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1/12 10 EMES RENCONTRES NORD-SUD IMEA/IRD/FEI 16 décembre 2015 Paris « VIH EN AFRIQUE : CO-INFECTIONS VHB & VHC » Avec le soutien des laboratoires GILEAD, BRISTOL-MYERS SQUIBB, JANSSEN, VIIV & MSD Session 1 : Epidémiologie et prévention des hépatites B & C Modérateurs : Gilles Brucker et Françoise Roudot-Thoraval Epidémiologie des hépatites virales B en Afrique au cours de l’infection VIH Gilles Wandeler Environ 350 millions de personnes ont une hépatite B chronique dans le monde dont 4 à 5 millions sont co-infectées VIH-VHB, la plupart vivant en Afrique subsaharienne. La prévalence du VHB (Ag HBs+) en Afrique s’élèverait à 10% (Schweitzer, 2015). Parmi les patients VIH, 8% seraient coinfectés VIH-VHB avec une plus grande fréquence de coinfection en Afrique de l’Ouest qu’en Afrique de l’Est (11% versus 4%) (Stabinski, 2015). Une étude du DEA (collaboration de cohortes VIH dans le monde) est en cours dans divers pays d’Afrique de l’Ouest et de l’Est chez tous les patients VIH débutant des antirétroviraux pour évaluer la prévalence de la coinfection, la charge virale du VHB et la fibrose ainsi que l’évolution des pratiques de dépistage de l’hépatite B. Le risque de passage à la chronicité de l’hépatite B est beaucoup plus élevé en Afrique (50 à 90% selon les sources) qu’en Europe (5%) et s’explique en grande partie par le mode de contamination : verticale à la naissance ou horizontale pendant la petite enfance en Afrique et par un mode de transmission horizontale au sein de population adulte par voie sexuelle ou percutanée (usager de drogues) en Europe. Les spécificités suivantes en cas de coinfections ont été soulignées : - La mortalité plus élevée en cas de coinfection VIH-VHB qu’en cas de monoinfection (Thio, 2002). - La prise en charge thérapeutique différente en cas de monoinfection B ou de coinfection B- VIH. Pour les mono-infectés, les recommandations de traitement dépendent du taux de transaminases, du niveau de charge virale VHB et de la sévérité de l’atteinte hépatique tandis que pour les co-infectés, tous les patients peuvent recevoir un traitement pour le VIH, efficace également sur le VHB lorsqu’il contient du tenofovir. - La restauration immunitaire moins bonne chez les patients coinfectés VIH-VHB que chez les mono infectés VIH (Wandeler, 2013).

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10EMES RENCONTRES NORD-SUD IMEA/IRD/FEI

16 décembre 2015 Paris

« VIH EN AFRIQUE : CO-INFECTIONS VHB & VHC »

Avec le soutien des laboratoires

GILEAD, BRISTOL-MYERS SQUIBB, JANSSEN, VIIV & MSD

Session 1 : Epidémiologie et prévention des hépatites B & C Modérateurs : Gilles Brucker et Françoise Roudot-Thoraval

Epidémiologie des hépatites virales B en Afrique au cours de l’infection VIH Gilles Wandeler

Environ 350 millions de personnes ont une hépatite B chronique dans le monde dont 4 à 5 millions sont co-infectées VIH-VHB, la plupart vivant en Afrique subsaharienne. La prévalence du VHB (Ag HBs+) en Afrique s’élèverait à 10% (Schweitzer, 2015). Parmi les patients VIH, 8% seraient coinfectés VIH-VHB avec une plus grande fréquence de coinfection en Afrique de l’Ouest qu’en Afrique de l’Est (11% versus 4%) (Stabinski, 2015). Une étude du DEA (collaboration de cohortes VIH dans le monde) est en cours dans divers pays d’Afrique de l’Ouest et de l’Est chez tous les patients VIH débutant des antirétroviraux pour évaluer la prévalence de la coinfection, la charge virale du VHB et la fibrose ainsi que l’évolution des pratiques de dépistage de l’hépatite B.

Le risque de passage à la chronicité de l’hépatite B est beaucoup plus élevé en Afrique (50 à 90% selon les sources) qu’en Europe (5%) et s’explique en grande partie par le mode de contamination : verticale à la naissance ou horizontale pendant la petite enfance en Afrique et par un mode de transmission horizontale au sein de population adulte par voie sexuelle ou percutanée (usager de drogues) en Europe.

Les spécificités suivantes en cas de coinfections ont été soulignées :

- La mortalité plus élevée en cas de coinfection VIH-VHB qu’en cas de monoinfection (Thio, 2002).

- La prise en charge thérapeutique différente en cas de monoinfection B ou de coinfection B-VIH. Pour les mono-infectés, les recommandations de traitement dépendent du taux de transaminases, du niveau de charge virale VHB et de la sévérité de l’atteinte hépatique tandis que pour les co-infectés, tous les patients peuvent recevoir un traitement pour le VIH, efficace également sur le VHB lorsqu’il contient du tenofovir.

- La restauration immunitaire moins bonne chez les patients coinfectés VIH-VHB que chez les mono infectés VIH (Wandeler, 2013).

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La mortalité est plus importante en cas de tri-infection VIH-VHB-VHD par rapport au coinfectés VIH-VHB, avec un risque multiplié par 2.5 (Beguelin, 2015). La prévalence de la coinfection avec le virus delta est mal connue également (autour de 18% de coinfectés parmi les VHB+).

L’auteur a conclu en insistant sur l’intérêt d’avoir des données épidémiologiques, cliniques et virologiques, sur la nécessité d’évaluer les programmes de dépistage, et sur l’intérêt d’inclure l’évaluation de l’hépatite delta dans les programmes de recherche.

Epidémiologie des hépatites virales C en Afrique au cours de l’infection VIH Richard Njouom (Centre Pasteur Yaoundé)

Les données de la littérature sur la prévalence de l’hépatite C et la coinfection VIH- VHC en Afrique sont peu nombreuses et proviennent surtout de méta-analyses. Elles montrent une prévalence de l’hépatite C autour de 4% avec une hétérogénéité selon les pays puisque les prévalences les plus élevées se retrouvent en Afrique du Nord (Egypte 14%).

En Afrique, la prévalence de l’infection par l’hépatite C est plus élevée chez les patients infectés par le VIH par rapport aux personnes VIH négatives (prévalence de 5.7% versus 3%, Bhargavi Rao V, 2015), chez les toxicomanes (prévalence estimée à 23% à Dakar, Leprêtre, 2015). La prévalence est plus élevée également dans certaines populations ayant eu accès à des traitements de masse, et donc chez les personnes plus âgées (Njouom, 2015).

Parmi les 6 génotypes du VHC, 4 sont identifiés en Afrique (1, 2, 4 et 5) avec une distribution variable selon les régions (Messina, 2015).

L’auteur a conclu en soulignant que l’hépatite C existe à l’état endémique en Afrique avec des distributions hétérogènes (en rapport avec les modes de contamination type vaccination ou traitement de masse), selon les populations étudiées (VIH+, toxicomanes IV). L’avènement des antiviraux directs est un des enjeux pour enrayer l’épidémie notamment en Afrique.

Vaccination anti-VHB : le modèle asiatique est-il applicable en Afrique ? Shevanthi NAYAGAM (Imperial College, Londres)

Il y a environ 240 millions de personnes infectées par le VHB dans le monde et 600 000 décès annuels liées à l’hépatite B, surtout dans les pays de faibles revenus, malgré un traitement et une vaccination efficaces. Le risque de portage chronique et donc de complications (cirrhose, CHC) est d’autant plus élevé que l’infection est contractée tôt dans la vie, notamment en cas de transmission périnatale. Les projections épidémiologiques montrent que la mortalité et le taux d’incidence doivent diminuer en cas de stratégies efficaces (couverture vaccinale optimale) (Nayagam, 2015).

L’OMS préconise la vaccination universelle anti VHB de l’enfant depuis 1991, intégré dans le programme élargi vaccinal (PEV). La vaccination dès la naissance, avec une première dose dans les 24h suivant la naissance, est recommandée depuis 2004. Des stratégies complémentaires (l’injection d’immunoglobulines à la naissance et traitements antiviraux (ténofovir) chez la mère au dernier trimestre de la grossesse) sont en cours d’évaluation.

Le modèle asiatique inclue depuis 1984, la vaccination hépatite B dans le PEV dès la naissance ou dans l’enfance avec injection d’immunoglobulines si la mère est AgHBs+, AgHBe+. Les résultats ont montré une diminution de la prévalence de l’antigène HBs et une diminution des CHC liés à l’hépatite B (Chen, 2009, Chang, 1997).

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Le modèle asiatique pourrait être applicable en Afrique puisque la vaccination dès l’enfance est suivie de façon efficace dans certains pays comme la Gambie (efficacité vaccinale de 96%, Van Der Sande, 2007). La vaccination contre l’hépatite B ne coute pas cher, est intégrée au PEV et soutenu par GAVI (pour les enfants mais pas à la naissance). Cependant, il existe des barrières dans certains pays où la couverture reste insuffisante (<80%) en raison de conflits ou dans certaines zones rurales. Un des obstacles au suivi de la vaccination est que l’hépatite B n’est pas toujours perçue comme une priorité (comme la malnutrition, le paludisme par exemple) car les conséquences de la maladie apparaissent plusieurs années après l’infection. Pour la vaccination des nouveaux-nés, elle est rarement faite dans les 24h. Les principales limites à la vaccination des nouveaux nés en Afrique sont liées au fait que certaines femmes retournent chez elle juste après l’accouchement ou accouchent chez elles, au problème de la chaîne du froid pour la conservation des vaccins et immunoglobulines et au prix du vaccin même s’il est peu élevé qui n’est pas financé par GAVI.

En conclusion, il y a eu de grands progrès par rapport à la vaccination des enfants avec de bons résultats mais il faut encore améliorer l’accès à la vaccination à la naissance et élargir l’accès au traitement.

Nouveaux enjeux de la vaccination anti-VHB en Afrique Téné-Alima ESSOH (AMP, Côte d’Ivoire)

Les études de couverture vaccinale en Afrique montrent un taux de couverture avec les 3 doses de vaccins de 82% ; seuls 23% des pays pratiquaient la vaccination à la naissance en 2014 (données GAVI, OMS). Le taux de couverture a augmenté avec l’arrivée des vaccins pentavalents incluant hépatite B.

Le plan vaccinal 2014-2020 a pour principaux objectifs :

- Atteindre une couverture vaccinale élevée avec les 3 doses (au moins 25 pays pratiquant la vaccination dès la naissance, couverture vaccinale élevée pour les professionnels de santé)

- Assurer un suivi et évaluer l’impact au moyen d’enquêtes sérologiques avec l’objectif de prévalence AgHBs chez les moins 5 ans <2% avant fin 2020

- Assurer une mise en œuvre coordonnée du PEV et des programmes de santé de la mère, du nouveau-né et de l’enfant et intégrer la vaccination dans une approche globale de la prévention et du contrôle de l’hépatite virale.

L’AMP aide les pays dans la mise en place des recommandations de l’OMS et de leurs propres recommandations, notamment en appuyant les groupes techniques consultatifs nationaux de vaccination qui proposent des outils de suivi et d’évaluation de ce plan vaccinal.

Il a été montré qu’un enfant né de mère infectée par le VHB a moins de chance d’être contaminé s’il a été vacciné à la naissance que s’il a été vacciné plus tard. Les enjeux opérationnels actuels concernent les naissances ayant lieu à domicile (>50% des naissances, au Sénégal, OMS) ou hors des centres de santé pour lesquelles l’accès à la vaccination quelque soit le vaccin à la naissance reste très faible. Les voies d’amélioration de la couverture vaccinale à la naissance sont la communication, la sensibilisation des populations à la vaccination, la mise à disposition élargie des vaccins, l’incitation à accoucher en centre de santé, la formation et la sensibilisation des sages femmes à la vaccination à la naissance, la promotion de nouveaux vaccins thermostables ou à injection facilitée (uniject).

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Stratégies pour la prévention de la transmission mère-enfant du VHB en Afrique subsaharienne Yusuke Shimakawa, Institut Pasteur, Paris

Les modes de transmission sont très variables selon les régions du monde avec en Asie, une transmission périnatale (40%) et pendant la petite enfance (60%), en Afrique une transmission plus faible en périnatale (10%) et plus importante pendant l’enfance (90%) et en Europe/Etats-Unis une transmission quasi exclusivement à l’âge adulte.

Les déterminants de la transmission mère-enfant (TME) sont essentiellement la prévalence d’AgHBs+ (10% en Asie et en Afrique) et d’AgHBe+ (40% en Asie, 10% en Afrique) chez la femme enceinte. Le risque de transmission est plus élevé en cas d’AgHBs+, AgHBe+ (70 à 90%) par rapport à AgHBs+ AgHBe- (10 à 30%) (WHO, 1990 ;Edmunds, 1996 ;Howell, 2014).

Une étude actuelle NeoVac (Neonatal Vaccination Against Hepatitis B in Africa) vise à évaluer une intervention communautaire pour améliorer la couverture de la vaccination contre le VHB dans les 24 heures après la naissance qui reste insuffisante (1% en Gambie, Miyahara), malgré les recommandations de l’OMS pour diminuer la TME et la transmission horizontale précoce.

En plus de la vaccination, une autre stratégie pour réduire la TME est l’utilisation d’immunoglobulines et d’antiviraux. L’OMS reconnait l’efficacité d’ajouter les immunoglobulines pour la prévention de la TME, mais ne le recommande pas en raison de la non-disponibilité et du prix essentiellement. L’utilisation de lamivudine/telbivudine/tenofovirchez la femme enceinte à partir de 28-32 semaines de grossesse est intéressante pour diminuer la charge virale VHB et prévenir la TME mais les recommandations divergent : pas de recommandation de l’utilisation des antiviraux pour l’OMS en 2015, utilisation chez les femmes AgHBs+ avec une charge virale >2 x 10^5 UI/mL pour l’AASLD 2015, et utilisation chez les femmes AgHBs + avec une charge virale >10^6-7 UI/mL en plus de la vaccination et HBIG à la naissance pour EASL 2012. Ces différentes recommandations reposent sur des études asiatiques et semblent difficiles à appliquer au contexte africain pour le moment puisqu’elles nécessitent de faire un dépistage AgHBs et une charge virale VHB, pas toujours disponible et très couteuse.

En conclusion, l’auteur souligne que la TME est moins fréquente qu’en Asie, mais il est important de la prévenir pour réduire l’incidence de la maladie du foie ; la vaccination à la naissance est efficace, mais il y a des questions de logistique à implémenter ; les médicaments antiviraux sont intéressants, mais il est nécessaire de faire des études adaptées au contexte africain.

Session 2 : Outils diagnostiques et d’évaluation clinique des hépatites virales chroniques Modérateurs : Serge Eholie et Gilles Raguin

Comment évaluer les hépatopathies chroniques virales B en situation de ressources limitées Maud Lemoine (Imperial College London)

L’hépatite B est une cause majeure de morbi-mortalité avec 60% des CHC et des cirrhoses en Afrique

Subsaharienne qui sont liés à une hépatite B chronique.

Il existe 4 phases dans l’hépatite B chronique : immunotolérance, hépatite B chronique Ag HBe+,

hépatite B chronique Ag HBe-, porteur inactif.

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L’objectif principal de l’évaluation hépatique est d’identifier les porteurs chroniques à risque de

développer une complication hépatique.

Les 4 paramètres majeurs pour l’évaluation de la maladie hépatique sont issus d’études asiatiques :

- La charge virale VHB avec les cut-off de 2 000 et 20 000 (Chen, 2006) - Le niveau d’ALAT (Chen, 2011) - L’antigène HBe (Yang, 2002) - Le degré de fibrose et d’inflammation hépatique (Fattovich, 2008)

Dans les pays à ressources limitées, la quantification de la charge virale et l’évaluation de la fibrose sont parfois compliqués à obtenir.

La charge virale (HBV DNA) reste une technique chère, longue, faite dans les laboratoires centralisés de qualité, avec du personnel qualifié. D’autres alternatives sont donc étudiées. La corrélation entre la charge virale VHB et la quantification d’Ag HBs est souvent bonne si AgHBe+. Il y a une bonne corrélation entre AgHBe et charge virale mais il existe des cas où ce marqueur est mis en défaut (Shimakawa, 2015). Des techniques de PCR semi quantitatives VHB sont en cours d’étude (Castera-Guy) ainsi que des PCR isothermales plus faciles à utiliser (Nyan, 2014).

En l’absence de PCR VHB disponible, l’OMS recommande de se baser sur les transaminases mais avec un faible niveau de preuve et le niveau de transaminases reflèterait mal la fibrose (Alam, 2011).

Dans les pays à ressources limitées, l’histologie par PBH est souvent difficile à obtenir car invasive, souvent refusée par le patient, chère, nécessitant des opérateurs et des histopathologistes entrainés. L’alternative est l’utilisation de l’élastométrie par fibroscanner, dont le niveau est corrélé à la fibrose. Le fibroscanner peut aussi être utile pour dépister les complications telles les varices œsophagiennes en l’absence de FOGD. La principale limite est le prix élevé d’un fibroscanner autour de 34 000 euros avec nécessité de maintenance régulière.

Une autre alternative est l’utilisation de l’échographie abdominale mais la performance dépend de la qualité de la machine et des opérateurs. Enfin, l’utilisation de scores à partir de marqueurs biologiques type APRI ou FIB4 est également intéressante mais moins performante.

Les recommandations actuelles de l’OMS d’évaluation de la fibrose pour les pays à ressources limitées sont l’utilisation du fibroscanner et du score APRI en précisant que ces marqueurs n’ont pas été suffisamment validés en Afrique. Un nouveau marqueur basé sur les GGT /plaquettes a été étudié pour prédire la fibrose chez les patients avec une hépatite B chronique en Afrique de l’Ouest (Lemoine, 2015).

Enfin, l’auteur rappelle qu’il ne faut pas négliger l’interrogatoire avec 3 questions (ATCD familial de CHC, ordre de naissance, mère infectée par le VHB) et l’examen clinique. L’évaluation de l’hépatite B tient compte de nombreux paramètres et reste relativement complexe. La simplification et l’accès à moindre coût de l’évaluation de ces paramètres est urgente pour les pays à ressources limitées pour une meilleure prise en charge et une décentralisation des soins.

Techniques de diagnostic rapide (« Point-of-Care ») et passage à l’échelle : quel avenir ? Karine LACOMBE (Hôpital St Antoine, Paris)

Une révolution thérapeutique est en cours dans l’hépatite C avec des nouveaux traitements pan génotypiques, très efficaces et très bien tolérés. Les enjeux sont maintenant d’avoir des stratégies de dépistage, de diagnostic et de suivi cout-efficaces pour un passage à l’échelle.

Il existe plusieurs outils sérologiques de dépistage (Chevaliez, 2011) :

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- tests Elisa VHC : méthode immunoenzymatique, 3ème génération pour dépister Ac antiVHC,

fenêtre sérologique de 60 jours, parfois négatif chez les patients très immunodéprimés

- Combo Ac anti-VHC / Ag VHC, fenêtre sérologique plus courte (20 jours) mais moins sensible

que les tests Ac de 3ème génération

- Tests rapides VHC sur liquide craviculaire (moins sensible), plasma ou sang total

Il existe plusieurs outils virologiques (Chevaliez, 2011)

- Quantification de l’ARN VHC, avec une fenêtre plus courte de 1 à 3 semaines

- Génotypage VHC sur séquençage direct ou hybridation inverse avec 7 génotypes différents

mais avec l’arrivée des traitements pangénotypiques, son intérêt est réduit.

Le suivi du traitement tel que préconisé par l’OMS (examens biologiques, avant sous et en post

traitement) coûte cher et pose le problème du passage à l’échelle (OMS 2014).

Pour pouvoir augmenter le nombre de prises en charge, il faudrait pouvoir passer directement du

dépistage au monitoring du traitement sans passer par les étapes de confirmation de test, évaluation

de la fibrose qui sont couteuses.

Plusieurs outils de dépistage rapide sont utilisables en Point of Care (POC) comme l’Ag Core hépatite

C, superposable à une charge virale VHC, avec une fenêtre de détection plus courte que l’Elisa mais

avec un seuil de détection à 1000UI/mL (Chevaliez, 2014). D’autres outils de POC sont en cours de

validation : charge virale VHC qualitative et quantitative, génotypage (UNITAID, 2015).

Enfin, l’utilisation du DBS (Dried Blood Spots) sur papier buvard, pour recueillir des échantillons de

sang veineux total est en cours d’évaluation pour la réalisation de différents examens virologiques

VHC avec des performances intéressantes sauf pour le HCV-Ag Core, notamment pour les CV VHC

faibles (Soulier, 2015, Nguyen Truong, soumis).

En conclusion, l’auteur suggère une prise en charge idéale qui consisterait en un dépistage avec un

seul outil (HCV Core Ag ou POC HCV-RNA), sans évaluation génotypique avec score APRI pour la

fibrose, un suivi de traitement simple sur des marqueurs biologiques standards et un suivi de la SVR

par des techniques HCV Core Ag ou POC HCV-RNA. Ceci nécessite bien sur des études cout efficacité.

Les études ANRS TAC et CODISEN devraient amener des réponses sur ce sujet.

Session 3 : Situations cliniques et populations particulières Modérateurs : François BERDOUGO et Ibra NDOYE

Epidémiologie et déterminants du Carcinome Hépato-Cellulaire (CHC) en Afrique Sub-saharienne Maimuna Mendy (IARC, Lyon)

Epidémiologie du CHC et taux d’incidence en Afrique

- 5ème cause de cancer dans le monde - 2ème cause de mort par cancer (source Globocan 2012)

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- > 60 000 nouveaux cas de CHC en 2015 en Afrique subsaharienne (données OMS) avec une majorité de cas en Gambie et en Egypte mais avec peut être un biais de déclaration, en raison de registres mieux renseignés.

Les principaux facteurs de risque de CHC en Afrique Sub saharienne sont : l’hépatite B chronique

(15%), l’hépatite C chronique (3-5%), l’exposition aux aflatoxines (100%), le sexe masculin, la

coinfection VIH, la consommation alcoolique, la bilharziose (Kirk, 2004; Mendy, 2008, Shaker, 2013,

Jaka, 2014, Mbengue, 2015). Le pronostic du CHC est souvent sombre.

Rôle des hépatites virales dans le CHC

En ASS, la transmission du VHB pendant l’enfance est la plus fréquente. Le risque d’infection

chronique est d’autant plus élevé que l’infection est contractée tôt (Edmunds, 1993). Le risque de

CHC est plus élevé en cas de charge virale élevée, d’Ag Hbe+ (Mendy, 2009).

L’hépatite C est transmise le plus souvent par voie sanguine notamment par le partage de seringues

déjà utilisées ou plus rarement de la mère à l’enfant ou par voie sexuelle. L’hépatite C est plus

fréquente dans la population plus âgée (Madhava, 2002).

Le rôle des hépatites virales dans la pathogénèse du CHC pourrait passer par une atteinte directe des

cellules et/ou par le biais du stress oxydatif entrainant une apoptose puis régénération puis fibrose

(Cha, 2005).

Exposition environnementale aux Aflatoxin B1 (AFB1)

Il a été montré que les patients ayant un CHC venant des régions fortement exposées aux aflatoxines

et à l’hépatite B chronique étaient souvent porteurs d’une mutation TP53 (Kirk, 2005).

Risque de CHC plus élevé chez les hommes

Le risque de CHC est plus élevé chez les hommes quel que soit l’âge (Kirk, 2004)

Diagnostic précoce de cirrhose et de CHC

Plusieurs marqueurs biologiques ont été évalués avec des sensibilités et des spécificités diverses

(SCCA-AFP) mais ces marqueurs peuvent être normaux dans les tumeurs de petite taille ou mal

différenciées (Mendy, 2009). D’autres techniques sont en cours d’études (ex tumor associated

antigen, modification de protéines glycosylées).

L’auteur conclue en mentionnant des questions qui restent en suspens : l’amélioration de la

couverture vaccinale de l’hépatite B pour éviter les transmissions maternofoetales et périnatales,

l’amélioration du dépistage et du traitement des hépatites B chroniques, l’amélioration du dépistage

du CHC par des biomarqueurs et le traitement du CHC et le développement de vaccin thérapeutique

anti VHB et VHC.

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L’hépatite C chronique chez les usagers de drogue en Afrique Sub-Saharienne Niklas Luhmann (MDM, Paris)

L’abus de substance se réfère à l’utilisation de substances psychoactives incluant les substances illicites et l’alcool. L’utilisation répétée de substances psychoactives peut induire un syndrome de dépendance avec des conséquences sociales, cognitives, physique (OMS).

Pendant longtemps, le problème de la drogue était considéré sur le plan de la criminalité ce qui a entrainé une marginalisation des usagers loin des systèmes de santé publique.

Dans le monde, 27 millions de personnes ont un usage problématique de drogues illicites dont 12 millions d’injecteurs avec de fréquentes incarcérations et une grande vulnérabilité. Les données en ASS sur les usagers de drogues sont rares. En Afrique, on estime à un million le nombre d’usagers de drogues intraveineuses (Afrique de l’Est et du Sud surtout). En ASS, 112 000 patients VIH seraient UDIV (UNODC, World drug report, 2015).

Le risque d’acquisition du VIH est aussi important chez les non-injecteurs par l’augmentation de prise de risque sexuelle sous l’emprise de substance (Strathdee, 2010). Le risque d’acquisition d’autres maladies (Tuberculose, hépatites virales B et C, syphilis) est également plus important chez les usagers de drogues (Deiss, 2009; Nelson, 2011; Coffin, 2010). En Côte d’ivoire où la majorité des UD est non injecteur, la prévalence du VIH est de près de 10% (Bouscaillou, 2016). La coinfection VIH-VHC concernerait entre 50 et 90% des usagers de drogues avec un risque de majoration des 2 pathologies (Walsh, 2012).

La population des injecteurs est très exposée à l’hépatite C. Les données de prévalence de l’hépatite C chez les usages de drogues sont très variables selon les pays d’ASS : 39% au Sénégal, >90% à l’Ile Maurice (Leprêtre, 2015, Nelson, 2011). Dans une étude menée à Dar Es Salam dans une clinique d’accès à la méthadone, la prévalence du VHC était de 53% avec 16% des patients ayant un score d’élastométrie>7 KPa (données non publiées).

Les réponses proposées pour lutter contre l’hépatite C chez les usagers de drogues en ASS sont des programmes de réduction des risques proposés par l’OMS (échange de seringues, traitement de substitution) mais à ce jour peu de pays les ont implémentés. L’autre axe est le dépistage et l’accès au traitement par DAA qui reste un problème.

L’auteur conclue que la prévalence des UDIV est importante en ASS surtout dans l’Est, que les données concernant le VHC, notamment chez les UDIV restent limitées mais montrent une prévalence élevée dans cette population. Des programmes de dépistage, prise en charge, réduction des risques existent mais uniquement dans quelques pays et restent très couteux, nécessitant des décisions politiques pour les considérer comme prioritaires en termes de santé publique.

Session 4 : Débat sur les recommandations OMS de suivi et traitement des hépatites chroniques B et C Modérateurs: Maud LEMOINE et Eric DELAPORTE

Traitements anti-VHC : Quels standards de traitement au Nord ? Lawrence SERFATY (Hôpital Saint-Antoine, Paris)

Parmi les nouvelles molécules anti VHC, on distingue les inhibiteurs de protéase (noms finissant en prévir), les inhibiteurs de la NS5B (fin en buvir), les inhibiteurs de la NS5A (fin en asvir).

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Avant l’arrivée des antiviraux directs (DAA), le taux de guérison du VHC était de 20% avec l’interféron seul quotidien puis de 40% avec interféron ribivarine, de 50% avec peg interféron et ribavirine. Depuis 2011, avec l’arrivée des 1er DAA (bocéprevir et télaprevir) on est passé à des taux beaucoup plus élevés et actuellement les taux d’éradication (réponse virologique soutenue 12 semaines après arrêt du traitement) sont proches de 100% avec les derniers DAA (Manns, 2006; Tran, 2012; Goralczyk, 2013; Feld, 2014; Sulkowski, 2014; Afdhal, 2014).

Actuellement, en France, nous disposons de plusieurs DAA de nouvelle génération : sofosbuvir, simeprevir, daclatasvir, association sofosbuvir- ledipasvir, paritaprevir-ombitasvir-dasabuvir.

Les indications remboursées sont actuellement limitées aux cas de fibrose sévère F2, F3 et F4, et quel que soit le stade de fibrose en cas de cryoglobulinémie symptomatique, lymphome B, de co-infection VIH. La fibrose est évaluée par les méthodes non invasives (fibroscanner, fibromètre, fibrotest) et un seul marqueur élevé suffit pour poser l’indication du DAA. La conférence de consensus du 29/05/2015 étend les indications aux patients à risque de progression en raison du génotype 3, de comorbidités et aux populations prioritaires (MSM, UDIV, détenus).

Les décisions de traitement sont prises au cours de réunion de concertation pluridisciplinaire comprenant au minimum un virologue, un hépatologue, un infectiologue, un pharmacien, un spécialiste d’éducation thérapeutique. Environ 15000 traitements ont été prescrits en France en 2014 quasi exclusivement avec les nouveaux DAA.

Les perspectives

- traitements pangénotypiques (velpatasvir et sofosbuvir) pour 12 semaines avec des RVS de 98% (Feld, 2015)

- traitements de plus en plus courts de 8 voir 6 semaines avec une association de 3 DAA (velpatasvir et sofosbuvir et GS-9857) (Gane, 2015)

- traitement de l’hépatite C aigue avec de très bons résultats (Basu, 2015).

- vaccin antihépatite C avec une étude de phase I (Novartis) et une étude de phase I/II (GSK) (Honegger, 2014)

Les challenges restent donc le dépistage, l’accès au traitement encore trop cher pour diminuer le réservoir du VHC. Des études cout-efficacité, d’évaluation d’amélioration de la survie restent à faire.

Présentations des recommandations OMS 2014 (VHC) et 2015 (VHB) Serge Eholié (CHU Treicheville et IMEA, Abidjan, Paris)

Les recommandations de dépistage du VHC concernent les patients appartenant à une population dans laquelle la prévalence du VHC est élevée ou qui ont des facteurs de risque d’hépatite C (UDIV, antécédents chirurgicaux, de transfusions, tatouage, piercing, prisonniers… ). Le dépistage pourrait donc être proposé de façon très large à toutes les personnes qui ont recours au système de soins.

Le diagnostic de confirmation d’une infection VHC chronique doit comprendre une sérologie VHC et une PCR ARN VHC avant le traitement.

L’évaluation du degré de fibrose pour les hépatites B et C dans les pays à ressources limitées doit se faire par des scores biologiques APRI ou FIB4. L’utilisation du fibroscanner est préférable quand il est disponible. La biopsie hépatique n’est plus le gold standard.

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Les critères d’initiation de traitement doivent être considérés pour tout adulte ou enfant avec une hépatite C chronique, y compris les usagers de drogues. Les patients présentant une fibrose avancée F3 ou F4 sont prioritaires pour être traités. Si les ressources du pays le permettent, il est également possible de traiter les patients avec une fibrose plus modérée F1 ou F2.

Pour l’hépatite B, plusieurs situations sont considérées pour débuter un traitement antiviral :

- Patients avec un diagnostic de cirrhose - Patients >30 ans sans cirrhose mais avec ALAT élevées de façon persistante et CV

VHB>20 000 UI/ml - Patients dont les ALAT sont élevées de façon persistante et pour lesquels on ne dispose pas

de CV VHB quel que soit l’AgHBe Les patients chez qui ont peu différer le traitement sont les patients sans cirrhose avec ALAT normales et CV<2000 UI/ml et si la CV n’est pas disponible les patients de moins de 30 ans avec ALAT normales.

Stratégies thérapeutiques (pour mémoire, début des recommandations en 2013)

Hépatite C (des nouvelles recommandations concernant les DAA arrivent en avril 2016 !)

L’association Peg-Interferon et ribavirine est recommandée pour le traitement des hépatites C chroniques.

L’association de Peg-Interferon et ribavirine et DAA de type boceprevir ou telaprevir est recommandée pour les génotypes 1.

L’association sofosbuvir –ribavirine avec ou sans Peg-Interferon est recommandé pour les hépatites C génotype 1, 2, 3 et 4 plus que Peg-Interferon et ribavirine seuls.

L’association simeprevir –ribavirine avec ou sans Peg-Interferon est recommandé pour les hépatites C génotype 1,2,3 et 4 plus que Peg-Interferon et ribavirine seuls.

Hépatite B

Les analogues nucléos(t)idiques à haute barrière génétique (tenofovir ou entecavir) sont recommandés pour le traitement des hépatites B chronique. En cas d’échec avec l’adefovir, lamivudine, entecavir, telbivudine, il est recommandé d’utiliser du tenofovir.

Surveillance sous traitement

Le suivi doit être régulier avant et sous traitement : suivi clinique, biologique : ALAT, AgHBe, Ag HBs, PCR VHB, score Apri ou Fibroscanner. Le suivi de l’observance est très important.

La surveillance tous les 6 mois de cirrhose par échographie abdominale et alpha foetoproteine est recommandée en cas de cirrhose, d’antécédent familial de cirrhose, en cas de CV VHB élevée.

La prévention de la transmission de l’hépatite B passe par la vaccination des nouveaux-nés et des enfants. Aucune recommandation n’a été émise sur le traitement par tenofovir de la mère pendant la grossesse si elle n’en a pas besoin pour elle. Chez les patientes coinfectées VIH-VHB, un traitement par TDF-FTC et EFV est recommandé.

Les enjeux opérationnels doivent profiter des acquis de la lutte contre le VIH.

Pour améliorer l’accès au traitement, il faut faire baisser les couts pour pouvoir bénéficier des mêmes molécules qu’au Nord, améliorer les outils diagnostiques, simplifier les traitements,

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améliorer le lien vers le soin, poursuivre la recherche. Cela nécessite d’impliquer les gouvernements et les industries pharmaceutiques.

Des nouvelles recommandations de dépistage de l’OMS arrivent en avril 2016 !

Comment rendre le traitement anti VHB accessible ? L’exemple du programme Mauritanien Pr Alain Carayon (Institut National des Hépatites, Nouakchott)

Les grandes orientations stratégiques sont préventives (généraliser la vaccination à la naissance, renforcer l’information, l’éducation, la communication, vacciner les adultes et les adolescents exposés, prévenir les transmissions), de dépistage (selon les algorithmes, promouvoir les enquêtes de séroprévalence), thérapeutique (établissements de santé dédiés, formation du personnel médical, disponibilité des médicaments, protocoles thérapeutiques adaptés), de recherche avec différents partenariats.

Le modèle mauritanien

Le taux d’infection VHB estimé à 15%, est beaucoup plus élevé en Mauritanie que dans les pays voisins. Le taux de coinfection B delta est également très élevé, estimé entre 14 et 34%.

La stratégie de lutte contre le VHB passe par la vaccination systématique des nouveaux-nés à la naissance proposée depuis 2005 mais effective depuis 2010 (taux de couverture affichée de 25 à 44% mais probablement surestimée), la gratuité du traitement par tenofovir depuis 2008 pour toute la population, un programme national de lutte depuis 2011 et la création d’un institut national d’hépato-virologie depuis 2014, avec un financement de 100% par la Mauritanie. Cet institut a des missions de santé publique (informer, dépister, vacciner, et traiter), de logistique (budget de 15 euros par patient), de recherche (projet ANRS, projet mère-enfant en lien avec le CHU d’Angers), de partenariat (ANRS, fondation Mérieux, APHP, Institut Pasteur Paris, partenariat avec Maghreb pour la recherche et la formation), institutionnels (formation, DU, veille nationale). La population initiale est celle des professionnels de santé et les stratégies utilisées sont celles de l’OMS.

La phase pilote de travail de cet institut a concerné 3400 patients dépistés avec une prévalence d’AgHBs de 16%, d’AcHBc de 68%.

Comment rendre accessibles les antiviraux directs anti-VHC ? Chloé Forette (MDM, Paris)

L’OMS estime qu’il y a entre 130 et 150 millions de personnes dans le monde avec une hépatite C chronique dont 26 à 30 millions au stade F3-F4 nécessitant donc un traitement mais que seuls 2.2% de patients infectés reçoivent un traitement chaque année (http://www.euro.who.int/en/health-topics/communicable-diseases/hepatitis/data-and-statistics).

Actuellement, il y a des licences volontaires pour les pays les plus pauvres. La licence volontaire est un contrat, négocié entre le détenteur du brevet (par exemple Gilead) et le demandeur (11 génériqueurs Indiens), qui autorise la production, la vente et l’export d’un médicament (sofosbuvir, ledipasvir et velpatasvir) et qui fixe le montant des royalties (7%). Ce contrat restreint donc l’accès à certains pays autorisés à produire et à commercialiser le produit (101 territoires). Il y a une limitation arbitraire du nombre de pays où des génériques peuvent être vendus. Certains pays en auraient besoin mais il n’existe pas de licence. Même au sein des pays inclus dans la licence volontaire, les antiviraux sont parfois indisponibles (défaut d’enregistrement du médicament) et les prix restent très élevés par rapport aux ressources des patients.

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Les prix sont différenciés, fixés par les laboratoires pharmaceutiques et souvent très élevés, ce qui est très délétère pour les pays qui sont obligés de cibler les traitements pour les patients les plus atteints en terme de fibrose avec une mise en danger des systèmes de santé publics dans un contexte de restrictions budgétaires et d'austérité (Hill, 2014). Les prix sont complètement déconnectés du prix de recherche et de production et seraient fondés sur les couts potentiels évités (greffe de foie).

Pour lutter contre les licences volontaires, il y a plusieurs outils.

La conférence IAS 2012, a permis le lancement de “l’appel de Washington”, un ensemble de principes et de revendications pour accroître l’accès aux traitements contre le VHC - signés par plus d’une centaine d’organisations et la création de la HepCoalition qui doit mener un plaidoyer pour l’accès universel aux traitements VHC. (www.hepCoalition.org)

La licence obligatoire est un accord qui permet à un gouvernement d’autoriser la production de versions génériques d’un médicament breveté sans l’autorisation du détenteur du brevet, en soutenant qu’il s’agit d’une nécessité absolue. Depuis 2014, les associations françaises rassemblées en collectif demandent au gouvernement d’émettre une licence obligatoire sur le sofosbuvir.

L’opposition au brevet nécessite un recours juridique qui peut être initié par la société civile pour contester la validité de l’octroi de ce brevet. Le brevet du sofosbuvir court jusqu’en 2029. Le plaidoyer pour l’opposition au brevet soutient que si l’utilisation du sofosbuvir pour traiter l’hépatite C est une avancée thérapeutique majeure, la molécule en elle-même n’est pas suffisamment innovante pour mériter un brevet. Le brevet a déjà été rejeté en Egypte, en Inde, Argentine, Brésil, Chine, Russie et Ukraine. Le 11 février 2015: MdM a déposé une opposition à un des brevets clefs du sofosbuvir auprès de l’office européen des brevets.

Pour conclure, l’auteur souligne que le prix des médicaments est un facteur essentiel pour l'accès au traitement. Comme pour le VIH, se reposer sur les stratégies de l'industrie pharmaceutique n’aboutira pas à l'accès universel aux nouveaux traitements du VHC. Il existe plusieurs leviers - y compris les outils juridiques prévus par l'OMC - à disposition des États pour contrôler les prix des médicaments.

Compte Rendu rédigé par Dr Nadine VALIN, IMEA (non validé par les orateurs)