Les indicateurs de gestion sont-t-ils neutres ? Le cas de la RGPP

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1 (année universitaire 2011-2012) Grade : L3 Pôle d’enseignement : Économie, entreprises et secteur public Matière : Les réalités de l’entreprise Date de la soutenance : mercredi 15 février 2012 Les indicateurs de gestion sont-t-ils neutres ? Le cas de la RGPP Correspondant du groupe : Audrey Lenfant Membres du groupe : - Guillaume Catta - Victoire Cauchard - Éléna Étrillard - Audrey Lenfant - Constance Roger Institut Supérieur du Management Public et Politique (ISMaPP) Établissement d’enseignement supérieur privé reconnu par l’Etat 80, rue Taitbout 75009 PARIS +33 (0) 1 55 50 12 40 [email protected]

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Thème : Les indicateurs de gestion sont-t-ils neutres ? Le cas de la RGPP

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(année universitaire 2011-2012)

Grade : L3 Pôle d’enseignement : Économie, entreprises et secteur public Matière : Les réalités de l’entreprise

Date de la soutenance : mercredi 15 février 2012

Les indicateurs de gestion sont-t-ils neutres ? Le cas de la RGPP

Correspondant du groupe : Audrey Lenfant Membres du groupe : - Guillaume Catta - Victoire Cauchard - Éléna Étrillard - Audrey Lenfant - Constance Roger

Institut Supérieur du Management Public et Politique (ISMaPP)

Établissement d’enseignement supérieur privé reconnu par l’Etat

80, rue Taitbout 75009 PARIS ✆ +33 (0) 1 55 50 12 40 ✉ [email protected]

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● Sommaire Introduction : ………………………………………………….................... p 3

I- Les indicateurs de gestion et leur évolution…................................. p 5 A) Définition des indicateurs de gestion ; leur utilisation dans le secteur privé B) Les indicateurs de gestion sont-ils neutres ? II- Les indicateurs de gestion appliqués au secteur public ; pourquoi cette volonté d’un nouveau management et quel impact sur la fonction publique………………………………………………................................... p 10

A) La volonté du politique d'une plus grande clarté dans l'administration des fonds publics et l'exigence d'efficacité à l'égard des fonctionnaires qui débouche sur la mise en place d'un suivi des performances de ces administrations.

B) Traitement de la sphère publique à l’aube d’un monde entièrement

« managérialisé » : la RGPP III- Illustration de la mise en place des indicateurs de gestion dans le secteur public : l’application de la RGPP………..…………………....……..p 16

A) La difficulté d’application d’un mode de gestion et d’évaluation des

performances propre au secteur privé au secteur public : les limites des indicateurs de gestion et de la RGPP

B) Illustration de l’application de la RGPP dans l’administration : des

résultats qui varient d’un ministère à l’autre

a) La mise en œuvre de la LOLF et les premiers bilans b) L’application au sein du Ministère des Affaires étrangères : le cas de

la diplomatie Conclusion : ..…………………………………….................................. p 32

Bibliographie………………………………………………………………p 33

Annexes…………………………………………………………………….p 34

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● Introduction

« Quatre ans après son lancement, la RGPP est pleinement inscrite dans le paysage

administratif et l’utilité de ce grand exercice de réforme n’est aujourd’hui plus questionnée. (...) Les

résultats sont là et de nombreux chantiers entrent désormais dans leur dernière ligne droite. La

RGPP a contribué à garantir la continuité, la performance et l’adaptabilité du service public. »

Ces remarques à propos de la révision générale des politiques publiques (RGPP), sont issues

de l’édito du site mis en place par le Gouvernement. Le site a pour vocation première de tenir les

citoyens informés à propos de cette réforme dont le but est d’être un outil conçu pour offrir une plus

grande lisibilité et visibilité de l’action administrative et de sa gestion budgétaire.

En 2001, au moment de l'adoption de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), la

dette de l'administration publique en France s'élève environ à 850 milliards d'euros soit presque

60% du PIB. Sa mise en place marquait la première étape d’une réforme en profondeur de la gestion

de l’Etat. S’inspirant du New Public Management, la LOLF a pour fonction d’induire une meilleure

efficacité et qualité du service rendu. Elle s’applique dès janvier 2006 à toutes les administrations.

Alors que la RGPP est mise en route en 2007, la dette de l'administration publique est de

1 211 milliards et représente 62,4% du PIB. L’endettement du secteur public est attribué au mauvais

fonctionnement des administrations, à des dépenses que l'on juge insuffisamment surveillées et

donc plus généralement à une mauvaise gestion des "deniers de l'État".

Engagé dans un mouvement de « managérialisation » de la société, le principe sur lequel repose la

Révision Générale des Politiques Publiques (RGPP) est celui de la performance. C’est

principalement sur cet outil et ses indicateurs de gestion que repose la plus grande visibilité de

l’action administrative et de la gestion de son budget.

Par ailleurs, à différents échelons du territoire, la RGPP permet également aux élus locaux, en

explicitant les objectifs et les indicateurs de performance, de rationaliser les processus d'action

publique et d'utiliser les buts ou les résultats atteints comme preuve de l'efficacité de leur politique

auprès de leur électorat qui demande cette grille de lecture.

Contrairement à ce que présente l’édito, son « utilité » est cependant contestée dans les

milieux de la fonction publique et de l’administration. Certains détracteurs de la RGPP préviennent

du risque que la politique meurt quand elle préfère gérer plutôt que gouverner.

En effet, le New Public Management (NPM) inspire la RGPP à travers la remise en cause de la

bureaucratie et de l’efficacité qu'elle établit. S’il est vrai que « de nombreux chantiers entrent

désormais dans leur dernière ligne droite », le milieu de la fonction publique semble avoir des

difficultés à se voir appliquer ce mode gestion, principalement pour des raisons culturelles. Une des

variantes du NPM est d'avantage favorable à la liberté et l'autonomie des gestionnaires par un

allègement des modes de contrôle et la "redevabilité" à l'égard des usagers. Mais cette culture de

résultats et de la logique de performance peine à être appliqué dans toutes les administrations,

notamment au sein du Ministère des affaires étrangères par exemple. Ainsi, si ces dispositifs de

modernisation pouvaient apparaître comme une opportunité pour faire valoir les transformations de

l’activité des diplomates, il semble qu’à l’usage, ils aient été fortement critiqués, notamment les

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indicateurs de performance.

Si le secteur public a de nombreuses particularités qui font qu'on ne peut pas complètement lui

appliquer les logiques développées par les entreprises privées, une révision des politiques publiques

s’avérait cependant nécessaire afin de répondre à la modernisation croissante de la société et de ses

échanges.

Ce dossier s’appliquera à étudier la question de la neutralité des indicateurs de gestion dans le

cadre de la mise en place de la révision générale des politiques publiques.

Un premier temps de la réflexion portera sur les définitions qui peuvent être apportées à ces

indicateurs de gestion et à leur évolution, tout en montrant que leur neutralité est limitée.

Après avoir montré comment s’est construite la volonté d’appliquer un nouveau management et

quelles en ont été les conséquences pour la fonction publique, une étude sera menée sur le cas de la

RGPP parallèlement à l’application de la LOLF et leur application au sein du ministère des affaires

étrangères.

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I- Les indicateurs de gestion et leur évolution

A) Définition des indicateurs de gestion ; leur utilisation dans le secteur privé

Afin de réaliser des études de productivité et d’efficacité du travail, le monde du travail a

choisi d’établir des indicateurs dits de gestion et de performance. Visant à quantifier le travail, ces

mesures de la production par rapport au temps utilisé, renvoient à la notion de productivité. Cette

recherche d’une maîtrise de la production en un temps donné s’installe alors que la concurrence se

développe et que chaque entreprise souhaite s’imposer et dépasser ses concurrents. Les indicateurs

de gestion sont alors multipliés et deviennent indispensables au fonctionnement d’une entreprise.

L’indicateur de gestion, ou le « Key Performance Indicator » (KPI), est issu du jargon de l’industrie

et est relatif au calcul du rendement : il permet ainsi de mesurer le succès ou la réussite d’une

activité particulière dans laquelle l’entreprise s’est lancée, de démontrer la progression vers des

objectifs stratégiques, mais aussi et bien souvent, de répéter un certain niveau d’objectifs

opérationnels (tel que l’objectif « zéro défaut », la satisfaction du client…). Les indicateurs de

gestion définissent un ensemble de valeurs de l’entreprise. Par conséquent, le choix de l’indicateur

relève du besoin d’avoir une bonne compréhension de ce qui est important pour l’organisation. Afin

de déterminer ce qui est nécessaire, les entreprises utilisent diverses techniques pour évaluer l’état

actuel de l’entreprise, et ses principales activités. Ces évaluations conduisent bien souvent à

l’identification des améliorations potentielles, et ainsi les indicateurs de rendement choisis sont

systématiquement associés à des initiatives d’amélioration des performances. La méthode la plus

couramment utilisée par les indicateurs de gestion et de performance, est l’application d’un cadre de

gestion tel qu’un tableau de bord équilibré.

Cependant, beaucoup de choses sont mesurables, ce qui ne signifie pas qu’elles soient la clé

du succès pour l’entreprise. Dès lors, il s’agit d’établir un certain cadre de détermination des

indicateurs. Il est primordial de se limiter aux facteurs qui sont essentiels à l’élaboration des

objectifs de l’entreprise. Il serait de même important de définir un nombre restreint d’indicateurs

afin de garder en vue l’essentiel des objectifs et de ne pas se disperser. Ce qu’il faut garder à

l’esprit, c’est que les indicateurs de gestion ne sont pas des chiffres absolus, mais pourtant des

pourcentages, des moyennes, des ratios, des taux ou bien des alertes, face à des objectifs

d’amélioration de la performance précis. D’après Philippe Lorino dans Méthodes et pratiques de la

performance : le pilotage par les processus et les compétences, aux éditions Organisation, 2001, un

indicateur de gestion et de performance se définit comme « une information devant aider un acteur,

individuel ou plus généralement collectif, à conduire le cours d’une action vers l’atteinte d’u

objectif ou devant lui permettre d’en évaluer le résultat ». L’indicateur doit donc avoir une

pertinence opérationnelle. Il n’est utile que dans le but de piloter une action (qui doit être lancée,

ajustée, évaluée). Il est par conséquent étroitement lié à un processus d’action précis. L’indicateur

aura de même une pertinence stratégique, qu’il mesure un objectif (il s’agit alors d’un indicateur de

résultat) ou bien qu’il informe sur le bon déroulement d’une action visant à atteindre cet objectif (il

s’agit d’un indicateur de pilotage). De plus, l’indicateur de gestion et de performance doit avoir une

efficacité cognitive. C’est-à-dire qu’il est destiné à être utilisé par des agents précis, qui sont

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généralement collectifs (directions opérationnelles, direction générale ou centrale…), dont il doit

aider à orienter l’action et à en comprendre les facteurs de réussite ou d’échec. Cette condition,

d’efficacité cognitive de l’indicateur, signifie que celui-ci doit pouvoir être lu, compris et interprété

facilement par l’agent auquel il est destiné. Enfin, l’obtention de l’indicateur doit avoir un coût

acceptable par rapport au résultat qu’il apporte et donc au service qu’il rend. Cet indicateur doit

avoir une temporalité ou une échéance afin d’être fiable et crédible.

Ainsi, il existe deux types d’indicateurs : les indicateurs de résultat et les indicateurs de

processus. D’une part, les indicateurs de résultat. Ils renseignent du résultat de la réalisation des

objectifs assignés au processus. Ils se réfèrent dès lors au produit ou au service et indiquent une

valeur à un moment donné. Leur lecture se fait dans la durée. De fait, ils sont associés à des

variables dites « essentielles ». Una variable essentielle est un élément du système sur lequel on ne

peut pas agir directement. Le lien existe entre les actions prises dans l’entreprise et cette variable,

cependant, les effets ne sont pas directs. En ce qui concerne les indicateurs de processus, ils

permettent, quant à eux comme ils l’indiquent, de suivre l’évolution du processus. Ils effectuent un

suivi progressif de l’exécution des activités. Ces indicateurs de processus sont associés à des

variables dites d’« action » (encore appelés « inducteurs de performance »). Ils constituent des

moyens d’agissement sur les éléments actifs (tels que les ressources, les produits…). Ainsi, une

variable d’action est un élément qui a une influence sur le processus auquel elle est rattachée. C’est

un facteur sur lequel agissent directement un ou plusieurs acteurs du système. Les informations

contenues dans les indicateurs de processus aident donc à interpréter les indicateurs de résultats.

Dès lors, on peut évoquer quelques indicateurs largement utilisés dans le secteur privé par

les entreprises :

- indicateurs financiers : total de l’actif/employé ; bénéfice en pourcent du total des actifs ; marge

brute, revenu net, revenu brut, endettement, délais de paiement clients et fournisseurs…

- indicateurs marketing : satisfaction du client, nombre de plaintes…

- indicateurs ventes : le ratio des activités récentes, taux d’accomplissement des activités vs les

objectifs d’activité, coût par visite, nombre et valeurs des offres remises …

- indicateurs des opérations : coût moyen par transaction, moyenne des délais, taux d’utilisation de

la main-d’œuvre, les ruptures de stock, temps et délais de production, nombre d’accidents, niveau

de sécurité, impact environnemental, dépendance vis-à-vis des fournisseurs, recherche et

développement…

L’utilisation des indicateurs de gestion dans le secteur privé est donc devenue systématique

et est désormais indissociable du développement des entreprises. Ces indicateurs sont délicats à

mettre en place et peuvent parfois toucher des phénomènes sensibles et changeants. Dès lors, les

indicateurs de gestions sont-ils neutres ?

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B) Les indicateurs de gestion sont-ils neutres ?

Un indicateur est une statistique qui permet de mesurer certaines dimensions de l’activité

économique et se doit d’être le plus objectif possible. Cependant, cette nécessité n’est parfois pas

respectée. En effet ils sont en interaction avec tant d’autres éléments de l’entreprise que les

indicateurs deviennent souvent subjectifs. Ils sont formés par l'agrégation d'indices permettant

d’atteindre les objectifs économiques voulus par la direction. L’utilisation des indicateurs de gestion

permet à l’employeur de parvenir à l’exécution des stratégies qu’il souhaite pour son entreprise.

D’une certaine manière, ils guident le travail des employés en leur imposant des objectifs à tenir.

Cette gestion de la performance des employés constitue un réel avantage pour les employeurs. On

ne peut pas dire que les intérêts de l’employeur et de ses employés convergent toujours. Ils sont au

contraire le plus souvent discordants. Les indicateurs de gestion sont un moyen très simple pour

amener les employés à travailler dans le sens que souhaite l’employeur. Alors que dans le secteur

public la rémunération des employés se résume aux salaires, le secteur privé récompense l’effort

entre autres par des primes et des promotions. Ce sont des mécanismes d’incitation qui poussent les

employés à suivre la logique des indicateurs. Alors que les fonctionnaires ne voient pas leur salaire

évoluer selon leur production individuelle, celui des employés des entreprises privées est relié à une

mesure d’efficacité, de performance personnelle. C’est une manière sous entendue de les pousser à

fournir le plus d’effort possible puisqu’ils savent que s’ils agissent ainsi ils seront récompensés.

Pour défendre ce type de bonus, ceux qui critiquent le salaire du secteur public avancent que les

fonctionnaires ne sont pas incités à fournir plus d’effort que nécessaire. Le salaire restera

effectivement le même quel que soit les résultats apportés à l’entreprise.

Mais la gestion du secteur privé par des indicateurs a certaines limites qu’étudie Maya

Bacache-Beauvallet dans son article « Incitations et désincitations : les effets pervers des

indicateurs ». Les indicateurs posent des problèmes en ce qui concerne la juste prise en compte de

l’effort de chacun. Les indicateurs ne parviennent pas à saisir les efforts personnels de chaque

employé. Si l’employeur observe mal la production et l’effort, le travail d’un employé sera mal

reconnu et peut mener à un sentiment de frustration. Il est alors nécessaire de prendre en compte

l’indicateur de manière relative. Ainsi, en s’intéressant à un indicateur dans les travaux de différents

employés, l’employeur voit plus précisément ce qui altère l’indicateur. Les travaux en groupe

présentent une difficulté d’analyse pour les indicateurs. Un indicateur ne peut juger à sa juste valeur

le travail de chaque membre d’un groupe. Des doutes résultent donc concernant la pertinence des

résultats. Cela peut créer des tensions entre les membres d’un groupe de travail. En effet le travail

de chacun est finalement jugé de la même manière étant donné que les indicateurs tiennent compte

du résultat final et non du travail fourni par chacun au cours de la mise en place d’un projet ou

d’une mission. Le jugement collectif par les indicateurs soulève donc quelques questions. Peut-être

faudrait-il plus les affiner afin qu’ils traduisent les efforts que chaque employé fournit

personnellement pour ne pas s’exposer au phénomène du « passager clandestin ». Ce phénomène

fait que certains employés se cachent derrière le travail du groupe pour ne pas agir beaucoup et tout

de même profiter des retombées positives. La journaliste rappelle une étude de Hansen en 1997 sur

un centre d’appel. La rémunération collective avait un effet en U car les moins bons employés

avaient du mal à supporter la pression du groupe tandis que les meilleurs avaient le sentiment d’être

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exploités. Cet exemple montre qu’il est essentiel de choisir le type de rémunération et

l’interprétation des indicateurs selon le groupe que l’on veut récompenser. Ces choix ne peuvent pas

être les mêmes tout le temps. Les employeurs doivent les moduler en fonction du groupe de

travailleurs. L’étude de Hansen souligne le problème que pose une équipe hétérogène. On voit bien

que la rémunération collective, soit celle qui donne le même salaire à tous les travailleurs, n’est pas

la meilleure dans le cas d’un groupe où les employés n’ont pas la même capacité de travail. Ce type

de rémunération fonctionne par contre dans un groupe homogène.

« Les salariés et la performance après la crise », une étude Methys/Ifop, a dévoilé une

certaine rupture entre les salariés et leurs dirigeants. Elle a été réalisée auprès d’un échantillon de

1000 salariés, représentatifs des salariés français d’entreprises privées de plus de 50 salariés. Les

sondages effectués en … se sont attachés à l’opinion des salariés sur les indicateurs utilisés dans les

entreprises. Les critères de performance leur semblent contre-productifs par bien des aspects et cela

est encore plus sensible dans cette période de crise économique. L’entreprise semble passer avant

tout et tend à faire oublier le facteur premier de résultat : les employés. L’enquête est menée autour

de trois sujets : la perception de la performance, la mesure de la performance, le vécu de la

performance pendant la crise.

Les salariés considèrent, certes, que leur entreprise est performante. Mais le problème de la

performance réside plutôt dans le fait que le sens donné aux stratégies et aux résultats ne leur

convient pas. Ils sont conscients qu’il y a une grande performance et ils voient cela comme un point

positif (90% expriment une vision très positive de la performance de leur entreprise et de ses

collaborateurs). Cependant, la performance ne peut être un bienfait à leurs yeux uniquement s’ils

sont d’accord avec la direction que prennent les indicateurs. La bonne performance se résume avant

tout par la bonne image qu’elle donne ainsi que par la qualité des biens et services produits. Ces

éléments permettent aux employés d’être fiers de la structure dans laquelle ils travaillent. 95% des

salariés comprennent que l’entreprise ait pour objectif d’améliorer sa performance. Leur critique

concerne les moyens mis à la disposition de cette nécessité de performance : le besoin de produire

plus, plus vite et à moindre coût. De plus, les salariés ne sont pas dupes en ce qui concerne le souci

des performances environnementale et financière. Ils savent que la première a pour objectif

d’améliorer leur image (91%) et la seconde de satisfaire les actionnaires (89%). Une entreprise n’est

effectivement pas une structure neutre qui peut vivre en autarcie et ainsi ne jamais se soucier du

monde extérieur. Les interactions avec d’autres acteurs sont nécessaires à sa productivité.

L’employeur ne peut donc envisager le seul bien être des employés et doit trouver des solutions

pour répondre aux impératifs des nombreux réseaux. « Loin de rejeter la notion de performance, les

salariés l’intègrent comme une composante essentielle de leur activité, analyse Stéphane Pimienta,

Directeur Général du cabinet Methys. Toutefois ils regrettent majoritairement qu’elle soit définie de

façon réductrice, sur la base de critères essentiellement financiers et comptables. Emerge ainsi

l’attente forte d’une conception exhaustive de la performance, qui accorderait davantage de place à

des critères actuellement moins valorisés, notamment les dimensions sociale et environnementale.

Cette vision à 360° de la performance gagnerait également à compléter ces critères quantitatifs par

des éléments de mesure qualitatifs. »

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L’étude insiste sur la tension créée par l’importance qu’a prise la performance pendant la

crise. L’impact du renforcement des indicateurs a mené à un grand stress au sein des équipes de

salariés (89%, chiffre croissant avec l’âge). L’aspect négatif de cette gestion est aussi dû à la

diminution des marges d’action des salariés. Ceux-ci ont vu les ont vu baisser puisque l’intérêt de

l’évaluation était porté sur le quantitatif et non sur le qualitatif. On ne peut donc éviter des relations

plus tendues entre les salariés et les managers. Cette entrave aux initiatives est un réel inconvénient

aux yeux des employés (55%) et peu (54%) estiment que cela permet une meilleure prise de

décisions. De plus les performances d’une équipe et de toute l’entreprise ne semblent avoir qu’un

très faible impact sur les salaires et seul 47% des salariés ont un salaire conditionné par la

performance individuelle. « Les salariés s’estiment unanimement performants, mais ils regrettent

que la performance ne tienne pas suffisamment compte des efforts individuels et se concentre sur

des indicateurs globaux, commente Stéphane Pimienta. La grande majorité des salariés souhaite être

davantage évaluée sur son action et son implication individuelles, qui pourrait plus fortement

conditionner la rémunération. » 71% des personnes interrogés considèrent que les augmentations de

salaires son « injustes et déconnectées de la performance individuelle » et ce sentiment d’iniquité

touche également le problème de la rémunération des dirigeants par rapport à la performance de

l’entreprise que 58% trouvent injuste. « La mesure actuelle de la performance est sous-optimale. Un

des problèmes que cette étude souligne est la déconnexion entre la stratégie de l’entreprise et les

critères réellement utilisés pour mesurer la performance. Les salariés se montrent très critiques vis-

à-vis des moyens utilisés pour mesurer la performance : mal expliqués, à l’utilité floue, ces outils ne

sont perçus que comme des entraves au travail et des formalités bureaucratiques, poursuit Stéphane

Pimienta. Cette inadaptation des outils génère des effets pervers importants. Les conséquences

négatives ressenties par les salariés sont multiples : accélération des rythmes de production,

augmentation du stress, amplifications des tensions et des rivalités internes… Le sentiment

dominant est celui d’une prime accordée à la réactivité à court terme au détriment d’une vision

stratégique de plus long terme et surtout de la qualité du travail fourni. Apparaît ainsi le risque de

contre-productivité économique liée à la mesure de la performance. »

Malgré les limites que nous venons d’étudier, les méthodes du secteur privé sont très

attirantes puisque le secteur public désire les appliquer. Le management public a la volonté, lui

aussi, d’évaluer le travail des fonctionnaires grâce à des indicateurs de performance. Cette logique

s’inscrit dans la Réforme Générale des Politiques Publiques. On peut alors se demander quels seront

les impacts de cette méthode de gestion sur la fonction publique.

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II- Les indicateurs de gestion appliqués au secteur public ; pourquoi cette volonté d’un nouveau management et quel impact sur la fonction publique

A) La volonté du politique d'une plus grande clarté dans l'administration des fonds publics et l'exigence d'efficacité à l'égard des fonctionnaires qui débouche sur la mise en place d'un suivi des performances de ces administrations.

Une révision générale des politiques publiques devenue nécessaire

Le principe sur lequel repose la Révision Générale des Politiques Publiques (RGPP) est

celui de la performance. Comme on a pu le voir plus tôt, il s'agit d'une logique traditionnellement

appliquée au secteur privé dans le but d'augmenter la productivité des processus de création de

richesse. En 2001, au moment de l'adoption de la LOLF, la dette de l'administration publique en

France s'élève environ à 850 milliards d'euros soit presque 60% du PIB; en 2007, année de mise en

route de la RGPP, la dette de l'administration publique est de 1 211 milliards et représente 62,4% du

PIB. Le secteur public est endetté et cette dette est attribuée au mauvais fonctionnement des

administrations, à des dépenses que l'on juge insuffisamment surveillées et donc plus généralement

à une mauvaise gestion des « deniers de l'État ». La richesse de

la France est d'abord évaluée par son PIB or depuis le choc

pétrolier de 1973, même si l'on estime être dans une situation

de crise en raison de la diminution du rythme de la croissance

au regard des Trente Glorieuses qui ont suivi la Seconde

Guerre mondiale, la croissance du PIB reste soutenue en

France et ce, jusqu'à l'année 2009. Le secteur privé parvient

donc à obtenir des résultats bien meilleurs que ceux du secteur

public. Par conséquent, on estime que l'application de la

logique de performance au fonctionnement de l'administration

publique à travers la mise en place d'un certain nombre

d'indicateurs de gestion, pour avoir une vision plus claire de

l'efficience des différents services publics, pourrait être un

moyen de réduire le « gaspillage » dans le secteur public. Le modèle de management public français

est en crise. Selon Sylvie Trosa, l'origine de la défaillance du système français se trouve dans le fait

que les ministères constituent une administration parallèle, presque indépendante. Les diverses

politiques mises en place sont à l'origine d'une inflation législative renforcée par le climat de

défiance qui fait que les membres de l'administration cherchent à se mettre sous couvert d'un texte

ou d'un ordre pour agir.

La RGPP, une réforme aux nombreux antécédents

Même si l'importance des modifications introduites par la RGPP en 2007 tend à le faire

oublier, il ne s'agit pas de la première réforme de ce genre. En effet, dès 1968 est adopté un

programme de "rationalisation des choix budgétaires pour mieux contrôler les résultats de l'action

administrative par la comparaison entre le coût des politiques publiques et leur efficacité. Ce

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programme sera cependant abandonné dans les années 1980. Le 23 février 1989, le Premier ministre

M. Rocard met en place la politique du « renouveau du service public » qui définit quatre objectifs

majeurs : « une politique de relations du travail rénovée, une politique de développement des

responsabilités, un devoir d'évaluation des politiques publiques, une politique d'accueil et de service

à l'égard des usagers ». Un an plus tard, le 22 janvier 1990, un décret relatif à l'évaluation des

politiques publiques permet la création d'un organe d'évaluation interministériel à travers le Conseil

Scientifique de l'évaluation (CSE, remplacé par le Conseil national de l'évaluation (CNE), par le

décret 18 novembre 1998). Les tentatives de réforme de l'État se poursuivent et c'est ainsi que le 13

septembre 1995 un décret institue un Commissariat à la Réforme de l'État (CRE) et un Comité

Interministériel à la Réforme de l'État (CIRE). En 1998 le décret relatif aux simplifications

administratives marque une nouvelle fois la constante volonté de l'État de se réformer et de

s'adapter.

À l'origine de la RGPP, le New Public Management

Le New Public Management (NPM) inspire la RGPP à travers la remise en cause de la

bureaucratie et de son efficacité qu'il établit. Il permet également de mettre en évidence le lien entre

l'adoption de la RGPP et le développement de la culture de résultats et de la logique de

performance. En soi, la RGPP n'est qu'une preuve de plus de la modification du rôle des États

occidentaux caractérisée par la forte augmentation de la régulation au sein des systèmes

administratifs. La doctrine du NPM se développe dans les années 1980 et 1990, il s'agit selon P.

Bezes d'un "ensemble hétérogène d'axiomes tirés des théories économiques, des prescriptions issues

du savoir de management, des descriptions de pratiques expérimentées dans des réformes". En

somme, le NPM met en relation des facteurs économiques et des techniques managériales pour

développer une approche du management public se basant sur les précédents qui existent en matière

de réforme. Cela se fait dans le but d'établir un modèle de management efficace pouvant s'appliquer

à tout service public.

La principale préconisation de la doctrine du NPM est l'amincissement de l'État au sens où

l'État doit abandonner ses mesures interventionnistes qui ont perdu leur légitimité politique et

économique. Cette doctrine remet également en cause le poids écrasant de la bureaucratie dans

l'administration publique et prône pour y remédier une "débureaucratisation" grâce à des

privatisations et la mise en concurrence des activités de l'État. Ainsi c'est la capacité même de l'État

à assumer l'importance quantitative de son administration qui est questionnée. Le NPM est

favorable à une rénovation qualitative du secteur public qui doit se faire par une réduction

quantitative des fonctionnaires constituant la bureaucratie.

À cela, on peut opposer le fait que le secteur public à de nombreuses particularités qui font

qu'on ne peut pas lui appliquer les logiques développées par les entreprises privées. Une seconde

variante du NPM est d'avantage favorable à la liberté et l'autonomie des gestionnaires par un

allègement des modes de contrôle et la "redevabilité" à l'égard des usagers. Pour cette seconde

version de la théorie, le fonctionnaire doit être acteur de la réforme de leur administration. Les

différentes missions publiques doivent avoir des objectifs de qualité. Le rôle des citoyens et des

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fonctionnaires doit donc être central dans la réforme du secteur public.

L'enjeu du contrôle politique de l'administration mis en évidence par le New Public

Management est fondamental. En effet, en parvenant à imposer leurs intérêts politiques aux élus

locaux grâce à leur maîtrise de l'information et des savoir-faire dans le domaine des politiques

publiques, les administrations contrôle la mise en œuvre des programmes et des savoirs pratiques

qui leurs sont attachés et peuvent disposer des budgets de façon discrétionnaire. De ce fait, les

administrations disposent d'une autonomie très large que la doctrine du NPM juge dangereusement

excessive. En outre, cette autonomie très poussée de l'administration explique la défaillance des

contrôles qui est elle-même à l'origine de l'extension continue des budgets publiques. La seconde

conséquence de cette défaillance des contrôles est que les gouvernements élus rencontrent beaucoup

d'obstacles à la réalisation des promesses électorales qu'ils avaient pu faire pour accéder au pouvoir

ce qui entraîne souvent une perte de légitimité non-souhaitable pour ce gouvernement.

Ainsi, le NPM démontre que l'enjeu du contrôle des bureaucraties est devenu central. La

modification de l'administration publique doit donc se caractériser par un retrait de l'État auparavant

trop interventionniste, une meilleure autonomie des gestionnaires et un contrôle politique plus

important. Cette réforme aura donc pour principal objectif la réaffirmation de la primauté de l'acteur

politique sur le fonctionnaire. On retrouve ce concept à travers la valorisation du rôle des ministres

en tant que responsables des politiques publiques et dirigeants de l'administration.

Pour améliorer la qualité et l'efficacité des missions réalisées par le secteur public, le NPM

propose la mise en place de systèmes de contrôle à distance. Ces contrôles reposent sur des

indicateurs permettant de mesurer les résultats des services et d'en juger l'efficacité.

Démarche de performance et contrôle de gestion

L'application de la démarche de performance et des contrôles de gestion se fait tout d'abord

dans des administrations que l'on peut qualifier de transversales, comme le ministère des Finances

publiques à travers la LOLF adoptée le 1er août 2001. L'apparition de nouvelles contraintes

démultipliées par la crise économique à partir de 2009 ont fait perdre aux administrations leur

capacité à maîtriser l'ensemble de leurs acteurs qui sont toujours plus nombreux. En explicitant les

objectifs et les indicateurs de performance, la RGPP permet aux élus de rationaliser les processus

d'action publique et d'utiliser les buts ou les résultats atteints comme preuve de l'efficacité de leur

politique auprès de leur électorat. Il ne faut pas négliger non plus l'avantage que représente la

possibilité pour ces mêmes élus de pouvoir attribuer la responsabilité d'éventuels échecs aux

fonctionnaires chargés de la réalisation de cette politique; le tout rendu possible par la clarification

et le contrôle de gestion. Pour mener à bien la politique de désenchevêtrement du secteur public, a

été initié dans l'État administratif un mouvement de développement des systèmes de contrôle de

gestion et de suivi des performances. Des objectifs sont ainsi fixés pour les différents ministères

sous la forme de projet annuel de performance (PAP) et l'efficacité de leur gestion est jugée dans les

rapports annuels de performance (RAP). Ces deux documents sont rédigés à destination du

Parlement qui conserve son rôle de contrôleur du bon fonctionnement de l'administration. De

Page 13: Les indicateurs de gestion sont-t-ils neutres ? Le cas de la RGPP

13

nombreux indicateurs de performance sont développés dans les ministères pour favoriser les

activités de contrôle. Si l'efficience d'un service se mesure d'abord au sein de ce service, elle doit

être démontrée devant le Parlement, dans le respect de la tradition française qui lui accorde une

place centrale dans le processus de décision concernant le fonctionnement des administrations.

Le développement du contrôle de gestion se concrétise de façon très différente selon la

motivation des responsables ministériels puisqu'il nécessite d'importants investissements sur le plan

humain comme sur le plan technique. Pour se développer, le contrôle de gestion a souvent besoin de

s’appuyer sur une comptabilité analytique et sur un dispositif d’objectifs et d’indicateurs dont les

ministères commencent à se doter. La clarification du fonctionnement de l'administration passe

donc d'abord par une multiplication des critères à surveiller et est donc conditionnée par une

comptabilité très finement réalisée. Il est essentiel que tous les ministères se plient au jeu des

indicateurs de gestion; cependant, la machine administrative est difficile à modifier et les

réfractaires au changement sont nombreux en France.

B) Traitement de la sphère publique à l’aube d’un monde entièrement «managérialisé» : la RGPP

Pourquoi la Révision Générale des Politiques Publiques (RGPP)?

La France se distingue en Europe et dans le Monde par son niveau très élevé de ses dépenses

publiques (environ 54% du PIB). Les causes sont à la fois le taux de prélèvement obligatoire très

élevé qui pèse sur la croissance et le pouvoir d’achat mais également une dette publique qui a triplé

en trente ans. Des réformes étaient donc nécessaires afin d’atteindre l’objectif du retour à l’équilibre

des finances publiques en 2012. Les réductions de coûts envisagés ne pouvaient pas se faire que par

un seul levier budgétaire, ce qui aurait eu pour conséquence unique de réduire le budget de l’Etat,

affaiblir ses services et altérer leurs qualités sans que le niveau de la dette soit véritablement baissé.

Une véritable réflexion politique devait accompagner ces restrictions budgétaires. Les principes

d’une révision générale apparaissent dès 2005 ans le Rapport Pébereau, La Dette Publique,

Ensemble des dettes de l’Etat résultant des emprunts que ce dernier a émis ou garantis. Dans ce

rapport, il est conseillé au gouvernement de rapidement mettre en place « un dispositif de réexamen

complet des dépenses de l’Etat et de la Sécurité Sociale ». Le premier échelon serait d’abord de

vérifier à tous les échelons de l’administration la pertinence des missions et d’évaluer précisément

les moyens humains et matériels mis à la disposition de l’action publique.

La mise en place de la RGPP.

La Révision Générale des Politiques Publiques (RGPP) est un programme de modernisation

de l’action de l’Etat. Elle touche toutes les politiques publiques et tous les ministères et a été lancée

lors du Conseil des ministres le 20 juin 2007, soutenue conjointement par le Président de la

République et le Premier ministre. Elle constitue une démarche de modernisation inégalée des

administrations publiques et s’inscrit dans la continuité de la réforme des Lois Organiques relatives

aux Lois de Finances (LOLF).

Page 14: Les indicateurs de gestion sont-t-ils neutres ? Le cas de la RGPP

14

La France se distingue par le niveau élevé de ses dépenses, soit environ 54% du Produit Intérieur

Brut (PIB). Pour un retour à l’équilibre des dépenses publiques, des réformes de grandes ampleurs

étaient donc indispensables. Plusieurs phases ont été nécessaires à sa mise en place; dans un

premier temps, une phase d’audit conduite dans tous les ministères a mené à plus de 300 réformes.

Le mouvement s’est poursuivi, avec la mise en place en juin 2010, d’environ 150 nouvelles

mesures.

L’objectif annoncé de cette révision est de passer au crible toutes les missions de l’Etat pour

adapter les politiques menées aux besoins des citoyens, valoriser le potentiel humain de

l’administration, ou encore dégager des marges de manœuvre pour financer de nouvelles politiques.

Chaque mesure proposée a fait l’objet d’un examen approfondi en comité de suivi avant

d’être validée en Conseil de modernisation des politiques publiques (CMPP), l’instance de décision

de la RGPP.

Pour mener à bien cette réforme, trois directions ont été chargées d’un pan complet de sa

réalisation :

- la Direction Générale de la Modernisation de l’Etat (DGME), elle aide les différents

ministères à mettre en œuvre les plans d’actions issus de la RGPP et les accompagne dans

leur transformation.

- La Direction du Budget (DB), elle a pour mission de d’assurer le pilotage budgétaire

pluriannuel de cette réforme d’Etat.

- La Direction Générale de l’Administration et de la Fonction Publique (DGAFP), elle doit

réussir à développer une politique de ressources humaines mieux adaptée aux attentes des

fonctionnaires.

La mobilisation de ces trois directions permet d’assurer un suivi d’ensemble de la RGPP, son bon

fonctionnement et la cohérence des réformes mise en œuvre par les ministères.

La mise en place de réformes dans le cadre de la RGPP

Ce tableau suivant permet de visualiser simplement les rôles des différentes directions ainsi

que les différentes étapes de la mise en place d’une réforme dans le cadre de la Réforme Générale

des Politiques Publiques.

Page 15: Les indicateurs de gestion sont-t-ils neutres ? Le cas de la RGPP

15

Source : http://www.rgpp.modernisation.gouv.fr

La Révision Générale des Politiques Publiques a été initiée à partir de trois constats

fondateurs.

La multiplication des missions et parfois même leur superposition rendait l’action de l’Etat peu

lisible. La cohérence des missions n’était plus garantie. Des politiques dites temporaires s’étaient

pérennisées et certaines missions ne relevant pas de l’action de l’Etat étaient prises en charge par ce

dernier.

L’organisation même de l’Etat s’était trop complexifiée pour des usagers contraints de s’adresser à

différentes administrations pour un même problème, et pour les fonctionnaires eux-mêmes.

La taille de l’Etat, mesurée par le nombre des fonctionnaires, s’était considérablement accrue depuis

trente ans, en dépit des transferts de compétences aux collectivités locales.

Aujourd’hui, la Révision Générale des Politiques Publiques (RGPP) poursuit trois objectifs

indissociables.

- Améliorer la qualité du service rendu aux citoyens, par exemple en améliorant l’accueil des

usagers dans les services publics, réduire le délai d’attentes des différentes démarches des

citoyens, création de guichets uniques ou encore dématérialisation des procédures.

- Réduire les dépenses publiques en recentrant l’Etat sur son cœur de métier, en réorganisant

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l’Administration Centrale, ou encore en rationalisant les services de l’administration

déconcentrée.

- Poursuivre la modernisation de la Fonction Publique et valoriser les initiatives des agents en

responsabilisant mieux les cadres, en formant mieux les agents, en les rémunérant mieux ou

encore en favorisant l’innovation.

La mise en place de la Révision Générale des Politiques Publiques suit plusieurs principes

d’actions. Elle entreprend une démarche partenariale, favorisant dans sa deuxième phase,

l’innovation des ministères eux-mêmes. Elle se définit ensuite comme une démarche globale

puisqu’elle concerne toutes les structures de l’appareil d’Etat, aussi bien les administrations

centrales et déconcentrées que les opérateurs d’Etat ou les organismes de Sécurité Sociale. Elle est

pilotée par le Conseil de modernisation des politiques publiques (CMPP) présidé par le Président de

la République et fait l’objet d’un suivi régulier par le Comité de suivi co-présidé par le Secrétaire

général de la Présidence de la République et par le Directeur de cabinet du Premier Ministre.

Enfin, elle fait l’objet d’un suivi rigoureux, chaque mesure est contrôlée sur la base d’objectifs et

d’indicateurs de gestion, avec un système de feu ; si le feu est vert, la réforme est appliquée au

rythme prévu, si le feu est orange, le réforme satisfait une majorité de ses objectifs mais pas la

totalité et si le feu est rouge, la réforme connaît des retards importants et doit être remaniée.

On peut citer plusieurs exemples d’actions engagées dans le cadre de la RGPP ;

Le rapprochement entre la Police et la Gendarmerie Nationale permettant la mutualisation de

fonctions support, le non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux dans la Fonction Publique,

la constitution du guichet fiscal unique et la généralisation de la déclaration et du paiement des

impôts et taxes sur Internet ou encore la mise en place d’un tableau de bord de pilotage des

réformes engagées afin de responsabiliser par la culture du résultat.

La Révision Générale des Politiques Publiques concerne tous les ministères et toute

l’Administration Centrale, mais elle influe également sur les collectivités locales avec la Réforme

des Collectivités Locales.

Cette réforme poursuit elle aussi des objectifs de simplification et d’économies. La Réforme des

Collectivités Locales est conduite depuis 2008 avec la création du Comité pour la Réforme des

Collectivités Locales, présidée par Edouard Balladur.

Elle répond à trois objectifs ; simplifier et donner une plus grande lisibilité à l’organisation

territoriale française, mieux maitriser les finances locales, permettre une meilleure articulation et un

fonctionnement plus efficace des collectivités entre elles mais également entre les collectivités et

l’Etat.

La réforme s’articule autour de deux piliers ; commune-intercommunalité d’une part et

région-département d’autre part.

Pour la commune et l’intercommunalité, l’objectif est de rendre plus lisible les financements

et les compétences de chacun, de supprimer les redondances aux différents niveaux de l’Etat. L’idée

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17

est donc d’interdire à toute collectivité d’exercer une compétence déjà attribuée à une autre.

Une seconde idée est la création de métropoles, sur le principe du volontariat uniquement, dans les

bassins de plus de 450 000 habitants. Il s’agit de permettre à la France de pallier l’absence de

grandes villes capables de peser dans la compétition économique internationale.

Deux sortes de métropoles sont envisageables.

Tout d’abord, les métropoles d'un seul tenant « qui pourront exercer, sur leur territoire, une grande

partie des compétences du département et de la région sur la base d'une convention de transfert avec

ces deux collectivités ». Huit métropoles potentielles sont concernées.

Là où il n'y pas d’agglomération constituée, il sera toutefois possible de créer une «métropole

multipolaire». Exemple Nancy-Metz-Thionville-Epinal. Ces villes mutualiseront leurs moyens et

leurs compétences, « spécifiquement pour le développement économique et l'attractivité du

territoire », avec la coordination de la Datar, organisme d'Etat chargée de l'aménagement du

territoire et de l'action régionale.

Pour le pilier département-région, Les conseillers territoriaux remplaceront les actuels

conseillers généraux et régionaux et siègeront à la fois au conseil général et au conseil régional. Les

départements et les régions auront des compétences exclusives mais des élus communs. « Ce n’est

pas la mort ni des départements ni des régions » a déclaré le Chef de l’Etat, dans son discours de

Saint-Dizier « mais l’émergence d’un pôle région département doté d’un outil commun ». Les

conseillers territoriaux sont élus en même temps au scrutin uninominal à un tour, avec une part de

proportionnelle « pour réserver une place aux différents courants politiques minoritaires ». 20% des

sièges seront ainsi répartis à la proportionnelle. Les nouveaux modes de scrutin entreront en vigueur

en 2014. Cette mesure doit permettre de réduire le nombre d’élus départementaux et régionaux de

moitié.

Les buts de cette réforme sont les suivants :

Pour les citoyens tout d’abord, le système des collectivités sera plus clair, plus simple et

mieux à même de répondre à leurs attentes.

Pour les territoires, les politiques publiques seront plus efficaces et moins coûteuses, en raison de la

diminution du nombre d’élus et des administrations et de la claire répartition des compétences entre

les collectivités.

L’Etat, pourra compter sur des partenaires plus forts.

Depuis 2003, les gouvernements affichent une volonté de réduction des effectifs de la

Fonction Publique. Il s’agit de renforcer l’efficacité de la fonction publique tout en en diminuant le

cout par un effort de rationalisation et de mutualisation. La Révision Générale des Politiques

Publiques (RGPP) se place dans cette perspective et doit permettre de répondre à l’objectif annoncé

par le président de la République, Nicolas Sarkozy, de réduire les dépenses publiques et le non-

remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite.

La croissance maintenue des effectifs territoriaux est contestée dans le cadre de la RGPP. Le 20

octobre 2009, lors du discours de Saint-Dizier, Nicolas Sarkozy avait ainsi jugé que les collectivités

locales ne pouvaient plus « continuer à créer plus d’emplois que l’Etat n’en supprime » et donc

évoquait l'idée d'étendre la RGPP aux collectivités locales : en effet en 2008, 36000 emplois sont

Page 18: Les indicateurs de gestion sont-t-ils neutres ? Le cas de la RGPP

18

créés au niveau territorial alors 35000 sont supprimés au niveau national.

Dans le cadre de la réforme territoriale de 2010, les finances locales sont visées avec

l'objectif de maitriser l'évolution de la dépense publique locale, notamment celle des dépenses

communales en matière de personnel. La réforme de l'intercommunalité et l'instauration du

conseiller territorial (censée faire passer de 6000 à 3000 le nombre d'élus) s'inscrivent dans ce

mouvement de rationalisation afin de maitriser les finances locales.

III- Illustration de la mise en place des indicateurs de gestion dans le secteur public : l’application de la RGPP

A) La difficulté d’application d’un mode de gestion et d’évaluation des

performances propre au secteur privé au secteur public : les limites des indicateurs de gestion et de la RGPP

Le mode de gestion par indicateurs est, comme nous l’avons vu, plus caractéristique du

secteur privé que du secteur public. Cependant l’attention portée à ces indicateurs par les dirigeants

dans le public n’est pas une nouveauté. Le sentiment d’inédit viendrait plutôt du fait d’une récente

accentuation de l’intérêt que présentent les indicateurs. On observe aujourd‘hui selon Bertrand

Guillaume « un volontarisme clairement affiché d’appliquer très concrètement l’évaluation des

politiques publiques dans les faits ». Cependant malgré des objectifs certes louables, l’adaptation au

service public d’une gestion par indicateurs pose quelques problèmes. Cette adaptation revient très

souvent à une simple copie effectuée sans qu’aucun recul ne soit pris. En ne prenant pas en compte

la diversité du secteur public, les indicateurs deviennent un paramètre utilisé sans aucune

interprétation des résultats. Cette utilisation des indicateurs de gestion qui peut s’avérer parfois

néfaste a fait l’œuvre d’une large bibliographie très critique. L’observation centrale de la plupart des

études est qu’on ne donne pas de véritable sens aux indicateurs. On les utilise ces indicateurs sans

donner de sens aux résultats comme si les chiffres pouvaient être utilisés sans qu’on tente de les

interpréter.

Un harcèlement de la société peut être craint. Vincent de Gaulejac, dans un des chapitres de La

société malade de la gestion, analyse la contamination de la politique par la gestion. Le grand

intérêt porté aux indicateurs de performance par les politiques est dû en grande partie au contexte de

la mondialisation. Il a bouleversé les codes sociaux et ainsi notre conception de la politique. Celle-

ci nous semble devoir aujourd’hui répondre à de nouvelles attentes. L’économie, en devenant le

centre de ses préoccupations, transforme ses buts et la politique devient technique car elle doit être

administrée comme une entreprise. La crise économique pousse Vincent de Gaulejac à faire un

parallèle entre le débat politique et le débat de conseil d’administration car les discussions

politiques semblent se résumer aux problèmes budgétaires et financiers, l’économie devenant la

notion déterminante de toutes les préoccupations gouvernementales. Les affaires publiques sont

désormais influencées par l’économie et le privé prend part au public. La population étant

dorénavant managée, l’auteur souligne la différence entre ce que vit la population et ce que décide

Page 19: Les indicateurs de gestion sont-t-ils neutres ? Le cas de la RGPP

19

de faire le gouvernement pour régler les problèmes. La Grèce antique, en refusant à l’économie

l’accès à la vie publique, semble bien loin puisque de nos jours la gestion semble avoir pris la place

centrale dans les considérations politiques. La question de la soumission de l’économie à la société

se pose : qui doit s’adapter au fonctionnement de l’autre ? Le politique doit-il suivre l’économie ou

la diriger pour qu’elle réponde aux attentes de la population ? L’exemple de la gestion par

indicateurs dans le domaine de l’éducation est très significatif puisque l’idéologie gestionnaire y

exerce une grande pression. En transformant les élèves en clients, l’actuel système éducatif montre

la domination permanente des milieux économiques sur l’instruction. En mettant l’éducation au

service du marché, la principale théorie considère les élèves comme de potentiels agents devant

s’adapter aux besoins de l’économie. Le futur travailleur doit être assez flexible pour répondre aux

nouvelles attentes des modes de production et il doit donc être soumis aux normes managériales.

Le politique est en crise car il axe ses débats non sur l’organisation de la société et les

moteurs de son bien-être, mais sur les chiffres de l’économie. Cette obsession des indicateurs fausse

les stratégies adoptées car on oublie leurs sens et ce qu’ils mesurent. La faille de ce système de

gestion est l’obsession des indicateurs qui fausse les stratégies adoptées à cause d’un manque de

réflexion sur la portée des taux. Patrick Viveret notait déjà en 2003 que les outils devenus

nécessaires pour évaluer la société ne nous prémunissent pas contre les comportements dangereux

car les politiques font peu de distinction entre les indicateurs et nous nous limitons à une

comptabilisation monétaire. Les indicateurs sont une forme de gestion efficace dans certains

domaines mais elle est appliquée aux politiques publiques sans un réel effort de réflexion. La

fascination du gouvernement pour le modèle managérial effraie car il crée un immense décalage

entre leur idéal de gestion et les valeurs des administrations et entreprises publiques qu’ils dirigent.

Les présupposés que retire Aude Harlé en 2008 d’une recherche effectuée au sein des cabinets

ministériels sont très importants car ils soulignent la place que prennent le mérite, l’individualisme

et la performance dans la conception gouvernementale de la société. La politique meurt quand elle

préfère gérer plutôt que gouverner. Le discours politique est alors corrompu car une relation de

vendeur à client s’instaure entre le politique et le citoyen. L’action et le présent deviennent les

nouvelles valeurs de l’exercice du pouvoir, mettant alors de côté toute possibilité de se visualiser

dans l’avenir et de conduire des projets sur le long terme. La politique, dorénavant plus caractérisée

par l’individu que par l’intérêt général, a perdu de sa noblesse et de son importance. En faisant de la

société une entreprise, l’Etat privilégie la gestion et oublie sa mission première qui est la garantie du

lien social. La fracture entre le social et l’économique du à aux logiques de marché suivies par les

Etats a été traitée par de nombreux auteurs comme Perret et Roustang en 2001. En s’enfermant dans

la gestion de la crise, les politiques semblent désormais incapables de gérer les hommes autrement

que comme de simples marchandises.

La volonté actuelle de mettre en place des indicateurs de gestion dans les politiques publiques

est illusoire car les politiques semblent vouloir simplement copier les pratiques du secteur privé

dans le secteur public. Dans Des indicateurs pour les Ministres au risque de l’illusion du contrôle,

Anne Pezet et Samuel Sponem montrent qu’il est nécessaire d’être prudent en ce qui concerne ces

indicateurs de performance maintenant que nous sommes dans un mouvement de

«managérialisation» de la société. Cette intention d’importer les méthodes du secteur privé dans la

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20

sphère publique laisse perplexes les professeurs et chercheurs en management. Ce développement

des méthodes de mesure de performance dans toutes les sphères y compris non marchandes est

d’une certaine façon effrayante. Le besoin de prendre en compte les limites de ces indicateurs n’a

pas vraiment été compris par les politiques qui semblent les plébisciter par simple mimétisme. Il est

nécessaire de prendre du recul pour ne pas les adapter aveuglement. Henri Fayol clamait dès 1920

que les choses étaient différentes dans le domaine public. Les effets de cette fascination pour les

méthodes du privé peuvent être redoutables si les méthodes du privé étaient mal comprises ou du

moins mal appliquées. La mise en place d’indicateurs pour mesurer performance d’un individu

prive l’individu d’une certaine liberté or il doit avoir un certain contrôle sur les résultats à obtenir.

Nombreuses sont nos actions qui obéissent à des contingences qui nous échappent et qui échappent

d‘autant plus aux indicateurs. Il est donc indispensable de savoir le degré de contrôle que les

ministres pourront avoir sur l’objet de ces indicateurs. Les indicateurs sont certes des instruments de

gestion très utiles, mais il faut les manier avec précaution. Pour qu’ils constituent un moyen de

progression, il est nécessaire de bien connaître le métier auquel on les applique. Cela se complique

dans le secteur public car aucun métier n’est identique et il faut donc prendre en compte toutes les

particularités. Les indicateurs ne peuvent donc s’appliquer de manière aveugle dans les pouvoirs

publics.

Bertand Guillaume, dans Indicateurs de performance dans le secteur public : entre illusion et

perversité, s’intéresse à la perversité de l’utilisation des indicateurs de gestion, propres au secteur

privé, dans le secteur public. Cette copie, très souvent effectuée sans aucune interprétation,

n’amènerait aucune amélioration de la gestion des politiques publiques. Son analyse critique «

l’usage de l’évaluation économiques des politiques publiques ». Il s’attache surtout à la remise en

question de l’aspect managérial des évaluations. Elle ne consiste pas à réfuter « l’évaluation en soi »

mais bien le sens de cette gestion des politiques publiques. A priori, on ne peut questionner l’idée

qu’une application de la raison dans une évaluation permettrait l’avènement d’une société

meilleure. Mais il ne faut pas oublier que toutes les administrations ne peuvent être soumises au

même traitement. Ayant des objets différents, ce ne sont pas des entreprises pouvant être gérées

d’une façon identique.

Le rôle des économistes est de chercher l’utilité collective des décisions publiques et ainsi,

trouver comment produire sans trop dépenser et éviter ainsi les inefficacités. Cette évaluation

permettrait un gain de liberté aux administrations car leur budget serait assaini des mauvaises

dépenses. Cependant une vision trop mathématique de la société est critiquable. L’évaluation

économique des politiques publiques a mené à l’élaboration d’un appareillage théorique formel et

de techniques quantitatives de mesure qui construisent une forme de « mathématique sociale ». Elle

a certes permis des progrès intellectuels, mais a également simplifié l’approche des différentes

composantes de la société. Bertrand Guillaume dénonce la mauvaise utilisation des données

économiques brutes. Il cite Paul Dumouchel et Jean-Pierre Dupuy : « L’économie est la forme

essentielle du monde moderne, et les problèmes économiques sont nos préoccupations principales.

Pourtant le vrai sens de la vie est ailleurs. Tous le savent. Tous l’oublient. » Cette réflexion est

essentielle pour l’évaluation des politiques publiques puisque les fruits de l’action publique sont

souvent non marchands. L’état malheureux de l’évaluation des politiques publiques est dû à la

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tentation de certains économistes d’effacer tout exercice critique et à la conviction qu’ont certains

élus qu’il y a là le meilleur dispositif pour une gestion « scientifique » de l’action publique (se

condamnant alors à placer la décision publique plus ou moins entre les mains de technocrates au

détriment de la réflexion éthique et de la délibération politique).

Sa critique ne vise pas l’ambition des modèles d’évaluation économique qui est de fournir

des évaluations globales des politiques publiques et pourraient servir la transparence et donc la

démocratie dans la préparation des décisions publiques. Elle s’attache plutôt aux « manques

d’intégration, de traduction, d’interprétation et d’explication des connaissances particulières issues»

de ces évaluations. Les indicateurs entendent évaluer objectivement l’action publique mais en

oubliant la diversité des domaines qu’ils jugent. Le souci de l’approche managériale est qu’elle

laisse libre cours à une mode importée du secteur privée qui tend à piloter l’activité grâce à des

critères chiffrés mais dont le sens pose problème. Dans le secteur public, les indicateurs

d’évaluation se heurtent à la pluralité d’objectifs, aux différentes définitions de la qualité et de la

performance, des formes d’action qui se prêtent difficilement à la mesure. Il serait donc illusoire de

penser possible la compréhension de cette réalité complexe par le biais d’une série d’indicateurs. De

plus, la simplicité qui doit être le fruit de la politique de gestion par indicateurs est souvent bafouée

du fait de la mise en place de certains modes d’évaluation qui s’accompagne parfois d’une

«avalanche de procédures formelles et de lourdeurs bureaucratiques ».

Il faut parvenir à formuler une critique de ces indicateurs, à avoir une réelle interprétation

des résultats sinon, ce qui semble être une garanti de la transparence de notre société pourrait faire

de notre société moderne le royaume du contrôle et de l‘aliénation. Le problème de l’évaluation des

politiques publiques est qu’elle résulte d’une forme de normativité intellectuelle qui nie en quelque

sorte l’intentionnalité humaine. Elle est alors une conception mécaniste des décisions publiques et

semble oublier « toutes les aspirations et valeurs esthétiques ou morales » (Arthur Koestler, Les

racines du hasard). Bertrand Guillaume insiste donc sur la nécessité d’appliquer cette logique

d’évaluation des politiques publiques avec prudence. La critique ne vise pas les indicateurs de

performance en eux-mêmes puisqu’il admet qu’ils peuvent permettre de réels progrès. Son étude

montre en fait à quels risques peuvent mener une utilisation aveugle des résultats. Si aucune

interprétation n’en est faite, on tombe alors dans la perversité et l’illusion.

B) Illustration de l’application de la RGPP dans l’administration : des résultats qui varient d’un ministère à l’autre

a) La mise en œuvre de la LOLF et les premiers bilans

Désormais banalisée sous l’appellation « LOLF », la loi organique du 1er

août 2001, relative

aux lois de finances, qui a été modifiée de manière limitée par la loi organique du 12 juillet 2005, et

appliquée en totalité pour la première fois à la loi de finances pour 2006, est-elle bien la véritable

révolution annoncée par ses fondateurs Didier Migaud et Alain Lambert, et ses annonceurs ? Est-

elle le levier essentiel de la réforme de l’Etat, le moyen de dynamiser l’administration par une

démarche nouvelle de performance ? Ou bien est-elle, comme certains de ses détracteurs peuvent la

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22

présenter, un facteur de dysfonctionnement ? La LOLF a suscité de grandes aspirations, mais une

réforme d’une telle ampleur peut aussi générer des blocages, des effets pervers, voire de nouvelles

contraintes administratives, alors qu’elle poursuit des objectifs inverses.

La Loi Organique relative aux Lois de Finance (LOLF) a modifié l’organisation et la

présentation du budget de l’Etat soumis au vote du Parlement. En effet, depuis 2006, elle

programme les étapes d’une réforme budgétaire d’envergure. Elle passe par une sincère

transformation des processus de gestion des administrations, d’une culture de moyens et de

procédures à une culture d’objectifs et de responsabilité. L’amélioration de l’efficacité de la

dépense publique et de la performance des services de l’Etat est le premier des trois objectifs

fondamentaux de la réforme. Au-delà, elle vise de même le renforcement du rôle du Parlement et la

mise en perspective de l’évolution des finances publiques. Comme le précise Frank Mordacq, le

budget de l’Etat passe d’un modèle structuré par nature de moyens, avec pour seul contrôle la

conformité avec les autorisations de dépenses, à un modèle structuré par les finalités des politiques

publiques, contrôlé par les résultats obtenus. Cela se traduit par l’organisation du budget de l’Etat

en missions, programmes et actions. La mission est désormais la nouvelle unité de vote du

Parlement ; le programme, défini au niveau ministériel, la nouvelle unité de spécialisation des

crédits au sein du budget. Le Parlement et le citoyen sont ainsi en mesure d’apprécier la totalité des

moyens pour mettre en œuvre chaque politique de l’Etat. Concrètement, le Parlement vote le budget

par mission. Une mission est créée à l’initiative du Gouvernement et peut être ministérielle ou

interministérielle. Elle regroupe des programmes. Le Parlement peut modifier la répartition des

dépenses entre programmes au sein d’une même mission. Les programmes ou dotations définissent

le cadre de mise en œuvre des politiques publiques. Le programme constitue une enveloppe globale

et limitative de crédits. Il relève d’un seul ministère et regroupe un ensemble cohérent d’actions. Il

est confié à un responsable, désigné par le ministre concerné. Ce responsable de programme peut en

modifier la répartition des crédits par action et par nature : c’est le principe de la fongibilité.

Découpage indicatif du programme, l’action apporte des précisions sur la destination prévue des

crédits. En effet, la répartition des crédits indiqués en annexe du projet de loi de finances (PLF)

n’est qu’indicative. À chaque programme sont associés des objectifs précis ainsi que des résultats

attendus. Pour faciliter la compréhension de cette organisation, voici un exemple de déclinaison

d’une mission en objectifs, indicateurs et résultats :

- Mission : « gestion des finances publiques et des ressources humaines »

- Programme : Facilitation et sécurisation des échanges

- Objectif : Améliorer l'efficacité de la lutte contre les fraudes douanières, la contrebande et les

contrefaçons

- Indicateur : Saisie de stupéfiants et de tabacs ou de cigarettes de contrebande et de marchandises

de contrefaçon

- Résultats : 4,6 millions d'articles saisis en 2007, 6,4 en 2008 et 7 millions en 2009

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23

La principale innovation de la LOLF, pour les administrations, est l’introduction des notions

d’objectifs et de mesure des résultats : chaque programme est accompagné d’un projet annuel de

performances (PAP) présentant les coûts, les objectifs poursuivis, les résultats obtenus attendus

pour les années à venir. De la même manière, après l’exécution budgétaire, un rapport annuel de

performances est joint au programme pour rendre compte des résultats obtenus et identifier l’écart

avec ceux attendus. Par ailleurs, le Parlement bénéficie d’une meilleure transparence des politiques

publiques et de pouvoir d’amendement et de contrôle renforcé. La faculté de faire des arbitrages

budgétaires entre les programmes relevant d’une mission identique permet au Parlement de faire

savoir au Gouvernement sa vision des priorités de l’action publique. D’autre part, le principe de

justification des crédits au premier euro est une véritable révolution : elle met fin à la distinction

services votés/mesures nouvelles et conduit les ministres à expliquer les éléments constitutifs de la

dépense. Les commissions des Finances des deux chambres peuvent ainsi assurer un contrôle étroit

de la dépense publique, ce qui répond à la souplesse qu’offre la loi organique au Gouvernement.

La nouvelle comptabilité est l’un des éléments fondamentaux du dispositif d’ensemble : elle

garantit la sincérité et la clarté de la gestion publique. Cela passe par la refonte des normes

comptables et du cadre conceptuel, à partir du plan comptable général emprunté à l’entreprise et

adapté aux spécificités de l’Etat. Parallèlement, cette nouvelle comptabilité demande une nécessaire

évolution de la fonction comptable et du rôle du comptable public. Avant, la comptabilité de l’Etat

était exclusivement une comptabilité de caisse. Elle retraçait l’exécution des dépenses budgétaires

du moment où elles étaient payées, et l’exécution des recettes au moment où elles étaient

encaissées. Aujourd’hui, cette comptabilité budgétaire est complétée par une comptabilité générale

et une comptabilité d’analyse du coût des actions des programmes. La comptabilité générale décrit

la situation patrimoniale de l’Etat, c’est-à-dire l’ensemble de ce qu’il possède (terrains, immeubles,

créances) et de ce qu’il doit (emprunt, dettes). La comptabilité d’analyse est destinée à renseigner le

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24

Parlement sur les moyens alloués à la réalisation des actions prévues au sein des programmes. Elle

permet aussi la mesure de la performance des administrations.

La mise en œuvre de la LOLF s’est donc traduite par quatre volets : le premier concerne la

structuration des nouveaux budgets ministériels en programmes (1300 chapitres en 1990, 850 au

début des années 2000, environ 100 à 150 programmes aujourd’hui) ainsi que l'identification

d'indicateurs pertinents et fiables. Les gestionnaires acquièrent donc de nouvelles responsabilités.

En contrepartie, ceux-ci s'engagent sur les projets de performance dont les résultats seront mesurés

dans les rapports de performance. Le deuxième volet renvoie à la nouvelle comptabilité vue

précédemment. Le troisième volet lui, concerne de nouveaux modes de management et d'action

publique inhérents à la loi organique, qui se traduisent dans la réalité quotidienne par de nouveaux

modes de gestion. Ceux-ci passent, entre autres, par une déclinaison des programmes nationaux au

niveau déconcentré (budgets opérationnels de programme) et par un dialogue de gestion entre

administration centrale et service déconcentré (contrôle de gestion, modalités de « reporting »,

gestion des ressources humaines…). Enfin, le quatrième et dernier volet implique la mise en place

de nouveaux systèmes intégrés d'information. C'est à travers eux que sont mis en œuvre les

nouvelles normes comptables et le nouveau cadre de gestion. Ils passent par le développement du

système d'information financier et comptable ACCORD dans toutes les administrations centrales en

place depuis 2004 et par l'évolution des systèmes d'information ministériels de gestion.

Afin de suivre l’application de la LOLF au sein du Ministère des Finances et dans les autres

ministères de l’Etat, il a été créé une nouvelle direction au ministère de l’Economie, des Finances et

de l’Industrie : la direction de la Réforme budgétaire (DRB), qui a adopté un mode de

fonctionnement interministériel, garant de la transparence et gage de l’adhésion de l’ensemble des

ministères aux décisions prises.

Dès lors, pour une politique donnée, l'État se fixe des objectifs précis à atteindre, avec des

moyens alloués pour atteindre ces objectifs. La « performance » des services est ainsi mesurée de

façon plus concrète : une politique publique est d'autant plus performante que les objectifs sont

atteints ou approchés grâce aux moyens alloués. Une vraie culture de la performance s'est instaurée

au sein de l'administration. La réforme budgétaire responsabilise davantage les gestionnaires

publics. Des responsables de programme doivent définir, chacun à leur niveau, les objectifs, les

stratégies et les indicateurs de performances des politiques publiques dont ils sont chargés. Ils

disposent d'une plus grande liberté dans la gestion des moyens alloués en contrepartie d'un

engagement sur des objectifs de performance. Les gestionnaires ont l'obligation de rendre compte

de leur gestion pour expliquer les éventuels écarts entre la prévision et la réalisation.

Que penser de ce dispositif ?

Dans son article, La loi de finances 2006 sous le signe de la LOLF, issu du magazine

Économie et politique, paru en juillet-août 2005, Jean-Marc Durand présentait deux risques de la

mise en place de la LOLF. D’une part, il avançait que cela déboucherait sur des garanties statutaires

bafouées. Il évoquait le risque d'une globalisation des crédits au sein des programmes entraînant la

négation des différences de statut. En effet, la LOLF permet de modifier le modèle français en

rapport au modèle utilisé par de nombreux pays faisant fonctionner leur administration publique sur

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25

le modèle des agences. Ce système implique une rémunération au mérite qui n'est pas forcément

souhaitable. La négation du principe de gestion transparente et collective de l'État est une menace

pour l'unicité de la fonction publique d'État. De plus, J.M. Durand prévoyait l’utilisation d’une

logique financière en guise de critère de gestion : J.M. Durand établit un lien entre « performance,

projet d'établissement, maîtrise comptable des dépenses, contrats d'objectifs (et) pressions sur le

personnel ». Cette mise en rapport met en évidence la vision très négative qu'il a de l'application de

la logique de performance à la sphère publique, ayant notamment dans les collectivités locales des

conséquences très négatives en matière d'emploi. Cela déboucherait sur une réduction trop

importante du rôle du comptable public. Selon l’auteur, on cherche à appliquer la logique privée au

secteur public or, le privé cherche en priorité le profit en réduisant le coût social au maximum, ce

que l'administration publique ne peut pas se permettre.

Ces conclusions viennent à l’encontre de ce qui a été prévu par la révision de l’administration qui a

été détaillée plus haut. Ainsi, selon l'auteur, les vrais objectifs de la loi ont été cachés au public et

devraient en réalité provoquer des restructurations massives de l'administration de l'État, une

concentration des missions et une diminution du nombre de fonctionnaires.

Jean-Marc Durand évoque dès lors un besoin urgent de solutions alternatives et propose de retenir

deux objectifs principaux dans le but de repenser la réorganisation des finances publiques :

premièrement il avance l’idée d’ « une gestion démocratique par l'attribution des droits nouveaux

d'intervention et de contrôle aux fonctionnaires et aux usagers » ; d’autre part, il propose « une

priorité totale donnée à l'efficacité sociale », via la réaffirmation de la sécurité de l'emploi, une

grille collective de rémunération réactualisée (pas de rémunération au mérite donc), la création

d'emplois de titulaires pour remplacer les départs à la retraite, et un meilleur suivi de l'utilisation des

crédits grâce à un renforcement des contrôles internes. Enfin, J.M. Durand est également favorable

à une augmentation du pouvoir des parlementaires lors de l'élaboration du Projet de Loi de Finances

(PLF), ainsi qu'à une augmentation de la transparence par l'organisation de réunions publiques dans

chaque circonscription, afin de présenter les grandes lignes du budget aux citoyens. J.M. Durand

concluait sur la nécessité « d'engager un dépassement rapide de la LOLF et de donner à la

préparation du budget (...) la dimension démocratique et la transparence auxquelles elle aspire ».

Cette prévision plutôt pessimiste s’est-elle réalisée ? Quels changements et quels résultats peuvent

être jugés aujourd’hui ?

La LOLF est-elle un bon moyen d’évaluer les politiques publiques ?

La LOLF n’avait pas pour seul objectif une meilleure lisibilité de l’affectation des crédits.

Elle se donnait pour ambition de substituer « une logique de résultats à une logique de moyens ». La

réforme repose sur la volonté de ne pas affecter des crédits sans idée de la pertinence de ces

affectations. Ces crédits sont votés sur le fondement de l’engagement à atteindre des résultats.

Chaque programme comprend donc de quatre à six objectifs ainsi que des indicateurs de résultat

associés, à la fois en prévision (Projet Annuel de Performance) et en réalisation (Rapport Annuel de

Performance). On distingue alors l’utilisation de trois types d’indicateurs : les indicateurs

socioéconomiques qui s’adressent aux citoyens ; les indicateurs de qualité de service, qui

représentent le quart de l’ensemble et sont destinés à l’usager ; et les indicateurs d’efficience, qui

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mettent en relation les moyens engagés et l’activité réalisée, qui concerne les contribuables. Tout

semble être fait pour une meilleure communication avec les citoyens. Toutefois, si la LOLF a

renforcé la liberté de gestion, en contrepartie, elle implique une exigence : les prévisions des

indicateurs sont-elles atteintes par les administrations ? La mesure de la performance crée donc une

contrainte nouvelle pour les administrations publiques, en matière par exemple de gestion des

ressources humaines, notamment en anticipant les besoins de recrutement et en modifiant les

conditions d’attribution des primes. Depuis 2006, 20% de la rémunération des directeurs

d’administration centrale est liée aux résultats.

Ce dispositif qui implique un principe de transparence et de mesure de l’action et des

résultats obtenus, est séduisant. Cependant, dans la revue L’Actualité Juridique. Droit Administratif

du 14 juillet 2008, Suzanne Maury, dans son article « La LOLF est-elle un bon moyen d’évaluer les

politiques publiques ? », s’interroge sur la réussite de la réforme et démontre un système

d’indicateurs qui n’est pas au point. En effet, si le système mis en place par la LOLF permet de

mesurer la qualité, l’efficacité ou l’efficience de l’action publique, dans quelle mesure ce dispositif

permet-il de donner des pistes sur l’action à mener au-delà d’une simple mesure de résultat ?

Selon S. Maury, le choix des indicateurs n’est pas stabilisé. Elle prend appui sur le budget de l’Etat

français de 2008. Elle parvient à montrer que de nombreux indicateurs ne peuvent même pas être

calculés, faute de données. De plus, les indicateurs seraient d’intérêt inégal et certains ne seraient

pas pertinents. Quant aux objectifs, ils sont d’après elle, trop nombreux et hétérogènes, ce qui

empêche la formation d’un système cohérent. La préparation du budget 2008 a été la première

occasion pour le Parlement d’utiliser les rapports annuels de performance (RAP) pour juger

l’atteinte des engagements pris en 2006. Une relative stabilité des indicateurs est donc souhaitable

pour que ces RAP soient utilisés pour l’affectation des crédits 2008. S. Maury fonde son étude sur

trois programmes : le programme 140 sur « l’Enseignement scolaire public du premier degré », le

programme 107 concernant « l’Administration pénitentiaire » et le programme 148 sur « la

Fonction publique ». Or, seul le programme 140 a conservé les mêmes objectifs. Quant aux

indicateurs, ils ne sont restés identiques dans aucun des programmes étudiés. Par exemple, sur le

programme « Premier degré », 8 indicateurs sont nouveaux sur 20, et 2 indicateurs présents en 2006

ont été enlevés. Les indicateurs dans ces conditions ne peuvent être parlants selon S. Maury.

Les indicateurs mis en place concernent l’année passée et l’année à venir, c’est pourquoi des valeurs

cibles à atteindre deux ou trois années plus tard sont également instaurées. Ils correspondent à la

progression dans l’atteinte des objectifs. Elle comprend que les promoteurs de la LOLF aient

souhaité l’inscription de ces valeurs cibles, car un indicateur pour être significatif doit s’inscrire

dans une logique de comparaison, qu’elle soit européenne ou internationale. Un indicateur

s’améliore ou se détériore avec le temps, son évolution lui donne du sens. La LOLF est censée

« mettre les fonctionnaires sous tension ». S. Maury s’interroge : « comment le faire sans afficher

des objectifs ambitieux qui vont donner du sens à l’action publique et les amener à faire des efforts

? »

Lorsqu’on interview un Conseiller Général des Yvelines, il s’accorde avec la limite que

nous avons relevé : il n’existe pas de sanction à l’égard des fonctionnaires qui ne parviendraient pas

à la réalisation des objectifs fixés et à suivre les indicateurs choisis. En effet, l’un des avantages de

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la fonction publique relève de la sécurité de l’emploi. Cette volonté d’appliquer des indicateurs et

des objectifs propres au secteur privé au secteur public n’est pas réalisable tant qu’une réforme plus

profonde de l’administration centrale et déconcentrée n’est pas envisagée. Toutefois, il souhaite

mentionner que cette réforme qu’impliquent la RGPP et la LOLF est un premier pas vers la réforme

de l’Etat et doit être poursuivie. Il n’y a pas que des conséquences négatives et des résultats peu

probants qui peuvent être relevés. D’ailleurs, les défenseurs de la LOLF le soulignent.

Lors des conférences organisées par le Conseil Economique, Social et Environnemental le

vendredi 16 décembre 2011 au Palais d’Iéna à Paris en partenariat avec KPMG (Conférences en

annexes), un bilan de la LOLF est dressé : « Dix ans après la LOLF : où en est la réforme

budgétaire ? » Pierre-Mathieu Duhamel, Président du comité Stratégique de KPMG s’exprime : «

Au moment où l’ampleur de la crise des finances publiques ne permet plus de retarder les choix, la

LOLF n’en constitue pas moins un outil essentiel pour permettre de les éclairer. Les outils qui ont

été créés et perfectionnés ces dernières années fournissent des indications précieuses sur le coût de

la pertinence des politiques publiques qui sont menées. Il faut dorénavant s’en servir pour aborder

les questions qui se posent à tous les gouvernements : la place de l’Etat et le poids de la dépense

publique dans l’économie et la société et la redéfinition du périmètre de l’action publique, en

cherchant à privilégier ce qui est déterminant pour l’avenir au détriment de la préférence pour le

présent. »

La première conférence ayant pour objet « LOLF et gestion publique. Où en est le

mouvement de rénovation de la gestion de l’Etat initié par la LOLF ? », animée par Michel Bouvier,

Directeur de la Revue Française de Finances Publiques et Présidée par Pierre-Mathieu Duhamel,

Président du Comité Stratégique de KPMG, revient sur les grands changements induits par la LOLF

et sur l’efficacité des indicateurs et objectifs employés. Tout d’abord, on assiste à un progressif

changement des mentalités dans le secteur public puisqu’en effet, les directeurs de programmes

établis par la LOLF se voient comme de réels managers et directeurs d’entreprise. Jean-Denis

Combrexelle rappelle alors que la LOLF est utilisée pour entrer dans une logique d’aménagement.

Elle a été un outil qui a permis de « faire rentrer le chiffre dans le droit ». Au fur et à mesure que les

indicateurs de gestion s’insèrent dans la gestion du secteur public, on assiste à l’émergence d’une

direction opérationnelle. À son tour, J. Fournel explique qu’il n’y a pas forcément de modèle

unique. Mais dans les modèles existants, on trouve une certaine responsabilisation ainsi qu’une

autonomie de gestion qui renvoie à quelque chose de vertueux. H.M. Comet quant à lui, ne croît pas

qu’il y est de contradiction entre la LOLF et la déconcentration toutefois, a créé des organisations,

ainsi que des budgets interministériels qui sont peu utilisés et peu répandus ; il existe donc un

besoin de déconcentrer un peu, mais la logique de performance est reliée à la réalité. Aujourd’hui,

le changement est radical avec la LOLF et on a même parfois affaire à un indicateur de performance

trop approprié. P.M. Duhamel souligne qu’il a le sentiment que le changement est profond, et

renouvelle son engouement pour la LOLF. Selon lui, il faut poursuivre sur cette voie, avec

l’instauration d’indicateurs moins nombreux, plus robustes et plus simples qui permettraient de

rendre les évolutions plus visibles. Il est partisan d’une comparaison entre les ministères favorisée

par l’utilisation d’indicateurs identiques. H.M. Comet rappelle en effet que le contrôle qui

accompagne la LOLF afin de mesurer la performance peut déboucher sur des indicateurs trop

nombreux et trop mobiles. Le travail le plus important est celui de la transparence. Selon lui, les

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comparaisons sont souvent revues, mais il faudrait au contraire laisser une stimulation personnelle

aux fonctionnaires qui souhaitent « bien faire leur travail ». C’est dans ce sens que Didier Migaud

conclue cette conférence, prônant l’importance d’établir des indicateurs objectifs communs qui

permettraient une meilleure évaluation de la performance publique sans toutefois remettre en cause

la réorganisation mise en place suite à la LOLF.

Ainsi, la LOLF est un réel bouleversement de l’organisation de l’Etat et instaure de

véritables mesures qui visent la systématisation de la performance au sein du secteur public. Les

indicateurs qui sont l’un des éléments primordiaux dans cette réorganisation ont un objectif

honorable. D’ailleurs, le ministère du Budget présente sur son site les premiers résultats que la

LOLF permet à l'administration qui sont permis grâce à l’utilisation des indicateurs : - d’agir plus

efficacement pour le citoyen ; - de rendre des services de meilleure qualité aux usagers ; - d’utiliser

de façon plus performante l’argent des contribuables. Il propose ainsi de vérifier ses dires en

permettant de vérifier les résultats précis de la Direction régionale des Affaires sanitaires et sociales

des Pays de la Loire, ou de la Trésorerie générale de l’Aveyron, ou de la Direction des services

fiscaux de Saône et Loire, ou bien encore du rectorat de Bordeaux entre autres. Cependant, les

indicateurs rencontrent des difficultés à s’adapter et leur utilisation nécessite du temps pour se

mettre en place. Il faut néanmoins relativiser leur utilisation, qui, même si elle part d’une logique

pertinente, ne s’avère pas toujours applicable selon les institutions publiques et les politiques

publiques menées dans les différents ministères.

b) L’application au sein du Ministère des Affaires étrangères : le cas de la diplomatie

« C’est délirant, ça n’a aucun sens et ça ne correspond à rien, c’est artificiel... on ne peut pas

quantifier ça au nombre d’entretiens avec des ministres ou des homologues étrangers... Si on est

évalué là-dessus, c’est facile de faire ça ! Pour les pays dont je m’occupe, les ministres transitent

par Paris toutes les semaines, si l’idée est de faire du chiffre, si les moyens alloués dépendent de ces

indicateurs, on va faire du chiffre ! Je suis capable de rencontrer 20 ministres par semaine ! »

Ce discours critique fournit par un sous-directeur des Affaires Etrangères à Valérie Boussard

et à Marc Loriol au sujet de leur étude sur Les cadres du ministère des Affaires étrangères et

européennes face à la LOLF, dresse une nette opposition entre l’activité diplomatique d’un côté et

une activité économique ou industrielle de l’autre, dans le contexte de la mise en œuvre de la LOLF

au sein du ministère des affaires étrangères.

En effet, depuis le 1er

janvier 2006, la Loi organique relative aux lois de finance a été mise

en œuvre dans toutes les administrations. S’inspirant du New Public Management, elle a pour

fonction d’induire une meilleure efficacité et qualité du service rendu.

La situation grave des finances publiques conjuguée à la révision de son statut de grande puissance

communautaire depuis l’élargissement de l’Union européenne ont conduit la France à la

formalisation d’une politique dite « d’influence » qui sous-tend les restructurations administratives

et la réorganisation du réseau diplomatique et consulaire en cours.

Bien qu’en contrepartie, les cadres dirigeants de la fonction publique bénéficient d’une plus grande

autonomie de gestion, la mise en œuvre de la LOLF suscite de nombreuses critiques notamment à

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propos de l’utilisation d’outils managériaux.

Face aux critiques, de nombreuses questions peuvent être soulevées. Ainsi, s’agit-il

d’adapter la diplomatie française aux nouvelles politiques multilatéralistes ou tout simplement aux

contraintes budgétaires ? Peut-on mesurer la performance diplomatique ? La mise en place de la

LOLF ne permet-elle pas une nouvelle définition de la diplomatie avec de nouveaux enjeux de

carrière ?

Une nouvelle diplomatie fondée sur de nouvelles donnes budgétaires ?

Les conséquences de la Première Guerre mondiale ont remis en question le modèle traditionnel

de la diplomatie, essentiellement fondé sur des échanges bilatéraux élitistes et confidentiels entre

dirigeants politiques dans le but unique de nouer des alliances offensives ou défensives. Une

nouvelle diplomatie a été revendiquée, cherchant une plus grande ouverture aux questions

multilatérales.

Depuis une vingtaine d’années, cette ouverture accorde une plus grande place à la gestion des

hommes et des moyens, notamment une plus grande qualification sur ces questions managériales et

financières. Dans un contexte de restriction budgétaire, la question des moyens et de gestion est

devenue centrale au sein du Ministère des affaires étrangères.

Cette nouvelle diplomatie a ainsi vu entrer en son sein des cadres ayant une culture de l’action

logistique et de gestion de programme. Ils se sont ainsi fait le fer de lance de la mise en place d’un

système de gestion des compétences inspiré des principes du monde industriel.

Par le plan de modernisation et la LOLF, la diplomatie traditionnelle a ainsi dû laisser sa place à une

nouvelle diplomatie dans de nouvelles contraintes.

En 2006, le Ministère des affaires étrangères est le premier à signer un contrat triennal de

modernisation avec le ministère des Finances. Dans ce cadre, le Comité interministériel des moyens

de l’Etat à l’étranger (CIMEE) a adopté une directive nationale d’orientation des ambassades

(DNO), qui a pour objectif de proposer une typologie des postes diplomatiques en fonction des

enjeux politiques et d’allouer les moyens humains, financiers et techniques en conséquence. Ce

modèle semble se calquer sur le celui de la LOLF, car ces moyens sont déclinés en volet

« comptable » et volet « contrôle de gestion ». Le responsable de programme définit une stratégie

pluriannuelle et est responsable de son action. Chaque programme est décliné en objectifs, eux-

mêmes mesurés par des indicateurs. Prenons ainsi l’exemple du programme 105, à savoir « Action

de la France dans l’Europe et dans le monde ». Les résultats sont mesurés grâce à différents

indicateurs : le nombre de consultations sur internet du ministère, la présence de langue française et

des français dans les institutions internationales.

Une modernisation suscitant de nombreux clivages

Si ces dispositifs de modernisation pouvaient apparaître comme une opportunité pour faire

valoir les transformations de l’activité des diplomates, il semble qu’à l’usage, ils aient été fortement

critiqués, notamment les indicateurs de performance.

La première raison invoquée par ses détracteurs est tout simplement que l’activité diplomatique ne

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30

saurait être rendue compte par des critères utilisés dans le domaine privé.

Ainsi, ces critères d’évaluation réduiraient la performance de la diplomatie française à des

activités périphériques, pouvant être évaluées. Valérie Boussard estime qu’il est difficile de

« mesurer ces résultats sur le long terme et de façon plus qualitative que quantitative. » En effet, les

résultats ne pourraient être mesurés que sur le long terme et de manière qualitative.

Ces indicateurs dans un tel milieu posent aussi un problème dans leur définition même. Prenons

l’exemple de la chancellerie politique cherchant à mesurer sa performance. Peut-elle le faire à

travers le nombre d’articles de presse parus sur la France dans le pays ? Est-ce le nombre d’articles

qu’il faut compter ou le nombre d’articles renforçant l’image de la France ? On comprend donc que

s’en tenir au strict respect de l’indicateur serait synonyme de renoncer à faire son travail

correctement.

Il apparait clairement que la contradiction accordée au discours de modernisation et à la

volonté affichée de passer à une « nouvelle diplomatie » s’explique non pas pour des raisons de

nécessité de renfort de coopération entre les différentes administrations, et s’adapter au

multilatéralisme, mais bien pour des raisons de réductions importantes des moyens alloués.

Le problème qui est dès lors posé serait le suivant : la LOLF, au sein du Ministère des affaires

étrangères, plaque des recettes qui peuvent servir pour certaines administrations de gestion (Etat-

civil de Consulats, visas), mais qui ne fonctionnent pas pour la Représentation de la France. Le

consulat devient ainsi une usine, tiraillée entre gestion et représentation, qualité du travail et

rendement.

Le risque est grand que face à des indicateurs chiffrés, des objectifs politiques qui ne sont pas

inscrits dans un ensemble de référentiels clairs et bien légitimés n’apparaissent que comme des

déclarations d’intentions générales et creuses.

Les critères de la LOLF ne sont donc pas forcément applicable à la diplomatie, toute nouvelle soit

elle.

Cependant, la mise en place de la LOLF a aussi permis l’émergence d’un nouveau rôle de cadre.

Entre élitisme et démocratisation, entre généralisme et expertise, les débats ont été

incessants. Un besoin de renouveau s’est fait sentir. Il engendre une réflexion sur la formation des

diplomates, sur l’évolution de leurs carrières, sur la pratique de leur métier par des personnes

venues d’autres horizons et sur son adaptation aux impératifs nouveaux des sociétés,

En effet, un enjeu de la modernisation managériale est l’émergence de nouvelles

compétences et leur valorisation. Elle ouvre de nouvelles perspectives de carrière en valorisant les

compétences gestionnaires et en créant de nouveaux savoirs. Une nouvelle expertise est

revendiquée et les chefs de services administratifs et financiers (SAF) ont ainsi un nouveau rôle à

jouer. Ces principes augurent de nouvelles définitions du diplomate. Les cadres A des directions

logistiques ou administratives peuvent ainsi améliorer leur carrière par leurs savoirs perçus comme

grandement utile tout en légitimant leur action. Ces nouvelles perspectives entraînent un renouveau

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31

de la réflexion sur le travail du diplomate : Qu’est-ce que négocier, représenter la France, et quelles

compétences ou qualifications spécifiques cela implique-t-il s’il faut prendre ces nouvelles donnes

contraignantes en compte ? La justification de ce travail doit être renforcée face à la nouvelle

rhétorique gestionnaire, voire y trouver sa traduction et sa valorisation.

La seule certitude est les indicateurs de la loi organique relative aux lois de finance, comme

le rappelle Jean-René Brunetière dans un livre du même titre, seront une occasion de débat

démocratique.

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32

● Conclusion : « Tout ce qui compte ne peut pas toujours être compté et tout ce qui peut être compté ne compte pas toujours. »

Cette phrase d’Albert Einstein est tout à fait significative de la question de la neutralité des

indicateurs de performance développés au sein de la Fonction publique et de ses administrations

dans le cadre de la RGPP.

Améliorer la qualité du service rendu aux usagers, réduire les dépenses publiques,

poursuivre la modernisation de la Fonction publique et valoriser l’initiative de ses agents, telles sont

les principales missions de la RGPP.

Un besoin de renouveau s’est fait sentir, c’est pourquoi la RGPP a été mise en place afin de

permettre une plus grande visibilité et lisibilité de l’action administrative. Cette dernière doit

désormais s’adapter aux impératifs nouveaux de la société. Au global, il s’agit d’une amplification

de l’effort de modernisation. L’enjeu de cette modernisation managériale, qu’offre la RGPP, ouvre

notamment de nouvelles perspectives de carrière en valorisant les compétences gestionnaires et en

créant de nouveaux savoirs au sein des différentes administrations. Par ailleurs, l’intervention de

l’Etat étant de plus en plus multiforme, il s’agissait de ne plus multiplier ses missions sans

qu’aucune cohérence d’ensemble ne soit garantie.

Cependant, la mise en place de la RGPP a, on l’a vu, été et sera à l’origine de nombreux

enjeux au sein de l’administration française. Or, elle pose des problèmes d’application des principes

dont elle s’inspire (principalement ceux du New Public Management, à l’origine destinés aux

domaines industriels et économiques) et ses efforts de modernisation se heurtent souvent à la

culture historique de l’administration française.

Si les indicateurs sont certes des instruments de gestion très utiles, il faut les manier avec

précaution. Pour qu’ils constituent un moyen de progression, il est nécessaire de bien connaître le

métier auquel on les applique. Ainsi, les indicateurs issus du privé évaluent objectivement l’action

publique mais en oubliant la diversité des domaines qu’ils jugent.

Le rapport du 17 décembre 2009 de la Cour des comptes allait dans ce sens, lorsqu’elle

faisait remarquer que « le non remplacement d’un fonctionnaire sur deux était une mesure dictée

par des considérations budgétaires de court terme » qui résulte d’une « démarche purement

quantitative ».

Ainsi les nouveaux enjeux de la RGPP liés à ces nouveaux impératifs de la société doivent

davantage prendre en compte l’analyse des missions plutôt que la question quantitative ainsi que le

faisait remarquer la Cour des comptes : « si l’introduction d’une norme d’évolution des effectifs

apparaît comme un levier nécessaire de l’évolution des effectifs publics, elle ne peut trouver sa

pertinence sur moyen terme qu’au prix d’une articulation avec une approche plus qualitative basée

sur l’analyse des missions. »

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33

● Bibliographie

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indicateurs », laviedesidées.fr, 22/02/2008

- Philippe Beze, « Le renouveau du contrôle des bureaucraties. L’impact du New Public

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politique, juillet-août 2005

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perversité. », Cité PUF n°37, janvier 2009

- Thierry Le Nedic, « La Performance dans le secteur public : Outils, acteurs et stratégies -

L'expérience de la ville de Paris », Sous la direction de Monsieur Frédéric KLETZ, Ecole

des Mines de Paris, septembre 2009

- Philippe Lorino, Méthodes et pratiques de la performance : le pilotage par les processus et

les compétences, éditions Organisation, 2001

- Suzanne Maury, « La LOLF est-elle un bon moyen d’évaluer les politiques publiques ? »,

l’Actualité juridique. Droit Administratif n°25, 2008

- Raphaël Poli, « Les indicateurs de performance de la dépense publique », Revue française

des Finances Publiques n° 82, juin 2003

- Alexandre Sine, Brice Lannaud, « La mesure de la performance de l’action publique », Les

Rapports de la Documentation française, 2007

- Sylvie Trosa, « Vers un management public post-bureaucratique », Sociétal, Troisième

trimestre 2006

- Rapport Pébereau, La Dette Publique. Ensemble des dettes de l’Etat résultant des emprunts

que ce dernier a émis ou garantis. 2005

- Rapport Terra Nova, Cinq ans de revue générale des politiques publiques (RGPP) : un échec

politique et administratif, Henri PRIMAT* (*Pseudonyme)

- http://www.insee.fr/

- http://www.ladocumentationfrancaise.fr/

- http://www.rgpp.modernisation.gouv.fr/

- http://www.performance-publique.budget.gouv.fr/

- http://www.bercy.gouv.fr/lolf/4clics/clic1.htm

- http://www.education.gouv.fr/cid31/la-lolf-qu-est-ce-que-c-est.html

- http://www.performance-publique.budget.gouv.fr/la-gestion-budgetaire/le-cadre-de-la-

gestion-budgetaire/lessentiel/la-lolf.html

Page 34: Les indicateurs de gestion sont-t-ils neutres ? Le cas de la RGPP

34

(année universitaire 2011-2012)

Grade : L3 Pôle d’enseignement : Économie, entreprises et secteur public Matière : Les réalités de l’entreprise

Date de la soutenance : mercredi 15 février 2012

ANNEXES

Correspondant du groupe : Audrey Lenfant Membres du groupe : - Alix de Boisgelin - Victoire Cauchard - Éléna Étrillard - Audrey Lenfant - Constance Roger

Institut Supérieur du Management Public et Politique (ISMaPP)

Établissement d’enseignement supérieur privé reconnu par l’Etat

80, rue Taitbout 75009 PARIS ✆ +33 (0) 1 55 50 12 40 ✉ [email protected]

Page 35: Les indicateurs de gestion sont-t-ils neutres ? Le cas de la RGPP

35

● Présentation de certains auteurs :

Philippe Bezes

Chercheur au CNRS et au CERSA, Université Paris-II.

Valérie Boussard est docteur en sociologie, diplômée d'HEC, elle est maître de conférences à

l'université de Versailles-St-Quentin où elle enseigne la sociologie du travail et des organisations.

Elle est responsable d'un DESS de conduite du changement et chercheur au laboratoire

PRINTEMPS au sein du CNRS. Elle a notamment à plusieurs écrits avec Marc Loriol, dont « Les

cadres du ministère des Affaires étrangères et européennes », article publié dans La Revue française

d’administration publique.

Jean-René Brunetière est ingénieur général des Ponts, des eaux et forêts, ancien directeur de cabinet

de Claude Evin au ministère de la Solidarité, de la Santé et de la Protection sociale. Il a été nommé

coordonnateur de la nouvelle commission spéciale du développement durable du Conseil général de

l’environnement et du développement durable (CGEDD). Il est notamment l’auteur de l’ouvrage

Les indicateurs de la loi organique relative aux lois de finance (LOLF) : Une occasion de débat

démocratique ?

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36

Marc Loriol sociologue, est chercheur au CNRS (Université de Paris I - Panthéon-Sorbonne). Il a

travaillé pour une grande part sur les métiers de la fonction publique. Il dirige depuis 2005 une

recherche intitulée « les métiers de la diplomatie » à la demande de la DRH du Ministère des

Affaires étrangères qui s’appuie sur des entretiens et des observations de séquences de travail

auprès de différents agents du ministère. Il a également animé le débat « Les enjeux actuels de

l’évolution des métiers de la diplomatie » lors de la journée d’étude du vendredi 3 octobre 2008

« Diplomatie en renouvellement ».

Sylvie Trosa

Philosophe fonctionnaire, expert en management international.

● Fiches de lecture :

La mesure de la performance de l’action publique

Alexandre SINÉ,

Brice LANNAUD

Les Rapports de la Documentation française, 2007

Introduction :

Chaque année, à l’automne les interprètes distinguent les « gagnants » et les « perdants » avec

une grille d’analyse valorisant les budgets en augmentation. La qualité et l’efficacité du service

rendu sont alors au second plan.

Au milieu des années 1990, la France a entamé sa conversion en enrichissant ses lois de finances de

projets annuels de performances (PAP). Ces derniers sont la manifestation la plus importante de

l’introduction de la mesure de la performance.

Page 37: Les indicateurs de gestion sont-t-ils neutres ? Le cas de la RGPP

37

Il s’agit d’améliorer le service public dans un contexte de crise et de maîtrise renforcée des

dépenses publiques en appréhendant la question de l’efficacité du secteur publique.

La véritable nouveauté tient à l’association étroite de la question de la performance et de la

procédure budgétaire.

L’enjeu est de parvenir à dépenser mieux. L’objectif est de faire passer l’Etat d’une logique de

moyens à une logique de résultats. C’est pourquoi de nouveaux outils ont été créés pour mesurer de

façon objective la performance publique.

Mesurer la performance de l’action publique pour mieux gouverner

La mesure de la performance est nécessaire à pour répondre à l’exigence démocratique. Les acteurs

publics ont des comptes à rendre sur l’emploi de ressources publiques.

Désormais, dans le cadre du projet de loi de finances, les ministres et les responsables de

programme s’engagent ainsi devant le Parlement sur des objectifs chiffrés. Ils rendent compte des

résultats obtenus et expliquent les écarts par rapport aux prévisions dans les rapports de

performances (RAP).

La fixation d’objectifs a priori et la mesure des résultats atteints constituent un socle de la

responsabilisation des gestionnaires sur les résultats.

A la différence de la sphère privée, le décideur politique et le gestionnaire ne bénéficient pas de

l’information produite et véhiculée par le marché (demande, prix d’équilibre…).

La mesure de la performance doit permettre de renseigner sur l’efficacité des choix de politique et

l’efficience des choix de gestion.

Les activités, produits, gestion et efficience de l’autorité publique sont à appréhender au regard de

la satisfaction des problèmes publics (finalités externe).

On distingue deux fonctions de production :

- La première consiste à allouer et gérer ses ressources.

- La seconde permet d’apprécier l’impact des biens et des services produits ou délivrés par

l’activité publique sur la réalité socio-économique.

Les deux fonctions de production composant l’action publique.

La première fonction de production (allocation des moyens humains, financiers ou autres) est

comparable à celle des organisations privées.

La seconde fonction de production (impact socio-économique et traitement des problèmes publics)

est spécifique à l’action publique.

Le contrôle de gestion et la mesure de la performance apportent les indications nécessaires au

pilotage des politiques publiques et à la prise de mesures correctrices par des réformes.

La mesure de la performance est le chaînon qui articule contrôle de gestion et évaluation des

politiques publiques. Elle doit conduire à mieux définir, sur la durée, les objectifs et les priorités des

Page 38: Les indicateurs de gestion sont-t-ils neutres ? Le cas de la RGPP

38

politiques publiques. C’est un outil pour mieux gouverner les politiques publiques.

La mesure de la performance, à l’intersection du contrôle de gestion et de

l’évaluation.

Définitions

Evaluation des politiques publiques : apprécier si les moyens juridiques, administratifs,

organisationnels… mis en œuvre et les biens et les services publics rendus permettent d’obtenir les

effets attendus de la politique et les objectifs qui lui sont liés.

Contrôle de gestion : produire les outils de connaissances des coûts, des activités et des résultats

pour améliorer le rapport entre les moyens mobilisés et l’activité ou les résultats produits et pour

nourrir et objectiver le dialogue de gestion entre les acteurs des différents niveaux d’une

administration et pour améliorer le pilotage.

La mesure de la performance n’est pas une fin en soi, elle doit permettre la prise de décision

adéquate par le parlementaire (dans seul 19% des pays de l’OCDE, on considère que les hommes

politiques utilisent la performance dans leurs décisions politiques).

Si la performance n’est pas un outil de budgétisation, elle doit permettre ; d’apprécier et d’améliorer

l’efficacité de la dépense publique, de promouvoir des réformes, de fixer des objectifs au

gestionnaire, de contrôler l’utilisation des crédits au sein des programmes.

Comment mesure la performance de l’action publique ?

La mesure de la performance est introduite par les articles 51 et 54 de la LOLF.

Si la loi organique fixe un cadre, elle ne permettrait pas de décliner des modalités de définitions

d’objectifs et d’indicateurs de performances.

Un Etat performant est un Etat qui cherche et qui concourt à l’intérêt général et qui s’efforce en

permanence d’améliorer l’efficacité de son action et en particulier la dépense publique.

Pour qualifier la performance de l’action publique, trois axes ont été définis : celui du citoyen, celui

de l’usager et celui du contribuable.

Les objectifs de performance doivent retracer de façon équilibrée les trois points de vue et un

équilibre de ces trois axes est nécessaire pour témoigner d’une véritable amélioration de la gestion

d’un programme.

-Les objectifs d’efficacité socio-économique énoncent le bénéfice attendu de l’action de l’Etat pour

le citoyen en termes de modification de la réalité économique, sociale…

-Les objectifs de qualité de service énoncent la qualité attendue du service, c’est à dire l’aptitude du

service public à prendre en compte les attentes et les contraintes de son bénéficiaire.

Page 39: Les indicateurs de gestion sont-t-ils neutres ? Le cas de la RGPP

39

-Les objectifs d’efficience de la gestion expriment l’optimisation attendue dans l’utilisation des

moyens employés en rapportant les biens et les services délivrés par l’administration ou son activité

aux ressources consommées à cette fin.

-Les objectifs de performance occupent une place précise dans le processus de production de

l’action publique.

La définition des objectifs de performance doit résulter d’une analyse stratégique en amont et doit

se décliner en aval par des indicateurs. Le responsable définit la stratégie de son programme dans

une perspective pluriannuelle.

Cela aboutit à l’identification d’objectifs prioritaires et des indicateurs de performance nécessaires à

l’appréciation des résultats obtenus.

Chaque programme comprend un nombre d’objectifs limités, l’objectif se décline ensuite en

indicateurs de résultats accompagnés de cible de résultats.

La détermination d’indicateurs pertinents est un exercice difficile car tous les objectifs ne sont pas

aisément mesurables et car des indicateurs ne permettent pas toujours de porter un jugement sur le

résultat obtenu ou sur la performance de l’action publique.

Mettre en œuvre la performance

La stratégie de performance des programmes sot publiés chaque année dans les projets annuels de

performances annexés au projet de loi de finances, déposés le premier mardi d’octobre à

l’Assemblée Nationale et au Sénat.

Les objectifs de performances des PAP laissent une large autonomie aux administrateurs sur la

manière de les réaliser.

Les objectifs stratégiques sont déclinés en objectifs opérationnels, soit en déclinaisons directes,

territoriale ou sectorielle d’objectifs stratégiques, soit en déclinaisons indirectes au travers

d’objectifs de production, d’activité ou de moyens.

Deux choses justifient cette déclinaison ; efficacité et réduction des coûts.

La définition d’objectifs avec ses indicateurs n’est que la première étape de la démarche de la

performance, indispensable mais insuffisante. Pour que les objectifs aient une réelle efficacité, ils

doivent être utilisés dans la vie quotidienne des administrations.

Les définitions d’objectifs peuvent être utilisées à trois moments :

- en amont, elle permet de mobiliser les services et les agents autour des priorités du

programme et de rendre leurs activités efficaces.

- En cours de gestion, où l’on peut prendre des mesures correctrices si les résultats ne sont pas

atteints.

- Dans la même logique, lorsque plusieurs services poursuivent les mêmes objectifs et que la

comparaison des résultats montre de nombreuses différences.

Page 40: Les indicateurs de gestion sont-t-ils neutres ? Le cas de la RGPP

40

L’amélioration de la performance de l’administration passe par une démarche progressive et

apprenante.

Conclusion

La mise en œuvre de ces principes a rencontré des succès et des échecs. L’enrichissement

des documents budgétaires et la mobilisation de l’administration autour de la LOLF témoignent des

succès.

Mais la mesure de la performance a connu des problèmes qu’il va falloir surmonter. Se sont des

problèmes aussi bien techniques que des problèmes d’ordre politique.

Au niveau technique, les objectifs sont trop nombreux et non hiérarchisés et la qualité des

indicateurs est parfois faible.

La mesure de la performance n’a pas une application aisée à toutes les politiques publiques, par

exemple comme la diplomatie.

Les indicateurs de gestion du secteur privé appliqués à la gestion dans le secteur

public

Maya Bacache-Beauvallet, 22 février 2008

Alors que le secteur public dispose d’un mode de fonctionnement propre, on peut

remarquer que le politique demande une plus grande clarté ainsi qu’une plus grande efficacité dans

l’administration française, ce qui se traduirait par la mise en place d’un suivi des performances de

ces administrations par des indicateurs de gestion. Depuis les années 1990, des d’indicateurs de

performance ou de qualité des services et des fonctionnaires sont donc utilisés dans le but de

répondre à cette demande. Cependant, on peut noter que le secteur privé utilise des moyens

d’incitation à la performance radicalement opposés aux mode de fonctionnement du secteur public :

le salarié du privé peut être motivé par une prime à la performance, alors qu’un fonctionnaire

touche le même salaire quel que soit le travail qu’il effectue, que ce salaire lui soit avantageux ou

sous-estimé.

Ainsi, l’auteur développe deux points dans son article, définissant d’une part le rôle des indicateurs,

puis d’autre part, l’intégration de ces indicateurs au sein du service public.

Le rôle des indicateurs :

Puisque les intérêts de l’employeur sont totalement différents de ceux de son agent, il a été convenu

par les entreprises de mettre en place un système de rémunération (salaire + prime) incitatif

permettant tout d’abord la réalisation du travail demandé, et dans un second temps, de fixer une

variable fixe et observable qu’est l’indicateur.

Page 41: Les indicateurs de gestion sont-t-ils neutres ? Le cas de la RGPP

41

Dès lors, le contrat entre l’employeur et l’agent doit être respecté. Lorsque l’employeur constate le

travail effectué par l’agent, il peut alors le juger satisfaisant ou non et le sanctionner si besoin,

pouvant même le renvoyer. Toutefois, l’effort fournit par l’agent n’est pas toujours vérifiable par un

tiers ou bien un tribunal, et place l’employeur dans une situation délicate puisqu’il ne peut

sanctionner. La construction d’un indicateur visible de l’effort devient donc nécessaire.

Mais parfois, le problème est différent : l’indicateur peut être défectueux puisqu’il ne mesure pas

correctement l’effort. En effet, dans le cas où l’indicateur mesure la production dite « jointe », il est

alors possible soit de séparer la production de chaque travailleur, soit d’instaurer des mesures

incitatives de travail collectif. Dans le second cas, un phénomène de « passager clandestin » peut

apparaître : des agents profitent de l’effort de leurs collègues pour ne pas s’impliquer.

Un deuxième problème peut être pointé du doigt : le plus difficile est de trouver un indicateur

conciliant l’objectif demandé et la réalité. Ainsi, toutes les exigences de l’employeur ne peuvent être

retranscrites dans le contrat de travail qui le lie à l’agent, or, ce dernier sera sûrement confronté à

des tâches et des objectifs différents puisque tenant compte de l’évolution de la demande. Ce contrat

incomplet résulte dès lors des postes « multitâches ». La solution proposée pour palier à cette

incomplétude et pour mesurer l’effort serait alors de prendre un indicateur subjectif pouvant être

l’employeur directement. Mais une fois de plus, cette solution n’est pas à l’abri des effets pervers :

l’indicateur peut, en effet, être biaisé par une évaluation complaisante, moyenne ou bien par l’action

totalement dévouée des agents envers leur employeur. Cet indicateur subjectif est donc soumis à la

manipulation et par conséquent n’est pas fiables.

De même, il existe certains contrats fondés sur des quotas : c’est-à-dire que l’agent dispose d’un

laps de temps pour réaliser son travail et qu’il peut alors le faire à la dernière minute dans un intérêt

de report perpétuel au lendemain. De plus, une autre conséquence des quotas est que les agents en

charge du travail à effectuer ne cherchent pas à se dépasser, comme ceux qui sont dépassés par la

charge de travail ne chercheront plus à s’améliorer.

Ainsi, comment et pourquoi utiliser des indicateurs de performance dans le secteur public alors que

ces indicateurs subissent déjà des effets pervers (ce qui vient semer le doute sur leur fiabilité et sur

leur utilité) dans le secteur privé ?

Des indicateurs de performance au sein du service public :

Du fait de cette demande du politique d’une plus grande clarté et d’une plus grande efficacité dans

le secteur public, on choisit de lui appliquer les indicateurs de gestion propres au secteur privé.

Toutefois, comme nous l’avons remarqué plus haut, des effets pervers apparaissent suite à

l’application de ces indicateurs, il faut également prendre en compte la difficulté qu’implique leur

utilisation dans les secteurs publics.

La première difficulté rencontrée dans les secteurs publics est tout d’abord de définir

des indicateurs. Les États-Unis ont déjà tenté cette innovation dans la branche de la justice dans les

années 1990. En effet, les Trial court performance standards, sont la preuve d’une expérience menée

Page 42: Les indicateurs de gestion sont-t-ils neutres ? Le cas de la RGPP

42

pour trouver des indicateurs dans le domaine judiciaire. Dans le rapport publié, cinq objectifs

généraux ont été énoncés : l’accès à la justice, la rapidité, l’égalité, l’impartialité et l’intégrité,

l’indépendance et la confiance du public, et 22 standards ainsi que 75 indicateurs pour mesurer ces

cinq objectifs.

De plus, un autre frein se pose dans le secteur public quant à la mise en place d’indicateurs : il s’agit

de l’incomplétude des contrats entre l’Etat et le prestataire de service public. Selon les cas, on

préférera confier la mission au service public, plus compétent pour améliorer la qualité de la

production plutôt que le secteur privé qui cherchera plutôt la réduction des coûts. Ce problème de

contrats « multitâches » dans les secteurs privés, se pose également dans le secteur public ; il existe

plusieurs objectifs que le fonctionnaire doit atteindre. Ainsi, le problème est le même dans les deux

secteurs : si on favorise un indicateur plutôt qu’un autre, cela revient à accorder plus d’importance à

certains juges aux dépens d’autres juges peut-être tout aussi pertinents et consciencieux.

Deux solutions sont alors proposées pour répondre à cette multiplicité d’objectifs : 1) trouver

plusieurs indicateurs pour retranscrire cette diversité, mais il s’agit d’une solution rarement

opérationnelle ; 2) mettre en place des indicateurs synthétiques, mais le risque est que l’on accorde

plus d’importance aux indicateurs les plus graves.

Enfin, l’implication d’indicateurs dans le secteur public doit répondre à un caractère propre à ce

secteur : la production du service public implique en effet la participation des usagers. Les

indicateurs devraient alors tenir compte de cette production partagée avec les usagers, ce qui est très

contraignant. Il faut également noter que si le fonctionnaire est incité à la performance, il se

concentrera sur un type d’usagers plus « rentable » au lieu de prodiguer un service égalitaire.

Rémunérer les fonctionnaires selon des indicateurs est donc perçu par l’auteur de l’article comme «

sous-optimal ».

Toutefois, trouver des indicateurs pour le service public n’est pas impossible, et il n’est pas inutile

d’en chercher. Ces indicateurs peuvent contribuer à la recherche de dysfonctionnements structurels

dans les secteurs publics et à leur réparation. Ainsi, l’idée de faire participer les usagers à

l’évaluation du résultat des efforts des fonctionnaires, tout comme imaginer une rémunération en

accord avec ces efforts fournis paraît être une piste à suivre dans cette quête d’indicateurs pour le

secteur public.

Page 43: Les indicateurs de gestion sont-t-ils neutres ? Le cas de la RGPP

43

La société malade de la gestion

(Idéologie gestionnaire, pouvoir managérial et harcèlement social)

Chapitre 12 : La politique contaminée par la gestion.

Vincent de Gaulejac, Seuil, 2009

Le contexte de la mondialisation, en bouleversant les codes sociaux, change notre

conception de la politique. Celle-ci nous semble devoir aujourd’hui répondre à de nouvelles

attentes. L’économie est désormais au centre de ses préoccupations, ce qui transforme les buts

qu’elles s’attribuent. La politique devient, de nos jours, technique car elle doit être gérée en quelque

sorte comme une entreprise du fait de la crise économique qui secoue nos sociétés. Vincent de

Gaulejac pousse ce constat jusqu’à faire un parallèle entre le débat politique et le débat de conseil

d’administration. Les discussions politiques semblent en effet se résumer ces temps-ci aux

problèmes budgétaires et financiers faisant de l’économie la notion déterminante de toutes les

préoccupations gouvernementales. Les affaires publiques sont dorénavant influencées par les

inquiétudes quant à l’économie et le privé prend part au public puisque le premier impose des règles

et une forme de gestion au second. La population est donc managée.

L’auteur s’intéresse à la différence entre ce que vit la population et ce que décide de

faire le gouvernement pour régler les problèmes. Les gens expérimentent le concret tandis que les

politiques semblent agir uniquement de manière abstraite. Ce décalage révèle l’étrangeté de notre

société. La distanciation entre les institutions et les citoyens peut s’expliquer par les forces

contradictoires qui tentent de former un lien. La crise du politique que pointe l’auteur parait due aux

perspectives considérablement différentes du citoyen et du politique, le premier s’attachant à l’ordre

symbolique et le second à l’ordre économique. La Grèce antique, en refusant à l’économie l’accès à

la vie publique, semble bien loin puisque de nos jours la gestion semble avoir pris la place central

dans les considérations politiques. Le politique souffre d’un discrédit puisqu’il semble laisser libre

cours aux spéculations, ce qui dévalorise les actions gouvernementales. La question de la

soumission de l’économie à la société se pose. Qui doit influencer l’autre ? Qui doit s’adapter au

fonctionnement de l’autre ? Le politique doit-il suivre l’économie ou la diriger pour qu’elle réponde

aux attentes de la population ?

L’éducation apparaît être pour Vincent de Gaulejac le domaine où l’idéologie

gestionnaire exerce le plus sa pression. En transformant les élèves en clients, l’actuel système

éducatif montre la domination permanente des milieux économiques sur l’instruction. En mettant

l’éducation au service du marché, la théorie qui tend à primer aujourd’hui considère les élèves

comme de potentiels agents adaptés aux besoins de l’économie. Le futur travailleur doit être assez

flexible pour répondre aux nouvelles attentes des modes de production. Il faut donc soumettre le

plus tôt possible l’apprenti aux normes managériales. L’esprit critique laisse ainsi place à

l’obsession des objectifs et de la performance. L’économie devient donc la priorité et le rôle du

politique est de gérer ce qui en découle, notamment les conséquences sociales. La croissance

Page 44: Les indicateurs de gestion sont-t-ils neutres ? Le cas de la RGPP

44

économique semble être devenue l’unique facteur façonnant l’action gouvernementale.

Le politique est donc en crise car il axe ses débats non sur l’organisation de la société et

les moteurs de son bien-être, mais sur les chiffres de l’économie. Cette obsession des indicateurs

fausse les stratégies adoptées car on oublie leurs sens et ce qu’ils mesurent. Il y a donc un manque

de réflexion sur la portée des taux qui sont devenus les critères d’évaluation du succès ou de l’échec

d’une politique. Patrick Viveret notait déjà en 2003 les outils devenus nécessaires pour évaluer la

société ne nous prémunissent pas contre les comportements dangereux, le problème étant que nous

ne faisons guère de distinction entre les indicateurs et nous nous limitons à une comptabilisation

monétaire. L’Etat n’est plus vu comme l’élément central de régulation car il n’adopte pas de

distance critique à l’égard de la gestion et adhère à une idéologie managériale. Aux yeux des

citoyens, il est nécessaire de le moderniser. Les indicateurs sont une forme de gestion qui sont

efficaces dans certains domaines mais sont appliqués au politique sans un réel effort de réflexion.

En ne s’attachant qu’au réel et en ne prenant pas en compte d’autres éléments comme les valeurs et

les identités, l’Etat continuera de gérer la société comme une entreprise.

La fascination du gouvernement pour le modèle managérial est effrayante dans le sens

où il instaure un immense décalage entre leur idéal de gestion et les valeurs des administrations et

entreprises publiques qu’ils dirigent. Les présupposés que retire Aude Harlé en 2008 d’une

recherche effectuée au sein des cabinets ministériels est très important car ils soulignent la place

que prennent le mérite, l’individualisme et la performance entre autres dans la conception

gouvernementale de la société. Il y a donc une cohabitation paradoxale de la compassion pour le

faible et du privilège donné à celui qui a réussi. La politique meurt à partir du moment où elle

préfère gérer plutôt que gouverner. Le discours politique est dès lors corrompu puisqu’une relation

de vendeur à client s’instaure entre le politique et le citoyen. Le premier, en voulant se faire élire, se

sert des préoccupations de la population pour construire son propos.

En devenant un marché, la politique se divise entre plusieurs partis qui agissent comme

plusieurs entreprises concurrentes. L’action et le présent deviennent les nouvelles valeurs de

l’exercice du pouvoir, mettant alors de côté toute possibilité de se visualiser dans l’avenir et de

conduire des projets sur le long terme. Le vote perd sa signification puisque l’électeur n’est plus

qu’un consommateur passif. Il est facilement manipulé et perd contact avec les vrais débats

politiques qui permettent de confronter des visions du monde différentes. En lui faisant perdre son

implication dans les décisions politiques, le gouvernement rend le citoyen plus exigent à son égard.

La politique se résume finalement à un ensemble de réclamations d’électeurs mécontents.

La politique, dorénavant plus caractérisé par l’individu que par l’intérêt général, a perdu

de sa noblesse et de son importance. En faisant de la société une entreprise, l’Etat privilégie la

gestion et oublie sa mission première qui est la garantie du lien social. La politique se détruit donc

elle-même en choisissant de mettre la performance au centre de toutes les préoccupations. La

fracture entre le social et l’économique du à aux logiques de marché suivies par les Etats a été

traitée par de nombreux auteurs comme Perret et Roustang en 2001. En s’enfermant dans la gestion

de la crise, les politiques semblent désormais incapables de gérer les hommes autrement que comme

de simples marchandises.

Page 45: Les indicateurs de gestion sont-t-ils neutres ? Le cas de la RGPP

45

Marcel Gauchet s’intéresse au mouvement paradoxal provoqué par l’Histoire. En

permettant la pérennité d’un Etat social où les individus sont devenus indépendant, il a donné à

l’individu « la liberté de n’avoir pas à penser qu’il est en société », ce qui a permis l’essor du

modèle de marché dans les sociétés. Comme le gouvernement se charge de la protection du lien

social, l’individu se laisse faire jusqu’à oublier qu’il vit en société, ce qui freine son implication

dans les interactions collectives. Si la politique veut retrouver sa vraie définition, elle doit se

consacrer au rétablissement du vivre ensemble. Les citoyens ne doivent plus être considérés comme

des travailleurs mais comme des acteurs dont la préoccupation serait d’édifier un monde commun.

● Conférences :

« Dix ans après la LOLF : où en est la réforme budgétaire ? »

Conseil Economique Social et Environnemental,

En partenariat avec KPMG

Vendredi 16 décembre 2011 – Palais d’Iéna Paris

Conférences au cours desquelles a été rencontré Monsieur Alain Lambert, co-fondateur de la LOLF

et avec qui ont été échangés quelques sentiments sur la question.

« Dix ans après son adoption, cinq ans après son application à toute l’administration

française, la Loi Organique relative aux Lois de Finances a profondément modifié l’appréhension

par les acteurs publics de leur environnement budgétaire, en introduisant des notions telles que la

performance et l’efficience qui, même si elles n’étaient pas inconnues de la sphère publique,

n’avaient pas encore la place prépondérante qu’elles occupent aujourd’hui. […]

Alors que la crise de la dette souveraine accentue le besoin d’une révision profonde de

l’ensemble des dépenses de l’Etat dans le but d’en améliorer la portée et d’en réduire le coût, il faut

se mobiliser dans deux directions :

- mieux accompagner les acteurs publics dans l’application du nouveau cadre budgétaire et

organisationnel dessiné par la LOLF pour leur permettre d’en tirer tous les bénéfices ;

- contribuer à l’assainissement des finances publiques, tout en poursuivant la modernisation

de l’Etat.

Aussi, parce qu’elle pose la question de la place de l’Etat dans la société et dans l’économie

française, la LOLF nous concerne tous : citoyens, contribuables, usagers. Il est donc nécessaire et

bénéfique d’échanger sur les bonnes pratiques de gouvernance budgétaire et de gestions publiques

observées dans notre pays depuis dix ans et de nous inspirer, le cas échéant, de celles qui sont

effectives par-delà nos frontières, notamment chez nos partenaires européens. […] »

Jean-Luc Decornoy

Page 46: Les indicateurs de gestion sont-t-ils neutres ? Le cas de la RGPP

46

Président du Directoire KPMG

« Présentée à juste titre comme une évolution politique majeure, la LOLF votée en 2001, est

aussi à l’origine d’une profonde transformation de la gestion publique.

Cette réforme a pour ambition à la fois de changer radicalement le langage budgétaire, de

rééquilibrer les pouvoirs entre l’exécutif et le Parlement, et de donner aux gestionnaires publics de

nouveaux instruments de pilotage fondés sur la notion de performance.

Même si elle a été conçue alors que la question de la maîtrise des déficits et de la dette était

déjà aigue, il serait inexact de dire que la LOL est par elle-même la réponse à cette situation. Le

nouveau cadre budgétaire ne détermine pas en effet le sens de la politique budgétaire qui est

conduite par les pouvoirs publics.

Au moment où l’ampleur de la crise des finances publiques ne permet plus de retarder les

choix, la LOLF n’en constitue pas moins un outil essentiel pour permettre de les éclairer. Les outils

qui ont été créés et perfectionnés ces dernières années fournissent des indications précieuses sur le

coût de la pertinence des politiques publiques qui sont menées. Il faut dorénavant s’en servir pour

aborder les questions qui se posent à tous les gouvernements : la place de l’Etat et le poids de la

dépense publique dans l’économie et la société et la redéfinition du périmètre de l’action publique,

en cherchant à privilégier ce qui est déterminant pour l’avenir au détriment de la préférence pour le

présent.

Initiative parlementaire, la LOLF, bien plus qu’un simple instrument de pilotage, est le

symbole d’une démocratie renforcée et d’une inspiration à ce que le Parlement joue pleinement le

rôle de contrôle des finances publiques qui constitue son origine même. Dix ans après son adoption,

il est nécessaire e mesure le chemin parcouru, ‘évaluer celui qui lui reste à faire et de voir en quoi la

LOLF peut contribuer à surmonter les difficultés que le pays traverse. »

Pierre-Mathieu Duhamel

Président du comité Stratégique de KPMG

*KPMG est le premier groupe français de services pluridisciplinaires : audit, conseil, expertise

comptable, droit et fiscalité. Il intervient auprès des groupes internationaux, sociétés cotées, PME et

des entités de l’économie sociale et solidaire et du secteur public. KPMG met ses compétences au

service de l’optimisation de l’action publique. Le cabinet accompagne l’Etat, les établissements

publics, les collectivités territoriales et les établissements sanitaires et sociaux dans le cadre de

missions d’audit comptable et financier, dans la mise en place de leurs fonctions finance,

comptables et budgétaire, dans la conduite de projets organisationnels et le déploiement de systèmes

d’information. Le cabinet a ainsi réalisé plus de 6000 missions pour le Secteur public.

Page 47: Les indicateurs de gestion sont-t-ils neutres ? Le cas de la RGPP

47

Conférence 1 :

« LOLF et gestion publique. Où en est le mouvement de rénovation de la gestion de l’Etat

initié par la LOLF ? »

Un objectif majeur de la LOLF est de donner aux gestionnaires publics davantage de libertés

dans l’utilisation de leurs moyens pour atteindre leurs objectifs. Les responsables de programmes se

sont-ils affirmés et peuvent-ils jouer leur rôle ? Les organisations publiques ont-elles évolué pour

rejoindre progressivement l’architecture dessinée par la LOLF ? La déconcentration a-t-elle

accompagné la mise en place du nouveau cadre budgétaire ou l’Etat central est-il resté prédominant

? Quelles nouvelles évolutions favoriser pour aller plus loin dans l’efficacité de l’action publique ?

Animée par Michel Bouvier, Directeur de la Revue Française de Finances Publiques et Présidée par

Pierre-Mathieu Duhamel, Président du Comité Stratégique de KPMG.

Autour de :

Henri-Michel Comet, ancien Secrétaire général du ministère de l’intérieur, Préfet de région Midi-

Pyrénées

Jean-Denis Combrexelle, Directeur Général du Travail

Jérôme Fournel, Directeur Général des Douanes et Droits indirects

La LOLF a finalement produit de grands changements en France, et il est espéré qu’elle

parvienne à ses fins. Michel Bouvier s’appuie dès lors sur une étude réalisée en Australie

concernant les gestionnaires des pouvoirs locaux, et qui démontre que ces derniers ont déjà intégré

la logique d’entreprise ; logique que la France souhaite adopter à son tour.

Selon Jérôme Fournel, les responsables des programmes établis par la LOLF, se considèrent avant

tout comme des managers publics. En effet, depuis un an, tous les crédits sont regroupés dans un

même programme qui est sous leur responsabilité, ce qui leur laisse alors tout pouvoir de décision

quant à l’attribution de ces crédits. La LOLF apprend d’une logique d’agence. Le manager a

l’impression d’être un entrepreneur dans une entreprise. Au fur et à mesure du temps, on a vu se

généraliser des logiques de gestion, créant ainsi des fonctions transversales. Les responsables

publics auront les capacités pour agir tandis qu’initialement les gestionnaires n’avaient pas les

moyens de mener leurs actions.

Toutefois se pose un problème, celui de la difficulté de la responsabilité de l’Etat qui souhaite

contrôler un service par d’autres services ayant eux-mêmes leur propre logique et leur propre

politique.

Jean-Denis Combrexelle rappelle alors que la LOLF est utilisée pour entrer dans une logique

d’aménagement. Elle a été un outil qui a permis de « faire rentrer le chiffre dans le droit ». Au fur et

à mesure que les indicateurs de gestion s’insèrent dans la gestion du secteur public, on assiste à

l’émergence d’une direction opérationnelle. Cependant, il s’interroge quant au fait d’être manager,

Page 48: Les indicateurs de gestion sont-t-ils neutres ? Le cas de la RGPP

48

l’est-on pour autant avec cette nouvelle organisation ? Il n’est pas certain que la fonction de

Directeur des Ressources Humaines (DRH) dans la fonction publique ait quelque chose à voir avec

la fonction de DRH dans le secteur privé. Ce n’est pas seulement l’Etat qui est en cause, mais aussi

les différents partenaires sociaux. La question est de savoir comment se joue alors la négociation

politique avec la crise. Est-ce qu’on retourne à l’intervention de l’Etat ou bien on essaye de trouver

un nouveau système ? Il faut éviter que l’administration singe l’entreprise et son organisation avec

retard, car ce serait un frein à l’efficacité de l’Etat.

J. Fournel explique qu’il n’y a pas forcément de modèle unique. Mais dans les modèles existants, on

trouve une certaine responsabilisation ainsi qu’une autonomie de gestion qui renvoie à quelque

chose de vertueux.

M. Bouvier, s’inquiète alors de savoir s’il utilise la fongibilité. Ce à quoi J. Fournel répond qu’elle

est utilisée de manière générale, sauf sur la masse salariale. Toutefois, d’après H.M. Comet, la

question ne se pose pas vraiment sur la fongibilité. Selon lui, le problème se trouve davantage du

côté de la clientèle. En effet, la clientèle s’adresse à l’Etat ? Or, l’Etat est une unité territoriale

représentant un axe majeur. Il y a la possibilité de trouver un meilleur équilibre dans la gestion

territoriale et de réaliser plus de responsabilités de gestion. Il est nécessaire de mutualiser toutes les

fonctions support. L’idée d’une unité de gestion locale est selon lui, un impératif assez urgent qui

permettrait de réaliser beaucoup d’économies. Il est possible de rapprocher les fonctions

budgétaires et les fonctions supports. La LOLF l’autorise, mais ce serait l’autorité centrale qui ne le

souhaiterait pas. Les gestionnaires centraux ne sont pas matures. Cependant, si même si cela se

arrivait, il resterait un effort d’outil à régler en plus du problème de maturité. Les métiers des

collectivités territoriales sont respectables et importants, et donner du pouvoir aux collectivités

territoriales est un point positif. On est aujourd’hui dans une complexité organique des systèmes. La

politique des programmes uniques est en marche, il faut les augmenter. Mais ce qui reste le plus

important c’est de faire comprendre aux ministères que les interlocuteurs (citoyens, entreprises...)

ne connaissent que l’Etat et non pas chaque branche administrative.

J.D. Combrexelle d’accord ou pas sur la question de maturité, présente que l’un des enjeux de l’Etat

au niveau local est le lien avec les autorités centrales. Le souci c’est qu’il existe une contradiction

dans l’organisation de la LOLF, en effet, cette dernière ne prévoit pas de faire remonter

l’information au pouvoir central. On peut observer qu’au sein des ministères, il existe les « directs »

qui permettent d’assurer un lien dans le but de fusionner le niveau central et le niveau local. Mais au

niveau local existent des problèmes « culturels », de fait que la fusion des cultures est loin d’être

évidente, et la question du management est de plus en plus importante. Il pèse le sentiment d’un

manque de culture managériale. Il devient alors primordial de former des gens capables de gérer

cette situation.

H.M. Comet ne croît pas qu’il y est de contradiction entre la LOLF et la déconcentration puisqu’on

a créé des organisations, ainsi que des budgets interministériels qui sont peu utilisés et peu répandus

; il existe donc un besoin de déconcentrer un peu.

Page 49: Les indicateurs de gestion sont-t-ils neutres ? Le cas de la RGPP

49

J. Fournel approuve que la déconcentration soit importante. Lui-même établit des dialogues entre

les personnes de son service qui ont elles-mêmes un lien avec les autres programmes. Il a développé

un programme de managers douaniers qui établit des réflexes d’encadrement des équipes. En

France, 53% des dépenses publiques sont dans le PIB. L’Etat fait beaucoup de choses, ce qui

explique qu’il ne gère pas qu’un seul métier, il produit de multiples services. Il est donc impossible

de refonder toutes les ingénieries même s’il est nécessaire d’améliorer les processus. Il faut des

responsables qui aient cette capacité d’action.

Miche Bouvier précise que la logique des métiers à évoluée depuis la mise en place de la LOLF et

demande si les structures de formation sont suffisantes.

J. Fournel répond que la logique de performance est reliée à la réalité. Aujourd’hui, le changement

est radical avec la LOLF et on a parfois affaire à un indicateur de performance trop approprié.

Concernant la direction des Douanes et des Droits indirects, 10% de leur budget consacré à la masse

salariale a été dépensé pour la formation du fait de la création de nouveaux métiers. Le plus

important est d’être capable de se projeter dans le futur de son métier. Toutefois cette situation

n’existe pas partout.

H.M. Comet revient sur les différences entre les ministères. Par exemple, la question de l’accueil du

public, qui est très importante, varie d’un ministère à l’autre, ce qui n’est pas normal. De même

concernant le champ de contrôle, il est primordial de développer les échanges et la commination.

L’idée de performance est bien diffusée mais il reste une grande marge de progrès. Toutefois, il

avertit qu’il faut faire attention à l’excès d’indicateurs.

M. Bouvier aborde à présent la question des Budgets Opérationnels des Programmes (BOP) et

s’interroge quant à leur nombre.

H.M. Comet trouve tout comme lui qu’ils sont trop nombreux. Mais il précise que même s’ils ont

diminué, il reste des BOP ambigus (tels que ceux concernant les handicapés) ou bien mal placés

(comme ceux des transports). Il note que des progrès ont été réalisés qui restent encore un peu

timides sur les démarches ministérielles. Avoir un dispositif unique est réalisable, or, le champ de

l’interministériel est encore trop peu utilisé.

J.D. Combrexelle revient sur la RGPP qui est LA réforme très profonde de l’organisation de l’Etat

et qui pose alors la question du management et surtout du contact avec le public. Il souligne que

tous les responsables n’en ont pas encore conscience peut-être. De plus, l’arrivée de la nouvelle

génération pose de nouveaux problèmes ; les rapports de hiérarchie se trouvent changés ainsi que

les visions du travail. Ainsi, la relation de l’Etat avec ses usagers est soulevée et est très importante,

il est important que ces réformes passent au niveau le plus bas.

J. Fournel propose la mise en place d’une logique pour standardiser les relations avec les usagers. Il

propose la création d’une Charte afin de garantir un mode de relation apaisée. La logique c’est que

si la relation avec l’usager se passe mal alors la qualité du service baisse à son tour ; tandis que si

Page 50: Les indicateurs de gestion sont-t-ils neutres ? Le cas de la RGPP

50

elle se passe bien, cela facilite le niveau de contrôle et d’interaction. Or, les différentes démarches

particulières de services créent un travail permanent.

H.M. Comet signale qu’au sein du Ministère de l’Intérieur une charte pour l’accueil du public a été

adoptée, il s’agit de la Charte Marianne qui révèle ainsi des cultures des métiers profondes. Il y a

des progrès comme la relative standardisation vis-à-vis des usagers. Mais cette standardisation

devrait être totale, et prioritaire dans le domaine de la santé. Il exprime une volonté de se rapprocher

des usagers qui est de plus en plus forte et d’améliorer les dispositifs d’accueil des usagers.

M. Bouvier revient sur le rapport qu’à produit la Cour des Comptes proposant la mise en place de

responsables de missions.

J. Fournel réagit quant au fait que la mission n’est pas l’outil sur lequel se fait la gestion et qu’il y a

une incompréhension de cette proposition.

J.D. Combrexelle trouve qu’il y a trop d’infrastructures transversales. Il existe déjà un responsable

administratif qui est le Ministre. S’il se trompe on sait que c’est de sa faute. Mais si on crée trop de

structures transversales, on en arrive à un stade où on ne sait plus qui est le responsable.

H.M. Comet demande où est l’utilité d’un responsable de mission dans le Ministère de l’Intérieur.

Le Ministre est déjà le responsable.

P.M. Duhamel rappelle que ceci était un risque pressenti à l’époque de la création de la LOLF. Les

programmes ne doivent pas être des étuis dorés des programmes actuels. On s’assure que ce ne soit

pas le cas dans le cadre de la rénovation. Le second risque était qu’il existe une étanchéité entre la

profondeur et la culture du manager. Or, on a assisté à un changement des outils de travail, des

approches, voire même un peu trop. Le troisième risque était une sophistication excessive, d’être

trop exigeant en matière de flux d’informations et de remontée de ces informations. Ce risque n’a

pas été évité puisque les agents passent leur temps faire des tableaux sur la répartition de leurs

tâches et de leurs responsabilités. Le quatrième risque était celui d’une re-concentration, or, la

logique des programmes n’est pas tout à fait en harmonie avec la déconcentration. Enfin, le

cinquième risque était que l’administration reste centrée sur elle-même, or, on constate que l’usager

n’est pas oublié par la réforme. On constate que la discussion reflète l’organisation d’un grand

projet qui témoigne d’un rapprochement d’une logique d’entreprise. Discours qui est nouveau par

rapport à il y a quelques années. P.M. Duhamel conclue que la plupart des risques ont été évités

mais qu’il reste quelques améliorations à faire.

P.M Duhamel souligne qu’il a le sentiment que le changement est profond, et renouvelle son

engouement pour la LOLF.

M. Bouvier interroge les intervenants quant à la satisfaction qu’ils ont des nouveaux contrôles.

J. Fournel rappelle la mise en place des contrôles, notamment comptable, afin d’avoir des processus

certifiés. Sur le fond, cela ne représente aucune difficulté, même s’il existe encore une marge pour

Page 51: Les indicateurs de gestion sont-t-ils neutres ? Le cas de la RGPP

51

la comptabilité de coûts, on observe le développement de systèmes d’information et de ce fait à la

naissance d’une part relative du contrôle interne et du contrôle externe. Il existe beaucoup de

contrôles, puisqu’en effet, actuellement, il existe une cinquantaine de contrôles annuels. Il se

demande si à partir du moment où on stabilise le contrôle, il ne faudrait pas réduire le contrôle

externe. J.D. Combrexelle s’accorde avec lui, administration centrale souhaite trop de contrôle, ce

qui a pour conséquence la dépense de beaucoup d’énergie. Ils ne remettent pas en cause les

contrôles, mais soulignent par exemple, que pour un sujet donné, il existe trois contrôles, et que ces

trois contrôles peuvent aboutir à trois rapports très différents. H.M. Comet rappelle que le contrôle

qui accompagne la LOLF afin de mesurer la performance peut déboucher sur des indicateurs trop

nombreux et trop mobiles. Le travail le plus important est celui de la transparence, avec le

développement d’un système de réseau qui montre les différents contacts. Selon lui, les

comparaisons sont souvent revues, mais il faudrait au contraire laisser une stimulation personnelle

aux fonctionnaires qui souhaitent « bien faire leur travail ». P.M. Duhamel insiste sur le fait qu’il faille des indicateurs simples et robustes qui doivent permettre

de rendre les choses simples et plus visibles. Il est alors partisan de la comptabilité entre les

administrations, mais avec l’utilisation d’indicateurs communs restreints et davantage lisibles.

A la question de M. Bouvier sur la restructuration des administrations, Fournel répond que la RGPP

engendre une dynamique de changement. En effet, elle est fondée sur une logique de

responsabilisation des responsables de programmes. La RGPP adopte la logique de réforme en

entreprise. Comet intervient en précisant que la LOLF est complémentaire à la RGPP dans son

objectif de responsabilisation et de performance. Il reste cependant un travail à faire sur la confiance

accordée aux échelons territoriaux qui est encore trop faible. Il y a tout de même un sentiment du

retrait de l’Etat, en termes de moyens et non en termes de prestation. J.D. Combrexelle donne lui

aussi son sentiment quant à la RGPP. Selon lui, l’axe sur l’efficacité de l’Etat est beaucoup plus

difficile à mettre en place à l’ensemble de l’action que l’axe budgétaire.

M. Bouvier aborde à présent la question du pilotage stratégique, sur laquelle P.M. Duhamel rebondit

pour aborder la programmation annuelle des dépenses. Il souligne le progrès réalisé concernant le

passage à une répartition budgétaire triennale.

Vient l’heure de la conclusion par Didier Migaud, un des co-fondateurs de la LOLF, et

actuellement Premier Président de la Cour de Comptes.

Dix ans après l’adoption de la LOLF, et cinq ans après sa mise en application, il oralise son soutien

à ceux qui supportent la LOLF. En effet, il souhaite donner un nouveau souffle à la LOLF pour

redonner un nouvel engagement. La LOLF n’a jamais été un document gravé dans le marbre, il est

alors nécessaire d’en faire un premier bilan. Les finances publiques apportent une réponse à des

règles qui permettent la transparence. Il affirme sa certitude quant à la sincérité des comptes

publics, qui sont un levier au service de la Réforme de l’Etat. La LOLF devrait ainsi permettre un

travail de fond sur l’analyse des maîtrises des comptes publics. Il revient sur la nécessité d’une

revue des programmes qui contribue à améliorer leur architecture ainsi que leur performance et

celle des indicateurs. Cette revue doit être tenue au niveau ministériel sous la direction du ministre.

Les liens entre la RGPP et la LOLF sont indissociables, et une revue générale des programmes

Page 52: Les indicateurs de gestion sont-t-ils neutres ? Le cas de la RGPP

52

régulière est indispensable. La LOLF analyse le mouvement de gestion et conclue pour le moment à

une liberté de gestion des responsables de gestion bien trop atrophiée. La promesse d’un

assouplissement de la gestion n’est pas encore tenue, du fait de l’insuffisance du dialogue de

gestion. La méfiance par rapport aux gestionnaires est encore trop importante parce qu’elle est

gravée dans la culture française. Il déplore que l’ambition de la LOLF sur la notion de

responsabilité n’est pas encore pris tout son sens.

Il aborde dès lors le terme de la gouvernance financière : une adaptation est nécessaire pour

permettre une meilleure gouvernance. De nombreux facteurs rendent la situation insatisfaisante. Or,

la France a des responsabilités face à ses partenaires européens et internationaux, elle doit redresser

ses déséquilibres budgétaires. Des règles sont nécessaires. Il insiste donc sur le besoin d’instaurer

plus de règles en France afin d’être plus crédible vis-à-vis des acteurs. Il souhaite le développement

de politiques publiques partagées entre les acteurs, de partenariats importants. De ce fait, les

indicateurs et les objectifs communs sont importants puisqu’ils permettraient une meilleure

évaluation de la performance publique. La Cour des Comptes exige une comptabilité générale en

droit constaté et envisage la consolidation des comptes des organismes et des acteurs. Il y a la

volonté de créer un compte général de comptabilité des administrations publiques en effet, des

méthodes harmonisées permettraient de meilleures économies.

D. Migaud souhaite observer une consolidation des comptes publics dans une vision d’ensemble. Il

faut bien prendre en compte que les comptes de la Sécurité Sociale sont bien différents de ceux de

l’Etat ; il ne s’agit pas de la même logique d’organisation. Son constat est qu’aujourd’hui, on assiste

à l’attribution de nombreux crédits, ce qui met en place de nombreux flux financiers et donc

empêche la lisibilité, produisant alors une opacité fiscale. La Cour des Comptes propose alors la

mise en commun des textes pour une approche plus globale et plus cohérente. L’Article 34 de la

Constitution limite le contenu des lois financières. Il émet l’idée qu’on pourrait peut-être penser à

l’adoption d’un document unique des finances publiques. Il évoque l’idée d’ « une grande LOLF ».

La Cour de Compte propose en ce sens une loi de règlement destinée à l’analyse de la performance.

Il s’agirait d’instituer une loi de résultats.

Didier Migaud conclue donc par son désir d’une plus grande clarté de la structure du budget, qui

irait dans le sens d’une meilleure efficacité des gestionnaires et de définition de leur rôle.

Conférence 2

« La LOLF a rééquilibré les responsabilités financières au sein des pouvoirs publics au

profit du Parlement. »

La LOLF accentue l’importance du contrôle de l’exécution et du respect des engagements

pris par l’exécutif. Elle a aussi renforcé le rôle des institutions chargées du contrôle des finances et

de la gestion publique, en particulier la Cour des Comptes. Dans quelle mesure le dialogue entre

exécutif et Parlement a-t-il évolué et s’est-il déplacé des prévisions vers les résultats ? Le Parlement

s’est-il emparé de toutes les prérogatives nouvelles qui lui ont été confiées par la LOLF ?

Aujourd’hui, le contrôle de l’utilisation des fonds publics est-il plus efficace qu’avant l’entrée en

vigueur de la LOLF ?

Page 53: Les indicateurs de gestion sont-t-ils neutres ? Le cas de la RGPP

53

Conférence animée par Gérard Bonos, Chroniqueur économique, Public Sénat et présidée par Alain

Lambert, ancien ministre du budget et co-fondateur de la LOLF.

Autour de : Gilles Carrez, Rapporteur général de la Commission des Finances à l’Assemblée

National et Alain Pichon, Président de chambre à la Cour des Comptes.

La LOLF a renforcé le pouvoir des institutions, mais a-t-elle changée leur place ?

Alain Lambert insiste : « il fallait la LOLF ». Cela fait dix ans qu’elle est adoptée, et c’est le temps

nécessaire pour que tout le monde comprenne qu’elle est irrévocable.

Alain Pichon lui, apporte le regard de la Cour de Comptes sur la LOLF et établit un bilan cinq ans

après le début de son application. Ce laps de temps est court mais est en même temps chargé de

transformations. Les quatre ambitions qui étaient avancées sont selon lui plutôt bien réalisées : -

mise en place d’une nouvelle maquette budgétaire (30 missions, 120 programmes) ; - instauration

d’une logique de résultats à l’aide d’indicateurs de performance et d’outils de gestion et généralistes

des coûts ; - rôle accru du contrôle par le Parlement. La LOLF est un texte neutre qui n’a pas

l’ambition de poser une politique budgétaire d’une certaine nature. Il s’agit d’une réforme de

patience, qui est l’affaire des générations. Peut-être s’agit-il d’une application ambitieuse, qu’on a

voulu trop vite tout faire, mais la LOLF a été adoptée en 2001 et appliquée en 2006. Son bilan

regroupe des succès, des échecs, des réformes qui doivent être poursuivies et d’autres qui doivent

être lancées. La LOLF en 2001 n’avait pas vocation à aller aussi loin qu’on l’espérait. Son principal

échec est celui de la fongibilité asymétrique. Cependant, la logique de performance doit être

améliorée et rendre le service le plus adopté et utile possible. Le problème c’est que l’Etat ne sait

pas se valoriser, pourtant il produit une multitude de services. Les aspects plus positifs sont

l’instauration de la justification au premier euro ainsi que des crédits évaluatifs.

Le point sensible de la LOLF est sa volonté de responsabiliser. Mais responsabiliser qui ? Et devant

qui ? Volonté de responsabiliser les acteurs (responsabilité politique, médiatique…managériale).

L’émergence des comptabilités générales montrent des résultats mitigés. De plus, même une

certification peut être donnée avec des réserves, ce qui montre les zones de faiblesse des

gestionnaires.

Ce qui est à encourager, c’est que depuis la LOLF, les rapports et les contacts entre le Parlement et

la Cour des Comptes s’accroissent. La Cour des Comptes produit désormais 14 à 15 rapports par

an. Cependant, on ne peut pas rester à la règlementation actuelle, il faut une loi de résultat (comme

dans les entreprises où les chefs présentent leurs résultats en plus de leur budget).

Gilles Carrez rappelle que l’élaboration de la LOLF en 1999-2000 s’est faite dans un contexte

d’aisance budgétaire. La question était alors : comment dépenser mieux ? Dans les années 1990, il

était impossible pour les députés d’accéder au compte-rendu du budget de l’Etat. La question de

l’écart entre les dépenses et les recettes n’était pas présentée. Il n’y avait aucune trace de la dette. Il

est alors apparu la nécessité de faire comprendre aux français qu’on ne pouvait plus dépenser plus

qu’on ne gagnait. La présentation d’un tableau emploi/ressource n’est effective que depuis 2002.

Aujourd’hui, on est arrivé au maximum des prélèvements obligatoires. Or, il est question

aujourd’hui de trouver des moyens de financement. Il s’agit alors de trouver de l’argent pour les

différentes missions. L’Etat s’interroge quant à l’exercice de telle ou telle mission. Ses crédits

Page 54: Les indicateurs de gestion sont-t-ils neutres ? Le cas de la RGPP

54

budgétaires ont été plus ou moins maitrisés, mais que se passe-t-il du côté des collectivités

territoriales ? Les budgets n’ont pas été augmentés aux ministères, mais qu’en est-il des opérateurs

de l’Etat et des musées par exemple ?

Alain Lambert insiste sur le fait que la LOLF est le seul moyen de sauver l’Etat français du

naufrage. En effet, les mouvements de sous-dépense dans les collectivités territoriales sont

considérables. Il devient de moins en moins possible de restituer les moyens des années

précédentes. Il a été nécessaire de plus, de toucher à la Sécurité Sociale et aux collectivités

territoriales en détournant l’interdiction de la Constitution d’y toucher, par la rédaction d’annexes.

Cela va dans le sens de la multiplication des lois ces 20 dernières années. Ainsi, par des

modifications apportées par les annexes, l’Etat pourrait présenter des comptes solidifiés dans

lesquels sont pris en compte les opérateurs. La France, si elle parvient à réaliser ses objectifs, sera

très avancée. Seulement, pour qu’il y ait consentement dans l’application des lois, il faut que la

population comprenne. Il faut qu’ils sachent que depuis 2007, ils ne travaillent que pour le budget

de l’Etat.

Alain Pichon intervient sur l’évolution de la LOLF. Selon lui, il faut choisir, soit on fait partie du

contrôle a priori, soit du contrôle a posteriori, mais pas des deux. De plus, il faut respecter un

rythme pour que la LOLF soit efficace. Par exemple, le ministère de la Défense aurait un statut, une

organisation pré-lolfiens et s’adapte plus facilement au mode d’autonomie de décision et de

management, alors que d’autres ministères doivent prendre plus de temps avant de s’adapter aux

changements dû à la LOLF. Mais dans une dizaine d’années, les choses seront différentes,

aujourd’hui, l’autonomie de décision est encore très difficile.

Enfin, Alain Lambert se penche sur une dernière question : quel rôle la LOLF peut-elle jouer dans

l’harmonisation fiscale ?

Il précise que ce n’est pas son rôle. « Derrière les finances c’est la démocratie ». Il existe un taux

d’harmonisation des comptes, une harmonisation des assiettes. Ceci n’est pas le rôle de la LOLF,

elle n’est pas un outil fiscal. Mais la LOLF peut être très utile concernant la règle d’or qui consiste à

ne pas dépenser plus que les recettes, et viser une baisse des dépenses. La LOLF doit bien

évidemment s’adapter au contexte de crise et de restriction budgétaire, et poursuivre son travail

d’évaluation.