Polycopié eau potable hepia - 2012.02

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Construction et environnement Filière génie civil UE : Hydraulique 2 (HYD) HYDRAULIQUE URBAINE APPROVISIONNEMENT EN EAU DE BOISSON Roland Cottier Chargé de cours Ingénieur diplômé EPFL 2020-2021

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Construction et environnement Filière génie civil UE : Hydraulique 2 (HYD)

HYDRAULIQUE URBAINE

APPROVISIONNEMENT EN EAU DE BOISSON

Roland Cottier Chargé de cours

Ingénieur diplômé EPFL

2020-2021

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Approvisionnement en eau de boisson / R. Cottier

1. RESSOURCES ET BESOINS EN EAU DANS LE MONDE

1.1 Ressources en eau

La distribution de l’eau sur la terre est estimée selon les données indiquées dans le tableau ci-dessous. Ainsi, du stock d’eau total d’environ 1,4 milliard de km3, l’eau douce ne représente que 2.6 % de toute l’eau existant sur notre planète.

[km3] [%]

Océans 1'348'000’000 97.39

Glaces polaires, glaces flottantes, glaciers 27'820’000 2.01

Eaux souterraines, humidité du sol 8'062’000 0.58

Lacs et rivières 225’000 0.02

Atmosphère 13’000 0.001

Total 1'384'120’000 100.00

Dont eau douce 36'020’000 2.60

Distribution de l’eau sur la terre (D’après Balance mondiale de la circulation des eaux, A : Baumgartner, E. Reichel)

Seule une faible fraction de l’eau douce disponible est réellement accessible. En effet, de la quantité totale d’eau douce, les trois quarts se retrouvent sous forme solidifiée dans les régions polaires et près de 25 % en réserve souterraine, pour la plupart à plus de 800 m de profondeur.

1.2 Consommation en eau

Au plan individuel, l’homme doit disposer d’une quantité minimum de 3 à 5 litres d’eau par jour pour survivre.

Mais en tenant compte des conditions normales de vie, d’activité et de confort, les besoins domestiques totaux varient de 20 à 500 litres par habitant et par jour lorsque l’on passe d’un pays en voie de développement à un pays industrialisé.

A cela il faut ajouter les besoins pour la production agricole, pour l’élevage, pour les industries et pour les services. A titre d’exemple, il faut 1'500 litres pour produire un kg de blé, 4'500 litres pour 1 kg de coton, 25 litres pour 1 litre de bière, etc. En définitive, on peut estimer la demande d’eau, toutes utilisations confondues et en moyenne mondiale, entre 250 et 300 m3 par habitant et par an, tout en sachant qu’il existe une énorme disparité de consommation entre les différentes régions du monde.

L’estimation des besoins globaux en eau dans le monde sont reportés dans la figure ci-après. En comparant ces besoins aux ressources disponibles, on pourrait se sentir parfaitement à l’aise. Ceci est vrai à première vue dans l’immédiat et globalement au niveau de la planète, mais ne le sera plus dans le futur si les tendances et les prévisions se confirment (voir ci-dessus). La marge excédentaire entre les ressources et les besoins, aujourd’hui globalement très large, ne peut que s’amenuiser au fil des années.

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Evolution de l’utilisation globale de l’eau dans le monde Source : Igor Shiklomanov, UNESCO, 1999

Cette figure fait ressortir la part relativement faible des besoins en eau de boisson ou besoins domestiques par rapport aux besoins totaux et en particulier à ceux pour l’agriculture. C’est dans ce dernier secteur que la croissance sera la plus forte avec la mise en valeur de nouvelles terres agricoles et l’extension des surfaces irriguées. On relève également l’importance des pertes (différence entre le prélèvement et la consommation).

Selon l’OMS, en 2002 :

- 1.1 milliards de personnes (dont 2/3 en Asie) n’avaient pas accès à des sources d’eau dequalité (eau courante à domicile ou robinet extérieur dans le cadre du réseaud’approvisionnement public, sources et puits protégés, bornes publiques, collecte des eauxde pluie) soit 17% de la population mondiale ;

- 2.6 milliards (42% de la population mondiale) n’avaient pas d’accès à des installationssanitaires de base.

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2. RESSOURCES ET BESOINS EN EAU EN SUISSE

2.1 Ressources en eau

Considérée comme le château d’eau de l’Europe, la Suisse dispose de ressources importantes en eau douce. Elle se trouve dans une situation confortable en ce qui concerne les réserves en eau grâce à une pluviosité importante avec des quantités annuelles variant entre 550 et 1800 mm et d’importantes réserves sous forme de lacs et de glaciers.

Ressource Volume [km3]

Hauteur d’eau [mm]

Part [%]

Part de la pluviométrie annuelle [%]

Eaux souterraines

50 1’210 22 83

Glaciers 45 1’090 19 75Lacs naturels 132 3’210 57 220 Lacs artificiels 4 100 2 7 Total 231 5’610 100 385

Réserves en eau en Suisse (Source : Wasserversorgung 2025 – Vorprojekt – Eawag 2009)

La quantité totale d’eau disponible en Suisse (231'000 millions de m3) correspond à une couche de 5.61 m répartie uniformément sur l’ensemble du pays.

2.2 Consommation en eau

En Suisse, la consommation totale annuelle d’eau (tous usages) est estimée comme suit: Eau pour usage domestique et industriel : 1'700 mios m3/an ( 41 mm/an) Eau pour l’irrigation : 200 mios m3/an ( 5 mm/an) Eau de refroidissement centrales thermiques : 1'300 mios m3/an ( 31 mm/an)

Consommation totale moyenne : 3'200 mios m3/an ( 77 mm/an)

2.2.1 Production d’eau

En 2000, la production d’eau potable a atteint 1,06 milliard de mètres cubes d’eau

L’eau potable provient des aquifères (40%), des sources (40%) et des lacs (20%).

La production d'eau potable représente à peine 2 % des précipitations annuelles

Production en eau (Source SSIGE)

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2.2.2 Consommation d’eau moyenne

La consommation d’eau évolue à la baisse depuis le début des années quatre-vingts. En 2000, elle était près de 100 litres/j, hab. de moins qu’en 1981. C’est dans le secteur industriel que la diminution a été la plus importante (introduction de nouveaux procédés de production, restructurations du secteur industriel). Source : SSIGE

2.2.3 Consommation – répartition par type de consommateur

Environ 64% de l’eau potable produite est consommée par les ménages et le petit artisanat. Les pertes moyennes sont estimées à environ 11 % de la quantité totale. Source : SSIGE

2.2.4 Consommation d’eau des ménages

Les mesures de la consommation d’eau par les ménages indiquent la répartition suivante.

Source : SSIGE

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2.2.5 Qualité et origine de l’eau potable

L'eau brute est souvent de bonne qualité : - 38 % ne nécessite pas de

traitement ;- 33 % traverse une seule

phase de traitement(désinfection) ;

- 29 % nécessite plusieursphases de traitementpour devenir potable. Ils'agit principalement deseaux de surface.

Source : SSIGE

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3. LE SYSTEME D’APPROVISIONNEMENT EN EAU DE BOISSON

Un système d’approvisionnement en eau de boisson comprend un certain nombre de composants qui vont des ouvrages de captage aux ouvrages de distribution en passant par ceux de traitement, de stockage, de pompage et d’adduction. La figure de la page suivante montre de manière schématique ces différents composants et leurs positions relatives dans le système général.

Lorsque le consommateur actionne son robinet, il agit sur l’ensemble de ces installations. A l’ouverture du robinet, il y a un appel dans le réseau. Celui-ci se vide et fait donc appel à la réserve stockée. Le niveau de la réserve baissant, les installations en amont (conduites d’adduction, station de pompage, installation de traitement, installation de captage etc.) sont sollicitées pour le remplir à nouveau.

La nuit, la diminution de la demande peut être mise à profit pour accumuler des réserves pour la période de pointe suivante.

On distingue donc principalement les composants suivants (voir figure, page suivante) :

les captages (sources, puits, prises d’eau lacustres, etc.) ;

la station de traitement (filtration, désinfection, etc.) ;

les stations de pompage ;

les conduites d’adduction (par gravité, par refoulement) ;

les réservoirs ;

le réseau de distribution (des réservoirs jusqu'aux consommateurs), ramifié ou maillé;

les systèmes de régulation (vannes), de télémesure et de télécommande ;

On est donc en présence d’un système complexe, qui demande à celui qui le gère, des connaissances variées en hydrogéologie, hydraulique, génie civil, mécanique, électricité, chimie, etc.

Les éléments d’un système d’approvisionnement en eau de boisson travaillent à des régimes différents : un captage ou une station de traitement fonctionnera de préférence en régime constant 24 heures sur 24, une station de pompage fonctionnera de préférence la nuit pour profiter des tarifs électriques préférentiels alors que le réseau de distribution devra permettre d’acheminer les débits de pointe de consommation, voire les conditions exceptionnelles d’incendie.

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Les composants d’un système d’approvisionnement en eau de boisson

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4. LES BESOINS EN EAU DE BOISSON

4.1 Niveaux de service

L’eau de boisson est une denrée alimentaire indispensable. Elle joue en outre un rôle central dans divers domaines de notre vie quotidienne.

Le distributeur d’eau est en général (en Suisse) un service public ; sa mission peut être résumée ainsi :

« assurer partout et en permanence la distribution avec une pression et en quantité suffisantes d’une eau satisfaisant aux exigences de qualité requises par la loi sur les denrées alimentaires ».

On définit ainsi les 5 niveaux de service suivants d’un système d’approvisionnement en eau de boisson :

quantité qualité pression fiabilité accessibilité.

Le système doit être conçu pour garantir les niveaux de service prescrits. Des mesures de sécurité doivent être prévues, en particulier pour garantir l’approvisionnement en cas de pannes (rupture de conduite, panne de pompe, panne d’électricité, etc.) ou lors des travaux d’entretien. Les niveaux de service doivent être adaptés aux normes et aux usages en vigueur dans le pays concerné; ils doivent également être acceptables aux points de vue socio-économique et technique du pays. Pour cette raison, les niveaux de service dans la majorité des pays en voie de développement ne peuvent être les mêmes que ceux adoptés dans les pays industrialisés.

4.2 Besoins en eau - Quantité

4.2.1 Estimation des besoins en eau

Pour le dimensionnement d’une installation d’approvisionnement en eau de boisson, il est nécessaire de déterminer les besoins en eau. La méthodologie pour évaluer les besoins comprend en premier lieu une analyse des situations passée et actuelle. Cette analyse est fondamentale, car il faut connaître la valeur actuelle et l’évolution récente des différents paramètres significatifs pour prévoir l’évolution future de ceux-ci.

L’analyse portera sur les points suivants :

1. Valeurs de consommation- consommation totale facturée- consommation totale élevée (peut être différente de la consommation facturée)- consommation par catégories d’abonnés- consommation des gros consommateurs- répartition géographique des consommateurs

2. Valeurs de production- production annuelle, mensuelle, journalière- données sur la modulation des débits envoyés en tête des réservoirs

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3. Chiffres concernant- la population (nombre d’habitants)- les logements (nombre, standing)- l’activité économique (nombre d’emplois, superficie des zones industrielles, etc...)- l’activité touristique (nombre de lits, places de camping, etc...)- l’activité agricole des communes rurales (importance du cheptel et fraction de

celui-ci alimentée en eau à partir du réseau de distribution, besoins pour l’irrigation,....). Dans les régions à dominance agricole, la consommation du bétail peut jouerun rôle important (100 l/j par UGB –Unité Gros Bétail).

Ces données seront analysées pour définir les consommations domestiques par habitant, les consommations industrielles, les coefficients de pointe saisonniers, journaliers et horaires ainsi que les courbes de consommation journalière.

En deuxième phase, on s’attachera à cerner les évolutions immédiates et futures. - à court terme : il s’agit des logements, des équipements industriels, des demandes

de permis de construire, etc.- à long terme : il s’agit d’une projection de population, de plans d’urbanisme, de

projections concernant les activités industrielles, touristiques et agricoles...

On formulera enfin des hypothèses aussi réalistes que possible sur les paramètres caractéristiques de la consommation d’eau, et en particulier :

- la consommation domestique par habitant- les consommations industrielles ramenées à l’emploi ou à l’hectare.

4.2.2 Variations de la consommation

La consommation en eau de boisson n’est pas constante. Elle peut présenter d’importantes variations au cours du temps. On distingue principalement 3 types de variations :

- les variations annuelles- les variations hebdomadaires- les variations journalières

Variations annuelles : La consommation en eau de boisson dépend des conditions climatiques. Ces variations sont surtout sensibles dans les régions touristiques ou lorsque la proportion d’eau utilisée pour l’arrosage / l’irrigation est particulièrement importante. Pour tenir compte de ces multiples variations, il y a lieu d’appliquer au débit journalier moyen un coefficient de majoration pour obtenir la valeur de débit de pointe du jour le plus chargé de l’année, à déterminer au cas par cas.

Variations hebdomadaires : Au cours d’une semaine, la consommation journalière varie en fonction des activités de la population. En principe, la consommation est supérieure les jours ouvrables, la consommation de l’industrie et de l’artisanat étant nettement plus faible le week-end. Les régions touristiques sont également sujettes à d’importantes variations hebdomadaires.

Le coefficient de pointe journalier est définit comme :

è

Le plus souvent, le coefficient de pointe journalier est compris entre 1.3 et 1.8. Toutefois, il peut dans certains cas être nettement plus élevé.

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Variations journalières : On constate des variations importantes de la consommation au cours de la journée, avec en général deux pointes, le matin entre 07h00 et 09h00 puis le soir après 18h00. En principe, la consommation minimale à lieu pendant la nuit, entre 02h00 et 04h00.

A partir d’un enregistrement continu de la consommation au cours de 24 heures, on peut déterminer la modulation de la demande au cours de la journée. En général, on représente cette modulation en fonction de la consommation moyenne (voir figures ci-après).

L’amplitude de ces variations dépend des habitudes des consommateurs. En principe, plus la population est importante, moins les variations sont importantes. Pour les besoins du dimensionnement, des courbes de variations horaires typiques ont été établies (voir page suivante). Ces courbes permettent, entre autre, d’évaluer les débits horaires de pointe à attendre en fonction de la dimension de la localité considérée.

Le coefficient de pointe horaire est définit comme :

à

A titre d’exemple, pour une ville de 100'000 habitants, on admet fréquemment un coefficient de pointe horaire de cph = 1.6.

Village

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0 6 12 18 24Heure

Con

som

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Petite ville

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0 6 12 18 24

Con

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Ville

Modulation de la consommation journalière - valeurs typiques en Suisse Source : Handbuch der Wasserversorgungstechnik (P. Grombach, 1993)

4.2.3 Pertes

L’ensemble des fuites dans les adductions et le réseau de distribution varie fortement suivant le type de tuyaux, leur vétusté, la surveillance et l’entretien des branchements et des conduites.

Le problème des pertes devient critique pendant les périodes de faible consommation alors que la pression augmente dans le réseau. Les pertes et les gaspillages d’eau doivent être limités, non seulement pour ménager les ressources naturelles, mais aussi pour réduire la consommation d’énergie pour le traitement et le pompage de l’eau.

On admet qu’il est difficile de réduite les pertes à moins de 10 % de la production ; 15 % de pertes caractérisent un réseau en bon état et bien entretenu. Au delà de 20 % de pertes, il vaut la peine de lancer une campagne d’élimination des fuites.

Les services des eaux consomment eux-mêmes une quantité importante d’eau, pour le nettoyage des filtres notamment. D’autre part, la consommation de certains services publics n’est pas comptabilisée : nettoyage des routes, fontaines, arrosage des parcs, etc.

Production

Consommation autorisée

Consommation facturée

Consommation facturée mesurée

Eau vendue Consommation

facturée non mesurée

Consommation non facturée

Consommation non facturée mesurée

Eau non vendue

Consommation non facturée non mesurée

Pertes ou eau non comptabilisée

Pertes apparentes

Vols et détournements

Erreurs de mesures

Pertes réelles

Bilan de l’eau, détermination des pertes (Source, H. Guibentif, SIG, 2008)