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- 15 - CHAPITRE 1 TECHNIQUE GLOBALE DANALYSE STATIQUE Le but de ce chapitre est d’exposer les techniques d’analyse globale développées pour la prévision du comportement statique des mécanismes de transmission de puissance hyperstatiques. L’aspect général de la méthode permet de l’appliquer à des mécanismes de composition et d’architecture diverses. Dans ce chapitre, la première partie rappelle ce qu’est un mécanisme sur le plan théorique en établissant une classification de ses composants en deux catégories : les éléments de structure (carters, arbres, …), et les éléments de liaison (roulements, engrenages, …). La deuxième partie présente la forme mathématique donnée au problème et les méthodes numériques utilisées pour le résoudre. La troisième partie présente la modélisation des éléments de structure et leur traitement dans des mécanismes hyperstatiques pré-chargés. La quatrième partie présente la modélisation des éléments de liaison dans une approche bibliographique. Enfin, la dernière partie présente les outils informatiques utilisés pour mettre en œuvre cette méthode. Le développement ou l’adaptation de ces outils a représenté la plus grande partie du travail. 1. NOTION DE MECANISME D’une manière générale, un mécanisme est un assemblage de milieux continus élastiques appelés « éléments de structure » (pièces ou groupe de pièces mécaniques) connectés les uns aux autres par des éléments de liaison. Des conditions aux limites externes en efforts et déplacements sont appliquées en différents points du mécanisme. Elles ont pour conséquence de générer des déformations et des efforts dans tous les éléments. Domaine étudié « mécanisme » Sous-domaines « éléments de structure » « éléments de liaison » Conditions aux limites externes « liaison au bâti » Efforts externes Efforts internes Figure 1.1 : Les différents composants d’un mécanisme

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CHAPITRE 1

TECHNIQUE GLOBALE D’ANALYSE STATIQUE

Le but de ce chapitre est d’exposer les techniques d’analyse globale développées pour la prévision du comportement statique des mécanismes de transmission de puissance hyperstatiques. L’aspect général de la méthode permet de l’appliquer à des mécanismes de composition et d’architecture diverses.

Dans ce chapitre, la première partie rappelle ce qu’est un mécanisme sur le plan théorique en établissant une classification de ses composants en deux catégories : les éléments de structure (carters, arbres, …), et les éléments de liaison (roulements, engrenages, …). La deuxième partie présente la forme mathématique donnée au problème et les méthodes numériques utilisées pour le résoudre. La troisième partie présente la modélisation des éléments de structure et leur traitement dans des mécanismes hyperstatiques pré-chargés. La quatrième partie présente la modélisation des éléments de liaison dans une approche bibliographique. Enfin, la dernière partie présente les outils informatiques utilisés pour mettre en œuvre cette méthode. Le développement ou l’adaptation de ces outils a représenté la plus grande partie du travail.

1. NOTION DE MECANISME

D’une manière générale, un mécanisme est un assemblage de milieux continus élastiques appelés « éléments de structure » (pièces ou groupe de pièces mécaniques) connectés les uns aux autres par des éléments de liaison. Des conditions aux limites externes en efforts et déplacements sont appliquées en différents points du mécanisme. Elles ont pour conséquence de générer des déformations et des efforts dans tous les éléments.

Domaine étudié « mécanisme »

Sous-domaines « éléments de structure »

« éléments de liaison »

Conditions aux limites externes « liaison au bâti »

Efforts externes

Efforts internes

Figure 1.1 : Les différents composants d’un mécanisme

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CHAPITRE 1 : Technique globale d’analyse statique

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1.1 Les éléments de structure

Chaque sous-domaine peut être assimilé à une pièce mécanique, un groupe de pièces ou une partie de pièce. Il peut être considéré comme un milieu continu au comportement élastique. Suivant la nature des matériaux, la géométrie et les sollicitations exercées, le comportement peut être linéaire ou non.

Dans l’approche développée dans cette étude, les éléments de structure sont supposés conserver de petites déformations relatives et avoir un comportement, soit élastique linéaire, soit élastique non linéaire suite à des changements de géométrie sous charge importants. Dans ce dernier cas, les équations du comportement sont alors linéarisées au voisinage du point de fonctionnement. La méthode est détaillée dans la partie 3.

1.2 Les éléments de liaison

Les éléments de structure sont connectés par des liaisons qui peuvent être considérées selon deux modèles :

1.2.1 Le modèle des liaisons cinématiques

Le modèle des liaisons cinématiques correspond à des relations de dépendance entre les déplacements de deux sous-domaines différents. Elles sont localisées sur les frontières des sous-domaines étudiés. Ces relations sont associées aux notions classiques de liaison en cinématique. Le cas le plus simple à traiter est la liaison d’encastrement qui empêche tout mouvement relatif à l’interface entre deux sous-domaines. Les autres types de liaison (liaison pivot, pivot glissant, appui-plan, …) se caractérisent par une immobilisation relative d’une partie seulement des degrés de liberté.

1.2.2 Le modèle des éléments technologiques de liaison

D’un point de vue technologique, les liaisons cinématiques sont assurées par des dispositifs, tels que les paliers à roulements ou les engrenages. La prise en compte du comportement souvent complexe de ces éléments est d’un grand intérêt pour l’étude du mécanisme. Pour ce type d’éléments de liaison, la notion de liaison cinématique ne rend pas compte du comportement non linéaire. Parfois, il peut être avantageux de considérer de tels éléments technologiques comme des sous-domaines particuliers encastrés avec les sous-domaines « pièces » dont ils assurent les liaisons. Contrairement aux éléments de structures, ces sous-domaines sont considérés dans leur globalité et non en tant que milieu continu discrétisé.

La notion d’élément technologique de liaison peut être étendue aux zones de contact avec jeux (appuis plans, paliers lisses, …) même si elles ne sont pas, à proprement parler, des dispositifs physiques. En effet, elles introduisent des non-linéarités dues aux jeux, eux-mêmes conditionnés par les déformations des massifs en contact.

Dans l’approche développée ici, le choix a été fait d’utiliser essentiellement des liaisons d’encastrement et des éléments de liaison non linéaires de type « éléments technologiques ».

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CHAPITRE 1 : Technique globale d’analyse statique

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1.3 Les efforts internes

Les efforts appliqués sur le mécanisme sont de deux types :

• les efforts extérieurs au mécanisme qui traduisent l’action du milieu extérieur sur la frontière du mécanisme,

• les efforts internes initiaux.

Le torseur résultant de la somme des efforts internes initiaux est nul en vertu du principe de l’action et de la réaction.

Nous distinguerons deux origines différentes aux efforts internes initiaux :

• les efforts dus à l’action réciproque de contact de deux pièces du mécanisme,

• les efforts de pré-charge au sein des éléments de structure ou de liaison.

Dans le milieu continu d’un élément de structure sous charge, le champ de déplacements induit des contraintes et des efforts aux l’interfaces avec les autres éléments du mécanisme. En général, les déplacements sont calculés depuis un état de référence « à vide » non contraint. Cependant, dans les systèmes hyperstatiques, il se peut que les conditions de montage des pièces soient telles qu’il n’existe aucun champ de déplacement qui rendent les contraintes nulles dans toutes les pièces. Pour respecter les conditions de montage, les déplacements dans certaines pièces sont alors considérés depuis un état pré-contraint. Les efforts initiaux au sein de ces pièces sont qualifiés d’efforts de pré-charge. Cette notion, associée à celle de non-linéarité géométrique est détaillé dans le paragraphe 3.3.

2. MODELES NUMERIQUES ET METHODES DE RESOLUTION

2.1 Modèles numériques

Pour l’étude de mécanismes industriels, étant donnée la complexité de la géométrie des pièces mécaniques, seules les techniques numériques d’approximation basées sur une discrétisation du milieu continu sont à même de permettre la résolution des équations d’équilibre statique. Parmi ces techniques, la Méthode de Eléments Finis (M.E.F.) est bien adaptée et communément utilisée dans différents secteurs de l’industrie. Le système mécanique est discrétisé en sous-domaines de formes géométriques simples, reliés à des « nœuds ». Des fonctions de formes permettent d’interpoler les grandeurs physiques à l’intérieur des sous-domaines en fonction de leurs valeurs aux nœuds. Les problèmes de milieux continus se ramènent alors à des problèmes discrets avec un nombre fini de paramètres inconnus évalués aux nœuds. Ces paramètres sont appelés les degrés de libertés (DDL). Selon la méthode employée, ces paramètres sont, soit les forces et les contraintes résultantes dans les éléments (méthode des forces), soit les déplacements et éventuellement leurs dérivés aux nœuds du modèle (méthode des déplacements).

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CHAPITRE 1 : Technique globale d’analyse statique

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Les principes et les techniques des méthodes par éléments finis sont largement décrits dans les ouvrages de J.F. Imbert ([18]), K.J. Bathe([2]), G. Dhatt et G. Thouzot ([6]). Aujourd’hui, en calcul de structures, la méthode des déplacements est généralement appliquée aux problèmes statiques de la mécanique.

Les n équations régissant l’équilibre statique d’un système mécanique (ou d’un sous-système de type pièce) se mettent sous la forme :

[ ]{ } { }FuK = (1.1)

où :

• [ ]K est la matrice de rigidité, symétrique, de dimension nxn, caractérisant la rigidité du système. Elle est formée par l’assemblage des matrices de rigidité élémentaires associées à chaque sous-domaine. La dimension n est égale au produit du nombre de nœuds par le nombre de déplacements élémentaires associés à chacun,

• { }u est le vecteur, de dimension n, des déplacements des nœuds de la structure,

• { }F est le vecteur, de dimension n, des efforts ponctuels généralisés appliqués sur les nœuds de la structure.

Les déplacements en tous points du milieu continu sont alors déduits du vecteur { }u et des fonctions de forme. Les tenseurs de déformations et de contraintes en tout points en découlent également grâce aux lois de comportement du matériaux.

Les éléments de liaison ne sont pas modélisés en tant que milieux continus mais comme des entités globales ou un groupe d’entités globales. Ils reposent sur une logique opposée. Ils font le lien entre les maillages des différents éléments de structure. Leur comportement se traduit par des relations matricielles non linéaires analogues à celles obtenues par la méthode des éléments finis, liant les déplacements de certains nœuds des éléments de structure, appelés « nœuds de connexion ».

Les matrices de rigidité des éléments non linéaires dépendent des déplacements des nœuds de connexion et sont assemblées aux matrices issues de la méthode des éléments finis pour donner un système caractérisant le comportement statique du mécanisme complet du type :

{ }( )[ ]{ } { }FuuK = (1.2)

Les résultats concernant les éléments de liaison (déplacements, déformations ou efforts) sont des valeurs discrètes aux nœuds de connexion ou sur les composants internes à l’élément technologique.

2.2 Méthodes de résolution

Les méthodes de résolution de systèmes matriciels non-linéaires sont nombreuses (Bathe [2], Imbert [18], Oden ([30]). Certaines sont très performantes pour la résolution des problèmes spécifiques mais présentent de faibles performances dans d’autres cas. Dans le cadre de la modélisation des systèmes de transmission de puissance, les travaux de I.S. Choi ([9], [10], [11], [12]) l’ont conduit à retenir la méthode de Newton-Raphson.

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CHAPITRE 1 : Technique globale d’analyse statique

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Idéalement, l’équation (1.2) doit être exactement satisfaite. Mais à cause des non linéarités, les équations d’équilibre sont résolues à l’aide d’un processus itératif. Elles ne sont donc satisfaites qu’avec un certain degré de précision.

Le système s’exprime par l’équation :

{ }( ){ } { }( )[ ]{ } { } { }0FuuKuR ≈−= (1.3)

{ }( ){ }uR est le vecteur des forces de déséquilibre ou des résidus. La résolution consiste à déterminer, pour un chargement extérieur { }F donné, le vecteur { }*u tel que { }( ){ }*uR soit égal au vecteur nul. Le vecteur { }*u ainsi obtenu correspond à la déformée statique du système. La recherche de la solution est conduite de manière itérative à partir d’une valeur initiale des déplacements { }0u (Dhatt et Touzot [6]) :

Divergence

Estimation initiale de

{ }0u

Algorithme de résolution

amélioré

Convergence Solution { } { }iuu =*

Convergence ?

Non

oui,

limRR <

oui, limRR >

{ } { } { }uuu i1i ∆+=+

Figure 1.2 : Principe de résolution des systèmes non-linéaires

A l’itération i+1, la détermination de { }u∆ s’effectue à partir d’un développement en série de Taylor au premier ordre et au voisinage de { }iu de l’équation (1.3) :

{ }( ){ } { } { }( ){ }uuRuR i1i ∆+=+

{ }( ){ } { }{ } { }

{ }uuRuR

idi ∆⎥

⎤⎢⎣

⎡∂∂

+=43421

(1.4)

{ }( )[ ]iT uK

La matrice { }( )[ ]iT uK est la matrice de rigidité tangente du système calculée en { }iu . Elle s’exprime en fonction des dérivés partielles de la matrice de rigidité [ ]K et du vecteur des efforts extérieurs :

{ }( )[ ] { }{ } { }

{ }( )[ ] { }( )[ ]{ } { }

{ }ii ui

uiT u

uuKuK

uFuK ⎥

⎤⎢⎣

⎡∂

∂++⎥

⎤⎢⎣

⎡∂∂

−= (1.5)

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CHAPITRE 1 : Technique globale d’analyse statique

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A chaque itération, le problème se ramène à la résolution d’un problème linéaire d’inconnue { }u∆ :

{ }( )[ ]{ } { }( ){ }iiT uRuuK −=∆ (1.6)

Le processus itératif s’arrête lorsque, pour une tolérance ε donnée,

{ }{ }{ } { }

ε≤∆∆

iiT

T

uu

uu (1.7)

L’algorithme détaillé de la méthode de Newton-Raphson est donné en annexe A1.

2.3 Optimisation : la sous-structuration statique

2.3.1 Introduction

Pour la majorité des mécanismes considérés, le nombre de degrés de liberté (DDL) liés à des éléments de liaison non linéaires est très inférieur au nombre total de déplacements inconnus. Par exemple, le bogie de train considéré par la suite, constitué de 21 éléments de structure, est discrétisé en plus de 1 370 000 nœuds au total (environs 4 200 000 DDL). Seuls 2500 de ces nœuds seront connectés à des éléments non linéaires. L’utilisation de techniques de condensation ou de sous-structuration statique apparaît indispensable pour diminuer le temps de calcul (Imbert [16], Rigal [33]). La résolution non linéaire est effectuée sur un système « réduit » qui ne contient que les nœuds situés aux interfaces entre éléments. Les déplacements dans l’ensemble des éléments de structure sont ensuite déterminés par des calculs de restitution afin de connaître la répartition des efforts et des contraintes.

2.3.2 Principe global de résolution du système non linéaire

Tous les nœuds d’attache des éléments de liaison appartiennent à des maillages d’éléments de structure et sont appelés nœuds de connexion.

Le processus de calcul global retenu se fait par les étapes suivantes :

• définition des maillages des éléments de structure,

• définition des nœuds de connexion et des éléments de liaison,

• condensation des matrices de rigidité des éléments de structure sur les nœuds de connexion,

• assemblage des matrices réduites et résolution itérative non linéaire avec les matrices des éléments de liaison,

• calculs de restitution pour obtenir les déplacements sur tous les nœuds du système.

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Nœud

Elément de structureElément de liaison

Condensation

Figure 1.3 : Réduction du nombre de nœuds par condensation

2.3.3 Condensation et calculs de restitution

La méthode de condensation statique est une technique numérique permettant de diminuer le nombre d’inconnues d’un modèle éléments finis (Imbert [18]). Elle consiste en une partition des n degrés de liberté du modèle en in DDL internes et cn DDL de connexion. Les degrés de liberté internes, éliminés par condensation, ne peuvent pas être connectés ultérieurement à d’autres éléments. Le modèle initial est alors équivalent à un super-élément défini aux nœuds de connexion. Le principe de la condensation est d’exprimer, à une constante près, l’énergie potentielle d’un super-élément en fonction de ses déplacements externes. D’un point de vue numérique, cette méthode est tout à fait similaire à une méthode d’élimination de Gauss par blocs.

Pour chaque élément de structure la partition des degrés de liberté du modèle éléments finis se fait de la manière suivante :

• les DDL de connexion, indicés « c », sont les DDL associés aux éléments de liaison non linéaires,

• les DDL internes, indices « i », sont les DDL complémentaires.

Le vecteur { }u des déplacements généralisés de l’élément de structure devient donc :

DDL internes

DDL de connexion { }

⎭⎬⎫

⎩⎨⎧

=c

i

uu

u

(1.8)

Des partitions identiques de la matrice de rigidité [ ]K et du vecteur des efforts extérieurs { }F permettent d’écrire l’équilibre statique de l’élément de structure de la façon suivante :

⎭⎬⎫

⎩⎨⎧

=⎭⎬⎫

⎩⎨⎧

⎥⎦

⎤⎢⎣

c

i

c

i

ccicT

icii

FF

uu

KKKK

(1.9)

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CHAPITRE 1 : Technique globale d’analyse statique

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Après condensation (cf. annexe A2), le système linéaire (1.9) est équivalent au système (1.10) d’inconnues { }cu :

[ ]{ } { }cccc FuK = (1.10)

La matrice [ ]ccK est la matrice condensée aux DDL de connexion de l’élément de structure. Elle est définie par (Imbert [17]) :

[ ] [ ] [ ] [ ] [ ]ic1

iiicT

cccc KKKKK −−= (1.11)

Le vecteur { }cF est le vecteur des efforts nodaux condensés appliqués sur les nœuds de connexion :

{ } { } [ ] [ ] { }i1

iiicT

cc FKKFF −−= (1.12)

Les relations (1.11) et (1.12) sont utilisées pour condenser chaque élément de structure séparément. Les matrices de rigidité et les vecteurs d’efforts condensés obtenus sont assemblés. Ils sont indépendants des déplacements.

A chaque itération de la résolution du système global non linéaire, les matrices de rigidité tangentes des éléments non linéaires sont calculées en fonction du vecteur des déplacements et assemblées avec les matrices de rigidité condensées. Après convergence, les déplacements de tous les nœuds de connexion du mécanisme sont obtenus.

Un calcul linéaire de restitution est effectué sur chaque élément de structure pour déterminer les déplacements { }iu sur les DDL internes du modèle à partir des déplacements { }cu des DDL de ces nœuds de connexion. Le système à résoudre est :

[ ]{ } { } [ ]{ }ciciiii uKFuK −= (1.13)

3. MODELISATION DES ELEMENTS DE STRUCTURE

3.1 Outil informatique

Les nombreux travaux réalisés sur la Méthode des Eléments Finis depuis une cinquantaine d’années couplés au fort développement des moyens informatiques ont permis de mettre en place des « éléments » de poutres, de plaques, de coques et de volumes ainsi que des règles de modélisation permettant d’obtenir des modèles statiques performants. La validité de ces modèles a été vérifiée expérimentalement. La justesse générale de la méthode des éléments finis et le développement de nombreux éléments permettent une exploitation industrielle de cette technique. Néanmoins, comme toute méthode de modélisation, elle repose sur un certain nombre d’hypothèses qu’il est nécessaire de garder présentes à l’esprit pour réaliser des modèles permettant d’obtenir des résultats significatifs. La validité d’un modèle de données doit être vérifiée cas par cas.

Le développement des outils de conception assistée par ordinateur en général et des logiciels de modélisation par éléments finis en particulier (ABAQUS, NASTRAN, ANSYS, CATIA, …)

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permet aujourd’hui de disposer d’outils performants pour réaliser des maillages de pièces industrielles complexes : maillages automatiques ou semi-automatiques et pour résoudre les équations de comportement.

Les modèles éléments finis des différents éléments de structure (arbres, carters, …) utilisés dans cette étude seront supposés représenter correctement le comportement statique des éléments de notre application sur le bogie de train. L’outil choisi pour traiter cela est le module ELFINI du logiciel CATIA.

3.2 Hypothèses sur le comportement

Dans les mécanismes de transmission de puissance, nous distinguons deux types d’architecture :

• l’architecture des mécanismes comportant des pièces rigides telles que des carters ou des arbres de transmission. Ces mécanismes sont généralement isostatiques grâce à des éléments de liaison adaptés. Ils sont aussi conçus pour ne pas générer d’efforts internes au mécanisme supplémentaires par rapport aux efforts de fonction.

• Les mécanismes comportant des pièces souples telles que des ressorts ou des articulations élastiques comportant des montages hyperstatiques destinés à augmenter la rigidité de l’ensemble.

Dans les mécanismes du premier type (boîte de vitesses automobiles, boîte de transmission principale d’hélicoptère, …), on trouve fréquemment des montages de roulements localement hyperstatiques (roulements à rouleaux coniques montés en « O » ou en « X ») qui forment une cartouche dont la fonction est de réaliser une liaison cinématique simple. Néanmoins, ces mécanismes sont globalement isostatiques contrairement à ceux du deuxième type (bogie ferroviaire, …).

Dans les mécanismes hyperstatiques, les composants sont connectés les uns aux autres en formant une chaîne fermée. Dans certains cas, les dimensions des composants rendent leur assemblage impossible dans leur état « à vide ». Pour refermer la boucle il est alors nécessaire d’introduire au moins un des constituants dans un état initial déformé appelé « état pré-chargé ». Le choix du constituant à pré-charger n’est pas unique. En effet, à l’équilibre la pré-charge se répartit dans tous les constituants de la boucle selon le principe de minimisation de l’énergie de déformation.

De plus, si la boucle pré-chargée contient un élément de grande flexibilité qui subit des changements de géométrie importants, la notion de pré-charge sera associée à un comportement géométriquement non linéaire, dû au changement des points d’application des efforts.

Le modèle doit prendre en compte ces spécificités afin de permettre le traitement de tous les mécanismes de transmission de puissance. Le comportement des éléments de structure est supposé respecter les hypothèses suivantes dans la gamme de fonctionnement étudié :

• petites déformations relatives,

• matériau élastique linéaire.

Les seules non linéarités de comportement prises en compte sont liées aux grands déplacements.

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3.3 Pré-charge d’un élément de structure

L’objectif de cette partie est de définir la manière de prendre en compte la pré-charge d’un élément de structure dans le calcul par éléments finis. L’élément est supposé avoir un comportement non linéaire, lié à des changements de géométrie notables (Desai C. S. et Abel J. F.[7]).

3.3.1 Principe

Le comportement statique de l’élément de structure au sein du mécanisme est traduit par la relation :

{ }( )[ ]{ } { }eee FuuK = (1.14)

où :

• { }eu est le vecteur des déplacements nodaux à l’équilibre statique, mesuré depuis l’état initial « à vide »,

• { }( )[ ]euK est la matrice de rigidité, géométriquement non linéaire, de la pièce mécanique soumise au champs de déplacement { }eu ,

• { }eF est le vecteur des efforts nodaux extérieurs à l’élément (somme des efforts extérieurs au mécanisme et des efforts appliqués par les autres éléments de structure ou les éléments de liaison en contact avec lui.

Pré-charger l’élément de structure consiste à déplacer les nœuds de son maillage éléments finis d’une quantité { }ru permettant de respecter les contraintes dimensionnelles de montage dans le mécanisme. Ceci revient à opérer un changement de l’état de référence pour la mesure des déplacements nodaux. Ainsi, le déplacement à l’équilibre depuis l’état « à vide » s’écrit :

{ } { } { }ere uuu ~+= (1.15)

où { }eu~ est le déplacement depuis le nouvel état de référence.

La relation (1.14) devient alors :

{ }( )[ ]{ } { } { }( )[ ]{ }reeee uuKFu~uK −= (1.16)

La matrice de rigidité à l’équilibre { }( )[ ]euK ne peut pas être évaluée à priori car { }eu est l’inconnue du problème. Cependant, elle peut être d’évaluée pour un déplacement donné en effectuant un remaillage sur la position déformée considérée.

Si le déplacement de référence { }ru est proche du déplacement à l’équilibre { }eu , le comportement peut être linéarisé au voisinage de cette position et la relation (1.16) est remplacée par :

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[ ]{ } { } [ ]{ }rreer uKFu~K −= (1.17)

où [ ] { }( )[ ]rr uKK = est la matrice de rigidité obtenue à partir du maillage dont les nœuds ont été déplacés de { }ru depuis la position initiale « à vide ».

3.3.2 Mise en œuvre

La seule contrainte théorique à laquelle doit obéir le déplacement de référence { }ru est de rendre les dimensions de l’élément de structure pré-chargé, compatibles avec son introduction dans l’assemblage. Cependant, plus l’état de référence est choisi proche de l’état d’équilibre, meilleure sera l’approximation introduite par la linéarisation de l’équation (1.17).

La méthode retenue pour déterminer le déplacement { }ru est de résoudre le système linéaire :

[ ]{ } { }0uK r0 = (1.18)

où [ ] { }( )[ ]0KK0 = est la matrice de rigidité de l’élément de structure calculée à partir du maillage initial non déformé. Le système (1.18) est résolu avec des déplacements imposés sur les nœuds de connexion avec les autres éléments du mécanisme tels que les contraintes dimensionnelles de montage soient respectées.

Après déplacement des nœuds d’une quantité { }ru , la matrice de rigidité [ ]rK est évaluée et l’effort nodal extérieur { } [ ]{ }rrr uKF −= est appliqué sur les nœuds de la structure déformée qui est alors traitée de la même manière qu’un élément de structure ordinaire. Utilisé dans un calcul global, le modèle pré-chargé permet d’obtenir le déplacement { }eu~ conformément à l’équation (1.17).

Le tenseur des contraintes en tout point du milieu continu pré-chargé découle des déplacements nodaux calculés et des fonctions de formes. Il doit être déterminé sur la structure initiale « à vide », à partir du déplacement { } { } { }ere uuu ~+= .

4. MODELISATION DES ELEMENTS DE LIAISON

4.1 Les paliers à roulements

De nombreux travaux ont été réalisés pour élaborer des modèles statiques de paliers à roulements en prenant en compte les relations non linéaires entre les efforts et les déplacements lors des contacts entre les éléments roulants et les pistes. Ainsi, A. Palmgren [31] a établi des formules approchées des relations efforts-déplacements reposant sur des hypothèses simplifiées (angles de contact ne variant pas, bagues rigides). Par la suite, de nombreux travaux ont été réalisés pour créer des modèles qui prennent en compte la géométrie fine des roulements : les modèles analytiques de S. Andreason [1] permettent de déterminer l'équilibre des corps roulants en prenant en compte, pour

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les roulements à billes, les déplacements relatifs des centres de courbure des bagues et les angles de contact, et pour les rouleaux coniques les interactions entre le rouleau, les pistes et l'épaulement. T.A. Harris ([13], [14]) tient compte du bombé de la génératrice du rouleau pour calculer la charge. J.Y. Liu ([26], [27]) introduit la force centrifuge et le moment gyroscopique de chaque corps roulant. Enfin, J.M. de Mul ([28], [29]) se base sur une approche matricielle et une description vectorielle de la géométrie.

Des études réalisées sur des mécanismes de transmission de puissance, les boîtes d'hélicoptères ou les boîtes de vitesses automobiles ont montrées (Harris [13], [14], Jones [19], [20], [21], [22], Rigal [33], Choi [12], Bourdon [5]) que la flexibilité de l'environnement ne peut pas toujours être négligée. Les bagues des roulements doivent être considérées selon un modèle déformable.

I.S. Choi ([9], [10], [11], [12]), puis A. Bourdon ([3], [4], [5]), s’appuyant sur ces travaux, ont mis en place des modèles de roulements à billes ou à rouleaux cylindriques et coniques pouvant s'introduire dans une modélisation éléments finis « classique » en vue d'une résolution d'un problème non linéaire.

Ces modèles prennent en compte la géométrie fine des paliers à roulements et permettent d'obtenir :

• les efforts exercés par les bagues et les épaulements sur le corps roulant,

• les angles de contact ou de basculement,

• la matrice de rigidité tangente associée à chaque corps roulant.

L'idée essentielle de ces modèles est de discrétiser le roulement en « corps roulants » (billes ou rouleaux) et d'associer à chacun d'eux un « élément » au sens des éléments finis. L'approche par la méthode des forces classique chez les roulementiers (Lim & Singh [23], [24], [25], Houpert [15]) est ainsi remplacée par la méthode des déplacements. Une approche globale couplant les roulements au reste de la structure devient possible.

L’élément « corps roulant » relie un nœud de la bague intérieure à un nœud de la bague extérieure par l'intermédiaire d'une matrice de rigidité de dimension 10x10. Cette matrice établit le couplage entre les 10 DDL « actifs » (2x3 DDL de translation et 2x2 DDL de rotation) et assure la transmission de 3 forces et de 2 moments. Les degrés de liberté correspondant à la rotation du roulement sont évidemment libres de tout couplage et aucun moment n'est transmis suivant cette direction.

Bague extérieure

Bague Intérieure

Corps roulants Discrétisation

+

Elément : "corps roulant"

Figure 1.4 : Discrétisation des roulements en corps roulants

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CHAPITRE 1 : Technique globale d’analyse statique

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Les bagues sont donc discrétisées avec les hypothèses suivantes :

• les sections transversales des bagues sont indéformables,

• à chaque corps roulant correspond un nœud de la bague extérieure et un nœud de la bague intérieure. Ces nœuds sont situés dans le plan radial contenant le centre du corps roulant.

ZL

BIN2

B1 N1

r

Liaison Cr

ZL

r

Cr

O

N1

N2

Liaison

O

Figure 1.5 : Discrétisation des bagues des « roulements » pour les paliers à billes et à rouleaux

Il s'agit alors de déterminer pour chaque corps roulant, supposé indéformable sauf ponctuellement au niveau des contacts, et pour des déplacements donnés des nœuds « d'attache » N1 et N2, les déplacements élémentaires du centre du corps roulant assurant l’équilibre de ce dernier dans le plan radial (équilibre des forces et des moments). En effet, pour des déplacements relatifs des bagues connus, le corps roulant va être soumis à des efforts de contact au niveau des pistes de roulement et des épaulements. Ces efforts sont définis par la théorie de Hertz (contact étroit et tranches minces) :

nf ).(CQ δ= (1.19)

où :

δ représente le rapprochement des corps, n est un exposant dépendant de la nature du contact,

fC est la constante de rigidité du contact définie par Hertz.

La position d'équilibre du système « bagues - corps roulant » est calculée par une boucle itérative de Newton-Raphson. (cf. figure 1.6). A chaque itération sont déterminés les efforts exercés sur le corps roulant par chaque bague et ses éventuels épaulements. Ce calcul se fait en tenant compte des jeux et de la géométrie précise du roulement (rayons de courbure, de dépouille, bombés ... ).

Lorsque l'équilibre est atteint (vecteur des efforts résiduels égal au vecteur nul), les efforts entre le corps roulant, les bagues et les épaulements sont connus ainsi que les matrices de rigidité tangentes entre le corps roulant et les différentes bagues. Une matrice de rigidité élémentaire équivalente peut être déterminée entre les nœuds des bagues intérieure et extérieure. Cette matrice est la matrice de rigidité tangente associée à l'élément « corps roulant ». La méthodologie détaillée du calcul de l'équilibre des corps roulants est décrite dans la thèse de A. Bourdon ([5]).

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CHAPITRE 1 : Technique globale d’analyse statique

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Entrée :-déplacement noeud BE -déplacement noeud BI

Calcul des déplacementsrelatifs BI / BE

Initialisationdéplacements du corps roulant:

{u}

Calcul des efforts :- BE / corps roulant- BI / corps roulant

Equilibre ?||{Fresi}||< ε

Calcul des matrices de raideur tangente : - BE / corps roulant- BI / corps roulant

Oui

Calcul de {∆ u}{u}={u}+{∆ u}

non

Sortie : - matrice de rigidité tangente

- efforts aux noeuds de l'éléments - caractéristiques de chargement

Calcul matrice derigidité équivalente

Figure 1.6 : Détermination de la matrice de rigidité tangente associée aux corps roulants

L'avantage de cette approche est de permettre de traiter aussi bien le cas des paliers montés dans un environnement rigide avec des bagues indéformables que celui des roulements montés dans un environnement flexible et des bagues déformables. Les différences essentielles entre les éléments proposés ici et l'approche de J.M. de Mul ([28], [29]) sont que les basculements des bagues dans le plan radial sont pris en compte et qu'une matrice de rigidité tangente (10*10) est définie pour chaque corps roulant. L'assemblage des éléments « corps roulant » conduit à un modèle élément finis non linéaire « classique » où la matrice de rigidité dépend des déplacements. Il est résolu par la méthode itérative de Newton-Raphson et à chaque itération les matrices de rigidité tangentes associées aux corps roulants sont ré-évaluées et ré-assemblées.

Ces éléments permettent de modéliser aussi bien un roulement isolé (en encastrant les nœuds de la bague extérieure) qu’un roulement dans un environnement flexible. Les études de validation réalisées par I.S. Choi [12] ont prouvé que les résultats obtenus sont significatifs du chargement réel. Elles montrent également que la modélisation des données relatives à la géométrie interne du roulement doit être effectuée avec une grande précision. Des études plus récentes (Chan Tien [8], Bourdon et al. [3], [4]) réalisées sur un roulement à billes « isolé » et soumis à différents chargements ont permis de montrer que les matrices de rigidités obtenues étaient identiques à celles obtenues par T.C. Lim et R. Singh ([23], [24], [25]) par une approche « analytique ». Pour l’ensemble des éléments « corps roulants » développés, des tests de validation ont été effectués afin de vérifier que les résultats obtenus étaient réalistes.

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CHAPITRE 1 : Technique globale d’analyse statique

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4.2 Les engrenages

Un engrenage est un organe mécanique constitué par deux roues dentées. Il permet la transmission de puissance entre deux arbres en rotation. Cette transmission se fait avec modification du couple transmis et de la vitesse de rotation. L'élément de modélisation mis en place doit donc assurer :

• la liaison cinématique entre les deux arbres,

• la transmission des efforts.

Y1

Z1

N2

N1

Arbre 2

O1

O2

d2

d1

X1

O1

O2

I Cercles primitifs

Arbre 1

Cercles de base

Figure 1.7 : Elément d'engrenage extérieur cylindrique

De précédents travaux (J.F. Rigal [33]) ont montré qu'en statique, la liaison par engrenages pouvait être modélisée par un ressort de rigidité 0k placé au point primitif d’engrènement, suivant la normale au contact. Pour les études réalisées sur le bogie de train, les roues et les pignons des engrenages extérieurs cylindriques hélicoïdaux sont supposés indéformables sauf ponctuellement au niveau des zones de contact. Dans le cadre de cette hypothèse, un élément spécifique « d'engrenage » peut être défini. Il connecte le nœud N1 de la roue 1 au nœud N2 de la roue 2 et liant, par l'intermédiaire d'une matrice de rigidité [ ]engK , les efforts transmis { }iF aux déplacements { }id :

[ ]⎭⎬⎫

⎩⎨⎧

=⎭⎬⎫

⎩⎨⎧

2

1eng

2

1

dd

KFF

(1.20)

La matrice de rigidité [ ]engK s'exprime comme le produit d'une matrice de géométrie [ ]G ,

fonction des caractéristiques géométriques de l'engrenage (rayons de base, angle d'hélice, angle de pression, ...) et de la rigidité scalaire 0k représentant la rigidité moyenne d'engrènement.

[ ] [ ]GkK oeng = (1.21)

Suivant le chargement appliqué à l'engrenage, deux positions de contact sont possibles (cf. figure 1.8). Elles correspondent à des flancs en contact différents et à des matrices de géométrie différentes (direction différente de la normale au contact) :

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CHAPITRE 1 : Technique globale d’analyse statique

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Configuration 1 Configuration 2

XL

YL

n tp

th XL

YL

n

tp th

Figure 1.8 : Définition des « positions » de contact pour un engrenage extérieur

L'élément de liaison par engrenages mis en place permet de déterminer automatiquement le flanc actif en fonction des déplacements des roues 1 et 2.

Entrées : - déplacements Roue1

- déplacements Roue2

Sortie : - matrice raideur tangente - efforts aux noeuds de liaison

Calcul des déplacements relatifs au point primitif d'engrènement

Détermination de la configuration de contact

Calcul des efforts générés par l'engrenage

Calcul de la matrice raideur associée

Calcul des résultats caractéristiques

Figure 1.9 : Détermination de la matrice de rigidité de l'élément engrenage

Cet élément permet également de déterminer, lorsque l'équilibre du système est atteint, les déplacements relatifs au point primitif d'engrènement dans la base )t,t,n( ph

rrr liée au contact (cf. figure 1.8) :

• nr : normal au contact,

• htr

: tangente suivant l’hélice,

• ptr

: tangente suivant le profil.

La valeur de la rigidité scalaire 0k dépend de manière non linéaire du chargement statique et des caractéristiques de la denture. Cette valeur peut être calculée par des logiciels extérieurs (De Vaujany [34]). Cependant, pour les études statiques, les résultats dépendent peu de la valeur de 0k .

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CHAPITRE 1 : Technique globale d’analyse statique

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4.3 Les contacts avec jeux

Les éléments de contact sont associés aux frontières des solides potentiellement en contact. Si le jeu est fermé, la liaison entre les pièces est établie avec transmission d’effort dans la direction normale aux surfaces en contact. Si le jeu est ouvert, aucun effort n’est transmis.

kjeu

Elément de contact Effort transmis

Déplacement relatif jeu

Figure 1.10 : Elément de « contact avec jeux » généralisé

L'élément développé établi une liaison, dans une base élémentaire, entre les degrés de liberté identiques de deux nœuds N1 et N2.

xL

yL

zL

yG

xG

zG

repère global

repère élémentaireN2

N1

N2

N2

Elément de liaison

Figure 1.11 : Descriptif de l'élément de liaison

Ces liaisons peuvent être de trois types :

• liaison rigide,

• liberté,

• jeu de fonctionnement.

Ces liaisons sont modélisées par des ressorts de raideur maxk placés suivant la direction du DDL considéré en fonction du déplacement relatif des nœuds dans cette direction. Les éventuels efforts appliqués par le nœud 1 sur le nœud 2 sont orientés dans les directions Lx , Ly ou Lz .

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CHAPITRE 1 : Technique globale d’analyse statique

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Fin

Entrée : Déplacements des nœuds

dans le repère local Boucle sur les 3 DDL

de translation

di déplacements relatifs dans la direction i

Si

Liaison rigide Ke(i, i) = Ke(i+6, i+6) = kmax Ke(i, i+6) = Ke(i+6, i) = -kmax

F(i) = kmax . di F(i+6) = -F(i)

Liberté Ke(i, i) = Ke(i+6, i+6) = 0 Ke(i, i+6) = Ke(i+6, i) = 0

F(i) = F(i+6) = 0

Liaison avec jeu

Si di < -jeu (jeu fermé) Ke(i, i) = Ke(i+6, i+6) = kmax Ke(i, i+6) = Ke(i+6, i) = -kmax

F(i) = kmax . (di+jeux) F(i+6) = -F(i)

Si di > -jeu (jeu ouvert) Ke(i, i) = Ke(i+6, i+6) = 0 Ke(i, i+6) = Ke(i+6, i) = 0

F(i) = F(i+6) = 0

Sortie : Matrice de rigidité [Ke]

Vecteur des efforts transmis {F}dans le repère local

Figure 1.12 : Détermination de la matrice de rigidité et des efforts transmis

Les éléments de contact avec jeux pourraient également être modélisés par des ressorts non linéaires dont la rigidité k dépendrait de l'écrasement des surfaces en contact et serait calculée, par exemple, par les formules de Hertz.

Pour éviter les problèmes numériques (matrice singulière) en cours d'itération, le jeu ouvert peut être modélisé par une rigidité mink . Cette valeur doit être suffisamment faible pour ne pas perturber la recherche de l'équilibre et suffisamment grande pour supprimer les singularités. Des études réalisées par J.F. Rigal ([33]) ont montré que l'erreur générée par l'introduction de ces rigidités « numériques » était acceptable.

Cette rigidité ne doit pas être trop élevée pour ne pas entraîner un mauvais conditionnement de la matrice de rigidité qui empêcherait la convergence de l'algorithme de résolution. La valeur à utiliser dépend de la rigidité du reste de la structure. Les valeurs classiques se situent entre 108 et 1013 N/m.

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CHAPITRE 1 : Technique globale d’analyse statique

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5. MISE EN ŒUVRE INFORMATIQUE

5.1 Introduction

La plus grande partie du travail de thèse a consisté à développer ou adapter des logiciels pour mettre en œuvre la méthode de modélisation globale sur des systèmes de grande taille. L’objectif était de disposer d’un ensemble de logiciels puissants et conviviaux car la taille du système à simuler était telle que la définition du modèle numérique ne pouvait être envisagée qu’au travers de programmes automatisés. De plus, la méthode devait être transposable sur des systèmes similaires en milieu industriel.

Le logiciel SISFER a servi de point de départ à notre travail. C’est un code de calcul, développé depuis plus de quinze ans dans notre Laboratoire, qui contient tout le savoir faire concernant les modèles globaux. Par ailleurs, le traitement d’un grand nombre d’éléments de structure complexes a nécessité l’utilisation d’un logiciel industriel de M.E.F. Notre choix s’est porté sur CATIA et son module ELFINI. En plus de sa convivialité et de sa puissance, il sert d’environnement pour développer des logiciels dotés d’interfaces utilisateurs graphiques.

5.2 Architecture de l’ensemble logiciel

CATIA est utilisé pour créer les modèles des éléments de structure. Les étapes de ce travail sont :

• la réalisation d’un modèles géométrique de la pièce,

• la création de maillages éléments finis grâce à des méthodes automatiques,

• la définition des nœuds de jonction et la condensation statique.

Chaque élément de structure est associé à un modèle séparé.

Le programme PRESIS fonctionne dans CATIA. Utilisé de manière récursive avec tous les modèles des éléments de structure, il récupère et assemble les matrices de rigidité condensées. Le résultat final est écrit dans un fichier. Par ailleurs, son interface utilisateur conviviale permet de définir les caractéristiques et les connectivités des éléments de liaison. Ces données sont écrites dans un deuxième fichier. L’ensemble des deux fichiers est nommé « projet ». Il défini le modèle du mécanisme complet.

Le programme SISFER lit les fichiers de projet et résout le système non linéaire de manière itérative. Après convergence, les déplacements nodaux solutions du problème sont écrits dans un fichier. Les résultats relatifs aux chargements et aux déformations à l’équilibre des éléments spécifiques sont écrits dans un deuxième fichier.

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CHAPITRE 1 : Technique globale d’analyse statique

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Modèles CATIA V4

PRESIS

SISFER

SISRESTI

POSTSIS

Déplacements nodaux des composants

Matrice de rigidité

Description éléments spécifiques

XXX.KLI

XXX.SIS

Déplacements nodaux

Résultats spécifiques

XXX.1DDL

XXX.RRE

X1.DEPX2.DEP

X3.DEP

SISVISU

Définition interactive du modèle

Calcul global

Ecriture des résultats dans les modèles

CATIA

Visualisation

Séparation des résultats

Figure 1.13 : Organisation des logiciels de simulation globale

Le programme POSTSIS est un utilitaire qui crée un fichier contenant les déplacements des nœuds de jonction pour chaque élément de structure.

Le programme SISRESTI fonctionne dans l’environnement CATIA. Il s’utilise pour écrire ces déplacements dans les modèles CATIA correspondant.

Le calcul de restitution s’effectue dans CATIA afin d’obtenir les déplacements de tous les nœuds internes de la structure.

Le programme SISVISU sert à visualiser le chargement des éléments de liaison de type corps roulants sous forme de graphiques en coordonnées polaires. Il fonctionne dans le logiciel de calcul numérique MATLAB.

5.3 Développement des logiciels

5.3.1 SISFER

Le logiciel SISFER exécute un algorithme de Newton-Raphson. A chaque itération, les matrices de rigidité tangentes des éléments non linéaires sont calculées puis assemblées à la matrice de rigidité des éléments de structure. Le système matriciel obtenu est symétrique. Sa résolution est faite par la méthode de Choleski.

Initialement, les algorithmes de calcul de SISFER travaillaient sur une représentation pleine de la matrice de rigidité : tous les termes de la partie triangulaire supérieure étaient stockés qu’ils soient

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CHAPITRE 1 : Technique globale d’analyse statique

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nuls ou non. Le programme était adapté à des systèmes de type boîte de vitesse n’ayant qu’un élément de structure (un carter) et une chaîne cinématique avec des roulements et des engrenages. Le nombre de nœuds du système condensé était inférieur à 150.

L’objectif de notre travail étant de travailler sur des mécanismes ayant plusieurs dizaines d’éléments de structure et quelques milliers de nœuds, l’algorithme a dû être optimisé. En effet, une matrice de rigidité obtenue par assemblage a un taux de remplissage (proportion de valeurs non nulles) de l’ordre de 5 %.

Un stockage « creux » a été mis en place : seuls les coefficients non nuls de la matrice sont stockés avec leurs indices de position. Cependant, lorsque l’algorithme de Choleski factorise la matrice, des valeurs non nulles supplémentaires apparaissent. Leur nombre dépend de la numérotation des DDL. Plusieurs méthodes de renumérotation existent pour minimiser le remplissage de la matrice. Parmi celles-ci, la méthode du degré minimum s’est révélée efficace et simple à implémenter (Pissanetzky [32]).

L’ensemble de ces modifications diminue la taille mémoire nécessaire d’un facteur 10, rendant possibles des simulations inenvisageables auparavant. Le temps de calcul est diminué d’un facteur encore plus élevé.

5.3.2 PRESIS

PRESIS est le programme qui a demandé le plus gros travail de développement. Il est écrit en partie en Fortran 77 (environ 6000 lignes de code) et en partie dans un langage propre à CATIA (langage IUA).

6. CONCLUSION

La technique globale d’analyse statique des mécanismes hyperstatiques exposée dans ce chapitre peut s’appliquer à tous les mécanismes de transmission de puissance usuels. Dans son sens le plus général, un mécanisme est constitué d’éléments de structure (arbres, carters, …) connectés par des éléments de liaison (paliers à roulements, engrenages, …). La première catégorie est supposée avoir un comportement linéaire dans une gamme de sollicitations raisonnable, tandis que la deuxième a un comportement clairement non linéaire.

La méthode des éléments finis est utilisée pour réaliser des modèles numériques discrets des éléments de structure permettant de quantifier les déplacements et les contraintes dans les milieux continus des pièces. Le résultat de la discrétisation est une matrice de rigidité.

Les modèles des éléments de liaison sont caractérisés par des relations de rigidités dépendantes des déplacements qui, associées avec les matrices de rigidité issues de la M.E.F., forment un système matriciel non linéaire.

La taille des systèmes envisagés pour l’analyse force à recourir à la méthode de condensation, ou sous-structuration statique, pour réduire la dimension du système. Le système non linéaire est résolu par la méthode de Newton-Raphson.

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CHAPITRE 1 : Technique globale d’analyse statique

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Dans les systèmes hyperstatiques dont l’étude est envisagée, les composants sont montés en boucles et le montage du mécanisme impose quelquefois de pré-charger des éléments : il n’existe pas, dans ce cas, d’état non contraint qui respecte les liaisons entre les pièces. Une approche a été développée pour prendre en compte les pré-charges des pièces souples dont les déformations importantes sont responsables d’un comportement géométriquement non linéaire. Elle consiste à calculer les déplacements de l’élément de structure depuis un état déformé de référence au voisinage duquel le comportement est linéarisé.

Un ensemble de logiciels a été développé pour mettre en œuvre la méthode. Il s’articule autour d’un code de calcul non linéaire nommé SISFER, développé au Laboratoire depuis quinze ans et d’un logiciel de M.E.F. du commerce : CATIA-ELFINI. La plus grande partie du travail a consisté à adapter SISFER aux systèmes de grandes tailles et à développer des logiciels d’aide à la modélisation.