Regards sur la Droite n° 33

16
R e g a r d s s u r l a d r o i t e 4 février 2014 - n° 33 Lettre éditée par la cellule Veille et Riposte du Parti socialiste É to NOTE DE VEILLE ET RIPOSTE SUR LA SITUATION DE LA DROITE ET DE L EXTRÊME-DROITE 1 Drôles de genres… La querelle sur une soi-disante introduction d’une « théorie du genre » à l’Ecole aurait dû immédiatement sombrer dans le ridicule, tant l’usage du mensonge et de l’amalgame est patent. Confondre l’explication de ce que doit être l’égalité entre les sexes, en termes de droit et de capacités - conformément à ce que prescrivent les grandes Déclarations des Droits de l’Homme- avec l’unication des sexes, est évidemment plus que tendan- cieux, et relève de la malhonnêteté intellectuelle. Mais, il ne s’agit justement pas d’un débat rationnel… La presse a fort bien montré - et cela n’a pas été démenti - qu’il s’agissait d’une manipulation politique. Née dans le cadre de l’UNI, elle a été reprise par le cercle réuni autour d’Al ain Soral, antisémite et anti-répu- blicain, dont Dieudonné s’est fait récemment le porte-parole. Plus grave, cette rumeur po- litique a été amalgamée avec les critiques virulentes, sur les lois et les projets de loi du gouvernement, qui mènent des groupes extrémistes, « Jours de colère », la semaine der- nière, des mouvements religieux, pas seulement catholiques, pour l’essentiel, « La Mani- festation pour tous », ce dernier dimanche. Là aussi, comptent plus les procès d’intention - comme le monte le phant asme sur la GPA, qui ne fait pas partie de la loi sur la famille - que les réalités. Bien-sûr, les contradictions ne manquent pas dans ces mouvements et tous ne partagent pas les mêmes convictions politiques. Le caractère « ligueur » - ou di- rions-nous aujourd’hui, « Tea party » - est cependant visible. Cela explique les atermoie- ments de l’UMP qui ne sait pas trop comment prendre ce mouvement, qui peut les renvoyer vers un « corner » réactionnaire, et qui, comme sur presque tous les autres su-  jets, se divise - ne trouvant une unité toutefois qu’ en confortant tout ce qui peut nui re au gouvernement. La question est donc de savoir ce que nous devons faire. Notre premier devoir est de de- meurer ferme sur ce que sont les valeurs de la République. Ce ne sont pas des abstrac- tions. Ce sont les principes - la dignité de l’homme, la liberté et l’égalité, la laïcité, la fraternité, le refus de toutes les discriminations - qui ont permis les progrès humains, qui font la qualité de notre vie démocratique. Ils ne vont pas sans débats et sans combats. Ils doivent être pour cela clairement revendiqués et explicités. Les attaques contre l’Education nationale doivent nous trouver au premier rang pour la défendre et la promouvoir . Notre second devoir est de mener un grand débat national - c’est le rôle éminent du Parti so- cialiste - pour mettre toutes les forces politiques républicaines devant leurs responsabi- lités civiques. Ce que doit être une société démocratique, qui unit l’individuel et le collectif, détermine ce qui est commun et ce qui est particulier, est aujourd’hui fondamental pour l’équilibre même de la société française. Alain BERGOUNIOUX

Transcript of Regards sur la Droite n° 33

Page 1: Regards sur la Droite n° 33

8/13/2019 Regards sur la Droite n° 33

http://slidepdf.com/reader/full/regards-sur-la-droite-n-33 1/16

Regar

dssu

rlad

roite

4 février 2014 - n° 33

Lettre éditéepar la cellule Veille et Ripostedu Parti socialiste

É to

NOTE DE VEILLE ET RIPOSTE SUR LA SITUATION DE LA DROITE ET DE L !EXTRÊME-DROITE 1

Drôles de genres…

La querelle sur une soi-disante introduction d’une « théorie du genre » à l’Ecole aurait dûimmédiatement sombrer dans le ridicule, tant l’usage du mensonge et de l’amalgameest patent. Confondre l’explication de ce que doit être l’égalité entre les sexes, en termesde droit et de capacités - conformément à ce que prescrivent les grandes Déclarationsdes Droits de l’Homme- avec l’unification des sexes, est évidemment plus que tendan-cieux, et relève de la malhonnêteté intellectuelle.

Mais, il ne s’agit justement pas d’un débat rationnel… La presse a fort bien montré -et cela n’a pas été démenti - qu’il s’agissait d’une manipulation politique. Née dans le cadrede l’UNI, elle a été reprise par le cercle réuni autour d’Alain Soral, antisémite et anti-répu-blicain, dont Dieudonné s’est fait récemment le porte-parole. Plus grave, cette rumeur po-

litique a été amalgamée avec les critiques virulentes, sur les lois et les projets de loi dugouvernement, qui mènent des groupes extrémistes, « Jours de colère », la semaine der-nière, des mouvements religieux, pas seulement catholiques, pour l’essentiel, « La Mani-festation pour tous », ce dernier dimanche. Là aussi, comptent plus les procès d’intention- comme le monte le phantasme sur la GPA, qui ne fait pas partie de la loi sur la famille -que les réalités. Bien-sûr, les contradictions ne manquent pas dans ces mouvements ettous ne partagent pas les mêmes convictions politiques. Le caractère « ligueur » - ou di-rions-nous aujourd’hui, « Tea party » - est cependant visible. Cela explique les atermoie-ments de l’UMP qui ne sait pas trop comment prendre ce mouvement, qui peut lesrenvoyer vers un « corner » réactionnaire, et qui, comme sur presque tous les autres su- jets, se divise - ne trouvant une unité toutefois qu’en confortant tout ce qui peut nuire augouvernement.

La question est donc de savoir ce que nous devons faire. Notre premier devoir est de de-meurer ferme sur ce que sont les valeurs de la République. Ce ne sont pas des abstrac-tions. Ce sont les principes - la dignité de l’homme, la liberté et l’égalité, la laïcité, lafraternité, le refus de toutes les discriminations - qui ont permis les progrès humains, quifont la qualité de notre vie démocratique. Ils ne vont pas sans débats et sans combats. Ilsdoivent être pour cela clairement revendiqués et explicités. Les attaques contre l’Educationnationale doivent nous trouver au premier rang pour la défendre et la promouvoir. Notresecond devoir est de mener un grand débat national - c’est le rôle éminent du Parti so-cialiste - pour mettre toutes les forces politiques républicaines devant leurs responsabi-lités civiques. Ce que doit être une société démocratique, qui unit l’individuel et le collectif,détermine ce qui est commun et ce qui est particulier, est aujourd’hui fondamental pour 

l’équilibre même de la société française.Alain BERGOUNIOUX

Page 2: Regards sur la Droite n° 33

8/13/2019 Regards sur la Droite n° 33

http://slidepdf.com/reader/full/regards-sur-la-droite-n-33 2/16

 L’UMP entérine sa « dérive » néo-libérale

Le conseil national de l'UMP a confirmé la dan-gerosité de ses propositions économiques et so-ciales. Celles-ci correspondent à une vraie dérive"néo-libérale", dont chacun doit bien mesurer l'ampleur et le sens. Elles montrent, s'il en étaitbesoin, la réalité des oppositions droite/gauche,à un moment où certains feignent d'en douter.

Des propositions dogmatiques. Tout d'abord,l'UMP réitère sa volonté de mettre fin aux35 heures hebdomadaires de travail. Cette dé-marche aurait pourtant des conséquences trèsnégatives pour les salariés, contraints ainsi detravailler plus pour gagner beaucoup moins.Elle se traduirait très vite par un surcroît de chô-mage et de précarité, une baisse importante dusalaire horaire et une désorganisation de nom-breuses entreprises qui pratiquent les « 35heures », depuis plus de 15 ans.

L’UMP continue de dénoncerce qu'elle appelle l'assistanat.Cette formule vise à justifier,dans l'esprit de la droite, l'idéed'une diminution drastique desallocations chômage ; comme

 si les chômeurs étaient respon-

 sables du taux de chômage,et des plans de licenciements.

La réduction de la durée hebdomadaire du tra-vail s'est en eff et accompagnée d'une dizainede milliers de négociations locales, à l'échelle del'entreprise. Elle a renforcé la productivité desentreprises et créé ou généré quelque 400 000emplois. Elle a, en outre, correspondu à une pé-riode d'embellie économique. En 5 ans, sous lamandature de Lionel Jospin, Premier Ministre,

plus de 2 millions d'emplois ont été créés, soitautant que sur la période 1969-1997. La réduc-

tion du temps de travail hebdomadaire a éga-lement permis souvent de mieux concilier vieprofessionnelle et vie familiale. En ce sens, cetteréforme s'inspirait d'un vrai projet de société, etd'une vraie réponse aux conséquences des in-vestissements nécessaires de productivité.La droite UMP démontre, une fois encore, sonmépris pour le compromis social et pour les re-

présentants du monde du travail, ainsi que sonauthentique méconnaissance des réalités duterrain.L'UMP confirme son intention de réduire de 130milliards en 4 ans, les dépenses publiques. Cettelogique doit être mise en regard de son bilan.Elle s'est, en eff et, révélée incapable de maîtriser les dépenses publiques, au cours des dix an-nées d'exercice ininterrompu du pouvoir. Elle amême laissé filer les dépenses fiscales, en mul-tipliant les avantages accordés à ses clientèleshabituelles. En une décennie, de 2002 à 2012, lesniches fiscales ont été multipliées par deux.Cette stratégie de réduction brutale de 6,5 pointsde PIB des dépenses publiques se traduirait par l'aff aissement de l'investissement public, descommandes publiques et de nombreux ser-vices publics. Elle ajouterait la crise à la crise.D'ailleurs, certains responsables de l'UMP,comme François Baroin, ou Alain Juppé, émet-tent de sérieux doutes vis-à-vis de telles an-nonces, et prennent leurs distances. Chacunmesure déjà la difficulté à pratiquer 50 milliards

d'économies nécessaires, d'ici à 2017, comme legouvernement de la gauche s'y est engagé.

La guerre aux chômeurs. En outre, le parti de Jean-François Copé continue de dénoncer cequ'elle appelle l'assistanat. Cette formule vise à

 justifier, dans l'esprit de la droite, l'idée d'une di-minution drastique des allocations chômage ;comme si les chômeurs étaient responsablesdu taux de chômage, et des plans de licencie-ments.

A ce sujet il faut préciser que l'assurance-chô-mage relève d'un mécanisme « assurantiel ».

2 NOTE DE VEILLE ET RIPOSTE SUR LA SITUATION DE LA DROITE ET DE L!EXTRÊME-DROITE

Page 3: Regards sur la Droite n° 33

8/13/2019 Regards sur la Droite n° 33

http://slidepdf.com/reader/full/regards-sur-la-droite-n-33 3/16

Ainsi, la prestation accordée aux chômeurs re-présente la contrepartie des cotisations obliga-toires versées au cours de l'activitéprofessionnelle salariée. Ce mécanismed'amortisseur de crise a été instauré à l'insti-

gation de Georges Pompidou, Premier minis-tre, en 1967, avec l'accord des partenairessociaux.Aujourd'hui, tous les partenaires sociaux sem-blent s'accorder pour éviter, lors de la renégo-ciation qui s'engage, une réduction del'indemnisation des chômeurs. Même leMEDEF, tenté initialement par la perspectived'une forme de dégressivité dans la durée desindemnités de chômage, semble avoir re-noncé à la pertinence de la proposition. Il est

vrai que moins de 50 % des chômeurs bénéfi-cient d'une indemnisation correcte et adaptéede la part des ASSEDIC et que 25 % d'entre euxsont exclus de toute prise en charge.Il convient de lutter activement pour l'emploi,ce que fait le gouvernement de la gauche, àl'aide d'une grande diversité d'outils, et non delutter contre les chômeurs, au nom d'on nesait quelle double peine. Personne ne doit res-ter au bord du chemin, pour des raisons hu-maines mais aussi pour des motifséconomiques et sociaux. La cohésion socialeest toujours préférable à l'exclusion et à la pau-vreté dans une République « démocratique etsociale ».

Impasses et contradictions. D'ailleurs, cettepolitique économique ne rencontre pas l'una-nimité au sein de l'UMP. Certains, comme Alain

 Juppé ou François Baroin, ont exprimé leur malaise devant cette surenchère « libérale ». Ilsperçoivent une erreur de timing, plus de 3 ansavant l'échéance de 2017. L'expression de cette

réserve rejoint leur appréciation du pacte destabilité. En fait, ils affirment peu à peu une

stratégie économique divergente pour assu-mer le double impératif du redressement pro-ductif et du rétablissement des comptespublics, même s'ils demeurent en large désac-cord avec la gauche

 À l'évidence, nous sommestoujours en présence d'unedroite sans stratégie, sansunité et sans leader. Autant dire que les stigmates de ladéfaite du printemps 2012,et du congrès raté de novem-

bre 2012 persistent encore et toujours.

Plus grave encore : l'incapacité du Conseil na-tional de l'UMP à aborder résolument la ques-tion du projet européen. Il parait pourtantdifficile d'établir une stratégie économique etfiscale efficiente, tout en pratiquant l'impassesur les enjeux et défis européens. Cette impuis-sance traduit à la fois une certaine immaturitéet beaucoup de malentendus. En clair, l'UMPréunit un conseil national pour, entre autresobjectifs, investir des candidats aux électionseuropéennes, s'interdit la moindre initiative, entermes de propositions et de programme eu-ropéen, par crainte des contradictions et despolémiques internes.À l'évidence, nous sommes toujours en pré-sence d'une droite sans stratégie, sans unité etsans leader. Autant dire que les stigmates dela défaite du printemps 2012, et du congrèsraté de novembre 2012 persistent encore et

toujours.

NOTE DE VEILLE ET RIPOSTE SUR LA SITUATION DE LA DROITE ET DE L !EXTRÊME-DROITE 3

Page 4: Regards sur la Droite n° 33

8/13/2019 Regards sur la Droite n° 33

http://slidepdf.com/reader/full/regards-sur-la-droite-n-33 4/16

Quelle est votre lecture de la manifestationdu 26 janvier dernier, à l’appel du collectif « Jour de colère » ?Elle a été instrumentalisée par le syndic de dé-fense des activistes qui ont battu le pavé lors dela Manif pour tous. Ils se revendiquent d’unedroite radicalisée, qui s’est jointe au cortège desgroupes traditionnels de l’extrême droite, en se re-

connaissant pleinement dans l’idéologie du dé-clin et du procès en illégitimité de la gauche aupouvoir.En admettant que le nombre de participants aitatteint le seuil de 20 000, c’est cinq fois plus qu’àla fête de Jeanne d’Arc, organisée par le Front na-tional, place de l’Opéra. Ce qui est beaucoup pour un mouvement qui n’a ni direction, ni organisa-tion véritable. Il s’agit là d’une agglomération degroupuscules, incluant d’anciens membres radi-calisés de l’UMP, tels que Christian Vanneste, desamis de Christine Boutin, se revendiquant de lafrange catholique conservatrice, des identitaires,

et toutes sortes de groupes libérés par le FN. Sansoublier ces mouvements anti-fiscalistes, dont lesrelais et les cadres sont issus du peuple activistede droite et d’extrême droite.Ceci n’est naturellement pas très encourageant,dans la mesure où les partis de la droite républi-caine ne les canalisent plus. La victoire de Fran-çois Hollande, le 6 mai 2012, et le départ de

Nicolas Sarkozy leur ont donné l’occasion de s’ex-primer librement, en menant une guerre frontalecontre la gauche et les risques prétendument « ci-vilisationnels » qu’elle ferait peser sur le pays.

Pourquoi la droite républicaine se retrouve-t-elle, aujourd’hui, dans l’incapacité d’endiguerla montée en puissance de ces mouvementscontestataires et identitaires ?Les raisons sont multiples. Pour commencer, il ya clairement une rupture entre les élites et le peu-ple de droite. Lequel se radicalise beaucoup plusvite que ses dirigeants, jugés peu crédibles. Si Luc

4 NOTE DE VEILLE ET RIPOSTE SUR LA SITUATION DE LA DROITE ET DE L!EXTRÊME-DROITE

 APRÈS LA MANIFESTATION DU 26 JANVIER 

« La contestation des élites par la basenourrit le terreau des identitaires »

Gaël Brustier est politologue, associé

au Cevipol à l’Université libre de Bruxelles. Militantsocialiste, il est notamment co-auteur de Voyage aubout de la droite et travaille sur les réseaux du mou-vement Manif pour tous. Il réagit après la manifesta-tion du 26 janvier, à Paris, à l’appel du collectif « Jour de colère ».

Page 5: Regards sur la Droite n° 33

8/13/2019 Regards sur la Droite n° 33

http://slidepdf.com/reader/full/regards-sur-la-droite-n-33 5/16

Page 6: Regards sur la Droite n° 33

8/13/2019 Regards sur la Droite n° 33

http://slidepdf.com/reader/full/regards-sur-la-droite-n-33 6/16

6 NOTE DE VEILLE ET RIPOSTE SUR LA SITUATION DE LA DROITE ET DE L!EXTRÊME-DROITE

L'épisode de la nécessaire modernisation de laloi Veil, relative à l'Interruption volontaire degrossesse (IVG) à la faveur de l'adoption d'unprojet de loi sur l'égalité homme/femme a denouveau suscité la perturbation et la crispationau sein de la droite parlementaire, ainsi qu'unemultiplication de déclarations malheureuse-

ment révélatrices.

Les attaques les plus terribleset les plus acérées contre

 Simone Veil, dans la presse et dans l'hémicycle sont venuesde la majorité des députés UDR,ancêtre du RPR, puis de l'UMP,

et d'une fraction non négligea-ble des Républicains Indépen-dants (RI), parti fondé quelquesannées plus tôt par Valéry Gis-card d'Estaing.

Des réserves qui viennent de loin. La loi Veila été élaborée et votée au début de l'année 1975,sous l'autorité de la ministre de la Santé del'époque, à l'instigation du gouvernement Chi-rac, en accord avec les engagements présiden-tiels de Valéry Giscard d'Estaing, alors Présidentde la République.Ce projet de loi a fait l'objet d'une bataille poli-tique et parlementaire de plusieurs semaines,en particulier à l'Assemblée nationale. Celle-cin'opposait pas la droite à la gauche, mais es-sentiellement la tendance libérale des conser-vateurs à l'aile autoritaire et crispée de ceux-ci.Les attaques les plus terribles et les plus acéréescontre Simone Veil, dans la presse et dans l'hé-

micycle sont venues de la majorité des députésUDR, ancêtre du RPR, puis de l'UMP, et d'une

fraction non négligeable des Républicains Indé-pendants (RI), parti fondé quelques années plustôt par Valéry Giscard d'Estaing.Au final, cette loi a été adoptée avec le concoursdécisif des 120 députés socialistes et des 80 dé-putés communistes. Sans cet apport unanimede la gauche, le texte aurait été repoussé par la

majorité des députés UDR et RI, qui représen-taient au total 280 sièges.Cet épisode en dit long, rétrospectivement, sur l'état d'esprit constant de la droite sur cettequestion. Les mêmes tensions étaient apparuesau moment du débat sur la loi Neuwirth, en1967 ; elles se sont de nouveau manifestées demanière similaire au moment de l'examen dutexte relatif au PACS, en 1999, puis plus récem-ment encore à l'occasion de la réforme portantsur le mariage pour tous.

Une droite crispée et divisée. Face au projetd'amendement de la loi Veil, visant principale-ment, à abandonner la notion de "détresse"pour justifier d'un recours à l'interruption volon-taire de grossesse, la droite de François Fillon àChristian Jacob, a utilisé les mêmes réserves, lesmêmes arguments, recouru aux mêmes amal-games, voire aux mêmes artifices polémiques.Au point d'emprunter à la rhétorique dévelop-pée par l'extrême droite sur le risque supposéde banalisation de l'avortement. Cette objectionparait pourtant d'autant plus décalée et fausseque Simone Veil avait concédé la notion de "dé-tresse" pendant le débat parlementaire, pour des raisons tactiques. Cette notion ne figuraitpas dans le texte initial acté en Conseil des mi-nistres.En fait, la droite exprime toujours la même diffi-culté à accorder sa confiance aux femmes, à ac-cepter le principe de libre disposition de leur corps, à admettre la plénitude de l'émancipa-tion individuelle, en responsabilité. L'idée de dé-

cision en pleine responsabilité n'est pourtantpas contradictoire avec celle de la reconnais-

 IVG : les contradictions

de la droite.

Page 7: Regards sur la Droite n° 33

8/13/2019 Regards sur la Droite n° 33

http://slidepdf.com/reader/full/regards-sur-la-droite-n-33 7/16

sance de la gravité de l'acte d'interruption volon-taire de grossesse. C'est précisément parce quecette décision est grave, qu'elle doit être prise par chaque femme, en peine responsabilité, sans

pression ni entrave, d'aucune sorte.La droite en agissant en fonction de réflexes dusiècle dernier a montré son incapacité à évoluer,son refus d'une démarche d'émancipation, son at-tirance pour les comportements culpabilisateurs.Elle a aussi montré ses divisions, puisque legroupe UMP s'est finalement scindé lors du voteen séance.

Un parfum de revanche. Pire, certains parle-mentaires UMP ont été autorisés à déposer des

amendements visant à supprimer purement etsimplement, le remboursement de l'IVG par la Sé-curité sociale. Comme si l'interruption volontairede grossesse pouvait être vécue et considéréecomme une décision de confort ou de conve-nance personnelle. Cette initiative révèle l'ampleur du divorce constaté avec l'approche d'une largemajorité de la société – 78 %, selon certains son-dages - qui approuve, sans ambiguïté, l'amende-ment de la loi Veil, tout en en confortant laphilosophie profonde : étendre et respecter le droit

des femmes, au nom de l'égalité. Elle a d'ailleurspar cette démarche d'arrière-garde, suscité «l'écœurement » y compris de parlementaires clas-sés à droite, à l'instar de Bernard Debré.

Certains parlementaires UMPont été autorisés à déposer desamendements visant à suppri-mer purement et simplement,le remboursement de l'IVG parla Sécurité sociale. Comme sil'interruption volontaire de gros-

 sesse pouvait être vécue et consi-dérée comme une décision deconfort ou de convenance per-

 sonnelle.Il est vrai qu'une partie de la droite française ap-parait de plus en plus sensible aux thèmes socié-taux développés par l'extrême droite, au sein d'uncourant éminemment rétrograde porté au-

 jourd'hui par la vieille droite Espagnole. Car la po-lémique vécue en France à l'occasion de ce débatrencontre une vraie correspondance au plan eu-ropéen. Il s'agira à n'en pas douter, d'un clivagemajeur entre la droite et la gauche, entre les forces

de progrès et celles de la régression, lors du pro-chain scrutin européen du printemps 2014..

NOTE DE VEILLE ET RIPOSTE SUR LA SITUATION DE LA DROITE ET DE L !EXTRÊME-DROITE 7

Page 8: Regards sur la Droite n° 33

8/13/2019 Regards sur la Droite n° 33

http://slidepdf.com/reader/full/regards-sur-la-droite-n-33 8/16

Un taux de chômage de l’ordre de 15,5 %, plu-sieurs milliers de logements vacants, un cen-tre-ville déserté… Le bilan de la droite à la têtede la municipalité est plus que médiocre. Toutpourrait ne pas aller si mal, pourtant. Aucunsecteur ne souff re véritablement, même siaucun n’a décollé significativement au coursdes dernières années.Le tourisme, porté par le Cap d’Agde, et l’agri-culture restent les locomotives locales et atti-rent de nombreux travailleurs saisonniers,issus des quatre coins de l’hexagone.

Dans le centre-ville, un com-merce sur deux est fermé.Certains ont même été murés

 pour empêcher les squatteurs.Les panneaux « À vendre » ou

 « À louer » se multiplient aux  fenêtres de façades décrépies.

Les citadins désertent lesruelles étroites, passé vingt heures. Le centre est occupé

 par les populations les plus pauvres, issues, pour la plu- part, de l’immigration maghré-bine ou gitane.

Ces secteurs, pas plus que l’économie résiden-

tielle, ne suffisent, toutefois, à lutter efficace-ment contre le chômage de longue durée. Tant

et si bien qu’un Biterrois sur six se trouve, au- jourd’hui, au RSA. Pis, certains inactifs perdentle sens du travail, au point d’en oublier, parfois,les règles les plus élémentaires. Tant et si bienque cette portion du territoire sur laquelle lesrevenus sont les plus faibles de France, cèdepeu à peu à la pauvreté. Avec, pour consé-quence inéluctable, ce sentiment d’abandon etde rancœur qui nourrit, ici comme ailleurs,l’abstention et le vote frontiste.

Menace frontiste. Dans le centre-ville, uncommerce sur deux est fermé. Certains ont

même été murés pour empêcher les squat-teurs. Les panneaux « À vendre » ou « À louer »se multiplient aux fenêtres de façades décré-pies. Les citadins désertent les ruelles étroites,passé vingt heures. Le centre est occupé par lespopulations les plus pauvres, issues, pour laplupart, de l’immigration maghrébine ou gi-tane. De quoi alimenter un peu plus encore unracisme larvé et un vote Bleu Marine qui necesse de progresser.Le FN y a souvent fait des scores importants,

mais jamais sur des scrutins locaux.  « Cette fois-ci, tout laisse à penser qu’il pourrait être plus haut », prévient Jean-Michel Du Plaa, can-didat (PS) à l’élection municipale. Ce, d’autantplus que son représentant sur la ville, RobertMénard, est crédité de 35 % des intentions devote dans un sondage Ifop-Fiducial, réalisé ennovembre dernier, pour le compte du Midi Libreet Sud Radio. Un point seulement derrièrel’UMP. L’enfant prodige, celui qui a grandi à Bé-ziers, engrange les soutiens.  « Il s’est d’abord

 présenté comme un candidat apolitique, sou-cieux de se maintenir au-dessus des partis, sou-

8 NOTE DE VEILLE ET RIPOSTE SUR LA SITUATION DE LA DROITE ET DE L!EXTRÊME-DROITE

 Béziers : une élection à hauts

 risques ! Élu au terme d’une primaire citoyenne, à Béziers, Jean-Michel Du Plaa incarne les espoirs du Parti socialiste et de la gauche, dans la seconde commune de l’Hérault. À l’heure où 7 à 8 000 loge-ments restent vacants, d’importants e ff orts de construction et de rénovation paraissent indis- pensables pour redonner espoir aux populations les plus fragiles et endiguer la montée en puissance du Front national qui fait son miel du sentiment d’abandon et d’insécurité, qui règneactuellement sur la ville.

Page 9: Regards sur la Droite n° 33

8/13/2019 Regards sur la Droite n° 33

http://slidepdf.com/reader/full/regards-sur-la-droite-n-33 9/16

ligne Hussein Bourgi, Premier secrétaire fédéralde l’Hérault. Nicolas Dupont-Aignan lui a apporté

 son soutien, ainsi que Christian Vanneste, prési-dent du Rassemblement pour la France (RPF) et 

ex-député du Nord, qui a perdu son investitureaprès des propos polémiques sur la déportationdes homosexuels pendant la Seconde Guerremondiale, et le Front national, même s’il sedéfend d’en posséder la carte. » Ce qui ne l’a pasempêché d’accueillir Marine Le Pen en personne,à la mi-janvier, sur le tarmac de l’aéroport deMontpellier, et de l’accompagner, dans la foulée, àSète, où elle était en visite pour la journée. « Qu’ille veuille ou non, il est le candidat du rassemble-ment Bleu Marine et du FN. Beaucoup de ses sou-

tiens et de sa garde rapprochée sont issus,d’ailleurs, des rangs de l’extrême droite, de Debout la République (DLR) et de Famille et Liberté. »À la tête d’une liste composite, le fondateur de Re-porters sans frontière prétend vouloir sauver Bé-ziers de la ruine, jugeant urgent de remettre del’ordre dans la ville. Usant de tous les poncifs, ilnourrit des liens étroits avec la mouvance du Blocidentitaire, qui ne cesse de brocarder le caractèredésagrégateur du multiculturalisme, qu’il com-bat sous toutes ses formes. « Pour Béziers, nousavons la même vision, clame fièrement NicolasDupont-Aignan, son autre allié. Mettre la priorité

 sur la sécurité, en finir avec le communauta-risme, réinstaurer une gestion saine et transpa-rente. »

Magouilles à l’UMP. Il y a la marge, d’autant quepersonne n’est dupe du tour de passe-passe dusénateur-maire UMP, Raymond Couderc, qui aenvoyé son premier adjoint, Elie Aboud, se pré-senter, alors qu’il lorgne la vice-présidence de lacommunauté d’agglo Béziers Méditerranée, pro-

fitant ainsi du transfert des compétences de laville à l’intercommunalité qui lui assurerait, encas d’élection, des pouvoirs étendus. « Cette stra-tégie déplait fortement aux électeurs, tacle Hus-sein Bourgi. Le rejet est patent. Il se traduit par une véritable lame de fond contre la droite et le

 parti de Jean-François Copé. »Pour déplaisante qu’elle soit, cette stratégierésulte de l’usure et du rejet de l’équipe sortante.

 « Tout le monde s’accorde pour pointer l’échec dela liste que Couderc a dirigée depuis 1995, renché-

rit Hussein Bourgi. Quant à Elie Aboud, nul n’est dupe, il est comptable de ce bilan désastreux ! »

Récemment élu député, à la tête de la sixième cir-conscription de l’Hérault, ce sarkozyste bon teintlorgne le leadership de la droite régionale, aprèsavoir envisagé, un temps, de se présenter à l’élec-

tion municipale de Montpellier.

 « Jean-Michel Du Plaa était,de loin, celui qui semblait le plusau fait des enjeux, des problé-matiques et des projets pourBéziers, face à une droite qui est dans le déni permanent et une

extrême droite, dont les proposi-tions sont en décalage avec lesréalités locales.. » HusseinBourgi .

 Alternative socialiste. À distance, Jean-MichelDu Plaa observe le duo Ménard-Aboud se livrer coup pour coup sur les réseaux sociaux. Au PS,l’union s’est faite autour de son nom pour défen-dre les couleurs du Parti, les 23 et 30 mars pro-

chains. Au terme de primaires citoyennes, dontl’objectif était de dépasser le  « patriotisme de

 section » pour parvenir à un « patriotisme muni-cipal », selon les propres termes d’HusseinBourgi, militants et sympathisants ont su dépas-ser les tensions qui ont longtemps prévalu, àl’échelle locale et départementale. Avec un corpsélectoral unique, dont l’ambition était de dépas-ser tout palmarès du « oui » ou du « non », néces-sairement clivant. « Cet exercice avait vocation àinciter nos électeurs à prendre part au processus

et à accepter le résultat des primaires, au termed’un long processus démocratique », précise Hus-sein Bourgi.Passé le temps de l’explication, du débat et du ré-férendum interne, le vice-président (PS) duConseil général a emporté la mise face à son col-lègue du conseil municipal, Pierre Callamand, quia fait le choix de soutenir le candidat socialiste,au soir du premier tour, au même titre qu’EuropeÉcologie Les Verts (EELV). Seule la liste du Frontde Gauche, animée par Aimé Couquet manque àl’appel. « La gauche sera divisée au premier tour ,regrette le Premier secrétaire fédéral socialiste. LeFdG se trompe d’élection. Ce n’est pas en tapant sur 

NOTE DE VEILLE ET RIPOSTE SUR LA SITUATION DE LA DROITE ET DE L !EXTRÊME-DROITE 9

Page 10: Regards sur la Droite n° 33

8/13/2019 Regards sur la Droite n° 33

http://slidepdf.com/reader/full/regards-sur-la-droite-n-33 10/16

le gouvernement et l’austérité, en voulant natio-naliser, la campagne des municipales qu’il ob-tiendra des inflexions de la politique menée par Matignon. Cette surenchère ne nous empêchera

 pas de nous rassembler au soir du premier 

tour. »Scénario le plus probable, une triangulaire, op-posant les candidats de l’UMP, du FN et de laGauche au second tour. Un premier débat a op-posé les diff érents prétendants à la successionde Raymond Couderc sur France 3 : « Jean-Mi-chel Du Plaa était, de loin, celui qui semblait le

 plus au fait des enjeux, des problématiqueset des projets pour Béziers, face à une droite quiest dans le déni permanent et une extrêmedroite, dont les propositions sont en décalageavec les réalités locales, confie Hussein Bourgi .Elie Aboud s’est montré ainsi incapable de pré-ciser le montant d’un point de fiscalité, à Béziers.

 » Franchement ennuyeux pour ce parlemen-taire qui occupe le mandat de Premier adjointsur la ville.

La ville fonctionne aujourd’huià deux vitesses : d’un côté, il y aceux qui vivent dans des quar-

tiers cossus et résidentiels. Ilsconstituent la base de l’électorat de droite. De l’autre, les laissés-

 pour-compte, qui résident dansdes quartiers vétustes et ou-blient de se rendre dans lesurnes.

Sortir Béziers de l’impasse ! Vice-président duConseil général du Languedoc, en charge del’action sociale et de la solidarité, le prétendantsocialiste domine parfaitement son sujet. Avecdes projets plein la tête. « Il faudra redonner vieau centre-ville qui a été vidé par la créationd’une zone franche à l’Iranget et l’implantationdu centre commercial du Polygone, à l’Hours,énonce-t-il. La première priorité sera le loge-ment. Entre 7 000 et 8 000 logements sont va-cants, certains n’étant pas habitables. Il faudradonc démolir certains îlots. Mais aussi utiliser 

le programme « rénover pour louer ». La ville l’a fait avec la loi Malraux, mais ce processus de

défiscalisation n’a pas eu les e ff ets escomptés. Aujourd’hui, l’état du parc locatif est tel que seules les populations les plus fragiles vivent encentre-ville. Ça ne fait pas marcher le commerceet les classes moyennes sont les premières à

 partir. » Au même titre que les commerçants,qui ferment boutiques…  « Le seul projet de lamunicipalité a consisté à construire le Polygoneaux portes de la ville, qui n’accueille que des

 franchises, en mettant à mal les commerces de proximité en centre-ville » , s’emporte HusseinBourgi. Cette situation s’est traduite par une pré-carisation de la population, dont une grandepartie est atteinte par le grand âge et souff red’un sentiment d’isolement et d’abandon. Sansparler de ces bénéficiaires de minima sociaux,de plus en plus nombreux, qui éprouvent lespires difficultés pour boucler leurs fins de mois.

 « Au point qu’ils ne vont plus voter !, soupire lePremier secrétaire fédéral. Tant et si bien que laville fonctionne aujourd’hui à deux vitesses : d’un côté, il y a ceux qui vivent dans des quar-tiers cossus et résidentiels. Ils constituent labase de l’électorat de droite. De l’autre, les lais-

 sés-pour-compte, qui résident dans des quar-tiers vétustes et oublient de se rendre dans lesurnes. »

 Jean-Michel Du Plaa le sait mieux que qui-

conque.  « Aujourd’hui, la mairie fait le mini-mum légal dans les écoles, alors qu’il faudrait 

 faire plus pour o ff rir un maximum de chancesà ceux qui en ont besoin, déplore-t-il. Je n’oublie

 pas, non plus, les aînés. Il y a beaucoup à faire pour améliorer leurs conditions de vie. Enfin, il faudra réaliser un travail sur le patrimoine. »Tout reste à faire pour redonner vie à la cité bi-terroise et convaincre les abstentionnistes, ma-

 joritairement à gauche, de se mobiliser.Militants et élus occupent donc le terrain…

Chaque soir, ils arpentent la ville, au gré d’unecampagne de porte-à-porte. Interpellent lesélecteurs. Tentent de les convaincre de la néces-sité d’un changement, au profit du candidat so-cialiste…  « Les marges de progression sont denotre côté, il faut donc redoubler d’e ff orts, ré-sume Hussein Bourgi. Nos troupes ont prisconscience de la gravité de la situation. Rien ne

 sera simple, mais il y a une fenêtre de tir. Il netient qu’à nous de saisir notre chance ! »

10 NOTE DE VEILLE ET RIPOSTE SUR LA SITUATION DE LA DROITE ET DE L!EXTRÊME-DROITE

Page 11: Regards sur la Droite n° 33

8/13/2019 Regards sur la Droite n° 33

http://slidepdf.com/reader/full/regards-sur-la-droite-n-33 11/16

 À moins de deux mois des élections munici-pales, quelle est la situation politique, à Bé-ziers ?La droite tient les commandes depuis dix-neuf ans, dans une citadelle qui a un long passé radi-cal. Entre-temps, n’y a eu que deux majorités te-nues par la gauche, avec une liste d’unionconduite par le communiste, Paul Balmigère(1977-1983), et celle dirigée par le député socia-

liste, Alain Barrau (1989-1995). Béziers n’est doncpas une terre acquise à notre famille de pensée.Ce d’autant plus que la crise viticole et le vieillis-sement de la population ont accentué le caractèreconservateur de la cité.La porosité entre la droite et l’extrême droite y estfréquente. Jusqu’alors, le FN y enregistrait des ré-sultats élevés, dans le cadre des scrutins natio-naux, tutoyant même la barre des 30 %, maisplutôt faibles, lors des municipales (moins de 10% des suff rages). L’irruption, dans la campagne,de Robert Ménard, est un phénomène nouveau.Avec une stratégie similaire à celle de Gilbert Col-

lard dans le Gard. Deux personnalités non encar-tées, mais que le FN a tout intérêt à soutenir pour élargir sa base. Sans compter que Robert Ménardpossède une importante surface médiatique et denombreux réseaux. Sans le soutien du parti deMarine Le Pen, il ne serait, cependant, pas en ca-pacité d’obtenir un résultat élevé. Dès lors qu’il apu compter sur celui-ci, sa campagne s’est accé-lérée, au point de provoquer un vent de panique

au sein de la majorité municipale et d’inciter le sé-nateur-maire, Raymond Couderc, à céder sa placeà son premier adjoint. Manière, surtout, de faireoublier son impopularité grandissante, liée à ladégradation de la ville.

Dans quel état jugez-vous la ville de Béziers,aujourd’hui ?La ville est en crise, avec un niveau de chômagerecord et une hausse spectaculaire de la précarité: 32 % de la population se situe ainsi en-dessousdu seuil de pauvreté. Lequel peut atteindre 40 %dans certains quartiers du centre-ville ancien.

NOTE DE VEILLE ET RIPOSTE SUR LA SITUATION DE LA DROITE ET DE L !EXTRÊME-DROITE 11

POINT DE VUE

« Notre problème n’est pas tant de combat-tre la droite et l’extrême droite que de mobili-ser notre électorat »

 Jean-Michel Du Plaa candidat

socialiste aux élections municipales de Béziers et,par ailleurs, vice-président délégué du conseil géné-ral de l’Hérault, en charge de la solidarité, des per-sonnes âgées et des handicapés.

Page 12: Regards sur la Droite n° 33

8/13/2019 Regards sur la Droite n° 33

http://slidepdf.com/reader/full/regards-sur-la-droite-n-33 12/16

Non, parce que les populations gitane et ma-ghrébine y sont nombreuses, comme ne ces-sent de le répéter le FN et une partie de la droite,mais parce que la ville ne cesse de se dégrader.Contrairement aux deux scrutins précédents, il

est probable que l’élection se jouera, cette fois-ci, sur deux tours. En 2008, Raymond Coudercl’avait emporté avec 26 000 votants, pour 46 000électeurs. Soit, un total de 20 000 abstentions…La forte poussée de l’électorat frontiste et d’unefrange radicale de la droite change naturelle-ment la donne. Avec la perspective d’une trian-gulaire, lors du second tour de l’élection. Le FNsera, non seulement, en capacité de se mainte-nir, au soir du premier tour, mais de gagner en-suite des électeurs. Il ne sert donc plus deréservoir à la droite et souhaite clairement pren-dre la mairie.

 « Notre ambition est de déve-lopper une autre idée de Bé-

 ziers, en s’occupant  prioritairement des habitants.Lesquels se trouvent majoritai-rement dans une situation de

 pauvreté et de précarité sociales. La redynami- sation du centre-ville, qui tran- site par une diminution del’habitat indigne et insalubre,est une priorité, d’autant que denombreux logements sont inoccupés et tirent la ville vers lebas. Il est indispensable de semobiliser sur ces questions. »

Pour contrecarrer cette off ensive, il aurait falluune liste unique à gauche, ce qui n’est malheu-reusement pas le cas. La volonté de se démar-quer du gouvernement a finalement pris ledessus sur toute autre considération. Tant et si

bien que la campagne du Front de gauche estaccès sur la lutte contre l’austérité imposée par l’Élysée. Et rien d’autre.

 Votre principal adversaire n’est-il pas l’abs-

tention ?Oui. Notre problème n’est pas tant de combattrela droite et l’extrême droite que de mobiliser notre électorat. Jusqu’ici, le Front de gauchen’est pas parvenu à capitaliser sur la déceptionde nos soutiens. Ce qui démontre bien que lecomportement et les excès de langage de Jean-Luc Mélenchon forment une barrière pour nosélecteurs qui se refusent à voter pour ce parti.À cela, s’ajoute le délire de nos adversaires UMPet FN sur la sécurité, les uns voulant armer lapolice municipale, les autres l’équiper de flash-balls et de tasers. Nous ne nous situons natu-rellement pas sur ce terrain-là. Certes, il fautsavoir se montrer strict et ferme sur la délin-quance, mais en s’attaquant aux racines dumal, par un travail de prévention dans les quar-tiers. D’où notre volonté d’orienter notre cam-pagne sur la vie quotidienne, la scolarisationdes enfants du centre-ville, issus, pour beau-coup, de familles monoparentales, les per-sonnes âgées, le logement… Et toute une sériede propositions fondées sur la qualité de vie.

Vingt ans après l’arrivée de la droite à la tête del’exécutif local, la situation n’a cessé de se dégra-der. La ville de Béziers est devenue, ainsi, ledeuxième bassin d’emploi français touché par la crise du chômage, tandis que 32 % des habi-tants vivent sous le seuil de pauvreté. La poli-tique municipale se solde donc par un écheccuisant. Pis, l’équipe en place n’a pas réussi à ré-sorber les inégalités, devenues très fortes, au fildu temps.Notre ambition est de développer une autre

idée de Béziers, en s’occupant prioritairementdes habitants. Lesquels se trouvent majoritaire-ment dans une situation de pauvreté et deprécarité sociales. La redynamisation du centre-ville, qui transite par une diminution de l’habi-tat indigne et insalubre, est une priorité,d’autant que de nombreux logements sontinoccupés et tirent la ville vers le bas. Il est in-dispensable de se mobiliser sur ces questions.

12 NOTE DE VEILLE ET RIPOSTE SUR LA SITUATION DE LA DROITE ET DE L!EXTRÊME-DROITE

Page 13: Regards sur la Droite n° 33

8/13/2019 Regards sur la Droite n° 33

http://slidepdf.com/reader/full/regards-sur-la-droite-n-33 13/16

DÉCRYPTAGE & DÉBATS

« Certains musiciens américains sont à lafois des néo-païens, des amateurs d’ésoté-risme et des partisans de la supérioritéblanche »

Stéphane François est un histo-

rien des idées et politologue français qui travaillesur les droites radicales et les subcultures « jeunes ».Chercheur associé au Groupe sociétés religions laïci-tés (GSRL) du CNRS, il est maître de conférences enhistoire contemporaine et en science politique àl’IPAG de l’université de Valenciennes. Il collabore àde nombreuses revues et est l'auteur, entre autres,de La Nouvelle Droite et la "tradition", parue aux édi-tions Arché, 2011. Dernier livre paru : La modernitéen procès, Presses universitaires de Valenciennes.A paraître en mars, Au-delà des vents du Nord. L’ex-trême droite française, le Pôle nord et les Indo-Euro-péens (Presses universitaires de Lyon).

Existe-t-il un « gramscisme » de droite ?Oui. La première tentative est connue. C’est celle dela Nouvelle Droite, fondée par Alain de Benoist,dans les années 1970. Elle s’est soldée par un tra-

vail d’infiltration du Figaro Magazine lors de lacréation de celui-ci par Louis Pauwels, qui aéchoué, en 1979, à l’occasion de la campagne anti-GRECE. Depuis, d’autres initiatives de même na-ture se sont produites, comme celle, notamment,du Bloc identitaire, qui revendique clairement lacontinuité de la stratégie du GRECE.

Comment expliquez-vous le regain d’activitédes franges les plus radicales dans le paysagepolitique français ?

Il n’est pas récent. Les premières tentatives remon-tent à avril 1995, avec la création, par Pierre Vial,

 Jean Haudry et Jean Mabire, de l’association « Terreet Peuple », dont l’objectif était de « sensibiliser auxvaleurs d’enracinement le plus large possible ».Avec l’ambition de développer un discours identi-

taire.Cette extrême droite radicale a pris force et vigueur,après les évènements du 11 septembre 2001, enfaisant des musulmans des populations inassimi-lables. Ils constitueraient ainsi une sorte de « cin-quième colonne », susceptible de mettre à mall’identité européenne et occidentale.

Quelles sont les correspondances entre ésoté-risme, idéologies radicales et subcultures ?L’ésotérisme a basculé à droite après l’Aff aire Drey-

fus. Ce qui n’a pas empêché l’émergence d’un éso-térisme de gauche, tout au long du vingtième

NOTE DE VEILLE ET RIPOSTE SUR LA SITUATION DE LA DROITE ET DE L !EXTRÊME-DROITE 13

Page 14: Regards sur la Droite n° 33

8/13/2019 Regards sur la Droite n° 33

http://slidepdf.com/reader/full/regards-sur-la-droite-n-33 14/16

Page 15: Regards sur la Droite n° 33

8/13/2019 Regards sur la Droite n° 33

http://slidepdf.com/reader/full/regards-sur-la-droite-n-33 15/16

Page 16: Regards sur la Droite n° 33

8/13/2019 Regards sur la Droite n° 33

http://slidepdf.com/reader/full/regards-sur-la-droite-n-33 16/16

16 NOTE DE VEILLE ET RIPOSTE SUR LA SITUATION DE LA DROITE ET DE L!EXTRÊME-DROITE

Existe-t-il un lien entre les subcultures, lenéo-paganisme, l’ésotérisme et les droitesradicales européennes ?Evidemment ! Ces diff érents points constituent

la matrice de la culture de tendances parmi lesplus radicales de l’extrême droite occidentale.Ainsi, certains musiciens américains sont à lafois des néo-païens, des amateurs d’ésotérismeet des partisans de la supériorité blanche, ci-tant comme références intellectuelles des SS,comme le ministre de l’agriculture du Reich

Walther Darré. En outre, il s’agit pour eux de secréer une culture propre, une subculture, quiserve de ciment, qui permette la cohésion deleur groupe sur la base de valeurs commune.

NOTES :

(1) Des mondes à la dérive : réflexions sur lesliens entre l'ésotérisme et l'extrême droite, LaHutte, 2012.