Première approche de la macroéconomie - Pearson

14
1 chapitre 1 Chapitre 1 Première approche de la macroéconomie Ce chapitre définit d’abord le champ de l’analyse macroéconomique et les différentes écoles de pensée, avant d’aborder certaines questions de la macroéconomie, illustrées par des comparaisons internationales. Bien que l’horizon de ce livre soit mondial, notre centre d’intérêt est l’économie française. Cette dernière fera l’objet d’une première analyse dans une perspective historique. Pour conclure, nous ferons un petit tour du monde pour situer la France et l’Europe par rapport au reste du monde. Dans ce chapitre, nous introduirons différents questionnements économiques grâce à un dialogue entre Laura, étudiante de L3 en sciences économiques à Paris 12, et son cousin Julien, étudiant à l’IESEG School of Management, Lille. Ils profitent de vacances pour rendre visite à des amis à Genève. Tous deux remarquent avec étonnement la richesse ostensible de la ville. Julien souligne que la Suisse en général, et Genève en particulier, a longtemps été un refuge pour les grandes fortunes internationales, placées dans des banques suisses. Sans contester cet argument, Laura se souvient que le secteur bancaire ne représente que 13 % du produit intérieur brut (PIB) de la Suisse et que l’argument n’est donc pas suffisant. « Oui, répond Julien, mais en France, la part du secteur banque-assurance n’est que 4 % du PIB, et l’industrie fait 14 % du PIB, à peine plus que la banque en Suisse. » Deuxième argument de Julien : « Les Suisses sont plus disciplinés au travail. » « Pas d’accord, répond Laura, le com- portement n’est pas une donnée génétique, mais un résultat endogène’: le comportement au travail n’est pas la cause originelle du niveau de vie d’un pays, il est aussi déterminé par des facteurs propres à ce pays. Et en particulier par les institutions sociales dont les citoyens de ce pays se sont dotés, le droit du travail, la sécurité sociale, la fiscalité, l’éducation, qui créent autant d’incitations à adopter ce comportement au travail. » © 2012 Pearson France – Macroéconomie, 2e éd. – Gérard Duchêne, Patrick Lenain, Alfred Steinherr

Transcript of Première approche de la macroéconomie - Pearson

Page 1: Première approche de la macroéconomie - Pearson

1

chapitre 1Chapitre 1

Première approche de la macroéconomie

Ce chapitre définit d’abord le champ de l’analyse macroéconomique et les différentes

écoles de pensée, avant d’aborder certaines questions de la macroéconomie, illustrées par

des comparaisons internationales. Bien que l’horizon de ce livre soit mondial, notre centre

d’intérêt est l’économie française. Cette dernière fera l’objet d’une première analyse dans

une perspective historique. Pour conclure, nous ferons un petit tour du monde pour situer la

France et l’Europe par rapport au reste du monde.

Dans ce chapitre, nous introduirons différents questionnements économiques grâce à un

dialogue entre Laura, étudiante de L3 en sciences économiques à Paris 12, et son cousin

Julien, étudiant à l’IESEG School of Management, Lille. Ils profitent de vacances pour rendre

visite à des amis à Genève. Tous deux remarquent avec étonnement la richesse ostensible

de la ville. Julien souligne que la Suisse en général, et Genève en particulier, a longtemps été

un refuge pour les grandes fortunes internationales, placées dans des banques suisses. Sans

contester cet argument, Laura se souvient que le secteur bancaire ne représente que 13 %

du produit intérieur brut (PIB) de la Suisse et que l’argument n’est donc pas suffisant. « Oui,

répond Julien, mais en France, la part du secteur banque-assurance n’est que 4 % du PIB, et

l’industrie fait 14 % du PIB, à peine plus que la banque en Suisse. » Deuxième argument de

Julien : « Les Suisses sont plus disciplinés au travail. » « Pas d’accord, répond Laura, le com-

portement n’est pas une donnée génétique, mais un résultat ‘endogène’: le comportement

au travail n’est pas la cause originelle du niveau de vie d’un pays, il est aussi déterminé par

des facteurs propres à ce pays. Et en particulier par les institutions sociales dont les citoyens

de ce pays se sont dotés, le droit du travail, la sécurité sociale, la fiscalité, l’éducation, qui

créent autant d’incitations à adopter ce comportement au travail. »

Livre_macroecon.indb 1 24/07/12 16:02

© 2012 Pearson France – Macroéconomie, 2e éd. – Gérard Duchêne, Patrick Lenain, Alfred Steinherr

Page 2: Première approche de la macroéconomie - Pearson

Mac

roéc

onom

ie

2

1 Qu’est-cequelamacroéconomie?

Julien accepte de compléter les visites d’amis par une réflexion sur les différences de richesse, de salaires, de chômage et de prix observées durant ce voyage, tout en n’étant pas à l’aise avec ce qu’est la macroéconomie. Laura remarque son regard interrogatif et répond : « La macroéconomie est l’étude de la structure et de la performance d’une économie nationale et des politiques ayant un impact sur cette économie. »

La macroéconomie analyse les performances économiques d’ensemble dans des pays comme la France ou des régions comme l’Europe. À l’inverse, la microéconomie analyse le compor-tement d’agents individuels, comme des ménages, des entreprises ou des banques.

Les grandeurs qui intéressent la macroéconomie sont la production nationale et son utilisation (consommation, investissement, etc.), l’évolution de l’ensemble des prix tels que l’indice des prix à la consommation, le taux de change et les taux d’intérêt, l’emploi et le chômage, la distribution des revenus entre capital et travail, les impôts et les dépenses publiques, les relations avec le reste du monde en termes d’exportation et d’importation, les flux financiers mondiaux.

Le travail du macroéconomiste commence donc par l’observation des faits ; ainsi, nos deux étudiants commencent par s’interroger sur quelques informations statistiques clés.

La performance d’une économie dépend bien sûr du contexte politique et des interven-tions d’un agent important, l’État. Un des objectifs de ce livre est d’évaluer les possibilités d’intervention publique, ou autrement dit les effets de la politique macroéconomique.

Assis au café, Laura et Julien feuillettent La Tribune de Genève et remarquent que cer-tains articles des pages « Économie » abordent des sujets immédiats – la légère amé-lioration du chômage annoncée la veille – alors que d’autres traitent de thèmes plus durables – la force du franc suisse depuis des décennies. L’analyse macroéconomique doit faire un choix sur l’horizon temporel. Sur les marchés financiers, l’attention se porte souvent sur des périodes très courtes. Les taux d’intérêt vont-ils augmenter ou baisser dans les jours qui viennent ? Pour la plupart des autres variables, on s’intéresse à l’évolution conjoncturelle, c’est-à-dire à ce qui va se passer dans l’année en cours ou l’année suivante. C’est ce qu’on appelle le court terme. D’autres questions concernent un horizon plus long. Le financement des retraites des générations futures posera-t-il problème ? Quelle sera la place de la France dans le concert des nations d’ici à vingt ans ? Quand la Chine surpassera-t-elle les États-Unis ? C’est l’analyse de long terme.

La Tribune mentionne aussi un débat entre deux grands économistes américains, Paul Krugman (prix Nobel) et Robert Barro, qui ont des vues contradictoires sur ce qu’il faut faire pour sortir de la crise. « Mais, demande Julien, existe-t-il chez les économistes une théorie solide comme en physique, avec des lois immuables ? Il paraît que Churchill disait : Quand j’interroge cinq économistes, j’ai six réponses différentes car Lord Keynes en donne toujours deux. » « Tu n’as pas tort, mais soyons clairs, sourit Laura. Le monde de la physique ne change pas pendant notre vie. La pérennité de la loi de la gravité est la conséquence d’un environnement physique immuable. Au contraire, l’environnement économique d’aujourd’hui est fort éloigné de celui d’il y a 50 ou 500 ans, notamment en

Livre_macroecon.indb 2 24/07/12 16:02

© 2012 Pearson France – Macroéconomie, 2e éd. – Gérard Duchêne, Patrick Lenain, Alfred Steinherr

Page 3: Première approche de la macroéconomie - Pearson

Cha

pitr

e 1 

Prem

ière

 app

roch

e de

 la m

acro

écon

omie

3

termes de technologies et de connaissances. » Et cette évolution rapide de la société est elle-même le résultat de l’action humaine, c’est la société qui produit son propre chan-gement. L’économiste ne s’intéresse qu’à une petite partie de ce processus, mais il serait illusoire de chercher à déterminer des « lois économiques » immuables. Si une telle loi était découverte, elle changerait la société et deviendrait elle-même caduque. C’est ce qui fait la différence entre la science économique et la physique.

En revanche, les économistes parviennent à des consensus valables temporairement, dans des domaines limités. Il y a des relations économiques stables pendant un temps mais qui s’émoussent et se transforment. Le macroéconomiste fait donc des hypothèses à partir de ses observations et de ses intuitions, il en tire des conclusions logiques, cela, c’est la théorie. Ces conclusions, il les confronte à la réalité, c’est-à-dire aux statistiques disponibles, et il voit si cela marche. Si oui, on dit que la théorie n’est pas invalidée. Sinon, la théorie est « falsi-fiée » et il faut la corriger. Il y a plusieurs théories macroéconomiques qui ont été valides et qui sont devenues invalides avec le temps, parfois du fait que les acteurs économiques eux-mêmes transformaient leur comportement en assimilant ces théories. Il faut alors construire de nouvelles théories, et il est donc tout à fait normal que des visions alternatives coexistent au même moment. Surtout en cette période de crise, où les théories disponibles sont toutes plus ou moins « falsifiées » par les faits.

Par ailleurs, il faut distinguer deux approches : d’une part, l’analyse positive d’une décision politique, qui examine les conséquences de cette décision sans juger si celle-ci est souhaitable ; d’autre part, l’analyse normative, qui se prononce sur les objectifs de la politique et les moyens à mettre en œuvre pour les atteindre. Toute analyse doit nécessairement débuter par faire l’objet d’une approche positive, afin de déterminer les caractéristiques de la politique existante. Par exemple on peut chercher à savoir quel serait l’effet d’une augmentation de l’impôt sur les revenus dans le système fiscal actuel. En revanche, la recommandation d’augmenter les taux d’imposition dépend quant à elle d’un jugement de valeur : quel est le rôle et la taille optimale du secteur public, quelle distribution de revenus est souhaitable, etc. Alors que les économistes parviennent sou-vent à la même conclusion positive, leurs diverses appartenances (politiques, idéolo-giques, pragmatiques, etc.) les conduisent à des conclusions normatives divergentes.

1.1  De la théorie classique à la théorie keynésienne

« Donc, cette divergence entre Barro et Krugman ne serait due qu’à des opinions politiques différentes ? » interroge Julien. « C’est juste, concède Laura, ils ne sont pas du même bord. Mais il y a plus : en macroéconomie, les effets à court terme d’une décision peuvent être positifs et ceux à long terme, négatifs. Ainsi, un désaccord peut simplement refléter un choix ou une préférence pour un horizon de temps différent de l’analyse. Cela tient en fait à une controverse théorique majeure entre la pensée classique1 et l’approche keynésienne. »

Les classiques (Adam Smith, David Ricardo et d’autres) se sont inspirés du fonctionne-ment des marchés aux xviiie et xixe siècles, une époque où les administrations publiques

1. Laura emploie ici le terme « classique » dans le sens où Keynes lui-même l’a utilisé pour définir sa théorie en opposition à (presque) toutes les théories antérieures. Actuellement, le terme « école classique » est réservé à la dénomination des économistes de la fin du XVIIIème et du début du XIXème siècles, alors que les écono-mistes postérieurs non-keynésiens sont appelés « néoclassiques ». Cette distinction sera reprise au chapitre 3 sur la croissance.

Livre_macroecon.indb 3 24/07/12 16:02

© 2012 Pearson France – Macroéconomie, 2e éd. – Gérard Duchêne, Patrick Lenain, Alfred Steinherr

Page 4: Première approche de la macroéconomie - Pearson

Mac

roéc

onom

ie

4

ne représentaient qu’une petite partie de l’économie. L’État-Providence (welfare state) n’existait pas, ni les syndicats, ni les multinationales. L’idée directrice était « la main invisible » d’Adam Smith : si les individus poursuivent leurs intérêts propres et si les marchés remplissent les conditions de concurrence parfaite, alors la performance macroéconomique est la meilleure possible. L’intervention d’un gouvernement n’est ni souhaitable, ni nécessaire, aussi longtemps que les prix et les salaires s’adaptent aux conditions d’un marché concurrentiel. Un chômage involontaire n’est pas possible dans ces conditions. D’un point de vue politique, les classiques sont en faveur d’une interven-tion minimale des pouvoirs publics, car les marchés trouvent d’eux-mêmes un équilibre optimal. Une régulation du cycle économique est considérée dans le meilleur des cas comme inefficace, et plus généralement comme néfaste.

Face à la Grande Dépression de 1929-1933, marquée par une baisse de la production et un chômage de l’ordre de 30 % aux États-Unis et en Europe, la théorie classique subit une attaque intellectuelle frontale. L’économiste britannique John Maynard Keynes publie en 1936 La Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie, dans laquelle il offre une explication nouvelle à la crise et des moyens pour la contrecarrer. Si les prix et les salaires ne sont pas flexibles, alors les marchés s’éloignent de leur équilibre, potentiellement pen-dant plusieurs années. La solution proposée par Keynes est que le secteur public augmente ses achats ou réduise les impôts pour se substituer temporairement à la demande privée manquante, acceptant un déficit financé par l’endettement public. L’endettement encouru dans les années de crise pourra être remboursé pendant les années de bonne conjoncture.

1.2  Évolution vers une synthèse

La théorie keynésienne a dominé la macroéconomie jusqu’en 1970. Les macroécono-mistes pensaient disposer d’un savoir et des instruments d’action nécessaires pour sta-biliser le cycle économique et promouvoir la croissance, tout en contrôlant l’inflation. Mais deux événements ont miné cette confiance.

Tout d’abord, les gouvernements n’ont pas réussi à rembourser pendant les années floris-santes les emprunts encourus pendant les mauvaises années ; ainsi la dette publique n’a fait qu’augmenter de façon permanente, et souvent trop. Une bonne conjoncture semble rendre les gouvernements plus enclins à accroître davantage les dépenses publiques ; un resserrement budgétaire n’est pas populaire et donc coûteux en termes de voix lors des élections.

Le deuxième évènement marquant le point de départ du scepticisme croissant à l’encontre des analyses keynésiennes a été la stagflation qui a débuté avec le premier choc pétrolier en 1973. Ce dernier a entraîné une hausse simultanée des prix et du chômage, désarmant ainsi les gouvernements : pour combattre l’inflation, nous verrons au chapitre 7 qu’une réduction des dépenses publiques est en effet indiquée pour résorber l’excès de demande et revenir à l’équilibre, alors que pour réduire le chômage, il faut au contraire augmenter les dépenses publiques afin de stimuler l’activité économique et donc l’emploi.

À l’instar de la Grande Dépression qui a semé le doute sur la théorie classique, le suren-dettement et la stagflation ont fait de même avec la théorie keynésienne. Depuis lors, la théorie économique keynésienne a su se renouveler en apportant les fondements microé-conomiques qui lui manquaient à cette époque, tandis que la théorie classique a fourni de

Livre_macroecon.indb 4 24/07/12 16:02

© 2012 Pearson France – Macroéconomie, 2e éd. – Gérard Duchêne, Patrick Lenain, Alfred Steinherr

Page 5: Première approche de la macroéconomie - Pearson

Cha

pitr

e 1 

Prem

ière

 app

roch

e de

 la m

acro

écon

omie

5

nouveaux éléments de réflexion sur les anticipations des agents économiques, les cycles économiques et le chômage.

De nos jours, il est ainsi parfaitement possible de présenter une synthèse des approches classiques et keynésiennes : à moyen terme, en donnant aux marchés suffisamment de temps pour s’adapter, le raisonnement économique opère sur un terrain classique ; à court terme, prix et salaires sont peu flexibles, et la balle est dans le camp des (néo-)keynésiens.

2 Laperformancemacroéconomique:unpremierexemple

Afin d’avancer dans leur étude des différences de niveaux de vie, Laura affiche sur son portable le tableau 1.1, tiré d’un mémoire de licence qu’elle prépare à son université.

Le produit intérieur brut ou PIB (voir chapitre 2) mesure la production de l’ensemble de l’économie nationale en biens et services sur une période donnée (année, trimestres, etc.). Pour comparer les PIB de deux pays, on les convertit dans une monnaie commune (dollar ou euro), en utilisant le taux de conversion approprié (voir chapitre 9). Le PIB est aussi une bonne approximation du revenu national (un calcul plus exact du revenu national requiert quelques ajustements, comme nous le verrons au chapitre 2). Pour apprécier le niveau de vie moyen par habitant, on divise le PIB par la population : on obtient le PIB par tête, reproduit dans la première colonne du tableau 1.1 pour l’an-née 2010 dans différents pays. On voit qu’effectivement, la Suisse a un revenu par tête nettement plus élevé que la France ou l’Allemagne.

Tableau 1.1 – Le PIB/tête en 2010

PIB/T (1) PIB/L (2) PIB/H (3) H/L (4) L/T (5) Chômage (6) %

Allemagne 32,988 68,660 48,35 1420 0,48 6,0

France 30,654 74,158 47,92 1554 0,41 9,3

Italie 27,760 71,214 40,05 1778 0,36 7,8

Danemark 32,254 66,160 42,73 1559 0,49 7,6

Irlande 36,023 89,030 53,50 1664 0,40 14,4

Grèce 24,214 65,835 31,07 2119 0,37 16,4

Portugal 21,609 47,410 27,66 1714 0,40 18,1

Suisse 37,600 62,393 38,04 1640 0,60 3,8

États-Unis 42,119 93,065 52,34 1778 0,45 9,0

* Dollars US aux prix et parité de pouvoir d’achat constants.Source : OCDE, Paris.

Livre_macroecon.indb 5 24/07/12 16:02

© 2012 Pearson France – Macroéconomie, 2e éd. – Gérard Duchêne, Patrick Lenain, Alfred Steinherr

Page 6: Première approche de la macroéconomie - Pearson

Mac

roéc

onom

ie

6

Afin de pouvoir identifier les causes expliquant les différences de performances d’un pays à un autre, Laura a décomposé le PIB de la façon suivante :

PIB/T = ( PIB/H ) × ( H/L ) × ( L/A ) × ( A/T )

où T est la population (en milliers d’habitants), H le nombre d’heures travaillées par la population active pendant une année, L le nombre d’emplois, A la population en âge de travailler (voir chapitre 4).

Chaque quotient dans cette définition a une interprétation économique :

• PIB/H est une mesure de la productivité par heure travaillée. La productivité horaire du travail est une variable économique clé qui se définit comme le rapport entre la quantité produite et les moyens mis en œuvre pour l’obtenir en termes de travail. Elle mesure ainsi l’efficacité moyenne des travailleurs dans l’économie. Cette efficacité est elle-même déterminée par de nombreuses caractéristiques, telles que la structure de l’économie (production agricole, production industrielle moderne ou traditionnelle, qualité de services…), la richesse de son stock de capital et de son savoir-faire, et l’efficacité de son allocation des ressources. La productivité du travail peut aussi être mesurée par travailleur (PIB/L), mais il est préférable de la mesurer par heure pour refléter au mieux l’efficacité productive de l’économie étudiée.

Ainsi, nous pouvons constater que la productivité de la France est semblable à celle des États-Unis lorsqu’elle est mesurée par heure de travail (52,34 dollars aux États-Unis contre 47,92 dollars en France, d’après la colonne 3) alors que le calcul du PIB par per-sonne employée (colonne 2) nous indique que la productivité par tête est plus élevée aux États-Unis qu’en France (93 065 et 74 158 dollars respectivement). À première vue, cela suggère que la France pourrait voir son revenu s’accroître davantage si le nombre d’heures travaillées augmentait ; est-ce pour autant le cas ? Dans un rapport de 2007 intitulé Les leviers de la croissance française, le Conseil d’analyse économique explique qu’en réalité « ces deux observations ne sont pas indépendantes : pour partie, le niveau élevé de la productivité horaire du travail en France provient, d’une part, de l’exclusion des individus les moins productifs de l’accès à l’emploi et, d’autre part, de la concentra-tion de l’activité productive sur un petit nombre d’heures par semaine ». Le rapport en conclut que cette productivité est donc en partie artificielle et que « si la France mobili-sait mieux ses ressources en travail elle ne pourrait probablement pas augmenter à due concurrence son revenu par tête. Une partie se traduirait par une baisse de la producti-vité telle qu’elle est usuellement mesurée. »

• Le rapport H/L est le nombre d’heures travaillées par an et par travailleur, en moyenne. C’est une mesure de l’effort fourni par travailleur qui reflète à la fois le choix individuel entre revenu et loisirs et les conventions collectives. Nous verrons au chapitre 4 que le choix de disposer de plus de temps pour les loisirs plutôt que de gagner plus pour un pouvoir d’achat supérieur est un choix parfaitement rationnel de l’individu. En effet, la décision individuelle consistera à comparer l’effort marginal associé au travail et le revenu marginal net d’impôts qui en résulte ; si le revenu engen-dré par l’heure supplémentaire de travail est fortement taxé, il semble rationnel de choisir de ne pas travailler plus. Cet arbitrage individuel entre travail et loisir ne peut bien évidemment que s’effectuer en-deçà de la durée maximale de travail imposée par le gouvernement ; 35 heures par semaine en France jusqu’en 2008.

Livre_macroecon.indb 6 24/07/12 16:02

© 2012 Pearson France – Macroéconomie, 2e éd. – Gérard Duchêne, Patrick Lenain, Alfred Steinherr

Page 7: Première approche de la macroéconomie - Pearson

Cha

pitr

e 1 

Prem

ière

 app

roch

e de

 la m

acro

écon

omie

7

Dans la colonne (4) du tableau 1.1, on voit qu’en moyenne les Américains travaillent plus que les Européens, et les Suisses plus que leurs confrères des pays du nord de l’Union européenne. Dans les pays du sud de l’Union européenne, les heures prestées sont net-tement supérieures. Bien évidemment, les statistiques mesurent le temps passé au travail et non l’effort.

• L/A est le taux d’emploi, c’est-à-dire le nombre de personnes ayant un emploi dans la population en âge de travailler (entre 15 et 64 ans, selon la convention interna-tionale). Cette variable est le résultat de normes sociales, de choix politiques et de la conjoncture économique. Le choix de référence d’une population entre 15 et 64 ans reflète l’entrée dans un emploi après les années de scolarité légales et l’âge traditionnel de départ en retraite en Europe. Dans la plupart des pays, un nombre croissant de jeunes poursuivent plus longtemps leurs études et entrent plus tard dans le monde du travail. Malgré une longévité supérieure (grâce aux progrès économiques et de la médecine), dans beaucoup de pays, l’âge obligatoire de la retraite reste fixé à 65 ans pour les hommes, et à 60 ans pour les femmes. En France, l’âge de départ obligatoire est de 70 ans depuis peu. La variable L/A mesure donc le degré de mobilisation sur le marché du travail d’une population potentiellement active.

• Enfin, A/T est un indicateur démographique, reflétant la structure par âge de la population totale. Ce pourcentage ne varie pas énormément, car tous les pays riches ont une population vieillissante à faible natalité.

La colonne (5) montre le résultat combiné L/T, donc le rapport emploi/population. La Suisse a le rapport le plus élevé et les pays du Sud, les rapports les plus bas. En plus de la structure d’âge, des taux de participation et de la longueur de la vie active, c’est le chô-mage qui occupe une place importante. La colonne (6) montre effectivement une forte corrélation inverse avec la colonne (5).

« On voit dans la colonne 3 que la productivité horaire du travail des Suisses est infé-rieure à celle des Français, précise Laura. La supériorité de leurs revenus ne s’explique donc pas par une meilleure structure, une technologie plus avancée ou un plus grand stock de capital. Tu n’avais pas tort : si le revenu par tête est plus élevé en Suisse qu’en France, c’est parce qu’en Suisse, on travaille plus qu’en France. Le nombre d’heures fournies par an et par travailleur en Suisse est nettement supérieur, les Américains tra-vaillant encore davantage (voir colonne 4), car la durée hebdomadaire du travail y est plus importante et les vacances moins longues. De plus, en Suisse et aux États-Unis, une plus grande partie de la population a un emploi (voir colonne 5). »

« Mais alors, si le niveau de vie est plus élevé simplement parce qu’on passe plus de temps au travail, je trouve qu’on est mieux en France », remarque Julien. « Pas si vite, la colonne 5 doit être interprétée avec soin, rétorque Laura. Rappelle-toi, le taux d’em-ploi nettement supérieur en Suisse et aux États-Unis veut dire qu’un pourcentage plus important de la population a actuellement un travail, soit parce qu’il est plus facile pour les femmes ou les jeunes de trouver un emploi, soit parce que les personnes âgées souhaitent continuer à exercer une activité. La plupart des gens associent une valeur positive au fait d’avoir un emploi, indépendamment du revenu. Or, le chômage est inférieur en Suisse, tout comme en Allemagne (voir colonne 6), et l’âge effectif moyen de départ en retraite y est supérieur. Aux États-Unis, il n’y a pas d’âge obligatoire de départ en retraite (et la discrimination par l’âge y est même illégale). En Suisse, l’âge

Livre_macroecon.indb 7 24/07/12 16:02

© 2012 Pearson France – Macroéconomie, 2e éd. – Gérard Duchêne, Patrick Lenain, Alfred Steinherr

Page 8: Première approche de la macroéconomie - Pearson

Mac

roéc

onom

ie

8

effectif de la retraite est plus proche de l’âge légal de la retraite, tandis qu’en France, l’âge effectif de la retraite est bien inférieur. Le taux de participation féminine est parti-culièrement élevé en Suède (72 %) et aux États-Unis, assez faible dans les pays méditerra-néens (52 % en Italie), et à un niveau intermédiaire en France (63 %). La différence entre les PIB par tête s’explique donc principalement par l’organisation de la vie économique, elle-même conditionnée par les traditions et les choix sociaux. »

3 Laperformancemacroéconomique:unsecondexemple

« Il est remarquable qu’une économiste comme toi explique la richesse des nations par des choix sociaux. Tu aurais mieux fait de faire du droit, de la sociologie ou des sciences politiques ! » se moque Julien. « Pas du tout, réplique Laura, le but de la théorie macroé-conomique est de comprendre comment des choix concernant les institutions d’un pays, c’est-à-dire le cadre légal, les choix sociaux concernant les conditions d’accès aux marchés et de sortie des marchés (ouvrir une entreprise ou la fermer), les garanties données aux acteurs économiques, l’organisation des marchés de biens, du travail et du capital inte-ragissent et produisent des performances économiques, telles que le PIB, mais aussi la distribution des revenus, le chômage et l’inflation. Et pour cela, le droit ne m’aidera pas beaucoup, à moins que par ‘le droit’, tu entendes l’ensemble des institutions, des règles du jeu économique… » « Non, je dois avouer qu’en tant que spécialiste en finance, je suis un peu perdu dans tes raisonnements. N’as-tu pas tendance à surévaluer la complexité du problème et le rôle du macroéconomiste ? Regarde mon père, il a travaillé avec des entreprises allemandes et m’a toujours dit que la supériorité de la performance macro-économique allemande était due à leur politique de stabilité : stabilité des prix, taux de change fort et croissance forte ». « Tu devrais dire à ton père qu’il retarde un peu : regarde le tableau 1.1, le PIB par tête en 2010 est presque le même en France et en Allemagne », rétorque Laura. « Évidemment, répond Julien, c’est justement grâce à l’euro que nous avons maintenant les mêmes conditions de stabilité des prix et en plus, les Allemands ont dû faire face à l’unification et la reconstruction de l’Allemagne de l’Est ».

« Tu crois vraiment que la France a rattrapé l’Allemagne grâce à l’euro, demande Laura ? Alors, regarde le tableau 1.2, qui montre les taux de croissance du PIB et les taux d’infla-tion en moyenne par décennie. »

« Tu vois, depuis 1970, l’Allemagne et la Suisse ont eu des taux d’inflation inférieurs à ceux de la France ou de l’Italie. Ces derniers ont, en revanche, connu une meilleure croissance du PIB pour chaque décennie, sauf pendant les années 1990, où l’unification allemande a stimulé la croissance et s’est accompagnée d’une montée de l’inflation. La stabilité des prix est donc sans doute souhaitable en tant que telle, notamment parce qu’elle facilite les transactions inter-temporelles (voir chapitre 5), mais elle n’est pas une condition suffisante pour garantir une meilleure performance de croissance des revenus. Il existe même une relation empirique, disons une corrélation statistique, qu’on appelle

Livre_macroecon.indb 8 24/07/12 16:02

© 2012 Pearson France – Macroéconomie, 2e éd. – Gérard Duchêne, Patrick Lenain, Alfred Steinherr

Page 9: Première approche de la macroéconomie - Pearson

Cha

pitr

e 1 

Prem

ière

 app

roch

e de

 la m

acro

écon

omie

9

la courbe de Phillips (voir chapitres 4 et 8), selon laquelle, sous certaines conditions et pendant un temps limité, accepter un surcroît d’inflation facilite la réduction du chô-mage et favorise donc la croissance. »

Tableau 1.2 – Croissance et inflation (en pourcentage, moyennes annuelles par période ; croissance en haut, inflation en bas en italique)

1970-1979 1980-1989 1990-1999 2000-2007 2008-2011

Allemagne 3,2 1,9 2,8 1,2 0,6

5,1 3,6 2,4 1,8 1,8

France 4,3 2,6 2,1 1,8 0,0

9,6 6,3 1,7 1,1 1,8

Italie 4,5 2,6 1,7 1,1 –1,1

13,8 9,6 3,8 2,3 2,1

Danemark 2,5 2,2 2,9 1,7 –1,0

9,8 5,9 2,1 1,9 2,5

Irlande 5,8 4,2 9,7 6,3 –2,5

7,7 2,5 3,8 0,3

Espagne 4,2 3,3 3,2 2,6 –0,6

15,2 9,3 3,8 3,2 2,2

Luxembourg 2,9 6,2 6,3 3,3 0,6

6,6 4,4 2,2 2,3 2,6

Suisse 1,3 2,4 1,1 1,6 1,2

5,0 3,4 1,9 0,9 0,8

États-Unis 3,7 3,7 3,8 2,6 0,1

7,8 4,7 2,8 2,7 2,0

Note : le PIB est calculé en dollars US à prix et parité de pouvoir d’achat (PPA) constants ; les taux d’inflation sont mesurés en moyenne annuelle (indice des prix à la consommation).Source : OCDE, Paris

Depuis 2000, l’inflation a diminué dans tous les pays du tableau 1.2, car la stabilité des prix est devenue une priorité de la politique économique (voir chapitre 8). Et il est vrai que la mondialisation a aidé à cette stabilisation, en offrant durablement des produits à bas prix. À l’intérieur de la zone euro, seuls les pays en cours de rattrapage, comme l’Ir-lande et l’Espagne, ont eu des taux d’inflation supérieurs. Il convient aussi de noter que les petits pays ont en général une performance économique – une croissance – supérieure à celle des grands pays. En tête du tableau 1.2 on trouve le Luxembourg, qui a connu une forte croissance depuis 1980 tout en gardant une relative stabilité des prix. L’Irlande, l’un des pays les plus pauvres de l’Union européenne dans les années 1970, est devenu un des plus prospères d’Europe, grâce à une croissance de rattrapage (voir chapitre 3). Les pays en retard ont donc une plus grande facilité de croître rapidement que les pays déjà riches tels que la Suisse ou le Danemark.

Livre_macroecon.indb 9 24/07/12 16:02

© 2012 Pearson France – Macroéconomie, 2e éd. – Gérard Duchêne, Patrick Lenain, Alfred Steinherr

Page 10: Première approche de la macroéconomie - Pearson

Mac

roéc

onom

ie

10

Depuis 2008, le monde connaît une crise financière virulente qui s’est prolongée en Europe par une crise de surendettement. Pour cette raison, nous montrons les moyennes pour les sept ans de la décennie 2000-2010 avant la crise et séparément les moyennes pour les années de crise. La dernière colonne du tableau 1.2 révèle que les pays avec des finances publiques solides, comme l’Allemagne, la France, le Luxembourg et la Suisse ont souffert le moins.

4 L’évolutionmacroéconomiqueenFrance

Julien est un peu déçu par la performance française présentée au tableau 1.2 ; il s’atten-dait à mieux, et c’est encore pire pour l’Allemagne. Mais Laura est plus réaliste : « Les poussées fortes de croissance ne durent pas éternellement. Elles sont caractéristiques des périodes de reconstruction ou de démarrage, ou dans les pays avancés, liées à de grandes découvertes technologiques, comme l’électricité, l’automobile ou l’informa-tique. Prends du recul, regarde la figure 1.1, qui démarre en 1950. »

En 1950, le PIB français était proche de son niveau de 1913. Il a depuis été multiplié par dix. Ces soixante dernières années ont donc été exceptionnelles en France, comme ailleurs : jamais dans l’histoire du monde le bien-être matériel n’a autant augmenté, jamais le rythme de croissance n’a été aussi fulgurant.

Figure 1.1

Croissance du PIB réel en France de 1950 à 2007.

Source : Insee.

1950 1954 1958 1962 1966 1970 1974 1978 1982 1986 1990 1994 1998 2002 2006

En %

PIB

(ta

ux

de

cro

issa

nce

en

vo

lum

e)

-2

0

2

4

6

8

10

Contribution des branches industrie et construction

Contribution des services principalement marchands

Ici comme souvent, la croissance est forte après les destructions consécutives à une guerre. Le savoir-faire existe, les usines sont à reconstruire et les gens sont désespé-rément à la recherche d’un travail. Jusqu’en 1973, des taux de croissance de 4 % à 8 % par an étaient la norme en France et dans le reste de l’Europe. Que s’est-il passé cette année-là ? D’une part, la reconstruction et l’adaptation à une compétition plus intense sur le marché commun européen ont été achevées. D’autre part, 1973 a été l’année du

Livre_macroecon.indb 10 24/07/12 16:02

© 2012 Pearson France – Macroéconomie, 2e éd. – Gérard Duchêne, Patrick Lenain, Alfred Steinherr

Page 11: Première approche de la macroéconomie - Pearson

Cha

pitr

e 1 

Prem

ière

 app

roch

e de

 la m

acro

écon

omie

11

premier choc pétrolier (l’effet macroéconomique de tels chocs seront évoqués aux cha-pitres 4 et 6).

Le second choc pétrolier, qui eut lieu en 1979, conduit à la décision de mener une poli-tique macroéconomique expansionniste pendant les premières années du gouverne-ment Mitterrand. Mais cette politique, qui a consisté en une stimulation de la demande par une politique de soutien aux revenus, entrait alors en dissonance avec les politiques macroéconomiques menées dans le reste de l’Europe et qui allaient en sens contraire ; la politique économique française s’est ainsi soldée par un échec.

Au début des années 1990, l’Europe et les États-Unis ont connu une nouvelle récession, et on n’a jamais retrouvé en Europe les taux de croissance des années 1960. Donc, dans l’en-semble, si on la compare aux Trente Glorieuses, la croissance depuis 1973 a été modeste, et c’est une situation typique pour des économies avancées proches du plein emploi. »

« Je suis sûr que ce progrès matériel, qui a permis une augmentation du revenu des Français plus importante en soixante ans que celle des millénaires précédents, n’au-rait pas été possible sans des bouleversements structurels et de mode de vie », rétorque Julien. « Bien sûr ; pour illustrer cela, je peux te montrer sur la figure 1.2 l’évolution de l’emploi par secteur. La structure productive est en général regroupée en trois grands secteurs : l’agriculture (secteur primaire), l’industrie (secteur secondaire) et les services (secteur tertiaire). L’industrie elle-même se compose de l’industrie manufacturière, et inclut aussi l’énergie, la distribution de l’eau, les mines, etc. Les services sont classés en services marchands (hôtellerie-restauration, banques, assurances, etc.) et non mar-chands (services publics tels que l’éducation, la santé, la police, etc.). »

Figure 1.2

Les changements structurels en France (1949-2007).

Source : Insee.

00

03

05

08

10

13

1949 1953 1957 1961 1965 1969 1973 1977 1981 1985 1989 1993 1997 2001 2005

Servicesprincipalement non

marchands

Servicesprincipalement

marchands

Industrie

Agriculture

Construction

Eff

ecti

fs d

es b

ran

ches

En millions depersonnes

En 1949, l’emploi en France comptait au total presque 20 millions de personnes, dont plus de 6 millions dans l’agriculture et la même chose dans l’industrie (y compris la construction) ; le reste, soit 7 millions et demi, était dans les services. Depuis, la popula-tion active employée est passée à plus de 25 millions, dont 1 million dans l’agriculture, et un peu plus de 5 millions dans l’industrie, et donc 19 millions dans les services. Si l’on raisonne en parts, l’emploi dans les services est passé de 37,5 % à 75 % de l’emploi total entre 1949 et 2007, sa part a doublé.

Livre_macroecon.indb 11 24/07/12 16:02

© 2012 Pearson France – Macroéconomie, 2e éd. – Gérard Duchêne, Patrick Lenain, Alfred Steinherr

Page 12: Première approche de la macroéconomie - Pearson

Mac

roéc

onom

ie

12

Cette tendance à la tertiarisation de l’activité est amenée à se poursuivre à l’avenir. En Angleterre, ancien berceau de l’industrie, ainsi qu’aux États-Unis et en France, le poids du secteur secondaire est déjà bien inférieur à ce qu’il est au Japon ou en Allemagne.

5 Lesgrandschangementsdansl’économiemondiale

« Que pourrais-tu me dire au sujet des autres régions du monde, où certains pays sortent si rapidement de leur pauvreté qu’on peut à la fois se réjouir pour eux mais en même temps s’inquiéter de transformations mondiales tellement importantes. As-tu des don-nées là-dessus ? » demande Julien. Laura cherche dans son portable la base de données qu’elle a compilée pour son mémoire et trouve une comparaison des productions des divers pays du monde au cours des trente dernières années et même une prospective pour les années futures (voir figure 1.3). Parmi les pays en développement, il existe deux groupes : ceux qui ont réussi à faire décoller leur activité économique, que l’on nomme pays émergents, et ceux qui n’ont pas encore réussi à le faire, les pays les moins avancés.

Figure 1.3

Évolution du poids des régions choisies dans la production mondiale de 1980 à 2013 (PIB réel sur la base de la parité du pouvoir d’achat).

Source : FMI.

0

5

10

15

20

25

30

35

po

urc

enta

ge

01980 1985 1990 1995 2000 2005

Union européenneChine

Afrique

2010

5

10

15

20

25

30

35

po

urc

enta

ge

années

Amérique du Nord

Asie de l'Est

En 1980, l’Amérique du Nord (Canada et États-Unis) et l’Union européenne (des 27 pays membres actuels) comptaient chacune pour 25 % et 30 % respectivement de la produc-tion mondiale, l’Asie orientale (Taïwan, Corée, Japon) pour moins de 10 % et l’Afrique pour moins de 2 %. Le poids de l’Afrique n’a pas changé significativement. En revanche, l’Asie orientale plus la Chine représentent en 2011 plus de 28 % de la production mon-diale. La Chine compte à elle seule pour 17 % et l’Asie tout entière pour 40 %. D’après les prévisions du FMI, le poids de l’Asie orientale dépasserait en 2013 celui de l’Amérique du Nord. Le déclin de l’Union européenne est particulièrement prononcé, de 30 % de la production mondiale en 1980 à moins de 20 % en 2013.

Livre_macroecon.indb 12 24/07/12 16:02

© 2012 Pearson France – Macroéconomie, 2e éd. – Gérard Duchêne, Patrick Lenain, Alfred Steinherr

Page 13: Première approche de la macroéconomie - Pearson

Cha

pitr

e 1 

Prem

ière

 app

roch

e de

 la m

acro

écon

omie

13

Notons que sur la scène politique, des pays comme la Russie et l’Inde, ou la région du Moyen-Orient sont considérés à juste titre comme des puissances importantes au plan mondial. Pourtant, ils ne représentent respectivement que 3,0 %, 6,4 %, et 4,0 % de la production mondiale en 2011. Il y a donc une grande différence entre importance économique et importance politique, car cette dernière se trouve conditionnée par des variables spécifiques, telles que la richesse en matières premières ou en hommes, mais aussi par l’histoire.

À ce point, Julien commence à accepter l’utilité d’un petit investissement dans un cours structuré en théorie macroéconomique.

RésuméLa structure et la performance de l’économie française ont profondément changé au fil des dernières décennies. Les services sont aujourd’hui plus importants pour l’em-ploi que l’agriculture et l’industrie. La France a dû faire face aux défis de l’intégration européenne et de la mondialisation. Elle a réussi à se moderniser, à augmenter son stock de capital et son savoir technologique. Chaque génération dispose d’un revenu et d’un temps de loisirs plus élevés que ceux de la génération précédente. Par rapport à ses voi-sins européens, la performance économique française a été légèrement supérieure à la moyenne. Des petits pays comme la Suisse, ou des pays en retard comme l’Irlande, ont notamment connu de meilleures performances macroéconomiques. En dehors de l’Europe, la forte croissance de la Chine depuis 1978 et celle de l’Inde depuis quinze ans, ainsi que la dynamique soutenue des États-Unis jusqu’en 2007 sont remarquables.

BibliographieAGHION, P., CETTE, G., COHEN, E. et PISANI-FERRY, J., « Les leviers de la croissance française », Rapport du Conseil d’analyse économique, Éditions La Documentation fran-çaise, Paris, 2007.

SourcesstatistiquesIl existe différentes organisations internationales qui compilent (collectent) des données qui sont la plupart du temps cohérentes entre elles. L’Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE) à Paris propose des statistiques sur les pays membres qui représentent 70 % de la production mondiale. Le Fonds monétaire inter-national (FMI) et la Banque mondiale fournissent des bases de données très riches pour tous les pays du monde. En ce qui concerne l’Union européenne, les données sont com-pilées par Eurostat sur la base des travaux des offices statistiques des États membres. On y retrouve donc à la fois les données pour toute l’Union et pour chaque pays membre. En plus, chaque pays publie ses propres statistiques, à l’instar de l’Insee (Institut national de la statistique et des études économiques) en France, dont le « portail » Internet est

Livre_macroecon.indb 13 24/07/12 16:02

© 2012 Pearson France – Macroéconomie, 2e éd. – Gérard Duchêne, Patrick Lenain, Alfred Steinherr

Page 14: Première approche de la macroéconomie - Pearson

14

fortement recommandé. Les banques centrales de tous les pays (y compris la Banque de France et la Banque centrale européenne) construisent également des statistiques macroéconomiques.

ExercicesCe chapitre a pour objectif de présenter le monde de la macroéconomie et de vous fami-liariser avec les sources et concepts statistiques, avant de développer la théorie. Ces questions ont donc pour but principal de vous faire acquérir les méthodes de recherche des données statistiques dans les sources indiquées. Il n’y a donc pas de solutions.

1. Collectez les données présentées aux tableaux 1.1 et 1.2 et faites vous-même les calculs.

2. Complétez les tableaux 1.1 et 1.2 avec les données pour le Royaume-Uni.

3. Si, comme suggéré au cours du chapitre, le surendettement peut causer une crise grave, pourquoi est-il si fréquent ? Par quelles décisions politiques pourrait-on l’éviter ?

4. Collectez les données pour la consommation privée des pays du tableau 1.1 et cal-culez le quotient consommation/PIB.

Livre_macroecon.indb 14 24/07/12 16:02

© 2012 Pearson France – Macroéconomie, 2e éd. – Gérard Duchêne, Patrick Lenain, Alfred Steinherr