Respect des recommandations de l’ANAES, en …doxa.u-pec.fr/theses/th0253657.pdfLa lombalgie est...
Transcript of Respect des recommandations de l’ANAES, en …doxa.u-pec.fr/theses/th0253657.pdfLa lombalgie est...
UNIVERSITE PARIS VAL-DE-MARNE
FACULTE DE MEDECINE DE CRETEIL
******************
ANNEE 2007 N°
THESE
POUR LE DIPLOME D’ETAT
DE
DOCTEUR EN MEDECINE
Discipline : Médecine Générale
------------
Présentée et soutenue publiquement le
à CRETEIL (PARIS XII)
------------
Par Delphine BREIL
Née le 12 avril 1980 à Figeac (46)
Elève de l’Ecole du Val-de-Grâce
Ancienne élève de l’Ecole du service de Santé des Armées de Lyon-Bron
------------
Respect des recommandations de l’ANAES, en médecine générale,
dans la prescription des examens complémentaires des
lombosciatiques de moins de 3 mois d’évolution.
DIRECTEUR DE THESE : LE CONSERVATEUR DE LA M. Le Professeur LECHEVALIER BIBLIOTHEQUE UNIVERSITAIRE
2
A Monsieur le Médecin Général Inspecteur Guy BRIOLE,
Directeur de l’Ecole du Val-de-Grâce,
Professeur Agrégé du Val-de-Grâce,
Officier de la Légion d’Honneur,
Officier de l’Ordre National du Mérite,
Chevalier des Palmes Académiques.
* * *
A Monsieur le Médecin Général FLOCARD,
Directeur Adjoint de l’Ecole du Val-de-Grâce,
Professeur Agrégé du Val-de-Grâce,
Officier de la Légion d’Honneur,
Officier de l’Ordre National du Mérite,
Récompense pour travaux scientifiques et techniques,
Médaille d’Honneur du Service de Santé des Armées.
3
A Monsieur le Médecin Chef des Services Hors Classe BAUDUCEAU,
Professeur Agrégé du Val-de-Grâce,
Chef du Service d’Endocrinologie de l’HIA BEGIN,
Référent pédagogique de l'HIA BEGIN,
Chevalier de la Légion d’Honneur,
Chevalier de l’Ordre National du Mérite.
* * *
A Monsieur le Professeur ATTALI,
Coordinateur du Département Universitaire d’Enseignement et de Recherche
En Médecine Générale,
De la Faculté de Médecine de Créteil.
4
A notre directeur de thèse le Médecin en Chef Lechevalier.
Nous vous remercions pour votre aide tout au long de ce travail de thèse.
Veuillez accepter l’expression de notre profond respect ainsi que nos remerciements les plus
sincères.
Au Médecin Principal Berger qui nous a permis d’analyser les résultats de l’étude.
Nous vous remercions pour votre patience et votre disponibilité.
Veuillez accepter l’expression de notre profond respect ainsi que nos remerciements les plus
sincères.
5
A Yves,
A mes parents,
Merci pour votre soutien inconditionnel au cours de mes études.
A ma famille,
Ma grand-mère Andrée, Colette, Alain et Marine.
A mes amis d’Autun,
Marina, Alcibiade et Jean-Emmanuel.
A mes amis de l’Ecole de Santé,
Sarah, Olivia, Elodie, Claire et JB.
A ma famille de la Boâte,
Bon vent à toutes et tous !
Au personnel de l’HIA Bégin rencontré au cours de mes différents stages.
Merci pour votre précieux enseignement.
6
Table des matières
Introduction .............................................................................................................................. 9 Recommandations de l’ANAES ............................................................................................ 10 Revue de la littérature............................................................................................................ 13
1. Evaluation dans les lombosciatiques communes ............................................................. 13
2. Etude sur la prise en charge diagnostique et thérapeutique des lombalgies par les médecins généralistes........................................................................................................... 14
3. Etude Lombo-Scan........................................................................................................... 15
• Résultats pour l’épisode de lombalgie aiguë de moins de 24 heures............................ 15 • Résultats pour l’épisode de lombosciatique commune à 4 semaines d’évolution sous
traitement médical ........................................................................................................ 15 Malades et méthode................................................................................................................ 17
1. Patients ............................................................................................................................. 17
2. Description du protocole d’étude ..................................................................................... 17
3. Mode de recueil des données ........................................................................................... 17
4. Critères de jugement......................................................................................................... 19
5. Type d’analyse statistique ................................................................................................ 19 Résultats .................................................................................................................................. 20
1. Caractéristiques générales de la population étudiée et description clinique de la lombosciatique ..................................................................................................................... 20
2. Thérapeutique et évolution............................................................................................... 22
3. Répartition des différents types de lombosciatiques ........................................................ 23
4. Délai d’évolution de la lombosciatique avant l’hospitalisation ...................................... 25
5. Réalisation d’examens complémentaires ......................................................................... 26
6. Délai de réalisation d’un scanner ou d’une IRM.............................................................. 28
7
Discussion................................................................................................................................ 30
1. Principaux résultats et comparaison avec la littérature .................................................... 30
1.1. Comparaison au référentiel de cette étude : les recommandations de l’ANAES...... 30
• Sous-groupe des patients présentant une lombosciatique commune ............................ 30 • Sous-groupe des patients présentant une lombosciatique symptomatique et/ou une
urgence diagnostique et thérapeutique ......................................................................... 31 • Comparaison des deux sous-groupes ............................................................................ 32
1.2. Comparaison à l’étude rétrospective concernant le scanner lombaire dans les lombosciatiques communes réalisée en Haute-Vienne .................................................... 32
1.3. Comparaison aux résultats de l’étude Lombo-Scan..................................................33
2. Limites de l’étude............................................................................................................. 34
3. Autres références de la littérature pouvant justifier de prescriptions différentes en médecine générale ................................................................................................................ 35
3.1. Autres références sur l’imagerie dans les lombosciatiques pouvant justifier de prescriptions différentes ................................................................................................... 35
3.2. Réalisation de l’imagerie justifiée en raison de facteurs prédictifs de l’évolution ?. 37
Conclusion............................................................................................................................... 38 Annexes ................................................................................................................................... 40 Bibliographie........................................................................................................................... 42 Résumé .................................................................................................................................... 45 Summary ................................................................................................................................. 46
8
Liste des illustrations
Tableau 1 : Echelle MRC (Medical Research Council of Great Britain) de 0 à 5. 11
Diagramme 1 : Schéma de l’étude. 21
Tableau 2 : Caractéristiques démographiques et distribution des symptômes chez les 43 patients. 22
Tableau 3 : Distribution des traitements reçus par les 43 patients. 23
Graphique 1 : Distribution des 43 patients selon les 3 types de lombosciatiques décrites par
l’ANAES [3]. 24
Tableau 4 : Distribution des 25 patients présentant une urgence diagnostique et thérapeutique. 25
Tableau 5 : Distribution des 12 patients présentant des arguments pour une lombosciatique
symptomatique. 25
Tableau 6 : Distribution des patients selon le type de lombosciatique présenté et le délai d’évolution
de la maladie avant l’hospitalisation. 26
Tableau 7 : Distribution des examens complémentaires prescrits aux patients avant l’hospitalisation. 27
Figure 1 : Distribution de l’imagerie pratiquée pour 28 des 43 patients. 27
Graphique 2 : Distribution des examens d’imagerie réalisés chez 28 des 43 patients selon les deux
sous-groupes étudiés. 28
Graphique 3 : Distribution des 43 patients selon le type de lombosciatique présenté et le délai
d’évolution avant la réalisation d’un scanner ou d’une IRM. 29
9
Introduction
Les lombosciatiques représentent un coût de santé publique important, notamment
l'imagerie. Cette imagerie est parfois inutile dans la mesure où elles ont une évolution
favorable dans 70 à 90% des cas en moins de deux mois [20]. De ce fait, l' Agence Nationale
d’Accréditation et d’Evaluation en Santé (ANAES) a publié des recommandations en février
2000 [3] concernant la prise en charge diagnostique et thérapeutique des lombalgies et
lombosciatiques communes de moins de 3 mois d'évolution. Il est pertinent d'étudier
l'adéquation entre la pratique de médecine générale et les recommandations, six ans après leur
parution.
Après avoir rappelé le texte de référence de l’ANAES [3], nous exposons une courte revue
de la littérature sur notre sujet puis nous présentons notre étude et ses résultats.
10
Recommandations de l’ANAES
Nous retranscrivons ci-dessous le texte court des recommandations [3], texte de référence
de notre travail.
« Les présentes références s’appliquent aux lombalgies et lombosciatiques aiguës définies
par un délai d’évolution inférieur à trois mois. La lombalgie est une douleur de la région
lombaire n’irradiant pas au-delà du pli fessier, la lombosciatique est définie par une douleur
lombaire avec une irradiation douloureuse distale dans le membre inférieur de topographie
radiculaire L5 ou S1.
L’évaluation initiale par l’interrogatoire et l’examen clinique du patient visent à identifier :
1) les lombalgies et lombosciatiques dites symptomatiques avec :
- en faveur d’une fracture : une notion de traumatisme, une prise de corticoïdes, un âge
supérieur à 70 ans (grade B) ;
- en faveur d’une néoplasie : un âge supérieur à 50 ans, une perte de poids inexpliquée,
un antécédent tumoral ou un échec du traitement symptomatique (grade B). La
numération formule sanguine et la vitesse de sédimentation sont des examens qui
doivent être réalisés dans ce cadre pathologique ;
- en faveur d’une infection : une fièvre, une douleur à recrudescence nocturne, des
contextes d’immunosuppression, d’infection urinaire, de prise de drogue IV, de prise
prolongée de corticoïdes. La numération formule sanguine, la vitesse de sédimentation
et le dosage de CRP sont des examens qui doivent être réalisés dans ce cadre
pathologique (grade C).
2) les urgences diagnostiques et thérapeutiques (grade C) :
- sciatique hyperalgique définie par une douleur ressentie comme insupportable et
résistante aux antalgiques majeurs (opiacés) ;
- sciatique paralysante définie comme un déficit moteur d’emblée inférieur à 3 et/ou
comme la progression d’un déficit moteur (cf. échelle MRC tableau 1);
- sciatique avec syndrome de la queue de cheval définie par l’apparition de signes
sphinctériens et surtout d’une incontinence ou d’une rétention ; d’une hypoesthésie
périnéale ou des organes génitaux externes.
11
5 Force normale
4 Capacité de lutter contre la pesanteur et contre une résistance
3 Capacité de lutter contre la pesanteur mais non contre une résistance
2 Possibilité de mouvement, une fois éliminée la pesanteur
1 Ébauche de mouvement
0 Aucun mouvement
Tableau 1: Echelle MRC (Medical Research Council of Great Britain) de 0 à 5.
En dehors de ces cadres (recherche d’une lombalgie dite symptomatique ou urgence),
il n’y a pas lieu de demander d’examens d’imagerie dans les 7 premières semaines
d’évolution sauf quand les modalités du traitement choisi (comme manipulation ou
infiltration) exigent d’éliminer formellement toute lombalgie spécifique. L’absence
d’évolution favorable conduira à raccourcir ce délai (accord professionnel).
Les examens d’imagerie permettant la mise en évidence du conflit disco-radiculaire ne
doivent être prescrits que dans le bilan précédant la réalisation d’un traitement chirurgical ou
par nucléolyse de la hernie discale (accord professionnel). Ce traitement n’est envisagé
qu’après un délai d’évolution d’au moins 4 à 8 semaines. Cet examen peut être au mieux une
IRM, à défaut un scanner en fonction de l’accessibilité à ces techniques.
Il n’y a pas de place pour la réalisation d’examens électrophysiologiques dans la
lombalgie ou la lombosciatique aiguë (grade C).
Tant pour la lombalgie aiguë que pour la lombosciatique, il n’a pas été identifié dans
la littérature d’arguments en faveur de l’effet bénéfique de la prescription systématique d’un
repos au lit plus ou moins prolongé. La poursuite des activités ordinaires compatibles avec la
douleur semble souhaitable (grade B). La poursuite ou la reprise de l’activité professionnelles
peut se faire en concertation avec le médecin du travail.
Parmi les éléments d’évolution vers la chronicité, les facteurs psychologiques et
socioprofessionnels sont retrouvés de façon fréquente (grade B).
Dans la lombalgie aiguë comme dans la lombosciatique aiguë, les traitements
médicaux visant à contrôler la douleur sont indiqués. Ce sont les antalgiques, les anti-
inflammatoires non stéroïdiens et les décontracturants musculaires (grade B). Il n’a pas été
12
identifié d’étude sur les effets de l’association de ces différentes thérapeutiques. La
corticothérapie par voie systémique n’a pas fait la preuve de son efficacité (grade C).
Il n’a pas été retrouvé d’étude attestant de l’efficacité de l’acupuncture dans la
lombalgie aiguë (grade B).
Les manipulations rachidiennes ont un intérêt à court terme dans la lombalgie aiguë.
Aucune, parmi les différentes techniques manuelles, n’a fait la preuve de sa supériorité. Dans
la lombosciatique aiguë, il n’y a pas d’indication pour les manipulations (grade B).
L’école du dos, éducation de courte durée en petit groupe, n’a pas d’intérêt dans la
lombalgie aiguë (grade B).
En matière de kinésithérapie, les exercices en flexion n’ont pas démontré leur intérêt.
En ce qui concerne les exercices en extension des études complémentaires sont nécessaires
(grade B).
L’efficacité des infiltrations épidurales est discutée dans la lombosciatique aiguë. Si
efficacité il y a, elle est de courte durée. Il n’y a pas d’argument pour proposer une infiltration
intradurale dans la lombosciatique aiguë (grade B).
Il n’y a pas d’indication d’injection facettaire postérieure dans la lombosciatique aiguë
(grade C).
Aucune étude n’a été identifiée dans la littérature concernant les thérapeutiques
suivantes : mésothérapie, balnéothérapie, homéopathie. »
Dans la version intégrale des recommandations, les auteurs présentent le travail de
Boos et al. [7] qui a réalisé une revue de la littérature de la valeur diagnostique des examens
d’imagerie dans la lombosciatique par hernie discale. Il est ainsi possible de conclure que le
scanner et l’IRM ont une valeur diagnostique équivalente dans cette affection. Il est ensuite
bien précisé que la mise en évidence du conflit disco-radiculaire dans la lombosciatique
commune ne doit être réalisée que dans le bilan précédent un geste radical. Or ce traitement
n’est à envisager qu’après 4 à 8 semaines d’évolution.
13
Revue de la littérature
1. Evaluation dans les lombosciatiques communes
Etude rétrospective qui concerne la réalisation d’un scanner lombaire dans les
lombalgies et lombosciatiques communes dans le département de la Haute-Vienne [12]. Cette
étude publiée en décembre 2002 évalue le respect des recommandations de l’ANAES de 1998
[1] et 2000 [3] et celui de la conférence de consensus [9] ; textes relatifs à l'imagerie dans les
lombalgies et les lombosciatiques. Elle porte sur 132 scanners lombaires réalisés dans deux
structures, l'une publique, l'autre privée, du département de la Haute-Vienne. Le recueil des
données a été réalisé selon un protocole standardisé à partir de l'examen clinique des patients,
des résultats des examens complémentaires, des prescriptions et actes remboursés pour
chaque malade.
Nous ne nous sommes intéressés qu’aux 80 patients inclus dans l’étude présentant un
tableau de lombosciatique commune, dont 43 avec une évolution de moins de 3 mois et 37
avec une évolution entre 3 et 6 mois. Pour l’ensemble, 12, soit 15% des patients ont eu un
scanner lombaire moins de 4 semaines après le début de l’épisode. Une hernie discale est
retrouvée chez 23 patients et une cure de hernie discale est réalisée chez 10 d’entre eux par la
suite. Seuls 54 % des malades ont bénéficié, avant le scanner, d'un traitement médical de
première intention associant antalgiques, anti-inflammatoires et/ou décontracturants
musculaires. Sur l’ensemble des malades, 25 % ont bénéficié d'un traitement médical de
seconde intention faisant appel aux infiltrations, aux tractions/élongations et après la phase
aiguë à des soins de kinésithérapie. Pour 39 % des malades souffrant de lombosciatique, les
résultats du scanner lombaire n'ont entraîné aucune modification dans la démarche
thérapeutique. Ainsi, le recours au scanner lombaire est conforme au référentiel pour 28 des
80 patients, soit seulement 35%.
Les auteurs comparent ce résultat à une étude [15] réalisée par des radiologues
libéraux, montrant que les recommandations sont suivies chez seulement 6% des patients
ayant bénéficié d’un scanner.
14
Enfin, ils concluent au fait que dix ans après la conférence de consensus et malgré la
diffusion des recommandations de l'ANAES [3], il existe toujours un profond décalage entre
les règles de bonne pratique et la réalité. Les conséquences ne sont pas uniquement
financières pour l'assurance maladie et concernent également les malades. En effet, une
imagerie réalisée sans justification peut aboutir à des gestes chirurgicaux inutiles avec des
conséquences socioprofessionnelles parfois dramatiques.
2. Etude sur la prise en charge diagnostique et thérapeutique des
lombalgies par les médecins généralistes
Une thèse de médecine générale de 2003 [18] présente les résultats d’une étude
prospective transversale auprès de 6 médecins généralistes d’Ile-de-France. Cinq
questionnaires standardisés par médecin soit 30 au total ont été recueillis. Le questionnaire
était établi grâce aux recommandations de l’ANAES [3]. Cette étude ne concerne que les
lombalgies aigues communes de moins de 3 mois et les résultats sont comparés aux
recommandations de l’ANAES de 2000 [3]. C’est une enquête de faisabilité. Les
lombosciatiques ne sont pas incluses dans cette étude.
Les patients sont distribués en 2 groupes : 21, soit 70%, ayant guéris et 9, soit 30%,
ayant évolué vers la chronicité (évolution de plus de 3 mois).
Dans le groupe des patients guéris, si une imagerie a été réalisée, elle l’est entre 10 et
15 jours d’évolution. Une radiographie standard a été réalisée pour 47,6% des patients alors
qu’elle n’est justifiée que pour 9,5% d’entre eux (antécédent de cancer ostéophile et notion de
traumatisme) et 4,8% des patients ont bénéficié d’un scanner.
L’auteur conclut que la prescription des radiographies simples est très courante sans
justification. Le seul scanner réalisé est prescrit dans des délais ne répondant pas aux
recommandations puisque trop précoce.
15
3. Etude Lombo-Scan
Publiée en 2004, l’objectif de cette enquête [11] est de comprendre comment les
médecins généralistes explorent et traitent un épisode de lombalgie ou de lombosciatique
aiguë en consultation, après la publication des recommandations de l’ANAES de 2000 [3].
Quelques 4475 médecins généralistes sont interrogés à partir d’un questionnaire standardisé
sur les intentions de prescriptions à partir d’un cas clinique de lombalgie typique chez un
travailleur manuel de moins de 50 ans. Ce cas est évolutif. D’abord, le patient présente un
lumbago après un effort déclenchant. L’interrogatoire retrouve une automédication par
paracétamol 500 mg, 3 fois par jour et l’examen clinique est normal. Ensuite, le patient évolue
à partir de la 4e semaine vers une lombosciatique non compliquée. Pour ces 2 épisodes, 4
questions identiques sont posées sur les explorations éventuelles, l’instauration d’un repos ou
d’un arrêt de travail, ainsi que sur la prescription médicamenteuse et non médicamenteuse.
Sur 4 475 questionnaires, 83 % ont été recueillis. L’analyse des résultats est réalisée
indépendamment pour les deux stades évolutifs.
• Résultats pour l’épisode de lombalgie aiguë de moins de 24 heures
Une radiographie du rachis lombaire est demandée par 20% des généralistes. La
demande de scanner ou d’IRM lombaire est de moins de 1% et la prescription d’analyses
biologiques est de 2%. Au final, 79% des médecins généralistes ne prescrivent aucun examen
complémentaire.
• Résultats pour l’épisode de lombosciatique commune à 4 semaines d’évolution sous
traitement médical
Une radiographie du rachis lombaire est demandée par 67% des généralistes. La
demande de scanner lombaire est de 27% et d’IRM lombaire de 5,5%. La prescription
d’analyses biologiques est de 12%. Au final, seuls 9% des médecins généralistes ne
prescrivent aucun examen complémentaire.
16
Ainsi, alors que la demande d’examens complémentaires injustifiés est faible dans le
lumbago, elle devient fréquente et pourtant tout autant injustifiée lors de l’évolution vers la
lombosciatique commune en l’absence d’indication opératoire.
Les auteurs justifient cette prescription par la volonté probable de rassurer le patient
notamment lors de l’épisode de lumbago. Lors de l’évolution vers la lombosciatique, la
demande d’examens complémentaires peut s’expliquer par l’inquiétude suscitée par cette
évolution « défavorable ».
Ce travail donne un bon reflet du respect et de la connaissance des recommandations
de l’ANAES [3]. Néanmoins, il a le désavantage de présenter un biais important puisque les
médecins savent que leur pratique est évaluée et peuvent appliquer plus consciencieusement
les recommandations.
L’objectif de notre travail est d’évaluer le respect des recommandations de l’ANAES
publiées en 2000 [3] en ce qui concerne la prescription actuelle des examens complémentaires
en médecine générale.
17
Malades et méthode
1. Patients
Les patients participant à l’étude ont été hospitalisés à la demande de leur médecin
généraliste dans le service de rhumatologie de l’hôpital d’instruction des armées Bégin à
Saint-Mandé (94). Cette population présente une lombosciatique répondant aux critères
cliniques de l’ANAES [3] : douleur lombaire avec une irradiation douloureuse distale dans le
membre inférieur de topographie radiculaire L5 et/ou S1.
Les malades inclus présentent une lombosciatique de moins de 3 mois d’évolution.
Les critères d’exclusion sont la prise en charge initiale aux urgences ou par un rhumatologue,
ainsi que les patients présentant une cruralgie.
2. Description du protocole d’étude
Il s’agit d’une étude épidémiologique prospective réalisée dans un service de
rhumatologie incluant les patients au fil des hospitalisations après une prise en charge initiale
ambulatoire. L’étude s’est déroulée du 1er octobre 2005 au 31 août 2006.
3. Mode de recueil des données
Le recueil des données est réalisé de deux façons.
Premièrement, un recueil à l’aide d’un questionnaire standardisé rempli par l’interne
en interrogeant et examinant le patient lors du séjour hospitalier (cf. annexe 1).
Deuxièmement, l’exhaustivité du recueil des cas a été contrôlée grâce aux données du
PMSI. Ainsi, nous avons inclus des patients répondant aux critères d’inclusion qui avaient
échappé à l’enquête prospective. Ceci a été possible en utilisant le code M51.1 de la
Classification Internationale des Maladies version 10. Nous avons renseigné le questionnaire
standardisé à partir des données contenues dans les dossiers.
18
Enfin, pour les dates manquantes, notamment au sujet des examens complémentaires,
nous avons contacté les médecins traitants ou les patients par téléphone.
Le questionnaire standardisé a été élaboré en reprenant les éléments discriminants des
recommandations de l’ANAES [3]. Nous avons expliqué le questionnaire aux internes qui se
sont succédés dans le service de rhumatologie.
Ainsi, sont recueillis les éléments suivants :
- le sexe, la date de naissance, la date de début des signes cliniques et la date de
l’hospitalisation,
- les antécédents de lombosciatiques, la description topographique de la sciatique, les
arguments orientant vers une hernie discale comme l’impulsivité ou un lumbago initial, les
données de l’examen physique et les signes orientant vers une urgence chirurgicale (déficit
moteur, hyperalgie et syndrome de la queue de cheval),
- les arguments en faveur d’une lombosciatique symptomatique, qu’ils orientent vers une
fracture, une tumeur ou une infection,
- les examens complémentaires (biologie et imagerie) réalisés avant l’hospitalisation, en
mentionnant le type d’examen et le résultat : numération formule sanguine, vitesse de
sédimentation et CRP d’une part en précisant s’il existait une anomalie et radiographie,
scanner et IRM d’autre part en précisant si une hernie discale était mise en évidence,
- les traitements mis en place par le médecin traitant : arrêt de travail, repos, antalgiques en
précisant le palier de l’OMS, anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), myorelaxants,
corticothérapie per os, infiltration épidurale et enfin l’observance,
- l’évolution dans le service de rhumatologie, la demande d’avis neurochirurgical par les
rhumatologues du service et la réalisation d’une cure de hernie discale.
Les informations collectées ont été saisies dans un fichier Excel®.
19
4. Critères de jugement
Les conclusions de l’étude ont été comparées aux recommandations de l’ANAES [3],
notre référentiel, selon une approche de type audit.
Les patients ont été classés rétrospectivement en deux sous-groupes : soit absence
d'élément ANAES [3] justifiant une exploration complémentaire, soit présence d'éléments
ANAES [3] devant faire pratiquer une exploration complémentaire.
Les explorations pratiquées, leur fréquence ainsi que leur délai de réalisation ont été
analysés dans les deux sous-groupes.
5. Type d’analyse statistique
L’analyse statistique est réalisée à l’aide du logiciel Epi.Info 6.04d®. Elle est de type
descriptive. Les variables quantitatives ont été comparées par le test de Student ou celui de
Mann et Whitney.
20
Résultats
L’étude s’est déroulée sur 11 mois et inclut 43 patients.
Diagramme 1 : Schéma de l’étude.
1. Caractéristiques générales de la population étudiée et description
clinique de la lombosciatique
Géographiquement, les patients hospitalisés dans le service de rhumatologie de l’HIA
Bégin sont majoritairement originaires du Val de Marne (94) et pour quelques uns de Paris
(75), notamment les pompiers de la Brigade des Sapeurs Pompiers de Paris (BSPP). Pour les
militaires, certains ont été rapatriés sanitaires de théâtres d’opérations extérieures.
La population étudiée (cf. tableau 2) est majoritairement masculine (67,4%) et il existe
un recrutement important de militaires d’active ou en retraite puisqu’ils représentent 44,2% de
notre population. L’âge moyen est de 53,4 ans, avec 14% de patients ayant moins 30 ans,
48,8% entre 30 et 60 ans et 37,2% au-delà de 60 ans.
65 patients hospitalisés
22 patients exclus car délai d’évolution supérieur à 3 mois
18 patients inclus à partir de la base PMSI
25 patients inclus par recueil prospectif
43 patients
21
Nombre de patients 43
Sexe masculin 29 (67,4%)
Age moyen des patients en années 53,4 ± 17,9 ans (de 21 à 90 ans)
Nombre de militaires d’actives ou en retraite 19 (44,2%)
Nombre de patients militaires rapatriés
sanitaires
3 (7%)
Durée d’évolution moyenne avant
l’hospitalisation
5,8 ± 3,4 semaines (de 4 jours à 11 semaines
et 1 jour)
Personnes ayant au moins 3 épisodes
antérieurs de lombosciatiques
7 (16,3%)
Lumbago initial 22 (51,2%)
Impulsivité à la toux ou la défécation 18 (41,9%)
Abolition d’un ou plusieurs réflexes
ostéotendineux
10 (23,3%) : le plus souvent l’achilléen
Lasègue avec l’angle moyen 33 (76,7%)
avec un angle de 28,5 ± 24,9 degrés
(de 10 à 80 degrés)
Tableau 2 : Caractéristiques démographiques et distribution des symptômes chez les 43
patients.
En ce qui concerne la description clinique, 16,3% des patients ont au moins 3 épisodes
antérieurs de lombosciatiques. Près des deux tiers des patients, soit 60,5%, ont des signes
fonctionnels qui traditionnellement orientent vers une origine discale : lumbago initial pour
51,2% et impulsivité à la toux et la défécation pour 41,9%. Le signe de Lasègue est présent
chez 76,7% des patients mais avec des angles très variables. L’abolition de réflexes
ostéotendineux est retrouvée chez 23,3% de patients mais avec des présentations atypiques :
abolition du réflexe rotulien dans une sciatique de type S1 ou L5, aucun réflexe retrouvé de
façon bilatérale…
22
2. Thérapeutique et évolution
Le recueil est difficile car les patients ont souvent eu plusieurs traitements avant d’être
hospitalisés. Nous considérons donc l’antalgique de palier le plus haut et tous les autres
traitements suivis, en association ou successivement (cf. tableau 3).
Repos (N=26) 24 (92,3%)
Arrêt de travail (N=27) 14 (51,9%)
sans objet=10 (37,0%)
Antalgiques (N=34) 33 (97,1%)
AINS (N=35) 24 (68,6%)
Myorelaxants (N=42) 15 (35,7%)
Corticothérapie orale (N=42) 8 (19,0%)
Infiltration épidurale ou foraminale (N=42) 3 (7,1%)
Observance (N=42) 42 (100%)
Tableau 3 : Distribution des traitements reçus par les 43 patients. (N : effectif ; sans objet :
patients retraités ou sans travail)
La majorité des patients a bénéficié des traitements recommandés par l’ANAES [3], à
savoir antalgiques (97,1%) et/ou AINS (68,6%) et/ou myorelaxants (35,7%). Plus
précisément, le palier antalgique prescrit est de niveau 1 pour 3 patients, de niveau 2 pour 24
patients et de niveau 3 pour 5 patients. Enfin, il n’est pas précisé pour 25,6% des malades.
De plus, 3 patients, soit 7% de la population, ont eu un traitement dit maximal,
comprenant un antalgique de palier 3, un AINS et/ou un myorelaxant.
Parmi les autres thérapeutiques, 19% des patients ont suivi une corticothérapie orale et
7,1% ont bénéficié d’une infiltration.
Enfin, l’observance s’élève à 100%.
Cinq patients, soit 11, 6%, ont été guéris, 31, soit 72,1%, améliorés et 7, soit 16,3%,
n’ont pas eu d’amélioration au cours de l’hospitalisation.
Parmi les 6 patients, soit 14%, pour qui les médecins du service de rhumatologie ont
demandé un avis neurochirurgical, la moitié a été opérée. Ces patients opérés sont non
améliorés par le traitement conservateur et présentent une indication de cure de hernie discale.
23
Au final, aucun des 6 patients présentant une lombosciatique commune non urgente
avec hernie discale n’a eu un avis neurochirurgical.
3. Répartition des différents types de lombosciatiques
Comme indiqué dans le graphique 1, le sous-groupe des patients ne présentant pas
d’élément ANAES [3] justifiant une exploration complémentaire est représenté par 13
patients atteints d’une lombosciatique commune non urgente, soit 30,2% de la population.
Le sous-groupe des patients présentant des éléments ANAES [3] devant faire pratiquer
une exploration complémentaire est représenté par 30 patients, soit 69,8% de la population.
Un patient peut avoir plusieurs arguments pour une urgence diagnostique et
thérapeutique (N=7) ou des arguments pour une urgence diagnostique et thérapeutique et une
lombosciatique symptomatique (N=7). Ceci explique que l’ensemble des effectifs des sous-
groupes est supérieur à 43, effectif de notre population.
30,2%
27,9%
58,1%
0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70%
LS communes (n=13)
LS symptomatiques(n=12)
LS urgentes (n=25)
LS (
n=43
)
Graphique 1 : Distribution des 43 patients selon les 3 types de lombosciatiques décrites par
l’ANAES [3].
Le sous-groupe des patients ayant des éléments ANAES [3] devant faire pratiquer une
exploration complémentaire comprend les malades atteints d’une urgence diagnostique et
thérapeutique dont la distribution est présentée dans le tableau 4. Il comprend également les
patients avec des arguments pour une lombosciatique symptomatique dont la distribution est
présentée dans le tableau 5.
24
Signes moteurs déficitaires 11 (44,0%)
Sciatique hyperalgique 20 (80,0%)
Sciatique avec syndrome de la queue de
cheval
1 (4,0%)
Tableau 4 : Distribution des 25 patients présentant une urgence diagnostique et thérapeutique.
Fracture, dont : 3 (25,0%)
Traumatisme 2
Corticothérapie au long court 0
Ostéoporose 1
Tumeur, dont : 9 (75,0%)
Perte inexpliquée de poids 2
Antécédent de néoplasie 1
Échec du traitement symptomatique 8
Infection 0
Tableau 5 : Distribution des 12 patients présentant des arguments pour une lombosciatique
symptomatique.
En recoupant les données, 5 patients, soit 16,7%, ont seulement des arguments pour
une lombosciatique symptomatique, 18, soit 60,0%, pour une urgence diagnostique et
thérapeutique et 7, soit 23,3%, pour les deux.
Parmi les 20 patients hospitalisés entre autre pour lombosciatique hyperalgique, il y en
a 25% qui ont bénéficié d’un traitement antalgique de palier 3 selon l’OMS.
Parmi les 8 patients avec échec du traitement symptomatique, aucun n’a eu de
traitement maximal comportant notamment un antalgique de palier 3.
25
4. Délai d’évolution de la lombosciatique avant l’hospitalisation
Le délai d’évolution de la maladie avant hospitalisation des patients inclus est en
moyenne de 5,8 ± 3,4 semaines. Le tableau 6 détaille ce délai suivant les sous-groupes de
l’ANAES [3].
effectif mini 25% 50% 75% max moyenne écart-type LS communes 13 2,1 5,0 6,0 9,0 10,9 6,4 2,7 LS symptomatiques et/ou urgentes
30 0,6 2,3 4,9 8,9 11,1 5,5 3,6
LS urgentes ou LS urgentes et symptomatiques
25 0,6 1,9 5,0 8,9 11,1 5,5 3,9
LS symptomatiques 5 3,0 4,1 4,4 6,7 9,0 5,5 2,4 Tableau 6 : Distribution des patients selon le type de lombosciatique présenté et délai
d’évolution de la maladie avant l’hospitalisation.
L’effectif étant réduit, il est également intéressant d’étudier le délai d’évolution de la
maladie à partir de la médiane. Ainsi, la médiane est de 6 semaines pour les lombosciatiques
d’allure commune et de 4,9 semaines pour celles avec des arguments pour une étiologie
secondaire et/ou une urgence diagnostique et thérapeutique. La différence du délai
d’évolution entre les lombosciatiques avec seulement des arguments pour une étiologie
secondaire et celles avec des arguments pour une urgence diagnostique et thérapeutique est
non significative (p=0,9 ; test de Mann et Whitney).
26
5. Réalisation d’examens complémentaires
Les deux tiers des patients, soit 65,1%, ont eu une imagerie dont la distribution est
détaillée dans le tableau 7.
Imagerie (N=43) 28 (65,1%)
Radiographies (N=28) 12 (42,8%)
Scanner (N=28) 16 (57,1%)
IRM (N=28) 6 (21,4%)
Biologie (N=43) 1 (2,3%)
Tableau 7 : Distribution des examens complémentaires prescrits aux patients avant
l’hospitalisation.
Parmi ceux ayant eu un scanner et/ou une IRM (N=21), une hernie discale est
retrouvée pour 17, soit 81,0% d’entres eux (dont 6 chez les patients présentant une
lombosciatique commune).
Le patient ayant eu une biologie ne présente ni argument pour une tumeur ni pour une
infection.
Comme indiqué dans la figure 1, le scanner est l’examen privilégié. Nous remarquons
qu’un patient a bénéficié d’un scanner et d’une IRM.
Radio 7 4 1 TDM IRM 11 1 4
Figure 1 : Distribution de l’imagerie pratiquée pour 28 des 43 patients.
27
En analyse en sous-groupes, la fréquence des différents examens d’imagerie est
présentée dans le graphique 2. Une imagerie a été réalisée chez 53,8% des patients n’ayant
pas d’élément ANAES justifiant une exploration complémentaire et chez 70% des patients
présentant des éléments ANAES devant faire pratiquer une exploration complémentaire ;
différence statistiquement non significative (p=0,6). Si nous excluons les patients n’ayant eu
que des radiographies simples, les fréquences sont respectivement de 46,2% et de 50% ;
différence statistiquement non significative (p=0,9).
Graphique 2 : Distribution des examens d’imagerie réalisés chez 28 des 43 patients selon les
deux sous-groupes étudiés.
28,6%
57,1%
28,6%
47,6%
57,1%
19,0%
0% 10% 20% 30% 40% 50% 60%
radio (n=2)
scanner(n=4)
IRM (n=2)
radio (n=10)
scanner(n=12)
IRM (n=4)
LS c
omm
unes
(n=
7)LS
sym
ptom
atiq
ues
et/o
uur
gent
es (
n=21
)
28
6. Délai de réalisation d’un scanner ou d’une IRM
Le délai entre le début de la lombosciatique et la réalisation d’un scanner ou d’une
IRM est en moyenne de 32,5 ± 20 jours. Le délai minimum étant de 2 jours et maximum de
71 jours. Pour le patient ayant eu les deux examens, nous avons considéré le délai de
réalisation du premier des deux.
Pour le sous-groupe des patients n’ayant pas d’élément ANAES [3] justifiant une
exploration complémentaire, le délai est en moyenne de 33,5 ± 13,3 jours. Pour celui des
patients présentant des éléments devant faire pratiquer une exploration complémentaire, le
délai est en moyenne de 32,1 ± 22,5 jours. La différence entre ces deux délais moyens n’est
pas statistiquement significative (p=0,6).
23,1%
15,4%
53,8%
26,7%
13,3%
10,0%
50,0%
7,7%
0% 10% 20% 30% 40% 50% 60%
avant 4 sem (n=3)
entre 4 et 8 sem (n=2)
après 8 sem (n=1)
pas avant hospit (n=7)
avant 4 sem (n=8)
entre 4 et 8 sem (n=4)
après 8 sem (n=3)
pas avant hospit (n=15)
LS c
omm
unes
(n=1
3)LS
sym
ptom
atiq
ues
et/o
u ur
gent
es (n
=30)
Graphique 3 : Distribution des 43 patients selon le type de lombosciatique présenté et le délai
d’évolution avant la réalisation d’un scanner ou d’une IRM.
Globalement, 25,6% des patients ont eu une imagerie avant 4 semaines, 13,6 % entre 4
et 8 semaines, 9,3% après 8 semaines et 51,2% n’en ont eu aucune avant l’hospitalisation.
29
Parmi les patients présentant une lombosciatique symptomatique et/ou une urgence
diagnostique et thérapeutique, 8, soit 26,7%, ont bénéficié d’un scanner ou d’une IRM avant 4
semaines et 4, soit 13,3%, entre 4 et 8 semaines. La moitié des patients atteints d’une
lombosciatique commune, soit 53,8%, n’a eu aucune imagerie avant l’hospitalisation, comme
indiqué dans le graphique 3.
30
Discussion
Le but n’est pas de critiquer la pratique des médecins généralistes mais d’évaluer la
pratique réelle.
1. Principaux résultats et comparaison avec la littérature
L’étude a duré 10 mois et concerne 43 patients âgés de 53,4 ans en moyenne, dont la
moitié ont entre 30 et 60 ans et dont 67,4% d’entre eux sont masculins. Ils présentent une
lombosciatique évoluant en moyenne depuis 5,8 semaines avant l’hospitalisation.
La population est divisée en deux sous-groupes : 13 patients, soit 30,2%, atteints d’une
lombosciatique d’allure commune et 20 patients, soit 69,8%, présentant des arguments en
faveur d’une lombosciatique symptomatique et/ou d’une urgence diagnostique et
thérapeutique.
1.1. Comparaison au référentiel de cette étude : les recommandations de
l’ANAES
• Sous-groupe des patients présentant une lombosciatique d’allure commune
Avant l’hospitalisation, 46,2% des patients ont eu une imagerie en coupe (scanner
et/ou IRM) ; 57,1% des patients ont bénéficié d’un scanner et 28,6% d’une IRM.
Ainsi, seulement la moitié des patients n’a pas bénéficié d’un scanner et/ou d’une IRM avant
l’hospitalisation.
Parmi ceux qui ont eu un scanner et/ou une IRM, 23,1% des patients l’ont eu dans les délais
recommandés, c’est-à-dire pas avant 4 à 8 semaines d’évolution. Cela n’ayant pas débouché
sur un avis neurochirurgical, leur indication est discutable.
Les radiographies ne sont pas recommandées, pourtant 28,6% des patients en ont eu de
prescrites.
Une hernie discale est retrouvée pour 6 patients dans ce sous-groupe. Les
rhumatologues du service n’ont porté aucune indication d’avis neurochirurgical pour ces
patients durant l’hospitalisation.
31
Le seul patient ayant bénéficié d’une biologie, sans anomalie retrouvée, avait 90 ans.
Le patient ne présente pas d’argument pour une lombosciatique symptomatique d’une tumeur
ou d’une infection. Cependant, cet examen peut se justifier en raison de l’âge.
Ainsi, les recommandations sont respectées pour 7 soit 53,8% des patients et ne sont
donc pas respectées pour 46,2% d’entre eux.
• Sous-groupe des patients présentant une lombosciatique suspecte d’être
symptomatique et/ou une urgence diagnostique et thérapeutique
Avant l’hospitalisation, 70% des patients ont eu une imagerie de prescrite, dont 50%
au moins une imagerie en coupe (scanner pour 57,1% et/ou IRM pour 19%).
Ainsi, pour 50% des patients, aucune imagerie en coupe n’a été réalisée avant
l’hospitalisation.
Le délai de réalisation d’un scanner ou d’une IRM était de moins de 4 semaines pour
26,7% patients, entre 4 et 8 semaines pour 13,3% des patients et de plus de 8 semaines pour
10% des patients.
La réalisation d’un scanner et/ou d’une IRM se justifie au mieux avant 4 semaines
sinon entre 4 et 8 semaines. En effet ce sont des lombosciatiques pour lesquelles il faut établir
un diagnostic rapidement. Les recommandations sont ainsi respectées pour 12 des 15 patients,
soit 80%, ayant eu ces examens avant l’hospitalisation.
47,6% des patients ont eu des radiographies. Leur réalisation se justifie pour 6 patients
sur 10, soit 60%, car ils présentent un argument pour une lombosciatique symptomatique.
Ce résultat est à nuancer en fonction du délai d’évolution de la maladie avant
l’hospitalisation. En effet, pour les patients qui n’ont pas eu d’imagerie avant l’hospitalisation,
c’est peut-être parce que l’hospitalisation a été précoce. Ainsi, pour ce sous-groupe, la
moyenne d’évolution est de 5,5 ± 3,6 semaines et la médiane de 4,9 semaines, ce qui en effet
est relativement précoce.
Parmi les 3 patients ayant bénéficié d’infiltrations épidurales, 2 ont eu une imagerie
avant la réalisation du geste. Ainsi pour 2 patients sur 3, les recommandations sont respectées.
32
• Comparaison des deux sous-groupes
La différence de fréquence de réalisation des examens d’imagerie est peu importante
dans les deux sous-groupes ce qui est surprenant. En effet, une imagerie a été réalisée chez
53,8% des patients n’ayant pas d’élément ANAES [3] justifiant une exploration
complémentaire et chez 70% des patients présentant des éléments ANAES [3] devant faire
pratiquer une exploration complémentaire. La fréquence est respectivement de 46,2% et 50%
si nous ne prenons en compte que l’imagerie en coupe. Par ailleurs, le scanner est l’examen
privilégié dans les deux sous-groupes avec des fréquences équivalentes (57,1%). L’IRM n’est
donc pas préférée dans les lombosciatiques avec des arguments pour une urgence chirurgicale
ou une étiologie secondaire comme nous aurions pu nous y attendre (28,6% et 19%
respectivement).
Le délai de réalisation de l’imagerie n’est également pas significativement différent
puisqu’il est de 33,5 jours en moyenne pour le premier sous-groupe et de 32,1 jours en
moyenne pour le second. Plus particulièrement, il est de moins de 4 semaines pour 23,1% des
lombosciatiques d’allure communes et pour 26,7% des autres lombosciatiques, de plus de 4
semaines pour 23,1% et 23,3% respectivement. Pourtant, dans les lombosciatiques
nécessitant un traitement urgent comme étant hyperalgique, paralysante ou avec syndrome de
la queue de cheval, le délai avant la réalisation des examens d’imagerie doit être réduit au
« minimum » [2].
1.2. Comparaison à l’étude rétrospective concernant le scanner lombaire dans
les lombosciatiques communes réalisée en Haute-Vienne
Dans cette étude [12], pour l’ensemble des lombosciatiques, évoluant depuis moins de
3 mois ou entre 3 et 6 mois, 15% des patients ont eu un scanner lombaire moins de 4 semaines
après le début de l’épisode. Ce chiffre est plus élevé dans notre étude avec 23,1% des patients
ayant bénéficié d’un scanner ou d’une IRM à moins de 4 semaines d’évolution. En reprenant
les données, nous constatons que ces patients ont tous bénéficié d’un scanner et non d’une
IRM, ce qui permet la comparaison.
33
1.3. Comparaison aux résultats de l’étude Lombo-Scan
La prescription des radiographies simples pour les patients atteints de lombosciatiques
communes est beaucoup plus faible dans notre étude. En effet, elle ne concerne que 2 patients
soit 15,4% du sous-groupe contre 67% de prescriptions dans l’étude Lombo-Scan [11]. Ceci
constitue un progrès des pratiques et de la prise en compte du peu d’intérêt des radiographies
dans les lombosciatiques communes.
A 4 semaines d’évolution, 5,5% des médecins généralistes prescrivent une IRM et
27% un scanner, soit 32,5% de prescription. Nous pouvons extrapoler qu’un médecin
généraliste prescrit soit un scanner soit une IRM et non les deux. Dans notre étude, 23,1% des
patients ont bénéficié d’un scanner ou d’une IRM à 4 semaines d’évolution ou plus tôt. Ainsi,
la réalisation de ces examens est également plus faible dans notre étude.
Enfin, nous remarquons que la prescription de scanner est plus importante que celle de
l’IRM dans les deux études.
La prescription de la biologie dans notre étude est marginale et sans doute justifiée par
l’âge du patient. Ainsi la prescription est plus faible que dans l’étude Lombo-Scan.
34
2. Limites de l’étude
L’effectif de la population n’est que de 43 patients, ce qui est peu pour en tirer des
conclusions significatives. Parmi les 65 patients inclus, 21 étaient atteints d’une
lombosciatique qui évoluait en fait depuis plus de 3 mois. Nous avons décidé de les exclure de
l’analyse pour se conformer aux critères des recommandations de l’ANAES [3]. Nous aurions
néanmoins pu étudier pour ces patients la fréquence de l’imagerie dans les 3 premiers mois.
Parmi cette population réduite, il n’y a qu’un tiers de lombosciatiques communes, ce
qui n’est pas le reflet de la distribution des lombosciatiques prises en charge en ambulatoire. Il
existe donc un biais de sélection puisque la population n’est pas une population ambulatoire
stricto sensu. En effet, ce sont des patients traités en ambulatoire mais adressés
secondairement à l’hôpital et qui présentent donc des lombosciatiques plus graves et dont le
traitement en ambulatoire est dépassé. Ainsi, les malades présentant un critère d’urgence ou
un argument pour une étiologie secondaire représentent la majorité des cas.
Ce biais de recrutement doit être nuancé. En effet, le terme hyperalgie semble mal
employé car 20 patients ont été hospitalisés entre autres pour cette raison mais il n’y a que
25% d’entre eux qui ont bénéficié d’un traitement antalgique de palier 3 selon l’OMS,
condition pour qualifier une lombosciatique d’hyperalgique. Nous constatons également
qu’aucun des 8 patients ayant un échec du traitement symptomatique et donc inclus dans les
patients avec argument pour une lombosciatique secondaire tumorale, n’a été traité par
antalgique de palier 3.
Ainsi, avec ces deux items, des patients sont sans doute classés de façon abusive
comme présentant une lombosciatique symptomatique ou hyperalgique, ce qui constitue un
biais de classement.
Dans notre étude, nous constatons également un biais de mémorisation. Les patients ne
se rappellent pas toujours des dates de début de leur lombosciatique, des analyses biologiques
ou de l’imagerie. Il existe également un biais de recueil car parfois les internes remplissent
approximativement les questionnaires. Pour remédier à ces biais, il m’a été possible de
consulter les dossiers médicaux, voire d’appeler le médecin traitant des patients.
35
Lors du recueil des données à partir des dossiers inclus à l’aide du PMSI, il manque souvent
les thérapeutiques prescrites lors de la prise en charge initiale en médecine ambulatoire.
3. Autres références de la littérature pouvant justifier de prescriptions
différentes en médecine générale
3.1. Autres références sur l’imagerie dans les lombosciatiques pouvant justifier
de prescriptions différentes
Un article d’août 2004 [6] indique qu’une imagerie est à réaliser dans la
lombosciatique commune si le traitement médical ne vient pas à bout des symptômes en deux
à trois semaines. Et cette imagerie est un bilan radiographique avec un cliché de face en
charge, un cliché d’ensemble du rachis lombaire de profil debout et, au mieux, des clichés
centrés de face et de profil sur le disque L5-S1. Cette dernière incidence semble permettre le
plus souvent une excellente étude des articulations sacro-iliaques, intéressante pour le
diagnostic différentiel des lombofessalgies. Ce bilan radiographique permettrait avant tout de
rechercher des arguments en faveur d’une lombosciatalgie secondaire par rapport à une
affection infectieuse, tumorale ou rhumatismale. Il permettrait également de mettre en
évidence des anomalies favorisant une lombosciatique : anomalie transitionnelle de la
charnière lombosacrée, étroitesse canalaire constitutionnelle, spondylolisthésis par lyse
isthmique, dystrophie vertébrale de croissance, troubles statiques et d’évaluer l’importance
des remaniements dégénératifs lombaires : discarthrose, arthrose postérieure, spondylo ou
rétrolisthésis dégénératif et canal lombaire rétréci.
Cet article redonne une place à la radiographie plutôt absente des recommandations de
l’ANAES [3].
En ce qui concerne le délai de réalisation de l’imagerie, deux articles intitulés
plaidoyer pour [19] et plaidoyer contre l’imagerie précoce [13] sont intéressants.
Dans le plaidoyer pour l’imagerie précoce [19], Valat explique que l’imagerie peut
être utile pour une information rassurante. Il aurait en effet été montré [16], en médecine
générale, qu’en présence de symptômes aspécifiques sans anomalie physique et sans
diagnostic précis, le pronostic est bien meilleur après une consultation « positive » (diagnostic
36
ferme, assurance d’une évolution favorable en quelques jours : évolution favorable dans 64%
des cas en 2 semaines) qu’après une consultation « négative » (« Je ne sais pas trop ce qui
vous arrive » : évolution favorable dans 39% des cas, indépendamment de toute prescription
thérapeutique). Or l’imagerie peut aider à « positiver » les consultations, à affermir le
diagnostic et le pronostic. Dès lors, les malades peuvent-ils comprendre que la cause de leurs
douleurs n’est pas recherchée « avant au moins 4 semaines » de souffrance, d’impotence et
d’anxiété ? Ce délai de plus est peu compatible avec les exigences socioprofessionnelles
actuelles.
Il rapporte également qu’une étude norvégienne [10] a montré que 72% des patients
lombalgiques considèrent l’imagerie comme très importante pour le diagnostic, mais aussi
pour les informer et les rassurer, ce qui explique en grande partie que les tentatives pour
réduire l’utilisation de l’imagerie aient largement échoué.
Néanmoins, en terminant la lecture de cet article, nous relevons bien que le diagnostic
lésionnel n’est à même de rassurer les patients que s’il est rassurant. Ce qui est le cas le plus
habituel.
Ce plaidoyer permet de justifier la réalisation précoce de l’imagerie dans notre étude.
Dans le plaidoyer contre l’imagerie précoce des lombosciatiques communes [13],
Marty rapporte qu’il n’est pas utile de disposer d’une imagerie précoce pour définir la
stratégie du traitement médical (antalgiques, AINS...). L’examen clinique et notamment
l’interrogatoire, a un intérêt fondamental pour le diagnostic de sciatique par hernie discale.
Vroomen et al. [21] démontrent l’importance de l’existence d’une douleur ayant un trajet
typiquement radiculaire pour prédire l’existence d’une hernie discale.
Ainsi, l’absence d’imagerie n’empêche pas le clinicien d’exposer clairement la
stratégie de prise en charge à son patient. Il faut expliquer au patient que la mise en évidence
d’un conflit disco-radiculaire que l’on peut prouver sur une imagerie précoce ne modifie pas
sa prise en charge médicale initiale. De nombreux patients guérissent de leur sciatique
précocement, ce qui correspond en partie à l’évolution naturelle de la sciatique. Par ailleurs, il
est probable qu’une imagerie avant la quatrième semaine comporte des risques d’induire un
traitement radical trop précoce.
Enfin, il rappelle que l’imagerie n’est pas nécessaire pour une relation médecin/malade
de qualité. L’attente du patient est une amélioration de sa douleur et de sa capacité
fonctionnelle. Sa satisfaction passe par une information générale sur la maladie, d’après
Pincus et al. [14].
37
3.2. Réalisation de l’imagerie justifiée en raison de facteurs prédictifs de
l’évolution ?
Une étude prospective publiée en mars 2003 [5] recherche une relation entre
l’évolution d’une lomboradiculalgie commune par hernie discale et les résultats d’un scanner
réalisé précocement. Cette étude prospective conclue qu’aucune caractéristique
morphologique de la hernie n’est significativement corrélée à l’évolution clinique des patients
revus trois mois après le début des symptômes. Seule la migration en hauteur de la hernie est
en moyenne plus ample chez les malades améliorés mais ce résultat n’est pas significatif.
Une autre étude publiée en janvier 2001 [20] recherche des critères prédictifs de la
réalisation d’un geste radical au décours d’une hospitalisation pour lombosciatique. Un geste
radical a été nécessaire après l’hospitalisation pour 47 patients sur les 134 de la population
étudiée. Cette population a bénéficié d’un traitement médical puis a été suivie pour savoir si
l’évolution s’est faite vers la chirurgie ou non.
En analyse univariée, le risque d’avoir ce traitement radical est associé à une taille plus
grande, à l’utilisation d’une ceinture de contention, au nombre d’injections épidurales avant
hospitalisation, au signe de Lasègue et à un volume herniaire supérieur à 50% du canal
rachidien. Le risque semble diminué lorsque l’affection évolue depuis moins d’un mois avant
admission et en cas d’absence de limitation du rachis lombaire.
En analyse multivariée, la date de début supérieure à un mois, le port de lombostat
avant hospitalisation et la présence du signe de Lasègue sont associés au geste radical.
Dans le groupe de patients ayant eu un scanner, seul le signe de Lasègue est prédictif
cliniquement. Lorsqu’on inclue le résultat du scanner lombaire avec les données cliniques
dans l’analyse, seul le volume herniaire apparaît prédictif de l’évolution.
En définitive, 65% des patients hospitalisés pour traitement médical d’une
lombosciatique n’ont pas recours à un geste radical après un recul moyen de 18 mois.
Nous constatons que ces deux études sont en contradiction en ce qui concerne le
volume herniaire comme facteur prédictif de l’évolution.
38
Conclusion
L’intérêt de notre étude tient au fait que nous évaluons vraiment les pratiques des
médecins généralistes : ce n’est ni un recueil d’intention de prescription ni une étude
prospective pendant laquelle les médecins généralistes savent qu’ils sont évalués.
Evidemment, cette étude porte sur de faibles effectifs et est hospitalière, ce qui est à
l’origine d’un certain nombre de biais qui sont toutefois nuancés comme nous l’avons exposé
dans le chapitre sur ses limites.
Les recommandations ne sont pas totalement respectées. Il existe un excès d’imagerie
en coupe (scanner et IRM) dans le sous-groupe des lombosciatiques communes.
La fréquence de réalisation des examens complémentaires n’est pas très différente
dans les deux sous-groupes et elle est surtout anormalement élevée dans les lombosciatiques
communes. Le délai de réalisation n’est pas non plus différent, notamment en ce qui concerne
les lombosciatiques présentant un caractère d’urgence diagnostique et thérapeutique. Ainsi,
nous pouvons nous demander quelle est la réalité du tri clinique préalable.
Il existe également des items litigieux dans les recommandations puisque des
lombosciatiques sont classées comme urgentes ou symptomatiques alors qu’elle ne sont
finalement que communes mais insuffisamment traitées. On peut se demander si le fait de
qualifier une lombosciatique commune d’hyperalgique ne permet pas d’obtenir un scanner ou
une IRM plus rapidement.
Au final, en comparaison avec la littérature, il y a peu d’amélioration au fil du temps
du respect des recommandations de l’ANAES [3] si ce n’est dans la prescription de
radiographies simples qui est beaucoup moins importante. Il semble effectivement, au vu des
résultats, que les recommandations sont difficiles à appliquer et que les attentes des malades
incitent les médecins à de larges prescriptions d’examens d’imagerie.
Par la suite, il serait intéressant de réaliser une étude dans un cabinet de radiologie de
ville. En effet, tout patient adressé pour un scanner ou une IRM lombaire dans le cadre d’une
lombosciatique pourrait répondre à un questionnaire du même type que celui de notre étude.
39
Ainsi, nous pourrions étudier la fréquence de chaque type de lombosciatiques motivant ces
examens et le délai de réalisation de cette imagerie. Ce serait certainement la méthode la
moins biaisée.
40
Annexes
Annexe 1 :
Questionnaire concernant les patients présentant un e lombosciatique.
Date d'hospitalisation : Nom : Sexe : Age : Date de naissance : Examen d'entrée : Date du début de la lombosciatique :
ATCD de lombosciatique et nombre : < ou=3 □ >3 □ côté : droit □ gauche □ trajet : L5 □ S1 □ polyradiculaire □ lumbago initial : oui □ non □ impulsivité à la toux ou à la défécation : oui □ non □ abolition d'un réflexe : oui □ non □ rotulien-achiléen Lasègue : oui □ non □ degré : signes moteurs déficitaires : oui □ non □ type : sciatique hyperalgique : oui □ non □ syndrome de la queue de cheval : oui □ non □
Explorations pratiquées avant l'hospitalisation pou r cet épisode:
imagerie : oui □ non □ radiographies : oui □ non □ date : scanner : oui □ non □ date : IRM : oui □ non □ date : résultat : H. discale □ autre □ résultat si autre :
biologie : oui □ non □ date : NFP : oui □ non □ CRP : oui □ non □ VS : oui □ non □ Si biologie, quelle anomalie constatée?
Traitements mis en place par le médecin traitant po ur cet épisode:
repos : oui □ non □ arrêt de travail : oui □ non □ antalgiques : oui □ non □ si oui palier : 1 □ 2 □ 3 □ AINS : oui □ non □ myorelaxant : oui □ non □ corticoïdes per os : oui □ non □ infiltration épidurale en ville : oui □ non □ observance oui □ non □
41
Arguments pour une lombosciatique symptomatique, d' étiologie:
Fracturaire : oui □ non □ traumatisme : oui □ non □ corticoïdes au long cours : (>6 mois) oui □ non □ ostéoporose oui □ non □
Tumorale : oui □ non □ perte de poids : oui □ non □ combien de kg ? ATCD tumoral malin : oui □ non □ échec du traitement symptomatique : oui □ non □ (mené plus de 4 semaines)
Infectieuse : oui □ non □ fièvre (temp.>37.8°C) : oui □ non □ douleur à recrudescence nocturne : oui □ non □ immunodépression : oui □ non □ HIV-diabète-autre : infection urinaire : oui □ non □ drogue IV : oui □ non □
corticoïdes : oui □ non □
Autres arguments ayant motivé la réalisation d'exam ens complémentaires :
Profession : Sport pratiqué : Interrogatoire non contributif : Démence Langage Antécédent : Autre :
Avis neurochirurgical : oui □ non □ cure de hernie : oui □ non □
Evolution : pas d'amélioration □ amélioration □ guérison □
Commentaires :
42
Bibliographie
1) Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé. L’imagerie dans la lombalgie
commune de l’adulte. ANAES Edit., Paris, Décembre 1998.
2) Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé. Recommandations pour la
pratique clinique. Lombosciatique commune. Sciatique vertébrale. Stratégie diagnostique et
thérapeutique. ANAES Édit., Paris, Novembre 1990.
3) Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé. Recommandations pour la
pratique clinique. Prise en charge diagnostique et thérapeutique des lombalgies et
lombosciatiques communes de moins de 3 mois d'évolution. ANAES Édit., Paris, Février
2000.
4) Aubry-Le Manh Carole. I.R.M.O. (Imagerie par Résonance Magnétique Obligatoire)
Réflexion sur la pratique des examens d’imagerie dans la lombalgie et la lombosciatique. 116
f. Th.:Méd:Bordeaux2:1998:3009.
5) Beauvais C, Wyber M, Chazerain P, Harboun M, Lioté F, Roucoulès J, et al. Valeur
pronostique du scanner précoce chez les patients souffrant de radiculalgie commune par
hernie discale lombaire. Etude prospective. Rev. Rhum. 2003;70:246-52.
6) Bellaïche L, Enkaoua E. Choix de l’imagerie dans la lombosciatique commune. Rev Rhum.
2004;71:77-84.
7) Boos N, Lander PH. Clinical efficacy of imaging modalities in the diagnosis of low-back
pain disorders. Eur Spine J. 1996;5:2-22.
8) Boos N, Rieder R, Schade V, Spratt KF, Semmer N, Aebi M. The diagnostic accuracy of
MR imaging, work perception and psychological factors in identifying symptomatic disk
herniations. Spine. 1995;20:2613-25.
43
9) Conférence de consensus sur l’imagerie de la sciatique vertébrale commune non opérée.
Recommandations du jury. Paris, 6-7 novembre 1990. Rev Prat. 1991;41,22:2214-17.
10) Espeland A, Baerheim A, Albrektsen G, Korsbrekke K, Larsen JL. Patients’ views on
importance and usefulness of plain radiography for low back pain. Spine 2001;26:1356-63.
11) Goupille P. Etude originale Lombo-Scan. La Revue du Praticien Médecine Générale
2004;18:648-649.
12) Hourcade S, Trèves R. Etude rétrospective concernant le scanner lombaire dans les
lombalgies et lombosciatiques dans le département de la Haute-Vienne, à propos de 132 cas.
Rev Rhum. 2002;69:1226-34.
13) Marty M. Plaidoyer contre l’imagerie précoce des lombosciatiques communes. Rev
Rhum. 2004;71:S93-5.
14) Pincus T, Vlaeyen JW, Kendall NA, von Korff MR, Kalauokalani DA, Reis S. Cognitive-
behavioral therapy and psychosocial factors in low back pain. Directions for the future. Spine.
2002;27:E133-8.
15) Scherrer A, Dufour R. Scanner lombaire et consensus : que fait-on des
recommandations ? Rev Im Med. 1993;5:39-43.
16) Thomas KB. General practice consultations : is there any point in being positive? Brit
Med J. 1987;294:1200-2.
17) Thornbury JR, Fryback DG, Turski PA, Javid MJ, McDonald JU, Beinlich BR, et al.
Disk-caused nerve compression in patients with acute low-back pain : diagnosis with MR,
CT-myelography and plain CT. Radiol. 1993;186:731-8.
18) Urbain Suzana. Etude sur la prise en charge diagnostique et thérapeutique des lombalgies
et des lombosciatiques aigues communes par les médecins généralistes. 64 f.
Th.:Méd:Paris7:2003:2015.
44
19) Valat JP. Plaidoyer pour l’imagerie précoce des lombosciatiques communes. Rev Rhum.
2004;71:S90-2.
20) Valls I, Saraux A, Goupille P, Khoreichi A, Baron D, Le Goff P. Existe-t-il des critères
prédictifs de la réalisation d’un geste radical au décours d’une hospitalisation pour
lombosciatique ? Rev Rhum. 2001;68:57-66.
21) Vroomen P, de Krom M, Wilmink, Kester AD, Konttnerus JA. Diagnostic value of
history and physical examination in patients suspected of lumbosacral nerve root
compression. J Neurol Neurosurg Psychiatry. 2002;72:630-4.
22) Weishaupt D, Zanetti M, Hodler J, Boos N. MR imaging of the lumbar spine: prevalence
of intervertebral disk extrusion and sequestration, nerve root compression, end-plate
abnormalities and osteoarthritis of the facet joints in asymptomatic volunteers. Radiol.
1998;209:661-6.
45
Résumé
Les lombosciatiques représentent un coût de santé publique important, notamment
l'imagerie, parfois inutile. De ce fait, l'ANAES a publié des recommandations en février 2000.
Il est pertinent d'étudier l'adéquation entre la pratique de médecine générale et les
recommandations sur la prescription des examens complémentaires.
Notre étude prospective a été réalisée dans un service de rhumatologie incluant des
patients pris en charge initialement en ambulatoire. Les résultats sont comparés aux
recommandations de l’ANAES selon une approche de type audit et en deux sous-groupes :
absence ou présence d'élément justifiant une exploration complémentaire.
L’étude inclus 43 patients âgés de 53,4 ans en moyenne dont 67,4% d’entre eux sont
des hommes. Ils présentent une lombosciatique évoluant en moyenne depuis 5,8 semaines.
Le premier sous-groupe comprend 30,2% des patients. Une imagerie en coupe
(scanner ou IRM) a été prescrite pour 46,2% d’entre eux. Le délai de réalisation est en
moyenne de 33,5 jours. Un tiers (23,1%) d’entre eux l’ont eu dans les délais recommandés,
c’est-à-dire pas avant 4 à 8 semaines d’évolution. De plus, 28,6% des patients ont eu des
radiographies, non justifiées. Les recommandations sont respectées pour 53,8% des patients.
Le second sous-groupe comprend 69,8% des patients. Une imagerie en coupe a été
prescrite pour 50% d’entre eux. Le délai de réalisation est en moyenne de 32,1 jours. La
prescription de radiographies (47,6%) se justifie pour 60% des patients.
Le scanner est l’examen privilégié dans les deux sous-groupes avec des fréquences
équivalentes (57,1%).
Il existe un excès d’imagerie en coupe dans le sous-groupe des lombosciatiques sans
élément ANAES justifiant une exploration complémentaire. Les différences de fréquence de
réalisation de l’imagerie et de délai de réalisation sont peu importantes dans les deux sous-
groupes. Il y a peu d’amélioration au fil du temps du respect des recommandations si ce n’est
dans la prescription de radiographies simples, qui sont actuellement moins pratiquées.
46
Summary
Sciaticas represent a heavy burden for the public health sector especially non-
necessary prescribed imaging. Consequently in February 2000 the French National Agency
for Accreditation and Health Evaluation (ANAES) published recommendations. It would be
wise to ascertain the adequacy of general medecine and recommended additionally prescribed
exams.
Prospective study conducted in a rheumatology service including initially ambulatory
admitted patients. Results were compared to ANAES recommendations following an audit
approach divided in two categories : presence or lack of ANAES factors that would justify a
complementary examination.
The study included 43 average 53,4 years old patients of wich 67,4% were male.
Patients showed a sciatica evolving on an average of 5,8 weeks prior to hospitalization.
The first category includes 30,2% of the panel. Computed Tomography (CT) or
Magnetic Resonance Imaging (MRI) were prescribed for 46,2%. The delay is on average of
33,5 days. Approximately one third (23,1%) of all imagery was conducted within the
recommended timeframe (not before 4 to 8 weeks evolution). More than 28,6% were
prescribed unnecessary radiographies. Recommendations were respected for 53,8% of the
patients.
The second category includes 69,8% of the patients. CT or MRI were prescribed for
50% of the panel. The delay is on average of 32,1 days. The prescription of radiographies
(47,6%) was justified for 60% of the patient panel, which presented symptomatic sciatica.
CT was the most used exam for both categories with equivalent frequencies (57,1%).
CT or MRI were over used for the first category lacking ANAES recommended
factors that would justify the requirement for complementary examination. The imagery
frequency difference and the timely examination are relatively similar in both categories. As
time goes, excluding radiographies, there is limited improvement in regards to
recommendations.
47
Respect of the recommendations of the French National Agency for Accreditation and Health Evaluation (ANAES), in general medicine, in the prescription of the complementary examinations of the sciaticas of less than 3 months of evolution.
Summary
Sciaticas represent a heavy burden for the public health sector especially non-
necessary prescribed imaging. Consequently in February 2000 the French National Agency
for Accreditation and Health Evaluation (ANAES) published recommendations. It would be
wise to ascertain the adequacy of general medecine and recommended additionally prescribed
exams.
Prospective study conducted in a rheumatology service including initially ambulatory
admitted patients. Results were compared to ANAES recommendations following an audit
approach divided in two categories : presence or lack of ANAES factors that would justify a
complementary examination.
The study included 43 average 53,4 years old patients of wich 67,4% were male.
Patients showed a sciatica evolving on an average of 5,8 weeks prior to hospitalization.
The first category includes 30,2% of the panel. Computed Tomography (CT) or
Magnetic Resonance Imaging (MRI) were prescribed for 46,2%. The delay is on average of
33,5 days. Approximately one third (23,1%) of all imagery was conducted within the
recommended timeframe (not before 4 to 8 weeks evolution). More than 28,6% were
prescribed unnecessary radiographies. Recommendations were respected for 53,8% of the
patients.
The second category includes 69,8% of the patients. CT or MRI were prescribed for
50% of the panel. The delay is on average of 32,1 days. The prescription of radiographies
(47,6%) was justified for 60% of the patient panel, which presented symptomatic sciatica.
CT was the most used exam for both categories with equivalent frequencies (57,1%).
CT or MRI were over used for the first category lacking ANAES recommended
factors that would justify the requirement for complementary examination. The imagery
frequency difference and the timely examination are relatively similar in both categories. As
time goes, excluding radiographies, there is limited improvement in regards to
recommendations.