Solvabilité 2 et les institutions de prévoyance

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Dans le cadre des grands chantiers prudentiels, la Commission européenne a lancé des réformes importantes en matière de solvabilité. Après Bâle 2 pour le secteur bancaire, la Commission a engagé une révision des exigences en matière de solvabilité pour le secteur de l’assurance. L’objectif est d’améliorer et d’harmoniser la protection des assurés en Europe, de moderniser la supervision et de renforcer la compétitivité des organismes assureurs européens. Dans cette perspective, le projet Solvabilité 2 vise à assurer une meilleure adéquation entre l’exigence réglementaire de niveau de fonds propres requis pour exercer l’activité d’assurance et les risques auxquels sont effectivement confrontés les entreprises d’assurance.

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La Directive Solvabilité 2 adoptée par le Parlement européen en 2009 vise à améliorer et harmoniser le dispositif de protec-tion des assurés en Europe, à moderniser la supervision des or-ganismes assureurs européens et à renforcer leur compétitivité.L’objectif recherché consiste, en particulier, à mettre en adé-quation le niveau réglementaire de fonds propres dont doit disposer un organisme pour exercer l’activité d’assurance, avec les risques auxquels est effectivement confronté cet or-ganisme. Cette réforme a également pour ambition de renfor-cer la gouvernance et le contrôle des opérations réalisées par ces organismes, ainsi que d’améliorer la qualité de l’informa-tion financière destinée au superviseur et au public.

En attendant l’entrée en vigueur de ce nouveau régime de sol-vabilité, reportée au 1er janvier 2014, les autorités européennes poursuivent leurs travaux à la recherche d’un compromis sur le traitement des « branches longues », afin d’aboutir aux règles définitives de la formule standard de calcul du capital de solvabilité requis. Mais l’absence de compromis en 2012 rend pro-bable un nouveau report de l’entrée en vigueur de Solvabi-lité 2 au-delà du 1er janvier 2014.

Les trois piliers de Solvabilité 2

Une première évolution des exi-gences réglementaires en ma-tière de solvabilité élaborées dans les années 70 a été opérée en 2002 par la directive cadre Solvabilité 1.

Cette dernière n’était toutefois consacrée qu’à la marge de solvabilité tandis que Solvabi-lité 2 a une portée beaucoup plus grande. Le nouveau ré-gime repose sur trois piliers :

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SOLVABILITÉ 2

ET LES INSTITUTIONS

DE PRÉVOYANCE

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1. le premier pilier (quantita-tif) porte sur les exigences quantitatives de marge de solvabilité,

2. le second pilier (qualitatif) vise à renforcer la gouver-nance des organismes d’as-surance et le rôle du super-viseur,

3. le troisième pilier (informa-tion) définit les règles de diffu-sion des données financières et de solvabilité auprès des autorités de contrôle, des as-surés, des marchés financiers.

Un long processus d’adoption de Solvabilité 2 : les études d’impactPour préparer les mesures d’ap-plication de la directive - com-parables à des décrets d’ap-plication au niveau français - la Commission européenne a confié à l’Autorité européenne de contrôle de l’assurance (EIOPA) le soin de réaliser des études d’impact (QIS) auprès d’organismes d’assurance vo-lontaires en Europe. Ces études permettent de recueillir des avis techniques au sein de l’industrie sur les orientations et les métho-dologies proposées.

La première étude (QIS1) a consisté en un panorama du niveau de marge de prudence actuellement intégré dans les

provisions techniques des orga-nismes assureurs.

La deuxième et la troisième étude (QIS2 et QIS3) ont permis de tester une formule standard de calcul des futurs seuils de sol-vabilité.

La quatrième étude (QIS4), achevée en novembre 2008, a permis d’affiner le calibrage de la future exigence de solvabilité et de tester des méthodes de simplification de la formule stan-dard.

La cinquième étude (QIS5), achevée fin octobre 2010, a constitué le deuxième exercice complet de calcul du capital requis (SCR). Elle a permis de collecter des données afin de parfaire le calibrage de la formule standard, servant à calculer le SCR.

À l’occasion de ces études d’impact, le CTIP a fait valoir les spécificités de la gestion pari-taire et de l’activité exercée par les groupes de protection so-ciale, notamment en proposant une autre architecture et un nouveau calibrage du module de risque des garanties Santé et Prévoyance. Le CTIP a éga-lement proposé, ces dernières années, des ateliers facilitant la participation des institutions de prévoyance aux études quanti-tatives.

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2013 : une année consacrée au traitement des branches longues Depuis la fin de l’année 2011, les travaux ont mis en évidence une nécessaire adaptation de la for-mule standard Solvabilité 2 pour les activités d’assurance dites « branches longues », telles que l’assurance vie, les rentes de pré-voyance, la retraite supplémen-taire ou la prise en charge de la dépendance. L’enjeu est de taille car il s’agit de ne pas péna-liser l’existence de ces garanties par une exigence de solvabi-lité artificiellement élevée ou trop

volatile. Des mécanismes ont par conséquent été développés cou-rant 2012 pour améliorer la for-mule standard de ces branches longues (voir encadré ci-dessous).

Afin de tester concrètement ces mécanismes, l’industrie euro-péenne a obtenu la réalisation d’une ultime étude d’impact prévue au premier trimestre 2013, sur les branches longues. Ce test sera effectué sur un nombre res-treint d’organismes européens sélectionnés par les superviseurs nationaux. Cette étude va non seulement permettre de tester de nouveaux calibrages pour

Trois mécanismes contre la volatilité

Extrapolation de la courbe des taux : la courbe des taux utilisée pour calculer les engagements des assureurs est définie par les taux d’intérêt du marché. Or elle génère une trop grande volatilité pour les engage-ments de long terme. L’idée est donc de lui substituer un taux d’actua-lisation prédéfini pour les engagements de plus de vingt ans, comme la retraite ou les rentes viagères.

Prime contracyclique : en cas de variations extrêmes des taux d’intérêt sur les marchés financiers, la prime contracyclique doit permettre d’at-ténuer ces variations afin de réduire la volatilité du ratio de solvabilité. L’utilisation de cette prime est autorisée par l’EIOPA.

Prime d’adossement : cette prime concerne des garanties vie de long terme pour lesquelles l’organisme d’assurance finance ses engage-ments par des placements soumis aux mêmes aléas de marché. De ce fait, la solvabilité de ces engagements est peu sensible aux aléas de marché. L’utilisation de cette prime permet de rétablir un ratio de solvabilité plus proche de la réalité du risque. Son périmètre d’appli-cation est actuellement très restrictif : l’étude d’impact 2013 prévue sur les branches longues doit permettre d’évaluer un élargissement de son application à l’ensemble des garanties de long terme, telles que l’épargne retraite ou les garanties en rente.

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ces activités, mais surtout d’éva-luer pour la première fois la dyna-mique de la formule standard de solvabilité sur plusieurs années successives.

La réalisation de cette nouvelle étude d’impact a cependant conduit à devoir reporter l’adop-tion définitive de la directive Om-nibus 2, qui doit intégrer les modi-fications au régime Solvabilité 2 sans lesquelles cette nouvelle réglementation ne peut entrer en vigueur. La date d’entrée en vigueur de Solvabilité 2 au 1er jan-vier 2014 va donc devoir être à nouveau repoussée.

L’année 2013 sera par consé-quent marquée par des discus-sions essentielles pour la défense

d’un dispositif adapté aux spéci-ficités de l’activité des institutions de prévoyance, qu’il s’agisse de la prévoyance ou de la retraite supplémentaire.

Solvabilité 2 : un cadre inadapté à la retraite supplémentairePour préparer la révision annon-cée de la directive sur les ins-titutions de retraite profession-nelle (IORP II), le CTIP poursuit ses actions. L’objectif est d’obtenir un cadre prudentiel adapté et équitable pour les régimes de re-traite d’entreprise, quel que soit le cadre juridique retenu : orga-nisme d’assurance ou institution de retraite professionnelle.

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Vers une nécessaire remise à plat de la formule standard ?

Au-delà des aspects purement techniques d’application, les récents débats autour de l’adoption d’Omnibus 2 et de la mise en œuvre de l’étude d’impact branches longues montrent les réelles difficultés à trouver un compromis entre les différents pays européens sur une for-mule standard unique reflétant correctement les risques des différents marchés de l’assurance.

Les travaux de ces dernières années sur la formule standard ont rendu le calcul du capital requis quasiment illisible. À force d’enrichir l’ap-proche « risque » jusque dans ses moindres détails, la formule stan-dard perd de vue l’un de ses principaux objectifs : devenir un outil de mesure pertinent du risque. Même si l’étude d’impact de 2013 est une étape nécessaire et souhaitable, les aménagements techniques qui seront testés ne seront sans doute pas suffisants pour faire de la for-mule standard un outil adapté de mesure du risque pour des acteurs peu diversifiés. Il faudrait avoir le courage de revenir sur l’architecture de la formule standard pour en simplifier l’approche retenue.

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Les propositions de la Commis-sion en matière de retraite sup-plémentaire s’orientent essen- tiellement vers un cadre iden-tique à celui de Solvabilité 2 adapté aux branches longues, mais aujourd’hui remis en ques-tion. Le CTIP défend au travers de l’AEIP un cadre convergent entre les directives Solvabi-lité 2 et IORP, mais qui ne soit pas celui retenu actuellement dans Solvabilité 2 s’agissant du pilier 1.

Il serait plus satisfaisant que Sol-vabilité 2 s’inspire des outils de pilotage actuels des fonds de pension pour définir le futur dis-positif prudentiel pour les opéra-tions de retraite professionnelle.

Devant le caractère actuelle-ment inadapté de Solvabilité 2 à ces régimes, le projet de di-rective Omnibus 2 prévoit une mesure transitoire afin de main-tenir les opérations de retraite supplémentaire sous la directive Solvabilité 1, jusqu’à l’adoption de la directive IORP II.

Les conséquences sur l’organisation et la gouvernance des institutions La logique du second pilier de Solvabilité 2 s’inscrit dans un mouvement plus global et ini-tié depuis un certain temps en France, qui a pour but de renfor-

cer les mécanismes de contrôle interne et la gouvernance.

Des évolutions réglementaires, comme celles apportées par le décret du 19 mai 2008 sur le contrôle interne ou l’ordon-nance du 8 décembre 2008 sur les comités spécialisés, parti-cipent de la même orientation que Solvabilité 2. Dès à présent, ce mouvement implique pour les organismes d’assurance de garantir un pilotage permanent et très réactif des risques et, par conséquent, d’adapter leurs or-ganisations et leurs processus.

Les institutions de prévoyance devront faire évoluer leurs sys-tèmes d’information de manière à produire les informations selon les standards requis par Solva-bilité 2 et à répondre aux nou-velles exigences de transpa-rence. Les organisations internes devront également s’assurer de leur capacité à s’adapter en permanence aux évolutions du marché et au pilotage de leurs risques.

En matière de gouvernance, il convient de rester vigilant à ce que les exigences de Solva-bilité 2 ne constituent pas une menace pour le modèle de ges-tion paritaire et que le principe de proportionnalité soit plei-nement appliqué. Solvabilité 2 introduit en effet l’existence, au sein de l’entreprise d’assurance, d’un organe d’administration,

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de gestion ou de contrôle char-gé notamment du respect des règles prudentielles.

La qualification de cet organe par les pouvoirs publics par rapport aux structures de gou-vernance existantes (conseil d’administration, direction gé-nérale, conseil de surveillance, directoire…) devra permettre d’assurer la cohérence avec le modèle paritaire des institutions de prévoyance et des groupes de protection sociale.

La transposition en droit françaisDepuis fin 2011, le CTIP participe aux travaux organisés par les pouvoirs publics français pour

préparer la transposition en droit français de Solvabilité 2. Prévue par ordonnance, cette transpo-sition, qui devait avoir lieu initia-lement avant le 30 juin 2013, est désormais repoussée.

Elle aura des conséquences importantes dans la réorganisa-tion des textes réglementaires avec un dispositif articulé en trois parties. Le code de la sécu-rité sociale intégrera les principes prévus dans la directive. Le futur règlement européen concernera les mesures prudentielles d’appli-cation directe. Et un futur règle-ment de l’Autorité des normes comptables reprendra les prin-cipes comptables des institutions de prévoyance.

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Le calcul du SCR (capital de solvabilité requis) dans Solvabilité 2 s’effectue en deux étapes :

1. le passage du bilan comptable au bilan prudentiel,2. le calcul du SCR lui-même, sur la base du bilan prudentiel.

CALCUL DU SCR

Actifs envaleur

comptable

Total des fonds

propres comptables

Provisions techniques comptables

Actifs envaleur de marché

Total des fonds

propres prudentiels

Provisions techniques

prudentielles

dont marge de risque

SOLVABILITÉ 1 SOLVABILITÉ 2

BILAN COMPTABLE BILAN PRUDENTIEL

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Étape 2 : calcul du SCR, sur la base du bilan prudentiel

La marge de solvabilité, ou SCR (Solvency Capital Requirement), est dé-terminée par les pertes auxquelles l’institution de prévoyance devrait faire face en cas de scénarios défavorables selon son profil de risque. Il s’obtient en testant sur le bilan prudentiel les différents scénarios défavorables de la formule standard.

Risque de souscription

(Vie / Non Vie / Santé)

Risque de marché

(financier et immobilier)

Risque de crédit

Risque de liquidité

Risques opérationnels

Profil global de risque de l’institution de prévoyance

SCR

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Contrôle interne

Le contrôle interne est un processus mis en œuvre par l’organe de direc-tion (c’est-à-dire le conseil d’adminis-tration), les dirigeants et le personnel d’un organisme assureur pour assurer la maîtrise de ses activités, l’efficacité de ses opérations et l’utilisation effi-ciente de ses ressources.

Le contrôle interne doit permettre à l’organisme assureur de prendre en compte de manière appropriée les risques significatifs, qu’ils soient opéra-tionnels, financiers ou de conformité.

Fonds propres

Les fonds propres d’un organisme assureur sont le total des actifs pos-sédés par cet organisme moins l’en-semble de ses dettes. Plus les fonds propres sont élevés, plus le risque de faillite est faible. Les fonds propres représentent une marge de sécurité pour les créanciers de l’organisme.

Gouvernance

La gouvernance d’un organisme as-sureur désigne le système formé par l’ensemble des processus, réglemen-tations, lois et institutions destinés à cadrer la manière dont l’organisme est dirigé, administré et contrôlé.

Marge de solvabilité ou capital de solvabilité requis (SCR – Solvency Capital Requirement)

Le capital de solvabilité requis corres-pond au montant de fonds propres estimé réglementairement comme nécessaire à un organisme assureur pour absorber le choc provoqué par une sinistralité exceptionnelle.

Elle est déterminée par les pertes auxquelles l’organisme assureur devra faire face en cas de scéna-rios défavorables selon son profil de risque, c’est-à-dire l’exposition aux risques liés à son activité d’orga-nisme d’assurance.

Pour calculer ce SCR, les organismes assureurs pourront choisir entre deux modèles de calcul : une approche standard (« formule standard ») ou un modèle interne à l’organisme.

Solvabilité

La solvabilité est la capacité d’un organisme assureur à respecter les engagements contractés auprès de ses assurés, quelles que soient les échéances de ces engagements. Elle représente le « matelas de sécurité », au-delà des provisions techniques suf-fisantes, nécessaires pour faire face à la survenance de scénarios défavo-rables pouvant affecter les actifs ou le passif de l’organisme assureur.

SOLVABILITÉ 2

LE LEXIQUE

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