[tel-00300560, v1] Des Portugais en Europe du Nord : une ... · universitÉ de lille ii . doctorat...

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UNIVERSITÉ DE LILLE II DOCTORAT SCIENCE POLITIQUE DES PORTUGAIS EN EUROPE DU NORD : UNE COMPARAISON FRANCE, BELGIQUE, LUXEMBOURG. CONTRIBUTION À UNE SOCIOLOGIE ÉLECTORALE DE LA CITOYENNETÉ DE L’UNION EUROPÉENNE Malika GHEMMAZ Thèse dirigée par Sylvie STRUDEL, Professeur de science politique à l’Université François Rabelais de Tours Jury : M. Albano CORDEIRO, Ingénieur d’études IEHC-CNRS (URMIS) M. Michel HASTINGS, Professeur à l’IEP de Lille M. Philippe POIRIER, Professeur à l’Université du Luxembourg Mme Sylvie STRUDEL, Professeur à l’Université François Rabelais de Tours Mme Catherine WIHTOL DE WENDEN, Directeur de recherches CNRS-CERI Date de soutenance : 4 juillet 2008 1 tel-00300560, version 1 - 18 Jul 2008

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  • UNIVERSIT DE LILLE II

    DOCTORAT

    SCIENCE POLITIQUE

    DES PORTUGAIS EN EUROPE DU NORD : UNE

    COMPARAISON FRANCE, BELGIQUE, LUXEMBOURG.

    CONTRIBUTION UNE SOCIOLOGIE LECTORALE DE

    LA CITOYENNET DE LUNION EUROPENNE

    Malika GHEMMAZ

    Thse dirige par Sylvie STRUDEL,

    Professeur de science politique lUniversit Franois Rabelais de Tours

    Jury :

    M. Albano CORDEIRO, Ingnieur dtudes IEHC-CNRS (URMIS)

    M. Michel HASTINGS, Professeur lIEP de Lille

    M. Philippe POIRIER, Professeur lUniversit du Luxembourg

    Mme Sylvie STRUDEL, Professeur lUniversit Franois Rabelais de Tours

    Mme Catherine WIHTOL DE WENDEN, Directeur de recherches CNRS-CERI

    Date de soutenance : 4 juillet 2008

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    http://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00300560/fr/http://hal.archives-ouvertes.fr

  • Mes sincres remerciements aux personnes et structures qui ont contribues au bon droulement de ma recherche doctorale : Le Centre dEtudes et de Recherches Administratives, Politiques et Sociales (CERAPS), le

    Centre dEtudes de lEthnicit et des Migrations (CEDEM), et le STADE, laboratoires

    respectivement franais et belge et luxembourgeois, au sein desquels jai pu men mes

    recherches grce leurs moyens mis disposition et leurs espaces de dialogue scientifique.

    Les documentalistes des bibliothques suivantes pour leur disponibilit et leur gentillesse : la

    Bibliothque Calouste Gulbkian (Paris), le Rseau d'Information sur les Migrations

    Internationales et les Relations Interethniques (Paris 7), le Centre dInformation et dEtudes

    sur les Migrations Internationales (Paris), le Comit de Liaison et dAction des trangers

    (Luxembourg), lAssociation de Soutien aux Travailleurs Immigrs (Luxembourg) et le

    Centre de Documentation sur les Migrations Humaines (Luxembourg), et tout

    particulirement Madame Reuter.

    Les nombreux Portugais qui ont bien voulu me consacrer une partie de leur temps que ce soit

    Roubaix, Ixelles ou Esch-sur-Alzette ; leur gentillesse est transnationale .

    Ma directrice de thse, madame Strudel, pour ses conseils et ses encouragements, pour avoir

    guid avec patience ce travail.

    Les soutiens financiers : la Commission europenne (Bourse Marie Curie) qui ma permis de

    sjourner en Belgique, le Ministre de la recherche franais pour mavoir permis deffectuer

    plusieurs sjours au Luxembourg et le Fond National de la Recherche Luxembourg qui par

    son aide, a permis un sjour au Luxembourg loccasion des lections communales doctobre

    2005.

    Les premiers lecteurs de cette thse (Emmanuelle Le Texier et Monsieur Fehlen) dont les

    critiques mont t prcieuses.

    Enfin, ma famille pour son soutien et mes amis pour leurs vifs encouragements.

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  • TABLES DES MATIERES

    REPERTOIRE DES SIGLES ................................................................................................. 8 INTRODUCTION.................................................................................................................. 10 PARTIE I/ LES PORTUGAIS EN EUROPE DU NORD : SOCIO-HISTOIRE DUNE MIGRATION ......................................................................................................................... 34 CHAPITRE I/ LA SOCIOLOGIE DE LIMMIGRATION PORTUGAISE ET SES IMPASSES.............................................................................................................................. 35

    SECTION I/ Etat de la recherche sur les Portugais en Europe du Nord ..................... 36 I/ Les recherches relatives aux Portugais au Luxembourg : la question de lintgration....... 37 II/ Les recherches relatives aux Portugais en France et en Belgique ..................................... 39 III/ La question de linvisibilit des Portugais : de la notion sa dconstruction.................. 44

    SECTION II/ Ltude des comportements politiques des Portugais : un terrain en friche.................................................................................................................................... 50

    I/ A propos de lapathie politique des Portugais : constats et discussions ....................... 50 II/ Les situations de mobilisations politiques des Portugais : le recours laction collective et les rseaux politiques ............................................................................................................... 56 III/ Le milieu associatif portugais : un espace apolitique ou un rseau de mobilisation politique ? ................................................................................................................................. 61 IV/ Les explications du comportement politique des trangers ............................................. 64 A/ Les explications de la non-participation politique : les trangers, une catgorie socio-conomique ou culturellement dfavorise.............................................................................. 64 B/ Les conditions favorables la participation politique des trangers : les thories de la solidarit ethnique, de la compensation et de la structure des opportunits politiques............ 67 C/ La citoyennet en dbat ....................................................................................................... 71 Conclusion : pour une contribution une sociologie lectorale de la citoyennet de lUnion travers ltude des pratiques lectorales et des reprsentations politiques des Portugais en Europe du Nord : problmatique et hypothses de recherche.................................................. 75 A/ La participation lectorale des citoyens portugais est une question de structure des opportunits politiques ............................................................................................................. 75 B/ La participation lectorale des citoyens portugais dpend des ressources objectives et subjectives des individus.......................................................................................................... 76 C/ Lacquisition de la citoyennet de lUnion renouvelle le sens de la citoyennet et redfinit les appartenances identitaires ................................................................................................... 78 CHAPITRE II/ BTIR UNE COMPARAISON INTERNATIONALE DE MONOGRAPHIES POUR ABORDER LES PRATIQUES ELECTORALES ET LES REPRESENTATIONS POLITIQUES DES PORTUGAIS ............................................... 79

    SECTION I/ Approche pluri-microscopique................................................................... 79 I/ La dmarche monographique : les avantages du recours la monographie dans le cadre des tudes relatives la participation lectorale des trangers ................................................ 80 II/ les objectifs et les limites de la dmarche comparative : le citoyen portugais ou les citoyens portugais ? .................................................................................................................. 83

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  • III/ Les terrains de comparaison : de la dtermination des pays au choix des villes ............. 88 A/ Le choix des trois pays denqute : des pays dimmigration de lEurope du Nord ............ 88 B/ Le choix des sites denqute : Roubaix, Ixelles et Esch-sur-Alzette................................... 89

    SECTION II/ Approche pluri-mthodologique............................................................... 93 I/ Le dpouillement des listes lectorales et le recensement des candidatures : saisir la dimension politique active des citoyens portugais ................................................................... 94 A/ Une tude sur les dix ans de la citoyennet de lUnion europenne ................................... 94 B/ Le recueil des donnes lectorales : les questions de laccs et de la fiabilit .................... 96 C/ Les limites de lanalyse des listes lectorales : construire des estimations des inscrits portugais ................................................................................................................................. 101 II/ Les entretiens : saisir lunivers des reprsentations politiques des Portugais ................. 102 A/ La phase de prparation lenqute de terrain : rflchir aux instruments denqute et aux moyens de raliser des entretiens ........................................................................................... 103 B/ La phase de lenqute de terrain : favoriser les conditions dmergence du discours de lenqut ................................................................................................................................. 108 C/ La phase post-enqute : une approche critique de lenqute de terrain............................. 113 Conclusion : pour une combinaison mthodologique afin de mieux apprhender la citoyennet politique des Portugais ........................................................................................................... 119 CHAPITRE III/ CONDITIONS DE MIGRATIONS ET PORTRAITS SOCIO-ECONOMIQUES DES MIGRANTS PORTUGAIS ........................................................ 121

    SECTION I/ L europanisation progressive de lmigration portugaise ................. 124 I/ Quitter le Portugal : les raisons du dpart......................................................................... 125 A/ Emigrer pour chapper aux difficiles conditions de vie : une pratique rpandue au Nord du Portugal .................................................................................................................................. 126 B/ Lamplification de lmigration face aux guerres coloniales et la politique migratoire ambigu de lEtat ................................................................................................................... 128 II/ Quitter le Portugal : la chronologie des dparts .............................................................. 131 A/ Avant 1945 : prmices de limmigration portugaise......................................................... 132 B/ 1945- 1974 : lessor de limmigration portugaise ............................................................. 135 C/ 1974-2005 : le renouveau de limmigration portugaise .................................................... 145 III/ Arriver en Europe du Nord : les politiques publiques de limmigration........................ 148

    SECTION II/ Portraits socio-conomiques des migrants portugais en Europe du Nord ............................................................................................................................................ 154

    I/ La question de la construction des donnes statistiques relatives la population............ 155 A/ La Belgique et le Luxembourg : la frquence de la production statistique....................... 155 B/ La France : la rgle du recensement .................................................................................. 157 C/ Exploiter les donnes brutes : les prcautions de la sous-production et les limites des chiffres officiels...................................................................................................................... 158 D/ Les volutions de laccs la nationalit du pays de rsidence : les rpercussions sur les donnes relatives aux trangers.............................................................................................. 160 II/ Les Portugais de la Belgique Ixelles : lattraction de la capitale belge ........................ 164 A/ La place des Portugais dans le Royaume de Belgique ...................................................... 164 B/ Rgion Bruxelles-Capitale : un site privilgi par les Portugais ....................................... 166 C/ Ixelles : ville europenne dlection des Portugais ........................................................... 168 III/ Des Portugais en France aux Portugais Roubaix : place et caractristiques ............... 171 A/ Les Portugais : premire population trangre en France ................................................. 171

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  • B/ Dans la rgion Nord-Pas-de-Calais : regroupement des Portugais dans le dpartement du Nord........................................................................................................................................ 173 C/ Les Portugais Roubaix, premire population europenne .............................................. 174 IV/ Le Luxembourg : destination constante dune immigration portugaise massive .......... 177 A/ Le Grand-Duch du Luxembourg : la place prpondrante de la population portugaise.. 178 B/ Esch-sur-Alzette : site privilgi par les Portugais............................................................ 180 V/ Perspective comparative : prsence portugaise en France, en Belgique et au Luxembourg................................................................................................................................................ 183 A/ Une implantation diffrente des Portugais en Europe du Nord ........................................ 184 B/ Les caractristiques socio-conomiques des Portugais en Europe du Nord, les trois F : Force de travail dans la Force de lge et Fidle au pays dorigine ....................................... 187 Conclusion gnrale : pour une meilleure connaissance des comportements lectoraux et des reprsentations politiques des Portugais, denizens des pays de lUnion europenne ............ 188 PARTIE II/ LES PORTUGAIS EN EUROPE DU NORD : LES LOGIQUES DE LA PARTICIPATION ............................................................................................................... 190 CHAPITRE IV/ LA MISE EN OEUVRE DE LA CITOYENNETE DE LUNION DANS LES ETATS MEMBRES..................................................................................................... 191

    SECTION I/ Les conditions de cration et de transposition de la citoyennet de lUnion .............................................................................................................................. 192

    I/ Les origines et la mise en place de la citoyennet de lUnion : linvention du citoyen de lUnion europenne ................................................................................................................ 192 A/ La citoyennet de lUnion : un facteur de cohsion sociale et conomique ..................... 193 B/ La citoyennet de lUnion : un facteur de lgitimation dmocratique .............................. 195 II/ La mise en uvre de la citoyennet de lUnion en France, en Belgique et au Luxembourg : une citoyennet de lUnion revisite par les Etats-Nations............................ 197 III/ La rsurgence de lEtat Nation dans la dfinition et dans la mise en uvre de la citoyennet de lUnion : inclusion partielle des trangers la citoyennet ........................... 201

    SECTION II/ Les actions gnrales pour inciter les ressortissants communautaires sinscrire sur les listes lectorales : articulation des diffrents niveaux et types dactions ............................................................................................................................ 205

    I/ La mobilisation de diffrents acteurs pour pallier linsuffisante information de lEtat.... 206 A/ Un engagement limit des tats-membres : le recours linformation documentaire ..... 206 B/ La mise en place de plates-formes de diffusion de linformation civique ........................ 208 C/ La mobilisation du milieu partisan et syndical au Luxembourg ....................................... 212 II/ Le rle des structures consultatives locales pour rsidents trangers : la question de la mise lagenda de linscription lectorale des ressortissants communautaires..................... 213 A/ Le rle actif de la Commission Consultative des trangers : un maillon local fondamental de la sensibilisation linscription lectorale ........................................................................ 213 B/ Le rle passif de la Commission Extra-Municipale des Populations Immigres de Roubaix................................................................................................................................................ 216

    SECTION III/ Les actions cibles destination de la population portugaise : lmergence des sphres dintervention dans le domaine de la citoyennet ............... 219

    I/ La sphre associative portugaise : chelle de mobilisation et nature des ressources ....... 219 A/ Les fdrations associatives portugaises : un discours en faveur de la participation citoyenne dans le pays de rsidence....................................................................................... 220

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  • B/ Le rle des associations portugaises de dimension nationale : la citoyennet au cur des actions..................................................................................................................................... 224 C/ Les associations locales : terrain ventuel dactions de sensibilisation aux droits politiques................................................................................................................................................ 228 II/ La sphre mdiatique : informer en langue portugaise ................................................... 236 A/ La presse de langue portugaise : support civique et politique........................................... 236 B/ La place de la sensibilisation au vote et de la politique sur les ondes portugaises............ 241 III/ La sphre tatique portugaise : la reconnaissance de la citoyennet de lUnion ........... 243 A/ Le Conseil des Communauts Portugaises : dfendre la double citoyennet des Portugais................................................................................................................................................ 244 B/ Les consulats du Portugal : lacceptation progressive de la citoyennet de lUnion ........ 245 C/ Linstitutionnalisation de llu portugais : la reconnaissance par lAmbassade du Portugal en France des lus portugais................................................................................................... 246 IV/ La sphre religieuse portugaise : quand les fidles deviennent des lecteurs............ 247 A/ Le rle des prtres dans la campagne de sensibilisation au vote : prcher la parole civique................................................................................................................................................ 248 B/ Processions contre lections : ngociations entre lecteurs potentiels et autorits politiques................................................................................................................................................ 250 V/ Lmergence des sphres daction : une question de structures des opportunits et de rpertoire daction .................................................................................................................. 252 Conclusion : les conditions de la citoyennisation des Portugais...................................... 254 Chapitre V/ LES DEGRES DE MOBILISATION ELECTORALE DES CITOYENS PORTUGAIS ....................................................................................................................... 256

    SECTION I/ L inscription lectorale des citoyens portugais : vers une citoyennet euro-locale ......................................................................................................................... 256

    I/ Faiblesse et progression des inscriptions lectorales des citoyens de lUnion au niveau national ................................................................................................................................... 257 A/ Un accs diffrenci la citoyennet de lUnion : les conditions pour tre lecteur ou candidat en tant que citoyen de lUnion loccasion des lections municipales et europennes................................................................................................................................................ 259 B/ Les logiques de linscription lectorale des ressortissants communautaires : la formation dun nouveau corps lectoral fonde sur une double logique ................................................ 263 C/ Concentration gographique de la population trangre et taux dinscription lectorale des trangers : les limites de la relation........................................................................................ 267 II/ Les logiques de linscription lectorale des citoyens portugais : vers une politisation des Portugais dEurope du Nord ? ................................................................................................ 272 A/ Linscription lectorale des ressortissants portugais : la constitution du corps lectoral portugais autour denjeux locaux ........................................................................................... 273 B/ Lvolution des inscriptions lectorales des ressortissants portugais par rapport celle des autres ressortissants europens : la mise en relief de la dimension locale du corps lectoral portugais ................................................................................................................................. 277 C/ La participation lectorale des citoyens portugais dEurope du Nord l occasion des lections portugaises : la recherche d un lecteur portugais transnational......................... 280 III/ Les ressortissants portugais sur les listes lectorales de la commune de rsidence : une mobilisation rcente autour denjeux locaux ......................................................................... 287 A/ Approche rtrospective : volution de linscription lectorale des ressortissants portugais................................................................................................................................................ 287 B/ Les caractristiques de la mobilisation lectorale des ressortissants portugais................. 298

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  • C/ La citoyennet de lUnion en pratique : une micro-citoyennet pluri-nationale et euro-locale ...................................................................................................................................... 305

    SECTION II/ Le degr de mobilisation des candidats portugais : miroir de la perception de l importance de la population portugaise ............................................. 307

    I/ Usages du droit dligibilit par les citoyens de lUnion : un espace partisan peu europen................................................................................................................................................ 308 II/ Usages limits du droit dligibilit par les Portugais..................................................... 311 A/ Un droit dligibilit rarement utilis par les Portugais .................................................... 312 B/ Premires approches socio-conomiques des candidats et des lus portugais : un profil atypique ? ............................................................................................................................... 314 C/ Ebauche du portrait du candidat et de llu portugais : Parti politique de gauche cherche homme portugais plutt jeune, actif et engag dans lassociatif............................................ 317 III/ tre tranger sur une liste locale : candidatures portugaises plurielles.......................... 318 A/ Candidatures portugaises aux lections locales : rsultats du systme lectoral local ?... 318 B/ Profils des candidats de nationalit portugaise aux lections locales : la remise en cause du monopole de la figure du candidat tranger alibi ................................................................... 323 C/ Regard sur la campagne lectorale Esch-sur-Alzette : lenjeu des trangers ................. 331 D/ Portugais aux lections, instrumentalisation ou dmocratisation ?................................... 335 Conclusion : une lente mergence de la citoyennet politique de lUnion au gr des contraintes et opportunits structurelles................................................................................. 337 Chapitre VI/ LES MODELES EXPLICATIFS DE LA PARTICIPATION ELECTORALE DES PORTUGAIS................................................................................... 339

    Section I/ Itinraires migratoires des Portugais en Europe du Nord .......................... 340 I/ Une tendance limmigration directe et clandestine........................................................ 340 A/ Les deux types de parcours migratoires : le parcours direct ou indirect ........................... 340 B/ Les voies daccs lEurope du Nord : la filire lgale ou clandestine............................ 341 II/ Gographies et motivations des dparts des Portugais vers lEurope du Nord............... 345 A/ Les rgions de dpart vers lEurope du Nord : les rserves de main duvre au Nord du Tage........................................................................................................................................ 346 B/ Des raisons essentiellement conomiques : ailleurs est meilleur ................................ 349 III/ Un sjour provisoire et prcaire en Europe du Nord...................................................... 352 A/ Les premires annes : linstabilit professionnelle et gographique ............................... 352 B/ Le projet de vie initiale : pargne et retour au Portugal .................................................... 353

    Section II/ Les multiples facettes de lexclusion lectorale........................................... 355 I/ Le modle de lexclusion socio-politique......................................................................... 356 A/ De lexclusion du march du travail portugais la marginalisation conomique dans le pays de rsidence.................................................................................................................... 357 B/ Lexclusion linguistique et sociale .................................................................................... 361 C/ Lexclusion lectorale dans le pays de rsidence : rsultat de lincomptence politique.. 363 II/ Le modle de lindiffrence politique ............................................................................ 367 A/ Le surinvestissement professionnel : les parvenus conomiques...................................... 368 B/ Une fracture entre les citoyens et le monde politique ....................................................... 373

    Section II/ La diversit de la participation lectorale ................................................... 376 I/ Le modle de la citoyennet de rsidence : la figure du citoyen euro-local ..................... 376 A/ Un attachement symbolique au Portugal : la persistance des liens affectifs ..................... 378

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  • B/ Les rapports au pays dinstallation : des liens concrets fonds sur la dure de la rsidence et le travail.................................................................................................................................. 385 C/ La participation lectorale fonde sur la rsidence : jai mon mot dire ................... 398 II/ Le modle de la citoyennet binationale : la figure du citoyen euro-transnational......... 407 A/ Le bricolage dune double identit.................................................................................... 409 B/ Discours et pratiques de la double appartenance............................................................... 414 C/ Les sens de lappartenance deux espaces lectoraux...................................................... 419 CONCLUSIONS................................................................................................................... 427 BIBLIOGRAPHIE............................................................................................................... 440

    ANNEXES............................................................................................................................. 494

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  • REPERTOIRE DES SIGLES

    Luxembourg

    ADR : Action Dmocratique pour lquit des Retraites

    APL : Amiti Portugal-Luxembourg

    ASBL : Association Sans But Lucratif

    ASTI : Association de Soutien aux Travailleurs Immigrs

    CASA : Comit dAppui Social et Associatif

    CCE : Commission Consultative des trangers

    CCPL : Confdration de la Communaut Portugaise au Luxembourg

    CLAE : Comit de Liaison et dAction des trangers

    CNE : Conseil National des trangers

    LCGB : Confdration Luxembourgeoise des Syndicats Chrtiens

    OGBL : Confdration Syndicale Indpendante du Luxembourg

    PCL : Parti Communiste Luxembourgeois (en luxembourgeois le sigle est KPL)

    PCS : Parti Chrtien-Social (en luxembourgeois le sigle est CSV)

    PDL : Parti Dmocrate Luxembourgeois (en luxembourgeois le sigle est PD)

    PSD : Parti Social Dmocrate (Portugal)

    POSL : Parti Ouvrier Socialiste Luxembourgeois (en luxembourgeois le sigle est LSAP)

    SESOPI : Service Socio-Pastoral Intercommunautaire

    Belgique

    APEB : Association des Portugais Emigrs en Belgique

    CBAI : Centre Bruxellois dAction Interculturelle

    CNAPD : Coordination Nationale dAction pour la Paix et la Dmocratie

    CRPI : Commissariat Royal la Politique des Immigrs

    FGTB : Fdration Gnrale du Travail de Belgique

    MAR : Movimento Acco e Reflexo

    France

    CCPF : Coordination des Collectivits Portugaises de France

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  • CEMPI : Commission Extra-Municipale des Populations Immigres

    CIDEM : Civisme et Dmocratie

    FAPF : Fdration des Associations Portugaises de France

    INSEE : Institut National de la Statistiques et des tudes conomiques

    Portugal

    PIDE : Police Internationale de Dfense de lEtat

    RTPI : Radio Tlvision Portugaise Internationale

    STAPE : Secrtariat Technique dAide au Processus lectoral (Portugal)

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  • INTRODUCTION

    Bien que depuis quelques annes, le Portugal tende devenir un pays dimmigration1,

    il est et il a t pendant longtemps un pays dmigration. Diaspora quasi-mondiale2,

    lmigration portugaise est un phnomne ancien. De la conscration des grands voyageurs du

    XVIme sicle la reconnaissance des travailleurs immigrs du XXme sicle3, lmigration

    fait partie de lhistoire du pays et a donn naissance ce mot difficilement traduisible de

    saudade 4. partir du XXme sicle, lEurope du Nord est une destination prise par les

    populations portugaises. La France attire la majorit des flux surtout partir des annes

    soixante ; des courants secondaires se dveloppent vers lAllemagne, le Luxembourg et la

    Suisse. Qualifis souvent d invisibles 5, les Portugais sont rgulirement cits comme un

    exemple dintgration russie 6 en Europe. Les tudes sociologiques menes montrent que

    les Portugais ont su garder leur culture dorigine tout en sinsrant conomiquement et

    socialement dans la socit dinstallation7. Quen est-il du point de vue politique ?

    Si aujourdhui la question migratoire constitue un terrain de recherche privilgi ou un

    sujet de recherche part entire8, il nen tait pas de mme il y a quelques annes. Considre

    1 - LEANDRO Maria Engrcia, Un pays partag entre migration et immigration , Migrations Socit, vol. 11, n 64-65, juillet-octobre 1999, pp.181-197. Voir galement, CORDEIRO Albano, Entre migration et immigration, le Portugal et les dfis dune socit pluriculturelle , Migrance, Le Portugal entre migration et immigration , n 15, Premier trimestre 1999, pp.2-7. 2 - SIMON Gildas, Godynamique des migrations internationales dans le monde, Paris, PUF, 1995, p.216. 3 - Le Portugal a rig un monument en lhonneur de ses migrs. 4 - Entendue comme la nostalgie du pays. 5 - Voir CORDEIRO Albano, Les Portugais, une population invisible ? dans DEWITTE, Philippe (dir.), Immigration et intgration, ltat des savoirs, Paris, La Dcouverte, 1999, pp.106-111. Voir galement, ORIOL Michel, Lidentit des invisibles : un million de Portugais en France dans Le migrant. France, terre de migrations internes, terre dimmigration. Actes du colloque dAurillac, 5-7 juin 1985, Aurillac, Editions Gerbert, 1986, pp.227-234. 6 - LEUROPEN, Les Portugais en France : une intgration russie, une fiert retrouve , n 8, 13-19 mai 1998, pp.16-27. CENTRE DTUDES DCONOMIE INTERNATIONALE DE LUNIVERSIT AUTONOME DE LISBONNE, Lmigration portugaise en France : exemple dune russite, 1999. COLLECTIF, La communaut portugaise en France : Exemple dune russite, Lisboa, Universidade Autonoma de Lisboa, 1999. Voir pour le cas des Portugais au Luxembourg, LESNES Corinne, Portugais et Luxembourgeois, cte cte dans le Grand-Duch , Le Monde, n15877, 13 fvrier 1996, p.12. 7 - Notamment CUNHA Maria do Cu, Portugais de France, Paris, LHarmattan/CIEMI, 1988. HILY Marie-Antoinette, Les identits collectives lpreuve de lmigration : le cas des Portugais en France, thse de doctorat de sociologie, Universit de Nice-Sophia-Antipolis, 1993. LEANDRO Maria Engrcia, Au-del des apparences. Les Portugais face linsertion sociale, Paris, LHarmattan, 1995. LEANDRO Maria Engrcia, Familles portugaises : projets et destins, Paris, LHarmattan, 1995. 8 - RUDDER de, Vronique, Notes propos de lvolution des recherches franaises sur "ltranger dans la ville" dans SIMON-BAROUTH Ida, SIMON Pierre-Jean (dir.), Les trangers dans la ville. Le regard des sciences sociales. Actes du colloque international de Rennes, 14-15-16 dcembre 1988, Paris, LHarmattan, 1990, p.60-80. WIHTOL DE WENDEN Catherine, Les immigrs et la politique, Paris, PFNSP, 1988. Voir plus

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  • comme un objet dvaloris 9 voire illgitime 10, la question de limmigration a trouv

    difficilement sa place dans le champ scientifique franais. Ainsi, la sociologie des

    migrations a t [] marginale, dote de faibles moyens par rapport dautres sciences

    sociales 11. Cette situation est encore plus flagrante au regard de la production scientifique

    amricaine sur limmigration et cette diffrence dintrt rsulte de la faon dont sest opre

    la construction nationale dans les deux pays. En effet, G. Noiriel explique que les centres

    dintrt de lhistoire rpublicaine ont empch la constitution de limmigration en objet

    scientifique 12. Ce constat se retrouve dans dautres pays europens. Ainsi, en Belgique,

    lhistoire de limmigration est ignore, mconnue et inexistante parce quelle drange le

    schma classique de lhistoire nationale 13. Cest pourquoi lmergence dun champ

    dtudes migratoires et ethniques est un phnomne assez rcent qui commence rellement au

    dbut des annes 1980 .14 En effet, cette priode correspond la mise lagenda politique de

    la question de limmigration et des dbats autour de la place des trangers au sein de la socit

    nationale. Au Luxembourg, en raison dun dveloppement trs rcent du milieu scientifique,

    les recherches relatives aux trangers sont trs rares ; ce que regrette A. Reuter puisque le

    risque est grand actuellement que faute de recherches domestiques, le Luxembourg ne se voit

    imposer des modles qui ne correspondent pas ses propres traditions daccueil 15. Ainsi,

    limmigration sest impose difficilement et tardivement comme un objet de recherche

    scientifique dans plusieurs pays europens. Plus prcisment, nous pouvons nous interroger

    sur la place faite par les recherches scientifiques ltude des comportements politiques des

    trangers. Depuis quand et comment la science politique aborde-t-elle le thme ?

    Dans les pays dEurope du Nord, la lgislation relative aux trangers sest

    progressivement oriente vers une plus grande galit des droits sociaux entre les nationaux et rcemment, NOIRIEL Grard, Immigration, antismitisme et racisme en France (XIXe-XXe sicle). Discours publics, humiliations prives, Paris, Fayard, 2007. 9 - REA Andrea, TRIPIER Maryse, Sociologie de limmigration, Paris, Editions La Dcouverte, 2003, p.31. Cette constatation vaut pour les recherches historiques portant sur limmigration, voir BLANC-CHALEARD Marie-Claude, Des logiques nationales aux logiques ethniques , Le Mouvement social, n 188, juillet-septembre 1999, pp.3-16. 10 - NOIRIEL Grard, Le creuset franais : histoire de limmigration, XIXe-XXe sicle, Paris, Seuil, 1988, p.15. 11 - BASTENIER Albert, DASSETTO Felice, Immigration et espace public. La controverse de lintgration, Paris, LHarmattan, 1993, p.187. 12 - NOIRIEL Grard, op.cit., 1988, p.15. 13 - MORELLI Anne (dir.), Histoire des trangers et de limmigration en Belgique, de la prhistoire nos jours, Bruxelles, Couleur Livres, 2004, p.6. 14 - COLLECTIF, Recherche et politiques publiques : le cas de limmigration en Belgique, Gand, Academia Press, 2004, p.1. 15 - REUTER Antoinette, Panne de mmoire ? Pourquoi entamer des recherches sur les migrations ? dans REUTER Antoinette, SCUTO Denis (dir.), Itinraires croiss. Luxembourgeois ltranger, trangers au Luxembourg, ditions Le Phare, Esch-sur-Alzette, 1995, p.22.

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  • les trangers16. Daprs T. Hammar, la notion de politique dimmigration prsente une double

    face : dun ct, la rgulation des flux dimmigrs et dun autre ct, les mesures lgard des

    trangers rsidant sur le territoire17. Cest essentiellement le second volet qui retiendra notre

    attention : les Etats cherchent-ils favoriser ou freiner la participation des trangers ?

    Quelles sont les mesures mises en uvre par les pays europens pour ouvrir lespace politique

    aux trangers ? Entre 1960 et 1990, les trangers de lUnion europenne connaissent une

    extension de leurs droits18. Les pays de lUnion europenne ont dabord accord des droits

    sociaux aux trangers au nom de lgalit des salaris. A la lumire de la typologie de T.

    Marschall19 reposant sur trois niveaux de citoyennet, nous pouvons avancer que les trangers

    ont gnralement accs deux types de droits : les droits civils (libert de parler, de penser, de

    croyance, de mouvement, ect...) et les droits sociaux (minimun conomique, scurit...). Pour

    ce qui est des droits politiques, la situation est variable selon les pays. Ainsi, les recherches

    relatives lexercice des droits politiques par les trangers sont subordonnes aux droits

    octroys : alors que plusieurs recherches ont port sur lexercice des droits sociaux et

    politiques non-conventionnels des trangers, peu dtudes se sont penches sur la pratique du

    vote chez les trangers.

    Dans la plupart des pays de lUnion europenne, il est rendu possible pour les

    trangers de crer ou rejoindre des associations ou des syndicats. Les trangers possdent

    galement les mmes droits de reprsentation dans le domaine conomique, donc ils peuvent

    accder toutes les positions au sein dun syndicat ou dun comit dentreprise. En France,

    alors que ladhsion syndicale des trangers est possible depuis la loi du 21 mars 1884, il faut

    attendre la loi du 27 juin 1972 pour que les trangers puissent lire et tre ligibles aux

    lections des membres de comits dentreprise et des dlgus du personnel et la loi du 11

    juillet 1975 pour que les trangers puissent devenir dlgus syndicaux et accder aux postes

    de direction. Pour les conseils des Prudhommes, la loi du 18 janvier 1979 prvoit que les

    trangers sont lecteurs mais ne peuvent pas tre ligibles car ces conseils rendent des

    dcisions de justice au nom du peuple franais. La loi du 9 octobre 1981 donne aux trangers

    la libert dassociation et la possibilit dadhrer un parti politique franais. Avant 1981, les

    trangers pouvaient crer leurs associations mais ils devaient demander aux autorits une 16 - Sur cette question, nous pouvons nous reporter LAYTON HENRY Zig, The Political Rights of Migrant Workers in Western Europe, London, Sage, 1990. 17 - HAMMAR Thomas (ed.), European Immigration Policy. A Comparative study, Cambridge, Cambridge University Press, 1985. 18 - REA Andrea, TRIPIER Maryse, op.cit., 2003, p.93. 19 - MARSHALL Thomas H, Citizenship and Social Class, Cambridge, 1950.

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  • autorisation pralable. Avec la loi du 17 dcembre 1982, les trangers sont lecteurs et

    ligibles pour la dsignation des membres des Conseils dadministration des caisses de

    scurit sociale, des reprsentants des locataires au conseil dadministration des organismes

    de HLM et ils peuvent participer aux lections des reprsentants des parents dlves, en tant

    qulecteurs et candidats20.

    En Belgique, ds 1947, les syndicats belges crent des commissions de travailleurs

    trangers et les incitent ladhsion21. En 1949, les trangers disposent du droit de vote aux

    lections du conseil dentreprise. En 1958, les trangers peuvent se porter candidat aux

    lections de ces conseils. La loi du 17 fvrier 1970 accorde tous les travailleurs trangers les

    mmes droits de vote et dligibilit dans les comits de scurit et dhygine. Depuis 1980,

    les trangers ont la possibilit de crer une association.

    Au Luxembourg, les trangers devront attendre la loi du 4 mars 1994 qui assouplit les

    conditions de formalits requises pour la cration dune association et prvoit notamment

    labolition de la clause de la nationalit ; avant cette lgislation, la Constitution

    luxembourgeoise prvoyait le droit dassociation uniquement pour les nationaux (article 26).

    Une loi de 1928 disposait que le nombre dtrangers dans une asbl ne peut dpasser les 2/5me

    de nombre dassocis. Pourtant beaucoup dtrangers ont cr des associations de fait22.

    Ainsi, ces pays de lUnion europenne prennent en compte ltranger dans leur lgislation

    sociale. Toutefois, limage de ltranger demeure associe celle du travail ; cest donc dans

    le domaine du travail que les premiers efforts des autorits publiques se font ressentir.

    Paralllement, au niveau local, des initiatives se dveloppent pour associer les trangers la

    dcision publique.

    Les pays europens de forte immigration mettent en place des organismes de

    reprsentation des trangers23. Certaines municipalits europennes prvoient des espaces de

    participation consultative au niveau local pour les trangers ; ces structures visent un double

    objectif : dune part, intgrer et faire participer les rsidents trangers la vie publique

    20 - Pour plus de dtails, se reporter - WIHTOL DE WENDEN Catherine, op.cit., 1988. 21 - DRESSE Rene, Laction des syndicats dans COENEN Marie-Thrse, LEWIN Rosine (coord.), La Belgique et ses immigrs. Les politiques manques, Editions de Boeck-Universit, collection Pol-His , Bruxelles, 1997, p.169. Voir galement DOHET Julien, Les immigrs et le syndicalisme , Les territoires de la mmoire, n9, avril-juin 1999. 22 - PAULY Michel (coord.), ASTI (d.) Ltzebuerg de Ltzebuerger ? Le Luxembourg face limmigration, Luxembourg, Editions Guy Binsfeld, 1985, pp.129-147. 23 - La structure consultative locale pour rsidents trangers peut tre dfinie comme tant un organe dmocratique mis en place au niveau local, qui institue des relations de consultation entre, dune part, les lus et dautre part, les rsidents trangers. dans GSIR Sonia, MARTINIELLO Marco, Les structures consultatives locales pour rsidents trangers, Strasbourg, Editions du Conseil de lEurope, 2004, p.11.

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  • locale et dautre part, amliorer ou harmoniser les relations entre les rsidents trangers

    et les autres composantes de la cit 24. Les conseils consultatifs sont ns comme rponse

    l'exclusion des rsidents trangers du droit de vote et d'ligibilit et contribuent galement

    au dveloppement de la citoyennet des populations trangres, mais aussi nationales, en

    offrant des espaces de dialogue et de concertation entre les trangers et les nationaux 25 Ds

    1964, la Confrence europenne des pouvoirs locaux prconise la cration des conseils

    consultatifs communaux dimmigrs26. La Belgique est lun des premiers pays recourir ce

    procd : en 1968, des conseils consultatifs appels des Conseils Communaux Consultatifs

    des Immigrs (CCCI) sont mis en place dans plusieurs villes. Les membres de ces conseils

    sont nomms ou lus en fonction des villes. Ds cette poque, diffrentes propositions de loi

    ont t dposes au Parlement belge tendant accorder aux trangers le droit de vote au

    niveau communal. En France, entre 1977 et 1981, certaines communes qui comptent une forte

    proportion dtrangers, se dotent de commissions extra-municipales. Au Luxembourg, les

    conseils consultatifs des trangers ont t crs sous la pression des associations dtrangers et

    sont devenus obligatoires partir de 1989 dans les villes ayant plus de 20% de rsidents

    trangers et conseills au-dessous de cette barre27. Ils sont composs de membres

    luxembourgeois et trangers et sont tous nomms par le Conseil communal. Ces premires

    mesures plutt dordre social font lobjet de recherches et nous donnent un aperu de

    lutilisation de ces droits par les trangers. Ainsi, la participation des trangers ne peut se

    rduire une participation purement politique : les travailleurs immigrs, puis leurs

    descendants, ont toujours dvelopp une activit politique aux marges ou en dehors des

    institutions majeures de la socit politique afin damliorer leurs conditions dexistence ou

    plus gnralement de modifier les rapports de pouvoir de la socit en leur faveur 28.

    Il convient de rappeler que limmigration a longtemps t le parent pauvre de la

    science politique, largement ignore, marginalise, considre comme non-lgitime 29. C.

    Wihtol de Wenden avance plusieurs raisons pour expliquer cette situation : dune part, les

    24 - Ibidem, p.17. 25 - Ibidem, p.7-8. 26 - Rsolution n 49, 5me session, du 7 au 10 avril 1964. 27 - Selon le rglement grand-ducal du 5 aot 1989, un exemplaire est fourni en annexe 13. Voir galement, LEGRAND Michel, Les Commissions consultatives communales pour trangers au Grand-Duch de Luxembourg ou la "dmocratie en manque" , Migrations Socit, vol. 13, n 73, janvier - fvrier 2001. 28 - MARTINIELLO Marco, Les lus dorigine trangre Bruxelles : une nouvelle tape de la participation politique des populations dorigine immigre , Revue Europenne des Migrations Internationales, Immigrs et minorits ethniques dans lespace politique europen , vol.14, n 2, 1998, p.124. 29 - WIHTOL DE WENDEN Catherine, Le droit et les sciences politiques en France dans SIMON-BAROUTH Ida, SIMON Pierre-Jean (dir.), op.cit., 1990, p.86.

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  • trangers taient tenus la neutralit politique ainsi leur expression politique tait limite ;

    dautre part, le thme de limmigration ne constituait pas un enjeu politique que ce soit pour

    lopinion publique ou pour la sphre politique. En effet, les trangers ont occup des positions

    dfavorises dans lespace social et ont t tenus une neutralit politique ainsi le

    proslytisme des partis ou des syndicats a rencontr des rticences chez les trangers tels que

    les Espagnols30, les Portugais ou les Marocains31. Avant les annes quatre-vingt, lobligation

    de neutralit politique conduit les trangers tre privs des ressources stratgiques

    ncessaires la mobilisation et craindre toute participation des manifestations et aux

    activits des partis politiques : seul leur est offert le droit de se syndiquer qui correspond

    leur fonction productive [] La participation sociale est donc en droit fortement limite,

    mme si dans les faits il en va autrement 32. En effet, dans les faits, les trangers se sont

    saisis de diffrentes possibilits de mobilisation, essentiellement non-conventionnelles. Dans

    ce sens, le peu dtudes relatives aux comportements politiques des trangers portent

    essentiellement sur leur activit protestataire33 et leur participation sociale.

    Ltude de la pratique des droits sociaux par les trangers est souvent issue de

    monographies historiques. A partir dune tude des ouvriers immigrs Longwy, G. Noiriel

    rend compte de la participation des trangers (notamment Belges, Italiens et Polonais) au

    mouvement ouvrier des annes vingt malgr le risque dexpulsion34. Par la publication de

    journaux en langue maternelle et la cration des commissions spciales, les syndicats ont t

    les premiers donner un moyen dexpression aux travailleurs trangers, censs respecter la

    neutralit politique35. Dans ce sens, ds 1920, une section de lIntersyndicale ouvrire de

    langue espagnole est cre dans la Plaine Saint-Denis36. Toutefois, les possibilits daction

    collective pour les trangers taient limites lpoque et certains se sont tourns vers la voie

    associative ds les annes vingt, comme cest le cas pour les Polonais37. A la mme poque,

    le Parti Communiste est le seul parti prendre en compte la dfense des intrts des trangers, 30 - LILLO Natacha, La petite Espagne de la Plaine Saint-Denis (1900-1980), Paris, Autrement, 2004, p.75. HERMET Guy, Les Espagnols en France, Paris, Les Editions ouvrires, 1967, p.91. 31 - TRIPIER Maryse, Limmigration dans la classe ouvrire, Paris, CIEMI/LHarmattan, 1990, p.178. Dans le mme sens, GIRARD Alain, STOETZEL Jean, Franais et immigrs. Nouveaux documents sur ladaptation, Algriens, Italiens, Polonais ; le service social daide aux migrants, Paris, INED, 1954. 32 - TRIPIER Maryse, op.cit., 1990, p.80. 33 - GIUGNI Marco, PASSY Florence, La citoyennet en dbat. Mobilisations politiques en France et en Suisse, Paris, LHarmattan, 2006, p.141. 34 - NOIRIEL Grard, Longwy. Immigrs et proltaires 1880-1980, Paris, PUF, 1984. 35 - REA Andrea, TRIPIER Maryse, op.cit., 2003, p.63. 36 - LILLO Natacha, op.cit., 2004, p.74. 37 - PONTY Janine, Polonais mconnus. Histoire des travailleurs immigrs en France dans lentre-deux-guerres, Paris, Publications de la Sorbonne, 1988.

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  • cest pourquoi des Italiens antifascistes ont milit dans ce parti38 ainsi que certains

    Espagnols39. Le mme phnomne, la mme priode, est observ en Belgique : le Parti

    communiste attire, ds les annes vingt, les travailleurs trangers notamment originaires

    dEurope centrale40. Sous le Front Populaire (1936-1938), les trangers ont la possibilit de

    participer la vie publique sans risquer dtre arrts par la police et dtre expulss. Dans ce

    contexte, le Parti Communiste dveloppe les sections de la main-duvre immigre, par

    groupe de langue qui sont notamment investies par les Italiens41. Le rle du parti communiste

    lgard des trangers ne doit pas tre sous-estim 42. Les trangers participent galement aux

    grves de 1947-194843. A la lumire de ces actions collectives, il semble que les trangers se

    mobilisent en vue de lamlioration de leur statut social quelle que soit leur nationalit.

    Une tude sur limmigration italienne dans lEst parisien des annes 1880 aux annes

    1960 met en exergue la participation des Italiens, surtout antifascistes, au Parti communiste et

    la CGT ds les annes vingt44. Le mme phnomne est observ en Belgique : les Italiens

    forment dans les annes vingt jusqu 30% des effectifs du parti communiste belge45.

    Toutefois, en France, rgulirement, des vagues dexpulsion comme celle du dbut de 1925

    contribuent la baisse des effectifs aussi bien dans le syndicalisme quau parti communiste46.

    Cependant, les Italiens sont en tte des trangers intgrs aux organisations syndicales

    franaises en 1930 et participent activement aux grves comme celle qui secoue le btiment

    en 1931-193247. Par ailleurs, il faut souligner la participation des trangers prsents sur les

    territoires franais ou belge la rsistance durant la deuxime guerre mondiale ; cest le cas

    des Italiens en France48 ou en Belgique49 tout comme les Espagnols en France50. Toutefois,

    38 - NOIRIEL Grard, op.cit., 2007, p.345. 39 - LILLO Natacha, op.cit., 2004, pp.74-76. 40 - CAESTECKER Frank, Mineurs dEurope centrale en Belgique dans MORELLI Anne (dir.), op.cit., 2004, p.169. 41 - NOIRIEL Grard, op.cit., 2007, pp.445-449. 42 - PLATONE Franois, "Proltaires de tous les pays" Le Parti communistes franais et les immigrs dans LE COUR GRANDMAISON Olivier, WIHTOL DE WENDEN Catherine (dir.), Les trangers dans la cit. Expriences europennes, Paris, La Dcouverte, 1993, pp.64-80. 43 - Pour la participation des Italiens, voir BLANC-CHALEARD Marie-Christine, Les Italiens dans lEst parisien. Une histoire dintgration (1880-1960), Paris, Ecole franaise de Rome, 2000, p.638. 44 - Ibidem, pp.230-255/297-304. 45 - MORELLI Anne, Limmigration italienne en Belgique aux XIXe et XXe sicles dans MORELLI Anne (dir.), op.cit., 2004, p.204. 46 - BLANC-CHALEARD Marie-Christine, op.cit., 2000, p.301. 47 - Ibidem, p.455. 48 - Ibidem, p.534. 49 - MORELLI Anne, Limmigration italienne en Belgique aux XIXe et XXe sicles dans MORELLI Anne (dir.), op.cit., 2004, p.206. 50 - LILLO Natacha, op.cit., 2004, pp.106-113.

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  • les trangers se mobilisent galement depuis le pays de rsidence pour intervenir dans la

    politique de leur pays dorigine. Cest le cas des Italiens qui luttent depuis la France51 ou la

    Belgique52 contre le fascisme ou encore le cas des Espagnols dont plusieurs se sont engags

    dans la guerre civile dEspagne en 193653 ou ont milit depuis la Belgique par le biais de

    groupes politiques essentiellement de gauche54.

    Lorganisation en association reste une possibilit dexpression pour les trangers ;

    mme si dans la plupart des pays de lEurope du Nord, les conditions de cration dune

    association par des trangers, restent contraignantes avant les annes quatre-vingt. Ainsi,

    aprs la deuxime guerre mondiale, les associations italiennes se dveloppent en France55. Au

    Luxembourg, les premiers crits relatifs aux comportements politiques des trangers manent

    des associations. En effet, lAssociation de Soutien aux Travailleurs Immigrs (ASTI) a men

    une recherche gnrale sur les trangers dans laquelle il fait tat de la mobilisation associative

    des trangers56 notamment des Italiens au dbut des annes soixante-dix57. Toutefois, les

    recherches historiques sont trs rares au Luxembourg en raison du faible dveloppement du

    milieu universitaire58, do une quasi-absence dinformations sur les formes de mobilisation

    politique des trangers.

    En France, les annes soixante-dix sont marques par les actions collectives des

    trangers portant sur trois thmes principaux : le loyer, le travail et le racisme59. En effet,

    cette priode, clatent les grves de loyers dans les foyers Sonacotra (Socit nationale de

    construction de logements pour les travailleurs) qui dureront plus de quatre ans60. De plus,

    dbutent les grves des ouvriers trangers dans plusieurs usines telles que Renault-Billancourt

    en 1975. Les trangers sassocient aux actions collectives bien que leur taux de

    syndicalisation soit faible. Enfin, dans les annes soixante-dix, les premires manifestations 51 - BLANC-CHALEARD Marie-Christine, op.cit., 2000, pp.230-255. 52 - MORELLI Anne, Limmigration italienne en Belgique aux XIXe et XXe sicles dans MORELLI Anne (dir.), op.cit., 2004, pp.204-205. 53 - LILLO Natacha, op.cit., 2004, pp.94-102. 54 - SANCHEZ Maria-Jos, Les Espagnols en Belgique au XXe sicle dans MORELLI Anne (dir.), op.cit., 2004, p.284. 55 - BLANC-CHALEARD Marie-Christine, op.cit., 2000, pp.636-639. 56 - ASTI (d.), op.cit., 1985, p.169. 57 - Voir galement GALLO Benito, Limmigration italienne au Grand-Duch de Luxembourg en images, Luxembourg, 1983, pp.224-225. 58 - REUTER Antoinette Rendre compte de lhistoire des migrations au Luxembourg , Migrance, Luxembourg : histoires croises des migrations , n 20, Premier trimestre 2002, pp.4-9. 59 - NOIRIEL Grard, op.cit., 2007, pp.562-565. 60 - HMED Choukri, Contester une institution dans le cas dune mobilisation improbable. La grve des loyers dans les foyers Sonacotra dans les annes 1970 , Socits contemporaines, n65, 2007, pp.55-81.

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  • contre le racisme ont lieu. Ainsi, les trangers entrent dans lespace public pour adresser des

    revendications qui sont le reflet de leur histoire migratoire, de leurs difficults singulires

    dintgration.

    Des tudes ont galement port sur les structures consultatives locales pour rsidents

    trangers. la frontire du social et du politique, la plupart de ces conseils voient leurs

    pouvoirs rduits cause de leur rle purement consultatif et de leur comptence limite aux

    intrts municipaux. Ils prsentent nanmoins lavantage dassocier les migrants au

    processus de dcision politique dans le pays daccueil et de familiariser la population

    nationale lide dune participation des trangers la vie politique 61. Finalement, les

    conseils consultatifs qui contribuent crer un espace de citoyennet sociale 62, peuvent

    servir de tremplin des revendications de droits politiques : lexprience des Conseils

    consultatifs communaux des immigrs a signifi pour le mouvement immigr un

    aboutissement plus ferme de ses aspirations politiques et une conscience plus claire de

    linadquation des CCCI en tre la rponse 63. Ces structures ont eu un double effet :

    dune part, elles apparaissent comme une arne politique dans laquelle les leaders

    politiques immigrs mergents pouvaient sexercer et acqurir une exprience politique

    locale mais elles fonctionnent aussi comme un repoussoir pour favoriser lengagement

    direct de certains leaders immigrs dans les structures politiques belges traditionnelles 64.

    Par ailleurs, toujours en Belgique, M. Martiniello note labsence des leaders italiens ou

    dautres communauts ethniques dans les hautes sphres des appareils syndicaux. En

    revanche, des leaders dorigine italienne sont prsents mais ils dfendent plutt les intrts

    gnraux des travailleurs que les intrts spcifiques des personnes dorigine trangre65.

    61 - WIHTOL DE WENDEN Catherine, op. cit., 1988, p.213. Pour un dbat sur la question, voir le dossier relatif aux structures municipales de concertation ou de consultation des rsidents trangers , Migrations Socit, vol.13, n73, janvier-fvrier 2001. 62 - LOCHAK Danile, La citoyennet : un concept juridique flou dans COLAS Dominique, EMERI Claude, ZYLBERBERG Jacques, Citoyennet et nationalit. Perspectives en France et au Qubec, Paris, Presses Universitaires de France, 1991, p.200. 63 - PANCIERA Silvana, Les conseils consultatifs communaux des immigrs , Courrier hebdomadaire du CRISP, n 963, 1982, p.32. 64 - MARTINIELLO Marco, Quelle participation politique ? dans COENEN Marie-Thrse, LEWIN Rosine (coord.), op.cit., 1997, p.110. Voir aussi MARTINIELLO Marco, Les limites dune politique de consultation des migrants et des minorits ethniques dorigine immigre dans La participation politique et sociale des immigrs travers des mcanismes de consultation, Editions du Conseil de lEurope, 1999. 65 - MARTINIELLO Marco, Leadership et pouvoir dans les communauts dorigine immigre, Paris, CIEMI-LHarmattan, 1992, p.264.

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  • Dans le mme sens, dans les annes soixante-dix, les Espagnols sinvestissent dans les

    syndicats et les Conseils consultatifs communaux dimmigrs66.

    Les annes quatre-vingt marquent un glissement vers les revendications de la

    deuxime gnration. Ainsi, en France, le thme de la mobilisation politique des trangers et

    de leurs descendants est notamment trait au moment du mouvement beur 67 ; celui-ci

    dbute en 1983 avec la marche contre le racisme et pour lgalit suivie du mouvement

    convergence 1984 qui organise une marche reposant notamment sur la revendication du

    droit de vote pour les trangers. Ensuite, les recherches se sont essouffles face labsence de

    mobilisations et se sont orientes vers lengagement associatif des trangers et de leurs

    descendants. Lassociationnisme immigr a connu trois temps : tout dabord, dans les annes

    soixante-dix, les associations des trangers se sont dveloppes autour denjeux du pays

    dorigine ; ensuite dans les annes quatre-vingt, les associations, issus du mouvement beur,

    sorganisent autour des revendications pour lgalit ; et enfin, partir des annes quatre-

    vingt-dix, les associations plutt locales jouent le rle dinterlocuteur avec les autorits

    publiques68.

    Enfin signalons la recherche de M. Giugni et F. Passy qui porte sur les mobilisations

    politiques des trangers dans les annes quatre-vingt-dix en France et en Suisse. Il apparat

    que les conceptions de la citoyennet forment des structures dopportunits politiques qui

    influencent directement les revendications dans le domaine des migrations, notamment en

    largissant ou restreignant laccs la nation et lespace public69. Par ailleurs, les

    revendications des trangers sont dpendantes de leurs ressources70. Certains groupes sont

    plus exclus que dautres : tout groupe de migrants ne bnficie pas de faon homogne des

    opportunits discursives disponibles dans chaque Etat-nation. Les rapports dinclusion (ou

    dexclusion) quentretiennent les groupes de migrants au sein de la communaut des citoyens

    faonnera par consquent leur rpertoire daction 71. Ainsi, lactivit politique des trangers

    dpend la fois des contraintes poses par les Etats et de leur conception de la citoyennet,

    66 - SANCHEZ Maria-Jos, Les Espagnols en Belgique au XXe sicle dans MORELLI Anne (dir.), op.cit, 2004, p.290. 67 - BOUAMAMA Sad, CORDEIRO Albano, ROUX Michel, La citoyennet dans tous ses tats. De limmigration la nouvelle citoyennet, Paris, CIEMI/LHarmattan, 1992. 68 - WIHTOL DE WENDEN Catherine, LEVEAU Rmy, La beurgeoisie. Les trois ges de la vie associative issue de limmigration, Paris, CNRS Editions, 2001. 69 - GIUGNI Marco, PASSY Florence, op.cit., 2006, p.40. 70 - Ibidem, p.143. 71 - Ibidem, p.163.

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  • mais galement des caractristiques et de lhistoire migratoire spcifique chaque groupe des

    trangers72. Les trangers constituent souvent des groupes faibles ressources qui peuvent

    difficilement dvelopper des mobilisations. Dans ce sens, une tude portant sur les sans

    papiers a mis en exergue les logiques de leur mobilisation reposant sur des actions

    symboliques telles que la grve de la faim ou loccupation de lieux cultuels ou administratifs.

    Cette mobilisation a galement t rendue possible grce linvestissement dassociations de

    dfense des droits de lhomme et du milieu artistique donc grce lintervention de soutiens

    externes73.

    A la lumire de tous ces exemples, il apparat que les trangers ont politis le non-

    politique 74. De plus, il faut souligner quil ny pas de groupe social immigr 75. Le

    groupe des trangers est htrogne : ils auront tendance se mobiliser en fonction de leur

    histoire personnelle et/ou nationale et des structures des opportunits offertes par le pays de

    rsidence.

    On devient pleinement citoyen, et mme pleinement humain, comme le montre

    lexemple amricain, quavec lacquisition du droit de vote sans restrictions et sans

    contraintes 76. Cette philosophie na pas t celle de tous les pays de lUnion europenne. En

    effet, la citoyennet politique de ltranger est un sujet trait diffremment en fonction des

    pays. Aprs la fermeture des frontires europennes, la plupart des pays ont accord une

    attention particulire aux politiques dimmigration77, mais les tats se sont souvent focaliss

    sur la question de limmigration clandestine au dtriment dune vritable politique

    dintgration. Cette situation a t accentue par lmergence de lextrme-droite sur

    lchiquier politique de diffrents pays europens. Ds les annes soixante et surtout aprs la

    fermeture des frontires des pays europens dans les annes soixante-dix, plusieurs pays

    europens rflchissent la mise en place de mesures lgard des trangers rsidant sur le

    72 - Ibidem, p.175. 73 - SIMEANT Johanna, La cause des sans-papiers, Paris, Presses de Sciences Politiques, 1998, pp.64-67. 74 - WIHTOL DE WENDEN Catherine, op.cit., 1988. 75 - NOIRIEL Grard, op.cit., 1988, p.116. 76 - SUBILEAU Franoise, TOINET Marie-France, Les chemins de labstention. Une comparaison franco-amricaine, Paris, Editions La Dcouverte, 1993, p.7. 77 - dfinies comme lensemble des mesures et des pratiques sociales adoptes pour dune part, rglementer et contrler lentre, le sjour et lemploi des non-nationaux et dautre part, traiter les populations dj installes sur le territoire national. Voir SCHNAPPER Dominique, LEurope des immigrs, Paris, Franois Bourin, 1992, p.29.

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  • territoire. Dans cette perspective, certains pays europens accordent le statut dlecteur aux

    trangers rsidant rgulirement sur leur territoire.

    Louverture de lespace lectoral aux trangers varie en fonction des pays78. En dehors

    de lIrlande qui accorde le droit de vote pour les trangers aux lections municipales ds

    1963, un certain nombre de pays europens ouvrent leur espace lectoral aux trangers partir

    des annes soixante-dix ; cest le cas de la Sude (1975) suivie du Danemark qui reconnat, en

    1981, lecteurs et ligibles les trangers ayant rsid plus de trois ans sur son territoire. La

    mme anne, la Finlande ouvre le droit de vote mais exclusivement pour les citoyens

    nordiques, puis lensemble des citoyens trangers en 1995. Cest depuis 1985 que le droit de

    vote sappuie sur le pays de rsidence et non plus sur celui de la naissance aux Pays-Bas. Par

    ailleurs, certains pays accordent des droits lectoraux des catgories dtrangers sous rserve

    de rciprocit. Cest le cas du Royaume-Uni vis--vis des Irlandais et des citoyens du

    Commonwealth. Le Portugal prvoit galement ces droits lgard des citoyens des pays de

    langue lusophone (Brsil, Cap Vert). Enfin, des pays profitent de la citoyennet de lUnion

    pour ouvrir le droit de vote aux extra-communautaires. Cest le cas du Luxembourg qui

    depuis la loi du 18 fvrier 2003, donne le droit de vote aux trangers extra-communautaires

    pour les lections communales. De mme en Belgique, depuis fvrier 2004, les trangers

    extra-communautaires sont reconnus comme des lecteurs potentiels.

    78 - Pour plus de dtails sur ces questions, voir LE COUR GRANDMAISON Olivier, WIHTOL DE WENDEN Catherine (dir.), op.cit., 1993, pp.18-24.

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  • Tableau 1 Les dates dinclusion des trangers communautaires et extra-communautaires dans lespace lectoral local du pays de rsidence de lUnion europenne -

    Modles Pays Dates Remarques Irlande 1963 Sude 1975

    Danemark 1981

    Le droit de vote des trangers pr-

    Maastricht Pays-Bas 1985 Espagne 1985 Portugal 1971

    Royaume-Uni 1949 Malte 1993

    Le droit de vote des trangers sous condition de rciprocit

    Rpublique Tchque 2002 Estonie 1993 Sans ligibilit pour

    les ressortissants extra-

    communautaires Finlande 1995 Lituanie 2002 Slovnie 2002

    Luxembourg 2003 Sans ligibilit pour les ressortissants

    extra-communautaires

    Le droit de vote des trangers post-

    Maastricht

    Belgique 2004 Sans ligibilit pour les ressortissants

    extra-communautaires

    Allemagne

    Autriche France Grce Italie

    Chypre Hongrie Lettonie Pologne

    Slovaquie Bulgarie

    Le droit de vote des trangers

    communautaires post-Maastricht

    Roumanie

    Au travers de ce tableau79, nous avons class les pays en fonction dun critre : les

    conditions dans lesquelles le droit de vote aux trangers communautaires et/ou extra-

    communautaires a t accord. En fonction de ce critre, nous avons dfini plusieurs modles.

    Tout dabord, le modle du droit de vote des trangers pr-Maastricht : il sagit des pays de 79 - Inspir de STRUDEL Sylvie, Polyrythmie europenne : le droit de suffrage municipal des trangers au sein de lUnion, une rgle lectorale entre dtournements et retardements , Revue Franaise de Science Politique, vol. 53, n 1, fvrier 2003, pp.3-34.

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  • lUnion europenne qui ont octroy le droit de vote aux lections locales avant 1992. Ces

    pays ne font pas de distinction entre trangers communautaires et trangers des pays tiers pour

    loctroi du droit de vote. Le second modle nomm le droit de vote des trangers sous

    condition de rciprocit correspond au cas des pays qui rservent le droit de vote aux

    ressortissants de certains pays en fonction des accords bilatraux. Dans ce modle, la pratique

    du droit de vote des trangers est gnralement antrieure au Trait de Maastricht. Ensuite,

    vient le modle du droit de vote des trangers post-Maastricht . Ce modle regroupe les

    pays qui ont choisi de donner le droit de vote aux trangers extra-communautaires plusieurs

    annes aprs que la citoyennet de lUnion soit reconnue. Enfin, le dernier modle auquel

    appartient une partie importante des pays europens, est le modle du droit de vote des

    trangers communautaires post-Maastricht . Ces pays nont pas reconnu deux-mmes le

    droit de vote des trangers. Ce sont les institutions europennes qui les ont conduit inscrire

    la participation lectorale des citoyens de lUnion dans leur lgislation. Ainsi, ces pays

    excluent du droit de vote, les trangers extra-communautaires. Ces modles permettent de

    rendre compte de la complexit de la ralit du droit lectoral des populations trangres.

    Dans les pays de lUnion europenne, le droit de vote des trangers est une pratique multiple,

    qui peut tre entendue au sens strict (ressortissants communautaires/pas de droit dligibilit

    pour les ressortissants des pays tiers) ou au sens large (tous les trangers sans distinction de

    nationalit). Le Trait de Maastricht gnralise le droit de vote aux lections municipales et

    europennes tout ressortissant dun pays membre, rsidant au sein de lUnion europenne80.

    Finalement, au sujet du droit de vote des trangers, chaque pays volue son rythme ou sous

    la pression des institutions communautaires. Une fois ces droits octroys, comment les

    trangers sen saisissent-ils ? Que savons-nous de lexercice des droits lectoraux par les

    trangers ?

    La plupart des travaux relatifs lexercice du droit de vote pr-Maastricht ont conclu

    une faible participation des trangers aux lections. Cest ce qui ressort dun livre collectif

    prenant en compte les expriences lectorales dans plusieurs pays europens81. Il apparat

    galement que les trangers votent plus souvent gauche que les nationaux mais leur

    comportement lectoral se modifie rapidement au gr de lvolution des statuts sociaux. Cette

    80 - Nous reviendrons en dtail sur la prsentation du texte au cours de lintroduction. Cf infra. 81 - LE COUR GRANDMAISON Olivier, WIHTOL DE WENDEN Catherine (dir.), op.cit., 1993.

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  • tendance est confirme par des tudes plus rcentes que ce soit en Sude82, au Danemark83 ou

    au Pays-Bas84. Dans ce dernier pays, les diffrentes recherches menes sur le thme

    aboutissent aux mmes conclusions : le taux dinscription des trangers est moins lev que

    celui des nationaux. Toutefois, des variations sont constates en fonction des appartenances

    nationales : ainsi les lecteurs turcs votent autant que les Nerlandais alors que la participation

    des Marocains est faible. De plus, le vote des trangers tendance se diversifier : la plupart

    des trangers attribuent leur voix au parti socialiste, mais les cologistes et les chrtiens-

    dmocrates attirent galement les suffrages des trangers85.

    A la lumire de ces diffrences entre nationalits, les travaux mens par J. Tillie

    partent du postulat suivant : il ne faut pas analyser les trangers comme une catgorie sociale

    uniforme car leurs parcours sont diffrents86. Dans ce sens, L. Togeby mne une tude sur la

    participation des trangers aux lections municipales de novembre 1997 au Danemark87. Elle

    distingue dans son tude les travailleurs turcs des rfugis libanais. En effet, les Turcs sont

    arrivs au Danemark ds les annes soixante alors que les Libanais sont arrivs au milieu des

    annes quatre-vingt. En outre, lauteur prend en compte les caractristiques individuelles des

    trangers telles que lge, la situation matrimoniale, la dure de rsidence ou encore la

    situation professionnelle pour expliquer le comportement lectoral des trangers. Par ailleurs,

    il a t dmontr que la densit du rseau des associations ethniques et le degr de confiance

    dans les institutions politiques ont une influence sur la participation politique des minorits

    ethniques88 : plus une personne appartient des rseaux, plus elle participe politiquement89.

    82 - BCK Henry, SOININEN Maritta, Immigrants in the Political Process , Scandinavian Political Studies, n21, 1998, pp.29-50. 83 - TOGEBY Lise, Immigrants at the Polls: Immigrant and Refugee Participation in Danish Local Elections in BEUKEL Erik, KLAUSEN Kurt Klaudi, MOURITZEN Poul Erik (eds.), Elites, Parties and Democracy, Odense, Odense University Press, 1999, pp.297-320. 84 - FENNEMA Meindert, TILLIE Jean, Political Participation and political trust in Amsterdam. Civic communities and ethnic networks , Journal of Ethnic and Migration Studies, vol.25, n4, 1999, pp.703-726. 85 - RATH Jan, La participation des immigrs aux lections locales aux Pays-Bas , Revue Europenne des Migrations Internationales, vol.4, n3, 1988, pp.23-36. JACOBS Dirk, TILLIE Jean, Introduction: Social Capital and Political Integration of Migrants , Journal of Ethnic and Migration Studies, vol. 30, n3, 2004, pp.419-427. FENNEMA Meindert, TILLIE Jean, Political Participation and political trust in Amsterdam. Civic communities and ethnic networks , op.cit., 1999, pp.703-726. 86 - TILLIE Jean, Explaining Migrant Voting Behaviour in the Netherlands. Combining the Electoral Research and Ethnic Studies Perspective , Revue Europenne des Migrations Internationales, op.cit., 1998, pp.71-95. 87 - TOGEBY Lise, Immigrants at the Polls: Immigrant and Refugee Participation in Danish Local Elections in BEUKEL Erik, KLAUSEN Kurt Klaudi, MOURITZEN Poul Erik (eds.), Elites, Parties and Democracy, Odense, Odense University Press, 1999, pp.297-320. 88 - FENNEMA Meindert, TILLIE Jean, Political Participation and political trust in Amsterdam. Civic communities and ethnic networks , Journal of Ethnic and Migration Studies, vol.25, n4, 1999, pp.703-726. 89 - JACOBS Dirk, TILLIE Jean, Introduction: Social Capital and Political Integration of Migrants , op.cit., 2004, pp.419-427.

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  • Ces tudes ont mis en vidence la moindre participation lectorale des trangers. Toutefois,

    des diffrences sont tablies dune part, entre les groupes dtrangers et dautre part, entre les

    trangers dun mme groupe qui se saisissent ou ne se saisissent pas des droits lectoraux en

    fonction de diffrents paramtres : lintrt politique, la situation socio-conomique, le

    bnfice retirer de leur participation ou de leur passivit, etc

    La mise en place de la citoyennet de lUnion a donn lieu de nouvelles tudes sur le

    comportement lectoral des ressortissants communautaires. Mais, la sociologie de lEurope

    est encore un champ en friche 90 et de ce fait, le citoyen migrant dans lUnion europenne

    reste peu tudi91. Cest pourquoi, les auteurs comme A. Smith invitent une tude de

    lEurope travers les pratiques sociales et leurs reprsentations92. Si la citoyennet de lUnion

    a fait l'objet de nombreuses tudes juridiques ou philosophiques, elle donne naissance de

    nouveaux comportements politiques qui restent encore peu tudis93. A propos de la

    littrature philosophique relative la citoyennet de lUnion94, Y. Deloye estime quelle

    contribue fortement faire exister "sur papier" une citoyennet dont la saillance sociale est

    encore trs faible 95. Des tudes de politologues ont t menes sur la dimension historique

    de la citoyennet de lUnion. Ainsi, P. Magnette retrace la gense de la citoyennet de

    lUnion depuis ses origines dans les traits fondateurs jusquaux innovations rcentes du trait

    dAmsterdam96. En revanche, la question est assez peu traite par les spcialistes du

    comportement politique et lectoral97. Comme le note S. Strudel, aussi bien les analyses

    90 - GUIRAUDON Virginie, Lespace sociopolitique europen, un champ encore en friche ? , Cultures et conflits, n 38-39, pp.7-37. 91 - Sur cette question, voir Science politique et intgration europenne : Elments pistmologiques du statut du citoyen dans BELOT Cline, LEurope en citoyennet. Jeunes Franais et Britanniques dans le processus de lgitimation de lUnion europenne, thse de doctorat de science politique, sous la direction de Bernard DENNI, IEP de Grenoble, Grenoble, 2000, pp.169-232. 92 - SMITH Andy, Lespace public europen : une vue trop arienne , Critique internationale, n 2, hiver 1998, pp.169-180. 93 - Pour un tat de la question, cf STRUDEL Sylvie, Citoyennets dans BELOT Cline, MAGNETTE Paul, SAURUGGER Sabine (dir.), Sociologie de lUnion europenne, Paris, Economica, 2008. 94 - Nous pouvons citer notamment DUMONT Grard-Franois, Les racines de l'identit europenne, Paris, Economica, 1999. FERRY Jean-Marc, La question de l'Etat europen, Paris, Gallimard, 2000. HABERMAS Jrgen, Aprs lEtat-nation, Paris, Fayard, 2000. BALIBAR Etienne, Nous, Citoyens dEurope ? Les frontires, lEtat, le peuple, Paris, La Dcouverte, 2001. Pour une approche synthtique de la question, voir TASSIN Etienne, Identits nationales et citoyennet politique , Esprit, janvier 1994, pp.97-111. 95 - DELOYE Yves, Le dbat contemporain sur la citoyennet au prisme de la construction europenne , Etudes europennes, avril 2004, p.1. 96 - - MAGNETTE Paul, La citoyennet europenne, Bruxelles, Etudes Europennes, 1999. 97 - Nous pouvons citer les travaux de STRUDEL Sylvie : STRUDEL Sylvie, La citoyennet de lUnion : lincertaine construction dun corps lectoral europen dans CAUTRES Bruno, REYNIE Dominique, (dir.), Lopinion europenne 2001, Paris, Presses de Sciences Po et Fondation Robert Schuman, Paris, 2001, pp.53-64. STRUDEL Sylvie, Les citoyens europens aux urnes : les usages ambigus de larticle 8B du trait de Maastricht , Revue internationale de politique compare, n 1, vol.9, 2002, pp.47-63. STRUDEL Sylvie,

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  • thoriques que celles des politiques publiques nous parlent d'une citoyennet abstraite et nous

    renseignent finalement assez peu sur la rception du politique par les citoyens

    ordinaires 98. En effet, rares ont t les tudes consacres l'exercice concret de la

    citoyennet de l'Union par les bnficiaires ; [bref, toute] une sociologie politique de

    l'exercice de la citoyennet europenne reste construire 99.

    Poser un regard de politologue sur la citoyennet de lUnion permet de glisser des

    droits octroys la pratique de ces droits. Des tudes de terrain ont t amorces dans certains

    pays europens propos de la citoyennet de lUnion100 mais galement pour tester de la

    ralit des droits politiques des citoyens de lUnion101. Et les premires conclusions, la

    lumire des taux d'inscription sur les listes lectorales ou/et de participation des citoyens de

    l'Union europenne, se rejoignent : ces droits politiques restent largement thoriques 102 et

    n'ont pas encourag la mobilisation civique 103. Gnralement, la citoyennet de lUnion

    ne semble pas trouver d'cho auprs des concerns et son assise pratique est trs fragile. Par

    exemple, la participation des Italiens vivant en Belgique aux lections europennes de 1994

    reste trs faible. Plusieurs explications sont avances : le dlai trop court entre la loi et les

    lections de 1994, le manque dinformation, les complications administratives et le

    dsintressement104. De faon gnrale, dans plusieurs communes bruxelloises, les

    ressortissants de lUnion europenne se sont faiblement inscrits sur les listes lectorales

    Polyrythmie europenne : le droit de suffrage municipal des trangers au sein de lUnion, une rgle lectorale entre dtournements et retardements , op.cit., fvrier 2003, pp.3-34. Mais galement lanalyse exploratoire du vote des citoyens europens Bruxelles, voir MARTINIELLO Marco, Les ressortissants communautaires et la pratique de la citoyennet europenne dans MAGNETTE Paul, op.cit., 1997. Voir galement BOUSETTA Hassan, SWYNGEDOUW Marc, La citoyennet de lUnion europenne et lenjeu de Bruxelles. Le droit supranational europen confront aux ralits dune socit multiethnique et multinationale divise , Courrier hebdomadaire du CRISP, n 1636, 1999, pp.29-37. 98 - STRUDEL Sylvie, La citoyennet de l'Union : l'incertaine construction d'un corps lectoral europen dans REYNIE Dominique, CAUTRES Bruno, (dir.), op.cit., 2001, p. 54. 99 - MARTINIELLO Marco, Les ressortissants communautaires et la pratique de la citoyennet europenne dans MAGNETTE Paul, De ltranger au citoyen. Construire la citoyennet europenne, Bruxelles/Paris, De Boeck Universit, 1997, pp.126-127. 100 - Nous pouvons citer les travaux de WEISBEIN Julien, Construire la citoyennet europenne. Les mobilisations associatives autour de lintgration communautaire, thse de doctorat de science politique, sous la direction de Pascal PERRINEAU, IEP Paris, 2001. BELOT Cline, op.cit., 2000. 101 - Voir STRUDEL Sylvie (coord.), Pratiques de la citoyennet europenne , Revue internationale de politique compare, n 1, vol.9, 2002. 102 - MAGNETTE Paul, op.cit., 1997, p.14. 103 - MAGNETTE Paul, op.cit., 1999, p.186. 104 - MARTINIELLO Marco, Les ressortissants communautaires et la pratique de la citoyennet europenne dans MAGNETTE Paul, op.cit., 1997.

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  • loccasion des lections communales de 2000105. Au Luxembourg, la srie dtudes menes

    par le SESOPI au sujet de linscription lectorale des ressortissants communautaires tablisse

    une faible mobilisation des citoyens de lUnion mme si les inscriptions ont tendance

    augmenter au fil du temps106. Ces tudes mettent galement en vidence des diffrences de

    mobilisation entre les nationalits. S. Strudel met en avant deux types de diffrences107 :

    dune part, des diffrences entre pays de rsidence o nous observons une meilleure

    inscription des lecteurs communautaires en fonction de la chronologie dattribution des

    droits de vote et dautre part, des diffrences en fonction des nationalits des rsidents. Par

    exemple, aux lections municipales franaises de 2001, alors que presque 30% des

    nerlandais ont fait le choix de sinscrire, seuls 10% des Portugais majeurs sont enregistrs

    sur les listes lectorales. Finalement, le citoyen de lUnion demeure avant tout une

    abstraction 108, construite par le droit, la citoyennet europenne s'effrite dans la

    pratique 109. Par ailleurs, les tudes menes sur les droits politiques de la citoyennet de

    lUnion restent ariennes 110 et gnrales survolant l'ensemble des citoyens de lUnion.

    Seules des tendances gnrales sont alors bauches sans tenir compte des spcificits

    historiques et sociologiques de chaque groupe de citoyens de lUnion alors que les citoyens de

    lUnion constituent une catgorie artificiellement unifie, cest pourquoi S. Strudel nous

    invite revoir laffirmation abstraite du citoyen de lUnion europenne 111.

    Il ressort de lensemble de ces travaux que pour mieux saisir le comportement

    lectoral des trangers, une approche par nationalit simpose. Il convient de ne pas

    considrer les trangers comme un groupe homogne : il faut tenir compte de lhistoire

    collective et des parcours individuels pour mieux comprendre leurs comportements et

    attitudes politiques.

    105 - JACOBS Dirk, MARTINIELLO Marco, REA Andrea, Changing patterns of political participation of immigrant origin citizens in the Brussels Capital Region : The October 2000 elections , Journal of International Migration and Integration, vol.2, n3, 2002, p.204. 106 - SESOPI, Bilan des inscriptions aux lections communales et europennes de 1999, RED n 4, Luxembourg, 1999. SESOPI, Bilan des inscriptions aux lections communales doctobre 2005 et aux lections europennes de juin 2004, RED n9, Luxembourg, 2005. 107 - STRUDEL Sylvie, Les citoyens europens aux urnes : les usages ambigus de larticle 8B du trait de Maastricht , op.cit., 2002, p.56. 108 - MAGNETTE Paul, op.cit, 1999, p.132. 109 - STRUDE Sylvie, op.cit., 2001, p.53. 110 - Pour reprendre l'expression d'Andy SMITH dans L' espace public europen : une vue trop arienne , op.cit., pp.169-180. 111 - STRUDEL Sylvie, La citoyennet de lUnion : lincertaine construction dun corps lectoral europen dans CAUTRES Bruno, REYNIE Dominique, (dir.), op.cit., Paris, 2001, p.60-61.

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