Réduction du risque de diabète

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Lignes directrices de pratique clinique Réduction du risque de diabète Comité dexperts des Lignes directrices de pratique clinique de lAssociation canadienne du diabète La version préliminaire de ce chapitre a été préparée par Thomas Ransom MD, MSc, FRCPC, Ronald Goldenberg MD, FRCPC, FACE, Amanda Mikalachki inf. aut., EAD, Ally P.H. Prebtani BScPhm, MD, FRCPC, Zubin Punthakee MD, MSc, FRCPC MESSAGES CLÉS Comme il nexiste pas encore de traitements efcaces et sans danger pour la prévention du diabète de type 1, toute tentative de prévention du diabète de type 1 ne doit être faite que dans le contexte de protocoles de recherches structurés. Les interventions intensives et structurées qui sont axées sur le mode de vie et produisent une perte de poids denviron 5 % par rapport au poids initial peuvent réduire de près de 60 % le risque de progression de lintolérance au glucose vers le diabète de type 2. Le risque de progression du prédiabète vers le diabète de type 2 peut aussi être réduit par un traitement avec la metformine (réduction denviron 30 %), lacarbose (réduction denviron 30 %) ou une thiazoli- dinédione (réduction denviron 60 %). Introduction Les stratégies préventives idéales contre le diabète de type 1 et de type 2 sétendent des stratégies axées sur les personnes prédisposées à la maladie aux stratégies à grande échelle, davantage axées sur les groupes ou la population générale. Pour les praticiens de la santé, ce sont les stratégies individualisées qui sont recherchées. Le fait de prévenir le diabète ou den retarder lapparition réduirait non seulement le fardeau de la maladie pour les patients, mais pourrait diminuer en plus la morbidité et la mortalité associées. Les stratégies préventives diffèrent selon le type de diabète. Étant donné lincidence et la prévalence croissantes du diabète, la mise au point dinterventions efcientes et sans danger visant la réduction du risque aiderait à diminuer le fardeau de la maladie pour lindividu et le système de santé. Réduction du risque de diabète de type 1 Le diabète de type 1 est une maladie chronique auto-immune caractérisée par la destruction des cellules bêta du pancréas. Les causes sont multifactorielles, les facteurs causaux étant à la fois génétiques et environnementaux. Une longue période préclinique précède lapparition des symptômes, qui peuvent être corrigés par une intervention thérapeutique préventive de la maladie. La nature exacte des facteurs causaux environnementaux continue à faire lobjet de débats. Les interventions immunothérapeutiques demeurent les principales mesures préventives. La stimulation des mécanismes immunitaires régulateurs est actuellement la voie qui semble la plus prometteuse pour ralentir la progression de la maladie et préserver la masse de cellules bêta (prévention secondaire). Deux études importantes portant sur des interventions visant à prévenir le diabète de type 1 ou à retarder son apparition ont pris n récemment. Létude ENDIT (European Nicotinamide Diabetes Intervention Trial) à double insu, contrôlée par placebo, à réparti- tion aléatoire, portant sur un traitement avec de fortes doses de nicotinamide, englobait des sujets présentant les caractéristiques suivantes : apparentés du premier degré de personnes ayant reçu un diagnostic de diabète avant lâge de 20 ans, porteurs danticorps anti-îlots de Langerhans, âgés de moins de 40 ans et présentant des résultats dhyperglycémie provoquée par voie orale (HGPO) normaux. La nicotinamide a eu un effet protecteur au cours des études chez lanimal, mais na eu aucun effet au cours des cinq années de létude ENDIT (1).Létude DPT-1 (Diabetes Prevention Trial e Type-1) portait sur lefcacité de linjection de faibles doses dinsuline chez des personnes présentant un risque élevé (risque prévu sur 5 ans supérieur à 50 %) et apparentées au premier degré avec une personne atteinte de diabète de type 1. Globalement, linsulinothérapie na pas eu deffet (2), mais dans un sous-groupe de sujets chez qui le titre dauto-anticorps anti-insuline était élevé, le délai dapparition du diabète de type 1 a été plus long et lincidence du diabète de type 1 a peut-être même baissé (3). Une troisième étude denvergure en cours, létude TRIGR (Trial to Reduce IDDM in the Genetically at Risk), évalue leffet dun régime les protéines du lait de vache sont remplacées par une préparation de lait hydrolysé administrée jusquàlâge de 6 à 8 mois chez des nourrissons présentant un risque génétique. Des données préliminaires indiquent que moins denfants étaient porteurs dauto-anticorps à 10 ans (4), mais les données sur le développement manifeste du diabète à 10 ans ou avant cet âge ne seront disponibles quen 2017. Une autre stratégie consiste à tenter darrêter la destruction à médiation immunitaire des cellules bêta au moment du diagnostic an de préserver la capacité résiduelle de sécrétion dinsuline par le pancréas. Les progrès en la matière sont lents, à juste titre, en raison de considérations éthiques. En effet, les effets secondaires de limmunosuppression ou de limmunomodulation énergiques sont peu tolérés compte tenu de lespérance de vie raisonnable que procure linsulinothérapie. Comme il nexiste pas encore de traitements efcaces et sans danger pour la prévention du diabète de type 1, toute tentative de Contents lists available at ScienceDirect Canadian Journal of Diabetes journal homepage: www.canadianjournalofdiabetes.com 1499-2671/$ e see front matter Ó 2013 Canadian Diabetes Association http://dx.doi.org/10.1016/j.jcjd.2013.07.033 Can J Diabetes 37 (2013) S377eS380

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Lignes directrices de pratique clinique

Réduction du risque de diabète

Comité d’experts des Lignes directrices de pratique clinique de l’Association canadienne du diabète

La version préliminaire de ce chapitre a été préparée par Thomas Ransom MD, MSc, FRCPC,Ronald Goldenberg MD, FRCPC, FACE, Amanda Mikalachki inf. aut., EAD,Ally P.H. Prebtani BScPhm, MD, FRCPC, Zubin Punthakee MD, MSc, FRCPC

MESSAGES CLÉS

� Comme il n’existe pas encore de traitements efficaces et sans dangerpour la prévention du diabète de type 1, toute tentative de préventiondu diabète de type 1 ne doit être faite que dans le contexte de protocolesde recherches structurés.

� Les interventions intensives et structurées qui sont axées sur le mode devie et produisent une perte de poids d’environ 5 % par rapport au poidsinitial peuvent réduire de près de 60 % le risque de progression del’intolérance au glucose vers le diabète de type 2.

� Le risque de progression du prédiabète vers le diabète de type 2 peutaussi être réduit par un traitement avec la metformine (réductiond’environ 30 %), l’acarbose (réduction d’environ 30 %) ou une thiazoli-dinédione (réduction d’environ 60 %).

Introduction

Les stratégies préventives idéales contre le diabète de type 1 etde type 2 s’étendent des stratégies axées sur les personnesprédisposées à la maladie aux stratégies à grande échelle,davantage axées sur les groupes ou la population générale. Pour lespraticiens de la santé, ce sont les stratégies individualisées quisont recherchées. Le fait de prévenir le diabète ou d’en retarderl’apparition réduirait non seulement le fardeau de la maladie pourles patients, mais pourrait diminuer en plus la morbidité et lamortalité associées. Les stratégies préventives diffèrent selon letype de diabète. Étant donné l’incidence et la prévalencecroissantes du diabète, la mise au point d’interventions efficienteset sans danger visant la réduction du risque aiderait à diminuer lefardeau de la maladie pour l’individu et le système de santé.

Réduction du risque de diabète de type 1

Le diabète de type 1 est une maladie chronique auto-immunecaractérisée par la destruction des cellules bêta du pancréas. Lescauses sont multifactorielles, les facteurs causaux étant à la foisgénétiques et environnementaux. Une longue période précliniqueprécède l’apparition des symptômes, qui peuvent être corrigés parune intervention thérapeutique préventive de la maladie. La natureexacte des facteurs causaux environnementaux continue à fairel’objet de débats. Les interventions immunothérapeutiquesdemeurent les principales mesures préventives. La stimulation desmécanismes immunitaires régulateurs est actuellement la voie qui

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semble la plus prometteuse pour ralentir la progression de lamaladie et préserver la masse de cellules bêta (préventionsecondaire).

Deux études importantes portant sur des interventions visant àprévenir le diabète de type 1 ou à retarder son apparition ont prisfin récemment. L’étude ENDIT (European Nicotinamide DiabetesIntervention Trial) à double insu, contrôlée par placebo, à réparti-tion aléatoire, portant sur un traitement avec de fortes doses denicotinamide, englobait des sujets présentant les caractéristiquessuivantes : apparentés du premier degré de personnes ayant reçuun diagnostic de diabète avant l’âge de 20 ans, porteurs d’anticorpsanti-îlots de Langerhans, âgés de moins de 40 ans et présentant desrésultats d’hyperglycémie provoquée par voie orale (HGPO)normaux. La nicotinamide a eu un effet protecteur au cours desétudes chez l’animal, mais n’a eu aucun effet au cours des cinqannées de l’étude ENDIT (1). L’étude DPT-1 (Diabetes PreventionTrial e Type-1) portait sur l’efficacité de l’injection de faibles dosesd’insuline chez des personnes présentant un risque élevé (risqueprévu sur 5 ans supérieur à 50 %) et apparentées au premier degréavec une personne atteinte de diabète de type 1. Globalement,l’insulinothérapie n’a pas eu d’effet (2), mais dans un sous-groupede sujets chez qui le titre d’auto-anticorps anti-insuline étaitélevé, le délai d’apparition du diabète de type 1 a été plus long etl’incidence du diabète de type 1 a peut-être même baissé (3). Unetroisième étude d’envergure en cours, l’étude TRIGR (Trial toReduce IDDM in the Genetically at Risk), évalue l’effet d’un régimeoù les protéines du lait de vache sont remplacées par unepréparation de lait hydrolysé administrée jusqu’à l’âge de 6 à 8mois chez des nourrissons présentant un risque génétique. Desdonnées préliminaires indiquent que moins d’enfants étaientporteurs d’auto-anticorps à 10 ans (4), mais les données sur ledéveloppement manifeste du diabète à 10 ans ou avant cet âge neseront disponibles qu’en 2017.

Une autre stratégie consiste à tenter d’arrêter la destruction àmédiation immunitaire des cellules bêta au moment du diagnosticafin de préserver la capacité résiduelle de sécrétion d’insuline par lepancréas. Les progrès en lamatière sont lents, à juste titre, en raisonde considérations éthiques. En effet, les effets secondaires del’immunosuppression ou de l’immunomodulation énergiques sontpeu tolérés compte tenu de l’espérance de vie raisonnable queprocure l’insulinothérapie.

Comme il n’existe pas encore de traitements efficaces et sansdanger pour la prévention du diabète de type 1, toute tentative de

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prévention du diabète de type 1 ne doit être faite que dans lecontexte de protocoles de recherches structurés.

Réduction du risque de diabète de type 2

La prévention du diabète de type 2 aurait des avantagesconsidérables du point de vue de la santé publique, dont une baissede l’incidence des maladies cardiovasculaires, de l’insuffisancerénale, de la cécité et des décès prématurés. Selon une analyseépidémiologique, si tous les cas de diabète pouvaient être évitéschez les hommes américains de race blanche par une préventionprimaire efficace, les risques de décès toutes causes confondues etde décès d’origine cardiovasculaire pourraient être réduits d’autantque 6,2 % et 9,0 %, respectivement (5). Des données américainesindiquent que 28 % des dépenses liées aux maladies cardiovascu-laires sont attribuables au diabète (6). Les principales façons deprévenir le diabète dans une population sont notamment lessuivantes : 1) programmes visant les personnes à haut risque dansla collectivité (p. ex., celles qui présentent une intolérance auglucose ou qui sont obèses; 2) programmes visant des sous-groupesà haut risque dans la population (p. ex., certains groupes ethni-ques); 3) programmes visant la population générale, tels ceux quimettent l’accent sur l’activité physique et l’alimentation sainechez les adultes ou les enfants (7e9). Des études de cohortesprospectives ont permis de cerner des variables historiques,physiques et biochimiques associées à l’apparition subséquente dudiabète de type 2. Ces variables comprennent l’âge avancé,l’appartenance à certains groupes ethniques, l’obésité (surtoutl’obésité abdominale), l’inactivité physique, des antécédents dediabète gestationnel, une coronaropathie avérée, une insulinémie àjeun élevée et une intolérance au glucose (10e12). Les résultats devastes études bien structurées visant à déterminer si desinterventions axées sur la médication et le mode de vie permettentde prévenir la progression de l’intolérance au glucose vers lediabète chez l’adulte ont été publiés. Aucun médicament n’estactuellement approuvé au Canada pour la prévention du diabète.

Mode de vie

L’effet desmodifications dumode de vie a été évalué au cours del’étude finlandaise DPS (Diabetes Prevention Study) (13) et del’étude DPP (Diabetes Prevention Program) (14). Des modificationsde l’alimentation (régime hypocalorique à faible teneur en graisseset en graisses saturées et à forte teneur en fibres) et un niveaumodéré d’activité physique (au moins 150 minutes par semaine)ont entraîné une perte de poids d’environ 5 % par rapport au poidsinitial. Au cours des deux études, la réduction du risque de diabèteétait de 58 % après quatre ans. Ces études incluaient desprogrammes complets et soutenus pour atteindre ces résultats. Enraison des bienfaits obtenus dans l’étude DPP, les interventionsliées au mode de vie ont été prolongées chez les participants qui ledésiraient pour une durée médiane de 5,7 ans et les bienfaits ontété maintenus pendant une période allant jusqu’à 10 ans (15).

Au cours d’une autre étude sur les interventions axées sur lemode de vie, 458 hommes japonais présentant une intolérance auglucose ont été répartis au hasard, selon un rapport 4:1, endeux groupes, soit un groupe où les interventions étaienthabituelles (n ¼ 356) et un groupe où les interventions étaienténergiques (n ¼ 102), et ont été suivis pendant quatre ans (16). Letraitement énergique a été associé à une réduction de 67,4 % durisque de diabète (p < 0,001). L’intolérance au glucose et le diabèteont été diagnostiqués après une charge en glucose de 100 g, selonles critères suivants : intolérance au glucose ¼ glycémie 2 heuresaprès l’ingestion de glucose de 8,8 à 13,1 mmol/L; diabète ¼ gly-cémie 2 heures après l’ingestion de glucose� 13,2 mmol/L (16). Cesconcentrations correspondaient aux critères diagnostiques définis

en 1980 par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) fondés surune hyperglycémie provoquée par voie orale après ingestion de75 g de glucose (17,18).

Lors d’une étude plus récente, 641 hommes japonais ayant unexcès de poids (âgés de 30 à 60 ans) et présentant une anomalie dela glycémie à jeun ont été répartis au hasard dans un groupebénéficiant d’interventions fréquentes (n ¼ 311) ou un groupetémoin (n ¼ 330) pendant 36 mois. Les sujets du groupe avecinterventions fréquentes ont reçu neuf séances individuellesd’instructions et de suivi par du personnel médical pour soutenirles modifications de leur mode de vie. Les sujets du groupe témoinont reçu des instructions similaires à quatre reprises à 12 moisd’intervalle pendant la même période. Les résultats ont révélé uneincidence du diabète de type 2 de 12,2 % dans le grouped’interventions fréquentes et de 16,6 % dans le groupe témoin, lerisque relatif (RR) ajusté étant de 0,56 (IC à 95 % : 0,36 à 0,87) dansle groupe avec interventions fréquentes. Dans les analyses desous-groupes ultérieures, le risque relatif passait à 0,41 (IC à 95 %:0,24 à 0,69) chez les participants qui présentaient aussi uneintolérance au glucose au départ et à 0,24 (0,12 à 0,48) chez ceuxprésentant un taux d’HbA1c (hémoglobine glycosylée) initialsupérieur à 5,6 % (19).

Un suivi sur 20 ans de l’étude sur la prévention du diabètemenée à Da-Qing en Chine (Chinese Da Qing Diabetes PreventionTrial) a montré qu’après six ans d’interventions actives axéessur le mode de vie et 14 ans additionnels de suivi passif, laréduction du risque relatif des nouveaux cas de diabète semaintenait à 43 % (IC à 95 % : 19 à 59) et la rétinopathie menaçant lavue était réduite de 47 % (IC à 95% : 1 à 71), comparativement à cequi est observé en absence de traitement,. Aucune réduction n’acependant été constatée en ce qui concerne les néphropathies, lesneuropathies, les événements cardiovasculaires ou la mortalité(20,21).

Pharmacothérapie

MetformineLa metformine a été administrée au cours d’un deuxième volet

de l’étude DPP (14). À raison de 850 mg 2 fois par jour pendant enmoyenne 2,8 ans, la metformine a significativement réduit de 31 %le risque de progression vers le diabète. Au cours de l’essai DPP, lametformine n’a pas produit d’effet significatif chez les sujets plusâgés (� 60 ans) et moins obèses (indice de masse corporelle (IMC)< 35 kg/m2). Pour déterminer si l’avantage observé était un effetpharmacologique passager ou soutenu, l’épreuve d’hyperglycémieprovoquée a été répétée après une courte période sans traitement.Les résultats de cette étude semblent indiquer que 26 % del’effet préventif pouvait être attribué à l’action pharmacologiquede la metformine (qui a disparu après le retrait du médicament).Après la période sans traitement, l’incidence du diabète étaittoujours réduite de 25 % (22). Les bienfaits ont persisté jusqu’à10 ans (15).

ThiazolidinédionesLe groupe de chercheurs de l’étude DPP a publié les résultats

obtenus avec la troglitazone, dont l’administration était prévue parle protocole original (23). Le médicament a été retiré après un suivimoyen de 0,9 an en raison de sa toxicité hépatique. Administrée àraison de 400 mg 1 fois par jour, la troglitazone a abaissé le risquerelatif de 75 % (p ¼ 0,02) pendant la courte période d’étude. Ceteffet a disparu après le retrait de la troglitazone.

Récemment, l’étude DREAM (Diabetes Reduction Assessmentwith Ramipril and RosiglitazoneMedication) a étémenée auprès de5 269 patients présentant une intolérance au glucose ou uneanomalie de la glycémie à jeun répartis au hasard selon un planfactoriel 2 x 2 pour recevoir le ramipril (jusqu’à 15mg/jour) et/ou la

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rosiglitazone (8 mg/jour), comparé à un placebo (24,25). Pour êtreadmissibles, les sujets devaient avoir au moins 30 ans et ne pré-senter aucune maladie cardiovasculaire connue. Le principal critèred’évaluation de l’essai DREAM était composite, et comprenaitl’apparition du diabète ou le décès. Les chercheurs de l’étudeDREAM ont conclu que les résultats semblaient indiquer que leramipril améliore le métabolisme du glucose, ce qui avait étéobservé au cours d’autres études, Toutefois, cette association n’apas été observée par tous les essais effectués. Pour l’instant,l’utilisation systématique du ramipril dans le seul but de prévenir lediabète n’est pas indiquée. Le traitement avec la rosiglitazone aréduit de 60 % l’incidence du principal paramètre d’évaluationcomposite (diabète ou décès) [RR : 0,40; IC à 95 % : 0,35 à 0,46],surtout grâce à une réduction relative de 62 % du risque deprogression vers le diabète (RR : 0,38; IC à 95 % : 0,33 à 0,44).L’étude n’avait pas la puissance voulue pour permettre une esti-mation définitive de l’effet de la rosiglitazone sur les événementscardiovasculaires, mais elle a montré une tendance à la hausse durisque d’événements du paramètre cardiovasculaire compositeavec la rosiglitazone (RR : 1,37; IC à 95 % : 0,97 à 1,94), laquelle étaitsurtout attribuable à une augmentation significative du tauxd’insuffisance cardiaque congestive non fatale (RR : 7,03; IC à 95 % :1,60 à 30,9; p ¼ 0,01).

Dans l’étude ACT NOW (Actos Now for the Prevention ofDiabetes), 602 sujets à haut risque présentant une intolérance auglucose ont été répartis au hasard pour recevoir de la pioglitazoneou un placebo et ont été suivis pendant 2,4 ans. La pioglitazone aabaissé de 72 % (p< 0,00001) le taux de conversion de l’intoléranceau glucose en diabète de type 2 (26).

Malgré le fait que les thiazolidinédiones ont des effets favor-ables sur le ralentissement du développement du diabète de type2, cette classe thérapeutique présente de nombreux effets indé-sirables potentiels qui font obstacle à une recommandation pourl’utilisation à grande échelle de ces médicaments en présenced’une anomalie de la glycémie à jeun ou d’une intolérance auglucose.

Traitement d’associationL’association de 500mg demetformine 2 fois par jour et de 2mg

de rosiglitazone 2 fois par jour a permis de réduire de 66 % (IC à 95 %: 41 à 80) la progression vers le diabète chez les personnes souffrantd’intolérance au glucose (n ¼ 103), par rapport à celles ayant reçuun placebo (n ¼ 104) pendant une durée médiane de 3,9 ans (27).

Inhibiteurs des alpha-glucosidasesAu cours de l’étude STOP-NIDDM (Study to Prevent Non Insulin

Dependent Diabetes Mellitus), l’acarbose a été administré à raisonde 100 mg 3 fois par jour pendant cinq ans, la durée moyenne dusuivi était de 3,3 ans (28). Dans l’ensemble, le risque de progressionvers le diabète a été réduit de 25 % lorsque le diagnostic était fondésur une seule épreuve d’hyperglycémie provoquée et de 36 %lorsqu’il était fondé sur deux épreuves d’d’hyperglycémie provo-quée consécutives, indépendamment de l’âge et de l’IMC. Toutefois,l’effet a disparu après le retrait de l’acarbose (28). Parmi les sujetsde l’étude qui présentaient une intolérance au glucose, le traite-ment avec l’acarbose a aussi été associé à une réduction de 49 % durisque d’événements cardiovasculaires (p ¼ 0,032), et à uneréduction de 50 % de l’épaississement intima-média de la carotide(29,30). Dans une autre étude, 1 780 patients japonais présentantune intolérance au glucose ont reçu au hasard 0,2 mg de voglibose3 fois par jour par voie orale (n ¼ 897) ou un placebo (n ¼ 883). Lesrésultats ont montré que, sur une duréemoyenne de 48,1 semaines,le voglibose s’est révélé plus efficace que le placebo dans laréduction de la progression vers le diabète de type 2 (5,6 % contre11,9 %; RR : 0,595; IC à 95 % : 0,433 à 0,818; p ¼ 0,0014). Davantagede sujets sont parvenus à normaliser leur glycémie dans le groupe

ayant reçu le voglibose que dans celui ayant reçu le placebo (66,8 %contre 51,5 %; RR : 1,539; IC à 95 % : 1,357 à 1,746; p < 0,0001).

OrlistatL’étude XENDOS (Xenical in the Prevention of Diabetes in

Obese Subjects) évaluait l’effet de l’association d’orlistat et d’unprogramme énergique de modifications du mode de vie (alimen-tation et activité physique) sur la prévention du diabète chez 3 305personnes obèses (31). Les sujets ont été répartis au hasard pourprendre 120 mg d’orlistat ou un placebo 3 fois par jour (au momentdes repas) pendant quatre ans. Une perte de poids a été observéedans les deux groupes, mais elle a été significativement supérieuredans le groupe traité avec l’orlistat (5,8 kg par rapport à 3 kg;p < 0,001). Par rapport au placebo, le traitement avec l’orlistat a étéassocié à une réduction supplémentaire de 37 % de l’incidence dudiabète. Toutefois, deux limites méthodologiques importantesnuisent à l’interprétation de ces résultats. Premièrement, les tauxd’abandon de l’étude ont été très élevés e 48 % dans le groupeorlistat et 66 % dans le groupe placebo. Deuxièmement, l’analyseétait fondée sur le report de la dernière observation, qui n’esten général pas le paramètre privilégié pour les études sur laprévention ou la survie. Néanmoins, l’importante perte de poidsdevrait réduire le risque de diabète, comme l’ont démontré lesétudes DPS et DPP.

Traitements à base d’incrétinesLe liraglutide s’est avéré efficace pour prévenir l’évolution de

l’intolérance au glucose en diabète de type 2 et rétablir uneglycémie normale (32). Au cours d’une étude de 20 semaines,le liraglutide a été administré à 564 personnes obèses, nondiabétiques, parmi lesquelles 31 % présentaient une intolérance auglucose. Les sujets de l’étude ont reçu au hasard l’une des quatredoses de liraglutide (1,2 mg, 1,8 mg, 2,4 mg ou 3,0 mg; n ¼ 90 à 95),un placebo (n ¼ 98) ou l’orlistat (120 mg, n ¼ 95) administré 3 foispar jour. Le taux d’HbA1c a diminué de 0,14 % à 0,24 %. Le liraglutide(à 1,8 mg, 2,4 mg et 3,0 mg) a entraîné une diminution de 84 % à96 % de la prévalence du prédiabète.

Prévention du diabète dans les groupes ethniques à haut risque

Certains groupes ethniques, notamment les Sud-Asiatiques, lesHispaniques et les Autochtones, présentent un risque très élevé dedévelopper un diabète de type 2 et connaissent une prévalenceélevée de la maladie (de 12 % à 15 % en Occident) (33,34).

Les raisons à cela sont multifactorielles et incluent une prédis-position génétique, une mauvaise répartition des tissus adipeux(graisse viscérale abondante et résistance accrue à l’insuline) etune prévalence plus élevée de syndrome métabolique. Dans cesgroupes ethniques, de nombreuses personnes développent lediabète lorsqu’elles sont jeunes et présentent souvent descomplications au moment du diagnostic, en raison d’un diabète delongue date. Par conséquent, il serait peut-être avantageux de fairede la prévention dans ces groupes. Le programme indien deprévention du diabète (IDPP) a mentionné des résultats semblablesrelativement à la prévention du diabète par des interventions axéessur le mode de vie et des interventions pharmacologiques, lorsquela progression de l’intolérance au glucose vers le diabète estpassablement élevée sur trois ans (55 %) (35). Ce programme amontré que les modifications du mode de vie et la metforminepréviennent le diabète de type 2 chez les personnes asiatiquesprésentant une intolérance au glucose (IDPP-1).

Cette approche préventive peut permettre de réaliser deséconomies et de réduire les complications et la morbidité, mais doitêtre confirmée par l’évaluation d’événements cliniques objectifs.Non seulement les mesures axées sur le mode de vie réduisent lerisque de diabète, mais elles ont aussi d’autres bienfaits pour la

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RECOMMANDATIONS

1. Un programme structuré de modifications du mode de vie comportantune perte de poids modérée et de l’activité physique régulière doit êtremis en place pour réduire le risque de diabète de type 2 chez les per-sonnes présentant une intolérance au glucose [catégorie A, niveau 1A(13,14)], ou une anomalie de la glycémie à jeun [catégorie B, niveau 2(18)] ou un taux d’HbA1c de 6,0 à 6,4 % [catégorie D, consensus].

2. Chez les personnes qui présentent une intolérance au glucose, untraitement avec la metformine [catégorie A, niveau 1A (14)] ou l’acar-bose [catégorie A, niveau 1A (27)] peut être instauré pour réduire lerisque de diabète de type 2.

Abréviation :HbA1c, hémoglobine glycosylée.

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santé. Par conséquent, l’avantage global est positif tout en ayantpeu d’effets nuisibles. Il va sans dire que les mesures préventivesdoivent être mises en œuvre en accordant une attention partic-ulière au contexte culturel des différents groupes ethniques.

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