Regards Janvier 2013

58
Janvier 2013 PCF CONGRÈS SOUS BASSE TENSION 3€ EXEMPLAIRE OFFERT

description

Regards Janvier 2013

Transcript of Regards Janvier 2013

  • Janvier 2013

    PCFCONGRSSOUS BASSETENSION

    3EXEMP

    LAIRE

    OFFERT

  • Les ditions Regards5, villa des Pyrnes, 75020 Paris

    [email protected]

    DirectionClmentine Autain & Roger Martelli

    Directeur artistiqueSbastien Bergerat - [email protected]

    Comit de rdactionThomas Bauder, Benot Borrits, Juliette Cerf,

    Emmanuelle Cosse, Sophie Courval,Rmi Douat, Marc Endeweld, Nicolas Kssis,

    Roger Martelli, Martov, Aline Pnitot, Emmanuel Riond, Marion Rousset,

    Diane Scott, Catherine Tricot, Arnaud Viviant

    Secrtariat de rdactionSophie Courval

    Administration et abonnementsKarine Boulet - [email protected]

    [email protected]

    PublicitComdiance - BP 229, 93523 Saint-Denis Cedex

    Scop Les ditions RegardsDirectrice de la publication

    et granteClmentine Autain

    Photo de couverture :Thomas Bartherote

    Sommairep.5 Lu sur regards.frp.8 PCFCongrs sous basse tension

    p.18 Jean-Luc MlenchonPremier ministrede [la vraie] gauche ?

    p.24 Slectionsp.28 TerritoiresLenjeu dune rforme

    p.34 AnalyseLes ingalits, cest maintenant !

    p.40 VenezuelaNicolas Maduro sort de lombre dHugo Chvez

    p.44 AfghanistanUn gchis de onze ans

    p.50 Mathieu RigousteQue fait la police ?

    p.54 ExpositionLart en guerrede Joseph SteibAbonn

    ezvous

    page 43

    Ce numro du e-mensuel vous est offert. Conu par

    des journalistes, il estgratuit mais coteux.

    Abonnez-vous.

  • Au secours,la gauche revient ! Lanne sannonce morose. La crise est l et la seule relance pour linstant perceptible est celle du chmage. Franois Hollande avait t choisi pour inflchir le socialisme vers le centre et, en mme temps, le candidat avait d jouer une partition plus gauche. Mais, dsormais, plus question de tergiverser : le socialisme nest plus celui de la solidarit mais de la comptitivit ; il ne compte plus les pauvres mais les voitures brles.Ce nest pas une surprise proprement parler. Mais ce nest pas une bonne nouvelle. Llec-tion du 6 mai dernier navait certes pas vu fleurir les plus folles esprances ; ce nest pas pour autant que le recentrage hollandais ne provoque pas les plus grandes amertumes. Comment se fait-il que la France, terre de richesse et de rvolte, soit la trane de la seule innovation qui soit raliste, linnovation sociale ? Seuls les plus ardents zlateurs du capi-talisme financier osent nier aujourdhui que le systme est bout de souffle, quil mutile les hommes, dsespre les dfavoriss, puise la plante. Seuls les plus obtus refusent de convenir quil faut redonner de lopacit ce qui est trop fluide, de la rgle ce que la libre concurrence a trop laiss vibrionner, de la redistribution massive ce que la mondialisa-tion a outrancirement polaris.Et au moment o ces ides simples et fortes commencent se rpandre, que nous disent les socialistes au pouvoir ? Quil faut tre comptitif, quil faut tre attractif. Mais la com-ptitivit est aujourdhui dans la compression salariale : on veut suivre le modle des pays mergents et conjuguer salaires modestes et haute technicit ? Lattractivit , elle, porte vers le placement rentable court terme et linvestissement mesur : on veut un capitalisme de fonds de pension et de paradis fiscaux ? La gauche se perd ce qui est, soit une stupidit, soit un mensonge.Dire que lon ne veut pas de cela est moralement souhaitable. Appeler y rsister est faire uvre dutilit publique. Mais la responsabilit politique fondamentale est ailleurs : dans le devoir dalternative. Si la majorit actuelle est en faillite, il faut se projeter dans une autre majorit, avec qui est prt sy agrger, quels quaient t les paroles et les actes dhier. Pas la mme majorit en mieux : une autre majorit et une majorit autre, construite autre-ment, plus sociale, plus citoyenne, plus diverse, plus drangeante, plus stimulante, plus innovante.Le Front de gauche a ouvert une belle piste despoir en 2012. Il doit continuer. Ne pas ambitionner de prendre la place , mais chercher faire en sorte que le peuple prenne sa place. Et pour tre ce ferment, le Front doit continuer tre ce quil est et devenir autre chose : une force citoyenne, ouverte aux citoyens tout autant quaux formations. Sil russit ce pari, son avenir est assur. Et les dominants pourront juste titre clamer : au secours la gauche revient ! roger martelli

    DITO

  • Chers leCteurs,Chres leCtrICes,

    partir de janvier, notre e-mensuelsera rserv aux abonns de regards

    tousles abonns qui ne nousont pas encore envoy

    leur adresse e-mail, envoyez-la vite [email protected]

    tousles nouveaux lecteurs

    qui souhaitent continuer lire notre e-mensuel,

    abonnez-vous.

    trs chaleureusement, lquipe de regards

  • LU SUR REGARDS.FR

    LETTRE OUvERTE

    Je voudrais te remercierGrard DepardieuJe voudrais ici te remercier Grard Depardieu. Je me permets de te tutoyer, il pa-rat que tu nes pas trop cheval sur les lgances et les prsances. Tout dabord parce que tu as russi rendre Jean-Marc Ayrault la gauche, lespace dune rplique certes, mais ne soyons pas trop exigeant, il parat que cest manquer de ralisme en ces temps difficiles. Car nous ne parlons pas en loccurrence au grand acteur que tu as t et que tu nes plus gure, et qui, comme tes prdcesseurs, fait rver les progressistes la sauce Groland en tant finalement au plus profond de lui un rac de premire classe. Mais je ne veux pas parler ici du comdien. Quelque part il est fini depuis longtemps et lessentiel se situe sur un tout autre plan. Il faut te remercier Grard Depardieu car par ton geste, ta lettre, tu as rvl, sans le vouloir videmment, la vritable conception du patriotisme de lUMP. La gauche ne mne pas ce combat de fond, cette bataille politique, ce corps--corps idologique. Alors tu lui as rendu ce petit service. Finalement, seul le rsultat compte. Je lai dj dit, en cette priode de vaches maigres , il ne faut pas faire la fine bouche. [] lire la suite sur regards.fr

    JANVIER 2013 | Regards | 5

  • COUp DE GUEULE

    Marc Dolez claque la porteUn co-fondateur du Parti de gauche claque la porte de son parti. Marc Dolez est un homme estimable. Ce chti, dput du Nord depuis 2002, ancien secrtaire de sa fdration, a t une figure attachante dun socialisme aujourdhui moribond, qui se targuait de son ancrage ouvrier et qui sinscrivait, en intentions du moins, dans un rformisme fort, toujours attach lide de transformation sociale. En 2008, en rupture irrmdiable avec le Parti socialiste, il se lie avec Jean-Luc Mlenchon pour crer le Parti de gauche. Dans un entretien Libration en date du 19 dcembre, il annonce quil le quitte aujourdhui. Son reproche principal : une outrance du verbe qui conduit selon lui une drive un peu gauchisante . Marc Dolez entend rester un militant actif du Front de gauche , mais ne veut plus assumer une posture politique quil juge contraire sa conception des missions dune gauche bien gauche. [] lire la suite sur regards.fr

    JANVIER 2013 | Regards | 6

  • pOLITIqUE

    Lavenir du Front de gauche se dbatSamedi 7 dcembre, se runissait pour la premire fois depuis les lec-tions du printemps le parlement du Front de gauche. Compte rendu des dbats.

    Au dbut de la campagne de la prsidentielle, le Front de gauche avait cr une structure informelle, prenant le nom de Conseil national de campagne . Dsigne par consensus entre les composantes organises du Front, elle rassemblait des mili-tants de ces organisations aux cts dintellectuels et personnalits diverses de la socit civile . En fait, lore dune bataille lectorale difficile, il sagissait de corri-ger la seule dimension de cartel partisan qui marquait lorigine du Front de gauche. [] lire la suite sur regards.fr

    LU SUR REGARDS.FR

  • PCFUN CONGRSSOUS BASSE TENSIONMoribond hier, aujourdhui revigor, le PCF se prpare pour son 36e congrs prvu au mois de fvrier. Revenu sur le devant de la scne de la gauche de gauche, le parti doit dcider de sa ligne daction et de ses stratgies politiques venir. Fera-t-il cavalier seul ou reste-ra-t-il solidaire de ses compa-gnons de gauche? Fera-t-il peau neuve ou revtira-t-il ses vieux oripeaux? Autant de questions qui mriteraient dbat mais qui pourtant ne figurent pas expli-citement au programme de ce congrs. Dommage

    Le 12-13 janvier, le sige du pcf,conu par Oscar Niemeyer, ouvre ses portes.

  • Sauv des eaux ! Le PCF est convaincu que le pire est dsormais derrire lui et le temps o il luttait pour sa survie lui parat bien rvolu. Des milliers de nouvelles adhsions, des textes de loi censurs par son groupe au Snat : le parti de Pierre Laurent est revenu dans le jeu. Cette rsurrection , le PCF la manifeste bruyamment en novembre en conviant la presse len-terrement de lenterrement du PCF . cette occasion, le secrtaire national affirmait que la mue du PCF tait ache-ve . Le pass est prsent sa place et il est temps pour vous, chers amis journalistes, de prter attention ce que nous sommes rellement aujourdhui et ce que nous disons pour lavenir. Cest donc un parti requinqu qui pr-pare son congrs. Il aura lieu dbut f-vrier et a pour grand ordonnateur Patrice Bessac qui le dfinissait ainsi : Il sagit, au fond, de proposer une vision unificatrice

    de notre projet, de notre stratgie, de notre conception du Parti et de laction politique. Ainsi, si chacun sait que le caractre historique dun congrs ne procde pas du dcret, cest pourtant cela que nous devrions viser. Plac sous la tutelle dApollinaire qui promet de rallumer les toiles , le texte prpa-ratoire se veut un humanifeste utile la France, lEurope et lhumanit. De-vant une telle ambition rassemble dans les trente pages de base commune, comment discerner ce qui fait dbat ? Le dpart, lors du prcdent congrs, des communistes unitaires (refondateurs) ne facilite pas la vitalit des dbats internes1 ni leur comprhension.Le rapport de Patrice Bessac au Conseil national qui lana le congrs en sep-tembre le permet davantage. Dune facture peu conventionnelle, ce texte nonce sans prcaution des proposi-tions et des analyses qui ont suscit quelques polmiques. Se coltinant

    Alors quil prpare son congrs de fvrier, le PCF, sous limpulsion de Patrice Bessac, semble reprendre son compte les thories du mouvement Gauche populaire, opposant le peuple de banlieue celui du priurbain.

    Le PCF veut-il choisirses pauvres ?

    JANVIER 2013 | Regards | 10

    DOSSIER PCF, UN CONGRS SOUS BASSE TENSION

    1. Les seuls textes alternatifs la base commune ont t prsents par des militants ouvertement

    hritiers du parti des annes 1960.

  • la question du vote ouvrier, reprenant le discutable chiffre de 29 % de vote ou-vrier en faveur de Marine Le Pen et de seulement 11 % pour Jean-Luc Mlen-chon, Patrice Bessac fait siennes les analyses de La Gauche populaire 2. Ds lt, il avait battu tribune commune La Rochelle avec Manuel Valls et Lau-rent Bouvet, politiste et tte pensante de ce mouvement dlus et intellectuels socialistes. Dans son rapport, Bessac se rclame explicitement de la pense de Laurent Bouvet. Comme lui, Patrice Bes-sac impute le dcrochage entre gauche et monde ouvrier (assimil aux catgories populaires) la nouvelle lecture du social, au passage dune lecture de classe de la socit franaise et des moyens de la mobilisation politique une lecture au-tour dun bloc central fortement intgr et duqu et dune galaxie de groupes nouveaux parmi lesquels, ple-mle, les femmes, les jeunes des banlieues, les gays, les immigrs Entre limmigr de banlieue et le prolo du priurbain, les minorits visibles et la majorit invisible, les grands ensembles et les pavillons, la Gauche populaire a choisi son camp. Le PS est somm de trancher entre La Courneuve et la Mayenne. Une manire de monter les populations les unes contre les autres , crivions-nous sur regards.fr il y a quelques semaines et dans Regards il y a quelques mois.

    Dans les pas des inventeurs de la France invisible contre les minorits visibles , Bessac sinterroge : La question de la diversit nest-elle pas simplement le nom dune rupture de grande ampleur avec les couches popu-laires ? Proposant comme axe majeur de reconqute le retour aux Lumires, cest--dire la seule reconnaissance des individus libres, souverains et gaux dans la Rpublique , Patrice Bessac pourfend les ethnobobos et prne un universalisme de combat .

    Le pass est prsent sa place

    et il est temps pour vous, chers amis

    journalistes, de prter attention

    ce que nous sommes aujourdhui et

    ce que nous disons pour lavenir , Pierre Laurent.

    JANVIER 2013 | Regards | 11

    DOSSIER PCF, UN CONGRS SOUS BASSE TENSION

    2. En raction au rapport de Terra Nova, un groupe dintellectuels et responsables socialistes sest

    constitu avec pour nom Gauche populaire .

  • Se voulant iconoclaste, il poursuit son analyse des divisions du monde populaire en pointant les politiques sociales, celles que son rapport nomme lassistanat : mesure que sest dveloppe la crise sociale, les politiques sociales ont dve-lopp des effets de reprsentation trs pervers. En effet, avec les seuils daccs un certain nombre de prestations so-ciales, des fractures sont apparues dans les classes populaires. Lassist celui qui y a droit sopposant au travailleur celui qui ny a pas droit. Sur cette base, lalliance dcrite par Terra Nova entre les classes suprieures et les plus paupri-ss peut fonctionner plein sur une s-rie de thmatiques telles que le logement social ou la sant en mettant de ct les couches populaires salaries. Les ser-vices essentiels tant ds lors rservs la fine couche de celles et ceux qui en ont le plus besoin. Ce discours trs muscl est une remise en cause des quinze dernires annes de lvolution du PCF. Depuis la fin de lre Marchais, le PCF stait attach dvelopper des prises de position contre toutes les dominations et en faveur de lmancipation. Il entendait largir son in-tervention sans sen tenir au seul registre de la lutte des classes et de lexploita-tion. Malgr des formulations qui sonnent moderne il est ici question dhgmonie

    culturelle et de diffrents champs les rvisions de Patrice Bessac ne manquent pas dinquiter lintrieur du PCF. Autour de Marie-Georges Buffet, des fministes communistes ont publi une tribune Le fminisme ne tue pas . Dans une trs longue contribution de Nicole Borvo, Sophie Celton, Ccile Dumas, Fabienne Haloui et Isabelle Lo-rand sonnent aussi lalarme et se sentent aussi dans lobligation daffirmer que le racisme tue Ces textes sont des plai-doyers contre luniversalisme de com-bat propos par Bessac. Retour du pass que lon voulait tenu sa place , bricolage intellectuel du rap-porteur ou relle inflexion de lorientation du PCF ? Il est encore trop tt pour dire si ces ides vont lemporter. catherine tricot

    JANVIER 2013 | Regards | 12

    DOSSIER PCF, UN CONGRS SOUS BASSE TENSION

    Les seuils daccs aux prestations

    sociales ont cr des fractures

    dans les classes populaires

    opposant lassist au travailleur,

    Patrice Bessac.

  • Combien de divisions ?Officiellement, le PCF revendique depuis 2003 un chiffre de 130 000 135 000 cartes adresses nominativement aux adhrents. Il annonce par ailleurs quelque 63 000 cotisants rguliers en 2012, contre 65 000 en 2009 et 99 000 en 2006 (la direction affirme que lessentiel de lcart provient dune plus grande vigilance dans le contrle des donnes fournies).La participation aux consultations internes donne une indication supplmentaire sur lespace militant actif. Elle a oscill de 34 000 (vote prparatoire au 36e congrs en dcembre 2012) 48 000 (vote sur les candidatures llection prsidentielle en juin 2011).Au total, on peut estimer que le noyau militant du PCF se situe entre 12 000 et 25 000 : il est en baisse par rapport aux dcennies prcdentes, mais continue faire du PC la formation la plus consquente et de loin la gauche du PS. r.m.

    Pla

    fond

    de

    la s

    alle

    du

    cons

    eil n

    atio

    nal,

    sig

    e du

    PC

    F. P

    hoto

    Fab

    aya

  • Le 36e Congrs du PCF est apparemment un congrs sans histoire. Le texte qui sert de base la dis-cussion la base com-mune , dans le langage communiste a t adopt par prs de trois quarts des 34 000 votants. Les trois textes alternatifs , les plus attachs laffir-mation intransigeante de lidentit communiste, se sont partags un peu plus dun quart des suffrages restants, alors quils en avaient recueilli prs de 40 % au 34e Congrs de 2008. Il est noter encore que, en juin 2011, Andr Chassaigne et Emmanuel Dang Tran avaient t choisis eux aussi 40 %, de prfrence Jean-Luc Mlenchon propos par la direction pour porter les couleurs du Front de gauche la prsidentielle venir. Les courants orthodoxes restent cantonns ce seuil des 25 % qui constitue leur moyenne de la dcennie prcdente. La stratgie du Front de gauche est ainsi sortie conforte de la squence lectorale de 2012.

    Manifestement, le PC entend faire entendre sa voix spcifique dans le concert de la gauche de gauche. Depuis quelques mois, en effet, il sefforce daf-firmer son point de vue, sur un aspect notamment. Alors que Jean-Luc Mlen-chon et ses amis font plutt le pari dun enfermement dfinitif du socialisme franais dans la logique sociale-librale langlo-saxonne, les responsables communistes insistent sur lexistence, au sein du PS, dune opposition persis-tante cette ligne de recentrage global. Sans doute, la ncessit pour les com-munistes de prserver leur patrimoine local pousse-t-elle une plus grande prudence dans la manire de sopposer la nouvelle logique socialiste incarne par le tandem Hollande-Ayrault. Mais lintrt partisan immdiat nest pas le seul facteur explicatif. Le PC na pas oubli une vieille tradition, qui remonte au milieu des annes 1930 et qui asso-cie laffirmation identitaire et le projet de vastes rassemblements potentielle-ment majoritaires. Un socialisme dfini-tivement pass droite : cela ne fait

    Ressuscit de ses cendres, le PCF est aujourdhui la croise des chemins, celui du retour ou celui de la rforme. Lequel

    empruntera-t-il? Tout dpendra de ltoile qui le guide

    PCF, grand retourou mtamorphose ?

    DCEMBRE 2012 | Regards | 14

    DOSSIER PCF, UN CONGRS SOUS BASSE TENSION

    Pho

    to R

    icha

    rd Y

    ing

    et T

    angu

    i Mor

    lier

  • pas partie de la culture communiste Par ailleurs, lencadrement du parti reste chaud par lchec des tentations de faire la diffrence , qui dominrent le PCF aprs 1977 (et la fin du programme commun) et aprs 1984 (quand les com-munistes ont quitt le gouvernement). En bref, les communistes ne sont pas prts tabler sur une insurrection mon-tante et sur un basculement invitable de dominante entre le Front de gauche et le PS. Dans les faits, par-del labsten-tion tactique de ses lus nationaux sur le budget, le PCF est entr dans loppo-sition aux choix fondamentaux du pou-voir socialiste. Il exercera toutefois cette fonction sa manire

    Deux dbats sous-jacentsLe dpart des communistes unitaires en 2010 a modifi les quilibres du dbat interne. Depuis 2008, les partisans dune mtamorphose du PCF (Marie-Pierre Vieu) se sont intgrs dans la nouvelle majorit regroupe autour de Pierre Lau-rent, de mme que les anciens mar-chaisiens qui se dsignaient comme les novateurs (Nicolas Marchand). La seule opposition officielle est donc celle des plus identitaires , alors que les joutes des annes 2000 opposaient volontiers les orthodoxes et les re-fondateurs . Le consensus interne est-il dsormais trouv ?En fait, deux grands dbats restent sous-jacents dans lactif communiste, mme sils sont faiblement explicits. Le pre-mier se rapproche de celui qui a anim

    lorganisation communiste aprs 2005 : cette poque, la direction communiste avait estim que la place occupe par les militants communistes, dans la victoire du Non au rfrendum constitutionnel euro-pen, redonnait au PCF la premire place au sein de la gauche de gauche. De cette conviction alors inbranlable est issue la dsastreuse candidature communiste llection prsidentielle de 2007. Le PCF daujourdhui va-t-il tirer, de la mme manire, la conviction que la dynamique prometteuse du Front de gauche le remet en selle, comme aux plus beaux jours ? suivre certains propos, couter certains accents, on pourrait penser quune partie de lappareil et des militants veut croire que le balancier de lhistoire est en train de revenir du bon ct : aprs la longue dpression produite par la crise du so-vitisme, le temps serait revenu dune affirmation communiste retrouvant

    Le dpart des communistes

    unitaires en 2010 a modifi les

    quilibres du dbat interne.

    DCEMBRE 2012 | Regards | 15

    DOSSIER PCF, UN CONGRS SOUS BASSE TENSION

  • les mots, les signes et les rflexes des priodes expansives dantan.Le second dbat est plus explicite (Cf. article ci-contre) et rejoint le premier sur la thmatique du grand retour . Dans lespace communiste, beaucoup ont eu du mal admettre, partir des annes 1970, que la lutte des classes pouvait emprunter dautres chemins que ceux du combat salarial classique. La monte des nouveaux mouvements sociaux (annes 1970), puis celle du mouve-ment social (annes 1990) ont dsar-onn et irrit lpoque, dautant plus que les vieux concurrents du socialisme et de lextrme gauche ont fait leur miel de ces nouvelles conflictualits. En re-lanant la question sociale classique ( base salariale), la crise peut donner

    aujourdhui limpression que les pendules se remettent lheure et que la pousse du socital ntait rien dautre que la capitulation de lesprit de classe. Finies les petites fleurs , comme sen gaussait un haut responsable communiste dhier, revenons enfin au hard social Dans les deux dbats, le matre mot domi-nant pourrait alors tre celui dun retour la case dpart. Avec des mots diffrents peut-tre, avec un rajeunissement de lenveloppe et un rafrachissement des couleurs, mais sur la base dun retour aux fondamentaux prtendument oublis. Si cela tait, louverture relle qui a ac-compagn le choix du Front de gauche, saccompagnerait dun certain classi-cisme. Au prix dune relative immobilit ? roger martelli

    DCEMBRE 2012 | Regards | 16

    ANALYSE POUR UNE GAUChE dIGNE dU NON !

    Pla

    fond

    de

    la s

    alle

    du

    cons

    eil n

    atio

    nal,

    sig

    e du

    PC

    F. P

    hoto

    Fab

    aya

  • DCEMBRE 2012 | Regards | 17

    DOSSIER PCF, UN CONGRS SOUS BASSE TENSION

    POINT DE vUELimpratif du mouvementForce est de constater que la tentation du grand retour nest pas seulement celle du PCF et quelle guette lensemble de la gauche de gauche. Or le retour est un pige. Que la lutte des classes reste un vecteur de la dynamique historique est une opinion solide ; elle ne contredit pas la conviction concomitante quelle est entre dans un nouvel ge. Que le combat pour la dignit du travail salari garde toute son actualit est, en ces temps de lourds reculs sociaux, une vidence peu contestable ; elle ninvalide pas le fait que la lutte anticapitaliste exige aujourdhui darticuler frais nouveaux le combat contre toutes les alinations, quelles rsultent de lexploitation du salariat, quelles proviennent des mcanismes multiples de la domination ou quelles procdent du jeu implacable des discriminations. Que la relance de la politisation dmocratique soit une exigence majeure est un impratif majeur, quand la politique institue est ce point en crise ; cela nimplique pas quil suffit de retourner aux pratiques anciennes de la politique ; cela oblige au contraire penser quil faut assumer le mouvement progressif et raisonn de transformation radicale de ces pratiques, commencer par la manire dont se raccordent le social et le politique . Quil faille inscrire la critique dans la perspective de rassemblements majoritaires reste une ncessit vitale, plus forte raison quand le parti majoritaire gauche choisit ouvertement le recentrage ; cela ne justifie pas pour autant le retour aux formules de lunion de la gauche dhier, quand bien mme elles ont pu tre propulsives.Continuer et subvertir : pas lun ou lautre, mais lun et lautre Toutes ces questions ne sont pas celles des seuls communistes. Toutefois la place quils occupent, dans le Front de gauche et dans toute la gauche, leur donne une responsabilit incontestable. Les choix communistes de la dernire priode sont alls dans une direction heureuse. La gauche de transformation sociale sen est trouve ragaillardie. Nul ne voudrait seulement imaginer que la lance ne soit pas poursuivie. r.m.

  • Quand Jean-Luc Mlenchon se rve en Premier ministre et quil se prsente comme un recours post Ayrault, les lvres stirent, les sourires

    sillustrent. Ostensiblement. Et quasi una-nimement. Et cest l que le bt blesse. Mlenchon manque de crdibilit. Pour-tant, lui, sy voit srieusement. En se dclarant premier ministrable, il entend ainsi asseoir sa lgitimit, et conforter sa stature dhomme dtat. En qute de res-ponsabilits, il raffirme sa disponibilit, non seulement pour la contestation, mais aussi pour lexercice du pouvoir. Pour Ian Brossat, lu PCF et prsident du groupe PCF/PG au Conseil de Paris : En poli-tique, on a toujours tort de rire trop vite. Quand nous avons dmarr la campagne prsidentielle, personne nimaginait que nous remplirions la place de la Bastille. Nous ntions pas nombreux non plus penser dpasser la barre des 10 %. Mlenchon veut croire que le PS est

    proche dune crise qui peut pousser la France dans une situation la grecque, o la gauche radicale apparatrait alors comme le recours, sur le modle de Sy-riza en Grce. Il entend faire du Front de gauche, dabord une alternative crdible la politique du gouvernement mais aussi la force principale et majoritaire gauche. Problme : linsurrection ne semble pas pointer et la France nest pas la Grce. Pour linstant, les forces dominantes installes ne donnent pas limpression (cf. les lections partielles) quelles vont seffondrer. La mauvaise image des lea-ders, gauche ou droite, naffecte pas massivement leurs formations. Quant au mouvement social , il reste pour linstant politiquement prudent, comme la montr limpossibilit dune marche commune partis-syndicats autour de Flo-range. Mais Ian Brossat se veut optimiste : Dans une situation aussi instable que celle que nous connaissons, tout est possible : le pire comme le meilleur.

    Devant lalignement social-libral du PS, les alterna-tives politiques gauche peinent simposer. Le Front de gauche, lui, voudrait peser concrtement sur les orienta-tion du gouvernement et propose Mlenchon Matignon.

    Jean-Luc MlenchonPremier ministre de[la vraie] gauche ?

    JANVIER 2013 | Regards | 19

    pOLITIqUE JEAN-LUC MLENChON, PREMIER MINISTRE dE [LA vRAIE] GAUChE ?

    Pho

    to R

    emiJ

    DN

  • nous de travailler au meilleur, en loc-currence, un large front anti-austrit vocation majoritaire. plusieurs reprises, dans sa campagne prsidentielle, Mlenchon avait rpt quil ne serait pas ministre dun gouver-nement quil ne dirigerait pas. En arrire-plan, une double ide : la violence sociale de la logique daustrit pousse linsur-rection et au basculement vers le grand retour de ltat, avec en toile de fond, le modle latino-amricain. Do lirritation manifeste, gauche, autour dune ligne mlenchonienne dont beaucoup, lins-tar de Marc Dolez, pensent quelle frise le gauchisme. Leila Chaibi, militante au PG et animatrice du mouvement LAppel et la Pioche conteste : Nos slogans ne valent pas que dans les manifestations. Nous avons un programme politique crdible, il est plus que dactualit, nous sommes le recours gauche. Et dajou-ter : On nous reproche sans cesse de ne pas vouloir mettre les mains dans le cambouis. Pourtant, nous aspirons aux

    responsabilits. Mlenchon Premier mi-nistre, cest pas une blague mme si a semble compromis sous Hollande, sauf imposer une majorit alternative. Et nous y travaillons. En ltat actuel, il semble difficile de voir le FG simposer comme la nouvelle force majoritaire gauche. Reste savoir si cette majorit peut se faire par ralliement de forces nouvelles, ou par la proposition dune nouvelle donne, potentiellement majoritaire, qui ne serait ni le Front de gauche lui seul ni le retour de la vieille union de la gauche version annes 1970.Si cette majorit nouvelle devait simpo-ser, elle devrait aussi faire place de nouvelles personnalits, qui incarnent un rassemblement plus large, autour de sensibilits diverses : Avec un Parti socialiste vocation hgmoniste, les Verts sont la botte du PS. Nous leur disons ainsi qu tous ceux qui ont vot non au TCE, mais aussi aux socialistes de gauche que nous pouvons travail-ler ensemble une nouvelle majorit. Lmergence dune nouvelle gnration de leaders politiques doit faciliter et favo-riser la construction de cette alternative , affirme Leila Chaibi. loccasion de linitiative Gauche Ave-nir porte par Marie-Nolle Lienemann, les commentateurs politiques avaient beaucoup glos sur un retour de lunion de la gauche. Chaque fois que le PCF a esquiss ce retour, entre 1981 et 1984 ou entre 1997 et 2002, il est all lchec. Nous devons sortir de cette impasse , lance Leila Chaibi. Les ractions critiques

    Mlenchon Premier ministre, ce nest pas une blague. Certes, a semble compromis sous Hollande, moins dimposer une majorit alternative.

    JANVIER 2013 | Regards | 20

    pOLITIqUE JEAN-LUC MLENChON, PREMIER MINISTRE dE [LA vRAIE] GAUChE ?

  • lgard du recentrage hollandais (au sein mme du PS et parmi les militants et personnalits EELV) laisse entrevoir les contours dune autre majorit gauche. Les partenaires du Front de gauche sont conscients quil nest pas davenir immdiat possible en dehors de lalliance amorce en 2009. Reste savoir com-ment permettre au Front de gauche de dpasser un niveau lectoral, certes non

    ngligeable, mais qui ne permet pas en-core dtre autre chose quun aiguillon ou une roue de secours. La coalition doit-elle viser agrger autour delle ? Ou bien doit-elle chercher tre le ferment dune alliance potentiellement majoritaire, qui la dborde, mais qui prenne une consis-tance bien plus innovante et citoyenne que les formules passes de lunion partisane ? pierre jacquemain

    Quand Mlenchon dit quil est prt tre Premier ministre , a rsulte dun objectif politique ou bien cest un bon coup de communication ?Dabord a nest pas une posture. Et a nest pas non plus nouveau. Il avait dj dit pendant la campagne prsidentielle quil tait prt endosser les habits de Premier ministre de son gouverne-ment . Il y a deux directions possibles gauche. Soit on accepte les directives europennes et ses politiques de rigu-eur, soit on opte pour un modle type argentin, avec une politique de relance

    ambitieuse et sans se laisser imposer des rgles hostiles, comme la fameuse rgle des 3 % du PIB infonde par ail-leurs. Le FG doit incarner cette dernire orientation. Cest le sens de lengage-ment de Mlenchon et de ces propos.

    JANVIER 2013 | Regards | 21

    pOLITIqUE JEAN-LUC MLENChON, PREMIER MINISTRE dE [LA vRAIE] GAUChE ?

    Le Front de gauchene peut rester cantonn

    un second rleArnaud Champremier-Trigano

    Arnaud Champremier-Triganoex-directeur de la communica-tion de Jean-Luc Mlenchon

  • Pourquoi lide de Mlenchon Pre-mier ministre fait-elle sourire ? Quand la gauche est majoritaire et quelle gouverne, on est habitu avoir un Pre-mier ministre issu des rangs socialistes. Matignon, on projette difficilement une personnalit issue dune autre formation politique que le PS. Cest ce que veut d-montrer Mlenchon. Avec ses 11 % la prsidentielle, le FG simpose comme la deuxime force politique de gauche. Cest la seule alternative crdible la politique mene par Jean-Marc Ayrault et qui nous mne dans le mur. Mlenchon travaille crer un vritable leadership au sein de la gauche. Le FG ne peut rester cantonn un second rle. Lobjectif terme cest de peser concrtement sur les grandes orien-tations politiques. Et cela passe par un gouvernement issu dune autre majorit de gauche

    Mais ny a-t-il pas un problme de crdibilit ?Non, je ne le crois pas. Mais il y a du bou-lot. Depuis la campagne prsidentielle, les lignes ont boug. Pour beaucoup des commentateurs politiques, le FG est un mouvement de gauchos , il est rest prisonnier dune tiquette tronque, celle de lextrme gauche. Le terme de rvo-lution , repris rgulirement pendant la campagne, a sans doute contribu enfermer lidentit du FG dans un cadre contestataire. Cela dit, la crise sintensi-fie et chaque jour nos propositions appa-raissent de plus en plus ncessaires et crdibles. Les checs successifs des politiques daustrit menes en Europe et singulirement en France devraient conforter la place du Front de gauche en France. Cette rvolution citoyenne que le FG assume et appelle de ses vux est pourtant ncessaire pour changer radicalement la donne.

    Le FG ne doit-il pas slargir pour es-prer gagner une nouvelle majorit ?Cest ncessaire. De nombreuses voix slvent au PS et EELV contre la poli-tique du gouvernement. Les analyses et les propositions du FG pour sortir de la

    Le FG, avec ses 11 % la prsidentielle, est la seule alternative crdible la politique mene par Jean-Marc Ayrault.

    JANVIER 2013 | Regards | 22

    pOLITIqUE JEAN-LUC MLENChON, PREMIER MINISTRE dE [LA vRAIE] GAUChE ?

  • crise convergent avec ces sensibilits politiques, minoritaires au sein de leurs partis. Il importe dsormais douvrir plus largement le FG et quil senrichisse de toutes les sensibilits qui aspirent la transformation sociale et cologique. Ce rassemblement est ncessaire dans les luttes comme dans la construction dune alternative la politique du gouvernement. Il est sans doute mme un pralable pour peser mais aussi pour gouverner demain.

    Si une majorit nouvelle simposait gauche, Mlenchon pourrait-il res-ter lhomme fort ?Il restera quoi quil arrive un des hommes fort dun rassemblement plus large. Il a port la voie du FG la prsidentielle avec le succs que lon connat. Il a t un porte-voix fabuleux. Il a suscit des attentes, des esprances. Il a incarn un vritable lan populaire. Cela dit, cest aussi le drame de la Ve Rpublique. Il faut dpasser la seule question de la person-nalit et imposer un nouveau courant de pense. propos recueillis par pierre jacquemain

    JANVIER 2013 | Regards | 23

    ENTRETIEN STEFFEN LEhNdORFF

    Pho

    to R

    emiJ

    DN

  • LA CRISE qUI vIENTLA NOUvELLE FRACTURE TERRITORIALELe texte est bref, le propos incisif. La crise financire de 2008-2009 puis la crise de la dette qui sest ouverte en 2011 ont pro-duit (et continueront de produire) des ef-fets trs asymtriques sur les territoires . Afin danalyser cette logique de diffrencia-tion, lauteur dcoupe la France en quatre catgories :Les territoires marchands en difficult (8 % de la population, 7 % de la superficie) sont spcialiss sur des secteurs dactivit en dclin chronique (textile, mcanique, sid-rurgie). Ils disposent de peu deffets amor-tisseurs. Les zones concernes se situent le plus souvent dans le nord (Roubaix-Tour-coing, Saint Omer) et dans lest (Belfort- Montbliard, Mulhouse).Les territoires non-marchands en diffi-cult (12 % de la population, 20 % de la superficie) ont atteint un stade de dclin

    plus avanc. Ils dpendent fortement des revenus non-marchands. Les principaux emplois relvent dsormais du secteur pu-blic, des activits mdico-sociales et des services aux mnages. Les zones concer-nes se situent l aussi dans le nord (B-thune-Bruay), dans lest (Saint-Dizier) mais surtout dans un vaste centre (Bourges, Limoges, Roanne, Saint-tienne).Les territoires marchands dynamiques (36 % de la population, 16 % de la super-ficie). Il sagit de zones dans lesquelles les activits modernes sont trs prsentes (aronautique, agroalimentaire, conseil, construction de matriel ferroviaire, infor-matique, pharmacie). Ces zones sont iden-tifies comme tant soit des mtropoles (Grenoble, Lille, Nantes, Paris, Rennes, Toulouse), soit des petites zones trs in-dustrielles (Cholet, Colmar, Les Herbiers, Vitr), soit des zones touristiques (Brian-on, Maurienne, Mont-Blanc).Les territoires non-marchands dyna-miques (44 % de la population, 57 % de la superficie). Principalement situes louest et au sud, ces zones ont bnfi-ci de longue date dune forte croissance dmographique, do une dynamique forte en matire de BTP et de services. Elles ont en outre bnfici de solides amortisseurs (tourisme, retraits reve-nus plus levs que la moyenne issus dautres rgions, ). Le risque est clairement identifi : Les quatre France qui se dessinent sous nos yeux ne vivront pas le mme destin dans les annes venir, comme le rvle la priode-test de 2008-2009. Les territoires

    JANVIER 2013 | Regards | 24

    SLECTIONS

  • les plus en difficult seront confronts aux problmes les plus graves, accentus par le rabotage invitable des mcanismes amortisseurs. Les territoires peu productifs mais dynamiques risquent de connatre un net ralentissement alors que les territoires productifs et dynamiques bnficieront dune inflexion relative positive. Va-t-on vers une France deux, quatre vitesses ? Quelle en sera lincidence sur lquilibre social et politique du pays ? En accordant une place centrale la di-mension territoriale, le propos prsente un intrt manifeste. Il permet dattirer latten-tion sur une gographie conomique trop souvent nglige. Il suscite nanmoins de nombreuses interrogations. Les variables de comptitivit et dattractivit mobilises pour qualifier la performance des territoires laissent de ct deux questions majeures : le travail et la stratgie. Il en rsulte une grille de lecture trop dpendante des no-menclatures actuelles et des tendances rcentes sans pleinement mesurer les enjeux de la crise, les bouleversements quelle peut produire et les orientations quelle appellerait.Une analyse des dynamiques produc-tives territoriales supposerait dapprcier une agglomration de comptences, une circulation de savoirs, une capacit din-novations. voqu, le relatif renouveau productif dAix/Marseille ne peut pas se comprendre sans une telle analyse. Il en est de mme de ce tissu industriel rcem-ment constitu de manire diffuse dans un arc nord-ouest de la France. Une telle analyse accorderait moins dimportance

    Les mythologiesde KarambolageLheure nest plus aux cadeaux de Nol, mais signalons tout de mme une sduisante rdition des incontournables de Karambolage. Une mission dsormais culte, lance en 2004, qui traque dans le dtail ressemblances symbole patriotique de la France.[...] lire la suite sur regards.fr

    Nanterre, violence dun bidonville en guerreJrme BertinCest dans le cadre du Service civil international, anctre en plus rugueux et militant de nos ONG contemporaines, que Monique Hervo dbarque en 1959 dans le bidonville de La Folie Nanterre. Elle va y rester.[...] lire la suite sur regards.fr

    JANVIER 2013 | Regards | 25

    SLECTIONS

  • la diffrence marchand/non-marchand pour apprcier des continuits profession-nelles dans des filires dactivit comme le textile/habillement, la sant ou le transport. Ainsi, la construction de matriel ferroviaire ne peut pas tre envisage sans prendre en compte les oprateurs de transport au premier rang desquels la SNCF, mais aussi les conseils rgionaux. De dyna-mique, cette industrie, prsente dans le nord notamment, peut subitement devenir moribonde en fonction de dcisions qui lui chappent et sans que la problmatique de sa modernit ne soit en jeu.Face au risque dasymtrie territoriale, les conomistes nauraient que deux mca-nismes proposer : la solidarit nationale et la mobilit. La premire tant affec-te par la crise des finances publiques, il ne resterait que la seconde. Quand on compare les trajectoires des ports de Hambourg, du Havre et de Marseille, on mesure lcart sur les dynamiques terri-toriales entre la stratgie logistique de la ville/rgion allemande et son absence en France aux chelles locale, rgionale ou nationale. Cet exemple illustre le besoin de raisonner avec dautres concepts, outils et dmarches pour affiner un diagnostic en matire de gographie conomique utile la dcision politique. roland le bris La crise qui vient. La nouvelle fracture terri-toriale , de Laurent Davezies, cod. Seuil-La rpublique des ides, p., 11,80 .

    Laurent Davezies participera le 1er fvrier au

    colloque Organis par le Front de gauche sur la

    mtropolisation de lIle de France.

    JANVIER 2013 | Regards | 26

    SLECTIONS

    Comprendre le fminisme,de Marie-Hlne Bourcieret Alice MolinerAllez, cest lhiver, un texte court et revigorant vous permettra de passer un bon week-end ! La fministe Marie-Hlne Bourcier publie chez Max Milo un court essai intitul Comprendre le fminisme, illustr par les dessins dAlice Moliner.[...] lire la suite sur regards.fr

  • O?Paris : Pniche Petit bain(face la BNF)Quand ?1er fvrier 2013Organis par qui?Le Front de gauche thmatique Ville - Habitat - Solidarits territorialesAvec Qui?Ont dores et dj confirm leur participation :Domonique Adenot, Clementine Autain, Patrick Braouezec,Ian Brossat, Paul Chemetov, Eric Coquerel, Agnes Deboulet, Christian Devillers, Ludovic Halbert, Patrick Jarry, Pierre Laurent, Alain Lipietz, Jacqueline Lorthioies, Jacqueline RouillonPierre Mansat, gabriel Massou, Emmanuel Maurel, gus Massiah, Danielle tartakowsky, Pierre Veltz, Marc Wiel...

    PAF: 10 - Possibilit de djeuner sur placePrinsciption, renseignement et contributions :

    [email protected] nombre de place limit

    COllOQUEmTROPOlISATIONlES NOUVEAUX ENJEUXlE CAS DE lA mTROPOlEFRANCIlIENNE

  • La loi Hortefeux faisait suite vingt-six rapports et tudes confectionns entre le printemps 2005 et le printemps 2009. Elle tait construite autour de quatre objectifs : rorganiser les collectivits autour de deux ples, un ple dpar-tements-rgion et un ple communes-intercommunalit ; simplifier le paysage institutionnel en achevant la couverture intercommunale du territoire national et en largissant le cadre des intercom-munalits ; crer un cadre institutionnel mtropolitain ; clarifier les comptences des diffrents niveaux de collectivits et encadrer la pratique des cofinance-ments. Le gouvernement Fillon enten-dait donc rduire lexception franaise des 37 000 communes, redfinir les fonctions territoriales avec la fin de la clause de comptence gnrale 1 et rformer compltement la reprsen-

    tation des territoires avec lintroduction de conseillers territoriaux se substi-tuant aux conseillers gnraux et rgionaux.Le maillage territorial franais devait entrer ainsi dans la troisime grande inflexion de son histoire contemporaine. La premire stait tale sur prs dun sicle, grosso modo entre la cration des dpartements en 1790 et la loi municipale de 1884, qui consacrait llection des maires et des adjoints et la publicit des sances. Cette longue priode a conjugu la rationalisation administrative de ltat central et laffir-mation progressive de la dmocratie communale. La seconde phase, plus ramasse, va des annes 1960 au d-but des annes 1980 : elle a vu tout la fois merger de nouveaux territoires (lEurope et la rgion) et simposer le paradigme de la dcentralisation, au dpart pour dcongestionner les ser-vices de ltat en les dconcentrant.

    En octobre dernier, Franois Hollande annonait une nou-velle loi de dcentralisation, chassant de fait celle de Brice Hortefeux, promulgue en 2010 et raccord avec le projet

    libral sarkozien. Quen sera-t-il de la suivante ?

    Territoires : lenjeu dune rforme

    JANVIER 2013 | Regards | 29

    DCRYpTAGE TERRITOIRES : LENJEU dUNE RFORME

    Pho

    to R

    enau

    d Jo

    ly

    (1) La clause de comptence gnrale permet aux collectivits territoriales dagir pour des missions qui ne sont pas de leurs comptences, ds linstant o la loi ne linterdit pas explicitement.

  • Dans le mme temps, ltat a amorc en 1973 (mise en place des contrats de pays ) un long mouvement de dsen-gagement, au profit dautres acteurs, publics et privs. En 2007, le processus sest entreml avec la mise en place de la Rforme gnrale des politiques publiques (RGPP), qui fait de la rduc-tion de la dpense lalpha et lomga de toute bonne gestion administrative. Le redcoupage territorial, en cherchant mettre un terme au mille-feuille admi-nistratif, devenait ds lors un passage oblig pour parvenir une redfinition plus modeste des objectifs publics.

    LRE DE LA CONCURRENCELambition de 2007-2012 voulait d-placer les vises globales de lam-

    nagement territorial. Dans les deux premires phases dominait la proc-cupation dun rquilibrage, dans la ligne du constat alarmiste de Jean-Franois Gravier en 1947 (Paris et le dsert franais) et autour des notions de compensation et de solidarit des territoires. Dans la troisime phase, au contraire, la polarisation territoriale est tenue pour un effet salutaire de la com-ptitivit. En fait, un territoire ne vaut que sil se dote des moyens qui lui per-mettront de sinscrire dans une concur-rence gnrale avec tous les autres. On namnage pas lespace pour lgaliser : on assume sa polarit. Dans le sigle de linstrument historique de lamnagement du territoire, la DATAR, laction rgionale sefface au profit de lattractivit rgionale 2.Il ne sagit plus de distribuer galitai-rement les services publics ou dobte-nir une prquation des ressources par la fiscalit. La logique nouvelle se condense en trois grands volets : ltat soutient les ples dores et dj les plus attractifs lchelle europenne ou mon-diale ( ples de comptitivit , ples dexcellence rurale , plan Campus ) ; les collectivits entrent en comptition et valorisent leur territoire en mobilisant linitiative prive ; les rgions et les d-partements refondus pansent les plaies en procdant de la redistribution la marge. Les phases prcdentes se pr-

    Aujourdhui, un territoire ne vaut

    que sil se dote des moyens qui lui permettront

    de sinscrire dans une concurrence

    gnrale avec tous les autres.

    JANVIER 2013 | Regards | 30

    DCRYpTAGE TERRITOIRES : LENJEU dUNE RFORME

    (2) Dlgation lamnagement du territoire et laction rgionale, devenue Dlga-tion interministrielle lamnagement et la comptitivit des territoires (DIACT) en 2005, puis Dlgation lamnagement du territoire et lattractivit rgionale.

  • occupaient de contenir le processus de marginalisation et de dsertification des espaces faiblement comptitifs ; la nouvelle veut prioritairement relier les ples dexcellence, dans le cadre dune mtropolisation accentue.La Rvolution franaise avait fait du dpartement le pivot territorial de ltat et la IIIe Rpublique avait institu la commune comme lunit de base de la citoyennet. Pour la droite dcom-plexe daprs 2007, lobjectif est de rendre possible la bonne gouver-nance dun couple fonctionnel qui nest plus celui du dpartement et de la

    commune, mais celui des blocs rgion-dpartement et mtropole-intercommu-nalit. Ltat orienteur et amnageur, qui tait au cur de la tradition histo-rique du bonapartisme-gaullisme, est mort : laffectation des ressources obit la pure loi des marchs et ltat ne fait quaccompagner et garantir la rgularit des contrats qui dlimitent les positions respectives des acteurs. Lalignement concurrentiel des gestions publiques, la limitation des impts sur lappareil productif, le contingentement des dpenses publiques (notamment en personnel), le recul des dotations

    JANVIER 2013 | Regards | 31

    ANALYSE POUR UNE GAUChE dIGNE dU NON !P

    hoto

    Ren

    aud

    Joly

  • dtat et la comptitivit des territoires vont de pair.

    UN VRAI CHANGEMENT?Quant la dcision publique, elle doit abandonner toute obsession de la rgle de reprsentation. La dmocratie nest plus le critrium du fonctionnement institution-nel, qui est dsormais celui de la gouver-nance : les lites de la socit civile proc-dent lexpertise, au choix et lvaluation, sur la base de lacceptation intgrale des normes du march concurrentiel. De 2007 2012, la simplification prsiden-tialiste, le bipartisme de type anglo-saxon et la refonte territoriale sont trois pices dun mme projet, autour dune ambition sans prcdent. La dcentralisation elle-mme se vide de contenu en laissant la place une vritable recentralisation de la ressource. Les collectivits sont thori-quement autonomes, mais dans un cadre financier totalement contraint : suppres-sion de la taxe professionnelle, inflation des normes techniques et imposition de la rgle dor au budget des collectivits.Que vont faire les socialistes au pou-voir ? Pour linstant, les seuls lments acquis sont labandon de linstitution des conseils territoriaux, le retour la clause de comptence gnrale et la cration dun Haut-Conseil des territoires ouvert aux excutifs territoriaux. Pour le reste, tout est en pointill. On ne sait pas grand-chose du cadre financier envisag ou de la rpartition des comptences, en dehors de vagues indications sur la spcialisation

    des rles. On ne sait rien non plus des dispositifs dlection envisags, hors la curieuse modalit dun scrutin cantonal binominal majoritaire.Le risque est que les socialistes se livrent quelques ajustements tactiques sans toucher sur le fond larchitecture pr-cdemment mise en place. Auquel cas, la cohrence de projet resterait entre les mains dune droite ouvertement lib-rale-scuritaire et le socialisme mettrait la gauche franaise la remorque dune logique sociale-librale langlo-saxonne. Le sens gnral dune mondialisation financire et librale tant totalement int-rioris, il ne resterait la gauche que le recours des redistributions la marge et la valorisation dun ordre social garanti, prsum plus efficace que lordre ultra-li-bral parce quil serait plus juste .Recul de ltat et politique scuritaire de gauche serait lhorizon officiel. Si cela tait, il conviendrait que, bien gauche, se formule la seule voie possible : celle dune cohrence alternative. La droite raccorde la drglementation, la comptitivit et la bonne gouvernance . Opposons-lui, toutes les chelles, le bien commun et le partage, le dveloppement des capacits humaines et la dmocratie dimplication. Cest sur cette seule base que la recom-position des territoires peut senvisager, ce qui implique que la rforme financire et fiscale, la rforme institutionnelle gn-rale et celle des collectivits territoriales devraient ouvertement sagencer. roger martelli

    JANVIER 2013 | Regards | 32

    DCRYpTAGE TERRITOIRES : LENJEU dUNE RFORME

  • JANVIER 2013 | Regards | 33

    DCRYpTAGE TERRITOIRES : LENJEU dUNE RFORME

    Communes et communauts de communesLa France comptait 44 000 communes en 1790, 37 500 en 1860et 36 683 en 2012.Le tableau suivant porte sur les communauts de communes (EPCI) fiscalit propre, cest--dire dont le financement est assur par le recours la fiscalit directe locale

    EPCI 1999 2012

    Mtropoles 1

    Communauts urbaines 12 15

    Communauts dagglomration - 202

    Communauts de communes 1 347 2 358

    Syndicats dagglomration nouvelle 9 5

    Total ECPI 1 678 2 581

    Nombre de communes regroupes 19 128 35 303

    Population regroupe (en millions dhabitants) 4,2 59,3

  • Au printemps 2012, la France a chang de majo-rit. Depuis la plus petite commune jusquau som-met de ltat, la gauche dispose aujourdhui de lensemble des pouvoirs institutionnels. Mais que va-t-elle en faire ? Comme en 1995, avec la fracture sociale de Jacques Chirac, la question des ingalits a t un des thmes de campagne majeur de lactuelle majorit prsidentielle. Les premires mesures conomiques et sociales prises par le Parti socialiste ne semblent pourtant pas, malheureuse-ment, aller dans le sens dune rduction des carts entre les Franais les plus riches et les plus pauvres. Un an aprs llection de Franois Hollande quel ta-bleau peut-on rapidement esquisser des ingalits en France ?Les ingalits profondes qui caract-risent la France, comme une grande partie des tats de lUnion europenne (pour ne pas citer les tats-Unis), touchent de nombreux domaines : la san-t, lducation, le logement, la culture

    Nous nous intresserons ici aux seules diffrences de revenus (de salaires et de patrimoine) qui sont la source de lensemble des ingalits.

    DES RICHESDE PLUS EN PLUS RICHESAu cours des annes 1990 et 2000, les plus riches se sont enrichis beau-coup plus vite que la moyenne des Franais, et ce dans des proportions insupportables. Entre 2004 et 2007, tandis que les 90 % les plus modestes de la population voyaient leurs revenus augmenter de 9 % en moyenne, les

    ce jour, le changement de majorit na pas influ sur les ingalits, toujours croissantes, entre riches et pauvres. tat des lieux par Didier Glot, membre

    de la fondation Copernic

    Les ingalits,cest maintenant !

    JANVIER 2013 | Regards | 35

    ANALYSE LES INGALITS, CEST MAINTENANT !

    Pho

    to R

    ober

    to M

    alde

    no

    Didier Glot est Secrtaire gnral de lObservatoire national de la pauvret et de lexclusion so-ciale (ONPES)

  • 1 % les plus aiss enregistraient une hausse de 16 % de leurs revenus, et les 0,01 % (les hyper-riches ) de 40 %. Et ces carts sont encore plus pronon-cs si on sintresse aux ingalits de patrimoine. Ainsi en 2010, les 10 % des mnages les plus riches possdaient prs de 50 % du patrimoine national, alors que les 10 % les plus pauvres en dtenaient moins de 0.1 %, soit un

    rapport de 1 200 et ces ingalits nont fait quaugmenter. En effet, la mme date, le patrimoine moyen dte-nu par les 10 % des mnages les plus riches tait 35 fois suprieur celui de la moiti des mnages les moins dots, alors que ce rapport ntait que de 32 six ans plus tt. Entre-temps la politique fiscale mene par le gouvernement pr-cdent avait port ses fruits.

    JANVIER 2013 | Regards | 36

    ANALYSE POUR UNE GAUChE dIGNE dU NON !

  • Mais au-del de la politique mene en matire de prlvements obligatoires, ces ingalits sexpliquent galement par une volution des salaires de plus en plus ingalitaire et une augmenta-tion forte de la part alloue aux revenus du capital. En effet, celle-ci est passe de 3 % de la valeur ajoute en 1977 8 % aujourdhui, et ce au dtriment de linvestissement. Ces deux facteurs se

    cumulent dailleurs pour les dirigeants des grandes entreprises multinationales qui de fait gagnent sur les deux tableaux. Les dirigeants du CAC 40 ont en effet vu leurs revenus exploser la fois comme actionnaires de leur(s) entreprise(s) et comme salaris en particulier du fait des hausses enregistres par les stock-op-tions, hausses qui ont largement dfray la chronique. Ainsi, le patrimoine de

    JANVIER 2013 | Regards | 37

    ANALYSE POUR UNE GAUChE dIGNE dU NON !

    Photo Olivier Jeannin

  • Bernard Arnault, lhomme le plus riche de France selon le classement 2012 du ma-gazine Challenge, slve 21,2 milliards deuros. Il faudrait un smicard prs de 1,6 millions dannes pour gagner une telle somme Et encore, il ne sagit que de son patrimoine professionnel, sans compter ses autres sources de revenus. Le revenu de Liliane Bettencourt, pro-pritaire de lOral, quatrime fortune de France et premire fortune fminine, ne serait que de 15 millions deuros. Pris dans son ensemble, le montant total de la richesse des 500 personnalits les plus fortunes serait, selon la mme source, de 267 milliards deuros, soit lquivalent de toutes les recettes annuelles de ltat.

    DES PAUVRESDE PLUS EN PLUS PAUVRES lautre extrmit de la distribution des revenus, le paysage est bien diffrent et les situations nettement plus drama-tiques. Alors quentre 1950 et 1990, la pauvret avait baiss sous leffet de la re-valorisation des pensions et de laugmen-tation du taux dactivit fminin, depuis le milieu des annes 2000, on observe une remonte de lexclusion dune large frange de la population. Quels que soient les indicateurs retenus, les ingalits saccroissent entre les plus riches et les plus pauvres. En 2010, dernire anne disponible, plus de 8,6 millions de per-sonnes vivaient sous le seuil de pauvret montaire relatif (soit 964 pour une personne seule), et lon peut craindre, du fait de la crise, une poursuite de cette

    tendance en 2011 et 2012. La pauvret touche plus fortement les moins de 18 ans (prs dun sur cinq est pauvre) et particulirement ceux des cits dont le taux de pauvret montaire dpasse 45 %. Les femmes seules qui lvent leurs enfants sont aussi les premires touches par la pauvret montaire qui est deux fois suprieure la moyenne nationale. Quant aux immigrs, ils sont les grands perdants et enregistrent un des taux de pauvret les plus lev et lvolution la plus dfavorable (40 % dentre eux sont pauvres en 2010, contre 35 % en 2009).La crise explique une partie de ce ph-nomne. Mais elle aggrave surtout des situations de vulnrabilits prexistantes qui rsultent notamment du fonctionne-ment dun march du travail particulire-ment dfavorable aux moins qualifis, et en particulier aux jeunes et aux femmes victimes de la prcarit de lemploi.En volution, la situation ne fait quempi-rer. Ainsi, entre 2004 et 2010 le taux de pauvret global est pass de 12.6 % 14, 1 %, soit le chiffre le plus lev de-puis 1997 (mais lpoque la pauvret concernait 8 millions dindividus, contre 8, 6 millions aujourdhui). La forte hausse du chmage qui touche aujourdhui plus de 10 % de la population active explique largement une telle augmentation de la prcarit. Elle explique galement lex-tension des situations extrmes de pr-carit et le recours de plus en plus massif des plus dmunis aux organismes de se-cours durgence : banques alimentaires,

    JANVIER 2013 | Regards | 38

    ANALYSE LES INGALITS, CEST MAINTENANT !

  • Prtendre lutter efficacement contre les ingalits sans modifier notre systme de redistribution socio-fiscal, constitue au mieux une illusion au pire une mystification.

    hbergements faute de logements, aides sociales des CCAS. Parmi ces pauvres, on retrouve une frange de plus en plus importante de travailleurs prcaires, de personnes ges, de familles nom-breuses ou de femmes seules levant leurs enfants. Sur longue priode, alors que la part des familles nombreuses diminue, mais reste prdominante par-mi les pauvres, les personnes seules et les familles monoparentales voient leur poids crotre de manire impor-tante, avec en toile de fond lexclusion lie la solitude.

    POUR UNE RFORME FISCALE RELLEMENT REDISTRIBUTIVEPour progresser vers plus de justice et moins dingalits, le gouvernement actuel se devrait dentreprendre une profonde rforme fiscale qui dpasserait largement les mesures dj prises. Il ne suffit pas en effet de remplacer le dis-cours dmagogique de lancienne majo-rit sur lassistanat cancer de la so-cit par un discours compassionnel vis--vis des plus dmunis pour que les ingalits seffacent comme par enchan-tement. Ce quil convient en premier lieu dengager cest une vritable poli-tique redistributive, car prtendre lutter efficacement contre les ingalits sans modifier en profondeur notre systme de redistribution socio-fiscal, constitue au mieux une illusion au pire une mystifi-cation. Comme lindiquait lOCDE dans un rcent rapport : La rforme des politiques fiscales et sociales est la

    manire la plus directe et la plus puissante daccrotre les effets redistributifs. La refondation du systme socio-fiscal constitue un enjeu social, conomique et politique majeur. Elle permettrait, entre autres, de financer sans attendre une hausse significative des minima sociaux qui depuis 1990 ont dcroch par rap-port au salaire minimum et de ne pas se contenter, comme la fait le Premier mi-nistre lors de la confrence nationale de dcembre de la lutte contre la pauvret, daugmenter le RSA de 10 % sur cinq ans, hausse qui ne compensera mme pas la perte de pouvoir dachat enregis-tre depuis vingt ans par le RMI puis le RSA, ou par lallocation chmage. didier glot (fondation copernic)

    JANVIER 2013 | Regards | 39

    ANALYSE LES INGALITS, CEST MAINTENANT !

  • Aujourdhui le peuple a rcompens la vrit, il a rcompens la pers-vrance, et plus encore, il a donn un cadeau damour au commandant Hugo Ch-vez , celui qui ddicace ainsi la victoire des lections rgionales au Prsident socialiste atteint dun cancer nest autre que son successeur dsign, le vice-pr-sident Nicolas Maduro. En labsence du comandante, qui six jours avant le scru-tin est parti Cuba se faire oprer, cest lui qui a men la dernire ligne droite de la campagne. Il a russi. Les socialistes enfoncent le clou aprs avoir gagn llection prsidentielle le 7 octobre der-nier (Hugo Chvez avait alors recueilli 55 % des suffrages).Le 16 dcembre, ils ont port 20 gou-verneurs la tte des 23 tats du pays. Lopposition en avait 8 auparavant. Elle a perdu certains de ses bastions et zones stratgiques comme ltat de Zulia, une grande rgion ptrolifre (1). La vic-toire ntait pas garantie pour le camp

    du Prsident alors que le 8 dcembre Hugo Chvez avouait pour la premire fois quil ne pourrait pas demeurer la tte de ltat et dsignait du mme coup son dauphin : Si quelque chose se passe qui fait que je ne peux plus exer-cer mes fonctions, je vous demande de voter pour Nicolas Maduro. Ds lors, le vice-prsident de 50 ans avait adjoint les Vnzuliens faire des lections rgio-nales un cadeau au Prsident malade toujours dans un tat incertain.

    UN VIEUX CAMARADE DE LUTTEQualifi de modr , il devra convaincre le Parti socialiste unifi vn-zulien (PSUV) aux multiples tendances. Pour lhistorienne Margarita Lopez Maya les talents de ngociateurs de Nico-las Maduro participeront faire taire les dissidences. Comme le sous-entend le turbulent Roland Denis, ancien vice-mi-nistre de la planification, le dauphin dHu-go Chvez est un homme dappareil. Il qualifie son vieux camarade de lutte de converti la haute bureaucra-

    Cest dsormais sur les paules du vice-prsident Nicolas Maduro que repose lavenir de la rvolution bolivarienne. Le successeur dsign du prsident socialiste peut dj se

    targuer davoir assn un grand coup lopposition.

    Nicolas Maduro sort de lombre dHugo Chvez

    JANVIER 2013 | Regards | 41

    INTERNATIONAL NICOLAS MAdURO SORT dE LOMBRE dhUGO ChvEz

    Pho

    to F

    abio

    Rod

    rigue

    s P

    ozze

    bom

    /AB

    r

  • tie . Ce qui lui a permis davoir beau-coup dinfluence dans les syndicats et lAssemble nationale .Lancien chauffeur de bus a ainsi men une carrire syndicale jusqu exercer la prsidence du syndicat du mtro de Caracas. Sa carrire politique croise rapi-dement celle dHugo Chvez. Sans parti-ciper au coup dtat rat en fvrier 1992, quil aurait mme condamn selon une source anonyme cite par le journal dopposition El Universal, il a milit pour lamnistie du militaire emprisonn. Cest en ces circonstances quil rencontre sa future pouse Cilia Flores, avocate, un des piliers du chavisme et aujourdhui procureure gnrale de la Rpublique. Lombre de Chvez comme il est par-fois surnomm, tait un des secrtaires du comandante lors de sa premire cam-pagne prsidentielle en 1998.

    ILLGITIME ? Ce nest pas un dirigeant lgitim par le peuple , assne Roland Denis. Nico-las Maduro sest pourtant prsent de-vant les Vnzuliens par deux fois : en 2000 lors des lections lgislatives, et en 2005 pour sa rlection comme dput. Il est alors nomm la tte de lAssem-ble nationale. Il devient ensuite ministre des Affaires trangres daot 2006 octobre 2012.Le moment choisi par Hugo Chvez pour dmissionner peut faciliter la passation de pouvoir. Il devrait tre investi officielle-ment le 10 janvier. Sil dmissionne aprs cette date, ce sera Nicolas Maduro, en

    tant que vice-prsident, dassurer lint-rim avant une nouvelle lection prsiden-tielle dans le mois qui suit. Si cest avant, cest au prsident du Parlement, Diosda-do Cabello, qui avait t voqu comme un possible successeur, de prendre les rnes du pouvoir.Nicolas Maduro se dmarque des cadres socialistes. Il na pas fait de car-rire militaire comme Diosdado Cabello ou comme 11 des gouverneurs nouvel-lement lus. lev dans une famille de gauche dans le quartier classe moyenne de Los Chaguaramos Caracas, il sest investi dans la politique ds le lyce o il militait au sein de la Ligue socialiste.Reste ce colosse lpaisse mous-tache brune, qui manquerait de cha-risme selon Margarita Lopez Maya, se rendre populaire auprs de lensemble des Vnzuliens si jamais une lection prsidentielle anticipe a lieu. Il a eu ses coups dclat en tant que ministre des Af-faires trangres. Il sest activement op-pos au coup dtat au Honduras contre Manuel Zelaya en juin 2009, puis, derni-rement, a critiqu lintervention militaire de lOTAN en Libye tout en se faisant le porte-voix de la proposition de concilia-tion porte par Hugo Chvez. Il a aussi consolid lAlliance bolivarienne pour les peuples de notre Amrique (Alba). lex-trieur, et auprs des allis du Venezuela, Nicolas Maduro na rien prouver. jean-baptiste mouttet

    JANVIER 2013 | Regards | 42

    INTERNATIONAL NICOLAS MAdURO SORT dE LOMBRE dhUGO ChvEz

  • regardS.fr+e-menSuel+trimeStrielaBonneZ-VouS

    retourner Regards, 5, Villa des Pyrnes, 75020 Paris

    prnom :

    adresse :

    code postal :

    tlphone :

    email :

    ville :

    nom :

    Choisissez votre tarif 40 tarif tudiants-chomeurs 60 Abonnement de soutien montant prciser :

    Choisissez votre rythme en une fois par trimestre par mois

    Choisissez votre moyende paiement par chque par carte bancaire (remplir le bulletin ci-dessous)

    Offre spciale !Je mabonne pour 11 numros et je repars avec un livre sous le bras

    nom :

    prnom :

    adresse :

    code postal :

    ville :

    tlphone :

    email :

    Nom :

    Prnom :

    Adresse :

    Code postal : Ville :

    Mail :

    Tlphone :

    OFFRESUPERSIZE ME

    Le mensuelREGARDS

    + le dvdSUPERSIZE ME

    +1 DVD confrencechaque trimestre

    = 96

    60

    POUR 1 AN CHQUE 60 TUDIANTS : CHQUE 45 HORS FRANCE : CHQUE 70 ABONNEMENT SOUTIEN CHQUE 100

    DURE LIBRE PRLVEMENT TRIMESTRIEL DE 15 je remplis lautorisation de prlvementet joins un relev didentit bancaire

    N nationaldmetteur484326

    AUTORISATION DE PRLVEMENT Jautorise ltablissement teneur de mon compte prlever sur ce dernier si sa situation le per-met, tous les prlvements ordonns par le crancier dsign ci-dessous. En cas de litige sur un prlvement, je pourrai en fairesuspendre lexcution par simple demande ltablissement teneur de mon compte. Je rglerai le diffrend avec le crancier.

    VOS NOM, PRNOM ET ADRESSE Nom et adresse du crancier

    REGARDS120 RUE LAFAYETTE 75010 PARIS

    COMPTE DBITER

    Code dtablissement

    Code guichet Numro de compte CL RIB

    Nom et adresse de votre banque ou de votre centre CCP

    Date SignatureJOINDRE UN RIB OU UN RIP

    RETOURNER REGARDS, 120 RUE LAFAYETTE 75010 PARIS - 01 47 70 01 90 - [email protected]

    LES DITIONS REGARDS5 Villa des Pyrnes 75020 Paris

    ABONNEMENT DE SOUTIEN prlevement trimestriel de 25 chque de 100

    ABONNEMENT prlevement trimestriel de 15 chque de 60

    LES DITIONS REGARDS5 Villa des Pyrnes 75020 Paris

    60 : Les 4 magazines + les 11 e-mensuels + laccs aux espaces rservs aux abonns sur regards.fr

    (archives+dossier)

    CHAQUE JOUR CHAQUE MOIS CHAQUE SAISON+ +

    retourner Regards, 5, Villa des Pyrnes, 75020 ParisTlphone : 09 81 02 04 96

  • Le 15 dcembre, les der-niers soldats franais com-battants sur le sol afghan ont quitt Kaboul. Ils sont arrivs en France trois jours plus tard, aprs tre passs par le sas de dcompression mis en place Chypre. Plus un seul des soldats fran-ais restant aujourdhui sur place nest cens tre engag dans des opra-tions militaires de combat. Formateurs, logisticiens, mdecins, les 1500 qui demeurent, toujours dans le cadre de la force internationale dassistance et de scurit (International security assis-tance force - ISAF), vont avoir comme mission essentielle dorganiser le retour des matriels et quipements. partir de juin prochain, il devrait nen rester que 500.

    un engAgement coteuxCest un engagement militaire de plus de onze annes qui est en train de prendre fin. En tout, 70 000 soldats franais auront t en mission en Afghanistan

    depuis la fin 2001. Engags essentielle-ment dans le cadre de lISAF mandats par le Conseil de scurit de lONU (r-solution 1386 du 20 dcembre 2001) et sous commandement de lOTAN, mais aussi dans celui de lopration Enduring freedom sous commandement amri-cain. Au total, 88 militaires franais ont t tus, plus de 700 blesss, dont des soldats souffrants de troubles psycholo-giques graves. Un cot humain lev si lon considre que les oprations ayant occasionn ces pertes se droulaient prs de 6 000 km de Paris et que la scurit nationale ntait pas en jeu. Le cot financier est lui aussi trs lev : en 2009 et 2010, les oprations de lar-me franaise en Afghanistan ont cot autour de 460 millions deuros chaque anne, soit, chaque fois, la moiti du budget annuel consacr aux forces d-ployes hors des frontires nationales.Vendredi 21 dcembre, tout juste ren-tr dAlgrie, Franois Hollande a tenu saluer larme franaise devant une cinquantaine de reprsentants en

    Les dernires troupes combattantes franaises ont quitt lAfghanistan. Franois Hollande aura donc tenu cette pro-

    messe de campagne. Et le bilan de laventure afghane de la France, longue de plus de dix ans, peut enfin souvrir.

    Afghanistan,un gchis de onze ans

    JANVIER 2013 | Regards | 45

    INTERNATIONAL AFGhANISTAN, UN GAChIS dE ONzE ANS

    Pho

    to T

    he U

    .S. A

    rmy

  • uniforme rassembls dans un salon de lElyse (1). Le Prsident franais a rap-pel que ce retour des combattants tait fidle lannonce faite au lende-main de son lection. Promesse tenue. Reste dsormais entamer un bilan prcis et dtaill de cette aventure afghane , ce que le Prsident sest bien gard de faire, se contentant de donner quelques lments factuels et chiffrs valorisant laction de larme franaise sur place. Je vous dis donc vous tous : mission accomplie. Je vous dis aussi action exemplaire , a-t-il lanc aux militaires prsents. Franois Hollande pouvait difficile-ment dire autre choses, concde Mariam Abou Zahab, politologue, spcialiste de lAfghanistan et du Pakistan. Cest un discours convenu usage interne, les Amricains tiennent le mme. Mais on sait que la ralit est bien moins claire. Tout dabord, onze ans aprs, on nest pas trs sr de connatre les vritables raisons qui nous ont conduit l-bas alors que nous ne sommes pas alls en Irak. Et persiste le sentiment que dans cet engagement, nous avons surtout t la remorque des Amricains. Ce sont dail-leurs des soldats amricains qui, ds le dpart des Franais, ont pris leur place dans le district de Surobi, ce qui montre bien que la zone nest pas pacifie et

    que nous sommes assez loin de la mis-sion accomplie. la mi-novembre, le ministre de la D-fense dfinissait ainsi la mission du dis-positif militaire franais en Afghanistan : Accompagner la monte en puissance des forces afghanes pour leur permettre dassurer elles-mmes la scurit de leur pays et de la population ; poursuivre lappui aux forces de scurit afghanes dans le district de Surobi, comme dans la province de Kapisa o le processus de transition est en passe dtre termin (...); continuer les missions de conseil et de formation aux forces de scurit afghanes ; assurer le dsengagement dAfghanistan en toute scurit. (2) Sur la question, essentielle, de la scurit, les forces de la coalition, dont la France fait partie, sont en ralit trs loin du compte

    Les problmes de scurit et de

    corruption, qui sont des maux profonds

    de la socit afghane, sont loin dtre

    rgls.

    JANVIER 2013 | Regards | 46

    INTERNATIONAL AFGhANISTAN, UN GAChIS dE ONzE ANS

    1. Vido voir sur : http://www.elysee.fr/videos/discours-lors-de-la-reception-de-forces-combat-

    tantes-de-retour-d-039-afghanistan/

    2. http://www.defense.gouv.fr/operations/afghanistan/dossier/le-dispositif-francais-pour-l-afghanis-

    tan

  • alors que se profile en 2014 un retrait quasi total de lensemble des forces trangres : En matire de scurit et de corruption, qui sont des maux pro-fonds de la socit afghane, rien nest rgl, souligne la politologue. Cest une conomie sous perfusion qui va voir disparatre tout ce qui tournait autour de la prsence trangre : commerces, services, etc. Beaucoup dAfghans vivaient de a, pas forcment trs bien mais cela va cesser du jour au lende-main. La ralit est quon laisse ce pays dans un tat pouvantable : aujourdhui les gens sarment en Afghanistan parce quils craignent le retour de la guerre civile. Et cela est, de fait, lun des sc-narios possibles : beaucoup danciens groupes et milices arms du pays ont t au cours des dix ans passs,

    relgitims et mme rarms parfois par les tats-Unis.

    une reLAtion AbmeQuant aux projets civilo-militaires mens sur place par larme franaise construction de dispensaires, dcoles, etc. , rien ne dit que ces ralisations souvent coteuses entretenir vont pouvoir perdurer aprs leur dpart : les Britanniques ont reconnu que leurs ra-lisations sur place avaient surtout pour objectif de faire avaler aux Afghans la pilule de la prsence militaire et que la question de leur prennit navait pas vritablement t pose.Cest avec ces pitres rsultats en toile de fond que se sont tenues Chan-tilly, les 20 et 21 dcembre dernier, les troisimes rencontres interafghanes.

    JANVIER 2013 | Regards | 47

    ENTRETIEN STEFFEN LEhNdORFF

    Pho

    to T

    he U

    .S. A

    rmy

  • Organises depuis un an par la France sous couvert de la Fondation pour la recherche stratgique, ces rencontres ont pour objectif non pas de lancer un processus de ngociations entre les diffrents acteurs Afghans mais de leur fournir un cadre dchange et de discus-sion. Des missaires du gouvernement dAhmid Karza, de mouvements rebelles, islamistes, de la communaut chiite, et mme, en dcembre, deux reprsentants des talibans, se sont rencontrs et par-ls ; le gouvernement afghan a aussitt fait savoir que ces rencontres restaient informelles et que les vritables ngocia-tions nauraient pas lieu Paris (3). Quel est lintrt pour la France dorganiser de telles rencontres et quelle est sa lgitimi-t pour le faire ? Lobjectif, cest doccu-per le terrain diplomatique, de montrer que les tats-Unis ne sont pas les seuls actifs l-dessus, rsume Mariam Abou Zahab. La lgitimit, elle, vient de lhis-toire. La France a avec ce pays, comme lAllemagne et la Turquie, des liens an-ciens qui datent du dbut du xxe sicle. Nous y sommes intervenus dans les domaines de la sant, de lducation, de lagriculture, sans compter larcho-logie On a form une lite franco-phone afghane ; il y a eu la priode des annes 1960 et 1970 avec des coop-rants sur place, puis les french doctors et les ONG. Il y a une histoire franco-afghane qui est connue et reconnue

    l-bas et nous avions plutt une bonne image. Sauf que ces dix dernires an-nes, la France en Afghanistan, a a t des troupes mles dautres troupes doccupation trangres. Tous les jeunes Afghans ns aprs les annes 1980 et/ou qui taient en exil et nont pas connu la priode prcdente ne font pas la diffrence, ils voient les troupes de lISAF dans leur globalit et les Fran-ais en font partie, cest tout. Onze ans dengagement militaire coteux pour des rsultats stratgiques et politiques trs mdiocres et une relation franco-afghane bien abme. Je veux convaincre les Franais que ce que nous avons fait en Afghanistan tait utile , a dit Franois Hollande aux militaires le 21 dcembre. Cest pas gagn. emmanuel riond

    JANVIER 2013 | Regards | 48

    INTERNATIONAL AFGhANISTAN, UN GAChIS dE ONzE ANS

    3. La diplomatie franaise bute sur lAfghanistan , Le Monde dat des 30-31/12/12 et 01/01/13

    Je veux convaincre les Franais que ce que nous avons fait

    en Afghanistan tait utile , Franois

    Hollande, le 21 dcembre 2012

  • gennevilliers

    le choix duservice public

    www.ville-gennevilliers.fr

    Pub220X230-CMS.indd 1 15/11/12 13:51

  • que vous inspire la dcision de renforcer la police qui vise, selon Manuel valls, combattre le crime, la dlinquance, les trafics, la violence ?mathieu rigouste. Il sagit de lgitimer la continuit du renforcement scuritaire et damadouer la grogne policire. La rhto-rique qui permet de faire passer le contrle de la population pour une mesure de pro-tection, voire de salubrit publique, struc-ture toute la pense dtat moderne. On doit dailleurs cet imaginaire protger la population delle-mme et malgr elle au pouvoir colonial. Dsigner le crime, la dlinquance, les trafics, la violence , comme le fait Manuel Valls, permet de dfinir les classes populaires comme des milieux o prolifre une menace contre la socit. Cela masque le systme des do-minations conjugues de classe, de race et de genre qui structurent cette socit. Lannonce du ministre valide le schma dcrit la fin du livre. Les fractions de droite des classes dirigeantes ont ten-

    Manuel Valls a annonc vouloir recruter plus de 7 000 gendarmes et policiers en 2013 et crer 500 nouveaux

    postes tous les ans. Mathieu Rigouste, auteur de La Domi-nation policire paru en novembre dernier, explique cette

    politique de renforcement policier.

    QUE FAIT LA POLICE ?Entretien avec Mathieu Rigouste

    JANVIER 2013 | Regards | 50

    ENTRETIEN MAThIEU RIGOUSTE

    MathieuRigouste,militant et chercheur en sciences sociales.

  • JANVIER 2013 | Regards | 51

    ENTRETIEN MAThIEU RIGOUSTE

    dance intensifier la police en dvelop-pant des units froces et offensives, ou en investissant dans les nouvelles tech-nologies pour augmenter la productivit policire. Les fractions de gauche ont tendance tendre ces dynamiques en multipliant les moyens humains et en fa-vorisant les units (dites de proximit ) doccupation du territoire. Deux rgimes qui ne sexcluent pas, mais sempilent au gr des alternances la tte de ltat. Reprenant les manettes, le PS tend et amplifie les renforcements policiers mis en uvre par la droite. La convergence de ces fractions mne une restructura-tion scuritaire.

    quoi sert la police ?mathieu rigouste. La police a en charge de maintenir lordre. Cest mme sa dfinition officielle. Sauf que la mythologie dmo-cratique prsuppose que la police main-tient un ordre juste, galitaire et lgitime. En ralit, nous nous dbattons lint-rieur dune socit capitaliste, patriarcale et raciste, au premier rang des grands tats imprialistes. La police est linstitu-tion charge de protger cet ordre social, conomique et politique, disposant pour cela de diffrents rgimes de contrainte. Elle traduit en gestes la volont de puis-sance des classes dominantes. Mais quelque chose dautre est luvre. La police est aujourdhui un acteur principal de la restructuration nolibrale et scuri-taire : elle nourrit lextension des marchs de la scurit publique et prive. Certes, le renforcement policier est luvre dun

    tat et dune conomie en crise , dans la mesure o les classes dominantes doivent intensifier et tendre leurs sys-tmes de dfense laurore de ce qui ressemble au premier soulvement mon-dial. Mais il alimente aussi les marchs de la coercition et cette croisade intrieure que constitue la rnovation urbaine : la police a pour fonction de protger, mais aussi de propulser lexpansion des mga-lopoles nolibrales et scuritaires.

    N dune mre institutrice, vous vous dcrivez comme un mle blanc et htrosexuel , ayant vcu Gennevilliers dans une cit HLM. Pourquoi signalez-vous ces lments au dbut de lenqute ?mathieu rigouste. Je dis avoir t fabriqu comme un mle blanc et htrosexuel, dans les strates suprieures des classes populaires. Toute enqute est oriente par la position du chercheur dans la socit. Les savoirs ne sont pas construits lex-trieur du monde social. Certaines pers-pectives impactent les rsultats. Je parle depuis les lieux qui subissent principale-ment et frontalement la violence policire, mais avec les privilges caractristiques de ceux qui en sont structurellement et systmatiquement protgs. Cest dire que jai vcu une trentaine dannes dans des mondes harcels par la violence poli-cire, tout en assistant rgulirement au fonctionnement dune discrimination sys-tmique par la classe, la race et le genre. Je livre aussi les conditions de produc-tion des outils que je propose pour lutter.

  • JANVIER 2013 | Regards | 52

    ENTRETIEN MAThIEU RIGOUSTE

    Mettre les conditions denqute dispo-sition de la critique, cest lui permettre de juger, damliorer ou dinfirmer ces propo-sitions. En loccurrence, les privilges qui me permettent de prendre la parole sont lis aux mmes rapports de domination qui produisent la violence policire. Ils font partie de ce quil faut balayer. Alors je moccupe de devant ma porte.

    Lorsquun lycen de Montreuil perd un il aprs un tir de flash-ball, peut-on parler de bavure ?mathieu rigouste. La notion de bavure suppose un draillement, un accident, un dysfonctionnement. La violence policire est au contraire rgule par ltat, elle est structure rationnellement et techni-quement. En amont de la dotation des policiers en armes subltales, il y a des intrts politiques et conomiques trs puissants, de sorte que ltat encadre lusage de ces armes. Une formation rapide et des rglements ont t mis en place. Il est proscrit et non pas interdit de tirer au visage, il faut viser au-dessus du bassin et en dessous de la tte. Mais on autorise soixante cen-timtres de marge, ce qui revient dire quon peut tirer dans les parties gnitales ou la tte et tre habilit utiliser ces armes. Lune de ces sessions dhabilita-tion a t filme, je la dcris dans le livre. Le policier met la balle en plein dans la tte du mannequin et le formateur valide, expliquant quil sagit avant tout de tou-

    cher la cible pour tre habilit, le princi-pal est de ne pas se tromper de cible. Le policier qui a borgn Jeoffrey, un lycen, Montreuil en octobre 2010, avait reu une demi-journe de formation, il na pas fait de sommation, il ntait pas en lgitime dfense et le Lanceur de Balles de Dfense tait lessai. Le policier a pourtant t disculp. Son geste a t habilit administrativement et judiciaire-ment. Lborgnement policier nest pas une bavure, mais une pratique dtat en expansion. Pour combattre ce type de pratiques, il faut mettre en vidence que ce ne sont pas des drapages.

    En quoi la BAC est-elle un emblme des nouvelles formes de rpres-sion ?La BAC est emblmatique parce que, comme le systme scuritaire, elle res-tructure des programmes coloniaux. Ces units dintervention militaires calques sur le modle commando et issues de la police des indsirables sont un driv des Brigades agressions et violences (1). La BAC est emblmatique aussi parce quelle recombine ces hritages sur un plan nolibral. Son organisation interne et ses modes de fonctionnement sins-pirent des thories du no-management sur la productivit et la capacit proac-tive. Cest une police dabattage, de ren-dement, axe sur la mobilit et la frocit. La Brigade anticriminalit est finalement emblmatique en ce quelle industrialise

  • la chasse comme forme de police et la brutalit comme forme de gouvernement, ce qui traduit assez bien, sur un plan local et quotidien, au niveau de la gestion des corps, la face intrieure de ce grand mou-vement de conqute bas sur la dpos-session, dans lequel se sont engags les tats imprialistes occidentaux depuis la fin du xxe sicle.

    Comment ragissez-vous laf-faire de la BAC de Marseille ?Elle me semble caractristique de larri-ve des fractions de gauche aux manettes de la machine dtat : pour lgitimer la mise en uvre dune rforme extensive de la police, le gouvernement sacrifie aux mdias une brigade dont les agissements taient connus et protgs par la hi-rarchie, la prsentant comme le symbole du sarkozysme policier. Or on retrouve les faits reprochs aux baqueux de Marseille dans de trs nombreuses BAC partout en France et dans dautres units de police. Ce coup de projecteur tente

    de masquer le fait que le programme BAC et le systme de police continueront fonctionner de la mme manire, plein rgime, tant que perdureront les struc-tures conomiques, politiques et sociales qui les produisent. propos recueillis par marion rousset

    1. BAV, elles-mmes drives des Brigades nord

    africaines (BNA)

    ENTRETIEN MAThIEU RIGOUSTE

    JANVIER 2013 | Regards | 53

    La Domination policire. Une violence industrielle, de Mathieu Rigouste, d. La Fabrique, 208 p., 15 .

    La notion de bavure suppose un dysfonctionnement tandis que la violence policire est rgule par ltat.

  • Lart en guerre deJoseph Steib

    JANVIER 2013 | Regards | 54

    La D

    erni

    re S

    cne

    (194

    3) p

    ar J

    osep

    h St

    eib.

    Colle

    ctio

    n pa

    rtic

    uli

    re, p

    hoto

    M. B

    erto

    la.

  • Les uvres naves et engages de Joseph Steib (1898-1966), artiste amateur sont lune des dcouvertes de

    lexposition LArt en guerre France 1938-1947 qui se tient au muse dart moderne de Paris. Une exposition encyclopdique o lon suit le parcours et les stratgies de

    survie des artistes durant la Seconde Guerre mondiale.

    JANVIER 2013 | Regards | 55

  • bien sr, son uvre na pas la dimension rvolution-naire dun Picasso, ni sa force dengagement quand ce dernier, durant la Se-conde Guerre mondiale, refusa de quitter la France malgr les menaces de la Ges-tapo. Il na pas eu non plus la tragique destine dun Otto Freundlich, peintre juif-allemand, symbole de lArt dgnr pour les nazis. Cach dans les Pyrnes puis dnonc, celui-ci disparatra dans les camps de la mort. Non, son chemin de rsistance durant lOccupation, Jo-seph Steib le mena au secret de sa cui-sine, dans son pavillon de Brunstatt, prs de Mulhouse, en Alsace. Ce qui peut

    paratre ridicule et pourtant Si neuf de ses tableaux partagent aujourdhui la mme exposition que des grands noms de lHistoire de lart, cest parce que son histoire est singulire, sa peinture ton-nante et son inspiration extraordinaire.Selon les catgories dusage, on le dit peintre amateur. Fonctionnaire dans diffrents services de la Ville de Mul-house, aprs une pratique du dessin en autodidacte, il prend des cours du soir. Il expose des toiles dans plusieurs salons, frquente Marie-Augustin Zwiller, artiste alsacien acadmique renomm, et de-vient un collectionneur compulsif danti-quits et dobjets dart. Sa production est alors trs conventionnelle : paysage, cour de ferme, scne de mariage Quand, en 1939, la guerre clate, il en est pro-fondment affect. De sant fragile, fr-quemment absent son poste demploy de bureau au Service des eaux de la ville, il est mis dfinitivement en invalidit en 1941. Cest dans ce contexte particulier que, durant tout le conflit, il va exorciser ses angoisses et se muer en artiste en-gag en peignant une cinquantaine de peintures hallucines pour dnoncer la main mise des Allemands sur la France et sur lAlsace annexe, faisant courir lui-mme et sa famille un rel danger si son activit avait t dcouverte.

    JANVIER 2013 | Regards | 56

    CULTURE JOSEPh STEIB

  • JANVIER 2013 | Regards | 57

    CULTURE JOSEPh STEIB

    La Damnation du Fhrer (1941), par Joseph Steib.Collection particulire, photo M. Bertola.

  • Ce qui frappe dans les uvres de Joseph Steib, cest le contraste entre leur style naf, leurs sujets politiques et leurs trai-tements oniriques. Hitler y est ridiculis, grim, insult, dans des mises en scnes fourmillantes de dtails, souvent dinspira-tion religieuse, accompagns de slogans nazis dtourns. Dans La Damnation du Fhrer (1941), Hitler se tient au centre de la composition, les yeux levs au ciel comme une Madone. Entour de cra-tures dmoniaques, il est plong dans la lumire rougeoyante des flammes de lenfer. Dans Le Conqurant (1942), Steib fait son portrait la faon dArcim-boldo. De son visage rpugnant o lon devine un porc, schappe un Heil. Au bras du Fhrer, un brassard orn dune croix gamme forme de deux serpents et proximit, une mouche merde. Dans La Dernire Scne (1943), minutieuse parodie blasphmatoire de la Cne, Hitler apparat en Antchrist entour de digni-taires nazis. Plus que des satires froces, ces tableaux peuvent tre vus comme des uvres conjuratoires. Dautres sont tout simplement visionnaires. Esprant lchec du nazisme, en pleine tourmente, Steib en chante dj laprs. Dans Et le rve se ralisa (1939-1942), des villa-geois en liesse courent vers une fanfare de militaires. Tout y est tricolore : dra-peau