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215Chapitre 8 L'art d'être totalement présent

Nous sommes blessés quand nous nous efforçons de soutenir une conversation ou de mener un entretien avec quelqu’un qui semble préoccupé, qui n’est pas vraiment là, qui n’écoute et ne participe pas vraiment. Nous nous sommes pourtant habitués à subir des orateurs qui ne sont pas totalement impliqués avec leur public ni avec leur sujet. L’une des choses les plus importantes à retenir à propos d’une présentation en public, c’est qu’il faut être présent à 100 % à ce moment-là. Un bon orateur est pleinement investi dans l’instant, investi dans le fait d’être à cet endroit, à cet instant, avec ce public. Il a peut-être des problèmes – qui n’en a pas ? – mais il les met de côté pour être entièrement présent sur scène. Quand vous faites une présentation, votre esprit ne devrait pas être occupé par mille soucis, distrait de l’ici et maintenant. Il est impossible d’avoir une vraie conversation avec une personne qui est ailleurs. De même, vous ne pouvez pas donner le meilleur de vous sur scène si votre esprit est ailleurs.

L’une des choses les plus fondamentales qu’on peut apprendre du zen, c’est l’art de la pleine conscience. Vous en avez peut-être entendu parler à propos de méditation (zazen). L’intérêt principal du zen est qu’il n’est pas détaché du monde réel, c’est-à-dire que le zen ne fait pas de distinction entre vie quotidienne et vie spirituelle. La méditation n’est pas du tout une échappatoire à la réalité ; en fait, même les tâches courantes peuvent devenir un support à la méditation. Quand vous prenez conscience que vos actions et vos jugements ne sont en général que des automatismes résultant d’une sorte de dialogue qui se déroule dans votre tête, vous êtes alors libre de vous détacher de tels jugements. Ainsi, au lieu de détester faire la vaisselle, vous faites simplement la vaisselle. Quand vous écrivez une lettre, vous l’écrivez. Et quand vous faites une présentation, vous la faites pour de bon.

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La pleine conscience s’intéresse à l’ici et maintenant, à la conscience de ce moment particulier. Vous voulez sentir ce moment tel qu’il est sans vos filtres habituels, filtres qui s’intéressent uniquement au passé (ou au futur) et à comment les choses doivent être, vont être, etc. La pleine conscience véritable est à la portée de tous, mais elle est difficile à atteindre. Aujourd’hui, nous menons des vies infernales : lire nos e-mails, envoyer des textos, surfer sur le Web, puis conduire dans les embouteillages pour aller chercher les enfants en commandant le dîner par téléphone mobile. Nous avons tellement de choses en tête et tant de soucis ! Les inquiétudes sont notre pire ennemi parce qu’elles ne concernent que le passé ou l’avenir, deux choses qui n’existent même pas dans le présent. Dans notre vie quotidienne et dans notre vie professionnelle, y compris pendant une présentation, nous devons nous dégager l’esprit et être présent en un seul lieu : ici même.

(Photo : Justin Sullivan/iStockphoto.com).

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Steve Jobs et l’art du sabreComme présenté au Chapitre 5, Steve Jobs avait une approche simple mais remarquable de l’art de la présentation. Ses diapos, par exemple, étaient toujours exemptes d’encombrement et très visuelles ; il les exploitait de manière parfaitement naturelle, sans heurts, et les faisait défiler lui-même sans même que son geste soit perceptible. Il s’exprimait avec aisance et ses visuels étaient toujours en parfaite synchronisation avec ses paroles. Ses présentations étaient construites sur une structure solide qui nous donnait une impression de fluidité et nous entraînait dans ses récits comme dans un voyage. Sur scène, Steve paraissait sympathique, à l’aise et sûr de lui (ce qui nous mettait à l’aise aussi). Il dégageait une passion et un enthousiasme communicatifs mais jamais excessifs.

Tout semblait si automatique, si naturel. Tout semblait si facile qu’on pourrait croire que c’était un don chez Steve, que c’était une tâche facile pour lui d’exploiter son charisme naturel pour séduire les foules. Mais c’est faux. Il est vrai que Steve Jobs était un personnage charismatique, mais je ne suis pas sûr que faire des présentations multimédias ou même des démos en public (combien de PDG le font ?) soit une chose naturelle chez quiconque. Non, la raison pour laquelle les présentations de Steve Jobs se déroulaient bien et étaient aussi captivantes, c’est que Steve et son équipe se préparaient et répétaient comme des cinglés pour être sûrs que cela semblerait facile.

Quand Steve était sur scène, c’était un artiste. Et comme tout artiste, il avait perfectionné sa forme et sa technique par la pratique et l’expérience. Pourtant, comme un artiste expérimenté, il n’avait pas de pensée pour la technique et la forme, ni pour l’échec ou le succès quand il était sur scène. Quand nous pensons à la défaite ou au succès, nous sommes comme le combattant au sabre dont l’esprit s’interrompt une fraction de seconde pour réfléchir à sa technique ou à l’issue du combat. Au moment où cela survient, il a perdu. Cela semble paradoxal mais, dès que nous laissons notre esprit dériver vers des pensées de succès, d’échec ou de techniques pendant que nous pratiquons notre art, nous glissons sur une mauvaise pente. L’approche de la présentation qu’avait Steve Jobs nous rappelle aujourd’hui que nous pouvons améliorer notre implication en n’étant nulle par ailleurs que dans l’instant présent.

Pour regarder des vidéos des présentations de Steve Jobs, rendez-vous sur le site web d’Apple : www.apple.com/apple-events

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L’esprit sans pensée

Quand un maître d’épée est dans l’instant présent et que son esprit est vide au sens zen du terme (mushin no shin, c’est-à-dire l’esprit sans pensée), il n’a pas d’émotion naissant de la peur, pas de pensée pour l’échec ou la victoire, ni même conscience d’utiliser une épée. De cette façon, écrit Daisetz Suzuki dans Zen and Japanese Culture (Princeton University Press), « l’homme et l’épée se transforment tous deux en instruments aux mains de l’inconscient, et c’est l’inconscient qui réalise des merveilles de créativité. C’est ici que le maniement de l’épée devient un art. »

Au-delà de la maîtrise des techniques, le secret de l’art de l’épée repose sur un état d’esprit, un vide intérieur où l’esprit est « à l’abandon sans être abandonné ». Franchement, quand vous êtes engagé dans une activité artistique ou dans une compétition sportive, vous devez vous débarrasser de la conscience de l’ego qui vous gêne pour vous donner à fond. Comme le dit Suzuki, il faut faire « comme si rien de spécial n’avait lieu à ce moment-là ». Quand vous agissez avec l’esprit sans pensée, vous êtes libéré du poids des inhibitions et doutes, disponible pour participer pleinement et sans hésitation. Les artistes connaissent bien cet état d’esprit, tout comme les musiciens et les athlètes de haut niveau.

Il y avait beaucoup de pression pour bien préparer les présentations très attendues de Steve Jobs. L’enjeu était important à chaque présentation et les attentes étaient très élevées, aussi bien chez Apple qu’à l’extérieur. Or, ce qui rendait Steve si performant dans de telles situations, c’était justement sa capacité à oublier en apparence l’enjeu de la situation et à simplement jouer son rôle. Ainsi, il se comportait comme le maître d’épée qui, grâce à son esprit impassible, n’a pas de pensée de vie ou de mort. L’esprit est calmé, et l’homme est libre d’être pleinement présent. Comme l’exprime Suzuki, « les eaux sont en permanence en mouvement, mais la lune conserve sa sérénité. L’esprit s’agite en réponse à dix mille situations mais toujours reste le même ».

Il est important de s’entraîner aux techniques, mais l’entraînement est une chose acquise qui donnera toujours une impression d’artifice s’il manque l’état d’esprit adéquat. Selon Suzuki, « à moins que l’esprit qui se sert des compétences techniques ne parvienne d’une façon ou d’une autre à se mettre dans un état de fluidité ou de mobilité extrême, tout ce qui est acquis ou rajouté manque de spontanéité et d’évolution naturelle ». Dans ce sens, je pense que les formateurs et les livres peuvent nous aider à devenir de meilleurs orateurs mais au final, comme pour toute prestation scénique, cela doit venir de l’intérieur.

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Vous avez besoin de techniques et d’une forme correcte, vous devez aussi connaître les règles. Vous devrez vous entraîner encore et encore. Si vous consacrez assez d’efforts à la préparation et assimilez bien le sujet, vous pourrez pratiquer l’art de la présentation d’une manière plus naturelle en atteignant l’état d’esprit qui convient, c’est-à-dire l’esprit sans pensée.

Pris au jeu

Vous est-il déjà arrivé d’être totalement absorbé par votre exposé sur scène ? Tellement pris, sans souci du passé, du futur, qu’il était évident que le sujet vous intéressait et qu’il intéressait aussi le public. Il y a alors un véritable échange.

Dans If you want to write, Brenda Ueland parle de l’importance d’être pris par l’action, présent dans le moment pour maximiser sa créativité et l’impact sur le public. Canaliser l’énergie créatrice et être totalement présent est une opération plus intuitive qu’intellectuelle. Brenda compare ce genre de créativité et d’échange avec le public à une symphonie merveilleusement orchestrée.

Quand on joue d’un instrument de musique tel que le piano, parfois on en joue et d’autres fois on joue avec. Le but n’est pas de reproduire les notes d’une partition, mais de jouer de la belle musique. De rentrer dans la musique, se prendre au jeu. Les grands musiciens jouent avec leur instrument (même s’ils ne sont pas toujours techniquement parfaits). Il en va de même pour les présentations. L’objectif devrait être de se donner entièrement à son sujet à ce moment dans le temps. La perfection technique n’existe peut-être pas (serait-elle seulement souhaitable, d’ailleurs ?), mais il peut exister une sorte d’accord parfait entre le public et la personne sur scène quand elle se donne à son jeu.

« Ce n’est que lorsque vous vous donnez au jeu que les gens vous écoutent, vous entendent et se laissent toucher », déclare Brenda. Votre musique est crédible et authentique parce que vous y êtes absorbé, sans l’intellectualiser ni suivre un ensemble de règles inflexibles (notes ou instructions). Nous sommes touchés parce que l’artiste est lui-même clairement et sincèrement ému par sa musique. Pourrait-on en dire autant d’une présentation ? Votre exposé est crédible parce que vous êtes préparé et logique, mais aussi parce que vous êtes motivé par votre sujet. Vous devez croire sincèrement en votre message, sinon personne n’y croira. Vous devez croire en votre histoire et rentrer dedans pour qu’il y ait échange avec le public.

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“ Les eaux sont en mouvement permanent, mais la lune conserve sa sérénité. L’esprit s’agite pour répondre à des milliers de situations, mais demeure toujours le même. ”

– Daisetz T. Suzuki

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Apprendre de l’art du judoLes meilleurs conseils pour les présentations peuvent provenir de sources inattendues. Réfléchissez aux cinq principes suivants, par exemple. Ces préceptes offrent de bons conseils pour réussir une présentation en public :

1. Observez-vous soigneusement, observez soigneusement votre situation, observez soigneusement les autres et observez soigneusement ce qui vous entoure.

2. Prenez l’initiative dans tout ce que vous entreprenez.3. Prenez tous les éléments en compte, agissez de façon décisive.4. Sachez quand vous arrêter.5. Restez au milieu.

Voilà de sages paroles, mais il ne s’agit pas vraiment de « principes pour des présentations efficaces ». Ce sont les cinq principes du judo édictés par Jigoro Kano et présentés par John Stevens dans Secrets de Budo (Guy Tredaniel). Il est pourtant facile de voir comment nous pourrions appliquer ces principes à nos efforts de conception et de présentation d’un exposé. Vous avez sans doute assisté à des présentations où l’orateur aurait pu mieux faire s’il avait écouté la sagesse du principe n° 4, savoir s’arrêter à temps. Vous pouvez être amené à parler plus ou moins longtemps que prévu, mais cela doit être un choix délibéré, fondé sur le contexte du moment et respectant le principe n° 1 (s’observer soi-même et observer la situation, observer les autres et les circonstances). Il s’agit juste d’un petit exemple d’application de ces principes.

Jigoro Kano a fondé le judo à la fin du xixe siècle. Bien que cette discipline ne repose pas directement sur les principes du zen, certains y voient une belle expression des concepts zen. J’ai énormément de respect pour ceux qui consacrent leur vie à l’art du judo. Le judo est davantage qu’un sport ou qu’une activité physique. Les pratiquants de judo en tirent des leçons, une sagesse et une expérience qui ont un impact profond sur tous les aspects de leur vie.

H. Seichiro Okazaki commente ainsi les secrets du judo : « C’est seulement en cultivant un état d’esprit réceptif, sans idées ou pensées préconçues, qu’on peut maîtriser l’art secret de réagir spontanément et naturellement, sans hésitation ni vaine résistance. »

Cette idée n’est pas confinée aux tatamis. Pensez à la dernière présentation délicate qui ne s’est pas déroulée aussi bien que vous l’aviez espéré. Peut-être

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y avait-il plus de réactions négatives que prévu. Auriez-vous pu faire mieux en établissant le contact avec le public et en répondant aux questions difficiles tout en réagissant « spontanément et naturellement, sans hésitation ni vaine résistance » ? Dans mon expérience, quand un individu sceptique, hostile ou carrément agressif me pose des questions pièges, une réponse naturelle et neutre se révèle toujours une meilleure solution que d’être sur la défensive ou de manifester de l’irritation. Il est facile de répondre du tac au tac, mais le présentateur n’a rien à gagner d’une telle attitude, bien au contraire.

À l’épreuve du feu

Un jour, vous rencontrerez un client hostile ou un membre du public qui cherchera plus à vous ridiculiser ou à faire dérailler votre exposé qu’à argumenter à juste raison. Cela arrive. Le tout est de vous rappeler que vous n’êtes pas face à un ennemi. S’il y a un ennemi quelque part, il est en nous. Même si un membre du public choisit d’endosser le rôle de l’adversaire, votre agacement ou manifestation de colère ne pourrait que nuire à vous-même et au reste du public (dont 90 % soutiennent sûrement votre point de vue).

Dans le contexte du judo, son fondateur Jigoro Kano parlait ainsi de la manière de réagir à une agression : « la victoire sur l’adversaire s’obtient en cédant à la force de l’adversaire, en s’y adaptant et en tirant profit de cette force, en la retournant au final à son propre avantage ».

Il y a plusieurs années, j’ai fait une présentation devant un large auditoire. Tout se passait bien, mais une personne dans le public ne cessait de m’interrompre avec des commentaires déplacés qui finissaient par déranger toute l’assistance. J’ai eu plusieurs occasions de m’énerver, mais j’ai su rester neutre. Je sentais que le public attendait que j’en découse avec lui à la prochaine interruption. Et franchement, personne ne m’aurait donné tort. Mais je suis resté respectueux du gêneur, je n’ai manifesté ni agacement, ni colère, et je n’ai pas non plus laissé ses interruptions faire dérailler mon exposé. Après ma prestation, plusieurs personnes m’ont complimenté sur ma réaction face au casse-pieds. L’ironie, c’est que cet agité qui voulait gâcher ma présentation avait fini par provoquer l’effet inverse. En me laissant aller au flot du moment, en faisant preuve de sang froid et en évitant de m’accrocher avec lui (ce qui n’aurait fait qu’empirer la situation), j’ai gagné le respect du public.

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