérale, occupe chez nous, sans aucun doute, la première place parmi les branches d’industrie liées à l’art ; cependant, l’émaillerie qui lui sert de meilleur ornement s’est complètement dégradée. Les échantillons sont donc nécessaires, et le musée rendra un grand service s’il s’enrichit d’échantillons d’objets métalliques de toute espèce, décorés d’émail de toutes les manières possibles34. » Enfin, en évoquant la poterie, Grigorovitch avance qu’« [i]l serait aussi souhaitable d’avoir la collection la plus complète possible d’échan-tillons d’art populaire de différentes contrées de la Russie afin d’établir la typologie de produits pour chaque région de l’État et d’évaluer les conditions matérielles de chaque contrée où la poterie se pratique35 ».

Les principes exposés par Grigorovitch ne sont pas sans rappeler les grandes lignes du rapport de Natalis Rondot, fait à la Chambre de commerce de Lyon en septembre 1858, où ce dernier affirme entre autres :

L’action du Musée doit s’exercer sur un plus vaste champ. Sans doute, il éveillera et développera le sentiment du beau, il formera le goût, mais surtout il sera pour la Fabrique [de soie lyonnaise] un fonds commun, où l’on sera assuré de trouver tout ce qui peut servir l’inspiration, élargir et élever les idées, résoudre les difficultés et réaliser de nouveaux progrès. On y viendra étudier les ressources décoratives imagi-nées et développées dans les grands siècles, chercher le secret de la simplicité, de la grâce et de la distinction des Grecs, de l’harmonie et de la délicatesse du coloris des Orientaux, et cet autre secret d’approprier, avec une heureuse mesure et un senti-ment artiste, le style aux matériaux et aux destinations36.

Quant au discours de Dmitry Grigorovitch, converti en une sorte de mémorandum, il devient le document-programme pour les fondateurs du musée moscovite qui confient également à Grigorovitch la rédaction d’un guide du musée37.

Le musée d’art industriel de la Société d’encouragement des arts à Saint-PétersbourgAu même moment, Grigorovitch œuvre à la réorganisation de l’École de dessin de la Société d’encouragement des arts à Saint-Pétersbourg. Créée en 1839 par le savant Kornelius Reissig et le ministre des Finances de l’époque, le comte Georges Cancrin, l’École de dessin pour les étudiants libres a été initialement conçue comme un établis-sement d’enseignement d’art industriel. Son initiateur, Kornelius Reissig, insistait déjà, trente ans avant Grigorovitch, sur l’objectif premier de l’institution, visant à apprendre aux dessinateurs à « faire usage de, mettre en pratique et diversifier les échantillons déjà existants, empruntés aux domaines de la peinture et de la sculpture » ; dans ce but, il était nécessaire de « les familiariser avec les meilleures œuvres concernant les formes

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et l’ornementation de divers objets, afin qu’ils puissent leur servir de véritables modèles contribuant à la formation du goût38 ». D’après Reissig, il convient d’améliorer le goût de l’élève non seulement par une familiarisation avec les chefs-d’œuvre du passé, mais aussi par un exercice d’« imitation des échantillons de divers articles usagés du présent39 ». Cofondée par le ministre des Finances Georges Cancrin, l’École de dessin bénéficie d’un soutien important, mais après la démission de Cancrin en 1844, l’institution commence à éprouver des difficultés et, en 1857, la Société d’encouragement des arts l’accepte sous son patronage afin d’éviter sa fermeture. La présidente de la Société est, à cette époque, la grande-duchesse Maria Nikolaïevna, sœur d’Alexandre II, qui occupe aussi le poste de présidente de l’Académie des beaux-arts. Il n’est donc pas surprenant que, progressivement, l’École de dessin devienne un établissement préparatoire pour les élèves cherchant à être admis à l’Académie.

En 1864, Dmitry Grigorovitch est élu au poste de secrétaire de la Société, et l’École de dessin se réoriente vers l’art industriel. L’École ouvre alors « les classes de dessin et de modelage exclusivement dans le domaine de l’artisanat40 » (1864) et crée des prix pour des dessins « dans le domaine de l’ornementation relative à son application aux objets de production industrielle41 » (1866-1868), tandis que l’exposition de la Société présente des dessins « d’après les anciennes œuvres russes42 » (1866-1867). Enfin, un programme est établi afin de mettre en place toutes ces améliorations « dont se servent depuis si longtemps les écoles de dessin spécialisées dans les pays occidentaux43 », et qui prévoit la fondation d’un « musée d’échantillons dans toutes les branches de l’art appliqué aux objets de production industrielle fine44 ». En effet, pour Grigorovitch, Saint-Pétersbourg représente « un immense centre industriel où l’on fabrique des articles de toutes les branches d’industrie fine », au point qu’il est « difficile de chiffrer toute la masse de mobilier, céramique, orfèvrerie et objets de bronze, articles de joaillerie et d’émaillerie, gravure de tout genre, etc., que produisent des ateliers pétersbourgeois ». Un musée d’échantillons y est donc absolument indispensable45.

Pour la mise en œuvre de ce programme, des fonds et un local public d’État sont requis (l’école est confinée dans un bâtiment insuffisant pour ses besoins, place de la Bourse). L’initiative reçoit l’approbation d’Alexandre II, comme en témoigne le document lu à la réunion du Comité de la Société le 2 novembre 1869 : « Sa Majesté l’Empereur, à la demande de la Grande-duchesse Maria Nikolaïevna et sur le rapport de Monsieur le ministre des Finances, a daigné ordonner : assigner des comptes du Trésor public à la Société d’encouragement des arts, pour le financement de l’École de dessin et l’organisation d’un musée auprès d’elle, 6 000 roubles par an46 », à savoir 3 000 roubles pour l’école et 3 000 pour le musée. Il est révélateur que dans son autre pamphlet, Grigorovitch stipule : « En utilisant chaque année 3 000 roubles pour de nouvelles acquisitions [pour le musée], il est possible d’aboutir, compte tenu des objets que l’on possède déjà, à un ensemble très complet47. » On pourrait en déduire que le chiffre de 3 000 roubles ne serait pas aléatoire, mais ait été communiqué à l’Empereur au préalable par la grande-duchesse Maria Nikolaïevna.

Le musée d’art industriel de la Société d’encouragement des arts ouvre ses portes en 1870 et comprend douze sections, selon les branches de l’art industriel : histoire de la sculpture et de l’ornementation, poterie, gravure (sur ivoire, bois, pierre, etc.), textile et broderie, mobilier, verre et mosaïque, émaillerie, métaux précieux, fonderie et ciselure, joaillerie (fig. 6), reliure, art de décoration. Les objets sont exposés par type de production, à l’exception de deux salles thématiques : russe et orientale48. Lors de sa visite en 1885, Vachon y distingue tout particulièrement l’émaillerie et la poterie dont l’importance singulière a été soulignée par Grigorovitch dans son mémorandum de 1866 : « La section des émaux est d’un rare intérêt ; il y a là, entre autres œuvres, des coffrets d’un travail original qui fourniraient d’excellents modèles aux artistes parisiens. La céramique est très importante comme nombre et valeur artistique des pièces49. »

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Il est intéressant de noter la place importante que prend, dans les collections des musées de Moscou et de Saint-Pétersbourg, la production contemporaine. En effet, comme le signale Barbara Morris, la plupart des musées et collections d’art industriel, créés dans la foulée des années 1860-1880, privilégient les arts figuratifs ou les antiquités, alors que les musées autrichiens, allemands et néerlandais sont fondés à l’image du South Kensington et possèdent, à leur tour, un fonds important de produits contemporains50. Les musées d’art industriel russes s’inscrivent donc eux aussi dans cette deuxième lignée, ce qui est, sans doute, dû à la personnalité de Grigorovitch qui suit attentive-ment le développement des arts industriels de l’époque et rédige même un rapport sur l’Exposition universelle de 1867, dont plusieurs pages sont dédiées aux spécimens les plus remarquables des arts industriels français51.

Alors qu’en 1883, Dmitry Grigorovitch quitte le poste de secrétaire de la Société, il reste responsable du musée d’art industriel jusqu’à sa mort en 1899. En 1892, il est chargé par l’École Stroganov du réagencement de son musée dans les nouveaux locaux. En 1896, il est nommé président de la Section d’art industriel, créée pour la première fois, à l’Exposition d’art et d’industrie nationale à Nijni Novgorod. Cependant, vers la fin des années 1890, l’esprit du South Kensington semble s’épuiser : avec le départ à la retraite de Henry Cole en 1873, le South Kensington Museum lui-même commence à prendre ses distances par rapport à la production moderne ; l’administration du musée d’Art et d’Industrie de Lyon s’intéresse, quant à elle, de plus en plus aux acquisitions de tissus anciens et finit par transformer, en 1890, le musée d’art industriel en un musée historique des Tissus, tandis que le musée de l’École Stroganov cesse peu à peu, dès le milieu des années 1890, d’acquérir des objets modernes afin de se consacrer à la constitution d’une collection de pièces anciennes. Ce « collapse of utilitarian ideals 52 » de la fin du xixe siècle s’accompagne de l’émergence de concepts muséologiques

Fig. 6. Pièces de joaillerie de la section orientale du musée d’art industriel de la Société d’encouragement des arts à Saint-Pétersbourg, reproduites dans Recueil de dessins pour l’art et l’industrie, 4e livraison, Saint-Pétersbourg, Société impériale d’encouragement des arts, 1888, pl. II. © Photo Karina Pronitcheva.

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alternatifs des historiens de l’art allemands, comme Julius Lessing, Justus Brinckmann ou Wilhelm von Bode dont le Kaiser-Friedrich-Museum, ouvert en 1904, eut une très grande influence sur la muséologie du xxe siècle53.

Fruit d’une compétition économique internationale qui se manifeste pour la première fois à l’Exposition universelle de 1851, le musée d’art industriel est, au départ, un concept anglais, tout comme celui de l’Exposition universelle, d’ailleurs. Jugé convaincant, en particulier, grâce au triomphe des arts industriels britanniques à l’Exposition universelle de 1862, il envahit alors les esprits aussi bien des économistes que des intellectuels et s’implante très rapidement un peu partout en Europe. Le South Kensington Museum et, avec lui, les musées d’art industriel de Lyon, de Vienne et de Berlin, nés dans les années 1850-1860, servent de modèles à d’autres pays qui s’essaient au remède « South Kensington ». Les musées d’art industriel russes qui émergent à Moscou et à Saint- Pétersbourg dans le courant des années 1860, s’inspirent eux aussi de ces mêmes modèles. Ils furent sans doute plus proches du musée d’Art et d’Industrie de Lyon, tant par leur emplacement, en plein cœur de villes industrielles, que par la personnalité de Dmitry Grigorovitch, francophile distingué. Et tout comme les musées de Londres, de Lyon, de Vienne et de Berlin, les musées de l’École Stroganov et de la Société d’encou-ragement des arts, étroitement liés aux territoires qui les ont créés, ont cherché à servir les intérêts de l’industrie nationale russe tout en incarnant probablement au plus près l’esprit utilitaire du xixe siècle.

Karina Pronitcheva est chercheuse à l’Institut d’histoire de Saint-Pétersbourg de l’Académie des Sciences de Russie. Docteure en sciences de l’art (université Paris 3-Sorbonne nouvelle / École du Louvre), elle a soutenu une thèse intitu-lée « L’industrie de la parfumerie française et les musées : entre public et privé » et a travaillé comme chargée des collections au musée Fabergé de Saint-Pétersbourg.

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NOTES

1. Différents termes ont été employés tout au long du xixe siècle pour désigner ce que nous appelons aujourd’hui les « arts appli-qués » ; j’utilise le terme d’« art industriel » comme le plus répandu entre les années 1850 et 1880. Pour plus d’informations à ce sujet, cf. J.-F. Luneau, « Des arts industriels aux industries d’art », dans P. Lamard et N. Stoskopf (dir.), Art et industrie, xviiie-xxie siècle, actes de journées d’études (Mulhouse/Belfort, 18-19 novembre 2010), Paris, Picard, 2013, p. 17-24 ; S. Laurent, Les Arts appliqués en France. Genèse d’un enseignement, Paris, CTHS, 1999, p. 15-17.

2. M. Vachon, Rapports à M. Edmond Turquet, sous-secrétaire d’État, sur les musées et les écoles d’art industriel et sur la situation des industries artistiques en Allemagne, Autriche-Hongrie, Italie et Russie, Paris, A. Quantin, 1885, p. 62.

3. Ibid.

4. Ibid., p. 59.

5. L. Aimone et C. Olmo, Les Expositions universelles, 1851-1900, Paris, Belin, 1993, p. 256.

6. C’est dans le cadre des expositions organisées par la Society for the Encouragement of Arts, Manufacture and Commerce, dans les années 1840, que Henry Cole présente un service à thé qui obtient une récompense ; cela incite Cole à créer sa propre entreprise, sous le nom de Felix Summerly’s Art-Manufacturer (Felix Summerly est le nom de plume de Cole, qu’il utilise pour signer ses livres pour enfants ou ses pamphlets). En tant que membre de la Société, il rencontre son président, le prince Albert. L’exposition de 1849 de la Society of Arts obtenant un franc succès auprès du public, l’idée d’une exposition internationale émerge. En 1850, la reine Victoria insti-tue la Royal Commission, chargée de l’organisation de la première Exposition universelle, sous la présidence du prince Albert ; Henry Cole est alors membre du comité exécutif de la Royal Commission. A. Burton et E. Bonython, The Great Exhibitor: The Life and Work of Henry Cole, Londres, Victoria and Albert Museum, 2003.

7. British Parliamentary Papers, Reports and Papers Relating to the State of Head and Branch Schools of Design Together with the First Report of the Department of Practical Art, 1850–3, p. 2, cité dans L. Purbrick, « South Kensington Museum: The Building of the House of Henry Cole », dans M. Pointon (dir.), Art Apart: Art Institutions and Ideology across England and North America, Manchester/New York, Manchester University Press, 1994, p. 78.

8. M. Vachon, Rapport sur les musées et les écoles d’art indus-triel en Angleterre. Mission de 1889, juin-juillet, Paris, Imprimerie nationale, 1890, p. 136.

9. À titre d’exemple, cf. Report from the Select Committee on the South Kensington Museum, 1860, p. 10-11, cité dans Purbrick, « South Kensington Museum », p. 84.

10. A. Burton, Vision & Accident: The Story of the Victoria and Albert Museum, Londres, V&A Publications, 1999, p. 108-110.

11. P. Mérimée, « Considérations sur les applications de l’art à l’industrie à l’Exposition universelle (Exposition de Londres, Rapport du jury, classe XXX, Ameublement et décoration, section I, 11 juin 1862) », dans id., Œuvres complètes. Études anglo-américaines, Paris, Honoré Champion, 1930, p. 185-207 ; Aimone et Olmo, Les Expositions universelles, p. 264-265.

12. On pense d’abord aux deux grands musées d’art fondés en 1870 : le Metropolitan Museum of Art à New York et le Museum of Fine Arts à Boston.

13. Dans son pamphlet, Science, industrie et art, d’ailleurs com-mandé à Semper par Henry Cole, l’auteur décrit un musée d’art industriel idéal, qui, d’après lui, devrait inclure cinq sections : la céramique et « les produits connexes du verre, de la pierre et du métal », l’industrie textile, qui inclut les tapis et les tissus pro-prement dits, une collection en rapport avec la menuiserie et la charpenterie, une autre en lien avec la maçonnerie et l’ingénierie, et, enfin, une collection de modèles réduits de monuments qui démontreraient la « connexité » entre les quatre industries d’art. Pour Semper, des conférences sur les cinq thématiques corres-pondant aux quatre industries d’art et leur action commune, sous l’égide de l’architecture, ainsi que des ateliers et des concours permettraient d’atteindre le but recherché, qui est l’amélioration du goût populaire. G. Semper, Science, industrie et art (1852), pré-sentation d’E. Thibault, Gollion, Infolio, 2012, p. 114-122.

14. B. Morris, Inspiration for Design: The Influence of the Victoria and Albert Museum, Londres, Victoria and Albert Museum, 1986, p. 71-72.

15. M. Vachon, Rapports sur les musées et les écoles d’art industriel et sur la situation des industries artistiques en Belgique et Hollande, Paris, ministère de l’Instruction publique et des Beaux-Arts/Maison Quentin, 1888, p. 141.

16. H. Pommier, « Historique de la création du Musée des Tissus », dans 1890-1990. Centenaire du musée des Tissus. Édouard Aynard, le fondateur du musée, cat. expo. (Lyon, musée historique des Tissus, décembre 1990 – mars 1991), Lyon, Chambre de commerce et d’industrie de Lyon/musée historique des Tissus, 1990, p. 17.

17. Художественно-промышленный музеум при Строганов-ском центральном училище технического рисования. Москва, Мясницкая ул., д. Музеума [Le musée d’art industriel de l’École centrale Stroganov du dessin technique. Moscou, rue Myasnitskaya, maison du Musée], Moscou, V. Richter, 1895, p. 4.

18. Saint-Pétersbourg, archives historiques d’État de Russie (RGIA), f. 40, op. 1, d. 35, fol. 382-382v.

19. Le comte Sergueï Stroganov (1811-1882) était collectionneur d’art, philanthrope, tuteur du district scolaire de Moscou (1835-1847), président de la Commission impériale archéologique (1859-1882) et gouverneur des quatre fils aînés de l’empereur Alexandre II (Nicholas, Alexandre, Vladimir et Alexis). En 1825, il fonde à Moscou, avec ses propres moyens, une école de dessin appliqué aux arts et métiers qui, en 1843, fut donnée à l’État.

20. Moscovite, « Строгановское Центральное Училище тех-нического рисования в Москве » [L’École centrale Stroganov du dessin technique à Moscou], Искусство и художественная промышленность [Les beaux-arts et l’art industriel], no 4-5, 1899, p. 286-287.

21. RGIA, f. 40, op. 1, d. 35, fol. 383v-384.

22. Ibid., fol. 382.

23. Ibid., fol. 384v-385.

24. Moscovite, « Строгановское Центральное Училище » [L’École centrale Stroganov], p. 288.

25. A. V. Trotschinskaïa, « О малоизвестном “фарфоровом” даре императора Александра II из Гатчинских и Петер-бургских сервизных кладовых и Монплезира “Музеуму Строгановского училища” » [Sur le don « de porcelaine » peu connu de l’empereur Alexandre II au « Muséum de l’École

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Stroganov », provenant des réserves des services de table de Gatchina et de Saint-Pétersbourg ainsi que du palais Monplaisir], dans E. M. Tarkhanova et A. Tsiffer (dir.), Виноградовские чтения в Петербурге. Фарфор xviii-xxi вв.: Предприятия. Коллек-ции. Эксперты [Lectures de Vinogradov à Saint-Pétersbourg. Porcelaines des xviiie-xxie siècles : Entreprises. Collections. Experts], actes de conférences (2007-2009), Saint-Pétersbourg, Université polytechnique, 2010, p. 240-249.

26. Положение о художественно-промышленном музеуме в Москве [Le règlement du musée d’art industriel de Moscou], Moscou, Imprimerie universitaire, 1864, p. 5.

27. V. O. Boutovsky, О приложении эстетического образова-ния к промышленности в Европе и в России в особенности [De l’éducation artistique appliquée à l’industrie en Europe et particulièrement en Russie], Saint-Pétersbourg, s. n., 1870, p. 44.

28. Художественно-промышленный музеум при Строга-новском центральном училище [Le musée d’art industriel de l’École centrale Stroganov], p. 5.

29. Saint-Pétersbourg, archives historiques centrales d’État (TSGIA Spb), f. 448, op. 1, d. 338, fol. 1v-2.

30. Moscou, archives d’État des lettres et des arts de Russie (RGALI), f. 138, op. 1, d. 2, fol. 3-3v.

31. Ibid., fol. 4v-5v.

32. M. Baker, « The Reproductive Continuum: Plaster Casts, Paper Mosaics and Photographs as Complementary Modes of Reproduc-tion in the Nineteenth-Century Museum », dans R. Frederiksen et E. Marchand (dir.), Plaster Casts: Making, Collecting and Displaying from Classical Antiquity to the Present, Berlin/New York, De Gruyter, 2010, p. 485-500.

33. RGALI, f. 138, op. 1, d. 2, fol. 7v.

34. Ibid., fol. 6v-7.

35. Ibid., fol. 8v.

36. G. de Rumilly et N. Rondot, Société d’encouragement pour l’industrie nationale. Musées d’art et d’industrie. Rapport fait par M. Gaulthier de Rumilly, au nom du comité du commerce, 16 février 1859. Rapport fait par M. Natalis Rondot, à la Chambre de commerce de Lyon, 27 septembre 1858, Paris, Veuve Bouchard-Huzard, 1859, p. 13.

37. D. V. Grigorovitch, Указатель первого отделения худо-жественно-промышленного музеума при Строгановском училище технического рисования [Index de la première section du musée d’art industriel de l’École Stroganov de dessin technique], Moscou, T. Rice, 1868 ; id., Указатель второго отделения худо-жественно-промышленного музеума при Строгановском училище технического рисования [Index de la deuxième section du musée d’art industriel de l’École Stroganov de des-sin technique], Moscou, T. Rice, 1868 ; id., Указатель третьего отделения художественно-промышленного музеума при Строгановском училище технического рисования [Index de la troisième section du musée d’art industriel de l’École Stroganov de dessin technique], Moscou, T. Rice, 1868.

38. K. H. Reissig, Об изучении искусства рисования и при-менении оного к ремеслам, для учителей и учеников Рисовальной школы для вольноприходящих в С.-Петер-бурге [Sur l’étude de l’art du dessin et l’application de celui-ci à l’artisanat, destiné aux enseignants et aux élèves de l’École de dessin pour les étudiants libres à Saint-Pétersbourg], Saint- Pétersbourg, département du Commerce extérieur, 1840, p. 2.

39. Ibid.

40. Отчет о действиях Комитета Общества поощрения художников за 1864 год [Rapport sur les activités du Comité de la Société d’encouragement des arts pour l’année 1864], Saint-Pétersbourg, V. N. Maïkov, 1865, p. 21.

41. Отчет… за 1866 и 1867 годы [Rapport… pour les années 1866 et 1867], Saint-Pétersbourg, V. N. Maïkov, 1868, p. 9-11 ; Отчет… за 1868 год [Rapport… pour l’année 1868], Saint-Pétersbourg, Imprimerie de la Société « Le bien public », 1869, p. 6.

42. Отчет… за 1866 и 1867 годы [Rapport… pour les années 1866 et 1867], p. 4.

43. Отчет… за 1869 год [Rapport… pour l’année 1869], Saint-Pétersbourg, Imprimerie de A. von Transchel, 1870, p. 4.

44. Ibid., p. 5.

45. D. V. Grigorovitch, Рисовальная школа и художествен-но-промышленный музей в Петербурге [L’École de dessin et le musée d’art industriel à Pétersbourg], Saint-Pétersbourg, A. A. Kraïevsky, 1870, p. 15-16.

46. Отчет… за 1869 год [Rapport… pour l’année 1869], p. 6.

47. Grigorovitch, Рисовальная школа [L’école de dessin], p. 21-22.

48. Общество поощрения художников в С.-Петербурге. Школа, мастерские, музей, библиотека, постоянная выставка и аукционная камера [La Société d’encouragement des arts à Saint-Pétersbourg. L’École, les ateliers, le musée, la bibliothèque, l’exposition permanente et la chambre aux enchères], Saint-Pétersbourg, Trenke et Fussenot, 1873, p. 19 et 22-23.

49. Vachon, Rapports à M. Edmond Turquet, p. 59.

50. Morris, Inspiration for Design, p. 69.

51. D. V. Grigorovitch, Художественное образование в при-ложении к промышленности на Всемирной парижской выставке 1867 [L’enseignement d’art appliqué à l’industrie à l’Exposition universelle de Paris en 1867], Saint-Pétersbourg, Imprimerie de la Société « Le bien public », 1868.

52. A. McClellan, The Art Museum from Boullée to Bilbao, Berkeley/Los Angeles/Londres, University of California Press, 2008, p. 27.

53. M. Conforti, « Les musées des arts appliqués et l’histoire de l’art », dans É. Pommier (dir.), Histoire de l’histoire de l’art, t. II : xviiie et xixe siècles, actes de conférences (Paris, musée du Louvre, 24 janvier – 7 mars 1994, 23 janvier – 6 mars 1995), Paris, musée du Louvre/Klincksieck, 1997, p. 341-344.