PRISE EN CHARGE DES HEMORRAGIES SOUS AOD · Compression mécanique, suture d’une plaie vasculaire...

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PRISE EN CHARGE DES HEMORRAGIES SOUS AOD Anthony Carmona Juliette Godard Philippe Rhodes

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PRISE EN CHARGE DES

HEMORRAGIES SOUS AOD Anthony Carmona

Juliette Godard

Philippe Rhodes

Plan

Introduction

Généralités sur les AOD

Evaluation du risque hémorragique sous AOD

Prise en charge

Hémorragie non grave

Hémorragie grave

Hémorragie menaçant le pronostic vital

CAT en cas de chirurgie programmée sous AOD

CAT en cas de chirurgie urgente sous AOD

Rôle du pharmacien ?

Prévention des hémorragies sous ACO ?

Conclusion

Bibliographie

Introduction

Anticoagulants Oraux Directs : AMM en 2008

30% des anticoagulants oraux prescrits en France (ANSM)

3 molécules disponibles en France :

DCI Dabigatran Rivaroxaban Apixaban

Spécialité Pradaxa® Xarelto® Eliquis®

Dosages 75mg / 110mg / 150mg 10mg /15mg / 20mg 2.5mg / 5mg

Activité Anti IIa Anti Xa Anti Xa

Introduction

Indications principales :

Prévention de la maladie TE veineuse (chir ortho)

Traitement et prévention secondaire des épisodes

thromboemboliques veineux

Prévention des accidents TE lors des fibrillations auriculaires non

valvulaires +++

Avantages :

meilleure marge thérapeutique pas de surveillance biologique

Diminution des interactions médicamenteuses

Généralités sur les AOD - Mécanisme d’action

Facteur Xa

Facteur IIa

Facteur IX

Facteur VIIIa

Facteur IXa

Facteur X

Facteur II

Fibrinogène Fibrine

Facteur VII

Facteur Va

Rappels sur les facteurs de la coagulation

Les facteurs de la coagulation II, VII, IX et X sont synthétisés par le foie et forment le

complexe prothrombinique.

Les déficits acquis en facteurs de la coagulation vitamine K dépendants surviennent

lors de traitement par des anticoagulants oraux : AVK et également AOD (ex NACO).

Quand le déficit devient sévère, une forte tendance hémorragique se développe,

caractérisée par des saignements essentiellement rétro-péritonéaux ou cérébraux,

voire des hémorragies musculaires et articulaires.

Une insuffisance hépatique sévère peut provoquer une baisse marquée des facteurs de

la coagulation vitamine K dépendants.

Généralités sur les AOD - Mécanisme d’action

Facteur Xa

Facteur IIa

Facteur IX

Facteur VIIIa

Facteur IXa

Facteur X

Facteur II

Fibrinogène Fibrine

Rivaroxaban

Apixaban

Dagibatran

etexilate

Facteur VII

Facteur Va

Généralités sur les AOD – Influence des

anticoagulants sur les tests de coagulation

AVK Dabigatran Rivaroxaban Apixaban

INR Effet très

limité

TCA

(ratio)

N

TT (ratio) Effet très limité Aucune

influence

Aucune

influence

Anti-Xa

(UI/ml)

Effet très limité Aucune

influence

Généralités sur les AOD – Interactions

médicamenteuses

Inhibiteurs puissants de la P-glycoprotéine : risque de saignements

Contre-indication : kétoconazole, ciclosporine, itraconazole,

Association non recommandée : dronédarone, clarithromycine,

Surveillance étroite réduction posologie (220 mg/j) : vérapamil

Surveillance étroite : amiodarone, quinidine

Généralités sur les AOD - Paramètres PK

Sié P., et al. Chirurgies et actes invasifs chez les patients traités au long cours par un anticoagulant

oral anti-Iia ou anti-Xa direct. Ann Fr Anesth Reanim (2011)

Généralités sur les AOD - Dosage

Concentrations plasmatiques des AOD à t2h et t12h. Référentiel AOD, COSEPS-APHM, 2014.

Molécule Concentration au pic (Cmax) Concentration résiduelle (Cmin)

Dabigatran 117-275 ng/ml

61-143 ng/ml

Rivaroxaban 22-535 ng/ml

6-239 ng/ml

Apixaban 128 ng/ml

48 ng/ml

Medicaments idéaux?

Une efficacité identique ou supérieure par rapport aux anticoagulants

conventionnels

Un risque d’hémorragie intracrânienne inférieur à celui des AVK

Pas d’interaction (connue) avec l’alimentation

Pas de surveillance biologique

Avantage d’une voie orale / voie SC

MAIS…

Un risque d’hémorragies digestives identique ou supérieur / AVK

Un risque hémorragique identifié dans populations particulières

Pas d’antidote spécifique

Des interactions médicamenteuses identifiées

Un risque de glissement vers des indications hors AMM

L’absence de surveillance biologique peut aussi impliquer une moins bonne

observance et une moins bonne surveillance…

Des dosages et schémas posologiques différents voire très différents

RISQUE DE MESUSAGE

SURDOSAGE EN AOD

RISQUE HEMORRAGIQUE

PRISE EN CHARGE SPECIFIQUE

Evaluation du risque hémorragique

SCORE HAS-BLED

Intérêt : estimer un risque hémorragique

sous AOD

Score ≥ 3 : risque élevé de saignement

ajustement dose;

réévaluer régulièrement le patient;

corriger les facteurs de risque

d’hémorragie (potentiellement

modifiables).

Autre score : HEMORR2HAGES

Caractéristiques

cliniques

Points

HTA 1

Dysfonction rénale ou

hépatique

1 chacun

AVC 1

Saignement 1

INR labile 1

Age>65ans 1

Alcool/Mdcts 1 ou 2

Evaluation du risque hémorragique sous AOD

Etude NACORA-BR : Pas d’excès majeur de risque

hémorragique des AOD vs AVK lors des initiations de

traitement (<90 jours) : bon rapport bénéfice/risque à

court terme.

Etude NACORA-Switch : rétrospective, appariée, groupe

« switch » AVK vers AOD versus un groupe« non switch »

A 4 mois de suivi : pas d’augmentation du risque hémorragique

chez groupe « switch » vs « non switch ».

PRISE EN CHARGE 1. Symptomatique

2. Thérapeutique : agents hémostatiques

3. Dialyse :

Dagibatran +++ (liaison aux pp faible, élimination rénale

majeure)

4. Charbon actif

Apixaban +++ (cycle entéro-entérique, mécanisme réabsorption)

5. Absence d’antidote spécifique : antagonistes des facteurs Xa et IIa?

Ex: protéine recombinante similaire au facteur Xa (leurre)

Tout évènement indésirable grave ou inattendu doit faire l’objet d’une

déclaration de pharmacovigilance au CRPV

Dans tous les cas

Noter : âge, poids, nom du médicament, dose, nombre de prises par jour, heure de la dernière prise, indication

Prélever:

o créatininémie (clairance de Cockroft)

o dosage spécifique

• temps de thrombine modifié pour dabigatran

• activité antiXa spécifique pour le rivaroxaban et l’apixaban

Contacter le labo d’hémostase : informer du niveau d’urgence et discuter des examens et prélèvements à effectuer

Interrompre le traitement

Hémorragie non grave

Définition :

Faible abondance

Localisation non critique

Facilement contrôlable par des gestes d’hémostase

mécaniques

Surveillance clinique

Dosage du médicament

Bilan biologique hémostase

Hémorragie grave : traitement

symptomatique

Compression mécanique, suture d’une plaie vasculaire

Embolisation par radiologie interventionnelle

Application locale d’agent hémostatique (colle à la fibrine

ou à la thrombine)

Injection locale de vasoconstricteur (adrénaline) en

particulier pour voie endoscopique pour les hémorragies

digestives.

Hémorragie menaçant le pronostic vital

FEIBA®

Facteurs de coagulation (II, IX, X, VIIa +++)

activité court-circuitant l’inhibiteur du facteur VII

Indications :

déficit constitutionnel en facteur VIII (hémophilie A)

déficit constitutionnel en facteur IX (hémophilie B)

hémophilie acquise par auto-anticorps anti-facteur VIII

Hémorragie grave sous anticoagulants oraux (anti IIa ou Xa)

hors AMM hors PTT

Effets indésirables :

Réactions d’hypersensibilité allergiques (fièvre, poussée d’urticaire, malaise, nausées)

et anaphylactiques.

Accidents thrombo-emboliques

CIVD, IDM

AMM

CCP (concentré de complexe

prothrombinique) ou PPSB humain

Différents princeps : CONFIDEX®, KANOKAD®,

KASKADIL®, OCTAPLEX®

Son administration augmente le taux plasmatique des

facteurs de la coagulation vitamine K dépendants.

Surdosage en AOD : 25-50 UI/kg

Généralités sur les AOD - Mécanisme d’action

Facteur Xa

Facteur IIa

Facteur IX

Facteur VIIIa

Facteur IXa

Facteur X

Facteur II

Fibrinogène Fibrine

Facteur VII

Facteur Va

CCP / PPSB :

Indications AMM :

déficit acquis en facteurs de la coagulation du complexe

prothrombinique (déficit induit par un traitement par AVK ou en cas de

surdosage en AVK) quand une correction urgente est requise.

déficit congénital de l’un des facteurs vitamine K dépendants,

lorsqu’un facteur de la coagulation spécifique de haute pureté n’est

disponible.

Indication hors AMM hors PTT :

Hémorragie grave sous anticoagulants oraux (anti IIa ou Xa)

Effets indésirables (rares):

Affections du système immunitaire : rares cas de formation d’AC circulants

inhibant l’un ou plusieurs facteurs du complexe prothrombinique humain,

entraînant une mauvaise réponse clinique.

Rares cas de réactions allergiques ou de type anaphylactique.

Affections vasculaires : il existe un risque de manifestations thromboemboliques

Fiche

réflexe

PACA 2013

Reprise du traitement

Réintroduction en milieu hospitalier, sous surveillance clinique et

biologique

Hémorragie intra-crânienne chez patient sous FA:

Arrêt définitif si atteinte hémisphérique

RCP si autre localisation

Hémorragie intra-crânienne chez patient avec MTEV :

Fenêtre thérapeutique de normocoagulation (1/2 semaines)

Autres hémorragies graves :

Fenêtre thérapeutique 48-72h

CAT en cas de chirurgie programmée Propositions du GIHP (Groupe d’Intérêt en Hémostase Périopératoire) et

du GEHT (Groupe d’Etude sur l’Hémostase et la Thrombose) :

Risque hémorragique faible (ex : ) :

Fenêtre de 48h

Risque hémorragique modéré ou élevé (ex : ) :

Interruption à J-5

Reprise après contrôle de l’hémorragie

CAT en cas de chirurgie urgente sous AOD Propositions du GIHP (Groupe d’Intérêt en Hémostase Périopératoire) et du

GEHT (Groupe d’Etude sur l’Hémostase et la Thrombose) :

Peu d’informations dans les RCP

Pas d’antidote spécifique

Si dernière prise < 24h (ou plus si Cl créat < 50ml/min) : bilan hémostase

Retarder au maximum l’acte invasif :

1 à 2 demi-vies d’élimination du médicament

normalisation du TT

activité anti Xa/IIa indétectable

Agents hémostatiques non spécifiques : pas d’utilisation en prophylaxie

Chirurgie urgente et Dabigatran/Rivaroxaban

[dabi] ≤ 30 ng/mL

• Opérer

30 ng/mL < [dabi] ≤ 200

ng/mL

• Attendre jusqu’à 12h avant un nouveau dosage

• Ou opérer mais antagoniser l’effet anti-coagulant si saignement anormal

200 ng/mL < [dabi] ≤ 400

ng/mL

• Attendre 12-24h puis nouveau dosage

• Ou retarder au max l’intervention

• Discuter la dialyse (+++ si Cockcroft < 50ml/min)

• Opérer mais antagoniser l’effet anti-coagulant si saignement anormal

[dabi] > 400 ng/mL.

• Surdosage : risque hémorragique majeur

• Discuter la dialyse avant la chirurgie

Chirurgie urgente et Dabigatran/Rivaroxaban

TCA ≤ 1.2 et TQ ≤ 1.2 (TP ≥ 70-

80%)

• Opérer

1.2 < TCA ≤ 1.5 ou TQ > 1.2 (TP >

70-80%)

• Attendre jusqu’à 12h et obtenir un dosage spécifique/nouveau TP-TCA)

• Ou opérer mais antagoniser l’effet anti-coagulant si saignement anormal

TCA > 1.5

• Attendre 12-24h puis nouveau dosage

• Ou retarder au max l’intervention

• Discuter la dialyse (+++ si Cockcroft < 50ml/min)

• Opérer mais antagoniser l’effet anti-coagulant si saignement anormal

Rôle du pharmacien

A l’hôpital :

Gestion des MDS : traçabilité +++

Prévention de la iatrogénie : interactions

médicamenteuses (AINS)

Surveillance biologique : TCA et TP

A l’officine :

Rappel sur les signes évocateurs de surdosage

Prévention de la iatrogénie : interactions

médicamenteuses (AINS)

Prévention des hémorragies sous AOD

Contrôle de la fonction rénale tous les 6 mois

Guide prescripteur qui a pour objectif notamment de

sensibiliser les prescripteurs :

Aux populations potentiellement à haut risque de saignement;

Au risque potentiel de saignement et fournir les recommandations

sur la prise en charge de ce risque ou du risque de surdosage;

À l’importance de l’évaluation régulière des fonctions hépatiques

et rénales;

À l’utilisation des tests de la coagulation et leur interprétation.

Prévention des hémorragies sous AOD

Carte patient / carnet de suivi

Les patients doivent avoir en leur possession la carte de façon à être averti

notamment :

Des signes et symptômes de saignements et du moment auquel consulter un

professionnel de santé;

De l’importance de l’observance au traitement;

De la nécessité d’informer les professionnels de santé sur les médicaments

qu’ils prennent et qu’ils sont traités par AOD avant de subir toute

intervention chirurgicale ou tout geste invasif.

Des carnets de suivi sont mis en place par des sociétés savantes (ex:

carnets EHRA et GITA) : ils rappellent les éléments importants en vue de

favoriser le bon usage des traitements anticoagulants.

Outils disponibles auprès des laboratoires pharmaceutiques

Prévention des hémorragies sous AOD

Suivi renforcé de leur sécurité d’emploi en France et en Europe

Suivi national de pharmacovigilance depuis leur mise sur le marché

Etudes pharmaco-épidémiologiques en France (analyse de données + suivi

du volume de ventes)

Suivi régulier du profil de sécurité des NACO au niveau européen

Publications régulières de lettres de recommandations de l’ANSM:

Rapports

Lettres aux professionnels de santé

Conclusion

La survenue d’une hémorragie grave chez un patient prenant un traitement

anticoagulant oral direct est une situation dont la fréquence va logiquement

augmenter avec l’évolution de leur utilisation (plus de 250 000 patients fin

2013).

En l’absence d’antidote spécifique et de données cliniques notables, la prise

en charge s’appuie sur des consensus d’experts. Elle se base sur les mesures

symptomatiques communes à toutes les hémorragies et, dans les situations

graves, sur l’utilisation de facteurs de coagulation mais avec des produits et

des posologies pouvant être différents que lors d’une hémorragie grave sous

AVK.

Établir une procédure de service ou d’établissement est nécessaire à une

prise en charge adaptée

Bibliographie Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé. (ANSM). Etude

des risques hémorragiques et thromboemboliques artériels liés au changement de

traitement d’un médicament antivitamine K (AVK) vers un anticoagulant oral direct

(AOD) chez les individus nécessitant une anticoagulation à long terme en conditions

réelles d’utilisation. Etude NACORA-Switch. En ligne :

ansm.sante.fr/content/download/64711/828903/version/4/file/NACORA.pdf

Caisse Nationale d’Assurance Maladie des Travailleurs Salaries (CNAMTS).Etude ‘en vie

réelle’ du bénéfice/risque a court terme des nouveaux anticoagulants oraux

(dabigatran, rivaroxaban) chez les patients débutant un traitement et non

précédemment traites par des antivitamines K. Etude NACORA-BR. En ligne :

ansm.sante.fr/content/download/64713/828917/version/3/file/NACORA.pdf

Sié P., et al. Chirurgies et actes invasifs chez les patients traités au long cours par un

anticoagulant oral anti-Iia ou anti-Xa direct. Ann Fr Anesth Reanim (2011)

Référentiel NACO/AOD, COSEPS, APHM, 2014.