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REDD+ à l’échelle projet Guide d’évaluation et de développement

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REDD+ à l’échelle projet

Guide d’évaluation et de développement

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REDD+ à l’échelle projet

Guide d’évaluation et de développement

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Auteurs :- Marie Calmel,- Anne Martinet,- Nicolas Grondard,- Thomas Dufour,- Maxence Rageade,- Anouk Ferté-Devin,

de l’ONF International.

Relecteurs :- Matthieu Wemaëre, avocat aux barreaux de Paris et Bruxelles,- Lucio Pedroni, directeur de Carbon Decisions International,- André Aquino, spécialiste en finance carbone à la Banque Mondiale.

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Progressivement et depuis 2005, le mécanisme dit de Réduction des Émissions dues à la Déforestation et à la Dégradation forestière, conservation, gestion forestière durable et augmentation des stocks de carbone (REDD+) s’est im-posé comme levier fondamental de la lutte contre le changement climatique. Beaucoup de questions sont encore à l’étude et restent à négocier au plan in-ternational, mais déjà les pays se préparent en réponse au Plan d’Action de Bali. Par opposition ou par complémentarité avec des approches intégrées au niveau national ou sous national, plus d’une centaine d’initiatives sont mises en œuvre à l’échelle de projets locaux, voire régionaux.

Le mécanisme a de quoi séduire en effet. Pour certaines ONG de conservation et de développement local, il permet d’envisager le financement durable des actions de terrain. Pour les investisseurs privés, qu’ils soient ou non soumis à quotas d’émissions, il offre la possibilité (pour l’heure uniquement volontaire) de compenser leurs émissions de gaz à effet de serre au travers de projets à fort impact en matière de conservation de la biodiversité et de développement local. Le caractère intégré du mécanisme (développement, environnement et climat) intéresse également les bailleurs de fonds internationaux, qui financent déjà des activités de démonstration.

Lorsque le FFEM a été créé par le gouvernement français suite au Sommet de Rio, il avait un objectif extrêmement précurseur qui était de lier environnement et développement, en promouvant l’environnement mondial dans les projets de développement économique et social dans les PED et les pays émergents. Le mécanisme REDD+ s’inscrit dans la continuité des actions engagées par le FFEM, et par son caractère incitatif les réplique et les rend plus durables. Le financement d’actions contribuant à l’élaboration d’un mécanisme REDD+ alliant préservation de l’environnement mondial et développement social et économique, est donc une priorité du FFEM.

Par ailleurs, en décembre 2009 à Copenhague, la France s’est engagée à contri-buer activement à la préservation des forêts.

C’est dans ce contexte et pour les raisons évoquées ci-dessus que le FFEM appuie la diffusion de ce guide REDD+ à l’échelle projet – Guide d’évaluation et de développement qui s’adresse aux développeurs, aux investisseurs et aux bailleurs. Ce guide arrive au bon moment : il fournit à ces acteurs les clés de com-préhension des enjeux fondamentaux du mécanisme REDD + pour leur permettre de minimiser leurs risques. Nous espérons qu’il accompagnera et facilitera le développement de nombreux projets REDD+, répondant à notre mission collec-tive de protection de l’environnement mondial.

Préfacepar Marc-Antoine MartinSecrétaire Général du FFeM

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remerciements

Les auteurs souhaitent remercier en tout premier lieu Matthieu Wemaëre, Lucio Pedroni et André Aquino pour leur travail de relecture. Leurs commentaires ont été précieux pour améliorer la qualité du document, et s’ils ne sauraient être tenus responsables d’éventuelles imprécisions du guide, ils doivent être associés à sa bonne réalisation.

REDD+ à l’échelle projet : Guide d’évaluation et de développement n’aurait été possible sans la participation financière et intellectuelle de l’Agence Française de Développement, du Fonds Français pour l’Environnement Mondial, du BioCarbon Fund, de la Délégation Régionale de Coopération pour le Cône Sud et le Brésil, et enfin de la Commission Economique Pour l’Amérique Latine et les Caraïbes, et de la GTZ. Nous remercions chaleureusement Guillaume Ernst et Tiphaine Leménager de l’AFD, Christophe Ducastel et Marc-Antoine Martin du FFEM, André Aquino et Ellysar Baroudy du BioCarbon Fund, Laurent Bonneau de la DRCCSB, et enfin Joseluis Samaniego, Pascal Martinez et Mariana Antonissen de la CEPAL.

La réalisation des études de cas a été rendue possible grâce aux échanges avec les porteurs et autres acteurs des projets. Les auteurs remercient Marc Poffenberger de CFI, Leslie Durschinger et Steven De Grize de Terra Global Capital, Stephen Dickey et Rachel Flavell de REDD Forests, Divaldo Rezende, Cecília Michellis et Luiz Eduardo Leal de l’Instituto Ecologica, Gabriel Ribenboim et Raquel Luna de la FAS, et Mike Korschinsky de Wildlife Works Carbon LLC.

Merci également à l’équipe d’ONF International qui a permis la rédaction et la finalisation de ce guide et tout particulièrement à Marion Chesnes, Adeline Giraud, Clément Chenost et Olivier Bouyer. Pour l’aide qu’ils ont apporté au travail d’inven-taire des projets, il convient également de remercier Erin Sills, William Sunderlin et Liwei Lin du CIFOR, ainsi qu’Yves Marie Gardette d’ONF International.

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Préface ....................................................................................................................................... 3Remerciements .......................................................................................................................... 4Résumé exécutif ......................................................................................................................... 7

1 - Qu’est-ce que le REDD+ à l’échelle projet ? ............................................... 141 - Que disent les négociations internationales sur les projets REDD+ ? ................................... 152 - Les projets REDD+ aujourd’hui ............................................................................................ 253 - Le guide d’évaluation et de développement de projet .......................................................... 32

2 - Recommandations techniques pour l’élaboration d’un projet REDD+ : Déterminer le profil et la stratégie de son projet .......... 34

1 - Définition du périmètre de projet .......................................................................................... 362 - Identification et analyse des agents et des facteurs de la déforestation ................................ 373 - Sélectionner les activités REDD+ adaptées à son projet ...................................................... 40

3 - Recommandations pour la composante REDD+ organisationnelle : La propriété du crédit carbone REDD+ et les enjeux en termes de structure organisationnelle de projet ........................................................... 46

1 - La propriété du crédit carbone ............................................................................................ 482 - L’élaboration du diagramme organisationnel et le travail de contractualisation ..................... 60

4 - Recommandations techniques pour la composante REDD+ méthodologique : Les spécificités méthodologiques carbone des projets REDD+ .................. 66

1 - Cadrage méthodologique des projets REDD+ ..................................................................... 682 - Démontrer l’impact climatique à long terme ......................................................................... 733 - La prédiction des futurs changements d’usages des sols .................................................... 804 - Estimation ex-ante des réductions d’émissions ................................................................... 865 - Estimation ex-post des réductions d’émissions ................................................................... 93

5 - Recommandations pour la composante REDD+ socio environnementale : L’évaluation et la certification des impacts sociaux et environnementaux d’un projet REDD+ ..................................................................................... 96

1 - Comprendre les enjeux sociaux et environnementaux du REDD+ à l’échelle de projet ................................................................................................................... 982 - Identifier et contrôler les impacts sociaux et environnementaux de son projet REDD+ .............................................................................................................. 1043 - La certification des impacts sociaux et environnementaux ................................................. 110

6 - Recommandations techniques pour la composante REDD+ financière : L’évaluation financière et économique des projets REDD+ ........................ 128

1 - Définir le modèle de son projet .......................................................................................... 1302 - Évaluer la faisabilité financière et analyser l’efficacité économique ...................................... 1483 - Financer son projet ............................................................................................................ 154

Références ............................................................................................................................. 161Annexes ................................................................................................................................. 167 Annexe 1 – Inventaire des projets : Définition retenue d’un projet REDD+ et méthodologie ..... 167 Annexe 2 – Arbre de décision de l’approche Tier à utiliser .................................................... 169 Annexe 3 – Grille d’analyse des projets REDD+ .................................................................. 171 Annexe 4 – Études de cas ................................................................................................ 173Acronymes ............................................................................................................................. 213

Table des matières

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L’objectif de REDD+ à l’échelle projet : guide de développement et d’évaluation est d’appuyer les porteurs de projet dans le développement de projets REDD+, et les investisseurs ou bailleurs de fonds dans leur évaluation des projets. Il n’a pas vocation à devenir une méthodologie ou un standard, mais à fournir un aperçu des outils existants et des questions clés qui doivent être traitées à l’échelle projet. Sur la base de premiers retours d’expérience de projets REDD+ en cours et d’autres projets plus anciens de gestion des ressources naturelles, il revient sur des aspects peu abordés par les méthodologies et les standards existants, mais pourtant cru-ciaux pour un développeur, à savoir la définition des activités de projet, les aspects juridiques et organisationnels, et l’évaluation économique et financière.

De nombreux développeurs de projets ont répondu à l’appel du Plan d’Action de Bali adopté lors de la CdP 13 en 2007, qui invitait à développer des initiatives pi-lotes. Plus de 130 projets REDD+ ont été référencés, la plupart ayant débuté après 2007, mais peu ont effectivement commencé à mettre en œuvre des activités. Devant ces initiatives, les acteurs de la société civile continuent de s’interroger : leurs activités pourraient-elles aussi bénéficier des ressources du REDD+ ? et surtout comment ? C’est en priorité à ces personnes que ce guide s’adresse.

Avant d’aborder les recommandations techniques fondamentales, il était néces-saire de faire un point sur l’état des négociations internationales et les enjeux pour les développeurs de projet (chapitre 1). Dans un deuxièmes temps, REDD+ à l’échelle projet : Guide d’évaluation et de développement revient sur les grandes composantes du développement de projet à savoir : la détermination du profil et de la stratégie d’un projet REDD+ (chapitre 2), l’élaboration de la structure orga-nisationnelle du projet (chapitre 3), les spécificités méthodologiques des projets REDD+ (chapitre 4), l’évaluation et la valorisation des bénéfices sociaux et envi-ronnementaux des projets REDD+ (chapitre 5) et l’évaluation financière et écono-mique d’un projet (chapitre 6).

Chapitre 1 – Qu’est ce que le REDD+ à l’échelle projet ?

On ne peut pas parler de projets REDD+ sans aborder le contexte international. Celui-ci est pour beaucoup dans le fleurissement des projets REDD+, et l’architec-ture du mécanisme REDD+ en cours de discussion dans le cadre de la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC) condition-nera leur développement sur le long terme.

Par ailleurs, les principaux émetteurs de Gaz à effet de Serre (GES) des pays dé-veloppés montrent leur intérêt pour le REDD+. Leurs orientations politiques auront un impact important à court et moyen terme sur le développement du mécanisme, d’autant plus qu’un accord international pour la période post-2012 tarde à se dessiner.

résumé exécutif

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De nombreuses incertitudes demeurent. Si la mise en place d’une comptabilisation nationale des réductions d’émissions et augmentations d’absorptions semble fort probable et est souhaitable à de nombreux égards, la question de l’opportunité de rémunérer directement des projets n’a pas été tranchée dans le cadre des négocia-tions. Mais qu’ils soient rémunérés directement ou non, les projets joueront un rôle fondamental dans la mise en œuvre REDD+ : aujourd’hui comme actions précoces de lutte contre la déforestation et la dégradation et comme tests des dispositifs na-tionaux, demain comme éléments de mise en œuvre du REDD+ dans les pays. Les développeurs de projet doivent d’ores et déjà veiller à l’articulation de leurs projets avec les dispositifs nationaux, en terme d’intégration dans la stratégie nationale, de comptabilisation dans un registre national REDD+, d’élaboration du scénario de référence et du système de suivi des émissions/absorptions.

Aujourd’hui, la base de données d’ONFI compte 133 projets REDD+ dans le monde (intégrant à la fois des projets REDD et de gestion forestière améliorée (IFM) au sens du VCS, dans les pays non Annexe 1 mais aussi Annexe 1). La majorité de ces projets sont en phases d’identification et de faisabilité, et peu ont déjà démarré la phase de mise en œuvre. Sur ces 133 projets, près de 30% sont en cours de validation ou déjà validés par un standard. Les standards ac-cessibles pour les projets REDD+ dans les pays tropicaux sont les standards VCS, CCBs, CCAR, CCX, ACR, Plan Vivo, Social Carbon. Cependant, seuls les standards CCBs et Plan Vivo ont effectivement certifié des projets REDD+ dans ces pays à l’heure actuelle. Si la majorité des projets recensés visent ef-fectivement les marchés volontaires, il est important de garder à l’esprit que le marché volontaire reste très minoritaire par rapport aux marchés régulés. Seule une réelle intégration du secteur forestier au sein des marchés d’engagement permettra de diriger vers la forêt, des flux financiers d’ampleur suffisante pour lutter efficacement contre le changement climatique.

Chapitre 2 – Déterminer le profil et la stratégie d’un projet REDD+

Tous les projets sont confrontés à des dynamiques de déforestation et/ou dégra-dation propres et développent donc des activités et des stratégies différentes. Au risque de manquer d’efficacité, les activités REDD+ doivent cibler les agents et les facteurs de la déforestation. Leur définition nécessite donc au préalable une identification des agents de déforestation, et des causes directes et indirectes pouvant affecter le périmètre du projet. Cet exercice est une étape indispensable pour définir les activités de projet, mais aussi pour tous les autres aspects d’un projet REDD+. L’évolution probable des facteurs de déforestation, et l’apparition éventuelle de nouveaux facteurs devront être analysés le plus en détail possible : les activités de projets doivent permettre de traiter à la fois les causes actuelles et futures de la déforestation.

Même si les activités diffèrent, on retrouve dans tous les projets REDD+ une com-binaison de leviers incitatifs (pour augmenter la valeur des forêts sur pied et des terres déjà déboisées) et de leviers contraignants (par exemple pour empêcher que l’augmentation de la valeur des terres déjà déboisées ne se traduise par une incitation supplémentaire à déboiser).

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Les activités de projet sont sélectionnées sur la base d’un certain nombre de cri-tères, dans l’objectif de maximiser le rapport coût efficacité du projet, ainsi que les bénéfices sociaux et environnementaux, l’acceptabilité sociale et la durabilité des activités proposées.

Chapitre 3 – La propriété du crédit carbone REDD+ et les enjeux en terme de structure organisationnelle de projet

L’élaboration d’une structure organisationnelle solide conditionne la réussite de tout projet. La question de la propriété des crédits carbone est fondamentale, notamment parce que seul le propriétaire reconnu des crédits pourra les com-mercialiser (ou mandater un tiers à cette fin) et bénéficier du produit de leur vente. Qu’ils soient propriétaires ou usufruitiers, qu’ils participent au projet activement ou par leurs efforts de renoncement, l’ensemble des acteurs pouvant revendiquer un droit de propriété sur les crédits carbone sont de fait, parties prenantes au projet. Tous doivent être identifiés avec le plus d’exhaustivité possible et intégrés dans le diagramme organisationnel du projet.

Au-delà de la nécessité de garantir la sécurisation foncière pour le bon dévelop-pement des activités, la spécificité des projets REDD+ tient au fait que les stra-tégies nationales et le cadre juridique dans lequel le mécanisme sera développé sont encore en cours d’élaboration et de négociation au niveau international. Les éléments juridiques et politiques sur lesquels s’appuyer sont donc rarement tota-lement définis et il n’est pas toujours évident de déterminer la nature juridique et les propriétaires des crédits carbone REDD+.

Le fait qu’ils soient considérés comme biens meubles, comme un service ou comme une ressource naturelle, rendra ou non possible pour un acteur privé (investisseur, développeur, usager, propriétaire foncier) de revendiquer la propriété de ces crédits carbone et de les commercialiser. Si la loi du pays d’accueil n’identifie pas le ou les propriétaire(s) des crédits carbone, mais qu’il est possible de qualifier, par analogie avec d’autres instruments existants, qu’ils sont susceptibles d’appropriation privée, il est possible de déterminer qui est le ou les propriétaires à partir de plusieurs cri-tères ou indices. Pour cela, il faudra se poser deux questions centrales : • Qui a des droits sur les terres sur lesquelles sont plantés les arbres, sur les

arbres eux-mêmes et leurs fruits ? • Qui contribue à la production des crédits carbone (c’est-à-dire qui fait des

apports permettant au projet d’être réalisé, entendu que ces apports peuvent être de natures différentes : en capital, foncier ou encore en expertise)?

Le diagramme organisationnel permet de bien identifier, pour chaque partie pre-nante, le rôle qu’elle jouera dans le développement et le déroulement du projet. Il permet également de mieux appréhender les relations qu’entretiennent les parties entre elles et d’identifier celles qui doivent faire l’objet d’une contractualisation, afin de sécuriser dans la mesure du possible la propriété des crédits et la réussite du projet sur le long terme.La réussite d’un projet dépendra notamment de la capacité du développeur de projet à :

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• Identifier les acteurs dont la participation active et/ou le soutien sont nécessaires, et comprendre les enjeux de leur implication, de leur exclusion ou de leur non adhésion au projet.

• Assurer leur participation ou leur soutien au projet sur le long terme. • Identifier et réunir les compétences qui seront nécessaires au bon développe-

ment du projet tout au long de sa durée de vie. • Répartir les rôles des acteurs impliqués et assurer la coordination dynamique

entre eux.

Chapitre 4 – Les spécificités méthodologiques des projets REDD+

Neuf méthodologies (cinq pour REDD et quatre pour IFM) sont actuellement en cours de validation par le standard VCS. Elles traitent des questions qui étaient parmi les raisons de la non intégration de la déforestation tropicale dans le Protocole de Kyoto, à savoir la démonstration de l’impact climatique net positif du projet par rapport à un scénario de référence, l’additionnalité, la gestion des fuites et la garantie de la permanence des réductions d’émissions. Ces méthodologies présentent certaines spécificités, notamment en matière de gestion des fuites, de détermination du scénario de référence et du scéna-rio projet, etc.

Une des questions déterminante à l’échelle projet est celle du scénario de ré-férence : elle influencera le calcul de l’impact climatique du projet et sa viabilité économique et financière. Trois approches sont proposées (en fonction des mé-thodologies) pour calculer la quantité de déforestation future selon le scénario de référence : historique, tendancielle, et modélisée. Le choix dépendra de la ten-dance historique de déforestation dans la zone de projet, des tendances futures qui peuvent être anticipées, mais aussi des capacités des parties prenantes au projet, du temps et du budget disponible. Dans tous les cas, les développeurs devront veiller à ne pas surestimer les émissions du scénario de référence, car cela peut conduire à une surestimation du bénéfice climatique du projet, qui serait mise en évidence au moment de la réactualisation du scénario. De plus, la somme des scénarios de référence des projets devra être inférieure au scénario national. Le principe de conservatisme sera lui aussi le critère clé du système de suivi des émissions, de même que la significativité des compartiments carbone et des sources d’émissions choisis, la valorisation des informations locales exis-tantes, et le rapport coût/efficacité des mesures. Une discussion est actuellement en cours au niveau du VCS sur les moyens de favoriser l’articulation entre les éléments méthodologiques à l’échelle projet et au niveau sous national et national. Les dernières actualisations des méthodo-logies prévoient que lorsqu’un projet est situé dans une zone de référence pour laquelle un scénario de référence a été validé dans le cadre du VCS ou de la CCNUCC, le projet doive utiliser ce même scénario. De même, lorsque un sys-tème de suivi existe au niveau sous national ou national, les fuites liées au projet seront estimées à travers le système de MRV national. Il est donc recommandé aux développeurs de projets de suivre de près l’élaboration des scénarios et systèmes de suivi nationaux et sous nationaux.

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Chapitre 5 – L’évaluation et la certification des impacts sociaux et environnementaux d’un projet REDD+

Si elle n’a pas été validée par les pays, une ébauche de décision politique a tou-tefois été élaborée par les parties à la CCNUCC dans le cadre de l’AWG-LCA qui s’est réuni lors de la CdP 15 de Copenhague. Ce document officieux – communé-ment appelé « non-paper » – clarifie un certain nombre de points en discussion et mentionne 19 principes et garanties (safeguards), dont 5 abordent directement la question des impacts sociaux et environnementaux du mécanisme REDD+.

Tous les projets engendrent des impacts sociaux et environnementaux différents et les activités à mettre en place varieront selon la valeur environnementale de la zone de projet et le rapport qu’entretiennent les populations au territoire. Mais tous les projets devront s’assurer, au préalable et pour toute la durée du projet, pour des raisons idéologiques et/ou stratégiques, que le projet n’aura aucun impact négatif sur l’en-vironnement et sur les populations qui vivent dans ou autour du périmètre du projet.

Que ce soit pour les impacts sociaux ou environnementaux, ce processus d’évalua-tion et de monitoring se fait en plusieurs étapes : 1. Dresser un état des lieux de la situation initiale, avant le projet. 2. Décrire et/ou quantifier cet état initial. 3. Contrôler régulièrement l’évolution de la situation et comparer ces nouveaux

clichés avec l’état initial (quantitativement quand c’est la méthode qui a été adoptée).

4. Réajuster les activités du projet si les étapes antérieures révèlent des impacts négatifs sur les indicateurs.

Il existe sur les marchés volontaires, trois standards, plus ou moins dédiés au REDD+, qui s’intéressent en priorité aux bénéfices sociaux et environnementaux des projets : • les standards de la Climate, Community & Biodiversity Alliance ; • les standards Social Carbon ; • les standards Plan Vivo

Selon le profil du projet et la stratégie commerciale, on privilégiera un standard plutôt qu’un autre, ou on cumulera la certification par deux standards.

Chapitre 6 – L’évaluation financière et économique des projets REDD+

Le propre des projets REDD+ est qu’ils visent directement l’obtention d’unités de carbone négociables sur les marchés dédiés. Les recettes et les coûts qui seront engendrés par les projets conditionnent leur faisabilité et c’est grâce à une analyse financière exhaustive et objective que les acteurs des projets pourront évaluer ex-ante la viabilité de leurs initiatives. L’analyse financière se déroule en 3 étapes qui doivent être rigoureusement dé-veloppées puis intégrées dans un cadre d’analyse synthétique. Afin d’éviter des conclusions biaisées, il est essentiel de considérer chaque composante comme indispensable à la crédibilité de l’évaluation :

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1. Le développement d’un modèle de projet permet d’introduire les facteurs élé-mentaires du projet, notamment ses coûts et ses recettes, ainsi que la notion d’étalement de ces derniers dans le temps. C’est une étape fondamentale. Notamment parce que les phénomènes de sur – ou de sous – évaluation, qui surviennent lorsque de mauvaises hypothèses sont formulées sur les coûts et les recettes du projet, sont dommageables pour la réalisation et à la crédibilité de ce dernier.

2. L’analyse des indicateurs financiers permet, au terme de l’estimation des flux engendrés par le projet REDD+, d’établir un premier jugement quant à la fai-sabilité financière du projet. Cette analyse s’appuie sur des critères et des in-dicateurs de rentabilité propres à l’analyse financière (la Valeur Actuelle Nette, Le Taux de Rentabilité Interne, La Valeur Annuelle Equivalente).

3. L’analyse de sensibilité viendra dans un troisième temps, si les indicateurs préalablement cités indiquent une viabilité financière du projet. L’objectif est d’identifier, parmi les hypothèses formulées pour l’analyse financière, celles qui ont un impact significatif sur les résultats financiers du projet et d’en tirer les conséquences.

Les projets REDD+ ont plusieurs caractéristiques dont il faut tenir compte dans l’analyse financière : • Ils nécessitent des investissements initiaux qui peuvent s’avérer lourds. • Les premiers crédits carbone ne seront générés qu’après vérification des ré-

ductions d’émissions, c’est-à-dire après la première session de monitoring et de vérification.

• Les coûts de transaction (élaboration du volet carbone et certification) sont relativement élevés et dans certains cas (coûts de mise en œuvre faibles), ils peuvent représenter une partie non négligeable des dépenses d’investisse-ment.

• Les revenus carbone peuvent être associés à d’autres types de revenus mar-chands qui permettront d’assurer une meilleure faisabilité financière pour le projet.

• Les risques associés aux projets REDD+ sont très importants. • Les projets REDD+ génèrent des bénéfices sociaux et environnementaux

additionnels. Dans la quasi-totalité des projets REDD+, la valeur ajoutée ne se limite pas aux flux carbone générés. Elle englobe d’autres bénéfices plus ou moins chiffrables, dont certains pourront faire l’objet d’un investissement propre. S’ils sont chiffrables, ils devront être intégrés dans l’analyse financière. S’ils ne le sont pas, ils seront intégrés dans l’analyse économique.

Il existe plusieurs leviers, publics ou privés, pour financer un projet REDD+ et il est rare qu’un seul levier soit utilisé pour couvrir l’intégralité des coûts du projet. Les modes de financement aujourd’hui disponibles pour les projets REDD+ sont marqués par le contexte de maturation dans lequel se trouve encore le mécanisme et qui accentue les risques d’investissement. Les nombreuses externalités environ-nementales et sociales des projets REDD+ leur donnent accès au financement par mécénat environnemental et accentuent l’intérêt pour la compensation volontaire. Le caractère démonstratif des projets aujourd’hui en développement leur permet également de capter des financements publics, en provenance des pays REDD+ eux-mêmes, et de la coopération bilatérale et multilatérale.

13redd+ à l’échelle projet - Guide d’évaluation et de développement

Conclusion

Le mécanisme REDD+ est l’un des secteurs qui a le plus avancé lors des négo-ciations de Copenhague. Les promesses récentes du fast-start laissent espérer des avancées plus rapides encore, et les annonces de développement de projets REDD+ se multiplient. La préparation puis la mise en œuvre du REDD+ au niveau de chaque pays ne pourront pas se faire sans activités à l’échelle projet : les projets sont aujourd’hui des terrains d’expérimentation pour tester les stratégies REDD nationales, et ils seront dans le futur des éléments essentiels pour réduire effectivement la déforestation. L’importance qui leur est donnée dans le cadre des propositions de plans de préparation (RPP) présentées au Fonds de Partenariat pour le Carbone Forestier de la Banque Mondiale (FCPF) ou à d’autres fonds de préparation en témoigne.

Malgré ces signaux très positifs, le devenir des projets REDD+ reste encore incertain : • l’architecture du mécanisme REDD+ qui sera déterminée au niveau internatio-

nal (dans le cadre d’un agenda de négociations dont certaines moins consen-suelles) doit encore clarifier le rôle des projets REDD+ et notamment l’oppor-tunité de rémunérer directement des projets ;

• même si la validation de méthodologies VCS devrait conduire à la certification de nombreux projets, les marchés volontaires, qui correspondent à une stra-tégie de communication des entreprises, ont une capacité d’absorption bien inférieure à celle des marchés d’engagement ;

• si les marchés européens semblent prêts à ouvrir la porte aux crédits forestiers, de nombreuses incertitudes demeurent et les modalités restent à construire.

Si le rôle des projets est indéniable et semble reconnu, peu sont en phase de mise en œuvre. C’est le manque de financements disponibles, en particulier pour ap-puyer leurs premières phases, qui semble être le principal obstacle: les possibilités sur les marchés volontaires sont et resteront limitées, celles sur les marchés d’enga-gement sont incertaines et les fonds de préparation restent difficilement accessibles pour les développeurs.

Sans pour autant entraîner un développement irraisonné de projets REDD+ et don-ner des expectatives trop importantes aux acteurs locaux, peut-on espérer qu’une partie des financements du fast-start vienne compléter positivement (à la fois en quantité, mais aussi par des modalités différentes) les financements déjà acces-sibles pour le développement de projets ? Si les réalisations sont à la hauteur des promesses, ces financements intérimaires pourraient permettre de lutter efficace-ment contre le changement climatique tout en préparant le futur, dans l’attente d’une plus grande lisibilité sur les marchés internationaux.

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Qu’est-ce que le redd+ à l’échelle projet ?

Chapitre 1

15redd+ à l’échelle projet - Guide d’évaluation et de développement

Que disent les négociations internationales sur les projets REDD+ ?

Avant d’entrer dans le détail des projets REDD+, il est nécessaire de replacer les projets dans le contexte des négociations internationales. En effet, si aujourd’hui les activités REDD+ à l’échelle projet visent le marché volontaire, ou sont financées par des fonds publics de préparation au REDD+, leur développement à long terme est étroitement lié aux modalités de mise en place d’un mécanisme au niveau interna-tional. Par ailleurs, les méthodologies de projets sont fortement impactées par les discussions internationales.

Que ce soit à l’échelle internationale, nationale ou sous-nationale (incluant l´échelle pro-jet), la garantie de l’intégrité environnementale du mécanisme REDD+ occupe largement les techniciens, chercheurs et négociateurs depuis plusieurs années. Il est en effet né-cessaire de pouvoir s’assurer que les initiatives REDD+ ont un impact climatique net positif sur le long terme, c’est-à-dire que les réductions d’émission sont réelles, perma-nentes, et ne consistent pas simplement en un déplacement des émissions.

Cela nécessite donc de traiter les questions d’estimation de l’impact climatique du projet, de garantie de la permanence et de prise en compte des fuites. • Garantir l’impact climatique net positif du projet suppose de comparer les émis-

sions réelles constatées à un niveau d’émissions dit de référence, à savoir le niveau théorique d’émissions qui auraient eu lieu sans mécanisme REDD. La détermination de ce niveau de référence est un enjeu méthodologique important, la déforestation étant un processus complexe dont il est très difficile de prévoir les évolutions.

• Pour lutter contre la non-permanence, il convient de s’assurer que l’arbre protégé aujourd’hui ne sera pas coupé demain.

• Le risque lié aux fuites se décline quant à lui à deux niveaux, celui du déplacement des agents responsables de la déforestation et celui des transferts de pression sur les forêts, notamment par le jeu des marchés de matières premières.

Les questions relatives aux fuites, à la non-permanence et à l’estimation de l’impact climatique du projet seront traitées plus précisément dans des parties ultérieures du guide. Il est néanmoins important de les garder à l’esprit tout au long de la lecture, puisqu’elles sont des aspects fondamentaux du REDD+ à l’échelle projet et des négociations internationales sur le mécanisme.

1.1 - Les négociations REDD+ au sein de la CCNUCCL’opportunité d’un mécanisme d’incitation à la réduction des émissions de Gaz à Effet de Serre (GES) liées à la déforestation et à la dégradation des forêts (REDD)

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Transport de bois de feu au Cameroun © ONFI

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a fait l’objet d’un processus très actif de négociations depuis la 11e Conférence des Parties (CdP) de la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC) à Montréal en décembre 2005. Le REDD fait ainsi partie du plan d’action adopté par les Parties à la convention climat lors de la conférence de Bali en décembre 2007 (CdP-13). On espérait que ce plan d’action mène à l’adop-tion d’un nouvel accord international sur le changement climatique lors de la Confé-rence de Copenhague (CdP-15, décembre 2009) mais cet accord sera probablement reporté à la CdP-16 qui aura lieu en décembre 2010 à Cancun, ou à une date ultérieure.

En réponse aux différentes déclarations et décisions prises dans le cadre de la CCNUCC sur le mécanisme REDD+ et notamment des suites de la conférence de Bali en 2007, des activités de démonstration se sont développées et de nombreux projets REDD+ ont été annoncés. Pour autant, plusieurs questions de fond restent en suspens dont celle dite du champ d’application qui porte sur les activités cou-vertes pas le mécanisme, et celle dite de l’échelle d’octroi de crédit qui questionne l’articulation entre la politique de l’État et les projets qui seront mis en œuvre sur le territoire national par des acteurs non étatiques.

• La question du champ d’applicationLa décision de Bali définit le champ d’application du mécanisme REDD+ de façon large. Il réunit les activités de : 1. Réduction des émissions résultant du déboisement ; 2. Réduction des émissions résultant de la dégradation des forêts ; 3. Conservation des stocks de carbone forestier ; 4. Gestion durable des forêts ; 5. Augmentation des stocks de carbone forestier 1.

Cette définition s’est maintenue jusqu’à présent. Il est donc probable que les pays participants au mécanisme REDD+ auront le loisir d’inclure les activités de leur choix correspondant le mieux à leurs priorités nationales. Le texte de Copenhague, qui n’a pas pu être adopté formellement comme une Décision des Parties, appelle cepen-dant à la mise en place de garanties quant à la non-conversion de forêts naturelles, riches en biodiversité, en plantations forestières.

Dans la pratique, la nature des activités inclues par un pays dépendra également des technologies disponibles pour le suivi des émissions de GES (le suivi de la dé-gradation par exemple s’avère complexe), ainsi que de l’importance relative de ces activités dans les émissions nationales de GES du secteur forestier.

• La place des projets dans les trois phases du mécanisme REDD+ Au sujet des modalités de mise en œuvre et de financement, un consensus (non en-tériné par la CdP) s’est formé autour d’une réalisation en trois phases successives 2 : 1. Une phase de préparation des stratégies nationales et de renforcement des

capacités

1. L’inclusion ou non des activités de (re)boisement dans le REDD+ n’est pas encore clarifiée : le boisement pourrait être inclus dans le post-2012 soit (i) via le MDP, avec un changement d’échelle possible via le MDP programmatique, soit (ii) via le REDD+, comme le demandent la Chine et l’Inde notamment. Si les activités de reboisement continuent à être éligibles au titre du MDP, les crédits d’émissions générés par les projets MDP ne pourront être comptabilisés dans le cadre des activités REDD+ de façon à éviter tout risque de double-comptage. Il en est de même pour les crédits générés par des projets MDP en cours de mise en œuvre dans l’hypothèse où les activités de reboisement venaient à être intégrées au champ des activités REDD+ à l’avenir.

2. Pour une description détaillée des différentes phases de financement, nous renvoyons à l’Option Assessment Report du Meridian Institute ou au rapport de l’IWG-IFR. Chenost et al. 2010, détaille également ces différentes phases.

17redd+ à l’échelle projet - Guide d’évaluation et de développement

2. Une phase intermédiaire de mise en œuvre des politiques et mesures prévues a. Renforcement de capacités des institutions clés et réformes politiques, b. Paiements basés sur la performance des activités REDD+, estimée à

partir d’indicateurs permettant d’approximer les réductions d’émissions obtenues (nombre d’ha de forêts protégées par exemple).

3. Une phase finale basée sur le paiement aux résultats de réduction des émissions, estimés par rapport à un scénario de référence, grâce à un système de suivi, de rapportage et de vérification (MRV, pour monitoring, reporting and verification) fiable et transparent.

Encadré 1.1 Les différentes approches en terme d’échelle du mécanisme REDD+

Dans les négociations internationales, bien que certains pays se soient fermement exprimés pour une approche « projet » comparable à celle du Mécanisme de Développement Propre institué par l’article 12 du Protocole de Kyoto (notamment les États-Unis, la Colombie, et l’Indonésie), la plupart des Parties à la CCNUCC semblent favorables à une approche nationale.

Selon l’approche nationale, chaque pays le désirant devrait établir une stratégie nationale et adopter un niveau de référence national des émissions de GES liées à la défores-tation et dégradation des forêts. Les pays seraient rémunérés en cas de réduction de leurs émissions par rapport à leur niveau de référence. Un système national de suivi des émissions serait également mis en place afin de vérifier que les réductions d’émissions ont effectivement eu lieu. Il est ici important de préciser que ce n’est pas l’opportunité de développer des projets REDD+ qui est discutée, mais l’échelle d’octroi des crédits ou de financement. Le principe de l’approche nationale veut que l’État soit bénéficiaire des cré-dits carbone générés, et qu’il soit chargé de les répartir entre les acteurs concernés selon les modalités établies lors de la phase de préparation. La mise en œuvre d’activités de projet se ferait alors via un système de projets domestiques sous la supervision de l’État. C’est déjà ce qui existe dans certains pays développés, dans le cadre de leurs politiques de réductions des émissions de GES et de respect de leurs engagements au Proto-cole de Kyoto (mécanisme similaire à la Mise en Œuvre Conjointe). Toutefois, il faut tenir compte du fait que, à l’inverse des pays hôtes d’activités REDD+, les pays développés qui ont mis en place une politique de projets domestiques ont leurs émissions plafonnées par un objectif chiffré de réduction ou de limitation dans le cadre du Protocole de Kyoto, et que l’ensemble de leurs émissions ou absorptions font l’objet d’un inventaire national.

Une troisième approche, la nested approach (proposée par un certain nombre de pays en Amérique Latine), propose de commencer par une approche fondée sur le dévelop-pement et le crediting de projets, avant la mise en place de l’approche nationale. Cette approche prévoit toutefois que les projets, malgré le passage à une comptabilisation au niveau national, pourront continuer à générer des crédits directement.

Si la mise en place d’une comptabilisation nationale des réductions d’émissions et augmentations d’absorptions semble fort probable et est souhaitable à de nombreux égards, la question de l’opportunité de rémunérer directement des projets n’a pas été

Chapitre 1 – Qu’est-ce que le redd+ à l’échelle projet ?

18

tranchée dans le cadre des négociations. Quoi qu’il en soit, que ce soit dans le cadre d’une approche nationale ou de la nested approach (voir encadré 1.1) des projets REDD+ pourront être développés en lien plus ou moins étroit avec les activités nationales. En effet, même dans le cadre d’une approche nationale stricto sensu, certains facteurs de déforestation devront être traités à l’échelle locale à travers des projets spécifiques, mais les réductions d’émissions ne seraient alors comptabilisées qu’au niveau national. Le tableau 1.1 situe les projets REDD+ dans les différentes phases du mécanisme.

Tableau 1.1 : La place des projets dans les différentes phases du mécanisme REDD+

Phase 1 Phase 2a Phase 2b Phase 3

Intérêt des projets

• Tester et alimenter la stratégie nationale

• Renforcer les capacités des acteurs privés et publics nationaux, notam-ment au niveau des zones à risque de déforestation

• Drainer des financements privés vers le pays

• Réduire la déforestation de manière anticipée (action rapide)

• Tester différentes options méthodo-logiques et alimenter l’élaboration du scénario et du système MRV national

• Réduire la déforestation dans des zones où des activités de niveau central ou provincial auraient peu ou pas d’effet, et permettre à l’État de concentrer ses efforts sur d’autres actions

• Intéresser le secteur privé du pays hôte à la réalisation d’activités REDD+

• Drainer des financements privés vers le pays

• Tester différentes options méthodo-logiques et alimenter l’élaboration du scénario et du système MRV national

Types de projets possibles

• Projets soutenus par l’État à vocation pilote (fonds de préparation)

• Projets directement crédités (nested approach)

• Projets sur les marchés volontaires

• Projets réglementés (les financements transitent par l’État et sont redistribués au développeur de projet)

• Projets directement crédités (nested approach)

• Projets sur les marchés volontaires (selon les pays)

Problématiques clés

• Anticiper les problématiques des phases 2b et 3.

• Conversion des projets volontaires en projets réglementés ou en projets crédités dans le cadre du mécanisme REDD+ international

• Modalités d’autorisation

• Double comptage

• Modalités de redistribution du national vers les projets

• Additionnalité et prise en compte des fuites

• Articulation méthodologique, etc.

19redd+ à l’échelle projet - Guide d’évaluation et de développement

Le mécanisme REDD+ est l’un des rares enjeux sur lesquels les négociateurs ont pu effectuer des progrès lors de la Conférence de Copenhague. Vers la fin de la Conférence, les négociateurs avaient obtenu un compromis sur l’essentiel du méca-nisme (à l’exception de l’échelle) mais le projet d’accord global est resté lettre morte faute de décision. Toutefois, la Conférence de Copenhague a permis l’adoption de la Décision 4/CP.15 qui invite les pays en développement à prendre en compte un certain nombre d’aspects méthodologiques (identification des facteurs de défo-restation, établissement de systèmes de surveillance robustes et transparents au niveau national et, lorsque cela est approprié, au niveau infranational), notamment pour la mise en œuvre des activités initiées depuis Bali sur le fondement de la Déci-sion 2/CP.13. En application de l’Accord de Copenhague, et dans la perspective de parvenir à un accord international dans les meilleurs délais, l’agenda de négociation 2010 se concentrera en particulier sur la détermination des scénarii de référence nationaux et la résolution des points de négociation restés en suspens, ainsi que sur l’opérationnalisation d’un mécanisme de coordination des financements internatio-naux de soutien aux activités REDD+.

1.2 - Le REDD+ en dehors de la CCNUCCQuels que soient les progrès enregistrés sous les auspices de la Convention Climat, il faut souligner que la majorité des pays développés ont pris des engagements unilatéraux de réduction de leurs émissions de GES. C’est le cas par exemple de l’Union Européenne qui prévoit de réduire ses émissions de 20 % en 2020 par rapport aux niveaux d’émissions de 1990, et des promesses des pays développés inscrits à l’Annexe 1 de l’Accord de Copenhague. Certains d’entre eux prévoient d’appuyer la mise en œuvre du REDD+, soit en complément de leurs efforts internes de réduction, soit en tant que mécanisme de flexibilité leur permettant de réaliser une partie des réductions d’émissions prévues dans des pays en développement (à l’image du MDP du Protocole de Kyoto), ce qui suppose que les crédits REDD+ soient reconnus à cette fin. Par ailleurs, le nombre de projets REDD+ sur les mar-chés volontaires de la compensation carbone est en augmentation, et témoigne de l’intérêt des investisseurs pour ce type de projets.

• Les initiatives unilatérales des pays développésEn parallèle des négociations de la CCNUCC, les principaux émetteurs de GES des pays développés - États-Unis et UE notamment - sont en train d’établir des mesures incitant à des activités de type REDD+. Les orientations politiques qui seront prises par ces acteurs auront un impact important à court et moyen terme sur le dévelop-pement du mécanisme, d’autant plus qu’un accord international pour la période post-2012 tarde à se dessiner.

Les États membres de l’Union Européenne pourraient allouer une partie des revenus de la mise aux enchères des quotas du système EU-ETS au REDD+ pour la période 2012-2020. Les ressources financières ainsi dégagées seront probablement dé-diées au renforcement de capacités et au développement des stratégies nationales REDD+ des pays en voie de développement, et in fine, au financement de réduc-tions d’émissions obtenues selon une approche nationale. Il parait cependant peu probable à court et moyen termes que le marché européen d’échanges de quotas d’émissions (EU-ETS) accepte des crédits issus d’initiatives REDD+. En effet, si les

Chapitre 1 – Qu’est-ce que le redd+ à l’échelle projet ?

20

crédits REDD+ pourront être éventuellement utilisés par les gouvernements entre 2013 et 2020 pour atteindre leurs objectifs nationaux sur les secteurs non ETS (Effort Sharing Decision), c’est à la condition qu’un accord international soit adopté (rapidement) et que celui-ci aboutisse à la création de crédits REDD+ fongibles. Pour les secteurs soumis à l’EU-ETS, la Commission Européenne s’oppose à tout lien avec des crédits avant 2020, sous réserve que les mêmes conditions soient remplies.

L’une des décisions très attendues en matière de REDD+ est la décision des États-Unis. Un système dit cap and trade y est actuellement en discussion. Comme c’est le cas pour l’UE, il pourrait dégager des ressources importantes pour la mise en œuvre REDD+ du fait de la mise aux enchères de quotas. En outre, il permettrait aux entreprises américaines soumises à ces quotas de remplir leurs obligations en achetant des crédits REDD+. L’adoption d’un tel système cap and trade aux États-Unis reste cependant un sujet très controversé dont l’aboutissement est incertain, d’autant plus que la dernière mouture du projet de loi American Power Act (APA) – au moment de la rédaction du présent guide – avait fait un fort recul sur le sujet, remettant en question la création d’un tel mécanisme cap and trade pour REDD+ au niveau fédéral. Au-delà de cela, la possibilité même de créditer des projets REDD+ semblait exclue par ce projet d’APA. Au moment de la finalisation de ce guide, il semblait probable qu’un vote ait lieu à la mi-juillet. À suivre donc…

• Les marchés volontairesLes marchés volontaires montrent un intérêt certain pour les projets REDD+. La demande en crédits répond à un intérêt croissant des entreprises pour les ques-tions de responsabilité sociale et environnementale, notamment des entreprises qui ne sont pas sous quotas, et principalement dans un souci de communication. Les co-bénéfices socio-économiques (emplois créés dans les filières agro-sylvi-coles, diversification des sources de revenus, lutte contre la pauvreté, etc.) et environnementaux (lutte contre l’érosion, protection des ressources hydriques, protection de la biodiversité, etc.) attendus des projets REDD+ sont en ce sens particulièrement importants.

Notons toutefois qu’historiquement, seuls 20,8 MtéqCO2-e de crédits forestiers se sont échangées sur ces marchés (Ecosystem Marketplace, 2009). Les crédits spécifiquement issus de projets REDD+ ne représentent que 3,1 MtéqCO2-e. Ces chiffres doivent alerter les porteurs de projet sur la possible incapacité du marché volontaire à absorber les volumes importants de crédits annoncés par de nombreux projets REDD+ 3.

1.3 - La cohérence des stratégies nationales REDD+ avec les projetsSous l’impulsion de plusieurs initiatives internationales (FCPF, UN-REDD), de nom-breux pays ont déjà commencé à se préparer à la mise en place d’un mécanisme REDD+ à l’échelle nationale (phase 1 du mécanisme REDD+ tel que présenté en 1.1). Malgré les incertitudes sur l’approche qui sera finalement retenue dans le cadre des négociations internationales ou au niveau domestique (par exemple

3. Pour une analyse plus détaillée de la place des projets forestiers sur les marchés volontaires, se référer à Chenost et al., 2010.

21redd+ à l’échelle projet - Guide d’évaluation et de développement

par l’UE ou les États-Unis), la cohérence des projets en cours avec la stratégie nationale du pays d’accueil devra nécessairement être appréhendée par tout dé-veloppeur de projet.À défaut de mécanisme REDD+ reconnu par le droit international ou national, les projets REDD+ qui sont en cours de développement ciblent les marchés volontaires du carbone et les standards ouverts aux activités REDD+ (VCS, CCBs, CCAR, CCX, ACR, Plan Vivo, Social Carbon ; pour une description des standards, se référer à la partie 2.3). À l’heure de la rédaction de ce rapport, les seuls standards ayant effectivement certifié des projets REDD+ dans les pays tropicaux sont les stan-dards de la CCBA et de Plan Vivo. Si c’est une approche nationale qui est retenue au niveau international, à terme – lorsque le pays hôte aura défini sa stratégie na-tionale, adopté un niveau de référence national et établi un système de suivi des émissions – les projets REDD+ devront être intégrés dans le système national. Ils pourront soit rester des projets volontaires, soit devenir des projets régle-mentés, ce qui dépendra de nombreux facteurs: législation nationale en vigueur, champ d’application du mécanisme retenu par le pays, choix du développeur de projet, etc. D’autres projets pilotes nationaux, hors marchés volontaires, sont également en cours de montage dans certains pays (par exemple en RDC) et visent à tester les éléments de la stratégie nationale préliminaire, sans chercher à valoriser des crédits carbone à court terme. S’ils permettent effectivement de réduire les émissions ou de renforcer les absorptions, il est probable que ces projets, deviennent à terme (phase 2b et 3) soit des projets réglementés, soit des projets volontaires certifiés

On peut anticiper que l’intégration des projets volontaires ou projets pilotes na-tionaux dans le cadre du système REDD+ national pourrait se faire à 3 niveaux : 1. l’intégration dans la stratégie nationale, 2. la comptabilisation dans un registre national REDD+, 3. le scénario de référence et le système de suivi des émissions.

• L’intégration des projets dans la stratégie nationaleLa déforestation est un processus complexe issu de l’interaction de multiples causes (d’ordre économique, social, institutionnel, culturel, etc.). Réduire la dé-forestation suppose donc de mettre en œuvre une stratégie nationale intégrée et multisectorielle (forêt agriculture, énergie, transport, mines, aménagement du territoire, économie et finance), qui combinera des mesures de régulation et de contrôle avec des incitations économiques et fiscales, et agira au niveau national comme au niveau local. Dans ce contexte, l’approche projets REDD+ - qui sup-pose une action restreinte à une zone géographique, des acteurs et une période déterminés - pourrait être un outil de mise en œuvre de la stratégie nationale. Tous les facteurs de déforestation ne peuvent cependant pas être enrayés par le développement de projets.

Il reviendra à chaque pays de déterminer comment mettre en œuvre la stratégie nationale REDD+, en tenant compte des circonstances nationales, au besoin par la mise en œuvre de projets ou programmes d’activités REDD+. Il est préférable que cette analyse soit faite dès le stade de l’élaboration de la stratégie nationale REDD+ en concertation avec les parties prenantes impliquées. Dans plusieurs pays déjà, les développeurs de projets REDD+ font partie des plateformes de coordination

Chapitre 1 – Qu’est-ce que le redd+ à l’échelle projet ?

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qui sont en contact avec les autorités nationales en charge de l’élaboration de la stratégie REDD+ du pays.

Dès le montage du projet, il est important que ces développeurs et investisseurs potentiels soient en contact avec les autorités nationales en charge de la politique REDD+ et s’assurent autant que possible de la cohérence du projet avec la stratégie nationale en cours de développement.

• Le problème de la comptabilisation carboneÀ partir du moment où le pays hôte du projet aura adopté un système de comp-tabilisation nationale des émissions et absorptions de son secteur forestier, se posera la question de l’articulation entre l’échelle projet et l’échelle nationale, quelle que soit l’approche choisie (voir encadré 1.1 précédemment). Entendu qu’un même et unique crédit ne peut, pour des raisons d’intégrité environne-mentale, être doublement valorisé : par le pays qui le fait valoir dans son bilan augmentation des absorptions / réduction des émissions d’une part, et par le porteur de projet d’autre part, même si cette valorisation se fait sur le marché volontaire. Le standard VCS considère actuellement le développement de nou-velles règles pour faciliter l’articulation entre les projets et les schémas sous-nationaux et nationaux de scénarios de référence, MRV, et comptabilisation, de façon à éviter de comptabiliser plusieurs fois les mêmes réductions d’émissions. Deux cas de figure pourraient alors se présenter : 1. les activités du projet ne sont pas prises en compte dans la comptabilisation

nationale (par exemple le projet a pour objectif de réduire les émissions liées à la dégradation forestière et le pays suit uniquement des émissions/absorp-tions liées à la déforestation 4) : dans ce cas, le projet peut continuer à générer des crédits carbone indépendamment de la comptabilisation nationale.

2. les activités du projet sont prises en compte dans la comptabilisation na-tionale (ce sera toujours le cas des projets qui se limitent à la réduction des émissions dues à la déforestation - RED) : dans ce cas, le projet devra négo-cier avec le pays hôte. Deux solutions sont envisageables :

• le pays hôte accepte de décompter de sa comptabilisation nationale les crédits générés par le projet (nested approach), qui peut continuer à générer des crédits dans le cadre de standards du marché volontaire, ou d’un mécanisme REDD+ international ;

• les crédits générés par le projet sont intégrés à la comptabilisation natio-nale et le pays hôte rémunère directement les développeurs de projet.

À noter qu’en théorie, certains projets pourraient combiner des activités ren-trant dans la comptabilité nationale et d’autres qui en seraient exclues. Cela pourrait être le cas par exemple d’un projet VCS REDD (déforestation et dé-gradation) dans un pays ayant adopté un dispositif se limitant à la déforesta-tion dans le cadre du mécanisme REDD+ international post-2012. Dans ce

4. Les négociations internationales ont acté depuis la CdP13 de Bali l’idée d’un mécanisme REDD+. Les pays devront donc notifier leurs émissions/absorptions sur l’ensemble des activités inclues dans le REDD+. Cependant, pour certaines acti-vités du REDD+, les émissions/absorptions seront faibles, et/ou avec un potentiel d’atténuation réduit. Si les émissions/absorptions de cette activité ne sont pas significatives et que leur non prise en compte n’aboutit pas à une surestimation des réductions d’émissions par le pays, le pays devra le démontrer et pourra alors choisir de ne pas les suivre. Dans ce cas, on peut considérer que cette activité est exclue de la comptabilité nationale.

23redd+ à l’échelle projet - Guide d’évaluation et de développement

cas, une partie des crédits pourrait continuer à être vendue sur les marchés volontaires (crédits issus de la réduction de la dégradation), tandis qu’une autre partie serait intégrée à la comptabilisation nationale (crédits issus de la réduction de la déforestation).

La politique adoptée par le pays hôte quant aux activités de projet et à la comptabi-lisation des crédits aura un impact important sur le devenir des projets volontaires. Il est donc essentiel d’entretenir à ce sujet un dialogue approfondi avec les autorités nationales dès les premières phases de développement d’un projet.

• Le scénario de référence et le système de suivi des émissionsL’adoption d’un niveau de référence national est un élément crucial de la stratégie nationale REDD+ puisqu’il établit le niveau à partir duquel seront calculées les per-formances du pays en matière de REDD+ (à savoir les réductions d’émissions et les augmentations d’absorptions en phase 3).C’est également un exercice complexe étant donnée la difficulté à prévoir les trajectoires futures de déforestation. Au mieux, il sera possible d’élaborer des scénarios en fonction de variables clés qui éclaireront la décision (par exemple, l’évolution de la densité démographique, le PIB ou un autre indicateur du dé-veloppement économique, des variables spatiales comme la localisation des infrastructures, etc.). Le scénario de référence national sera tout autant le résultat d’un processus de né-gociation interne que celui d’une négociation internationale entre pays de l’annexe I et non annexe I. Cette négociation concernera à la fois le niveau de référence global adopté, qui sera le marqueur de l’effort collectif que les pays forestiers tropicaux ac-ceptent d’entreprendre, et le niveau de référence de chaque pays, qui déterminera la répartition des efforts.

Lorsque un transfert financier aura lieu du gouvernement vers des entités sous-nationales (que ce soit des projets et/ou des provinces ou autres entités adminis-tratives) sur la base de leurs résultats en matière de lutte contre la déforestation, le scénario de référence devra être décliné au niveau de ces entités (sachant qu’il pourra être décliné soit en utilisant le scénario national et en générant des résultats à l’échelle de l’entité, soit en construisant des scénarios propres, mais qui utiliseront un certain nombre de données obtenues au niveau national, notamment concernant les aspects macroéconomiques). Cette déclinaison peut également être pertinente pour des pays connaissant des évolutions contrastées du point de vue des change-ments d’usage des sols et où les agents de déforestation sont peu mobiles d’une région à une autre.

D’autre part, les projets ciblant le marché volontaire et les éventuels projets crédités directement et dont les résultats seront décomptés de la comptabilisation nationale, devront présenter des méthodologies compatibles avec celles mises en œuvre à l’échelle nationale pour assurer la cohérence du système de décompte.

Un développeur de projet aura donc tout intérêt à suivre de près l’élaboration du scénario de référence national et son éventuelle déclinaison au niveau infranational, afin de vérifier que le niveau de référence adopté pour son projet est compatible avec celui de la région dans laquelle le projet est situé.

Chapitre 1 – Qu’est-ce que le redd+ à l’échelle projet ?

24

De fait, il est aussi probable que les scénarios de référence développés par les projets REDD+ situés dans diverses régions seront une base précieuse d’ap-prentissage et de retours d’expérience pour l’établissement du scénario de réfé-rence national. Les projets situés dans une même région pourraient avoir intérêt à élaborer un scénario de référence commun, ce qui leur permettrait de partager les coûts de développement, mais aussi d’améliorer la visibilité et la crédibilité de leurs projets vis-à-vis des autorités régionales et nationales.

Ainsi, l’établissement du scénario de référence national résultera probable-ment d’une approche descendante (depuis les négociations jusqu’au national et éventuellement au niveau décentralisé) et d’une approche ascendante (de-puis les projets jusqu’au niveau régional puis national), qui devront converger (voir tableau 1.2).

Tableau 1.2 : Convergences entre les différentes échelles pour l’élaboration du scénario de référence

En ce qui concerne le système de suivi du projet, il devra là aussi être compa-tible avec le système national, de façon à pouvoir identifier au niveau du registre national les réductions d’émissions liées au projet. La compatibilité devra se faire

Données Méthodes Résultats

Approche ascendante

• Données collectées au niveau sous-national utiles pour comprendre les disparités que le scénario national devra prendre en compte, ainsi que les circonstances nationales sur lesquelles baser l’argumentation dans la négociation

• Méthodes testées au niveau sous-national qui permettent d’alimenter la réflexion sur l’approche nationale appropriée

• Renforcement des capacités sur l’utilisation de ces méthodes

• Vérification de la pertinence du scénario national dans la représentation des processus de déforestation sous-nationaux

Approche descendante

• Données nationales, notamment macroéconomiques, utiles pour la prise en compte de certains facteurs de déforestation indirects dans les scénarios sous-nationaux

• Recommandations internationales pour l’élaboration du scénario national

• Lignes directrices fixées au niveau national pour les projets

• Modèles internationaux potentiellement déclinables au niveau national

• Modèles nationaux potentiellement déclinables au niveau sous-national

25redd+ à l’échelle projet - Guide d’évaluation et de développement

à différents niveaux, notamment en ce qui concerne les activités de projet et la résolution de l’analyse.

L’approche sera également convergente, dans la mesure où les systèmes de suivi mis en place au niveau projet pourront venir alimenter le système national (tant en données, qu’au niveau méthodologique), et le niveau national pourra aussi fournir des informations aux développeurs sur des données sur les stocks de carbone à utiliser selon les différents écosystèmes. Comme pour le scénario de référence, il est recommandé aux développeurs de projet de suivre le processus national, et d’établir des partenariats avec les projets voisins pour mettre en place des systèmes d’inventaires de carbone forestier homogènes d’une région à l’autre (et ainsi effectuer des économies d’échelle et améliorer la crédibilité).

Les projets REDD+ aujourd’hui

Qu’elles soient politiques ou économiques, un certain nombre de questions res-tent en suspens sur l’avenir du mécanisme REDD+ à l’échelle projet. Pourtant, il a déjà séduit un grand nombre d’acteurs et depuis 2007, on ne compte plus les nouvelles, les annonces, les mentions faites aux initiatives REDD+, donnant par-fois le sentiment qu’un grand nombre de projets existent déjà ou sont en cours de développement. Si l’on s’en tient aux annonces, c’est presque un demi millier de projets qui seraient inventoriés. Après analyse plus profonde, nous n’avons trouvé des informations élémentaires que sur 133 projets. Sur ces 133 projets, seuls 39 sont en cours de validation ou enregistrés sous un standard. Pour établir cet inventaire, il a été nécessaire de définir précisément ce que l’on entendait par « projet REDD+ », travail qui relève nécessairement du parti pris. Le présent guide propose de définir les projets REDD+ comme des initiatives qui visent à enrayer efficacement et sur une zone donnée et délimitée, les dynamiques de défo-restation et/ou de dégradation forestière afin de valoriser sur les marchés du carbone, par rapport à un scénario de référence estimé, un évitement d’émissions de CO2 mesuré, contrôlé et validé. Les implications de cette dé-finition en terme de choix des projets, ainsi que la méthodologie utilisée pour l’in-ventaire sont présentées en annexe 1.

2.1 - Inventaire des initiatives REDD+ à l’échelle projetLa présente étude a permis d’identifier 133 projets REDD+ au niveau mondial. Sur ces 133 projets, 80 % sont des projets REDD (au sens du VCS – voir chapitre 4) pour la plupart développés dans des pays forestiers tropicaux, et 20 % sont des projets IFM (dont 85 % sont développés dans des pays de l’Annexe 1). Près de 40 % des projets REDD+ inventoriés sont situés sur le continent latino-américain (voir figure 1.a). Aujourd’hui, la majorité des projets REDD+ en développement se trouvent en Indoné-sie et au Brésil (21 et 16 projets respectivement selon l’inventaire ONFI). La majorité des projets semblent ainsi développés dans des pays à fort couvert forestier qui en-registrent des taux historiques de déforestation élevés ; dans des forêts humides et à forte densité en biodiversité (Wertz-Kanounnikoff et al. 2009 et voir encadré 1.2 pour une analyse des facteurs expliquant la localisation des projets REDD+ actuels).

2

Chapitre 1 – Qu’est-ce que le redd+ à l’échelle projet ?

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Encadré 1.2 – Les facteurs expliquant la localisation des projets REDD+ actuels

Pour comprendre la répartition géographique des projets REDD+ actuels, Cerbu et al. (2009) se sont intéressés aux motivations des porteurs de projets et des investisseurs pour sélectionner les zones de projet. Le critère officiel principalement mis en avant concerne les bénéfices en matière de biodiversité. Suivent les bénéfices d’ordre commu-nautaires, puis le fait que la zone est menacée de déforestation. De manière non officielle (c’est-à-dire hors documents de projet, sites Internet, documents commerciaux, etc.), les développeurs, porteurs de projets et investisseurs mentionnent surtout la préexistence de relations avec les acteurs nationaux et/ou locaux et le fait que les différentes parties prenantes (ONGs et gouvernements) s’intéressent à la zone. Comme le rappelle Cerbu, qu’ils soient formalisés ou non, ces critères s’expliquent notamment par le fait que beau-coup des initiatives REDD+ actuelles sont des extensions de projets de conservation existants, lesquels s’intéressaient essentiellement à la conservation de la biodiversité. Ce qui expliquerait également l’intérêt des différents acteurs pour la zone, la préexistence de relations avec les parties prenantes et le fait que la valorisation carbone apparaît finale-ment comme un argument assez secondaire (Angelsen et al., 2009).

En 2009, Ecosecurities menait une enquête sur les attentes des entreprises privées en matière de projets carbone forestiers. Les bénéfices sociaux et environnementaux res-sortaient alors comme l’un des facteurs d’intérêt fondamentaux. Ce qui peut également expliquer le fait que ces bénéfices soient particulièrement mis en avant par les déve-loppeurs. Il ne faut pas oublier non plus que les seuls standards qui certifient effective-ment des projets REDD+ aujourd’hui, sont les standards de la CCBA et les standards Plan Vivo qui s’intéressent en priorité aux bénéfices sociaux et environnementaux des projets.

Même si la plupart des projets annon-cent rechercher une certification, à l’heure actuelle moins d’un tiers des projets sont effectivement en cours de validation ou enregistrés. Les stan-dards les plus utilisés actuellement pour les projets REDD+ sont CAR (pour les projets de gestion forestière améliorée développés aux États-Unis) et CCBs (voir figure 1.b). En ce qui concerne la taille des projets, la mé-diane est de 50.000 ha, et environ 40 % des projets inventoriés sont des projets grande échelle (>100.000 ha) (voir figure 1.c). Les profils de taille sont cependant extrêmement va-riables d’une région à l’autre, allant d’une taille médiane de projets de 21.000 ha en Amérique Centrale à plus de 230.000 ha en Asie.

Amérique LatineAfriqueAsieOcéanieAmérique du NordEurope

øCARCCBsPlan VivoCCXOregon StandardAAC

Figure 1.a - Répartition géographique des projets REDD+

Figure 1.b - Projets REDD+ et standards

27redd+ à l’échelle projet - Guide d’évaluation et de développement

La majorité des projets REDD+ identi-fiés dans le monde sont récents et à un stade précoce d’avancement. Il existe des projets plus anciens de déforestation évi-tée à vocation affichée de lutte contre le changement climatique (par exemple le Noël Kempf Climate Action Project en Bo-livie qui a démarré dès 1996 ou le projet Mbaracayu au Paraguay qui a démarré en 1991), mais ils restent peu nombreux.

2.2 - La chronologie d’un projet REDD+Au-delà de l’implantation des activités, le processus de valorisation carbone des projets de déforestation évitée se fait en plusieurs étapes. On en distin-gue généralement trois : l’identification, la faisabilité et la mise en œuvre (voir tableau 1.3), sachant qu’il est fréquent que ces phases se superposent sur certains aspects. L’avancement d’un projet dépend du niveau de données dis-ponibles et de l’état de mise en œuvre des activités sur le terrain. À chaque phase correspond un produit qui pourra ou devra être validé par les organes de certification.

Selon le contexte initial de déforestation et de dégradation, mais aussi selon les activités REDD+ qui seront développées, le projet parviendra plus ou moins vite à enrayer la dynamique de la déforestation. La durée de vie du projet dépend du maintien de l’additionnalité et de l’impact climatique net positif du projet. L’arrêt du projet ne rime pas forcément avec arrêt de la déforestation dans la mesure où dans certaines zones, il ne sera pas possible d’arrêter com-plètement la déforestation, mais plutôt avec la mise en place de processus pérennes à l’échelle projet permettant de lutter efficacement contre la défo-restation.

À cet égard, il convient de noter que les standards ont des exigences variables en matière de durée de vie des projets, allant par exemple d’une durée minimale de 20 ans à une durée maximale de 100 ans pour les standards VCS et Plan Vivo. La durée de vie minimale d’au moins 20 ans est une contrainte qui doit per-mettre de garantir la permanence des réductions d’émissions. Cette durée de vie est définie au début du projet. Par ailleurs, selon les standards utilisés pour la certification, la période de comptabilisation pourra être renouvelée, sous réserve de l’ajustement du scénario de référence (dans le cas du VCS, le scénario de référence doit être réévalué tous les 10 ans). À l’évidence, aucun des projets REDD+ existants n’est arrivé au terme de sa durée de vie.

2.3 - Les standards du REDD+Sur les marchés volontaires du carbone, il existe aujourd’hui plusieurs standards qui certifient ou ambitionnent de certifier des crédits générés par des projets REDD+.

0 - 5 000 ha5 000 - 20 000 ha20 000 - 50 000 ha50 000 - 100 000 ha> 100 000 ha

Figure 1.c - Taille des projets REDD+

Chapitre 1 – Qu’est-ce que le redd+ à l’échelle projet ?

28

Tableau 1.3 : Les phases de développement des projets REDD+

Phase Étapes Niveau de données Produits / Document

IdentificationIl s’agit de l’étude d’opportunité du projet. Elle permet de savoir si oui ou non et avec quel ordre de grandeur le projet pourra générer des crédits carbone.

• Identification de la zone de projet

• Identification des agents et des causes de la déforestation

• Evaluation basique de la couverture forestière

• Prise de contact avec les acteurs locaux (lettre d’engagement des autorités)

• Évaluation grossière du potentiel carbone (taux de déforestation et densité carbone de la zone)

• Test d’additionnalité et d’éligibilité

• Identification des activités de projet possible

• Première analyse financière

Les données utilisées doivent être fiables, crédibles et se rapprocher le plus possible de la tendance réelle. Néanmoins, les développeurs pourront se satisfaire de données non élaborées pour le projet, à des échelles plus grandes et/ou pour des régions similaires.

Pour éviter une surévaluation des bénéfices carbone qui serait dommageable dans les phases ultérieures, les données devront être sélectionnées et manipulées selon le principe dit de conservatisme (i.e. on prend toujours le minimum de la fourchette d’estimation afin de s’auto pénaliser et rester prudent).

Fiche d’identification de projet (Project Idea Note – PIN) ou équivalent

Outre l’étude d’opportunité elle-même ce document permet de mieux cerner le profil du projet et de rechercher des financeurs pour les phases ultérieures

FaisabilitéIl s’agit de l’étude de faisabilité du projet. Elle doit permettre de quantifier ex-ante, mais avec le plus d’exactitude possible, les bénéfices carbone du projet. En phase de faisabilité, le projet ne génère pas encore de crédits carbone et la mise en œuvre des activité n’a pas encore commencé. Cette phase correspond à la validation du projet par les standards

• Analyse des agents et des causes de la déforestation

• Estimation du scénario de référence

• Estimation ex-ante de l’efficacité du projet (scénario projet et fuites)

• Enregistrement du projet auprès des autorités nationales et locales

• Accord avec les propriétaires du terrain et/ou les bénéficiaires des crédits carbone

• Développement d’un plan de monitoring

• Sélection des activités et élaboration des modalités de mise en œuvre

• Analyse financière et économique du projet

• Analyse du projet par rapport à la stratégie nationale le cas échéant, et par rapport aux règles juridiques nationales (études d’impact, normes environnementales et sociales)

Les données utilisées doivent rendre compte de la tendance spécifique à la zone de projet. Des données non-élaborées pour le projet ne devront être utilisées que si elles permettent de rendre véritablement compte de la situation sur la zone de projet. Pour beaucoup d’éléments, de nouvelles données devront être produites spécifiquement pour la zone.

Pour éviter une surévaluation des bénéfices carbone qui serait dommageable pour la valorisation carbone à venir, les données devront être sélectionnées et manipulées selon le principe dit de conservatisme.

Document d’élaboration du projet (Project Design Document – PDD) ou équivalent

Outre l’étude de faisabilité, ce document devra être soumis aux standards pour certification. Il répond à un certain nombre de questions des bailleurs et investisseurs

Mise en Œuvre Il s’agit de la phase pendant laquelle le projet peut génèrer des crédits carbone. Elle doit permettre de quantifier ex-post les bénéfices carbone et de contrôler les impacts sociaux et environnementaux du projet. Cette phase est généralement séparée en plusieurs sessions de monitoring et de certification des crédits.

• Mise en œuvre des activités

• Estimation ex-post de l’efficacité des activités

• Monitoring des bénéfices carbone, sociaux et environnementaux.

• Redistribution des bénéfices

Les données utilisées devront être produites pour le projet et/ou sur la zone du projet. Il s’agit de données de monitoring. Elles doivent être suffisamment précises pour évaluer les indicateurs de suivi.

Crédits carbone

Rapports de monitoring et de certification des crédits

29redd+ à l’échelle projet - Guide d’évaluation et de développement

• À quoi sert un standard ?Dans la mesure du possible, les standards permettent de garantir aux bailleurs, aux investisseurs et aux acheteurs de crédits, que les projets auront les effets annoncés sur la déforestation, et que les crédits répondent aux principes du MRV (mesure, rapportage et vérification). Les standards offrent des cadres pratiques et méthodologiques pour garantir l’intégrité environnementale des activités, en ai-dant les développeurs à éviter un certain nombre de risques du REDD+, à savoir :

• Le risque de ne pas produire d’impacts positifs nets en terme d’atténuation du changement climatique

Ce risque peut s’expliquer de différentes manières : - parce que la réduction de la déforestation n’est pas effective, c’est-à-dire

que le niveau réel d’émissions vérifiées du projet se révèle supérieur au scénario de référence (absence de résultats),

- parce que la réduction d’émissions aurait eu lieu même en l’absence du projet et qu’on ne peut donc l’imputer à ce dernier (le projet n’est pas addi-tionnel),

- parce que les émissions évitées sur la zone de projet n’auront en fait été que le résultat d’un déplacement des pressions sur d’autres zones boisées (le projet a entraîné des fuites qui peuvent lui être directement attribuées).

Les lignes directrices méthodologiques de ce Guide reviennent sur les outils mis à disposition par les standards pour s’assurer de l’impact positif net sur le climat d’un projet REDD+.

• Le risque de non permanenceC’est un risque général de non maintien du couvert forestier qui doit être traité au niveau de chaque projet REDD+ et qui doit être anticipé dans toutes les dimen-sions du projet, qu’elles soient organisationnelles ou méthodologiques. Le risque de non permanence peut être lié : - à la non adhésion des acteurs et agents de la déforestation au projet

(absence de résultats effectifs), - aux risques naturels (incendies, maladies ou ravageurs, glissements de

terrains, etc.)Les standards tiennent compte du risque de non permanence dans la sélection des activités comme dans la structure organisationnelle du projet.

• Le risque de non-respect des populations locales et des peuples autochtones

Les projets REDD+ donnent de la valeur économique aux écosystèmes fores-tiers. Parce qu’ils rendent un certain nombre de services environnementaux de base (fourniture de nourriture, de biens et de sols fertiles), ces écosystèmes ont déjà une valeur intrinsèque forte pour les populations locales qui en dépen-dent. Parce qu’ils pourraient inciter à la spéculation sur ces zones, les projets menacent le droit d’usage de ces communautés, qui parfois n’est par ailleurs pas reconnu par les gouvernements. Le risque de non respect des populations autochtones est de plus en plus traité dans les négociations internationales sur le REDD+. Un certain nombre de standards se concentrent sur les impacts so-ciaux et environnementaux des projets. Le présent guide les détaille dans une partie dédiée (chapitre 5).

Chapitre 1 – Qu’est-ce que le redd+ à l’échelle projet ?

30

• Les différentes catégories de standards REDD+Il existe plusieurs standards qui diffèrent tant par leurs conditions d’éligibilité, que par leur approche. Le choix du standard dépendra donc des critères d’éligibilité propres à chacun des standards, mais aussi de la stratégie du porteur de projet et de l’opportunité financière que représente la standardisation pour le projet en question (les coûts de transaction valent-ils la peine d’être couverts pour un très petit projet qui génèrerait peu de bénéfices ? La certification va-t-elle réellement donner une valeur ajoutée au crédit carbone ? etc.).

On distingue deux catégories de standards : - ceux qui permettent de générer des actifs carbone exprimés en tonnes

d’émissions de CO2 évitées, selon des règles et critères prédéfinis relatifs aux risques de non permanence, de non additionnalité et de fuites ainsi que sur l’évaluation de l’impact climatique net du projet. Parmi les plus connus, on mentionnera le VCS, le CCX, le CAR, Plan Vivo et ACR.

- ceux qui garantissent la qualité du projet dans son ensemble sans permettre de générer de crédits, mais en s’intéressant généralement à des dimensions connexes comme la biodiversité ou les impacts sociaux et économiques du projet : les standards de la Community, Climate and Biodiversity Alliance (CCBA) et ceux de Social Carbon.

Ces deux catégories ne sont pas exclusives. Elles sont au contraire complémen-taires et les porteurs de projets envisagent généralement de les mettre en œuvre simultanément pour avoir la possibilité de générer des crédits attestant de l’impact positif du projet sur le climat tout en garantissant la valeur ajoutée des activités entreprises sur les plans social et environnemental.

Nous détaillerons les standards projets dans les recommandations liées aux impacts sociaux et environnementaux des projets (chapitre 5), ainsi que le stan-dard Plan Vivo qui porte à ces dimensions une attention particulière.

Les autres standards diffèrent essentiellement par leurs conditions d’éligibilité (le pays de développement du projet et les activités). Les crédits issus de ces différents standards auront des prix différents sur les marchés du carbone, notam-ment en lien avec leurs exigences sociales et environnementales. Le tableau 1.4 donne un aperçu des différences fondamentales entre les standards. Pour plus de détails, voir Lopes, 2009 et Chenost et al. 2010.

À noter qu’à l’heure actuelle : - seuls les standards CCBs et Plan Vivo ont effectivement certifié des projets

REDD+ dans les pays tropicaux ; - le standard CAR a certifié des projets de gestion forestière améliorée (IFM) ; - le standard Social Carbon est prêt pour certifier les projets REDD+, mais il

ne certifie que des projets qui ont déjà été certifiés par un standard carbone. Or, aucun projet REDD+ n’a été validé par un standard carbone à ce jour (à l’exception des projets Plan Vivo, mais qui génèrent des certificats Plan Vivo qui ne sont pas reconnus par Social Carbon).

- le VCS est en cours de validation des méthodologies REDD+ (voir chapitre 4). Aucun projet REDD+ VCS n’est aujourd’hui validé.

31redd+ à l’échelle projet - Guide d’évaluation et de développement

Tableau 1.4 : Comparaison des standards REDD+ (Source : Lopes, 2009 et Chenost et al. 2010)

Zone géographique

Prix des crédits

Remarque

Stan

dard

s Ca

rbon

e

VCS (Voluntary Carbon Standard)

Monde (à condition de ne pas rentrer en conflit avec des secteurs régulés au niveau national en matière de carbone).

Entre 1,3 et 20 €

(moyenne à 3,5)

Le VCS bénéficie d’une très bonne réputation auprès des acheteurs et pourrait s’imposer comme le standard majeur du marché volontaire. Il offre un certain nombre d’outils méthodologiques et une solution de crédits permanents via un système d’assurance (voir chapitres 4 et 6). Il présente néanmoins les défauts du MDP : complexité à mettre en place, coûts de transaction importants. Peu de projets sont actuellement enregistrés (et aucun projet REDD+).

CAR(Climate Action Reserve)

Californie pour la version 2.1 États-Unis, Canada, Mexique et Brésil pour la Version 3

CCX(Chicago Climate Exchange)

États-Unis ou pays hors annexe 1

Entre 0,6 et 10 €(moyenne à 2,6)

La qualité du standard CCX est faible (sur plusieurs critères : additionnalité, permanence, etc.) et s’adresse donc à des projets qui ne respecteraient pas ces critères. Toutefois, il faut souligner le prix de vente très faible de ces crédits.

ACR (American Carbon Registry)

États-Unis ou pays hors annexe 1

Plan VivoPays en développement (zones rurales)

Entre 3,5 et 7,5 €

(moyenne à 3,7)

Le standard Plan Vivo est adapté à certains types de projets forestiers, de petite taille, dont la vocation principale est l’appui à des communautés rurales. Les études mettent cependant en évidence la complexité des documents de projet à réaliser (approche scientifique) et le manque de qualité sur certains critères.

Stan

dard

s Pr

ojet

s

CCBs(Climate, Community, Biodiversity)

Monde

Entre 1,3 et 10 €

(moyenne à 6)

Le standard CCBs est un standard reconnu pour les bénéfices sociaux et environnementaux des projets forestiers. Il donne un plus au projet qui peut se répercuter sur le prix de vente des crédits.

Social Carbon

Monde (actuellement, présence exclusive au Brésil)

Entre 3,5 et 6,5 € (moyenne à 5)

Le standard Social Carbon ne concerne que le volet social. Il peut ainsi être jugé moins complet que le précédent.

Chapitre 1 – Qu’est-ce que le redd+ à l’échelle projet ?

32

Le guide d’évaluation et de développement de projet

Le développement et l’évaluation de projet REDD+ nécessitent de s’intéresser aux multiples aspects du projet, depuis l’élaboration des activités jusqu’à la faisabilité financière en passant par les requis méthodologiques. Le mécanisme peut être décomposé en cinq grandes composantes, chacune étant interconnectée aux autres : • La stratégie REDD+ du projet, • La composante organisationnelle, • La composante méthodologique, • La composante socio environnementale, • La composante financière.

Pour chacune des composantes, le guide fournit des recommandations techniques propres. Une synthèse des principaux éléments à prendre en compte pour chaque composante est présentée en annexe 2 sous forme de grille d’analyse.

Cinq études de cas sont également présentées en annexe 4 : elles présentent les principaux éléments des projets, et chacune détaille un élément particulier pour venir illustrer les parties de ce guide (tableau 1.5).

Tableau 1.5 : Présentation des études de cas

3

Nom Lieu Développeur Élément détaillé

Protecting A Native Forest

Australie Tasmanie

REDD ForestsUtiliser la finance carbone comme source de revenus alternative aux concessions forestières

Sao Francisco Forest Project (anciennement Genesis Forest Project)

Brésil Instituto EcologicaÉvaluer et quantifier les bénéfices sociaux d’un projet REDD+

Juma Brésil FAS Établir un scénario de référence projeté

Oddar Meanchey Cambodge

Administration Forestière du Gouvernement Royal du Cabmodge

1. L’articulation REDD+ et Programme National de Foresterie Communautaire

2. Estimation ex-ante de l’efficacité du projet

Kasigau Kenya Wildlife Works L’estimation de la densité carbone de la forêt

33redd+ à l’échelle projet - Guide d’évaluation et de développement

Noyer du Para au Brésil © ONFI

Chapitre 1 – Qu’est-ce que le redd+ à l’échelle projet ?

34

recommandations pour l’élaboration d’un projet redd+ : déterminer le profil et la stratégie de son projet

Chapitre 2

35redd+ à l’échelle projet - Guide d’évaluation et de développement

• Il n’existe pas un type unique de projet REDD+. Tous les projets ont en commun l’objectif de valorisation d’une quantité d’émissions de CO2-e évitées ou absorbées sur les marchés du carbone. Mais tous sont confrontés à des dynamiques de déforestation et/ou dégradation propres et développent donc des activités et des stratégies différentes.

• Par définition, plus la zone est menacée de déforestation, plus le potentiel d’abattement est grand. Pour autant, certains facteurs de déforestation peuvent être, pour des raisons institutionnelles, financières et techniques, difficiles à contrôler à l’échelle projet. Il revient aux acteurs du projet de déterminer, au préalable, leur stratégie de réduction de la déforestation et de la dégradation sur la zone.

• Au risque de manquer d’efficacité, les activités REDD+ doivent cibler les agents et les facteurs de la déforestation. Leur sélection et/ou concep-tion nécessite(nt) au préalable une analyse minutieuse des dynamiques de déforestation/dégradation locales actuelles et à venir sur la zone.

• C’est sur la base de cet examen préalable, qualitatif et dans la mesure du possible quantitatif, que le développeur pourra élaborer ou ajuster sa stratégie de réduction de la déforestation. Cet examen initial sera en outre nécessaire pour l’établissement du scénario de référence, et la définition de l’état initial nécessaire à l’évaluation des impacts sociaux et environ-nementaux du projet.

Les recommandations techniques dédiées à l’élaboration des projets REDD+ reviennent sur les étapes qui suivent : 1. La définition du périmètre du projet 2. L’identification et l’analyse des agents et des facteurs

de déforestation 3. L’élaboration de la stratégie REDD+ du projet

en quelques mots…

Projet Ibi Batéké en rdC © ONFI

36

Définition du périmètre de projet

Le premier élément de l’élaboration de la stratégie REDD+ à l’échelle projet est la localisation dudit projet. Les critères de sélection du périmètre d’un projet REDD+ sont nombreux et variables. La question du bénéfice climatique est souvent le prin-cipal critère, mais entrent en jeu également d’autres aspects, par exemple d’ordre plus politique (volonté du gouvernement), historique (par exemple, une forte et lon-gue expérience de la zone) ou emblématique (par exemple la présence d’espèces endémiques). Le périmètre du projet à proprement parler est le territoire sur lequel on entend intervenir pour enrayer la déforestation. Sauf cas exceptionnels, il ne se réduit pas aux espaces boisés éligibles à l’octroi de crédit mais doit permettre la mise en place d’activités alternatives sur les zones non boisées (pour les différentes frontières spatiales d’un projet REDD+, voir partie 3.1 du chapitre 4).

Du point de vue de l’additionnalité globale, les régions particulièrement intéres-santes sont celles sur lesquelles pèse une lourde menace de déforestation et qui, a priori, n’auraient pas attiré d’investissement pour la conservation (Miles et al., 2008). Dans la pratique, les régions sont surtout sélectionnées dans une stratégie de gestion des risques. Parmi les critères qui semblent importants, on mentionnera : • Les critères liés au potentiel carbone du projet sur le long terme, c’est-à-dire : - L’existence d’écosystèmes forestiers au sens onusien du terme sans quoi le

projet ne sera, de fait, pas éligible 5. - La menace de déforestation ou de dégradation : Il ne serait pas pertinent en

effet de développer un projet REDD+ dans une zone où il n’y a pas eu de défo-restation/dégradation dans le passé ou sur laquelle on n’anticipe pas l’appari-tion de nouvelles menaces. Une zone de forêt totalement inaccessible et donc a priori non menacée à moyen voire à long terme par la présence anthropique n’a pas nécessairement besoin d’être protégée 6.

- Le potentiel de mise en œuvre d’activités alternatives, soit le caractère en-rayable des facteurs de déforestation à l’échelle projet, tant d’un point de vue technique que financier et institutionnel. Cela comprend notamment les com-pétences et l’expérience des parties prenantes en matière de réduction des facteurs de déforestation de la zone.

- L’intérêt et l’implication des parties prenantes dans la mesure où la réussite du projet dépend grandement de l’implication sur le long terme de tous les acteurs locaux, nationaux ou internationaux concernés. Le périmètre du projet peut être défini comme l’aire sous contrôle des participants au projet.

- Le niveau de risques naturels qui pourraient menacer la permanence du projet, et ce quels que soient les efforts des parties prenantes, est un facteur essentiel.

- La sécurité politique, financière et juridique du pays ou de la zone qui doit per-mettre de sécuriser l’initiative sur le long terme.

1

5. Par sens onusien, nous entendons la définition retenue par la CCNUCC dans le cadre des accords de Marrakech et utilisée par les standards.

6. Ce point pourrait cependant être amené à évoluer selon l’interprétation qui sera donnée aux activités de « conservation et gestion forestière durable » inclues dans le REDD+.

37redd+ à l’échelle projet - Guide d’évaluation et de développement

• La faisabilité financière du projet, c’est-à-dire : - L’intérêt des investisseurs est un critère potentiellement important dans la

sélection d’une zone de projet. De ce point de vue, les bénéfices sociaux et environnementaux augmentent la faisabilité financière d’un projet REDD+ puisqu’ils augmentent l’attractivité de la zone.

- La sécurité politique, financière et juridique du pays ou de la zone qui facilitera a priori la recherche d’investisseurs. Cela concerne surtout les projets qui sont à un stade précoce de développement et qui auront besoin de finance-ments anticipés pour mettre en œuvre le projet. Par sécurité juridique, nous entendons les droits exercés et pouvant être exercés sur la zone de projet et sur les crédits carbone qui pourront être générés.

- Le rapport coût/efficacité des activités de projet. - La possibilité de générer d’autres revenus que les revenus carbone à propre-

ment parler qui renforcera la faisabilité financière du projet (et qui peut aussi renforcer l’additionnalité et la permanence du projet).

- L’acceptabilité, sinon la recherche d’excellence sociale et environnementale du projet qui joue à la fois sur l’éligibilité de l’initiative au mécanisme REDD+ (voir le non-paper REDD+ issu de Copenhague), l’impact climatique du projet sur le long terme du fait de l’adhésion des communautés locales et l’attracti-vité de la zone en matière d’investissement, de support institutionnel et plus généralement d’intérêt des différentes parties prenantes.

Il n’existe pas de taille idéale pour un projet REDD+. Tous les éléments précités in-flueront de fait sur la taille du projet. Compte tenu des coûts élevés de transaction (voir chapitre 6), il est d’usage de rappeler qu’un projet avec une surface de forêt menacée trop petite risquerait de ne pas être rentable. Inversement, il est fonda-mental de garder à l’esprit que par définition, plus cette surface sera grande, plus les coûts d’enrayement de la déforestation et les coûts de monitoring du projet seront élevés. Il n’est pas évident qu’à long terme, un projet de grande taille soit systématiquement plus rentable qu’un projet de taille moyenne.

Identification et analyse des agents et des causes de la déforestation

L’identification et l’analyse des agents et des facteurs de déforestation sont des étapes nécessaires pour tous les projets REDD+. Ce sont elles qui permettent une bonne compréhension de la dynamique de déforestation locale. Elles alimen-teront par ailleurs de nombreuses étapes ultérieures comme l’élaboration et la sélection des activités de projet, l’identification des acteurs, la détermination du ou des propriétaires(s) des crédits, l’élaboration du diagramme organisationnel, la prédiction et la localisation de la déforestation futures, l’évaluation des impacts socio-économiques du projet et l’élaboration de mécanismes de redistribution des bénéfices, etc.L’identification doit se faire de manière exhaustive, pour les agents et causes présents comme futurs. Dans la mesure du possible, l’analyse devra être minutieuse et quantitative.

2

Chapitre 2 – recommandations pour l’élaboration d’un projet redd+

38

Extension desinfrastructures• Transport (routes,

chemin de fer)• Marchés (publics

et privés, par ex. scieries)• Habitat (rural, urbain)• Travaux publics

(service d’eau, assainissement, lignes électriques)

• Entreprises privées (hydroélecticité, mines, hydrocarbures)

Caus

es d

irect

es

Expansion de l’agriculture• Culture permanente

(grande vs petite échelle, subsistance vs commerciale)

• Agriculture itinérante (abattis brûlis vs traditionnelle)

• Élevage (grande vs. Petite échelle)

• Colonisation (migrations, projets de réinstallation)

Exploitation forestière• Commerciale (privée,

étatique)• Exploitation artisanale

(formelle vs. Informelle)• Bois de chauffe

(usage domestique)• Charbon de bois

(usage commercial vs usage domestique)

Autres facteurs• Environnement

prédisposant (qualité des sols, topographie, fragmentation de la forêt)

• Facteurs biophysiques (sécheresse, feux, inondations, pestes)

• Facteurs sociaux (guerres, désordre social, déplacements de population, crise économique et politique)

Facteurs Démographiques• Augmentation naturelle

(fertilité, mortalité)• Migration (immigration,

émigration)• Densité de la population• Distribution de la

population• Effets de cycle de vie

Caus

es s

ous-

jace

ntes Facteurs Économiques

• Croissance du marché et commercialisation

• Structures économiques• Urbanisation et

industrialisation• Variables spéciales

(hausse des prix, avantages comparatifs)

Facteurs Technologiques• Changement des

techniques agricoles (in/extensification)

• Facteurs de production agricoles

• Techniques dans le secteur forestier (diminution des pertes)

Facteurs politiques et institutionnels• Politiques formelles

(développement économique, crédit)

• Climat politique (corruption, mauvaise gestion)

• Facteurs fonciers (course à la terre, titularisation)

Facteurs culturels• Attitudes et valeurs

publiques, croyances (insouciance vis-à-vis de la forêt, mentalité de colonisation de la forêt)

• Comportement des individus et des ménages(insouciance vis-à-vis de la forêt, poursuite de gains à court terme, imitation)

2.1 - Qu’est ce qu’une cause de déforestation ? Les agents de la déforestation doivent être distingués des facteurs directs et des facteurs indirects de la déforestation (Angelsen et Kaimowitz, 1999 et Geist et Lambin, 2001). : - Les agents de déforestation/dégradation sont les personnes qui réalisent

directement ou indirectement l’action de déboiser et/ou de dégrader. Sont ainsi considérés comme des agents de la déforestation : les agriculteurs, les exploitants forestiers ou miniers, les usagers des ressources ligneuses, les gouvernements qui investissent dans des infrastructures, etc.

- Les facteurs directs sont les activités qui motivent la déforestation/dégradation. Ce sont les raisons immédiates pour lesquelles un agent déboise ou dégrade le couvert. L’agriculture de subsistance ou à vocation commerciale, l’agro- industrie, le développement de routes, l’installation de mines, l’exploitation forestière, etc. sont des causes directes de la déforestation.

- Les facteurs indirects (ou sous-jacents) de déforestation/dégradation sont les signaux qui vont influencer l’occurence des facteurs directs de déforestation/dégradation. Il peut s’agir par exemple de l’augmentation du prix d’une denrée agricole, de la pauvreté, du manque d’accès à l’énergie, du manque de clarté dans les droits fonciers (qui encourage l’occupation illégale des terres), de la densité démographique, des politiques de développement économique, etc.

Sur la base de 150 études de cas, Geist et Lambin (2001) proposent une liste très complète des causes directes et indirectes de déforestation au niveau mondial (voir figure 2.a).

Figure 2.a : Causes directes et indirectes de déforestation (Source : Geist et Lambin, 2001)

39redd+ à l’échelle projet - Guide d’évaluation et de développement

La phase d’identification d’un projet REDD+ doit inclure une analyse fine des rela-tions qui existent entre les différents agents, facteurs directs et facteurs indirects de la déforestation/dégradation. Aussi fastidieux puisse-t-il paraître, l’effort descriptif est primordial. Tous les standards l’exigent lors de la rédaction du document des-criptif de projet (ou Project Design Document en anglais, PDD). Il permet de s’as-surer que l’on a bien en tête les enjeux de lutte contre la déforestation sur la zone.

Les méthodologies prévues par le VCS recommandent d’identifier et de décrire la répartition spatiale et l’évolution future des variables clés qui motivent les différents groupes d’agents. Grâce à cette étape, on pourra identifier les acteurs qui devront adhérer au projet pour en garantir le succès, mais aussi déterminer le choix des activités de projet. Par ailleurs, une bonne description des agents et causes di-rectes ou indirectes de la déforestation permet de structurer la stratégie du projet en envisageant dès la conception, l’efficacité carbone que l’on peut raisonnable-ment attendre du projet.

Certains facteurs indirects qui opèrent à des échelles beaucoup plus larges – et notamment les facteurs démographiques, politiques, institutionnels et éco-nomiques (même si des incitations locales peuvent permettre dans une certaine mesure de modifier le contexte économique local) – ne pourront pas être enrayés efficacement à l’échelle projet. C’est un argument supplémentaire en faveur du développement de stratégies REDD+ nationales et internationales et de la cohé-rence, sinon de l’intégration, des projets dans ces stratégies.

S’ils ont une influence sur la zone de projet, certains agents de la déforestation/dégradation ne s’y trouvent pas pour autant. Ils devront être ciblés par des activités différentes et nécessitent souvent que la stratégie du projet soit accompagnée de mesures politiques, institutionnelles, économiques, etc. C’est le cas notamment des futurs agents de la déforestation.

2.2 - Les agents et les causes du futurDans la mesure du possible et pour garantir son efficacité et son additionnalité sur le long terme, un projet REDD+ devra anticiper et chercher à enrayer les agents et facteurs futurs de la déforestation/dégradation. Ces derniers devront être intégrés au processus d’identification et d’analyse préalablement décrit.

Les méthodologies soumises pour approbation au VCS recommandent d’analyser l’évolution future des agents et causes de déforestation/dégradation existants et d’anticiper l’apparition de nouvelles causes. La zone de référence devra inclure ces agents et causes futurs, ce qui permettra d’ajuster le scénario de référence tout au long de la vie du projet (voir chapitre 4 du guide).

Dans beaucoup de projets, c’est le classement des périmètres de projet en aires protégées qui permet d’éviter l’apparition de causes et agents futurs (voir l’exemple du projet Juma dans l’encadré 2.1). Il faut noter également que les facteurs de déforestation/dégradation de la zone projet sont soumis à une surveillance au même titre que les activités. Si de nouvelles causes ou de nouveaux agents apparaissent, il faudra réajuster les activités de projet.

Chapitre 2 – recommandations pour l’élaboration d’un projet redd+

40

Encadré 2.1 – L’anticipation des facteurs et agents futurs dans le projet Juma

Le projet Juma (voir l’étude de cas correspondante en annexe 4) donne un bon exemple d’anticipation des agents et facteurs futurs de la déforestation. Les activités mises en place par le projet s’adressent aux communautés locales pré-sentes sur la zone. Mais la principale cause identifiée et qui explique l’ampleur de la défo-restation dans le scénario de référence, est l’avancée d’un front pionnier pour le dévelop-pement du soja et de l’élevage. À l’heure du développement du projet, cette cause de la déforestation n’est pas présente sur la zone. C’est à long terme qu’elle menace la forêt, comme le prouve le scénario de référence projeté (voir chapitre 4). C’est le classement de la zone en réserve naturelle qui devrait permettre d’empêcher l’apparition de ces facteurs.

Sélectionner les activités REDD+ adaptées à son projet

Devant la diversité des agents et des causes de la déforestation/dégradation, il y a également une grande diversité d’activités possibles pour les enrayer. Elles ont en commun de chercher à réduire la déforestation et à limiter les fuites de manière permanente, tout en évitant les impacts sociaux et environnementaux négatifs et en favorisant au contraire les impacts positifs. Ces activités doivent être adaptées aux projets et nécessitent donc d’être sélectionnées avec soin.

3.1 - Qu’est ce qu’une activité REDD+ ? Sur le plan économique, les activités REDD+ essaient de combler la différence de rentabilité qui existe entre une forêt sur pied et une forêt abattue ou dégradée pour le développement d’usages donnés. S‘il n’est pas possible de combler cette différence, des leviers réglementaires pourront être utilisés, mais des mesures compensatoires doivent dans tous les cas être mises en place, pour éviter les fuites, et pour que les conditions socio-économiques locales restent a minima les mêmes. Pour être efficace, un projet REDD+ doit proposer une combinaison optimale d’activités incitatives et contraignantes.

On peut distinguer trois types de leviers, les deux premiers étant incitatifs (« carottes») et le 3e étant coercitif (« bâton ») : - Un levier d’augmentation de la valeur de la forêt sur pied (qu’elle soit intacte,

exploitée ou dégradée) : cela inclue par exemple des activités d’écotourisme, de valorisation des produits non ligneux, de certification forestière, de paie-ments pour services environnementaux, etc., autant d’activités qui permettent de rendre plus rentables le maintien de la forêt.

- Un levier d’augmentation de la valeur des zones déjà déboisées pour soula-ger les zones de forêt sur pied : sont comprises des activités d’intensification agricole, de restauration de la fertilité, d’organisation des filières agricoles, de transformation et de certification des produits agricoles, de développement d’activités alternatives, etc. L’objectif est de créer un revenu supplémen-taire pour l’agent de déforestation et ainsi de rendre la déforestation moins

3

41redd+ à l’échelle projet - Guide d’évaluation et de développement

« nécessaire ». Cependant, ces activités doivent être élaborées de façon à ne pas inciter à déboiser davantage. En effet, l’introduction de nouvelles tech-niques agricoles peut rendre l’activité de déforestation encore plus rentable, et si de la main-d’œuvre est disponible ou se libère grâce aux nouvelles tech-nologies introduites, il y a un risque d’augmentation de la déforestation. Par ailleurs, ce levier, comme le précédent, peut également inciter de nouvelles populations à venir s’installer dans la zone et à alors augmenter la pression. Des mesures réglementaires d’accompagnement seront donc dans la plupart des cas nécessaires pour ne pas augmenter la pression de déforestation.

- Un levier contraignant, qui consiste par exemple à instaurer un statut d’aire pro-tégée sur la zone, à renforcer le contrôle policier des activités illégales. Ce levier contraignant peut être mis en place au niveau national (contrainte du respect des engagements de conservation par les gouvernements et de non délivrance de concessions par exemple) ou au niveau local, via des contrats qui seraient signés avec les propriétaires terriens ou avec les usagers, dans lesquels les uns et les autres s’engagent à ne plus déboiser. Dans la plupart des cas, il n’est pas souhai-table de faire appel à ce levier seul. Il peut en effet conduire soit à une dégrada-tion des conditions de vie des populations locales, soit à un simple déplacement des émissions. Des mesures de compensation doivent accompagner l’interdiction pour présenter une alternative satisfaisante aux activités destructrices et permettre effectivement aux agents d’arrêter, de transformer ou de réduire leurs activités. Ces mesures compensatoires relèveront généralement des deux leviers précé-dents et devront s’inscrire dans la durée, en lien avec la durée de vie du projet.

À titre d’exemple, le tableau 2.1 présente les facteurs de déforestation et leviers utilisés dans les études de cas.

3.2 - La mise en perspective causes/activités Cette première étape consiste à présélectionner les activités qui dans l’absolu pour-raient permettre de diminuer la déforestation/dégradation, parce qu’elles corres-pondent aux agents et facteurs identifiés sur la zone. Cette mise en perspective se base sur une analyse fine des causes et des agents de déforestation/dégradation.

Au-delà de l’étape d’identification et d’analyse qualitative décrite dans la partie qui précède, un effort de hiérarchisation des facteurs de la déforestation/dégradation doit être fait en fonction de leur impact sur la déforestation passée, actuelle et fu-ture. L’analyse peut également se faire de façon quantitative, comme le suggère la méthodologie développée par Terra Global Capital et soumise au VCS qui recom-mande d’estimer l’impact de chaque facteur sur la déforestation.

En croisant les données quantitatives et qualitatives disponibles, il devient possible d’identifier les facteurs sur lesquels il faudra se concentrer en priorité pour assurer l’efficacité du projet, ceux qui ne pourront ou ne devront pas être enrayés mais seu-lement réduits (par exemple dans certains cas les impacts dus aux développement d’infrastructures qui par ailleurs améliorent les conditions socio-économiques lo-cales). Pour chacun de ces facteurs, des leviers potentiels correspondants devront être élaborés en tenant compte de leur faisabilité dans la zone (acceptabilité sociale, compétences nécessaires, etc.).

Chapitre 2 – recommandations pour l’élaboration d’un projet redd+

42

Tableau 2.1 : Facteurs de déforestation et leviers incitatifs/contraignants proposés dans les études de cas

3.3 - L’estimation coût/efficacité de chaque activité Pour un même facteur et dans l’absolu, plusieurs activités peuvent être mises en œuvre. Le choix de l’une plutôt qu’une autre pourra s’appuyer sur l’estimation plus ou moins grossière de leur efficacité carbone respective, c’est-à-dire la possibilité effective d’enrayer ou de réduire la déforestation/dégradation. Cette efficacité car-bone devra être mise en regard du coût de mise en œuvre de l’activité.

Sachant qu’une activité agit sur plusieurs causes, que son succès peut impacter celui d’une autre activité, que les causes interagissent les unes avec les autres

Etudes de cas

Facteurs de déforestation actuels et futurs identifiés

Exemples de leviers incitatifs proposés par les

projets*

Exemples de leviers contraignants proposés

par les projets*

Oddar Meanchey

• Exploitation agricole familiale, collecte de bois de feu, incendies liés aux pratiques de chasse ou aux brûlis, exploitation fores-tière illégale, concessions agricoles ou forestières de grande échelle

• Clarification du foncier Plans d’usage des sols Intensification agricole

• Fours améliorés• Développement de la

commercialisation de produits forestiers non ligneux

• Clarification et renforcement du foncier

Juma

• Conversion des terres pour l’agriculture de sub-sistance, l’élevage bovin, l’exploitation forestière et minière illégale

• Causes futures : élevage et agriculture de grande échelle

• Génération de revenus à travers des activités durables

• Paiements pour services environnementaux

• Education communautaire

• Mise en place d’une aire protégée

• Surveillance et renforcement de la loi

Kasigau

• Agriculture de subsistance et appropriation des terrains (land grabbing) par les populations migrantes

• Revenus alternatifs pour les communautés locales

• Clarification des droits fonciers pour les populations locales

• Clarification et renforcement du foncier

• Expulsion des populations migrantes

Tasmanie • Exploitation forestière, conversion en plantations

• Substitution des revenus de l’exploitation par des revenus carbone

• Développement d’une forêt de protection et contrats passés avec les propriétaires

Tocantins

• Plantations agro industrielles (soja)

• Agriculture sur abattis brûlis et exploitation forestière légale et illégale

• Renforcement de capacités pour la gestion des produits forestiers non ligneux

• Éducation environnementale

• Création d’une aire protégée

* Ces exemples ne sont pas exhaustifs. Ils sont basés sur l’étude des PDD disponibles et/ou des échanges avec les développeurs.

43redd+ à l’échelle projet - Guide d’évaluation et de développement

et qu’elles n’influencent pas de manière unilatérale et facilement identifiable le taux de déforestation, il ne sera pas évident de mesurer l’efficacité d’une activité particulière. Jusqu’à maintenant, seule la méthodologie développée par Terra Global Capital traite cette question (voir l’étude de cas Oddar Meanchey en annexe 4). Elle propose : 1. de quantifier l’impact d’une cause sur la déforestation future, 2. de quantifier pour chaque activité l’impact qu’elle peut avoir sur chaque cause

(pourcentage de réduction par rapport au scénario de référence). Cette analyse est utile à la fois pour servir d’aide à la décision dans le choix des ac-tivités, mais permet également par la suite de définir le scénario projet. En effet, en sommant l’ensemble des impacts de chaque activité sur chaque cause, on peut déduire l’efficacité potentielle de l’ensemble des activités. L’utilisation d’études so-cio-économiques, d’évaluations de projets, etc., précédemment conduites dans la zone ou dans des zones comparables permet de réduire le caractère subjectif de l’analyse.

Une deuxième approche consiste à utiliser le scénario de référence construit pour effectuer des simulations de l’impact des activités. Elle présente l’avantage de pou-voir prendre en compte les interactions entre les différentes causes et les différentes activités. Cependant, cela suppose : 1. que le scénario de référence ait été construit sur la base d’un modèle (sa-

chant que les développeurs de projet ont rarement à leur disposition de tels modèles – voir partie 3.3 du chapitre 4)

2. que ce modèle ait été paramétré dès le départ pour permettre le test des différentes activités envisagées.

Aucune de ces deux approches n’est complètement satisfaisante. L’une présente le risque d’être parfois trop subjective et de prendre difficilement en compte les interrelations entre les différentes activités, entre les différentes causes, et entre les activités et les causes ; l’autre sera plus difficilement faisable. Il manque donc encore un outil robuste à destination des développeurs de projet pour estimer l’efficacité ex-ante des activités REDD+. Des enseignements pourront proba-blement être tirés des évaluations ex-ante réalisées dans d’autres domaines du développement.

Une fois l’efficacité carbone des activités appréciée, il faudra les mettre en pers-pective de leur coût, de façon à sélectionner celles qui auront le meilleur rapport coût/efficacité. Le coût des activités dépendra à la fois du coût d’opportunité que l’on cherche à compenser, du coût de mise en œuvre de l’activité à proprement parler, et dans une moindre mesure des coûts de transaction. Ces derniers peu-vent cependant se révéler importants dans certains cas, par exemple lorsqu’il est nécessaire de passer des contrats avec de nombreux propriétaires. Outre les coûts, devront également être pris en compte les bénéfices économiques générés par l’activité. Dans certains cas et selon la volonté du développeur, ces bénéfices pourront se substituer aux bénéfices générés par l’autre activité et au final, réduire le coût total du projet. À titre d’exemple, si une activité d’intensification agricole augmente les revenus des populations et leur niveau de vie, cela pourra faire office de paiement compensatoire et économisera la nécessité de la mise en place d’un système de paiements pour services environnementaux à proprement parler.

Chapitre 2 – recommandations pour l’élaboration d’un projet redd+

44

3.4 - Les paramètres additionnels D’autres paramètres devront également être considérés, notamment les bénéfices sociaux et environnementaux des activités. Bien qu’ils ne soient pas marchands, ils pourront augmenter le prix du vente du crédit carbone, par exemple grâce à la certification par un standard dédié (voir chapitre 5). Éventuellement, ils pourront aussi permettre de mobiliser d’autres sources de financement comme le mécénat, la coopération, etc.

Les notions de risque liées à la mise en œuvre des activités identifiées devront éga-lement être prises en compte. Certaines activités pourront avoir un rapport coût/efficacité optimal, mais pour autant être risquées et avoir une probabilité moindre de succès. Une activité pourra être d’autant plus risquée qu’elle nécessite un appui de nombreux partenaires, qu’elle n’a jamais été entreprise auparavant par les acteurs intervenant dans la zone, qu’elle est liée au succès des autres activités, etc.

À la suite de cette analyse, qui intervient au moment de l’étude de faisabilité, les activités à mettre en œuvre auront été identifiées et dimensionnées.

3.5 - Monitoring et réajustement des activités À la fin de la première période de monitoring, le gain carbone du projet par rapport au scénario de référence doit être mesuré ex-post pour fournir une indication de l’efficacité des activités. Il n’est pas impossible que les résultats ne soient pas à la hauteur des estimations, soit parce que des facteurs de déforestation non iden-tifiés sont apparus, soit parce que les activités n’étaient pas calibrées de façon optimale. Des études socio-économiques menées auprès des populations doivent per-mettre de comprendre leurs motivations pour poursuivre et participer aux activités de déforestation, notamment par l’utilisation des pratiques promues par le projet. Ces études permettront alors d’avoir une analyse plus fine des raisons de l’échec plein ou partiel des activités et des raisons pour laquelle les objectifs fixés ex-ante n’ont pas été atteints. Pour éviter que l’échec ne soit découvert trop tardivement, des liens permanents avec les agents de la déforestation/dégradation permettront de s’assurer en temps réel de l’adéquation des activités avec le contexte et son évolution. Dans le cas où des inadéquations seraient repérées, les activités devront progressivement être réorientées ou recalibrées. Dans la mesure où le contexte local évolue de manière continue et parce qu’ils se basent sur une prédiction de la déforestation future sur la zone, il est important de garder à l’esprit que les projets REDD+ sont des processus d’apprentissage et qu’ils doivent faire preuve de réactivité et d’adaptabilité pendant toute la durée de vie du projet.

45redd+ à l’échelle projet - Guide d’évaluation et de développement

Projet redd in Southern Cardamoms, Cambodge © Wildlife Alliance, ONFI

Chapitre 2 – recommandations pour l’élaboration d’un projet redd+

46

recommandations pour la composante redd+ organisationnelle : La propriété du crédit carbone redd+ et les enjeux en termes de structure organisationnelle de projet

Chapitre 3

47redd+ à l’échelle projet - Guide d’évaluation et de développement

• Les projets REDD+ requièrent la participation plus ou moins active d’un grand nombre d’acteurs. En conséquence, la réussite d’un projet dépendra notamment de la capacité du développeur de projet à :

- Identifier les acteurs dont la participation active et/ou le soutien sont nécessaires. - Assurer leur participation ou leur soutien au projet sur le long terme. - Identifier et réunir les compétences qui seront nécessaires au bon développe-

ment du projet tout au long de sa durée de vie. - Répartir les rôles des acteurs impliqués et assurer entre eux une coordination

dynamique. • Les projets REDD+ sont, comme tous les projets forestiers, soumis à des systèmes

juridiques et politiques complexes auxquels ils devront s’adapter et se conformer. Au-delà de la nécessité de garantir la sécurisation foncière pour le bon développe-ment des activités, la spécificité des projets REDD+ tient au fait que les stratégies nationales REDD+ et le cadre juridique dans lequel le mécanisme sera développé sont encore en cours d’élaboration et de négociation au niveau international. Les éléments juridiques et politiques sur lesquels on peut s’appuyer sont donc rare-ment clarifiés et définitifs.

• La nécessité d’élaborer une structure organisationnelle solide est, pour tout projet, une condition de sa réussite. L’attribution des droits de propriété sur les crédits carbone issus des projets REDD+ reflète en grande partie cette structuration, en tenant compte des apports respectifs des différents acteurs impliqués.

• La question de la propriété des crédits carbone est une question fondamentale puisque seul le propriétaire reconnu des crédits pourra les commercialiser (ou mandater un tiers à cette fin) et bénéficier du produit de leur vente. Il faut noter par ailleurs que :

- La stratégie financière des projets sera très fortement impactée par la nature juridique du crédit carbone et la possibilité ou non d’une appropriation privée de ces crédits.

- Le processus de certification des projets par les standards exige que la ques-tion de la propriété des crédits carbone soit réglée avant la validation du projet.

Les recommandations dédiées aux requis organisationnels des projets REDD+ reviennent sur les étapes qui suivent : 1. Déterminer la propriété du crédit carbone 2. L’élaboration du diagramme organisationnel et la contractualisation

en quelques mots…

© ONFI

48

La propriété du crédit carbone

Les développeurs doivent, le plus en amont possible, répondre à la question de la propriété des crédits. C’est une étape fondamentale pour l’élaboration du projet et sa réussite sur le long terme, et nécessaire pour la vente des crédits. Qui sera habilité à vendre les crédits générés par le projet REDD+ ? Répondre à cette question nécessite une analyse en plusieurs étapes : 1. Déterminer quelle est la nature juridique des crédits et s’ils peuvent faire ou

non l’objet d’une appropriation privée. 2. S’ils peuvent être propriété privée, toutes les personnes susceptibles de

revendiquer des droits sur les crédits doivent être identifiées. 3. Parallèlement, les développeurs devront déterminer quelle répartition des cré-

dits est la plus adaptée et désigner la ou les personnes les plus indiquée(s) pour être propriétaire(s) (et donc responsable(s)) des crédits.

4. Des contrats devront être signés pour s’assurer que tous les ayants droits identifiés renoncent à leur propriété et qu’ils obtiennent compensation pour ce renoncement.

5. Le propriétaire désigné pourra, lui-même ou par l’intermédiaire d’un tiers qu’il aura mandaté, commercialiser les crédits via un contrat d’achat de réductions d’émissions vérifiées (CAREV, ou ERPA en anglais).

1.1 - La nature juridique du crédit carboneIl est important de connaître la nature juridique des crédits carbone pour déterminer les droits et obligations de leurs détenteurs, et la possibilité de transférer le titre légal à l’acheteur des crédits. La nature juridique des crédits est également un indice pour identifier le ou les propriétaire(s) des crédits, en fonction des droits et obligations qui se rattachent à leur production et leur détention, y compris les droits fonciers ou d’usage applicables au regard de la législation en vigueur.

• Qu’est-ce qu’un crédit carbone ?Les crédits carbone sont avant tout des unités de compte qui permettent d’attester du résultat des activités entreprises - que ce soit de manière qualitative ou quan-titative - en termes de performance ou de tonnes de CO2 équivalent. À cet égard, le crédit carbone est un titre qui permet à son détenteur (propriétaire qui l’a généré ou acheteur) de faire quelque chose (en l’occurrence, d’émettre des tonnes de CO2 équivalent, de compenser des tonnes déjà émises ou d’attester la performance environnementale d’une activité). Les crédits carbones portent un nom différent selon le standard utilisé (CERs, VCUs, etc.). Ils ne sont matérialisés - sous forme de titres - que lors de leur inscription dans un registre dédié et donc après leur certification.

Les crédits carbone sont des instruments sui generis qui peuvent (dans le cas du MDP) ou pourront être (dans le cas de REDD+) créés, soit par des instruments de droit international, soit par des initiatives volontaires privées. Or, ni les premiers (qui ne peuvent que régler les relations juridiques d’État à État), ni les secondes (qui relèvent de la sphère privée et ne sauraient se substituer au législateur), ne définissent la nature juridique des crédits. Dans ce contexte, il convient de se réfé-

1

49redd+ à l’échelle projet - Guide d’évaluation et de développement

rer au droit adéquat, qui peut être la loi applicable au contrat de vente des crédits ou celle du pays d’accueil dans lequel les activités REDD+ sont mises en œuvre.

Sur le marché global du MDP, les Unités de réductions certifiées (URCEs) sont habituel-lement envisagées comme des « intangible good » ou « commodity » (bien incorporel, marchandise), mais aussi parfois comme un instrument financier (lorsque la transaction est constitutive d’un contrat à terme) ou encore comme une prestation de services. Meuble ou immeuble, un « bien » est une chose tangible, corporelle ou incorporelle, qui peut faire l’objet d’une appropriation privée ou publique. Dans les pays de droit latin, un crédit carbone peut s’apparenter fortement à un bien meuble incorporel. Il représente un titre librement cessible par son détenteur, attribuant à celui-ci le droit de le transférer sans restriction d’ordre public. Or, ce droit de transférer crée pour ses détenteurs un droit subjectif portant sur un bien patrimonial (ayant une valeur pécuniaire, à savoir le prix du marché) susceptible d’appropriation privée (y compris au bénéfice de personnes de droit public pour la gestion de leur patrimoine privé). Cependant et de par la loi nationale du pays d’accueil, les crédits carbone peuvent aussi être assimilés à des titres portant sur une ressource naturelle (le carbone sé-questré/évité).

Les marchés du carbone ont acquis une certaine expérience en matière de transac-tion des crédits. Néanmoins, les transactions sur des crédits REDD+ sont encore très rares. Et dans l’attente de la clarification du mécanisme au niveau international, elles s’effectuent exclusivement sur les marchés volontaires.

Le traitement réservé aux crédits issus des activités MDP de boisement et de reboi-sement, ne peut être répliqué à l’identique pour les crédits issus d’activité REDD+. Il existe en effet des différences entre ces activités qui doivent être traduites juridique-ment. Dans certains systèmes juridiques, on a considéré que le carbone séquestré grâce aux activités de boisement et/ou de reboisement était un fruit « industriel ». Par analogie, le carbone non émis du fait d’activités visant à éviter la déforestation ou la dégradation (c’est-à-dire les émissions évitées), pourrait être considéré comme un fruit « naturel » qui ne résulterait qu’indirectement des activités humaines.

Par ailleurs, les projets de boisement ou de reboisement éligibles au titre du MDP génèrent des crédits qui attestent de l’absorption du carbone, qui peuvent être soit « temporaires » et devront être remplacés à l’expiration de leur durée de validité, soit de « longue durée ». Les projets REDD+ vont générer des réductions d’émissions qui devraient, sous réserve du résultat des négociations internationales, s’apparenter beaucoup plus à des unités certifiées de réduction des émissions générées par des projets MDP hors secteurs AFOLU, sauf dans le cas où des activités de boisement et reboisement seraient également incluses dans la stratégie nationale REDD+. Ceci n’affecte pas le marché volontaire, où les standards permettent la délivrance d’unités de compte qui leur sont propres.

• Quels sont les enjeux?La nature juridique du crédit carbone permet de déterminer les droits et obligations de son détenteur, et la possibilité pour lui de transférer le titre légal à un acheteur. Elle déter-mine substantiellement la stratégie du développeur de projet. Le fait qu’il soit considéré comme un bien meuble, comme un service ou comme une ressource naturelle, rendra

Chapitre 3 – recommandations pour la composante redd+ organisationnelle

50

ou non possible pour un acteur privé (investisseur, développeur, usager, propriétaire foncier) de revendiquer la propriété de ce crédit carbone et de le commercialiser.

• Le droit national applicablePour connaître la nature juridique du crédit carbone, le développeur de projet devra en premier lieu vérifier si le droit national du pays d’accueil du projet qualifie le crédit carbone d’un point de vue juridique.

Si de nombreux pays industrialisés, acheteurs de crédits carbone, ont légalement défini la nature juridique des crédits carbone 7, il n’en est pas de même dans les pays d’accueil des projets, et cela vaut aussi bien pour ceux qui sont déjà éligibles au titre du MDP ou ceux qui pourraient l’être dans le cadre d’un futur mécanisme international REDD+.

En l’absence d’une définition légale dans le pays d’accueil, ce sont les parties prenantes au projet qui décident de la nature juridique des crédits carbone. Ils doivent se pronon-cer en faveur de la nature qui leur semble la plus appropriée, notamment pour identifier leur(s) propriétaire(s) et garantir - dans l’hypothèse où un contrat est conclu pour leur cession à un tiers - que le vendeur peut valablement transférer le titre légal sur les crédits au bénéfice exclusif de l’acheteur et sans qu’un tiers ne puisse le contester.

Le contrat de vente des crédits carbone n’a pas à mentionner la qualification juri-dique retenue, elle sera implicite au regard des modalités contractuelles qui seront prévues entre l’acheteur et le vendeur, en fonction du droit applicable au contrat (loi du pays du vendeur, c’est-à-dire du pays d’accueil, ou loi du pays de l’acheteur). En toute hypothèse, puisque la nature juridique sera établie par les participants au projet eux-mêmes dans le silence de la loi, il n’en résultera qu’une présomption simple de propriété sur les crédits, laquelle peut être confortée par des éléments complémentaires tirés des conditions de développement et de mise en œuvre du projet, afin de sécuriser encore davantage la transaction concernée.

Enfin, pour les projets en cours, il est important de suivre l’évolution du droit national du pays d’accueil où une législation REDD+ pourrait être envisagée pour non seu-lement encadrer la stratégie nationale et lui donner corps à travers des projets mais également consacrer une qualification juridique des crédits carbone.

Ainsi pour déterminer la nature juridique des crédits carbone en cas d’absence de qualification par une loi dédiée, il est donc essentiel : - De suivre de près les évolutions et le travail de positionnement du gouver-

nement sur la nature juridique des crédits carbone. En matière de REDD+, les efforts de préparation des pays et les documents soumis au FCPF ou à l’UN-REDD, s’ils ne donnent pas toujours des informations claires, permettent de mieux appréhender le contexte national.

- De se référer au droit national pertinent (droit relatif aux ressources naturelles, droit civil, droit des obligations, droit foncier) pour la qualification juridique des crédits carbone. C’est-à-dire essentiellement, au droit forestier, au droit commercial et au droit foncier.

7. À titre d’exemple, le législateur français a introduit dans le Code de l’environnement français une définition des URCEs à l’article L.229-22 du Code de l’Environnement et l’a caractérisé de bien meuble.

51redd+ à l’échelle projet - Guide d’évaluation et de développement

- De maintenir un dialogue ouvert et permanent avec les participants au projet et les autorités locales et nationales pour se préparer à réaliser des transac-tions sur les crédits carbone.

Il est bien entendu recommandé de se faire conseiller par un juriste compétent en matière de projets de valorisation du carbone forestier, et qui connaît le contexte juridique du pays hôte.

1.2 - Le droit de propriété sur les crédits carboneSi la loi du pays d’accueil n’identifie pas le ou les propriétaire(s) des crédits carbone, mais qu’il est possible de qualifier, par analogie avec d’autres instruments existants, qu’ils sont susceptibles d’appropriation privée, il est possible de déterminer qui est le ou qui sont les propriétaires à partir de plusieurs critères ou indices. Certains stan-dards exigent de produire la preuve de l’attribution des droits de propriété sur les crédits carbone (voir encadré 3.1).

• Déterminer la propriété du crédit carbone issu d’un projet REDD+A priori, dans le cadre d’une approche nationale, le gouvernement devrait concen-trer les droits de propriété sur les réductions d’émissions. Le gouvernement serait alors le propriétaire, et également le contractant des acheteurs, tandis que les parties intéressées disposant de droits réels (propriétaires fonciers, usufruitiers, ti-tulaires de droits coutumiers) perdraient toute possibilité de revendiquer des droits de propriété sur le carbone non émis, donc sur les crédits carbone.

Dans l’hypothèse où un pays déciderait de mettre en place un système domestique de projets REDD+ liés au marché, la situation se rapprocherait alors de la pratique actuelle observée dans le cadre du MDP. En effet, le gouvernement pourrait décider que ce sont les développeurs des projets qui seraient titulaires des droits de propriété, sous réserve d’une répartition entre toutes les parties intéressées présentes dans le périmètre du projet.

Dans ce contexte, les projets du marché volontaire occupent une place particulière, puisqu’ils pourraient très bien être exclus de la stratégie nationale REDD+. Dans ce cas, il revient aux développeurs de projets d’attribuer les droits de propriété sur les crédits carbone entre eux.

Il est important de comprendre que l’identification des propriétaires des crédits dé-pend fondamentalement de la tradition juridique du pays d’accueil (pays de droit latin/pays de Common Law) et de toute une série de facteurs juridiques spécifiques au projet et à sa localisation (articulation droit moderne/droit coutumier).

Il convient de se poser deux questions centrales pour déterminer le ou les propriétaire(s) des crédits carbone : - Qui a des droits sur les terres sur lesquelles sont plantées les arbres,

sur les arbres eux-mêmes et leurs fruits ? Traditionnellement, les fruits sont perçus par le propriétaire du bien qui les produit (les arbres en l’occurrence), conformément au droit de jouissance qui constitue l’un des trois éléments du droit de propriété (fructus). Mais ils peuvent également être perçus par ceux

Chapitre 3 – recommandations pour la composante redd+ organisationnelle

52

qui ne disposent que d’un droit d’usufruit. Toutefois, dans certains pays, la loi peut venir préciser que certains droits d’exploitation des plantations n’incluent pas le carbone séquestré. Il faut notamment tenir compte des droits fonciers, y compris les droits coutumiers reconnus (et ayant fait l’objet d’une imma-triculation), et des droits d’exploitation des ressources, y compris ceux dont bénéficient les concessionnaires forestiers selon qu’ils exercent leurs droits de manière à contribuer à la séquestration ou à la réduction d’émissions.

- Qui contribue à la production des crédits carbone (qui fait des apports permettant au projet d’être réalisé) ? Il faut tenir compte des apports en capital ou industrie qui ont permis de réaliser la séquestration ou de réduire les émissions. En l’absence de règle légale sur l’attribution des droits de propriété sur les crédits carbone, il y a la possibilité de partager et répartir les droits de propriété sur les crédits du carbone, proportionnellement aux apports four-nis ou efforts consentis par les diverses personnes impliquées dans l’activité concernée. Dans ce contexte, la renonciation à l’exercice de droits réels cou-tumiers ou d’usage des ressources peut être considérée comme un apport.

Encadré 3.1- La question de la propriété du crédit dans le processus de certification

Parmi les standards qui certifient des projets REDD+, certains exigent qu’au moment de la validation et de l’enregistrement du projet, des dispositions aient été prises en matière de sécurisation de la propriété des crédits. Bien entendu, cela concerne les standards qui permettent de générer des crédits. • Jusqu’en janvier 2010, le Voluntary Carbon Standard (VCS) exigeait que le développeur fournisse des documents établissant ses droits sur les réductions ou ab-sorptions d’émissions et la propriété du projet. Les critères ont quelque peu été modifiés puisque depuis le 21 janvier 2010, les documents doivent fournir la preuve documentée établissant de manière irréfutable son droit d’utilisation (et non plus son droit de propriété) des réductions d’émission ou des absorptions. Ce droit d’usage est entendu comme la capacité inconditionnelle, incontestée et libre d’hypothèque de revendiquer que le projet va ou a généré de telles réductions ou absorptions.** Le droit d’utilisation peut résulter de la législation ou être reconnu par une autorité compétente. Ils peuvent également résulter de la preuve du droit sur les sources ou les puits qui génèreront les réductions d’émis-sions ou les augmentations d’absorptions. • Parmi ses critères d’éligibilité, l’American Carbon Registry (ACR) demande au porteur de projet de fournir, avant l’enregistrement, des documents et attestations des titres sur tous les crédits. Les titres légaux doivent être clairs, uniques et incontestés. Le standard ne précise pas que les titres doivent être au bénéfice du développeur de projet, mais exige de prouver que la question est réglée. Par ailleurs, le développeur doit prouver le caractère direct des émissions qu’il souhaite réduire ou des absorptions qu’il souhaite renforcer. C’est-à-dire qu’il doit être propriétaire ou avoir un contrôle sur les sources ou les puits. Pour un projet REDD+, cela revient à dire que le développeur de projet doit être propriétaire ou avoir un contrôle sur les forêts menacées de déboisement et sur lesquelles la déforestation va être réduite.* • Si le standard Plan Vivo se prononce sur les droits de propriété des terrains (Encadré 3.3), il ne dit rien du droit de propriété du carbone ou du crédit.

* ACR, Forest Carbon Project Standard, version 1. March 2009** http://www.v-c-s.org/docs/VCS-Program-Update_21JAN2010.pdf

53redd+ à l’échelle projet - Guide d’évaluation et de développement

Les participants au projet doivent également s’entendre sur le résultat de leurs apports respectifs : la séquestration/réduction d’émissions, et/ou la production de crédits carbone attestant de cette séquestration/réduction d’émission, et/ou le potentiel de séquestrer/réduire pendant toute la durée de comptabilisation du projet.

Leurs apports peuvent être de nature différente : en capital, foncier, ou encore en industrie.

• Les apports en capital financierA priori, l’apport en capital permet de prétendre au droit de propriété d’au moins une partie des crédits carbone, et cela quelle que soit la phase du projet que l’investis-seur ou le bailleur aura permis de financer si le financement a contribué, directement ou indirectement, à réduire les émissions par rapport à ce qui se serait passé en l’absence du projet REDD+.

Encadré 3.2 – Le foncier des périmètres de projet REDD+ (Sources diverses, PDD et communications par les développeurs)

Nom Propriété et démarche du projet

Kasigau

Terrain gouvernemental avec un droit locatif reconnu à l’entreprise Rukinga Ranching Co. Ltd. Les communautés locales et migrantes sont identifiées comme les agents de la déforestation. Elles n’ont pas de droit juridiquement reconnu sur les terres qu’elles utilisent ou occupent dans la zone et la région du projet.

Projet Oddar Meanchey*

Forêt d’état sous la gestion de l’Administration Forestière. Certains terrains n’ont pas de titres reconnus ou n’ont jamais été bien démarqués. La principale activité de projet est de clarifier le foncier et de permettre la reconnaissance d’un droit d’utilisation à long terme pour les communautés.

Sao Francisco Forest Project (anciennement Genesis Forest Project)*

Terrains privés, propriété du porteur de projet (Instituto Ecologica).

Protecting a native forest

Terrains privés. Par l’intermédiaire d’un contrat d’exploitation, les propriétaires cèdent leur droit sur le carbone à REDD+ Forests, le porteur et développeur du projet.

Juma Les terrains sont propriété de l’état qui a transféré ses droits à FAS pour la mise en œuvre du projet.

* Projets pour lesquels le PDD est à l’état de draft et pas encore validé par les CCBs

Chapitre 3 – recommandations pour la composante redd+ organisationnelle

54

Le nombre de crédits qui peuvent être réclamés dépend du montant investi et doit être fixé dans le cadre d’une négociation avec les autres participants au projet. Il n’y a pas de règle en la matière. Tous les investisseurs ou les bailleurs ne souhaitent pas faire valoir leur droit de propriété sur les crédits. Il faudra encadrer contractuellement ce renoncement, convenir de la nature du financement (don, investissement, vente anticipée des crédits, etc.) et des produits attendus par l’investisseur ou le bailleur.

• Les apports en foncier – Propriétaire foncierLes projets REDD+ sont mis en œuvre sur des terrains qui doivent être mis à dispo-sition en vue de réduire la déforestation.

Il convient de distinguer différents types de terrains sur lesquels les projets REDD+ peuvent être développés.- La zone d’octroi de crédits, c’est-à-dire les terrains boisés sur lesquels le

carbone est stocké, qui sont menacés de déforestation (voir chapitre 2 du présent guide) et sur lesquels on va valoriser du carbone. Dans certains projets et selon l’état du couvert, on interviendra directement sur ces terrains pour protéger la forêt ou pour renforcer sa valeur (valorisation de produits non ligneux, surveillance, renforcement des stocks de carbone forestier, etc.).

- Les terrains non éligibles à l’octroi de crédit (parce que non forestiers par exemple) et sur lesquels on va intervenir pour soulager la zone encore boisée éligible et réduire la déforestation et/ou la dégradation (par exemple en développant des activités de boi-sement/reboisement, d’intensification agricole, de restauration, etc.), ainsi que les ins-tallations que l’on va modifier, créer, implanter (par exemple des fumoirs améliorés). Ces terrains correspondent à ce que les récentes versions de certaines méthodologies appellent les zones de gestion de fuites (Leakage Management Areas).

Dans les deux cas, les propriétaires fonciers doivent mettre à disposition les terrains et s’engager à ne plus exercer leur droit d’exploitation pendant au moins toute la durée du projet. En ce sens, ils participent à la production des crédits carbone et pourront donc en revendiquer la propriété partielle. Le contrôle des sources/puits de carbone dont les réductions/absorptions seront valorisées est crucial pour la via-bilité du projet. Certains standards demandent à ce qu’avant la validation du projet, tout ou partie du foncier soit, sinon sécurisé, clarifié (encadré 3.3).

Dans le secteur forestier, la propriété est rarement absolue. Dans beaucoup de cas, elle est au contraire démembrée, permettant à d’autres personnes que le proprié-taire foncier, de jouir de droits réels sur le dessus ou le dessous des terrains ou sur les installations utiles à la réalisation du projet. On parle alors du droit de jouissance. Celui-ci porte généralement sur les arbres, les fruits (par exemple le carbone) et n’annule pas le droit de propriété foncière.

Dans la majorité des pays tropicaux, la forêt fait l’objet d’une présomption de do-manialité publique. Dans ce cadre, l’État peut concéder des droits d’exploitation à des personnes publiques ou privées, pour une période déterminée. Selon les termes des contrats de concessions, les concessionnaires comme les propriétaires peuvent revendiquer un droit sur les crédits carbone. Toutefois, dans certains pays, la loi peut venir préciser que certains droits d’exploitation des plantations n’incluent pas le carbone séquestré (c’est le cas des concessions au Brésil).

55redd+ à l’échelle projet - Guide d’évaluation et de développement

Outre le fait d’avoir un droit sur le sol, sur le dessus ou le dessous du terrain, sur les arbres ou sur les fruits, le fait de fournir un effort pour participer à la réduction de la déforestation devra être considéré dans la répartition des droits de propriété des crédits carbone. Sur les terrains éligibles, ces efforts consistent souvent à renoncer à une activité, à un bénéfice, à une utilisation ou à une ressource pour réduire la pression qui pèse sur les terrains boisés. Ces efforts de renoncement des proprié-taires et/ou des usufruitiers sont des éléments des projets REDD+. Ils peuvent leur donner droit à une partie des crédits carbone générés par le projet, selon ce qui sera décidé entre les participants au projet.

Encadré 3.3 - La sécurisation foncière dans le processus de certification

• Le VCS exige que le PDD soit accompagné des justificatifs du droit d’utilisation des crédits (Encadré 3.1). À moins que les droits reconnus les excluent, ces droits sont compris par le VCS comme pouvant découler des droits de propriété ou de jouissance accordés contractuellement sur les plantes, les équipements ou les procédés qui génére-ront des réductions d’émissions ou des augmentations d’absorptions et sur les terrains, la végétation et le procédé de conservation. Les droits d’utilisation peuvent également résulter d’un accord légal applicable et irrévocable avec les détenteurs des droits de propriété ou de jouissance. • Outre la preuve des titres sur les futurs crédits (Encadré 3.1), l’ACR a pour critère d’éligibilité la sécurisation foncière. Le développeur du projet doit fournir des documents attestant qu’il possède (droit de propriété) ou contrôle (droit d’usufruit, accord avec les propriétaires et/ou les détenteurs du droit de jouissance) les terrains associés au projet. • Plan Vivo ne certifie que les projets qui sont mis en œuvre sur des terrains pos-sédés ou contrôlés par les agriculteurs locaux participants au projet. Le développeur doit prouver que les droits sur les terrains ne pourront être sujets à aucune remise en cause qui affecterait l’implantation et la validité du projet (voir chapitre 5 du présent guide). • Si la propriété du foncier ou les droits d’usage sont conflictuels dans la zone de projet, le standard de la CCBA (Climate, Community and Biodiversity Alliance) demande au projet d’expliquer comment il va aider à trouver des solutions pour clarifier la situation et faire en sorte qu’aucun conflit irrésolu ne persiste au démarrage du projet.

• Les apports en capital foncier – les droits de jouissanceLes droits de jouissance peuvent être reconnus sur la base d’un contrat, d’une loi ou d’une coutume. Ils concernent les terrains, la végétation et ses fruits ou les équi-pements liés au projet. Il peut s’agir d’usufruit, de droit d’usage ou d’exploitation, de droit locatif, etc. Il peut également s’agir de droits découlant de la loi ou de droits coutumiers. Une attention particulière devra être accordée aux éventuels conflits entre droit moderne écrit et droit coutumier (ce qui pose des questions particulières en cas d’occupation des terres non reconnue, voir infra).

Dans le cas du REDD+, ce qui doit être analysé en priorité, ce sont les droits sur les crédits carbone qui peuvent être revendiqués du fait d’un renoncement au droit de jouissance initial. Les droits sur les crédits seront proportionnels aux terrains et/ou ressources auxquels le titulaire du droit de jouissance renonce.

Chapitre 3 – recommandations pour la composante redd+ organisationnelle

56

- L’usufruit donne le droit de jouir des choses meubles et immeubles dont la pro-priété et la charge d’en conserver la substance reviennent à quelqu’un d’autre (le propriétaire lui-même). L’usufruit est un droit réel, temporaire, qui donne à son titulaire à la fois l’usage et la jouissance de la chose. En général, l’usufruit fait l’objet d’une publicité foncière, ce qui facilite l’identification de leur détenteur.

Si le projet l’empêche d’exercer librement son droit d’usage et de jouis-sance, l’usufruitier peut demander compensation et revendiquer la pro-priété d’une partie des crédits. À noter par ailleurs que selon le contrat, l’usufruit pourra également concerner le carbone.

- Les droits d’exploitation, de coupe, de sylviculture, etc. donnent des droits réels sur les arbres. Ils sont accordés pour une durée déterminée, explicitement ou implicitement, dans un contrat dédié ou du fait d’une jouissance plus globale.

La mise en œuvre d’un projet REDD+ suppose généralement la cessation ou la réduction des activités d’exploitation forestière ligneuse qui ont un impact sur l’état du couvert forestier. Les détenteurs des droits d’exploita-tion, de coupe, de sylviculture, etc. sont alors privés de tout ou partie de leur droit. À ce titre, ils peuvent réclamer une compensation, laquelle peut prendre la forme d’un droit de propriété sur les crédits.

- Le droit locatif est obtenu par signature d’un bail avec le propriétaire ou l’usufrui-tier. Il concerne le terrain ou les équipements.

Pour la mise en œuvre du projet, le locataire peut se trouver limité dans son droit d’accession aux fruits, y compris aux fruits industriels, ou être limité dans son exercice. Dans ces deux cas, il pourra revendiquer des droits sur les crédits.

- Le droit d’usage est un droit réel temporaire qui confère à son titulaire le droit d’utiliser un bien qui appartient à autrui, dans la limite de ses besoins et de ceux de sa famille. Dans le cadre du droit d’usage, contrairement à l’usufruit, le titulaire de ce droit ne peut ni céder, ni louer le bien d’autrui. Le droit d’usage doit être reconnu et formulé par la loi ou contractuellement par le propriétaire. Il n’interfère pas sur les droits de propriété du carbone puisque le bénéficiaire de ce droit d’usage ne peut avoir d’exigence que relativement aux fruits en nature dont lui et sa famille peuvent avoir besoin. Même s’il y a droit d’usage, le propriétaire du terrain et/ou l’usufruitier, restent les propriétaires légaux du carbone.

Si l’usager se voit privé de son droit d’utilisation de la ressource, il peut exiger une compensation en nature, numéraire, ou sous la forme de droits de propriété sur les crédits carbone. Par exemple, les membres d’une communauté à qui a été reconnu un droit d’usage sur le bois, pourront exiger compensation s’ils ne peuvent plus jouir de ce droit du fait de la mise en œuvre du projet REDD+.

• L’occupation et l’utilisation des terres juridiquement non reconnues Dans beaucoup de situations, l’identification des ayants droits fonciers est complexe et la question du droit d’occupation et d’utilisation des terres ou des ressources peut être conflictuelle (encadré 3.4). Les propriétaires et les détenteurs de droits de jouissance peuvent prétendre à la propriété d’au moins une partie des crédits, et s’ils le préfèrent ou à défaut, peuvent exiger une compensation en contrepartie de

57redd+ à l’échelle projet - Guide d’évaluation et de développement

leur renonciation à exercer leurs droits. Qu’en est-il des populations qui occupent et utilisent la forêt sans droit juridique reconnu ?

Encadré 3.4 - Les projets REDD+ et l’insécurité foncière

Si la détermination de la propriété des crédits REDD+ dépend des droits reconnus sur le foncier, il faut rappeler que dans beaucoup de pays en développement, le foncier reste une question délicate. Parce qu’aucun titre clair n’est enregistré ou parce que plusieurs personnes en revendiquent légitimement la propriété, il est souvent difficile d’identifier le propriétaire d’une forêt. Plus complexes encore sont les droits de jouissance et particuliè-rement les droits coutumiers qui bénéficient rarement d’une reconnaissance juridique et qui sont plus rarement encore mis en application (Larson et al. 2008).

Plus ou moins lentement selon les régions, une petite proportion de la surface forestière tropicale quitte la sphère étatique et rentre dans la sphère privée ou communautaire (IRR, 2010). En 2008 et dans les 25 plus grands pays forestiers du monde, 74,3 % des forêts étaient désignées comme propriété d’état, contre 80,3 % en 2002 (Sunderlin et al. 2008). Mais dans beaucoup de situations, les états ne reconnaissent pas les droits coutumiers que réclament les communautés forestières et inversement, beaucoup de communautés forestières rejettent le contrôle qu’exerce l’État sur des forêts qu’ils considèrent leurs (Sunderlin et al. 2008b). Quel impact sur la déforestation et pour les projets REDD+ ? Et surtout, quel impact des projets REDD+ sur l’insécurité foncière qui touche les communautés forestières ?

Pendant longtemps, l’insécurité foncière a été associée à la déforestation (Sunderlin et al. 2008b). Selon l’hypothèse dite land degradation-deforestation (Angelsen et Kaimowitz 1999), un agriculteur investira moins dans un terrain s’il n’a aucun droit à long terme des-sus, la qualité du sol se dégradera rapidement et l’agriculteur aura tendance à aller cou-per une autre parcelle boisée. Par ailleurs, la conversion forestière, pour le droit coutumier comme pour la loi, permet souvent d’établir ou de confirmer des droits fonciers (Angelsen 2009). La déforestation devient alors un moyen d’obtenir un droit. Mais la sécurisation du foncier peut aussi renforcer la conversion à des usages commerciaux, et dans cer-tains cas, affaiblir les communautés forestières déjà considérées comme des populations extrêmement pauvres et vulnérables (CDB/IUCN 2010).

Les opportunités REDD+ et d’une manière plus générale, la valorisation du carbone forestier, risquent d’attiser la spéculation foncière. Les efforts de clarification risquent par ailleurs de se faire au profit des états ou des sociétés privées et conduire à l’exclusion des communautés qui dépendent des ressources forestières et qui sont souvent identifiées comme les agents locaux de la déforestation. À l’inverse, le mécanisme REDD+ pourrait permettre de financer la mise en œuvre de régimes forestiers communautaires durables. Dans certains projets, la clarification du foncier au profit des communautés est mise en avant comme une activité déployée pour réduire efficacement la déforestation.

Dans certains cas, cette question est cruciale et dépasse de loin la dimension juri-dique que nous lui donnons ici. En occupant ou en utilisant illégalement les terres,

Chapitre 3 – recommandations pour la composante redd+ organisationnelle

58

les populations participent généralement à la déforestation. Elles sont identifiées comme les agents de la déforestation et leurs activités illégales sont souvent un de leur seul moyen de subsistance. Si le projet veut générer des crédits, ces popu-lations devront arrêter leurs pratiques. Le fait qu’elles ne disposent d’aucun droit reconnu sur la terre justifie-t-il que ces populations n’aient droit à aucune compen-sation pour leur effort de renoncement?

En l’absence de droit, les communautés ne pourront revendiquer juridiquement au-cun droit sur les crédits ou droit à la compensation. Ce qui n’empêche pas certains développeurs d’y avoir recours dans un souci stratégique.Il est en effet important de noter que : - Du point de vue de l’additionnalité, il n’est pas envisageable d’exclure sans leur

fournir des ressources alternatives, des populations qui occupent les terres pour leur subsistance et ce malgré l’illégalité de leur occupation. Cela n’aurait pour résultat qu’un déplacement de leurs activités qui annulerait les bénéfices climatiques du projet.

- Selon les facteurs considérés, la clarification du foncier est entendue comme encourageant la déforestation ou au contraire, comme outil de réduction de la déforestation (encadré 3.4).

- L’absence de droits juridiquement reconnus aux communautés locales ré-sultent souvent de lacunes dans la gouvernance forestière ; soit que le droit n’existe pas, soit qu’il n’est pas appliqué. Certains projets donnent un droit légal aux communautés, sur la zone du projet ou à proximité, et souhaitent ce faisant réduire la déforestation (par exemple, le projet Oddar Meanchey au Cambodge qui utilise le mécanisme REDD+ pour assurer la mise en ap-plication des mesures de foresterie communautaire du pays – voir l’étude de cas dédiée en annexe 4).

- Certains standards rejettent les projets mis en œuvre sur des terrains pour lesquels il y a conflit d’usage.

Concrètement, mis à part certains principes repris dans les articles dits de sauve-garde du non-papier REDD+ de Copenhague, rien n’impose aux développeurs de compenser les efforts de renoncement des populations qui utilisent ou occupent illégalement un terrain. Et à moins de se soumettre à une certification dédiée qui exigera un impact social positif du projet, rien ne contraint le développeur à adopter une approche socialement responsable. Dans tous les cas, l’occupation et l’utilisa-tion des terres sans droits juridiquement reconnus ne permet pas de revendiquer un droit de propriété des crédits carbone.

• Les apports en industrieRéduire la déforestation suppose le concours d’un grand nombre d’acteurs, chacun apportant sa compétence, son temps ou ses ressources, qu’elles soient humaines ou matérielles. Pour leur apport en industrie, les différents acteurs peuvent revendi-quer des droits de propriété sur au moins une partie des crédits. S’ils le préfèrent ou à défaut, ils pourront réclamer compensation de leur participation. Bien identifier les apports en industrie des uns et des autres nécessite d’avoir une bonne vision des modalités de mise en œuvre du projet et d’en avoir identifié cha-cun des participants actifs. En principe, le schéma organisationnel permet de faire ce travail d’identification et, comme son nom l’indique, de comprendre l’enjeu de la participation des différents acteurs dans le projet.

59redd+ à l’échelle projet - Guide d’évaluation et de développement

Encadré 3.5 - Qui est propriétaire des crédits REDD+? (Sources diverses, PDD et communications des développeurs)

Nom Propriétaire des crédits

Kasigau Le développeur et le financeur du projet - Wildlife Works Inc.

Oddar Meanchey

L’Administration Forestière (propriétaire des terrains) qui s’engage à verser 50 % des bénéfices nets aux communautés (détenteurs d’un droit de jouissance). Terra Global Capital rembourse son apport financier et en industrie (développement/validation de la méthodologie et commercialisation des crédits) en récupérant 7 % des crédits générés.

Sao Francisco Forest Project (anciennement Genesis Forest Project)

Le développeur de projet Instituto Ecologica qui les a vendus en anticipation à son partenaire Carbonfund.org, lequel a signé un accord avec Hyundaï le financeur du projet.

Protecting a native forest Le développeur et le financeur du projet - REDD+ Forests.

Juma Le développeur de projet - FAS qui les vend aux clients des hôtels Marriot (le financeur du projet).

A priori, tous les participants actifs peuvent revendiquer la propriété des crédits et ce à hauteur de leur participation dans le projet. On notera par exemple : - L’apport en compétence qui concerne le traitement des points exigeant une

expertise technique spécifique. C’est le cas de l’élaboration et de la valida-tion du PDD, du développement et de la validation d’une méthodologie, de la maîtrise d’œuvre et du travail du broker, etc.

- L’apport en nature qui renvoie à la mise à disposition – pour le bon dérou-lement du projet et à tout moment de son développement – de ressources matérielles ou humaines. Par exemple, le fait pour un gouvernement local de mettre à disposition du projet une équipe, des véhicules, des semences, etc.

- La participation active, c’est-à-dire le fait de participer soi-même à la réalisa-tion du projet. Les communautés locales par exemple, peuvent être amenées à participer au projet de diverses manières : en accompagnant les équipes, en participant aux activités de monitoring, en participant aux activités d’enrichis-sement, de délimitation des zones, etc.

Pour l’ensemble de ces apports en industrie, les acteurs du projet pourront revendiquer une partie des crédits générés. Dans la réalité et pour beaucoup de projets validés ou en cours de validation, le développeur de projet est désigné comme propriétaire des crédits (encadré 3.5) et des compensations sont proposées en contrepartie aux autres acteurs.

Chapitre 3 – recommandations pour la composante redd+ organisationnelle

60

L’élaboration du diagramme organisationnel et le travail de contractualisation

Qu’ils soient propriétaires ou usufruitiers, qu’ils participent au projet activement ou par leurs efforts de renoncement, qu’ils soient de droit ou d’usage, l’ensemble des acteurs qui peuvent revendiquer un droit de propriété sur les crédits carbone sont de fait, parties prenantes au projet. Il en existe d’autres, qui doivent être identifiées avec le plus d’exhaustivité possible et intégrées dans le diagramme organisationnel du projet.

Ce diagramme, comme son nom l’indique, permet de schématiser l’organisation du projet. Il permet de bien identifier, pour chaque partie prenante, le rôle qu’elle jouera dans le développement et le déroulement du projet. Il permet également de mieux appréhender les relations qu’entretiennent les parties entre elles et d’identifier parmi ces relations, celles qui doivent faire l’objet d’une contractualisation, afin de sécuriser sur le long terme et dans la mesure du possible la réussite du projet et la propriété des crédits.

• Identifier les parties prenantes au projetTout individu, groupe d’individus, organisation ou système qui impacte ou peut impacter, et qui est ou peut être affecté par le déroulement d’un projet, est partie prenante de ce dernier. Elles ne pourront pas systématiquement revendiquer un droit de propriété sur les crédits, mais toutes devront être intégrées dans la structure organisationnelle et il faudra pour chacune comprendre les enjeux de leur adhésion ou de leur non adhésion à l’initiative.

Encadré 3.6 - La consultation des parties prenantes dans le processus de certification par la CCBA

La nécessité de procéder à une consultation effective des parties prenantes et de rendre publics les documents et les résultats du projet est mentionnée à plusieurs reprises dans les standards de la CCBA. On trouve dans les standards la définition suivante :« Une consultation efficace passe par (…) l’information de tous les groupes communau-taires et autres parties prenantes en utilisant des méthodes adaptées d’un point de vue social et culturel. Les consultations doivent inclure tous les genres et toutes les géné-rations. Elles doivent se tenir à des endroits convenus par tous et impliquer des repré-sentants désignés par les communautés elles-mêmes selon leurs propres procédures. Les parties prenantes concernées par le projet doivent avoir la possibilité d’évaluer les impacts et émettre des préoccupations sur les effets négatifs possibles, exprimer les résultats qu’elles désirent et contribuer à la conception du projet, à la fois avant la finali-sation du projet et pendant sa mise en œuvre. »

Source : CCBA, Standards 2nd Edition, 2008

L’identification des parties prenantes est une étape préalable fondamentale dont l’importance ne se limite pas à la dimension juridique ou organisationnelle. Selon

2

61redd+ à l’échelle projet - Guide d’évaluation et de développement

les situations, ce travail s’imposera avec plus ou moins de nécessité. Dans tous les cas et à condition de ne pas trop alourdir le procédé, il sera toujours intéres-sant de se soumettre à l’exercice qui permet de clarifier et de faciliter les étapes de conceptualisation de projet, d’identification et d’analyse des agents et des causes de la déforestation, d’évaluation des impacts socio-économiques du projet, de gestion des risques, etc.

Il existe deux types de parties prenantes : - Celles qui le sont de fait parce qu’elles se trouvent, travaillent ou influent sur

la zone ou dans la région du projet, et ce, indépendamment de la mise en œuvre de celui-ci.

- Celles qui devront être mobilisées en plus des parties prenantes de fait, pour garantir la réunion de toutes les compétences nécessaires à la réussite du projet.

Bien entendu, les parties prenantes aux projets REDD+ varient d’un projet à l’autre. Généralement, elles comprennent :

Plus le nombre de parties prenantes est important, plus la structure du projet sera complexe. Dans certains cas de figure, il sera intéressant, voire nécessaire, de les classer en groupes distincts, selon des variables propres aux projets (leurs profils, leur capacité d’influence, leur proximité avec la zone, leurs impacts sur la forêt, leur fragilité, etc.).

L’initiative internationale des Social Analysis Systems² met à disposition un certain nombre de méthodes et de procédés d’identification, d’analyse et de catégorisation des parties prenantes. Ils sont disponibles, ainsi que des études de cas, sur le site Internet de l’initiative :http://www.sas2.net/tools/social-analysis-techniques/actors

• Les communautés locales ;

• Les groupes d’agriculteurs, d’exploitants, de chasseurs ;

• Les entreprises du secteur privé ;

• Les ONG implantées et actives localement ;

• Les institutions et autorités gouvernementales ;

• etc.

Parties prenantes de fait

• Les bureaux d’étude, groupes de recherches, ONG qui seront chargés du développement ;

• Les entités techniques et logistiques en charge de la maîtrise d’ouvrage ;

• Les investisseurs ;

• Les brokers ;

• etc.

Parties prenantes spécifiques

Chapitre 3 – recommandations pour la composante redd+ organisationnelle

62

Le principal risque du travail d’identification des parties prenantes est que cer-taines soient oubliées parce qu’elles ne se sont pas manifestées ou parce que le processus n’a pas permis de les localiser. En multipliant les méthodes mo-bilisées, on peut réduire ce risque et éviter que des acteurs, faute d’avoir été intégrés au projet, le mettent en péril. Parmi ces méthodes, on peut noter l’iden-tification par des experts ou par les parties prenantes elles-mêmes, les réunions publiques, la description du contexte par les parties déjà identifiées, l’identifica-tion à l’aide de listes de vérification 8, la présentation et la mise à disposition des documents de projet pour commentaires publiques, la consultation effective des acteurs (encadré 3.6), etc.

• Analyser les intérêts des parties prenantesÉviter les risques organisationnels nécessite également de bien cerner : 1. les capacités et compétences techniques et logistiques nécessaires au dé-

veloppement, à la mise en œuvre et au déroulement du projet (un porteur de projet du type association de protection de l’environnement n’aura pas nécessairement les compétences requises pour mettre en œuvre des activi-tés communautaires par exemple. Inversement, une ONG spécialisée dans le développement local et communautaire n’aura pas nécessairement les com-pétences forestières et carbone requises);

2. les processus, autorités et institutions gouvernementales décisionnaires dans les secteurs forestiers et commerciaux en général et dans les secteurs d’échange de crédits carbone et de REDD+ si spécifiées (par exemple, l’in-vestissement étranger est généralement régulé et nécessite parfois la création de holdings ou de partenariats locaux. Voir également l’articulation du projet avec la stratégie nationale REDD+, partie 1.3 du chapitre 1) ;

3. la manière dont la mise en œuvre du projet va impacter les différents parties et les attentes de ces dernières vis-à-vis du projet.

Au-delà de la simple identification, il s’agit – en analysant les intérêts, les reven-dications et les droits (éthiques ou légaux) de chacun – d’améliorer d’une part la compréhension des dynamiques de déforestation Vs. conservation, d’autre part les modalités de mise en œuvre du projet. Cette étape doit permettre d’identifier les éventuels synergies, situations d’arbitrage ou conflits d’intérêts (qu’ils soient pré-existants ou potentiels), ainsi que les rôles et les responsabilités que chaque partie prenante pourra avoir dans le projet.

Le recours à des méthodes empruntées aux sciences sociales est particulière-ment indiqué dans des situations de gestion des ressources naturelles complexes (Grimble, 1998) que l’on retrouve dans de nombreux projets REDD+, à savoir : - des échelles de systèmes et d’intérêts transversaux (par exemple un projet

REDD+ développé à l’échelle d’un bassin versant, d’une province, d’une unité de gestion, etc.) ;

- une ressource convoitée par plusieurs utilisateurs, pour plusieurs usages et avec des objectifs parfois divergents (ce qui est de fait le cas dans un projet REDD+ qui a pour vocation de remplacer un usage destructeur par de la valo-risation carbone) ;

8. L’annexe A de Chevalier, J.M. (2009) Identification des parties prenantes,SAS², propose une liste de vérification. http://www.idrc.ca/fr/ev-133058-201-1_TOPIC.html

63redd+ à l’échelle projet - Guide d’évaluation et de développement

- une zone où les droits de propriété ne sont pas clairement définis ou délimités (voir Encadré 3.4) ;

- des contextes de grande pauvreté et de sous représentativité politique des individus.

Parmi les méthodes existantes, on peut par exemple citer la méthode dite CLIP (Collaboration and Conflict, Legitimacy, Interests, Power) qui permet de définir les profils des parties impliquées, en croisant les facteurs de pouvoir, d’intérêts, de légitimité et de relations existantes (les conflits ou les collaborations). La mé-thode permet de décrire les caractéristiques et les relations de chaque partie prenante et d’identifier les conflits et les opportunités organisationnelles 9.

• Élaborer la structure organisationnelle du projetEn général, on réfléchit à un schéma ou diagramme organisationnel dès les premières phases du projet (stade de l’identification), mais celui-ci ne se formalise qu’après iden-tification et analyse des parties prenantes (dont les agents de la déforestation) et sé-lection et description des activités de projet. Le diagramme organisationnel constitue souvent la première vision globale et cohérente du projet dans son ensemble.

L’objectif de cette vision d’ensemble est de : - déterminer les conditions structurelles optimales pour le projet, - clarifier quelles personnes sont impliquées dans le projet, et lesquelles peuvent

avoir une influence quelconque sur son succès ou sur son échec, - clarifier les fonctions et les rôles de toutes les personnes impliquées, - localiser les conflits réels et potentiels, - identifier les fragilités organisationnelles, les risques structurels et les sources

de problème risquant de passer inaperçues.

Il n’existe pas de règle stricte pour élaborer la structure organisationnelle d’un projet REDD+, mais on notera que : - une partie prenante peut remplir conjointement plusieurs rôles distincts (par

exemple, un bureau d’étude pourra à la fois être mandaté par le maître d’ouvrage pour assurer la maîtrise d’œuvre du projet et agir comme assistant technique) ;

- certains rôles peuvent être remplis par plusieurs agents distincts ; - si elles fonctionnent et dans la mesure du possible, il est préférable d’utiliser

des structures organisationnelles existantes et connues des parties prenantes (par exemple les unités de gestion forestières) ;

- la mobilisation d’une partie prenante locale pour remplir une fonction définie qu’elle maîtrise ou à laquelle elle aura été formée est dans beaucoup de cas préférable à l’importation de compétences extérieures (par exemple le monito-ring par les communautés locales).

La grande difficulté d’un schéma organisationnel est qu’il doit prendre en compte l’ensemble des aspects importants de la structure du projet, à savoir les aspects politiques et d’influence, les aspects financiers, les aspects liés au transfert de compétences et services, etc. Chacun de ces aspects est représenté par des flux de nature différente, d’une partie vers une autre. Représenter tous les flux

9. Chevalier, J.M. ‘SAS2 1.0: Social Analysis CLIP,’ in Social Analysis Systems2 1.0, http://www-sas-pm.com/

Chapitre 3 – recommandations pour la composante redd+ organisationnelle

64

et toutes les parties prenantes sur le même schéma en rend parfois la lecture complexe. Certains développeurs préfèreront plusieurs schémas spécifiques à un seul schéma global (par exemple un schéma institutionnel et de gouvernance + un schéma de transactions carbone + un schéma d’organisation technique et financière). Cela dépend de la complexité du projet.

• La contractualisationL’examen et le croisement des schémas organisationnels permettront d’identi-fier les relations entre parties qui doivent faire l’objet d’un contrat. Ces contrats devront permettre de sécuriser les apports et la redistribution des bénéfices entre parties et, au final, de sécuriser le droit de propriété sur le carbone. Le propriétaire sera alors clairement défini et l’ERPA pourra être établi avec l’acheteur des crédits.

En amont du développement du projet, certaines relations entre les participants au projet ne nécessitent pas l’élaboration d’un contrat mais peuvent se satisfaire d’accords écrits plus ou moins contraignants (par exemple un Memorandum of Understanding, Term Sheet pour les pourparlers précontractuels) ainsi qu’avec le pays d’accueil (lettre de non objection).

Dans tous les cas, le passage à la contractualisation permet de s’assurer que toutes les parties approuvent la structure organisationnelle et de sécuriser leur engagement : - Le contrat permettra de clarifier la situation juridique et de faciliter le futur pro-

cessus de vente des crédits, en désignant un nombre réduit de propriétaires. Il est aussi envisageable, que sans renoncer à leurs droits de propriété, les différents intervenants s’accordent pour que l’un d’entre eux, ou un tiers, les représente pour la vente des crédits. Dans le cas du projet d’Oddar Mean-chey au Cambodge, l’Administration Forestière agit ainsi comme vendeur au nom des communautés.

- Si les intervenants au projet, renoncent à leurs droits sur les crédits, le contrat pourra établir quels en seront les moyens de compensation. Il pourra s’agir d’une répartition des bénéfices de la vente ou de compensation en nature ou en service, selon les apports et les besoins de chacun.

- Un soin tout particulier doit être apporté aux accords passés avec les agents de la déforestation, notamment s’il s’agit des populations autochtones. Si elles sont les agents de la déforestation, la réussite du projet dépend de leur adhésion au projet, il est donc nécessaire qu’elles y trouvent un avantage sur le court et le long terme. Ces accords doivent faire l’objet d’une convention séparée de la contractualisation des crédits carbone, mais de doivent pas être négligés pour autant.

- La répartition des bénéfices du projet peut être fonction des bénéfices de la vente des futurs crédits carbone et dépendre étroitement de la réussite de cette vente. Les différentes parties peuvent donc introduire une clause imposant au propriétaire désigné des crédits, qui sera le futur vendeur, de procéder à la vente selon les meilleures pratiques existantes.

- Les contrats devront également prévoir des clauses en cas d’inexécution des obligations contractuelles qui peuvent entraîner la perte du stock de carbone (problème de permanence).

65redd+ à l’échelle projet - Guide d’évaluation et de développement

• Les contrats de vente des créditsEn analysant les contrats de vente des crédits utilisés pour les projets MDP, on voit que les transactions prennent le plus souvent la forme d’une vente de gré à gré sur le marché primaire qui intervient en amont du développement du projet ou de sa mise en œuvre, souvent même avant sa validation par un standard, afin d’offrir aux développeurs de projet une source de financement additionnelle ou une garantie d’emprunt bancaire. Ce modèle de transaction pourrait différer dans le cas du REDD+, notamment en fonction de l’approche qui sera retenue par le pays hôte.

Le modèle type de transaction de crédits issus de projets MDP, suppose une relation juridique qui s’analyse comme un contrat d’achat de réductions d’émissions vérifiées (CAREV, ou Emissions Reductions Purchase Agreement - ERPA). L’objectif d’un contrat de vente de crédits carbone est de gérer la relation entre le vendeur et l’acheteur, et de prévoir les conditions de cette relation, sous réserve de la bonne exécution du projet lui-même.

Il existe des contrats types, parfois mis à disposition sur Internet 10. Pour autant, chaque contrat reste unique en ce sens qu’il se rapporte à un projet précis, tient compte de ses particularités, ainsi que des risques commerciaux et non commer-ciaux propres au pays d’accueil.

Le contrat ERPA doit spécifier : - Qui sont les parties contractantes, c’est-à-dire l’acheteur et le vendeur ; - Quelle est la responsabilité du vendeur en cas de non délivrance des crédits ; - Quelles sont les conditions de livraison des crédits ; - Le prix de vente des crédits ; - S’ils sont vendus en direct ou par un intermédiaire.

Chacune de ces étapes est détaillée dans Chenost C. et al. Les marchés du carbone forestier, 2010.

Chapitre 3 – recommandations pour la composante redd+ organisationnelle

10. A cet égard, l’initiative « CERSPA » met gratuitement à disposition un modèle de contrat simple et facilement adaptable en fonction des situations - www.cerspa.org

66

recommandations pour la composante redd+ méthodologique Les enjeux méthodologiques des projets redd+

Chapitre 4

67redd+ à l’échelle projet - Guide d’évaluation et de développement

• Plusieurs aspects méthodologiques, qui étaient parmi les arguments opposés à la non intégration de la déforestation tropicale dans le protocole de Kyoto, ont fait l’objet d’une attention particulière. Ces aspects méthodologiques sont :

- la démonstration de l’impact climatique net positif du projet, qui vise à garantir que les émissions avec le projet sont inférieures par rapport à ce qui se serait passé en l’absence du projet (en respectant le principe de conservatisme), et que cela n’aurait pas été possible sans financement carbone (additionnalité).

- la gestion des fuites, qui nécessite de démontrer que les activités de déforestation n’ont pas simplement été déplacées vers une autre zone du pays.

- la garantie de la permanence des réductions d’émissions réalisées grâce au projet.

• Le mécanisme REDD+ est encore un domaine relativement nouveau, et ces ques-tions méthodologiques ne sont pas encore toutes résolues de façon satisfai-sante. Les méthodologies existantes soumises à validation du VCS proposent cependant déjà des solutions pour aborder ces questions.

• Cette composante a pour objectif d’attirer l’attention sur les points méthodolo-giques clés devant être pris en compte par les développeurs de projet, et sur les façons originales qu’ont pu avoir les projets de traiter certains de ces points.

• Une attention toute particulière doit être accordée à la question du scénario de référence, point complexe, qui permet d’estimer l’impact climatique du projet et sa viabilité économique et financière.

L’analyse des aspects méthodologiques des projets REDD+ revient sur les étapes qui suivent : 1. Cadrage méthodologique des projets REDD+ 2. Démontrer l’impact climatique à long terme 3. La prédiction des futurs changements d’usage des sols 4. Estimation ex-ante des réductions d’émissions 5. Estimation ex-post des réductions d’émissions

en quelques mots…

Projet redd in Southern Cardamoms, Cambodge © Wildlife Alliance, ONFI

68

Cadrage méthodologique des projets REDD+

1.1 - Le champ d’application du REDD+On entend par projet REDD un projet qui diminue les émissions liées à la défo-restation et à la dégradation. La Déclaration de Bali en 2007 mentionnait aussi : « la conservation, la gestion forestière durable et l’augmentation des stocks de carbone dans les pays en développement » (REDD+), ce qui a été confirmé à la Conférence des Parties de Copenhague en décembre 2009. Il n’est pour l’instant pas clairement déterminé si les activités de boisement/reboisement sont incluses dans le mécanisme REDD+ ou traitées dans le cadre du MDP forestier. Si ces négociations concernent le niveau national, le champ d’application potentiel des projets REDD+ intégrés aux stratégies nationales est lui-même élargi. Cependant, les standards et méthodologies existants n’opérationnalisent pas encore explici-tement ces concepts à l’échelle projet (sauf pour le cas de la gestion forestière durable à travers les projets de gestion forestière améliorée sous le standard VCS, ou d’augmentation des stocks de carbone à travers le maintien de surfaces fo-restières qui absorbent du carbone et auraient été déboisées selon le scénario de référence). Ces lignes directrices méthodologiques se concentrent donc sur la déforestation et la dégradation évitée.

On entend par déforestation le passage d’un état forêt à un état non forêt, du-rable, et induit par l’homme. Pour être qualifiée de forêt éligible au REDD+, la zone doit remplir les critères de la définition de la forêt depuis au moins 10 ans (VCS, 2007). La définition de « forêt » qui doit être utilisée par le projet est celle du pays hôte 11. En effet, pour faciliter et rendre cohérente la comptabilisation au niveau du registre national (dans la mesure où l’échelle nationale est privilégiée dans le cadre du REDD+ – voir partie 1.1 du chapitre 1), il est important que la même définition soit utilisée pour toutes les activités REDD+ entreprises sur le territoire national.

Lorsqu’il n’y a pas de définition choisie par le pays hôte, le VCS recommande d’utiliser celle de la FAO (superficie minimale de 0,5 ha, 10 % de couvert fores-tier, hauteur de 5 m) (VCS, 2007). La question principale qui se pose est alors celle de la gestion du risque lié au changement éventuel de définition au cours de la durée de vie du projet. Dans l’hypothèse où un pays n’a pas encore choisi de définition, et où le projet choisit d’utiliser la définition de la FAO, les lignes directrices du VCS ne précisent pas si la définition utilisée par le projet peut changer lorsque le pays finit par fixer une définition. Parmi les méthodologies soumises à validation au niveau du VCS, la méthodologie développée par Terra Global Capital précise que la définition de forêt ne pourra être modifiée en cours de projet, ce qui suppose donc que le pays ait déjà choisi une définition de forêt. Les méthodologies développées par la FAS et le BioCF ouvrent au contraire la possibilité à un changement de définition de la forêt en cours du projet. Les risques qui sont liés à un changement de définition doivent être pris en compte par les développeurs/investisseurs dans le projet, car la définition choisie par le

1

11. Pour connaître la définition de la forêt choisie par un pays, se référer à http://cdm.unfccc.int/DNA/index.html.

69redd+ à l’échelle projet - Guide d’évaluation et de développement

pays pourrait être moins favorable que la définition FAO utilisée. Une façon de parer à ce risque pourrait être dans les cas où il n’y a pas de définition nationale, de choisir une définition selon les 3 critères de la définition, qui soit la plus dé-favorable possible, de façon à être sûr que les émissions évitées ne seront pas surestimées. Cette possibilité n’est cependant pas permise avec le standard VCS (qui recommande d’utiliser la définition FAO). Elle l’est par contre avec les standards Plan Vivo et ACR.

Il n’y a pas de spécifications sur la définition de la dégradation à utiliser dans le cadre des standards (ni des méthodologies qui s’y rapportent). Il est donc recom-mandé de se baser sur les orientations du GIEC (2003) en la matière. Ainsi, la dé-gradation peut être définie comme une perte sur le long terme d’un pourcentage des stocks de carbone dans une zone boisée sans que cette dernière ne cesse de répondre aux critères de définition de la forêt retenus par le projet. Dans la pratique, une zone soumise à dégradation se classera dans une strate forestière moins dense en carbone qu’auparavant. La définition exacte de la dégradation retenue dépendra donc directement des performances des outils technologiques (télédétection, inventaires de terrain) permettant de distinguer les différentes strates forestières en fonction de leur densité en carbone (la méthodologie déve-loppée par TGC pour le projet Oddar Meanchey illustre cet aspect).

1.2 Les méthodologies existantes

• État des lieux des outils méthodologiques REDD+ fournis par les standardsLe traitement des aspects méthodologiques liés au REDD+ par les standards (à l’heure de parution de ce guide) est présenté dans le tableau 4.1.

La suite de ce document se base essentiellement sur les méthodologies soumises au VCS dans la mesure où ce sont les plus récentes (elles intègrent ainsi les avan-cées des négociations sur le REDD+) et les plus détaillées. Lorsque d’autres stan-dards font référence à d’autres approches, nous le mentionnerons.

• Les activités incluses dans les méthodologies REDD+Au sens du VCS (VCS, 2008a), il y a 3 grands types d’activités REDD éligibles, qui se distinguent par le niveau de planification et de configuration spatiale des proces-sus de déforestation et de dégradation : - déforestation et/ou dégradation non planifiée de type frontière : elle concerne

des zones qui étaient auparavant peu accessibles, où les activités humaines étaient relativement peu développées et/ou limitées à des zones de front pion-nier. La déforestation et la dégradation sont dans ce cas essentiellement liées à l’amélioration de l’accès à la forêt pour les populations (par exemple via la construction de routes).

- déforestation et/ou dégradation non planifiée de type mosaïque : la défores-tation et la dégradation ont lieu sous une configuration spatiale appelée mo-saïque, qui traduit le plus souvent le fait que l’ensemble du massif forestier soit accessible aux activités humaines (activités agricoles, infrastructures, etc.). Ces activités sont réparties de manière relativement homogènes au sein du paysage. Les facteurs de déforestation majeurs dans ces zones peuvent être

Chapitre 4 – recommandations pour la composante redd+ méthodologique

70

la pression de la population et/ou la dégradation des sols qui obligent à mettre en culture des surfaces de plus en plus importantes.

- déforestation planifiée : dans ce cas, la conversion des terres forêt en non forêt est légalement autorisée et documentée. Il faut non seulement prouver que la déforestation est autorisée dans la zone, mais qu’elle va également avoir lieu. La déforestation planifiée peut être liée à des programmes de dé-placements de la population vers les zones boisées, la conversion de forêts d’État en zones de production (agricole ou autres), etc. D’autres formes de déforestation planifiée pourraient inclure des décisions de propriétaires indi-viduels ou de communautés de convertir leurs forêts en zone de production agricole (à condition que leurs terrains fassent partie d’une zone dédiée à l’agriculture dans le cadre d’un plan de zonage par exemple). À l’échelle individuelle, toute action de déforestation/dégradation pourrait être théori-quement considérée comme planifiée, mais cette planification est difficile-ment démontrable. Cette preuve est cependant nécessaire pour éviter toute surenchère du risque de déforestation par les propriétaires.

Tableau 4.1 : Traitement des aspects méthodologiques REDD+ par les standards

Standard Traitement des aspects méthodologiques REDD

VCS• 5 méthodologies REDD soumises à approbation • 4 méthodologies IFM soumises à approbation (voir détail tableau 4.2)

CCBS

• Fourniture de lignes directrices dans la section générale et la section sur le climat (scénario de référence, estimation ex-ante des réductions d’émissions, fuites, plan de monitoring)

• Référence à des outils MDP, aux lignes directrices 2006 du GIEC et/ou à des méthodologies plus rigoureuses et/ou plus détaillées

Social Carbon

• Certification préalable par un standard qui certifie des crédits (la liste des standards acceptés devant bientôt paraître), donc les spécificités méthodologiques sont celles de l’autre standard

Plan Vivo

• Chaque projet doit proposer un document de spécifications techniques qui doit traiter de l’additionnalité, de l’impact carbone du projet, du monitoring, de l’évaluation de la perma-nence et des fuites. Il peut faire appel aux méthodologies existantes. Ce document doit être revu par un expert externe, avant d’être validé par le panel d’experts de Plan Vivo (il est par ailleurs soumis à approbation tous les 5 ans)

• 3 documents de spécifications techniques, présentés conjointement à des projets, sont publics, dont 2 ont déjà été validés

ACR • Accepte les méthodologies VCS (et MDP, EPA Climate Leaders, WRI/WBCSD GHG Protocol si à terme elles concernent les activités REDD)

CCAR

• La version 3 du standard, dont la version officielle devrait paraître prochainement, doit inclure les activités REDD, et une section méthodologique dédiée (une version provisoire est disponible à http://www.climateregistry.org/resources/docs/protocols/project/forest/forest-revisions/draft-forest-project-protocol-december-2008.pdf)

CCX • Une méthodologie REDD est en cours de développement

71redd+ à l’échelle projet - Guide d’évaluation et de développement

La dégradation planifiée, est quant à elle traitée sous le terme IFM (pour Im-proved Forest Management) au niveau du VCS. Elle concerne uniquement les surfaces où des activités d’exploitation sont autorisées pour le bois de construction, la pâte à papier, ou le bois de feu. Les pratiques de gestion qua-lifiées d’IFM sont : - le passage de l’exploitation conventionnelle à l’exploitation à faible impact- le passage de forêts exploitées (ou qui pourraient être exploitées en l’absence

de financement carbone) à des forêts protégées- l’augmentation de l’âge de rotation de forêts gérées en futaie régulière- la conversion de forêts peu productives en forêts hautement productives

Lorsque différents types de déforestation/dégradation cohabitent à l’intérieur d’une zone de projet, des strates doivent être définies en fonction de chaque type, et des méthodologies différentes appliquées à chaque strate.

Encadré 4.1 – Pourquoi distinguer planifié/non planifié et mosaïque/frontière ?

Niveau de planification Dans les cas où la déforestation est planifiée, la situation de référence est moins hypothétique et peut être justifiée sur la base de documents de planification d’activi-tés (plans d’aménagement par exemple), ce qui au niveau méthodologique, simplifie énormément les choses, en particulier pour l’élaboration du scénario de référence. Les questions de fuites sont par ailleurs traitées différemment, puisque dans le cas de la déforestation planifiée, la gestion des fuites consiste principalement à s’assurer que la gestion des autres territoires situés sous contrôle de l’agent n’a pas évolué. Alors que dans le cas de la déforestation non planifiée, elle est plus difficile à contrôler dans la mesure où théoriquement, les agents peuvent se déplacer sur l’ensemble du territoire national.

Configuration spatialeLa méthodologie d’Avoided Deforestation Partners traite la déforestation mosaïque et frontière sans distinguer de modules spécifiques à l’une ou à l’autre, en mention-nant parfois dans certains modules des spécificités propres, alors que les autres méthodologies ont été développées spécifiquement pour un cas. Cependant, leur analyse montre que les distinctions entre ces deux cas ne justifient pas forcément de développer des méthodologies spécifiques. Les principales différences tiennent aux facteurs de déforestation et aux activités qui devront être mises en place pour les traiter et éviter les fuites. Le scénario de référence pourra être historique dans une zone dite « mosaïque », mais un scénario historique sera moins cohérent dans une zone « frontière » (l’on peut cependant imaginer d’utiliser une approche historique en prenant comme référence une zone ayant connu le même type de processus ou dans un souci de conservatisme). Dans la méthodologie ADP, la déforestation future dans le cas d’une configuration spatiale de type mosaïque ne doit pas obligatoirement être localisée (à condition cependant de considérer que la déforestation commencera par les zones ayant les plus faibles densités de carbone), alors que c’est une obligation pour la déforestation de type frontière.

Chapitre 4 – recommandations pour la composante redd+ méthodologique

72

• Liste des méthodologies REDD+À la date de parution du guide, 9 méthodologies pouvant être qualifiées de REDD+ (au sens des négociations) sont parues. Elles sont rapidement présentées dans le tableau 4.2.

Tableau 4.2 : Présentation des méthodologies REDD+ présentées sous VCS

Nom de la méthodologie ActivitésProjets pilotes* et/ou

études de cas

REDD au sens VCS

Methodology for estimating Reductions of GHG emissions from Mosaic Deforestation (BioCarbon Fund)

Déforestation non planifiée mosaïque

Corridor biologique “Ankeniheny – Zahamena”*

Methodology for estimating Reductions of Greenhouse Gases Emissions from Frontier Deforestation (IDESAM, FAS, CDI)

Déforestation non planifiée frontière

Juma*

Baseline and monitoring methodology for project activities that reduce emissions from Deforesta-tion on degrading land (Terra Global Capital LLC, Community Forestry International Inc)

Déforestation et dégradation non planifiées mosaïque (+ activités de régénération naturelle assistée à hauteur de 30 % des réductions d’émissions)

Oddar Meanchey*

REDD Methodology Framework** (Avoided Deforestation Partners)

Déforestation et dégradation non planifiées mosaïque et frontière Déforestation planifiée

Kasigau

Methodology for conservation projects that avoid planned land use conversion in peat swamp forests (Infinité Earth)

Déforestation planifiée dans les tourbières

Rimba Raya*

IFM au sens VCS

Proposed VCS methodology for Improved Forest Management : Improved Forest Management through extension of rotation age (Ecotrust)

Augmentation de l’âge de rotation de forêts gérées en futaie régulière

-

IFM methodology : estimating greenhouse gas emission reductions from planned degradation (Carbon Planet Limited)

Passage de forêts exploitées à forêts protégées

-

VCS Proposed Methodology for Improved Forest Management : Conversion of Low-productive fo-rests to High Productive forests (Face the future)

Conversion de forêts peu productives en forêts hautement productives

-

Improved Forest Management - Logged to Protected Forest Methodology (GreenCollar Climate Solutions)

Passage de forêts exploitées à des forêts protégées

-

* On entend par projets pilotes les projets ayant servi au développement de la méthodologie, et par étude de cas, les projets présentés en annexe de ce guide.

** Le « REDD+ methodology framework » est à différencier des autres méthodologies, dans la mesure où c’est un agence-ment de modules, qui peuvent être utilisés à la carte pour construire une méthodologie associée à un projet particulier (sans nécessiter toutefois de nouvelle validation VCS).

73redd+ à l’échelle projet - Guide d’évaluation et de développement

Démontrer l’impact climatique à long terme

2.1 - L’additionnalitéUn projet REDD+, au même titre que les autres projets carbone, doit démontrer qu’il est additionnel, c’est-à-dire que le projet n’aurait pas eu lieu sans la valorisation des crédits carbone. Un certain nombre d’outils sont proposés par les standards pour évaluer l’additionnalité d’un projet (tableau 4.3).

Tableau 4.3 : Outils recommandés par les standards pour le traitement de l’additionnalité

Outre le fait d’être additionnel, le projet doit conduire effectivement à des réductions d’émissions par rapport à un niveau dit business as usual, ce qui suppose que les émissions avec projet soient inférieures aux émissions sans projet et que les fuites n’annulent pas les réductions d’émissions liées au projet.

Standard Outils recommandés

MDP boisement /reboisement (A/R CDM)

Le projet doit remplir conjointement les 4 critères ci-dessous : 1. la vente de crédits carbone est cruciale pour la décision de mettre en œuvre le projet ;2. au moins deux scénarios d’usage des sols peuvent être identifiés,

l’un avec projet, l’autre sans projet ; 3. une analyse d’investissement démontre que le scénario avec REDD+ est moins

attractif économiquement et/ou une analyse des barrières démontre que des freins à l’investissement, des barrières institutionnelles, technologiques, culturelles, écologiques, liées aux pratiques courantes, aux conditions sociales, aux questions foncières empêchent la mise en œuvre des activités de projet. Il faut ensuite montrer que la vente de crédits carbone permettra de surmonter ces barrières ;

4. un test de la pratique commune montre qu’il n’existe pas de projets similaires générant des crédits carbone dans la zone du projet. *

VCS

Trois possibilités : Méthodologie A/R CDM, outils spécifiques aux méthodologies VCS ou tests fournis dans le VCS 2007.1 (project test, performance test, technology test)À l’heure actuelle, les méthodologies proposent des adaptations de l’outil A/R CDM au cas du REDD, en complément des tests du VCS 2007.1.

Plan Vivo

A/R CDMOu démonstration que le projet n’est pas soutenu par des intérêts commerciaux ou législatifs externes + identification des barrières financières, techniques, institu-tionnelles, écologiques, sociales ou culturelles, et autres preuves que les activités n’auraient pas eu lieu en l’absence du projet + possibilité de conduire un test de pratique commune pour renforcer l’analyse

CCBSA/R CDM, autres outils (analyses économiques ou analyse de barrières ou test de la pratique commune…)

* Cet outil est disponible à : http://cdm.unfccc.int/methodologies/ARmethodologies/tools/ar-am-tool-01-v2.pdf

2

Chapitre 4 – recommandations pour la composante redd+ méthodologique

74

Encadré 4.2 : La démonstration de l’additionnalité est parfois une question délicate…

La démonstration de l’additionnalité n’est pas évidente dans certains cas, par exemple : • si les activités de projet sont prévues par la loi : pour qu’il y ait additionna-lité, le porteur de projet doit pouvoir démontrer que la loi n’est pas respectée dans le secteur en question, par exemple par manque de capacités de l’état en matière de contrôle. Encourager ce type de projet pourrait entraîner des effets pervers vers un non renforcement des capacités de l’État et n’inciterait pas à la modification spontanée de comportements illégaux. Par ailleurs, le projet doit anticiper la mise en place d’une stratégie REDD+ nationale qui devrait probablement aboutir au renforcement des ca-pacités de l’État, et pourrait rendre alors le projet non additionnel. Un projet qui basera son scénario de référence sur la poursuite d’activités illégales devra être vigilant sur ces aspects. • si le projet lui-même ou d’autres projets dans la zone ont jusqu’à maintenant pu bénéficier de fonds de mécénat ou de coopération : dans ce cas, le test de la pratique commune n’est pas rempli, et la pratique veut que le développeur doive démontrer que les fonds dont il (ou les autres projets) bénéficiait (aient) jusqu’à présent n’existent plus et qu’il n’existe pas d’autres sources de financement pour la poursuite des activités hormis une valorisation sur les marchés du carbone.

2.2 - Le bilan net des émissionsPour avoir un impact carbone, les activités doivent effectivement permettre de réduire la déforestation et la dégradation dans la zone du projet, et les réductions d’émissions doivent pouvoir être estimées avec une fiabilité suffisante ex-ante (pour juger de la faisabilité du projet) et ex-post (pour générer des crédits après vérification).

L’efficacité des activités en matière de réductions d’émissions dépendra : - de la compréhension des causes de déforestation (actuelles et futures) ; - de la définition des activités de projet en fonction de l’estimation ex-ante de leur

impact sur la déforestation ; - de la capacité des acteurs du projet à mettre en œuvre les activités. Cette question est traitée dans le chapitre 2.

L’estimation des réductions d’émissions repose sur deux principaux outils méthodologiques (qui seront détaillés dans les parties 3 et 4 du présent chapitre) : - la construction d’un scénario de référence, qui fixe le niveau d’émissions

business as usual en l’absence de projet ; - le suivi des émissions dans le cadre du projet (incluant également les éventuelles

augmentations d’émissions liées spécifiquement aux activités de projet), et qui permet également de s’assurer de l’impact positif sur le climat à long terme.

2.3 - Les fuitesUn projet n’aura un impact net positif sur le climat que si les émissions liées aux fuites sont inférieures aux réductions d’émissions permises par le projet. Les fuites

75redd+ à l’échelle projet - Guide d’évaluation et de développement

correspondent à une augmentation d’émissions imputables au projet, mais situées hors du périmètre du projet. Le standard VCS distingue deux principaux types de fuites : - des fuites liées à un déplacement d’activités : l’agent de déforestation va aller

développer ses activités ailleurs sur le territoire ; - des fuites liées au marché : l’agent de déforestation réduit sa production dans

la zone projet, sans pour autant développer ses activités ailleurs, ce qui en-traîne une augmentation des prix pour ces produits dont l’offre diminue, et rend ainsi davantage rentable la conversion de la forêt pour ces productions dans d’autres zones.

Deux autres types de fuites décrits par Aukland et al. (2003) peuvent également se rencontrer : l’outsourcing 12 et la super-acceptance of alternative livelihood options 13. Seule la méthodologie Terra Global Capital les mentionne, et elle consi-dère les risques d’outsourcing comme négligeables du fait de ses critères d’éligibili-té, tout en recommandant par contre de suivre les fuites liées à la super-acceptance of alternative livelihood options dans le plan de suivi. Dans le cadre des projets REDD+, le développeur du projet doit être capable d’identifier les risques de fuites, de les quantifier, pour ensuite essayer de les at-ténuer. Dans le cadre des standards carbone existants, ne sont prises en compte que les fuites nationales (l’on fait l’hypothèse qu’un projet engendre peu de fuites internationales et qu’il serait en tous cas incapable de les contrôler). Il existe par-fois des fuites dites « positives » (quand le projet entraîne également une réduction d’émissions dans d’autres zones du pays, comme cela a par exemple été observé autour de certaines zones d’aires protégées au Brésil), mais elles ne sont pas non plus considérées.

• Caractériser les risques de fuiteEn ce qui concerne les déplacements d’activités, le risque de fuites dépend de : - la mobilité des agents de déforestation : si les agents sont peu mobiles, le

risque de fuites est réduit, et il sera plus facile à suivre (car localisé a priori autour de la zone projet). S’ils sont mobiles, le risque est plus important et plus diffus.

- le coût d’opportunité : en fonction du coût d’opportunité des activités alter-natives, il sera plus ou moins facile de compenser directement les éventuelles restrictions subies par les agents de déforestation.

Pour ce qui est des fuites liées au marché, le risque dépend quant à lui du carac-tère « faiseur de prix » (price-maker) ou « preneur de prix » (price-taker) des agents de déforestation pour le bien dont la production va être réduite à cause du pro-jet. Un producteur est considéré comme price-maker si son comportement d’offre

12. On entend par outsourcing l’achat de marchandises ou l’utilisation de services qui étaient au préalable produits sur le site du projet REDD+. Par exemple, une concession forestière qui exploitait du bois de la zone de projet choisit d’acheter du bois à d’autres opérateurs pour maintenir son niveau de transformation. Il y a un risque de conduire à une augmentation d’activité dans une autre zone. L’outsourcing est différent des fuites liées au marché, dans la mesure où il est causé par l’agent de déforestation dans la zone de projet et non par une tierce partie.

13. Ce type de fuites est lié aux nouvelles activités proposées par le projet. Par exemple, lorsque des activités d’amélioration des conditions de vie de la population sont développées, elles peuvent conduire à une migration de population vers la zone de projet, pour adopter les pratiques liées au projet. Si ce déplacement engendre une diminution nette des émissions liées à leurs activités (entre leur zone d’origine et leur zone d’installation à proximité de la zone de projet), on parlera de fuites positives. Si au contraire, leur déplacement entraîne une augmentation d’émissions, on parlera de fuites négatives.

Chapitre 4 – recommandations pour la composante redd+ méthodologique

76

influence les prix du produit considéré. Tout dépend donc de la part de marché potentiellement concernée par la production réalisée sur le périmètre du projet. Les fuites liées au marché n’ont lieu que si la réduction de la déforestation dans une zone n’est pas compensée par un déplacement d’activités.Généralement, les risques de fuites sont plus importants lorsque la déforesta-tion et la dégradation sont liées à des activités agroindustrielles ou forestières de grande échelle. Dans ce cas, les coûts d’opportunité des activités du scénario de référence sont élevés, et difficilement compensables par des activités REDD+. Les agents ont de plus les moyens de se déplacer et peuvent déplacer leurs activités à d’autres zones situées sous leur contrôle. Si ce n’est pas le cas, et dans le cas de grands projets REDD+ et pour des productions très localisées, il y a également un risque qu’ils soient faiseurs de prix et que la diminution de leur production entraîne des fuites liées au marché. • Quantifier les risques de fuitesLa quantification ex-post des fuites est nécessaire pour pouvoir les déduire des réductions d’émissions permises grâce au projet. La quantification des fuites ex-ante est quant à elle recommandée dans les méthodologies pour connaître l’impact potentiel des fuites sur la rentabilité carbone du projet, ainsi que pour définir des activités d’atténuation des fuites 14 et un plan de monitoring des fuites appropriés. Cependant, elle est beaucoup moins encadrée que l’estimation ex-post. Le tableau 4.4 présente les approches proposées dans la littérature pour la quantification des fuites.

Tableau 4.4 : Approches proposées dans la littérature pour la quantification des fuites

Dans le cadre du VCS, les fuites liées au marché ne sont prises en compte que lorsqu’elles affectent significativement la production de bois. Cela concerne donc potentiellement les activités IFM et les activités REDD+ qui combattent l’exploitation forestière légale ou illégale, à condition que l’exploitation soit d’une échelle suffisante

Déplacements d’activités Risques liés au marché

Pour la déforestation et la dégradation

planifiées

Pour la déforestation et la dégradation non

planifiées

Choix du développeur (dépendant notamment de la facilité de quantification du risque)

Contrôle et suivi direct de l’agent de déforestation qui avait prévu de déboiser

Définition d’un scénario de référence dans la zone de fuites et estimation ex-post par rapport aux émissions observées

Modèle économique du marché national pour la marchandise considérée (déjà existant ou non) ou autre méthodologie pertinente proposéeEx : modèle du marché du bois Bolivien (Sohngen and Brown, 2004) utilisé par le projet Noël Kempf

Utilisation de facteurs par défaut (leakage credit adjustement), dont la valeur dépend des activités du projet et de la teneur en carbone des zones potentiellement affectées.

14. À noter qu’il est également nécessaire d’estimer les émissions associées aux activités de prévention des fuites.

77redd+ à l’échelle projet - Guide d’évaluation et de développement

pour impacter le marché national. Cependant, si aucun crédit n’est réclamé pour la dégradation évitée, les fuites liées au marché dues à la suspension des activités d’exploitation peuvent être ignorées.

• Empêcher les fuitesLe développeur cherchera à atténuer au maximum les fuites potentielles. La gestion des fuites commence dès le montage du projet : le développeur devra s’assurer que les communautés associées au projet seront effectivement disposées à faire évoluer leurs pratiques d’exploitation. Cela passe par un certain nombre d’activités d’accompagnement des agents de déforestation, alliant le plus souvent incitations et obligations contractuelles : - mesures incitatives : indemnisations directes ou activités de projet dont pour-

ront bénéficier les agents de déforestation (par exemple : intensification agri-cole, accès à de nouvelles sources d’énergie, opportunités de travail dans des services associés au projet, etc.).

- mesures contractuelles : il est recommandé d’associer les mesures inci-tatives avec des mesures contractuelles (au niveau individuel, ou au niveau communautaire). Le CCBA parle de contrats d’évitement des fuites (leakage contracts), dans le cadre desquels les agents s’engagent à ne pas développer leurs activités ailleurs (par exemple, à ne pas dépasser certains quotas de prélèvements pour un exploitant forestier), et à fournir toutes les preuves né-cessaires en cas de contrôle. Plus les risques de fuites sont importants, plus des mesures contractuelles fortes, voire des mesures réglementaires avec un fort niveau de contrôle, seront nécessaires. Elles seront d’autant plus impor-tantes dans des zones où les coûts d’opportunité seront très élevés et où les incitations liées au projet ne seront pas suffisantes pour les compenser.

Encadré 4.3 – Les apports des méthodologies pour la gestion des fuites

• Comment définir les zones de fuite ? Toutes les méthodologies recommandent de se baser sur l’analyse de la mobilité des agents de déforestation, et d’utiliser des critères transparents et vérifiables. La méthodo-logie Terra Global Capital propose de définir les zones de fuites sur la base du coût de transport et du consentement à se déplacer de l’agent de déforestation le plus mobile. C’est dans cette zone de fuite que seront calculées ex-post les émissions liées aux fuites, pour ce qui concerne les facteurs de déforestation dits « contraints géographiquement ».

• Comment estimer ex-ante les fuites liées au déplacement d’activités dans le cas de la déforestation ou de la dégradation non planifiée ? Quatre options principales ressortent des différentes méthodologies : 1. estimations du développeur de projet des émissions potentielles dans la zone de

fuite (ADP, ainsi que TGC qui recommande par exemple d’analyser le risque de fuites associé aux activités permettant d’adresser chaque facteur de déforestation)

2. utilisation des méthodologies approuvées par le Conseil Exécutif du MDP pour l’estimation des fuites (ADP, BioCF)

Chapitre 4 – recommandations pour la composante redd+ méthodologique

78

3. utilisation de facteurs par défauts pour des déplacements d’activités non contraints

géographiquement (TGC) 4. utilisation de l’approche time discount de Fearnside selon laquelle les fuites peuvent

être estimées à 40 % des réductions d’émissions (FAS). Certaines méthodologies indiquent également que si l’aire du projet est située dans une région ou un pays qui a mis en place un système de MRV des réductions d’émis-sions liées à la déforestation et à la dégradation selon des modalités acceptées par la CCNUCC ou le VCS, les fuites liées au déplacement d’activités ne devront pas être évaluées, puisqu’elles sont déjà quantifiées au niveau du dispositif national ou sous-na-tional mis en place.

• Comment traiter le cas de la déforestation et dégradation planifiées ? Les lignes directrices méthodologiques VCS recommandent que l’agent de déforestation fournisse la preuve que ses activités n’ont pas évolué en dehors de la zone projet (par exemple : en montrant les plans de gestion des autres zones).Les standards de la CCBA (CCBs) suggèrent de passer un contrat avec l’agent de dé-forestation, et ainsi de pouvoir légitimement contrôler ses activités dans d’autres zones. Cependant, si ce contrôle n’est pas possible, la méthodologie ADP recommande de s’as-surer que les surfaces octroyées par l’État à l’agent en question pour ce type d’usages n’aient pas augmenté, à condition que ce soit une activité soumise à octroi par l’État.

• Comment gérer des fuites liées aux activités d’agents qui ne sont pas encore présents dans la zone ? Dans un certain nombre de projets, les agents de déforestation responsables de la dé-forestation future ne sont pas encore présents dans la zone. C’est le cas par exemple de projets de type frontière (par exemple : Juma) ou de projets situés dans des zones connaissant de forts taux d’immigration (ex : Oddar Meanchey, Kasigau). Dans ce cas, on peut anticiper de forts risques de déplacements d’activités, mais qui seront difficiles à quantifier. Dans le cas du projet Juma, les producteurs de soja ou les éleveurs de bétail risquent de développer leurs activités ailleurs sur le front pionnier. Dans le cas d’Oddar Meanchey, les populations risquent de se déplacer vers d’autres zones favorables. La méthodologie ADP distingue deux cas : - la production est réglementée par l’État. Par exemple, pour produire du soja à grande

échelle, un producteur doit avoir une autorisation de l’État, celui-ci ne délivrant qu’une quantité limitée de permis par an. Dans ce cas, il faut démontrer que l’État n’a pas décidé d’accorder plus de terres depuis que le mécanisme REDD+ est en discussion pour pouvoir négliger le risque de fuites (depuis le 26 novembre 2005 pour ADP).

- la production n’est pas réglementée par l’État (ex. : cas des migrations de population). Trois options sont alors proposées (reprises aussi dans la méthodologie de la FAS) : (i) une approche dite « time discount », qui consiste à considérer que les fuites représentent 40 % des réductions d’émissions permises par le projet, (ii) donner la preuve que les fuites seront prises en compte dans le cadre d’un programme REDD+ plus large (par exemple : système de MRV national) et (iii) placer un pourcentage des crédits en réserve permanente qui pourront être transférés au niveau d’un programme national une fois mis en place.

Dans le cas de facteurs de déforestation non contraints géographiquement, TGC recom-mande d’utiliser des estimations de fuites nationales ou des facteurs par défaut associés à chaque facteur.

79redd+ à l’échelle projet - Guide d’évaluation et de développement

2.4 - La permanence ou la garantie de l’impact climatique à long termeLa permanence des réductions d’émissions dépend de : - facteurs anthropiques : risques liés au pays d’implantation (conflits, corrup-

tion, etc.), risques liés au montage du projet (risques contractuels, capacités et implications des partenaires du projet, etc.), risques biophysiques d’origine anthropique (risques de feux, etc.) ;

- facteurs non anthropiques : risques biophysiques (sécheresses, cyclones, pestes végétales, etc.). Ces facteurs non anthropiques auraient également eu lieu dans le scénario de référence.

Le suivi des émissions dans la zone de projet et dans la zone de fuites par rapport à un scénario de référence lui-même réajusté régulièrement doit permettre de s’assurer de la permanence des réductions d’émissions, et donc de l’impact sur le long terme. Le tableau 4.5 présente comment la question de la permanence est traitée par les standards.

Tableau 4.5 : Approches proposées par les standards pour garantir la permanence

Standards Gestion du risqueGénération de crédits

VCS (2008b)

• Evaluation sur la base d’un outil d’analyse du risque de non permanence spécifique et mesures d’atténuation

• Versement sur un fonds de réserve (buffer account) de 10 à 40 % des crédits générés (requis), en fonction du niveau de risque

• Vérification à une période qui est préalablement décidée et validée dans le PDD et le plan de suivi

• Les crédits du fonds de réserve sont annulés pour compenser toute émission annulant le bénéfice climat du projet ou des crédits carbone déjà émis

Oui

CCBs

• Identification et mise en œuvre d’activités de réduction du risque• Utilisation d’outils utilisés par les autres standards (conseillé)• Vérification tous les 5 ans minimum puisque le projet est validé pour une durée

de 5 ans. Les vérifications ultérieures se font sur la base d’un plan de suivi que les développeurs doivent présenter dans le PDD ou, à défaut, qu’ils doivent s’engager à développer dans les 6 mois qui suivent la validation du projet

Non

Plan Vivo

• Identification des risques, et• Mise en œuvre d’un fonds de réserve représentant au moins 10 % des crédits

(et augmentée si nécessaire par l’auditeur), et• Rapport annuel de suivi soumis à vérification nécessaire pour générer des VERs

Oui

CCAR

• Soumission de rapports de suivi annuels, et• Signature d’un Accord de Mise en Œuvre du projet sur 100 ans et

engagement à compenser les crédits s’ils ne sont pas générés, et• Fonds de réserve selon l’outil décrit par le VCS (c’est-à-dire 10 à 40 %

de crédits mis en réserve)

Oui

CCX

• Versement de 20 % des crédits sur un fonds de réserve (la totalité est reversée au projet si non utilisée à la fin du projet), et

• Signature d’un engagement à garder la forêt sur 15 ans, et• Signature d’une lettre d’intention pour garder la forêt au-delà du 31 décembre 2010

Oui

ACR• Mise en réserve d’une partie des crédits en suivant l’outil VCS, ou• Politique d’assurance pour remplacer les crédits, ou• Remplacement des crédits perdus par d’autres crédits

Oui

Chapitre 4 – recommandations pour la composante redd+ méthodologique

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À noter que la permanence est une question devant être explicitement traitée uniquement lorsque des crédits carbone vont être vendus.

La prédiction des futurs changements d’usages des sols

Le scénario de référence est le niveau d’émissions qui aurait eu lieu en l’absence du projet REDD, et par rapport auquel seront mesurées d’éventuelles réductions d’émissions. Dans le cadre des projets REDD, un scénario de référence a deux composantes : - une composante de prédiction des futurs changements d’usage des sols (que

ce soient des changements positifs ou négatifs, sachant qu’ils peuvent être prédits sur la base des mêmes méthodes),

- et une composante d’estimation des émissions associées à ces changements d’usage des sols.

Nous traiterons de cette seconde composante dans la partie 4 du présent chapitre. L’analyse présentée ici se base essentiellement sur les méthodologies soumises au standard VCS, dans la mesure où les autres standards n’apportent pas encore d’éléments méthodologiques.

3.1 - La zone et la période de référencePar définition, un scénario de référence est hypothétique : en effet, une fois le projet initié, il n’est plus possible de savoir ce qui se serait passé sur la zone projet dans une situation sans projet. Il est donc recommandé de définir une zone témoin, que l’on appelle ici la zone de référence. De la même manière, on définit une période de référence dans le passé sur laquelle on va se baser pour analyser au niveau spatial et quantitatif la déforestation passée et la projeter dans le futur.

• Pourquoi délimiter une zone de référence ?La construction d’une zone de référence a trois principaux intérêts : - démontrer que l’aire du projet est localisée dans une zone qui est réellement

soumise à une pression de déboisement ou de dégradation ; - remettre à jour le scénario de référence lorsque le projet a débuté ; - rendre la prédiction de la déforestation statistiquement plus fiable (car plus la

zone est grande, plus l’on suppose que la prédiction est fiable, et ce quelle que soit la méthode employée) ;

- obtenir des données sur des usages des sols futurs prévus dans la zone de projet, mais non encore présents.

La construction de cette zone de référence n’est pas indispensable en ce qui concerne la déforestation planifiée (dans les cas où l’agent de déforestation peut fournir par exemple un plan d’aménagement et des justifications de ces pratiques historiques dans la zone concernée).

Hormis la zone de référence, les méthodologies actuellement en cours de validation sous le standard VCS distinguent deux autres frontières spatiales au niveau d’un projet REDD+ :

3

81redd+ à l’échelle projet - Guide d’évaluation et de développement

- la zone d’octroi de crédits qui correspond aux surfaces éligibles à la valori-sation carbone REDD+. Elle correspond à toutes les surfaces boisées qui se trouvent dans le périmètre du projet et qui sont soumises à un risque de défo-restation ou de dégradation dont la démonstration peut être faite. Elles seront généralement distinguées en strates en fonction du type et de la condition de la forêt, mais toutes devront répondre à la définition CCNUCC de la forêt. Ce sont sur ces zones que l’on tentera de réduire la déforestation et la dégradation ou que l’on tentera d’augmenter les stocks de carbone ;

- la zone de fuite correspond à la zone géographique dans laquelle les agents et causes peuvent se déplacer suite à la mise en œuvre du projet.

• Comment délimiter la zone de référence ?La zone de référence englobe à la fois le périmètre de projet et la zone de fuite avant que le projet n’ait commencé, mais les exclue une fois qu’il a débuté. La défini-tion de la zone de référence est une étape délicate car elle va influencer fortement le calcul du scénario de référence, que ce soit ex-ante ou lors des réajustements ex-post du scénario de référence. Les méthodologies recommandent de prendre en compte les critères suivants pour sa définition : - critères de similarité avec le périmètre du projet : les critères considérés par

les méthodologies sont la similarité entre agents et causes de déforestation, des facteurs biophysiques (pouvant avoir un impact sur l’accessibilité), des infrastructures, et des politiques et régulations ayant un impact sur les usages des sols. Par exemple, on exclura de la zone de référence les aires protégées si le périmètre du projet n’intègre pas ou ne prévoie pas d’intégrer d’aires pro-tégées. Mais on l’incluera si l’on prévoie par exemple qu’une des activités de projet est de mettre en place une aire protégée, de façon à capturer l’effet en matière de lutte contre la déforestation de la mise en place d’une aire proté-gée. On choisira également une zone de référence située dans la même unité administrative que le périmètre du projet ou en tous cas soumise aux mêmes politiques, etc. La zone de référence devra intégrer les facteurs de déforesta-tion présents actuellement dans le périmètre du projet, mais aussi susceptibles d’y apparaître ; par exemple la construction d’une nouvelle route ou l’incursion de grandes exploitations.

- critères de taille : des ordres de grandeur sont fournis par Brown et al. (2007) et repris à titre indicatif (i.e. sans caractère obligatoire) dans les méthodologies FAS et BioCF. Dans la méthodologie Terra Global Capital sont fixés les critères minimaux à respecter dans le cas où l’on souhaite utiliser cette méthodolo-gie 15. Dans la version d’avril 2010 des modules ADP, il est prévu que la taille de la zone de référence soit calculée sur la base d’une formule prenant en compte la taille du périmètre du projet et des coefficients prédéterminés.

- présence dans la zone de référence d’un autre projet validé VCS : si le périmètre du projet est situé dans la zone de référence d’un projet validé VCS, alors la même zone de référence que pour le premier projet devra être utilisée (ainsi que le même scénario de référence).

15. D’après Brown et al. (2007), pour les projets de plus de 100.000 ha, la zone de référence devrait de 5 à 7 fois plus grande que la zone de projet, et pour les projets de moins de 100.000 ha, de 20 à 40 fois plus grande. Dans la méthodologie Terra Global Capital, les ordres de grandeur sont plus faibles : zone de référence 2 fois plus grande que la zone projet lorsque celle-ci est supérieure à 100.000 ha, et jusqu’à 20 fois plus grande que la zone projet lorsque celle-ci est inférieure à 25.000 ha.

Chapitre 4 – recommandations pour la composante redd+ méthodologique

82

La délimitation de la zone de référence (comme d’ailleurs la zone d’octroi de crédit et la zone de fuite) n’est possible qu’après une analyse des facteurs de déforestation dans la zone projet et dans une zone comparable (possible zone de référence), et une analyse cartographique des facteurs biophysiques et d’ac-cessibilité. Elle est obtenue par un processus itératif, qui consiste à calculer en fonction des limites choisies si les critères de similarité avec la zone projet sont bien respectés (par exemple : densité de routes moyenne similaire entre la zone du projet et la zone de référence, etc.).

• La période de référenceUne période de référence sera également définie : c’est la période pendant laquelle des données sur les facteurs de déforestation et les cartes d’usages des sols devront être obtenues. Les méthodologies recommandent de disposer d’au moins 3 cartes d’usages des sols pendant une période de 10-15 ans ou de 3-15 ans préalablement au début du projet. La durée de la période de réfé-rence dépendra de l’existence de ruptures dans le processus de déforestation pendant la période passée (i.e. de phénomènes ayant entraîné un changement drastique du processus de déforestation). Il est en effet plus pertinent que la période de référence se situe après la rupture. Le nombre de cartes d’usages du sol nécessaires dépendra de l’homogénéité du processus de déforestation. Plus le processus sera variable dans le temps et l’espace, plus un nombre important de cartes devra être obtenu.

3.2 - Estimer les changements d’usage des sols historiquesEn matière d’estimation des changements d’usage des sols historiques, les mé-thodologies renvoient toutes au rapport GOFC-GOLD, 2009. Elles recommandent l’utilisation d’images satellites de moyenne résolution, éventuellement complétées avec des images de haute résolution. Une fois les images satellites obtenues pour la zone de référence, les étapes sont les suivantes : - Pré-traitement : il s’agit de la préparation des images satellites pour l’analyse,

à travers des corrections géométriques, le géo-référencement, la détection et la suppression des nuages et des ombres. En fonction des zones et des tech-niques de classification, des corrections radiométriques et des normalisations topographiques peuvent également être nécessaires.

- Segmentation et classification : les changements peuvent être détectés post-classification ou pré-classification. La deuxième approche est moins coû-teuse et plus précise dans la mesure où le travail ne se concentre que sur les zones de changement, et qu’il n’y a pas d’erreurs au niveau des zones d’absence de changement. Pour la classification, il est recommandé d’utiliser au moins les 6 catégories d’usage des sols du GIEC (terres forestières, terres agricoles, pâturages, zones humides, installations humaines et autres terres).

- Analyse : calcul des surfaces associées à chaque changement d’usage des sols dans la zone de projet, la zone de fuites, et la zone de référence. Les dif-férentes estimations doivent être associées à des mesures d’incertitude.

L’ensemble de cette démarche doit être transparente et documentée, de façon à ce que chaque étape du monitoring soit reproduite selon une méthodologie comparable.

83redd+ à l’échelle projet - Guide d’évaluation et de développement

3.3 - Estimer la quantité et la localisation de la déforestation futurePour l’élaboration du scénario de référence, il convient de s’intéresser à la fois : - à la quantité de déforestation future, - et à la localisation de cette déforestation future. Si c’est l’estimation des surfaces futures déboisées qui sera la plus déterminante dans le calcul du scénario de référence, la localisation de ces surfaces déboisées est également importante pour traduire ces surfaces en émissions.

• Analyse qualitative des tendances futuresC’est la mise en parallèle des taux historiques de déforestation et de l’évolution sup-posée des facteurs de déforestation qui doit permettre de déterminer si la tendance de déforestation que l’on cherche à traduire, doit être croissante, décroissante ou bien constante. Cette première analyse qualitative est primordiale pour choisir quel outil méthodologique utiliser et pour comprendre et justifier les résultats obtenus dans les étapes suivantes.

• Calcul des surfaces déboiséesLes approches recommandées dans les méthodologies pour le calcul des surfaces futures déboisées sont présentées dans le tableau 4.6.

Tableau 4.6 : Approches proposées par les méthodologies pour l’estimation de la quantité de déforestation future

Les études de cas analysées ont majoritairement utilisé des approches historiques. Seuls les projets Kasigau et Juma ont eu recours à des approches de modélisation. Cependant, dans un cas l’approche est très simple et se base sur une corrélation linéaire simple entre la densité de population et le taux de déforestation, et dans l’autre un modèle national élaboré auparavant a été utilisé (voir l’étude de cas sur le projet Juma en annexe 4 pour plus de détails).

Approches proposées

Déforestation planifiéeUtilisation du plan d’aménagement de l’agent ou du taux historique d’une zone de référence

Déforestation non planifiée, avec existence d’un scénario régional validé par la CCNUCC ou le VCS

Deux options : - Utilisation du scénario régional (ADP, BioCF, FAS)- Nécessité de démontrer dans quelle mesure ce scénario régional est plus

pertinent qu’un scénario développé spécifiquement pour le projet (TGC)

Déforestation non planifiée, sans existence d’un scénario régional validé par la CCNUCC ou le VCS

Trois options :- Moyenne du taux historique de déforestation (BioCF, FAS, ADP, TGC)- Poursuite d’une tendance historique – régression linéaire ou non en fonction

du temps (BioCF, FAS, ADP, TGC)- Modélisation (BioCF, FAS)Si on prédit un maintien ou une augmentation du taux de déforestation : ajustement du taux de déforestation en fonction des contraintes biophysiques et d’infrastructures*.

* Cet ajustement n’est en théorie pas toujours nécessaire si on utilise une approche de modélisation, puisque certains modèles pourront tenir compte de ces contraintes.

Chapitre 4 – recommandations pour la composante redd+ méthodologique

84

Les recommandations des méthodologies pour mettre en œuvre des approches de modélisation sont relativement réduites, dans la mesure où il existe une multitude de modèles possibles, avec des degrés de complexité différents en fonction des situations. Quel que soit le modèle utilisé, il devra cependant être calibré et validé sur des données historiques permettant de démontrer son exactitude en matière de traduction des phénomènes passés. Il devra également utiliser des hypothèses documentées et conservatives sur l’évolution des facteurs de déforestation, être transparent et soumis à révision par des pairs.

La prédiction de la déforestation future a été largement étudiée dans les années 1990. Les recherches menées ont permis de tirer les leçons suivantes : (i) construire un modèle pertinent demande des ressources financières et humaines importantes ; (ii) il est extrêmement improbable qu’un modèle soit capable de prédire le futur puisque par définition il ne traduit qu’une image partielle de la réalité ; et (iii) pour rendre un modèle plus proche de la réalité, il est nécessaire de le réajuster très régu-lièrement, ce qui est coûteux à la fois au niveau financier et humain. Par conséquent, l’utilisation de modèles (autres que des régressions multiples) à l’échelle projet ne paraît réaliste que dans les cas où (i) un modèle existe déjà ou (ii) un partenariat sur le long terme peut être établi avec un institut de recherche ou un bureau d´études spécialisé, qui sera à même de construire et de remettre à jour le modèle par la suite. Étant donnés les délais parfois difficilement compatibles entre développeurs de projet et modélisateurs pour la construction du modèle, et la disponibilité des ressources financières aux différentes étapes du projet, une option compatible avec ces contraintes pourrait être le développement d’un modèle pendant les cinq pre-mières années du projet, aboutissant ainsi à un réajustement du scénario de réfé-rence lors de la première vérification. Dans le cadre du développement des stratégies nationales REDD+, les capacités nationales en matière de modélisation pourront être renforcées, et des synergies pourront être trouvées entre les différentes échelles.

• Estimer la localisation de la déforestationPour estimer les émissions associées à cette quantité de déforestation future, le développeur de projet doit être capable d’identifier les strates où aura lieu la défo-restation. Cette localisation peut cependant ne pas être nécessaire dans deux cas : - si la zone d’octroi de crédit n’inclue qu’une seule strate forestière - ou dans le cas de la déforestation mosaïque, si le développeur choisit d’avoir

une approche conservative qui consiste à considérer que les premières strates à être déboisées sont celles les plus pauvres en carbone.

Pour prédire la localisation de la déforestation future, il est recommandé, quelle que soit la méthodologie, de construire une carte de risque de déforestation de la zone projet, qui pour un pixel donné indiquera sa propension à être déboi-sé comparativement aux autres, sur la base de caractéristiques spatiales (cri-tères biophysiques, de proximités aux infrastructures, etc.). Pour construire ce type d’approches, des outils robustes existent, parmi lesquels GEOMOD, Land Change Modeler et Dinamica Ego sont les plus cités. À noter cependant que cer-tains modèles sont capable d’estimer conjointement la quantité et la localisation de la déforestation, et permettraient ainsi de prendre en compte les rétroactions entre ces deux composantes, mais ils sont plus complexes que ceux pouvant être construits avec les outils précédemment cités et n’ont pas encore été employés pour des projets REDD+.

85redd+ à l’échelle projet - Guide d’évaluation et de développement

• Contrôler et réajuster le scénario de référenceDans toutes les méthodologies, il est conseillé qu’un réajustement du scénario de référence ait lieu au minimum tous les 10 ans et coïncide avec une vérification. Le suivi et la réactualisation du scénario de référence nécessitent de construire ex-ante : - Un plan de monitoring des changements de couvert forestier de la zone de référence ; - Un plan de monitoring des variables utilisées pour la construction du scéna-

rio de référence. Plus les variables sont nombreuses, plus le réajustement du scénario de référence sera coûteux. Une option pour réduire ce coût serait de développer des scénarios de référence pour des régions plus larges, où plusieurs projets existent ;

- Un plan de monitoring de l’évolution des stocks de carbone dans la zone de projet dans le cas où des crédits sont réclamés pour la dégradation évitée ou l’augmentation des stocks de carbone.

Il est conseillé aux développeurs de projets d’être conservatifs sur la prévision de leurs émissions futures, dans la mesure où le réajustement du scénario de référence montrera si les estimations ont conduit à surestimer ou à sous-estimer les émissions futures. Il sera toujours plus prudent de sous-estimer les émissions futures, pour ainsi se prémunir contre un risque de surestimation de la rentabilité économique du projet.

Encadré 4.4 : L’articulation avec le scénario de référence national

À terme le mécanisme REDD+ est destiné à être un mécanisme national, accompagné d’outils méthodologiques nationaux, notamment un scénario de référence national. Les approches méthodologiques utilisées par les scénarios projets pourront ne pas être iden-tiques à l’approche nationale, dans la mesure où les réalités à traduire sont différentes : ce ne sont pas les mêmes effets que l’on cherche à capter entre le niveau national et le niveau projet, et des approches méthodologiques différentes pourront être pertinentes. Cependant, il sera nécessaire de garantir la cohérence entre ces deux échelles à plusieurs niveaux. Même si les pays n’ont pas encore précisés les modalités d’articulation méthodologique entre scénarios nationaux et scéna-rios projets, l’on peut déjà recommander un certain nombre de points qui garantiront la cohérence entre le scénario national et le scénario projet (lorsque le périmètre du projet n’est pas situé dans une zone où existe déjà un scénario sous-national déjà reconnu par la CCNUCC ou le VCS) : • utilisation d’une approche transparente • utilisation d’une approche conservative : la somme des scénarios de référence construits pour les zones de référence des projets devra être inférieure au scénario national (ce qui suppose cependant que tout le territoire soit couvert et que les zones de référence des projets ne soient pas superposées). • utilisation de données identiques ou cohérentes avec celles du niveau national, que ce soit pour les données passées ou futures, sauf si le changement d’échelle justifie de générer des données propres.Une discussion a débuté au sein du VCS pour développer de nouvelles lignes directrices facilitant le lien entre projets et programmes REDD+ sous-nationaux et nationaux. Ces lignes directrices devraient permettre d’éviter le risque de superposition de zones de référence (et donc de présenter des scénarios de référence différents pour une même région) lorsque des projets situés dans la même région travaillent de manière indépendante. Dans ce contexte, une des options discutées est la possibilité que les zones de référence des projets doivent correspondre avec des frontières politiques (provinces, départements, municipalités, etc.).

Chapitre 4 – recommandations pour la composante redd+ méthodologique

86

Estimation ex-ante des réductions d’émissions

Si la composante scénario de référence permet de déterminer l’évolution probable des usages des sols en terme de surfaces, l’étape suivante vise à quantifier ces changements en équivalent carbone, sachant que l’unité valorisable sur les marchés du carbone est la tonne de dioxyde de carbone équivalente (tCO2-e). La question doit également se poser pour les activités proposées par le projet puisque le bé-néfice net de réduction des émissions de GES généré par le projet correspond à la différence entre le scénario de référence et les émissions du projet.

4.1 - Bases conceptuelles

• Notions de stock et de fluxLe terme « émission » est souvent confus car il fait intervenir deux concepts dis-tincts : les stocks de carbone et les flux de carbone. Les stocks de carbone sont contenus dans des « réservoirs de carbone » (e.g. bois sur pied, carbone organique du sol, ou atmosphère) et les flux correspondent au transfert de carbone d’un ré-servoir à un autre. Les flux représentent donc une dérivée temporelle des stocks. Tout le problème réside dans la correspondance entre les deux mesures, en raison d’échelles spatio-temporelles différentes. Les mesures de stocks s’intéressent à de plus grandes surfaces par rapport aux mesures de flux. De plus, les mesures de flux sont instantanées et peuvent être continues dans le temps alors que les mesures de stocks ne peuvent s’effectuer qu’à un instant donné, de façon discontinue.

Dans la pratique, l’approche communément utilisée pour la biomasse est fondée sur des mesures de variations de stocks. Celle-ci permet de passer des stocks de carbone à des flux de carbone, la mesure de flux instantanés n’étant pas possible. En effet, il est difficile d’imaginer comment mesurer en temps réel l’absorption nette de carbone d’un arbre ! Ainsi, le calcul de variation des stocks de carbone dans le temps permet, d’une part, de déterminer les flux de carbone liés à la biomasse. Ceci est vrai sous l’hypothèse d’une oxydation ou d’une décomposition totale du car-bone le cas échéant. D’autre part, les flux d’émission telles la fermentation entérique du bétail ou l’utilisation des combustibles fossiles…restent des flux. Les résultats sont alors exprimés globalement en flux de carbone (absorption ou émission).

Dans l’élaboration d’un projet REDD+, la question est donc d’identifier les stocks et les flux de carbone qui devront être considérés dans le scénario de référence et dans le scénario projet. Ces stocks et flux de carbone pourront ensuite être estimés dans l’aire du projet et dans la zone de référence.

• Choix des compartimentsD’après le document de travail de la CCNUCC de mai 2009 16 sur le mécanisme REDD+, en ce qui concerne les stocks, les compartiments à considérer sont les mêmes que ceux établis dans le cadre du MDP : la biomasse aérienne, la biomasse souterraine, le bois mort, la litière et le carbone organique du sol. On retrouve par

4

16. FCCC/TD/2009/01

87redd+ à l’échelle projet - Guide d’évaluation et de développement

ailleurs ces compartiments dans la majorité des méthodologies existantes dans le cadre des standards volontaires ; certains de ces standards considérant également les produits ligneux (i.e le devenir du bois issu de l’exploitation des forêts). Toutefois, tous les compartiments ne sont pas à prendre en compte systématiquement. Un développeur de projet peut choisir de ne pas comptabiliser un ou plusieurs compar-timents, à condition que cette action n’induise pas une surestimation des réductions d’émissions et, de fait, une augmentation des crédits générés par le projet. Le choix de considérer ou non un ou plusieurs compartiments repose alors sur plusieurs principes et paramètres : - Conservatisme - Significativité - Informations existantes - Rapport coût-efficacité des mesures : le revenu du carbone doit être supérieur

au coût de la mesure. Ceci sous-entend d’évaluer les capacités financières et humaines pour mener à bien d’éventuelles mesures, sans omettre les coûts de transaction relatifs au MRV.

En ce qui concerne les flux, les recommandations des divers standards sont beau-coup plus hétérogènes. Si les textes officiels ne s’attardent pour l’instant que sur les émissions liées aux gaz traces (i.e CH4 et N2O) lors des pertes de biomasse sous l’action du feu, les méthodologies proposées dans le cadre des standards volontaires sont parfois bien plus exhaustives (tableau 4.7). Néanmoins leur prise en compte suit les mêmes principes que ceux appliqués lors du choix des stocks, si toutefois aucune contrainte n’est imposée par le standard considéré.

Compartiment Activité GES Standard

Stoc

k

Biomasse aérienne ligneuse REDD, IFM CO2 Tous

Biomasse souterraine REDD, IFM CO2 Tous

Bois mort REDD, IFM CO2 Tous

Litière REDD, IFM CO2 Tous

Carbone organique du sol REDD, IFM CO2 Tous

Produits ligneux REDD, IFM CO2 VCS, CAR, CCNUCC

Combustion de la biomasse REDD, IFMCO2 (stock)

Tous

Flux

CH4, N2O (flux)

Combustibles fossiles REDD, IFM CH4, N2O VCS, CAR, CCBS, CCNUCC

Fertilisation REDD N2O VCS, CCBS, CCNUCC

Bétail (i.e fermentation entérique, lisier)

REDD CH4, N2O VCS, CCNUCC

Drainage (e.g oxydation de tourbières)

REDD CH4, N2O VCS, CCNUCC

Inondations (e.g rizière, barrage)

REDD CH4, N2O VCS, CCNUCC

Chapitre 4 – recommandations pour la composante redd+ méthodologique

88

Tableau 4.7 : stocks et flux considérés par les standards carbone existantsL’ensemble des stocks et des flux présentés ci-dessus souligne la nécessité d’être attentif aux choix méthodologiques lors de l’élaboration d’un projet. Il y a en effet à la fois un risque d’être obligé de comptabiliser des stocks ou des flux non significatifs ou, inversement, de ne pas pouvoir optimiser les émissions de GES évitées. De ma-nière générale il ne s’agit pas d’être exhaustif mais plutôt de rechercher à minimiser les incertitudes et de respecter le principe selon lequel un réservoir de carbone peut ne pas être pris en compte s’il n’est pas une source nette.

• Les approches pour estimer les stocks et flux de carboneLe choix des compartiments, lorsqu’il est possible, implique de tenir compte des dif-férentes approches qui permettent d’estimer quantitativement les émissions évitées grâce aux activités d’un projet. Ces approches induisent des niveaux d’incertitude différents. En effet, pour certains compartiments les méthodologies fixent clairement les procédures d’estimation de variation de stocks de carbone (e.g litière – Tier 3) ; pour d’autres diverses approches sont laissées au choix des développeurs (e.g carbone organique du sol) : - Tier 1 : Utilisation de valeurs par défaut du GIEC -> incertitude élevée - Tier 2 : Amélioration de l’approche Tier 1 avec des données nationales

-> incertitude moyenne - Tier 3 : Données spécifiques basées sur des mesures locales et le suivi des

mesures -> faible incertitude

L’approche utilisée peut varier selon les compartiments, et selon les étapes d’avan-cement du projet. En général, en début de projet, peu de données locales, voire nationales, sont disponibles. Une approche Tier 1 est alors utilisée avant d’acquérir de nouvelles données plus précises (ou les compétences permettant de les obtenir) durant l’avancement du projet. Il est toutefois de bonne pratique de privilégier les données locales lorsqu’elles sont disponibles, même dans les premières phases d’un projet.

Suivre une approche plutôt qu’une autre aura des conséquences non négligeables en termes de revenu carbone, compte tenu du principe de conservatisme et au regard des incertitudes de chacune des approches. Plus les incertitudes seront élevées (e.g utilisation de l’approche Tier 1, multiplication des compartiments consi-dérés, hétérogénéité de l’aire du projet, etc.), plus le principe de conservatisme jouera en défaveur du projet en termes de certification des émissions de GES évitées (figure 4.a).

Quelle que soit l’approche suivie (voir arbre de décision en annexe 2), divers outils conceptuels sont ensuite disponibles pour estimer les stocks et flux de carbone du scénario de référence et du scénario projet. Dans l’ordre décroissant de spécificité projet des procédures on s’appuiera donc sur (voir figure 4.b) : - Les méthodologies : procédures d’élaboration, de mise en place et de suivi des

projets dans un cadre spécifique au projet. - Les outils élaborés par le Conseil Exécutif du MDP 17, et utilisables dans le

cadre du mécanisme REDD.

17. En ligne sur le site de la CCNUCC à l’adresse: http://cdm.unfccc.int/Reference/tools/index.html

89redd+ à l’échelle projet - Guide d’évaluation et de développement

- Les guides du GIEC sur lesquels s’appuient les méthodologies : procédures pour estimer tout type d’émission ou d’absorption de GES dans un cadre non spécifique et à différentes échelles.

- 2003 IPCC Good Practice Guidance for LULUCF (GPG LULUCF). - 2006 IPCC Guidelines for National Greenhouse Gas Inventories, Vol.4.

Agriculture, Forestry and Other Land Use.

Figure 4.a : approches Tier et incertitudes

Figure 4.b : logique d’utilisation des données pour estimer les émissions de GES évitées d’un projet

Tier1

Tier2

Tier3

tCO2-e

Valorisable

Incertitude

Guides du GIECProcédures génériques

Protocoles spécifiques

MéthodologieProcédures spécifiques

• Scénarios génériques

• Equations génériques

• Valeurs par défaut

• Mise à l’échelle projet/limites• Scénario de référence spécifique • Equations spécifiques• Compartiments/sources de CO2

• Protocoles cartographie

• Mesures de terrain

• Contrôle qualité

Emissions évitées

Chapitre 4 – recommandations pour la composante redd+ méthodologique

90

4.2 - Du conceptuel à la pratiqueSi les méthodologies et les guides du GIEC donnent les procédures et les méthodes de calcul des émissions de GES évitées, ils n’indiquent pas précisément les protocoles pour obtenir concrètement sur le terrain les données à utiliser dans les méthodes de calcul. Ainsi, ces protocoles sont laissés au choix des développeurs de projet, en gardant toutefois à l’esprit que : - Les protocoles doivent être compatibles avec les pratiques nationales afin de

pouvoir capitaliser les mesures de terrain à l’échelle nationale, et inversement. Une évaluation des données nationales est alors un pré requis.

- Les protocoles doivent être compatibles avec les directives du GIEC - Les protocoles doivent être adaptés en fonction des options choisies dans le

cadre de la méthodologie sélectionnée pour un projet (e.g compartiments et flux de carbone considérés, méthode d’échantillonnage)

Tout en considérant les éléments cités ci-dessus, les protocoles se basent, en ce qui concerne les stocks, sur des inventaires forestiers. Toutefois, ceux-ci ne sont pas suffisants pour estimer tous les stocks de carbone au regard des directives du GIEC ; les inventaires forestiers classiques ne considérant pas certains comparti-ments (sol, biomasse aérienne autre que le tronc, biomasse racinaire, litière, bois mort). Toutefois, la littérature scientifique est maintenant abondante sur les tech-niques de mesure des stocks de carbone, tels les ouvrages de référence suivants : - MacDicken K.G., 1997. A Guide to Monitoring Carbon Storage in Forestry and

Agroforestry Projects. Winrock International Institute. 91 p. - Ravindranath N.H. and Ostwald M., 2008. Carbon Inventory Methods. Hand-

book for Greenhouse Gas Inventory, Carbon Mitigation and Roundwood Pro-duction Projects. Advances in global change research, Vol. 29. Springer Eds. 308 p.

- Pearson T., Walker S. and Brown S., 2005. Sourcebook for Land Use, Land-Use Change and Forestry Projects. Winrock International. 64 p.

- Rugnitz, M. T.; Chacón, M. L.; Porro R. Guía para la Determinación de Carbono en Pequeñas Propiedades Rurales -- 1. ed. -- Lima, Perú.: Centro Mundial Agroflorestal (ICRAF) / Consórcio Iniciativa Amazônica (IA). 2009. 79 p.

- GOFC-GOLD, 2009. A sourcebook of methods and procedures for monitoring and reporting anthropogenic greenhouse gas emissions and removals caused by deforestation, gains and losses of carbon stocks in forests remaining fo-rests, and deforestation. 197 p.

- Le papier technique CCNUCC sur les coûts d’inventaires REDD+ (FCCC/TP/2009/1)

Si la littérature est abondante en ce qui concerne les stocks de carbone, elle l’est beaucoup moins en ce qui concerne les flux, clairement en raison de la difficulté de faire des mesures directes de flux. De fait, si pour les stocks, l’approche Tier 3 pour-ra être appliquée, l’estimation des flux se limitera le plus souvent à l’approche Tier 2 (figure 4.c). En effet, comment par exemple mesurer dans le temps des émissions directes issues de la fermentation entérique du bétail et des émissions de méthane des rizières, sans investissement technologique lourd ? Ces exemples soulignent la difficulté, pour un développeur de projet, de mesurer les sources d’émission de GES, que ce soit pour le scénario de référence ou le scénario projet, à moins que le projet puisse s’inscrire dans un programme de recherche.

91redd+ à l’échelle projet - Guide d’évaluation et de développement

Figure 4.c : Données disponibles pour le calcul des stocks et des flux de carbone d’un projet en fonction des approches Tier

4.3 - L’estimation des émissions de carbone évitéesLes émissions de GES évitées grâce aux activités d’un projet sont estimées en comparant les émissions du scénario de référence et celles du scénario projet, tout en considérant les fuites :

Où :∆ CREDDt : Estimation des émissions anthropogéniques nettes évitées grâce

aux activités REDD+ du projet à l’année t, tCO2e∆ CSRt : Somme des variations de stock de carbone du scénario de

référence dans l’aire du projet à l’année t, tCO2e ∆ CSPt : Somme des variations de stock de carbone du scénario projet

dans l’aire du projet à l’année t, tCO2e∆ CFt : Somme des variations de stock de carbone liées aux fuites à

l’année t, tCO2e

4.4 - Stratifier pour mieux réduireComme le montre la relation ci-dessus, les stocks et flux de carbone sont mesu-rés, puis calculés par strate. La stratification du projet permet, grâce à une division des aires du projet et de référence en zones homogènes, de limiter le nombre de mesures à réaliser, pour une incertitude donnée, et donc de minimiser les coûts du projet.

Tier 1

Stocks

Tier 1

+ Données d’inventaire forestier national + Données de programmes nationaux de recherche …

Tier 1+ Facteur

• Scénario de référence spécifique • Equations spécifiques

• …

Valeurs par défautIPCC (IPCC 2003 ; 2006)

• Forest lands• Croplands• Grasslands• Peat lands• …

• Mesures locales d’inventaire forestier

• Étude de filière locale

• …

• flux de CO2 locaux (tour à flux)

• fermentation entérique (technique de traçage SF6) • rizière (spectrométrie d’absorption) • …

Tier 2 Tier 3

Flux

Valeurs par défautIPCC (IPCC 2003 ; 2006)

• combustion biomasse• fermentation entérique• fertilisation• combustibles fossiles• …

Design du projet

Mise en œuvre du projet

Chapitre 4 – recommandations pour la composante redd+ méthodologique

92

Il faut bien garder à l’esprit que puisque l’on compare le projet à un scénario de réfé-rence, une stratification pour chacun des scénarios doit être réalisée car l’évolution du l’usage du sol est censée y être différente, comme le représente la figure 4.d.

Figure 4.d : stratification du scénario de référence et du scénario projet (C : stocks de CO2-e ; E : émissions de CO2-e)

La stratification est donc un élément essentiel car elle permet d’affecter des stocks/flux de carbone par zone homogène, puis de pouvoir comparer pour un endroit donné la strate existante dans le scénario de référence et celle présente dans le scénario projet afin d’obtenir par différence entre les deux la variation de stock/flux de carbone. Cette différence pourra être négative (dégradation, déboisement) ou positive (séquestration). Cette dernière modalité est prise en compte dans l’en-semble des méthodologies de manière à considérer la régénération et la croissance des arbres, même dans un contexte de dégradation ou de déboisement, si tant est qu’il reste des arbres dans le deuxième cas !

La principale difficulté sera toutefois de pouvoir déterminer de manière précise les surfaces des différentes strates du scénario de référence. En effet, comment prévoir avec certitude que des zones agricoles vont s’étendre dans une direction donnée, qui plus est à une certaine intensité ? Les méthodologies proposent des moyens de répondre à cette question, via des modèles par exemple, mais une large incertitude demeurera, que ce soit sur le scénario de référence ou les fuites liées aux activités du projet (voir parties 2.3 et 3.3 du présent chapitre).

Usage 1 - Forêt

Usage 2 - Élevage

Usage 3 - Agriculture

Strate 1 C 1 E 1

Scénario projet

Scénario de référence

Strate 1 dégradée C 1 – C E 1 + E

Strate 2 changements d’usage C 2 E 2

Strate 1 C 1 E 1

Strate 1 C 1 E 1

Strate 1 dégradée C 1 – C E 1 + E

93redd+ à l’échelle projet - Guide d’évaluation et de développement

À l’instar des protocoles de mesures, la mise en place de la stratification doit s’appuyer sur les données existantes, dans un but de compatibilité et de capitalisation au niveau national. Ainsi peuvent être utilisés les stratifications des inventaires nationaux forestiers et d’usage du sol de manière générale, ou d’éventuels plans d’aménagement.

Estimation ex-post des réductions d’émissions

Si les points précédents permettaient de quantifier ex-ante les émissions évitées grâce aux activités d’un projet, le suivi du projet (Monitoring, Reportage et Vérifi-cation – MRV) permet de s’assurer ex-post de manière beaucoup plus précise de l’efficacité des mesures prises dans le cadre du projet.

• Que suivre ?De manière générale, tous les paramètres ayant permis d’estimer les émissions de GES ex-ante doivent être suivis. Ainsi, pour reprendre les éléments précédents, seront à suivre : - Les surfaces par usage du sol (surfaces par strate) - Les stocks et les flux de carbone par strate (biomasse et flux associés à l’ex-

ploitation de cette biomasse si des crédits sont recherchés pour la dégradation évitée et l’augmentation des stocks de carbone)

- Les fuites - Les paramètres ayant servi à construire la composante prévision des surfaces

déboisées du scénario de référence (voir partie 3.3 et 3.4 du présent chapitre).

Ces paramètres devront être suivis dans la zone de projet et la zone de référence, l’ensemble devra être suivi afin de confronter effectivement les émissions de l’une par rapport aux émissions de l’autre. Ainsi, le scénario de référence pourra être réajusté, tout comme les mesures du scénario projet.

Toutefois, le suivi ne doit pas s’arrêter aux émissions sensu stricto. Il doit égale-ment permettre de s’assurer de l’efficacité des mesures prises du point de vue de la performance globale du projet. Puisqu’il s’agit de limiter les déboisements et/ou la dégradation des forêts, des critères de suivi des agents de déboisement et/ou de dégradation doivent être évalués. Ceci passera entre autre par un suivi des conditions socio-économiques locales, ou encore de l’évolution des politiques et mesures locales et de leur application.

• Quand le suivre ?La fréquence de suivi des paramètres mis en place lors de l’élaboration du plan de suivi sera variable en fonction du type de paramètre et de leur évolution dans le temps en terme de carbone. En effet, les flux donnant un résultat direct d’émissions, ils peuvent être évalués beaucoup plus fréquemment que les stocks nécessitant des mesures puis des analyses. Il ne faudra par exemple que lire la consommation de combustible fossile à l’échelle du projet pour en évaluer les émissions de CO2-e, alors qu’il faudra réaliser des inventaires sur de nombreuses placettes pour estimer le stock de carbone contenu dans les arbres.

5

Chapitre 4 – recommandations pour la composante redd+ méthodologique

94

D’autre part, il faut également tenir compte de l’amplitude de variation du carbone pour un compartiment, car si la biomasse peut par exemple croître ou disparaître de façon relativement visible, le carbone contenu dans le sol variera de manière beaucoup plus imperceptible, même après un changement radical d’usage du sol.

En conséquence, le suivi du projet pourra être annuel pour certains paramètres (e.g combustibles fossiles, fertilisation) ou à intervalles de temps plus longs. Les méthodologies et les guides de bonnes pratiques du GIEC (2003 et 2006) prévoient notamment des pas de temps de 5 ans pour la biomasse, voire 10 ans si l’on consi-dère le carbone du sol.

D’autre part, le suivi des paramètres socio-économiques ou institutionnels cités plus haut pourra être très variable en fonction de la complexité du projet. Il sera par exemple beaucoup plus rapide de suivre une exploitation forestière, qu’une zone de projet avec de nombreuses communautés locales.

• Comment le suivre ?Les objectifs du suivi étant l’exactitude et la précision des résultats, celui-ci doit se faire dans la mesure du possible et du rapport coût-efficacité suivant l’approche Tier 3 explicitée plus haut. Notons toutefois que peu de pays, même de l’Annexe 1, retiennent l’approche Tier 3, lourde et coûteuse, et que l’approche Tier 2 devrait être plus largement utilisée à moyen terme (GOFC-GOLD, 2009). Comme le laisse entendre la figure 4.e, ceci implique d’obtenir des résultats statistiquement analy-sables et significatifs.

Figure 4.e : Exactitude et précision (Source : Pearson and Brown 2005 18)

Ainsi, d’après les recommandations du GIEC, la biomasse, comme les autres pa-ramètres de type stock, sera suivie grâce à des inventaires suivant un échantillon-nage systématique de placettes permanentes. La permanence des placettes est implicitement rendue nécessaire par les méthodologies, en particulier pour évaluer dans un contexte de dégradation (exploitation de forêt naturelle), les absorptions par les arbres encore sur pied et la régénération. En effet, les placettes perma-nentes donnent des résultats de suivi de la végétation statistiquement supérieurs

Exact, mais imprécis Précis, mais inexact Exact et précis

18. Pearson T. and Brown S. 2005. Guide de Mesure et de Suivi du Carbone dans les Forêts et Prairies Herbeuses. Winrock International, Arlington. 39 p.

95redd+ à l’échelle projet - Guide d’évaluation et de développement

aux placettes temporaires en raison d’une faible covariance entre les observations des placettes permanentes (Avery et Burkhart, 1983). De plus, elles permettent à une entité externe de pouvoir vérifier et refaire des mesures. En revanche, de localisation connue et fixe, elles peuvent faire l’objet d’un traitement particulier permettant de maximiser des réductions d’émissions de GES, et sont sensibles aux perturbations tels les incendies ou les échantillonnages destructifs. Les pla-cettes temporaires sont donc plus adaptées aux mesures relatives à la végétation annuelle (Ravindranath et Ostwald, 2008).

En revanche les flux seront estimés non statistiquement. En effet, ils s’appuieront le plus souvent sur des facteurs d’émissions existant (Tier 2), leur mesure n’étant pas reproductible, sauf dans le cas d’une participation à un projet de recherche mettant en place des facteurs d’émissions spécifiques (e.g émissions dues à la fermentation entérique ou à la riziculture).

Village de Tumbak, Sulawesi Nord, Indonésie © Tibo Alberny

Chapitre 4 – recommandations pour la composante redd+ méthodologique

96

recommandations pour la composante redd+ socio environnementale : L’évaluation et la certification des impacts sociaux et environnementaux d’un projet redd+

Chapitre 5

97redd+ à l’échelle projet - Guide d’évaluation et de développement

Qu’entend-on par impacts sociaux et environnementaux des projets REDD+ ?

• Dans le « non-paper » de Copenhague élaboré par les parties à la CCNUCC dans le cadre de l’AWG-LCA qui s’est réuni lors de la CdP 15, 19 principes et garanties (safeguards) sont mentionnés. Cinq abordent directement la question des impacts sociaux et environnementaux du mécanisme REDD+.

• Les activités doivent ainsi être mises en œuvre dans un souci de facilitation du développement durable, de réduction de la pauvreté et de réponse au changement climatique dans les pays en voie de développement Parties à la CCNUCC (principe f)*; et de gestion durable des forêts (principe l).

• Elles doivent par ailleurs, promouvoir et/ou soutenir (terme non arrêté dans le non-paper) : - Le respect pour la connaissance et les droits des populations autochtones et

des membres des communautés locales, en prenant en compte les obliga-tions internationales, les circonstances et lois nationales correspondantes, telles que la Déclaration des Nations Unies sur les Droits des Populations Autochtones (DNUDPA) (safeguard c).

- Une pleine et effective participation des parties prenantes correspondantes, en particulier, les populations autochtones et les communautés locales dans les activités (safeguard d).

- Des actions qui sont cohérentes avec la conservation des forêts naturelles et de la diversité biologique, garantissant que les actions REDD+ ne sont pas utilisées pour convertir les forêts naturelles, mais sont à l’inverse utilisées pour encourager la protection et la conservation des forêts naturelles et des services environnementaux qu’elles rendent, et pour renforcer les autres bénéfices sociaux et environnementaux (safeguard e).

• Certains éléments du non-paper doivent encore être définis ou précisés. Par ailleurs, plusieurs acteurs de la société civile jugent ces safeguards insuffisants, déplorant une bataille de mots bien éloignée des réalités et de l’urgence de la situation. Mais le texte a l’avantage de placer la question des impacts sociaux et environnementaux au cœur du mécanisme et d’insister sur leur caractère fondamental.

• À l’échelle projet, ces impacts sont d’autant plus importants qu’ils participent directe-ment des stratégies de gestion des risques de fuite et de permanence des activités.

*Toutes les traductions sont libres. Le choix des termes étant particulièrement délicat, il convient de se référer directement à la version anglaise du document FCCC/AWGLCA/2009/L.7/Add.6 télé-chargeable sur le site de la CCNUCC.

L’outil technique dédié à l’évaluation des impacts sociaux et environnementaux des projets REDD+ revient sur les étapes qui suivent : 1. Comprendre les enjeux sociaux et environnementaux du REDD+ à l’échelle projet 2. Identifier et contrôler les impacts sociaux et environnementaux de son projet 3. La certification des impacts sociaux et environnementaux

en quelques mots…

Projet Ibi Batéké en rdC © ONFI

98

Comprendre les enjeux sociaux et environnementaux du REDD+ à l’échelle de projet

1.1 - Les services environnementaux

Figure 5.a – Les services environnementaux (Source : adapté de MEA, 2005)

La régulation du climat est un service que fournissent les écosystèmes forestiers en absorbant et séquestrant du carbone. C’est un service dont les bénéficiaires ne se limitent pas aux populations qui vivent dans ou à proximité de l’écosystème, mais dont bénéficie l’ensemble de la population humaine. L’objectif immédiat des projets REDD+ est de maintenir le service de séquestration du carbone rendu par les forêts. Cette ac-tion aura nécessairement des impacts sur les autres services environnementaux.

En 2005, le Millenium Ecosystem Assess-ment (MEA) distinguait quatre catégories de services environnementaux (appro-

visionnement, régulation, services culturels et de soutien) et rappelait combien chacun de ces services dépend du maintien des autres. La modification d’un écosystème dont la vocation est d’altérer l’un des

services fournis par cet écosystème (par exemple, augmenter la produc-tion de nourriture ou de bois de chauffe) résulte généralement et égale-ment en des changements sur les autres services environnementaux 19.

Le Secrétariat de la Convention sur la Diversité Biologique (CDB) parle de son côté d’une approche par écosystème et rappelle les limites de la dynamique d’un écosystème. Il y a des limites aux demandes que l’on peut imposer à un écosystème

tout en préservant son intégrité et sa capacité de continuer à fournir les biens et les services qui forment la base du bien-être des humains et de la pérennité de l’environnement 20.

Du fait de cette dynamique par écosystème et des interdépendances qui lient les services environnementaux entre eux, on peut dire que le maintien du service de séquestration de carbone nécessitera d’une part d’entretenir les services dont il dépend, d’autre part de réduire la demande pour des services qui altèrent l’éco-système (par exemple les services d’approvisionnement en bois de feu). C’est la

1

Services environnementaux

Vie sur Terre - Biodiversité

CulturelsEsthétique, spirituel

éducatif et récréatif…

De régulationdu climat, hydrique,

des catastrophesnaturelles…

De soutienNutriments,

formation du sol,productionsprimaires

Approvisionnementnourriture & eau,

bois et fibres,énergie,…

19. Millenium Ecosystem Assessment (2005), CWG / SG7, http://www.greenfacts.org/fr/ecosystemes/millennium-assessment-3/2-ecosystem-services.htm#5p0

20. Secrétariat de la Convention sur la diversité biologique (2004) Approche par Écosystème (Lignes Directrices de la CDB), Montréal : Secrétariat de la Convention sur la diversité biologique, 51p. http://www.CDB.int/doc/publications/ea-text-fr.pdf

99redd+ à l’échelle projet - Guide d’évaluation et de développement

condition nécessaire pour éviter les impacts négatifs que pourrait avoir un projet REDD+ et faire de lui au contraire un outil de maintien de l’équilibre de l’écosystème sur le long terme.

1.2 - Changement climatique et biodiversité : quels enjeux pour REDD+ ? Changement climatique et conservation de la biodiversité sont interconnectés. D’une part parce que le changement climatique a des effets sur la diversité biolo-gique et sa répartition géographique (CDB, 2009, rapport n°43 de l’AHTEG). D’autre part parce que la conservation de la biodiversité a des effets sur le changement climatique puisque les écosystèmes naturels sont généralement plus denses en carbone (CDB, 2009, rapport n°41 de l’AHTEG). Ces interconnections existent in-dépendamment du REDD+, mais elles révèlent des enjeux forts pour le mécanisme.S’il est couronné de succès et permet de réduire effectivement la déforestation et la dégradation, le mécanisme REDD+ aura probablement des impacts positifs sur la conservation des forêts tropicales qui sont très riches en biodiversité (Malhi et al. 2008, Brooker et al. 2008). En réduisant la déforestation et la dégradation, le REDD+ pourrait permettre la conservation des habitats qui est la cause majeure de perte de biodiversité aujourd’hui (Ravindranath, 2007). La possibilité de géné-rer des ressources financières pour la conservation des écosystèmes forestiers pourrait également avoir un impact positif global sur la conservation de la biodi-versité (Miles et Kapos, 2008). Par ailleurs, il a été prouvé que les forêts intactes sont plus résilientes aux changements climatiques et qu’à l’inverse la dégradation les affaiblit (Bush et al. 2008, Malhi et al. 2008) et que la conversion des forêts démultiplie les impacts négatifs sur le changement climatique en augmentant l’ef-fet de serre du fait d’écosystèmes de remplacement avec de faibles potentiels d’évapotranspiration et des albédo élevés.

Les bénéfices potentiels du REDD+ en matière de biodiversité sont nombreux, mais la possibilité qu’il soit source d’impacts négatifs n’est pas nulle. Ainsi, la CDB évoque le crainte d’un mécanisme REDD+ qui serait essentiellement centré sur le stockage de carbone et qui ne soutiendrait pas explicitement la biodiversité et les autres services environnementaux forestiers. Dans ce cas, le risque peut exister d’un déplacement des pressions vers des écosystèmes forestiers tout aussi riches en biodiversité, mais à plus faible densité carbone, ou vers des écosystèmes non forestiers également riches en biodiversité (par exemple les bambouseraies). En donnant de la valeur économique aux forêts riches en carbone, le mécanisme REDD+ pourrait également conduire à une monopolisation des fonds internationaux vers ces écosystèmes et défavoriser au final, la diversité biologique globale (Berry et al. 2008).

L’une des menaces les plus importantes et potentiellement les plus immédiates du mécanise REDD+, tient à l’absence – dans la définition retenue par la CCNUCC - de distinction entre forêts naturelles et forêts plantées et à l’absence de définition claire de ce qu’est la dégradation. Dans ce contexte, d’une part des forêts pourraient être converties sous prétexte d’atténuation (ce que le non-paper REDD+ tend a priori à éviter) et la dégradation pourrait passer inaperçue dans les bilans d’évolution du couvert forestier (Putz et Redford, 2009). Dans une soumission faite au SBSTA en février 2009, Greenpeace suggérait, plutôt que de comptabiliser les change-ment de stocks de carbone pour estimer la dégradation forestière, de comparer les

Chapitre 5 – recommandations pour la composante redd+ socio environnementale

100

changements de condition du couvert en référence aux niveaux dits des Paysages Forestiers Intacts (Intact Forest Landscapes, IFLs), qui ne représente en fait qu’une petite proportion du couvert forestier enregistré par la FAO dans son évaluation des ressources forestières de 2005 (voir figure 5.b).

Figure 5.b – Les Paysages Forestiers Intacts (Intact Forest Landscapes – IFLs) Source : Greenpeace, 2009

Un certain nombre des risques précités dépasse l’échelle projet de la mise en œuvre REDD+. Toutefois, la plupart des bénéfices et des risques en matière de biodiversité se retrouvent ou doivent être intégrés à l’échelle projet. Pour les renforcer et les éviter, les développeurs devront les considérer à plusieurs niveaux, notamment : 1. Lors de la sélection du périmètre du projet, ils pourront privilégier des éco-

systèmes à forte valeur en biodiversité et ce, même si leur potentiel carbone s’avère plus faible. Pour les ONGs de conservation, il reste important que le développement du projet REDD+ se fasse en plus et non au détriment d’acti-vités de conservation antérieures sur des écosystèmes faibles en carbone ou non éligibles au mécanisme.

2. Les activités développées devront permettre d’enrayer efficacement les fac-teurs de déforestation/dégradation pour éviter les fuites d’une manière géné-rale, mais aussi les fuites vers d’autres écosystèmes. Des alternatives satis-faisantes devront donc être trouvées pour les agents de la déforestation, quel que soit leur niveau (populations autochtones et locales, gouvernements ou secteur privé) et des mesures devront être envisagées avec les acteurs com-pétents, pour les facteurs et agents du futur (populations migrantes ou projets de développement d’infrastructures).

3. Les activités mises en œuvre ne devront pas avoir d’impact négatif sur l’envi-ronnement. Les espèces à caractère envahissant doivent être évitées. Si elles sont utilisées (parce que natives par exemple), elles ne doivent l’être qu’ac-compagnées de mesures spécifiques ayant prouvé leur efficacité.

Intact Forest Landscapes (IFLs)

Global IFL Map

Forest Zone outside IFL

101redd+ à l’échelle projet - Guide d’évaluation et de développement

D’une manière générale, les impacts du projet REDD+ devront être minutieusement contrôlés tout au long de la vie du projet (voir partie 2 du présent chapitre).

1.3 - Le REDD+, les populations autochtones et les communautés locales Tout comme celle de la biodiversité, la question des bénéfices ou des dommages du REDD+ sur les populations autochtones et les communautés locales, repose sur la notion de service environnemental.

Un certain nombre de groupes humains dépendent des forêts pour leur survie et leur subsistance, mais aussi pour le maintien de leur culture. Qu’il s’agisse de populations originaires des zone en question ou qui y vivent depuis plusieurs générations, ou qu’il s’agisse de populations ou de communautés rurales qui entretiennent un lien traditionnel avec les forêts, ces groupes sont réputés pour être parmi les plus vulnérables de la planète, tant en termes politiques qu’éco-nomiques (IUCN, 2010).

Ce sont les usagers directs de la forêt. Leurs usages peuvent être destructeurs et se révéler concurrents avec le processus de réduction de la déforestation/dé-gradation. Dans ce cas, les populations autochtones ou les communautés locales seront considérées comme des agents de la déforestation. À l’inverse, les popu-lations autochtones et les communautés locales ont un savoir et une connais-sance approfondie de la zone et des systèmes de gestion qui peuvent alimenter les réflexions en matière de schéma de développement durable qui devront être menées dans le cadre du processus. Dans tous les cas, que ce soit en terme de droits ou d’activités, la présence de populations autochtones et de communautés locales aura un impact sur le projet REDD+. Et la mise en œuvre du mécanisme REDD+ - qui par définition a pour vocation à modifier la dynamique déséquilibrée (ou non durable) des écosystèmes forestiers auxquels on demande trop - aura inversement, un impact sur ces populations. Un peu laissée de côté par les organes de négociations au début de la réflexion sur la problématique REDD+, cette question est devenue un élément essentiel des né-gociations REDD+. Les CdP sont devenues ces dernières années un forum média-tisé où les tensions nationales s’expriment, notamment pour la lutte, relayée par des ONG, en faveur de la reconnaissance des peuples autochtones par de nombreux États réfractaires. Ces débats se focalisent notamment sur des choix rédactionnels qui prennent alors une importance symbolique considérable pour les textes de dé-cision politique relatifs à l’adoption du REDD+. En réaction au non-paper REDD+ de Copenhague, sont ainsi remarqués ou questionnés la citation explicite de la DNU-DPA, l’utilisation de « should » ou « shall » pour exprimer la recommandation envers les parties ou pour savoir si la participation et la rémunération des peuples autoch-tones doivent être « promues» (promoted) ou « soutenues » (supported). On peut aussi noter une certaine ambiguïté diplomatique : dans le texte, la DNUDPA est bien citée. Mais d’une part elle n’a en elle-même aucun caractère contraignant et un certain nombre de pays ne l’ont pas ratifiée (voir encadré 5.1), d’autre part elle n’est explicitement mentionnée qu’en tant que recommandation.Malgré le caractère insuffisant que lui trouvent certains acteurs et l’absence quasi-totale de critères précis auxquels se référer, le non-paper REDD+ de Copenhague donne une orientation claire du mécanisme en faveur du développement durable,

Chapitre 5 – recommandations pour la composante redd+ socio environnementale

102

de la réduction de la pauvreté et de l’implication des peuples autochtones et des communautés locales. Les projets REDD+ s’en trouvent renforcés d’une dimension « développement » et du souci d’éviter des impacts sociaux négatifs.

Encadré 5.1 – La DNUDPA

La Déclaration des Nations Unies sur le Droit des Peuples Autochtones (DNUDPA) a été adoptée par résolution de l’Assemblée Générale (61/295) le 13 septembre 2007, après plus de 20 ans de négociations. Bien qu’elle n’ait aucun caractère contraignant au niveau international, la DNUPDA est un signe politique fort en faveur des populations autoch-tones. Elle reconnaît aux populations autochtones les droits humains de base ainsi que le liberté fondamentale, au niveau individuel comme collectif.Dans l’article 46, on trouve parmi les autres droits liés aux terrains, territoires et ressources traditionnels, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, d’institutions traditionnelles, de systèmes de résolution des conflits, d’organisations sociopolitiques. L’un des droits impor-tants pour les initiatives REDD+ est la participation des populations à la prise de décisions qui les concernent, selon un principe de consentement libre, préalable et informé.

http://www.un.org/esa/socdev/unpfii/en/drip.html

Les principaux risques du mécanisme REDD+ liés aux populations ou communau-tés forestières autochtones ou locales ont des impacts tant du point de vue de ces populations qu’en terme d’efficacité du mécanisme. Ils sont liés aux faits présentés ci-dessous et pourraient avoir les impacts suivants 21 : 1. Le processus REDD+ pourrait conduire à une clarification du foncier, mais

uniquement en faveur des intérêts de l’état ou des développeurs de pro-jet, sans tenir compte des revendications et des conflits d’usage sur la zone (voir chapitre 3). De même, la création de nouvelles aires protégées risque de conduire à l’exclusion des populations et des usages communautaires parce qu’incompatibles avec le statut de protection. Si le foncier est clarifié, dans le cadre du REDD+, l’application des interdictions se trouvera renforcée, altérant les régimes d’accès toléré qui existent actuellement, faute de moyens.

- Dans ce cas, les populations et/ou communautés qui occupent et utili-sent traditionnellement la zone pourraient se voir interdire ou restreindre l’accès à la zone, ou se faire déplacer.

- Elles pourraient se voir attribuer des titres fonciers en compensation, mais sur des terrains dont la valeur environnementale et culturelle est moindre (zone déjà dégradée, déboisée, etc.). Par ailleurs, ces droits sont souvent limités dans le temps et ne résolvent pas la question du développement durable à plus long terme.

- En terme d’efficacité du mécanisme, si les populations sont déplacées sans compensation satisfaisante, elles continueront certainement à déboiser, de manière illégale dans ou en dehors de la zone protégée. Des conflits d’usage et de propriété pourraient s’imposer et bloquer le processus de développement du projet.

21. Cette liste est adaptée de Lawlor et al. (2009) Sustaining Livelihoods while Reducing Emissions from Deforestation. Options for Policymakers. Nicholas Institute Working Paper 09-02, http://nicholas.duke.edu/institute/ni.wp.09.02.pdf

103redd+ à l’échelle projet - Guide d’évaluation et de développement

2. La création de nouvelles zones protégées pourrait interdire l’accès ou la pré-sence de personnes sur ces terrains.

- Les mêmes impacts de déplacement sur des zones et avec des droits de compensation non satisfaisants menacent les populations.

- De même, il pourrait y avoir un risque d’affaiblissement de l’efficacité de mise en œuvre du mécanisme REDD+.

3. Si les revenus carbone forestiers ne sont pas partagés avec les populations forestières (que ce soit sous forme de paiements, de services, de renforce-ments de l’accès à l’emploi, etc.) :

- Les facteurs de déforestation continueront d’être les activités les plus satisfaisantes pour les populations qui n’auront aucune raison de les ar-rêter. Les activités illégales augmenteront et deviendront difficiles à gérer.

- Le ressentiment et l’opposition des populations et communautés fores-tières seront négativement renforcés. Les conflits entre groupes et vis-à-vis des gouvernements et des porteurs de projet seront également attisés.

4. Des contrats spécialement établis et dans lesquels les populations locales et communautés forestières s’engagent à abandonner les activités de dé-forestation, pourraient être signés sans l’accord éclairé des signataires qui pourraient ne pas comprendre que ce faisant ils renoncent à leur droit d’usage. Ces contrats pourraient également avoir sous estimé les coûts d’opportunité et s’avérer insuffisants pour les communautés. Enfin, ces me-sures compensatoires si elles ne sont pas accompagnées d’un appui spéci-fique, renforceraient la dépendance des populations vis-à-vis de ressources sur lesquelles elles n’ont au final aucun contrôle.

- Les populations seront encore affaiblies et plus vulnérables. - En termes d’efficacité, les mêmes risques de poursuite des pratiques

destructrices mettent en jeu l’impact climatique de long terme et la per-manence des initiatives.

À l’échelle projet, les enjeux sociaux revêtent cette même dualité : le respect des po-pulations et la participation à leur développement socio-économique durable d’une part, et la réussite du projet sur le long terme d’autre part. Les principes qui doivent être invoqués sont les mêmes que ceux de le DNUPDA (Encadré 5.1) et notamment celui de la reconnaissance de leur territoire traditionnel et de leur implication directe dans le processus de mise en place du projet REDD+, selon le principe de consen-tement libre, préalable et informé.

Tous les projets seront concernés de manière différenciée par ces impacts sociaux et les activités qui pourront être mises en place varieront selon le rapport qu’entre-tiennent ces populations au territoire. Un groupe social qui aura migré récemment sur un terrain sans droit foncier établi ne pourra pas être considéré de la même manière qu’une population considérée comme autochtone et qui a développé un rapport culturel fort à la terre qu’elle occupe . Certains projets peuvent être déve-loppés sur des terrains privés où la question de la présence de populations locales ou de communautés forestières ne se pose pas (par exemple, le projet Tasman de REDD Forests, voir l’étude de cas dédiée en annexe 4). Mais tous les projets devront s’assurer avant et pour toute la durée du projet, pour les raisons idéologiques et/ou stratégiques précitées, que le projet n’a aucun impact négatif sur les populations qui vivent sur ou autour du périmètre du projet.

Chapitre 5 – recommandations pour la composante redd+ socio environnementale

104

1.4 - Quels sont les enjeux financiers pour le projet REDD+ ?Qu’ils soient d’ordre environnemental ou social, la nécessite de contrôler les impacts d’un projet REDD+ aura des conséquences sur sa faisabilité financière. Et cela pour diverses raisons : 1. Les coûts d’évaluation et de suivi des impacts ne sont pas nuls, ils peuvent

même se révéler assez élevés et devoir être couverts à des stades précoces de l’avancement du projet. C’est le cas si les populations présentes sont nombreuses et si aucune donnée initiale n’existe pour la zone.

2. La participation des populations locales et autochtones aux activités de monitoring peut permettre de garantir l’impact climatique positif du projet tout en faisant bénéficier ces populations de nouvelles opportunités en matière d’emploi et en limitant les coûts précités.

3. Les bénéfices devront en partie être reversés, quelle que soit l’approche adoptée (paiement direct, service, réinvestissement dans des projets à desti-nation des communautés, etc.), aux communautés. Cette redistribution devra être intégrée aux analyses de faisabilité financière et économique du projet REDD+ (voir chapitre 6).

4. Les bénéfices sociaux et environnementaux pourront être valorisés financiè-rement et permettre de séduire les investisseurs qui recherchent des projets intégrés.

Sur ce dernier point et grâce à une enquête menée en 2009 22, Ecosecurities a montré que : - Sur 209 compagnies interrogées, 88 % citent les bénéfices sociaux et

environnementaux comme étant l’une des principales raisons de leur in-térêt pour les crédits carbone forestiers.

- Sur 215 compagnies interrogées, 74 % considèrent que les bénéfices sur la biodiversité sont très importants à importants dans leur sélection de crédits carbone forestiers et 69 % considèrent que les bénéfices sur les communautés sont très importants à importants.

- Sur 215 compagnies interrogées, 35 % souhaitent fortement investir dans les projets de valorisation des bénéfices sur la biodiversité sur les marchés de la biodiversité.

Identifier et contrôler les impacts sociaux et environnementaux de son projet REDD+

Tous les projets REDD+ doivent s’assurer et contrôler tout au long du projet, que les activités mises en œuvre n’ont pas d’impacts sociaux et environnementaux négatifs. C’est la condition nécessaire pour pouvoir par ailleurs, faire valoir des bénéfices de cet ordre et prétendre, par exemple, à un standard de certification dédié (voir partie 3 du présent chapitre). Que ce soit pour les impacts sociaux ou environnementaux, ce processus d’évalua-tion et de monitoring se fait en plusieurs étapes : 1. Il faut dresser un état des lieux de la situation initiale, avant le projet. 2. Il faut décrire et/ou quantifier cet état initial.

22. Ecosecurities et al. (2009) The Forest Carbon Offsetting Survey http://www.ecosecurities.com/Registered/ECOForestrySurvey2009.pdf

2

105redd+ à l’échelle projet - Guide d’évaluation et de développement

3. Il faut contrôler régulièrement l’évolution de la situation et comparer ces nou-veaux clichés avec l’état initial (quantitativement quand c’est la méthode qui a été adoptée).

4. Il faut réajuster les activités du projet si les étapes antérieures révèlent des impacts négatifs sur les indicateurs.

Ces différentes étapes doivent permettre de : - déterminer si le projet a eu l’impact désiré sur les groupes ciblés; - déterminer si les bénéfices atteignent bien l’ensemble des populations cibles et

quel impact ces bénéfices ont sur leur bien-être, leur survie, leur représentation géographique, etc.

- déterminer si ces impacts sont bien imputables au projet lui-même (et pas à des causes extérieures au projet, comme le contexte politique et/ou écono-mique local et national, la situation climatique, etc.).

- explorer des conséquences imprévues, soit positives soit négatives sur les bénéficiaires.

2.1 - Les impacts sociaux

• Groupe cibles, groupe témoins et groupe de référenceContrôler les impacts sociaux d’un projet sur une population nécessite de pouvoir comparer la situation économique et sociale avant le projet (t0), pendant le projet (t1) et après le projet (t2). La rigueur méthodologique du processus ne sera par ailleurs assurée que si l’on arrive à estimer les effets contre factuels au projet, c’est-à-dire ce qui serait arrivé ou ce qui aurait pu arriver si le projet n’avait jamais vu le jour. Pour ce faire, on compare l’évolution de la situation économique et so-ciale du groupe cible (les individus qui participent au projet) avec celle d’un groupe témoin (des individus du périmètre du projet, mais qui ne participent pas au pro-jet), et éventuellement avec celle d’un groupe de référence (des individus qui avant le projet avaient une situation similaire au groupe cible, mais qui se trouvent en dehors de la zone d’impact du projet). Témoins ou de comparaison, les groupes doivent ressembler en tous points au groupe cible. Ils seront comparés tout au long du projet (Baker, 2000).

• Le niveau de l’observation et l’échantillonnageLe niveau de l’observation et l’échantillonnage dépendent du niveau d’interven-tion du projet et de la nature des participants au projet. Dans beaucoup de cas, les niveaux d’observation nécessaires seront multiples. Les 5 principaux niveaux d’observation sont l’individu, les ménages, les communautés/villages, les infras-tructures (par exemple une école), les entreprises (par exemple une compagnie d’exploitation forestière) (PREM, 2007). La sélection des niveaux d’observation dépend principalement du niveau d’intervention des activités à contrôler, de la structure sociale ou organisationnelle du groupe cible, des risques propres au contexte, etc. Dans la mesure du possible, il faudra contrôler l’ensemble des participants au projet. Pour des raisons de coût et de temps, c’est rarement possible et il faut souvent sélectionner un échantillon représentatif de l’ensemble du groupe. Cet échantillon devra tenir compte des variétés de situation au ni-veau d’un groupe. Au préalable ou lors de la première évaluation, il convient de

Chapitre 5 – recommandations pour la composante redd+ socio environnementale

106

procéder à une stratification même grossière de la population en fonction par exemple du niveau de pauvreté, de la situation foncière, du type d’activité pro-fessionnelle, à quoi il faudra ajouter pour les projets REDD+ la proximité avec la forêt, le type de forêt, etc. (PROFOR, 2007).La taille de l’échantillon dépend du nombre d’individus impactés, du niveau d’exactitude attendu, du budget et du temps disponible, et donc du procédé d’évaluation, etc.

• La fréquence du monitoringLa première étape consiste à dresser le portrait économique et social du groupe cible avant le projet (C0). Cette première évaluation (ou diagnostic) permettra d’identifier les spécificités qui devront être celles des groupes témoins et de comparaison. Un diagnostic initial devra également être disponible pour ces deux groupes. Comme tous les projets forestiers, les projets REDD+ sont des projets longs dont les premiers bénéfices sont rarement immédiats (les crédits ne sont géné-rés qu’au bout de plusieurs années). Les efforts exigés des agents de la défo-restation le sont quant à eux dès le démarrage du projet. Il est donc important de veiller à ce que la situation économique et sociale des participants ne se dégrade pas pendant les années du projet qui précèdent les premiers bénéfices (par exemple avant que les fruits d’une plantation puissent être exploités, etc.). Les premières évaluations doivent être effectuées suffisamment tôt pour per-mettre les ajustements nécessaires.Une fois le projet dans son rythme de croisière, les évaluations pourront s’espacer dans le temps, tout en gardant leur régularité et en veillant à ce que chaque groupe soit contrôlé avec le même procédé que le groupe cible. Pour déterminer la fré-quence et le calendrier des évaluations pendant le projet, il faudra tenir compte de plusieurs facteurs : 1. de la durée du projet, 2. du coût et du temps pris pour chaque session d’évaluation, 3. de l’opportunité de faire une évaluation, 4. du calendrier du projet, notamment du calendrier de monitoring.

Figure 5.c – La fréquence du monitoring (Source : ONFI)

R1 R0 R1a R2

Temps

Démarrage

T0 T1 T1a T1b T1c T1d T2

Fin

C0 C1 C1a C1b C1c C1d C2

Mise en œuvre

Cn = Monitoring du Groupe Cible Tn = Monitoring du Groupe TémoinRn = Monitoring du Groupe de Référence

107redd+ à l’échelle projet - Guide d’évaluation et de développement

• L’identification et la collecte de donnéesPour bien évaluer les impacts d’un projet, il faut savoir au préalable ce qu’il sera nécessaire de contrôler, c’est-à-dire à quelles questions on prétend répondre. Pour chacune de ces questions, il faudra préalablement identifier des indicateurs et pour chacun de ces indicateurs des niveaux de réponse à l’indicateur. Les indicateurs de suivi doivent tenir compte du caractère multi-niveaux de l’observation et considérer lorsque c’est pertinent, plusieurs niveaux (par exemple, les individus, les ménages et les communautés).Pour les projets de carbone forestier, le standard Social Carbon qui est détaillé plus loin, liste les indicateurs fondamentaux pour 6 facteurs (le facteur social, le fac-teur humain, le facteur financier, les ressources naturelles, la biodiversité, le facteur carbone). Pour l’évaluation des impacts sociaux, on tiendra compte des facteurs sociaux, humains et financiers. Pour chacun de ces indicateurs, jusqu’à six niveaux de réponse sont pré-identifiés. Social Carbon reste relativement vague sur la situation financière des ménages. Pour un projet REDD+ qui exige l’arrêt ou la réduction d’une activité économique et qui dépend de l’engagement des populations, il sera fondamental de chiffrer le plus exactement possible les revenus. Il est par ailleurs intéressant de suivre la quantité de ressources forestières et de surfaces déboisées par les participants au projet.

Le diagnostic initial est fondamental dans la mesure où c’est par rapport à lui que l’on évaluera l’efficacité du projet. Dans beaucoup de projets, des données ont déjà été collectées et sont utilisables. Il faut donc au préalable procéder à une ana-lyse des données existantes. Ces données sont appelées secondaires par oppo-sition aux données produites spécifiquement pour le projet et appelées données primaires. Dans presque tous les projets, les évaluations reposeront en partie sur des données secondaires, mêmes si des enquêtes sont menées, et dans bien des cas, les données secondaires seront la principale ou la seule source d’information (Bamberger, 2006).L’avantage des données secondaires est qu’elles permettent de faire des écono-mies de temps et d’argent. Lorsqu’un projet a déjà démarré et que l’on tente de valoriser rétrospectivement les bénéfices, les données secondaires sont souvent la seule manière de reconstituer les conditions initiales. Les principales sources de données comprennent : - les recensements nationaux, les enquêtes des ménages, les enquêtes

démographiques spécialisées, etc. - les données collectées par l’administration, - les études conduites par les groupes de recherche, les ONGs, les bailleurs,

etc.

Le principal problème des données secondaires est qu’elles ont été collectées pour des raisons différentes et qu’on n’en maîtrise pas la qualité. Avant de les utiliser, il faut veiller à ce qu’elles ne soient pas trop anciennes et correspondent bien à la période qui précède juste le projet. Il faut s’assurer qu’elles ont été collectées sur une population similaire aux groupes du projet. Enfin, il faut souvent sélectionner un indicateur par enquête. Quelles que soient les données utilisées, il faut se renseigner sur le procédé utilisé pour la collecte. Toutes les données dont on ne connaît par le processus de collecte doivent être manipulées avec précaution.

Chapitre 5 – recommandations pour la composante redd+ socio environnementale

108

Si aucune donnée secondaire n’est utilisable, on privilégiera la collecte de données primaires, c’est-à-dire la mise en place d’enquêtes spécifiques pour répondre aux questions et quantifier la situation pour chaque indicateur identifié au préalable. La collecte de données sera généralement nécessaire (au moins en partie) pour le suivi des indicateurs pendant et après le projet. Les données peuvent être collectées de différentes manières : - Lors d’une enquête spécifiquement établie, - En capitalisant sur une enquête en cours ou déjà programmée (c’est-à-dire

en ajoutant des questions ou des observations à une enquête élaborée avec d’autres objectifs),

- À travers une enquête synchronisée pendant laquelle la population cible est interviewée, mais les groupes témoins et de comparaison seront contrôlés par d’autres enquêtes (nationales ou locales, etc.).

Les techniques de collecte des données sont nombreuses. Celles qui sont les plus souvent utilisées sont : - Les interviews, - Les observations, - Les questionnaires, - L’analyse d’un document écrit, - Les discussions ciblées, - Les études de cas.

Chacune de ces techniques a ses avantages et ses inconvénients. Le choix en faveur de l’une d’elle dépend de la méthode (quantitative ou qualitative) et du type de population ciblée, mais aussi de la mise en œuvre logistique de l’enquête.

• Approche qualitative ou approche quantitativeEn fonction des indicateurs à suivre, il sera plus ou moins possible d’obtenir des informations quantifiées. Dans ce cas, on pourra préférer une évaluation qua-litative qui consistera à décrire la situation. Chaque méthode a ses avantages et ses inconvénients. La méthode qualitative permettra de rester au plus prés de la situation réelle et évitera de tomber dans des généralisations grossières. La principale difficulté de la méthode qualitative sera de pouvoir comparer deux périodes dans le temps. La méthode des niveaux fournie par le Social Carbon permet de quantifier, même approximativement la réponse à un indicateur et permet donc de comparer cette même réponse entre une première période et une autre. Souvent et en fonction des indicateurs, il faudra combiner une approche qualitative avec une approche quantitative.

• L’analyse et la comparaison des données et l’ajustement des activitésToutes les données doivent être enregistrées et parfaitement référencées. Il est im-portant de toujours renseigner le lieu et le contexte (notamment la saison) de la prise d’observation ou du questionnaire. Le principal travail d’analyse consistera ensuite en la quantification et le traitement statistique des informations. Ce travail devra être fait par un personnel formé et suivi par un spécialiste. La comparaison des données ne pourra être faite que si les informations ont été collectées de manières similaires et en évitant les biais de la subjectivité.

109redd+ à l’échelle projet - Guide d’évaluation et de développement

Au fur et à mesure du projet, le contexte va changer, des facteurs inattendus peuvent faire leur apparition ou devenir importants alors qu’ils ne l’étaient pas initialement. Il est fondamental de prévoir un protocole dynamique qui permettra le réajustement du processus d’évaluation avec de nouveaux indicateurs. Les indicateurs nouveaux pour lesquels il n’y a pas d’éléments de référence dans l’évaluation initiale, devront faire l’objet d’un traitement spécial.

Dans certains cas, les évaluations signalent un problème dans le projet qui nécessitera aussi un ajustement. Cet ajustement du projet devra être minu-tieusement rapporté pour mieux comprendre les impacts de ces réajuste-ments sur le projet. Dès que des réajustements majeurs sont apportés au projet, il pourrait être intéressant d’intensifier la fréquence des évaluations pour s’assurer de ses effets le plus rapidement possible.

• Les outils existants pour l’évaluation et le contrôle des impacts sociauxPour une revue et une description des méthodes et outils pour l’évaluation des impacts sociaux des projets de carbone forestier, nous renvoyons à l’excellent Manual for Social Impact Assessment of Land-based Carbon Projects (2010) réalisé par Michael Richards (Katoomba Ecosystem Services Incubator, Forest Trends) et Steve Panfil (CCBA), en partenariat avec Rainforest Alliance et FFI. Il est constitué de deux documents distincts : - Part 1 : Core Guidance for Project Proponents http://www.forest-trends.org/publication_details.php?publicationID=2436 - Part 2: Toolbox of Methods and Supportative Materials http://www.forest-trends.org/publication_details.php?publicationID=2437

2.2 - L’évaluation et le monitoring des impacts environnementauxÀ bien des égards, le suivi des bénéfices environnementaux se fera de la même manière que celui des impacts sociaux. Ils seront souvent corrélés. Toutes les étapes détaillées ci-dessus seront suivies et adaptées au contexte.

La collecte des données pourra souvent se faire en ajoutant des questions ou des observations aux enquêtes déjà effectuées dans le cadre d’autres plans de monitoring :

- Le maintien des sols par la forêt et la réduction des phénomènes de glissement seront analysés lors du suivi cartographique.

- Le suivi de la biodiversité est déjà en place. Il sera réitéré au moins tous les 5 ans (pour les mêmes raisons que le suivi des impacts sociaux, c’est-à-dire la certification par les standards du CCBA), en même temps que le monitoring biomasse.

- Des enquêtes spécifiques seront nécessaires (si non programmées dans le cadre d’autres études) pour mesurer les évolutions du régime hydrique du bassin versant (quantité et qualité).

- Pour les autres services environnementaux, des questions seront ajoutées aux évaluations des impacts sociaux.

Chapitre 5 – recommandations pour la composante redd+ socio environnementale

110

La certification des impacts sociaux et environnementaux

Il existe sur les marchés volontaires, trois standards, plus ou moins dédiés au REDD+, qui s’intéressent en priorité aux bénéfices sociaux et environnementaux des projets : - les standards de la Climate, Community &Biodiversity Alliance ; - les standards Social Carbon ; - les standards Plan Vivo.

Selon le profil du projet et la stratégie commerciale, on privilégiera un standard plutôt qu’un autre ou on cumulera la certification de deux standards.

3.1 - Les standards de la CCBA

• Présentation généraleLes Climate, Community and Biodiversity Standards (CCBs) sont sans doute parmi les plus connus et les plus prisés des standards dédiés aux impacts sociaux et environnementaux des projets de carbone forestier. Ils ont été développés par la Climate, Community and Biodiversity Alliance (CCBA), un partenariat de cinq ONG internationales (CARE, CI, TNC, WCS et la Rainforest Alliance) qui souhaitaient ce faisant, encourager le développement de projets fores-tiers profitant à la fois au climat, aux communautés et à la biodiversité. La CCBA bénéficie des conseils de différentes institutions (CIFOR, CATIE, ICRAF) et du finan-cement de divers mécènes (Blue Moon Fund, BP, Hyundai, Intel, SC Johnson, SFM et Weyerhaeuser) 23.

En mai 2005, était publiée la première version des standards, après une série d’expérimentations sur des projets existants ou en développement en Indonésie, en Tanzanie, au Pérou, en Bolivie Équatoriale, en Écosse et à Madagascar. Cette version a été révisée et la seconde version du nom, toujours utilisée aujourd’hui, a été éditée en décembre 2008 24. Alors que les CCBs s’étaient jusqu’alors concentrés sur les initiatives à l’échelle de projet, de nouveaux standards sont en cours de développement, dédiés aux bénéfices sociaux et environnementaux des programmes REDD+ portés par les gouvernements. Ces nouveaux standards ont été soumis à commentaires publics jusqu’au 30 novembre 2009 et sont maintenant en cours de révision. La version qui avait été soumise à commentaire est téléchargeable sur le site http://www.climate-standards.org/REDD+/ ainsi que tous les documents du processus de révision.

Les CCBs sont valables pour tous les projets liés au secteur AFOLU. En juillet 2010, sur 51 projets inscrits auprès des CCBs (validés ou en cours de validation), 16 sont des projets REDD+ ou contiennent au moins une composante REDD+ dans leurs activités. Parmi ces 16 projets, 6 ont été certifiés dont 4 avec le niveau Gold et 1 avec le niveau Silver. L’ensemble de ces projets représentent plus de 3 millions

3

23. http://www.climate-standards.org/who/index.html 24. http://www.climate-standards.org/standards/pdf/second_edition/CCB_Standards_2nd_Edition_FRENCH.pdf

111redd+ à l’échelle projet - Guide d’évaluation et de développement

d’hectares mis en gestion et l’évitement annoncé de plus de 483 millions de tonnes de CO2e (avant soustraction des buffers).

À la lecture des études de cas du présent guide (en annexe), on remarque aisé-ment que les projets certifiés ou qui s’intéressent à la certification CCBA ont des profils très variés. Tous n’ont pas les mêmes enjeux sociaux et environnementaux. Et l’écart est important entre des projets développés sur des terrains privés et des projets développés sur des terrains communautaires (ou sur lequel il y a un droit d’usage ou de propriété des communautés).

• Le processus de certificationLes standards CCBs ne permettent pas de générer de crédits carbone. Ils labelli-sent les projets pour permettre aux investisseurs d’identifier les projets de carbone forestier qui ont une haute qualité sociale et environnementale. Ils ne certifient pas les crédits, mais le projet dans son ensemble ; et cela pour une période de 5 ans, renouvelable dans la limite de la durée de vie du projet.

Le processus de validation se déroule comme suit : 1. Le développeur de projet adresse un document de projet (Project Design

Document – PDD) à l’auditeur externe. Le PDD doit décrire précisément le projet et estimer ex-ante ses impacts sur le changement climatique, sur les communautés et sur la biodiversité tout en anticipant le travail de surveillance de ces impacts (monitoring).

2. L’auditeur externe soumet le PDD aux 17 critères des CCBs. Si nécessaire, il demande au développeur de lui fournir des informations complémentaires.

3. Pendant 21 jours, le PDD est mis en ligne sur le site de la CCBA et ouvert aux commentaires publics. Les commentaires seront analysés par l’auditeur et s’ils sont considérés pertinents, une réponse est exigée du développeur.

4. Une fois les documents additionnels fournis, l’auditeur effectue une visite de terrain et complète son analyse du projet par l’observation du périmètre du projet, l’interview des acteurs, la collecte de documents supplémentaires, etc.

5. Le processus terminé et tous les documents/preuves fourni(e)s et analysé(e)s, l’auditeur rédige un rapport de validation spécifiant quels critères du CCBs ont été ou n’ont pas été satisfaits

Pour être validés, les projets doivent répondre à 14 critères obligatoires (voir Tableau 5.1), auxquels viennent s’ajouter trois critères qui permettent aux projets répondant à au moins un de ces critères optionnels, d’obtenir une validation dite de niveau Gold. L’ancienne version des standards utilisait déjà ce système de critères obli-gatoires et additionnels et de niveaux de validation. Mais il y était question de 15 critères obligatoires, de 8 critères additionnels et de 3 niveaux de validation. À titre d’exemple, le projet Ulu Masen en Indonésie, premier projet REDD+ validé par les CCBs, l’a été au niveau Silver parce qu’il répondait à 5 critères additionnels.

Les 17 critères des standards actuels sont répartis en 5 sections : une section générale, une section dédiée aux impacts sur le changement climatique (bénéfices carbone à proprement parler), une section dédiée aux impacts sur les communau-tés, une section pour les impacts sur la biodiversité et une section qui réunit les 3 critères optionnels.

Chapitre 5 – recommandations pour la composante redd+ socio environnementale

112

Tableau 5.1 - Critères de validation aux CCBs (CCBA, 2008)

• La méthodologieLes standards de la CCBA ne sont pas un outil méthodologique à proprement parler. Ils ne détaillent pas un processus méthodologique mais listent les étapes nécessaires pour garantir des bénéfices nets positifs sur le climat (c’est-à-dire, pour les projets REDD+, en matière d’évitement d’émissions de CO2), sur la bio-diversité et sur les communautés. La plupart du temps, ils renvoient à une série d’outils disponibles qui permettront eux-mêmes de procéder aux calculs et/ou aux analyses nécessaires.

Chacun des 17 critères listés est défini puis détaillé en une liste d’indicateurs (com-plémentaires ou exclusifs selon les cas). Ces indicateurs renvoient souvent à des outils méthodologiques existants.À titre d’exemple, on peut citer pour le critère B1 (les impacts nets du projet sur la biodiversité sont positifs), le premier indicateur qui est entre autre d’utiliser des méthodologies appropriées pour estimer dans la zone de projet et sur toute la durée du projet, les changements dans la biodiversité qui résultent du projet 25.

Section générale

G1 Conditions générales du périmètre du projet Requis

G2 Projections du scénario de référence Requis

G3 Élaboration du projet et objectifs Requis

G4 Capacité de gestion et meilleures pratiques Requis

G5 Statuts légaux et droits de propriété Requis

Section générale

CL1 Impacts nets positifs sur le climat Requis

CL2 Impacts climat en dehors du site (fuites) Requis

CL3 Monitoring des impacts sur le climat Requis

Section Communauté

CM1 Impacts nets positifs sur les communautés Requis

CM2 Impacts sur les acteurs en dehors du périmètre du projet Requis

CM3 Monitoring des impacts sociaux Requis

Biodiversité

B1 Impacts nets positifs sur la biodiversité Requis

B2 Impacts biodiversité en dehors du périmètre du projet Requis

B3 Monitoring des impacts biodiversité Requis

Section pour le niveau Gold

GL1 Bénéfices en matière d’adaptation Optionnel

GL2 Bénéfices exceptionnels pour les communautés Optionnel

GL3 Bénéfices exceptionnels pour la biodiversité Optionnel

113redd+ à l’échelle projet - Guide d’évaluation et de développement

L’indicateur renvoie à l’annexe A des standards qui listent par critère, des outils disponibles pour répondre et prouver que l’on répond aux indicateurs. Parmi les ou-tils cités pour le critère B1, on note par exemple : la Liste Rouge de l’IUCN, la CITES, diverses bases de données inventoriant les espèces invasives, etc.Que ce soit pour les impacts sur le climat, sur les communautés ou sur la biodiver-sité, les standards suivent une logique en trois points : - Les bénéfices nets doivent être positifs à l’intérieur du périmètre du projet. - Ils doivent l’être également en tenant compte de l’extérieur du périmètre

du projet. - Ils doivent être contrôlés à travers le temps ou à défaut, un plan de monitoring

doit être prévu pour assurer ce contrôle.

Les CCBs isolent une section biodiversité. Ils n’en traitent pas moins les autres aspects environnementaux (régime hydrique, maintien des bassins versants, etc.) qui sont abordés selon le concept des services environnementaux et donc dans la section dédiée aux impacts sociaux.

• Les conditions d’éligibilitéLes CCBs peuvent être utilisés pour tous les projets carbone du secteur AFOLU (REDD, boisement, reboisement, restauration forestière, agroforesterie et agriculture durable). Et cela, sans restriction géographique, sans restriction de taille ou de date de commencement.

En principe et considérant l’objectif affiché des standards CCBs, priorité sera don-née aux projets qui ont des impacts sociaux et environnementaux forts et donc qui sont développés sur des zones à forte valeur environnementale (High Conservation Value Forest). Tous les projets validés ou en cours de validation mettent en avant la vulnérabilité de la biodiversité et/ou des communautés sur la zone du projet, et les enjeux de conservation du projet soumis.

Les standards peuvent être utilisés pour des projets financés sur fonds privés ou publics et sur des projets qui génèrent déjà des crédits sous un autre standard 26.

• Quand et pourquoi utiliser les CCBs?Les standards de la CCBA peuvent être utilisés à plusieurs effets et à différents stades de l’évolution du projet. - Ils peuvent être utilisés au préalable, comme outil d’élaboration du projet.

Non pas qu’ils fournissent des outils méthodologiques propres (souvent ils renvoient vers d’autres outils), mais parce qu’ils permettent de lister les ques-tions et les éléments qui doivent être pris en compte lors du développement de projets à forts impacts sociaux et environnementaux.

- Ils peuvent être utilisés dans une phase transitoire pour augmenter la valeur commerciale du projet et attirer l’investissement en prouvant que le projet est bien construit, qu’il a le potentiel suffisant pour générer des actifs compensa-toires et qu’il adopte les bonnes pratiques pour générer des bénéfices sociaux et environnementaux significatifs.

- Enfin, ils peuvent être utilisés tout au long de la vie du projet, combinés à un autre standard (essentiellement le VCS pour les projets REDD+ aujourd’hui),

25. CCBA (2008) Project Design Standards – Second Edition, p.28 26. CCBA (2008) Project Design Standards – Second Edition, p.8

Chapitre 5 – recommandations pour la composante redd+ socio environnementale

114

pour donner une plus-value aux crédits générés par ailleurs. Cette double cer-tification pourra être mise en avant au moment de la vente et sera inscrite comme telle dans le registre des crédits (par exemple les VCUs).

Le bon moment pour soumettre son projet REDD+ aux standards CCBs dépend entièrement de la stratégie commerciale du développeur et de ses partenaires. La certification aux CCBs a un coût de l’ordre de 40 à 50k€ en fonction du projet, des tarifs pratiqués par les entités auditrices et hors coût d’élaboration et de rédaction du PDD (WCS 2009). Rappelons par ailleurs que la certification est valable 5 ans. Les enjeux sociaux et environnementaux des projets validés ou en cours de certi-fication sont très variables d’un projet à l’autre. Certains ont explicitement recours aux CCBs dans l’attente de la possibilité d’une validation auprès du VCS et parce que c’est l’un des seuls standards qui certifient effectivement des projets aujourd’hui (janvier 2010). Pour les développeurs, c’est surtout une bonne manière d’appro-cher les investisseurs (parfois eux-mêmes financeurs du CCBA, comme Hyundai) et d’obtenir du financement anticipé sur le projet. Une enquête menée par Ecosecurities en 2009 montre que :- Pour 27 % des 216 compagnies interrogées, il est très souhaitable que les

crédits qu’ils achètent soient doublement certifiés par la CCBA (c’est-à-dire qu’ils soient certifiés par la CCBA, mais aussi par un autre standard du type VCS). Pour 19 %, c’est souhaitable. En comparaison, pour seulement 8 % des compagnies, la seule certification CCBA est très souhaitable et pour 22 % elle est souhaitable.

- Sur 77 compagnies interrogées dans le monde, 23 % ne sont pas prêtes à payer un surplus pour un crédit certifié par la CCBA en plus d’être certifié par un autre standard, 19 % sont prêtes à payer 1€ de plus, 27 % sont prêtes à payer 2 à 3 € de plus par crédit, 17 % sont prêtes à payer 4 à 5 € supplémentaires et 13 % sont prêtes à payer plus de 6 € supplémentaires (figure 5.d).

Il faut noter que pour cette enquête, seul les standards de la CCBA (partenaire de l’enquête) sont explicitement mentionnés comme standard de certification des bénéfices sociaux et environnementaux. Ni Social Carbon, ni Plan Vivo ne font partie des réponses possibles.

Figure 5.d - Ce que les entreprises sont prêtes à payer pour un crédit doublement certifié par CCBA (Ecosecurities, 2009)

0%

Total

Key

n = sample size No premium

n = 77

n = 28

n = 32

n = 17

n = 18

Price premium for carbon credits from projects also certified under the CCB standard

23 19 27 17 13

21 21 32 21 4

22 16 28 22 13

29 24 18 29

11 39 39 6 6

North America

Europe

Rest of the World

Carbon companies

10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90% 100%

US$ 1 more US$ 2-3 more US$ 4-5 more > US$ 6 more

115redd+ à l’échelle projet - Guide d’évaluation et de développement

3.2 - Le Social Carbon

• Présentation généraleTout comme les standards de la CCBA, le standard Social Carbon ne délivre pas de crédits carbone.

Il s’agit d’un standard complémentaire qui permet de garantir que des crédits ont été générés par des projets qui contribuent significativement au développement durable. The Social CarbonTM est une marque déposée nationalement (au Brésil) et internationalement qui peut-être apposée aux crédits qui sont générés par des projets certifiés auprès du standard Social Carbon.

Le concept Social Carbon a été pensé dès 1998 par l’ONG Brésilienne Instituto Ecológica, lors de la mise en œuvre d’un projet de séquestration de carbone sur Bananal Island au Brésil. En 2000, une méthodologie a été extraite du projet. Elle permet d’identifier des indicateurs d’évaluation de la situation sociale et en-vironnementale d’une zone de projet, tout en encourageant la connaissance et le savoir, en renforçant les relations sociales et la création de revenus générés du-rablement et en accord avec l’environnement et les communautés. Depuis 2000, l’approche Social Carbon a été améliorée, grâce aux évaluations faites lors de son utilisation dans une série de projets environnementaux.

La première version du Standard Social Carbon date de mai 2008. Après intégration des commentaires, une deuxième version a été éditée en juin 2008. En mai 2009, les requis pour la vérification des réductions d’émission ont été exclus et Social Carbon est devenu un standard complémentaire qui se concentre uniquement sur les co-bénéfices des projets de compensation carbone. En août 2009, après quelques modifications de forme, la 4e version a été ouverte à commentaires publics.

Outre les différentes versions du standard, plusieurs documents ont été publiés et sont disponibles au téléchargement sur Internet : - En 2003 était publié le livre Social Carbon 27 qui revient sur le concept Social

Carbon dans les projets de carbone forestier, sur les bénéfices aux commu-nautés et sur la méthodologie.

http://www.socialcarbon.org/Guidelines/Files/Social_Carbon_book_en.pdf - En 2003 également et en parallèle de ce livre, on trouve une liste d’indicateurs

dédiés aux projets http://www.socialcarbon.org/Guidelines/Files/Indicadores CSFlorestalv01_CM_06-11-08_english.pdf

- En 2009, un guide a été publié à destination des développeurs qui souhaitent certifier doublement leur projet, sous les standards du VCS et de Social Carbon.

http://www.carbonpositive.net/fetchfile.aspx?fileID=168

En 2008, un registre des crédits labellisés Social Carbon a été créé. On y compte 35 projets qui ont généré des crédits, qui sont en cours d’enregistrement ou actifs 28. Tous sont des projets de type énergétique (substitution, production d’éner-gie renouvelable, etc.) et se trouvent au Brésil.

27. Instituto Ecoógica (2003) Social Carbon, Adding Value to Sustainable Development. Editora Peirópolis, São Paulo, Brésil. 28. http://www.socialcarbon.org/TZ1/

Chapitre 5 – recommandations pour la composante redd+ socio environnementale

116

Indépendamment de ce registre, nous avons identifié 4 projets forestiers qui utilisent ou mettent en avant la méthodologie Social Carbon (voir encadré 5.2). Il en existe certainement d’autres qui ne vise pas nécessairement la certification par Social Car-bon, mais qui en utilisent la méthodologie.

Le fait que peu de projets forestiers soient certifiés par le Social Carbon (c’est parti-culièrement vrai pour les projets REDD+), s’explique par le fait que c’est un standard complémentaire qui ne certifie que des projets déjà certifiés par un standard qui permet de générer des crédits (par exemple le VCS). Or, il n’existe à ce jour aucun projet REDD+ certifié par un standard autre que le CCBs, lesquels sont considérés par Social Carbon comme un standard complémentaire.

• Le Standard Social CarbonRappelons que si la méthodologie Social Carbon est disponible sur Internet, les développeurs qui veulent certifier un projet et utiliser la marque déposée, doivent passer par une organisation accréditée. Ils peuvent en contracter une 29, ou obtenir eux-mêmes l’accréditation (voir encadré 5.3).

Pour être certifié par le standard Social Carbon, un projet de compensation carbone doit satisfaire 5 critères : 1. Son éligibilité à un autre standard : en qualité de standard additionnel,

Social Carbon n’a pas fixé de critères d’éligibilité en matière de type de projet, de période d’accréditation, de scénario de référence et de méthodologies de monitoring. Les projets doivent démontrer qu’ils répondent aux critères d’éligibilité d’un autre standard de certification des réductions d’émission (par exemple le VCS) et que le PDD a été validé puis vérifié par une entité indépendante 30.

2. L’utilisation de la Méthodologie Social Carbon a. La Méthodologie doit être utilisée par une organisation accréditée

Encadré 5.2 - Liste des projets forestiers qui utilisent la méthodologie Social Carbon (Sources diverses)

Nom Pays Type

Reforestation with native commercial species on degraded lands for timber and carbon Pérou AR

Sao Francisco Forest Project (anciennement Genesis Forest Project) Brésil AR et REDD

The International Small Group and Tree Planting Program (TIST) Inde AR

Reforestation of degraded grasslands in Uchindle & Mapanda Tanzanie AR

29. La liste des organisations accréditées est disponible à l’adresse suivante : http://www.socialcarbon.org/Partners/Organizations/

30. En janvier 2010, la liste des standards acceptés n’était pas encore disponible sur le site, cf. http://www.socialcarbon.org/Guidelines/

117redd+ à l’échelle projet - Guide d’évaluation et de développement

b. Les indicateurs doivent être fixés et utilisés de manière à détailler les prin-cipaux bénéfices et impacts d’un projet pour les 6 ressources listées par la méthodologie.

c. Les nouveaux indicateurs ou les indicateurs révisés doivent au préalable être soumis à validation auprès de l’équipe Social Carbon.

d. Les données utilisées pour quantifier les indicateurs doivent avoir été collec-tées via des interviews, des questionnaires ou des réunions avec les acteurs du projet.

e. T outes les informations doivent être compilées dans un rapport Social Car-bon (SCR) dont le modèle est disponible sur le site Internet du standard.

3. Le monitoring : a. Le projet doit être périodiquement contrôlé et chaque session de monito-

ring doit faire l’objet d’un rapport. b. Un monitoring annuel est recommandé mais peut-être espacé pour coller

avec la périodicité des sessions de vérification des réductions d’émission. c. Le premier Rapport Social Carbon est dénommé Point Zéro. Il est idéale-

ment produit avant la mise en œuvre du projet et sert de référence à laquelle les rapports ultérieurs seront comparés.

4. L’amélioration continue de la performance du projet : a. À chacune des sessions de monitoring, le développeur doit démontrer qu’il

fait des efforts d’amélioration par rapport à la session précédente. Il doit prouver qu’une partie au moins de ces efforts est mise en œuvre.

b. Aucun projet ne sera validé s’il présente une baisse de la performance sur une ressource, pendant deux sessions consécutives d’amélioration.

c. Le critère d’amélioration continu est uniquement appliqué après la première commercialisation des crédits labellisés (pas lors du diagnostic initial).

5. La validation des rapports Social Carbon par une entité de certification : a. La validation se fonde sur le rapport Social Carbon qui doit répondre aux

critères du standard. b. Cette validation comprend une visite de terrain pour collecter des informa-

tions et des preuves. c. Au terme de la validation, l’entité de certification doit produire un rapport de

validation ou de vérification. d. La validation du rapport peut être menée conjointement à la validation du

PDD, si les deux documents sont disponibles en même temps et si l’entité de certification en a les compétences techniques.

Encadré 5.3 - Devenir une organisation accréditée par Social Carbon

Pour devenir une organisation accréditée, le développeur doit obtenir un certificat d’accréditation qui lui permettra d’élaborer de nouveaux indicateurs valables pour leurs propres projets ou pour d’autres projets. Le certificat d’accréditation s’obtient en :1. Déposant auprès d’Instituto Ecológica, une candidature signée pour l’accord

d’accréditation ;2. Démontrant sa capacité en appliquant la méthodologie Social Carbon sur un projet

pilote sous la supervision d’Instituto Ecológica.Source : http://www.socialcarbon.org/Guidelines/Files/New/SOCIALCARBON_STANDARD.pdf, p.13

Chapitre 5 – recommandations pour la composante redd+ socio environnementale

118

• La méthodologie Social CarbonL’objectif de la méthodologie Social Carbon est de permettre de mesurer de manière transparente, les gains sociaux d’un projet. Elle consiste en : - 8 lignes directrices générales sur la manière d’entreprendre l’initiative avec

les acteurs locaux : 1. elle doit être centrée sur la perception des acteurs locaux ; 2. elle doit valoriser le potentiel et le recours à la population locale ; 3. elle doit être participative, holistique, dynamique et souple ; 4. elle doit traiter des aspects locaux et mondiaux ; 5. elle doit encourager l’analyse des écosystèmes locaux et de leur poten-

tiel en biodiversité ; 6. elle doit encourager la résolution des problèmes et la recherche de la

durabilité ; 7. elle doit tendre à l’inclusion sociale et reconnaître la question des genres

et de toutes les formes de différence sociale ; 8. elle doit prendre en compte les relations de pouvoir existante et le

contexte politique. - Un cadre conceptuel basé sur l’approche dite Sustainable Livelihood Approach

et qui considère 6 ressources de base : 1. Ressources sociales (réseaux professionnels, relations sociales,

confiance, affiliations, associations etc.) 2. Ressources humaines (compétences, savoir, capacité de travail et

bonne santé de la population, etc.) 3. Ressources financières (capital initial, liquidité, crédits/dettes, biens

économiques disponibles, etc.) 4. Ressources naturelles (sol, eau, air, services environnementaux, etc.) 5. Ressources en biodiversité (nombre et intégrité des espèces, utilisation,

menaces, endémicité, etc.) 6. Ressources en carbone (type de projet carbone, méthodologie utilisée,

performance carbone, etc.) - Des indicateurs qui sont développés pour chacune de ces ressources et fixés

pour détailler les bénéfices et les impacts d’un projet carbone. Pour permettre de quantifier la réponse d’un projet à un indicateur, ces derniers sont décli-nés en plusieurs scénarios allant du pire au meilleur (voir un exemple dans le Tableau 5.2).

- Une représentation graphique en hexagone des résultats pour rendre compte du niveau d’accès à chacune des 6 ressources (figure 5.e). Le centre de l’hexagone représente le niveau zéro de l’accès aux ressources tandis que les frontières extérieures représentent le niveau maximal de l’accès aux diffé-rentes ressources.

- Une collecte des données par des méthodes participatives (interviews, ques-tionnaires et réunions).

• Le suivi de la performance sociale d’un projetL’un des principaux avantages de la méthodologie Social Carbon est qu’elle permet de suivre au cours du temps, la performance sociale d’un projet. À chaque session de monitoring, le développeur collecte les informations né-cessaires pour identifier, par indicateur, le scénario le plus proche de la situation. Cela lui permet d’obtenir un résultat quantifié et comparable d’une année sur

119redd+ à l’échelle projet - Guide d’évaluation et de développement

l’autre. Dans la Figure 5.e, les lignes de couleur représentent les résultats d’un projet pour 5 sessions de monitoring en plus du diagnostic initial (Point Zéro).

• Quand et pourquoi utiliser le standard Social Carbon ?Il existe deux manières d’utiliser Social Carbon :- On peut se référer à l’approche métho-

dologique qui indique la marche à suivre pour diagnostiquer et suivre la perfor-mance sociale de son projet. Dans ce cas, il faudra veiller à choisir des indica-teurs adaptés au projet et à bien collec-ter les données nécessaires.

- On peut soumettre le projet au standard, ce qui nécessite de faire appel à une organisation accréditée ou d’obtenir soi-même l’accréditation.

Dans tous les cas, il faudra garder à l’esprit que Social Carbon ne fournit aucun outil méthodologique pour quantifier les réductions d’émission. Il est donc néces-saire de faire appel à un autre standard ou outil méthodologique. Social Carbon encourage l’utilisation conjointe des standards VCS et Social Carbon et rappelle que CCBs et Social Carbon ne sont pas redondants. Une double certification CCBs et Social Carbon est envisageable (c’est par exemple ce que souhaite faire le Genesis Forest Project, voir étude de cas en annexe 4).

Dans la mesure du possible et pour bien identifier les impacts du projet, il faudra engager un diagnostic initial (Point Zéro) avant la mise en œuvre du projet. Cela étant dit, le standard Social carbon peut être utilisé à n’importe quel moment du projet ; entendu que le scénario de référence sera le moment du premier diagnostic. Il est fondamental d’inscrire la démarche Social Carbon dans le calendrier de vali-dation du projet.

Tableau 5.2 - Exemple du gradient pour l’indicateur « Ressources financières - Commerce rural » (Source : SCM, 2003)

Scénario 1 Scénario 2 Scénario 3 Scénario 4 Scénario 5 Scénario 6

Si production agricole, pas de commerce.

Très faible production agricole et quasiment pas de commerce. Produits consommés par les producteurs.

Rendements agricoles bas et commerciali-sation d’une partie des produits.

Production et commer-cialisation des produits agricoles.

Production et commerciali-sation des produits agricoles avec sécurité alimentaire garantie.

Commercia-lisation de la production agricole comme source de revenus fiable et régulière.

Social

Human

Point Zero

Natural

Biodiversity

0123456

Financial

Carbon

Point 01Point 02Point 03Point 04Point 05

Figure 5.e - L’index de performance d’un projet au fil des années

Chapitre 5 – recommandations pour la composante redd+ socio environnementale

120

Encadré 5.4 – Le manque de clarté terminologique de Social Carbon

L’appellation Social Carbon est utilisée à multiples intentions. La dernière version du Standard est par exemple criblée de SOCIALCARBON®, SOCIALCARBON Indicators, SOCIALCARBON Methodology (SCM), SOCIALCARBON Registry, SOCIALCARBON Standard, SOCIALCARBON Indicators, SOCIALCARBON Concept, SOCIALCARBON diagnosis, reports, team etc. Malgré le glossaire, il n’est pas toujours évident d’éviter la confusion et de comprendre exactement à quoi ou à qui il est fait référence. Parmi les clarifications terminologiques, Il paraît important de noter que : • Le Standard est une série de 5 critères ; l’utilisation de la méthodologie Social Carbon étant un des critères du Standard. • La méthodologie est un processus que les développeurs peuvent utiliser librement. Il consiste essentiellement à identifier des indicateurs, à diagnostiquer régulièrement un projet vis-à-vis de ces indicateurs et à illustrer l’état du projet en un diagramme hexagonal. • La méthodologie est libre d’accès et tous les développeurs peuvent l’utiliser. Cepen-dant, pour pouvoir certifier des crédits et utiliser la marque déposée, la méthodologie doit avoir été utilisée par une organisation accréditée, puis être validée par une entité de certi-fication. • Une organisation est accréditée par l’équipe Social Carbon (Instituto Ecológica) en suivant une certaine procédure. Tandis qu’une entité de certification est une entité indé-pendante de type DOE qui est qualifiée pour certifier les projets (par exemple, en janvier 2010, BUREAU VERITAS CERTIFICATION et TÜV-Nor - http://www.socialcarbon.org/Partners/Entities/). Une organisation accréditée va produire les rapports Social Carbon tandis que l’entité de certification va les valider. • Le site www.socialcarbon.org est bien le site du Standard sur lequel on trouvera les documents explicatifs de la méthodologie. Tandis que le site www.socialcarbon.com est le site de Social Carbon Company, un cabinet de consultant développé par Instituto Ecológica (le fondateur de la méthodologie) en partenariat avec CantorCO2e. Social Carbon Company (SCC) est une organisation accréditée pour utiliser la méthodologie Social Carbon. • L’équipe Social Carbon à proprement parler est constituée de membres de l’ONG Insti-tuto Ecológica. Elle est en charge du registre, du développement des procédures et des outils méthodologiques, et de la délivrance de certificat d’accréditation à d’autres organisations. • La marque SOCIALCARBON® est le label apposé aux crédits qui a été déposé par Instituto Ecológica, lequel en a aujourd’hui la propriété.

Encadré 5.5 - La double certification VCS, Social Carbon sur les marchés du carbone

Dans un guide dédié, Social Carbon rappelle que les deux standards sont complémen-taires. Sur le marché, les VCUs se vendent en moyenne 30 % plus chers lorsqu’ils sont certifiés par Social Carbon (il s’agit de crédits générés par des projets énergétiques). Fort de sa réputation d’être un standard flexible et dynamique (les indicateurs s’adaptent aux projets), les VCUs certifiés Social Carbon ont gagné une part considérable du marché puisqu’il sont passés de 1 % des crédits échangés en 2008 sur le marché international à 26 % en 2009. Source : http://www.carbonpositive.net/fetchfile.aspx?fileID=168

121redd+ à l’échelle projet - Guide d’évaluation et de développement

- Il sera moins coûteux de procéder à la validation du rapport initial Social Carbon (puis des rapports périodiques) en même temps que la validation du PDD.

- Les données qui doivent être collectées pour le diagnostic initial pourront être utilisées pour compléter le PDD.

- Instituto Ecológica, le développeur du Genesis Forest Project au Brésil (voir étude de cas) et le fondateur de la méthodologie Social Carbon, nous indiquait qu’il est important de ne pas démarrer trop tôt la collecte des données pour ne pas éveiller auprès des communautés locales, des espoirs qui devront attendre longtemps pour se réaliser.

3.3 - Plan Vivo

• Présentation généraleÀ l’inverse des standards Social Carbon et CCBs, le stan-dard Plan Vivo n’est pas un standard complémentaire. C’est un standard à part entière qui permet, à des projets au profil très spécifique, de générer des VERs appelés les certificats Plan Vivo. Un certificat correspond à une tonne de CO2 séquestrée ou non émise grâce à la mise en œuvre d’un projet d’utilisation des terres par les commu-nautés. Outre les nombreux critères d’éligibilité, la spéci-ficité du standard Plan Vivo est d’aborder les activités de séquestration et de stockage du carbone sous l’angle du Paiement pour Services Environnemental (PSE) et d’assurer que les paiements vont directement aux pro-ducteurs qui changent leurs pratiques. Les projets Plan Vivo ont pour ambition de changer la dynamique d’utilisation des terres sur la zone et sur le long terme, et d’encourager le passage à des pratiques durables et plus rémunératrices pour les producteurs. Dans ce cadre, la déforestation évitée est rarement considérée comme une activité unique, mais souvent intégrée aux plans d’aménagement d’une zone qui, selon la condition initiale du terrain, cumulent plusieurs activités productrices (boisement, reboisement, implantation de système agroforestiers ou sylvopastoraux, etc.). Les Plan Vivo sont les plans d’aménagement sur les-quels les producteurs locaux s’engagent, en contrepartie de quoi, ils passent des accords de vente avec le coordinateur du projet pour les certificats générés (encadré 5.6).

Encadré 5.6 - Qu’est-ce qu’un Plan Vivo?

Au-delà de l’appellation des standards, du système et de la fondation, un Plan Vivo est un plan vital ou vivant (living plan). C’est-à-dire un plan d’aménagement élaboré par un producteur pour gérer sa terre, sur le long terme. Les Plan Vivos intègrent la séquestration de carbone ou la réduction des émissions comme des activités économiques financées par la vente de certificats Plan Vivo.

Source : Plan Vivo Standards, 2008

Chapitre 5 – recommandations pour la composante redd+ socio environnementale

122

Outre le standard, le Système Plan Vivo comprend un registre, un processus admi-nistratif (notamment la gestion d’un registre), des outils techniques et des guides. Il a été conçu et développé en 1994 dans le cadre d’un projet de recherche financé par la DFID dans la région du Chiapas au Mexique : le projet de reforestation Scolel Te. En 2002, l’un des leaders du projet (le Edinburgh Centre for Carbon Management – ECCM) a transformé Plan Vivo en une association indépendante appelée BioClimate Research and Development (BR&D) qui a été dissolue en 2008 et dont les activités ont été transférées à la Fondation Plan Vivo. Aujourd’hui, le Système Plan Vivo est entièrement géré par la Fondation homonyme.Plusieurs versions des standards Plan Vivo ont été publiées en 2008. La dernière en date (octobre) est téléchargeable sur le site (http://www.planvivo.org/documents/standards.pdf). Depuis 2009, un registre est également disponible et partiellement libre d’accès, via le site Market Environmental Registry (http://www.tz1registry.com/).

Fin janvier 2010, 4 projets avaient été validés par les standards (Encadré 5.7) et 3 étaient en cours de validation 31. On compte trois projets certifiés qui développent des activités de déforestation évitée ou de conservation forestière.

Un certain nombre de documents techniques sont disponibles sur le site Internet de Plan vivo. Il s’agit des Spécifications Techniques, c’est-à-dire des méthodologies développées par un projet pour calculer les crédits carbone que l’activité permet de générer, pour gérer et contrôler les activités, pour analyser et réduire les risques de non additionnalité, de fuite et de non permanence, pour évaluer les impacts socio-économiques et environnementaux des projets. Pour les projets de déforestation évitée et de conservation, on notera les documents suivants : - Forest management and conservation (tropical lowland humid forest) rédigé par

AMBIO pour le projet Scolel Te au Mexique et approuvé par Plan Vivo en 2007. http://planvivo.org.34spreview.com/wp-content/uploads/forest_management1.pdf - Avoiding Unplanned Mosaic Deforestation and Degradation in Malawi rédigé

par Malawi Environmental Endowment Trust et soumis à Plan Vivo en 2009. http://planvivo.org.34spreview.com/wp-content/uploads/TS-MAL-AUMDD-V1.0.pdf - Conservation of Miombo Woodland in Mozambique rédigé par Envirotrade

pour le projet Sofala et soumis à Plan Vivo en 2009. http://planvivo.org.34spreview.com/wp-content/uploads/MOZavoided-defores

tation-technical-specification.pdf

Encadré 5.7- Liste des projets Plan Vivo (source : www.planvivo.org)

Nom Pays Activités

• Trees for Global Benefits Ouganda Boisement/reboisement, agroforesterie

• Sofala Community Carbon MozambiqueAgroforesterie, Déforestation évitée, Conservation

• Scolel Te MexiqueBoisement/reboisement, agroforesterie, conservation, restauration

• Nyika and Mkuwazi Forest Conservation Malawi Déforestation évitée, conservation

31. http://www.planvivo.org/?page_id=87

123redd+ à l’échelle projet - Guide d’évaluation et de développement

•Les conditions d’éligibilitéPour être éligible aux standards Plan Vivo, un projet doit répondre à un certain nombre de critère initiaux qui concernent les activités, les participants, la coordina-tion du projet, les types de terrain, la date de démarrage du projet. (Tableau 5.3)

Tableau 5.3 - Les critères d’éligibilité au standard Plan Vivo (source : Plan Vivo, 2008)

Critères Éligibilité

Les activités

• Agroforesterie et Boisement (petites exploitations forestières, plantations de fruits ou de bois de feu, etc.).

• Restauration et reboisement d’écosystèmes dégradés ou abîmés.• Conservation et déforestation évitée pour des forêts ou de bois menacés et

pour lesquels la menace est réelle, crédible et prouvée. • Toutes les activités doivent se limiter à l’utilisation d’espèce natives ou

naturalisées (non invasives) et promouvoir la restauration ou la protection d’écosystèmes natifs.

Les participants

• Les participants sont des petits agriculteurs, dépendants et utilisateurs de la forêt dans un pays en voie de développement.

• Ils sont membres d’une organisation ou ont formé des organisations ou des groupes tels que des coopératives, des associations, etc.

• Ils ne dépendent pas structurellement et de manière permanente d’un travail salarié et peuvent exploiter leurs terres seuls ou avec leurs familles.

Le coordinateur

• Le projet est géré par un coordinateur qui recrute les producteurs (participants), coordonne la formation, supervise les aspects techniques, mène le monitoring des activités, coordonne la vente du carbone et rend compte annuellement des activités de projet à la Fondation Plan Vivo.

• Le coordinateur est une ONG qui connaît les groupes locaux et idéalement, qui a déjà travaillé avec les producteurs.

• Les organisations éligibles sont les ONG environnementales locales, nationales ou internationales, les fonds indépendants ou les compagnies non soumises à résultats (NFPCs) spécialement créés.

Les terrains

• Les terrains sur lesquels les producteurs ont un droit de propriété ou d’usage de longue durée.

• Absence de conflit relatif à la propriété ou à l’utilisation qui pourrait menacer la mise en œuvre et la viabilité du projet sur le long terme.

• Les terrains éligibles sont : les terrains possédés par des petits propriétaires ou les terrains agricoles loués ; les terrains possédés par les communautés ; les terrains pour lesquels les communautés ont un droit reconnu d’utilisation.

La rétroactivité• Un projet qui obtient la certification alors que les activités ont déjà été

mises en œuvre ne pourra pas valoriser rétroactivement les bénéfices carbone.

Chapitre 5 – recommandations pour la composante redd+ socio environnementale

124

• Le développement du projet et le processus de certificationUn projet Plan Vivo génère des certificats après chaque session de vérification. Au préalable, le projet doit avoir été validé et enregistré. Le processus se déroule en 4 étapes (Tableau 5.4).

Tableau 5.4 - Le processus de certification d’un projet Plan Vivo (source : Plan Vivo, 2008)

Pour être certifié, le projet doit répondre aux critères du standard qui couvrent 4 thèmes principaux : - L’effectivité et la transparence de la gouvernance du projet (gouvernance

technique, sociale et administrative) - Les bénéfices carbone - Les bénéfices sur les écosystèmes - Les bénéfices socio-économiques (livelihoods benefits)

Chaque thème couvre plusieurs critères auxquels correspondent des indicateurs de validation ou de vérification.

• Quand et pourquoi utiliser Plan Vivo?Le standard Plan Vivo a été conçu pour les projets d’utilisation des terres gérés par et pour les communautés. Il concerne donc essentiellement les projets qui souhaitent mettre en place un mécanisme de Paiement pour Service Environ-

Phases Étapes Résultats

1. La conceptualisation • Élaboration d’une PIN• Évaluation et enregistrement de la PIN

La PIN est enregistrée et mise en ligne sur le site

2. L’élaboration

• Élaboration des spécifications techniques et du PDD par le coordinateur et les partenaires du projet

• Approbation des spécifications tech-niques et du PDD par le panel d’experts techniques de la fondation Plan Vivo

Le PDD et les spécifications techniques sont approuvés

3. L’enregistrement

• Validation du projet après une visite de terrain par Plan Vivo ou un expert nommé par Plan Vivo

• Enregistrement du projet Plan Vivo, revue du PDD, des spécifications techniques et du rapport de validation

Rapport de validation et enregistrement du projet comme susceptible de vendre du crédit (mise en ligne)

4. La phase active

• Rapportage annuel après évaluations in situ et monitoring

• Émission de certificats • Vérification par une partie indépendante

choisie par le coordinateur et approuvée par la fondation.

Certificats qui confirment aux acheteurs que le service environnemental est bien rendu

125redd+ à l’échelle projet - Guide d’évaluation et de développement

nemental auprès des communautés forestières. C’est un standard très exigeant qu’il est préférable d’envisager avant le début de la mise en œuvre des activités pour s’assurer de bien répondre aux critères et parce que la rétroactivité n’est pas possible.

Le standard Plan Vivo a par ailleurs la spécificité de ne pas proposer ou imposer de méthodologie carbone mais de demander à chaque projet de développer sa propre méthodologie. Cela en fait un standard très souple et permet d’avoir des méthodo-logies adaptées aux projets. Mais cette approche augmente généralement le travail, les compétences et l’argent requis pour l’élaboration du projet.

C’est un standard très exigeant sur les aspects économiques et sociaux et qui garantit des projets communautaires fiables. Au-delà du fait qu’il exige des projets centrés autour du développement économique des producteurs locaux, il détaille cependant peu la question des co-bénéfices.

Enfin, c’est un standard qui reste assez intimiste et qui a du mal à trouver sa place sur les marchés du carbone (Lopes, 2009). Dans son enquête de 2009, Ecose-curities mentionne que Plan Vivo est le standard préféré du plus petit nombre des compagnies interrogées (11 %) et que cela s’explique essentiellement par le manque de compréhension du standard puisque 62 % de ces compagnies affirmaient ne pas être familières avec Plan Vivo. Ecosecurities rappelle par ailleurs que Plan Vivo, du fait de projets mis en œuvre sur des terrains de taille réduite, est le genre de standard qui intéresse les acheteurs de petites quantités de cré-dits et rarement les compagnies qui souhaitent compenser avec des quantités importantes.

3.4 - Les autres standards

• La prise en compte des impacts sociaux et environnementaux par les autres standards carbone

Outre les standards de la CCBA, de Social Carbon et de Plan Vivo et parmi les standards qui acceptent les projets REDD+, peu prennent en compte les impacts sociaux et environnementaux : - Le Voluntary Carbon Standard (VCS) est un standard de comptabilisation

carbone qui ne considère quasiment pas les co-bénéfices. À noter toutefois qu’un projet AFOLU ne pourra générer des VCUs que si les activités de projet n’ont pas d’impact négatif sur l’environnement et sur la situation socio-écono-mique locale. Le VCS exige que des mesures d’atténuation soient entreprises pour tout impact négatif significatif.

- L’American Carbon Registry accepte les projets REDD+ sur le territoire américain ou dans les pays hors Annexe 1 du Protocole de Kyoto. L’ACR requiert l’évaluation des impacts sociaux et environnementaux des projets et l’atténuation de tout impact négatif possible. ACR prendra pour preuve, sans l’exiger toutefois, la certification aux standards du FSC et/ou la confor-mité aux CCBs. Le développeur doit pouvoir décrire la situation sociale et environnementale sans le projet. Le registre renvoie aux outils listés par les

Chapitre 5 – recommandations pour la composante redd+ socio environnementale

126

CCBs pour identifier, évaluer et rendre compte des impacts sociaux et envi-ronnementaux. http://www.americancarbonregistry.org/carbon-accounting/ACR%20Forest%20Carbon%20Project%20Standard%20v1%20March%202009%20FINAL.pdf

- À noter que, contrairement à la version 2.1 en vigueur, la version révisée (version 3) du Protocole Forestier du California Climate Action Registry (CCAR) mentionne la conversion évitée et s’ouvre aux projets sur tout le terri-toire américain et éventuellement au Canada, au Mexique et au Brésil 32. Dans aucune des deux versions, il n’est fait mention des impacts sociaux et environne-mentaux des projets. http://www.climateregistry.org/resources/docs/protocols/project/forest/forest-revisions/draft-forest-project-protocol-december-2008.pdf

Encadré 5.8 – La prise en compte des impacts sociaux et environnementaux dans les projets MDP forestiers

Les PDD des projets de boisement et de reboisement doivent : - Décrire l’état environnemental et le contexte social initial de la zone du projet et

de la région environnante. - Détailler les impacts environnementaux des activités de projet dans et hors du

périmètre du projet et fournir des documents pour appuyer cette analyse. - Si aucun impact négatif n’est considéré comme significatif, le PDD doit fournir

la preuve qu’une évaluation des impacts a été conduite.

Source : Dickson et al. 2009

32. La version 3 du protocole est présentée comme une version en révision. Elle date de décembre 2008 et lors de notre dernière visite sur le site, aucune information n’était donnée sur le calendrier de validation de ce protocole. http://www.climateregistry.org/tools/protocols/industry-specific-protocols/forests.html

127redd+ à l’échelle projet - Guide d’évaluation et de développement

Chapitre 5 – recommandations pour la composante redd+ socio environnementale

Projet de reboisement du CGOS à Madagascar © ONFI

128

recommandations techniques pour la composante redd+ financière : L’évaluation financière et économique des projets redd+

Chapitre 6

129redd+ à l’échelle projet - Guide d’évaluation et de développement

Qu’est-ce qu’une analyse financière et économique ?

• L’analyse financière conditionne la réalisation du projet. Elle constitue une métho-dologie standard pour évaluer ex-ante sa viabilité et sa rentabilité et est effectuée pour un acteur (ou un groupe d’acteurs) pris individuellement. Il est nécessaire de mener son évaluation financière de manière exhaustive et objective, pour permettre de porter un jugement irréfutable sur la valeur ajoutée du projet.

• L’analyse financière se déroule en 3 étapes qui doivent être rigoureusement dévelop-pées puis intégrées dans un cadre d’analyse synthétique. Chaque composante est indispensable à la crédibilité de l’évaluation et permet d’éviter les conclusions biaisées.

• Le développement d’un modèle de projet permet d’introduire les facteurs élémentaires du projet, comme ses coûts et ses recettes, ainsi que leur étalement dans le temps. C’est une étape fondamentale, notamment parce que les phénomènes de sur- ou de sous- évaluation qui surviennent lorsque de mauvaises hypothèses sont formulées, sont très dommageables à la réa-lisation et à la crédibilité de ce dernier.

• L’analyse des indicateurs financiers permet d’établir un premier jugement quant à la faisabilité financière du projet. Elle s’appuie sur des critères et des indicateurs de rentabilité propres à l’analyse financière (la Valeur Actuelle Nette, Le Taux de Rentabilité Interne, La Valeur Annuelle Equivalente).

• L’analyse de sensibilité vient dans un troisième temps, si les indicateurs préalablement cités établissent la viabilité financière du projet. L’objectif est d’identifier parmi les hypothèses formulées pour l’analyse financières, celles qui ont un impact significatif sur les résultats financiers du projet et qui de-vront donc éventuellement être améliorées ou sécurisées.

• Dans la quasi-totalité des projets REDD+, la valeur ajoutée ne se limite pas aux flux carbone générés. Elle englobe d’autres bénéfices plus ou mois chiffrables, dont cer-tains pourront faire l’objet d’un investissement propre. S’ils sont chiffrables, ils de-vront être intégrés dans l’analyse financière. S’ils ne sont pas chiffrables, ils seront intégrés dans l’analyse économique.

• L’analyse d’efficacité économique s’intéresse aussi à la rentabilité du projet, mais il s’agit alors d’une rentabilité globale. Cette dernière ne se limite pas aux flux finan-ciers et au point de vue de l’investisseur, mais considère l’ensemble des bénéfices, pour l’ensemble de la société. L’analyse économique utilise les résultats de l’analyse financière et vient donc après celle-ci.

L’outil technique dédié à l’évaluation financière des projets REDD+ revient sur les étapes qui suivent : 1. Définir le modèle de son projet 2. Évaluer la faisabilité financière et analyser l’efficacité économique 3. Financer son projet

en quelques mots…

Projet puits de carbone Peugeot au Brésil © Antônio Carvalho de Freitas, ONFI

130

Définir le modèle de son projet

1.1 - Identifier et analyser les recettes d’un projet REDD+

• Estimer les recettesLes projets REDD+ génèrent deux types de bénéfices : - les bénéfices qui font l’objet de flux réels et que nous appellerons recettes, - les bénéfices qui ne génèrent pas de flux réels et que nous appellerons

co-bénéfices. Dans l’analyse financière, seules les recettes sont prises en compte. Les co-bénéfices seront intégrés ultérieurement à l’évaluation, via l’analyse dite économique du projet.

Les projets REDD+ visent directe-ment l’obtention d’unités de car-bone négociables qui sont donc le principal revenu imputable à ces projets. Estimer ex-ante les émis-sions évitées par un projet REDD+ revient à comparer un scénario de déforestation et d’émissions de CO2 associées, sans le projet (dit scéna-rio de référence), avec un scénario de déforestation et d’émissions de CO2 associées, avec le projet (dit scénario projet). La différence entre les deux scénarios donne la déforestation et les émissions évitées par le projet (voir figure 6.a) 33, exprimées généralement en tonnes d’équivalent CO2 (tCO2e).

L’estimation ex-ante des émissions évitées est un élément essentiel qui condi-tionne la viabilité du projet. Un projet dont les bénéfices carbone sont sous- estimés réduit ses chances de trouver un investisseur faute d’une rentabilité apparente suffisante. Cependant, une surestimation des bénéfices carbone conduirait au financement de projets qui ne sont pas viables, tant au niveau climatique qu’au niveau financier.Afin de parvenir à estimer ex-ante de façon fiable les émissions évitées qui seront générées par un projet REDD+, il est important de déterminer au mieux les émis-sions du scénario de référence (voir chapitre 4 du présent guide) et les émissions du scénario de projet (voir chapitres 2 et 4).

• Ventiler les flux dans le tempsLe passage de la tonne évitée estimée au crédit échangeable se fait après vérifica-tion. Il est soumis au facteur temps, qui est pris en compte dans l’analyse à trois niveaux : 1. Par la durée du projet, qui doit être assez longue pour que les activités aient

le temps d’être efficaces et de dégager les bénéfices espérés. Elle détermine le début et la fin de la génération de revenus.

Scénario de projet

Scénario deréférence

Temps

Couv

ert F

ores

tier

Déforestationévitée (ha)

= Émissionsévitées (tCO2e)

Figure 6.a - Estimer les émissions évitées par un projet

1

33. Pour des détails sur l’établissement des deux scénarios, voir les méthodologies REDD+ et les cahpitres 2 et 4 du présent guide.

131redd+ à l’échelle projet - Guide d’évaluation et de développement

2. Par l’étalement réel des émissions évitées dans le temps (voir figure 6.a), et 3. Par la ventilation des flux dans le temps.

La ventilation des flux dépend du moment où l’on souhaite vendre les crédits, déci-sion qui revient bien entendu aux porteurs des projets et qui aura une incidence sur la valeur des crédits vendus. La validation des crédits se fait après vérification de ces derniers, puis soumission et validation d’un rapport de vérification. La vérification est nécessaire pour générer des crédits. En ce sens, elle est un élément déterminant de la ventilation des flux. Sa fréquence dépend du standard sélectionné (Encadré 6.1).

Encadré 6.1 - La fréquence de vérification selon les trois standards Plan Vivo, CCBs et VCS • Dans une stratégie d’atténuation du risque de non permanence, le standard Plan Vivo exige un monitoring annuel des émissions de GES évitées par le projet. Ce monitoring doit être soumis via un rapport et conditionne l’octroi de certificats Plan Vivo. • Les standards du CCBA ne permettent pas de générer des unités échan-geables, mais il certifie les projets pour une durée de 5 ans. La validation initiale se fait sur la base d’un PDD où doit figurer un plan de monitoring (à défaut l’engagement à dé-velopper un tel plan dans les 6 mois qui succèdent la validation du projet. Les validations ultérieures se feront sur la base des données fournies par le processus de monitoring des bénéfices climatiques, environnementaux et sociaux du projet. • Selon le VCS, l’octroi de crédits est conditionné par le contrôle et la validation des émissions évitée. La validation préalable du projet comprend par ailleurs la validation d’un plan de monitoring. Si rien n’oblige le développeur à vérifier son projet régulièrement après la 1re délivrance de VCUs, ce dernier est encouragé à la faire tous les 5 ans. Voir à ce sujet l’encadré sur le buffer de non permanence VCS (Encadré 6.3).

Il revient à chaque développeur – dans la limite de ce qui lui est imposé par le stan-dard – de déterminer la fréquence optimale des sessions de vérifications pour son projet. Cette fréquence optimale est issue d’un arbitrage entre le besoin de liquidité, le coût de la vérification, la valeur des crédits et le taux d’actualisation des revenus nets (voir plus loin).

Les flux réels de la recette carbone ne devront être intégrés dans l’analyse financière qu’au moment de leur génération, c’est-à-dire après la vérification des émissions évitées.

• Mettre en réserve une partie de ses recettes Comme tous les projets de valorisation de carbone forestier, les initiatives REDD+ souffrent des risques – plus ou moins intrinsèques – de non durabilité des stocks de carbone séquestrés dans la forêt.Les réductions d’émissions obtenues par un projet à un temps t de sa mise en œuvre risquent ainsi d’être à un moment ultérieur complètement ou partiellement annulées du fait d’accidents naturels (incendie, attaque phytosanitaire, évènements climatiques) ou de facteurs sociopolitiques (instabilité, changements politiques majeurs) sur lesquels les développeurs de projet n’ont aucune prise. Les crédits

Chapitre 6 – recommandations pour la composante redd+ financière

132

carbone générés par le projet au temps t ne seraient alors plus valables. On parle de risque de non-permanence.Ce risque a été traité au niveau du MDP pour les projets de boisement/reboisement par un système de crédits temporaires devant être remplacés tous les 5 ans (tCERs) ou à la fin du projet (lCERs).Sur le marché volontaire, certains standards dont le Voluntary Carbon Standard (VCS) proposent un système de buffer afin de traiter ce risque de non perma-nence 34. Appelé buffer de non permanence, le système suppose de soustraire une proportion des VCUs générés et de la déposer sur un fonds de réserve géré par un registre propre. Ce fonds de réserve fonctionne comme un dépôt de ga-rantie collectif. Tous les projets forestiers du monde qui sont certifiés par le label VCS y déposent une quantité de crédits, calculée en fonction des risques propres à chaque projet. Les crédits mis en réserve sont soigneusement inscrits dans un registre dédié et ne sont pas disponibles à la vente. Par soucis de clarté et dans le cadre du VCS, on parlera de « crédits buffer » par opposition aux VCUs générés.

Encadré 6.2 - Exemple des buffers de non-permanence attribués dans les études de cas

Oddar Meanchey, Cambodge .............................................................................. 20 %Kasigau, Kenya .............................................................................................. No bufferJuma, Brésil ......................................................................................................... 10 %Sofala, Mozambique ............................................................................................ 25 %

Le fonds de réserve ou buffer de non permanence est alimenté par les projets à chaque session de vérification et selon une analyse des risques effectuée à chacune de ces sessions. Dans son analyse financière, le développeur doit donc prévoir que sur l’ensemble des crédits générés, une partie sera mise en réserve et donc non disponible à la vente. Pour déterminer la quantité de crédits qui doit être mise en réserve, le standard VCS propose un outil d’analyse des risques 35, prédéfinissant 3 niveaux pour les projets REDD+ :

- Faible –> 10 % des crédits mis en réserve- Moyen –> 10 à 30 % des crédits mis en réserve - Elevé –> 20 à 40 % des crédits mis en réserve

Le système de buffer tel que décrit par le VCS est valable pour les projets REDD+ qui sont certifiés VCS. Il est parfois exigé par d’autres labels (CCX, ACR, CAR) dans son format VCS ou dans un format adapté. Dans une stratégie de gestion des risques à l’investissement, certains projets utilisent cette méthode en interne, utilisant ou non l’outil d’analyse des risques VCS pour quantifier la proportion de crédits qui doivent être mis en réserve (par exemple les 10 % de crédits mis sur un compte dédié par le projet Juma, voir l’étude de cas dédiée à ce projet en annexe 4).

34. http://www.v-c-s.org/docs/Tool%20for%20AFOLU%20Non-Permanence%20Risk%20Analysis%20and%20Buffer%20Determination.pdf

35. Op.Cit.

133redd+ à l’échelle projet - Guide d’évaluation et de développement

Encadré 6.3 - Le buffer de non permanence VCS

Si un projet P a évité d’émettre 100 tCo2e sur les 5 premières années de sa mise en œuvre et que l’analyse de risque préalablement effectuée a confirmé l’application d’un buffer de 30 %, alors sur les 100 tonnes évitées, 30 seront mises en réserve dans le buffer. Les 70 autres seront transformées en VCUs et rendues disponibles pour la vente. Une fois les premiers VCUs générés, il existe trois situations possibles pour le projet P : Situation 1. Une nouvelle session de vérification est engagée dans les 5 ans et

montre que, sur cette nouvelle période, le scénario de projet est plus émetteur que le scénario de référence (bilan climatique négatif).

Situation 2. Une nouvelle session de vérification est engagée dans les 5 ans et montre que le scénario de projet est moins émetteur que le scénario de référence (bilan positif) et qu’il lutte efficacement contre la non permanence.

Situation 3. Aucune session de vérification n’est conduite dans les 5 ans qui suivent la délivrance initiale de VCUs.

Dans la situation 1, aucun nouveau VCU ne sera généré, et une quantité de crédits buffer équivalente à la différence entre les deux scénarios sera annulée du fonds de réserve. Si dans les 5 ans qui suivent la délivrance initiale de VCUs, le projet P ne conduit aucune nouvelle vérification (situation 3), une quantité de crédits équivalente à 50 % du buffer de la période initiale sera annulée. Si la vérification n’est toujours pas faite dans les 10 ans, les 50 % restants de ces crédits buffer seront également annulés. Enfin, après 15 ans sans vérification, on considère que les VCUs déjà générés ne sont plus fiables. Dans ce cas, on annule dans le fonds de réserve collectif, une quantité de crédits mis en réserve équivalente à la quantité de VCUs préalablement générés (ici, 70 VCUs). Ni la situation 1, ni la situation 3 n’ont d’incidence sur les VCUs déjà délivrés, qui sont donc considérés comme permanents. Rien ne contraint le développeur à vérifier ultérieurement ses émissions. Il y est toutefois fortement encouragé. D’abord parce que s’il ne le fait pas, il ne génèrera pas de nouveaux VCUs, mais aussi parce que de nouvelles sessions de vérification peuvent lui permettre de récupérer une partie des crédits mis en réserve lors des vérifications précédentes. Cela se fait à deux niveaux et illustre la situation 2 : • Si lors d’une session de vérification B, la nouvelle analyse de risques montre que le projet a efficacement atténué ces derniers, le buffer appliqué ne sera plus de 30 % mais de 25 %. Le développeur pourra appliquer rétroactivement ce taux réajusté et - en plus des 75 VCUs générés pour la période B - récupérer une partie des crédits mis en réserve précédemment. Pour P, ce sont 5 crédits buffer (ou (100 x 30 %) – (100 x 25 %)) qui seront sortis du buffer et transformés en VCUs. • Outre cette réévaluation, si le développeur montre que les crédits générés préa-lablement se sont maintenus et que son projet lutte efficacement contre les risques (c’est-à-dire qu’une nouvelle analyse des risques montre une diminution de ces derniers), il peut récupérer 15 % des crédits jusqu’alors mis en réserve. Soit pour P et lors de la vérification B, 4.5 crédits buffer (ou 15 % x 30). • À noter également qu’un développeur pourra réclamer une partie des cré-dits annulés (situation 3) s’il soumet une vérification avant l’expiration de la période d’accréditation. À la fin du projet, les crédits enregistrés comme provenant du projet dans le registre et qui se trouvent encore sur la réserve, seront automatiquement éliminés du fonds.

Chapitre 6 – recommandations pour la composante redd+ financière

134

Encadré 6.4 - Étude d’un cas théorique simplifié : estimer les revenus générés par un projet REDD+

Dans le paysage REDD+ actuel, les données financières des projets sont souvent gardées confidentielles. Nous avons donc envisagé un cas théorique où 4 sessions de monitoring sont menées à fréquence quinquennale sur 20 ans.Selon l’hypothèse 1, on considère qu’à chacune de ces vérifications, l’analyse de risque a montré que les risques liés au projet ont été réduits efficacement. Ainsi, le taux du buffer est ajusté rétroactivement et 15 % des crédits buffer sont relâchés. Selon l’hypothèse 2, on considère à titre indicatif que le projet maintien un buffer à taux permanent et maximal sur toute la durée du projet et qu’il ne récupère aucun des crédits buffer.Le prix moyen appliqué est fixé pour toute la durée du projet à 6,3 US$/tCO2e ou 4,1€/tCO2e.

Durée de vie du projet (20 ans)

+ 1 an + 2 ans + 3 ans

Déforestation évitée annuelle (ha) 180 177 174

Émissions évitées brutes (tCO2e/an)* 72 000 70 800 69 600

Monitoring (sessions)

Hypo

thès

e 1

Buffer (%) 30 % 30 % 30 %

Nombre de crédits buffers 21 600 21 240 20 880

Solde 50 400 49 560 48 720

Cumul 50 400 99 960 148 680

Nombre de VCUs générés

Recettes (€)

Recettes cumulées (€)

Hypo

thès

e 2

Buffer (%) 30 % 30 % 30 %

Nombre de crédits buffers 21 600 21 240 20 880

Numbre de VCUs générés

Recettes (€)

Recettes cumulées (€)

* Calcul simplifié : il conviendrait également de soustraire les émissions liées aux activités du projet et aux fuites pour obtenir les émissions évitées.

** Pour les sessions B,C, D, les crédits sont calculés par rapport aux nouvelles émissions évitées, avec le buffer ajusté sur toutes les anciennes sessions de vérification et avec 15% de la somme des crédits buffer relâchés pour la vente.

135redd+ à l’échelle projet - Guide d’évaluation et de développement

Surface : 30'000 ha

Buffer : 30 %

Scénario de référence : 1,1 % de déforestation annuelle

Scénario de projet :0,5 % de déforestation annuelle les 5 premières années et 0,2 % les 15 années suivantes

Durée du projet : 20 ans

Stock de carbone moyen forêt : 130 tC/haEmissions de CO2 associées au changement d’usage =(130 – 20) x 44/12 = 400 tCO2e/haStock de carbone moyen usage

de remplacement :20 tC/ha

Durée de vie du projet (20 ans)

+ 4 ans + 5 ans + 6 ans+ 7 à

+ 10 ans+ 11 à

+ 15 ans+ 16 à

+ 20 ans

171 169 254 982 1156 1081

68 400 67 600 101 600 392 800 462 400 432 400

A B C D

30 % 30 % 25,5 % 25,5 % 21,68 % 18,42 %

20 520 20 280 30 480,0 100 164,0 100 248,32 79 648,08

47 880 47 320 71 120 292 636 362 152 352 752

196 560 243 880 315 000 607 636 969 788 1 322 540

243 880 395 112** 417 873,38** 412 977,72**

999 908 1 619 959 1 713 280,84 1 693 208,64

999 908 2 619 867 4 333 148,04 6 026 356,68

30 % 30 % 30 % 30 % 30 % 30 %

20 520 20 280 30 480 117 840 138 720 129 720

243 880 346 080 323 680 302 680

999 908 1 418 928 1 327 088 1 240 988

999 908 2 418 836 3 745 924 4 986 912

Chapitre 6 – recommandations pour la composante redd+ financière

136

Les projets qui adoptent la mise en réserve de crédits pour gérer le risque de non permanence, n’obtiendront les flux réels entrants qu’après déduction de ce pourcentage défini et à la fréquence déterminée par le plan de monitoring. À cette étape, les flux sont encore exprimés en nombre d’unités de carbone échangeables auxquelles il faut attribuer une valeur financière.

• Attribuer une valeur aux crédits générésLe prix des crédits carbone est une hypothèse déterminante pour la viabilité financière du projet. Il dépend en principe et surtout: - De la nature même des unités (VCUs, certificats Plan Vivo, etc.), - De la fluctuation des prix de l’unité sur les marchés - Des risques associés à la délivrance des crédits.

Il existe plusieurs rapports annuels qui rendent compte des prix pratiqués sur les marchés du carbone, notamment sur les marchés forestiers, et qui donnent une idée de leur forte variabilité 36. Si ces rapports donnent une indication intéressante pour les projets forestiers, pour les projets REDD+, le retour d’expérience est encore trop insuffisant pour réellement influencer les prix actuels ou futurs des unités. Généralement la fixation du prix se fait de gré à gré entre l’acheteur et le vendeur, selon des approches multiples (prix fixes, prix indexés, combinaison des deux, ou prix indexé avec plafond 37). La plupart du temps, le niveau de prix est fonction des coûts liés au projet, de l’expérience du développeur, des co-béné-fices, de la labellisation (parfois multiple) et des risques de non délivrance ou de non-conformité des bénéfices valorisés. Sur ce dernier point, on estime que le risque est proportion de l’état d’avancement du projet. Plus le projet est avancé, plus le risque de non délivrance est faible (Chenost et al., 2010). Un crédit vendu après sa validation aura une valeur plus importante qu’un crédit vendu en anticipation, c’est-à-dire sans la certitude pour l’acheteur que le crédit aura la qualité annoncée (co-bénéfices) ni même que le crédit sera réellement délivré. Pour autant et même s’il est difficile de séduire les investisseurs, la vente anticipée d’une partie des crédits est une solution qui per-met de couvrir la mise en œuvre et donc de faire vivre le projet jusqu’à la première session de validation. La vente anticipée a ses avantages (couverture des frais de mise en œuvre) et ses inconvénients et difficultés (coût de revient du crédit plus faible, risques forts, problème pour fixer la valeur du crédit, etc.). Il faut noter également que le prix de la tCO2e fluctue également en fonction du type d’investisseur et de ses objectifs.

À titre indicatif, on peut mentionner que: - Dans leur rapport de 2009, Ecosystem Marketplace et New Carbon Finance

annoncent, pour 2008 et pour les projets volontaires de déforestation évitée, un prix moyen à 6,3 US$/tCO2e.

- Dans leur enquête de 2009, Ecosecurities et al. révèlent que 29 % des entre-prises sont prêtes à payer un crédit carbone forestier entre 10 et 12 US$.

36. On peut mentionner entre autres : Ecosecurities et al. (2009), Forest Carbon Survey, World Bank (2009), State and Trends of the Carbon Market, Ecosystem market place et New Carbon Finance (2009), State of the Voluntary Carbon Markets.

37. Une description de ces approches est disponible dans Chenost et al. (2010), Les Marchés du Carbon Forestier, p.116

137redd+ à l’échelle projet - Guide d’évaluation et de développement

- En 2009, le crédit REDD+ n’a pas été perçu comme une valeur refuge face à la conjoncture maussade, ce qui a porté son prix à 2,9 US$ comme le souligne le State and trends of the voluntary markets 2010 de la Banque mondiale.

• La fiscalité et les lois sur les recettes des projets REDD+Il va sans dire qu’un projet REDD+ est soumis aux lois forestière et fiscale du pays dans lequel il est développé. Cela influe le droit à la propriété des crédits carbone (voir le chapitre 3 du présent guide) mais aussi la nature et le niveau de taxation des recettes. Très peu de pays disposent de textes de lois dédiés à ces éléments et beaucoup de questions restent sans réponse : - Sur quelle base se calcule la taxe ? (l’unité générée ou l’unité vendue ?) - Le gouvernement taxe-t-il un pourcentage de crédits, une part des recettes ou

les revenus nets? - Quand, à quelle fréquence et par qui les taxes seront-elles prélevées ? - Etc.Il revient à chaque développeur de projet d’étudier le contexte légal du pays dans lequel le projet est mis en œuvre et à défaut de lois claires, d’obtenir réponse ou accord auprès des autorités compétentes. Une fois évaluée, ces taxes devront être prélevées des recettes générées à ventila-tion réelle, pour donner les revenus nets du projet.

• Les autres revenusDans un projet REDD+ et d’une manière générale dans tous les projets de car-bone forestier, les revenus carbone ne représentent pas nécessairement 100 % des revenus. Un certain nombre d’activités REDD+ peuvent générer des revenus marchands qui devront être comptabilisés dans l’analyse financière du projet. Ces revenus dépendent entièrement des projets et des activités qui sont déve-loppés. Ils peuvent être issus de la commercialisation de produits forestiers non ligneux (NTFP), de la valorisation de produits bois gérés durablement (pour l’IFM notamment), d’activités écotouristiques, etc.

1.2 - Identifier et analyser les coûts d’un projet REDD+Comme pour les autres projets de valorisation du carbone forestier, on distingue pour les projets REDD+ deux types de coûts : - Les coûts de transaction ou coûts carbone, et - Les coûts de mise en œuvre.

• Estimer et répartir les coûts de transactionLes coûts de transaction sont tous les frais engendrés pour accéder aux marchés des crédits carbone. Une revue de la littérature montre que ces coûts varient consi-dérablement d’un projet à l’autre et que pour beaucoup ils ne sont encore que pros-pectifs puisque les phases de certification et d’opération n’ont pas encore démarré.

Les coûts de transaction sont de deux catégories : - les frais d’élaboration du volet carbone du projet qui sont les frais engagés

pour répondre aux exigences méthodologiques REDD+, et

Chapitre 6 – recommandations pour la composante redd+ financière

138

- les frais de certification et de vente de crédits qui sont tous les frais de transac-tion à proprement parler, c’est-à-dire tous les frais engagés lors des processus de certification du projet et des crédits, et de vente.

À titre indicatif, nous avons détaillé les coûts dans les tableaux 6.1 et 6.2. Lorsque c’était possible et documenté, des fourchettes de prix plus ou moins larges ou des prix indicatifs ont été indiqués.

Tableau 6.1 - Coûts d’élaboration du volet carbone d’un projet

Étape DescriptionFacteur(s) de sensibilité du prix

Fréquence Fourchette

Préfaisabilité

Identification de la zone, Conceptualisation du projet, Études préliminaires, …

• Histoire du projet• Données disponibles• Ressources humaines

et techniques• (Faible proportionnalité

à la taille)

Unique 10 à 50k€

Produit à valider : PIN

Faisabilité

Examen des méthodologies, Études complètes, Élaboration des scénarii de référence et de projet, Design du projet (délimitations, activités, structure organisationnelle, etc.), Plan de monitoring, …

• Données disponibles (images satellites, études socio-économiques, etc.)

• Choix et paysage méthodologiques

• Ressources humaines et techniques

• (Proportionnalité moyenne à la taille)

Unique50 à 300k€*

Produit à valider : PDD

Révision ou développement d’une nouvelle méthodologie (optionnel)

• Paysage méthodologique• Ressources humaines

et techniques• Choix méthodologiques• (Aucune sensibilité

à la taille)

Unique 50 à 200k€

Produit à valider : Méthodologie

Opération

Monitoring**, suivi des réductions d’émissions, etc

• Ressources humaines et techniques

• Choix méthodologiques• (Forte proportionnalité

à la taille)

Variable ***0,38€ / ha - 6,45€ / ha ****Produit à valider : Rapport

de monitoring

* Certains PDD pourront en effet s’avérer beaucoup plus coûteux que d’autres, notamment du fait des choix méthodolo-giques arrêtés. À titre d’exemple, la réalisation d’une baseline projetée établie à partir de données satellites non gratuites (type SPOT) sera de fait plus élevée qu’un scénario de référence historique établi à partir d’images moyenne résolution gratuites (type Landsat).

** Attention, il ne s’agit ici que des coûts de monitoring biomasse et couvert forestier. Ces coûts sont détaillés dans les tableaux suivants.

*** Dépend du standard sélectionné.**** Böttcher et al. 2009, données converties en euros à raison de 1€ =1,4647 U$. Comprend les coûts d’acquisition et d’inter-

prétation d’images satellites (0,0034 €/ha < - > 5,08 €/ha) et les coûts d’inventaire biomasse (0,38 €/ha > - < 1,37 €/ha).Source : Chenost et al. 2010, WCS et al. 2009, Böttcher et al. 2009

139redd+ à l’échelle projet - Guide d’évaluation et de développement

Tableau 6.2 - Coûts de certification et de vente des crédits

Outre, la taille et la nature du projet, les coûts d’élaboration du volet carbone dépendront essentiellement : - de l’histoire du projet ; (Part-on d’une initiative existante ou faut-il identifier et mobiliser les parte-

naires ? L’initiative existante est-elle facilement transformable en initiative carbone ? etc.)

- de la qualité et de la quantité des données disponibles ; (Quelles données existent ? Sont-elles fiables et utilisables ? Quelles données

manquantes doivent être produites ? etc) - du paysage méthodologique ;

Étape DescriptionFacteur(s) de sensibilité

Fréquence Fourchette

Validation

Validation du projet par une entité indépendante et accréditée par le standard sélectionné

• Standard sélectionné• Vérificateur

VCS Unique40 à 50k€

CCBs 5 ans

Plan Vivo Unique 8’535€*

Vérification

Vérification des réductions d’émission par une entité tierce indépendante et accréditée par le standard sélectionné ou par le standard lui-même

• Standard sélectionné• Vérificateur

VCS5 ans (encouragée)

30 à 50k€

Plan Vivo Annuelle0,12€/ certificat*

Enregistre-ment

Ouverture d’un compte pour le développeur et pour le projet

• Déterminé au cas par cas par le registre

VCS Unique -

DélivrancePaiement des frais d’inscription dans le registre

• Standard sélectionné• Charges

additionnelles prélevées par le registre

VCSÀ chaque VCUs généré

0,034€/ VCUs + 0,05€/ VCUs

Plan vivoÀ chaque certificat généré

0,12€/ certificat*

Vente

Définition de la propriété légale des crédits et contractualisation (ERPA)

• Coût de l’expertise juridique

Variable 5-40 k€

Frais de courtage • Type de service Variable3 à 10 % des VERs

Source : Plan Vivo 2008, VCS 2008, WCS et al. Chenost, C. et al. 2010* Les données initiales ont été converties en euros à raison de 1€ = 1,4647 US$

Chapitre 6 – recommandations pour la composante redd+ financière

140

(Existe-t-il parmi les méthodologies REDD+ une méthodologie utilisable dans le contexte du projet ? Faut-il en développer une nouvelle ? Faut-il en modifier une ancienne ? etc.)

- des ressources humaines et techniques du développeur de projet ; (A-t-il les compétences internes nécessaires pour traiter les questions

méthodologiques ? Doit-il sous-traiter cette dimension à un bureau d’étude ? L’expertise nécessaire est-elle disponible dans la région, le pays ? etc.)

- des choix méthodologiques arrêtés pour le projet (Quel scénario de référence, historique ou projeté ? Quelle taille pour la zone

de référence ? Quelle durée pour la période de référence ? Quel protocole de monitoring biomasse ? etc.)

De même, les coûts d’enregistrement, de validation et de certification du projet et des crédits dépendront: - du standard sélectionné ; (Quel est le processus de validation défini par le standard ? Quels documents

dois-je fournir ? Y a t il des frais connexes type taxe d’enregistrement ? etc.) - du vérificateur/certificateur sélectionné pour la vérification ; (Quels sont les prix pratiqués par le certificateur ?)

À ce sujet, il est intéressant de souligner que : - Le standard Plan Vivo considère que les frais de validation/ vérification ne

doivent pas excéder les 18 000 e 38 et taxe 0,51 e par certificat Plan Vivo généré pour payer les frais d’enregistrement et de délivrance. 39

- Le VCS rappelle que les coûts de validation/vérification sont laissés au libre jugement des instances de certification 40, lesquelles pratiquent des prix non fixes, mais soumis à devis.

- Il revient aux gestionnaires des registres accrédités par le VCS de déterminer, au cas par cas, les coûts d’ouverture d’un compte pour le développeur et pour le projet. 41

- Le VCS prélève 0,04 e/ VCU générés pour payer les frais d’enregistrement 42.

• Les coûts de monitoringAfin d’être en mesure de faire vérifier avec succès les réductions d’émissions qu’il a générées, un projet REDD+ doit être doté d’un plan de monitoring solide associé à un système d’assurance qualité (voir chapitre 4 du présent guide).Le processus de monitoring du projet engage un certain nombre de coûts qui dépendent principalement : - de la taille du projet ; - de la nature des images utilisées et du coût associé d’interprétation et de

production cartographiques ; - du design du protocole de monitoring et du coût du travail de terrain.

38. 12’500 US$, convertis en euros à raison de 1€= 1,4647 US$ - http://planvivo.org.34spreview.com/wp-content/uploads/The-Plan-Vivo-Project-Registration-Process-Step-by-step-guide.pdf

39. 0,35 US$, convertis en euros à raison de 1€= 1,4647 US$ - http://www.planvivo.org/wp-content/uploads/Project-development-cost-and-timeline-spreadsheet-2009.pdf

40. http://www.v-c-s.org/faq.html#question54 41. http://www.v-c-s.org/faq.html#question612 42. http://www.v-c-s.org/faq.html#question613

141redd+ à l’échelle projet - Guide d’évaluation et de développement

Les coûts de monitoring carbone et de couvert forestier se détaillent comme suit 43 : 1. Les coûts d’achat des images satellite 2. Les coûts d’interprétation de ces images et de production cartographique 3. Les coûts d’inventaire biomasse (à noter qu’en principe, le coût del’inventaire

initial est plus élevé que les inventaires dits de monitoring qui peuvent se concentrer sur un nombre représentatif de parcelles permanentes)

Böttcher et al. (2009) ont rassemblé plusieurs exemples de la littérature pour comparer les coûts d’inventaire biomasse aux échelles nationales puis de projets REDD+ (tableau 6.3), ainsi que les coûts d’acquisition et d’interprétation des images satellites en fonction de la technologie utilisée (tableau 6.4).

Tableau 6.3 – Exemples de coûts d’inventaire biomasse (adapté de Böttcher et al. 2009)

• Estimer et répartir les coûts de mise en œuvreÀ l’échelle des projets, les coûts associés à la mise en œuvre d’initiatives REDD+ cor-respondent à tous les frais engagés pour réduire la déforestation sur la zone de projet, dans une stratégie de respect des droits des personnes, de bonne gouvernance et de lutte contre les risques de fuite et de non permanence. Selon les projets, cela comprendra le financement des activités, les frais administratifs, la sécurisation du foncier, l’élaboration d’un système de redistribution des bénéfices, les coûts de moni-toring des co-bénéfices, etc. On parle généralement, de dépenses d’investissement et de charges d’exploitation, ou de CAPEX (Capital Expenditure) pour les premiers et d’OPEX (Operational Expenditure) pour les seconds. Les dépenses d’investisse-ment comprennent l’ensemble des frais engagés initialement pour lancer le projet (par exemple, les coûts d’acquisition ou d’exploitation du terrain, les coûts de mise en œuvre infrastructurelle, etc.). Elles sont habituellement payables dans les premières années du projet et permettent le déroulement des activités. Les charges d’exploita-tion couvrent les injections étalées dans le temps, souvent récurrentes et nécessaires au maintien des activités (par exemple, les salaires d’une équipe projet sur place). Ces coûts seront surtout et en premier lieu influencés par le choix et l’élaboration des activités à mettre en œuvre, lesquelles dépendent directement et étroitement du profil des agents et des causes de la déforestation. Au-delà des activités elles-mêmes, un certain nombre de facteurs additionnels impacteront les modalités de mise en œuvre des activités et donc indirectement leur coûts (figure 6.b).

Projet, pays Surface Coût moyen

Noel Kempff, Bolivie 634'000 ha 0,55 US$/ha

Projet au US 18'000 ha 1,67 US$/ha

Private Forestry Project, Costa Rica

57’000 ha 1 US$/ha

Indian National Forest and additional biomass assessment

Surface forestière indienne (> 67 M ha) <0,1 US$/ha

National Forest Monitoring and assessment

Surfaces forestières de 5 pays (Zambie, Honduras, Nicaragua, Bangladesh et Cameroun)

0,12 à 0,82 US$/ha

Projet Ulu Masen, Indonésie 750'000 ha 0,81 à 2 US$/ha

43. Pour plus de détail sur le processus de monitoring, voir le chapitre 4.

Chapitre 6 – recommandations pour la composante redd+ financière

142

Tableau 6.4 - Exemples de coûts d’acquisition et d’interprétation en fonction de la technologie utilisée (adapté de Böttcher et al. 2009)

Satellite et capteurCoûts d’acquisition

(/ha)Coût d’interprétation

(/ha)Coût total/ ha

Optique, moyenne résolution (15 à 32 m)

Landsat-5, TM 0,003 €

0,76 € < - > 1,35 €* 0,76 € < - > 1,77 €

Landsat-7, TM+ 0,0045 €

SPOT 4 0,003 €

Terra ASTER Gratuit au Brésil

CBERS-2, HRCCD 0,0006 €

IRS-P6-LISS III 0,001 € 0,0073 € 0,0083 €

Optique, haute résolution (3 à 20 m)

Quickbird 0,37 €

0,10 € < - > 0,15 € 0,11 € < - > 0,52 €Ikonos 0,37 €

RapidEye 0,041 €

SPOT 5, HRVIR 0,009 €

Optique, très haute résolution (< 1m)

Quickbird0,23 € < - > 0,32 € 3,8 € < - > 5,5 € 4 € < - > 5,8 €

WorldView-I

Radar, SAR (Synthetic Aperture Radar ou Radar à Synthèse d’Ouverture)

ALOS PALSAR 0,0006 €

0,10 € < - > 0,15 €0,10 € < - > 0,15 €

Satellite ou SAR embarqué 0,002 €

SAR aéroporté 5,05 € > 5,05 €**

Source : Böttcher et al. 2009Tous les coûts ont été convertis en euros à raison de 1 e = 1,4647 US$* Les coûts d’interprétation comprennent ici la stratification et la détection de changements.** Böttcher et al. donnent plusieurs exemples de coûts pour un Lidar aéroporté. Ils varient en fonction de la surface à couvrir

(pour un inventaire forestier à échelle de projet en Indonésie, l’article mentionne un coût d’acquisition des images de l’ordre de 5,8 e à 8 e par ha, avec 160 heures de traitement).

143redd+ à l’échelle projet - Guide d’évaluation et de développement

Estimer et répartir les coûts de mise en œuvre nécessite d’avoir une idée claire et détaillée des activités et de leurs modalités d’application. À des stades précoces d’avancement, il est souvent difficile d’estimer précisément et définitivement ce que seront les coûts d’investissement et les coûts de fonctionnement, de lister chacune des activités envisagées et de les détailler pour identifier la nature des frais engagés (homme mois, fourniture, etc.), la fréquence et le montant du décaissement associé. Pour éviter un écart trop important entre prévisionnel et frais réels, et dans la mesure du possible, les estimations de prix doivent se baser sur des données locales et do-cumentées, voire déjà expérimentées.

Outre la dimension financière, rappelons que l’élaboration des activités d’une part et les modalités de mise en œuvre d’autre part, sont des éléments fondamentaux pour tous les projets. Une analyse approfondie des causes et des agents de la déforestation est nécessaire à l’élaboration d’activités qui réduiront efficacement la déforestation. Les modalités de mise en œuvre, outre un certain nombre de facteurs directement liés au périmètre du projet (surface, nombre de personnes impactées, statut foncier, etc.), dépendront surtout du schéma organisationnel défini pour le projet. Il est donc nécessaire d’anticiper les questions organisationnelles et d’avan-cer le plus possible sur des accords de partenariat et de coopération solides. Pour l’une et l’autre de ces étapes (élaboration de la structure organisationnelle et formu-lation des activités), les chapitres 2 et 3 du présent guide fournissent quelques clés.

Ça n’est qu’une fois les activités identifiées et les modalités de mise en œuvre sché-matisées, même à titre provisoire et prévisionnel, qu’il devient réellement possible d’estimer les coûts de mise en œuvre d’un projet REDD+. Ces coûts devront être échelonnés dans le temps selon les périodes de décaissement identifiées.

Figure 6.b - Les facteurs influençant les coûts de mise en œuvre des projets REDD+

Activités à mettre en œuvre

Commun

autés

Institu

tionn

els

Privé

s

Agents Drivers Valeur/ Motivation

Facteurs additionnels Facteurs initiaux

Choi

x et

éla

bora

tion

des

activ

ités

de p

roje

t

Locaux Organisa-tionnels

• Collecte de produits ligneux• Conversion• Techniques agricoles• …

• Concessions diverses• Développement des Infrastructures• …

• Exploitation forestière• …

• Subsistance• Commerciale• Culturelle • …

• Politique de développement• Lacune de gouvernance• Commerciale• …

• Commerciale• Utilisation directe• …

• Plantation ;• Intensification agricole ;• Formation ;• Paiement pour Services Environnementaux (PES) ;• …

• Surface

• Nombre de participants

et bénéficiaires

• Coût d’opportunité

• Statut foncier

• Pays

• …

• Taille et type de structure

• Expertise de la

structure de portage

• Partenariats

• Coûts de fonctionnement

• Coûts administratifs

• Renforcement des capacités• Soutien exécutif• Soutien budgétaire• …

• Substitution financière• Arrêt de l’exploitation• Exploitation à impacts réduits• …

Chapitre 6 – recommandations pour la composante redd+ financière

144

Encadré 6.5 - L’analyse du coût d’opportunité du REDD+

Il existe une littérature relativement importante sur l’estimation des coûts associés à la déforestation évitée. Dans la plupart des cas, les chiffres annoncés correspondent aux coûts de transaction et aux coûts dits d’opportunité de la déforestation évitée. En fonc-tion du modèle utilisé pour le calcul (empirique local, empirique mondial ou simulations mondiales), les auteurs annoncent un coût d’opportunité à la tonne de CO2e de l’ordre de 1,74 à 5,22 US$ (Boucher, 2008).Le coût d’opportunité, également appelé coût d’option, correspond à la perte des reve-nus ou des biens auxquels on renonce en adoptant une autre stratégie. C’est le coût d’une chose estimé en termes d’opportunités non réalisées. Dans le cas du REDD+, c’est ce qu’aurait rapporté la forêt sans le projet et selon un scénario de déforestation. On peut en déduire qu’un projet REDD+ doit générer pour les acteurs du projet arrêtant de dé-boiser des revenus stables sur le long terme qui excèdent le coût d’opportunité (Wertz- Kanounnikoff, 2008). D’autres critères de décision peuvent cependant intervenir au ni-veau des agents de la déforestation, telle que l’opportunité d’abandonner des pratiques illégales.Le coût d’opportunité est donc un indicateur important à prendre en compte mais qui ne peut être extrapolé directement pour en déduire le coût de mise en œuvre du projet, à l’exception de quelques cas spéciaux comme celui du projet développé par REDD+ Forests en Tasmanie (voir l’étude de cas consacrée en annexe 4 à ce projet).

1.3 - Calculer et actualiser les revenus nets d’un projet REDD+

• Les revenus nets et les cash flows du projetAprès l’évaluation des recettes et des coûts liés au projet REDD+, on obtient les revenus nets attendus du projet en procédant à une agrégation annuelle des ré-sultats. Après application des taxes et/ou impôts en vigueur dans le pays de vente des crédits, on obtient les flux réels nets. Ce faisant, on peut établir le modèle dit modèle des cash flows du projet (figure 6.c). Ce modèle donne un aperçu clair de l’étalement dans le temps des frais qui devront être déboursés et des revenus qui pourront être générés. Il donne les flux réels associés au pro-jet pendant toute sa durée. On est tenté de penser que la courbe des flux cumulés représente le remboursement progressif des frais engagés et que, pour le projet théorique schématisé dans la figure 6.c, le retour sur investissement est effectif au bout de la 10e année du projet. Mais c’est sans compter un facteur essentiel de la calibration des coûts : la dépréciation due au passage du temps.

Sorti

es

Entré

es

Flux Cumulés Coût de mise en œuvreCoût de transactionRevenus Carbone

Temps (année)

Démarrage mise en œuvre

Figure 6.c - Le modèle de cash flows du projet REDD+

Source : ONFI - Ici les revenus ont été limités aux revenus carbone. Pour un projet dont les activités génèrent d’autres revenus, il faudra ajouter ces derniers au modèle de cash flows.

145redd+ à l’échelle projet - Guide d’évaluation et de développement

Encadré 6.6 - Déterminer le taux d’actualisation d’un projet REDD+

Le taux d’actualisation doit prendre en considération la valeur du temps mais aussi la rentabilité qu’exige un investisseur pour le risque que représente cet investissement. Plus un investissement est risqué, plus vite l’investisseur voudra le récupérer et plus le taux d’actualisation devra être fort. Pour déterminer le taux d’actualisation d’un projet REDD+, il faudra considérer : 1. Le taux d’intérêt d’un placement sans risque : l’argent investi dans un projet

REDD+ doit avoir un rendement au moins égal à ce que l’investisseur aurait obtenu en plaçant son argent sur un compte rémunéré « sans risque ».

2. Les risques liés au marché et au contexte national : Lorsqu’elles accordent des prêts aux autres banques, les banques centrales appliquent un taux qui constitue le « taux sans risque ». Il est utilisé par les banques comme plancher pour leurs em-prunts et détermine le taux des comptes rémunérés dits « sans risques ». On consi-dère que ces taux sans risque rendent compte des risques liés aux marchés et aux contextes d’investissement nationaux. On peut les utiliser comme des valeurs de référence. Si aucun taux national d’actualisation n’est disponible, on peut également se référer au taux de rendement des marchés financiers (CAC 40, DOW JONES) dont le risque est estimé faible, bien qu’un peu plus élevé.

3. Les risques liés au projet : Pour des investisseurs que les co-bénéfices intéressent particulièrement, il y a parfois une tendance à préconiser l’adoption de taux d’ac-tualisation plus bas dans les analyses de projets forestiers présentant un caractère social ou environnemental fort. L’argument avancé est qu’il y a certains bénéfices non chiffrables de ces projets qui justifient l’emploi d’un taux d’actualisation plus bas que celui utilisé pour évaluer d’autres projets dans l’économie générale du pays. Compte tenu des risques importants qui sont associés aux projets REDD+ (non permanence, incertitude sur le prix des crédits, états des négociations internationales, etc), on conseillera au contraire de majorer les taux nationaux de référence, de manière plus ou moins importante selon les projets.

Dans tous les cas, le taux d’actualisation qui aura été défini pour l’analyse doit pouvoir être explicitement justifié, surtout lorsqu’il est inférieur à la normale et pourrait laisser pen-ser qu’on cherche à camoufler un défaut de rentabilité. Dans tous les cas, il est toujours intéressant de tester la sensibilité de son projet aux variations du taux d’actualisation.

• L’actualisation des revenus netsLa valeur des coûts et bénéfices est intimement liée au temps. Elle dépend étroitement du moment où ils se produisent. Si tous les coûts et les bénéfices d’un projet intervenaient au même moment dans le temps, l’analyste pourrait se contenter d’additionner les coûts d’une part et les bénéfices de l’autre, et de les comparer sans autre ajustement. Mais l’échelonnement de ces coûts et bénéfices se fait sur toute la durée du projet, laquelle est généralement longue pour les projets forestiers. Les montants sont les mêmes ; la différence réside dans le temps et dans la disposition des gens à accepter un délai dans la consommation. Dépenser 10 € aujourd’hui pour générer 15 € demain paraîtra acceptable. Mais si les 15 € ne sont recouvrés qu’au bout de 40 ans, ce ne sera plus acceptable.

Chapitre 6 – recommandations pour la composante redd+ financière

146

Pour évaluer ex-ante la viabilité financière d’un projet, il faut donc trouver le moyen d’égaliser une valeur intervenant au bout de n années avec une valeur intervenant au moment présent (année 0).

En finance, la méthode utilisée consiste à appliquer aux valeurs de coûts et béné-fices nets futurs un facteur d’ajustement qui reflète leur valeur actuelle et qui dépend donc de la valeur acceptée de l’argent en fonction du temps. On appelle ce facteur le taux d’actualisation, et le procédé de son application l’actualisation.

Il n’existe ni valeur exacte, ni formule ou moyen automatique pour calculer le taux

Encadré 6.7 - Étude d’un cas théorique : évaluer et actualiser les revenus nets d’un projet REDD+

Le projet est le même que celui présenté dans l’encadré 6.4 et schématisé dans la figure 6.c. Les coûts de transaction ont été chiffrés en utilisant les valeurs moyennes des Tableaux 6.1 et 6.2. Les coûts de mise en œuvre ont été arrêtés sur la base d’évalua-tions effectuées par l’ONF International sur ses projets.

Durée de vie du projet (20 ans)

Année 0 + 1 an + 2 ans + 3 ans

VCUs générés

Recettes (€)

Coûts (€) 425 000 87 340 275 237 338 424

Revenus nets après impôt (€) - 425 000 - 87 340 - 275 237 - 338 423

10 %

Revenus nets actualisés

- 425 000 - 79 400 - 227 468 - 254 262

VAN** 202 202

8 %

Revenus nets actualisés

- 425 000 - 80 870 - 235 971 - 268 651

VAN** 478 415

TRI** 11,96 %

*Contrairement au tableau de l’encadré F4, ici les années 10, 15 et 20 sont chiffrées annuellement et non en cumulatif. ** VAN et TRI sont expliqué dans le chapitre qui suit.

147redd+ à l’échelle projet - Guide d’évaluation et de développement

d’actualisation d’un projet. Il revient à chaque analyste de définir un taux approprié au projet (encadré 6.6).

Le calcul actuariel s’applique aux revenus nets considérés annuellement et permet d’obtenir les revenus nets dits actualisés, c’est-à-dire pour chaque année, la valeur intrinsèque des coûts et bénéfices, ramenée à la valeur actuelle. Cette notion est fondamentale pour les projets REDD+ qui ne génèrent des bénéfices qu’après plusieurs années d’investissement. Les recettes doivent ainsi être suffisamment élevées pour supporter à la fois les coûts et l’actualisa-tion des revenus.

Coûts de transaction :

PIN : 30’000 E, année OPDD : 175’000 E, année 0 Méthodologie : 175’000 E, année 0Monitoring : (0,875 E/ha pour inventaire + 1,87 E/ha pour acquisition et traite-ment) tous les 5 ans

Validation : 45’000 E, année 0Vérification : 40’000 tous les 5 ansEnregistrement : -Délivrance : 0,034 E/ VCU + 0,05 E/VCU chargé par le registre

Coûts de mise en œuvre :

Investissement : 1’015’071 E répartis sur les 5 premières annéesFonctionnement : 402’570 E répartis sur les 15 années qui suivent

Taux d’actualisation : 8 à 10 %

Imposition sur revenus nets :

10 %

Durée de vie du projet (20 ans)

+ 4 ans + 5 ans + 6 ans + 10 ans* + 15 ans* + 20 ans*

243 880 395 112 417 873 412 978

999 908 1 619 959 1 713 281 1 693 209

206 892 250 015 66 382 183 828 177 185 193 005

- 206 891 674904 - 66 381 1 292 517 1 382 486 1 350 183

- 141 309 419 062 - 37 470 498 321 330 956 200 696

- 152 071 459 328 - 41 831 598 685 435 817 289 679

Chapitre 6 – recommandations pour la composante redd+ financière

148

Évaluer la faisabilité financière et analyser l’efficacité économique

Parce qu’elle nécessite d’identifier, de détailler et de ventiler les flux financiers et permet ce faisant de suivre les coûts et les recettes, l’analyse financière est un excellent outil de planification des projets REDD+. Pour les investisseurs qui cherchent un retour sur leur financement, elle doit surtout permettre de dégager des critères de décision, et ce malgré les approximations inhérentes aux flux financiers prévisionnels. Pour les déve-loppeurs de projet REDD+, elle permettra de rendre compte du projet et de pouvoir donner des réponses claires aux questions que les investisseurs pourront se poser.

Il existe plusieurs indicateurs pour évaluer la viabilité financière des projets et/ou pour comparer différents projets entre eux. Ces indicateurs ont pour caractéristique de ne fournir qu’une information partielle des résultats et il faudra les associer si on veut éviter les lacunes des uns et des autres. Deux de ces indicateurs sont large-ment utilisés dans les analyses financières et économiques : - La Valeur Actuelle Nette (VAN), et - Le Taux de Rentabilité Interne (TRI).

• La Valeur Actuelle NetteLa Valeur Actuelle Nette (VAN) correspond au surplus net de bénéfices générés par le projet, exprimé en valeur actuelle. Elle permet de calculer la rentabilité in fine du projet et se calcule simplement en faisant la somme des revenus nets actualisés.

Une VAN positive signifie qu’à long terme, la rentabilité du projet est supérieure à ce que rapporterait le placement financier du montant investi, et ce à taux égal au taux d’actualisation. Pour simplifier, on dit généralement qu’une VAN positive indique que le projet est rentable, qu’il dégagera des flux positifs et donc qu’il peut être retenu. À l’inverse, si la VAN est négative, c’est que le projet est déficitaire et que pour un investisseur qui cherche retour sur son financement, il doit être rejeté. La VAN est un critère fondamental du calcul économique. Elle est généralement utilisée pour comparer la rentabilité de deux projets, entendu que celui dont la VAN est la plus importante sera considéré comme le projet le plus rentable.

On lui reproche toutefois deux choses : - D’une part, le fait qu’elle ne permet pas de comparer des projets dont les

durées de vie sont très différentes (encadré 6.8). - D’autre part, sa forte dépendance au taux d’actualisation dont on a vu les

difficultés et le caractère arbitraire de la détermination. Le tableau de l’encadré 6.7 montre ainsi qu’une variation du taux d’actualisation de 8 à 10 % peut faire varier la VAN du simple au double. Pour cette raison, on peu difficilement fon-der son évaluation financière sur la seule VAN. On la couplera souvent au TRI qui traduit au contraire une valeur intrinsèque du projet.

• Le Taux de Rentabilité InterneLe TRI équivaut au taux d’actualisation qui rendrait la valeur actualisée des béné-fices du projet égale à celle des coûts du projet. Autrement dit, le TRI correspond au taux d’actualisation qui annule la VAN du projet. C’est avant tout un taux d’équilibre, en ce sens que la valeur actualisée des bénéfices équilibre celle des coûts.

2

149redd+ à l’échelle projet - Guide d’évaluation et de développement

Encadré 6.8- La Valeur Annuelle Équivalente (VAE)

Pour comparer financièrement des projets dont les durées de vie diffèrent, on peut invo-quer la VAE. Autre indicateur de rentabilité, elle prend en compte la valeur des flux annuels actualisés, le taux d’actualisation ou un Taux de Rentabilité Acceptable Minimum (TRAM) et le nombre d’années du projet. La VAE consiste à convertir le flux monétaire en une série uniformément répartie sur la durée du projet à l’étude.

Si un projet présente un TRI de 10 %, cela indique à l’investisseur qu’il recevra 0,10 E par an pour chaque euro investi pendant la durée du projet.44 Pour l’investis-seur, c’est une mesure utile qui lui permet de comparer deux utilisations possibles de ses fonds.

On considère qu’un projet est rentable si son TRI : - est supérieur au TRI empiriquement constaté dans le secteur de projet consi-

déré (approche empirique), - est supérieur aux taux d’intérêts financiers couramment observés (approche

dite financière).

La comparaison du TRI avec les taux d’intérêts financiers permet de répondre à une question simple : est-ce plus rentable d’investir dans le projet ou de faire un placement sans risque ? Bien entendu, il paraîtra peu acceptable d’investir dans la mise en œuvre du projet REDD+ s’il est moins rémunérateur qu’un placement sans risque. Dans la figure 6.d, trois projets sont mis en perspective : - REDD+ A est le projet théorique analysé dans les tableaux précédents (taxe sur

revenus nets = 10 %) ; - REDD+ B est le même projet auquel une augmentation de la taxe sur les reve-

nus nets a été appliquée (30 %) ; - REDD+ C est le même projet,

hors taxes sur les revenus et donc avec des revenus maximisés.

Les courbes représentent les VAN en fonction du taux d’actualisation. À taux égal, on voit sans surprise que le projet C a la VAN la plus importante et B, la plus faible. Le TRI du projet B est inférieur au taux d’intérêt bancaire. Un placement sans risque est donc plus rentable que l’in-vestissement dans le projet B. À l’inverse, les TRI A et C sont supérieurs

REDD A

REDD B

REDD C

TRI B

TRI A

TRI C

VAN B

VAN A

VAN C

Taux d’intérêt à long terme

PR A

PR C

TA 10%

Figure 6.d - Le taux de rentabilité Interne

44. Cette équivalence en euro n’est valable que pour les projets analysés dans la monnaie européenne. Il faudra bien entendu remplacer 1€ par 1US$ si le dollar US est la monnaie vernaculaire du projet.

Chapitre 6 – recommandations pour la composante redd+ financière

150

au taux bancaire. La différence entre le taux bancaire et les TRI A et C correspond aux primes de risque (PR) sur chacun de ces projets.

Le TRI présente l’avantage d’être une donnée uniquement liée au projet étudié, et de ne pas être tributaire du taux d’actualisation, contrairement à la VAN. Néan-moins, c’est un outil mathématique qui n’a pas de signification financière réelle et qui repose sur l’hypothèse de réinvestissement à même taux des flux financiers de la période d’exploitation. Si lorsqu’on compare deux projets, le TRI amène à des conclusions différentes de celles de la VAN, il faudra privilégier la VAN comme critère de décision. Par ailleurs, il n’est pas toujours possible de déterminer le TRI, soit parce qu’il n’y a pas de solution à l’équation VAN(TRI)=0, soit parce qu’il y en a plusieurs.

Lorsque c’est possible, VAN et TRI devront être cumulés pour renseigner au mieux l’analyse financière et toute décision qui pourrait en découler relativement au projet étudié.

• Les caractéristiques financières des projets REDD+Les projets REDD+ ont plusieurs caractéristiques dont il faut tenir compte dans l’analyse financière : - Ils nécessitent des investissements initiaux qui peuvent s’avérer coûteux.

Comme nous l’avons vu précédemment, les coûts de mise en œuvre sont très variables d’un projet à l’autre. Dans certains cas, ils peuvent être élevés.

- Les premiers crédits carbone ne seront générés qu’après vérification des réductions d’émissions, c’est-à-dire après la première session de monitoring et de vérification. En fonction des dépenses d’investissement, de la taille du projet et de l’abattement effectif des émissions, le retour d’investissement ne se fera qu’au bout de plusieurs années. Il peut néanmoins s’avérer plus rapide pour un projet REDD+ que pour d’autres projets forestiers comme les projets de boi-sement et/ou reboisement qui doivent attendre un certain temps avant de pou-voir exploiter les premiers produits ligneux et/ou les premiers crédits carbone. Le coût des investissements initiaux et le délai d’origination des premiers crédits conduisent souvent les projets à passer des accords dits de vente anticipée où l’investisseur s’engage à financer la mise en œuvre ou les coûts de transaction du projet en contre partie d’un remboursement sur les crédits qui seront géné-rés plus tard. Ces accords doivent être encadrés dans des contrats spécifiques et nécessitent toute l’attention des parties prenantes. Il est notamment crucial d’anticiper les stratégies REDD+ nationales qui pourraient se prononcer de ma-nière catégorique sur la propriété des crédits carbone issus de projets REDD+ et d’inclure les autorités gouvernementales concernées dans les accords.

- Les coûts de transaction (élaboration du volet carbone et certification) sont relativement élevés et dans certains cas (coûts de mise en œuvre faibles), ils peuvent représenter une partie non négligeable des dépenses d’investissement (voir l’étude de cas sur le projet Tasman de REDD Forests en annexe 4). Pour les projets forestiers de petite taille, l’effet levier des cré-dits carbone peut s’avérer faible, de même pour les projets dont le potentiel d’abattement se révèle faible (scénario de référence présentant un taux de déforestation faible et/ou facteurs de déforestation difficiles à enrayer). L’équi-libre entre impact climatique et faisabilité financière est subtile et doit – dans la

151redd+ à l’échelle projet - Guide d’évaluation et de développement

mesure du possible - être considéré dans les premières phases d’élaboration du projet. L’élaboration d’un PDD (et donc du scénario de référence à propre-ment parler) étant lui-même coûteux, il est important de faire une pré-étude de faisabilité ou une étude d’opportunité pour s’assurer au préalable que le projet présente des caractéristiques encourageantes.

- Les revenus carbone peuvent être associés à d’autres types de revenus marchands qui permettront d’assurer une meilleure faisabilité financière pour le projet. C’est le cas des produits ligneux ou non ligneux. Dans le cas des projets dits IFM, les revenus carbone viendront s’ajouter aux revenus d’exploi-tation et assureront la faisabilité financière de projets plus durables.

- Les risques associés aux projets REDD+ sont très importants. Il s’agit de projets de long terme qui sont soumis à un ensemble de risques techniques (aléas naturels, etc.), financiers (volatilité sur les marchés, absence de visibilité et de liquidité sur le marché du carbone, notamment forestier, etc.) et institu-tionnels (projets réalisés dans des pays peu stables, aux législations chan-geantes, avec un fort risque de corruption, etc.). À cela viennent s’ajouter les risques actuels liés à la mise en place du mécanisme à l’échelle internationale et nationale. Le fait que les méthodologies REDD+ soient aujourd’hui encore en cours de validation accentue les risques d’investissement. Des projets qui se sont appuyés sur une version non validée de méthodologie pourraient ren-contrer des problèmes et nécessiter une révision complète du PDD du fait de changements substantiels lors du processus de validation de la méthodologie sélectionnée. Pour les investisseurs, ces risques importants se traduisent par des taux d’actualisation forts sur ce type de projets (et donc une VAN plus faible) et des TRI exigés forts. En conséquence, les indicateurs financiers (TRI, VAN) sont généralement moins bons que pour d’autres secteurs.

- Les projets REDD+ génèrent des bénéfices sociaux et environnementaux additionnels qui – s’ils ne sont pas marchands – peuvent être appuyés finan-cièrement que ce soit via des subventions publiques, des donations, des prêts à taux préférentiels, etc. Ces externalités positives pourront être intégrées au « retour sur investissement ». Ces donations ou subventions permettent en effet d’améliorer les indicateurs financiers (TRI, VAN) des projets, car elles n’exigent généralement pas de retour marchand sur investissement.

L’analyse financière doit tenir compte de ces spécificités des projets REDD+. Elle doit par ailleurs être complétée d’une analyse de sensibilité qui permettra d’observer l’évolution des indicateurs de rentabilité selon des scénarii de coûts et de recettes différents et des hypothèses préalablement formulées.

• L’analyse de sensibilitéEn fonction des risques propres au projet et au contexte dans lequel il est mis en œuvre, il sera pertinent de simuler différents scénarii.

Plusieurs scénarii différents peuvent être simulés, notamment : - Une augmentation des coûts de transaction ou de mise en œuvre - Une diminution des recettes carbone (baisse des prix des crédits, baisse de la

quantité des crédits) - Un retard dans la mise en œuvre qui repousse la vente de crédits - Une diminution de la durée du projet

Chapitre 6 – recommandations pour la composante redd+ financière

152

Pour les projets carbone d’une manière générale et pour les projets REDD+ en particulier, il paraît important de mesurer l’impact d’une augmentation du prix du crédit sur la rentabilité du projet, selon les fluctuations observées dans les marchés. À titre d’exemple, un projet qui est développé dans un pays où le coût de la main d’œuvre est très variable aura intérêt à analyser l’impact d’une augmentation des coûts de mise en œuvre et de fonctionnement.

Une analyse de sensibilité bien construite doit permettre de répondre à deux questions essentielles : - Vis-à-vis de quelles variables la rentabilité du projet est elle la plus sensible ? - Quels sont les scénarios probables qui annuleraient la rentabilité du projet ?

Les hypothèses qui doivent être testées dépendent des risques propres au projet (voir encadré 6.9). Une trop grande sensibilité de la rentabilité vis à vis des coûts et des recettes est signe de fragilité financière du projet. Pour sécuriser l’investissement, il faudra, dans la mesure du possible, couvrir contractuellement les risques.

Encadré 6.8 - Analyse de sensibilité de la rentabilité financière d’un projet REDD+

Le projet est le même que celui présenté dans les Encadrés 6.4 et 6.7. Les 4 scénarii sont déclinés pour des taux d’actualisation de 10 % et 8 %.

Scénario 1 : Un taux d’actualisation de 10 % et baisse de 10 % du prix des VCUScénario 2 : Une baisse de 10 % du volume de VCU généréScénario 3 : Une augmentation de 10 % des coûts d’investissement du projetScénario 4 : Une augmentation de 10 % des coûts de fonctionnement

Scénario 1 Scénario 2 Scénario 3 Scénario 4

10 %

VAN d’origine 202 202

VAN révisée 34 736 34 066 125 969 188 376

8 %

VAN d’origine 478 415

VAN révisée 273 457 272 637 398 094 461 728

TRI d’origine 11,96 %

TRI révisé 10,35 % 10,34 % 11,18 % 11,83 %

153redd+ à l’échelle projet - Guide d’évaluation et de développement

Encadré 6.9 – Principaux risques des projets REDD+

De nombreux domaines de sensibilité peuvent être couverts contractuellement afin de réduire le risque. C’est le cas par exemple des contrats d’achats et de ventes de crédits qui permettent de fixer le prix et les volumes qui seront échangés entre les acteurs. Nous recensons dans le tableau suivant les principaux risques rencontrés lors du développe-ment et de la mise en œuvre de projets REDD+ et auxquels une attention toute particu-lière doit être portée. Certains de ces risques sont propres à tout type de projet, d’autres sont spécifiques aux projets carbone forestiers et aux projets REDD+.

Types de risques Exemples

Risq

ues

tradi

tionn

els

Risques non commerciaux• Instabilité politique et institutionnelle du pays d’accueil• Instabilité économique et monétaire (inflation, dévaluation, etc.)

Risques liés à la mauvaise exécution du projet

• Défaillance technique ou financière d’un ou plusieurs participant(s)

• Non-respect de la réglementation nationale• Abandon d’une ou plusieurs des parties prenantes, ou non

exécution pleine ou partielle de ses/leurs engagements

Risques liés à la mauvaise exécution des contrats

• Volume livré de crédits moins important que prévu• Prix moins élevé• Rétraction de l’acheteur

Risq

ues

« car

bone

fore

stie

r » e

t pro

jets

RED

D+

Risques liés à l’instrument carbone et à la stratégie

REDD+ nationale

• Rejet de la méthodologie• Non enregistrement auprès du standard• Changements substantiels dans les méthodologies en cours

de validation qui peuvent remettre en cause la faisabilité du projet (par exemple le rejet en cours de validation de l’approche dite projetée pour établir le scénario de référence dans la méthodologie ADP)

• Adoption d’une stratégie REDD+ nationale en défaveur du projet, voire de toutes les initiatives à l’échelle projet (en matière de commercialisation des crédits)

Risques liés à la non-permanence

• Risques naturels (incendies par exemple)• Risques anthropiques (rejet du projet par les agents

de la déforestation)

Risques liés à la propriété des crédits carbone

• Régimes fonciers• Positionnement national

Risques de fuites• Risque de déplacement de la déforestation dans des zones

plus ou moins adjacentes au projet

Risques de marché

• Manque de liquidité, de volatilité sur le marché des crédits carbone forestiers et en particulier des crédits issus de projets REDD+

• Manque de visibilité à long terme sur le marché• Fluctuation importante des prix

Source : adapté de Chenost C. et al. 2010

Chapitre 6 – recommandations pour la composante redd+ financière

154

• De l’analyse financière à l’analyse économiqueOutre les clauses de sauvegarde plus ou moins explicites du non-papier REDD+ de Copenhague 45, beaucoup de projets REDD+ s’accompagnent de, ou font va-loir, des bénéfices socio-économiques et environnementaux additionnels. Si elles ne peuvent être valorisées d’un point de vue strictement marchand, ces exter-nalités positives n’en sont pas moins un élément majeur du développement de projet qui peut faciliter la levée de financement et d’investissement initiaux. 46 Elles peuvent être valorisées par des appuis et/ou subventions publiques ou par du mécénat environnemental.

À ce titre et pour bien les estimer, il peut être intéressant de se lancer dans une analyse de l’efficacité économique du projet. Alors que l’analyse financière effectue un zoom sur l’investisseur et les bénéfices générés par la commerciali-sation des crédits carbone 47, l’analyse économique prend davantage de recul et observe l’ensemble des impacts économiques du projet pour une zone élargie et pour l’ensemble des acteurs. L’analyse de l’efficacité économique d’un projet REDD+ sera un indicateur des bénéfices économiques élargis.Le passage de l’analyse financière à l’analyse économique nécessite avant tout une consolidation des comptes de tous les agents pour lesquels le projet va avoir un impact significatif. C’est une technique d’agrégation permettant de syn-thétiser dans un compte unique, tous les flux d’échanges que les agents concer-nés par le projet entretiennent avec le reste de l’économie. Par la suite tous les flux correspondant à des transferts entre agents (les flux à la fois entrants et sortants) doivent être éliminés afin d’éviter leur double comptabilisation.Parmi les méthodes existantes pour analyser économiquement le projet, on peut mentionner la méthode dite des prix fictifs (shadow prices) qui consiste – tout comme l’analyse financière – à déterminer si les avantages du projet sont supé-rieurs aux coûts, mais cette fois-ci, du point de vue de la collectivité dans son ensemble (voir encadré 6.10).

Financer son projet

Il existe plusieurs leviers publics, privés ou encore philanthropiques pour financer un projet REDD+ et il est rare qu’un seul levier soit utilisé pour couvrir l’intégralité des coûts du projet. Les modes de financements aujourd’hui disponibles pour les projets REDD+ sont marqués par le contexte de développement dans lequel se trouve encore le mécanisme et qui accentue les risques d’investissement. Les nombreuses externalités environnementales et sociales des projets REDD+ leur donnent accès au financement par mécénat environnemental et accentuent l’in-térêt pour la compensation volontaire. Outre ces externalités positives et les cri-tères d’intérêt généraux auxquels peuvent répondre les projets REDD+, le carac-

45. Voir le chapitre 5 du présent guide.46. Idem47. Pour une analyse détaillée de la détermination du droit de propriété des crédits, voir le chapitre 3 sur les requis

organisationnels.

3

155redd+ à l’échelle projet - Guide d’évaluation et de développement

tère démonstratif des projets aujourd’hui en développement, permet de capter le financement public et de la coopération bilatérale et multilatérale.

• Les formes de financement disponiblesLes projets REDD+ ont accès aux formes de financement traditionnelles des projets et initiatives, à savoir la dette, les capitaux propres et les subventions et donations.

- Les capitaux propres : Les capitaux propres sont des capitaux versés par des investisseurs contre une prise de participation dans le véhicule de portage du projet. Ils en deviennent à ce titre actionnaire et en cette qualité, sont rémuné-rés par les dividendes du projet, après remboursement des autres partenaires.

Encadré 6.10 - Les étapes de la méthode dite des prix fictifs ou prix de référence

1. La correction des taxes, subventions et autres transfertsTous les flux de paiement n’ayant pas de contre partie réelles en ressources doivent être déduis de l’analyse financière. Ainsi toutes les taxes et subventions indirectes sur les intrants ou extrants du projet représentant de purs transferts doivent être déduits. Les prix doivent cependant inclure les taxes directes. Quelques fois des taxes ont pour ob-jectifs de corriger les externalités (ex : taxe carbone), celle-ci doivent être incluses dans la mesure ou ces externalités ne sont pas prises en compte dans la phase suivante.

2. L’introduction des externalitésL’objectif est de prendre en considération tous les coûts et avantages du projet qui n’ont pas été pris en compte dans l’analyse financière. En général tous les coûts et avantages qui dépassent le projet et affectent d’autres agents économiques sans compensation financière doivent être pris en considération dans l’évaluation écono-mique. Néanmoins il est essentiel d’identifier clairement tous les effets du projet avant toutes tentatives de valorisation. Même si certains avantages ou coûts se feront sentir à plus long terme et seront difficilement valorisables, il convient tout de même de les mentionner pour aider la prise de décision des responsables politiques ou financiers.

3. La conversion des prixEn dehors des externalités et des distorsions fiscales, les prix financiers peuvent s’éloigner des prix d’équilibre via l’existence d’un marché imparfait (monopole, infor-mation imparfaite, barrière à l’entrée…). L’analyse économique propose donc d’éta-blir des mesures correctives sur les prix financiers des intrants et extrants du projet échangeables et non échangeables. Un facteur de correction est donc introduit dans le tableau d’analyse pour rétablir les prix d’équilibres.

4. Le taux d’actualisation socialAu terme de la prise en compte de tous les coûts et avantages du projet, il convient d’appliquer un taux d’actualisation social qui est la plupart du temps différent du taux d’actualisation financier. La valorisation sociale des flux futurs doit donc faire l’objet d’une réflexion approfondie et est laissée au libre arbitre du porteur de projet à condi-tion que ses justifications soient clairement explicitées. Pour indication, la Banque mondiale établit des taux d’actualisation économiques à hauteur de 10 %. Néanmoins celui-ci est jugé élevé par les gouvernements nationaux qui préfèrent des actualisa-tions proches de 5 %.

Chapitre 6 – recommandations pour la composante redd+ financière

156

L’avantage des capitaux propres est qu’ils n’exigent pas d’être remboursés-pendant les premières années du projet, ce qui libère de la trésorerie. Par ailleurs, le financement par capitaux propres permet de financer des projets au profil risqué (ce que ne permet pas la dette). Mais ce faisant, le risque du financement par capitaux propres est plus élevé que ne l’est celui de la dette. Les rendements attendus par les actionnaires sont donc plus élevés que pour les prêteurs et le coût du capital est donc plus important.

Parmi les principales sources de capitaux propres, on peut mentionner les por-teurs de projet eux-mêmes (ex : étude de cas sur le projet Tasman de REDD Forests) et/ou les commanditaires du projet, le Capital Risque (Venture Capital) et les fonds de private equity. 48

Généralement, les fournisseurs de capitaux propres ne couvrent qu’une partie du coût total d’un projet.

- La dette : Dans le cadre d’un projet REDD+, la dette sera une somme d’argent fournie par un tiers et qui devra être remboursée – majorée des intérêts en cours – soit pendant, soit à la fin du mandat convenu. Pour le « prêteur » et en comparaison du financement par capitaux propres, le risque d’investissement est moindre et les taux d’intérêts sont donc généralement plus faibles. La dette (ou prêt) représente ainsi la source de capital la moins chère. En contrepartie, des garanties très fortes sont demandées au porteur de projet (lesquelles peu-vent s’appliquer sur les actifs du projet ou sur le porteur de projet lui-même).

Il faut noter que parce qu’elle finance des projets au profil peu risqué, la dette n’est pas facilement mobilisable pour les projets REDD+ et en l’état actuel du mécanisme.

- Les subventions : Une subvention est une somme d’argent accordée par un tiers à un projet qui contribue aux objectifs de cette tierce partie. Généralement et si les objectifs de la subvention sont bien atteints, celle-ci ne doit pas être remboursée.

Elles sont fourniers par des organisations gouvernementales - souvent de coopérations bilatérales ou multilatérales - et portent sur un pourcentage de l’investissement global du projet.

Beaucoup de projets REDD+ sont concernés par les subventions, notamment pour les phases préalables de faisabilité et de préfaisabilité. À noter que cer-taines agences de coopération peuvent demander à ce que la part de subven-tion soit retirée en équivalence des bénéfices commerciaux qui seront générés par le projet ultérieurement. 49

- Le mécénat environnemental : Dans le cadre de politiques philanthropiques, des entreprises privées investissent dans des projets apportant des bénéfices sociaux, environnementaux, économiques ou encore culturels. Les projets REDD+ bénéficient – notamment par l’intermédiaire de grandes ONG interna-tionales – de dons financiers ou « en nature ».

Certaines des entreprises qui investissent dans les projets REDD+ le font avec une perspective de compensation strictement volontaire, sans nécessairement

48. Voir Chenost et al. 2010, p.103.49. C’est le cas du KfW pour le financement de projets REDD+.

157redd+ à l’échelle projet - Guide d’évaluation et de développement

exiger l’origination de VERs (Verified Emission Reduction), c’est-à-dire de crédits certifiés par un standard et enregistrés sur un registre dédié. On peut citer à ce titre l’étude de cas du projet Juma, certifié auprès du CCBA et financé par le groupe Marriott qui propose à ses clients de faire de la compensation volontaire.

Outre ces modes de financements traditionnels, on parle de plus en plus pour les projets REDD+ de la vente dite anticipée des crédits carbone. Cette technique de vente peut être comparée à un financement par la dette. Dans ce schéma financier, l’acheteur anticipe l’origination des crédits et finance de cette manière la mise en œuvre du projet. Plus tard, lorsque les crédits seront générés, il se remboursement en obtenant la propriété de tout ou partie des crédits générés. Les avantages subs-tantiels de cette forme de financement est qu’elle couvre le manque de trésorerie initiale, symptomatique des projets REDD+. D’autant que les remboursements ulté-rieurs n’auront pas à être faits en espèce, mais seulement « en nature » (c’est-à-dire en crédits carbone). Cette forme de financement est extrêmement tentante pour les développeurs de projet. Elle n’est toutefois pas dénuée de risques et d’inconvénients. Il faut noter que l’acheteur attend généralement une remise importante sur le prix de vente des crédits, afin de prendre en compte la prise de risque et le coût du capital. Mais surtout, il est crucial de noter que, dans le contexte actuel du REDD+, de très fortes incertitudes pèsent dans la majorité des pays, sur la propriété même des crédits. La vente anticipée de crédits carbone doit se faire avec un encadre-ment contractuel minutieux (voir le chapitre 3), sous couvert d’un suivi actualisé des décisions prises au niveau national sur la question de la propriété et de la vente des crédits carbone issus de projets REDD+. Dans beaucoup de cas, les autorités compétentes devront être impliquées dans les négociations et signa-taires (parfois en qualité de vendeurs) des accords de vente anticipée.

• Qui finance les projets ?Les différentes formes de financement sont proposées par différents acteurs. Elles sont souvent combinées et utilisées pour des phases différentes. Elles impliquent parfois l’intervention d’intermédiaires et dans tous les cas, doivent être encadrées par des contrats minutieusement rédigés.

- Le porteur de projet : Pour les phases amont du projet (préfaisabilité et faisabilité), le porteur et/ou ses commanditaires investissent souvent sur ca-pitaux propres. Cela est beaucoup plus rare pour la mise en œuvre générale-ment plus coûteuse. Néanmoins, certains porteurs de projet du secteur privé peuvent financer la totalité du projet. Ils s’assurent de cette manière, la pleine propriété et maîtrise dudit projet, ainsi qu’un droit sur les crédits carbone (du fait de l’apport en capital). Le projet Tasman de REDD Forests est un bon exemple de ce genre de positionnement.

D’autres porteurs de projet privilégieront un positionnement différent, notam-ment s’ils ne cherchent pas à faire valoir un droit de propriété sur les crédits. C’est le cas de certaines ONG qui financent les phases préalables du projet dans l’objectif de lever des fonds plus facilement pour les phases ultérieures. Certains porteurs de projet financeront en propre le développement d’un PDD, voire la certification, qui leur donne plus de visibilité et de sérieux auprès des investisseurs.

Chapitre 6 – recommandations pour la composante redd+ financière

158

- Le secteur privé : À l’heure actuelle, le secteur privé investit dans les projets REDD+ par voie de mécénat environnemental (sous forme de donation ou de prêts à taux préférentiels), sur fonds propres ou selon un système de vente anticipé des crédits.

Le mécénat environnemental à proprement parler se fait généralement par l’intermédiaire de grandes ONG internationales et avec une volonté plus ou moins affichée de compensation volontaire. Il privilégie les projets qui présen-tent de nombreux bénéfices sociaux et environnementaux.

L’investissement sur fonds propres concerne généralement des phases spé-cifiques et peut prendre la forme d’une vente anticipée en ce sens que l’inves-tisseur entend se rembourser en récupérant une partie des crédits qui seront générés. C’est le cas par exemple du projet Oddar Meanchey au Cambodge qui bénéficie de l’investissement sur fonds propres de Terra Global Capital). TGC a développé la méthodologie sur fonds propres et à ce titre entend récupérer 7 % des crédits qui seront générés (à noter, que dans le cadre de ce projet, c’est l’Administration Forestière qui est propriétaire et donc seule habi-litée à vendre les crédits. Les accords de vente anticipée ont nécessairement impliqué les autorités gouvernementales).

À noter que la compensation volontaire peut se faire en direct (de l’investisseur au porteur de projet) ou par l’intermédiaire d’un « compensateur » qui propose de mettre en relation les projets avec les entités qui souhaitent compenser. Souvent et au même titre que la vente de crédits ex-post (après vérification), la vente anticipée se fera par l’intermédiaire de ces compensateurs dont certains agissent en qualité de broker (c’est-à-dire qu’ils mettent simplement en relation les acheteurs et les vendeurs sans acheter les crédits) et d’autre en qualité de traders (c’est-à-dire qu’ils achètent eux-mêmes les crédits pour les revendre ensuite).

- Le secteur public : Parce qu’il permet de financer des activités de démonstra-

tion dans un contexte d’affaire encore en cours d’élaboration (mécanisme en cours de négociation, stratégies nationales en cours de développement, faible retour sur expérience, etc.), le secteur public joue un rôle fondamental dans le financement des projets REDD+. Il est souvent la seule source de financement pour des activités au caractère très démonstratif et alors que le « business » carbone est encore difficile.

Outre le financement direct des activités de démonstration et d’une manière générale des projets (emprunts, donations, investissements), l’Aide Publique au Développement permet de renforcer les capacités des pays hôtes, encou-rage l’achat de crédits via des fonds carbone ou permet aux projets d’accéder à l’emprunt grâce à des fonds de garantie.

Plusieurs instruments bilatéraux et multilatéraux – via le financement direct ou parce qu’indirectement ils permettent le développement de projets – partici-pent à la faisabilité financière des projets.

159redd+ à l’échelle projet - Guide d’évaluation et de développement

Projet redd in Southern Cardamoms, Cambodge, Wildlife Alliance © WA, ONFI

Chapitre 6 – recommandations pour la composante redd+ financière

160

161redd+ à l’échelle projet - Guide d’évaluation et de développement

NB : Les références relatives aux standards, notamment le renvoi aux URL, sont détaillées dans le corps du texte et ne sont ici reprises qu’en partie. De même, pour la bibliographie des études de cas, nous renvoyons aux fiches projet qui se trouvent en annexe.

ACR, 2009. Forest Carbon Project Standard, version 1.

Angelsen A., Kaimowitz D., 1999. Rethinking the causes of deforestation : lessons from economic models, The World Bank Research Observer, vol. 14, no. 1, pp. 73–98.

Angelsen A. and Kaimowitz D. (eds) 2001. Agricultural technologies and tropical deforesta-tion. CAB International, Wallingford, UK.

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167redd+ à l’échelle projet - Guide d’évaluation et de développement

Inventaire des projets : définition retenue d’un projet redd+ et méthodologie

Définition

Le travail d’inventaire des projets REDD+ nécessite de clarifier au préalable le champ d’ap-plication de la REDD+. Dans le contexte actuel des négociations, cet exercice de clarification relève plus du parti pris que de la description. Il convient donc de se positionner sur un certain nombre de critères permettant d’identifier des projets REDD+. Le présent guide propose de définir les projets REDD+ comme des initiatives qui visent à enrayer efficacement et sur une zone donnée et délimitée, les dynamiques de défores-tation et/ou de dégradation forestière afin de valoriser sur les marchés du carbone, par rapport à un scénario de référence estimé, un évitement d’émissions de CO2 mesuré, contrôlé et validé. Ainsi, pour être inclus dans l’inventaire, les projets ont été soumis à diffé-rents critères : • Les activités doivent être ou projeter d’être implantées à l’échelle de projet. Les initiatives

sous-nationales ou nationales pourront éventuellement être retenues si des activités sont ou projettent d’être réalisées pour réduire la déforestation et la dégradation. Les projets qui se concentrent exclusivement sur la mise en place de politiques nationales ou sous-nationales ne seront à l’inverse pas inclus dans l’inventaire.

• La valorisation carbone (calcul des émissions évitées de CO2, compensation ou vente de crédits associés au projet) doit être explicitement recherchée.

• La majeure partie de la valorisation carbone doit venir des activités REDD+ et/ou le bénéfice carbone des activités REDD+ doit être chiffré indépendamment des autres bénéfices carbone. Il existe plusieurs projets qui allient les activités de substitution énergétique avec des activités REDD+. Seuls les projets qui chiffrent les bénéfices carbone liés à la réduction de la déforestation et de la dégradation seront retenus dans l’inventaire (par contre, un projet de boisement/reboisement seul n’a pas été pas inclus dans l’inventaire).

• Les activités retenues sont toutes les activités REDD+ (hors boisement, reboisement). Les projets dits de Gestion Forestière Améliorée (IFM) sont donc compris dans l’inventaire.

• Le projet doit en être à un niveau avancé de l’identification, c’est-à-dire qu’un minimum d’informations doit être disponible sur le projet (une Note d’Identification de Projet ou l’équivalent) ou que le développeur doit déjà avoir engagé les échanges avec les acteurs locaux (autorités compétentes locales et propriétaires). À défaut, le projet doit être réfé-rencé auprès des sources retenues (voir ci-après pour la liste des sources retenues).

Annexe 1

168

Méthodologie

L’objectif de l’inventaire est de recenser l’ensemble des projets REDD+ qui répondent aux critères rappelés ci-dessus. À cette fin, le présent Guide se base sur les différentes sources et bases de données de projets suivantes :

• Informations mises à disposition par les standards existantsL’émergence des projets forestiers au sein des marchés du carbone a été accompagnée par le développement d’un certain nombre de standards ou labels de qualité. Aujourd’hui, la plupart des standards prennent en compte le secteur forestier. Une partie d’entre eux sont ouverts à des projets de type REDD+ et quelques uns seulement, certifient effectivement des projets REDD+. Parmi les standards ouverts aux projets REDD+, on peut citer notamment le Voluntary Carbon Standard (VCS), le standard CCB (Climate, Community and Biodiversity), le Chicago Climate Exchange (CCX), le standard Social Carbon, le standard Plan Vivo, l’initiative australienne (Greenhouse Gas Friendly – AAC) ou l’American Carbon Registry (ACR). Ces différents stan-dards mettent en ligne des informations sur les projets enregistrés ou en cours de validation. Une revue de l’ensemble des standards existants a été réalisée.

• Informations mises à disposition par les marchés du carboneLes marchés régulés (développés dans le cadre du protocole de Kyoto ou non) mettent éga-lement à disposition des informations relatives aux projets. L’ensemble de ces marchés a été analysé. La plupart d’entre eux (en dehors du marché européen EU – ETS pour sa pre-mière période) prévoient le recours à des crédits forestiers (Regional Greenhouse Gas Initiative (RGGI), Western Regional Climate Initiative (WRCAI), Oregon Standard, Californian Climate Action Registry aux États-Unis, initiatives australiennes et néo-zélandaises). Le recours à des crédits REDD+ est très récent et n’est pas encore prévu au sein de ces marchés. On mention-nera toutefois le marché californien qui offre la possibilité de recourir à des projets IFM inclus dans l’inventaire REDD+.

• Informations mises à disposition par les opérateurs du marché volontairePour recenser les projets développés dans le cadre des marchés volontaires, et identifier les projets n’étant pas engagés dans une démarche de standardisation, la principale source d’in-formation utilisée a été celle fournie par les opérateurs de compensation volontaire. Pour ce faire, les sites Internet officiels des opérateurs de compensation ont été largement utilisés. Cette information a été croisée avec d’autres sources disponibles (informations mises à dis-position par les autorités nationales désignées des pays non annexe I, discussions avec les experts du domaine, enquêtes auprès de certains opérateurs).

• Croisement avec les bases de données de projets carbone forestierL’ensemble des données produites a également été croisé avec les bases de données exis-tantes de projets carbone forestiers. Parmi celles-ci citons – la base de données de l’ONF International (mise à jour sur la base des études et des projets développés au niveau internatio-nal), les informations transmises par le BioCarbon Fund de la Banque Mondiale, les bases de données publiques Forest Carbon Portal et Carbon Catalog. Certaines études ont également été mises à contribution 1.

1. Notamment : Wertz-Kanounnikoff et Kongphan-apirak, Emerging REDD+ - A preliminary survey of demonstration and readiness activities, Working Paper n°46, CIFOR, 2009.

169redd+ à l’échelle projet - Guide d’évaluation et de développement

Arbre de décision de l’approche Tier à utiliser

Annexe 2

Start

Box 3: Tier 3

Box 2: Tier 2

Box 1: Tier 1

Are detailed data on biomass

available to estimate changes in C stocks using dynamic models

or allometric equations?

Yes

Yes

No

No

Yes

No No

Use the detailed biomassdata for Tier 3 method

Use country-specificbiomass data and

emission/removal factors for the Tier 2 method

Gather data onbiomass growth

and biomass loss

Use aggregate data and default emission/removal

factors for Tier 1 method

Collect data for the Tier 3 or Tier 2 method

Are country-specific biomass data

and emission/removal factors available?

Are changes in C stocks in biomass in

this land classification a key category

Are aggregate data on

biomass growth and loss available?

170

NomNiveaux d’information par état d’avancement

DétailsIdentification Faisabilité Mise en œuvre

Élaboration du projet

Sélection et délimitation du périmètre du projet

• Tous les critères pertinents ont été pris en compte dans la sélection du périmètre du projet (potentiel carbone, co-bénéfices, sécurité financière, politique et naturelle)

XX XXX

• La zone de projet a été clairement délimitée en fonction de la localisation des agents, de l’occurrence des causes et du principe d’évitement des risques

XX XXX

Identification des agents et des causes de la déforestation

• Les agents et les causes de la déforestation ont été identifiés, qu’ils soient actuels ou futurs XX XXX

• Les causes ont été hiérarchisées et analysées qualitativement et quantitativement X XXX

Sélection des activités

• Les activités ont été identifiées X XXX

• Elles ciblent des agents et des activités propres, sources de déforestation X XX XXX

Estimer l’efficacité carbone des activités

• L’efficacité des activités a été estimée ex-ante de manière à en déduire un scénario de projet X XXX

• Un plan de monitoring existe et est mis en place pour contrôler ex-post l’efficacité des activités X XXX

• Des possibilités de réajustement sont aménagées. XX XXX

la structure organisationnelle d’un projet redd+

Identification et analyse des parties prenantes

• Les parties prenantes locales et nationales, qu’elles soient institutionnelles, politiques, des secteurs privés ou de la société civile, ont été identifiées et consultées

X XXX

• Toutes les compétences techniques, de gestion et logistiques nécessaires ont été mobilisées X XX XXX

Les droits de propriété sur les crédits ont été déterminés

• La nature juridique du crédit carbone a été identifiée X XXX

• Les potentiels détenteurs de droits ont été identifiés X XXX

Elaboration d’un diagramme organisationnel

• Les droits et responsabilités des uns et des autres ont été intégrés dans un diagramme organisationnel XX XXX

• Les modalités de mise en œuvre des activités et de redistribution ont été envisagées et transcrites dans un diagramme

XX XXX

Contractualisation

• Le foncier a été sécurisé X XX XXX

• Le droit de propriété sur les crédits a été sécurisé X XX XXX

171redd+ à l’échelle projet - Guide d’évaluation et de développement

Grille d’analyse des projets REDD+ (1/2)

Annexe 3

NomNiveaux d’information par état d’avancement

DétailsIdentification Faisabilité Mise en œuvre

Élaboration du projet

Sélection et délimitation du périmètre du projet

• Tous les critères pertinents ont été pris en compte dans la sélection du périmètre du projet (potentiel carbone, co-bénéfices, sécurité financière, politique et naturelle)

XX XXX

• La zone de projet a été clairement délimitée en fonction de la localisation des agents, de l’occurrence des causes et du principe d’évitement des risques

XX XXX

Identification des agents et des causes de la déforestation

• Les agents et les causes de la déforestation ont été identifiés, qu’ils soient actuels ou futurs XX XXX

• Les causes ont été hiérarchisées et analysées qualitativement et quantitativement X XXX

Sélection des activités

• Les activités ont été identifiées X XXX

• Elles ciblent des agents et des activités propres, sources de déforestation X XX XXX

Estimer l’efficacité carbone des activités

• L’efficacité des activités a été estimée ex-ante de manière à en déduire un scénario de projet X XXX

• Un plan de monitoring existe et est mis en place pour contrôler ex-post l’efficacité des activités X XXX

• Des possibilités de réajustement sont aménagées. XX XXX

la structure organisationnelle d’un projet redd+

Identification et analyse des parties prenantes

• Les parties prenantes locales et nationales, qu’elles soient institutionnelles, politiques, des secteurs privés ou de la société civile, ont été identifiées et consultées

X XXX

• Toutes les compétences techniques, de gestion et logistiques nécessaires ont été mobilisées X XX XXX

Les droits de propriété sur les crédits ont été déterminés

• La nature juridique du crédit carbone a été identifiée X XXX

• Les potentiels détenteurs de droits ont été identifiés X XXX

Elaboration d’un diagramme organisationnel

• Les droits et responsabilités des uns et des autres ont été intégrés dans un diagramme organisationnel XX XXX

• Les modalités de mise en œuvre des activités et de redistribution ont été envisagées et transcrites dans un diagramme

XX XXX

Contractualisation

• Le foncier a été sécurisé X XX XXX

• Le droit de propriété sur les crédits a été sécurisé X XX XXX

172

NomNiveaux d’information par état d’avancement

DétailsIdentification Faisabilité Mise en œuvre

les impacts sur le changement climatique

Démonstration de l’impact climatique net positif du projet

• Le scénario de référence d’émissions a été établi de manière conservative et il suit les dernières recommandations méthodologiques disponibles

X XXX

• Les fuites sont identifiées, quantifiées, et des mesures d’atténuation sont prévues X XXX

Risque de non-permanence

• Un plan de monitoring permet de s’assurer de la permanence des réductions d’émissions X XXX

les impacts sociaux et environnementaux

Evaluation des impacts sociaux et environnementaux

• La situation initiale a été analysée et semble bien comprise XX XXX

• Les impacts potentiels du projet ont été identifiés et évalués X XXX

Monitoring des impacts sociaux et environnementaux

• Des indicateurs de suivi pertinents ont été identifiés XXX

• Un plan de monitoring existe et est implanté localement pour contrôler les impacts sociaux et environnementaux du projet

X XXX

Certification des impacts sociaux et environnementaux du projet

• Les impacts sociaux et environnementaux ont été certifiés ou le projet a fait appel à un standard dédié X XX XXX

l’Évaluation financière et Économique des projets redd+

Détermination du modèle du projet

• Les coûts du projet ont été identifiés et analysés X XXX

• Les recettes ont été identifiées et analysées X XXX

• A priori, les revenus nets du projet sont positifs sur le long terme XXX

Faisabilité financière et analyse économique

• Les indicateurs financiers sont bons XXX

• Le projet ne présente pas une sensibilité trop forte à l’un des éléments financiers retenus XXX

• Le projet est efficace économiquement parlant XXX

Financement du projet

• La stratégie de financement du projet correspond à la structure financière envisagée XX XXX

• La structure financière du projet et notamment le mécanisme de redistribution des bénéfices tient compte de tous les acteurs, du partage des risques, des droits de chacun et des risques de non adhésion des acteurs au projet

XX XXX

173redd+ à l’échelle projet - Guide d’évaluation et de développement

Grille d’analyse des projets REDD+ (2/2)

NomNiveaux d’information par état d’avancement

DétailsIdentification Faisabilité Mise en œuvre

les impacts sur le changement climatique

Démonstration de l’impact climatique net positif du projet

• Le scénario de référence d’émissions a été établi de manière conservative et il suit les dernières recommandations méthodologiques disponibles

X XXX

• Les fuites sont identifiées, quantifiées, et des mesures d’atténuation sont prévues X XXX

Risque de non-permanence

• Un plan de monitoring permet de s’assurer de la permanence des réductions d’émissions X XXX

les impacts sociaux et environnementaux

Evaluation des impacts sociaux et environnementaux

• La situation initiale a été analysée et semble bien comprise XX XXX

• Les impacts potentiels du projet ont été identifiés et évalués X XXX

Monitoring des impacts sociaux et environnementaux

• Des indicateurs de suivi pertinents ont été identifiés XXX

• Un plan de monitoring existe et est implanté localement pour contrôler les impacts sociaux et environnementaux du projet

X XXX

Certification des impacts sociaux et environnementaux du projet

• Les impacts sociaux et environnementaux ont été certifiés ou le projet a fait appel à un standard dédié X XX XXX

l’Évaluation financière et Économique des projets redd+

Détermination du modèle du projet

• Les coûts du projet ont été identifiés et analysés X XXX

• Les recettes ont été identifiées et analysées X XXX

• A priori, les revenus nets du projet sont positifs sur le long terme XXX

Faisabilité financière et analyse économique

• Les indicateurs financiers sont bons XXX

• Le projet ne présente pas une sensibilité trop forte à l’un des éléments financiers retenus XXX

• Le projet est efficace économiquement parlant XXX

Financement du projet

• La stratégie de financement du projet correspond à la structure financière envisagée XX XXX

• La structure financière du projet et notamment le mécanisme de redistribution des bénéfices tient compte de tous les acteurs, du partage des risques, des droits de chacun et des risques de non adhésion des acteurs au projet

XX XXX

Annexes

174

175redd+ à l’échelle projet - Guide d’évaluation et de développement

Études de cas

Projet REDD d’Oddar Meanchey, Cambodge 176 Projet REDD du corridor de Kasigau, Kenya 186 Réserve de développement durable de Juma, Amazonas, Brésil 192 Sao Francisco Forest Project REDD dans l’État du Tocantins, Brésil (anciennement Genesis Forest Project) 198 Réduire les émissions de carbone en protégeant une forêt naturelle en Tasmanie 206

Annexe 4

176

Projet redd d’Oddar Meanchey

L’honorable Bun Suluth, moine Bouddhiste en charge d’une des forêts du projet Oddar Meanchey, et Son excellence Ty Sokhun, responsable de l’Administration Forestière en 2008, examinent les progrès dans la zone du projet © CFI

177redd+ à l’échelle projet - Guide d’évaluation et de développement

Project ID

Localisation Cambodge, Province d’Oddar Meanchey

Taille 67 853 ha (60 390 ha de forêt)

Durée 30 ans (2008-2038)

Méthodologie/outils utilisé(e)s

Baseline and Monitoring Methodology for Project Activities that Reduce Emissions from deforestation on Degrading Land soumise au VCS par Terra Global Capital

Validation/ Certification Standards de la CCBA (en cours), VCS (en cours)

Type de forêts Forêts sempervirente de plaine, semi décidue et forêt sèche décidue

Principaux facteurs de déforestation

• Spéculation foncière ; • Conversion à l’agriculture ou extension des infrastructures ; • Collecte en bois de feu, incendies annuels pour défricher ou pour chasser ; • Exploitation forestière illégale à des fins commerciales ou pour un usage

domestique ; • Grandes concessions économiques et d’exploitation forestière

Principaux agents de la déforestation Migrants, compagnies privées, communautés locales, militaires

Activités du projet

• Renforcement des droits de propriété, plan d’usage des sols• Protection de la forêt, appui à la régénération naturelle• Introduction de fours plus efficients, moustiquaires• Intensification agricole• Projets de développement des ressources en eau

• Prévention des feux de forêt, Développement des produits forestiers non ligneux

Les Bénéfices du projet

• Environ 25’000 ha de déforestation évitée sur 30 ans (soit 7,125 MtCO2e)• Nombreux bénéfices pour les communautés locales grâce à un processus

participatif tout au long du projet • Protection de la biodiversité

Porteur de projet Administration Forestière du Gouvernement Royal du Cambodge

Parties prenantes Villageois, PACT, Children’s Development Association, Terra Global Capital, Clinton Climate Initiative, CFI, TWG-F&E

Financement du projet Phase de démarrage et de validation financée par diverses organisations. Dès que possible, autofinancement du projet grâce à la vente de crédit carbone.

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Description du projet

Aspects organisationnels

La zone du projet fait partie du domaine forestier permanent et se trouve donc sous gestion de l’Administration Forestière (AF). Mais les terrains n’ont jamais été clairement délimités, aucun droit spécifique n’a été délivré pour ces zones et les acteurs locaux luttent pour revendiquer un droit sur la forêt. Le projet a donc clarifié le foncier et démarqué la zone notamment grâce à 9 contrats signés entre les communautés forestières et l’AF. À noter que 4 contrats supplémentaires devraient prochainement être signés. Bien que l’AF demeure le propriétaire du terrain, ces accords assurent aux communautés un droit foncier explicite et irréfutable ainsi que des droits de gestion des terrains. Au-delà de son positionnement comme vendeur des crédits, l’AF agit en qualité de développeur et de porteur actif du projet, avec le soutien de plusieurs ONG et partenaires.

Élaboration du projet

Dans la zone de projet, deux types de forêts (sempervirente et mixtes sempervirente/décidue) et trois niveaux de densité carbone différents ont été identifiés (densité forte, moyenne et basse). Ceci a permis d’estimer deux facteurs d’émissions de carbone plutôt conservateurs : 439 MtCO2e ha-1 pour la forêt sempervirente, et 221 MtCO2e ha-1 pour les forêt mixtes. La province d’Oddar Meanchey a retenu l’attention des initiateurs du pro-jet du fait de taux de déforestation très élevés (2,9 % pour les forêts mixtes et 4,2 % pour la forêt sempervirente) qui sont essentiellement dus à la croissance démographique, à l’utilisation non durable des forêts, à la conversion, la destruction et l’utilisation illégales de la forêt et des ressources forestières. La zone du projet se compose de 13 parcelles distinctes dans lesquelles les surfaces individuelles de forêts communautaires oscillent entre 383 et 18 164 ha. Pour lutter contre la déforestation et la dégradation des forêts, le projet a identifié 10 activités, avec pour initiative fondamentale la clarification foncière (voir tableau 2).

Les impacts sur le changement climatique

Le scénario de référence a été extrapolé du taux de déforestation historique enregistré sur la zone de référence entre 1990 et 2006, en multipliant ce taux annuel moyen par le facteur de proportionnalité du périmètre de projet par rapport à la zone de référence. La zone de fuite a été délimitée en tenant compte de ce que coûterait aux agents locaux de la déforestation, le déplacement de leurs activités, et de manière à couvrir l’ensemble des zones boisées qui entourent la zone de projet et qui pourraient être soumises à des risques de déforestation plus élevés du fait du projet. Il est admis que les fuites ne se produiront que si les coûts de déplacement des activités sont inférieurs à un certain seuil ou moindres par rapport aux ressources alternatives. À hauteur de 1,26 MtCO2 sur 30 ans, les bénéfices carbone du projet comprennent l’appui à la régénération naturelle, qui est une des activités du projet.

Les impacts sociaux et environnementaux

Le projet comprend 58 villages, dont la plupart sont traditionnellement dépendants des ressources forestières. Le projet espère fournir des bénéfices directs aux communautés locales en les intégrant pleinement dans la conception et le développement des activités, en renforçant leurs capacités de gestion forestière et en sécurisant leurs droits, en générant des revenus carbone pour la restauration de la forêt, en améliorant les systèmes agricoles, en créant des systèmes de micro-finance, en maintenant l’accès et l’usage aux produits forestiers non ligneux, etc. Les populations migrantes seront également inclues dans le projet pour éviter l’augmentation constante des pressions. La zone du projet est considérée à haute valeur de conservation, tant pour sa valeur culturelle que pour la richesse de sa biodiversité. Un monitoring participatif annuel sera décliné de manière à suivre les impacts éco-nomiques, sociaux, institutionnels, mais aussi la biodiversité, les stocks de carbone et le couvert forestier.

La dimension financière

Outre les 12 mois de préparation, le projet durera 30 ans. Les 5 premières années seront dédiées à la mise en œuvre et financées par les bailleurs de fond alors que les années suivantes laissant place à des activités de maintenance devront être financées par les recettes carbone. Terra Global Capital sera en charge du courtage des crédits carbone et l’Administration Forestière agira en qualité de vendeur de ces crédits. 50 % des bénéfices nets totaux issues de la vente de crédits carbone reviendront au gouvernement et les 50 % restant seront distribués aux communautés locales via les comités de gestion des communautés forestières.

179redd+ à l’échelle projet - Guide d’évaluation et de développement

Description générale

Le projet peut être divisé en 2 périodes : la période qui précède l’origination de crédits carbone (A) et la période d’octroi de crédits à proprement parler (B).

Pendant la Période (A), la phase préalable à la mise en œuvre est dédiée à la préparation et à l’élaboration du projet. En parallèle, une méthodologie REDD a été déve-loppée pour fournir un outil adapté au contexte spécifique du projet. Cette méthodologie a été soumise au VCS et le PDD aux standards de la CCBA. À l’heure de la rédaction du présent document, l’une et l’autre sont encore en cours de validation. Dès validation de la méthodologie, un PDD sera également soumis au VCS. Une fois toutes ces étapes terminées, certains crédits pourraient faire l’objet d’une vente anticipée, en fonction des fonds nécessaires pour la mise en œuvre.

La Période (B) correspond à la phase de mise en œuvre pendant laquelle les crédits carbones seront générés. Le gouvernement mettra en œuvre le projet à travers la signature de contrats avec les groupes de communautés forestières et avec l’aide de ses partenaires opérateurs. Tous les 5 ans, le processus de MRV permettra de générer une certaine quantité de crédits ex-post, de laquelle seront prélevés le buf-fer de non permanence, le paiement des charges et le remboursement des investissements initiaux. Les coûts de mise en œuvre du projet sont supposés diminuer dans le temps tandis que les bénéfices nets devraient augmenter. 50 % des bénéfices nets du projet iront au gouvernement et les 50 % restant seront distribués aux communautés locales via les comités de gestion des communautés forestières.

À retenir pour les autres projets…

Le projet Oddar Meanchey met en avant une question fondamentale en terme de structuration organisationnelle : l’articulation des projets REDD+ avec les stratégies nationales forestières d’une manière générale et avec les stratégies nationales REDD+ en particulier.

La question pourrait être posée de savoir si les financements REDD+ doivent être utilisés pour mettre en œuvre une loi préexistante laquelle, dans le cadre de la souveraineté nationale, pourrait avoir un budget dédié. Mais au-delà de cette question du soutien VS. substitution, le diagramme organisationnel ici adopté permet de replacer le développement de projets REDD+ dans le contexte des négociations internationales. S’il n’est pas directement inclus dans une stratégie nationale, le projet REDD+ devra prendre en compte la position du pays d’accueil, et de la non objection à l’appropriation, devra impliquer le gouvernement dans le développement du projet. Cela ne veut pas dire que tous les projets dans le monde doivent être explicitement portés par les gouvernements, mais que les porteurs de projets devront nécessairement s’interroger sur le rôle du gouvernement dans le projet et l’articulation du projet avec les lois forestières existantes. Dans le cas du projet Oddar Meanchey, la problématique est d’autant plus visible qu’elle se traduit en un système de redistribution des bénéfices et de partage des responsabilités. Ceci donne un exemple de la façon dont les questions organisationnelles peuvent être traitées dans un pays où l’AF est désignée titulaire des bénéfices REDD+.

20%

Buffer de non-permanence

Selon l’évaluation des risques du VCS

Phase d’élaborationÉtude de faisabilité,consultation, études locales, rédaction du PDD…

Financée par un groupe de bailleurs (250k US$)

Développementde la méthodologie

Investissement en propre de Terra Global Capital

Temps

Remboursement sur investissement

À Terra Global Capital pour le développementde la méthodologie et la vente des crédits

7% 73%

Gouvernement (Administration Forestière)

--%

Mise en œuvre Contrats avec les communautés,…

Avec PACT Cambodia et les autres ONGs partenaires

MR

V

--%

Bénéfices nets

50%

50%

Communautés

Cer

tific

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mét

hodo

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Cré

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5 an

s)

Cha

rges

--% --%

Retour d’expérience sur…

« redd et le programme de foresterie communautaire »

180

Partenaires et structure organisationnelle

Les partenaires du projet ont été et seront différemment impliqués tout au long du projet : • Ce projet a été initié par Community Forestry International (CFI) dans le cadre d’un Memorandum of

Understanding (MoU) signé pour 5 ans avec l’Administration Forestière. Avec le soutien d’une coalition de bailleurs de fonds, CFI était le principal partenaire de l’AF pour la phase de conception du projet. Ils pour-suivent aujourd’hui leurs engagements à travers un travail de recherche et de monitoring.

• En parallèle Terra Global Capital (TGC) a développé une méthodologie REDD adaptée au contexte d’Oddar Meanchey et l’a soumis au VCS pour validation. Pendant la période (A), TGC est en charge de la concep-tion technique du projet (estimations carbone, inventaire forestier, rédaction du PDD et développement de la méthodologie, etc.). Pour la période (B), TGC agira en tant que courtier et sera en charge de la commercialisation des crédits. Tout au long du projet TGC travaille sur fonds propres et a signé un MoU avec l’AF pour obtenir 7 % des crédits carbone.

• PACT Cambodia, CDA et les associations de communautés locales seront les opérateurs du projet. Ils ont signé avec l’AF un MoU pour faciliter la mise en œuvre des activités du projet. Cette partie est autofinancée par les crédits générés.

D’autres partenaires ont pris/ou prendront part au projet, tout au long de sa durée et sur des aspects divers comme l’appui technique, le financement, le conseil, le suivi, etc. : la Clinton Climate Initiative (CCI), Sonnenschein Nath & Rosenthal LLP, le groupe de travail technique de l’administration forestière dédié à la forêt et l’environnement (TWG-FE) et l’Association des Moines Boudhistes.

Le programme national de foresterie communautaire et le REDD+

Pendant les 5 dernières années, l’AF a adopté le sous décret sur les communautés forestières qui reconnaît aux comités de gestion de ces dernières, un droit d’utilisation de la forêt pendant 15 ans (renouvelable) à travers la signature d’Accords Forestiers Communautaires. 13 Comités de Gestion de Communautés Forestières (CGCF) participent au projet Oddar Meanchey. En signant ces accords, le gouvernement assure aux communautés locales un droit légal, explicite et incon-testable d’utilisation et de gestion des terres. Malgré ce droit d’usage, l’Administration Forestière reste le propriétaire légal des terrains. Un accord supplémentaire a donc été signé entre les communautés et l’AF, précisant clairement les droits et responsabilités relatives à la propriété du carbone et l’utilisation des terres. Les CGCF s’engagent à protéger la forêt par une gestion durable et des pratiques à faibles impacts tandis que le gouvernement agit comme vendeur d’unités carbone dans le cadre d’ERPAs et au nom de l’ensemble des groupes de CGCF. Selon un engagement national sur le mécanisme REDD+, au moins 50 % des bénéfices nets seront transférés aux communautés. Cette répartition devrait augmenter au fur et à mesure que les coûts de mise en œuvre diminuent avec l’expérience accumulée.

Financement

Le mécanisme REDD+ est ici utilisé comme cadre de financement d’une initiative nationale au bénéfice des communautés. Dans la province d’Oddar Meanchey, la finance carbone subviendra aux besoins des commu-nautés locales, des ONG et des responsables forestiers pour stabiliser le couvert forestier. Elle apporte ainsi une option à long terme pour le programme cambodgien national de foresterie communautaire, sans laquelle il n’aurait pu être mis en œuvre avec succès. Pour un total d’environ 250 000 US$, la période (A) du projet a été financée ex-ante par une coalition de bailleurs qui comprend la fondation MacArthur, la DANIDA, la DfID, la NZAid, la CCI et la fondation Rockefeller. Ces fonds ont permis de couvrir les coûts de mise en œuvre et les coûts de validation de la méthodologie et du PDD. Par ailleurs, TGC a financé sur fonds propres, le développement de la méthodologie REDD. Il est prévu que la période (B) soit autofinancée par la génération de revenus carbone, lesquels sont estimés à environ 31 millions US$ sur 30 ans.À l’heure actuelle, d’autres sources potentielles de financement par les bailleurs sont étudiées afin de pour-suivre le travail avec les communautés et de débuter la mise en œuvre des activités. La vente anticipée de certains crédits pourrait également être nécessaire pour éviter le paradoxe de « la poule et de l’œuf ». Il est en effet crucial de combler le manque de ressources nécessaires à la mise en œuvre, avant la génération des premiers crédits carbone monitorés, rapportés et vérifiés (MRV).

181redd+ à l’échelle projet - Guide d’évaluation et de développement

Description générale

Le projet d’Oddar Meanchey devrait permettre d’éviter l’émission de 7 125 046 millions de tCO2 sur 30 ans et ainsi générer entre 4 987 532 et 5 700 037 de VCUs, selon si le buffer de non permanence s’élève à 20 % ou 30 %.

Pour prédire ces bénéfices, la méthodologie REDD de Terra Global Capital a détaillé les étapes d’une estimation ex-ante de la déforestation et des émissions de GES selon le scénario du projet :

Ces étapes comprennent entre autres :• L’Identification des agents et facteurs de la déforestation et de la dégradation de la forêt• L’évaluation de l’importance relative des facteurs de la déforestation et de la dégradation de la forêt• L’identification et la description des activités pour lutter contre les facteurs de la déforestation • La quantification de l’efficacité maximale des activités • L’identification et la description des risques de fuites par facteurs • La détermination de l’ampleur des fuites (taux d’annulation)

Figure 1 – Impact du projet sur les taux de déforestation dans et hors du périmètre du projet (Fuites)

À retenir pour les autres projets…

Au-delà des valeurs estimées, cette approche oriente la réflexion sur les activités et formalise un processus pour baser la conception du projet sur l’évaluation de son efficacité en matière de réduction d’émissions de GES.

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0%

10%

20%

30%

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2008

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2037

Rela

tive

Defo

rest

aton

Rat

e

Calendar Year

Deforestation Rate in the Project Area under Project Scenario

Increased Deforestation due to Activity - shifting Leakage inside Leakage Belt

Increased Deforestation due to Activity - shifting Leakage outside of Leakage BeltIncreased Deforestation due to Activity - shifting Leakage outside of Leakage Belt

Increased Deforestation due to Market Leakage

Net Decrease in Deforestation Rate after Discounting for Leakage

Retour d’expérience sur…

« L’estimation ex-ante de l’efficacité du projet »

182

L’analyse des facteurs

Grâce à une bonne connaissance de la région, à des données scientifiques et officielles, à des enquêtes locales et à l’analyse historique de la déforestation, les développeurs de projet ont identifié 10 facteurs et 6 agents actifs de la déforestation (cf. Table 2 à la fin du document).

Pour chacun de ces facteurs, et en utilisant une série de formules données par la méthodologie et par le GPG LULUCF, une perte annuelle de carbone a été estimée. Par la suite, la contribution relative de chacun de ces facteurs aux pertes totales de carbones liées à la déforestation et à la dégradation a aussi été estimée. Au final, l’importance relative de chacun des facteurs de la déforestation et de la dégradation de la forêt (contributionDF(d)) a pu être cal-culée en combinant les pertes absolues et relatives de carbone. (cf. Table 1).

Table 1 – Importance proportionnelle des facteurs.

Taux de déforestation du scénario de projet

Les porteurs de projet ont identifié 10 activités nécessaires pour assurer la réduction de la dégradation et de la déforestation. Chaque activité est ainsi conçue dans le but de réduire l’impact d’un ou plusieurs facteurs (cf. Table 2). Pour chaque activité, il est estimé un degré relatif traduisant le changement d’efficacité tout au long du projet, induit notamment par l’expérience acquise (une valeur de 100 % indique que les activités ne peuvent pas être plus efficaces dans la réduction de la déforestation). Par ailleurs une efficacité absolue est estimée pour traduire l’efficacité de l’activité a sur le facteur d (effectiveness(a,d)).

La réduction relative de la déforestation liée aux activités du projet est calculée en fonction de l’efficacité de chaque activité du projet à réduire chaque facteur de déforestation et en fonction de la contribution relative de chaque facteur à la déforestation totale. Formellement, Terra Global Capital traduit cela comme suit :

Les changements nets dans les taux de déforestation sous un scénario avec projet sont calculés en multipliant la réduction relative de la déforestation liée aux activités du projet avec les taux de déforestation absolus du scénario de référence.

Détermination des fuites

Trois différentes sortes de fuites ont été identifiées : les déplacement d’activités à l’intérieur de la zone de fuite, les déplacements d’activités en dehors de la zone de fuite et les fuites liées au marché. Pour chaque facteur, le risque de fuite a été identifié puis traduit en taux d’annulation estimé ex-ante (cf. Table 3). Ces taux expriment pour un facteur spécifique la quantité de fuite relative à la quantité de déforestation évitée.La réduction de la déforestation nette dans le scénario avec projet est calculée comme la différence entre la déforestation du scénario de référence et celle du scénario projet, car les activités du projet ne seront pas à 100 % efficaces, il restera de la déforestation sous le scénario projet.

Facteurs Importance

Empiètement des migrants sur la forêt 30 %

Conversion à l’agriculture 30 %

Conversion à des zones d’habitation 10 %

Collecte de bois de feu 10 %

Incendies pour défricher les terrains 5 %

Incendies provoqués par la chasse 5 %

Coupes illégales commerciales 5 %

Collecte de bois pour usage local 5 %

Concessions d’exploitation économique NR

Concessions forestières NR

relativeprojectimpactDF(t)= impact de toutes les activités sur la déforestation, relativement au taux du scénario de référence

pendant l’année t

relativedriverimpactDF(t,d) = impact relatif d’un facteur d sur la déforestation pour l’année t de la période de créditing

nrActivities = nombre total des activités, c’est-à-dire 10 pour le projet Oddar Meanchey

nrDrivers = nombre total de facteurs, c'est-à-dire 10 pour le projet Oddar Meanchey

rate(a,t) = degré relatif d’activité pour une activité a, pendant l’année t

effectiveness(a,d) = efficacité d’une activité a pour réduire un facteur d

contributionDF(d) = importance relative d’un facteur d en matière de déforestation et par rapport à la déforestation totale.

183redd+ à l’échelle projet - Guide d’évaluation et de développement

Le point de vue…

du développeur de projetL’initiateur du projet

Community Forestry International, Inc. (CFI) assiste les communautés rurales dans le maintien et la régénération du couvert forestier, en aidant les déci-deurs politiques, les agences de développement, les ONGs, et les forestiers professionnels à développer des instruments légaux, des capacités humaines, des processus et des outils de négociation pour soutenir les gestionnaires des ressources locales. CFI, dans le cadre des ses activités au Cambodge a initié le projet Oddar Meanchey qui est aujourd’hui porté par l’Administration Forestière avec l’assistance de Terra Global Capital et de PACT Cambodia.

Plus/ Avantages Moins/ Difficultés

• L’opportunité d’évaluer le potentiel des projets REDD+ pour répondre aux besoins des communautés fores-tières, et ce faisant d’alimenter les réflexions internatio-nales sur le REDD+.

• Fournit une stratégie et une structure de financement permettant d’éviter la déforestation et de faciliter la régé-nération, tout en générant des revenus pour 58 villages participant au projet.

• Assure la sécurité foncière grâce à un accord d’usufruit de 15 ans renouvelables et protège la biodiversité mena-cée dans une région qui subit une très rapide déforesta-tion à l’échelle de tout le paysage.

• Exige la combinaison de subventions et de fonds privés pour le développement et la mise en œuvre.

• Difficulté à obtenir une subvention adéquate pen-dant la phase de développement initiale, ce qui entrave la mise en œuvre.

• Les retards pour obtenir la validation de la mé-thodologie REDD ont reporté la réalisation et la certification du PDD.

• Le manque de compréhension globale concernant la conception de projets REDD a nécessité de passer du temps pour assurer une bonne compré-hension de tous les partenaires du projet qui sont nombreux et diversifiés.

Qu’attendez-vous des négociations internationales en matière de REDD+ ?

• Les futurs accords devraient adopter un mécanisme REDD+ qui permette la conception et la mise en œuvre de projets locaux qui bénéficient aux populations forestières et autochtones. Les accords devraient prévoir des mécanismes pour subventionner les développeurs de projets qui conçoivent des initiatives REDD + orientées vers les populations. Ils devraient également inclure des éléments clés comme : des récompenses basées sur les résultats et versées aux communautés qui réduisent efficacement la déforestation, des contrats communau-taires pour la mise en œuvre des projets, le monitoring forestier par les communautés. Ces accords devraient aussi permettre le développement de politiques environnementales nationales favorables aux projets REDD+ communautaires.

Quels seraient votre(vos) conseil(s) à un futur développeur de projet en matière d’élaboration de projet?

• Identifier les sites à fort potentiel ayant une déforestation rapide et récente et où les communautés locales sont motivées et capables de contrôler cette déforestation avec l’appui du projet. Obtenir des subventions pour au moins 3 à 5 ans afin que le projet puisse être conçu, certifié et mis en œuvre jusqu’à la première période de vérification. Lier le projet REDD aux politiques nationales de foresterie communautaire ce qui peut assurer la sécurité du régime forestier pour les groupes communautaires participants au projet.

Contact

Mr. Long Ratanakoma – Deputy Chief, CF OfficeForestry Administration - Royal Government of Cambodia#40, Preah Norodom BlvdPhsa Kandal 2 – Daun PenhPhnom Penh – CAMBODIA

T: +855-12-854-314 Mail: [email protected]

Dr. Mark Poffenberger – Executive DirectorCommunity Forestry International, USA1356 Mokelumne Anitoch, CA 94531 USA

T: +1-530-573-0361 Mail: [email protected]

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Références, documents disponibles, sites internet…

• Oddar Meanchey Project Design Document - http://www.climate-standards.org/projects/index.html• Poffenberger, M. and K. Smith-Hanssen. Forest Communities and REDD Initiatives. Asia Pacific Issues. 91,

(October 2009). http://www.eastwestcenter.org/publications/search-for-publications/browse-alphabetic-list-of-titles/?class_call=view&pub_ID=3271&mode=view

• Poffenberger M. Cambodia’s Forests and Climate Change: Mitigating Drivers of Deforestation. Natural Resources Forum 33 (United Nations: New York) 2009.

• Poffenberger, M., S. De Gryze, L. Durschinger. Designing Collaborative REDD Projects: A Case Study from Oddar Meanchey Province, Cambodia. (CFI: Antioch, California) 2009. http://www.communityforestryin-ternational.org/publications/research_reports/index.html

• Bradley, Amanda. Communities And Carbon: Establishing A community Forestry – REDD Project in Cambodia (Pact: Phnom Penh) 2009.

DriversLeakage

Activity shifting inside leakage areas

Activity shifting outside leakage areas

Market leakage

Migrant encroachment 0% 50% 0%

Conversion to cropland 10% 0% 0%

Conversion to settlements 10% 0% 0%

Fuel-wood gathering 10% 0% 0%

Forest fire to «clean» the land 10% 0% 0%

Hunters inducing forest firest 0% 70% 0%

Illegal logging for commercial or sale 0% 0% 70%

Timber harvesting for local use 0% 50% 0%

Large Economic land concessions 0% 50% 0%

Timber concessions 0% 50% 0%

Table 2 - Agents, facteurs et activités du projet Oddar Meanchey

Table 3 – Les taux d’annulation des fuites

Sour

ce :

CC

BA P

DD

, 200

9

List of Agents

MigrantsForest clearing for land sales

Conversion to croplands

Conversion to settlements

Fuel-wood gathering

Annual forest fires to “clean” lands

Hunters inducing forest fires

Illegal logging for commercial on sale

Timber harvesting for local use

Large Economical Land Concessions

Timber concessions

1. Reinforcing landtenure

2. Land-use plans

3. Forest protection

4. ANR

5. Fuel efficient stoves

6. Mosquito nets

7. Agricultural intensification

8. Water resource development project

9. NTFP development

10. Fire prevention

Privatecompanies

Localcommunities

Hunters

Soldiers

Other local

List of Drivers List of Activities

185redd+ à l’échelle projet - Guide d’évaluation et de développement

© Magali Teissier ONF International

186

Projet redd du corridor de Kasigau

© Wildlife Works Carbon

187redd+ à l’échelle projet - Guide d’évaluation et de développement

Project ID

Localisation Sud-Est du Kenya

Taille 30 168,66 ha

Durée 20 ans (2006-2026)

Méthodologie/outils utilisé(e)s Modules méthodologiques REDD de AD Partners

Validation/ Certification CCBA (validation Gold) & VCS (planifié)

Type de forêts Forêt tropicale sèche

Principaux facteurs de déforestation Agriculture de subsistance sur abattis/brûlis non planifiée

Principaux agents de la déforestation Communautés locales (peuple Tatai) et migrantes (peuple Duruma)

Activités du projet(1) Pour les communautés locales : revenus alternatifs(2) Pour les populations immigrantes : expulsion et clarification de la tenure

foncière pour éviter les nouvelles arrivées

Les Bénéfices du projet

• Évite l’émission de près de 3 000 000 tCO2e • Ajoute une durabilité financière aux projets de développement existants• Évite la perte d’une biodiversité spectaculaire• Étend l’initiative au corridor de Kasigau (plus de 200 000 ha) durant une

seconde phase

Porteur de projet Wildlife Works, Inc

Parties prenantes Wildlife Works Carbon LLC, communautés environnantes, parties prenantes locales minoritaires de Rukinga Ranching Co Ltd.

Financement du projet Wildlife Works, Inc (investissement propre)

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Description du projet

Aspects organisationnels

Le sanctuaire de Rukinga où est mis en oeuvre le projet, est propriété à bail (leasehold ownership) de Rukinga Ranching Co. Ltd (RRC). Il se trouve entre deux parcs nationaux et a été acheté en 2000 par Wildlife Works, Inc. qui s’est porté acquéreur de la majorité des parts de RRC. Le projet carbone en lui-même a été lancé une fois les financements nécessaires récoltés, lors du le rapprochement commercial de Wildlife Works, Inc. et Colin Wiel Enterprises LLC. Appelée Wildlife Works Carbon LLC, cette joint-venture, en plus d’avoir fourni le financement initial, est l’opérateur du projet. C’est elle qui le mettra en œuvre. Une servitude a été adoptée pour le carbone de la zone du projet, accord légal contraignant via lequel les propriétaires terriens de RRC ont transféré leurs droits sur le carbone et la biodiversité à WW, Inc.

Conception du projet

Grande de 30 000 ha, la zone de projet est le lieu de la première phase de mise en œuvre du projet dit du corridor de Kasigau, vaste de 200 000 ha. Le corridor de Kasigau est principalement couvert de forêts sèches menacées par l’agriculture de subsistance sur abattis/brûlis pratiquée par les communautés migrantes ou locales. Ces popu-lations ont commencé une conversion agressive dans les années 1990, conversion que le projet a pour but d’éviter à travers deux stratégies principales : sécuriser le foncier pour éviter l’arrivée de nouveaux migrants et dévelop-per des activités économiques alternatives pour les communautés locales (à travers l’emploi dans une usine de fabrication de vêtements biologiques, le développement de pépinières pour la production d’espèces adaptées à la sécheresse, des programmes scolaires d’obtention de bourses, etc.). Alors que le projet a débuté en 1998, le porteur de projet annonce pour les standards de la CCBA, une période d’octroi de crédits de 20 ans (2006-2026) afin de garantir un équilibre financier et la permanence des réductions d’émission de GES.

Les impacts sur le changement climatique

Le scénario de référence est extrapolé de la dynamique de déforestation avant l’arrivée de Wildlife Works en 1998. Sur la base de l’analyse de deux images satellites (1995 et 1999) et d’après l’estimation de l’accroissement de la population, est calculée une surface de déforestation par personne et par an pour la zone de projet. Celle-ci est ensuite ramenée à l’augmentation estimée de la population pour la période d’octroi de crédits, ce qui permet de déterminer quel pourcentage de la zone de projet serait déboisé dans le scénario de référence. Le résultat est de 835 ha par an, soit un taux de 3 % par an. Le projet a pour but de stopper complètement la déforestation et d’éviter ainsi l’émission de 3,54 millions de tCO2e (biomasses aérienne, souterraine et du sol). Du fait de ses stratégies contre les fuites (exclusion des communautés locales et migrantes hors de la zone de projet, développement d’alternatives économiques à l’abattis/brûlis et exclusion des agents de déforestation de la zone de fuites), le porteur de projet ne considère pas nécessaire dans le PDD CCBA, de faire une déduction de crédits due aux fuites.

Les impacts sociaux et environnementaux

Alors que la zone n’a historiquement jamais été habitée (absence d’eau), il est estimé qu’environ 35 000 per-sonnes venant essentiellement de deux communautés, vivent dans les 5 km autour des limites du projet. Les Taita sont les agents locaux de déforestation et pratiquent principalement l’agriculture de subsistance. Les Duruma quant à eux, l’une des tribus les plus pauvres du pays, sont venus de la côte du Kenya 10 à 15 ans avant le début du projet et sont considérés comme les agents immigrants de la déforestation. Le projet prévoit de bénéficier aux deux groupes d’agents. Pour cela, il projette de fournir des alternatives économiques à l’agriculture peu productive sur abattis/brûlis et de sécuriser le foncier pour éviter la venue de nouveaux immigrants. La suppression de la déforestation bénéficiera à cette zone très riche en biodiversité et à haute valeur de conservation, comme c’est le cas depuis le commencement du projet en 1998. Les espèces emblématiques enregistrées dans le sanctuaire de biodiversité de Rukinga sont notamment l’éléphant d’Afrique, le chien sauvage africain, le guépard, le lion et le zèbre de Grevy.

Aspects financiers

Wildlife Works, Inc. finance le projet de conservation depuis 1998. Alors qu’il examinait la possibilité d’utiliser la finance carbone depuis 1999, cette solution ne devint possible qu’en 2008, quand le VCS a rendu les projets REDD éligibles à la génération de VCU. À travers la joint-venture Wildlife Works Carbon LLC, l’ensemble des coûts associés aux inventaires de carbone et au PDD CCBA ont déjà été financés. Les revenus carbone doivent permettre d’assurer le financement durable des activités et d’étendre les bénéfices aux propriétés locales environnantes. Après la validation du CCBA, le projet ambitionne d’être validé par le VCS, dès qu’une méthodologie REDD aura été validée.

189redd+ à l’échelle projet - Guide d’évaluation et de développement

Sélection des compartiments de biomasse

Figure 1 - Équation de régression biomasse verte / DHP établie pour Commiphora campestris sur 16 arbres

Les compartiments pris en compte sont :1. Biomasse aérienne des arbres et arbustes (AGB) - L’estimation de la biomasse arbustive a fait l’objet

d’une attention particulière, deux méthodes différentes ont été appliquées suivant le type d’arbustes. Pour les arbustes à forte croissance potentielle, une parcelle test a permis d’établir une « masse de la tige moyenne » pour chaque classe de taille de buisson multicaule (petite, moyen, grand), au moyen d’échantillons destructifs. Pour chaque placette d’échantillonnage, le nombre de tiges et la classe de taille de chaque buisson étaient en-suite enregistrés afin d’intégrer la biomasse totale de chaque classe de buisson sur la placette. Pour les autres types d’arbustes, un poids moyen était estimé pour chaque classe de taille sans échantillonnage destructif, et appliqué à l’ensemble des buissons de chaque classe enregistrés sur une placette.

2. Biomasse racinaire des arbres (BGB) - Elle a fait l’objet d’une estimation classique en fonction de la biomasse aérienne (niveau de précision : TIER 1): BGB = 28 %*AGB.= (source : IPCC 2006-AFOLU).

3. Biomasse des herbacées - Des placettes d’échantillonnage de 1m x 1m ont été installées dans chacun des quatre quadrants des placettes d’inventaire « arbres ». L’ensemble de la strate herbacée était ensuite coupée, séchée et pesée pour évaluer la biomasse herbacée à l’hectare (technique classique).

4. Bois mort sur pied - Seul le bois mort sur pied a été pris en compte ; le bois mort à terre a été négligé, les opé-rateurs mettant en avant l’activité destructive intense des termites (option conservative) – ce malgré l’abondance relative de bois mort sur certaines placettes.

5. Carbone du sol - La méthode d’évaluation du carbone du sol a été tirée de l’AD Partners VCS methodology module 6 CP-S et de Brown 2004. Des échantillons de sol ont été prélevés jusqu’à 30 cm, autour de l’aire du projet, sur 28 sites.

Les compartiments non pris en compte sont le bois mort à terre et la litière qui ont été jugés non significatifs. Leur non-prise en compte constitue une option conservative.

A retenir pour d’autres projets…

Il est intéressant pour les autres projets de voir les choix méthodologiques qui ont été fait par le porteur du projet Kasigau. Ces choix ne doivent pas être tenus pour exemplaires puisque chaque projet doit déterminer la meilleure approche en fonction de la fiabilité scientifique, de la préexistence de données sur la zone étudiée, du coût et des bénéfices carbones engendrés.

Retour d’expérience sur…

« estimation de la densité de carbone de la forêt »

Commiphora campestris y = 0.0792 x 2.7284

R2 = 0.9279

190

Système d’échantillonnage

Dans le cas du projet Kasigau, les opérateurs ont perçu un haut niveau de variabilité qualitative et quantitative de la population d’arbres et de buissons au niveau de l’aire du sanctuaire. Ils ont en conséquence décidé de stratifier préalablement l’aire du projet en quatre types d’occupation du sol et opté pour un système d’échan-tillonnage systématique à l’intérieure de chaque strate :

• enclave agricole • savane • forêt sèche • forêt de montagneLe choix d’un quadrillage à 2 km x 2 km pour la zone de forêt sèche a conduit à l’inventaire de 115 placettes au total (intensité d’inventaire = 0,04 %), sans que ce nombre ait été déterminé par calcul statistique. Les opérateurs ont choisi des placettes circulaires à surface fixe de 25 m de rayon pour la zone de forêt sèche et celle de forêt de montagne, et de 8 m de rayon pour les autres types (savane et zone agricole). Les placettes ont été localisées au GPS et potentiellement décalées en cas de mauvaise accessibilité par véhicule (ou en présence d’animaux sauvages par exemple). Les centres des placettes ont systématiquement été ramenés à une distance de 200 m maximum de la piste la plus proche, pour faciliter l’accès à la zone.Tous les arbres de plus de 5 cm de diamètre ont été mesurés (hauteur, diamètre, houppier et position dans la placette). Lors de l’inventaire, chaque arbre a été positionné géographiquement par rapport au centre de la placette, et le diamètre des houppiers a été mesuré, ce qui a permis de déterminer le pourcentage de couvert et de confirmer l’inclusion de l’aire du projet dans la définition de « forêt ».À noter que les inventaires ont été menés en saison sèche, les auteurs considèrent donc que l’estimation de la biomasse est conservative puisque les essences dominantes perdent leurs feuilles, et les plantes pérennes sont en dormance.

Développement de nouvelles équations allométriques

En l’absence d’équations allométriques correspondant aux types forestiers rencontrés sur le projet dans la lit-térature, les opérateurs ont préféré développer leurs propres équations (voir l’équation de régression biomasse verte/DHP établie pour Commiphora campestris sur 16 arbres, en illustration). Ils ont adopté une méthode par échantillonnage destructif et ont établi des équations AGB = f(DHP) :

• par essences ou par genre pour les espèces dominantes : Acacia spp., Boscia coriacea, Boswellia neglecta, Commiphora spp., Lannea spp.

• par groupe d’essences (une équation générique) pour les autres essences.Un total de 172 arbres (8 à 20 arbres par essence, soit un bon échantillonnage) ont ainsi été abattus, débités et pesés afin d’établir des régressions entre DHP et poids total. Les régressions ont été réalisées via la fonction graphique d’Excel, suivant le modèle y = a*xb. (AGB = a*DHPb). Notons qu’ici AGB représente la biomasse verte, et non la biomasse sèche. L’équation finale donnant AGB sèche devrait donc intégrer la densité anhydre r. Dans le projet Kasigau, les échantillons n’ont pas fait l’objet de séchage à l’étuve et la densité anhydre spécifique de chaque essence n’a donc pas pu être intégrée à chaque équation. Pour estimer la biomasse sèche, les opé-rateurs ont utilisé systématiquement un taux d’humidité estimé de 0,5, ce qui représente une approximation.Les classes de diamètre de 10 cm à 50 cm ont été prises en compte (l’on peut supposer que les classes de diamètres supérieures étaient sans doute très peu présentes dans ces biomes).La biomasse AGB a ensuite été estimée en appliquant les équations trouvées à l’ensemble des données d’in-ventaire, y compris apparemment les données des arbres morts sur pied puisque ceux-ci n’ont pas été diffé-renciés des arbres vivants. Là encore cela constitue une approximation puisque certains arbres morts peuvent avoir perdu leur houppier.

Références, documents disponibles, sites internet…

• www.wildlifeworkscarbon.com• Wildlifeworks, Wildlife Wirks Carbon and Rukinga Ranching Co Ltc. (2008) The Kasigau Corridor Project

Phase 1 – Rukinga Sanctuary CCBA PDD, second edition and supporting documents• http://www.climate-standards.org/projects/files/taita_taveta_kenya/Rukinga_CCB_PDD_Ver_2_0.pdf• http://www.climate-standards.org/projects/files/taita_taveta_kenya/repddsubmissionwildlifeworkscarbon

thekasigaucorr.zip• Rietveld M. (2007), Community Evaluation, Wildlife Works EPZ • http://www.climate-standards.org/projects/files/taita_taveta_kenya/ww_socio_economic_impact_assessment.pdf • SCS (2009), Kasigau Corridor REDD Project, Final CCBA Project Validation Report – • http://www.climate-standards.org/projects/files/taita_taveta_kenya/CCB_WildlifeWorks_RPT_Validation

Report_Final_122009.pdf

191redd+ à l’échelle projet - Guide d’évaluation et de développement

Le point de vue…

du développeur de projetL’initiateur du projet

Fondé à San Francisco en 1997, Wildlifeworks a été conçue ex-nihilo autour d’une marque grand public militant pour la conservation de la faune et de la flore. Promettant à leurs clients que le produit de leurs ventes est utilisé pour sauver la faune et la flore menacées autour du globe, leurs activités consistent en la protection des habitats naturels, la création d’emplois, la construction d’écoles et l’apport d’autres bénéfices économiques aux peuples partageant leurs terres et ressources avec la vie sauvage. Wildlifeworks a d’abord créé le sanctuaire de vie sauvage de Rukinga au Kenya. Des éléphants, guépards et 45 autres espèces de grands mammifères y vivent. Dans le but d’obtenir un finan-cement durable de ce projet, Wildlifeworks examine maintenant la valorisation du carbone grâce au mécanisme REDD+.

Plus/ Avantages Moins/ Difficultés

• En 13 ans, le mécanisme REDD est le meilleur méca-nisme de financement que j’ai trouvé en Afrique pour la conservation de la vie sauvage. Il fournit un équilibre parfait de soutien financier destiné à la protection de la forêt, à quoi s’ajoutent des bénéfices pour les commu-nautés et la biodiversité.

• Le mécanisme REDD est incroyablement com-plexe en réponse au manque de qualité des pre-miers projets de carbone du secteur AFOLU. Du coup, il est impossible pour les communautés de développer elles-mêmes ces projets. La qualité est fondamentale, mais le niveau de rigueur est trop élevé à mon sens et risque d’exclure de très bons projets qui pourraient au moins bénéficier du doute.

Qu’attendez-vous des négociations internationales en matière de REDD+ ?

• Je voudrais que les Nations Unies mènent à terme et approuvent le mécanisme REDD officiellement, l’ajoutant à la Convention Cadre. Je pense que cela encouragera suffisamment les initiatives de marché à entreprendre et à mettre en œuvre le mécanisme.

Quels seraient votre(vos) conseil(s) à un futur développeur de projet en matière d’élaboration de projet?

• Ne pas trop compter sur la littérature publiée et ne pas se laisser duper par les promesses de technologies très coûteuses pour réaliser votre inventaire. Ne craignez pas d’aller sur le terrain réaliser votre propre inventaire qui permettra de créer des emplois directs pour les communautés forestières, de renforcer les capacités et de valoriser la connaissance locale sur la forêt.

Contact

Mike KORCHINSKY - Président et Co-FondateurWildlife Works Carbon LLC425 Market Street, 26th FloorSan Francisco, CA 94105

T: +254 715632822 / +1.415-265-4744Mail: [email protected]

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réserve de développement durable de Juma, Amazonas, Brésil

© FAS

193redd+ à l’échelle projet - Guide d’évaluation et de développement

Project ID

Localisation Réserve de développement durable du Juma, Amazonas, Brésil

Taille 589 612 ha

Durée 44 ans

Méthodologie/outils utilisé(e)s

Methodology for Estimating Reductions of Greenhouse Gas Emissions from Frontier Deforestation, soumise au VCS par la FAS

Validation/ Certification CCBS (30 septembre 2008), VCS (souhaité)

Type de forêts Forêt dense alluviale ombrophile, forêt dense ombrophile (de plaine et basse altitude), formations pionnières d’influence fluviale

Principaux facteurs de déforestation

Facteurs actuels : conversion pour l’agriculture et l’élevage de subsistance, exploitation forestière et minière illégale Facteurs futurs : exploitation agricole et élevage bovin à grande échelle, occupation illégale

Principaux agents de la déforestation Agriculteurs, éleveurs, exploitants miniers ou forestiers illégaux

Activités du projet

• Mise en place d’une aire protégée• Suivi et contrôle • Génération de revenus alternatifs à travers des activités durables • Développement communautaire, éducation, et recherche scientifique • Paiements directs pour services environnementaux (programme Bolsa Floresta)

Les Bénéfices du projet

• Déforestation évitée de 329 483 ha (soit 189 767 027,9 tCO2 d’émissions évitées d’ici 2050)

• Bénéfices pour les communautés (revenus plus élevés, réguliers et diversifiés, opportunités d’emplois, éducation et santé, soutien aux organisations sociales locales…)

• Bénéfices en matière de biodiversité (maintien des habitats, de la connectivité des milieux, diminution de la fragmentation forestière… )

Porteur de projet Amazonas Sustainable Foundation (FAS)

Parties prenantes

Gouvernement de l’Etat d’Amazonas, Amazonas Sustainable Foundation (FAS), Secrétariat pour l’Environnement et de Développement Durable de l’Etat d’Amazonas (SDS/AM), Amarjuma (association locale) et communautés locales, Institut pour la Conservation et le Développement Durable de l’Ama-zonas (IDESAM), communautés, Banque Bradesco, Coca-Cola Brésil …

Financement du projet Gouvernement de l’Amazonas, FAS, Banque Bradesco, Mariott International et ses clients (à qui sont venus les crédits carbone), Coca-Cola Brésil

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Description du projet

Aspects organisationnels

Le projet est localisé dans la Réserve de Développement Durable du Juma, dans l’Etat d’Amazonas. Toutes les terres, ainsi que les droits sur les services environnementaux (y compris le carbone) de la réserve appartiennent au Gouvernement d’Amazonas, et ont été transférés à la FAS pour mettre en oeuvre le projet REDD Juma. Certaines terres à l’intérieur de la réserve ont été revendiquées comme des terrains privés, et ont donc été exclues de la zone d’octroi de crédit du projet. Le fait que le projet soit proposé en partenariat étroit avec le Gouvernement de l’Etat d’Amazonas fournit une garantie et une obligation à respecter la loi. La FAS est responsable du développement et de la mise en oeuvre du projet, du monitoring du carbone, de la négociation et de la vente des crédits carbone, de l’obtention de financements additionnels si nécessaire, des activités de recherche et de gestion administrative du projet, et enfin de développer de nouveaux projets. La FAS est une fondation privée brésilienne à but non lucratif, en charge de la promotion du développement durable dans les aires protégées de l’Etat d’Amazonas. Elle est appuyée par le Serétariat Etatique pour l’Environne-ment et le Développement Durable de l’Amazonas (SDS/AM) pour la conduite du projet (réalisation des opérations techniques, emplois locaux, gestion des relations avec les communautés locales).

Conception du projet

Sur la base d’inventaires forestiers et de données issues de la télédétection, trois différents types de végétation ont été identifiés, et classés en deux strates. Le stock de carbone total (ie de tous les compartiments sauf le carbone du sol) a été estimé à 156-161 t C / ha pour les classes de forêt alluviale et de forêt dense. Ces écosystèmes sont menacés par des agriculteurs locaux pour leur subsistance, des éleveurs, et des exploitants forestiers et miniers illégaux. Depuis le début du projet (en 2006), les activités ont été sélectionnées pour améliorer les conditions de vie locales (paiements pour services environnementaux, renforcement de capacités, soins de santé, etc.) et conduire les populations à réduire leur pression sur les écosystèmes à travers la création d’autres sources de revenus.

Les impacts sur le changement climatique

Selon les résultats d’un modèle de simulation de la déforestation (SimAmazonia I), l’aire du projet pourrait perdre jusqu’à 60 % de sa couverture forestière d’ici 2050, notamment du fait du manque de terres disponibles dans d’autres régions, et à une tendance visible d’immigration et de changements d’usage des sols accélérée par le goudronnage de routes. Les stocks de carbone des aires déboisées ont été calculés à partir d’une chaîne de Markov basée sur les probabiltiés de transition annuelles (Fearnside, 1996). Les activités de projets devraient permettre de diminuer la déforestation simulée de 90 % (les 10 % restants sont supposés couvrir toutes les fuites potentielles). Le plan de monitoring inclue le suivi annuel du couvert par télédétection, l’évaluation des stocks de carbone et de la structure de gouvernance du projet. Dans le cas où le projet n’atteindrait pas 90 % d’efficacité, les paiements seraient ajustés et des mesures correctives ont été envisagées.

Les impacts sociaux et environnementaux

Le projet a été construit pour améliorer les conditions de vie en milieu rural tout en réduisant la pression sur la forêt : en renforçant le contrôle tout en générant des alternatives de développement et des incitations pour les communautés locales (en répondant aux besoins locaux d’éducation et de santé, en identifiant les besoins des communautés en matière d’équipement, de formation, de développement et d’opportunités de marché). La réserve est gérée conjointement avec les communautés, qui peuvent encore avoir accès à la zone du projet pour leurs usages traditionnels. Une part des ressources financières générées par le projet seront reversées aux communau-tés sous forme de paiement pour service environnemental, à travers la mise en place des quatre composantes du programme « Bolsa Floresta » (Famille, Social, Association, et Génération de revenus durables). Cela se traduit par des bénéfices concrets et directs pour certaines des populations les plus marginalisées et vulnérables, qui sont dépendantes de la forêt pour leur survie. Ces paiements pour services environnementaux concernent les 25 communautés de la réserve et 12 communautés adjacentes. Ils permettent d’éviter d’éventuels impacts négatifs du projet (migrations générant des fuites, conflits avec d’autres communautés, etc...).

Aspects financiers

Le Gouvernement de l’Etat d’Amazonas et des investisseurs privés ont financé le fonds mis en place par la FAS pour mettre en oeuvre le programme Bolsa Floresta et garantir sa durabilité dans 20 aires protégées. Un contrat a été signé avec Marriott International (2008), pour développer un mécanisme REDD dans la Réserve du Juma à travers lequel Mariott offre la possibilité à ses clients de compenser leurs émissions. L’achat des crédits se fait à un prix non inférieur à 1 US$ par tonne de CO2. Il est attendu que le projet génère 3,6 millions de tonnes de VERs dans les 10 premières années et plus de 189 millions d’ici 2050. L’investissement initial de la FAS et de Marriott couvrira au moins 57 % des coûts de mise en œuvre annuelle du projet. La dernière partie des financements proviendra des revenus carbone .

195redd+ à l’échelle projet - Guide d’évaluation et de développement

Retour d’expérience sur…

« Les scénarios de référence à l’échelle projet »

Approche méthodologique

Dans le cadre d’un projet REDD, le scénario de référence sert de base au calcul des réductions d’émissions obtenues grâce au projet. Il doit donc fournir une estimation des émissions sans projet, ce qui nécessite de connaître la quantité de déforestation business as usual qui aurait eu lieu dans la zone projet et sa localisa-tion (pour traduire la surface déboisée en émissions de CO2). La méthodologie utilisée dans le cadre de ce projet est la Methodology for Estimating Reductions of Greenhouse Gases Emissions from Frontier Defores-tation. En ce qui concerne l’estimation de la quantité de déforestation future, cette méthodologie offre trois possibilités : historical average approach, linear extrapolation approach, and modeling approach. C’est cette dernière approche qui a été utilisée dans le cadre du projet Juma. Ainsi le scénario de référence est estimé sur la base d’un modèle qui exprime la déforestation future comme une fonction de l’évolution des variables explicatives de la déforestation.

Le modèle Sim Amazonia

Le projet utilise SimAmazonia 1, un modèle spatial construit dans le cadre du programme de recherche « Amazon scenarios », mené conjointement par l’IPAM, l’Université Fédérale du Minas Gerais et le WHRC. SimA-mazonia 1 couvre l’ensemble du Bassin Amazonien, à une résolution de 1 km * 1 km et propose des projections de déforestation selon huit scénarios différents d’ici à 2050 (Soarez-Filho et al, 2009).

Sim Amazonia 1 est un modèle dynamique : • la surface annuelle déboisée est estimée grâce

au logiciel VENSIM. 47 sous-modèles ont été construits pour correspondre à autant de sous-ré-gions délimitées sur la base d’un indice de pres-sion anthropique, mais les migrations et transferts d’informations entre sous-régions sont pris en compte. La quantité de déforestation future dé-pend du taux de déforestation passé (1997-2001), de la construction de routes et de la mise en place d’aires protégées.

• la localisation de la déforestation dépend quant à elle de facteurs statiques (topographie, rivières, végétations, sols, climat, proximité aux villes et marchés, statut légal des terres), et de facteurs dy-namiques (la distance aux routes et la distance aux zones déjà déboisées sont recalculées à chaque itération du modèle). C’est le logiciel Dinamica qui est utilisé pour la simulation spatialement explicite.

La validation consiste en une comparaison des cartes de couvert obtenues via le système PRODES entre 2002 et 2007 avec les projections annuelles du modèle.

À retenir pour les autres projets…

La détermination du scénario de référence est un enjeu crucial pour les projets, puisque c’est la différence entre les émissions observées dans le cadre du projet et les émissions de référence qui détermine le montant de crédits carbone que recevra un projet. Deux grandes approches sont proposées pour la construction de scénarios de référence : poursuite des tendances historiques ou projection sur la base de l’évolution des variables explicatives de la déforestation. Pour des raisons évidentes de simplicité méthodologique, la majorité des projets ont jusqu’à aujourd’hui construit des scénarios de référence historiques. Le projet Juma présente au contraire l’originalité d’avoir utilisé un scénario projeté, construit sur la base d’un modèle économique national déjà existant. Cette expé-rience montre l’intérêt des partenariats développeurs de projets- institutions de recherche, pour le développement de modèles économiques scientifiquement reconnus.

196

Parmi les huit scénarios définis dans Sim Amazonia 1, c’est le scénario du pire (appelé ici business as usual) qui a été utilisé par le projet Juma. Il prévoie que :

• les routes planifiées seront effectivement construites (toute construction de nouveaux tronçons des autoroutes BR-319 et BR-320 est susceptible d’impacter la réserve Juma),

• il n’y aura pas de nouvelle aire protégée mise en place,• la gouvernance des aires protégées existantes ne sera pas améliorée (40 % de la superficie des aires

protégées peut être soumise à déforestation),• le respect de la législation de la superficie minimale à protéger dans les terrains privés restera faible (15 %

de protection effective), • les tendances historiques récentes de déforestation vont se poursuivre (alors que les scénarios gouver-

nance prévoient une diminution progressive du taux de déforestation).

Figure 2 : Les huit scénarios analysés dans SimAmazonia 1

Le scénario de référence du projet

Jusqu’à maintenant, l’Etat de l’Amazonas a été épargné par la déforestation, mais le modèle SimAmazonia indique qu’il pourrait perdre jusqu’à 30 % de sa couverture forestière d’ici 2050 selon le scénario business as usual. En effet, le manque de disponibilité de terres dans les zones actuellement soumises à déforestation, associée à la construction de routes dans l’Etat d’Amazonas laisse entrevoir une migration des agents de défo-restation des provinces historiquement déboisées vers l’Etat d’Amazonas, pour la mise en place de pâturages extensifs et de cultures de soja. Ce processus serait encore accentué dans la réserve Juma, puisque les simu-lations indiquent que 62 % de la surface de la réserve seraient déboisés sous le scénario bau, entraînant ainsi l’émission de plus de 210 millions de tonnes de CO2 d’ici 2050. Le statut de réserve octroyé à la zone de projet devrait permettre de protéger la zone contre ces activités agroindustrielles (qui ne s’observent pas encore), et des activités de développement local permettent d’éviter la déforestation liée à l’agriculture de subsistance et à l’exploitation forestière et minière familiale.

L’ajustement du scénario de référence

Tous les 10 ans (après chaque période d’octroi de crédit), sera évalué l’écart entre le scénario de référence pré-dit par le modèle et les émissions réellement observées dans la zone de référence (dans le cadre de ce projet, la zone de référence pourra être soit le Brésil tout entier, soit l’Etat d’Amazonas). Si cet écart est supérieur à 10 %, le scénario de référence devra être réévalué. Pour cela, un plan de monitoring prévoie le suivi des variables explicatives considérées par le modèle. Dans la mesure où le Brésil s’engage vers des politiques nationales REDD, il est à prévoir que lors du prochain réajustement, le futur scénario de référence doive intégrer ces politiques pour être plus proche de la réalité.

Références, documents disponibles, sites internet…

• PDD: http://www.climate-standards.org/projects/files/juma/PDD_Juma_Reserve_RED_Project_v5_0.pdf• Rapport de validation CCB : http://www.climate-standards.org/projects/files/juma/Validation_Report_Juma_

CCBA_30Sep_2008.pdf• Soares-Filho, B. S., Nepstad, D., Curran, L., Voll, E., Cerqueira, G., Garcia, R.A., Ramos, C. A., McDonald, A.,

Lefebvre, P., Schlesinger, P. 2006. Modeling conservation in the Amazon basin. Nature, V. 440, P.520-523. Available at : http://www.nature.com/nature/journal/v440/n7083/suppinfo/nature04389.html

• Modèle de simulation en ligne : http://www.csr.ufmg.br/simamazonia• Amazonas Sustainable Foundation (FAS) : www.fas-amazonas.org• Images satellites disponibles à www.dgi.inpe.br/CDSR/w

Assumptions

Scenarios

Road paving pressure

added to the deforestation

trend

ARPA included in protected

areas

Degree of protection

for protected areas

Minimum % of forest reserve

on private land

Rates projected by using yearly derivatives

Rates asymptotically projected by using yearly derivatives

Governance (GOV) yes yes 100% 50% no yes

Governance without further road paving no yes 100% 50% no yes

Governance without ARPAS yes no 100% 50% no yes

BAU with ARPAS, strict enforcement yes yes 100% 15% yes no

BAU without ARPAS, strict enforcement yes no 100% 15% yes no

BAU with ARPAS, lax enforcement yes yes 60% 15% yes no

Historical (no further road paving) no no 60% 15% yes no

Business-as-usual (BAU) yes no 60% 15% yes no

197redd+ à l’échelle projet - Guide d’évaluation et de développement

Le point de vue…

du développeur de projet

L’initiateur du projet

Amazonas Sustainable Foundation est une institution publique-privée, indé-pendante et à but non lucratif, non gouvernementale, d’intérêt public, et sans connections avec un quelconque parti politique. Elle a été créée en 2007, par le Gouvernement de l’Etat d’Amazonas et la banque Bradesco, selon leurs rè-glements, approuvée par le Ministère Public de l’Etat, sous le titre enregistré dans le registre civil, selon les lois fédérales et étatiques.

Plus/ Avantages Moins/ Difficultés

• Certification selon des standards internationaux robustes • Co-bénéfices certifiés pour le climat, les communautés

et la biodiversité dans l’aire du projet • Forte composante de participation locale • Existence d’une base légale étatique pour le

développement de projets REDD • Transparence et gouvernance

• Logistique (coûts opérationnels élevés du fait des longues distances et des difficultés d’accès)

• Conciliation des interêts parfois divergents des parties prenantes locales

• Appliquer des concepts internationaux et solutions acceptables à l’échelle projet et ses réalités

Qu’attendez-vous des négociations internationales en matière de REDD+ ?

• La création d’instruments légaux pour le REDD dans le cadre de la CCNUCC devrait garantir le maintien de l’intégrité environnementale des efforts mondiaux d’atténuation, la rigueur des méthodologies appropriées, et ne devrait pas diminuer les efforts domestiques de réductions d’émissions des pays développés.

• Le dispositif REDD issu des négociations internationales devrait inclure des mécanismes et des processus simples et souples, en évitant la complexité et les coûts observés pour les projets dans le cadre du Protocole de Kyoto.

• De plus, il devrait maintenir l’intégrité environnementale établie par la CCNUCC et se montrer efficace avec des financements suffisants et prévisibles.

• Le dispositif REDD devrait garantir l’amélioration des standards de vie des peuples forestiers, la transparence et une distribution et un usage équitable des fonds générés.

Quels seraient votre(vos) conseil(s) à un futur développeur de projet en matière d’élaboration de projet?

• En ce qui concerne le scénario de référence, il est très important de vérifier et de spécifier les paramètres.

Contact

Gabriel Ribenboim - Project ManagerAmazonas Sustainable Foundation (FAS)Rua Alvaro Brage, 351, Parque 10 de Novembro, Manaus, Amazonas, Brazil 69055 660

T: +55 92 4009 8900 / + 55 11 4506 2900lMail: [email protected]

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Sao Francisco Forest Projectredd dans l’état du Tocantins(anciennement Genesis Forest Project)

© Instituto ecologica

199redd+ à l’échelle projet - Guide d’évaluation et de développement

Project ID

Localisation État du Tocantins, Brésil

Taille 1 140 ha

Durée 20 ans (jusqu’en 2029)

Méthodologie/outils utilisé(e)s

La méthodologie du BioCarbon Fund pour estimer les réductions d’émissions de gaz à effet de serre liés à la déforestation mosaïque – version 1, 2008

Validation/ Certification Standards de la CCBA, Social Carbon

Type de forêts Forêts lacustres et sèches, savane, écosystème de type Cerrado

Principaux facteurs de déforestation

• Les feux de forêt utilisés comme outil de gestion des cultures et des pâturages.

• L’expansion des zones urbaines liée à la croissance démographique

Principaux agents de la déforestation Les familles locales vivant autour de la zone

Activités du projet

• Création d’aires protégées sur des terres privées (RPPN) -1 140 ha• Le contrôle et la lutte contre les incendies• Renforcement des capacités dédiées à la gestion des ressources

non ligneuses• Recherche sur, et conservation de, la biodiversité• Education à l’environnement

Les Bénéfices du projet

• 132 ha de déforestation évitée (l’émission de 28 700 tCO2-e sera évitée)• Introduction de nouvelles pratiques• Renforcement des capacités et partage de connaissances sur la

conservation du Cerrado et l’utilisation des ressources naturelles• Soutien au programme de formation des pompiers

Porteur de projet Instituto Ecológica - IE

Parties prenantes IE, CantorCOe Brazil, Carbonfund.org, Hyundai, Ecologica Assessoria (propriétaire), familles locales

Financement du projet Paiements anticipés, après validation par la CCBs pour compensation volontaire (Hyundai Motors America)

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Description du projet

Aspects organisationnels

Le projet REDD est développé sur quatre terrains privés différents, tous propriétés d’Ecologica Assessoria et situés dans la zone tampon du Parc National Lajeado. Instituto Ecologica est le porteur de projet et l’organisme chargé de sa mise en œuvre. Afin de compléter son expérience en matière de projets carbone orientés vers les communautés, des partenariats ont été établis avec CantorCO2 Brazil (en partie constituée d’Ecologica Assesso-ria) pour la méthodologie et avec le carbonfund.org pour la commercialisation des crédits. Tous les crédits sont contractuellement vendus au carbonfund.org qui a signé un contrat avec Hyundai.

Conception du projet

La zone du projet couvre 1 140 ha dans lesquels se trouvent six strates végétales différentes, regroupées en 3 principaux groupes (cerradao, cerrado stricto sensu et cerrado field). Pour chacun de ces groupes, un facteur d’émission lors d’un incendie, a été estimé. Dans les années 80, la création de l’Etat du Tocantins et le dévelop-pement de sa capitale (à 32 km de la zone projet) ont entrainé une utilisation et une occupation désorganisée des terres, ainsi qu’une forte augmentation de la pression démographique dans la zone. Le principal facteur de déforestation et de dégradation est l’utilisation du feu de forêt pour renouveler les pâturages et les zones de culture de subsistance. Le projet envisage de créer une aire protégée (Aires Protégées sur Terrains Privées – RPPN) sur 57,4 % de la zone projet et de développer des activités pour enrayer directement les facteurs. Grâce aux standards SOCIALCARBON®, des activités sont sélectionnées pour bénéficier à toutes les parties prenantes ; comme par exemple le renforcement des capacités sur les produits forestiers non ligneux et le contrôle des incendies, etc.

Les impacts sur le changement climatique

La déforestation est définie comme la conversion d’une terre entrainant la perte totale de la biomasse verte tandis que la dégradation est entendue comme le résultat d’incendies réguliers sur la végétation naturelle. Le scenario de référence pour la dégradation a été calculé pour les 20 prochaines années, par rapport aux feux de forêts enre-gistrés les dix dernières années. Les valeurs ont été modélisées puis calculées pour chaque strate potentiellement menacée d’incendie. La projection de la déforestation a quant à elle été calculée en considérant la moyenne des taux de déforestation, appliquée aux terrains plats propices au développement agricole. Pour rester conservateur et comme la conversion des terres n’est pas une volonté à court terme des propriétaires, la déforestation n’est pas inclue dans le scénario de référence global avant 2014. Le monitoring sera fait tous les 5 ans dans les zones de projet et de fuites.

Les impacts sociaux et environnementaux

Si une seule famille vit dans la zone de projet, l’utilisation du feu par les communautés environnantes à des fins de gestion des cultures et des pâturages, dégrade directement la zone du projet. Ces communautés ont des modes de vie de subsistance et sont les utilisateurs directs des ressources naturelles. Elles seront de fait impactées par le projet. À travers les standards SOCIALCARBON® (interviews et réunions participatives), les parties prenantes directement et indirectement impactées ont été identifiées et inclues dans le processus de décision. Tous les groupes de parties prenantes (pompiers, artisans, producteurs de miel, etc.) ont été ciblés par des activités spé-cifiques. Ces standards seront également utilisés pour le suivi de l’efficacité des activités durant toute la durée du projet. Un centre de recherche sur la biodiversité et le changement climatique (Centro Ecotropical) est aujourd’hui en développement pour assurer sur le long terme, des activités de recherche, le renforcement des capacités et la mise en œuvre des activités.

Aspects financiers

Le développement du projet a été financé par Hyundai à travers le paiement anticipé d’actifs de compensation volontaire. La validation est en cours de finalisation par Rainforest Alliance via Imazon. Tous les crédits ont été vendus au CarbonFund.Org en charge de délivrer les crédits à Hyundai. Les principales ressources du projet viennent donc de la vente de VERs et de donations privées faites au centre de recherche. Ces revenus devraient être suffisants pour financer la mise en œuvre et les frais de fonctionnement des activités de conservation jusqu’à ce que le Centro Ecotropical soit en mesure de prendre le relais sans ressources extérieures et durant toute la durée du projet. La faisabilité du projet a déjà été testée en utilisant l’outil d’analyse financière de projet REDD du SOCIALCARBON et du CCBA.

201redd+ à l’échelle projet - Guide d’évaluation et de développement

Retour d’expérience sur…

« Évaluer et quantifier les bénéfices sociaux d’un projet redd+ »

Standard SOCIALCARBON® - Description générale

Pour le suivi et l’évaluation des bénéfices sociaux et environnementaux du projet, l’Instituto Ecologico (IE) envisage d’utiliser la dernière version des standards SOCIALCARBON® (Version 03, May 2009).Au travers de rencontres, d’entretiens et d’enquêtes participatifs, et comme préconisé par les standards SOCIALCARBON®, IE fournira une liste d’indicateurs initiaux pour 6 ressources.

Chaque indicateur reçoit une note allant du pire des scenarios (comme l’absence de participation des associations communautaires) à une situation idéale (comme l’intégration de l’esprit communautaire). Les données sont collectées à travers des entretiens et/ou des rencontres participatives, et un score est donné par indicateur. Les scores moyens sont projetés sur un graphique hexagonal utilisé comme indicateur visuel d’évaluation de la performance du projet dans le temps.

Ressources Description Type d’indicateurs

Ressources socialesRéseaux de travailleurs, services sociaux,

relations sociales, affiliations et associations Associations, Conflits, Interférences,

Collectivité, Relations familiales

Ressources humainesCompétences, connaissances, capacités de

travail et bonne santé

Éducation des jeunes et des adultes, santé, assistance technique, encouragement au travail,

capacité professionnelle, loisirs

Ressources financièresDisponibilité ou possibilité de lever un capital

de base

Crédits, échanges ruraux, emploi, revenues d’extraction, revenues ruraux, infrastructure,

résidence, équipement

Ressources naturellesStock de ressources naturelles (eau, terrains,

air, ressources génétiques) et services environnementaux

Écosystème natif, protection, impacts anthropiques, ressources en eau

Ressources en biodiversitéValeur de conservation, vulnérabilité et

utilisationCommunautés naturelles, utilisation,

espèces

Ressources en carbone Gestion carboneCoût de transaction, type de projet, implication

des communautés, retombées sociales

Here illustrated scoring does not correspond to any project

202

Évaluer et monitorer les bénéfices sociaux et environnementaux du projet

Les standards SOCIALCARBON® seront utilisés par IE pour évaluer qualitativement l’efficacité des activités REDD. Un diagnostic initial sera dressé au début de la phase de mise en œuvre, afin de fournir une description du contexte de référence. Durant toute la durée du projet, les informations seront périodiquement collectées pour évaluer l’évolution de chaque indicateur. Ces sessions de suivi sont planifiées tous les 5 ans. Des entretiens, des questionnaires, des enquêtes locales et des réunions participatives seront organisés pour récolter le point de vue des gens sur l’efficacité du projet. Cela complétera les données techniques et satellites et fournira des données exploitables pour l’évaluation.Le graphique hexagonal fournira une illustration de la performance du projet, et permettra aux parties prenantes de voir quelle ressource nécessite d’être améliorée (parmi les 6 listées par les standards). Il est produit pour chaque session de suivi et fournit ainsi un indicateur visuel de l’évolution de la performance durant toute la durée du projet.Les standards SOCIALCARBON® mettent l’accent sur les co-bénéfices (sociaux, environnementaux, humains, etc.). Si le carbone y est considéré comme une ressource, les standards ne fournissent aucune procédure pour la réduction des émissions de CO2. Le porteur du projet analysera donc régulièrement (tous les 5 ans) et quanti-tativement les changements d’usage des sols et le nombre d’incendies à l’intérieur et à l’extérieur de la zone du projet. Les standards SOCIALCARBON® sont ici utilisés comme un outil additionnel permettant une évaluation qualitative du projet.

Processus d’élaboration du projet

Les standards SOCIALCARBON® peuvent également être utilisés dans la phase de conception du projet, pour identifier les parties prenantes et déterminer la manière dont les activités qui concernent les populations locales seront mises en œuvre.Outre les consultations informelles avec propriétaires et institutions locales, et les données scientifiques et of-ficielles sur la zone, le porteur du projet est actuellement impliqué dans d’autres projets avec la communauté de Taquaraçu. Il a donc une très bonne connaissance du contexte socio-économique local. Sur la base de ces connaissances et afin d’atteindre l’objectif de réduction d’émissions, il a élaboré un plan de travail pour la conser-vation. Les standards SOCIALCARBON® permettront de déterminer la contribution de chaque groupe de parties prenantes à la mise en œuvre quotidienne des activités. En plus du plan de travail, les standards SOCIALCARBON® seront utilisés pour inclure, dans une démarche participative, les communautés dans le processus de décision.Considérant le fait que les projets peuvent parfois mettre plusieurs années à se réaliser complètement, à obtenir la validation et à générer les premiers bénéfices, IE a décidé de commencer le diagnostic initial au début de la mise en œuvre des activités et non pendant la rédaction du PDD ; soit suffisamment tôt pour être intégré dans le processus d’élaboration du projet, mais pas trop tôt pour éviter que les communautés ne développent d’attentes prématurées.Dans le cadre de la certification CCBA, des entretiens et des réunions doivent être effectués et les impacts du projet sur les communautés devront être suivis. Les standards SOCIALCARBON® n’augmentent donc pas trop le prix initial, exception faite des coûts de transaction (validation et certification) des rapports SOCIALCARBON lesquels varient de 2 000 à 4 200 US$.

Social Carbon et CCBA

Parce qu’ils ne fournissent aucunes indications pour la comptabilité et le monitoring carbone, les standards SO-CIALCARBON® doivent être associés à une autre méthodologie et/ou standard carbone. Par ailleurs et grâce à un registre dédié, les standards SOCIALCARBON® permettront de certifier les crédits (comme les VERs) mais ne permettront pas d’en générer. Pour faire face aux problèmes techniques et au suivi de la réduction des émissions, le projet Genesis Forest utilise la méthodologie du BioCarbon Fund dédiée à la déforestation mosaïque (version 1, 2008) et qui est actuellement en cours de validation auprès du VCS. Suite à la demande des acheteurs, un PDD a également été soumis aux standards de la CCBA et est actuellement en cours de validation. Pour les développeurs de projet, les standards de la CCBA et ceux de SOCIALCARBON® fournissent des bénéfices majeures différents et peuvent être perçus comme étant complémentaires. Alors que les standards de la CCBA requièrent un proces-sus de suivi continu des aspects sociaux et l’implication des parties prenantes, les standards SOCIALCARBON® fournissent des lignes directrices pour le mettre en œuvre. Le principal problème de la double certification est issu des coûts de transaction supplémentaires induits par les standards de la CCBA, de SOCIALCARBON et par le VCS si l’objectif est de générer des unités de réduction d’émissions.

203redd+ à l’échelle projet - Guide d’évaluation et de développement

Le point de vue…

du développeur de projet

Le porteur de projet

Fondé en 2000, IE est une société civile d’intérêt public ayant pour mission de réduire les impacts du changement climatique, à travers la recherche, la conservation, la préservation de l’environnement et le soutien aux commu-nautés. IE a élaboré et mis en œuvre le premier projet Brésilien de séquestra-tion de carbone en garantissant la participation des communautés. Ce travail a débouché sur la création de la méthodologie du SOCIALCARBON.

Plus/ Avantages Moins/ Difficultés

• L’expérience terrain d’IE ;• La synergie avec les autres projets de développement et

de recherche, comme par exemple Ecotropical ;• Une grande expérience des programmes communau-

taires et des approches participatives.

• L’absence de méthodologie approuvée ;• Les délais du processus de validation ;• Le travail sur des petites zones ne permet pas

de travailler avec une bonne résolution ce qui augmente l’échelle d’erreur.

Qu’attendez-vous des négociations internationales en matière de REDD+ ?

• Les attentes par rapport aux négociations de la CCNUCC sont relativement faibles car il y a encore beaucoup d’incertitude sur la position que le gouvernement Brésilien va adopter concernant le REDD+. Nous sommes plus optimistes sur le fait que le REDD+ intégrera le marché volontaire.

Quels serai(en)t votre(vos) conseil(s) en matière d’évaluation et de suivi des co-bénéfices?

• Les standards SOCIALCARBON® jouent un rôle très important et efficace dans le suivi du développement du-rable à moyen et long terme. Un autre conseil important est que l’approche communautaire doit être participative et flexible car les politiques locales peuvent être amenées à changer, de même que les attentes des communautés locales pourraient changer.

Contact

Luiz Eduardo Lea – Technical DirectorInstituto Ecológica Quadra 103 Sul, Rua SO-03, Lote 28Palmas, TO - Brazil

T: +55.63.3215.1279 Mail: [email protected] : www.ecologica.org.br

204

Références, documents disponibles, sites internet…

Instituto Ecologica, Social Carbon, Hyundai, CantorCO2e Brazil and Carbonfund.org (2009) Genesis Forest Project: reducing Greenhouse Gas Emissions from Deforestation and Degradation in the State of Tocantins, Brazil – Version 2 (17/06/2009). - A 1st version is publicly available with appendixes and calculation tables on the CCBA websitehttp://www.climate-standards.org/projects/files/tocantins/ccba_pdd_tocantins_redd_v_1.pdf - Social Carbon Standard - Version 4.0, August 2009 (for public consultation) http://www.socialcarbon.org/Guidelines/Files/New/SOCIALCARBON_STANDARD.pdf - Social Carbon Methodology, Indicators for Community Forestry Project – Version 01, 2003http://www.socialcarbon.org/Guidelines/Files/IndicadoresCSFlorestalv01_CM_06-11-08_english.pdf - Social Carbon Guidelines – Manual for the Development of projects and Certification of Social Carbon credits- Version 03, May 2009- http://www.socialcarbon.org/Guidelines/Files/socialcarbon_guidelines_en.pdf - Rezende, D. and Merlin, S. (2003) Social Carbon: Adding value to sustainable development Ecológica Institute, Editora Peirópolis. http://www.socialcarbon.org/Guidelines/Files/Social_Carbon_book_en.pdf - Social Carbon and CCBA, REDD Financial Feasibility Assessment Tool – Version 01, September 2009 http://www.socialcarbon.org/Guidelines/REDD/ - World Bank BioCarbon Fund, Methodology for Estimating Reductions of GHG Emissions from Mosaic Deforestation – Version 01, December 2008. - http://www.v-c-s.org/docs/REDD_mosaic_methodology_15_Dec_2008.pdf • Instituto Ecologico website: http://www.ecologica.org.br/ingles/index.html • Social Carbon Standard website: http://www.socialcarbon.org/ • Social Carbon Consulting group: http://www.sociacarbon.com • Carbonfund.org website: http://www.carbonfund.org/ • CantorCO2e Brazil website: http://www.cantorco2e.com/ • Hyundai Genesis Forest Project website: http://hyundai.carbonfund.org/

205redd+ à l’échelle projet - Guide d’évaluation et de développement

© Instituto ecologica

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réduire les émissions de carbone en protégeant une forêt naturelle en Tasmanie

Woodside Park © redd Forests

207redd+ à l’échelle projet - Guide d’évaluation et de développement

Project ID

Localisation Nord de la Tasmanie

Taille 1 433,9 ha (790 ha de forêt pour la conservation)

Durée 25 ans (jusqu’en 2035)

Méthodologie/outils utilisé(e)s

Une méthodologie d’évaluation du carbone a été développée spécifiquement pour le projet et le logiciel FullCAM utilisé pour établir le scénario de référence

Validation/ Certification Standard de la CCBA

Type de forêts Forêt tempérée d’Eucalyptus

Principaux facteurs de déforestation Coupe d’éclaircie, coupe selective, conversion à la plantation

Principaux agents de la déforestation Les propriétaires terriens via les compagnies d’exploitation forestière

Activités du projet

• Conservation de la forêt selon les outils HCVF (High Conservation Value Forest)

• Substitution des revenus de l’exploitation forestière par les revenus carbone

Les Bénéfices du projet

• 140’000 tCO2 évitées pendant la durée des contrats• Conservation d’une forêt à haute valeur environnementale• Extension du scénario de conservation aux propriétaires privés alentours

(grâce aux revenus carbone)

Porteur de projet REDD Forests Pty Ltd

Parties prenantes Les sous traitants de REDD Forest, les propriétaires terriens

Financement du projet Fonds propres de REDD Forest

208

Description du projet

Aspects organisationnels

Le projet a été développé sur deux propriétés privées. À travers un contrat d’exploitation de 25 ans, les propriétaires ont transféré leur droit de propriété sur le carbone à REDD Forests. L’accord financier est calculé par rapport au potentiel carbone de la terre. Les propriétaires se sont donc engagés à ne pas exploiter la forêt pendant 25 ans et recevront en échange une partie des bénéfices issus des crédits carbone. La gestion du projet est faite par REDD Forests en qualité de porteur de projet. Celui-ci sous-traite néanmoins à d’autres entités certaines des questions plus spécifiques et techniques.

Conception du projet

La zone de projet a été délimitée en suivant les frontières des propriétés privées. La stratification forestière dans la zone a été faite par rapport à des historiques d’exploitation forestière différents d’une parcelle à l’autre. Pour les 790 ha de terres exploitables, le scénario projet se propose de protéger les forêts par la mise en œuvre des outils de conservation des High Conservation Value Forests, incluant notamment la gestion des risques d’incendie et d’in-vasion de nuisibles (insectes ou maladies). Les propriétaires s’engagent donc à cesser les activités d’exploitation forestière sur une période de 25 ans en contre partie d’un paiement issu de la vente anticipée des crédits. Suivant le scénario de référence, le carbone séquestré et crédité peut être périodiquement généré, ce qui assurerait un revenu supplémentaire pour les propriétaires. Les revenus du carbone doivent être supérieurs aux revenus de l’exploitation de bois. Cette source alternative de revenus est le fer de lance du projet et de son additionnalité.

Les impacts sur le changement climatique

Le scénario de référence a été conçu en fonction de l’utilisation des terres la plus probable en l’absence du projet et en suivant les recommandations des lignes directrices du GIEC 2006 pour les projets AFOLU. En se basant sur les dires des propriétaires et les conditions socio-économiques des petites exploitations agricoles et d’élevage dans la région, le scénario de référence prévoit la conversion totale des terres exploitables (790 ha) en plantations d’Eucalyptus. Ainsi la quantité totale de carbone qui aurait été émis selon le scénario de référence, correspond à l’ensemble du carbone stocké dans la biomasse aérienne et dans les sols, ainsi que dans les débris de bois. Le logiciel australien FullCAM a été utilisé pour comparer la différence de stocks de carbone entre le scénario avec et le scénario sans projet, et ce durant toute la durée de vie du projet. Les revenus carbone ont été estimés plus conséquents que les revenus de l’exploitation forestière, aucune perte financière ne résultera de la mise en œuvre du projet et par conséquent aucun risque de fuite par déplacement des activités n’est à craindre.

Les impacts sociaux et environnementaux

Aucune communauté locale ou population dépendante de la forêt n’est présente dans la zone de projet. Les impacts sociaux et environnementaux du projet sont directement liés à la notion de service environnemental. En suivant les critères de l’IUCN et en raison de sa diversité biologique, culturelles et de ses aménités environnemen-tales, la zone de projet est considérée comme une forêt à forte valeur de conservation (High Conservation Value Forest – HCVF).

Aspects financiers

Les coûts du projet correspondent principalement aux coûts de certification, de monitoring, de gestion forestière (prévention des feux et des nuisibles) et les coûts de mise en place du régime foncier (c’est-à-dire les coûts de transaction avec les propriétaires). Tous ces coûts sont et seront pris en charge par REDD Forests. Outre le paiement du contrat de cession provisoire des droits fonciers sur le carbone, une part des revenus sera transférée aux propriétaires terriens via un fonds spécialement créé à cet effet. L’efficacité du projet dépend directement du fait que la valeur de l’exploitation forestière doit être inférieure aux revenus alternatifs issus des crédits carbone.

209redd+ à l’échelle projet - Guide d’évaluation et de développement

Retour d’expérience sur…

« L’utilisation de la finance carbone comme alternative aux revenus de l’exploitation forestière »

Description générale

1. Évaluation du potentiel carbone des terrains2. Un contrat entre REDD Forests et les

propriétaires terriens est signé stipulant que ces derniers cèdent leur droit de propriété sur le carbone à REDD Forests

3. Les coûts de mise en oeuvre du projet couverts par REDD Forests (PDD & études, MRV & certification)

4. Vente des crédits carbone aux acheteurs, par REDD Forests

5. Transfert des contrats à un fonds fiduciaire6. Pourcentage des revenus payé aux propriétaires

Le projet repose sur le fait que – grâce à une évaluation préalable du potentiel carbone de la zone – REDD Forests a convaincu les propriétaires qu’il serait plus profitable d’évoluer vers des pratiques de conservation. Ainsi les propriétaires se voient offrir un contrat qui génère plus de revenus qu’un contrat d’exploitation fores-tière classique.

Ce qui est vrai pour tous les projets REDD est bien sûr vrai pour ce projet également : les facteurs de la déforestation doivent être enrayés efficacement pour assurer le succès du projet REDD. Dans ce cas précis, les facteurs sont l’exploitation forestière et la conversion des forêts en plantations commerciales, lesquelles sont possibles dans le scénario dit Business As Usual (scénario de référence) grâce aux contrats d’accord entre les propriétaires et les compagnies d’exploitation forestières. Au travers de ces contrats, les propriétaires – qui prennent la décision d’arrêter ou de continuer l’exploitation – ne recherchent pas directement les ressources forestières (dont ils n’ont pas un besoin direct), mais les revenus générés par la vente de ces ressources. Ce qui est propre à ce projet, et qui ne sera pas nécessairement reproductible dans toutes les circonstances, tient précisément au fait que la substitution financière est ici suffisante pour permettre aux propriétaires d’arrêter les activités d’exploitation. Cette substitution pure et simple des revenus d’exploitation par les revenus carbone est possible parce que :1. Le régime foncier est clair et simple.2. La motivation des agents de la déforestation est purement financière. Un système de substitution par

les revenus carbone sera donc de même nature et satisfera les propriétaires à condition que ces revenus alternatifs soient au moins aussi importants que ce qu’auraient été les revenus selon le scénario de référence.

3. REDD Forests a été en mesure de fournir l’investissement initial pour la mise en œuvre du processus de validation et du projet.

Co2

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Propriétaire 1

Crédits vendus ex-ante puis ex-post

Acheteurs de crédits

Fonds

Propriétaire 2

210

Le contexte foncier et les contrats carbone

Deux propriétaires différents sont impliqués dans le projet. Une compagnie privée est propriétaire de deux parcelles (741,9 ha). Et 6 autres parcelles sont en copropriété à parts égales (692 ha). Dans les deux cas, les propriétaires ont le droit d’exploiter et de couper la forêt sur leurs parcelles. Faute de droits clairement définis sur la propriété des crédits carbone en Australie, ils sont ici considérés comme un bien immatériel privé, entièrement cessible. Etant donné que tous les investissements requis pour le projet ont été fournis par REDD Forests, ces derniers peuvent revendiquer un droit sur les crédits (apport en capital). Le transfert complet des droits d’exploitations des terrains et de propriété des crédits carbone à REDD Forests est réglementé pour une période de 25 ans par des contrats juridiquement contraignants qui fixent aussi les obliga-tions et responsabilités des différents contractants. La compagnie REDD Forests est responsable de la vente des crédits carbone et de la permanence de ces derniers. Elle agit en tant qu’agent intermédiaire et prend ainsi une petite part des crédits carbone générés tandis que les propriétaires se partagent le reste.

Arrêter l’exploitation forestière sans risque de déplacement

Dans le cadre des contrats de transfert, les propriétaires s’engagent à cesser toute activité d’exploitation forestière et à ne signer aucun contrat d’exploitation pendant 25 ans. En comparant les 2 activités, le porteur de projet a démontré que la valeur du carbone peut être 3,5 fois plus éle-vée que ce qu’aurait rapporté un contrat classique d’exploitation. En effet, sur 100 tonnes de bois par hectare, la compagnie forestière ne paiera le propriétaire que pour la partie réellement exploitable, soit 60 tonnes de bois. En matière de carbone, d’une part le rendement à l’hectare est deux fois plus important, d’autre part, il sera valorisable en totalité. Ce rapport 1 pour 3,5 dépend entièrement de la valeur commerciale de la tonne de CO2 en comparaison de la tonne de bois exploitable, ce qui nécessite une analyse commerciale des marchés du carbone.Si les propriétaires obtiennent davantage de la valorisation du carbone que de l’exploitation du bois, il est raison-nable de penser qu’ils vont effectivement arrêter les activités destructrices et qu’ils ne déplaceront pas la pression sur un autre écosystème. L’autre principal risque de fuite est appelé « market leakage». Si du fait de la mise en œuvre du projet, la demande en bois se trouve insatisfaite, les compagnies forestières risquent de renforcer l’ex-ploitation sur d’autres écosystèmes ou d’aller exploiter des écosystèmes qui ont peut-être plus de valeur environ-nementale et de potentiel carbone que la zone de projet. Dans ce cas, le projet ne résultera qu’en un déplacement des pressions anthropiques et non en une réduction effective des émissions.Ici, la taille limitée de la zone à conserver, représente une part marginale du marché du bois, ce qui sécurise le projet contre tout risque de fuite de marché. Il devra toutefois être pris en considération, notamment en cas d’extension de la zone.

Les étapes à venir

Le projet de REDD Forests est un projet pilote en Tasmanie. Il vise à prouver la viabilité commerciale de l’utilisation du marché du carbone pour générer des revenus alternatifs aux activités d’exploitation traditionnelles. Le projet a été certifié par les standards de la CCBA et la mise en œuvre a démarré en février 2009. L’exploitation a cessé sur les propriétés, les placettes d’inventaire de biodiversité et de biomasse ont été mises en place, et le monitoring a déjà débuté. Toutes ces activités sont financées par REDD Forests qui assume pleinement les risques liés au projet.Le succès du projet dépend donc maintenant de la vente des crédits. REDD Forests doit maintenant attendre l’évo-lution des négociations internationales et nationales. L’approche qui sera adoptée pour la commercialisation des crédits dépendra de l’adoption d’un mécanisme de compensation par la CCNUCC et dans le cadre de la stratégie australienne de réduction des émissions de carbone. Si les projets REDD+ ne restent possibles que dans le cadre des marchés volontaires, la certification CCBA sera complétée par une certification VCS. Si l’Australian Carbon Pollution Reduction Scheme accepte les projets REDD+, l’initiative sera soumise à validation. En cas de succès ce projet suivra une extension exponentielle et intégrera davantage de propriétaires fonciers en Tasmanie.

211redd+ à l’échelle projet - Guide d’évaluation et de développement

Le point de vue…

du développeur de projet

Le porteur de projet

La compagnie REDD Forest Pty Ltd est une entreprise de droit privé à but lucratif créée en décembre 2008. Elle a pour objectif le développement de méthodes commercialement viables pour remplacer les activités qui dégra-dent ou détruisent les forêts du monde.

Plus/ Avantages Moins/ Difficultés

• L’émission de 140,000 tCO2 évitée pendant toute la durée des contrats

• La préservation d’une région à haute valeur de conservation

• 25 années de protection et possibilité de renouvelle-ment des espèces menacées

• Changement de point de vue des propriétaires au profit de la conservation

• Sensibilisation collective et amélioration de l’opinion en faveur des espaces naturels

• Attitude négative de certains secteurs vis à vis du REDD

• Le souci exagéré des acteurs en matière de non permanence (ramené à 100 ans et plus) laquelle est à la fois impossible à éviter totalement et pas si importante puisque la nécessité immédiate est de lutter contre le changement climatique aujourd’hui

• Le manque de compréhension du secteur financier sur les investissements et les bénéfices de ce type de projet

Qu’attendez-vous des négociations internationales en matière de REDD+ ?

• Idéalement l’article 3.4 devrait devenir obligatoire plutôt que volontaire• La reconnaissance du rôle immédiat du REDD+ contre les effets du changement climatique• Introduction de l’échelle projet dans le CPRS australien• L’accès aux fonds d’investissement

Quel serait votre(vos) conseil(s) en matière de substitution financière ?

• Veiller à ce que les investisseurs aient des intérêts philosophiques et éthiques dans les objectifs du projet

Contact

Stephen Dickey – Managing directorRedd Forests Pty Ltd 11 Renfrew Street St. Andrews NSW 2566

T: +61 421 670 567 Mail: [email protected]

Références, documents disponibles, sites internet…

• REDD Forests (2009), Reducing Carbon Emissions by protecting a Native Forest in Tasmania, PDD for CCBA validation (prepared by MGM International). http://www.climate-standards.org/projects/files/tasmania/REDD_Forests_CCB_PDD_FINAL_071609.pdf

• SCS (July 2009), Final CCBA Project Validation Report. http://www.climate-standards.org/projects/files/ tasmania/ CCB_REDDForests_RPT_ValidationReport_071709.pdf

• REDD Forests website: http://www.reddforests.com/

212

213redd+ à l’échelle projet - Guide d’évaluation et de développement

ACR American Carbon Registry

ADP Avoided Deforestation Partners

AFD Agence Française de Développement AFD French Development Agency

APA American Power Act

A/R Boisement et reboisement Afforestation and Reforestation

AWG-LCA Groupe de travail ad-hoc sur l’action coopérative de long terme

Ad-hoc Working Group on Long-term Cooperative Action

BioCF BioCarbon Fund

BR&D BioClimate Research and Development

CAPEX Capital Expenditure

CAREVContrat d’Achat de Réductions d’Emissions Vérifiées

ERPA Emission Reduction Purchase Agreement

CCAR California Climate Action Registry

CCBsClimate, Community and Biodiversity standards

CCBAClimate, Community and Biodiversity alliance

CCNUCCConvention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques

UNFCCCUnited Nations Framework Convention on Climate Change

CCX Chicago Climate Exchange

CDB Convention sur la diversité biologique CBD Convention on biological diversity

CdP Conférence des Parties COP Conference of the Parties

CDI Carbon Decisions International

CI Conservation International

CITESConvention on International Trade in Endangered Species

CLIPCollaboration and Conflict, Legitimacy, Interests, Power

DFID Department For International Development

DNUDPA Déclaration des Nations Unies sur les Droits des Populations Autochtones

UNDRIPUnited Nations Declaration on the Rights of Indigenous Peoples

ECCM Edinburgh Centre for Carbon Management

FAOOrganisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture

FAO Food and Agriculture Organization

FAS Fundaçao Amazonas Sustentavel

FCPF Forest Carbon Partnership Facility

Acronymes

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FFEMFonds Français pour l’Environnement Mondial

French Global Environmental Fund

GES Gaz à effet de serre GHG Greenhouse Gas

GFA Gestion Forestière Améliorée IFM Improved Forest Management

GIECGroupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat

IPCCIntergovernmental Panel on Climate Change

GOFC-GOLDGlobal Observation of Forest and Land Cover Dynamics

GPG LULUCFGood Practice Guidance for Land Use, Land-Use Change and Forestry

IDESAMInstitute for Conservation and Sustainable Development of Amazonas

IFLs Intact Forest Landscapes

IUCNInternational Union for Conservation of Nature

lURCE Unité de Réduction Certifiée durables lCER Long-Term Certified Emission Reduction

ULUCF Land Use, Land Use Change and Forestry

MDPMécanisme pour un Développement Propre

CDM Clean Development Mechanism

MEA Millenium Ecosystem Assessment

MRV Mesure, Rapportage et Vérification MRV Monitoring, Report and Verification

NFPC Non For Profit Companies

ONFI Office National des Forêts - International

ONG Organisation non gouvernementale NGO Non governmental organization

OPEX Operational Expenditure

PDD Project design document

PIN Project idea note

PFNL Produit Forestier Non Ligneux NWFP Non Wood Forest Products

PSEPaiement pour Services Environnementaux

PES Payment for Environmental Services

RDC République Démocratique du Congo

SCEQESystème Communautaire d’Echange de Quotas d’Emissions

EU – ETS European Emissions Trading Scheme

SCM Social Carbon Methodology

SCR Social Carbon Report

SCS Scientific Certification Systems

téqCO2 Tonne équivalent CO2 teqCO2 Tonne equivalent CO2

TGC Terra Global Capital

TNC The Nature Conservancy

TRAM Taux de rentabilité annuel moyen

215redd+ à l’échelle projet - Guide d’évaluation et de développement

TRI Taux de Rentabilité Interne IRR Investment Return Rate

tURCE Unité de Réduction Certifiée temporaires tCER Temporary Certified Emission Reduction

UE Union Européenne EU European Union

UTCFUtilisation des Terres, Changement d’usage des sols et Foresterie

AFOLUAgriculture, Forestry and Other Land Uses (previously LULUCF : Land Use, Land Use Change and Forestry)

VAE Valeur annuelle équivalente

VAN Valeur Actualisée Net NPV Net Present Value

VERUnité de Réduction des Emissions Volontaire / Vérifiée

Voluntary / Verified Emission Reduction

VCS Voluntary Carbon Standard

VCU Voluntary Carbon Unit

WCS World Conservation Society

Acronymes

REDD+ à l’échelle projet

Guide d’évaluation et de développement

ONF International est un bureau de conseil

et d’expertise internationale en environnement

spécialisé dans la gestion durable des

écosystèmes (notamment forestiers)

et la lutte contre le changement

climatique. Une cinquantaine de

collaborateurs interviennent dans plus

de 50 pays, principalement en Afrique,

Amérique Latine et en Asie pour le

compte de la coopération internationale

ou du secteur privé.

ONF International est reconnu pour son

expérience historique dans la gestion

forestière durable, et est leader sur les

questions d’atténuation du changement

climatique (REDD et boisement/

reboisement).

Pour plus d’informations : http://onfinternational.org/

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