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N°105 SUPPLY CHAIN MAGAZINE - JUIN 2016 28 RETOUR D’EXPÉRIENCE Amazon compte 4 entrepôts en France, soit 200.000 m² de stockage. Son site de 90.000 m 2 à Lauwin-Planque (59) est le 1 er de l’Hexagone à accueillir des articles de grande taille, en plus de quasiment toutes les autres familles de produits ven- dues sur le site e-commerce. Un véritable challenge que l’e-com- merçant assume avec pragma- tisme, flexibilité… et astuce ! Car l’essentiel est de tenir la promesse faite au client : être livré dans des délais ultra-courts avec un taux de service frôlant les 100 %. AMAZON Tenir la promesse au client coûte que coûte ©JULIEN LUTT E n activité depuis 2014, le site d’Amazon situé à Lauwin- Plan- que, son 4 e en France, est tout simplement l’un des plus grands entrepôts du pays avec une surface de 90.000 m². Sa localisation obéit à une stra- tégie de maillage du territoire français, mais également européen, l’objectif d’Amazon étant de livrer ses clients le plus vite possible, où qu’ils soient. « Nous sommes implantés dans 28 pays mais livrons dans 180 pays », indique Ronan Bolé, General Manager du site de Lauwin-Planque. Le choix du lieu de stockage des marchandises résulte quant à lui à la fois de cette logique de maillage mais aussi d’une stratégie de stockage par typologie de produits. « Nos systèmes d’informations comp- tent environ 200 M de références, qu’il s’agisse de produits stockés pour Amazon ou pour le compte de reven- deurs. Chaque site couvre un certain périmètre géographique : Lille des- sert l’Allemagne, le Royaume-Uni, la Belgique, le nord de la France et la région parisienne. Orléans couvre la région parisienne et le grand Ouest, Chalon-sur-Saône adresse le grand Est et Montélimar le Sud. Pour autant, ces sites ont une vocation à accueillir différentes familles de produits dont certaines ne sont stockées que sur un seul. Mais cela peut rapidement chan- ger. Les chaussures et le textile, qui étaient stockés pour partie à Orléans, sont en train de déménager sur Cha- lon-sur-Saône. Autre exemple, Lille a démarré avec 100 % de produits de grande taille. Aujourd’hui, ils ne représentent plus que 20 % des articles stockés ici. Ce sont les algo- rithmes qui décident où stocker les marchandises selon la période et des ajustements sont faits durant les réu- nions S&OP hebdomadaires qui ont lieu au Luxembourg, notre siège euro- péen », raconte Ronan Bolé. Une organisation flexible Cette grande volatilité et l’incroyable variété de produits vendus par Ama- zon expliquent d’ailleurs pourquoi ©GOODMAN Ronan Bolé, General Manager du site de Lauwin-Planque

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N°105 � SUPPLY CHAIN MAGAZINE - JUIN 201628

RETOUR D’EXPÉRIENCE

Amazon compte 4 entrepôts en France, soit 200.000 m² de stockage. Son site de 90.000 m2 à Lauwin-Planque (59) est le 1er de l’Hexagone à accueillir des articles de grande taille, en plus de quasiment toutes les autres familles de produits ven-dues sur le site e-commerce. Un véritable challenge que l’e-com-merçant assume avec pragma-tisme, fl exibilité… et astuce ! Car l’essentiel est de tenir la promesse faite au client : être livré dans des délais ultra-courts avec un taux de service frôlant les 100 %.

AMAZON Tenir la promesse au clientcoûte que coûte

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n activité depuis 2014, le site d’Amazon situé à Lauwin-Plan- que, son 4e en France, est tout simplement l’un des plus grands entrepôts du pays avec une surface de 90.000 m². Sa localisation obéit à une stra-

tégie de maillage du territoire français, mais également européen, l’objectif d’Amazon étant de livrer ses clients le plus vite possible, où qu’ils soient. « Nous sommes implantés dans 28 pays mais livrons dans 180 pays », indique Ronan Bolé, General Manager du site de Lauwin-Planque. Le choix du lieu de stockage des marchandises résulte quant à lui à la fois de cette logique de maillage mais aussi d’une stratégie de stockage par typologie de produits. « Nos systèmes d’informations comp- tent environ 200 M de références, qu’il s’agisse de produits stockés pour Amazon ou pour le compte de reven-deurs. Chaque site couvre un certain périmètre géographique : Lille des-sert l’Allemagne, le Royaume-Uni, la Belgique, le nord de la France et la

région parisienne. Orléans couvre la région parisienne et le grand Ouest, Chalon-sur-Saône adresse le grand Est et Montélimar le Sud. Pour autant, ces sites ont une vocation à accueillir différentes familles de produits dont certaines ne sont stockées que sur un seul. Mais cela peut rapidement chan-ger. Les chaussures et le textile, qui étaient stockés pour partie à Orléans, sont en train de déménager sur Cha-lon-sur-Saône. Autre exemple, Lille a démarré avec 100 % de produits de grande taille. Aujourd’hui, ils ne représentent plus que 20 % des articles stockés ici. Ce sont les algo-rithmes qui décident où stocker les marchandises selon la période et des ajustements sont faits durant les réu-nions S&OP hebdomadaires qui ont lieu au Luxembourg, notre siège euro-péen », raconte Ronan Bolé.

Une organisation fl exibleCette grande volatilité et l’incroyable variété de produits vendus par Ama-zon expliquent d’ailleurs pourquoi ©

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Ronan Bolé,General Manager

du site deLauwin-Planque

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ses entrepôts sont si peu mécanisés. « Nous vendons actuellement 31 familles de produits et nous les stockons qua-siment toutes à Lauwin-Planque. Seul l’humain est capable de les gérer et d’effectuer les contrôles qualité néces-saires », précise Ronan Bolé. N’allez pas pour autant croire qu’Amazon néglige son outil logistique : « Nous allons investir 70 M€ en France en 2016. Nous allons nous équiper de nouveaux scanners, de postes de tra-vail ergonomiques, de convoyeurs, tout en gardant en tête la flexibilité », sou-ligne-t-il. De flexibilité, il est en effet question pour cet e-commerçant hors norme : « Nous avons développé une quinzaine de modes de picking pour ce site qui est le seul site mixte en France à stocker des produits de grande taille. Nous stockons des références très diverses dans un entrepôt immense. Le picking peut donc se faire par zone ou par batch et le rapprochement des pro-duits d’une même commande se fait manuellement et non via une trieuse automatique. Savoir ramasser et assembler une commande très rapide-ment est l’une de nos forces », affirme Ronan Bolé. Et pour ce faire, Amazon a recours à une stratégie de stockage bien particulière : « Nous stockons de tout un peu partout, cela évite aux pickeurs de passer la journée à mar-cher. [NDLR : Ils parcourent quand même 10 à 12 km par jour]. Cela évite également de stocker du vide. En effet, si le seuil de réapprovisionnement d’un bac est de 10 unités alors qu’il peut en contenir 50, vous stockez du vide », assène-t-il.

Une implantation selon un schéma papillonLa mise en stock est un processus bien huilé et très rapide, et pour cause : « Dès qu’un produit a été scanné en récep-tion, il est disponible à la vente », révèle Ronan Bolé. Concrètement, une fois les marchandises déchargées, elles sont prises en charge par de petits chariots métalliques et amenées 20 m plus loin pour être placées sur des convoyeurs et enregistrées par flashage manuel dans le système informatique. « A terme, le convoyeur couvrira ces 20 m pour plus d’efficacité », précise Ronan Bolé. Une fois scannés, les produits

Les articles tombés des étagères sont placés dans une Amnesty Bin.

Préparateur de commande « picker » et son chariot.

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sont placés sur de petits chariots, le code–barres toujours vers le haut pour faciliter la tâche du collaborateur chargé de l’étape suivante. Ces cha-riots, constitués d’articles totalement disparates, sont alors envoyés soient en zone forte rotation, soit en zone basse rotation selon les consignes du WMS qui les défi nit alors comme chariots haute vélocité ou basse vélo-cité. C’est alors que ces articles se retrouvent stockés n’importe où, du moins en apparence. « L’implantation de l’entrepôt se fait selon un schéma qui ressemble à un papillon. Au centre, il y a la zone de convergence des fl ux avec d’un côté la réception et de l’autre, la préparation de commandes. Sur les ailes du papillon se trouvent les zones de stockage avec des produits à forte rotation proches du centre et les faibles rotations sont plus à l’écart. L’équipe de stockage repense l’implantation toutes les semaines, voire plus, en cas de pro-motion sur un article par exemple », relate Ronan Bolé.

Genba et la culture LeanSuivant les préceptes du Lean Mana-gement, l’entrepôt est organisé autour de l’humain et fonctionne selon les principes du respect d’autrui et de l’ef-fi cacité comme en témoigne l’étape de constitution des chariots mentionnée plus haut. Les équipes « Stow », « Pack », « Pick » et « Dock » se partagent les

opérations de stockage, de condi-tionnement, de préparation de com-mandes et de réception. Elles sont néanmoins polyvalentes afi n d’éli-miner tout goulot d’étranglement en cours de formation et de réduire la répétitivité des tâches : « Une tâche trop répétitive engendre du stress, qui génère du retard. Le retard entraîne l’inattention qui est une source d’er-reur et d’accidents, observe Ronan Bolé. La sécurité de nos « Associates » est la première priorité, devant la promesse client », assure-t-il. Aussi, chaque équipe démarre son poste par une petite phase de mise en forme, mentale et physi-que : « Le matin, c’est Genba !, s’ex-clame Ronan Bolé. Après le Safety Tip [point sécurité], c’est le moment d’aborder les problèmes rencontrés par les Associates, de les rediriger vers les bonnes personnes afi n de les régler le plus vite possible, en 24h/48h en prin-cipe. Ensuite, c’est Success Story : nous parlons des chiffres et encourageons les Associates à poursuivre leur bon tra-vail. Puis vient une séance d’échauffe-ment de 3 min », dépeint-il. Loin d’être superfl us, ces briefi ngs quotidiens ont permis aux équipes de créer quelques outils innovants et pratiques comme cette barre d’acier servant à relier 2 chariots métalliques, pour accélérer le déplacement des chariots vides, ou cette machine qui déroule automati-quement le morceau de scotch de la

bonne longueur selon le carton utilisé par le « packer » et lui fait gagner un temps précieux.

De nombreuses astucesLa phase de constitution du colis, et à plus forte raison des colis de com-mandes mono-article, est réellement un modèle de rapidité et d’effi cacité : quelques secondes suffi sent à placer le ou les articles dans le carton. Ce der-nier est alors envoyé par convoyeur vers une étiqueteuse automatique, laquelle est précédée de 3 m par un scanner : « Là, le système détermine si le colis est à l’heure ou non. En cas de retard, le système change d’étiquette pour envoyer le colis via un moyen de transport plus rapide. Il a 3 m pour le faire », dévoile Ronan Bolé. L’effi ca-cité à tous les étages, le bâtiment en compte d’ailleurs 2, se retrouve enfi n dans 2 petits « trucs » qui traduisent un souci du détail et une politique d’amélioration continue sous-jacente. Dans les allées, en tête de gondole, se trouvent des « Amnesty Bin ». « Parce que nos casiers contiennent des réfé-rences multiples, il est impossible de savoir d’où vient un objet trouvé à terre. D’autre part, il se peut qu’il soit endommagé. Dans tous les cas, l’objet trouvé sera placé dans une « Amnesty Bin » où il attendra d’être pris en charge et restocké par l’équipe qua-lité », explique Ronan Bolé. Celle-ci

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Trieuse automatiqueen zone d’expédition.

Atelier de packingen zone d’expédition.©

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le restockera au bon endroit s’il n’a subi aucun dommage et le placera dans un « Damage Bin » dans le cas contraire. Dernier point, concernant la gestion des ressources humaines : « En e-commerce, l’équipe du lundi matin est littéralement submergée par la quantité de travail. Pour éviter cela, nous disposons d’une équipe spéciale week-end et jours fériés. Ils travaillent en 2x12h et sont payés 35 h pour 24h effectuées », poursuit-il. C’est ainsi qu’Amazon tient sa promesse client : « Notre autre force, c’est la profondeur de l’offre, le prix, la disponibilité et la vélocité », rappelle Ronan Bolé.

Rien que des solutions maisonsEt pour faire tourner la boutique, ERP, WMS et autres systèmes d’information sont 100% internes. « Les systèmes existants ne sont pas assez précis pour répondre à nos besoins », estime Ronan Bolé qui rappelle que les com-pétences d’Amazon dans le domaine des technologies de l’information

sont de tout premier ordre, comme l’illustre le succès de la branche Ama-zon Web Services (AWS). Les résul-tats semblent lui donner raison, la croissance des ventes d’Amazon varie entre 20 et 30 % par an. Ceci est sans doute dû au succès de l’offre Prime qui donne aux adhérents accès à un grand nombre de services, dont une expédition express gratuite en illimité moyennant un abonnement de 49 €

(99$ aux USA) par an, mais pas uni-quement. L’e-commerçant l’explique surtout par la fiabilité de son service et la confiance que lui accordent ses clients : « En décembre dernier, sur les

3 M de commandes expédiées par le site de Châlon-sur-Saône, nous avons enregistré 9 ratées. Le client ne s’en est peut-être pas aperçu, cela signifie simplement que nous étions en retard et avons dû prendre les mesures néces-saires pour tenter de le rattraper, par-fois en envoyant le colis via un ser-vice plus rapide et plus cher, illustre Ronan Bolé. Le client veut être livré vite. L’une des forces d’Amazon, c’est de fournir dès la prise de commande une date de livraison, même sur une commande à références multiples, ce qui est assez compliqué. » Multi-ré-férence ou non, une commande est prête à être expédiée en moyenne 2 h seulement après sa validation par le client. Qui dit mieux ? �

PIERRE MONCEAUX

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