R.seau Printemps 04 · Des investissements de plusieurs partenaires vont lui permettre...

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Sommaire

www.uquebec.ca

Réseau vise à promouvoir l’expertise del’Université du Québec, à éclairer les grandsenjeux et les débats sociaux par l’échange depoints de vue et à refléter l’actualité du réseaude l’UQ.

La rédaction laisse aux auteurs l’entièreresponsabilité de leurs textes.La reproduction des articles est autorisée à lacondition de mentionner la source.

Magazine RÉSEAUUniversité du Québec475, rue de l’Église, Québec(Québec) Canada G1K 9H7

Téléphone : (418) 657-4245Télécopieur : (418) 657-2132Courrier électronique :[email protected]/lereseau/lavie/magreseau/index.shtml

Éditeur, Serge Cabana

Rédactrice en chef, Paule Lebrun

Adjoint à la rédaction, Paul Gauvin

Recherchiste, Rachel Chouinard

Rédaction, Josée-Nadia Drouin, MireilleFrégeau, Paule Lebrun, Marie-AndréeMichaud, Mireille Pelchat, Denise Proulx.

Photo de la couverture : TSHI

Recherche photos, Denise Cloutier

Révision linguistique, Lina Giguère

Correction d’épreuves, Productions PauleLebrun

Conception graphique, Pierre Caron

Impression, K2 impressions

Support à la diffusion, Dorothy Freeman

Publicité, OMNIPUB 2000Maison de représentation publicitaireTéléphone : (450) 479-6030 OU1-877-692-3714Télécopieur : (450) 479-6031http://www.omnipub2000.comJohanne Larouche, poste 11Lynn Rainville, poste 12

Dépôt légalBibliothèque nationale du QuébecBibliothèque nationale du CanadaISSN 0700-6004

Postes CanadaEnvois de Postes-Publication # de convention40069680

VOLUME 35, NUMÉRO 3, PRINTEMPS 2004

4 Édito

5 De la rédaction

6 Du réseau

8 PortraitAmnon Jacob Suissa :

le phénomène des dépen-dances.

11 Pierre MoreauNouveau président duréseau de l’UQ

12 Culture et sociétéMichel Chartrand,les syndicats etl’humanisme

Hommage à une figuremythique du Québec. Le rôledes syndicats dans l’évolu-tion du Québec.Huit questions à poseraux syndicats en 2004.

16 DossierFaut-il fermerles régions ?

En dépit du peu de pou-voir, du manque de fonds,de la métropolisation de larecherche et des obstaclesqui semblent insurmon-tables, on assiste à unevéritable renaissance descentres régionaux.

28 ForumLes pieds dansle sable chaud

Comment occuperez-vousvotre été ?

30 Vie étudianteProgramme d’Éco-conseil à l’UQAC

32 Scienceset technologieL’eau fraîche :statut à la dérive

Derrière la crise de l’eau seprofile une crise éthique.

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Édito

Un Québec àdeux vitesses ?

4 RÉSEAU / PRINTEMPS 2004

n Commission parlementaire sur le financement desuniversités, cet hiver, le président de l’Université duQuébec (UQ) a été on ne peut plus clair : « À moins

de vouloir ratatiner le Québec, il faut réinvestir dans le réseaude l’UQ. » Une façon lapidaire, pour M. Pierre Moreau, derappeler aux parlementaires le rôle de «moteur de dévelop-pement » joué par chacun des dix établissements de l’UQ,tant dans leur région que dans l’ensemble de la sociétéquébécoise. En effet, la présence d’une université dans unerégion augmente l’accès aux études supérieures, freine l’exodedes cerveaux, attire de nouvelles expertises ainsi que descapitaux, et crée de nouveaux créneaux d’excellence enrecherche qui ouvrent sur de nouveaux marchés et sur lascène internationale. Nos universités sont indispensables audéveloppement des régions. Lesquelles sont indispensablesau développement de tout le Québec.

Quel modèle de développement?Mais est-ce bien là le modèle de développement du Québecque nous voulons encore ? Désirons-nous toujours, collecti-vement, développer la société québécoise à la grandeur deson territoire ? Et, comme le rappelait récemment le journa-liste Michel Venne1, sommes-nous prêts à en payer le prix ?Car un programme universitaire à Rouyn-Noranda coûte,bien sûr, plus cher qu’à Montréal. Et puis il y a les routesd’accès à construire, même si elles seront moins achalandées.Et tous ces services gouvernementaux à rendre accessibles,incluant les écoles et les hôpitaux. Sans parler de la vieculturelle qu’il faut bien soutenir, même en dehors des grandscentres urbains. Et plus c’est loin, moins la population estdense, plus ça coûte cher ! À moins d’engager le développe-ment du Québec vers un modèle à deux vitesses : celle,accélérée, des grands centres urbains et l’autre, ralentie, desrégions. Un modèle rejeté en Commission parlementaire parle président de l’Université du Québec. Parce qu’il va àl’encontre de la vision même du développement du Québecayant mené à la création du réseau de l’UQ, au cœur de la

Révolution tranquille. Ce qui amena le président de l’UQ àconclure, en Commission parlementaire, que « réinvestir dansl’Université du Québec, c’est réinvestir dans tout le Qué-bec ! »

Pourtant, certains se demandent si nous avons encore « lesmoyens » de réinvestir dans tout le Québec. Une façon de poserle problème fort à la mode. Et qui, sous des dehors pragmati-ques, cache peut-être un manque flagrant de vision.

Une question de visionÉrigé en système, le pragmatisme absolu conduit à enfermer lapensée dans le statu quo. Faut-il poser la question des « moyens»comme préalable à toute considération de nouveaux projets ?D’après Le Petit Robert, un « moyen » est « ce qui sert pour arriverà une fin ». Revenons donc à la logique qui veut que l’on posed’abord la question de la finalité, avant celle des moyens.Réingénierie, baisse d’impôts, gel des frais de scolarité : com-ment juger des moyens sans examiner d’abord le but poursuivi ?Dans quel sens, vers quels objectifs, et au nom de quelles valeursvoulons-nous faire évoluer la société québécoise ? Voilà les pre-mières questions à considérer. Tant que la finalité ne sera pasclaire et partagée, la mobilisation autour des moyens seracompromise, voire impossible. La Révolution tranquille puts’accomplir grâce à cette mobilisation de toute une société versun but – faire accéder le Québec à la modernité – un but claire-ment exprimé à l’époque dans le slogan des libéraux de JeanLesage : «Maîtres chez nous ! » Cette mobilisation sociale sansprécédent a mené à la nationalisation de l’électricité, à la créa-tion des cégeps et de l’Université du Québec et, plus tard, audéveloppement de la Baie James et à la mise en place d’impor-tants instruments de développement telle la Caisse de dépôt etplacement.

Les grands projets deviennent possibles lorsque les objectifssont clairs et partagés. Sans une vision claire du développementsouhaité, les chicanes autour des moyens pourraient embrouillerles débats et engager le Québec dans un modèle à deux vitesses :une avant et une arrière.

Serge Cabana

Éditeur

1 « Vaste pays – le goût de l’avenir-5 », par Michel Venne, Le Devoir, 23-02-04, p. A-7.

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l y a, comme ça, de splendides têtes dures qui ne laissentpersonne – ni État, ni Église, ni école – interférer avecleur individualité. Socialement, ces têtes dures sont des

visionnaires souvent incompris de leur époque ou des rebellesqui agacent les dents des bien-pensants. Michel Chartrandfait partie de cette dernière catégorie. Nous avons voulurendre hommage à cette figure mythique du Québec qui afait l’objet d’autant de Bye Bye que Trudeau ou Lévesque, etqui a été récemment le sujet d’une série télévisée (et Dieusait qu’être le héros d’une série de fiction à la télévisionest une façon de devenir partie intégrante de l’imaginairepopulaire !).

Nous honorons son intégrité, son mauvais caractère, sonfranc-parler, ses convictions humanistes et sa continuité dansson engagement. À 88 ans, le vieil homme, toujours sur lestribunes, persiste et signe!

Au-delà de la pathologie à la santéDans les années 1960, en pleine effervescence intellectuelleet remise en question de nos façons de voir et de penser, nousavons assisté en psychologie à un renversement de perspec-tive : les chercheurs ont commencé à penser en termes deforces et de santé, à travailler avec les potentiels plutôt qu’àpartir uniquement des problèmes et à chercher à comprendreet à lever les obstacles. Comme le disait mon enseignante del’époque, « à prendre la plante par le bout de qui n’est pasencore desséché… » Ce revirement de perspective, celui dela pathologie vers celui des forces vives, a engendré denombreuses écoles et un nombre incalculable de recherchessur le potentiel humain.

Une percée de créativité sans précédent !Pour le dossier des régions, nous avions pris, manière analo-gique de poursuivre, l’angle pathologique pour aborder lesproblèmes immenses, parfois insurmontables, auxquels fontface ces dernières, toujours en déficit par rapport au pouvoircentral et aux mégapoles. Mais les professeurs et les cher-cheurs de l’UQ nous ont résolument invités à changer deperspective et à voir comment, en dépit – peut-être mêmeà cause – des obstacles (généralement cela fait des enfantsforts), les régions périphériques connaissent une percée decréativité et une vitalité sans précédent qui attirent toute unenouvelle génération de travailleurs.

Le retour du journalisme engagéCe changement d’angle pointé par nos chercheurs m’amèneà un sujet qui m’est cher et que nous voulons promouvoirà Réseau. Nous, journalistes, avons traditionnellement unefonction sociale de critique et un devoir d’informer noslecteurs sur les problèmes du monde. Mais en temps de criseet de développement exponentiel des médias, alors que nousdevenons littéralement submergés par les mauvaises nouvel-les, peut-être devons-nous commencer à polariser sur lessolutions de rechange et les réponses créatives qui s’inven-tent un peu partout* plutôt que de pointer constamment lesculs-de-sac. Parce que c’est nous, journalistes qui, finalement,déterminons où convergera l’attention de nos lecteurs, et ence sens nous contribuons largement à prioriser ce qui estimportant pour la conscience collective. Je crois que lesprochaines années verront apparaître un retour du journa-lisme engagé, une sorte de métajournalisme dont l’objectifsera de ramener constamment la question de la finalité denos projets et décisions, comme en fait état dans son éditorialmon collègue Serge Cabana.

Bonne lecture !Paule LebrunRédactrice en chef

Hommage à unetête dure!

De la rédaction

RÉSEAU / PRINTEMPS 2004 5

Remerciements

Remercions d’abord notre graphiste Pierre Caron qui prend saretraite après plusieurs années de loyaux services à l’Universitédu Québec, dont une partie au magazine Réseau. Nous lui souhai-tons une retraite heureuse faite de moult explorations de la natureet des beautés de notre planète.

Nous voulons aussi remercier Michel Bélair, journaliste à Réseaudepuis quatre ans, qui nous quitte pour se consacrer à ses fonc-tions au journal Le Devoir. Ses analyses et son excellente plumenous manqueront.

Finalement, merci au photographe Jacques Dorion qui nous agracieusement fourni les photos de notre dossier régions. M. Doriona publié plusieurs livres sur les régions du Québec dont Les terroirsdu Québec aux Éditions Trécarré en 2003 duquel nous avonstiré les photos.

*Pour explorer cette tendance encore à ses balbutiements, visiter lessites suivants: un site italien: www.goodnewsagency.orgun site indien: www.goodnewindia.com et plus particulièrement le siteaméricain du professionnel new-yorkais des médias Paul Sladkus :www.goodnewsbroadcast.com

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Par Mireille Frégeau

6 RÉSEAU / PRINTEMPS 2004

Du bœuf en santé!Produire un bœuf

nourri au fourrage, élevésans recourir aux hormo-nes et aux antibiotiques,est-ce possible? Tout à fait,croit le chercheur PascalDrouin de l ’Universitéd u Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT).Des investissements deplusieurs partenaires vontlui permettre d’acquérir leséquipements nécessairespour mener à bien ses tra-vaux sur les aspects micro-biologiques des ensilages.Le chercheur s’intéresse à

l’évolution des divers types de bactéries et de champignonsdans les ensilages, en fonction des fluctuations de tempé-rature. Certains micro-organismes, telles les bactéries lac-tiques, favorisent une bonne conservation des plantesfourragères entreposées, alors que d’autres en détruisentla valeur nutritive pour le bétail. Plusieurs facteursenvironnementaux modifient les relations entre ces micro-organismes et le maintien de la qualité nutritive du matérielvégétal ensilé. Étonnamment, cet aspect des recherches surles ensilages a été pratiquement ignoré au Canada, mêmesi l’ensilage est la forme d’entreposage pour plus de 50 %des plantes fourragères récoltées.

Le dispositif expérimental du professeur Drouin réside dansun ensemble de mini silos expérimentaux qui seront dispo-sés dans une chambre environnementale. Cela permettra auchercheur de faire fluctuer la température pour simuler à lafois les variations dues au jour et à la nuit, et celles prove-nant des saisons. La conservation des plantes fourragèresoccupe donc une place capitale. Les équipements profite-ront aussi aux travaux de l’Unité de recherche et de dévelop-pement forestier de l’Abitibi-Témiscamingue ainsi qu’à l’Unitéde recherche et de service en technologie minérale.Source : Communiqué, UQAT

Un programme qui fait des petitsElle-Québec, dans son édition de février, fait un survol des événements majeurs

qui ont marqué la dernière année. Le reportage intitulé Les femmes de l’année souligne :« Certaines ont remporté de prestigieuses récompenses, d’autres ont accompli des exploitsou se sont distinguées d’une façon ou d’une autre en 2003. Toutes forcent notre admiration... »Dans la foulée, le magazine a eu un coup de foudre pour les premières sages-femmes issuesdu programme unique instauré à l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR). Ainsi, lesneuf premières bachelières diplômées en juin 2003 figurent, sous les flashs du magazine,parmi les Madonna, Nicole Kidman, Mélanie Turgeon et compagnie !Source : Actualité, UQTR

Mini sondage sur le magazine RÉSEAU:une nouvelle formule gagnante!À l’automne 2000, nous avons inauguré une nouvelle orientation éditoriale au maga-zine Réseau, axée sur des dossiers d’actualité. Une façon pour nous de rendrel’expertise de l’Université du Québec pertinente dans le cadre des débats sociaux.Par conséquent, nous réjouissons-nous du jugement de nos lecteurs émis à l’occa-sion d’un mini sondage1 où 86,4 % disent apprécier cette nouvelle formule !

PréférencesDans l’ordre, nos lecteurs préfèrent le dossier thématique (89,4 %), la chronique scien-ces et technologie (83%) et les nouvelles du réseau (79,9 %). Quel plaisir de consta-ter que 86,9% d’entre vous lisent plus de 50 % du magazine et que la moitié de noslecteurs le conserve pour références! Au niveau visuel, 93,5 % apprécient la factured’ensemble du magazine et 90,5 % soulignent en particulier la page couverture.LectoratNotons que 60% de nos lecteurs proviennent du réseau de l’Université du Québec,ce qui signifie aussi que nous rejoignons un important lectorat externe (40 %).Enfin, plusieurs seront étonnés d’apprendre que 86,3 % de nos lecteurs détiennentau moins un baccalauréat (47,5 % ont même une maîtrise ou un doctorat). Quandon sait qu’au Québec environ 25,6 % de la population ont leur baccalauréat et quele ministère de l’Éducation vise un objectif de 30 %!

Même non scientifiques, ces indications d’appréciation nous encouragent àpoursuivre les efforts pour offrir à nos lecteurs un magazine à la hauteur de leursexigences. Merci!1 Sondage non scientifique réalisé par la voie d’un petit questionnaire inséré dans

le numéro « Été 2003 » du magazine Réseau, auquel ont répondu 200 lecteurs.

Du réseau

Aux grands maux les grands remèdesÇa y est! Voici une autre découverte fonda-

mentale issue du Département de chimie de l’Univer-sité du Québec à Montréal (UQAM). Le professeur RenéRoy a réussi, en collaboration avec une équipe de cher-cheurs cubains, à développer le premier vaccin synthé-tique contre la pneumonie et la méningite de typeHaemophilus influenzae (type B). Par bonheur, sa com-

mercialisation vient d’être approuvée par les autorités de la santé nationale cubaine.Ce vaccin, conçu principalement à l’intention des enfants des pays en voie de dévelop-

pement et des personnes ayant des défaillances au niveau du système immunitaire, al’avantage d’être produit à un coût minime. La réputation de René Roy n’est plus à faire etpour cause : il s’agit d’un deuxième grand exploit professionnel, puisqu’en l’an 2000 unautre vaccin synthétique contre la méningite Neisseria meningitidis (groupe C) était misen marché par la compagnie Baxter.

Jamais deux sans trois? Ce grand explorateur, spécialiste en chimie médicinale, tra-vaille actuellement à l’élaboration d’un vaccin contre le cancer du sein. Le voilà donc enroute vers un autre rendez-vous providentiel.Source : Claire Bouchard, Service des communications, UQAM

ERRATUMRéseau, numéro hiver 2004Deux erreurs glissées dans notre dernier numéro ont pu sus-citer une certaine confusion chez les lecteurs de l’article Lan-gue et culture arabes aujourd’hui. Ainsi, il est clair que lesMusulmans ne peuvent pas être polythéistes, puisqu’ilscroient en un seul dieu. Les Arabes étaient polythéistes avantl’arrivée de l’Islam. Il aurait donc fallu lire: Polythéistes, lesArabes d’avant l’Islam vivaient en paix aux côtés des Juifset des Chrétiens.De plus, sachez que l’arabe n’est pas une langue des signes,contrairement à ce que nous laissions entendre. En fait, lalangue des signes est principalement associée à la langueenseignée aux sourds-muets, bien qu’elle peut être une lan-gue tierce (dans le sens d’une troisième langue pouvant êtreparlée par une personne), au même titre que la langue arabe,le japonais et le mandarin, le russe, etc.Denise Proulx

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RÉSEAU / PRINTEMPS 2004 7

Richard Cloutier Dominique Berteaux

Les chercheurs, dirigés par le docteur Gilles

Bronchti, Stéphane Robert, Mathieu Piché et

Jean-François Le Houillier.

Un investissement d’environ 100 millions pour les sciencesLe futur Pavillon des sciences biologiques de l’Univer-

sité du Québec à Montréal (UQAM) et le « Cœur des sciences»qui s’y greffera coûteront près de 95,5 millions de dollars à l’éta-blissement. Comme l’explique le recteur Roch Denis, la cons-truction du Pavillon des sciences biologiques et du projet « Cœurdes sciences » de l’UQAM représente un développement majeurpour l’Université. Elle permettra aux professeurs, chargés decours, employés et étudiants du Département des sciences bio-logiques d’intégrer le Complexe des sciences inauguré en 1998.Aussi, elle favorisera le développement de relations interdisci-plinaires entre les unités du Complexe des sciences : chimie, informatique, mathématiques,sciences de l’environnement, et sciences de la Terre et de l’atmosphère.

Le projet «Cœur des sciences», quant à lui, vise à la mise en place d’un centre de diffu-sion et de vulgarisation scientifiques. L’UQAM sera donc un chef de file dans la diffusiondes savoirs en sciences et contribuera ainsi à la culture scientifique du grand publicmontréalais et québécois.Pour voir le site Web de ce méga projet : http://www.complexedessciences.uqam.ca/Source: Division des relations avec la presse et événements spéciaux, UQAM

Zoom sur les bons coups de nos scientifiquesSelon la revue Québec

Science, édition de février 2004, parmiles dix plus importantes découvertesscientifiques de l’année au Québec,deux proviennent de chercheurs del’Université du Québec à Rimouski(UQAR) ! Ainsi, le paléontologueRichard Cloutier a découvert sur lesrives de la rivière Restigouche le plusvieux fossile de requin au monde. La créature, nommée Doliodus problematicus, remarquable-ment bien conservée, date de 409 millions d’années !

Sa présence sur le continent nord-américain est une surprise de taille, puisque les trèsanciens fossiles de requin n’avaient jamais été découverts dans cette partie du monde. Lespécimen est conservé au Musée du Nouveau-Brunswick à St John. De plus, Richard Cloutiervient de recevoir le titre prestigieux de scientifique de l’année 2003, accordé par la Radiofrançaise de Radio-Canada!

Le professeur Dominique Berteaux, quant à lui, a découvert une nouvelle facette auxeffets des changements climatiques. Une recherche menée au Yukon sur les écureuils rouxdémontre que les changements climatiques affectent le bagage génétique des animauxsauvages. Ainsi, dans la population étudiée, les femelles écureuils donnent naissance auprintemps à leurs jeunes, deux à trois semaines plus tôt qu’il y a dix ans. « Les changementsde climat ont des effets encore plus forts que prévu. Mais cette espèce a une capacitéd’adaptation également plus forte que prévue. Toutes les espèces n’auront pas cettechance», affirme le chercheur.Source : Service des communications, UQAR

Lumière sur la non-voyanceLes personnes non voyantes

entendent-elles mieux ? Développent-elles des perceptions sensoriellesplus raffinées, notamment au tou-

cher? Si l’on parvient à mieux com-prendre les différents phénomènes de compensation, peut-onaméliorer leur qualité de vie ? Voilà autant de questionssoulevées par le Laboratoire de neuroanatomie fonction-nelle de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR).Et les récents résultats obtenus sont des plus encoura-geants ! Les chercheurs, dirigés par le docteur GillesBronchti, ont pu démontrer chez leur modèle animal, unesouris née sans yeux, la présence de connexions auditi-ves au niveau de structures typiquement visuelles. Ils ontégalement découvert qu’une stimulation auditive entraînel’activation de ces mêmes zones «visuelles» du cerveau.

Stéphane Robert, étudiant àla maîtrise en biophysique etbiologie cellulaires, a pré-senté ces résultats à l’occa-sion du 33e congrès annuel dela Society for Neuroscience, àla Nouvelle-Orléans, l’organi-sation la plus importante aumonde dans le domaine desneurosciences. Il précise«qu’il n’est aucunement ques-tion de faire croire aux non-voyants que l’environnementdans lequel ils évoluent pour-rait leur permettre de recouvrer la vue. Il s’agit plutôt d’étu-dier les mécanismes à la base des phénomènes decompensation. Peut-être, un jour, pourra-t-on privilégierautrement l’individu atteint en l’exposant, par exemple, àdes stimulations auditives et somesthésiques dès son plusjeune âge ».Source : Entête en ligne, volume 3, numéro 16

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8 RÉSEAU / PRINTEMPS 2004

Portrait

Né à Casablanca, au Maroc, Amnon Jacob

Suissa a grandi dans un kibboutz et fait son

service militaire en Israël. Puis, il a vécu à

New York et Paris avant de choisir le Québec

en 1974. Riche d’une maîtrise en service

s o c i a l et d’un doctorat en sociologie,

obtenus à l’Université du Québec à Montréal

(UQAM), il est devenu thérapeute familial et,

comme professeur agrégé, enseigne les réa-

lités ethnoculturelles, la famille et les dépen-

dances au Département de travail social à

l’Université du Québec en Outaouais (UQO).

Auteur de nombreux textes et d’un livre inti-

tulé Pourquoi l ’alcoolisme n’est pas unemaladie, publié chez Fides en 1998, il publiera

bientôt un livre sur le jeu ou, comme il le

di t spontanément , le gambl ing. Simple,

direct et généreux, Amnon Jacob Suissa

partage avec nous la passion qui anime son

travail…

8 RÉSEAU / PRINTEMPS 2004

A M N O N J A C O B

PHOTOS: SYLVAIN MARRIER

SUISSAPar Marie-Andrée Michaud

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Les énormesproblèmes dedépendance quevivent lesautochtonesproviennent engrande partie dela déculturation.

RÉSEAU / PRINTEMPS 2004 9

On m’a demandé d’orga-niser des programmesd’intervention et deprévention en toxicomanieau service de la jeunessed’un quartier défavorisédu centre-sud de Montréal.

RÉSEAU : Amnon Jacob Suissa, d’où vient votreintérêt pour les relations interculturelles, lafamille et particulièrement les dépendances ?A.J. Suissa : Je suis mû par le désir d’une meilleurejustice. Aussi, j’ai toujours été fasciné par les relationshumaines et les conceptions différentes qu’on peutavoir des choses, selon les cultures auxquelles nousappartenons. Pendant mes études en travail social, jeme suis engagé dans la communauté juive et suisdevenu directeur du centre culturel Hillel pour étudiantsuniversitaires francophones de Montréal. Durant cettepériode, un de mes cousins a eu des difficultés avecdes substances psychotropes. C’était un être adorable.J’ai été touché et j’ai décidé de comprendre la situation.Au même moment, on m’a demandé d’organiser desprogrammes d’intervention et de prévention en toxico-manie au service de la jeunesse d’un quartier défavo-risé du centre-sud de Montréal. J’ai été piqué par unepassion qui ne m’a plus lâché.

RÉSEAU: Comment voyez-vous le phénomène desdépendances?

A.J. Suissa : Nous en savons peu à ce sujet. Bien sûr,nous sommes nés dans le sein de notre mère. Les enfantsattachés à leur peluche manifestent une dépendanceforte, compréhensible et faisant partie du développe-ment. Cela dit, l’identité se trouve au centre des pro-blèmes. Les gens qui se connaissent bien sont moinsportés aux dépendances. Par contre, certains y ontrecours en tant que stratégie d’équilibre par rapport àleur souffrance. Les causes ne sont pas uniquementpersonnelles. Les énormes problèmes de dépendanceque vivent les autochtones, par exemple, proviennenten grande partie de la déculturation. Le phénomènedes dépendances est multifactoriel et se manifeste dediverses manières, y compris dans la nourriture, letravail et dans l’appartenance aux sectes ou grou-pes extrémistes.

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10 RÉSEAU / PRINTEMPS 2004

Portrait

10 RÉSEAU / PRINTEMPS 2004

Dans le monde médical, on dit que les personnesdépendantes sont intrapsychiquement faibles, en pertede contrôle et le seront pour le reste de leurs jours. Jesuis critique par rapport aux Alcooliques anonymes et

années soixante, on savait qu’il y avait un lien directentre le fait de fumer et le cancer. Il a fallu que certainsquittent l’industrie du tabac pour pouvoir en parlerpubliquement. Ce genre de situation révèle un rap-port de domination que peuvent exercer des compa-gnies, celles-ci motivées par le profit, au détriment dubien-être des gens.

Je m’inscris dans une perspective d’empowerment.Dans le monde, la plupart des gens se sortent de leursdépendances sans penser qu’ils ont un problème à vie.Ici même, plusieurs le font sans traitement. En cela, laforce des liens s’avère fondamentale. En tant que théra-peute, j’invite la personne à s’exprimer mais ne metspas l’accent uniquement sur elle. Avec son accord, jemobilise ses proches. En effet, les relations familialespeuvent maintenir, réduire ou augmenter l’intensitéet la fréquence des comportements. Dans les couples,par exemple, 90% des problèmes proviennent d’unmanque de communication. La diversité culturelles’avère aussi très importante là-dedans. On peut avoirle même problème mais les trajectoires sont différen-tes, de même que les solutions. Le défi, c’est d’éviterles préjugés et d’aller à la rencontre de l’humain.

RÉSEAU : Où en êtes-vous dans votre chemine-ment comme professeur, chercheur et théra-peute familial ?

A.J. Suissa : Je suis la pizza all-dressed de tout cela !(rire) Malgré certains moments difficiles, je vis une mer-veilleuse aventure. Mon enthousiasme est toujours bienvivant. C’est un défi stimulant d’amener des étudiantsà intégrer la théorie et la pratique pour, ensuite, leslaisser entrer dans ces arènes de gladiateurs que sontla protection de la jeunesse, le réseau de la santé etcelui des services sociaux.

Je réagis beaucoup avec le cœur. Même s’il n’est pastoujours facile de remuer ce qui ne veut pas être remué,il est important de parler au nom de ceux qui n’ontpas de voix. Dans le monde du gambling, par exemple,il y a maintenant davantage de suicides reliés auxappareils de loterie vidéo. On peut toujours dire qu’ils’agit de cas individuels. Or, si on enlève les appareilsou qu’on les concentre dans un coin, les suicides dimi-nuent de manière significative. Cela est prouvé enOntario. Il faut dire ces choses-là.

J’ai vu des choses terribles dans le monde. Quandmême, j’ai beaucoup d’espoir. Des collègues et étu-diants accomplissent des choses extraordinaires. Desgens essaient d’établir une meilleure justice. Cela meramène au côté simple et modeste de l’humain. Lesgrandes personnes sont humbles… Quant à mon cou-sin, il a canalisé ses forces intérieures, est devenu ungrand entrepreneur en Floride et pratique le yoga. Voilàce qui arrive quand on voit les forces des gens plutôtque leurs carences. Voilà où se trouve la véritable com-munication avec l’autre.

autres groupes d’entraide, par exemple, qui adhèrentà cette conception et perpétuent ainsi l’isolement.Encore une fois, les gens ne sont pas uniques porteursde leurs problèmes. Dans notre société, l’individua-lisme, le consumérisme et la performance à tout prixsont considérés comme des valeurs auxquelles il fautadhérer si on veut réussir, aimer et être aimé. Cettepression est source de souffrance. Dès le début des

Dans le mondedu gambling, il y amaintenant davan-tage de suicidesreliés aux appareilsde loterie vidéo.

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RÉSEAU / PRINTEMPS 2004 11

Par Denise Proulx

Le réseau de l’Université du Québec n’estpas une institution comme les autres.Elle est la seule université créée par l’État

québécois qui a pour mission de faciliter l’accessi-bilité aux études pour tous et de soutenir le déve-loppement des régions. « Nous sommes une universitéqui lutte contre l’exclusion », rappelle M. Moreau.C’est ainsi que se greffent aux 10 établissementsuniversitaires 54 centres de formation hors campus.« Regardez le chemin que nous avons parcouru en35 ans d’existence. Avec plus de 80 000 étudiants,nous sommes la plus grande université au Canada.Notre clientèle se compose à 45 % d’étudiants à tempspartiel, dont 30 % d’entre eux ont une responsabilitéfamiliale », poursuit le président, pour qui l’accès àl’université signifie aussi et surtout l’accès au diplôme.

En accord avec la Conférence des recteurs et des prin-cipaux des universités du Québec (CREPUQ), PierreMoreau demande au gouvernement d’investir 375 mil-lions de dollars dans les universités québécoises, dont90 millions dans le réseau des UQ. « Si l’on ne veutpas ratatiner le Québec à trois villes, on n’a pas le choixd’investir dans tout le réseau de l’UQ», appuie-t-il.

D’ici cinq ans, Pierre Moreau souhaite positionnerl’UQ dans les dix premières universités canadiennes enmatière de recherche. « J’aimerais beaucoup que l’onfasse preuve de leadership et que nous facilitions nonseulement le transfert technologique, mais aussil’innovation sociale. Nous nous devons de nous pré-occuper de TOUT le savoir ». Dans le domaine del’enseignement, il espère compléter la mise en placedu projet MOBILUQ, lequel consiste à développerla mobilité des étudiants dans tout le réseau desUniversités du Québec.

En somme, le nouveau président de l’UQ semble biendéterminé à déployer – plutôt qu’à transformer – leréseau de l’Université du Québec en demeurant fidèleà sa « triple mission» d’accessibilité, de développementscientifique et de développement de tout le Québec.« Une mission formidable», conclut-il.

Avec plus de80 000 étudiants, noussommes la plus grandeuniversité au Canada.

Les grands chantiersde Pierre Moreau

Nouveau président du réseau UQ

Microbiologiste de formation,Pierre Moreau a enseigné dansdiverses universités canadiennesavant de devenir, il y a un an etdemi, vice-président à l’ensei-gnement et à la recherche àl’Université du Québec. «Cetteexpérience me donne uneconnaissance ”terrain“ desenjeux au cœur de notre mission.J’entre à mon poste avec unregard neuf sur l’avenir»,reconnaît-il.

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12 RÉSEAU / PRINTEMPS 2004

Par Denise Proulx

Culture et sociétél est drôle, charmeur, cultivé, amateur de ciga-res et de mets raffinés. Il récite de la poésie etentretient une relation profonde avec Dieu.Toutefois, on le connaît davantage comme un

leader charismatique. « C’est un homme authen-tique qui n’a jamais trahi », dit son grand ami Léo-Paul Lauzon, professeur et chercheur à la Chaired’études socio-économiques de l’Université du Québecà Montréal (UQAM).

« Ne lui parlez pas de compromis ni de consensus.C’est un assoiffé de justice sociale qui encore, à 88 ans,ne cesse de lutter contre le mensonge des politicienset de leurs porte-queues ». Les deux hommes se sontconnus il y a 15 ans et ne passent pas trois jours sans separler au téléphone ou se voir dans un bon restaurant.« Il a changé ma vie. Je regrette de ne pas l’avoir connuplus tôt, dans les années 1970. Il m’a beaucoup appris.Il a fait de moi un homme conscientisé», puis il ajoute,« … et un souverainiste».

Léo-Paul Lauzon admire l’intransigeance de MichelChartrand devant les carriéristes, les opportunistes, lespersonnes imbues d’elles-mêmes. Véritable homme deterrain, Michel Chartrand est plus proche des petits tra-vailleurs que des intellectuels, contre qui il s’est battupour faire avancer ses idées qui se résumaient en troismots : partage, égalité, fraternité.Comme il ne prend pas de gantsblancs, il n’a pas toujours trouvé lesappuis souhaités, au sein même dela CSN. « C’est un gauchiste prag-matique qui a essayé d’amener laCSN vers une tangente qu’elle nevoulait pas prendre. Il a été viré deson syndicat qui trouvait qu’il brassait trop la cage. Il atoujours aimé se crêper le chignon avec ses collègues. Il lesbattait presque toujours à plate couture. Encore aujourd’hui,il y a des syndicalistes qui ne peuvent pas le blairer. »

Tout comme son vieux copain, Léo-Paul Lauzonestime que les syndicats ont arrêté de faire de l’éduca-tion économique, politique, historique. MichelChartrand a longtemps été attaché à la formation popu-laire et y a beaucoup cru. Cette éducation des travail-leurs, Chartrand ne cesse de la poursuivre, malgré sonâge vénérable. Le 11 décembre dernier, à l’occasionde la grève orchestrée par plusieurs syndicats contreles intentions de privatisation du gouvernementCharest, Léo-Paul Lauzon accompagnait MichelChartrand en tournée chez des syndicats de l’aluminerieau Saguenay–Lac-Saint-Jean. «C’est une force de la na-ture. Il a une endurance de bœuf. Sa foi est tellementgrande en la justice sociale, c’est ce qui lui donne touteson énergie. Après une journée à rencontrer les syndi-qués, on rentrait à Montréal et Michel voulait conti-nuer encore, pour se rendre dans l’Outaouais, où ilavait été invité. Moi, j’en pouvais plus ! Je lui ai dit : con-tinue si tu veux, moi je débarque! Je suis honoré de meretrouver sur des tribunes publiques à ses côtés, de pou-voir dire que c’est mon meilleur ami. »

Il fut, il est encore,

un homme de passion,

d’engagement et de

polémique !

Hommage à une

figure mythique

du Québec!

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Michel ChartrandUne magnifique tête dure

Léo-Paul Lauzon

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es syndicats n’ont pas toujours eu bonnepresse. Ces jours-ci, on les taxe de corpo-ratistes. Ils sont pointés du doigt lorsqu’ilsse portent à la défense des intérêts de

leurs membres.« Les revendications syndicales sont, par définition,

corporatistes » fait remarquer Renaud Paquet, pro-fesseur au Département de rela-tions industrielles et membre duCentre d’étude et de recherche surl’emploi, le syndicalisme et le tra-vail à l’Université du Québec enOutaouais (UQO).

« Mais ce mot, avec le temps, apris une connotation négative.Quand on l’utilise aujourd’hui,on entend, à tort, que leurs réclamations ne serventque les intérêts de leurs membres, et cela au détri-ment de la population en général. Puisque les reven-dications des syndicats visent l’amélioration desconditions de travail de leurs membres, et que lesindividus membres d’une même société sont liés, lesaméliorations apportées dans un secteur ne peuventque produire un effet bénéfique sur l’ensemble decette société. »

L’ignorance de notre histoirePourquoi la population québécoise persiste-t-ellealors à qualifier de partisanes les actions de nom-

Par Josée-Nadia Drouin

Corporatistes,les syndicats ?Les syndicats au Québec

sont des acteurs majeurs dans

l’instauration d’une éthique

basée sur la justice sociale,

l’équité. Leur mission est-elle en

train de changer ? Seraient-ils

devenus essentiellement corpo-

ratistes ? Des professeurs et

des chercheurs de l’Université

du Québec répondent à ces

questions.

PHOTO : GRACIEUSETÉ DE LA CSN

Renaud Paquet

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14 RÉSEAU / PRINTEMPS 2004

Les syndicatsont beaucoupœuvré pourfaire avancerles causessociales auQuébec.Il faut leur ensavoir gré.

breux syndicats ? GeorgesMassé, professeur d’histoire àl’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR) et président duRegroupement des chercheursen histoire des travailleurs ettravailleuses du Québec, réfèreà notre ignorance de l’histoirepour expliquer ce paradoxe. « Lessyndicats ont joué un rôle majeur dans le développe-ment économique du Québec et dans sa moderni-sation. Ils ont été derrière beaucoup de revendicationspour plus de justice sociale. Des idées qui ontégalement donné lieu à des lois gouvernementalesdont toute la société a pu bénéficier. Mais commeces faits sont souvent négligés, sous-estimés etméconnus, les choses retenues sont souvent cellesqui nous gênent. » Pour appuyer ses propos, M. Massédonne en exemple les grèves dans le secteur destransports à Montréal, qui contraignent fortementles utilisateurs. « Quand ça se fait à répétition,explique-t-il, de fil en aiguille les gens finissent paren déduire que pour en arriver là, les syndicatsdéfendent uniquement leur beurre et l’argent dubeurre ! »

Pas toujours dans la dentelle !Entre les embouteillages et les ruptures de services,pour appuyer leurs revendications, les syndicats nefont pas toujours dans la dentelle. Et, comme cesactions touchent également dans une large propor-tion des citoyens non syndiqués - seulement 40 %des travailleurs québécois sont syndiqués -, il est

inévitable que ceux-ci se sentent lésés et critiquentouvertement les doléances des syndicats, qu’ilsjugent essentiellement corporatistes.

Pour Pierre Fortin, professeur au Département dessciences économiques de l’Uni-versité du Québec à Montréal(UQAM), les syndicats ont beau-coup œuvré pour faire avancer lescauses sociales au Québec. Ilscontinuent de le faire encoreaujourd’hui. « Il faut leur en savoirgré, explique-t-il, car il n’y a pasbeaucoup d’autres corps consti-tués qui ont ces objectifs. Cela ne veut pas dire qu’ilfaut être d’accord avec toutes leurs positions. Par exem-ple, le salaire minimum à 9 $, que réclament plusieurssyndicalistes, serait catastrophique : la façon la plus sûrede porter à 25 % le taux de chômage de beaucoupde jeunes et de femmes. Comme disait ma mère,l’important c’est qu’on soit d’accord avec leurs valeurs.Pour le reste, il faut juger à la pièce. »

Les années 1960-1970:le mouvement se fait militantAvec les années 1960, le mouvement syndical se faitplus militant, il prône le changement social. On esten pleine Révolution tranquille. Les appuis auxluttes syndicales se multiplient. Les syndicats s’enga-gent auprès des mouvements de défense des droitsde toutes sortes, comme les mouvements pour lessans-abris, pour l’amélioration du logement socialet pour l’augmentation du salaire minimum. Encitant le livre de Marcel Pépin, Le deuxième front,

Culture et société

PHOTOS : GRACIEUSETÉS DE LA CSN

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Pierre Fortin

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Georges Massé

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RÉSEAU / PRINTEMPS 2004 15

Renaud Paquet rappelle les orien-tations de la CSN à l’époque. « Ilfallait agir sur un premier front,au niveau local, pour améliorerles conditions de travail, et surun deuxième front, au niveau dela société, pour avoir plus dejustice et d’équité. »

Les grèves et les batailles syn-dicales reprennent de plus belle, alors que le gouver-nement libéral de Bourassa est au pouvoir au débutdes années 1970. Paul R. Bélanger, professeur auDépartement de sociologie de l’Université du Québecà Montréal (UQAM) et membre du Centre de recher-che sur les innovations sociales dans l’économie sociale,les entreprises et les syndicats, décrit le climat de con-frontation observé à ce moment. « La décennie 1970a été une période de grandes confrontations, unepériode de critique sociale très forte, de la part des syn-dicats, des mouvements sociaux et du patronat, de cequ’avaient été les dix premières années de la Révolu-tion tranquille. » Le rôle de l’État est remis en ques-tion, les syndicats changent leurs orientations, alorsque la CSN publie en 1971 son manifeste Ne comp-tons que sur nos propres moyens. Et, pour soutenir lestravailleurs les plus faibles, dans le secteur de la santé,les trois grandes centrales syndicales, la CSN, la FTQet la CEQ, décident de faire front commun.

Les années 1980 : partenariat et concertationAu début des années 1980, le Parti québécois avaitmis de l’avant les sommets économiques ; une for-mule de partenariat, de concertation et d’interven-tion différente de l’État dans l’ensemble de l’économie.« Tous les groupes étaient invités à ces réunionspour discuter et débattre des grandes orientationsde la société : le patronat, les syndicats et les mou-

vements de femmes, les groupes sociaux », expli-que M. Bélanger. Le Fonds de solidarité de la FTQ,créé en 1983, fait d’ailleurs partie de ces ententesconclues lors des sommets. « Auparavant, on deman-dait à l’État d’intervenir, précise Georges Massé,mais c’est maintenant par le biais d’une centralesyndicale, au moyen de l’épargne des citoyens,que des entreprises peuvent recevoir de l’aide pouréviter de fermer. » Ce Fonds devient le symboled’une nouvelle intervention des syndicats qui s’affir-ment maintenant être des leviers économiquesimportants au sein de la société québécoise.

Les années 2000:le travail se redéfinit de lui-mêmeLes transformations de l’économie entamées aucours de la décennie 1980 aboutissent dans lesannées 1990-2000. L’économie du Québec passedu secteur secondaire au tertiaire, l’État intervientde moins en moins, la montée du néo-libéralismese fait de plus en plus sentir. « Tout en cherchantà maintenir leurs acquis, indique M. Massé, lessyndicats redéfinissent maintenant leur rôle dansun contexte où l’État est moins interventionniste,les politiques sociales remises en cause et le travailse redéfinit de lui-même. »

Une implication cycliqueD’après Renaud Paquet, l’implication des syndi-cats dans le monde du travail et dans les milieuxsociaux est cyclique.

« Aujourd’hui, en 2004, la défense des intérêts desmembres se fait peut-être plus pressante, mais gar-dons en perspective le tout, dont parlait Marcel Pépin,le deuxième front. Celui qui consiste à avoir plus dejustice sociale et qui demeure, d’après moi, toujoursaussi présent. »

?1 Quelle nouvelle vision du travail et de son organi-

sation les syndicats proposent-ils aujourd’hui ?

2 Quels sont aujourd’hui les enjeux majeurs défen-dus par les syndicats qui sont susceptibles d’aiderà l ’avancement des valeurs humanistes et dumieux-être en société ?

3 Les syndicats ont-ils l’intention de contribuer àsortir la société – gouvernement et patronat in-clus – de ce que les chercheurs considèrent main-tenant comme une concept ion inadaptée etarchaïque du travail ?

SYNDICALISME : HUIT QUESTIONS À MÉDITERLe chômage est endémique, le travail précaire se répand, le plein emploi est devenu un bien rare. Ilsemble que le paradigme du travail soit à repenser de A à Z. Dans ce contexte, voici huit questions quinous invitent à réfléchir sur l’avenir et les enjeux qui attendent les syndicats.

4 Quel avenir les syndicats réservent-ils au travail auto-nome, au travail précaire ou occasionnel ?

5 Dans quelle mesure les enjeux reliés au vieillissementsont-ils prioritaires pour les syndicats?

6 Que signifie réellement la protection des emplois et desacquis si chère aux syndicats?

7 Que faire quand les revendications des conditions detravail menacent la survie même de l’entreprise?

8 Pourquoi la réduction de la semaine de travail n’est-ellepas encore envisagée comme solution par les syndicats?

Gardons enperspective letout, le deuxièmefront, dont parlaitMarcel Pépin.Celui qui consisteà avoir plus dejustice sociale etqui demeure,d’après moi,toujours aussiprésent.

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Bélanger

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Dossier

16 RÉSEAU / PRINTEMPS 2004

J’ai tout ce que

Montréal pourrait

m’offrir avec en

prime le fleuve, la

nature, du temps

pour en profiter, une

organisation sociale,

culturelle et

communautaire

bien développée.

Le Québec est vaste : quatre fois plus grand que la France, mais

huit fois moins de gens s’y partagent le territoire. Deux grands

centres dominent le commerce et la politique, Montréal et Québec,

et pour le reste, de grands espaces souvent vides, des distances parfois immen-

ses à parcourir, au bout desquelles s’étendent les régions dites périphériques. Le

Québec est en fait un pays de régions. Cela veut dire que chaque entité est pour

ainsi dire isolée et qu’il en coûte beaucoup plus cher au consommateur.

Les régions font face à des problèmes immenses : décroissance démographique,

insuffisance de ressources humaines et taux de chômage élevé, pouvoir local

peu reconnu par les gouvernements centraux et peu d’investissements financiers.

« Descendre ou monter à Montréal » est le pèlerinage obligé de tout jeune qui a de

l’ambition, et rester en région signifie pour lui rester… loin de l’activité ou du succès.

Dans ce dossier, nous pensions faire état de la situation catastrophique dans

laquelle s’enlisent les régions du Québec, éternelles perdantes, parce qu’elles

ne détiennent ni les sommes ni le pouvoir politique pour se développer. Nous

voulions souligner combien les régions sont colonisées médiatiquement par les

valeurs et l’imaginaire urbain : parce que hors de Montréal ou de Québec, point

de salut.

Mais nos recherches nous ont menés ailleurs. Malgré les obstacles soulevés et

nommés comme tels, professeurs et chercheurs ont tenu un discours de vitalité

et ont mis en lumière ce qu’on pourrait nommer la renaissance du territoire.

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RÉSEAU / PRINTEMPS 2004 17

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Par Denise Proulx

18 RÉSEAU / PRINTEMPS 2004

La force de l’authenticité

Historien, archéologue, ethnolo-gue, Paul-Louis Martin a été dela première vague des agents cultu-rels responsables de faciliter l’accèsà la culture partout au Québec.

Au début des années 1970, il a fondé le Muséed’archéologie de l’est du Québec à Rivière-du-Loup, qui rassemblait en un même lieuune collection d’artefacts préhistori-ques et historiques jusqu’alors négli-gés par l’État. Lorsqu’en 1977 l’argentattribué au contenu s’est fait plus rare,et que les budgets s’accordaient entonnes de béton, le professionnel amis sur pied un centre de rechercheprivé, le Groupe de recherche en histoire duQuébec rural, en collaboration avec un archéolo-gue, un ethnologue, un biologiste et un géogra-phe. Leurs expertises conjuguées ont mené à larédaction d’itinéraires culturels touristiques régio-naux – les Îles-de-la-Madeleine et la Gaspésie –dans lesquels figurent nature et culture. Ces volumesservent de référence pour la formation en tourismeet pour la rédaction de guides de voyages pourdes pays européens. Commissaire puis présidentde la Commission des biens culturels du Québecentre 1978 et 1988, Paul-Louis Martin a conseilléplusieurs ministres de la Culture quant à l’impor-tance du patrimoine dans le développement duQuébec. L’historien a également publié dix livressur les savoir-faire populaires des Québécois.

Réseau : Qu’est-ce qui ne va pas avec les régions ?

P.-L. M. : Je dirais qu’en partie c’est la perted’authenticité qui fait le plus grand tort auxrégions. Prenez l’exemple de Kamouraska qui estl’une des plus belles régions rurales du Québec,avec son paysage unique mêlant la plaine, lescollines et le fleuve, une architecture anciennetrès caractérisée et abondante. Dans le villagevoisin de Kamouraska, à Saint-André, on vient dedémolir la plus belle dépendance commerciale

Paul-Louis Martin:

du comté. Un marchand s’apprête à détruire sonancienne maison pour la remplacer par un bâti-ment sans style. Il n’y a aucune sensibilité patri-moniale ni aucun pouvoir au sein des comitésconsultatifs d’urbanisme des municipalités. Lesgens ne se rendent pas compte que le paysageest un bien commun et qu‘une façade qui s’offre à

la vue des passants, si elle n’offre aucun intérêtpour l’œil, détériore la beauté d’un lieu.

Le grand malheur, c’est qu’on n’a pas réussià s’occuper des grands ensembles.

Il n’y a pas de réglementation qui permettede protéger des villages au complet, trois àquatre rangs, avec des mesures de sensibilisa-tion et des incitatifs fiscaux pour la conserva-

tion des structures anciennes.

Des villages de plus en plus insignifiantsRéseau : Est-ce que cette absence de politiqued’ensemble nuit économiquement aux régions ?P.-L. M. : Absolument. Quand on pense à rendreune région attrayante pour des professionnels oudes entreprises de taille moyenne, quand onpense qualité de vie, il ne s’agit pas juste d’airpur. C’est aussi en offrant une qualité visuelle,une force identitaire, en investissant dans la beautédes espaces et la conservation d’une certaineauthenticité patrimoniale. La fierté soutient ledynamisme d’une région. Regardez dans tout leQuébec, les régions qui sont les plus attirantessont celles qui, outre les services offerts, ontinvesti dans la préservation de la beauté de leursespaces et dans l‘attrait de leur paysage. Lesartistes s’occupent activement du patrimoinenaturel. Si on avait le même mouvement pour lepatrimoine culturel et architectural, je serais bienheureux. C’est la désolation dans certains villa-ges autour de Montréal. La laideur est un cancerqui ronge la périphérie. Si on n’y prend pas garde,ce sera la moitié des villages du Québec quideviendront insignifiants, sans effet de surpriseni de beauté, victime d’une banalisation totale.

Les régions pourront-elles survivre à la «montréalisation » du Québec?

Oui, si elles conservent leur authenticité environnementale, visuelle

et identitaire, dit l’ethnologue Paul-Louis Martin.

L’influence

des médias

de Montréal

transforme

notre imaginaire

collectif et

ses valeurs.

Paul-LouisMartin

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RÉSEAU / PRINTEMPS 2004 19

La saison

du tourisme

est tellement

courte,

si on veut

en vivre, on

doit faire

autre chose.

Maryse Langevin aime bien son Saguenay,mais sa région est trop petite pour ses ambi-tions. Amoureuse de la mer, elle choisit de s’ex-patrier après un baccalauréat à l’Université duQuébec à Chicoutimi (UQAC) pour entrepren-

dre une carrière qui l’amène successivement à Québec,Halifax, Montréal, Seattle aux États-Unis et Shanghai enChine. Puis Rimouski où elle obtient la direction généralede la Technopole maritime du Québec, tout en poursuivantdes études supérieures en gestion des ressources mariti-mes. «Je vis en région, mais je suis constamment en con-tact avec le monde national et international. Je voyagebeaucoup et lorsque je me déplace, j’en profite pour voirles spectacles et les expositions qui ne se rendent pas àRimouski. Avec Internet, je peux établir des contacts rapi-des et constants avec des collègues et des amis, et je peux

facilement consulter des experts. J’ai vu plusieurs pays, jesuis bilingue, j’ai une vaste expérience et je suis revenueen région au tournant de la quarantaine, attirée par unequalité de vie exceptionnelle. Il existe ici une masse criti-que de professionnels qui entretiennent des relations detravail stimulantes ; les leaders régionaux sont ouverts etdynamiques. J’ai tout ce que Montréal pourrait m’offrir avecen prime le fleuve, la nature, du temps pour en profiter, uneorganisation sociale, culturelle et communautaire biendéveloppée. Ici, il ne manque pas grand-chose. Nous n’avionspas de salle de spectacle professionnelle, elle est main-tenant en construction. Nos institutions d’enseignementoffrent un programme diversifié et adapté à la réalitémaritime de la région. C’est stimulant pour les jeunes etça nous aide à les garder en région. J’ai tout ce que jesouhaite. »

TENDANCES: EN RÉGION POUR LA QUALITÉ DE VIE

Quand

on pense

qualité

de vie,

il ne s’agit

pas juste

d’air pur.

Paul-Louis Martin à La

maison de la prune

dans la région de

Kamouraska–l’Islet.

Réseau : Mais la beauté ne garde pas les jeunesdans leur région pour autant…P.-L. M. : Que les jeunes quittent les régions, c’estun processus normal faisant partie d’un chemine-ment personnel et social qui a toujours été. Cemouvement de migration est temporaire et je letrouve sain. Ce qui est malsain, par contre, c’est lamyopie de nos gouvernants en matière de dévelop-pement économique régional.

Reconnaître la pluriactivitéRéseau : Mais quelle est d’après vous la piècemanquante ?P.-L. M. : En 1986, lorsque l’État central a déléguéaux municipalités la prise en charge du patrimoine,

ce fut sans outils ni moyens financiers pour assurerleur protection. On n’a toujours pas de politique dupatrimoine même si elle est promise depuis 15 ans.

Ce qui manque, c’est une volonté et une vision clairedu développement. On a perdu la notion fondamen-tale du développement régional : la pluriactivité. Autre-fois, vous n’étiez pas juste agriculteur, vous étiez aussiforestier ou pêcheur ou artisan ou négociant ouencore travailleur dans une petite entreprise rurale,qui ne fonctionnait que durant la saison estivale. Et endisant « autrefois » je ne vous en parle pas avec nostal-gie. On avait trouvé une façon adéquate de répondreà la diversité des ressources, des rythmes saisonnierset des genres de vie. Aujourd’hui, on s’est lancé têtebaissée dans la spécialisation, voire la surspécialisation.

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Dossier

20 RÉSEAU / PRINTEMPS 2004

Regardez au niveau agricole. Qui fait la loi ? Ce sontles 2 000 gros industriels du porc, les 10 000 produc-teurs de lait. Ces grands entrepreneurs ne font plusleur sirop d’érable, ne coupent plus leur bois dechauffage, n’entretiennent plus de verger et n’ontni poulailler ni clapier. Avec eux, on assiste à la« déruralisation » des campagnes.

Pensons maintenant au tourisme: la saison est telle-ment courte, de sorte qu’on n’a pas le choix, si onveut en vivre, on doit faire autre chose. Or, tout estconçu mur à mur pour des gens qui sont investis12 mois par année à 100 % de leur temps dans uneseule activité. Il faudrait retrouver un équilibrepour éviter cette surspécialisation. Si le systèmed’assurance-emploi était adapté aux activités sai-sonnières, il y aurait sûrement des gens qui seraientprêts à aller travailler sur une base temporaire dansune région. Ça éviterait bien des embêtements démo-bilisateurs et ça accrocherait les jeunes et les moinsjeunes.

Sièges sociaux et usines de transformationen régionCe qui manque aussi, c’est la mise en valeur desressources locales par une deuxième et troisième trans-formation. Prenez l’exemple des tourbières PremierTech, à Rivière-du-Loup. C’est le plus grand labora-toire de recherche privé à l’est de Québec. Il s’y trouve90 chercheurs qui travaillent en biotechnologie et engénie physique. Cette entreprise a établi son siègesocial dans cette ville régionale et tous les niveaux deprofessionnels nécessaires à sa valorisation y sont repré-sentés. Pourquoi n’avons-nous pas cette philosophiepour les ressources forestières et agricoles ? Il y acertainement des entreprises pharmaceutiques, manu-facturières ou agroalimentaires qui pourraient très bienêtre décentralisées. Pourquoi produire des boîtes deconserve à Montréal, avec la facilité des transportsd’aujourd’hui ? On établit tout à Montréal ou à Québec.Pourquoi fallait-il se donner des politiques de dévelop-pement de haute technologie et du savoir exclusive-ment à l’avantage des grands centres urbains ?

Un retour du balancierRéseau : Comment voyez-vous l’avenir des régions ?P.-L. M. : Il est clair qu’on ne pourra pas contrertotalement l’influence des médias de Montréal quifaçonnent notre imaginaire collectif et ses valeurs.Comme collectivité, on souffre aussi de l’omnipré-sence des structures économiques concentrées àMontréal. Tout le système de valeurs est défini etvéhiculé par les populations urbaines. L’État n’a paspris ses responsabilités et on ne peut pas s’attendreà ce que cette situation change avec le gouverne-ment actuel. Heureusement, il existe des associa-tions volontaires, des passionnés de généalogie, depatrimoine, d’architecture qui empêchent l’éclosionjusqu’à un certain point de dégâts plus graves causéspar ce désengagement de l’État.

Ce qui me rend optimiste, c’est qu’on retrouve cettesituation partout en Occident. Et comme ça arrive àpeu près toujours dans l’histoire, il y a un mouvementde balancier. Des initiatives et des mesures s’installentpour contrebalancer les effets négatifs et les corriger.Parce que les villes deviennent de plus en plus des milieuxmalsains, parce qu’elles ne sont plus capables d’assurerune qualité de l’air et de l’eau, parce que de plus enplus de gens préoccupés par l’environnement et unealimentation saine pensent à un retour à la campagne,particulièrement depuis la facilité d’accès à l’informati-que et au télétravail. Le développement des produitsdu terroir et des produits équitables démontre bien qu’ily a des pistes de solution.

Je crois qu’il faut continuer à promouvoir notre cul-ture, notre patrimoine, éviter de s’abandonner à l’amé-ricanisation. Et même si nous sommes très mal servispar les antennes médiatiques actuelles, il faut faire con-naître à la population urbaine les diversités de point devue, mettre en valeur les réalités régionales, et tout fairepour contrer l’uniformisation de l’expression.

Le développement

des produits du

terroir et des

produits équita-

bles démontre

bien qu’il y a des

pistes de solution.

ENTRE MONTRÉAL ET OTTAWA, MON CŒUR BALANCE!La région de l’Outaouais a la réputation de posséder une faibleidentité régionale. Martin Robitaille de l’Université du Québecen Outaouais (UQO) estime que cette affirmation est totale-ment fausse. «Une région sans identité serait une région domi-née. Or, c’est loin d’être le cas en Outaouais qui est en train de

se construire grâce à une extraordinaire unanimité entre les partenairesdu milieu. Nous vivons une cohésion dans nos organisations. C’est normalqu’en tant que région frontalière avec la capitale nationale, nous vivionsdes contradictions, puisque nous sommes à la fois ottawatisés etmontréalisés. La région est fortement influencée par sa relation avec Ottawaqui fournit beaucoup de travail à ses résidents, et par sa distance avecQuébec, qui s’en méfie.

Pourtant, lors du Rendez-vous national des régions, organisé à l’automne2002 par le gouvernement du Parti québécois, nous étions la région la plusavancée dans son plan de développement stratégique. Nous sommes arri-vés avec une seule revendication : le pouvoir de décider, de dépenser etd’organiser. Nous sommes la seule région qui peut déjà agir avec la miseen place de la Conférence des élus, créée par le gouvernement libéral deJean Charest. Nous avons une structure de concertation qui fonctionne.Par exemple, tous les services de formation de la main-d’œuvre passentpar un guichet unique d’inscription, même s’ils sont répartis entre quatrecommissions scolaires. C’est une première au Québec. Nous avons aussimis en place un Forum régional sur l’enseignement supérieur. C’est en con-naissance des besoins du milieu économique que nous avons défini nosbesoins de formation supérieure en santé, en sciences pures, en gestiondes entreprises agroforestières. Si nous n’avions pas d’identité forte, nousn’aurions pas de projets à initier. »

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*Gil Courtemanche

La Seconde Révolution tranquille.Démocratiser la démocratie, Boréal, 2003

Par Denise Proulx

RÉSEAU / PRINTEMPS 2004 21

Peut-être vous souvenez-vous desannées 1960 ? La Révolution tran-quille a amené dans les régions desanimateurs sociaux qui invitaientla population à se prendre en main ;

c’est dans ces années-là qu’on a inventé la télévi-sion communautaire et qu’on a mis le paquet surle développement d’initiatives locales. « Faut-il fer-mer les régions ? », entendions-nous à l’époque duBAEQ, alors que des villages de la Gaspésie quirésistaient à la fermeture jouaient le rôle de hérosrebelles dans les esprits des jeunes québécois poli-tisés.

La région : clé de voûte de la démocratie !*C’est ce que soutient Gil Courtemanche dans sonpercutant petit essai La Seconde Révolution tran-quille. Démocratiser la démocratie (Boréal, 2003).

« Mais même dans l’esprit de la gauche et desanimateurs sociaux de l’époque, peu importel’école dont ils se réclamaient, les lois, lesrèglements et l’argent devaient venir du cen-tre. Jamais on n’aurait songé à doter les régionsde pouvoirs réels ! »

D’après le polémiste, les régions ont cessé depuislors de faire l’objet de réflexion politique despartis. Pourtant, depuis ces années-là, les initia-tives étatiques de développement régional se sontsuccédées.

Les cégeps et le réseau de l’Université du Québecsont nés. Il y a eu des programmes de soutien àl’entreprenariat économique dans les années

Exode de cerveaux, «métropolisation» de la recherche, chômage élevé et

manque de main-d’oeuvre qualifiée : est-ce la fin des régions du Québec?

En voulant

édifier une société

économique

moderne, nous avons

tout misé ou presque

sur la grande région

montréalaise

reléguant les autres

régions aux rôles

subsidiaires de

consommateurs de

produits et de

fournisseurs de

richesses naturelles.

Gil Courtemanche

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Dossier

Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue

Université du Québec à Montréal

Université du Québec à Chicoutimi Université du Québec à Rimouski

Université du Québec à Trois-Rivières

École de technologie supérieure

École nationale d’administration publique

Institut national de la recherche scientifique

Université du Québec (Siège social)

F l eu v e

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Université du Québec à Hull

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LE RÉSEAU DE L’UNIVERSITÉ DU QUÉBEC

22 RÉSEAU / PRINTEMPS 2004

En Abitibi-

Témiscamingue,

c’est un jeune sur

quatre qui est

de retour.

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Alphonse Riverin, président de l’Université duQuébec, Jean-Guy Cardinal, ministre del’Éducation, et Louis Berlinguet, vice-présidentà la recherche de l’UQ.

Par Denise ProulxDébut des années 1960, le Québec a soifde modernité. Jean Lesage et son «équipedu tonnerre» promettent de devenir Maîtrechez nous. La Commission royale d’enquête

sur l’enseignement, la fameuse Commission Parent, par-court les régions et oblige le monde de l’éducation à seredéfinir. Exit les séminaires et les écoles normales, lesreligieux et les religieuses qui formaient l’élite intellec-tuelle du Québec. Désormais, voici l’égalité d’accès àl’éducation supérieure pour tous, les femmes y compris.Jean-Guy Cardinal, ministre de l’Éducation, tend uneoreille attentive à un projet d’université d’État, influencépar le modèle de la New York State University, avec sescentres disséminés à travers l’État.En parallèle, le Bureau d’aménagement de l’est du Québec(BAEQ) propose en 1964 de fermer des villages entiers enGaspésie et dans le Bas-Saint-Laurent, afin de renfor-cer les villes régionales, comme Rimouski et Gaspé.Alphonse Riverin, professeur en administration àl’Université de Sherbrooke préside la création del’Université du Québec à Montréal (UQAM) et de Centres

d’études universitaires régionaux, dont la mission pre-mière est de former des maîtres. L’urgence est derépondre aux besoins des nouvelles commissions sco-laires qui concentrent l’enseignement secondaire dansdes polyvalentes.« Il n’y en avait que pour Montréal, Chicoutimi, Trois-Rivières, Hull. Nous, on voulait aussi notre université carnous savions que pareille institution devenait un foyer deculture et de développement. On nous a demandé de fairenos preuves. La confiance que nous pouvions recruter desenseignants n’y était pas», raconte Pascal Parent, ancienrecteur de l’Université du Québec à Rimouski (UQAR), quis’est battu avec ruse pour que le siège social de l’Universitédu Québec croie sa région apte à recevoir une université.À l’automne 1965, un comité d’implantation part en cam-pagne, réunissant entre autres Maurice Tessier, le mairede Rimouski, Mgr Antoine Gagnon, supérieur du Sémi-naire de Rimouski, Réal Bernier, administrateur de la com-pagnie Québec-Téléphone, Jacqueline Pitre du Conseilsupérieur de l’Éducation. Des gens de Rivière-du-Loup,du Témiscouata, de la Gaspésie, de la Côte-Nord vien-nent grossir le noyau de Rimouski. Le maire Tessier ren-contre Germain Gauthier, responsable de l’Enseignementsupérieur au ministère de l’Éducation, puis Pierre Martin,responsable de la réforme en éducation et grand mani-tou de la création des cégeps.«C’étaient des visionnaires, influencés par les actionssociales-démocrates de la Saskatchewan et par l’Écolede Chicago. Il y avait à l’époque une pensée, peut-êtreun peu naïve, d’appliquer des perspectives d’éducationplus socialisantes. Ces leaders avaient une consciencede la situation: ils voulaient maintenir des enseignantsde qualité en région pour contrer l’exode des populations.Ça s’inscrivait dans le mouvement du début des années1970 pour maintenir ouverts les villages que le BAEQ vou-lait fermer pour industrialiser le Québec », poursuit HuguesDionne, qui a mis en place le doctorat en développementrégional à l’UQAR.

LA NAISSANCE DE L’UNIVERSITÉ DU QUÉBEC

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RÉSEAU / PRINTEMPS 2004 23

1980, puis à l’entreprenariat social dans les années1990. Des politiques de décentralisation et de régio-nalisation, une nouvelle politique de la ruralité et uneautre de la jeunesse ont également été votées. Maiscela n’a pas suffi si on écoute les gens qui vivent enrégion. La « métropolisation » de la recherche univer-sitaire, l’exode des cerveaux, la démographie descen-dante ne sont pas résolus pour autant. Quel est le pro-blème? Toujours le même disent de façon unanimenos chercheurs : un gouvernement centralisateur, sousprétexte d’aide, impose des structures sans pouvoirréel qui au bout du compte servent de paravent auxgrandes corporations et à ses visées centralisatrices.

Gil Courtemanche reprend : «… en voulant édifierune société économique moderne, nous avons toutmisé ou presque sur la grande région montréalaisereléguant les autres régions aux rôles subsidiaires deconsommateurs de produits et de fournisseurs derichesses naturelles ».

La renaissance des centres urbains régionaux« Il faut être lucide », dit Guy Massicotte, prési-dent du Mouvement territoire et développement.

« L’exode des populations, la dévitalisation des com-munautés rurales, la fermeture desusines, c’est une réalité indéniable.Par contre, il ne faut pas se laisserabattre par ces données pessimistes.Les centres urbains régionaux con-naissent une vitalité sans précédentqui attire une nouvelle générationde travailleurs. »

Il semble en effet qu’un nombre impressionnant deprofessionnels arrivés au tournant de la quarantaines’y installent, par choix, après avoir occupé des emploisexigeants dans les grandes villes de la planète. Desjeunes, partis étudier en ville, reviennent bilingues poury entreprendre une carrière. Ils sont attirés par les bon-nes relations interpersonnelles, les conditions favora-bles pour y élever une famille, la beauté des paysageset du cadre environnemental. Leur grande mobilité etInternet sont des atouts dont ils font un usage constant.

Un second souffleDes régions, vouées à une mort assistée, prennentun second souffle. En Abitibi-Témiscamingue, c’estun jeune sur quatre qui est de retour. Au Saguenay–Lac-Saint-Jean, le Centre universitaire de recherchesur l’aluminium associé à l’Université du Québec àChicoutimi (UQAC) regroupe les chercheurs enaluminerie les plus prestigieux du monde. Uneéquipe d’inventeurs d’un appareil pour les fours enaluminium rentre d’une expédition commerciale enAfrique du Sud avec en main une commande defabrication : l’engin spécialisé sera fabriqué auSaguenay. Le Bas-Saint-Laurent accueille 600 cher-cheurs de haut calibre dans les sciences de la mer,dont plus de 200 viennent des quatre coins dumonde. Intégrés au réseau Technopole maritime du

Régions éloignées:INTERNET CHANGE LA DONNE«On pourrait croire que de côtoyer quotidiennement parInternet des gens qui vivent au Mexique, au Chili ou enAustralie fait graduellement perdre l’identité culturellequébécoise. Or, c’est le phénomène inverse qui se pro-duit. Internet intensifie l’identification des gens à leurrégion. Globalement, les nouvelles technologies favo-risent une meilleure compréhension de nos voisins

régionaux. Nous n’avons jamais été si prèsde nos amis abitibiens ou mauriciens.Internet donne accès à ce qui se vit enrégion », constate Bernard Vermot-Desroches de l’Université du Québec àTrois-Rivières (UQTR) et auteur, en colla-

boration avec le CEFRIO (Centre francophone d’infor-matisation des organisations), d’une vaste étude surl’influence des technologies de l’information et descommunications (TIC) dans les régions, quisera publiée dans quelques jours.

Attention! Il existe un revers à la médaille,préviennent Mario Polèse et RichardShearmur de l’Institut national de la recher-che scientifique-Urbanisation, Cultureet Société (INRS-UCS), auteurs d’études sur lesrégions périphériques. « Même si Internet contribue àrenforcer une appartenance régionale, les TIC favori-sent plus que jamais la concentration de l’activité éco-nomique dans les grands centres urbains. C’est sûrqu’une petite entreprise de comptabilité installée àRouyn-Noranda peut soumissionner sur des projetsconçus à Montréal. Mais l’inverse est aussi vrai. Lagrande firme de comptabilité de Montréal peut aussioffrir un service compétitif qui dame le pion à l’entre-prise locale», dit Mario Polèse. «Pour des raisons pure-ment économiques, beaucoup de sociétés régionaleschoisiront d’aller à la grande entreprise de Montréal,car elle leur procure une économie d’échelle, elle estau courant de toutes les modifications récentes appor-tées à la fiscalité et parce que son volume de contratsla rend plus expérimentée pour régler des dossierscomplexes. Quand 80% de ce travail se fait par Internetou par téléphone, cette concentration du travail peutfaire péricliter la région au point de vue économique.C’est une simple question de coûts. Celui qui peut offrirun service à un prix moins cher, c’est lui qui va survi-vre. En région, il y a des coûts liés à l’isolement, autransport, à une circulation moins rapide de l’informa-tion. C’est la solidarité entre les gens qui fait la diffé-rence », renchérit Richard Shearmur.

Paradoxalement,

Internet semble

intensifier

l’identification

des gens à

leur région.

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24 RÉSEAU / PRINTEMPS 2004

Dossier

Festivals, relais gastronomiques, sports d’hiver etculture amérindienne, les régions débordent decréativité et s’inventent des débouchés.

«Malgré les dés pipés et le tauxde chômage toujours plus élevé,l’affirmation des régions n’ajamais été aussi vibrante, leursentiment identitaireaussi intense.

Nous assistons au Québec à une reva-lorisation des produits du terroir, à undéveloppement des initiatives culturel-les locales qui témoignent de la volontéopiniâtre de persister et de demeurer. Onvient de partout dans le monde pour partici-per au Festival international de la poésie de Trois-Rivières,au Festival du cinéma international en Abit ibi-Témiscamingue, au Festival international de musiqueactuelle de Victoriaville. De grands relais gastronomiquesont vu le jour dans Charlevoix, dans le Bas-Saint-Laurent,dans les Cantons-de-l’Est. Floués par l’industriali-sation de l’agriculture, de plus en plus de producteurs

Elles refusent

leur atrophie

programmée.

Sans autres

outils que leur

solidarité, elles

ne cessent de

nous rappeler

leur existence

têtue.

CRÉATIVITÉ À REVENDREdes régions choisissent laqualité, l’innovation, la cul-ture biologique et mettent sur

le marché des fromages fins, de l’agneau pré-salé, duveau de lait. Les régions les plus au nordont décidé de capitaliser sur ce qui faitleur misère : la neige. Elles ont investidans le développement des loisirsd’hiver et développent une industrie tou-

ristique locale fondée sur la neige, l’espace, la forêt,la culture amérindienne. Ces initiatives ne viennent nide Québec ni de Montréal, elles sont le fruit de la force

de l’identité régionale d‘une collectivité. Les régionspersistent et signent. Elles refusent leur atrophie pro-

grammée. Sans autres outils que leur solidarité, elles necessent de nous rappeler leur exis-tence têtue. Imaginons un peu si lesgens des régions avaient possédéleurs propres institutions politiques,comme elles auraient encore pu mieuxorganiser leur développement.Extrait du livre de Gil Courtemanche: La Seconde Révolution tranquille.

Québec, des dizaines d’entre eux œuvrent avec desentreprises en biotechnologie qui valorisent les résidusde la transformation de la crevette. Jadis capitalecanadienne du chômage, Trois-Rivières est devenuecelle qui a créé le plus d’emplois en 2003. L’Outaouaisqui envoyait 80 % de ses personnes malades se fairesoigner en Ontario, les a toutes rapatriées en moinsde 20 ans.

Les régions n’attendent plus après les actions de l’Étatpour relever leurs défis. Formation sur mesure, recherchessectorielles, innovation, développement de créneauxd’excellence, transfert technologique, entreprises déri-vées, réseautage s’ajoutent aux plans stratégiques dedéveloppement pour maintenir des conditions de basede qualité de vie susceptibles de favoriser un enracine-ment durable. « On a suffisamment de connaissancesdans nos régions pour savoir clairement ce qui consti-tue nos forces et nos faiblesses. Ça bouge énormémentde cinq ans en cinq ans. Pas toujours à une échelle im-mense, mais le germe d’avenir est semé », constateSerge Côté, de l’UQAR et directeur du Centre de re-cherche sur le développement territorial.

Paradoxes et contradictionsCela dit, on n’est pas à un para-doxe prêt. D’un côté, une usinede production d’aluminium fermeà Arvida au Saguenay : 560 pertesd’emploi. Une usine de fabrica-tion de denim de Drummondvilledéménage en Chine : 600 autrestravailleurs laissés-pour-compte. À chacune de cesnouvelles, des oiseaux de malheur ajoutent qu’unemploi perdu en région laisse trois autres chômeursdans son sillage.

D’un autre côté, travailleurs recherchés. Dans lesmunicipalités de Sainte-Anne-des-Monts et de Rivière-au-Renard en Gaspésie, de Saint-François sur la côtesud de Québec, de petites et moyennes entreprises(PME) ne réussissent pas à combler leurs postesvacants. Qu’est-ce qui fait qu’une région se développeet qu’une autre stagne ?

« Le dynamisme économique repose avant toutechose sur un système de réputation et de créativitédes leaders locaux. Regardez en Beauce, cette région

Serge Côté

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RÉSEAU / PRINTEMPS 2004 25

a développé son économie grâce aux Lacroix, Dionne,Dutil qui embauchaient leurs travailleurs sur leur répu-

tation. En région, les gens se don-nent des coups de main. Un entre-preneur va décider de fournir desressources et des informations, touten sachant que cette aide va finirpar lui rapporter. C’est comme çaque des petites entreprises démar-rent. L’économie régionale repose

sur des solidarités et sur la confiance », dit Pierre-André Julien, titulaire de la Chaire Bombardier Pro-duits récréatifs en gestion du changement technolo-gique dans les PME, de l’Université du Québec àTrois-Rivières (UQTR).

Création de nouveaux produits« Il y a toujours des activités qui ne peuvent pas êtredélocalisées. C’est sur ces activités de créneau qu’ilfaut miser. Et savoir repérer les acheteurs », com-plète Serge Côté.

Il donne l’exemple des propriétaires d’usines de trans-formation de la crevette du Bas-Saint-Laurent et de laGaspésie qui ont appris des chercheurs de l’UQAR,qu’en mélangeant les écailles de ces crustacés à de latourbe, ils produisent un compost recherché par les

jardiniers. Transformées grâce à la biotechnologie, cesmêmes écailles de crevettes deviennent des supplé-ments qui entrent dans la composition de produitsalimentaires ou de produits pharmaceutiques à trèshaute valeur ajoutée.

Les liens entre chercheurs etcommerçantsD’après Marc-Urbain Proulx,professeur en sciences économi-ques et administratives à l’Uni-versité du Québec à Chicoutimi(UQAC), les régions ont trop tardéà prendre le virage de la transfor-mation. « Celles qui s’en sortent le mieux sont cellesqui ont accès au savoir avec des villes centres quiutilisent le capital humain pour former une main-d’œuvre qualifiée pour les besoins des grandesentreprises, tout en fournissant un encadrementaux PME qui démarrent.

Le problème au Saguenay, ajoute le professeur, c’estque, comme ailleurs, nous avons de la difficulté àasseoir nos élites et nos intervenants publics à lamême table. »

Pour Martin Robitaille, de l’Université du Québecen Outaouais (UQO), il doit se développer un meilleur

Le Bas-Saint-Laurent

accueille

600 chercheurs

de haut calibre

dans les sciences

de la mer, dont

plus de 200 viennent

des quatre coins

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Pierre-AndréJulien

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PHOTO : JACQUES DORION

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Dossiermaillage entre ceux qui détien-nent le savoir et ceux qui peu-vent le commercialiser, car lavitalité des régions ne repose pasuniquement sur le leadershipde ses citoyens. «Ça prend unevolonté et des projets pour quel’identité régionale se conforte.Ça prend de la résistance et une base solide d’ap-partenance. Autrement dit, au lieu de développerl’économie régionale par le biais des grandesentreprises, pourquoi ne pas investir les mêmesmillions de dollars dans les petites et les moyennesentreprises.

Jeunes : partir pour mieux revenirLe Groupe de recherche sur la migration desjeunes, sous la direction de Madeleine Gauthier,chercheuse à l’INRS-Urbanisation, Culture et

Société, a démontré que 47 % des jeunes quit-tent à un moment ou un autre leur région d’ori-gine pour une période de plus de six mois.

La majorité des régions du Québec en sont affec-tées : ce sont les régions de Montréal, Québec,Lanaudière, Laurentides, Outaouais et Montérégie,celles qui sont périphériques aux grandes villes, quivivent une augmentation de population généralisée.

Loin de se stabiliser, les pers-pectives démographiques desrégions en décroissance ne ferontque s’accentuer d’ici 2026, auprofit des régions dites méri-dionales du Québec, précisel’Institut de la statistique duQuébec.

« Ils partent de leur région, maispas nécessairement pour toujours. C’est la volontéde poursuivre des études et de vivre de nouvelles

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MadeleineGauthier

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canadienne du

chômage,

Trois-Rivières est

devenue celle

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d’emplois en 2003.

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POUR EN SAVOIR PLUS…Saviez-vous que l’Université du Québec (UQ) est pré-sente dans plus de 54 villes et municipalités du Québec,grâce aux multiples sous-centres développés par sesétablissements?

Sans doute saviez-vous que le soutien au développe-ment régional faisait partie du mandat confié à l’UQ lorsde sa création en 1968. Pour voir combien les établis-sements de l’UQ sont aujourd’hui solidement arrimésaux dynamiques du développement régional, visionnezle vidéo L’Université en réseau http://arrierboutix.uqss.uquebec.ca :8080/ramgen/uq/promouq.rmSaviez-vous que le développement régional est un descréneaux d’expertise de l’Université du Québec à Rimouski,de l’Université du Québec à Chicoutimi, de l’Universitédu Québec en Abitibi-Témiscamingue et de l’Université duQuébec en Outaouais? Certains de ces établissementsoffrent d’ailleurs une maîtrise et un doctorat en déve-loppement régional.

http://www.uqar.uquebec.ca:80/uqar/info/mdevreg3480.htmet http://www.uqac.ca/registr/programmes/3770.html

Comme vous pourrez le constater dans les vidéos men-tionnés ci-dessus, faire le tour de l’UQ c’est un peucomme faire le tour du Québec!

Rachel ChouinardLe 10 mars 2004

RÉSEAU / PRINTEMPS 2004 27

expériences qui les animent. Ils ne sont pas en rupturede ban avec leur milieu d’origine. Près de 50 % de ceux-ci y reviennent », souligne Mme Gauthier. Par exemple,à l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue(UQAT), des suivis auprès des diplômés provenant dela région tendent à démontrer que plus de 80 %d’entre eux finissent par se réinstaller dans la région.

Le bonheur national brut« Ce n’est pas dramatique. Laissons la nature jouerson rôle », suggère de son côté Bernard Vermot-Desroches, professeur d’économie à l’UQTR. « LeTémiscamingue compte à peine 20 000 personneset tout le monde y vit très bien. Ce n’est pas unerégion en perdition. Aucun village ne vit dans lapauvreté. Prenons la Gaspésie, dont on parle tant.Si dans 100 ans, il n’y reste que 10 000 personnes,ce ne sera pas grave si en contrepartie chaqueGaspésien vit mieux. Nous ne devons pas viser ledéveloppement régional pour le développementrégional. Les gouvernements ont raison : moins degens en région, c’est moins de gens pauvres à lacampagne et plus de gens heureux à la ville. L’idéeest de minimiser le malheur régional brut et de viserle bonheur général collectif », explique-t-il. Unehypothèse qui ne fait guère consensus, a-t-onbesoin de le préciser.

Le loisir comme activité identitaire« La réalité des régions n’aide pas à envisager lebonheur ou la réussite en région. Très tôt les jeunesse mettent dans la tête qu’ils devront en sortir. Ilsentretiennent donc l’impression que l’ailleurs estplus intéressant que l’ici. C’est là que la questiondes loisirs devient prioritaire. Ça devient une insti-tution significative pour les gens. Dans les centresde loisirs, les gens redécouvrent le sens de vivreensemble, du partage intergénérationnel. Ils peu-vent retisser des liens. C’est un facteur d’attractiontrès puissant », observe depuis quel-ques années Lucie Fréchette,psychologue et professeure auDépartement de travail social etdes sciences sociales à l’Universitédu Québec en Outaouais (UQO).

Elle cite en exemple le Patro duvi l lage de Fort -Coulonge auTémiscamingue qui a créé des emplois d’été pouroccuper les jeunes invités à participer à plusieursactivités animées. Au lieu d’être désœuvrés, les jeunestrouvent intéressant d’être chez eux. Le milieu desloisirs renvoie une image positive et de qualité de leurenvironnement social.

Pour Myriam Simard, anthropologue et sociolo-gue de l’INRS-UCS qui a analysé la migration des jeu-nes issus de familles d’immigrants installées en région,il faut se rappeler que la quête du sens de la vie chezles jeunes en région déborde l’espace de travail, con-trairement aux générations précédentes plus tournées

vers la réussite personnelle, pour investir d’autresespaces identitaires, géographiques et symboliques.

Forums et sénats de régionsPour contrer (...) cette aliénation des régions, onpropose dans certains cercles, la création d’unesorte de sénat des régions. D’après Gil Courtemanche,cette formule ne résout rien. « Au mieux, ce sénat,sans pouvoir de dépenser ou de taxer, reproduiraitdans un cadre parlementaire inutile les exercices deconsultation ou de consensus théorique qu’on adéjà connus. Au pire, il donnerait lieu à une foired’empoigne entre les différents intérêts régionaux,lesquels seraient de surcroît pervertis par les lignesde partis. »

D’après le journaliste donc, nul besoin de grandsforums consultatifs ou législatifs. À la personnalitésociale économique et culturelle des régions doiventcorrespondre des institutions régionales capablesd’influencer la vie collective.

Et alors ! Que faut-il faire ?C’est aussi dans ce sens que pensent la majorité denos chercheurs. Faut-il fermer les régions ? Tollégénéral !

Les régions existent et sont là pour rester. Par ailleurs,oui, les régions ont un urgent besoin de détenirdavantage les outils de leur avenir. Elles ont besoinde pouvoirs.

L’Outaouais qui

envoyait 80% de

ses personnes

malades se faire

soigner en Ontario,

les a toutes

rapatriées en

moins de 20 ans.

LucieFréchette

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28 RÉSEAU / PRINTEMPS 2004

our moi, l’été commence en mai et enfin je peux travailler à ce que j’aime. C’estma période bénie. Je peux écrire, faire de la recherche, me rendre à des colloques

internationaux, me mettre à jour dans mes lectures accumulées durant l’année scolaire.C’est la seule saison où je peux vraiment vivre mon travail d’intellectuel en solitaire. Moiet la nature, moi et ma bibliothèque, moi et mon ordinateur. Hélas, c’est une saison courtequi se termine à la fin de juillet. En août, c’est la rentrée avec les réunions de départementet les préparations de classe. Ce n’est plus l’été.

Gilles Coutlée, professeur en com-munication, Université du Québec àMontréal (UQAM).

Moi et la nature,moi et ma bibliothèque,moi et mon ordinateur.

L’ÉTÉ Propos recueillis par Denise Proulx

Après les froids qui ont atteint les moins 35 degrés Celsius, voici le

printemps qui retourne la médaille et prépare les futurs coups de

chaleur à 35°C. RÉSEAU s’est demandé ce qu’évoque pour vous l’été,

histoire de rêver aux soirées chaudes et de tirer la langue à l’hiver

qui se meurt.

Vivre DehorsJanet Mark, attachéeadministrative et agentede liaison auprès desPremières Nations,Université du Québecen Abitibi-Témiscamin-gue (UQAT).

été, je vis à l’exté-rieur. Je jardine de

grandes plates-bandes defleurs, je mange dehors, jecuisine des barbecues avec mes

amis. J’ai un coin préféré sur lepatio pour y lire des romans ou des

documents, c’est un endroit inspirant pour déve-lopper des idées neuves ! J’ai la tête qui bourdonnequand j’y travaille à mes dossiers de l’automne.

C’est aussi la période où je voyage avec mes enfants.À chaque année, nous visitons une région nouvelle duQuébec, nous allons aussi à la pêche à Senneterre. Àchaque début de juillet, c’est sacré, nous assistons auFestival d’humour de Val-d’Or. C’est une occasion exceptionnelle de voir d’excellents specta-cles d’artistes connus. Même mes amis de Montréal montent en Abitibi pour les voir !

Forum

Période Bénie

Je jardine degrandes plates-bandes defleurs, je mangedehors, jecuisine desbarbecues…

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travers des périodes de randonnées en forêt, sortiesen canot ou en voilier sur le fleuve, je supervise

l’optimisation du programme de récupération à l’Univer-sité du Québec à Rimouski. Actuellement, l’UQAR récu-père le papier, les cartouches d’encre et les fluorescents.Nous pensons qu’il y a plus à faire et qu’il faut installer,partout sur le campus, des bacs de recyclage pour qu’ily ait aussi de la récupération de verres, de métaux et dematières plastiques. Cette phase organisationnelledemande beaucoup de planification et de discussionsavec nos partenaires. Mais la direction de l’université estouverte. Il existe une conscience environnementale pal-pable. J’aurai donc un peu de temps pour moi.

Verdir L’UniversitéBenjamin Laplatte, biologiste, responsable duProgramme « Un milieu de vie en santé », Comitéétudiant de Rimouski pour l’environnement,Université du Québec à Rimouski (UQAR).

Randonnées en forêt,sorties en canot ou envoilier sur le fleuve…

Au Boulot Les Étudiants!

été, ma vie roule à plein régime. C’est une période intense, je supervise les travauxde recherche en iconographie et dans les archives, ainsi que le dépouillement des

données et leur analyse par des étudiants. Ils ont besoin de supervision, car c’est souventpour eux un premier emploi d’été dans leur domaine d’étude. L’été, il se passe beaucoupde choses car nous accueillons plein de jeunes travailleurs enthousiastes. C’est un momenttrès important aussi pour finaliser des projets de livres ou de documents à paraître en octobreet novembre. Pas facile de prendre des vacances à travers tout cela !

Nous accueillonsplein de jeunestravailleursenthousiastes.

Normand Perron, historien et coor-donnateur du chantier des histoiresrégionales, INRS-Urbanisation, Cultureet Société.

e faire plaisir. Ne pas répondre au télé-phone ni écouter la télévision. Faire le

vide total du travail. Lire tout ce qui me tenteet qui n’est pas en relation avec ma discipline.M’offrir des journées de pêche à la mer. Décon-necter du quotidien, c’est ça pour moi desvacances ! C’est mon objectif, même si l’été jedois rester à l’écoute de ce que j’observe, plani-fier la rentrée, produire des rapports d’activités,signer des ententes de partenariats qui n’ontpas été finalisées durant la session précédente.

Ne pas répondre autéléphone ni écouter latélévision. Faire le videtotal du travail.

Ne Rien Faire!

Michel Archambault,responsable de laChaire de tourisme,Université du Québecà Montréal (UQAM). CH

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Vie étudiante

35 ans, Jean-Robert Wells s’inscrit au Diplômed’études supérieures spécialisées (DESS) en Éco-conseilavec en poche un baccalauréat en génie chimique et

dix ans d’expérience dans le traitement des eaux industrielleset dans l’optimisation des procédés. Sa motivation ? Orientersa carrière sur un travail qui reflète davantage ses valeursprofondes. Même son de cloche du côté de Raymond Lord,diplômé de l’École Polytechnique en génie mécanique etayant 15 années d’expérience en milieu manufacturier. « J’aiun besoin criant de réconcilier ma tête et mon cœur dans montravail », confie-t-il pour expliquer sa présence au DESS.

Et ils sont plusieurs autres à former le groupe volontairementdiversifié de la troisième cohorte d’éco-conseillers. Après unemaîtrise en environnement, Jessica Kuzniak quitte la Francepour venir chercher à l’UQAC une connaissance de la gestion del’environnement telle qu’elle se pratique au Québec, espérantune ouverture à l’international. Lorie Ouellet, détentrice d’unbaccalauréat en plein air et tourisme d’aventure ainsi que d’uncertificat en coopération internationale, espère quant à ellepouvoir être un moteur du développement durable dans les paysen voie de développement. Diplômé en arts – le premier dansl’histoire du programme –, Jacques Blanchet s’intéresse de soncôté à ce qui déclenche les changements comportementaux chezles êtres vivants.

À l’ère du réchauffement de la planète et autres signes dedéséquilibre global, ces étudiants visionnaires croient que leurexpertise sera recherchée. En Europe, le taux de placement deséco-conseillers excède 90%. Qu’en est-il au Québec ? Dans uncommuniqué de janvier 2002, l’UQAC indiquait que plusieursorganismes offraient déjà des stages rémunérés aux éco-conseillersde la première promotion. Parmi ces organismes : FiducieDesjardins du Québec, le Conseil des Montagnais du Lac-Saint-Jean, le BAPE, Hydro-Québec et le ministère de l’Environnement.

Par Mireille Pelchat

Étudier pour changerle

*Directeur du programme d’Éco-conseil et auteur de plusieurs

ouvrages, Claude Villeneuve recevait en 2002 le Prix du scien-

tifique de l’année du magazine Les Années lumière, de la radio

de Radio-Canada (voir « Un dossier de plus en plus chaud », Réseau,

été 2002). En 2003, c’est l’Association des biologistes du Québec

qui lui décernait le Prix Georges-Préfontaine pour son impor-

tante contribution.

PROGRAMME D’ÉCO-CONSEIL À L’UQAC

MondeSi les éco-conseillers pratiquent depuis

1980 en Europe, où ils sont très demandés,

ce n’est que depuis janvier 2002 qu’une

université québécoise forme de façon

régulière ce type de professionnel. C’est

le professeur Claude Villeneuve*, de

l’Université du Québec à Chicoutimi

(UQAC), qui a été mandaté pour adapter

le programme de formation des éco-

conseillers au contexte nord-américain.

Depuis, deux cohortes de ces conseillers

spécialisés ont intégré le marché du travail.

Un troisième groupe d’étudiants est pré-

sentement sur les bancs d’école pour

apprivoiser l’application du développe-

ment durable, la communication et la

médiation en environnement.

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En septembre 2003, Ginette Bureau, présidente de Recyc-Québec et du Conseil de formation du DESS en Éco-conseildéclarait : « Le recrutement des étudiants au Québec comme àl’étranger a été excellent, les diplômés de la première cohortese tirent bien d’affaire sur le marché de l’emploi, les étudiantsde la deuxième cohorte ont tous réalisé des stages intéressantsdont plusieurs se sont vus prolongés ou transformés en emploi. »

Le stage qui conduit à l’emploi, Vincent Grégoire l’a vécu !Issu de la première promotion d’éco-conseillers de l’UQAC, il aeffectué de juillet 2002 à janvier 2003 un stage chez RécupèreSol, à Saint-Ambroise. Dès février 2003, l’entreprise de traite-ment des sols contaminés l’embauchait. Le premier objectif detravail de Vincent Grégoire : mettre en marche les recommanda-tions proposées dans son rapport de stage intitulé Récupère Sol,la solution mal aimée.

« Il y a une perception négative de la part des groupes envi-ronnementaux envers les sols décontaminés », reconnaît VincentGrégoire. «Mon travail consiste à informer les gens sur ce typede sols et à dédramatiser certaines situations. » Pour y arriver, ilélabore des guides d’information, un site Internet et organisedes journées porte ouverte, par exemple. Bref, son mandat chezRécupère Sol se situe principalement au plan de la perspectivesociale environnementale. Mission qu’il se sent apte à réalisergrâce aux quelque 200 heures de cours en communicationenvironnementale suivies dans le cadre du DESS.

D’autre part, notre éco-conseiller procède continuellement àla recherche d’information ainsi qu’à la veille réglementaire ettechnologique, dans le but d’émettre des recommandationsenvironnementales dans plusieurs dossiers. Comme le pouvoirdécisionnel ne lui revient pas, il doit être convaincant. « Êtrecapable de faire des bilans qui démontrent que notre travail estprofitable pour l’environnement ET pour l’entreprise » voilà, selonVincent Grégoire, la clé de la réussite pour l’éco-conseiller.

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Vincent Grégoire

Au colloque La campagne de sensibilisation

Réunion à la cafétéria Au Zoo de Saint-Félicien

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Firmacal firme en conseil gestion

spécialisée en ressources humaines,

qualité (Norme ISO 9000) et formation.

Approche pour PEP pour aider les entreprises à

améliorer leur productivité par le biais de leur

ressources humaines et de leur mode d’organi-

sation de travail.

PEP pour Pratique (proposer des solutions se-

lon le contexte de l’entreprise), Expérimenta-

tion (guider dans l’implantation les entreprises

des solutions), Progression (suivre l’atteinte

des résultats en continue).

Si vous avez des questions : 514 748-7271

et : [email protected]

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La tarification de l’eau et sa commercialisation opèrent un retour en force

dans le dossier de l’eau au Québec. Des chercheurs et des professeurs

de l’Université du Québec commentent ces nouvelles avenues.

L’eau fraîche :

statut à la dérive

près que le Québec se soit doté, en 2002,d’une politique nationale de l’eau, voilàque de nouvelles stratégies sont mises de

l’avant, par le gouvernement, pour lutter contrenotre utilisation abusive et excessive de l’eau. Recet-tes miracles ou simples lubies de gestionnaires, latarification, la privatisation et la commercialisationreviennent à l’ordre du jour.

Une longueur d’avanceAlors que l’UNESCO proclamait 2003, l’année inter-nationale de l’eau douce, le Québec avait déjà com-pris toute l’importance de cette ressource. Enprésentant, quelques mois plus tôt, sa première politi-que nationale de l’eau, dont un des principauxenjeux était la reconnaissance de l’eau commepatrimoine collectif, le Québec bénéficiait déjà d’unelongueur d’avance. Chaudement accueillie, cettepolitique est pourtant restée lettre morte depuis saprésentation. « Un an et un changement de gouver-nement plus tard, la politique nationale est toujoursen dormance et n’a pas encore été mise en œuvre »rappelle Louise Vandelac, professeure à l’Institutdes sciences de l’environnement de l’Université duQuébec à Montréal (UQAM) et directrice du CINBIOSE.

Le bien commun ou le profitLa privatisation de la gestion des services d’eau, leurtarification ainsi que la multiplication des partena-riats privés-publics dans ces secteurs tels qu’évo-qués récemment par la présidente du Conseil dutrésor du Québec, Mme Monique Jérôme-Forget cons-tituent, selon elle, des enjeux significatifs qui s’ins-crivent dans la problématique plus globale del’appropriation privée de l’eau et de la gestionpublique ou privée de ce bien commun. « Ces deuxperspectives, à savoir l’eau bien commun ou marchan-dise, gérée par le secteur public ou privé, indique-

t-elle, traversent tous les débats sur l’eau, ici ouailleurs et influencent ses stratégies de gestion. » Lemonde se partageant, maintenant, entre ceux qui,d’un côté, cherchent à protéger de façon fonda-mentale toutes les dimensions de l’eau, et ceux qui,de l’autre, cherchent, à court terme, à maximiserleurs profits.

Pierre Hamel, professeur-chercheur à l’Institut natio-nal de la recherche scientifique (INRS) - Urbanisation,Culture et Société, considère, quant à lui, la tarificationet la privatisation de l’eau comme de mauvaises solu-tions à de faux problèmes. « S’il y avait de véritablesproblèmes d’eau au Québec, déclare-t-il, ni les comp-teurs d’eau, ni la privatisation n’apporteraient unesolution. En fait, ces deux mesures apportent plus deproblèmes qu’autre chose. » Une étude réalisée à l’été2003 par l’Organisation de coopération et de dévelop-pement économiques (OCDE) et citée par M. Hamel,fait état d’une recrudescence de problèmes de santéchez les personnes plus pauvres incapables de payerleur eau. Du côté de la privatisation des services d’eau,de nombreux cas documentés, notamment enGrande-Bretagne, mentionnent également la réappa-rition de problèmes de santé publique, qui croyait-on, avaient complètement disparu. «De toute façon,renchérit-il, la tarification et la privatisation de l’eausont de vieux débats. Ce sont des serpents de mer quifont surface, disparaissent et reviennent périodique-ment sans que l’on sache trop pourquoi. Peut-être ya-t-il aussi des gens qui ont intérêt à ce qu’on en reparle.»Ces deux avenues avaient d’ailleurs été écartées dansles recommandations de la Commission Beauchampsur la gestion de l’eau au Québec, celle-là même qui ainspiré la politique nationale.

Marchander un bien essentielPour Claude Villeneuve, directeur de la Chaire d’étu-des en Éco-conseil et professeur en sciences fonda-

Par Josée-Nadia Drouin

Sciences et technologie

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D’un côté, ceux quicherchent à protéger toutesles dimensions de l’eau,et de l’autre, ceux quicherchent, à court terme, àmaximiser leurs profits. �

Dans la reconnaissance del’eau comme patrimoine col-lectif, le Québec bénéficiaitdéjà d’une longueur d’avance.

mentales à l’Université du Québec à Chicoutimi(UQAC), il ne fait nul doute que l’eau est un bien essen-tiel et fondamental. C’est la satisfaction de nos besoinsen eau qui entraîne des incidences économiques. Ilconvient qu’une commercialisation de l’eau seraitacceptable, au Québec, si elle se faisait selon certainesrègles. Conclusion à laquelle sont également arrivés sesétudiants lors de leurs travaux sur la question, lors ducolloque Commercialisation de l’eau, source de dévelop-pement durable, organisé dans le cadre de leur pro-gramme d’études supérieures spécialisées en Éco-conseil à l’UQAC. Pour qu’une commercialisation del’eau soit possible, elle doit répondre, selon eux, auxconditions suivantes : qu’aucune exportation massived’eau, détournement de rivière inclus, ne soit effectuée,que les producteurs d’eau embouteillée prélèvent unequantité moindre d’eau que le taux de renouvellement,qu’ils protègent les zones de captage et fournissent l’eauen contenants recyclés ou consignés pour responsabi-liser le consommateur. Ils vont même jusqu’à suggérerqu’une redevance supplémentaire, destinée à l’aide etau transfert de technologie vers des pays en difficultéd’approvisionnement, soit exigée. Une suggestion inté-ressante de l’avis même de certains producteurs d’eauprésents au colloque.

Pierre Hamel Louise VandelacClaude Villeneuve

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Les recommandations émises par ces étudiants rejoi-gnent celles de plusieurs spécialistes. En effet, Jean-Pierre Villeneuve, directeur et chercheur en scien-ces de l’eau à l’INRS-Eau, Terre et Environnement, nevoit aucun problème à partager nos ressources hydri-ques, en autant que ce partage se fasse dans le respectdes ressources, sans chambarder les écosystèmes etpour le bien de tous. Des conditions, de son propreavis, qui sont parfois difficiles à gérer.

Au prélèvement de l’eau pour la vente en bouteille,les mêmes conditions s’appliquent. L’idéal serait, selonJean-Pierre Villeneuve, de gérer l’eau souterraine de lamême façon que sont gérés présentement le bois oul’aluminium. En tant que ressource commune. «Dansce débat, les gens patinent dans la choucroute. On nepeut être choqué de voir des gens exploiter l’eau dansle but de faire de l’argent tant et aussi longtemps quecette ressource ne sera pas de juridiction commune.On accepte que l’aluminium soit exploité à Arvida, quele bois soit récolté en Abitibi, mais on est intransigeantlorsqu’il s’agit de l’eau. Peut-être parce qu’elle demeureune ressource plus essentielle, plus sensible. C’est toutde même paradoxal. »

Le respect des écosystèmes avant tout.Ce débat sur le statut de l’eau n’est pas terminé.Mais étonnamment, comme le fait remarquerMme Vandelac, le Québec s’est bâti notamment surla nationalisation de ses eaux turbinées (Hydro-Québec), et sur la nationalisation de ses eaux de vie(la Société des alcools du Québec). Or nous don-nons littéralement nos eaux souterraines à quelquesmultinationales et nous déboursons des centainesde millions de dollars pour cette eau donnée dansdes bouteilles de plastique… « Je ne vois pas pour-quoi, si nous optons pour le commerce des eauxembouteillées (question qui devrait d’ailleurs êtreanalysée plus à fond), nous n’aurions pas alors

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Une étude réalisée à l’été2003 par l’OCDE fait étatd’une recrudescence deproblèmes de santé chezles personnes pluspauvres incapablesde payer leur eau.

Sciences et technologie

l’intelligence d’en assurer une gestion publique respec-tueuse des écosystèmes. »

Une intelligence de l’eauMme Vandelac suggère d’intervenir surtout en amont,sur les grandes sources de consommation et depollution d’eau des secteurs industriels, agricoles etcommerciaux par la mise en œuvre de politiques, detechniques et de suivis appropriés, afin d’améliorer

L’OR BLEU

Comment l’eau, source de vie et bien commun essentiel,peut-elle appartenir à quelqu’un?

Le Monde Diplomatique a produit l’an dernier un excellent dos-sier sur la crise globale de l’eau intitulé : La ruée vers l’eau. AuXXIe siècle, disait le magazine, l’eau deviendra aussi précieuseque l’or. Nous sommes d’ores et déjà, un peupartout sur la planète, en manque d’eau fraîche.Et qui dit manque, dit possibilités de gros sous.

Dès 2025, les deux tiers des humains vivrontdans un environnement où l’eau sera limitée. Etle tiers vivra dans une pauvreté absolue d’eaufraîche.

La Banque mondiale et les grosses corporationspoussent à fond pour la privatisation de l’eau.On y voit le commerce de l’eau comme uneindustrie allant chercher dans le trillion de dol-lars. La volonté de privatiser coïncide avecl’avènement aux États-Unis d’un gouvernement de droite quisemble penser davantage en termes de profits qu’en termesde services sociaux et de programmes environnementaux.

De son côté, l’Organisation mondiale de la santé estime que1,1 milliard de personnes ne peuvent obtenir l’eau dont ils ontbesoin actuellement. On estimait l’an dernier à 3,4 millions lenombre de personnes mortes à la suite de maladies reliées àl’eau non potable. Et on se demande naturellement commentferont les individus et les sociétés à faibles revenus pour payerla ration d’eau quotidienne nécessaire à leur survie.

Dans leur livre: Blue Gold:The Battle Against Corporate Theftof the World’s Water, (Éditions Stoddart, Toronto, 2002), lesdeux auteurs canadiens, Maude Barlow, présidente nationaledu Conseil des Canadiens, et Tony Clarke, directeur du PolarisInstitute, n’y vont pas de main morte avec les tenants du para-

digme économique qui prétendent pouvoir amé-nager la crise de l’eau en la vendant. Croire quetarifer l’eau invitera à la conservation est abstraitet ne tient pas compte de l’inégalité des richesses.Dans le tiers-monde et chez les gens pauvres, çasignifie carrément déshydratation et mort. Il n’y apas de substitut au précieux liquide qui maintienten vie les écosystèmes, dont nous faisons partie,nous, les humains.

La solution à une crise écologique doit être éco-logique, et la solution à l’injustice sociale est ladémocratie, disent les auteurs dans un élan de

lyrisme réaliste.

L’eau appartient à qui ?Mais cette question est déjà un parti pris pour une logiquemarchande et suppose qu’on accepte la privatisation. Laréflexion serait plutôt : comment est-il possible que l’eau, biencommun essentiel, puisse appartenir à quelqu’un? Quand leslois du marché font fi d’une éthique humanitaire de base, onn’est pas loin de la pure et simple destruction. Crise de l’eau,crise d’éthique!PL

la qualité des eaux brutes et de réduire les coûts detraitement, tant à l’aqueduc qu’à l’usine d’épura-tion. « Certes, il nous faut tous développer uneintelligence de l’eau pour mieux respecter ce lienintégrateur entre les humains et la planète, ce quiest un gain pour l’ensemble de la collectivité, maisles problèmes d’eau relèvent moins des individusque des orientations économiques et des politiquespubliques », conclue-t-elle.

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Prochain numéroen septembre 2004avec le dossier: Le pouvoir des médias.

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