Réforme de la PAC 2014-2020 : Agriculture de montagne ... · et de nombreuses appellations...

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Montpellier SupAgro Spécialisation TERPPA Lise Denat, Milène Delisse Clara Landais, Julia Landrieu Décembre 2013 Réforme de la PAC 2014-2020 : Agriculture de montagne, perdante ou gagnante ?

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Montpellier SupAgro – Spécialisation TERPPA

Lise Denat, Milène Delisse

Clara Landais, Julia Landrieu

Décembre 2013

Réforme de la PAC 2014-2020 :

Agriculture de montagne,

perdante ou gagnante ?

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Résumé

En couvrant 40% du territoire européen, la montagne se distingue par des spécificités

structurelles et fonctionnelles.

Elle fait l'objet d'enjeux économiques, environnementaux et territoriaux, parfois

contradictoires, auxquels ses agriculteurs doivent faire face. Malgré des conditions difficiles

de production, l’agriculture de montagne a su se différencier par des productions de qualité

et de nombreuses appellations d’origine.

C'est dans une volonté de soutenir ce territoire particulier et ses agriculteurs que s'est mis en

place en 1975 un soutien en faveur de l'agriculture de montagne à travers la Politique

Agricole Commune (PAC). Cette aide se traduit par des aides financières du premier et du

second pilier. A l’aube d’une nouvelle réforme nous verrons la place accordée dans cette

nouvelle politique pour l’agriculture de montagne.

Abstract

Mountain areas represent 40% of European territory and have their own functional and

structural specificities. Mountain farmers have to face economic, environmental and

territorial issues, sometimes conflicting with each other.

Despite difficult conditions for agricultural production, mountain farming has developed

several high quality products and many registered designations of origin.

In order to help this territory and its farmers, the European Union decided in 1975 to provide

specific financial support to mountain areas through the Common Agricultural Policy (CAP).

We will see how mountain farming is supported by the new CAP.

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Table des matières

Introduction ................................................................................................................................ 2

1. Définitions, caractéristiques et enjeux de l’agriculture de montagne ................................. 2

1.1 Zone de montagne : deux échelles, deux définitions ................................................... 2

1.1.1 Le cadre européen ................................................................................................ 2

1.1.2 La montagne française ......................................................................................... 3

1.2 Caractéristiques de l’agriculture de montagne ............................................................ 3

1.3 Divers enjeux liés à la multifonctionnalité de l’agriculture de montagne ................... 3

1.3.1 Importance des services rendus par l’agriculture aux territoires montagnards .... 3

1.3.2 Paradoxes et contradictions autour des enjeux portés par l’agriculture de

montagne ............................................................................................................................. 4

2. La PAC et l’agriculture de montagne ................................................................................. 4

2.1 Etat des lieux des aides « montagne » dans l’UE ........................................................ 4

2.2 Les aides du 1er pilier de la PAC dans l’agriculture de montagne .............................. 6

2.2.1 Evolution des aides du 1er

pilier dans l’agriculture de montagne ........................ 6

2.2.2 Création des paiements de base : vers une réduction de l’inégalité des DPU entre

zones de montagne et de plaine? ......................................................................................... 6

2.3 Impact de la réforme 2014 sur les aides du second pilier, plus spécifiques à la

montagne ................................................................................................................................ 6

2.3.1 Modification du budget PAC, un 2ème

pilier impacté ........................................... 6

2.3.2 Disparition de la PHAE en partie compensée pour les agriculteurs de montagne

7

2.3.3 Une revalorisation de l’ICHN, aide centrale des zones de montagne .................. 7

2.3.4 Valorisation des produits de montagnes ............................................................... 8

Conclusion .................................................................................................................................. 8

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Liste des acronymes

DPU : Droits à Paiements Uniques

FEADER : Fond Européen pour l’Agriculture et le Développement Rural

ICHN : Indemnité Compensatoire de Handicap Naturel

PAC : Politique Agricole Commune

PHAE : Prime Herbagère Agro Environnementale

SAU : Surface Agricole Utile

SIQO : Signe de l’Identification de la Qualité et de l’Origine

UE : Union Européenne

UTA : Unité de Travail Annuel

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Introduction

L’Europe abrite de nombreuses chaînes de montagne où l’interaction entre les hommes et le milieu

naturel a constamment transformé ces territoires. Ces espaces présentent des caractéristiques

climatiques, écologiques et économiques spécifiques. En effet, ils imposent des contraintes naturelles

importantes : fortes pentes, climat difficile (neige, sécheresse), altitude (Nordregio, 2004). Ce sont

donc des zones difficiles d’accès, peu peuplées, ce qui peut limiter le développement économique

comparé aux zones de plaine. Cependant, ces territoires offrent de grandes richesses (faunistiques,

floristique, paysagères) qui doivent être sauvegardées et entretenues. Ainsi l’agriculture de montagne

doit perdurer dans ces territoires afin de relever ces différents défis : redynamiser l’économie,

entretenir le territoire.

À l’heure où la Politique Agricole Commune (PAC) se réforme, des questions se posent quant à la

prise en considération des enjeux de l’agriculture de montagne par les politiques communautaires.

L’étude suivante vise à étudier l’application de ces politiques au niveau français.

La PAC 2014-2020 permettra-t-elle de répondre aux enjeux spécifiques de l’agriculture de montagne?

Dans quelle mesure ces nouvelles orientations se différencient-elles des politiques passées ou au

contraire continuent-elles de suivre la même logique ?

1. Définitions, caractéristiques et enjeux de l’agriculture de montagne

1.1 Zone de montagne : deux échelles, deux définitions

1.1.1 Le cadre européen

Les montagnes européennes représentent environ 40% du territoire, et concernent 94 millions

d’habitants, soit 19 % de la population (Nordregio, 2004). La définition de ces espaces s’est construite

dans le cadre de la PAC. En effet, il a été nécessaire de définir différentes zones au sein du territoire

européen afin de prendre en compte les disparités structurelles et naturelles entre les diverses régions

agricoles.

La directive du Conseil des Communautés européennes du 28 avril 1975 (75/268/CEE) considère les

zones de montagne comme des régions devant faire l’objet d’un traitement spécifique en raison de

conditions physiques et climatiques particulières : existence de climat ou d’une altitude raccourcissant

la période de végétation, présence de pentes importantes limitant la mécanisation ou la rendant très

coûteuse, ou la combinaison des deux premiers éléments.

Dans un deuxième temps, l’article 18 du Règlement N° 1257/1999 du Conseil de l’UE du 17 Mai 1999

définit les critères précis caractéristiques d’une zone de montagne :

- Altitude comprise entre 500 et 1000 mètres, selon les États membres, et selon les régions d'un

même Etat

- Altitude moindre mais territoire marqué par des pentes allant de 15 à 25 %

- Localisation au nord du 62ème parallèle et certaines zones adjacentes dans le cas particulier de

la Finlande et la Suède

L’Europe présente des réalités géographiques très différentes en fonction des pays. Ainsi chaque Etat

membre a précisé la définition des zones de montagne en adaptant ce cadre législatif à son contexte

national. Nous nous intéresserons dans cette étude à l’agriculture de montagne en France.

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1.1.2 La montagne française

La France a raisonné en termes de « massif » pour définir ses zones de montagne. Tous les espaces

dont l’altitude dépasse 700 m (600 m pour le massif vosgien, 800 m pour les montagnes

méditerranéennes), et/ou 80% du territoire est caractérisé par de fortes pentes (supérieures à 20%)

peuvent être classés en zone de montagne. Ces zones font partie des zones dites « défavorisées »,

espaces où l’activité agricole souffre de handicaps naturels, et peuvent se décliner en 3 sous-espaces :

haute-montagne, moyenne montagne, et piémont (Annexe 1). Cette classification donne lieu à des

différences d’aides de la PAC.

1.2 Caractéristiques de l’agriculture de montagne

En France, les exploitations de montagne ont la particularité d’être des structures de plus petite taille

que celles de plaines : la taille moyenne des exploitations françaises est de 53.5 ha contre 45.2 ha en

zone de montagne. Des exploitations certes plus petites, mais qui requièrent plus de main d’œuvre :

une UTA (Unité de Travail Annuel) pour 12.5 ha en montagne contre 15.3ha en plaine.

Les exploitations de montagne représentent 12% de la production brute de l’agriculture française (5.1

milliards d’euros), mais génèrent des revenus plus faibles qu’en plaine : une différence de 10 000€/an

en moyenne (Euromontana, 2010). Un écart expliqué par des coûts de production plus élevés et

d’importantes contraintes physiques (transport, etc.). Une réalité à laquelle s’adaptent les agriculteurs

de montagne en choisissant d’être double actif saisonnier pour la plupart.

Dans les montagnes françaises, trois exploitations sur quatre sont tournées vers l’élevage, dont la

moitié se consacre à l’élevage bovin, un quart à l’élevage ovin et un quart à l’élevage caprin. Cette

prédominance de l’élevage se traduit par des surfaces agricoles montagnardes majoritairement

herbagères. Les surfaces toujours en herbe couvrent de 2/3 à plus de 90% de la SAU des zones de

montagne, représentant ainsi 40% des prairies permanentes françaises.

L’agriculture de montagne française est multi-facettes et a différents visages. Mais toutes ces réalités

se rejoignent autour d’enjeux communs pour les exploitations et les territoires.

1.3 Divers enjeux liés à la multifonctionnalité de l’agriculture de montagne

1.3.1 Importance des services rendus par l’agriculture aux territoires montagnards

Dans sa forme la plus traditionnelle, l’agriculture de montagne revêt une fonction productive, mais

dans cet environnement particulier aux fortes contraintes physiques et géographiques, l’agriculture est

intrinsèquement porteuse de services variés pour le territoire, qui vont au-delà du simple enjeu

productif.

Dans une perspective historique, l’agriculture de montagne est la gardienne d’un patrimoine et de

traditions qui ont accompagné les mutations des territoires. Les progrès techniques qui ont touché

l’agriculture de plaine dès les années 1960 ne sont pas arrivés aussi tôt et de façon aussi importante

dans les zones de montagnes. Celles-ci ont pu conserver en partie des pratiques et un savoir-faire

agricole traditionnel.

En parallèle de ces services patrimoniaux, les agriculteurs sont des acteurs centraux des territoires

montagnards. Dans des petites communes, ils sont bien souvent les seuls agents économiques locaux.

L’agriculture participe à la création de richesses et au maintien de l’emploi et surtout du lien social. Le

secteur primaire doit être perçu comme un important levier de développement territorial pour

l’élaboration des politiques publiques.

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Mais l’un des services le plus important rendu par l’agriculture montagnarde concerne

l’environnement et les écosystèmes. Elle intervient comme un acteur incontournable du territoire dans

la gestion et la préservation des paysages et des ressources naturelles. Les agriculteurs jouent un rôle

prépondérant dans le sens où ce sont eux qui façonnent et construisent ce paysage. Ils sont de

véritables « jardiniers de la montagne » (Veyret, 1972). La pâture et le fauchage préviennent les

risques naturels (avalanches, incendies, inondation, érosion, etc.) et les travaux agricoles entretiennent

forêts, chemins et sentiers. En plus d’entretenir ce paysage, les agriculteurs jouent aussi un rôle

important dans la gestion de la biodiversité et dans la préservation des habitats. Les montagnes sont

des réservoirs de diversité biologique mondiale. Selon la FAO (Besche-Commenge, 2007), elles

abritent un quart de la diversité biologique terrestre. La grande diversité biologique des prairies et des

pâturages montagnards est due en partie à la diversité de l’utilisation du sol et à des pratiques agricoles

traditionnelles.

1.3.2 Paradoxes et contradictions autour des enjeux portés par l’agriculture de

montagne

Dans un contexte de multifonctionnalité des espaces montagnards, les volets récréatif et

naturaliste prennent une grande importance. Des conflits d’usage peuvent apparaitre dans ces zones. .

La cohabitation entre élevage, tourisme, et prédation en est la parfaite illustration. Depuis quelques

années, la montée d’une « conscience environnementale » a orienté les politiques publiques vers un

maintien ou un retour de certaines espèces de prédateurs (loups, ours, etc.) ce qui peut impacter le bon

fonctionnement des activités agricoles. D’une part, les éleveurs sont encouragés par des soutiens

financiers pour mettre en place des mesures de protection contre ces prédateurs, et d’autre part, ils sont

confrontés à des conflits avec les autres utilisateurs de la montagne (attaques de chiens de protection

sur les randonneurs, etc). Ainsi, les différents enjeux soutenus par les politiques publiques nationales

et communautaires entrent en contradiction dans leur mise en pratique.

Les politiques publiques se doivent de reconnaître les services rendus par le secteur agricole, tout en

intégrant l’évolution des perceptions du milieu montagnard et de ses usages. De plus, ces politiques

doivent mettre en cohérence les enjeux de production et les questions environnementales.

2. La PAC et l’agriculture de montagne

2.1 Etat des lieux des aides « montagne » dans l’UE

L’agriculture de montagne, ses enjeux et ses difficultés ont été pris en compte dans les politiques

publiques à partir de 1991 avec la loi montagne. Cette loi impose aux Etats Membres de sauvegarder

et d’encourager leur agriculture de montagne reconnue d’utilité publique. Par la suite, la PAC a

également pris en compte les enjeux spécifiques de l’agriculture de montagne au travers de différents

programmes d’aide. Les compensations de handicap naturel versées aux agriculteurs représentent 14%

des dépenses communautaires au titre de la politique de développement rural entre 2007 et 2013, soit

12,6 milliards d’euros (CE, 2009).

Les exploitations en zones défavorisées et plus particulièrement de montagne touchent en moyenne

55% de leurs aides qui viennent du 2nd pilier alors qu’en plaine elles touchent seulement 13%

(Cazaubon, 2010) (Annexe 2). Cette part importante d’aides du 2nd pilier par rapport aux aides du 1er

pilier est une spécificité des exploitations de montagne. En effet, pour les exploitations de plaine, la

majorité des aides provient des DPU (Droits à paiements uniques), aide du 1er pilier, alors qu’en zone

de montagne, l’aide principale est l’ICHN (Indemnités compensatoires de handicaps naturels), qui

provient du 2nd pilier (Annexe 3).

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2.2 Les aides du 1er pilier de la PAC dans l’agriculture de montagne

2.2.1 Evolution des aides du 1er

pilier dans l’agriculture de montagne

L’agriculture de montagne est peu soutenue par les aides directes du 1er pilier. Le « Bilan de santé

2010 » a constitué une évolution importante dans la conception de la PAC du point de vue des zones

de montagne. En effet, le 2nd

pilier, où se trouve la majorité des aides à l’agriculture de montagne, ne

représente que 20% de la PAC, il faut donc rééquilibrer le soutien au sein du 1er pilier. C’est ainsi

qu’a eu lieu en 2010 une revalorisation des DPU de montagne, avec l’apparition des DPU herbe, qui

dépendent du chargement et concernent les surfaces en herbe productives (DRAAF). De plus, le bilan

de santé 2010 fait état qu’une réintroduction de soutien couplé à certaines productions (ovine, lait

montagne) est nécessaire afin de garantir la production en zone de montagne, et notamment préserver

la production laitière. En effet, le découplage n’est pas forcément adapté aux zones de montagne

(Poncet, 2013) qui n’ont pas la liberté d’adapter leurs cultures aux fluctuations des prix. Le couplage

des aides sera maintenu avec la réforme 2014.

2.2.2 Création des paiements de base : vers une réduction de l’inégalité des

DPU entre zones de montagne et de plaine?

Lors de la mise en place des DPU en 2003, les systèmes extensifs dans les zones de montagne, ont été

peu soutenus. En effet, la détermination du montant des DPU d’une exploitation s’est faite sur la base

de références historiques. La valeur des DPU correspondait à la moyenne des aides touchées de 2000 à

2002, rapportées à la somme des hectares éligibles. Sur cette période, les différentes productions

n’étant pas soutenues à la même hauteur, des inégalités sont apparues quant au montant des DPU.

Ainsi les surfaces herbagères, ont globalement moins perçu d’aides que les surfaces céréalières. La

revalorisation du montant des DPU engagée en 2010 n’a pas permis de compenser les inégalités entre

les départements français : les DPU en montagne restent plus faibles que les DPU en plaine. Par

exemple, le DPU moyen perçu en Savoie est de 116 €/ha alors que le DPU moyen français est de 259

€/ha (Annexe 4).

La réforme de la PAC 2014-2020 va remplacer le système des DPU par les paiements de base. Il s’agit

de faire converger le montant de l'aide directe à l'hectare de chaque agriculteur. Différents choix sont

laissés aux Etats membres pour faire converger les aides d’une même région/zone vers ce montant à

l’hectare unique. Cette mesure revient à proposer que des exploitations de même surface et dans la

même zone, mais ayant une production différente puissent toucher la même base d’aide directe à

l’hectare (paiement de base). Ceci devrait permettre un transfert au profit de l’élevage extensif, zones

actuellement les moins bien servies par le système des DPU (MAAF). En effet, les zones de montagne

devraient gagner en moyenne 84 €/ha d’aides directes en plus (Chatellier, 2013).

2.3 Impact de la réforme 2014 sur les aides du second pilier, plus spécifiques à

la montagne

2.3.1 Modification du budget PAC, un 2ème

pilier impacté

Le budget total de la PAC va diminuer d’environ 12% pour la prochaine période 2014-2020 ce qui va

impacter de manière plus importante le 2ème

pilier que le 1er pilier (Annexe 5). Etant donné que les

agriculteurs de montagne dépendent davantage du second pilier, ils pourraient être défavorisés par

rapport aux autres agriculteurs. Mais cela ne sera pas le cas car les mesures spécifiques à la montagne

vont être revalorisées (notamment ICHN).

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De plus, la réforme 2013 va continuer de rendre le deuxième pilier souple, même si les mesures ne

seront plus classées par « axes » et que les Etats membres/Régions devront maintenant décider des

mesures à utiliser afin de répondre aux objectifs et priorités définis par l’UE. A l’intérieur de ces

mesures, ils pourront choisir des sous programmes (Ciolos, 2011). Si ce sont les Etats Membres qui

décident, on pourrait craindre le choix de mesures non spécifiques, ne concernant pas particulièrement

l’agriculture de montagne. Cependant, si ce sont les Régions qui choisissent ces sous thématiques, il y

aura peut-être plus de chance que l’agriculture de montagne soit prise en compte (notamment pour les

régions ayant de nombreux territoires de montagne).

2.3.2 Disparition de la PHAE en partie compensée pour les agriculteurs de

montagne

La PHAE a été créée en 2003 (auparavant PMSEE, prime au maintien des systèmes d'élevage extensif)

pour soutenir les systèmes herbagers extensifs reconnus comme bénéfiques pour l’environnement

(aide non spécifique de l’agriculture de montagne). Des conditions doivent être respectées afin de

recevoir cette aide, comme par exemple une limitation de la fertilisation azotée. Ces conditions ont eu

des conséquences favorables pour l’agriculture de montagne comme une meilleure gestion des

effluents d’élevage utilisés pour la fertilisation ou bien encore l’utilisation et l’entretien de surface

difficile de par un plafond pour cette prime supérieur à celui de l’ICHN (100 ha contre 50 ha)

(Association française de l’agronomie, 2013). La PHAE est une aide majoritairement perçue par les

exploitations de montagne, soit 58% des montants sont touchés dans ces zones (Bazin, et Trouvé,

2010). Néanmoins, cette prime a poussé les exploitations de montagne à abandonner les céréales et à

se spécialiser dans les productions fourragères et les pâturages. Ces exploitations sont donc devenues

fortement dépendantes de l’achat des céréales à l’extérieur et subissent alors de plein fouet les

fluctuations de prix (Poncet, 2013).

Cette mesure va être supprimée avec la réforme PAC 2014. La perte occasionnée pour les

exploitations de montagne sera compensée par le transfert du montant de la PHAE vers l’ICHN. Cette

dernière est donc largement réévaluée dans la réforme 2014 puisqu’à la valeur actuelle s’ajouteront

une majoration et le transfert de la PHAE (Annexe 6).

Une MAEC (Mesure Agro-Environnementale et Climatique) « systèmes herbagers et pastoraux» va

être créée pour compenser la disparition de la PHAE. Cependant, elle ne concernera pas les

exploitations en zone de montagne qui elles bénéficieront déjà de la revalorisation de l’ICHN.

2.3.3 Une revalorisation de l’ICHN, aide centrale des zones de montagne

L’ICHN a été créée en 1976 pour compenser les difficultés structurelles auxquelles sont confrontées

les exploitations agricoles situées en zone défavorisée et ainsi y maintenir une activité économique.

Elle représente l’aide majoritaire parmi les aides spécifiques aux zones de montagne, et de par sa

stabilité au cours du temps, elle est un véritable « socle » pour l’agriculture de montagne (Association

française de l’agronomie, 2013). En France, en 2009, plus de 94 000 exploitations bénéficiaient de

cette prime, pour un montant annuel total de plus de 524 millions d’euros, soit un montant de 5 570

€/exploitation.

Jusqu’en 2014, seuls les 50 premiers hectares de chaque exploitation étaient primés avec une aide

majorée pour les 25 premiers hectares. Les surfaces prioritairement aidées sont les surfaces

fourragères. Cette aide est financée par l’État et fait l’objet d’un cofinancement de l’UE par le

FEADER. La réforme de 2014 de la PAC prévoit une revalorisation de l’ICHN de 15% et une

augmentation du plafond à 75 ha ce qui va être bénéfique pour l’agriculture de montagne et ainsi

inciter les agriculteurs à entretenir un maximum de terres en montagne (Chambre d’agriculture

Ardennes, 2013).

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2.3.4 Valorisation des produits de montagnes

Le travail de recherche EuroMarc réalisé par Euromontana à partir de 2007 a montré qu’il existe au

niveau européen, un potentiel de marché pour les produits agroalimentaires de montagne (Guitton et

Pasca, 2010). L’utilisation de la mention valorisante “montagne” (régie par le décret du 15 décembre

2000) ou bien l’obtention de label de qualité et appellation d’origine sont des outils permettant aux

produits agricoles de montagne de se différencier sur le marché. Cependant les filières ne sont pas

suffisamment organisées pour exploiter ce potentiel. En effet, les producteurs de montagne souhaitant

transformer leurs produits rencontrent des difficultés notamment le manque d’infrastructures pour

l’abattage et la transformation dans les zones de montagne.

De plus, il a été montré que les fromages AOC sont vendus en moyenne 46 % plus chers que les autres

fromages (Richard, 2010), ainsi le soutien au développement de signe de qualité et de l’origine (SIQO)

par la PAC pourrait permettre aux agriculteurs de montagne d’augmenter la valeur ajoutée de leurs

produits. Cela permettrait ainsi de mieux couvrir les surcoûts liés à la situation géographique et au

cahier des charges “montagne” plus contraignant. En plus de permettre une augmentation de la valeur

ajoutée, les SIQO contribuent au maintien de l’agriculture dans les zones de montagnes difficiles.

Ainsi par exemple, on peut voir un maintien de l’élevage laitier dans les zones d’appellations (exemple

Savoie et Haute Savoie avec le massif des Bauges) alors que celui-ci disparaît peu à peu dans les

autres zones de montagne (exemple : sur le massif de Belledonne dans les Alpes). La création de ces

SIQO permet également le développement économique des zones de montagne, par la création

d’emploi (pour la transformation et la commercialisation des produits), par la création de richesse sur

le territoire, par le développement du tourisme.

Ainsi, la valorisation des produits de montagne est un des principaux facteurs qui permettrait de rendre

viable les exploitations de montagne et de développer les zones rurales sur les plans économiques et

sociaux.

Conclusion

L’agriculture de montagne semble avoir été prise en compte lors de la réforme 2014 de la PAC. Il

faudrait maintenant que les pays accordent une attention particulière aux régions montagneuses

lorsqu’ils élaborent le second pilier de la PAC et qu’ils envisagent l’agriculture dans le contexte plus

large de l’économie multifonctionnelle. La valeur ajoutée de la biodiversité ou l’impact territorial de

l’agriculture de montagne pourraient, par exemple, être mieux pris en compte. Les futures politiques

concernant les zones de montagne devront donc s’appuyer sur une compréhension approfondie de la

situation socio-économique et environnementale des zones de montagne et sur l’évaluation des

politiques passées et présentes affectant ces espaces.

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Matrice AFOM autour de l’agriculture de montagne et de la réforme PAC 2014-2020:

Atouts

•Convergence interne pour les paiements de base

•Revalorisation de l'ICHN et majoration du nombre d'hectares

•Soutien aux petites exploitations

•Soutien aux filières spécifiques : élevage viande et laitier

Faiblesses

•Disparition de la PHAE => non entretien des espaces qui ne toucheront plus d'aides

•MAEc qui ne touchent pas les zones de montagne

•Revalorisation de l'ICHN qui reste trop faible par rapport aux surcoûts de production

Opportunités

•Productions spécifiques à forte valeur ajoutée

•Externalités positives (environnement, territoires, etc.)

•Promotion de la recherche

•Soutien d'initiatives locales innovantes

Menaces

•Inégalités de revenus

•Quelle date de mise en application de la réforme pour les aides ?

•Quels choix des états-membres dans le second pilier ?

•Quelle articulation entre les politiques communautaires et les politiques nationales (notamment en matière d'environnement)

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Bibliographie

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2013. "Impacts agronomiques de mesures de la PAC" pp. 84-91

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Annexes

Annexe 1 : Répartition des zones de montagne en France

(Source : Documents ICHN, http://www.ichn-agriculture.org)

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Annexe 2 : Montant total des aides directes de la PAC sur un département de montagne

(Source : Association française d’agronomie, 2013)

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Annexe 3 : Répartition des différentes aides directes reçues entre zone de montagne et

moyenne française

(Source : Association française d’agronomie, 2013)

Annexe 4 : Montant du DPU moyen en 2010 dans les Alpes (€/ha)

(Source : Association française d’agronomie, 2013)

Alpes de Haute-Provence Hautes-Alpes Savoie Haute- Savoie France

DPU (€/ha) 128 120 116 171 259

Annexe 5 : Evolution du budget PAC (1er et 2ème pilier) après la réforme de 2013

(Capeye)

(En milliards d’€) 2007-2013 2014-2020

Budget total 420.682 373.179

Budget 1er pilier 336.685 277.851

Budget 2ème pilier 105.17 84.936

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Annexe 6 : Modification de l’ICHN avec la réforme 2014

(Source : Chambre d’agriculture Ardennes, 2013)