TROSA-Management public les enseignements d’une enquête sur la perception de la RGPP

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MANAGEMENT PUBLIC : LES ENSEIGNEMENTS D'UNE ENQUÊTE SUR LA PERCEPTION DE LA RGPP Sylvie Trosa E.N.A. | Revue française d'administration publique 2010/4 - n° 136 pages 895 à 905 ISSN 0152-7401 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-francaise-d-administration-publique-2010-4-page-895.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Trosa Sylvie, « Management public : les enseignements d'une enquête sur la perception de la RGPP », Revue française d'administration publique, 2010/4 n° 136, p. 895-905. DOI : 10.3917/rfap.136.0895 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour E.N.A.. © E.N.A.. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. 1 / 1 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Aix-Marseille Université - - 93.3.218.115 - 23/05/2013 16h01. © E.N.A. Document téléchargé depuis www.cairn.info - Aix-Marseille Université - - 93.3.218.115 - 23/05/2013 16h01. © E.N.A.

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MANAGEMENT PUBLIC : LES ENSEIGNEMENTS D'UNE ENQUÊTESUR LA PERCEPTION DE LA RGPP Sylvie Trosa E.N.A. | Revue française d'administration publique 2010/4 - n° 136pages 895 à 905

ISSN 0152-7401

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Pour citer cet article :

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Trosa Sylvie, « Management public : les enseignements d'une enquête sur la perception de la RGPP »,

Revue française d'administration publique, 2010/4 n° 136, p. 895-905. DOI : 10.3917/rfap.136.0895

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POINT DE VUE

MANAGEMENT PUBLIC : LES ENSEIGNEMENTSD’UNE ENQUÊTE SUR LA PERCEPTION DE LA RGGP

Sylvie TROSA

Chargée de mission à l’évaluation à la Cour des comptes*

Résumé

L’objet de cet article est de présenter les résultats d’une enquête réalisée auprès des acteurs desRGPP concernant leur perception de la façon dont le processus a été managé et dont il pourraitêtre managé à l’avenir. Il montre qu’au-delà des RGPP une telle réforme suppose des réflexionsde fond encore largement à développer : le changement s’impose-t-il ? Peut-on être participatifsur les objectifs et également sur les méthodes de mise en œuvre ? Une clarification du sens etdes missions n’est-elle pas indispensable dans des services qui ne relèvent pas du secteur privé ?

Mots-clefs

Objectifs, sens, participation, management, débat

Abstract

– Public Management : Lessons from a Survey on Perceptions of the RGGP ProgrammeReview – The purpose of this article is to present the results of a survey conducted among actorsinvolved in the RGPP Programme Review regarding their perceptions of the way the process hasbeen managed and how this could be done in the future. It shows that, over and above theprogramme review itself, this sort of reform requires further in-depth debate on a number of keyquestions : is change necessary ? Can one participate in the definition of objectives and also themethods of delivery ? Is it not essential to clarify the purpose and goals of services that are notin the private sector ?

Keywords

Objectives, meaning, participation, management, debate

* L’auteur s’exprime à titre personnel et ne saurait engager l’institution à laquelle elle appartient.

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« On ne se bat bien que pour les causes qu’on modèle soi-mêmeet avec lesquelles on se brûle en s’identifiant. » 1

Dans le présent article, le management des RGPP 2 sera pris dans son acceptioncentrale, bien que non exclusive, des méthodes de conduite du changement, dont il a étéquestion dans les trois premiers rapports sur le bilan de la RGPP, mais qui est au cœur dela phase lancée en juin 2010.

Tous les enjeux de ce changement sont présents dans la citation suivante, extraite dutroisième rapport sur la RGPP :

« Cette modernisation ne peut se faire sans les hommes et les femmes qui chaque jourfont vivre le service public. Certains veulent croire que la fonction publique est immobile,rétive au changement. Je veux dire aujourd’hui, au vu notamment de l’effort accompli cestrois dernières années, qu’il n’en est rien. Les agents de l’État connaissent la nécessité dela réforme. Ils lui ont déjà apporté une contribution majeure, et sans doute sans précédent.L’effort qu’on leur a demandé est immense et je souhaite qu’il soit reconnu » 3.

L’efficience y est expliquée, l’efficacité également, tout comme le service aux usagers,enfin un hommage est rendu aux fonctionnaires. Toutefois, on constate que les documentsofficiels, à notre connaissance, ne contiennent rien sur la façon de conduire le changement,donc de manager les RGPP, et qu’aucun guide de conduite du changement n’a été diffuséaux administrations. Cet aspect de la réforme, la conduite du changement, est sans nuldoute un des plus contestés.

Afin de mieux comprendre les différents aspects et enjeux qui s’y rapportent, nousavons mené, de janvier à septembre 2010, des entretiens avec des acteurs clefs situés àdifférents niveaux hiérarchiques dans les ministères du développement durable et celui dela santé, ainsi qu’à la direction générale de la modernisation de l’État et avec des acteursde la mise en œuvre des RGPP, soit vingt entretiens de deux heures (renouvelés une foisau vu des premiers résultats) 4.

En ce qui concerne les remarques exprimées à propos de la RGPP dans le cadre decette enquête, elles s’articulent autour de trois grands sujets. L’analyse des résultats montreque pour certains de ces acteurs, un changement rapide aurait été nécessaire pour aboutirà des résultats significatifs. En effet, quand les temporalités de la modernisation sont tropdiluées, les résistances de toutes sortes se font jour. Cet argument n’est pas sans poids, sil’on considère la fusion des directions départementales de l’équipement et des directionsdépartementales de l’agriculture et de la forêt, proposée par Serge Vallemont alors directeurdu personnel du ministère de l’équipement en 1994, et qui s’est enlisée parce que lesnégociations nationales sur l’harmonisation des primes des deux corps ont échoué. Lorsquel’on considère le piétinement de nombre de réformes lié au fait que les enjeux budgétaires,sociaux n’ont pas été gérés à un niveau d’autorité suffisant au sein du gouvernement, undispositif de haut niveau et disposant d’une forte légitimité dans la prise de décisions peutalors apparaître comme une nécessité. En outre, si les crispations corporatistes, que ce

1. Char (René), Fureur et mystère, Gallimard, 1962, p. 107.2. Compte tenu de la diversité des objectifs et des méthodes, on préfèrera parler « des RGPP » que de

« la RGPP ».3. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de

l’État, « Troisième rapport sur la RGPP » ; toutes les références à des textes officiels sont extraites du sitebercy.gouv.fr.

4. En raison du caractère sensible du sujet, personne n’a souhaité être cité (sauf les noms figurant danscet article). Les personnes concernées par ces entretiens sont des secrétaires généraux de ministère, desdirecteurs, des responsables de service territoriaux, des syndicalistes, des inspecteurs généraux.

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soient celles des acteurs ou celles des administrations centrales, l’emportent sur des enjeuxqui sont sans conteste d’intérêt général, le passage en force paraît inéluctable.

Par ailleurs, si on en croit un certain nombre de témoignages convergents, lechangement, en particulier celui de la réorganisation des services, a été décidé sur la based’analyses limitées à quelques personnes, et tenues secrètes, sans concertation avec lessyndicats et les personnels, et les décisions ont été imposées sans qu’on en explique le sens.Ce qui est mis en cause, est à la fois, la nature des décisions et la façon de prendre cesdécisions. Cette absence de consultation a induit des interprétations diverses, pour laplupart négatives. La première est une crise de motivation grave des personnels quiperdraient le sentiment de fierté de leur travail à force de faire du chiffre au détriment dela qualité, ne trouvant plus leurs repères, ni quelles sont leurs nouvelles missions. Ladeuxième critique est celle de l’inefficacité de la méthode : des cadres et des agents qui necomprennent pas le sort qui leur est fait et n’ont pas eu leur mot à dire, feront preuve d’uneinertie, volontaire ou inconsciente, dans leurs nouvelles tâches. On ne change pas la sociétépar décret affirmait Michel Crozier en son temps 5. Des considérations plus statutaires,voire corporatistes ont fleuri. Maints tracts syndicaux s’inquiètent de la fusion de servicesdont l’un est moins prestigieux que l’autre, ou dont les primes sont différentes...

Enfin l’absence de débat public élargi a visiblement alimenté les rumeurs surl’existence d’« agendas cachés ». À l’origine, la RGPP devait d’abord être une évaluationde politiques publiques 6 permettant de savoir qui est le mieux à même d’accomplir unemission et quelles missions doivent être prioritaires. Or les délais, ou le manqued’imagination, n’ont pas permis, dans nombre de cas, de conduire ces évaluations, de sortequ’aucune étude ni aucun débat loyal ne justifient ou n’objectivent les choix qui ont étéfaits. Lorsque des réflexions sur les missions ont été menées, elles ont touché des activitésn’appartenant pas au « cœur de métier » (restauration, véhicules, nettoyage, etc.). De plus,il n’y aurait pas eu de hiérarchisation permettant de mieux ajuster les objectifs et lesmoyens (par exemple faut-il porter le même degré d’efforts sur tous les enjeux, qu’ilsrelèvent des questions sociales, de la santé ou des transferts et de subventions ?). La RGPPaurait donc eu des effets positifs sur les activités « périphériques » mais n’aurait pas permisune hiérarchisation des missions des administrations de plus en plus débordées par la miseen œuvre de politiques nouvelles. La raison de cette situation serait la pression des médiassur les responsables politiques, les amenant à multiplier les effets d’affichage de nouvellesactions, plutôt que d’approfondir celles qui existent. La règle n’est pourtant pas univer-selle : certains ministères, tant sous la pression de la LOLF que des RGPP, ontprofondément remis en cause leurs missions et leurs façons de procéder (par exemple leministère de la culture, dans ses projets et rapports annuels de performance des années 2009et 2010).

En liaison avec la thèse de l’agenda caché, un certain nombre de critiques sontformulées. La RGPP apparaît ainsi aux yeux de certains comme un prétexte à la diminutiondes effectifs et des coûts, ce qui signifie, en tous cas, indépendamment de la réalité de cetteaccusation, que les raisons qui sous-tendent cet objectif ne sont pas comprises ou partagées.Une autre interprétation veut que la RGPP ait pour but la « mise au pas » des servicesdéconcentrés qui auraient eu trop de pouvoirs dans la situation antérieure. Cet alignementest parfois qualifié de « préfectorisation » des services déconcentrés, et correspondrait à lavolonté d’imprimer ce qui est perçu comme le style des préfectures, c’est-à-dire une

5. Crozier (Michel), On ne change pas la société par décret, Paris, Grasset, 1979.6. En l’absence d’une définition légale de l’évaluation en France, on peut retenir ce qui fait accord dans

les pays de l’OCDE : une analyse de résultats des actions publiques, et des causes de ces résultats.

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démarche plus axée sur la procédure et le contrôle que l’innovation et la résolution deproblèmes des services déconcentrés.

Pour résumer, les critiques formulées sont donc été essentiellement les suivantes : uneréorganisation qui se ferait préalablement à toute tentative de partage du sens de ladémarche et la conscience des missions nouvelles avec les agents ; une démarche nonseulement venue « d’en haut », mais sans marge de débat et d’écoute des personnels et descadres ; une vision macro des problèmes qui n’entrent pas dans les processus de travailconcrets ; l’absence de prise en compte des valeurs des agents ; l’absence de clarté dumessage adressé aux fonctionnaires sur leur valeur.

De leur côté, les arguments avancés en défense de la RGPP peuvent être résumésainsi : un changement des services publics conduit, pour la première fois sous la CinquièmeRépublique, de façon rapide ; des mesures considérées depuis longtemps comme néces-saires qui aboutissent enfin (par exemple la réorganisation des services déconcentrés avaitété proposée par le rapport Guichard « Vivre ensemble » en 1976) ; une concertation réellemise en place avec les personnels, mais après la décision ; des possibilités d’expérimen-tation et d’avancée à un juste rythme (à la DGFIP, au ministère de la santé) ; unintéressement financier des personnels aux réformes.

Pour l’heure le débat demeure figé à ce stade et deux questions se posent en relationavec ces constatations. Si on part du principe que l’intérêt des RGPP est d’ouvrir desréflexions générales sur le changement, comment alors faire partager son sens ? Enfinfaut-il du temps pour moderniser ?

Dans le cadre de notre enquête, certaines personnes interrogées ont regretté que lagrille d’analyse initiale des RGPP 7 n’ait pas été développée dans tous les services, ce quiaurait permis un débat public sur les missions et la façon concrète de les mettre en œuvre,tandis que d’autres ont défendu une approche plus resserrée par une équipe restreinted’intervenants externes indépendants des ministères parce qu’elle permet de proposer desdécisions, même non consensuelles, en peu de temps. Certains ont fait remarquer que cettedichotomie n’était pas inévitable, surtout lorsque l’exercice des RGPP était renouvelé,l’analyse externe et le débat interne pouvant se compléter comme au Royaume-Uni.

Toutes les personnes interrogées ont néanmoins regretté la « façon de s’y prendre »,qui, d’après elles, ne permettait pas de travailler avec les hauts fonctionnaires, mais donnaitaux consultants un rôle de maître d’ouvrage, puisque ce sont ces derniers qui remplissentles tableaux de bord avec indicateurs en trois couleurs (rouge, orange, vert) selon la« note » attribuée par le consultant à l’action. La plupart des personnes interrogées ontsouligné que la nécessaire clarification du sens devait précéder la réorganisation desservices. Ainsi le nouveau ministère du développement durable a-t-il bénéficié du Grenellede l’environnement qui a permis de diffuser dans les services le sens de l’action qu’il mène.

Les personnes interrogées ont par ailleurs souligné que le management consiste àétablir les nécessaires liaisons entre la mission, la gestion des personnes chargées de laremplir et une organisation du travail adaptée à sa réalisation. En d’autres termes, lemanagement serait la recherche d’un équilibre entre, d’une part, des révisions de mission

7. Dans le cadre des RGPP, chaque administration devait répondre à sept questions : que faisons- nous,quels sont les objectifs ? Les bénéficiaires ? Les services rendus ? Quels sont les besoins et les attentescollectives : cette politique sert-elle toujours l’intérêt public ? répond-elle aux besoins ? Faut-il continuer à fairede la sorte : faut-il revoir les objectifs ou adapter les outils ? Qui doit le faire : d’autres acteurs ? L’État ? À quelniveau et avec quelles collaborations ? Comment faire mieux et moins cher ? Qui doit payer ? Quel scénariode transformation pour obtenir une politique plus efficace et moins coûteuse ?

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déstabilisantes, supposant changement et adaptation et, d’autre part, le nécessaire « apai-sement » de fonctionnaires dédiés à leur travail et capitalisant des savoir-faire.

Comme le déclare un directeur d’administration centrale, « le management permet demobiliser l’équipage, de répartir les tâches et de rappeler aux équipiers la direction suivie,ce qui rassure et conditionne le respect du cap fixé par le pilote politique. »

Ainsi l’intitulé et la pratique de la RGPP s’accompagnent de nombreux malentendusd’où la nécessité d’une clarification préalable de ce qu’elles recouvrent, en termes d’objet,de mode de prise de décision, de manière à mettre en œuvre.

Quel est l’objet de la révision ? En théorie, c’est une révision des politiques publiques,en pratique une réorganisation des structures et une rationalisation de processus, àl’exception de quelques politiques telles le logement social 8.

Quel a été le mode de prise de décision ? Il a été le fait d’un petit groupe de pilotagede haut niveau, avec des ministères arguant qu’ils n’ont pas été consultés, même au niveaudes directeurs, sur les objectifs des décisions ou leur nature.

Y a-t-il eu un processus de participation concernant, non les décisions, mais les processusde mise en œuvre ? L’ensemble des réactions semble aller vers une réponse négative.

La difficulté d’une appréciation des RGPP procède de l’ambiguïté fondamentale de cedont on parle (l’objet des RGPP, un mode de prise de décision, un mode de mise enœuvre ?) et celle des acteurs.

L’ambiguïté des décideurs réside dans le flou des objectifs : s’agit-il de réaliser deséconomies, d’obtenir plus d’efficacité, un meilleur service aux usagers (les trois semble-t-il) ?Mais que se passe-t-il alors quand ces trois objectifs ne sont pas présents ou ne sont pascompatibles (ou tout simplement que l’on évite la question) ? Il n’y a pas réellement eud’évaluation des RGPP, sinon un suivi par les consultants impliqués pour évaluer le degré demise en œuvre (signalé par un système de feux verts, oranges ou rouges), mais non la mesureexacte des économies réalisées ou des effets réels pour les agents et les citoyens. Pourtant ondispose aujourd’hui de trois années de recul qui rendent son évaluation possible.

Le flou a aussi été celui des méthodes. Certes, il a été clairement affirmé qu’après desannées de piétinement de la réforme de l’État, la centralisation des décisions se justifiait parla volonté d’avancer enfin. En revanche, l’équivoque perdure quant à la question de savoirs’il devait-il y avoir un processus de consultation des agents et sur la teneur de cetteconsultation.

L’ambivalence a aussi concerné les détracteurs de la RGPP. En dénonçant les RGPPcomme étant un simple paravent de mesures d’économie, elles n’ont pas clairement prisposition sur la pertinence des décisions (les agences régionales de santé, par exemple,sont-elles ou non un progrès ?). De même, en stigmatisant le caractère centralisé etautoritaire, les détracteurs n’ont pas précisé sur quelle matière il aurait fallu procéder à desconsultations : les décisions elles-mêmes (par exemple le regroupement de tel servicedéconcentré avec tel autre ?) ou leur mise en œuvre (soit généralisée, soit expérimentale,soit en tenant compte des propositions des agents ?).

Pour autant, il n’est nulle question de mettre en cause l’ampleur du travail entreprisen trois ans (150 mesures selon Bercy) : simplification de la carte des services territoriauxet des structures en administration centrale, rationalisation des processus (facturier oud’achat), simplifications administratives... La question ici est celle de la méthode.

Si on en croit les déclarations contenues dans les rapports, les effets positifs de laRGPP sont clairs :

8. Il est important de garder à l’esprit les ordres de grandeur, les dépenses de personnel représentent36,7 % des dépenses de l’État, les dépenses de fonctionnement 13,8 % et les dépenses de transfert 31,5 %.

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« L’exemple de la direction générale des finances publiques est, avec celui dePôle emploi, particulièrement emblématique. Il reflète l’esprit de cette première étapede la RGPP qui aura permis de décloisonner les administrations et de les réorganiseren fonction des priorités de l’État et des attentes des usagers. Le nombre de postes dedirecteurs d’administration centrale a ainsi diminué de plus de 10 %, le nombre dedirections de l’État est passé de vingt à huit en région et de dix à deux ou trois dansles départements. Des centaines de milliers d’agents sont concernés et participent à cemouvement. Ainsi les fonctionnaires ont-ils fait la démonstration que l’administrationpouvait changer et changer vite. C’est cet effort que vient récompenser le versementà leur profit de la moitié des économies dégagées par le non-remplacement d’un départà la retraite sur deux » 9.Mais qu’en est-il de la manière dont ils sont exactement perçus par les principaux

intéressés ? Les résultats de l’enquête menée ici peuvent, plus précisément, se décomposerainsi. 10

Tableau n° 1 : Enquête sur la perception de la RGPP 11

Questions Taux de réponse Commentaires

Que pensez-vous de laconduite des RGPP ?

80 % : trop centralisée auniveau interministériel20 % : on n’aurait pas pu faireautrement

La conduite des RGPPaurait-elle dû ou pu êtredifférente sur le contenu desdécisions ?

100 % : oui plus participativeen ce qui concerne lesdirecteurs de ministères sur lecontenu des décisions 12

En réalité tous admettent quesi la décision avait étésoumise à un débat plus largeles intérêts corporatifsl’auraient emporté

Sur les méthodes de mise enœuvre ?

100 % : oui en ce quiconcerne les modalités demise en œuvre

Cette réponse doit êtrenuancée dans la mesure oùdans certains ministères desgroupes de travail élargis ontété mis en place 13, tandis qued’autres n’ont connu aucunprocessus de discussion

9. Quatrième rapport du comité de pilotage, juin 2010.10. Nota bene : les questions sont groupées en différentes catégories, celles dont les réponses sont assez

largement consensuelles, les réponses partagées, et celles auxquelles les répondants n’ont pas spontanémentpensé (l’impensé).

11. Nous avons mené, de janvier à septembre 2010, des entretiens avec des acteurs clefs situés àdifférents niveaux hiérarchiques dans les ministères du développement durable et celui de la santé, ainsi qu’àla direction générale de la modernisation de l’État et avec des acteurs de la mise en œuvre des RGPP, soit vingtentretiens de deux heures (renouvelés une fois au vu des premiers résultats).

12. Elle est pilotée par le Conseil de modernisation des politiques publiques (CMPP) présidé par lePrésident de la République et fait l’objet d’un suivi régulier par le Comité de suivi co-présidé par le Secrétairegénéral de la Présidence de la République et par le directeur de cabinet du Premier ministre.

13. À cet égard un exemple est significatif, la mise en place des directions régionales de l’environne-ment, de l’aménagement et du logement (DREAL). Si celle-ci s’est mieux passée que d’autres réorganisations,c’est qu’elle avait un passé expérimental notamment le rapprochement des directions régionales de l’industrie,de la recherche et de l’environnement (DRIRE) et des directions régionales de l’environnement (DIREN) etqu’elle ne s’est pas fait sur la base de principes abstraits (des concentrations de services coûtent moins chers),

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Questions Taux de réponse Commentaires

Comment la mise en œuvredes RGPP aurait-elle pu êtreaméliorée ?

100 % : par « plusd’anticipation » (le coût desalignements statutaires, lesméthodes et durées deconsultation, le faitd’expérimenter ou non, lesinvestissements nécessaires,etc.)

(même question, suite) 100 % : déplorent la confusionentre mesures d’économies etefficacité (le lien entre lesdeux aurait selon lespersonnes interrogées mieuxété expliqué par les managersque par un niveauinterministériel)100 % : répondent par plus devolonté collective derésolution de problèmesAinsi : « je passe 100 % demon temps à négocier desdécrets en conseil d’État ou auBudget au lieu d’être sur leterrain à expliquer laréforme » (un secrétairegénéral)

Aucune personne ne connaîtles solutions adoptées pard’autres pays pour gérer lelien entre économies etréforme de l’État (faut-il lierles deux ou non ?)

Les lignes de fracture

Les fonctionnaires sont-ilsprêts à changer sanscontrainte ?

50 % estiment qu’il n’était paspossible de faire confiance auxfonctionnaires pour seréformer50 % estiment que lesfonctionnaires sontsuffisamment fiers du servicepublic pour proposer etaccepter des rationalisationsdes processus de travail et unepréoccupation plus forte desusagers

Cet écart ne recouvre pasnécessairement des convictionspolitiques, au sens des partispolitiques

mais à partir de l’analyse des synergies nécessaires sur chaque activité. La nécessité de ces synergies étant,établie, le rapprochement des services est apparu presque comme allant de soi.De même, dans le grand ministère des affaires sociales, le secrétaire général a mis en place plus de 80 groupesde résolution de problèmes pour aborder de façon constructive tous les aspects de la réorganisation duministère. Les travaux n’ont pas été secrets et on peut dire que la démarche au niveau de la mise en œuvre aété largement participative. Le délai de mise en œuvre des Agences régionales de santé (ARS) a d’ailleurs étérééchelonné en fonction de la nécessité de laisser le temps aux groupes d’aboutir sur des conclusions.

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Questions Taux de réponse Commentaires

Quel est le rôle desfonctionnaires ?

50 % des personnesinterrogées pensent que lesfonctionnaires sont desprestataires de services, quidoivent d’abord exécutertandis que la conception despolitiques publiques résidedans les cabinets50 % estiment que l’expertisedes fonctionnaires est sousutilisée et qu’ils devraientprendre part à un dialogue surce qui pourrait être améliorédans la mise en œuvre despolitiques publiques voireleurs objectifs

Les impensés

Y a-t-il d’autres moyens defaire des économies que lesréformes de structure et leséconomies d’échelle ?

La plupart (80 %) admettentn’avoir pas pensé à desmodalités crédibles desimplification des textes et desprocédures permettant de fairedes économies et deréorganiser les processus ; parpeur des contentieux, onpréfère des textes très précisou bien lorsque l’on est« chef » on se débrouille ; lespertes de temps ne sont pasjugées comme des coûts, bienque tout le monde dise que lesfonctionnaires sont à bout deleur capacité de travail parexcès de charge, au point quela coopération en pâtisse.

Qu’est-ce que les RGPPchangent dans le modèle defonction publique ?

Les RGPP sont rarement liéesà la vision d’une fonctionpublique différente, moinshiérarchique, plus souple, plusouverte, connaissant mieux lemarché et la société civile

Nota bene : Il existe des paysayant moitié moins de niveauxhiérarchiques que la France(avec certes des fonctionnairespouvant être licenciés en casde carence professionnelle etdes obligations de formationcontinue) et où toute décisiondoit être précédée nonseulement d’une étuded’impact mais aussi de marchéet un résumé des positions desdifférents acteurs de la sociétécivile sur le problème.Cette réalité n’est pasétrangère à la France oùcertains ministères exigeaientque tout décret soit précédéd’un groupe de travail de lapart de ceux qui le mettront enœuvre (dans les années 1970)

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Ces réflexions ne sont pas dénuées de portée. Elles mettent en évidence des clivagesréels, notamment la vision du rôle de la fonction publique comme simplement exécutanteou, à l’inverse, comme acteur de la mise en œuvre et de l’amélioration des politiquespubliques (par son expérience de terrain, elle peut faire remonter des pratiques réussies oumoins réussies et être en dialogue constant avec les administrations centrales sur lesméthodes de mise en œuvre et aussi les objectifs concrets).

Un autre clivage est aussi celui entre, d’une part, une fonction publique de bureau,dévouée essentiellement à l’écriture de textes et au suivi de procédures et, d’autre part, unefonction publique ouverte sur la société, la connaissant, en dialogue avec elle et redevable àl’égard des usagers. Les conséquences de ce clivage sont visibles lorsqu’on songe au décretsur les normes de sécurité des ascenseurs 14 pris sans connaissance du marché, c’est-à-dire lefait qu’une société bénéficiait d’une position monopolistique, ce qui a entraîné une flambéedes prix en l’absence de concurrence alors que d’autres voies auraient pu être explorées.

Les RGPP soulèvent des questions de fond. Lorsqu’on parle du managementparticipatif, ouvre-t-on le débat sur le fond des décisions, ou seulement la façon de lesmettre en œuvre ? Est-il un débat d’écoute ou un large happening permettant de mieuxavaliser des décisions déjà prises ? Si l’on prend un exemple, la durée d’attente dans lesservices d’urgence des hôpitaux, est-il possible de débattre de la pertinence de l’objectif(notamment face à l’orientation vers des formes alternatives telles que les centresmédico-sociaux, une meilleure articulation avec la médecine de ville, voire une tarificationaccrue des cas qui ne relèvent pas du service des urgences de l’hôpital) ou s’agit-ilsimplement de savoir comment faire, au risque de connaître ce qui s’est passé dans leshôpitaux anglais (lits que l’on fait rentrer et sortir des chambres pour remplir lesstatistiques, mesures faites à partir d’un ticket donné aux patients et non à partir des soinseffectifs, etc.) 15. À cet égard l’extrait d’entretien suivant est très éclairant.

« S’il n’est pas toujours possible d’associer les cadres et les agents à laconception de la réforme, il est capital de leur donner de la visibilité le plus tôtpossible, et de les associer à la mise en œuvre le plus largement possible. C’est unephase qui peut durer un certain temps, le temps de l’appropriation. C’est la phase dedialogue interne, de déminage des rumeurs, de transparence de l’information donnée.Donner du sens c’est concrètement : mettre en place un dialogue interne intense(groupes de travail sur ce qui va changer, dialogue social, information stratégique) ;expérimenter ou préfigurer et en tirer les conclusions ; créer les conditions de laconfiance. Les effets d’une réforme sont toujours plus nombreux et plus imprévisiblesqu’on ne le croît sur le papier. Et on ne peut évidemment jamais tout prévoir, ce quirend à la fois illusoire et contre-productif un pilotage centralisé dans ses moindresdétails. Si un tel pilotage est possible en régime de croisière dans un environnementstable (l’imprévu est plus rare), il est dangereux en période de changement, pour laréussite de la réforme elle-même. Facile à dire, plus difficile à faire, car c’estprécisément en période de changement que le responsable a le plus besoin de serassurer, de centraliser l’information et de sentir qu’il maîtrise la mise en œuvre. Lemanagement supérieur doit fixer les orientations stratégiques, et s’y tenir, fixer lecalendrier de la réforme et s’y tenir. Mais il est indispensable qu’il laisse aumanagement de proximité une grande marge de manœuvre pour adapter la mise en

14. Loi 2003-590 2003-07-02 art. 79 1°, JORF, 3 juillet 2003.15. Il s’agit d’exemples réels analysés par l’ancien directeur de la division management de la London

School of Economics, Hood (Christopher) dans The Art of the State : Culture, Rhetoric and PublicManagement, Oxford, Clarendon, 1998.

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œuvre en fonction de situations diverses. Plus encore qu’en régime de croisière, laconfiance est nécessaire en période de changement. Or les marges de manœuvre del’encadrement ne sont que rarement une variable pensée dès l’entrée de laréforme » 16.Les RGPP soulignent les problèmes à approfondir notamment la différence entre

efficience et économies. Les économies sont des coupes budgétaires sur les frais depersonnel ou de fonctionnement. L’efficience permet, certes, de « faire autant ou plus avecmoins », mais aussi, et on l’oublie souvent, de « faire plus avec autant » ou de mieuxs’organiser, ou encore de déterminer des niveaux de service (par exemple déneiger telsecteur en tant d’heures). Les britanniques, dans le cadre de leurs efforts d’efficience, ontdéfini des niveaux de qualité minimale de chaque service public afin de s’assurer que lesefforts d’efficience ne se fassent pas au détriment de la qualité des services rendus auxcitoyens. Cette initiative a permis de répondre à la critique selon laquelle l’efficience nejouait qu’au détriment de la qualité, des usagers et des citoyens.

Elles ont fait prendre conscience d’une vérité, connue mais souvent éclipsée : deschangements de structure ne sont pas des fins en soi, mais doivent être légitimés par uneredéfinition, comprise par tous, des missions. La mission précède la structure. Si, parexemple, la réforme des direction régionales de l’environnement, de l’aménagement et dulogement (DREAL) s’est mieux déroulée que d’autres, c’est en raison du débat préalableet élargi du Grenelle de l’environnement.

Il est d’ailleurs notable que la quatrième vague de RGPP se distingue des premièresen mettant l’accent sur la responsabilisation des ministères (tout ne doit pas être imposédepuis Bercy), sur la motivation des personnels (leurs valeurs et leurs propositions doiventêtre écoutées) ainsi que sur le fait qu’il ne s’agit plus seulement de travailler sur lesstructures mais d’examiner les dépenses de transfert qui s’élèvent au même montant que lesdépenses de personnel.

Quels sont les pas qui demeurent à faire ? Une véritable compréhension del’imaginaire des agents, ce qui ne veut pas dire approuver leurs positions mais travailler surles évolutions avec eux et non contre ou sans eux ; examiner les dépenses de transfertsuppose une véritable politique d’évaluation des politiques publiques, qui n’existe pas ; etenfin apporter une attention accrue aux besoins des usagers 17.

** *

Les RGPP mettent en évidence le fait que ce travail d’explicitation n’est pas facile,notamment en raison du fait que le débat conduit inévitablement à mettre à jour desdivergences. À un moment ou à un autre, il est pourtant indispensable que les responsablespolitiques soient en mesure d’expliciter leurs choix. Cela suppose alors d’affronter et derésoudre la difficulté de la controverse. Or le débat n’est porteur de sens que s’il se joue àdeux niveaux, celui du mode d’élaboration de la décision puis celui de son explication.

16. Jean-Yves Raude, trésorier payeur général, entretien 2009.17. La nouvelle vague de mesures RGPP lancée en juin 2010 prévoit de nouvelles mesures de

simplification pour : (1) Permettre d’informer simultanément plusieurs services publics d’un changement decoordonnées (coordonnées bancaires, courriel, numéro de téléphone fixe et mobile, adresse postale...) ; (2)Permettre de payer en ligne ses frais de santé ; (3) Lors d’un décès, simplifier la déclaration aux impôts ; (4)Permettre le suivi par internet des grandes étapes du traitement de sa plainte (de son dépôt à son traitement parle tribunal) ; (5) Permettre la demande en ligne d’aide au logement ; (6) Simplifier les procédures liées auchangement d’école suite à un déménagement ; (7) Permettre de déclarer en ligne l’avancement de ses travaux(procédures d’urbanisme) ; (8) Permettre de transmettre par internet les données lors du recensement del’INSEE ; (9) Simplifier le recrutement d’un apprenti (Quatrième rapport d’étape de la RGPP, juin 2010).

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La question de l’élaboration de la décision doit ainsi tout d’abord être posée. Pourfaire des choix, certains pays estiment qu’il vaut mieux que tous les arguments aient étédébattus et clarifiés plutôt qu’ils soient imposés sans explication ; c’est visiblement le casen Suède, au Royaume-Uni, en Australie, ou au Danemark. On peut imaginer que cetteapproche est mieux adaptée aux contextes culturels les plus consensuels. Pour autant, ceconsensus s’est peut-être parfois aussi construit grâce à cette histoire du débat public. Enoutre, les oppositions peuvent demeurer fortes, mais le système de valeurs de ces payspousse à considérer qu’elles sont moins dommageables s’il y a eu une tentative de dialogueavant la décision. En France la tradition d’une administration qui collecte les points de vuedes acteurs de la société civile et anime des débats semble plus marginale.

Dans tous les cas vient ensuite l’explication de la décision, donc du sens. Or, lesdirigeants sous-estiment sans doute souvent le sentiment de frustration de leurs collabo-rateurs qui pensent spontanément qu’ils en savent plus qu’eux et ne le disent pas. Dans untel contexte, le temps de la communication et de l’explication du sens peut s’avérer décisif.

En définitive, les résultats de notre enquête auprès de différents acteurs de la RGPPmettent en lumière la nécessité d’un autre mode de réforme des services publics que celuiqui, à l’instar de la RGPP, se réalise de façon descendante, imposée, rigide, sans débat, etselon des critères presque exclusivement quantitatifs... Il importe donc à cet égardd’imaginer des démarches qui ne marginalisent pas la consultation et l’écoute, ni ne fassentprévaloir systématiquement le point de vue des élites, qui les conçoivent, sur l’avis de ceuxqui en sont les destinataires. Comme le montrent les enseignements tirés de notre enquête,il existe un besoin de promouvoir des méthodes gestion qui incitent à la responsabilisationet à la compréhension partagée du sens des réformes engagées.

Quelque soit l’opinion de chacun sur la RGPP, il s’agit d’une des réformes les plusfondamentales depuis fort longtemps et elle a le très grand mérite de poser les questions deconduite du changement sans lesquels aucune réforme ne peut réussir.

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