Particularités du glaucome chez le chat

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Présentation faite au congrés annuel de l'AFOV (Association Française d'Ophtalmologie vétérinaire) de 2011.

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PARTICULARITES DU GLAUCOME FELIN

Dr Frank FAMOSE – 31700 Blagnac

Le glaucome est une affection oculaire caractérisée par l’accumulationd’humeur aqueuse

(HA) dans le globe oculaire avec pour conséquence l’augmentation de la pression

intraoculaire et la perte de la vision. Elle est de mauvais pronostic à la fois sur un plan

visuel et sur un plan douloureux. Considéré dans l’espèce humaine comme une affection du

nerf optique associée à une augmentation éventuelle de la PIO, le glaucome est une

affection dans laquelle, chez les carnivores, l’augmentation de PIO est le point central du

mécanisme pathogénique.

Plusieurs classifications ont été proposées mais la plus pertinente est la classification

pathogénique qui repose sur le trajet de l’humeur aqueuse et sur les obstacles à son

écoulement intraoculaire et à son élimination à l’extérieur du globe(MILLER, 2009).

Produite par les cellules claires des corps ciliaires, l’HA quitte la chambre postérieure par

la fente pupillaire et atteint la chambre antérieure. Les courants de convection l’amènent

dans la fente ciliaire où elle traverse le réseau trabéculaire pour gagner le plexus veineux

de la sclère puis les veines choroïdiennes. Ceci constitue la voie conventionnelle de

l’élimination de l’HA. Une partie est réabsorbée par l’iris et constitue la voie uvéo-

sclérale.

Chaque franchissement peut faire l’objet d’un obstacle, d’un ralentissement ou d’un

blocage complet :

- Sécrétion de l’HA dans ou derrière le corps vitré (glaucome « malin »)

- Bloc pupillaire (secclusion pupillaire)

- Fermeture de la fente ciliaire (glaucome à angle fermé)

- Blocage de l’angle irido-cornéen (goniodysplasie ou post-inflammatoire)

- Engorgement du réseau vasculaire scléral ou épiscléral ;

Ces différents mécanismes sont communs à toutes les espèces et peuvent correspondre à

des causes primaires (anomalies de développement, prédisposition génétique ou familiale)

ou secondaires (traumatisme, inflammation, tumeur…) ce qui permet également de classer

les glaucomes en formes primaires ou secondaires.(MILLER, 2009)

Les conséquences de l’hypertension oculaire sont également les mêmes dans toutes les

espèces, mais exprimées de manière différente :

- Perte de vision par pression sur la tête du nerf optique

- Douleur par étirement de la coque sclérale

- Augmentation du volume du globe oculaire

- Rougeur oculaire

- Œdème cornéen

- Mydriase

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Nous aborderons les particularités du glaucome du chat selon deux aspects. Le premier

met en évidence les différences cliniques entre le glaucome du chat et celui du chien. Le

second a pour objectif de préciser la conduite à tenir spécifique face à un glaucome félin.

Présentation clinique du glaucome félin

1.1 Epidémiologie

Selon les études, la fréquence du glaucome chez le chat est comprise entre 0,3 et 0,9%,

bien plus faible que chez le chien ou elle est évaluée à 1,7%, comme dans l’espèce

humaine. L’âge d’apparition est plutôt tardif (9 ans en moyenne) et il ne semble pas y

avoir de prédisposition sexuelle.(STILES & TOWNSEND, 2007)

1.2 Pathogénie

Ces glaucomes sont secondaires dans 95 à 95% des cas contre environ la moitié des cas

chez le chien. Ces statistiques ont été tirées des études histologiques d’yeux énucléés pour

glaucome et ne présentant aucune lésion inflammatoire ou tumorale, à la différence des

glaucomes secondaires.

Une prédisposition raciale a été décrite chez le Siamois, le Persan et le Burmese, chez

lesquels peut évoluer un glaucome à angle ouvert et une dysplasie du ligament pectiné. Un

glaucome à angle étroit a été également décrit chez le Burmese.

Selon les mêmes études, l’essentiel des glaucomes sont secondaires à l’évolution d’une

tumeur intraoculaire ou d’une uvéite chronique lymphoplasmocytaire idiopathique. Les

autres causes d’uvéites sont également potentiellement responsables de glaucome. Le

mécanisme est l’obstacle à la résorption de l’humeur aqueuse dans l’angle irido-cornéen

par :

- dépôts de cellules inflammatoires dans la fente ciliaire

- développement de synéchies antérieures périphériques

- formation de membranes fibrovasculaires dans l’angle iridocornéen.

La luxation antérieure de cristallin est également une cause de glaucome chez le chat,

mais moins fréquente que chez le chien, du fait de la plus grande profondeur de sa

chambre antérieure. La luxation du cristallin est plus souvent secondaire au glaucome bien

que, dans certains cas, la chronologie des événements soit difficile à préciser.

De manière plus récente, le glaucome malin a été décrit chez le chat. Il serait lié à une

sécrétion d’HA postérieure, dans le vitré, au travers de petites brèches de la membrane

hyaloïde. L’hypertension vitréenne provoque un déplacement antérieur du cristallin et une

réduction de la profondeur de la chambre antérieure. L’âge moyen d’apparition est de 12

ans.(MILLER, 2009)

1.3 Signes cliniques

Les signes cliniques du glaucome sont les mêmes que dans les autres espèces mais sont

plus subtils et le plus souvent passent inaperçus. Dans plus de 70% des cas, la vision est

déjà perdue lorsque l’animal est présenté : les signes cliniques sont présents depuis

longtemps.

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Les motifs de consultation les plus fréquents sont : cataracte, œdème de cornée,

mydriase, buphtalmie (pas toujours facile à voir) et cécité.

La forme congestive aiguë rencontrée chez le chien, avec une PIO supérieure à 50 mm Hg

n’existe pas chez le chat. Dans cette espèce, l’augmentation de PIO est progressive, avec

peu de signes cliniques. Le signe le plus constant reste la mydriase, l’œdème de cornée et

la buphtalmie. Les symptômes de la cause (uvéite, tumeur intraoculaire) sont souvent plus

nets que ceux du glaucome.

L’hyperhémie et l’œdème de cornée, communs chez le chien, n’apparaissent que

tardivement chez le chat, ceci étant lié à la meilleure capacité des cellules endothéliales

à compenser l’augmentation de pression.

Du fait de l’augmentation de la PIO, la papille optique subit une excavation par laquelle

les axones des cellules ganglionnaires sont écrasés et celles-ci disparaissent. L’aspect

clinique de l’excavation papillaire correspond à la perte de ces cellules ganglionnaires.

Cette mort cellulaire entraine des phénomènes auto-entretenus qui expliquent la

persistance du phénomène même lorsque la pression est normalisée. La mesure de

l’excavation papillaire et l’évaluation de ses changements d’aspect (papille plus sombre)

restent délicates.(STILES & TOWNSEND, 2007)

La douleur présentée par les patients est variable, en grande partie selon la valeur de la

pression intraoculaire. La plupart des chats atteints ne présentent pas de symptômes que

leur propriétaire associée à de la douleur. Cependant, ces derniers décrivent des chats qui

dorment plus, se cachent ou mangent moins.

Conduite à tenir face à un glaucome chez un chat

2.1 Diagnostic

Le diagnostic du glaucome félin repose sur la mesure de la pression intraoculaire. Chez le

chat, la PIO varie au cours de la journée et en fonction de l’âge. Les valeurs normales sont

différentes de celle du chien. La valeur moyenne chez le chat est de 15 à 25 mm Hg.

(contre 10 à 20 mmHg chez le chien). Cette pression diminue en moyenne de 1,7 mm Hg

par année d’âge au-delà de 7 ans. La PIO est également fonction de l’épaisseur de la

cornée. L’épaississement ou l’amincissement consécutifs à l’évolution du glaucome,

respectivement dû à l’œdème cornéen ou à la buphtalmie sont des facteurs de variation

de la mesure de la PIO. On considère comme anormale une pression supérieure à 25 mm Hg

chez un chat adulte ou si la différence de pression entre les deux yeux est supérieure à 12

mm Hg. Un dépistage systématique du glaucome chez le chat âgé de plus de 7 ans paraît

très pertinent.

Les valeurs de mesure de pression sont les plus fiables avec des appareils type TonopenND

ou Tonovet ND par rapport au tonomètre de Schiotz.

Cliniquement, les modifications du fond d’œil sont visibles dès le début de l’hypertension

oculaire, en principe. En pratique, comme nous l’avons vu, ces modifications sont

délicates à évaluer.

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La buphtalmie correspond à une augmentation majeure du volume du globe lors

d’évolution chronique du glaucome. Elle est parfois masquée par la position des paupières

qui, normalement, couvrent la sclère. Elle est également la cause de lésions cornéennes

secondaires telles qu’ulcères de cornée, dessèchement « en amande » de la cornée ou

stries de Haab dans la partie endothéliale.

La deuxième étape du diagnostic est la recherche de la cause : les glaucomes du chat

étant majoritairement liés à une inflammation oculaire préalable ou à une tumeur

intraoculaire, la logique du diagnostic conduit à réaliser une recherche systématique

d’affection. Les éléments du diagnostic sont ceux utilisés pour les uvéites : ponction de

chambre antérieure et échographie oculaire.

La troisième étape du diagnostic consiste à démonter le mécanisme d’hypertension

oculaire : elle permet de déterminer le ou les points d’obstacle à l’écoulement ou

l’élimination de l’HA. Ce diagnostic repose sur l’échographie oculaire (examen du segment

postérieur), l’échographie à haute fréquence ou l’OCT pour l’examen de l’angle irido-

cornéen.

2.2 Traitement

2.2.1 Médical :

Le soulagement de la douleur est un des éléments clés du traitement. Les faibles

augmentations de PIO sont a priori peu douloureuses mais les augmentations marquées (40

ou 60 mm Hg) sont décrites comme très douloureuses. D’autre part, la normalisation de la

valeur de la PIO s’accompagne de la disparition des signes douloureux, décrite par le

propriétaire comme un changement marqué du niveau d’activité. Les anti-inflammatoires

ou antalgiques systémiques peuvent être utiles même si le point clé de la gestion de la

douleur reste l’abaissement de la PIO.

Le traitement idéal du glaucome chez le chat devrait tenir compte du ou des lieux

d’obstruction du flux d’HA et permettre de les contourner. La plupart des glaucomes étant

secondaires, une grande majorité de chat sont traités par un traitement médical seul, avec

des réponses très variables d’un animal à l’autre et selon la forme de glaucome.

Malheureusement, aucune molécule ne traite tous les glaucomes et il n’existe pas de

spécialité vétérinaire destinée au traitement du glaucome. 5 classes de médicaments sont

utilisées :

- Inhibiteurs de l’Anhydrase Carbonique (IAC) : ils interfèrent avec la synthèse de

l’HA par les cellules claires des corps ciliaires. Les IAC systémiques (Acetazolamide Ŕ

Diamox ND) sont utilisés depuis de nombreuses années mais leur intérêt reste limité par

leur toxicité générale (acidose métabolique, hypokaliémie,…). Plus récemment, les IAC ont

été développés sous forme locale (Dorzolamide Ŕ Trusopt ND, Brinzolamide Ŕ Azopt ND).

L’inhibition de l’AC devant être totale pour être efficace, une administration toutes les 8

heures paraît nécessaire. Le Brinzolamide serait moins irritant que le Dorzolamide. Ces

molécules sont synergiques des autres antihypertenseurs oculaires et n’accentuent pas les

uvéites antérieures.

- β-adrénergiques : les β-adrénergiques les plus utilisés chez le chat sont le timolol

et le betaxolol. Ces molécules nécessitent un niveau minimum de tonus adrénergique pour

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fonctionner ce qui explique leur inactivité pendant le sommeil. La réduction de la PIO est

de l’ordre de 20 % après une instillation unique de timolol (maleate à 0,5%). Curieusement,

cette instillation réduit également la PIO de l’œil adelphe et s’accompagne d’un myosis.

Le maleate de Timolol peut également produire une bradycardie et accentuer les

symptômes d’asthme. Timolol et betaxolol n’accentuent pas les signes d’uvéite et ne

doivent pas être utilisés conjointement aux AINS.

- β-agonistes : l’epinephrine à 1 ou 2 % réduit la PIO chez le chat en augmentant la

résorption de l’HA par la voie conventionnelle. Cette réduction est de l’ordre de 25 % chez

le chat sain et leur efficacité tend à diminuer dans le temps. Les β-agonistes sont

synergiques des IAC et des cholinergiques mais pas de β-bloquants. Ils n’accentuent pas les

signes d’uvéite et leur effet s’accompagne d’une légère mydriase.

- cholinergiques : la pilocarpine 2% ou le bromure de demecarium à 0,125 %

réduisent la PIO chez le chat en augmentant la résorption par la voie conventionnelle. Leur

efficacité diminue dans le temps et les effets secondaires sont larmoiement et irritation

oculaire. Ils accentuent les signes d’uvéite et le myosis qu’ils entrainent favorise

l’apparition de secclusion pupillaire.

- analogues des prostaglandines : l’effet des analogues de la PGF2α est très variable

selon la molécule et l’espèce de destination. Leur effet est d’augmenter la résorption de

l’HA par la voie uveosclérale. Malheureusement, leur effet sur la PIO est très faible chez le

chat. D’autres analogues des PG (PGE2, PGA2) semblent efficaces chez le chat mais leur

toxicité ou leur manque d’efficacité chez l’Homme a conduit à leur abandon.

Les corticoïdes offrent à la fois des bénéfices et des limites. Indiqué dans le traitement des

uvéites lymphoplasmocytaires, l’usage local chronique de la dexamethasone peut

augmenter la PIO de manière significative.

2.2.2 Traitement chirurgical :

Du fait de leur expression clinique particulière, les chats sont moins souvent l’objet d’un

traitement chirurgical que les chiens. Les options thérapeutiques sont dans certains cas

spécifiques :

- exérèse d’un cristallin luxé

- destruction de kystes iriens

- traitement des synéchies postérieures et de l’iris bombé

- extraction du cristallin et vitrectomie dans le glaucome malin

D’autres options non spécifiques sont disponibles :

- mise en place d’une valve de drainage

- cyclodestruction par cryochirurgie ou photocoagulation externe ou par endolaser.

Ces procédures déclenchent une uvéite marquée et sont parfois suivies, à terme, d’une

augmentation de la PIO. La cyclodestruction par injection intravitréenne de gentamicine

est contrindiquée car elle serait associée au développement de sarcomes intraoculaires.

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- éviscération du globe oculaire avec prothèse : réservée aux cas rebelles au

traitement dans lesquels aucune hypothèse infectieuse ou tumorale n’a pu être identifié,

l’éviscération donne de bons résultats chez le chat, bien qu’esthétiquement moins bons

que chez le chien.

- énucléation : cette procédure est très bien tolérée chez le chat chez qui elle

amène un soulagement douloureux très rapide. La mise en place d’une prothèse orbitaire

en silicone permet d’éviter l’affaissement des paupières après l’intervention.

Exemples de traitement :

- Glaucome primaire : IAC + β-bloquant, cyclodestruction.

- Glaucome secondaire à une inflammation intraoculaire : corticoïdes locaux et

systémiques si non contrindiqués, CAI, β-bloquants. Pas d’atropine ni mydriaticum

- Glaucome tumoral : énucléation

- Glaucome et luxation antérieure du cristallin : traitement conservateur si

potentiel visuel, retrait du cristallin si dans la chambre antérieure.

- Glaucome et hyphéma :ICA(MILLER, 2009), β-agonistes et corticoïdes locaux.

Conclusion

Chez le chat, le glaucome se présente d’une manière particulière par la discrétion de ses

symptômes et par son origine essentiellement secondaire. Le diagnostic repose sur le suivi

de la pression intraoculaire et par la recherche des facteurs de cause. Le traitement est le

plus souvent médical avec un nombre limité de molécules.

Bibliographie

MILLER, P. (2009). Feline Glaucoma. Dans J. BONAGURA, & D. TWEDT, Current veterinary therapy vol

XIV (pp. 1207-1214). Saint-Louis: Saunders.

STILES, J., & TOWNSEND, W. (2007). Feline Ophthalmology. Dans K. GELATT, Veterinary

Ophthalmology 4th Ed.(pp. 1095-1164). Ames: Blackwell Publishing.