Pathologie splénique. Cas no 7. Lymphome B diffus à grandes cellules

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Annales de pathologie (2010) 30, 233—237 HISTOSÉMINAIRE SFP Pathologie splénique. Cas n o 7. Lymphome B diffus à grandes cellules Splenic pathology. Case 7. Diffuse large B-cell lymphoma Antoine de Mascarel Département de pathologie, hôpital Haut-Lévêque, CHU, université de Bordeaux 2, avenue de Magellan, 33604 Pessac, France Accepté pour publication le 24 f´ evrier 2010 Disponible sur Internet le 23 mai 2010 Renseignements cliniques Femme de 73 ans qui consulte pour asthénie, essoufflement et douleur thoracique. Exa- men clinique normal. Diagnostic d’anémie hémolytique auto-immune devant une anémie à 5,8 gr d’Hb, régénérative avec test de Coombs positif. Recherche d’agglutinines froides négatives. Échographie et scanner : splénomégalie avec nodule hétérogène de 4 cm. Échec de la corticothérapie. Splénectomie. Décès par hémorragie interne, 15 jours après la splé- nectomie. Diagnostic proposé Lymphome B diffus à grandes cellules. Description macroscopique La rate pèse 362 g et mesure 13 × 10 × 5 cm. La coupe met en évidence une formation tumorale de 4 cm, de couleur blanchâtre à limite relativement nette, contrastant avec le parenchyme splénique macroscopiquement normal (Fig. 1). Adresse e-mail : [email protected]. 0242-6498/$ — see front matter © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.annpat.2010.03.011

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Annales de pathologie (2010) 30, 233—237

HISTOSÉMINAIRE SFP

Pathologie splénique. Cas no 7. Lymphome B diffusà grandes cellules

Splenic pathology. Case 7. Diffuse large B-cell lymphoma

Antoine de Mascarel

Département de pathologie, hôpital Haut-Lévêque, CHU, université de Bordeaux 2,avenue de Magellan, 33604 Pessac, France

Accepté pour publication le 24 fevrier 2010Disponible sur Internet le 23 mai 2010

Renseignements cliniques

Femme de 73 ans qui consulte pour asthénie, essoufflement et douleur thoracique. Exa-men clinique normal. Diagnostic d’anémie hémolytique auto-immune devant une anémieà 5,8 gr d’Hb, régénérative avec test de Coombs positif. Recherche d’agglutinines froidesnégatives. Échographie et scanner : splénomégalie avec nodule hétérogène de 4 cm. Échecde la corticothérapie. Splénectomie. Décès par hémorragie interne, 15 jours après la splé-nectomie.

Diagnostic proposé

Lymphome B diffus à grandes cellules.

Description macroscopique

La rate pèse 362 g et mesure 13 × 10 × 5 cm. La coupe met en évidence une formationtumorale de 4 cm, de couleur blanchâtre à limite relativement nette, contrastant avec leparenchyme splénique macroscopiquement normal (Fig. 1).

Adresse e-mail : [email protected].

0242-6498/$ — see front matter © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.doi:10.1016/j.annpat.2010.03.011

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Figure 3. Lymphome B diffus à grandes cellules de la rate : proli-fération de grandes cellules lymphoïdes activées.[[en]]Diffuse large

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igure 1. Lymphome B diffus à grandes cellules de la rate : macro-copie : aspect tumoral pseudométastatique.iffuse large B-cell lymphoma of the spleen: mascroscopy: pseudo-etastatic aspect.

escription microscopique

a tumeur est constituée par une prolifération lymphoïdeiffuse (Fig. 2) associant majoritairement des cellulese grande taille, avec des noyaux souvent multilobés,ossédant des nucléoles excentrés (Fig. 3). Au voisi-age, le parenchyme splénique est sensiblement normal,ans localisation lymphomateuse, en particulier à petitesellules.

En immunohistochimie, ces grandes cellules sont de phé-otype B, partiellement CD20+ (Fig. 4) et plus fortementositives avec CD79a+ (Fig. 5). Elles sont négatives avecD10 (Fig. 6), positives avec Mum1 (Fig. 7), exprimente facon hétérogène Bcl2 et restent négatives avec Bcl6,D23 et cycline D1. Plus de 80 % des grandes celluleséagissent avec Ki67-MIB1 (Fig. 8). Les pan-T CD3 etD5 montrent une population T résiduelle moyennementbondante (Fig. 9). Du fait de l’expression inconstante duD20, un complément d’immunohistochimie montre qu’unontingent de grandes cellules est monotypique kappaFig. 10 et 11), témoignant d’une inflexion plasmocytaire etxpliquant la perte partielle du CD20 sur les grandes cel-ules.

igure 2. Lymphome B diffus à grandes cellules de la rate :ontraste net entre la prolifération lymphoïde et le paren-hyme splénique.[[en]]Diffuse large B-cell lymphoma of the spleen:ontrast between lymphoid proliferation and splenic tissue.

B-cell lymphoma of the spleen: proliferation of large activated cells.

Figure 4. Lymphome B diffus à grandes cellules de la rate : lesgrandes cellules montrent une positivité hétérogéne avec le CD20.Diffuse large B-cell lymphoma of the spleen: The large cells showa heterogenous positivity with CD20.

Figure 5. Lymphome B diffus à grandes cellules de la rate : lesgrandes cellules sont CD79a positives.Diffuse large B-cell lymphoma of the spleen: the large cells areCD79a positive.

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Figure 6. Lymphome B diffus à grandes cellules de la rate : lesgrandes cellules sont CD10 négatives.Diffuse large B-cell lymphoma of the spleen: the large cells areCD10 negative.

Figure 7. Lymphome B diffus à grandes cellules de la rate : lesgrandes cellules sont Mum1 positives.Diffuse large B-cell lymphoma of the spleen: the large cells areMum1 positive.

Figure 8. Lymphome B diffus à grandes cellules de la rate : plusde 80 % des grandes cellules sont positives avec Mib1.Diffuse large B-cell lymphoma of the spleen: more than 80 % of cellsare positive with Mib1.

Figure 9. Lymphome B diffus à grandes cellules de la rate : lesgrandes cellules sont CD5 négatives.Diffuse large B-cell lymphoma of the spleen: the large cells areCD5 negative.

Figure 10. Lymphome B diffus à grandes cellules de la rate : lesgrandes cellules sont monotypiques kappa.Diffuse large B-cell lymphoma of the spleen: the large cells arekappa monotypic.

Figure 11. Lymphome B diffus à grandes cellules de la rate :les grandes cellules sont négatives avec lambda (rares plasmocyteslambda +, témoin interne).Diffuse large B-cell lymphoma of the spleen: the large cells arenegative with lambda (rare plasma cells lambda +, control).

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tique. L’incidence semble en augmentation du fait d’un

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pidémiologie et présentation clinique [1—3]

n Occident, les lymphomes B diffus à grandes cellulesLBDGC) sont les plus fréquents et représentent 30 à 40 %es lymphomes non hodgkiniens. L’âge médian est autoure 70 ans. Il existe une légère prédominance masculine.ls surviennent le plus souvent de novo et correspondentlus rarement à une transformation d’un lymphome B indo-ent (LLC, lymphome folliculaire ou lymphome de la zonearginale splénique). Dans plus de 40 % des cas, l’atteinte

nitiale est extraganglionnaire. La forme splénique isoléest rare (10 %) et il s’agit généralement d’une masse tumo-ale à évolution rapide, souvent symptomatique avec signesénéraux (« symptômes B ») : fièvre, amaigrissement, sueursocturnes.

spect macroscopique [1—3]

a rate pèse 1 à 2 kg et présente beaucoup plus souventn aspect tumoral pseudométastatique que micronodulaire.l peut s’associer des remaniements nécrotiques, hémorra-iques ou fibreux.

spect histologique [1—3]

a prolifération tumorale est d’architecture diffuse avec unontraste net entre la tumeur et le parenchyme spléniqueésiduel. Il s’agit de grandes cellules assez monotones, auoyau nucléolé souvent en mitose.

Dans la rate, deux autres sous-types peuvent se rencon-rer :

lymphome B riche en lymphocytes T et en histiocytes[5,6] ;

C’est un lymphome rare (1 à 3 % des LBDGC), survenantautour de 50 ans, se manifestant par une splénomégaliedans 40 à 60 % des cas associée à une symptomatologie B.L’envahissement médullaire et hépatique est fréquent. Larate pèse entre 0,8 et 2,5 kg et montre à la coupe, une

expansion micronodulaire de la pulpe blanche, sans véri-table masse tumorale visible. La prolifération lymphoïdeest formée de micronodules dans la pulpe blanche avecune extension variable à la pulpe rouge.

Morphologiquement, le diagnostic est porté s’il existemoins de 10 % de grandes cellules tumorales au sein d’unepopulation réactionnelle riche en lymphocytes ou en his-tiocytes (OMS). En IHC, les grandes cellules sont CD20+,CD79a+ et expriment le CD45, le Bcl6 (60 %) et de faconvariable, l’EMA et le CD30/BerH2. Elles restent négativesavec CD15, CD5, CD10 et l’EBV. Il n’existe pas de réseaufolliculaire dendritique dans les nodules tumoraux commeen témoigne la négativité du CD21 ou du CD23.lymphome B intravasculaire [7—9] (cf cas no 3).

onnées immunophénotypiques [1—4]

es cellules sont de type B CD20+ avec un index de prolifé-ation MIB1/Ki67 élevé (souvent > à 70 %). Un complément’IHC avec CD10, Bcl6 et Mum1 permet de différencier deuxroupes dont le pronostic serait différent :

un profil de type « Germinal Center (GC) » de meilleurpronostic : CD10±, Bcl6±, MUM1- ;un profil de type activé (ou non GC) de moins bon pronos-tic : CD10-, Bcl6-, Mum1+.

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A. de Mascarel

Cette différence pronostique doit être validée par destudes multicentriques en cours. Le Bcl2 est positif dans0 à 50 % des cas, tous types confondus. Sa positivitémarquage de plus de 50 % des cellules tumorales) seraitssociée selon certaines études, à un moins bon pronostic.ependant, depuis l’association de l’anti-CD20 (Rituxi-ab) à la chimiothérapie, la différence pronostique entre

ymphome à grandes cellules B Bcl2+ et Bcl2- sembleisparaître.

onnées cytogénétiques et moléculaires [1—3]

a PCR montre un réarrangement clonal des chaînes lourdeses immunoglobulines et il existe des anomalies cytogéné-iques fréquentes et récurrentes mais non spécifiques :

t(14 ; 18) (30 %) ;anomalie de la région 3q27 (30 %) ;t(8 ; 14) (q24 ; q32) classiquement associée au lymphomede Burkitt, parfois mise en évidence, le plus souvent asso-ciée à d’autres anomalies ;trisomie 3, del(6q), del(17p). . .

iagnostic différentiel

a forme tumorale fera discuter :un lymphome B diffus à grandes cellules secondaire : toutlymphome B indolent est susceptible de se transformeren LBDGC et la recherche de cette transformation se feradevant toute altération de l’état général ou symptômesB d’apparition récente, ainsi que devant toute augmen-tation rapide, douloureuse ou non, d’une splénomégaliedéjà connue chez un patient suivi pour un lymphome indo-lent ;une métastase [10] : la métastase splénique peut êtresynchrone ou métachrone à la découverte de la tumeurprimitive. C’est exceptionnel qu’elle soit la manifes-tation initiale de la maladie et elle s’intègre le plussouvent dans le cas d’une pathologie multimétasta-

meilleur dépistage par les techniques d’imagerie et del’amélioration de la survie des patients atteints de can-cer. Les tumeurs primitives préférentielles sont le sein,le poumon, l’ovaire, le côlon et le rectum, l’estomac,le pancréas et le foie. Le mélanome est souvent res-ponsable de métastases spléniques (13 % dans les sériesautopsiées). L’immunohistochimie permettra de les dif-férencier d’un LBDGC.

Le lymphome B riche en lymphocytes T et en histiocytesera discuter :

le lymphome de Hodgkin classique (cellules de Reed-Sternberg CD30+, CD15+, CD79a-, EMA-) ;le lymphome de Hodgkin nodulaire à prédominancelymphocytaire ou paragranulome de Poppema-Lennert(phénotype des grandes cellules CD20+, EMA+, CD15-,CD30-) mais clinique généralement indolente. La locali-sation splénique est exceptionnelle ;le lymphome folliculaire (cellules tumorales CD10+,Bcl6+, Bcl2+ associées à un réseau folliculaire dendri-tique, t(14 ;18)) ;le lymphome T angio-immunoblastique (cellules tumo-rales T CD10+, CXCL13+, grandes cellules B EMA- et EBV+,clone T) ;le lymphome T périphérique NOS (prolifération de cellulesT, absence de grandes cellules B, clone T).

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s cel

classification of diffuse large B-cell lymphoma by immuno-

Pathologie splénique. Cas no 7. Lymphome B diffus à grande

POINTS IMPORTANTS À RETENIRLe LBDGC : le plus fréquent des lymphomes

spléniques ; formes primitives spléniques beaucoupplus rares qu’une dissémination provenant d’un autresite.

Éliminer une transformation d’un lymphome Bindolent par un bon échantillonnage et un examen duparenchyme splénique en périphérie de la lésion.

Diagnostic positif : lésion macroscopiquementtumorale ; prolifération diffuse de grandes cellulesatypiques nucléolées ; IHC conseillée : CD20, CD3, CD5,CD10, Bcl6, Bcl2, Mum1, Mib1 ; sous-type à connaître :Lymphome B riche en lymphocytes T et en histiocytes :architecture micronodulaire, population tumorale degrande taille B inférieure à 10 % sur un fond réactionnelriche en lymphocytes T et en histiocytes.

Lymphome agressif : amélioration de la survie depuisl’avènement du Rituximab.

Conflit d’intérêt

Pas de conflit d’intérêt.

Références

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lules 237

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