Rapport du Rapporteur spécial sur le doit à l’alimentation...
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GE.12-
Conseil des droits de l’homme Vingt-deuxième session
Point 3 de l’ordre du jour
Promotion et protection de tous les droits de l’homme, civils,
politiques, économiques, sociaux et culturels,
y compris le droit au développement
Rapport du Rapporteur spécial sur le doit à l’alimentation, Olivier De Schutter
Additif
Mission à l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture
*
* La traduction officielle de ce rapport selon les règles des Nations Unies inclut seulement la traduction du
résumé. Le reste du rapport a été traduit par une traductrice professionnelle non-ONU.
Résumé
Le droit à l’alimentation est un droit de l’homme reconnu en droit international qui
protège le droit de tous les êtres humains de se nourrir dans la dignité, soit en produisant
leurs aliments soit en les achetant. L’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et
l’agriculture (FAO) joue un rôle essentiel en aidant ses États membres à élaborer leurs
lois, politiques et programmes en matière de sécurité alimentaire. L’organisation mène des
programmes et des projets au niveau des pays qui permettent à ses États membres de
profiter de son expérience. Elle génère également des connaissances qui éclairent de vastes
débats thématiques relatifs à la sécurité alimentaire à l’échelle mondiale. Dans le présent
rapport, le Rapporteur spécial examine en quoi le cadre normatif et analytique du droit à
l’alimentation est intégré dans les activités de la FAO et identifie les domaines dans
lesquels la contribution de la FAO à la réalisation du droit à l’alimentation pourrait être
encore renforcée. Le Rapporteur y formule des recommandations à l’intention non
seulement du secrétariat de la FAO mais également de ses États membres, de ses organes
institutionnels et de ses donateurs. Ces recommandations visent à contribuer aux débats en
cours sur la manière et les moyens de renforcer plus avant le cadre stratégique et le plan à
moyen terme (2014-2017) de la FAO. Comme le souligne le rapport, les principes et
prescriptions du droit à l’alimentation peuvent jouer un rôle déterminant dans la réalisation
des objectifs clés de la FAO.
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Rapport du Rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation sur sa mission à l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture
Table des matières
Paragraphes Page
I. Introduction ............................................................................................................. 1–6 3
II. L’importance du droit à l’alimentation dans la lutte contre la faim et la malnutrition 7–11 4
III. Le travail sur le droit à l’alimentation depuis le Sommet mondial de l’alimentation de 1996 12–18 5
IV. Le droit à l’alimentation : une ‘boussole’ et un outil pratique ................................ 19–42 7
A. Les composantes pour une stratégie fondée sur le droit à l’alimentation ....... 24–28 8
B. Le droit à l’alimentation, une boussole pour la conception des politiques sectorielles 29–36 9
C. Les éléments d’intégration du droit à l’alimentation dans le Cadre stratégique 37–42 11
V. Le droit à l’alimentation dans les programmes de niveau national et régional ....... 43–49 14
A. Soutenir les cadres juridiques, institutionnels et politiques au niveau des pays 44–47 15
B. Évaluer les progrès et partager les enseignements .......................................... 48–49 17
VI. Les relations entre la FAO et les parties prenantes externes ................................... 50–57 18
A. Participation de la société civile ..................................................................... 51–52 18
B. Participation du secteur privé ......................................................................... 53–57 19
VII. Gouvernance mondiale ........................................................................................... 58–62 21
VIII. Conclusions et recommandations ............................................................................ 63–65 22
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I. Introduction
1. Le présent rapport est soumis en application de la résolution 13/4 du Conseil des
droits de l’homme. Le Conseil des droits de l’homme a demandé au Rapporteur spécial sur
le droit à l’alimentation « de promouvoir la réalisation complète du droit à l'alimentation et
l'adoption de mesures au niveau national, régional et international visant à assurer la
réalisation du droit de chacun à une alimentation suffisante et du droit fondamental qu'a
toute personne de ne pas souffrir de la faim » (A/HRC/RES/6/2, para. 2) et de collaborer
avec les organismes des Nations Unies ayant leur siège à Rome, notamment la FAO, « en
sorte que ces organisations continuent de promouvoir le droit à l’alimentation »
(A/HRC/RES/13/4, para. 32). Dans l’exercice de son mandat, le Rapporteur spécial a visité
l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et mené une
série de réunions avec le personnel de la FAO et d’autres parties prenantes au cours de
l’année 2012.
2. Sa mission avait pour objectifs de faire le point sur les efforts de la FAO en matière
de promotion du droit à l’alimentation ; d’explorer comment le cadre normatif et analytique
du droit à l’alimentation est intégré aux politiques et aux programmes de la FAO ; et
comment cette intégration contribue à l’atteinte de ses objectifs essentiels.
3. Le Rapporteur spécial a tenu des réunions avec le personnel de tous les départements
de la FAO du 9 au 10 et du 16 au 17 janvier 2012, avec le Directeur Général José Graziano
da Silva en janvier et en mai 2012, avec le Président du Conseil de la FAO, avec des
représentants des Missions Permanentes auprès de la FAO, avec le personnel du Bureau
régional de la FAO pour l’Afrique à Accra, ainsi qu’avec d’autres parties prenantes, dont
notamment des organisations non gouvernementales et des organisations d’agriculteurs.
4. Le Rapporteur spécial entretient une collaboration suivie avec la FAO. Il a participé
à plusieurs conférences organisées par la FAO, dont notamment la Conférence de haut
niveau sur la sécurité alimentaire mondiale de juin 2008, le Forum sur le droit à
l’alimentation d’octobre 2008 et le Sommet mondial sur la sécurité alimentaire de
novembre 2009. Il a donné la 26ème
conférence Frank L. McDougall le 18 novembre 2009.
Les 4 et 5 avril 2012, il a réuni à Nairobi un atelier sur la mise en œuvre du droit à
l’alimentation en Afrique australe et orientale, avec le soutien du Haut-Commissariat des
Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) et l’Équipe du droit à l’alimentation de la
FAO. Cet atelier faisait suite à un séminaire régional réuni à Bogota en juin 2011, lui aussi
organisé en collaboration avec l’Équipe du droit à l’alimentation de la FAO, lequel visait à
évaluer les avancées du droit à l’alimentation en Amérique latine et dans les Caraïbes. Ces
différentes activités, de même que sa participation au travail du Comité de la sécurité
alimentaire mondiale (CSA) et ses consultations avec des représentants locaux de la FAO
lors de chacune des dix missions pays qu’il a menées à ce jour dans l’exercice de son
mandat ont offert au Rapporteur spécial de nombreuses occasions de se familiariser avec le
rôle du droit à une alimentation adéquate dans le travail de la FAO et dans ses relations
avec les parties prenantes externes.
5. Le Rapporteur spécial tient à exprimer sa profonde reconnaissance à tous ceux qui
ont généreusement mis leur temps, leurs connaissances et leur expertise à sa disposition. Il
a été impressionné par le dévouement de tous les membres du personnel de la FAO qu’il a
rencontrés, de même que par leur souci de comprendre ce qu’une intégration plus profonde
du droit à l’alimentation pourrait apporter à leurs domaines de travail. Il tient à mentionner
tout particulièrement l’esprit de coopération avec lequel la FAO et son Directeur Général
l’ont assisté pendant sa visite.
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6. Le présent rapport donne un aperçu de l’importance du droit à l’alimentation dans la
lutte contre la faim et la malnutrition (section I). Il se penche ensuite brièvement sur les
efforts spécifiques de la FAO pour promouvoir le droit à l’alimentation depuis le Sommet
mondial de l’alimentation de 1996 (section II). Il démontre l’importance du cadre du droit à
l’alimentation pour les politiques sectorielles de la FAO, en étudiant d’éventuels moyens
d’intégrer une approche fondée sur le droit à l’alimentation dans toute la FAO (section III)
et dans des programmes nationaux (section IV). Il aborde les relations de la FAO avec les
organisations de la société civile et le secteur privé (section V). Enfin, il analyse la
contribution de la FAO à la gouvernance mondiale, au travers notamment de ses activités
normatives (section VI). Les recommandations contenues dans le présent rapport
s’adressent au Secrétariat de la FAO, au Conseil de la FAO et à ses organes institutionnels,
ainsi qu’États membres et donateurs. Le Rapporteur spécial est conscient que la mise en
œuvre de certaines recommandations serait coûteuse, en temps comme en ressources
financières. Il est également parfaitement au fait des contraintes financières actuelles de la
FAO et comprend que ces recommandations, si elles sont acceptées, ne pourraient être
mises en œuvre que progressivement. Cependant, son mandat consiste précisément à
avancer de telles recommandations de manière à alimenter les choix stratégiques et
opérationnels que l’Organisation et ses Membres seront amenés à poser à l’avenir. C’est
dans cet esprit constructif que ce rapport a été préparé.
II. L’importance du droit à l’alimentation dans la lutte contre la faim et la malnutrition
7. Le droit à une nourriture suffisante est un droit de l’homme reconnu en droit
international. Il est réalisé « lorsque chaque homme, chaque femme et chaque enfant, seul
ou en communauté avec d’autres, a physiquement et économiquement accès à tout moment
à une nourriture suffisante ou aux moyens de se la procurer. »1 Le Comité des droits
économiques, sociaux et culturels a défini avec autorité le contenu fondamental du droit à
une alimentation adéquate et les obligations correspondantes des États de respecter et de
protéger le droit à l’alimentation et de lui donner effet (E/C.12/1999/5). Ces prescriptions
sont complétées par les Directives volontaires à l’appui de la concrétisation progressive du
droit à une alimentation adéquate dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale
(Directives sur le droit à l’alimentation), adoptées par les États membres au Conseil de la
FAO en 2004.
8. Le droit à l’alimentation fournit un outil important dans la lutte contre la faim et la
malnutrition. Plutôt que de considérer l’alimentation accessible, disponible et adéquate
comme une forme de charité ou d’aumône, le droit à l’alimentation reconnaît l’alimentation
comme un droit. Les droits légaux protègent le droit de chacun de vivre avec dignité et
garantissent à chaque individu d’avoir accès aux ressources nécessaires pour produire une
alimentation suffisante pour lui-même ou de bénéficier d’un pouvoir d’achat suffisant pour
se la procurer sur le marché. Ils imposent des obligations à l’État, et offrent aux individus et
aux communautés des mécanismes de recours quand ces obligations ne sont pas respectées.
9. Le droit à l’alimentation exige par ailleurs que nous identifiions les personnes
souffrant de faim et de malnutrition par le biais d’une cartographie adéquate de l’insécurité
alimentaire et de la vulnérabilité, et que nous élaborions ensuite des politiques qui lèvent les
obstacles à sa jouissance par tout un chacun. Les stratégies en matière de sécurité
alimentaire devraient respecter les principes de participation, de responsabilisation, de non-
1 E/C.12/1999/5, para. 6.
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discrimination, de transparence, de dignité humaine et d’autonomisation, et suivre la
primauté du droit – en n’excluant aucun individu ni aucun ménage sans justification.
10. Reconnaissant que certains éléments du droit à l’alimentation ne peuvent être
réalisés que progressivement, les Directives sur le droit à l’alimentation appellent
l’adoption de stratégies nationales pluriannuelles qui définissent les mesures à prendre, qui
doit les prendre, dans quels délais précis et selon quel processus. Ces stratégies ou plans
d’action nationaux servent à garantir que les ressources appropriées seront mobilisées. Elles
cherchent à améliorer la coordination entre les différents secteurs du gouvernement pour
garantir que les nombreuses causes (interdépendantes) de la faim ou de la malnutrition
soient combattues. Elles renforcent également la responsabilisation : en répartissant les
rôles et en définissant les responsabilités, elles permettent aussi aux organisations de la
société civile et aux organes indépendants – tels qu’institutions ou cours nationales des
droits de l’homme – de mieux demander des comptes aux organismes publics. Elles
favorisent l’apprentissage collectif : puisque les progrès sont suivis à l’aide d’indicateurs
appropriés, les politiques erronées qui manquent à atteindre des résultats peuvent être
corrigées à un stade précoce. Enfin, du fait de leur caractère participatif et inclusif, ces
stratégies contribuent à la démocratisation et à l’autonomisation, surtout quand elles sont
institutionnalisées en lois-cadres. Elles limitent de ce fait le risque d’arbitraire ou de
favoritisme dans la prise de décision et garantissent que les décisions sont prises à la
lumière des véritables besoins, comme le demandent les bénéficiaires finaux.
11. L’importance du droit à l’alimentation dans les efforts de lutte contre la faim et
l’insécurité alimentaire et nutritionnelle a été réaffirmée à maintes reprises, notamment par
le Secrétaire Général des Nations Unies Ban Ki-moon qui, dans sa conclusion à la Réunion
de haut niveau sur la sécurité alimentaire pour tous de Madrid (2009), a appelé à ce que le
droit à l’alimentation serve « de base d’analyse, d’action et de responsabilité » dans la
promotion de la sécurité alimentaire.
III. Le travail sur le droit à l’alimentation depuis le Sommet mondial de l’alimentation de 1996
12. Depuis sa création en 1945, un des principaux objectifs de la FAO a été d’éradiquer
la faim. Dans les premières années, les débats sur les politiques internationales et le travail
de la FAO se sont concentrés sur l’augmentation de la production agricole et la garantie de
la disponibilité des denrées alimentaires de base aux niveaux national et international. Mais
un changement fondamental dans l’interprétation du principal mandat de la FAO s’est
produit ces dernières années. L’accent de plus en plus marqué sur le droit à l’alimentation
est un élément essentiel de cette nouvelle vision, laquelle s’est cristallisée lors du Sommet
mondial de l’alimentation de 1996 dans la Déclaration de Rome et le Plan d’action du
Sommet mondial de l’alimentation. Dans le paragraphe d’ouverture de la Déclaration de
Rome de 1996, les Chefs d’État et de gouvernement ont réaffirmé « le droit de chaque être
humain d’avoir accès à une nourriture saine et nutritive conformément au droit à une
nourriture adéquate et au droit fondamental de chacun d’être à l’abri de la faim. »
13. Un des engagements spécifiques du Plan d’action du Sommet mondial de
l’alimentation de 1996 consistait à « clarifier le contenu du droit à une nourriture adéquate
et le droit fondamental de chacun d’être à l’abri de la faim » (objectif 7.4). Cet engagement
a donné lieu à plusieurs initiatives, notamment l’élaboration de l’observation générale n°12
sur le droit à l’alimentation par le Comité des droits économiques, sociaux et culturels et
l’adoption des Directives volontaires à l’appui de la concrétisation progressive du droit à
une alimentation adéquate dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale, seul texte
intergouvernemental à clarifier les mesures concrètes que les États devraient prendre
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pour mettre en œuvre le droit de l’homme à une alimentation adéquate. La FAO a joué un
rôle capital en soutenant les négociations intergouvernementales sur ces directives.
Soutenir le droit à l’alimentation au niveau des pays
14. Dès leur adoption, les États membres ont exhorté la FAO à soutenir la mise en
application des Directives sur le droit à l’alimentation (CL/127/REP, para. 59). Depuis, la
FAO promeut les Directives, notamment par la mise en place d’un personnel spécialisé, la
fourniture d’un soutien aux États dans la formulation de leurs politiques, la mise en œuvre
de projets opérationnels spécifiques aux niveaux régional et national et la publication de
plusieurs études et boîtes à outils, dont des cours en ligne.2 Ces publications offrent une
orientation et des exemples détaillés sur la manière d’identifier les groupes vulnérables et
les raisons de leur vulnérabilité, de réaliser l’action législative nationale ou de former et
sensibiliser les parties prenantes. Ces activités ont été essentiellement menées par l’Équipe
du droit à l’alimentation au sein du Département du développement économique et social.
15. Ce travail normatif s’est aussi vu dans une certaine mesure intégré aux activités de la
FAO au niveau des pays. Les activités de soutien nationales au droit à l’alimentation ont
toutefois généralement pris la forme de projets spécifiques dépendants de ressources
extrabudgétaires restreintes provenant de quelques pays donateurs. Parmi les projets
actuels, citons l’intégration du droit à l’alimentation dans les cadres politiques et juridiques
nationaux de la sécurité alimentaire et nutritionnelle au Mozambique, en Bolivie, au Népal
et au Salvador ; le soutien aux gouvernements et à la société civile en Ouganda, en Sierra
Leone et en Tanzanie dans l’application du cadre du droit à l’alimentation à travers la
planification du développement des districts et sous-districts ; et la promotion des principes
du droit à l’alimentation dans la gouvernance de la sécurité alimentaire aux niveaux
international, national et régional.
Alliances et initiatives régionales
16. Une analyse complète de ces activités dépasse le cadre du présent rapport. Le travail
de la FAO en Amérique latine mérite toutefois une mention spécifique. L’Initiative
Amérique latine et Caraïbes libérées de la faim en 2025 (Iniciativa América Latina y el
Caribe Sin Hambre 2025) s’est avérée remarquablement efficace dans la promotion du
droit à l’alimentation à travers le continent. Cette initiative bénéficie du soutien du Bureau
régional de la FAO pour l’Amérique latine et les Caraïbes, basé à Santiago (et dirigé
jusqu’en 2011 par l’actuel Directeur Général), et a joué un rôle déterminant dans les
progrès considérables enregistrés au cours des dernières décennies dans l’intégration du
droit à l’alimentation dans les cadres juridiques, politiques et institutionnels. L’Initiative a
par exemple soutenu la création d’un Front parlementaire contre la faim en Amérique latine
et dans les Caraïbes (Frente Parlamentario contra el Hambre), de même qu’un
Observatoire sur le droit à l’alimentation, né en 2011 de la collaboration de plus de 20
universités de la région, avec la participation du personnel de la FAO et du HCDH.3
17. La FAO souligne à raison les progrès importants réalisés « en accordant à la
question du droit à l’alimentation la place qui lui revient dans l’agenda politique des pays
de la région ».4 Plus récemment encore, la FAO a également apporté son soutien à la
Communauté des pays de langue portugaise (CPLP) pour le développement d’une stratégie
et d’un plan d’action communs pour l’intégration du droit à l’alimentation dans les
2 Voir http://www.fao.org/righttofood/droit-a-lalimentation-accueil/fr/
3 Voir la Note d’information 6 du Rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation, septembre 2012.
Disponible sur http://www.srfood.org/index.php/fr/rapports-publies/notes-dinformation
4 Voir le document de la FAO C 2013/8, « Rapport sur l’exécution du programme 2010-11 », para. 50.
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politiques et programmes nationaux de sécurité alimentaire et nutritionnelle, et pour
l’établissement d’un Conseil régional pour la sécurité alimentaire et la nutrition
(CONSAN). Le lancement de l’Initiative pour une Afrique de l’Ouest libérée de la faim en
octobre 2012 est une nouvelle étape très appréciée, et le Rapporteur spécial espère qu’elle
offrira une plateforme pour une mise en œuvre renforcée du droit à l’alimentation dans les
pays de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO).
Promotion du droit à l’alimentation au sein du système des Nations Unies
18. La FAO joue par ailleurs un rôle important car elle contribue à rendre le droit à
l’alimentation opérationnel en élaborant des orientations devant guider sa mise en oeuvre
au sein du système des Nations Unies. La FAO a contribué en 2012 à rappeler l’importance
du droit à l’alimentation dans le Document final du Sommet Rio+20. Dans sa contribution
« Vers l’avenir que nous voulons », la FAO a identifié les Directives sur le droit à
l’alimentation et les Directives volontaires pour une gouvernance responsable des régimes
fonciers applicables aux terres, aux pêches et aux forêts dans le contexte de la sécurité
alimentaire nationale comme « cadres prioritaires pour assurer la sécurité alimentaire et un
développement durable équitable. » La FAO a encore participé à la rédaction de la Note
d’orientation du Groupe des Nations Unies pour le Développement (GNUD) aux Équipes
de pays des Nations Unies sur l’intégration de la sécurité alimentaire et nutritionnelle dans
les Bilans de pays et les Plans cadre des Nations Unies pour l'aide au développement
(PNUAD) » (octobre 2011), un document qui définit certains impératifs fondamentaux pour
une approche de la sécurité alimentaire et de la nutrition fondée sur les droits de l’homme.
Le Cadre global d’action actualisé (CGAA) du Groupe d’action de haut niveau sur la crise
alimentaire mondiale (GAHN) fait lui aussi référence à une méthodologie de suivi fondée
sur les droits, comprenant le recours à un ensemble d’indicateurs illustratifs sur le droit à
l’alimentation, eux-mêmes fondés sur le travail de la FAO et du HCDH.5
IV. Le droit à l’alimentation : une ‘boussole’ et un outil pratique
19. En dépit des résultats encourageants des activités consacrées au droit à
l’alimentation décrites ci-dessus, un des grands enjeux consiste à surmonter le
cloisonnement à cause duquel le droit à l’alimentation est essentiellement promu au travers
de projets discrets menés par une partie seulement de l’Organisation. Pour ce qui est des
questions de genre et de nutrition, la FAO est arrivée à la conclusion que les incorporer
comme un ensemble d’activités distinctes plutôt que d’adopter une approche plus intégrée
était au final improductif, et a dès lors opté pour une approche intégrée des deux objectifs.6
20. Certaines démarches ont été entreprises en ce sens, dont l’inclusion de la mise en
œuvre nationale des Directives sur le droit à l’alimentation comme Résultat spécifique de
l’Organisation (HO2) dans le Cadre stratégique 2010-19 de la FAO ;7 et la collaboration
entre le Service d’appui intégré à la sécurité alimentaire (TCSF) et l’équipe du droit à
l’alimentation de l’ESA afin de fournir une orientation sur la manière d’intégrer le droit à
l’alimentation dans les programmes de sécurité alimentaire et nutritionnelle.
21. Il est cependant possible d’en faire plus. L’approche fondée sur le droit à
l’alimentation devrait transparaître dans toutes les activités principales de la FAO, y
5 Groupe d’action de haut niveau sur la crise alimentaire mondiale, Cadre global d’action actualisé,
septembre 2010, voir Encadré 18, p. 69.
6 FAO, Évaluation du rôle et des activités de la FAO en matière de nutrition, Bureau de l’Évaluation de
la FAO, juin 2011, Rome, p 15.
7 Voir le doc de la FAO C 2013/8, Annexe 5.
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compris les politiques alimentaires et agricoles, la nutrition, la terre et le commerce. Le
Rapporteur spécial estime qu’intégrer une perspective fondée sur le droit à l’alimentation
dans ces politiques sectorielles est la prochaine étape vitale pour que la FAO soutienne ses
États membres dans le respect de leurs obligations de réalisation progressive du droit à
l’alimentation. Renforcer la mise en œuvre du cadre normatif et analytique du droit à
l’alimentation à travers ses activités permettra également à la FAO de mieux atteindre ses
objectifs, comme cela a déjà été souligné en 2011 dans un rapport de la FAO sur ses
activités en matière de nutrition.8
22. Le processus de réflexion stratégique lancé en janvier 2012 par le Directeur Général
afin de revoir le Cadre stratégique 2010-2019 et de préparer le prochain Plan à moyen
terme (PMT) pour 2014-17 offre une occasion importante de mieux intégrer le droit à
l’alimentation dans le travail de la FAO.9 Parmi les innovations importantes envisagées
pour le Plan à moyen terme 2014-17, citons des plans d’action spécifiques servant de
guides pour atteindre chacun des objectifs stratégiques et l’identification de domaines
d’activités transversaux qui doivent être introduits et intégrés dans les différents objectifs
stratégiques.10 Le Rapporteur spécial recommande que le droit à l’alimentation soit inclus
comme un domaine d’activité transversal et que les éléments clés de son cadre normatif et
analytique soient reflétés dans les « Plans d’action » pour la réalisation des objectifs
stratégiques. Ceci serait une réponse à l’une des leçons essentielles tirées de la mise en
œuvre du Cadre stratégique de la FAO en 2010-11 qui veut que « Pour consolider les
réalisations et les investissements effectués en 2010-11 et porter son action et son impact à
une plus grande échelle, la FAO s’attachera en particulier à : (…) adopter une approche
centrée sur l’égalité des sexes et la nutrition, ainsi qu’une perspective fondée sur le droit à
l’alimentation, à toutes les étapes du cycle des projets. »11
23. Le Rapporteur spécial remarque que la FAO a toutes les cartes en main pour aller en
ce sens. Mais une plus grande précision et des améliorations de procédures s’avèrent
nécessaires.
A. Les composantes d’une stratégie fondée sur le droit à l’alimentation
24. Plusieurs départements et divisions de la FAO ont déjà intégré dans certains de leurs
projets des principes du droit à l’alimentation, tels que la participation, la coordination
intersectorielle, l’autonomisation ou l’accent sur les groupes marginalisés. Le Département
des forêts par exemple a, en collaboration avec le Mécanisme pour les programmes
forestiers nationaux, aidé l’Équateur, le Guatemala, les Philippines et l’Ouganda à formuler
des stratégies forestières nationales qui créent une coordination intersectorielle et qui sont
élaborées à travers un important processus participatif avec la société civile et d’autres
parties prenantes.
25. Depuis 1997, le Programme de coopération technique (PCT) a fourni un
renforcement des capacités dans l’analyse des politiques agricoles et commerciales et des
modèles d’agriculture pour les plateformes nationales de producteurs dans plusieurs pays,
dont le Burkina Faso, le Burundi, le Cameroun et la République centrafricaine. Les
organisations et coopératives d’agriculteurs ont été identifiées comme les premiers
8 FAO, « Évaluation du rôle et des activités de la FAO en matière de nutrition », para. 287.
9 Présenté dans le doc de la FAO 144/14, « Ébauche du Cadre stratégique révisé », mai 2012.
10 Voir le doc de la FAO CL 145/4, « Cadre stratégique révisé et ébauche du Plan à moyen terme 2014-
17, » octobre 2012
11 Voir le doc de la FAO C 2013/8, « Rapport sur l’exécution du programme 2010-11 », para. 150.
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partenaires de la FAO depuis sa création en 1945 et, au fil des ans, la FAO a apporté un
soutien stratégique considérable aux dynamiques des producteurs autonomes.
26. En 2009, la Division de la parité, de l’équité et de l’emploi rural (ESW) a développé
un modèle pour l’intégration de l’autonomisation juridique dans la méthodologie des
champs-écoles paysans, fondé sur l’expérience du Kenya, afin de permettre à la FAO de
répondre à la demande des agriculteurs dans le domaine de l’accès à la terre et à la
propriété, de l’héritage des femmes et des orphelins, du travail des enfants dans
l’agriculture et de l’accès aux facilités de crédit et aux compétences entrepreneuriales.
27. La Politique de la FAO concernant les peuples autochtones et tribaux présentée en
2010 – fruit du processus consultatif mené par un groupe de travail interdépartemental de la
FAO sur les questions autochtones – constitue également une contribution importante à la
réalisation du droit à l’alimentation par la FAO étant donné que cette Politique est fondée
sur la Déclaration des Nations Unies sur les Droits des peuples autochtones, et qu’elle se
concentre sur un groupe représentant environ 15 pour cent des personnes en situation
d’insécurité alimentaire dans le monde.
28. Ces exemples démontrent que l’intégration des principes du droit à l’alimentation
dans les activités des autres départements n’est pas seulement faisable mais qu’elle
contribue à l’atteinte des objectifs clés de la FAO. Ceci peut devenir la règle dans tous les
domaines sectoriels.
B. Le droit à l’alimentation, une boussole pour la conception des politiques
sectorielles
29. Nous assistons actuellement à un regain d’intérêt pour l’investissement dans
l’agriculture. La question du type d’agriculture dans lequel investir, et de quelle façon, est
dès lors devenue plus essentielle encore que par le passé dans le travail de la FAO. Dans la
perspective du droit à l’alimentation, la question n’est pas seulement de savoir si certaines
formes de développement agricole augmentent les volumes de production, mais aussi
quelles seront leurs répercussions en termes de distribution. Qui y gagnera le plus ? Qui n’y
gagnera pas, voire y perdra ? Ces questions sont capitales dans les débats actuels sur les
modèles de développement agricole.
30. Les sous-sections suivantes se concentrent sur le commerce, les politiques agricoles
et alimentaires, et la terre. Elles ne cherchent pas à fournir une analyse complète des
activités de la FAO dans ces domaines, mais plutôt à mettre en évidence des exemples de
décalages potentiels entre les programmes et les recommandations politiques de la FAO, et
suggéreront que le travail de la FAO gagnerait en cohérence s’il se fondait sur le droit à
l’alimentation.
Commerce
31. La FAO a apporté ces dix dernières années une précieuse contribution dans le
domaine des négociations commerciales et de la sécurité alimentaire. Cette contribution a
notamment consisté à former le personnel national et à créer des unités spécialisées dans les
Ministères de l’Agriculture de nombreux pays, parmi lesquels le Burkina Faso, le Kenya, le
Mozambique, le Nicaragua et Zanzibar. Le Projet de la FAO sur les poussées
d’importations, lequel a mené à la publication des Dossiers de la FAO sur les poussées
d’importations en 2006, reste également une réalisation marquante dans l’évaluation des
éventuelles répercussions négatives du commerce non réglementé sur la sécurité
alimentaire au niveau national, mettant en évidence l’importance, pour les pays en
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développement, de protéger les industries locales et les petits producteurs vivriers du
dumping.12 La FAO continue d’aider les pays en développement à mieux comprendre les
avantages et les inconvénients des accords de commerce bilatéraux ou internationaux. Son
rapport « Agriculture, Trade Negotiations and Gender » est un exemple d’intégration d’une
approche fondée sur le droit à l’alimentation dans le commerce, en évaluant les éventuelles
répercussions positives et négatives de la libéralisation des échanges sur certains groupes
particulièrement exposés à la discrimination.13
32. Les conclusions de ces rapports ne se reflètent malheureusement que partiellement et
insuffisamment dans le discours défendu par la FAO à l’échelle mondiale, lequel ne
rappelle pas systématiquement les conditions sous lesquelles le commerce peut améliorer la
sécurité alimentaire à l’échelon local, national et international. Étant donné le contexte
nouveau, marqué à la fois par l’interruption de la tendance historique à la baisse des prix
agricoles et par l’impasse à laquelle les négociations commerciales sont actuellement
confrontées au niveau multilatéral, la FAO pourrait exprimer plus clairement sa position sur
la question du commerce et de la sécurité alimentaire, en se fondant non seulement sur son
expérience d’un large éventail de situations au niveau des pays mais aussi sur ses tentatives
passées pour que priorité soit toujours donnée à la sécurité alimentaire dans l’organisation
du négoce des matières premières agricoles.14
Politiques agricoles et alimentaires
33. La FAO soutient plusieurs paradigmes agricoles que bon nombre de parties
prenantes considèrent incompatibles, tant sur le terrain que dans la fixation des priorités
dans les politiques publiques. Des observateurs font remarquer que la FAO a participé à
l’Évaluation internationale des connaissances, des sciences et des technologies agricoles
pour le développement (IAASTD), qui a appelé en avril 2008 à un changement
fondamental dans la manière de soutenir l’agriculture, mais qu’en juin 2008, elle a signé un
Protocole d’accord avec l’Alliance pour une révolution verte en Afrique (AGRA), sans
aucune référence à l’IAASTD (ni aux Directives sur le droit à l’alimentation), et sans
aucune garantie que cette coopération s’alignerait sur les conclusions de l’IAASTD. Elle a
organisé en 2010 la Conférence sur les biotechnologies agricoles pour les pays en voie de
développement, co-sponsorisée par le FIDA et soutenue par le GCRAI, le GFAR, le
CIGGB et la Banque mondiale, semblant ainsi fournir au minimum un appui implicite à une
approche de la recherche et du développement agricole en porte-à-faux avec les conclusions
de l’IAASTD. De même, la FAO soutient des plans nationaux visant à fournir des engrais
subventionnés à de nombreux pays, une approche voisine de la première ‘Révolution verte’,
tout en soutenant en même temps des modèles de développement agricole alternatifs avec
ses Systèmes ingénieux du patrimoine agricole mondial (SIPAM), qui soulignent
l’importance de l’agrobiodiversité locale pour les communautés locales ; et en lançant
l’initiative ‘Produire plus avec moins’, laquelle promeut l’intensification durable de
l’agriculture paysanne.
12 http://www.fao.org/es/esc/fr/378/406/index.html
13 FAO, « Agriculture, trade negotiations and gender », une contribution de la Division de la parité
hommes-femmes et de la population de la FAO à la publication inter-agences des Nations Unies
Gender and Trade: Challenges and Opportunities (2004), FAO, Rome, 2006, 49 pp.
14 Voir la proposition faite sous la direction de Lord John Boyd Orr, premier Directeur Général de la
FAO et lauréat d’un Prix Nobel de la Paix, de créer un Conseil mondial de l’alimentation afin
d’organiser les échanges agricoles internationaux, et la proposition faite sous la direction de Norris E.
Dodd d’établir une Chambre de compensation internationale des produits de base.
A/HRC/22/50/Add.3
11
Terre
34. La question de la terre est un sujet de controverse depuis des dizaines d’années, et la
FAO a toujours joué un rôle actif dans les débats sur les politiques autour de cette question.
La FAO a contribué à l’élaboration de politiques foncières, depuis sa création, a informé les
débats sur les avantages respectifs des réformes agraires impulsées par l’État ou par le
marché, et sur la pertinence des régimes d’attribution des titres de propriété individuels ou
collectifs qui leur sont associés. La FAO a également organisé, en collaboration avec le
gouvernement brésilien, la Conférence internationale sur la réforme agraire et le
développement rural (CIRADR), qui s’est tenue à Porto Alegre en mars 2006.
35. En 2012, le Comité de la sécurité alimentaire mondiale (CSA) a adopté les
Directives volontaires pour une gouvernance responsable des régimes fonciers applicables
aux terres, aux pêches et aux forêts dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale.
Ceci marque l’avènement d’une nouvelle ère pour la coopération internationale sur les
questions foncières. Le Rapporteur spécial fait l’éloge du travail de la FAO sur ces
directives : la FAO les a initiées, elle a mené un long processus consultatif et prépare
actuellement leur mise en œuvre au niveau des pays. La FAO a par ailleurs récemment joué
un rôle important dans le cadre du Groupe de travail à composition non limitée du CSA sur
l’investissement agricole responsable, qui permettra à ce dernier de prendre cette question
en main.
Cohérence et complexité
36. Ce qui est parfois perçu comme un double message de la FAO en tant
qu’organisation reflète en partie la complexité même de son mandat, une complexité qui a
plusieurs causes. Tout d’abord, la FAO soutient les gouvernements et est de ce fait ouverte
à leurs propres priorités. Si elle est souhaitable en principe, cette approche dépendante du
contexte conduit la FAO à soutenir des politiques différentes dans différents pays. Ensuite,
la FAO est largement influencée par les priorités des donateurs dans la mise en œuvre des
activités financées par des ressources extrabudgétaires. Troisièmement, la FAO doit
parvenir à un consensus entre ses membres lorsqu’elle fixe des normes et définit des
priorités : 194 Membres ont des points de vue différents sur les politiques sectorielles.
Enfin, la FAO doit interagir avec de nombreux organes directeurs. Ces facteurs conduisent
la FAO à mener des programmes et à prodiguer des recommandations politiques qui vont
dans des sens variés et parfois contraires. Ceci devrait toutefois être contrebalancé par la
nécessité d’améliorer la cohérence en se fondant sur le cadre basé sur le droit à
l’alimentation. La section suivante explore les moyens d’y parvenir.
C. Les éléments d’intégration du droit à l’alimentation dans le Cadre
stratégique
37. Une prise en considération systématique du cadre normatif et analytique du droit à
l’alimentation garantit un examen permanent des approches et des programmes, améliorant
de ce fait la cohérence des recommandations de la FAO sur les politiques. Le Rapporteur
spécial estime que des efforts supplémentaires pourraient être consentis dans trois
directions. Tout d’abord, une série de règles de procédure du droit à l’alimentation pourrait
être plus systématiquement intégrée aux activités de la FAO. Deuxièmement, la FAO
pourrait envisager de prendre des mesures visant à intégrer le droit à l’alimentation dans le
travail quotidien de l’Organisation. Troisièmement, le droit à l’alimentation nécessite de
prendre en compte, de manière plus systématique, les politiques agricoles et alimentaires
qui bénéficient aux groupes de population en situation d’insécurité alimentaire et les plus
marginalisés.
A/HRC/22/50/Add.3
12
Intégrer les exigences procédurales du droit à l’alimentation
38. L’intégration plus cohérente et systématique d’une approche fondée sur le droit à
l’alimentation peut impliquer les points suivants :
(a) Des évaluations comparatives pourraient être menées de manière proactive
sur la façon dont des modes de production agricole différents, dans différents contextes,
sont plus ou moins propices à la sécurité alimentaire et au droit à l’alimentation ; comme le
recommande un rapport d’évaluation interne,15 des scénarios alternatifs sur les politiques
devraient être explorés sur la base de ces évaluations, en particulier si l’orientation politique
préconisée par un État semble en contradiction avec les priorités de la FAO et avec le cadre
normatif du droit à l’alimentation :
(b) Les données pourraient être systématiquement collectées de manière à capter
la nature multidimensionnelle de l’insécurité alimentaire et être ventilées de manière
adéquate afin d’identifier les problèmes spécifiques rencontrés par les groupes les plus
vulnérables et exposés à l’insécurité alimentaire ;
(c) Les règles de procédure de l’approche fondée sur les droits pourraient être
intégrées au processus de prise de décision et de mise en œuvre de tous les programmes et
politiques, notamment les principes des droits de l’homme de participation, de
responsabilisation, de non-discrimination, de transparence, de dignité humaine,
d’autonomisation et de primauté du droit, fondés sur la position commune des institutions
des Nations Unies sur une approche fondée sur les droits de l’homme.16
Intégrer le droit à l’alimentation au sein de la FAO
39. La FAO pourrait aussi souhaiter se pencher sur son propre cas, en vue de renforcer
les mécanismes et les procédures susceptibles de faciliter une intégration plus systématique
du droit à l’alimentation dans ses activités. Elle pourrait utilement puiser son inspiration
dans sa propre récente expérience d’intégration des questions de genre et de nutrition, qui
sont en elles-mêmes des éléments importants d’une approche plus large fondée sur les
droits humains et en particulier sur le droit à l’alimentation. Des démarches similaires
pourraient être entreprises afin d’intégrer plus clairement le droit à une alimentation
adéquate dans toutes les opérations de la FAO, en :
(a) Garantissant au sein de la structure de l’Organisation la capacité adéquate
pour soutenir les efforts d’intégration. Malgré le travail de grande qualité fourni par
l’Équipe du droit à l’alimentation de la Division de l’économie du développement agricole
(ESA), la promotion du droit à l’alimentation au sein de la FAO reste insuffisamment
institutionnalisée. Elle consiste essentiellement en des projets limités dans le temps et
financés par des donateurs individuels. La promotion du droit à l’alimentation dans toutes
les activités de la FAO profiterait : (i) d’un personnel d’appui spécialisé dans le droit à
l’alimentation qui pourrait faire office de « prestataire de services » pour les autres
divisions ; (ii) d’un réseau de points focaux expérimentés au sein des unités techniques, au
siège comme dans les bureaux régionaux et nationaux, lequel soutiendrait l’effort
d’intégration ; et (iii) d’un renforcement du Service ‘Droit et Développement’ du Bureau
juridique afin de lui permettre d’introduire le cadre normatif du droit à l’alimentation dans
tous les conseils juridiques qu’il prodigue ;
15 FAO, 2012, Évaluation du rôle et des activités de la FAO en matière de politiques alimentaires et
agricoles, Bureau de l’Évaluation de la FAO, Rapport final, para. 251
16 FAO. Guide pour l’évaluation du droit à l’alimentation, Unité pour le droit à l’alimentation de la
FAO, encadré 2.1 (2009). Voir aussi Groupe des Nations Unies pour le développement (GNUD),
Approche fondée sur les droits de l’homme du point de vue de la programmation du développement
A/HRC/22/50/Add.3
13
(b) Incluant les critères du droit à l’alimentation dans les processus
d’autorisation des programmes et des projets. Dans la lignée de la décision de 2011 de
faire de la sensibilité à la dimension de genre une condition nécessaire à l’approbation des
projets, le Comité chargé de l’examen des programmes et projets (CEPP) pourrait garantir
que tous les programmes et projets de la FAO répondent aux principes et prescriptions
fondamentaux du droit à l’alimentation. Un ensemble de questions standards simples
pourrait être inclus de manière systématique, comme par exemple des questions liées à la
participation à la conception du projet ; à l’utilisation d’indicateurs désagrégés pour tenir
compte de groupes spécifiques et marginalisés ; à des mécanismes de recours dans le
processus de mise en œuvre ; et à la participation des bénéficiaires dans l’évaluation des
résultats. Le Centre d’investissement devrait utiliser des processus similaires pour les
projets qu’il gère ;
(c) Renforçant les systèmes de contrôle pour évaluer l’impact de ses
programmes et de son soutien à la formulation des politiques à l’échelle des pays, par
exemple lorsqu’elle conseille des pays sur des politiques et des programmes spécifiques en
matière de commerce, d’investissement ou d’agriculture. L’instauration d’une « culture de
l’évaluation d’impact » est encouragée au niveau interne ;17 elle pourrait se servir des
indicateurs structurels, des indicateurs de méthode et des indicateurs de résultat fondés sur
les droits qui ont été conceptualisés par la FAO sur la base de la Directive 17 des Directives
sur le droit à l’alimentation qui aborde la question du suivi, des indicateurs et des jalons ;18
(d) Utilisant la politique des ressources humaines comme levier pour
l’intégration du droit à l’alimentation en incluant dans le Système de gestion et
d’évaluation de la performance (PEMS) des critères qui rendraient le senior et le middle
management responsables de l’intégration des principes et des objectifs du droit à
l’alimentation dans leurs entités ; et
(e) Compte tenu de l’importance du droit à l’alimentation dans le travail de la
FAO, il devrait être financé par le budget ordinaire et pas seulement par des allocations
extrabudgétaires. Laisser la concrétisation du droit à l’alimentation soumise à la bonne
volonté des donateurs est une stratégie qui empêche la FAO de devenir un plus grand
défenseur de ses propres Directives sur le droit à l’alimentation.
Soutenir les activités dont l’impact sur les personnes en situation d’insécurité
alimentaire est le plus fort
40. Un rapport interne sur les activités de la FAO en matière de politiques agricoles et
alimentaires a recommandé que l’Organisation privilégie les activités « dont l’impact sur
les personnes en situation d’insécurité alimentaire est le plus fort ».19 Le Rapporteur spécial
partage pleinement ce point de vue. Donner priorité aux segments les plus marginalisés de
la population est un impératif du cadre normatif du droit à l’alimentation qui s’applique à
tous les États membres de la FAO.
41. Dans ses rapports thématiques, le Rapporteur spécial a analysé un large éventail de
politiques agricoles, foncières et de sécurité alimentaire qui sont propices au droit à une
alimentation adéquate dans la mesure où elles profitent aux segments les plus marginalisés
17 FAO, Évaluation du rôle et des activités de la FAO en matière de politiques alimentaires et agricoles,
Recommandation 3 (para. 349)
18 FAO, « Méthodes de contrôle pour le droit à l’alimentation ». Volume I : Making the Case for Rights-
Focused and Rights-Based Monitoring, 2008, pp. 6-12. Voir aussi Volume II : An Overview of
Approaches and Tools.
19 FAO, Évaluation du rôle et des activités de la FAO en matière de politiques alimentaires et agricoles,
Recommandation 1.2 (para. 337).
A/HRC/22/50/Add.3
14
de la population et soutiennent des systèmes agricoles et alimentaires plus résilients.
L’appui et l’orientation continus ou améliorés que la FAO offre aux États par rapport à ces
politiques sont essentiels à la réalisation du droit à une alimentation adéquate. Le
Rapporteur spécial tient à souligner tout particulièrement l’importance de :
(a) Inclure les petits producteurs pauvres dans les systèmes alimentaires
nationaux, à travers par exemple des investissements dans des programmes, des pratiques
et des politiques visant à porter les approches agro-écologiques à une plus grande échelle ;
le soutien à l’accès des agriculteurs aux moyens de production, en ce compris les services
de crédit et d’extension ; le soutien aux coopératives d’agriculteurs et le soutien aux
systèmes d’approvisionnement institutionnels qui profitent aux petits agriculteurs ;
(b) Soutenir les systèmes de semences des agriculteurs, en plus d’améliorer
leur accès aux semences commerciales, en promouvant par exemple les systèmes locaux
d’échange de semences comme les banques de semences communautaires ; en soutenant
l’incorporation des variétés des agriculteurs dans les programmes subventionnés de
distribution de semences ; et en défendant les droits des agriculteurs, tels que définis à
l’article 9 du Traité international sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et
l’agriculture ;
(c) Améliorer l’accès à une alimentation nutritive, en soutenant par exemple les
aliments nutritifs produits localement au travers de procédures d’achats publics pour les
programmes de cantines scolaires et d’autres institutions publiques ; et en soutenant les
marchés des agriculteurs et l’agriculture urbaine et périurbaine ;
(d) Limiter la dépendance excessive au commerce international dans la recherche
de la sécurité alimentaire en renforçant la capacité de production de la nourriture nécessaire
pour répondre aux besoins de consommation ; et faire en sorte que les États maintiennent
les flexibilités et les instruments nécessaires pour diminuer la vulnérabilité des marchés
intérieurs des denrées alimentaires à la volatilité des prix alimentaires sur les marchés
internationaux ;
(e) Protéger les petits producteurs alimentaires de l’abus de puissance d’achat
dans les chaînes alimentaires ;
(f) Soutenir les systèmes de protection sociale en réponse à l’insécurité
alimentaire liée à la pauvreté chronique.
42. Le Rapporteur spécial est convaincu que des efforts consolidés dans ces domaines
permettraient à la FAO de mieux remplir son mandat tout en restant un acteur impartial
respecté et faisant autorité, offrant aux États une plateforme internationale où les questions
relatives à la faim et à la malnutrition peuvent être étudiées en se concentrant sur le droit à
l’alimentation, et des décisions peuvent être prises pour l’action collective.
V. Le droit à l’alimentation dans les programmes de niveau national et régional
43. La FAO a prouvé qu’elle peut jouer un rôle clé pour encourager l’adoption de cadres
juridiques, institutionnels et politiques fondés sur le droit à l’alimentation. Les progrès
restent toutefois inégaux selon les pays et les régions. Même si la FAO est la première des
agences des Nations Unies à soutenir la concrétisation du droit à l’alimentation à l’échelle
des pays, la marge de progrès reste néanmoins considérable. Deux approches
complémentaires sont envisageables pour ce faire.
A/HRC/22/50/Add.3
15
A. Soutenir les cadres juridiques, institutionnels et politiques au niveau
des pays
44. La FAO pourrait contribuer de manière plus systématique à la réalisation du droit à
l’alimentation en intégrant pleinement cet objectif dans ses Cadres de Programmation par
Pays (CPP), qui définissent les domaines et résultats prioritaires pour la collaboration entre
le gouvernement et la FAO sur des périodes de quatre à cinq ans, ainsi que dans ses Plans
de Travail par Pays (PTP) qui opérationnalisent les résultats convenus des CPP dans des
délais de deux ans. Si le CPP ne fixe pas de priorité pour le pays partenaire, il en fixe par
contre pour l’assistance de la FAO.
45. Une telle approche systématique serait cohérente avec les Principes et Politiques des
Directives de la FAO relatives à la programmation par pays datant de 2011. Ces directives
stipulent que les CPP devraient adhérer aux cinq principes de programmation des Nations
Unies.20 Le premier de ces principes consiste à adopter une approche fondée sur les droits
de l’homme, un principe qui « s’applique à la participation de la FAO et à l’appui qu’elle
fournit aux processus et aux cadres de développement nationaux, ainsi qu’aux efforts
qu’elle déploie pour fournir des biens publics. »21 Le cadre du droit à l’alimentation a été
clarifié par une série de documents d’orientation et de manuels opérationnels. Il offre un
outil prêt à l’emploi garantissant que l’assistance aux politiques, les programmes et les
projets de la FAO soient conçus, révisés, mis en œuvre et contrôlés conformément à une
approche fondée sur les droits de l’homme.
46. Les Directives de la FAO relatives à la programmation par pays (PC 108/2) n’offrent
actuellement aucune orientation quant aux prescriptions opérationnelles du droit à
l’alimentation et le Guide pratique sur la formulation du Cadre de programmation par pays
de la FAO (2012) stipule seulement que « L’approche ‘droit à l’alimentation’ et la
promotion du droit à un travail décent pour les populations rurales, notamment dans
l’agriculture, constituent des préoccupations clés de l’Organisation. »22 Le Rapporteur
spécial estime qu’il serait extrêmement important d’inclure une orientation spécifique quant
à l’opérationnalisation du droit à l’alimentation dans le processus CPP. Le Rapporteur
spécial espère que les Directives relatives à la programmation par pays seront assorties
d’une annexe sur le droit à l’alimentation, comme cela a été le cas pour les questions de
genre et de nutrition, laquelle annexe fournirait une liste simple de questions et de principes
transversaux et opérationnels. Cette annexe pourrait se fonder sur la « Liste de contrôle
pour évaluer la mise en œuvre du droit à l’alimentation » de la FAO ou sur la « Note
d’orientation du GNUD sur l’intégration de la sécurité alimentaire et nutritionnelle dans les
Bilans de pays et les Plans cadre des Nations Unies pour l'aide au développement
(PNUAD) » (octobre 2011), que la FAO a aidé à préparer et qui oriente toutes les équipes
de pays des Nations Unies quant aux prescriptions fondamentales pour une approche de la
sécurité alimentaire et de la nutrition fondée sur les droits de l’homme. Le tableau 1 résume
également un certain nombre de prescriptions liées au droit à l’alimentation et ayant un
rapport avec l’instauration de cadres au niveau des pays.
47. La promotion du droit à l’alimentation au niveau national gagnerait également à ce
que les directives de la FAO :
20 Comité du programme de la FAO, Directives relatives à la programmation par pays, Principes et
politiques, Document PC 108/2 adopté lors de la 143e session du Conseil, 28 novembre – 2 décembre
2011, para. 23.
21 FAO, CL 144/14, « Ébauche du Cadre stratégique révisé », mai 2012, para. 71.
22 FAO, Guide pratique sur la formulation du Cadre de programmation par pays, 2012, p. 17.
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16
(a) Fixent des conditions minimales pour la procédure d’élaboration des CPP et
des PTP afin de promouvoir la participation et l’implication de organisations pertinentes de
la société civile ;
(b) Encouragent l’implication/l’instauration de mécanismes de coordination
interministériels afin de soutenir l’élaboration des CPP et des PTP. De tels mécanismes
aideraient aussi la FAO dans ses efforts pour s’ouvrir et répondre efficacement aux
demandes émanant d’autres ministères et d’autres organismes nationaux, au-delà des
ministères de l’agriculture, dont les mandats se recoupent avec celui de la FAO ; 23
(c) Encouragent la création de fronts parlementaires nationaux et fournissent les
connaissances et le support techniques nécessaires à de telles initiatives, de façon à
améliorer la capacité des députés à suivre les progrès vers la mise en œuvre des stratégies
nationales pour la réalisation du droit à l’alimentation.
Tableau 1: Prescriptions et avantages de l’adoption d’une approche fondée sur le
droit à l’alimentation
Prescriptions du droit de l’homme à une alimentation adéquate Avantages escomptés
Cadre juridique, institutionnel et politique
Adoption, par le pays concerné, d’une stratégie pluriannelle pour la réalisation du droit à l’alimentation par des moyens inclusifs, participatifs et transparents.
Alignement sur les priorités fixées au niveau des pays, améliorant ainsi la maîtrise nationale.
Participation et légitimité accrue.
Coordination à travers les domaines liés aux politiques (approche « pangouvernementale » / ‘whole of government approach’).
Prévisibilité pour le secteur privé, encourageant l’investissement.
Établissement au niveau des pays d’organes participatifs permettant aux politiques alimentaires et agricoles d’être co-développées par le gouvernement et la société civile, notamment les organisations de producteurs alimentaires
Efficacité des politiques, fondées sur les points de vue des bénéficiaires visés.
Légitimité des politiques.
Adoption d’une loi-cadre Renforcement du rôle du parlement, des institutions et des cours nationales des droits de l’homme dans le suivi des progrès.
Suivi de l’utilisation des ressources afin de garantir la transparence (ex : via des audiences publiques régulières sur la reddition des comptes en matière de faim)
Contrôles contre la corruption ou l’allocation inappropriée de moyens.
Utilisation d’indicateurs fondés sur le droit à l’alimentation pour mesurer les progrès, dont des indicateurs ventilés
Garantit que les investissements dans la production alimentaire contribuent durablement au soulagement de la faim et
23 FAO, « Évaluation du rôle et des activités de la FAO en matière de politiques alimentaires et
agricoles », para 331.
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17
Prescriptions du droit de l’homme à une alimentation adéquate Avantages escomptés
par sexe, ethnicité, âge, groupe de revenus ou résidence.
de la malnutrition par leurs effets de réduction de la pauvreté.
Souligne l’accent sur les résultats plutôt que sur les contributions au suivi.
Encourage l’accent sur les groupes marginalisés et les femmes.
Ciblage et portée Accent sur les personnes les plus vulnérables fondé sur une cartographie de l’insécurité alimentaire et de la vulnérabilité.
Évite le favoritisme et l’exclusion.
Garantit que les politiques n’aggraveront pas les inégalités, mais les diminueront au contraire.
Nutrition Impératif que les régimes alimentaires soient « adéquats » (suffisamment diversifiés et contenant les micronutriments essentiels).
Garantit que la production alimentaire ne soit pas seulement orientée vers une plus grande disponibilité des macronutriments, mais qu’elle tienne également compte de la dimension nutritionnelle.
B. Évaluer les progrès et partager les enseignements
48. Le Rapporteur spécial se réjouit de la décision du Comité de la sécurité alimentaire
mondiale d’inclure, lors de sa 41e session en 2014, une session sur les progrès enregistrés
dans la mise en œuvre des Directives sur le droit à l’alimentation. Cet engagement devrait
non seulement encourager les avancées vers la mise en œuvre de ces Directives dans toutes
les régions, mais également offrir une occasion exceptionnelle d’évaluer la contribution que
le droit à l’alimentation peut apporter à l’efficacité des stratégies nationales en matière de
sécurité alimentaire. Il offrira une base saine à la coopération Sud-Sud et aux transferts
d’expérience.
49. Le Rapporteur spécial encourage la FAO à participer à cette évaluation. En octobre
2008, le Forum sur le droit à l’alimentation avait évalué, quatre ans après leur adoption, les
progrès enregistrés dans la mise en application des Directives sur le droit à l’alimentation.24
Mais l’apprentissage collectif tiré des expériences pilotes peut et doit être accéléré : la FAO
pourrait envisager d’inclure un chapitre sur « l’état des lieux sur la mise en œuvre du droit à
l’alimentation » dans sa principale publication annuelle La situation mondiale de
l’alimentation et de l’agriculture (SOFA) afin de mieux faire comprendre les avantages de
l’adoption d’une approche guidée par le droit à l’alimentation dans l’établissement et la
mise en œuvre de politiques dans le domaine de l’alimentation et de l’agriculture. L’année
2014 marquera en outre le dixième anniversaire de l’adoption des Directives sur le droit à
l’alimentation. Un SOFA sur le droit à l’alimentation pourrait utilement cartographier les
progrès enregistrés en une décennie de mise en application des Directives sur le droit à
l’alimentation, identifier les obstacles restants, partager les bonnes pratiques et initier un
débat.
24 FAO, Le droit à l’alimentation: Le temps d’agir. Avancées et enseignements tirés lors de la mise en
application, Rome, 2011.
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18
VI. Les relations entre la FAO et les parties prenantes externes
50. Le Rapporteur spécial partage l’observation figurant dans des rapports d’évaluation
récurrents que la FAO devrait améliorer sa capacité à encourager des dispositions de
partenariats dans ses activités.25 Il salue les récentes initiatives entreprises pour faire en
sorte que la FAO puisse encourager des partenariats plus efficaces avec une série d’acteurs,
dont la société civile, le secteur privé, les coopératives et le monde académique.
A. Participation de la société civile
51. La réalisation du droit à l’alimentation aux niveaux régional, national et
international ne sera pas possible sans la participation effective d’organisations représentant
les groupes en situation d’insécurité alimentaire. Les pays qui ont enregistré des progrès
significatifs dans la mise en œuvre du droit à l’alimentation dans leurs cadres juridiques et
politiques ont généralement accueilli, accepté ou activement encouragé la participation de
la société civile.26 Le Sommet mondial de l’alimentation de 1996 a donné lieu au sein de la
FAO à plusieurs approches innovantes de coopération avec les organisations de la société
civile (OSC). Parmi elles, citons le Protocole d’accord convenu entre la FAO et le Comité
international de planification pour la souveraineté alimentaire (CIP) en 200327 ainsi que les
processus de négociation des Directives sur le droit à l’alimentation (en 2002-2004) et des
Directives volontaires pour une gouvernance responsable des régimes fonciers applicables
aux terres, aux pêches et aux forêts dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale (en
2010-2012). La Stratégie relative aux partenariats avec la société civile (JM 2012.3/3
Rev.1), soumise à la réunion conjointe du Comité du Programme et du Comité financier
lors de sa 112e session (7 novembre 2012) et qui devrait être officiellement approuvée par
le Comité lors d’une prochaine session, ouvre la voie à des partenariats plus solides entre la
FAO et la société civile. Cette Stratégie reconnaît le ‘rôle catalyseur’ joué par les
organisations de la société civile dans le renforcement de l’action de la FAO (para 3). Elle
reconnaît la société civile comme l’une des parties prenantes clés dans la lutte pour
l’éradication de la faim, de la malnutrition et de la pauvreté. Elle relève également certains
résultats obtenus par la société civile, notamment son efficacité à contribuer à de nouveaux
domaines de gouvernance aux fins du dialogue avec les gouvernements et d’autres acteurs
établis aux niveaux régional et mondial. La Stratégie reconnaît que la société civile ne se
limite pas aux grandes ONG ; avec le recensement de trois grands groupes d’organisations
de la société civile (mouvements sociaux ; organisations à caractère associatif ; et
organisations non gouvernementales), et l’identification de différents groupes d’intérêt,
notamment les agriculteurs ; les pasteurs et éleveurs ; les pêcheurs et travailleurs du secteur
de la pêche ; les habitants des forêts ; les consommateurs ; les paysans sans terre ; les
citadins pauvres ; les ONG ; les femmes ; les jeunes ; les travailleurs agricoles ; et les
peuples autochtones et minorités ethniques. L’identification du droit à l’alimentation
comme l’un des principes communs importants pour la collaboration (para. 24) est
également une bonne chose.
25 FAO, Rapport d’évaluation du Programme 2011, rapport présenté à la 37e session de la Conférence
(25 juin – 2 juillet 2011), (FAO doc C2011/4), Para 19.
26 Voir « Combattre la faim par le biais du droit à l’alimentation : Progrès réalisés au niveau national en
Afrique, en Amérique latine et en Asie du Sud, » Note d’information du Rapporteur spécial sur le
droit à l’alimentation, mai 2010.
27 Le CIP est un réseau mondial autonome et autogéré de plus de 45 mouvements populaires et ONG
impliqués auprès d’au moins 800 organisations à travers le monde. Il s’agit d’une plateforme destinée
à faciliter le dialogue avec la FAO. Voir www.foodsovereignty.org/fr
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19
52. La mise en œuvre de la Stratégie dépendra largement de la capacité et de la volonté
des bureaux décentralisés de la FAO d’étendre leur travail avec la société civile, comme
cela s’est fait avec quelque succès en République dominicaine. Les bureaux régionaux et
les bureaux de pays devraient être davantage orientés et recevoir un mandat clair pour
reconnaître les OSC comme partenaires dans les processus d’élaboration des politiques au
niveau des pays, notamment dans l’élaboration des Plans de travail par pays, et dans le
développement de véritables alliances et partenariats avec les réseaux de la société civile
afin de promouvoir la concrétisation des Directives sur le droit à l’alimentation. Ceci ne
sera pas simple. Comme le Bureau de l’Évaluation de la FAO l’a clairement exprimé, les
OSC sont trop rarement impliquées dans les processus d’élaboration des politiques au
niveau des pays, alors qu’elles sont régulièrement impliquées comme partenaires dans
l’exécution des projets de la FAO ; trop souvent, la coopération de la FAO avec les
organisations nationales d’agriculteurs ne va pas au-delà d’une interaction de type « atelier
de validation » ; et les contacts entre la FAO et les parlementaires chargés de l’agriculture
sont par ailleurs généralement peu nombreux.28
Le fait que certains gouvernements
découragent ces formes de participation comme politiquement sensibles ne devrait pas être
un obstacle. La FAO elle-même remarque que l’adoption d’une approche inclusive en
matière d’assistance aux politiques (en intégrant des donateurs, d’autres partenaires des
Nations Unies, des institutions académiques et des ONG) a conféré à ses travaux « une plus
grande portée et les a rendus plus efficaces ».29
B. Participation du secteur privé
53. La FAO interagit avec le secteur privé dans plusieurs domaines, notamment le
dialogue sur les politiques, les activités réglementaires et normatives, les programmes de
développement et les programmes techniques, ainsi que la gestion des connaissances. La
FAO collabore par ailleurs de plus en plus avec des fondations ou des associations
philanthropiques telles que la Fondation Bill and Melinda Gates et l’Alliance pour une
révolution verte en Afrique.
54. En 2011, une version préliminaire de la Stratégie de la FAO relative aux partenariats
avec le secteur privé (JM 2011.2/5) a été présentée lors d’une Réunion conjointe du Comité
du Programme et du Comité financier, lesquels ont demandé des détails sur des aspects
spécifiques, notamment la décentralisation et l’alignement sur les objectifs stratégiques. Le
Comité a étudié une version révisée de la stratégie (JM 2012.3/2) lors de sa 112e session (7
novembre 2012) et devrait en approuver officiellement la version finale lors d’une
prochaine session. La Stratégie vise l’élaboration proactive d’initiatives propres à engager
une collaboration avec des entités du secteur privé afin de progresser plus efficacement vers
l’accomplissement des Objectifs stratégiques de la FAO (para. 9). C’est là un but légitime.
Des préoccupations ont toutefois été exprimées quant à l’influence de grandes entreprises
sur les activités de la FAO, notamment l’élaboration de documents d’orientation ;30 et quant
au manque de transparence sur les conditions de délibération, d’acceptation ou de
financement de certains partenariats et initiatives passés. Même si, selon une évaluation
interne, la FAO a retiré dans le passé proche moins de cinq pour cent de ses ressources du
secteur privé, ces questions méritent qu’on s’y attarde sérieusement. Le secteur privé a
rapidement amplifié son intérêt pour l’agriculture depuis la crise mondiale des prix
28 FAO, « Évaluation du rôle et des activités de la FAO en matière de politiques alimentaires et
agricoles », paras 201-203.
29 FAO, « Évaluation du rôle et des activités de la FAO en matière de nutrition », para. xxvii.
30 Voir Groupe ETC, « The Greed Revolution: Mega Foundations, Agribusiness Muscle in on public
goods, » Communiqué du Groupe ETC, Numéro 108 (janvier/février 2012), pp. 6, 14-19.
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alimentaires de 2008, et a par conséquent affiché un regain d’intérêt pour les activités de la
FAO. Si cette situation est génératrice d’opportunités pour renforcer l’influence de la FAO,
elle entraîne aussi des risques et des enjeux. La question est de savoir si la FAO restera
crédible comme garante de l’intérêt public et organisme impartial quand elle interviendra
dans la formulation des réponses mondiales à l’insécurité alimentaire.
55. Dans ce contexte, le fait que la stratégie relative aux partenariats avec le secteur
privé ne s’articule pas au sein du cadre normatif et analytique du droit à l’alimentation est
troublant : il n’est pas fait mention du droit à l’alimentation dans la dernière version, alors
qu’une approche fondée sur les droits humains est le premier des Principes de
programmation des Nations Unies. Le Rapporteur spécial comprend que les documents
d’accompagnement de la stratégie (principes et directives), en révision au moment de la
rédaction de ce rapport, incluent peut-être une telle référence. Il apprécierait cette référence,
qui garantirait la symétrie avec la Stratégie relative aux partenariats avec la société civile.
56. Le Rapporteur spécial fait les commentaires suivants afin de contribuer à la
préparation des documents d’accompagnement de la stratégie :
(a) Les acteurs privés désireux d’établir des partenariats avec la FAO devraient
approuver les cadres généraux pour la réalisation de la sécurité alimentaire et du
développement durable équitable développés par le CSA avec l’aide de la FAO, notamment
le Cadre stratégique mondial pour la sécurité alimentaire et la nutrition mais aussi les
Directives sur le droit à l’alimentation, les Directives volontaires pour une gouvernance
responsable des régimes fonciers applicables aux terres, aux pêches et aux forêts dans le
contexte de la sécurité alimentaire nationale. Quand elles auront été adoptées par le Comité
des pêches (COFI), les Directives internationales pour garantir des pêches artisanales
durables seront également pertinentes. Ceci serait une manière concrète de réaliser
l’objectif de la Stratégie d’encourager les acteurs privés à appliquer les normes établies par
les instances internationales liées au mandat de la FAO (para. 20.b.) ;
(b) Les ‘Principes et Directives’ et le ‘Plan d’exécution’ qui viendront compléter
la Stratégie devraient offrir une orientation pratique sur l’intégration du cadre normatif et
analytique du droit à l’alimentation dans les partenariats ;31
(c) La sélection des partenaires du secteur privé, de même que l’examen, le suivi
et l’évaluation effectués par le Comité pour les partenariats de la FAO, devraient tenir
pleinement compte du cadre normatif et analytique du droit à l’alimentation. Toute
collaboration avec des parties prenantes externes devrait être fondée sur les principes de
transparence et d’intégration, et un registre public permanent des réunions avec le secteur
privé et le CSA pourrait être tenu. En plus de garantir la transparence, la FAO pourrait
envisager d’instaurer des mécanismes consultatifs adéquats avant de s’engager dans des
partenariats importants ; notamment la consultation des autorités publiques pertinentes et
des organisations représentant des groupes en situation d’insécurité alimentaire ;
(d) Alors que l’année 2012, Année internationale des coopératives, touche à sa
fin, la FAO devrait chercher un équilibre entre d’éventuels partenariats avec les entreprises
du secteur privé et avec des coopératives de petits producteurs alimentaires qui adoptent des
mécanismes de gouvernance qui d’une part renforcent les producteurs alimentaires
marginalisés en leur donnant l’autonomie nécessaire à la réalisation de leur droit à
l’alimentation et d’autre part garantissent que la recherche du profit soit une façon
31 Cette proposition est cohérente avec les recommandations conjointes faites en 2011 par le Comité du
Programme et le Comité financier que le plan d’exécution pour la stratégie ‘s’aligne sur le cadre
stratégique de la FAO’ et que cette approche ‘soit cohérente avec celle du système des Nations Unies’
(CL 143/9, para. 14).
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d’améliorer les moyens de subsistance et non une fin en soi. L’ouverture d’un bureau de
liaison pour les coopératives agricoles est une avancée bienvenue à cet égard.
57. Les suggestions ci-dessus devraient également garantir à l’avenir que l’influence des
entreprises sur le travail normatif ne provoque pas une « dérive de mission » qui risquerait
d’avoir des répercussions négatives sur la capacité de la FAO à améliorer la gouvernance
mondiale pour soutenir la réalisation du droit à l’alimentation, et qu’elle continue à être
perçue comme une voix représentant l’intérêt public, par exemple dans les débats portant
sur la réglementation des nouvelles biotechnologies et des investissements agricoles, ou sur
les enjeux créés par la concentration dans le secteur agroalimentaire, sujets déjà abordés par
le Rapporteur spécial dans d’autres contributions (voir en particulier A/HRC/13/33).
VII. Gouvernance mondiale
58. La FAO joue un rôle important et influent en termes de gouvernance mondiale des
questions de sécurité alimentaire. De manière plus accrue depuis 2007/2008 est apparu un
consensus selon lequel la sécurité alimentaire ne peut être traitée séparément des autres
domaines de la coopération internationale, tels que le changement climatique, le commerce,
le développement rural ou la réglementation de la finance. Le Rapporteur spécial a
régulièrement souligné le problème de la fragmentation de la gouvernance mondiale dans le
domaine de la sécurité alimentaire et nutritionnelle. La FAO ne peut à elle seule réduire
cette fragmentation : les États membres, et les donateurs en particulier, ont un rôle crucial à
jouer dans l’amélioration de la cohérence et de la convergence, comme les institutions de
Bretton Woods et l’Organisation mondiale du commerce.
Le CSA et les autres organes de la FAO
59. Le Comité de la sécurité alimentaire mondiale (CSA) s’est institué comme le plus
grand forum intergouvernemental inclusif sur les questions de sécurité alimentaire et
nutritionnelle mondiale. Il offre un exemple de modèle de gouvernance innovant qui
reconnaît l’importance de la convergence des politiques comme un moyen de venir à bout
de la fragmentation de la gouvernance mondiale et d’une approche multi-parties prenantes
en vue de s’attaquer à des problèmes complexes nécessitant un apprentissage collectif. Son
Cadre stratégique mondial attribue une importance centrale au cadre du droit à
l’alimentation, et le CSA a déjà entrepris d’importantes démarches afin d’intégrer le droit à
l’alimentation dans ses activités. Le Rapporteur spécial aimerait encourager la FAO à
reproduire dans d’autres comités ce qui a été réalisé au CSA, comme par exemple au
Comité des produits, au Comité des pêches, au Comité des forêts ou au Comité de
l’agriculture, de même que dans les conférences régionales, et l’encourage également à
inclure de manière opportune le droit à l’alimentation dans toute nouvelle activité
normative de la FAO, comme le développement de codes de conduite internationaux,
d’accords, de politiques et de priorités. Plus particulièrement, le mécanisme établissant la
participation des groupes d’intérêt les plus touchés par la faim au CSA – le Mécanisme
international de la société civile sur la sécurité alimentaire et la nutrition – pourrait être
utilement reproduit dans les autres comités de la FAO : de l’avis général, ce mécanisme
améliore le CSA, le rendant à la fois plus légitime, plus pertinent et plus efficace. Le
Rapporteur spécial accueille favorablement le fait que les Conférences régionales de la
FAO pourraient aller dans le même sens.
Le rôle de la FAO dans le débat politique sur la sécurité alimentaire mondiale
60. Étant donné son expertise unique, la participation de la FAO à de nombreux forums
débattant de la sécurité alimentaire mondiale (tant au sein du système des Nations Unies
qu’en dehors) est activement recherchée. La FAO pourrait intégrer la perspective du droit à
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l’alimentation dans ces forums mais aussi dans ses relations avec la Banque mondiale, le
Fonds monétaire international et des institutions qui ne font pas partie des Nations Unies,
telles que l’Organisation mondiale du commerce. Elle pourrait également faire en sorte que
les priorités définies dans ces autres forums soient alignées sur celles identifiées au sein du
CSA, en sa qualité de plus grand forum intergouvernemental inclusif sur les questions de
sécurité alimentaire mondiale.
Coopération avec le système des droits de l’homme des Nations Unies
61. La FAO a joué un rôle clé dans la formulation du droit à l’alimentation dans le Pacte
international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Cependant, la coopération
entre la FAO et le Comité des droits économiques, sociaux et culturels, de même qu’avec
les autres organes de traités des droits de l’homme qui surveillent la mise en œuvre du droit
à l’alimentation, est actuellement très limitée.
62. La FAO pourrait améliorer ses contributions au Conseil des droits de l’homme et à
ses mécanismes en fournissant systématiquement les données et rapports pertinents pour les
examens par pays menés au titre du mécanisme d’Examen périodique universel (EPU). Elle
pourrait également soutenir le suivi des recommandations thématiques ou par pays des
organes des droits de l’homme, dont notamment les organes de traités des droits de
l’homme des Nations Unies, l’EPU, et les Procédures spéciales du Conseil des droits de
l’homme. L’expertise de la FAO éclairerait ainsi le travail des organes ou des experts des
droits de l’homme des Nations Unies, et inversement, les conseils et recommandations
émanant de ces organes et experts éclaireraient le travail et la vision de la FAO. Par
exemple, dans sa résolution 16/27 adoptée lors de sa 16e session de mars 2011, le Conseil
des droits de l’homme « encourage les États et les donateurs, tant publics que privés, à
passer en revue et à étudier des moyens d’intégrer dans les politiques et programmes les
recommandations [figurant dans le rapport « Agroécologie et droit à l’alimentation »
(A/HRC/16/49)] » : les recommandations de ce type en considération devrait être prises en
compte par la FAO lorsque celle-ci fixe ses priorités, dans la mesure où elles amélioreraient
la cohérence des efforts mondiaux vers la sécurité alimentaire.
VIII. Conclusions et recommandations
63. Une référence plus systématique au droit à une alimentation adéquate comme
outil opérationnel pour orienter la définition de ses priorités et la mise en œuvre de ses
politiques à tous niveaux peut aider la FAO à améliorer son travail en vue de
l’éradication de la faim et de la malnutrition. Cette référence pourrait également faire
en sorte que la FAO délivre un message plus ciblé et plus cohérent à ses différentes
parties prenantes, dont ses États membres. Le présent rapport étudie la façon d’y
parvenir.
64. Le Rapporteur spécial invite le Secrétariat de la FAO, le Conseil de la FAO et
ses organes institutionnels à aider les Membres de la FAO à remplir leurs obligations
de réalisation progressive du droit à l’alimentation, et en particulier à :
(a) Promouvoir une approche plus intégrée pour la mise en œuvre du droit à
l’alimentation à travers la FAO, en renforçant plus particulièrement le droit à
l’alimentation comme domaine d’activité transversal dans le Cadre stratégique révisé
et le Plan à moyen terme 2014-2017 ; et en reflétant les éléments clés du cadre du droit
à l’alimentation dans les Plans d’action pour la réalisation des objectifs stratégiques,
de sorte à garantir que le cadre normatif et analytique du droit à l’alimentation
transparaisse dans toutes les activités principales de la FAO, en ce compris
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l’assistance, l’orientation et la génération des connaissances sur les politiques
alimentaires et agricoles, la nutrition, les régimes fonciers et le commerce ;
(b) Se concentrer sur les activités dont l’impact sur les personnes en
situation d’insécurité alimentaire est le plus fort et donner la priorité à l’appui et à
l’orientation des États sur les politiques agricoles, foncières et de sécurité alimentaire
qui sont propices au droit à une alimentation adéquate, dans la mesure où elles
profitent aux segments les plus marginalisés de la population et soutiennent des
systèmes agricoles et alimentaires plus résilients;
(c) Intégrer le droit à l’alimentation au sein de l’Organisation en incluant
les critères du droit à l’alimentation dans les processus d’autorisation des
programmes et des projets, et en renforçant les systèmes de contrôle pour évaluer
l’impact de ses programmes et de son assistance aux politiques à l’échelle des pays,
notamment sur la base des indicateurs structurels, des indicateurs de méthode et des
indicateurs de résultats ;
(d) Intégrer les exigences procédurales du droit à l’alimentation de manière
plus cohérente et systématique dans les activités de la FAO au niveau du siège et au
niveau des pays ;
(e) Faire en sorte que toutes les nouvelles normes et règles créées par les
organes institutionnels de la FAO soient alignées sur le cadre normatif du droit de
l’homme à une alimentation adéquate et sur les obligations des États de respecter et
de protéger ce droit de l’homme et de lui donner effet ;
(f) Poursuivre et étendre son soutien à la mise en œuvre du cadre normatif
du droit à l’alimentation aux niveaux national et régional par le biais d’activités
ciblées visant à intégrer le droit à l’alimentation dans les cadres juridiques, politiques
et institutionnels ;
(g) S’assurer que l’orientation fournie pour établir les Cadres de
programmation par pays se fonde sur le cadre du droit à l’alimentation, et inclue
notamment des orientations en termes de participation de la société civile et
coordination interministérielle dans le processus d’élaboration de ces cadres de
programmation, afin d’encourager une approche exhaustive et cohérente et la
reddition des comptes;
(h) Offrir une orientation pratique sur l’intégration du cadre normatif et
analytique du droit à l’alimentation dans les partenariats avec la société civile et le
secteur privé ;
(i) Reconnaître les organisations de la société civile, dont les mouvements
sociaux, les organisations à caractère associatif et les ONG, comme partenaires dans
les processus d’élaboration des politiques au niveau des pays ; et renforcer la capacité
des bureaux décentralisés à établir des partenariats au niveau des pays ;
(j) Envisager d’inclure un chapitre sur « l’état des lieux de la mise en œuvre
du droit à l’alimentation » dans sa principale publication annuelle La situation
mondiale de l’alimentation et de l’agriculture (SOFA).
65. Le Rapporteur spécial exprime l’espoir que le présent rapport stimulera la
réflexion sur la contribution de la FAO à la réalisation progressive du droit à
l’alimentation ainsi que la réflexion sur la contribution de l’approche fondée sur le
droit à l’alimentation à la capacité de la FAO à atteindre ses objectifs clés.