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ÉPISODES DE LA RÉVOLUTION

A ÉTAMPES

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CHARLES FORTEAU Officier d'Académie

Membre de la Commission Départementale - des Antiquités et des Arts de Seine-et-Oise

ÉPISODES DE

L A R É V O L U T I O N

A É T A M P E S

QUATRE ÉTUDES HISTORIQUES réunies, préfacées et illustrées par

MICHEL BILLARD Lauréat de l'Institut

Post-Face de Maître JEAN-NOEL LECOUTOUR

Président de « Connaissance d'Etampes »

ÉDITIONS ARCAM

40, rue de Bretagne — 75003 Paris

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Vingt exemplaires numérotés constituent le tirage de tête de cette édition originale

ISBN 2-86476-305-2 © ARCAM 1989

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PRÉFACE PAR M I C H E L BILLARD

Lauréat de l'Institut, Professeur d'histoire de l 'enseignement public,

membre Sociétaire de la Société des Gens de Lettres, Grand Prix 1988 de la Diffusion Littéraire.

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Cachets de bois destinés à marquer le pain, aux initiales de deux boulan- gers de la ville A.B. et V.D. Le com- merce du pain, nourr i ture principale des Français du X V I I I siècle, était sérieusement contrôlé par les pouvoirs publics.

Photographie extraite de l'étude : « L'histoire d'Etampes à travers visages et objets du musée », par Michel Billard (1985)

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L'année 1989 qui marque le Bicentenaire de la Révolution Française est l'occasion de jeter un regard attentif sur cette période qui, de 1789 à 1799, a vu une transformation profonde de l'organisation administrative et des mentalités de notre pays.

Les études générales qui portent sur sa dimen- sion nationale ne manquent pas. Pour connaître avec exactitude sa nature profonde, il faut aussi s'intéresser à ce qui s'est passé à l'échelon local : c'est là que se vérifient (ou non) les grandes intentions, aussi géné- reuses soient-elles. La « langue de bois », comme on dit aujourd'hui, ne tient pas devant les réalités quoti- diennes !

Sous le titre général Episodes de la Révolution à Etampes (emprunté au sur-titre de l'une d'elles), voici réunies quatre études de l'érudit local Charles Forteau qui nous permettent de mieux comprendre cette époque. Deux documents complémentaires, l'un sur les auberges, l'autre sur le mariage des prêtres, viennent élargir ce panorama historique.

La révolution n'est que l 'aboutissement des décennies qui l'ont précédée au XVIII siècle. Faisant droit à des revendications du temps, elle a mis un terme à l'existence de circonscriptions territoriales, tel le bailliage, qui a servi de base aux élections des dépu-

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tés aux Etats Généraux de 1789 (dont les membres ont formé, sur leur initiative, l'Assemblée Nationale Constituante, en exercice jusqu 'en 1791). La Révolution a aussi supprimé les charges officielles de l'Ancien Régime, ces « offices » que l'on achetait, tel celui d'exécuteur des sentences criminelles d'un bailliage, c'est-à-dire de bourreau. Aussi m'a-t-il semblé intéressant d'ouvrir ce recueil par l'étude que Charles Forteau a consacré à Pierre-André-Louis Desmorets, dernier bourreau d'Etampes, dont la famille avait été alliée aux Sanson, les célèbres bourreaux de Paris.

La deuxième étude nous fait connaître « Quatre mois de l'histoire d'Etampes pendant la Révolution », à tra- vers la figure de « Claude-Julien Boullemier, chanoine de Notre-Dame, élu maire en 1791 ». La vie quotidienne de la localité ressort des décisions municipales, par exemple l'importance du marché aux grains (lieu de troubles dès septembre 1791) ou des moulins. On sent déjà des tensions, des incidents entre les diverses forces en présence (Garde nationale et troupe réguliè- re, par exemple). La peur des complots que j'ai souli- gnée par ailleurs (Préface aux Préludes de la Révolution à Douai aux mêmes éditions) est particulièrement nette dans l'affaire Choiseul, comme dans le contrôle exercé sur la correpondance. Dès cette époque, se détache la figure d'un activiste, étudiée en détail dans la troisième étude.

« L'Argousin », alias Sulpice-Charles-Constance Boyard, fripier-tapissier de son état, est le type du sans- culotte : artisan, il est à la pointe de tous les combats de chef-lieu de district, « va-t-en guerre » conduisant une expédition ridicule contre les « vilains » aristocrates du château de Courances et leurs subversifs barils de harengs, agité semant le trouble dans l'hôpital dont on a eu le malheur de faire un administrateur ! Inquiété

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lors de l'épuration post-thermidorienne, il a réussi à sauver sa peau et à se faire oublier, tant et si bien qu'on perd toute trace de lui dans les décennies qui suivent... Si les premiers rôles se sont maintenus sur le devant de la scène, devenant princes, ducs et comtes de l'Empire, les révolutionnaires de la base sont tom- bés dans l'oubli ou ont su faire fortune à la faveur de la grande redistribution des biens de l'Eglise et sont deve- nus d'honorables notables faisant oublier les quelques années d'agitation politique doublée de rapine qui ont assuré leur prospérité durable.

La quatrième étude recueillie ici nous présente justement, non plus des acteurs, mais des victimes de la Révolution, les chanoinesses de Saint-Augustin de la Congrégation de Notre-Dame d'Etampes. Charles Forteau fait le point sur le passé de cette communauté religieuse, avant de nous donner la liste des sœurs à la veille de la Révolution. Incidemment, la note 1 de la page 204 montre que l'une d'entre elles mourut en confesseur de la foi : Madeleine-Françoise Voizot (vraisemblablement parente du chanoine Voizot, ancien chantre du chapitre de Notre-Dame, élu membre du bureau de paix, comme son confrère Boullemier, en janvier 1791) fut arrêtée, sans doute à cause de son refus d'entrer dans le schisme, de prêter serment. Elle était aveugle, et on imagine quelles purent être ses souffrances physiques et morales dans la prison où on l'avait précipitée. C'est là qu'elle mourut, témoignant jusqu'au bout de sa fidélité à l'Eglise.

On voit donc qu'il était intéressant de rééditer ces Notes sur le congrégation de Notre-Dame en point d'orgue à cette série d'Episodes de la Révolution à Etampes.

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Il est nécessaire, en préface à ceux-ci, de présen- ter la ville en 1789, en soulignant d'abord combien la période révolutionnaire est la continuation de ce qui existait auparavant. C'est une évidence biologique et historique, qui montre qu'on ne peut isoler ces seules dix années de notre histoire nationale (et locale) comme si elles sortaient du chapeau d'un prestidigita- teur. On ne peut du passé faire table rase.

L'histoire d'Etampes à travers les siècles peut être résumée à la manière du mouvement d'un balancier d'horloge. Aux époques de prospérité ont succédé les temps de malheur. Caractérisons ces grandes ten- dances :

— Aux X I I et XI I I siècles, la ville est une cité drappante très prospère ; elle partage avec Paris et Orléans la fonction de capitale politique du royaume ; Saint Bernard y anime des conciles où se joue le sort de la papauté et où on définit le tracé d'une croisade (1).

— Aux X I V et X V siècles c'est la guerre de Cent Ans. Au péril étranger s'ajoutent la guerre civile (entre Armagnacs et Bourguignons), la famine, la Peste Noire de 1348 et les « retours de peste » cycliques...

— De 1450 à 1550, c'est la reconstruction des ruines de la guerre de Cent Ans, la prospérité retrou- vée : les églises sont restaurées (Saint-Basile et Saint- Gilles sont alors presque totalement rebâties) (2).

— De 1562 à 1653, s'étend une période de difficul- tés. Aux guerres de religion (pendant lesquelles le por- tail de Notre-Dame est mutilé par les iconoclastes protestants) succède bientôt la Fronde (1648-1653), guer- re civile qui culmine en 1652 avec la famine et la peste. C'est alors qu'intervient Saint Vincent de Paul (3).

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— Après le règne de Louis XIV et les ponctions fiscales qu'entraînent les guerres, on finit de rebâtir les ruines de la Fronde, et la prospérité revient au XVIII siècle, ainsi qu'en témoignent les beaux escaliers aux rampes de fer forgé ou les boiseries qui ornent de nombreux logis étampois. Certains aménagements sont remarquables, comme la maison de l'homme de loi Geoffroy où naquit, en 1772, le naturaliste Etienne Geoffroy-Saint-Hilaire. C'est de cette même époque que date l'embellissement (boiseries sculptées, chaire de vérité, tableaux) de la chapelle de l'Hôtel-Dieu (4).

• MEUNIERS ET TANNEURS

L'activité « industrielle » d'Etampes était alors la meunerie. Trente-huit moulins écrasaient le grain des riches plaines de Beauce vendu au marché hebdoma- daire de la Place Saint-Gilles (5).

Chaque samedi, les agriculteurs y apportaient le blé en sacs, achetés par les meuniers de la ville, mais aussi ceux de Paris ; depuis longtemps en effet la cité fournissait à Paris son alimentation. Balzac dans Le Père Goriot nous présente un vermicellier à la retraite se rappelant de l'excellence de la farine d'Etampes pour ses fabrications.

Le marché était très animé, car les mesures et les transports y étaient assurés par la nombreuse corpora- tion des forts et mesureurs. Le mesurage des grains se faisait avec des instruments fabriqués par les boisse- liers : la mine qui contenait deux muids ou la moitié d'un setier de Paris, et le minot (un quart de setier). La plupart des portefaix appart iennent à la famille Vezard, aussi bien à la fin de l'Ancien Régime qu'au X I X siècle, quand la communauté de métier retrouva son existence légale sous la Restauration : ses

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médailles-insignes numérotés (comme les plaques en usage naguère chez les porteurs des gares parisiennes) et son beau bâton de procession à l'effigie de Saint Christophe, leur patron, avec les deux grands chande- liers qui l'accompagnaient, offerts sous la Restauration par Pierre-Louis-Marie de Tullières, chevalier de Saint- Louis et de Saint-Lazare, maire d'Etampes, sont tou- jours visibles au 1 étage du Musée (6). A ce petit peuple de débardeurs s'ajoutait celui des garde-mou- lins, qui hissait le blé dans les étages des moulins à eau, ces « usines » comme on les appelait à Etampes au X I X siècle (7).

Si elles mouvaient les grandes roues à aubes des moulins, les rivières offraient aussi l'eau utile aux acti- vités des mégissiers et des tanneurs. En 1789, leur com- munauté de métier désigne Jacques-Guillaume Simonneau pour les représenter lors de la rédaction du cahier de doléances de la ville d'Etampes. C'est pro- bablement à son intervention qu'on doit le contenu de son article 32, consacré à la suppression des droits per- çus sur les cuirs (8). Ce chef d'entreprise, habitué à commander les hommes (il employait une trentaine d'ouvriers dans son exploitation familiale), s'est retrou- vé à la tête de la ville après la crise municipale de sep- tembre 1791 qui était justement née d'incidents sur le marché au blé. C'est lui qui fut affronté à la manifesta- tion de paysans du Hurepoix, le 3 mars 1792. Chargé de faire respecter la légalité, c'est-à-dire la liberté éco- nomique, face à des agriculteurs qui réclamaient le blocage de prix sur le marché d'Etampes, il périt dans l'émeute. L'Assemblée Législative en fit une victime de la Loi, honoré d'abord dans tous les départements à l'occasion d'offices religieux, puis à Paris, le 3 juin, dans un cortège à la mode antique (9).

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• UNE CEINTURE DE MURAILLES

A côté de ces deux grandes activités étampoises qu'étaient la meunerie et la tannerie (10), la ville abri- tait de nombreux artisans groupés eux aussi en corps de métier, à l'intérieur des murailles de la cité (11). En effet la ville royale avait conservé en 1789 la ceinture de fort i f icat ions qui lui avait d o n n é son n o m de Castellum Stampis, de place forte d'Etampes, sous les premiers Capétiens. Les murailles avaient été refaites au X V I siècle (12) et les portes en ont été réaména- gées dans le courant du X V I I I siècle. Elles avaient l'aspect qu'on voit encore aux portes qui se dressent toujours aux entrées d'Arpajon (Porte de Paris) et de Dourdan (Porte de Chartres) : c'étaient deux grandes piles de grès surmontées d 'une boule de pierre. Ces portes ont subsisté jusque dans le courant du X I X siècle, comme le montrent des illustrations des Rues d'Etampes de Léon Marquis ou celles, originales, d 'un exemplaire calligraphié du Port d'Etampes, du Docteur Bourgeois, que j'avais exposées en 1980 puis 1981 en l'Hôtel d'Anne de Pisseleu pour montrer l'histoire de la Fête Saint-Michel (13). Les murs e n t o u r a i e n t les paroisses Saint-Basile et Saint-Gilles en totalité et la partie agglomérée de la paroisse Notre-Dame (sans ses h a m e a u x de Saint-Jacques-les Capuc ins et Saint- Michel) (14). Leur tracé n'avait pas changé depuis le X I I s iècle : les P o r t e r e a u x , v a n n e fo r t i f i ée au confluent de la Louette et de la Chalouette, et la Tour de Guinet te , don jon du châ t eau royal d é m a n t e l é depuis deux siècles (par Henr i IV, en 1589 précisé- ment) marque les angles extrêmes — sud-est et nord- ouest — de cette enceinte qui englobait le cours forcé de la Chalouet te , dit Rivière d 'Etampes, en t re les Portereaux et le Port.

Les f a u b o u r g s Sa in t -P ie r r e et Sa in t -Mar t in

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La porte Saint-Jacques. Le pavillon d'octroi qui la jouxtait, à droite, a subsisté jusqu'à la fin des

années soixante de ce siècle. C'était une construction des premières décennies du XIX siècle, sorte de version locale, non dénuée d'élégance, des « barrières » élevées à Paris par Claude-Nicolas Ledoux à la fin de

l'Ancien Régime, aux ouvertures du mur des Fermiers Généraux.

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étaient entourés chacun de fossés, comme l'attestent aujourd'hui encore des noms de voies. Autour de son château du XVII siècle, de sa tour carrée du X I I siècle et de sa chapelle romane, le Petit-Saint-Mars (15) était un hameau isolé au milieu des prairies et des jar- dins maraîchers de Bressault.

Le tracé de la ville était, comme aujourd'hui, allongé : ses deux extrémités Nord et Sud actuelles, Saint-Michel et les Belles Croix, étaient occupées dès le Moyen-Age (16). La longue rue, semée de très nom- breuses auberges (dont l'énumération suit dans le texte qui ouvre le recueil), voyait défiler des voyageurs de toute sorte. Ainsi Arthur Young, cet agronome anglais qui fit trois voyages en France de 1787 à 1789. La pre- mière année, il s'est rendu à Paris dès son arrivée en France, et, de là, a mis le cap sur le sud ; mais lisez plu- tôt son témoignage d'usager de la route d'Orléans et d'observateur attristé de la plate Beauce (qui n'est pas un « paysage » « à l'anglaise », avec arbres et vallonne- ments) :

« Le 28 mai — Ma jument s'étant assez rétablie pour le voyage — point important pour un aussi mauvais cavalier que moi — j'ai quitté Paris en compagnie du comte de La Rochefoucauld et de mon ami Lazowski ; j'ai commencé mon voyage, qui doit me faire traver- ser tout le royaume jusqu'aux Pyrénées. La route d'Orléans est une des plus importantes de celles qui partent de Paris. J'espérais donc que ma première impression sur la faiblesse du tra- fic dans les environs de cette ville serait corri- gée ; elle s'est, au contraire, trouvée confirmée ; c'est un désert, en comparaison des approches de Londres. Sur dix milles, nous n'avons rencon- tré ni coche, ni diligence, rien d'autre que deux

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messageries et quelques rares chaises de poste ; pas le dixième de ce que nous aurions trouvé en quittant Londres à la même heure.

30 mai — Pays uniformément plat, sans clôtures, sans intérêt et même fastidieux, quoique partout l'on ait en vue des petites villes ou des villages. On ne trouve jamais réunis les éléments d'un paysage. Ce pays de Beauce a la réputation d'être la fine fleur de l'agriculture française ; sol excellent, mais on y pratique par- tout la jachère. » (17).

Les murailles d'Etampes délimitaient aussi l'espa- ce fiscal de la ville, puisque, pour y entrer, on franchis- sait les portes qui étaient en même temps des barrières d'octroi. Chaque denrée qui passait était taxée, et ces impôts indirects constituaient une des principales sources de revenus des finances municipales.

Un autre impôt indirect était la gabelle sur le sel. Le grenier à sel, bâtiment cylindrique au toit conique (à l'allure des pigeonniers qui avoisinent alors châ- teaux du Hurepoix et grosses fermes beauceronnes) s'elevait à côté de l'Hôtel-de-Ville (au XVI siècle, les échevins n'avaient-ils pas acheté la belle demeure — toute neuve — de la veuve du grenetier à sel pour en faire leur mairie ?)

• LE PREMIER ORDRE DE LA NATION

Au-dessus des murailles se profilaient les clo- chers des églises : deux collégiales, Notre-Dame (aussi paroisse) et Sainte-Croix, fondées par Robert le Pieux et Philippe-Auguste, et dont les chapîtres avaient sou- vent été en chicane ; quatre paroissiales : Saint-Pierre (disparue à la Révolution), Saint-Gilles, Saint-Basile et Saint-Martin (toujours debout) ; et plusieurs chapelles

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A l'intérieur des fortifications, les églises Saint-Basile, Notre-Dame et Sainte-Croix

( de droite à gauche). D'après une gravure du XVIII siècle.

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de maisons religieuses, dont il ne reste plus que celle de l'Hôtel-Dieu, rue de la République, alors qu'en 1789, les Cordeliers, les Trinitaires, les Capucins, les Barnabites et la Congrégation de Notre-Dame assu- raient dans la ville une présence congréganiste (18). Le clergé était, dans la France de 1789, société d'ordres, le premier de la nation, ayant la préséance en toute chose.

Chanoines, religieux et religieuses formaient un personnel ecclésiastique nombreux. Aussi n'est-il pas é tonnant de les rencontrer dans deux études de Charles Forteau : Claude Julien Boullemier, qu'on voit aussi bien aux affaires publiques que dans la sacristie et le chœur de Notre-Dame ; les religieuses de la Congrégation, que leurs registres permettent d'évoquer durant tout le XVIII siècle.

Leurs portraits ont certainement existé, mais ils ont hélas disparu et il ne reste plus, de tout ce monde de soutanes et de cornettes, que celui de la Mère Gabrielle de la Fayolle, supérieure des religieuses augustines hospitalières de l'Hôtel-Dieu (conservé au musée) et celui de l'abbé Legrand, curé de Saint- Martin (publié au début du siècle par Maxime Legrand). Qu'on aimerait connaître les traits de l'abbé Desforges (1723-1792), chanoine de Sainte-Croix qui s'essaya à voler du haut de la Tour de Guinette en 1772 puis fut, l'espace de deux mois, vingt ans après, curé constitutionnel de Saint-Gilles ! (19)

Les clercs étant les plus instruits des habitants en 1789, aussi n'est-il pas surprenant de rencontrer dans les chapîtres de chanoines des figures restées dans notre souvenir comme auteur : le même Desforges, qui, à ses visées aéronautiques, joignait la revendication du mariage des prêtres, à laquelle il a consacré un ouvra- ge qui lui valut un séjour à la Bastille ; le chanoine,

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simple clerc tonsuré, Etienne Geoffroy, né en 1772, bientôt célèbre sous le nom de Geoffroy-Saint-Hilaire, réclamant avec énergie sa prébende vers 1792, puis ouvrant en 1795 le Muséum d'Histoire Naturelle ; sa statue se dresse, jaillie du ciseau d'un autre enfant d'Etampes, Elias Robert, sur la place du Théâtre, et ce n'est pas la soutane et le camail des chanoines qu'il porte, mais la robe du professeur de sciences, fonda- teur de l'anatomie comparée, réhaussée de l'épitoge ; les sphinx du support, dessiné vraisemblablement par l'architecte Davioud qui construisit le théâtre munici- pal (2), rappellent que le naturaliste accompagna le général Bonaparte en Egypte en 1798.

La figure de celui qui, à Paris, lors des Massacres de Septembre 1792, sauva plusieurs de ses professeurs enfermés à Saint-Firmin (21), illustre tout-à-fait les car- rières de bien des contemporains de la Révolution : passant du clergé (où ils bénéficiaient des revenus réguliers d'antiques fondations, comme évêque, cha- noine ou membre d'un ordre religieux) au monde de la politique (tels Talleyrand et Fouché, pour citer les plus en vue, couverts d'honneurs sous l'Empire) où à l'Université (Geoffroy-Saint-Hilaire et Mellez, recteur de l'Université de Douai et maire de sa ville) (22).

• NOBLES DES VILLES ET NOBLES DES CHAMPS.

La noblesse était illustrée dans la région par les diverses branches de la famille de Poilloüe, à laquelle s'étaient alliées toutes les autres familles de vieille noblesse des environs (23). Ces seigneurs des villages voisins avaient tous un hôtel particulier en ville, comme les Poilloüe de Saint-Mars, en haut de la Rue Saint-Mars (à qui ils ont donné son nom) : deux aqua- relles de Narcisse Berchère, conservées au Musée,

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