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Partie 3 : Plasticité cérébrale ( Page 360/ 361) Introduction : - Doc 1 page 360 : un cas clinique : l’alexie NB : Alexie et dyslexie : les termes « alexie » et « dyslexie » sont fréquemment utilisés pour désigner les difficultés d'apprentissage de la lecture. Le terme « alexie » est employé pour désigner la perturbation de la compréhension du langage écrit qui survient une fois que l'individu a appris à lire. Il s'agit de différencier ces troubles acquis des troubles du développement plus communs, mais tout à fait distincts, comme la dyslexie, dans lesquels l'apprentissage de la lecture ne s'effectue pas entièrement au cours du développement normal. Avant la lecture, les régions cérébrales du langage parlé, située le plus souvent dans l’hémisphère gauche du cerveau, sont déjà en place. L’enfant sait parler, comprendre les phrases, et son vocabulaire s’enrichit de plusieurs milliers de mots par an. Un enfant prélecteur sait également reconnaître les objets qu’il voit et les nommer : il possède donc un système visuel organisé, sophistiqué et déjà connecté aux aires cérébrales du langage. Mais lire un mot ne ressemble pas vraiment à nommer un objet. Pour lire, une partie des aires visuelles du cerveau doit se spécialiser pour les lettres et les mots écrits. La lecture développe une interface, une connexion entre la vision et les aires cérébrales du langage parlé. Une région particulière du cerveau doit se spécialiser dans le décryptage des lettres et de leurs combinaisons. En comparant le cerveau de lecteurs et d’illettrés, nous avons découvert que le principal changement qu’impose la lecture se situe dans l’hémisphère gauche, dans une région bien précise qu’on appelle l’aire de la forme visuelle des mots. C’est elle qui concentre toutes nos connaissances visuelles sur les lettres et leurs combinaisons. Lors de la présentation de lettres, son activité s’accroît en proportion directe du niveau de lecture : mieux on sait lire, et plus elle répond. Au cours de l’apprentissage, sa réponse augmente donc progressivement, sans doute parce qu’un nombre croissant de neurones se spécialise dans la lecture. Ce morceau de cortex doit apprendre que A et a, si différents en apparence, sont en fait la même lettre, alors que e et c, qui se ressemblent, doivent être distingués. Il apprend également que l’ordre des lettres compte, que certaines combinaisons de lettres sont fréquentes et d’autres rares… toutes ces connaissances sont codées dans cette région. D’ailleurs, chez un adulte, si cette région est détériorée par une lésion ou un accident vasculaire, la lecture devient strictement impossible. C’est ce qu’on appelle l’alexie pure: un déficit sélectif de la reconnaissance des mots écrits, qui apparaît à la suite d’une lésion cérébrale. Le cerveau créé donc de nouvelles connexions neuronales au fil de l’apprentissage : c’est la plasticité cérébrale.

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En comparant le cerveau de lecteurs et d’illettrés, nous avons découvert que le principal changement qu’impose la lecture se situe dans l’hémisphère gauche, dans une région bien précise qu’on appelle l’aire de la forme visuelle des mots. C’est elle qui concentre toutes nos connaissances visuelles sur les lettres et leurs combinaisons. Lors de la présentation de lettres, son activité s’accroît en proportion directe du niveau de lecture : mieux on sait lire, et plus elle répond. Au cours de l’apprentissage, sa réponse augmente donc progressivement, sans doute parce qu’un nombre croissant de neurones se spécialise dans la lecture.

Ce morceau de cortex doit apprendre que A et a, si différents en apparence, sont en fait la même lettre, alors que e et c, qui se ressemblent, doivent être distingués. Il apprend également que l’ordre des lettres compte, que certaines combinaisons de lettres sont fréquentes et d’autres rares… toutes ces connaissances sont codées dans cette région. D’ailleurs, chez un adulte, si cette région est détériorée par une lésion ou un accident vasculaire, la lecture devient strictement impossible. C’est ce qu’on appelle l’alexie pure: un déficit sélectif de la reconnaissance des mots écrits, qui apparaît à la suite d’une lésion cérébrale. Le cerveau créé donc de nouvelles connexions neuronales au fil de l’apprentissage : c’est la plasticité cérébrale.

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Cette aire existe chez le singe, elle est dévolue à la reconnaissance des objets et des formes (visages ?), chez l’homme cette aire, présente de façon innée, est progressivement réaffectée à la reconnaissance des mots. " (...) L’écriture est une invention trop récente pour avoir influencé l’évolution génétique humaine. Son apprentissage ne peut donc reposer que sur un "recyclage" de régions cérébrales préexistantes, initialement dédiées à d’autres fonctions mais suffisamment plastiques pour se réorienter vers l’identification des signes écrits et leur mise en liaison avec le langage parlé.(...)

Source : Impact de l’apprentissage de la lecture sur le cerveau www.inserm.fr I/ Un cortex en évolution

1. Des données expérimentales : - une expérience sur le chat : doc 2 page 361

Témoin. Les neurones de la classe 1 sont exclusivement stimulés par l'œil gauche, ceux de la classe 7 sont exclusivement stimulés par l'œil droit, ceux de la classe 4 sont indifféremment stimulés par les deux yeux tandis que les autres sont surtout stimulés par l'œil droit (classes 2 et 3) ou par l'œil gauche (5 et 6). Les neurones les plus activés sont ceux des classes 3 et 4 : œil gauche et droit et gauche.

NB : le chat est adulte à 6 mois

Expérience 1. Occlusion de l'œil droit entre l'ouverture des yeux (1 semaine) et 2,5 mois. La mesure est réalisée à 38 mois. La cécité corticale de l'œil droit est définitive alors que l'œil fonctionne. Expérience 2. Occlusion de l'œil droit entre 12 et 38 mois. Après l'expérience, la vision binoculaire normale se réinstalle rapidement.

Chez le chaton, la privation de la vision d’un œil montre que les neurones issus de l’autre œil ne compensent pas la régression des connexions. En revanche, chez l’adulte qui a passé cette période critique, les neurones de l’autre œil ont compensé en parties cette occlusion.

Bilan. Il existe une période critique dans le développement du cortex visuel au cours de laquelle des circuits nerveux se mettent en place (des connexions entre neurones se réalisent). Par cette expérience, il a donc été démontré qu’il y a eu une réorganisation neuronale : en effet, les neurones de l’œil non caché se sont multipliés et étendus dans la partie correspondant à l’œil caché

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2. L’évolution du cortex humain :

Architecture dendritique du cortex La complexité du cerveau tient non seulement au fait qu'il est composé de très nombreux éléments, mais réside dans la richesse et la précisions des interconnexions entre ces très nombreux éléments : chaque cellule nerveuse reçoit ou est à l'origine de 5000 à 90 000 contacts fonctionnels à travers lesquelles les cellules nerveuse communiquent entre elles pour capter échanger, traiter, stocker et confronter des informations pertinentes qui assurent à l'organisme un comportement biologiquement adapté. Chez tous les mammifères, le cortex visuel primaire est immature à la naissance. Différentes études montrent que l’expérience individuelle agit sur la maturation du cortex visuel. Chez le jeune, l’occultation d’un œil (expérimentale chez l’animal, due à une cataracte chez l’humain) peut entrainer une déconnexion irréversible du cortex visuel correspondant à l’œil occulté

Naissance 18 mois 2 ans

Ainsi, il apparaît que c’est en exerçant la vision que le cortex visuel se construit définitivement. C’est la preuve de sa plasticité Plasticité : la propriété de neurones à modifier leurs connexions synaptiques ce qui entraîne une modification des réseaux neuronaux tout au long de l'histoire personnelle, c'est la plasticité cérébrale. II/Apprentissage et plasticité

Ø Exercice 6 page 370

1. Une activation du cortex visuel chez les aveugles ?

Lorsqu'un voyant lit du braille les yeux bandés, son cortex visuel ne régit pas. Par contre la même tâche effectuée par une personne non-voyante depuis l'âge de 3 ans et entraînée à la lecture du braille mobilise les aires visuelles pour une sensation tactile.

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2. Activation des aires corticales suite à une stimulation auditive :

12 personnes aveugles de naissance et 12 voyants. Chacune a passé une imagerie cérébrale par résonance magnétique. Premier enseignement : au repos, l’activité cérébrale d’un non-voyant est supérieure à celle d’une personne voyante, au niveau du cortex visuel. Deuxième enseignement, ce cortex est recyclé par la personne aveugle pour traiter des informations non-visuelles. Donc là où une personne voyante va utiliser son cortex visuel pour regarder un objet ou un lieu, la personne aveugle le détournera de sa fonction première pour accentuer ses capacités olfactives, tactiles ou auditives. L’augmentation de ces aptitudes lui permettra de mieux appréhender l’objet ou de mieux se situer au sein du lieu qu’il découvre. Ceci constitue un bon exemple de l'influence de l'inné (gènes) et de l'acquis (l'expérience) sur l'organisation fonctionnelle du cerveau : les gènes codent l'organisation modulaire (quelle zone du cerveau effectue quel type de traitement ou d’analyse sur l’information sensorielle) alors que l'expérience (cécité)́ permet de changer la modalité ́ sensorielle de certaines zones cérébrales: dans ce cas-ci, transformer les aires (infos) visuelles en des aires sensorielles tactiles et auditives.

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Bilan : Une plasticité synaptique :

 Chaque neurone du cortex établit environ 10 000 connexions synaptiques avec d'autres neurones. Lors d'un apprentissage de nouvelles synapses s'établissent entre les neurones du cortex et d'autres peuvent disparaître. Il en résulte une modification des réseaux neuronaux dans le cerveau, c'est la plasticité cérébrale. Une grande part de l'organisation du cerveau est innée : par exemple, les axones (fibres nerveuses) venant de la rétine se projettent toujours sur le corps genouillé latéral (CGL) et les neurones du CGL se projettent toujours sur le cortex visuel primaire ou sur d'autres territoires corticaux engagés dans la vision. Mais, au sein de ces grandes lignes fixées par une "enveloppe génétique", des processus de plasticité génèrent de la variabilité et cela à plusieurs niveaux : celui de la molécule, du neurone et de ses synapses, des réseaux de neurones, des réseaux de réseaux... le cerveau n'a donc rien d'un automate rigidement câblé. Au contraire chaque cerveau est unique. (...). La plasticité est déjà présente chez l'embryon. Dès que les neurones sont différenciés, le système nerveux montre une activité spontanée importante qui participe à la mise en place du réseau de l'adulte. Des neurones meurent, d'autres persistent, les synapses se forment, se multiplient, certaines sont stabilisées, d'autres éliminées. (...) Il existe donc une variabilité épigénétique (du cerveau). Jean-Pierre Changeux, Les dossiers de la Recherche, n° 40 Le cerveau, août 2010 Si l'organisation du cerveau est commandée par l'information génétique, la plasticité cérébrale fait du cerveau un système dynamique qui permet en permanence l'apprentissage et la mise en mémoire. Cette variabilité épigénétique fait que chaque cerveau est unique.

ADAPTATION