PCA 7369 LETTRE N2. MUSEUM V8OKfg...Juin 2007 3 KIOSQUE Du 4 avril au 3 septembre 2007, le Jardin...

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É CHANGES Échanges de connaissances, de moyens, de compétences, d’expertise, autour de la recherche et des collections. Échanges d’idées et d’expositions, tout simplement échange de bons procédés entre musées d’histoire naturelle : le maître mot de cette nouvelle lettre est bien souvent celui de nos activités quotidiennes. Échanges entre les siècles, aussi : le Muséum fête cette année le tricentenaire de la naissance de Buffon. Par- faite incarnation du siècle des Lumières, ce siècle de bonheur et de rayonnement fran- çais, il donna au Jardin du Roi les missions et la géographie qui sont encore aujourd’hui lar- gement celles du Muséum. Il double en quel- ques décennies la surface de l’établissement et enrichit sans cesse ses collections, jusqu’à l’élever au premier rang de l’Europe de son temps. Mais, en parallèle de son fructueux travail d’intendant, Buffon se consacre à son Histoire naturelle. Entouré de collaborateurs talentueux, il s’attache à décrire, dans un style qu’il veut élégant, majestueux et clair (« le style est l’homme même », selon ses mots), planètes, roches, animaux et hommes. La nature est au centre de son œuvre, une nature au sein de laquelle l’Homme tient toute sa place ; c’est pourquoi nous avons voulu mettre à l’honneur le sujet privilégié de la relation entre l’Homme et la nature. Un échange au cœur de l’identité du Muséum… L’idée chère à Buffon et à son temps d’une science ouverte et pratiquée par tous les hom- mes cultivés n’est pas si loin de la science participative d’aujourd’hui. Cette nouvelle façon de recueillir des données grâce à l’aide de chaque volontaire permet un partage de connaissances avec le public, qu’il soit natu- raliste accompli ou novice, contribuant ainsi à sensibiliser chaque citoyen à la nature qui l’entoure. L’Observatoire des papillons des jardins en est un exemple réussi, comme en témoignent les résultats à un an. Cette expé- rience a pu voir le jour grâce au partenariat développé avec l’association Noé Conservation. Missions, coopérations avec des labora- toires français et étrangers, collaborations variées, la recherche est bien sûr en constante interaction avec l’extérieur. Des expéditions exceptionnelles comme celle de Santo, menée avec l’IRD et l’ONG ProNatura International pour inventorier la biodiversité dans cette île du Pacifique Sud, en attestent avec force. Toutefois, n’oublions pas que des missions plus modestes, mais non moins importantes, demeurent le quotidien des chercheurs. Le paléontologue Jean-Sébastien Steyer, qui fait l’objet du portrait de ce numéro, nous en donne encore la preuve. Enfin, comment parler d’échanges sans rappe- ler que la nouvelle exposition Mouches de la Grande Galerie de l’Évolution nous vient tout droit du Muséum de Neuchâtel, qui présente actuellement l’exposition Au temps des mam- mouths au public suisse… Et que nos Dra- gons se sont envolés pour le Québec. Les expositions reflètent elles aussi cet esprit d’ouverture et d’échange du Muséum… Bertrand-Pierre Galey, Directeur général Le Muséum Muséum national d’Histoire naturelle | La lettre d’information | Numéro 5 Georges Louis Leclerc, comte de Buffon, naît à Montbard, en Bourgogne, le 7 septembre 1707. Tour à tour haut fonctionnaire, académicien, naturaliste, propriétaire terrien, forestier, maître des forges…, il entre à l’Académie des sciences en 1734. En 1739, il est nommé intendant du Jardin du Roi, devenu Muséum national d’Histoire naturelle en 1793. Buffon contribue au rayonnement de l’institution parisienne : à la fin de sa vie, le Jardin est devenu le fleuron des sciences de la nature en Europe et dans le monde. Jusqu’à sa mort en 1788, il rédige et publie les trente-six volumes de son Histoire naturelle, le monument littéraire le plus imposant du XVIII e siècle français avec l’Encyclopédie. En cette année qui célèbre le tricentenaire de sa naissance, le Muséum multiplie les hommages et les rencontres autour de ce savant – probablement le plus connu de son époque et certainement le plus lu – qui affirmait : « Il ne s’agit pas de briller mais de se faire comprendre par tous. » C’est pourquoi le dossier de ce numéro s’attarde plus particulièrement sur un sujet qui lui fut cher : l’Homme et la nature. Buffon, la nature en partage Les trésors de Santo L’UNE DES PLUS AMBITIEUSES MISSIONS SCIENTIFIQUES JAMAIS MENÉES SUR LA BIODIVERSITÉ EST RENTRÉE EN DÉCEMBRE 2006, APRÈS CINQ MOIS D’INVESTIGATIONS DANS L’ÎLE DE SANTO, AU VANUATU. PILOTÉE CONJOIN- TEMENT PAR LE MUSÉUM, L’IRD ET L’ONG PRO NATURA INTERNATIONAL, CETTE EXPÉDITION POURRAIT BIEN RELANCER LA TRADI- TION DES GRANDS VOYAGES EXPLORATOIRES AUXQUELS COOK, LA PÉROUSE, BOU- GAINVILLE ET CONSORTS ONT DONNÉ LEURS LETTRES DE NOBLESSE. L’Observatoire des papillons NÉ DU PARTENARIAT ENTRE LE MUSÉUM ET L’ASSOCIATION NOÉ CONSERVATION, L’OBSERVATOIRE DES PAPILLONS FÊTE SA PREMIÈRE ANNÉE D’EXISTENCE. À L’ORIGINE DU PROJET, UNE MÊME VOLONTÉ : FAIRE PARTICIPER LE GRAND PUBLIC AU RECENSEMENT ET À LA PRÉ- SERVATION DE LA BIODIVERSITÉ. ANTOINE CADI, RESPONSABLE DES PROGRAMMES CHEZ NOÉ, NOUS EXPLI- QUE LES SECRETS D’UN PARTENARIAT FÉDÉRATEUR, RASSEMBLANT HUMAINS ET ANIMAUX, PROFESSIONNELS ET SIMPLES CITOYENS. TERRAIN PAGE 3 DOSSIER Lycène bleu. © Antoine Cadi/Noé Conservation © Gamma Juin 2007 1 « De tous les perroquets, l’Ara est le plus grand et le plus magnifiquement paré […] ; il a l’œil assuré, la contenance ferme, la démarche grave et même l’air désagréablement dédaigneux, comme s’il sentait son prix et connaissait trop sa beauté. » Ara rouge. Histoire naturelle des oiseaux, tome XXI, 1779, planche n°12. PARTENARIATS PAGE 7 © Bibliothèque centrale MNHN, Paris 2007

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ÉCHANGESÉchanges de connaissances, de moyens, de compétences, d’expertise, autour de larecherche et des collections. Échangesd’idées et d’expositions, tout simplementéchange de bons procédés entre muséesd’histoire naturelle : le maître mot de cettenouvelle lettre est bien souvent celui de nosactivités quotidiennes. Échanges entre lessiècles, aussi : le Muséum fête cette année letricentenaire de la naissance de Buffon. Par-faite incarnation du siècle des Lumières, cesiècle de bonheur et de rayonnement fran-çais, il donna au Jardin du Roi les missions etla géographie qui sont encore aujourd’hui lar-gement celles du Muséum. Il double en quel-ques décennies la surface de l’établissementet enrichit sans cesse ses collections, jusqu’àl’élever au premier rang de l’Europe de sontemps. Mais, en parallèle de son fructueuxtravail d’intendant, Buffon se consacre à sonHistoire naturelle. Entouré de collaborateurstalentueux, il s’attache à décrire, dans unstyle qu’il veut élégant, majestueux et clair(« le style est l’homme même », selon sesmots), planètes, roches, animaux et hommes.La nature est au centre de son œuvre, unenature au sein de laquelle l’Homme tient toutesa place ; c’est pourquoi nous avons voulumettre à l’honneur le sujet privilégié de larelation entre l’Homme et la nature. Unéchange au cœur de l’identité du Muséum…

L’idée chère à Buffon et à son temps d’unescience ouverte et pratiquée par tous les hom-mes cultivés n’est pas si loin de la scienceparticipative d’aujourd’hui. Cette nouvellefaçon de recueillir des données grâce à l’aidede chaque volontaire permet un partage deconnaissances avec le public, qu’il soit natu-raliste accompli ou novice, contribuant ainsià sensibiliser chaque citoyen à la nature quil’entoure. L’Observatoire des papillons desjardins en est un exemple réussi, comme entémoignent les résultats à un an. Cette expé-rience a pu voir le jour grâce au partenariatdéveloppé avec l’association Noé Conservation.

Missions, coopérations avec des labora-toires français et étrangers, collaborationsvariées, la recherche est bien sûr en constanteinteraction avec l’extérieur. Des expéditionsexceptionnelles comme celle de Santo, menéeavec l’IRD et l’ONG ProNatura Internationalpour inventorier la biodiversité dans cette îledu Pacifique Sud, en attestent avec force.Toutefois, n’oublions pas que des missionsplus modestes, mais non moins importantes,demeurent le quotidien des chercheurs. Lepaléontologue Jean-Sébastien Steyer, qui faitl’objet du portrait de ce numéro, nous endonne encore la preuve.

Enfin, comment parler d’échanges sans rappe-ler que la nouvelle exposition Mouches de laGrande Galerie de l’Évolution nous vient toutdroit du Muséum de Neuchâtel, qui présenteactuellement l’exposition Au temps des mam-mouths au public suisse… Et que nos Dra-gons se sont envolés pour le Québec. Lesexpositions reflètent elles aussi cet espritd’ouverture et d’échange du Muséum…

Bertrand-Pierre Galey, Directeur général

LeMuséumMuséum national d’Histoire naturelle | La lettre d’information | Numéro 5

Georges Louis Leclerc, comte de Buffon, naît à Montbard, en Bourgogne, le 7 septembre1707. Tour à tour haut fonctionnaire, académicien, naturaliste, propriétaire terrien, forestier, maître des forges…, il entre à l’Académie des sciences en 1734. En 1739, il est nommé intendant du Jardin du Roi, devenu Muséumnational d’Histoire naturelle en 1793. Buffon contribueau rayonnement de l’institution parisienne : à la fin de sa vie, le Jardin est devenule fleuron des sciences de lanature en Europe et dans lemonde. Jusqu’à sa mort en1788, il rédige et publie lestrente-six volumes de son Histoire naturelle, le monumentlittéraire le plus imposant duXVIIIe siècle français avec l’Encyclopédie. En cette annéequi célèbre le tricentenaire de sa naissance, le Muséummultiplie les hommages et lesrencontres autour de ce savant– probablement le plus connude son époque et certainementle plus lu – qui affirmait : « Il ne s’agitpas de briller mais de se faire comprendre partous. » C’est pourquoi le dossier de ce numéros’attarde plus particulièrement sur un sujet qui luifut cher : l’Homme et la nature.

Buffon, la natureen partage

Les trésors de SantoL’UNE DES PLUS AMBITIEUSES MISSIONS SCIENTIFIQUES JAMAIS MENÉES

SUR LA BIODIVERSITÉ EST RENTRÉE EN DÉCEMBRE 2006, APRÈS CINQ MOIS

D’INVESTIGATIONS DANS L’ÎLE DE SANTO, AU VANUATU. PILOTÉE CONJOIN-

TEMENT PAR LE MUSÉUM, L’IRD ET L’ONG PRO NATURA INTERNATIONAL,

CETTE EXPÉDITION POURRAIT

BIEN RELANCER LA TRADI-

TION DES GRANDS VOYAGES

EXPLORATOIRES AUXQUELS

COOK, LA PÉROUSE, BOU-

GAINVILLE ET CONSORTS

ONT DONNÉ LEURS LETTRES

DE NOBLESSE.

L’Observatoire des papillonsNÉ DU PARTENARIAT ENTRE LE MUSÉUM

ET L’ASSOCIATION NOÉ CONSERVATION,

L’OBSERVATOIRE DES PAPILLONS FÊTE

SA PREMIÈRE ANNÉE D’EXISTENCE. À

L’ORIG INE DU PROJET, UNE MÊME

VOLONTÉ : FAIRE PARTICIPER LE GRAND

PUBLIC AU RECENSEMENT ET À LA PRÉ-

SERVATION DE LA BIODIVERSITÉ.

ANTOINE CADI, RESPONSABLE DES PROGRAMMES CHEZ NOÉ, NOUS EXPLI-

QUE LES SECRETS D’UN PARTENARIAT FÉDÉRATEUR, RASSEMBLANT HUMAINS

ET ANIMAUX, PROFESSIONNELS ET SIMPLES CITOYENS.

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KIOSQUE

Du 4 avril au 3 septembre 2007, le Jardin des plantes et la Grande Galerie de l’Évolu-tion accueillent Mouches… l’expo qui fait mouche! Conçue et produite par le Muséumd’histoire naturelle de Neuchâtel, l’exposition pro-pose de partir à la découverte des 134000 espècesde diptères* identifiées. Les amateurs pourront yassouvir leur curiosité scientifique : découverte del’asticothérapie, visite du laboratoire d’entomolo-gie, étude à la loupe binoculaire de diverses espèces,et même vidéo d’asticots de lucilies dévorant uncadavre d’animal… Les spectateurs seront égale-ment surpris devant les œuvres de la galerie BZZZ,conçue en partenariat avec les Arts-Déco, ou décon-tenancés face à la mise en scène audiovisuelle deplanches anatomiques. Mais l’exposition offre biend’autres découvertes sensorielles ou intellectuel-les. Au terme de l’exploration, un tribunal facticeinvite le visiteur-jury à se prononcer sur le sort dela mouche : un prétexte pour réfléchir à la placede l’homme dans la biodiversité.

Les plus petits pourrontparcourir le livre BZZZ,une histoire de mouches, à partir de 7 ans. Cet ouvrage, publiépar les Éditions du Muséum à l’occasion de l’exposition, a étéconçu dans le même esprit ludique et pluridisciplinaire.

* Diptères : insectes munis d’une seule paire d’ailes.

Apprendre la mouche!

La saga de l’Homme

2007, l’année Buffon

Les différentes parties de l’exposition ontété créées à l’image du nouveau Muséede l’Homme. Depuis le 21 février 2007,l’épisode 1, L’Homme exposé, constitue ledébut d’un voyage à la découverte de lanature de l’Homme. Plus de 500 objetsrares, voire inédits, tel l’original du crânede Cro-Magnon, illustrent commentl’Homme s’est perçu à travers les âges :une occasion unique de découvrir des col-lections qui restituent, en quelque sorte, lamémoire du Musée de l’Homme.

Le Muséum fête le tricentenaire de la naissance de Buffon. À cette occasion, plusieursmanifestations au Jardin des plantes rappellent l’héritage du célèbre intendant du Jar-din du Roi, actuel Muséum. Depuis avril, un parcours fléché invite les promeneurs à unetraversée historique du Jardin des plantes. Jusqu’en octobre, les visiteurs pourrontégalement comparer les photographies de l’exposition Buffon, Linné, regards croisés surla nature. Enfin, à l’automne, l’hôtel de Magny présentera des objets ayant appartenuà l’intendant : manuscrits, correspondances… Les passionnés pourront aussi se procu-rer l’ouvrage Buffon illustré : les gravures de l’Histoire naturelle (1749-1767), publié parles Éditions du Muséum. Ce corpus iconographique reproduit les planches des quinzepremiers volumes de la première édition originale de l’Histoire naturelle.

Le nouvel Arboglisseur conçu pour survoler la canopée.

RENAISSANCE

Le nouveau Musée de l’HommeLancé en novembre 2005, le concours d’archi-tecture pour la rénovation du Musée del’Homme a généré 65 candidatures. Novembre2006 : parmi les trois équipes présélection-nées, le jury s’est prononcé en faveur du grou-pement mené par Olivier Brochet, EmmanuelLajus et Christine Pueyo, associés à Emma-nuel Nebout. Leurs points forts : la qualitéesthétique des esquisses et une réelle compré-hension de l’aspect pluridisciplinaire dumusée. Les travaux devraient débuter mi-2008pour s’achever vers 2011.

NAISSANCES

Espèces menacées Bienvenue à Lili, Tilavo, Manao et les autres !Entre novembre 2006 et mars 2007, troisespèces menacées d’extinction ont vu leurpopulation s’agrandir. La ménagerie a eu lajoie d’accueillir Lili, un anoa des plaines, leplus petit bovin du monde. Le plus grand n’estpas en reste puisqu’un bébé gaur a vu le jour.Quant à Tilavo et Manao, deux propithèquescouronnés, ils sont nés au Parc zoologiquede Paris.Une bonne année s’annonce pour les deuxzoos, dont la fréquentation est en haussedepuis le début de l’année : + 46% pour laménagerie et + 136 % pour Vincennes.

L’Atlas de la flore sauvage de Seine-Saint-DenisCet ouvrage est le résultat d’un long travaild’inventaire. On y découvre d’un autre œil cedépartement très urbanisé : pas moins de947 plantes vasculaires identifiées ! Sébas-tien Filoche, Gérard Arnal et Jacques Moretdévoilent au fil des pages une surprenantebiodiversité. Les plus : des fiches descripti-ves avec photographies et une carte de répar-tition très détaillée.

504 pages, 60 euros, coédition Biotope-Publications scientifiques du Muséum.

Les Dessous de la girafe Ce livre offre aux enfants un regard des pluscomplets sur cet animal. Sophie Philippo-Mathé allie humour et précision pour décrireles spécificités anatomiques du mammifèreau long cou. Au travers d’anecdotes inédi-tes, l’auteur raconte l’histoire et la vie desgirafes, dans la savane ou les zoos. Elle inviteaussi à réfléchir sur leur avenir.

48 pages, 12 euros, Éditions du Muséum-Éditions Tourbillon.

Le coffret «Oiseaux de France» « Les passereaux » constitue le premiervolume d’une encyclopédie sonore dédiée àla faune. Alouettes, mésanges, corbeaux… :Frédéric Jiguet, du Muséum, et le bionatura-liste Fernand Deroussen ont compilé leschants et les cris des 148 espèces de passe-reaux. Résultat : 964 enregistrements surCD, commentés dans cinq livrets.

Coffret 5 CD, 45 euros, Sonothèque duMuséum-Oreille Verte-Nashvert Productions.

c Symposium international BuffonEn collaboration avec le Musée d'Histoire naturellede Londres, les Jardins botaniques royaux de Kewet le Musée d'Histoire Naturelle de la SmithsonianInstitution à Washington, le Muséum organise les18 et 19 octobre prochains un symposium inter-national sur le thème : Les muséums et institu-tions d'histoire naturelle au 21e siècle : missionset messages pour la science, la nature et lessociétés. Cette initiative du Muséum a notammentpour objectifs de souligner l'action de ces institu-tions au 21e siècle, ainsi que leur rôle majeurdans la compréhension de la biodiversité et ledialogue avec les décideurs politiques, et de ren-forcer la coopération entre muséums et autresinstitutions d'histoire naturelle des pays du Nordet du Sud, pour la recherche et la sensibilisationdu grand public.

Pour en savoir plus :www.mnhn.fr > Symposium Buffon

La Nuit européenne de la chauve-sourisElle se déroulera partout en Europe les samedi26 et dimanche 27 août 2007. Animationsgratuites au programme : conférences, diapo-ramas, sorties nocturnes. Tout le programmesur le site www.sfepm.org

DERNIÈRE MINUTE

Terrain

En août 2006, l’une des plus ambitieuses expéditions jamais menées

sur la biodiversité lève l’ancre. Sa quête? Dresser l’inventaire de la flore

et de la faune des milieux terrestres et marins d’une île du Pacifique

Sud : Espiritu Santo, au Vanuatu. À la barre, le Muséum, maître

d’œuvre du projet, aux côtés de l’Institut de recherche pour le déve-

loppement (IRD) et de l’ONG Pro-Natura International (PNI).

de la Convention sur la diversitébiologique. « Nous nous sommesinterdits de mener la moindrerecherche pouvant donner lieuà des accusations de biopirate-rie, souligne Philippe Bouchet.Aucun des sponsors industrielsde la mission ne fait commerce deproduits issus du vivant. »Les partenaires locaux – techniciens et étudiants – accompagnent les chercheursétrangers à chaque étape : terrain, collection,analyse des données… Le rapprochementse poursuit aujourd’hui grâce à un soutiende leurs candidatures pour des bourses etpar un accès aux organismes de formationen métropole et en Nouvelle-Calédonie.Enfin, la restitution de l’information seconcrétise par la remise de collections deréférence au gouvernement du Vanuatu etla présentation des résultats marquants à lapopulation, notamment par le biais de posters affichés dans les écoles.

« Changer d’échelle »Depuis plus de dix ans, les scientifiquessavent qu’ils doivent « changer d’échelle » :passer des inventaires ponctuels à de grandesopérations concertées combinant l’explo-ration, la formation et le partage des résul-tats. Mission accomplie pour Santo 2006en termes d’organisation, de relations avecles populations et les autorités locales ouencore d’alchimie entre les corps demétiers. Pari gagné aussi avec un inven-taire de la biodiversité restitué dans soncontexte humain et enraciné dans son his-toire : paléoclimatologues, archéologue,dendrochronologue3 travaillent sur les der-niers millénaires ; ethnologues, juriste etéconomiste apportent le regard des sciencesde l’Homme; enfin, reporters, illustrateurset enseignants font partager la vie de l’ex-pédition, au Vanuatu comme en France.Santo 2006 fera-t-elle école? « Au rythme oùhabitats de l’île, des grands fonds marins à

1000 mètres de profondeur aux plus hau-tes cimes des montagnes à 1800 mètres,en passant par les récifs, grottes, eaux dou-ces et canopées forestières. Elles confron-tent les savoirs locaux aux connaissances

scientifiques à travers quatre modu-les de recherche : « Marin »,« Karst 1 », « Friches et alliens 2 » et« Forêts, montagnes, rivières ».

Un « arrêt sur image » de la biodiversité« Sans avancer de chiffres défini-tifs, nous pensons avoir reconnu

de l’ordre de dix mille espèces deplantes, de champignons et d’ani-

maux, pour la plupart invertébrés(crustacés, insectes, microcoquillages),

qui forment les gros bataillons de la bio-diversité », rapporte Philippe Bouchet. Parailleurs, des centaines d’espèces nouvelles– plus d’un millier peut-être – ont étédécouvertes, dans presque tous les grou-pes : arbres, poissons, crustacés, mollus-ques, insectes… Les scientifiques sontfrappés par la quantité d’espèces rares :plus de la moitié n’ont été vues qu’une foisou deux, à chaque fois en faible nombre.

L’éthique au cœur de SantoDans ses relations avec le pays hôte, lesautorités locales, les chefs et propriétairescoutumiers, Santo 2006 est respectueuse

va la science, qui dépêche de petitesexpéditions de quelques chercheurs,il faudrait mille ans pour connaîtreune biodiversité qui aura disparu

bien avant!, déplore Philippe Bou-chet. C’est pourquoi il est nécessaire

que Santo 2006 soit suivie de centai-nes d’autres de même envergure. D’ail-

leurs, la dynamique créée avec l’IRD etPNI a été tellement enrichissante qu’une

grande opération multisites est déjà envi-sagée au Mozambique et à Madagascar.Mais ceci est une autre histoire… »

Pour en savoir plus : www.santo2006.org

1. Formation géologique calcaire percée de grottes.2. Faune et flore introduites par l’homme.3. Spécialiste de l’étude des cernes des arbres.

Thalassa spécial Santo 2006, émission du 15 juin 2007 sur France 3.Explorer, découvrir, collecter, inventorier…

Pendant cinq mois, plus de 150 scientifiquesde 25 pays, accompagnés d’une trentainede logisticiens, explorent les trésors deSanto, « cette zone d’ombre pour les natura-listes », comme la dépeint Philippe Bou-chet, professeur au Muséum, l’un des pèresde la mission aux côtés d’HervéLe Guyader de l’IRD et d’OlivierPascal de PNI. Pourquoi une telleexpédition? Parce qu’on ne connaîtaujourd’hui que 10 à 20% de la bio-diversité de la planète, alors qu’elleest en crise, menacée par la crois-sance démographique et économi-que. Il est probable que le quart oule tiers des espèces auront disparuau milieu du XXIe siècle. Le mot d’or-dre de la mission Santo 2006, « invento-rier maintenant pour mieux préserverdemain », prend donc tout son sens.

Une moisson fantastique« Du battant des lames au sommet desmontagnes », le recensement a atteint unrare degré d’exhaustivité. Le déploiementde moyens exceptionnels est un atout :plongeurs, spéléologues, grimpeurs profes-sionnels, navire océanographique de l’IRD(l’Alis), ou encore le nouvel Arboglisseur,successeur du fameux « Radeau des cimes »conçu pour survoler la canopée. En digneshéritières des Cook, Bougainville etLa Pérouse, les équipes sondent tous les

La République du Vanuatu (Mélanésie), composée de83 îles et 80 îlots, s’étend sur 800 km, à 500 km aunord-nord-est de la Nouvelle-Calédonie. Avec ses4000 km2 (la moitié de la Corse), Santo est l’île laplus vaste et la plus haute. Environ 35000 habitants,parlant une quarantaine de langues, y vivent, dont un petit tiers à Luganville, la « capitale » régionale.Vieille de 15 millions d’années, l’île abrite une grandediversité de milieux.

« L’île au-dessus de la mer »

Santo 2006, dont le coût de mise enœuvre s’est élevé à 1,1 million d’euros,doit son existence à un solide parte-nariat public-privé et au savoir fairede Pro-Natura International qui a sufédérer autour d’elle l’essentiel dufinancement. Aux côtés des acteurspublics – Fonds Pacifique des minis-tères des Affaires étrangères et del’Outre-Mer, programme européen

EDIT, ambassade de France et délé-gation de la Communauté européenneau Vanuatu –, les donateurs privésont apporté 80 % du budget de l’expédition – en premier lieu les Fondations Niarchos (50%) et Total(15%), mais aussi Veolia Environne-ment, Alfred P. Sloan et la NationalGeographic Society, ainsi que lesentreprises Universal Sodexho, Vrai

(pour sa première participation dansune telle aventure !) et TelecomVanuatu Limited. Enfin, l’aide pré-cieuse de Nature & Découvertes et duministère de l’Enseignement supé-rieur et de la Recherche a permis lebon fonctionnement du site Internetwww.santo2006.org

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Actualités

Santo, à la découverte de l’île-planète

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Le projet architectural prévoit un atrium de douze mètres de haut, véritable puits de lumière.

Tilavo, propithèque couronné.

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Buste d'Amourami, natif

de l'île Bourbon, tribu des

Mouguaces.

Buste de Mau-Ko-peh

(Le Nez plat), Indien Kiowa.

Galerie de portraits, records sportifs,

expressions en tous genres… tout,

tout sur la mouche !

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Le premier à séparer religion et scienceÀ l’heure où les créationnistes soutiennentque la nature a été pensée et organisée parDieu, rappelons que Buffon est l’un despremiers à séparer clairement religion etscience. Sa volonté est de construire unethéorie scientifique affranchie des entra-ves divines et dogmatiques. L’Histoire natu-relle ambitionne d’élaborer un systèmegénéral de la nature, autrement dit unephysique, qualifiée de matérialiste ou d’épi-curienne. Il s’oppose de manière radicaleaux « théologiens de la nature », qui voientdans chaque être naturel une preuve del’existence de Dieu et insistent, dans toutesleurs observations, sur la perfection et labeauté des créatures. Pour Buffon, Dieuest exclu de l’histoire naturelle ; il s’em-ploie, au contraire, à identifier les forcesmatérielles qui opèrent : attraction etimpulsion dans la physique de la Terre…« Buffon veut faire de la science un espaceculturel indépendant de la croyance et sedémarque, en cela, de Linné », préciseJean-Marc Drouin, philosophe et historiendes sciences au Muséum.

La science « popularisée »Reconnaissons-le, le best-seller duXVIIIe siècle est bien l’Histoire natu-relle. Bien sûr, deux cent cinquanteans plus tard, les descriptions natu-ralistes de Buffon, fondées sur sonintuition, souffrent parfois de l’évo-lution des connaissances scientifi-ques. Mais, loin des jolis portraitsd’animaux – le cheval, « la plusnoble conquête de l’homme » ; lelion, « roi des animaux » ; l’élé-phant, « l’être le plus considérable »;l’écureuil, « un demi-sauvage »… –,il reste une œuvre qui dépasse sonsiècle et préfigure la science à venir.

« En définitive, Buffon lègue un problèmeplus qu’une réponse : sa nature est orientéevers l’Homme, ce qui n’est pas la meilleureperspective pour le développement durable.Même si on ne peut plus répéter ses répon-ses, on peut cependant méditer ses ques-tions sur l’Homme dans la nature », conclutJean-Marc Drouin.

l’âne, il écrit que celui-ci aurait pu préexis-ter, faisant du cheval un “sous-produit”. Ilconclut alors à la possibilité de petites famil-les : lion et tigre, âne et cheval. Même si,sur un plan général, Buffon reste un fixisteet croit en l’immuabilité des espèces, il favo-rise un ferment évolutionniste. »Buffon ne se contente pas de décrire lesespèces. Pour chaque individu, il note sys-tématiquement son environnement, sonhistoire, ses mœurs. « Éthologue de bonnefacture, Buffon a la capacité de se plongerdans l’univers de l’animal étudié, poursuitFrançois Poplin. En historien – au sens éty-mologique du terme –, il mène de vérita-bles enquêtes sur la nature, allant parfoisjusqu’à l’expérience pratique. Et si Buffonreste prisonnier des on-dit hérités de la tra-dition, comme l’illustrent ses portraits ducastor ou du chat, il sait évoluer au fil deses observations. »

livresBuffon. La nature enmajesté, par Yves Laissus.Découvertes Gallimard. 13,50 €

Buffon illustré, ouvragecomposé de gravures issuesdes 15 volumes de l’Histoirenaturelle (1749-1767), parThierry Hoquet. Éditionsscientifiques du Muséum. 59 €

Buffon, Œuvres, éditiondirigée par StéphaneSchmitt. Gallimard, collection La Pléiade. 65 €Buffon, Histoire naturelledes oiseaux, choix de textespar Stéphane Schmitt,illustrés de 1008 gravures de François-Nicolas Martinet,Éditions Citadelles &Mazenod, septembre 2007

internet• www.buffon.cnrs.fr/• Centre Alexandre Koyré

de recherche en histoire dessciences et des techniques :www.koyre.cnrs.fr/

À DÉCOUVRIRBuffon, la nature en partage

Exploitant forestier, agronome et métal-lurgiste, mais aussi mathématicien, physi-cien et chimiste, Buffon incarneparfaitement le siècle des Lumières. À tra-vers son Histoire naturelle, il fait assautde pédagogie pour être lu par le plusgrand nombre. Formidable vulgarisateur,il réussit à faire de son œuvre un monu-ment sans précédent en matière de diffu-sion du savoir scientifique, aidé en celapar son proche collaborateur Daubenton.« Dans le tome III de l’Histoire naturelle, cedernier tient un propos moderne sur laprésentation des spécimens. Il va mêmejusqu’à prendre en compte la fatigue desvisiteurs », souligne Michel Van Praët,directeur des Galeries au Muséum.Constamment rééditée, l’Histoire naturellea été déclinée en versions adaptées auxpublics les plus divers : le Buffon des éco-les, le Buffon des familles ou le Buffondes demoiselles.

L’homme du MuséumL’administrateur du Jardin du Roi sait s’en-tourer de collaborateurs aussi talentueuxque Daubenton, Lamarck ou Thouin. Enl’espace du demi-siècle de son « règne », ildouble la surface de l’établissement et enfait l’un des phares scientifiques de l’Europe. Il s’attache à donner au lieu seslettres de noblesse en multipliant les projetsde réaménagement et d’extension et enenrichissant les collections. « Aujourd’huiencore, leur accroissement et l’optimisationdes espaces destinés à les accueillir restentune constante au Muséum, souligne MichelGuiraud, directeur des Collections. D’ail-leurs, face à l’ampleur de la biodiversité età sa rapide érosion, le Muséum amplifie sescampagnes d’inventaire. Comme au tempsde Buffon, cette nécessité s’accompagne dubesoin de restaurer les bâtiments – à l’imagede la rénovation complète de l’herbier – afind’absorber les nouvelles collectes et deconserver les collections existantes dans lesmeilleures conditions. »

« Le chat est undomestiqueinfidèle. » Il n’a« que l’apparencede l’attachement ».Chat domestique,

Histoire naturelle,

tome VI, 1756,

planche n°2.

b « L’oiseau sans ailes est sans doute le moinsoiseau qu’il soit possible ».Manchot des îles

Malouines, Histoire

naturelle, tome XXIV,

1783, planche n°975.

b « À demi-quadrupède, à demi-volatile, et qui n’est en toutni l’un ni l’autre ».Chauve-souris,

Histoire naturelle,

tome VIII, 1760,

planche n° 16.

b On « prendrait sa tête et son bec […] pour un de ces masques à long nez dont onépouvante les enfants ».Toucan de Cayenne

appelé Toco, Histoire

naturelle, tome XXII,

1780, planche n°82.

b « Il emploie plus d’esprit. que de mouvement ».Renard, Histoire

naturelle, tome VII,

1758, planche n°4.

b « C’est le plus bel oiseau de nos climats ».Martin-pêcheur,

Histoire naturelle,

tome XXII, 1780,

planche n° 77.

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Le tricentenaire de sa naissance est l’occasion de faire sortir Buffon du purgatoire et de reconnaître sa

place dans la construction des théories de l’évolution. Avec son Histoire naturelle, cet « écolo » avant

l’heure a écrit, au XVIIIe siècle, la plus grande encyclopédie du vivant. Il est aussi l’un des pères fondateurs

de l’actuel Muséum dont il a su, en son temps, imaginer les fondements.

« La distance entrel’homme et la bête »

Dans son Discours sur la nature de l’Homme, Buffonrépertorie six thèmes s’inscrivant dans le programmegénéral de la comparaison :

cl’insondable intérieur : ici est posé le mystère de la profondeur et de la sensation animale ;

cl’action : l’homme commande à l’animal parce qu’il a « un projet raisonné, un ordre d’actions et une suite de moyens par lesquels il contraintl’animal à lui obéir » ;

cle langage : l’homme communique sa pensée par la parole, tandis que « l’animal ne parle paset ce n’est pas faute d’organes » ;

cl’uniformité : « D’où peut venir cette uniformitédans tous les ouvrages des animaux? Pourquoichaque espèce ne fait-elle jamais que la mêmechose, de la même façon?… » L’argumenttraduit le fait qu’il n’y a aucune distinction degénie et de perfection entre les différentsindividus animaux ;

cles degrés : « Dans toutes ses œuvres, la naturemarche par degrés, ce qui suppose qu’un certainnombre d’êtres sont moins parfaits que l’homme et plus parfaits que l’animal, par lesquels on descendrait insensiblement et par nuances de l’homme au singe. Or, il n’en est rien et del’homme à la bête, il n’y a pas de degré. »

Polycardia phyllanthoides, herbier d’Antoine

de Jussieu, 1784, Collection herbiers du monde.

« L’Histoire naturelle prise dans toute son étendue, est une Histoire immense,

elle embrasse tous les objets que nous présente l’Univers. […] Accablé par le nombre

des merveilles, l’esprit humain succombe. » Histoire naturelle, tome 1, p. 3, 1749.

Portrait de Georges-Louis Leclerc, comte de Buffon,

par François-Hubert Drouais (1727-1775).

L’homme d’une œuvreL’Histoire naturelle de Buffon est un modèledu genre, où le verbe est brillamment misau service d’une démarche de vulgarisa-tion. Rédigés entre 1749 et 1788, les trente-six volumes explorent les planètes, lesroches, les animaux et les Hommes. Ce tra-vail inclassable, illustré par les gravuresde Jean de Sèves, tient à la fois de lascience, de l’épistémologie, de l’anthropo-logie et du récit de voyage. Plusieurs textesimportants y figurent : De la manière d’étu-dier l’histoire naturelle et Les Preuvesouvrent le bal. Buffon y aborde surtout la« théorie de la Terre », où il émet des hypo-thèses sur sa formation, l’origine des mon-tagnes… Le deuxième volume s’ouvre parune Histoire générale des animaux auquels’adjoignent, entre 1753 et 1767, douzevolumes consacrés aux quadrupèdes puis,de 1770 à 1783, neuf tomes de l’Histoirenaturelle des oiseaux. « Aujourd’hui, ladescription de la diversité biologique resteune tâche formidable, mais le travail desprofessionnels ne suffit plus. C’est pourquoile Muséum incite le grand public à se lan-cer dans les observations, par le biais d’unedémarche de science participative : VigieNature », témoigne Denis Couvet, profes-seur au Muséum. Enfin, le tome III décritnotamment les variétés dans l’espècehumaine, en une sorte de tableau de varia-tion de la forme de l’Homme sous tous lesclimats. En parallèle, Buffon s’attelle à sescélèbres Époques de la Nature. Il y proposeune nouvelle chronologie de l’histoire de laTerre, divisée en sept époques, ainsi qu’unâge de la planète (75000 ans). Il va mêmejusqu’à émettre des hypothèses sur l’ap-parition des premiers êtres vivants, leursmigrations avant la séparation des conti-nents et leurs différenciations en fonctionde leur environnement. « Dans son ana-lyse des animaux propres à l’Ancien et auNouveau monde, explique François Poplin,

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« La plus noble conquête que l’hommeait jamais faite est celle de ce fier et fougueux animal qui partage avec lui les fatigues de la guerre et la gloire des combats. »Cheval. Histoire naturelle, tome IV, 1753,

planche n° 1.

« Si l’on admet une fois qu’il y ait desfamilles dans les plantes et dans lesanimaux, que l’âne soit de la familledu cheval […], on pourra direégalement que le singe est de la famillede l’homme […], que l’homme et lesinge ont eu une origine communecomme le cheval et l’âne. »Âne. Histoire naturelle, tome IV, 1753,

planche n° 11.© B

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PORTFOLIO

spécialiste d’anthropozoologie au Muséum,Buffon conclut qu’à un moment Europe etAmérique ne formaient qu’une terre, encitant la parenté nordique des rennes et desbisons. Il faudra attendre la fin du XIXe siè-cle pour attester la dérive des continents! »Enfin, deux tomes sur l’Histoire naturelledes minéraux paraissent en 1783. Mais lafresque de Buffon reste inachevée : la bota-nique ne sera jamais éditée.

Père de l’anthropologie et précurseur de l’écologieAnthropologue, biologiste avant l’heure,créateur de l’éthologie (étude du compor-tement animal) et de la zoogéographie,Buffon est également zoologiste. Sa clas-sification des animaux est fondée sur lanature de leurs rapports avec l’homme.Pourtant, il ne veut connaître que l’espèce,définie comme « une succession continued’individus semblables qui peuvent sereproduire entre eux ». Mais, critique encela des travaux de son contemporain Carlvon Linné, Buffon estime les êtres vivantstrop complexes pour être classés selon unseul caractère. « Par exemple, Buffon assi-mile dans un premiertemps l’âne à un chevaldégénéré, analyse FrançoisPoplin. Or, plus tard, fort del’idée de puissance virile de

« Les poètes ont dédié l'Aigle à Jupiter, et le Duc à Junon ; c'est en effet l'aigle de la nuit, et le roi de cette tribu d'oiseaux, qui craignent la lumière du jour,et ne volent que quand elle s'éteint. »Duc ou grand Duc, Histoire naturelle

des oiseaux, tomme XVI, 1770,

planche n°435.

Page 4: PCA 7369 LETTRE N2. MUSEUM V8OKfg...Juin 2007 3 KIOSQUE Du 4 avril au 3 septembre 2007, le Jardin des plantes et la Grande Galerie de l’Évolu-tion accueillent Mouches… l’expo

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PALÉOBIOGÉOGRAPHIEL’unité de recherche « Paléobiodiversitéet Paléobioenvironnements », placéesous la triple autorité du Muséum, du CNRS et de l’université Paris-VI,organise le 1er Symposium internationalde la paléobiogéographie. La conférencese déroulera dans les locaux de la faculté. Elle abordera notammentl’éclatement de la Pangée, la constitution de la biogéographieactuelle…• Du 10 au 13 juillet 2007

http://sgfr.free.fr

MORPHOLOGIE DES VERTÉBRÉSForte du succès des précédentessessions, la Société internationale desmorphologistes des vertébrés (ISVM)organise son 8e congrès. Afin defavoriser les échanges scientifiques, le Muséum et les universités Paris-VI et Paris-I accueilleront débats,symposiums et groupes de travail.• Du 16 au 21 juillet

www.icvm8.snv.jussieu.fr

CHRONOBIOLOGIECette année, la Grande Galerie de l’Évolution accueille le 39e congrèsannuel de la Société française de la chronobiologie. Cette dernière est consacrée à l’étude de tous les rythmes biologiques et réunit des disciplines allant de la molécule à l’organisme entier dans les domainesdes sciences humaines, des sciences de la vie ou de la médecine. • Du 19 au 21 septembre

www.sf-chronobiologie.org

Une science participativeLes oiseaux continueront-ils à migrer s’il n’y a quasiment plus d’hiver ? Les papillons peuvent-ils résister à uneagriculture productive? Réchauffement climatique, urbanisation, PAC… Comme chacun sait, l’activité humainea un impact sur la biodiversité, mais dans quelles proportions? Les mesures écologiques prises sont-elles suffisamment efficaces?

Autant de questions auxquelles lacommunauté scientifique ne peutrépondre à elle seule : trop de données à collecter ! Devant l’ampleur de latâche, les chercheurs font appel auxvolontaires, naturalistes ou grandpublic. Comment? Tout simplement en observant la nature et en comptantles espèces selon une méthodologieadaptée. C’est le principe duprogramme « Vigie-Nature », piloté par le département « Écologie et Gestionde la biodiversité » du Muséum.Objectif : décrire pour connaître,comprendre pour mieux anticiper,construire des indicateurs debiodiversité.

« L’implication des citoyens permet la mise en place d’un réseau desurveillance national de la nature,explique Romain Julliard, coordinateurscientifique du projet au Muséum. C’est ce qu’on appelle la scienceparticipative : chacun apporte sa pierre à l’édifice. Les observateursamateurs fournissent les données, les scientifiques les analysent et les synthétisent. Les collectivitésterritoriales soutiennent les projets et les associations se font les relaislocaux du programme. »

Aujourd’hui, quatre observatoiresréunissent scientifiques, amateurs et passionnés : depuis 1989, celui des oiseaux communs (1000 sites) et,depuis 2006, ceux des chauves-souris(30 sites), des papillons de jour(100 sites) et de jardin (4500 jardins).

« Devant le succès de l’Observatoire des papillons, nous allons élargir notreprojet à d’autres espèces : amphibiens,plantes… Et pourquoi pas, s’interrogeRomain Julliard, faire participer lesécoles qui fourmillent d’écolo-citoyensen herbe? »

Pierre-Michel Forget vient d’être élu, pour une durée detrois ans, président de l’Association for Tropical Biologyand Conservation (ATBC), dont il est membre depuis 1988.Docteur en biologie végétale tropicale, il appartient à uneéquipe de recherche Muséum-CNRS sur la dynamiqueforestière et la biodiversité*. Il a de nombreuses activitésscientifiques, en Amérique du Sud (Guyane, Suriname,Guyana) et en Afrique (Cameroun, Gabon, Rwanda). L’éco-logie, l’usage durable des produits forestiers et la conser-vation des forêts tropicales sont ses principaux axes detravail au Muséum. Côté ATBC, le but poursuivi est defavoriser l’éducation et la recherche dans les pays tropicaux,mais aussi de promouvoir les échanges entre les spécialis-tes des écosystèmes concernés. Actuellement, cette organi-sation internationale s’intéresse particulièrement auxconséquences des activités humaines sur les environne-

ments tropicaux. C’est dire àquel point son champ d’actionépouse le parcours de son nou-veau président ! Ses missions principales pourles trois années à venir? Ancrerdavantage l’ATBC en Europe etsur le continent africain, orga-niser le congrès annuel de l’as-sociation en 2008. Il souhaiteaussi mettre à profit sa prési-dence pour améliorer la con-servation des forêts et ledéveloppement des popula-tions humaines dans le bou-

clier guyanais. Enthousiaste, Pierre-Michel Forget croitfermement en l’influence positive de l’organisation sur ledevenir et la gestion des forêts tropicales.

* UMR 7179 « Mécanismes adaptatifs : des organismes aux communautés »,Département Écologie et Gestion de la biodiversité.

Radiolaire

(Crucella mijo),

organisme

planctonique en

cristal de roche

vivant dans

l’océan Téthys

il y a 200 millions

d’années.

Un scientifique à l’honneur

Matthieu Gounelle est le premier Euro-péen en poste en Europe à recevoir leprix Nier. Il est distingué pour l’ensemblede ses recherches et de ses publicationssur les météorites. Belle récompense pource scientifique au parcours atypique !Après l’obtention en 1994 d’un DEA enphysique des particules à Paris-VII, il metses études scientifiques entre parenthè-ses. Deux ans plus tard, il obtient unDEA d’histoire et de philosophie des

sciences, sanctionné par Paris et Cambridge. De retour àParis, Matthieu Gounelle débute une thèse au Centre despectrométrie nucléaire et de spectrométrie de masse(CSNSM) qui le mènera jusqu’en Antarctique pour y col-lecter des échantillons extraterrestres. Il soutient sa thèse,« Matière extra-terrestre sur Terre : des protoétoiles auxocéans », en 2000 à Paris-VII. À présent, maître de confé-rences au Muséum, il prend part à la gestion de la collec-tion de météorites de l’établissement. Il enseigne aussi àParis-VII et à l’École normale supérieure. Dans le cadrede ses recherches, Matthieu Gounelle tente d’établir unpont entre cosmochimie et astrophysique. Pour compren-dre comment se forment les étoiles, il met en regard lesanalyses de laboratoire effectuées sur des météorites avecles observations astrophysiques. Par ailleurs, il travaillesur les échantillons cométaires rapportés par la sonde spa-tiale Stardust. Mais son goût pour l’histoire des sciences nel’a pas quitté, et il a travaillé sur le contexte sociopolitiquede la chute de la météorite de l’Aigle, en 1803, premièrepierre reconnue d’origine extra-terrestre.

Lauréat 2006

L’inventaire du patrimoine géologique national est lancédepuis le 5 avril ! À l’origine du projet, plusieurs parte-naires : le ministère de l’Écologie et du Développementdurable, le Muséum, la Société géologique de France, lesRéserves naturelles de France et le Bureau de recherchesgéologiques et minières (BRGM). Cette initiative s’inscritdans la politique globale de connaissance du patrimoinenaturel, instituée par la loi du 27 février 2002. Elle per-mettra de compléter les inventaires de la faune et de laflore existants. Les relais locaux (directions régionales del’Environnement, associations…) ont reçu un vade-mecumexpliquant contexte, méthodologie et modalités de réalisa-tion du projet. Côté scientifique, le Muséum assure la res-

ponsabilité du recensement et intervient en qualité d’expertauprès du ministère. À lui d’évaluer et de valider les sitesgéologiques proposés par les régions (sites minéralogi-ques, paléontologiques, sédimentologiques, tectoniques…).L’intérêt scientifique de cet inventaire réside dans l’inter-dépendance des rapports entre géosphère et biosphère,entre géosystèmes et écosystèmes. En effet, si la détériora-tion d’un site a des conséquences sur la préservation de labiodiversité environnante, les empreintes disparues sontautant d’indices perdus pour la compréhension de l’évolu-tion de la vie et de la Terre. En France, le Muséum tra-vaille sur plusieurs sites. Pour exemple : vers le mont Viso,dans les Alpes, des témoins indiquent que ce sommet setrouvait en plein océan, au temps des dinosaures. Autreillustration : autour de l’étang de Lherz, en Ariège, unmorceau du manteau terrestre affleure à la surface. On ydécouvre quelque deux milliards d’années d’histoire géo-logique : un site précieux à mieux connaître pour mieux leprotéger.

Mieux connaître les sites géologiques

Partenariats

L’exposition internationale« Biodiversité et Humanité : nos vies sont liées », réalisée par Noé Conservation en partenariat avec la Fondation Nicolas Hulot, s’est appuyée sur les experts de plusieurs organismes,dont ceux du Muséum. Elle a été diffusée à l’étranger, via le réseau des ambassades et des centres culturels français. Plus de 100 pays l’ont déjà commandée et exposée !

Une expo pour la biodiversité

Au début de l’année 2006, Noé Conservation et le Muséum se sont associés pour lancer un programme

commun de science participative : l’Observatoire des papillons des jardins. Ce dernier s’inscrit dans le cadre

du plan « Vigie-Nature », piloté par le Muséum, et du projet « Papillons & Jardin », conduit par l’association.

Antoine Cadi évoque ce partenariat.

Des papillons et des hommes

des réponses de proximité. Après cette pre-mière année d’existence, l’OPJ a permis dedéterminer un point zéro pour ces vingt-huit espèces de papillons. Il servira de réfé-rence dans le futur.

Pourquoi les papillons?

Pour deux raisons. Proies pour de nombreu-ses espèces, pollinisateurs et dépendant decertaines « plantes-hôtes », les papillons sontdes indicateurs reconnus pour suivre l’im-pact des changements climatiques, de l’évo-lution des paysages, de la pollution, despratiques agricoles et de jardinage… Ce sontaussi de magnifiques ambassadeurs auprèsdu grand public et des jardiniers amateurs,qui cherchent à faire de leur jardin un refugepour la biodiversité. Les papillons nous per-

mettent de leur délivrer un message incitantà changer de comportement dans une démar-che ludique et positive. Noé invite les parti-cipants à respecter dix engagements pourréconcilier jardinage et environnement.

Avez-vous d’autres projets avec le Muséum?

Bien entendu ! Côté Observatoire, beau-coup de choses restent à développer : recru-ter davantage de jardiniers, mieux connaîtreles jardins observés et promouvoir notreaction dans les départements encore peumobilisés. Mais nous avons le temps : l’Observatoire est là pour durer. Au-delà,nous travaillons sur d’autres projets avecles équipes du Muséum. Ils devraient permettre d’associer amélioration desconnaissances scientifiques et conserva-tion sur le terrain. À l’étude : les program-mes « Antilopes » en Afrique Sahélienne,une « Opération escargot » et un réseau« Insectes saproxyliques » en France!

Comment s’est construit votre partenariat

avec le Muséum?

Depuis l’origine, notre association s’appuiesur l’expertise du Muséum pour mener sesactions ou valider ses outils pédagogiquesd’éducation du grand public. Spécialisésdans la sauvegarde de la biodiversité, nousmettons en place des programmes deconservation sur le terrain, tout en souhai-tant faire évoluer les comportements.D’abord informelle, notre collaboration avecle Muséum a évolué vers un partenariatplus structuré et enthousiasmant. Héber-gés par le Muséum au sein de la ménageriedu Jardin des plantes, nous avons conçu

et lancé ensemble l’Observatoire des papil-lons des jardins (OPJ). Une belle démar-che de science partagée qui rencontre unvéritable succès populaire et médiatiqueavec 15000 observateurs inscrits en 2006.

Sur quel principe repose cet observatoire?

C’est un réseau de surveillance national :des volontaires amateurs comptent lespapillons présents dans leur jardin. Ils fontpasser ces données, via notre site Internet,aux scientifiques du Muséum qui en assu-rent l’analyse. Pour sa part, Noé anime cette« grande famille des observateurs » : en2006, nous avons répondu à plus de huitmille questions par téléphone, e-mail oulettre. À partir de notre site, nous leur com-muniquons également des informations :fiches descriptives des vingt-huit papillonsconcernés, mais aussi synthèse des résul-tats, présentée dans notre lettre d’informa-tion mensuelle à laquelle chacun peuts’abonner. Nous coordonnons aussi leréseau des associations partenaires de l’OPJ,qui assurent un relais local et apportent

Programmes de terrain…En FranceOPÉRATION « TORTUE D’HERMANN ». La seuletortue terrestre française est en déclin ! En par-tenariat avec la Fondation Nicolas Hulot et sou-tenue par le Groupe Autoroutes du Sud de laFrance, Noé Conservation développe des actionsvisant à reconquérir son habitat naturel, dans leVar en particulier. Certaines initiatives sontmenées en collaboration avec de nombreuxpartenaires, dont le Muséum.

En Afrique de l’OuestPOISSON-SCIE EN DANGER. Au large des côtesde l’Afrique, l’association a participé en 2005-2006 à une enquête d’envergure sur les poissons-scies. Victimes des filets de pêche,ces espèces ont en effet quasiment disparu.Bernard Séret et Marie-Christine Cormier-Salem,du Muséum, ont assuré un coencadrement du recensement.

ANTOINE CADIRESPONSABLE DES PROGRAMMES AU SEIN DE L’ASSOCIATION NOÉ CONSERVATION

Actualités

BIODIVERSITÉ

Coopération franco-malgacheLe 26 mars dernier, le Muséum, le CNRS et leministère de la Recherche malgache ontsigné une convention créant un Groupementde recherche international (GDRI) entre laFrance et Madagascar. Ce réseau de recher-che et de formation est créé pour quatre ans,renouvelables deux fois. Il fédère 400 cher-cheurs, dont 250 Malgaches, autour du thème« Biodiversité et développement durable àMadagascar ».

POISSONS

Les scientifiques souhaitent étudier de plusprès les remarquables caractéristiques ana-tomiques du cœlacanthe. Devant l’interdic-tion de capturer ce poisson et face à la raretédes spécimens intacts – deux, seulement,dans les collections du Muséum –, les cher-cheurs ont opté pour l’imagerie médicale. Lescanner d’un des deux ayant révélé unemasse dense gênant la visualisation de l’ap-pareil urogénital, les équipes du Muséumn’ont pas hésité à pratiquer une véritableopération chirurgicale. Résultat : la décou-verte dans l’intestin d’un excrément anorma-lement minéralisé devrait orienter denouvelles recherches (mode d’excrétion dessels minéraux, régime alimentaire…).

« Opération cœlacanthe »

Mélitée.

L’équipe de l’OPJ au grand complet. De gauche à droite :

Coralie Beltrame, Antoine Cadi, Romain Julliard,

Benoît Fontaine, Fabien Verfaillie.

La Tortue

d’Hermann

(Eurotestudo

Hermanni),

dans le Var,

est soumise

à de graves

pressions dues

à l’homme

(perte et

fragmentation

des milieux

naturels,

ramassage,

incendies…).

Jean-Marie

Ballouard

(Noé

Conservation),

mesurant un

rostre de

poisson-scie

dans un marché

de Freetown

(Sierra Leone).

Une petite fille observant les papillons dans son jardin.

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Le Muséum a créé, en mai 2006, une délégation pour l’Outre-Mer.Elle a pour vocation de coordonner, de développer et de valori-ser l’action de l’institution dans ces collectivités. Rattachée à ladirection générale, elle est pilotée par Pascale Joannot. Contact : [email protected]

Outre-Mer

AGENDA

Modélisation 3D du cœlacanthe.

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Pli de structure anticlinale. Boulonnais, cap Gris-Nez.

• www.noeconservation.org.

[email protected]

• www.mnhn.fr/vigie-nature

[email protected]

Contacts

Page 5: PCA 7369 LETTRE N2. MUSEUM V8OKfg...Juin 2007 3 KIOSQUE Du 4 avril au 3 septembre 2007, le Jardin des plantes et la Grande Galerie de l’Évolu-tion accueillent Mouches… l’expo

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Portrait

À la recherche des mondes perdus

Au sein du département d’Histoire de la Terre du Muséum, animaux et plantes fossiles sontminutieusement analysés par une cinquantaine de paléontologues. Leur quotidien? La biodiversité du passé, ses fluctuations à l’échelle des tempsgéologiques, mais également ses interactions avecl’évolution des paysages et des environnements.L’équipe intègre aux diverses thématiques de recherche la systématique (classification desorganismes, fossiles et actuels) et la phylogénie(reconstitution des relations de parenté) : desméthodes capitales pour comprendre la structurationde cette paléobiodiversité au cours du temps. Sans écarter le travail de terrain, essentiel à l’enrichissement et à la valorisation des collections : une mission première du Muséum.

JEAN-SÉBASTIEN STEYER

disposait d’un matériel historique auquelpersonne n’avait réellement touché depuis leXIXe siècle. » Sans oublier les précieux fossi-les exhumés dans l’Allier, avec Rhinopolis.Après douze mois d’enseignement à Lilleet à Poitiers et un post-doc à Prague, Jean-Sébastien décroche un poste au CNRS etintègre le Muséum en octobre 2003.

LE MYSTÈRE DU PERMIEN Comment l’étude du développement de cer-taines espèces aide-t-elle à comprendrel’évolution de la vie? Jean-Sébastien explorece problème scientifique sur une périodeclef de l’ère primaire : le Permien, marquépar l’extinction de 90 à 95% des espèces, ily a 250 millions d’années. « En termes depaléobiodiversité, c’est-à-dire de biodiver-sité du passé, cette crise est la pire que laTerre ait jamais connue, explique le cher-cheur. La vie elle-même a bien failli dispa-raître ! » Pourquoi une telle catastrophe ?Comment environ 5% de survivants ont-ils repeuplé la planète et donné naissance,

rables, « certains animaux auraient pu ytrouver refuge pendant la crise du Per-mien ». Des hypothèses qu’une équipeinternationale et pluridisciplinaire de quinzescientifiques – paléontologues, géologues,archéologues et paléobotanistes – retournecreuser dans la région nigérienne d’Arlit en2006. « Bingo ! Fragments de crânes,empreintes de pas, prélèvements sur untronc d’arbre silicifié de vingt-cinq mètresde long, échantillons de paléosols et autresfossiles de plantes livreront de nombreusesinformations dans quelques mois. » Enattendant d’en savoir plus sur notre vieilleplanète 50 millions d’années avant les dino-saures, le chercheur rêve d’une expéditionen Antarctique !

DIRECTEUR DE LA PUBLICATIONBertrand-Pierre GaleyDIRECTEUR ÉDITORIALPhilippe PénicautRÉDACTRICE EN CHEFSophie Landrin

CONCEPTION - RÉALISATIONPCA / Rampazzo & Associés Rédacteurs : Isabelle Servais-Hélie,Anne Béchiri, Élisa DupontIMPRESSIONImprimerie Escourbiac81300 Graulhet

Département Histoire de la TerreDirecteur : Christian de MuizonUMR 5143 (USM 203) Paléobiodiversité et Paléoenvironnements du CNRSDirecteur : Sevket SenContact : [email protected]

Contacts

57, rue Cuvier 75005 ParisTél. : 01 40 79 30 00

www.mnhn.fr

LeMuséum

Jean-Sébastien Steyer dégage une machoire de Moradisaurus.

Prospection au Niger.

Conservée depuis l’enfance, posée

dans un coin de son bureau, la

petite boîte en carton de Jean-

Sébast ien ressemble à s’y

méprendre à celle de tous les

collectionneurs en herbe.

À l’intérieur, sans se dévorer,

cohabitent des dinosaures ! Mais

la différence entre Jean-Sébastien

et les admirateurs de monstres

préhistoriques tient en quelques

mots : sa passion pour les mondes

disparus ne l’a jamais quitté. Elle

a fait de lui un explorateur de la

vie sur Terre, il y a 250 millions

d’années.

Tout commence avec Les Animaux de laPréhistoire, illustré par Zdenek Burian. Unouvrage offert à Jean-Sébastien pour ses sixans. Très vite, il fait l’objet d’un jeu : l’enfantdevine les noms des dinosaures croqués parson grand-père. Sa passion pour les espè-ces archaïques se développe au rythme de saprécieuse collection de figurines : « Chaquefois que je perdais une dent, la souris dépo-sait un dinosaure sous mon oreiller…! »

UNE ÂME DE BAROUDEURSon cœur a longtemps balancé entre chi-mie et paléontologie, avant de pencher défi-nitivement pour la seconde discipline. Àdouze ans, ses premières expéditions ratis-sent la Drôme provençale : « Nous partionspour la journée à la recherche de dents derequins. » Plus tard, les cartes géologiquessont une révélation : « Chaque couleur cor-respond à une roche, à une période et, avecun peu de chance, à des fossiles ! »Les années de fac sont placées sous le signede la mobilité : Jean-Sébastien obtient unDeug et une licence de sciences de la natureet de la vie à Grenoble. Puis direction Dijon,avec l’assurance de préparer une maîtrisecomportant « suffisamment d’heures depaléontologie ». L’année suivante, l’étudianteffectue un DEA à Montpellier avec unstage à Paris, aux côtés de Jean-ClaudeRage, spécialiste des amphibiens et des rep-tiles fossiles.

DRÔLES DE LIVRES Vocation oblige, Jean-Sébastien rejoint l’association de paléontologie Rhinopolisdurant son service civil. Il assure la ges-tion scientifique du chantier de Buxières-les-Mines, à proximité de Moulins. Sur cesite de fouilles, célèbre pour ses plaquesd’argilites riches en matière organiques,salariés et étudiants bénévoles « clivent »les schistes bitumineux avec délectation :« On les ouvre comme les pages d’un livre,puis on observe ce qu’il y a entre les pla-ques. » L’ancienne mine de charbon livreà Jean-Sébastien quelques beaux spécimensde tétrapodes du Permien. Il est déjà encontact avec le Muséum, au sein duquel ilétudie ces espèces et soutient sa thèse, en2001. « Contrairement aux dinosaures, ellesn’attiraient pas les foules et le Muséum

Erops megacephalus,

Permien inférieur

du Texas,

reconstitution

du squelette.

Moulage donné

par le musée

américain d’Histoire

naturelle.

Remonter le temps, explorer la vie

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en quelques millions d’années, à diversgroupes comme les dinosaures ? Autantd’interrogations qui taraudent le jeune cher-cheur. Il est aujourd’hui l’un des rares spé-cialistes mondiaux des stégocéphales(littéralement, têtes à plaques osseuses),lointains cousins des reptiles et des amphi-biens ayant survécu au cataclysme. L’und’entre eux est à l’origine de la « belle his-toire » de Jean-Sébastien avec le Niger : ils’agit d’un spécimen jusqu’alors inconnu,découvert et photographié par le paléonto-logue américain Christian Sidor, qui pro-pose à Jean-Sébastien de se joindre à sonexpédition, en 2003, pour lever le mystère…

SPÉCIMENS ET DILEMMESQue sait-on de l’histoire de l’Afrique quandreprennent alors les recherches dans leSahara, avec Jean-Sébastien? Il y a 250 mil-lions d’années, elle est au cœur de la Pan-gée, assemblage de la quasi-totalité descontinents. Les scientifiques pensent qu’unefaune et une flore y évoluaient sous un cli-mat homogène, à partir de l’image de lavie sur Terre en Afrique, essentiellementconnue au sud et au nord. « Cette visions’avère erronée, explique Jean-Sébastien,car en Afrique de l’Ouest, nous avons décou-vert des fossiles d’espèces très endémiques,impliquant des écosystèmes complexes etl’existence d’une zone climatique différenteau centre de la Pangée de l’époque. Dessquelettes très bien conservés d’amphibiensgéants carnivores et de reptiles herbivoressuggèrent, à l’emplacement de l’actuel désertnigérien, une plaine traversée par quelquescours d’eau en voie d’assèchement. » Enraison de conditions climatiques plus favo-