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Politique de gestion des comportements individuels abusifs. 1 Fouad ISMAEL / Chargé de Mission Alertes Professionnelles Direction Générale / MSF France février 2009 Médecins Sans Frontières Section Française POLITIQUE DE GESTION DES COMPORTEMENTS INDIVIDUELS ABUSIFS

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Politique de gestion des comportements individuels abusifs.1

Fouad ISMAEL / Chargé de Mission Alertes ProfessionnellesDirection Générale / MSF France

février 2009

MSF FRANCEMédecins Sans Frontières

Section Française

POLITIQUE DE GESTION DES COMPORTEMENTS INDIVIDUELS

ABUSIFS

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Médecins Sans frontières / Section Française / Direction Générale 2

I – REPERES ETHIQUES concernant les comportements individuels abusifs.

Comme toute autre organisation humaine, MSF est confronté au fait que des personnes appartenant à l’association puissent abuser du pouvoir et des

moyens symboliques, matériels et humains qui leur sont confi és pour obtenir des avantages personnels ou porter préjudice à d’autres personnes, appartenant à MSF ou non.

Dans le domaine de l’action humanitaire, la notion d’abus de comportement a longtemps été occultée au nom d’un certain relativisme culturel et juridique, de la générosité des intentions, et de la disparition, dans les contextes de crise, des recours juridiques et judiciaires traditionnels. MSF est spécialement préoccupé du fait que certaines personnes pourraient profi ter de leur statut de travailleur humanitaire et de la déstructuration des sociétés dans lesquelles ils interviennent pour obtenir des avantages personnels ou se livrer, en toute impunité, à des activités qui seraient normalement condamnées par la loi.

MSF estime de sa responsabilité de stimuler la re-connaissance et l’intolérance vis à vis de tels abus.

1. ABSENCE DE DÉFINITION PRÉCISE

La notion de comportement abusif porte en elle la question du seuil de tolérance. Ce qui était « normal »

ou toléré en 1980 peut apparaître aujourd’hui comme « pathologique », intolérable ou illégal. Les variations de ce seuil de tolérance ne sont pas le fruit d’un relativisme culturel ou juridique. L’évolution de ce seuil est liée à la capacité de reconnaître l’inégalité des rapports de pouvoir entre les individus ou les groupes.

L’abuseur ne se perçoit pas comme tel et il est souvent conforté dans sa vision par l’absence de révolte ou de plainte de la victime.

C’est donc la présence de tiers et d’un encadrement qui doivent permettre de questionner la nature et le contenu abusif d’une relation ou d’un comportement.

Cette activité doit toutefois éviter les délations abusives et la mise en danger des victimes et des autres personnes concernées.

2. DIVERSITÉ DES SOURCES JURIDIQUES

On regroupe sous le terme d’abus des actes qui peuvent constituer des crimes ou des délits selon la

loi nationale du pays d’origine ou du pays concerné, mais également des actes contraires à la morale, à l’éthique ou à la discipline professionnelle et personnelle, imposées de façon implicite ou explicite par MSF dans le cadre des contrats de travail et des règlements intérieurs.

Cette confusion entre la morale et la loi est accentuée par le fait que le recours à la justice est souvent impossible dans la plupart des contextes de l’action humanitaire en raison de la paralysie ou de l’absence de tribunaux natio-naux fonctionnels.

3. NÉCESSITÉ ET DIFFICULTÉ DE TRAITEMENT DE CES ABUS

• Contextes d’impunité

Dans de nombreuses situations où travaille MSF, le recours aux tribunaux n’est pas possible du fait de

leur disparition ou parce que leur fonctionnement n’offre pas les garanties minimales d’indépendance et de

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traitement humain aux personnes concernées. Compte tenu de cette diffi culté de recourir aux tribunaux nationaux, MSF doit donc parfois assurer au minimum, une sanction disciplinaire à des actes qui auraient pu ou du faire l’objet d’une enquête et d’une condamnation pénale. • Mélange vie publique / vie privée

Selon les contextes et les pays, le comportement indi-viduel du personnel MSF peut être un enjeu impor-

tant de l’identité de l’organisation et de la sécurité de la mission. Il est souvent diffi cile de fi xer la frontière entre vie

privée et vie publique dans le cadre des missions MSF et donc de défi nir de façon précise et exhaustive les actes et comportements contraires à l’éthique professionnelle et personnelle.

MSF devra éviter que les investigations réalisées et les sanctions éventuellement prises dans ces cas soient, elles-mêmes, abusives ou arbitraires, qu’elles portent atteinte à la vie privée, à la sécurité des personnes concernées ou à la présomption d’innocence.

4. RESPONSABILITÉS ET POLITIQUE DE MSF

Conscient de ces diverses diffi cultés, MSF se reconnaît :

• En tant qu’employeur, la responsabilité de défen-dre l’intégrité physique et morale de ses employés et de les protéger contre les harcèlements, abus et discrimina-tions qu’ils pourraient subir dans le cadre de leur travail.

• En tant qu’organisation humanitaire, la respon-sabilité d’éviter et de sanctionner l’utilisation des moyens matériels, symboliques et humains de MSF à d’autres fi ns que ceux prévus par l’organisation ; notamment le fait d’utiliser le statut de travailleur humanitaire et la vulnérabi-lité des victimes pour en tirer des avantages ou bénéfi ces personnels.

I – REPERES ETHIQUES MSF a choisi d’agir à la fois en amont et en aval des situations d’abus.

En amont : Il s’agit de sensibiliser ses personnels à ces questions et à la prévention et la détection des cas. Ceci suppose la mise en place d’espaces de discussion et de débat permettant d’affi ner la défi nition des « cas limites » susceptibles de constituer des abus et des situations susceptibles de favoriser la survenue de ces abus.

En aval : il s’agit de mettre en œuvre des procédures per-mettant de gérer les informations et alertes ou les plaintes relatives à ces situations, et de les sanctionner de façon effi cace.

Cette action se décline autour des 4 engagements suivants :

I. MSF ne souhaite pas rédiger une défi nition précise et exhaustive des abus de comportements individuels, pour pouvoir rester en phase avec les multiples formes et variations que peuvent prendre ces pratiques dans les différents contextes de l’ac-tion humanitaire.MSF s’engage en revanche à animer au siège et sur le terrain, les discussions et les débats sur les différentes formes de situations et comportements limites ou abusifs. Ces discussions et débats ont lieu sous l’autorité de la Direction des Opérations et de la Direction Générale. Le Conseil d’Administration peut y être associé.

II. Les membres ou employés de MSF s’engagent à participer à ces débats et à donner l’alerte par voie hiérarchique ou par tout autre moyen (incluant l’in-formation au Président ou des membres du Conseil d’Administration), concernant de telles situations dont ils seraient victimes ou dont ils auraient connais-sance.

III. La direction de MSF s’engage à débattre des cas de comportements limites qui lui sont soumis, et à préciser au cas par cas, la défi nition des

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II - PROCEDURE DE PLAINTE ET D ALERTE PROFESSIONNELLE

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comportements abusifs. La Direction de MSF s’en-gage également à traiter et sanctionner les cas d’abus avérés, et à en informer le Conseil d’Admi-nistration.

IV. Par la voix de son Président, le Conseil d’Admi-nistration rend des comptes annuellement sur les cas traités dans l’année, en respectant la confi dentialité. Cette volonté de transparence participe à faire de ce sujet une préoccupation stable au niveau institutionnel et dont le contenu fait périodiquement l’objet d’une clarifi cation et d’une révision.

5 - SENSIBILISATION, DISCUSSION, PRÉVENTION

Le travail de sensibilisation et de discussion au siège et sur le terrain, est organisé sous la responsabilité de la

Direction des Opérations et de la Direction Générale, pour faciliter la compréhension et la prévention du problème. Le Chef de Mission et les Responsables Terrain sont chargés d’animer sur le terrain ces discussions et de faire remonter les questions ou les points à éclaircir à la Direction des Opérations via les Responsables de Programme. Un point à ce sujet peut être rajouté dans les sitreps (rapports de situation). La Direction des Opérations répond à ces ques-tions en associant selon les situations la direction générale et le Conseil d’administration.

Quelques règles pour créer des conditions sur le terrain qui rédui-sent les occasions permettant à certains membres d’abuser de leur pouvoir:

a. Etre clair sur notre rôle, sur ce dont nous nous estimons responsables, sur la qualité de l’aide apportée.

b. Identifi er les lieux de pouvoir et ne pas laisser de personnel sans supervision dans ces activités. Pas de personne seule pour une distribution, recrutement, inclusion...

Attention particulière dans les milieux où il y a beaucoup d’enfants, des femmes seules, des personnes isolées ou vulnérables économiquement ou socialement.

c. Réfl exion poussée dés lors que nous intervenons dans des milieux fermés : prisons, orphelinats. Ces institutions sont, on le sait, génératrices de violence, y compris du personnel « aidant ».

d. La mixité des équipes, en terme de genre et de nationa-lité peut favoriser les débats et l’expression de sensibilités et de points de vues différents.

e. Engager le personnel national dans la réfl exion sur le projet, l’organisation du travail.

f. Installer des réunions d’équipe qui abordent tous les problèmes, y compris les questions de comportements individuels en lien avec le contexte, la sécurité de MSF, la perception de la mission, mais aussi en lien avec la vie quotidienne, la vie privée de chacun et le fonctionnement de l’équipe de travail.

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comportements abusifs ou autre traitement discriminatoire ou préjudiciable dont il aurait eu connaissance, sans pour autant en être la victime.

S’il doute de l’effi ca-cité de cette alerte hiérarchique directe, tout employé peut recourir au mécanisme d’alerte professionnelle confi dentielle disponible au sein de l’organisation (Voir point 3).

En cas de crime ou délit, le défaut d’action de la part des supérieurs hiérar-chiques qui avaient connaissance des faits et autorité sur la personne incriminée, est considéré comme une faute professionnelle et peut donner lieu à des sanc-tions disciplinaires allant jusqu’au licenciement.

2. PROCÉDURE DE RECOURS PAR LA VOIE HIÉRARCHIQUE

Pour assurer la cohérence et l’effi cacité de ces procé-dures, il est convenu que :

2.1- les plaintes ou les alertes doivent être en priorité adressées au responsable hiérarchique direct sur le terrain et au siège: Responsable de Terrain ou Chef de Mission, Responsable de Programme.

2.2- Ceux-ci informeront la direction des opérations de la situation et décideront d’un commun accord avec la Direction des Opérations sur la suite à donner à cette procédure.

2.3- Gestion du cas.Dans tous les cas il faudra évaluer : La gravité des faits reprochés,

II - PROCEDURE DE PLAINTE ET D ALERTE PROFESSIONNELLE

Politique de gestion des comportements individuels abusifs.

1. MÉCANISMES DE GESTION DES PLAINTES ET ALERTES

Puisqu’il n’y a pas de liste exhaustive de tous les abus possibles et que les victimes sont souvent trop

vulnérables pour se plaindre directement, la détection des cas de comportement abusif est l’affaire de tous.

MSF cherche à garantir le respect de ces repères éthiques de la part du personnel travaillant au siège et sur les missions de terrain.

Pour cela MSF s’appuie sur les règles et procédures, de droit et notamment de droit du travail, disponibles dans les différents pays concernés. Conformément à ces disposi-tions MSF assure l’encadrement, le contrôle et l’évaluation de ses différents personnels, et recueille à cet effet par la voie hiérarchique les informations et les plaintes concer-nant ledit personnel.

De façon complémentaire, MSF a également institué un mécanisme d’alerte professionnelle, pour permettre à son personnel de signaler certaines situations ou comporte-ment particulièrement graves en dehors du cadre et des procédures hiérarchiques normales. (Ces comportements peuvent affecter le personnel et les bénéfi ciaires dans les missions de MSF).

Ce mécanisme d’alerte professionnelle est conforme aux recommandations édictées par la CNIL pour sauvegarder les droits et libertés individuelles.

1.1. Mécanisme de plainte provenant d’un employé de MSF victime d’un comportement abusif.

Toute personne employée par MSF peut (conformément aux termes de son contrat de travail et selon la procédure qui est décrite dans le règlement intérieur) se plaindre d’un comportement abusif ou traitement discriminatoire ou préjudiciable dont il aurait été victime, auprès des repré-sentants du personnel et des autorités légales offi cielles ou de ses supérieurs hiérarchiques ou dans le cadre de l’alerte professionnelle.

1.2. Mécanisme d’alerte provenant d’un employé de MSF témoin d’un comportement abusif.

Toute personne employée par MSF doit alerter MSF (selon les procédures normales du droit du travail) sur des

La volonté ou le refus de la victime d’être identifi ée et confrontée, La sécurité des différentes personnes concernées,

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décider de soumettre leur plainte ou leur alerte en dehors de la voie hiérarchique (Voir point 3).

2.5- La direction pourra décider de sanctions disciplinaires sur la base du contrat de travail et du règlement intérieur applicable aux employés en mission sur le terrain.

Elle pourra aussi selon les cas décider d’informer les autorités judiciaires en fonction de la gravité de l’infraction (vol, viol…), de la disponibilité de tels recours judiciaires et de la possibilité ou non d’associer la victime à la procédure. 2.6- La Direction des Opérations est responsable de rendre compte et de justifi er les décisions prises dans chaque cas, devant la direction générale de MSF et le Conseil d’administration.

3. PROCÉDURE DE RECOURS NON HIÉRARCHIQUE : ALERTE PROFESSIONNELLE

Afi n d’assurer la crédibilité de cette procédure il est convenu que les personnes pourront toujours décider

de soumettre leurs plaintes ou leurs alertes de façon confi dentielle, en dehors de la voie hiérarchique directe, si elles estiment que cette voie hiérarchique est ineffi cace ou inopportune ou pour toute autre raison personnelle.

3.1- Les plaintes et alertes pourront donc être confi ées à toute personne membre ou employée de MSF.

3.2- Contrairement aux plaintes directes, les alertes professionnelles non hiérarchiques seront limitées à des domaines précis touchants les questions fi nan-cières, l’intégrité physique ou morale des employés ou d’autres intérêts vitaux de MSF incluant les questions de pratiques médicales.

3.3 - Ces personnes devront informer immédiatement selon leur choix la Direction Générale ou le Conseil d’Administration par la voie de son Président ou d’un de ses membres.

La possibilité ou l’impossibilité de procéder à une enquête contradictoire, L’opportunité de prendre des mesures provisoires d’éloignement, L’opportunité de prendre des mesures dis-ciplinaires, allant de l’avertissement jusqu’au licenciement, et / ou d’informer les autorités judiciaires.

Cette évaluation pourra être faite sur le terrain ou au siège, par les responsables ou par une équipe ad hoc composée selon les cas d’une ou plusieurs personnes, homme ou femme, membre de l’exécutif ou du Conseil d’Administra-tion… Ces décisions devront être motivées.

2.4- Les personnes à l’origine de la plainte ou de l’alerte seront informées par le responsable hiérarchique ou la Direction des Opérations de la suite donnée à leur initia-tive et de la décision fi nale. Ils pourront le cas échéant

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• Identité, fonctions et coordonnées des personnes faisant l’objet d’une alerte ; • Identité, fonctions et coordonnées des personnes intervenant dans le recueil ou dans le traitement de l’alerte; • Faits signalés ; • Eléments recueillis dans le cadre de la vérifi cation des faits signalés ; • Compte rendu des opérations de vérifi cation ; • Suites données à l’alerte.

4.4- le responsable du dispositif d’alerte prendra toutes précautions utiles pour préserver la sécurité des données recueillies dans le cadre de la gestion de l’alerte tant à l’occasion de leur recueil que de leur communication ou leur conservation. L’accès à ces données sera protégé par des systèmes de sécurité.

4.5- l’auteur d’une plainte ou d’une alerte manifestement non fondée, malveillante et calomnieuse pourra faire l’objet de sanctions.

4.6- les personnes à l’origine de la plainte ou de l’alerte seront informées de la suite donnée et de la décision fi nale prise.

3.4- Une adresse mail spéciale est créée pour recueillir ces alertes : [email protected] .Cette adresse est gérée par un représentant de la Direction Générale de MSF en charge de la gestion de ces questions. Cette personne est tenue à des règles professionnelles de confi dentialité renforcées.

3.5- L’examen de la plainte ou de l’alerte se fera selon un mécanisme ad hoc respectant les critères d’évaluation précédemment décrits (point 2.3) et les conditions générales d’examen défi nies ci dessous.

4. CONDITIONS GÉNÉRALES D’EXAMEN

4.1- Les alertes professionnelles sont traitées de manière confi dentielle mais pas anonyme.

L’émetteur de l’alerte devra donc s’identifi er.

MSF s’engage à assurer la confi dentialité de l’émetteur de l’alerte s’il en fait la demande, et à ne pas la communiquer à la personne mise en cause par l’alerte.

Son identité sera dans ce cas traitée de façon confi dentielle par le responsable chargé de la gestion des alertes, pour éviter qu’il soit l’objet de représailles.

MSF pourra de façon excep-tionnelle examiner des alertes anonymes mais en s’assurant au préalable qu’elles sont suffi -samment fondées.

4.2- La personne visée par une alerte sera informée afi n qu’elle puisse exercer ses droits d’accès à l’information et de rectifi cation. Toutefois, cette information pourra être différée pour permettre d’abord l’adop-tion des mesures conservatoi-res indispensables, notamment pour prévenir la destruction de preuves nécessaires au traite-ment de l’alerte ou les pressions sur les témoins ou auteurs de l’alerte.

4.3- Les informations recueillies dans le cadre de la gestion de l’alerte ou de la plainte doivent être formulées de manière objective, être en lien direct avec les faits concernés et faire apparaître leur caractère présumé. Ce recueil se fait sur un formulaire spécifi que fournit en annexe qui détaille et limite les éléments d’informations pouvant être récoltés aux données suivantes : • Identité, fonctions et coordonnées de l’émetteur de l’alerte professionnelle ;

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Le rapport moral de 2004 explicite un cas traité dans l’année :

Dans un pays d’Afrique, nous avions un logisticien, membre du personnel international, dont le mode de gestion du personnel national dans le travail consistait à employer des insultes, à connotation

sexuelle, et de penser qu’utiliser ces mots-là au quotidien dans le travail faisait fi nalement partie de la philosophie du pays. Il volait du matériel à MSF et il entretenait des relations sexuelles avec des mineures, de manière répétée. Cela durait depuis un certain temps, et le quatrième élément de cette affaire est que les responsables de capitale n’ont pas prêté une attention suffi sante à cette situation grave. A la suite de ce constat, insultes comme mode d’administration régulier du personnel national, vol de matériel MSF en accusant ses collègues, abus sexuels vis-à-vis de jeunes fi lles mineures et dont certaines étaient sous son autorité parentale, négligence de l’équipe de capitale, voici les décisions que nous avons prises : le logisticien en question évidemment ne travaillera plus pour MSF, nous avons également décidé de signaler ses relations avec les mineures à la justice en France, puisqu’il s’agit d’un ressortissant français. (...) Et j’engage tout le monde, les responsables de terrain, les chefs de mission et les responsables de programmes à être vigilants dans ce domaine.

A titre d’exemple

5. GESTION ET CONSERVATION DES INFORMATIONS

5.1- Les données relatives à une plainte ou alerte consi-dérée comme n’entrant pas dans le champ du dispositif sont détruites ou archivées sans délai.

5.2- Les données relatives à une plainte ou alerte ayant fait l’objet d’une vérifi cation sont détruites ou archivées dans un délai de deux mois à compter de la clôture des opérations de vérifi cation lorsque l’alerte n’est pas suivie d’une procédure disciplinaire ou judiciaire.

5.3 Lorsqu’une procédure disciplinaire ou des poursuites judiciaires sont engagées à l’encontre de la personne mise en cause ou de l’auteur d’une alerte abusive, les données relatives à l’alerte sont conservées jusqu’au terme de la procédure.

5.4- Les données faisant l’objet de mesures d’archivage seront conser-vées, dans le cadre d’un système d’information distinct à accès restreint.

5.5- Le responsable du dispositif d’alerte garantit à toute personne identifi ée dans le dispositif d’alerte profession-nelle le droit d’ac-céder aux données la concernant et d’en demander, si elles sont inexactes, incomplètes, équivoques ou périmées, la rectifi -cation ou la suppression.

5.6- En aucun cas la personne faisant l’objet d’une alerte ne peut obtenir communication, sur le fondement de son droit d’accès, des informations concernant l’identité de l’émetteur de l’alerte.

6. COMPTE-RENDU À L’ASSOCIATION/ ÉVALUATION DU MÉCANISME

6.1- Le bilan des plaintes et alertes soumi-ses dans le cadre de la voie hiérarchique directe et dans le cadre de l’alerte pro-fessionnelle, sera effectué sur une base annuelle par la Direction générale et le Conseil d’administration.

6.2- Ce bilan sera effectué sous forme de synthèse

analytique, respectant la confi dentialité des situa-tions individuelles mais présentant le nombre

et les différents types de situations/compor tements traités, les diffi cul-

tés rencontrées, et la nature des décisions

prises.

6.3- Chaque année, dans son rapport moral à l’Assemblée Géné-

rale, le Président du Conseil d’Administration

rend compte aux membres de l’association des cas traités dans l’année,

en respectant la confi dentialité.

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POUR ALLER PLUS LOIN

Je prends l’engagement solennel de consacrer ma vie au service de l’humanité ;Je garderai pour mes maîtres le respect et la reconnaissance qui leur sont dus ;J’exercerai mon art avec conscience et dignité ;Je considérerai la santé de mon patient comme mon premier souci ;Je respecterai le secret de celui qui se sera confi é à moi, même après la mort du patient ;Je maintiendrai dans toute la mesure de mes moyens, l’honneur et les nobles traditions de la profession médicale ;Mes collègues seront mes frères ;Je ne permettrai pas que des considérations de religion, de nation, de race, de parti ou de classe sociale viennent s’interposer entre mon devoir et mon patient ;Je garderai le respect absolu de la vie humaine dès son commencement, même sous la menace et je n’utiliserai pas mes connaissances médicales contre les lois de l’humanité ; Je fais ces promesses solennellement, librement, sur l’honneur.

Les cas que MSF a traité par le passé montrent que la question des abus dépasse souvent le problème des

simples comportements individuels mais elle passe par lui.

La question des abus sexuels renvoie à des formes de discrimination plus large, concernant les femmes en particulier. Nos projets peuvent aussi reproduire certaines de ces discriminations, comme une certaine faiblesse à lancer des actions médicales auprès des femmes violées.

Notre organisation au travail, longtemps centrée sur le volontaire expatrié, n’était pas non plus à même de rendre compte de possibles abus de pouvoir à l’encontre du per-sonnel national.

L’association, le projet, peuvent avoir des attitudes abu-sives, en ce sens qu’ils perpétuent, qu’ils créent des discri-minations.

Le problème renvoie aussi à la situation globale de groupes particuliers comme les réfugiés ou les déplacés, qui sont le plus souvent considérés comme des criminels, des fraudeurs ou des propagateurs de maladie.

Les questions de la qualité de l’aide, des abris, de la nourriture, des soins sont essentiels (donc la politique opérationnelle). Si l’aide reçue était représentative de la considération que l’on porte aux personnes aidées, le sys-tème de l’aide pourrait être globalement considéré comme « abuseur », tant les normes ou standards appliqués dans des situations données peuvent se situer en deçà de la décence.

A l’occasion de la mise en cause des comportements individuels, il appartient donc également à chacun d’élargir le débat et de questionner la qualité de l’action et de la mission humanitaire mises en œuvre par MSF.

MAL-PRACTICE MÉDICALE / NÉGLIGENCE MÉDICALE

Nous devons aussi penser à ce qui est communément appelé la « medical malpractice ». Il s’agit d’un acte ou

d’une omission effectués par un personnel médical, qui va à l’encontre de ce qui est accepté dans la communauté médicale et qui peut par ailleurs entraîner un préjudice sur la santé du malade. En d’autres termes, la « medical malprac-tice » est une négligence professionnelle (par un prestataire de soins médicaux) qui cause un préjudice.

Elle est aussi appelée négligence médicale et constitue une déviation du niveau de soin exigé par la loi pour la protection des malades. Dans le domaine humanitaire plus spécifi -quement, la faillibilité humaine est la cause principale des

« medicals malpractices » puisque les professionnels de santé travaillent sous pression permanente et/ou dans un en-vironnement stressant. De telles conditions de travail peuvent mener naturellement à un manque de concentration, ou à une baisse de professionnalisme vis-à-vis de l’éthique médicale. Pour éviter de telles dérives, nous avons besoin de partager nos informations, établir des dossiers médicaux adéquats et avoir des discussions régulières en cas de doutes.

Ethique médicale internationale

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FICHE DE SUIVIABUS ET AUTRES LITIGES 2007 La politique sur les comportements individuels abusifs n’a pas pour vocation à mettre en place un système de

surveillance ou de délation au sein des individus travaillant pour notre organisation.

Cette politique ne sert pas à réguler les relations de personne à personne. Les confl its d’intérêts ou de personnes susceptibles d’intervenir au travail ne suffi sent pas à entrer dans le cadre des procédures mises en place par le biais de cette politique. Pour exemple, les considérations telles que « il m’a regardé de travers ce matin » ou « il ne m’a pas dit bonjour » ne constituent pas des motifs de plainte.

Le dépôt d’une plainte pour comportement individuel ;abusif n’est pas un acte anodin. L’auteur de la plainte doit prendre la mesure de ce qu’il avance ou dénonce à l’encontre d’un tiers. A ce titre, les mots et qualifi catifs employés, dans la mesure où ils seront consignés et qu’ils peuvent stigmatiser gravement une personne, sont à choisir avec soin. (Par exemple, le constat clinique et/ou psychologique de l’état de santé d’une personne ne peut être dressé que par un professionnel de santé nommé à cet effet).

Cette politique ne supplante pas les règles préexistantes en vigueur dans nos missions : règlement intérieur, charte MSF, code du travail du pays d’intervention…

Si un abus est avéré, et qu’il a donc fait l’objet d’une investigation et d’une sanction, le verdict fi nal sera communiqué à l’ensemble des personnes concernées par l’affaire.

CAS NUMÉRO 2

Agression sexuelle par employé d’une section MSF (un chauffeur) contre une accompagnante d’une patiente, dans l’hôpital soutenu par cette section dans un bidonville. Affaire suivie par la section

MSF: prise en charge de l’avocat pour la patiente qui a porté plainte contre l’employé, licenciement de l’employé, personne agressée référée à MSF-F pour prise en charge médicale, prise en charge du déménagement de la personne agressée et de sa famille + indemnité de réinstallation. MSF-F est indirectement concernée (image MSF + prise en charge médico-psychologique de la personne agressée).

CAS NUMÉRO 1

La direction a été saisie par la coordination d’un pays X de rumeurs persistantes faisant état de plaintes – plus ou moins claires – de la part de membres du personnel d’une mission

sur le comportement d’un expatrié (ancien salarié national).

Il est fait état :

• D’autoritarisme dans la relation de travail avec ses collègues alliant menaces verbales d’être viré si ils ne respectaient pas ses choix.• De relations sexuelles avec des collègues, avec des accompagnatrices, dans l’hôpital notamment.

A l’issue de discussions, il a été décidé de mettre un terme à notre collaboration avec ce volontaire.

Les accusations d’autoritarisme apparaissent fondée mais questionnent l’encadrement dont le volontaire a été l’objet sur la mission pendant son engagement.Concernant les relations sexuelles avec des gardes malades ou d’autres membres du personnel, tout laisse à penser que c’était bien une pratique sans que l’on puisse démontrer formellement que c’était le cas. On est dans le royaume de l’omerta, de pratiques qui ne sont pas perçues comme abusives car impossibles à dénoncer (pression sociale, non dits, position de pouvoir du personnel médical et de l’expatrié africain travaillant pour une ONG étrangère, peur de représailles dans le travail, pratiques communes donc perçues comme dans l’ordre des choses).

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CAS NUMÉRO 3

Possible erreur médicale sur fracture de hanche. Dossier médical actuellement étudié par la direction médicale. Les soins nécessaires suite à la supposée erreur (si erreur il y a) ne peuvent

pas être dispensés à MSF ; si on devait payer des soins en externe (prothèse de hanche), le coût serait de 8.000 USD. Dossier suivi en lien avec la direction médicale et la direction juridique. Un point sur la question des erreurs médicales sera adressé au CA pour discussion.

CAS NUMÉRO 5

En 2006, le mari d’une de nos anciennes employées, trompé par sa femme dans les locaux de MSF,

demande 75.000 USD à MSF pour avoir permis des actes de débauche dans ses bâtiments (lettre de son avocat). MSF répond par une lettre argumentée expliquant le déclin de toute responsabilité en la matière. Cette affaire devrait en rester là.

CAS NUMÉRO 6

Procès initié par un de nos anciens employés (assistant log) contre MSF, pour diffamation. La personne conteste les termes dans lesquels elle a été licenciée.

Risque fi nancier : 400.000 USD.

Situation à ce jour : négociation d’un accord à l’amiable selon lequel MSF ne paierait rien de plus que ce qui est effectivement du à l’ancien employé (son dernier mois de salaires + congés non pris), et changement de la lettre de licenciement (suppression du motif pour « faute lourde »). La conclusion de cet accord devrait intervenir très vite, le salarié ne se présentant pas aux audiences.

CAS NUMÉRO 6CAS NUMÉRO 6rocès initié par un de nos anciens employés (assistant log) contre MSF, pourdiffamation. La personne conteste les termes dans lesquels elle a été licenciée.

Risque fi nancier : 400.000 USD.

Situation à ce jour : négociation d’un accord à l’amiable selon lequel MSF ne paierait rien de plus que ce qui est effectivement du à l’ancien employé (son dernier mois de salaires + congés non pris), et changement de la lettre de licenciement (suppression du motif pour « faute lourde »). La conclusion de cet accord devrait intervenir très vite, le salarié ne se présentant pas aux audiences.

CAS NUMÉRO 5CAS NUMÉRO 5n 2006, le mari d’une de nos anciennes employées, trompé par sa femme dans les locaux de MSF,

demande 75.000 USD à MSF pour avoir permis des actes de débauche dans ses bâtiments (lettre de son avocat). MSF répond par une lettre argumentée expliquant le déclin de toute responsabilité en la matière. Cette affaire devrait en rester là.

CAS NUMÉRO 3CAS NUMÉRO 3

Possible erreur médicale sur fracture de hanche. Dossier médical actuellement étudié par la direction médicale. Les soins nécessaires suite à la supposée erreur (si erreur il y a) ne peuvent

pas être dispensés à MSF ; si on devait payer des soins en externe (prothèse de hanche), le coût serait de 8.000 USD. Dossier suivi en lien avec la direction médicale et la direction juridique. Un point sur la question des erreurs médicales sera adressé au CA pour discussion.

CAS NUMÉRO 4- Risque fi nancier : 120.000 USD environ. - Période concernée : 2005-2006

Le cas concerne des fonctionnaires, pour lesquels MSF payait des incentives. Sur ces incentives, MSF versait un certain montant à un

représentant du Ministère des Finances, au titre de la retenue à la source de l’impôt sur le revenu. Il s’avère que ce représentant du Ministère n’avait en fait pas mandat pour recevoir ces sommes, qui ont en fait été détournées. En 2007, le Ministère des Finances (MiniFi) nous réclame les dites sommes. Nous accusons réception du courrier du ministère et argumentons de notre bonne foi, du fait que nous avions payé les sommes à une personne travaillant effectivement au MiniFi, et qui a abusé de notre confi ance.

De notre côté, l’affaire est suivie par notre avocat. Le fonctionnaire du MiniFi est poursuivi par le Ministère pour usage de faux (abus de sa signature). Après discussion, MSF décide de se porter partie civile, mais de ne pas porter une plainte à part. La constitution de partie civile nous permet de nous positionner comme victime et de négocier un moratoire pour le re-paiement des sommes, en attendant la décision de justice contre le fonctionnaire. Cela dit, MSF semble avoir été particulièrement négligeant dans cette affaire (factures payées en liquide, etc). L’assistant admin national et l’assistant admin RH, qui ont pris

part à ce détournement, sont licenciés respectivement les 31 janvier et 7 février 2007. Nous avions également demandé que l’on contacte les admin expatriés (censés superviser les admin nationaux licenciés),

pour évaluation de la situation (et sanctions éventuelles).

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Médecins Sans frontières / Section Française / Direction Générale 12

EN CONCLUSION

Adresse du courriel : [email protected] postale :

Monsieur le Directeur Général8, rue Saint Sabin – 75011 Paris – France

Ligne de téléphone directe : 00-33-1-40-21-28-60

Document écrit et coordonné par Fouad ISMAEL, Chargé de Mission aux Alertes professionnelles, avec l’appui de Françoise SAULNIER, Responsable du Service Juridique, et sous la supervision de la Direction Générale de Médecins Sans Frontières,

Section Française, 8 rue Saint Sabin, 75 011 Paris France. Illustrations et mise en page : RASH BRAX / © MSF.

GESTION DES ALERTES

MSF n’a pas à entrer dans la vie privée, affective, sexuelle, de ses volontaires et employés. Les comportements individuels qualifi és d’ «abusifs» concernent uniquement des comportements graves

(vols ; corruption ; violences verbales, physiques, sexuelles etc.).

Généralement sanctionnés par la loi dans les pays en paix, ils peuvent intervenir dans des contextes de guerre ou d’instabilité, là ou l’Etat, la norme, l’appareil judiciaire, se trouvent défi cients voire inexistants.

Ils peuvent mettre en danger nos équipes, nos programmes, nos patients, et ne peuvent en aucun cas être tolérés.

FACE À CES ABUS, DEUX PROCÉDURES POSSIBLES :

1. LA PROCÉDURE PAR VOIE HIÉRARCHIQUE.

Il s’agit d’alerter son supérieur hiérarchique direct (RT ; Chef de Mission ; COFIR ; RP...) d’abus constatés sur le terrain ou dont on s’estime victime. Il s’agit de la voie normale et prioritaire. Les personnes saisies auront à charge de faire remonter l’information jusqu’à la Direction des Opérations, qui pourra elle même saisir la Direction Générale et la personne en charge des alertes.

2. L’ALERTE PROFESSIONNELLE.

Réservée aux situations les plus graves, elle consiste à saisir directement la personne en charge des abus à MSF et la Direction Générale. Elle intervient notamment dans les situations où l’information n’est pas correctement transmise au siège par la voie hiérarchique. Dans un souci de protection, la confi dentialité est totale, la boîte mail étant cryptée. En revanche ces messages ne peuvent être anonymes.

La personne en charge des alertes professionnelles peut être contactée par courriel, par voie postale ou par téléphone.

Le traitement des abus peut amener des réponses disciplinaires et judiciaires. Certains crimes commis à l’étranger, comme la pédophilie, peuvent être jugés dans le pays d’origine du coupable. MSF fera alors en sorte de transmettre les informations en sa possession aux autorités judiciaires compétentes.