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    L H I S T O I R E D U S A E U T

    A cette double question, les réponses sont nombreuses et

    diverses. On peut les ramener toutefois à trois groupes princi-

    p a u x

    1

    . Certains penseurs, comme W. Dilthey ou R. Aron, pro-

    fessent que, du moins dans l 'état actuel de nos connaissances,

    i l est impossible de formuler une théorie générale sur le dévelop-

    p e m e n t d e l ' h u m a n i té

    2

    . P lus radicaux, d 'autres re fusent tout

    sens à l 'histoire , en af f irmant l 'absurdité de l 'être . Professée par

    Sartre , Merleau-Ponty ou Polin

     3

    , cette position séduit beaucoup

    d'hommes que les derniers événements ont déçus. On renonce

    entièrement au savoir absolu, à la total i té achevée de l 'histoire .

    L'h om m e, précise Sartre , demeure tou jour s « en si tuation », et

    pa r suite, l 'histoire reste tou jou rs inach evée, « en sursis ». A pro-

    prement parler, elle n'a pas de sens, puisqu'il n'y a pas de fin

    au sens finaliste de ce mot. Si la société humaine toute entière

    venait à disparaître , cette f in ne serait pas plus un achèvement

    que la m ort d 'un in div idu ; elle serait seulem ent « une m ise en

    1 . Nous omettons ic i l es part isans de l ' é ternel retour en raison de leur

    petit nombre. Cf. R. MARCHAIS,  Le retour éternel,  in Arch. Phi lo . 1925 (vol . I II ,

    cah . I) , pp . 55-71 ( l ittéra ture mo der ne et conte mp ora ine) ; p. AUGER,  Deux

    temps trois mouvements,  in Diogène, 19 (1957, PP- 3

    -

    4 (sc iences expérimen-

    tales) ; A.-R. SONDAGE,

      The red-shift,

      in Sc ient i f ic American, 195 (sept . 1956) ,

    pp. 171-182. Voir cependant les précisions de R. NIEBUHR,  Foi et histoire,

    p .  20.

    2. w. DII/THEY,

      Introduction à l'étude des sciences hum aines,

      Essai sur le

    fondement qu'on pourrai t donner à l ' é tude de la soc iété e t de l 'h isto ire

    (tr. fr.) , Paris, 1942, pp. 113-150; R. ARON,  Introduction à la philosophie

    de l'histoire,  pp . 284 ss. ; id., L'opium des intellectuels,  Paris , 1955, pp. 147-171 ;

    id. D e l'objet d e l'histoire  (En cyc l . Fra nç . , X X , 20-04-9 à 20-04-10).

    3. J.-P. SARTRE,

      L'être et le néant,

      Paris, 1948, pp. 150-218

      {la temporalité)

    et surtout pp. 720-722

      {perspectives morales).

      D a n s un l i v re ré c e n t

      {Critique

    de la raison dialectique,  Paris , I960, l ' auteur corrige son premier point de

    vu e (voir dé jà divers a rt ic les de « Te m ps m odern es », 1952 et 1953) . L e

    ma rxis me est « la seule phi losoph ie qui rende com pte de tou t », ce l le q ue

    l 'auteur cherchait sans en apercevoir l ' existence , dès ses premiers ouvrages .

    Dè s lors , i l préc ise : « La plur al i té d es sens de l 'h isto ire ne p eu t se déco uvrir

    et se poser pour soi que sur le fond d 'une total isat ion future , en fonct ion

    de ce l le-c i e t en contradict ion avec e l le . Notre tâche historique, au se in

    de ce mo nde po lyv ale nt , c ' est de rap proc her le m om ent où. cet te histo ire

    n 'a ur a qu 'un sens » (p. 61 ; voir aussi : p . 33). Mais l ' ensem ble d u l ivre

    semble conclure en sens contraire , e t , de toutes façons, la pensée de Sartre

    demeure bien di f férente du marxisme (c f . J .-M. I

    V

    E BI.OND,

      Histoire et liberté

    selon Sartre,  in Etudes, I960, pp. 62-76.

    Voir aussi : M. MERI^EAU-PONTY,  Sens et non sens  (col l . Pensées), Paris,

    1 9 4 8 , s u r t o u t p p . 1 6 3 - 1 6 4 ; 3 3 9 - 3 4 8 ; 3 7 1 - 3 8 0 . R . P O U N ,  La création des

    valeurs  (Bibl . phi los , contemporaine , Morale e t valeurs) , 2

    E

      éd., Paris, 1952,

    s u r t o u t p p , 2 9 7 - 2 9 9 ,

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    INTRODUCTION

    II

    sursis définitive w

    1

    . De te ls aperçus heurtent violemment les

    positions « historiques » d 'H eg el

    2

      ou de Bergson

    3

    , par exemple.

    L'un et l 'autre, en ef fet, croient à leur manière à une f inali té de

    l 'histoire qu' i ls identi f ient avec la l ibération de l 'homme. C 'est

    aussi l 'avis des marxistes qui connaissent aujourd'hui une large

    audience auprès des masses et fascinent de nombreux intel lec-

    tuels. Ils font également confiance à l 'histoire : elle conduit

    l 'homme à une société sans classe, l ibre et fraternelle, au paradis

    comm uniste qu' inau gurera le « grand soir »

    4

    .

    Le christianisme aussi apporte sa réponse, car, sur ce point,

    i l diffère totalement des autres religions. Celles-ci, en effet, ne

    font pas sa place au temps ; elles cherchent au contraire à le nier

    ou à s 'en évader ; d 'où l ' importance capitale qu'e l les donnent

    à l ' é terne l re tour ou au mythe

    5

    . Le christianisme, en revanche,

    est une histoire avant d'être une doctrine ; i l a même donné le

    sens de l 'histoire à l 'Occident

    6

    . Sans récuser l ' influence romaine,

    1. J.-P. SARTRE,  L'être et le néant,  p. 625 ; M. MERIVEAU-PONTY, dira de

    m ê m e :  La conscience métaphysique et morale meurt au contact de l 'absolu »

    (Sens et non-sens,  Paris, 1948, p. 191).

    2. G.W.F. HEGEIY,

      Phénom énologie de l'esprit

      (tr. fr.), P aris , 1945, 2 vo l. ;

    Leçons sur la philosophie de l'histoire  (tr. fr.), Paris , 1945 ;  L'esprit du chris-

    tianisme et son destin   (tr. fr.), Paris, 1948.

    3. Voir surtout :  L'évolution créatrice,  Paris, 1907 et  Les deux sources de

    la morale et de la religion,  Paris, 1933.

    4. Voir : J.-v. CAI/VEZ,  La pensée de K. Marx,  Paris, 1949, avec biblio-

    graphie.

    5. Voir : M. ÉUADE,  Le mythe de l'éternel retour,  P aris, 1949 ;  id., Le

    temps et l'éternité dans la pensée indienne,  in Eranos Jb, 20 (1951), pp. 219-252 ;

    id., Traité de l'histoire des religions , Paris, 1953, pp. 332-372 ;  h.  MASSIGNON,

    Le temps dans la pensée islamique,  in Er an os Jb, 19 51, pp . 141-1 48 ; j . MON-

    CHANIN,  Le temps selon l'hindouisme et le christianisme,  in D ie u - V iv a n t ,

    14 (19 49 ), p p . 11 0 -1 2 0 ; H. DK IYITBAC,

      Catholicisme,

      3

    e

      éd. , Paris, 1938,

    pp. 103 ss. ; A. TOYNBEE,  Christianity  arnong the religions of the world,  Londres,

    958, pp. 4-5 ; etc . I l faut en excepter toutefois le Mazdéisme : c f . notre

    chapitre préliminaire, pp. 15 et 39-40.

    6.  w. Dii /fHEY   peut dire dans ce sens :  L'or igine première de ces sc iences

    (de l 'histoire) se trouve dans l ' idée chrét ienne que l 'histoire du monde

    démontre un exemple de progrès accompl is par l 'homme ; ce lui-c i , en ef fet ,

    f a i t p r og r e ss iv e m e n t son é d u c a t ion »  (Introduction...,  p. 11 7) . A. COURNOT

    ajo ute : « Le s autres re l ig ions de l 'ant iq uité n 'on t pas à prop rem ent par ler

    de part ie histor ique, et quoiqu 'e l les a ient nécessairement leur histoire

    propre, comme toute secte et toute inst i tut ion a la s ienne, e l les ne se fondent

    poin t sur une histoire ; e l les n ' inscr ive nt dans leurs text es sacrés, quan d

    el les en ont , que des cosmogonies et des mythes. Au contra ire , r ien de p lus

    majestueux et de p lus s imple et de p lus bref que la part ie purement cosmo-

    gonique des récits sacrés du peuple ju i f ; et les récits généalogiques qui la

    suivent , s ' i l s n 'ont pas précisément tous les caractères de l 'histoire , s 'en

    rapprochent incomparablement p lus que tous les autres récits du même

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    1 0

    L H I S T O I R E D U S A LU T

    notamment cel le de Virgi le ou de Tite-Live, e l le demeure secon-

    daire en regard du judéo-christianisme. Quant aux Grecs Polybe

    ou Diodore, i ls expliquent une certaine convergence de faits

    universels par l 'action naturel le ,  physique », dé la Tychè, de la

    Fortune ou du Hasard. Ou bien i ls tâchent de ramener le devenir

    historique et l 'évolution des régimes poli t iques à un rythme

    cycl ique , comme ce lu i de l 'univers cosmique

    1

    . C'est que le Grec

    s'intéresse à la  nature  »  des choses, car i l cherche à comprendre,

    et ce qui change, comme tel , ne se comprend pas mais se cons-

    tate . I l recherche de plus l 'absolu, l 'être authentique, éternel ,

    immuable, le seul digne à ses yeux d 'une investigation. Sa phi lo-

    sophie est donc celle des essences ; elle s 'évade du changement,

    de l 'histoire, ou, si elle la rencontre, elle la ramène à l 'éternel sous

    forme de récurrence ; elle la conçoit sous l 'aspect de l 'éternel

    r e to u r

    2

    . La cro}^ance au destin renforce encore cette tendance.

    L'histoire suppose, en effet, la libre réponse de l 'homme à une

    pro voc atio n, à un « challen ge », qu 'i l vienne des au tres ou des

    circonstances. El le veut une réponse originale qui aurait pu être

    a u t r e

    3

    . Or, si l 'Hellène a conscience de sa liberté individuelle, i l

    croit que le destin mène le monde. L'àvdyxrj , nécessité inf lexible ,

    contre laquelle on ne peut r ien, apparaît dès l 'aube de la l i tté-

    rature grecque. Adoucie par Platon, cette croyance reprend sa

    genre. Knfin, ce qui ne se voit point ail leurs, les l ivres d'une histoire nationale

    que contrôlent les monuments des histoires étrangères et qui sert à les contrô-

    ler , entrent pour une part essentie l le et considérable dans le système des

    l ivres canoniques. Plus tard et à mesure que les dest inées des Juifs se mêlent

    à celles des grands emp ires de l 'ant iq uité , i ls rat tach en t a ux révolu t ions

    de ces empires leurs prophéties, leurs espérances pour la f in des temps;

    et , jusque dans les rêver ies d 'un peuple opprimé, on voit poindre et se

    déve loppe r l 'idée d 'un p lan des évén em ents histor iqu es « (

    Traité de Venchaî-

    nement des idées fondamentales dans les sciences et dans l'histoire,   Par is , 1911 ,

    pp . 583-584. D e m êm e : j . MARITAIN,  Les droits de l'homme et la loi natu-

    relle,  N ew Y o rk , 1942, pp . 38 à 49 ; R. NIEBUHR,  Foi et histoire  (tr. fr.),

    N e u c h â t e l , 1 9 5 3 , p p . 3 1 - 4 8 ; 6 7 - 7 9 .

    1. Cf . H.-C. PUECH,  La gnose et le temps,  in P^ranos Jb., 20 (1951), pp. 59-67.

    (Voir dans le sens contraire : w. NESTLE,  Griechische Geschichtesphilosophie,

    in Archiv. f i ir Geschichte der Phi losophie, 41 (1932), pp . 80-114. Sur la

    posit ion romaine p lus histor ique : c f . notre chapitre l iminaire , pp . 20-24.

    2. V.g., PLATON,  Timée,  37c~38a

     

    LUCRÈCE, de Nat. rer.,  II I , 945 ; V ,

    1135 ; MARC-AURÈIYE,

      A soi-même,

      I I , 1 4 ; V I I , 1 9 ; I X , 2 8 . . . ; S i m p l i c .

    in Arist. Phys.,  V , 4 (éd. Diel s, p. 886) ; TATIEN,  Or. ad Graec.,  3 ; ORIGÈNE,

    C. Cels,

      IV, 68 ; V, 20-21. Voir à ce sujet : H.-c. PUECH,

      La gnose et le temps,

    in Eranos Jb.,  2 0 ( 1 9 5 1 ) , p p . 5 9 - 6 7 .

    3. A.-J. TOYNBEE,  L'histoire, un essai d'interprétation  (A bré gé pa r D.-C. SO-

    MERWELL des volumes I à VI de  A study of history),  Paris, 1951, pp. 74-94-

    Ce point de vue est longuement développé par TOYNBEE dans son œuvre :

    A study of history,  10 vo l . , Lon dres , 1934-19 54.

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    INTRODUCTION

    I I

    duret é pr imit iv e av ec A r is t ot e et surt out av ec l es s t o ïc iens . E l l e

    devient l 'eipap|isvr| , la xuxt| qu'on craint ou méprise, mais à

    l aquel l e on croi t

    1

    . L 'h is t o ire humaine perd a l ors son caract ère

    original , po ur se ram ener à une « histoire n ature l le » supérieu re.

    Tout e réf l ex ion sur l 'h is t o ire de l 'homme, comme t e l l e , perd

    alors son sens.

    La pos i t ion judéo-chrét ienne est t rès d i f férent e . Pour l e ju i f ,

    en ef fet , l e monde n 'es t pas l e f rui t é t ernel d 'une émanat ion

    div ine, mais une l ibre créat ion de Dieu, fa i t e au commencement

    du t emps. Quant au sa l ut , i l n 'es t p l us ic i l a cont empl at ion d 'un

    idéal , fût - i l D ieu l u i -même

      2

    , mais une série d 'événements, d ' inter-

    v ent ions de Yahv eh en fav eur de son peupl e , auxquel l es ce l ui -c i

    doi t co l l aborer . La perspect iv e ju iv e es t donc essent ie l l ement

    historique, et cela au sens le plus fort du terme, car el le s 'étend à

    toute la durée du monde, à tout le cosmos qui part ic ipe à la

    déchéance ou au re l èv ement de l 'homme. La pensée chrét ienne

    l 'est plus encore, puisqu'el le donne au temps et à l 'histoire une

    digni t é ext raordinaire , en y fa isant v iv re l e propre Fi l s de Dieu.

    Le chrét ien a donc son mot à d ire dans l a conjonct ure pré-

    sent e . Part ic ipant au dest in commun, i l ent end assumer sa part

    de responsabi l it é ; i l v e u t t ransm et t re au x au t res ce qu ' i l sa i t .

    Mais i l a besoin aussi de se le redire à lui-même, car de nombreux

    probl èmes past oraux ou doct r inaux se posent à l a soc iét é chré-

    t ienne dont i l es t membre. Dans un monde qui change s i v i t e et

    si profondément, en ef fet , cel le-ci doit s 'adapter, et el le ne peut

    l e fa i re v ra iment que l es yeux f ixés sur l a v ra ie dest inée de

    l 'humanit é . A l ors seul ement , e l l e év i t era l es cont aminat ions , l es

    1 . Voir :

      Lex. gr. rôm. Myth.,

      V , 1309-1380 (Tuchê) ;

      D.A.G.R.,

      I I , 1 0 1 6 -

    1 0 2 1 ( F a t u m ) ;

      ibid.,

      126 4-1 27 7 ( Fo rtu na ). Vo ir auss i : A.-J. FESTUGIÊRE,

    L'idéal religieux des Grecs et l'Evang ile,

      Par is , 1932, I I , pp . 100-115 ;

      id.,

    Liberté et civilisation chez les Grecs,  Par is 1947, pp. 1-74 .

    Pour les lat ins : Cicéron :  de Harusp Resp.,  9, 19.  Eneid.,  X , 1 0 0 - 1 1 3

    (voir : A.-M. GUIIXEMIN,

      Virgile poète et penseu r

    , Par is , 1951, pp. 206-218,

    surtout p. 219). SÊNÈQXJE :

      Provid.,

      5 ; MARC-AURÈLE :

      Maximes,

      II , 3.

    V o i r c e p e n d a n t T I T E - U V E :

      Histoire Rom aine,

      X X I , 3 9, 1 0 ; X X V I I , 4 4,2

    e t

      4 5 , 5 .

    2. O n con na î t la form ule de PICOTIN pré sen tan t le salut c om m e « la fu i te

    v e r s l e S e u l » V I ,

      Enn.,

      9,9 et 11 ;

      ibid.,

      7,34). PORPHYRE pa rle du « re tra it

    de l 'â m e », PLATON dem an de de « s 'en fu ir d ' i c i -ba s »

      (Théète,

      1 7 6 ;

      Républ.,

    V I I , 14 . Le P . DE LUBAC préc ise : « Ce tte for m ule n 'e st pa s prop re à Plo t in .

    O n l a r e n c o n t r e c h e z d i v e r s a u t e u r s p a ï e n s e t c h r é t i e n s . . . M a i s e l l e s y m b o l i s e

    assez b ien l ' idéal p latonic ien en ce qu ' i l o f f re d 'opposé à l ' idéal chrét ien »

    [Catholicisme,

      p. 95, no te 2). V o ir au ssi : A.-J. FESTUGIÈRE,

      La révélation

    d'Hermès trismégiste :

      I I , L e Dieu cosm ique, P ar is , 1949, pp . 310-340

      (la

    religion du mond é) ; j.  GUITTON,  Justification du temps,  Par is , 1941, pp. 43-48.

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      2

    L H I S T O I R E D U S A E U T

    compromissions, les durcissements possibles. D'où les nombreuses

    études contemporaines sur la théologie de l 'histoire, sur la concep-

    tion biblique de l 'histoire du salut

    1

    . Mais parce que l 'Écriture ne

    se comprend que dans une Tradition, et que cel le-ci est d 'abord

    la pensée des Pères, i l nous a paru bon d 'étudier systémati-

    quement cette dernière

    2

    . D'un autre côté, rechercher le sens de

    l 'histoire dans la l i ttérature patristique eût été un sujet immense

    et anachronique. Immense parce que trop vague ; anachronique

    car i l r isquait de soulever de faux problèmes. Les Pères appar-

    tiennent, en effet, aux premiers siècles de notre ère ; i ls sont

    pénétrés des enseignements scripturaires. Ils ne cherchent donc

    pas à savoir si l 'histoire a un sens, ou quel i l est, puisque la Bible

    le leur dicte : i ls en étudien t seulem ent le déroulemen t to ut au

    long du temps.

    La conception augustinienne exprimée dans la   Cité de Dieu

    est le sommet de la pensée patristique sur l 'histoire. Or, l 'ouvrage

    se termine par un rappel des sept âges du monde : «. . . en comp-

    tant les âges comme autant de jours, écrit l 'auteur, d 'après les

    périodes que semble distinguer l 'Écriture, ce repos sabbatique

    apparaîtra plus clairement encore, puisqu' i l arrive au septième

    rang. Le premier âge. . . va d 'Adam au déluge ; de là jusqu'à

    Abraham, c 'est le second. . . A partir de là, comme le précise

    l 'évangé l is te Matthieu , su ivent tro is âges . . . l 'un va d 'Abraham

    à David , l 'autre de David à la déportat ion de Babylone , le tro i -

    sième, de cette déportation à la naissance du Christ selon la

    chair. . . Le sixième s'écoule présentement.. . Après ce sixième âge

    Dieu se reposera comme en un septième jour »

    3

    . Bien plus, ces

    sept âges ou époques

    4

    , en relation d'ailleurs avec un autre

    1 . O n trou ve ra une exce l len te bibl iograp hie cri t iqu e dans : M. FUCK ET

    z. ALSZEGHY,  Teologia délia storia,  in Gregorianum, 35 (1954), PP- 256-298.

    2. Voir déjà : P. CHIOCHETTA,  Teologia délia storia  (Profili e sintesi, 3).

    Rome, 1953, avec une bonne bibl iographie sur la théologie patrist ique sur

    l 'his toi re. D e m êm e : M. FUC K e t AI,SZERGHY,  Teologia délia storia,  pp. 296-

    298.

    3.  De Civ. Dei,  X X I I , 3 0 ;  C.S.E.L.,  40 (II), 669-670 (tr. G. Comb ès).

    4 . N o us e m p l o i e ro n s i n di f fé re m m e n t , da n s c e t o uv ra g e  époques  ou  périodes,

    au sens d 'un certain laps de temps, déterminé et d 'une assez longue durée .

    De soi, i l est vrai, le mot   période  met plutôt en re l ie f l e mouvement ( temps

    qu'un astre met à fa ire sa révolut ion) , tandis que le terme d ' époque  insiste

    surtout sur la f ix i té (moment où quelque fai t remarquable s ' est passé (c f .

    U T TR É ; D . A . G . R . , I , 4 9 7 & a s t r o n o m i a ) . L ' é t y m o l o g i e e s t d ' a il le u r s d i f f é -

    rente , car  7tep(oÔoç  s 'oppo se à  'zné ziv  (O.-E. STRASSER,  Les périodes et

    les époques de l'histoire de l'Eglise,  in R .H .P h .R . , 30 (1950) , pp . 290-293) .

    Ma is les âges don t nous parlon s ic i , t ienn ent d e l 'un e t de l ' au tre : ce sont

    des époques bien déterminées, mais aussi des périodes qui font avancer

    l 'histoire vers sa fin.