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1° cours de jacques-alain miller, 19 janvier // l’enseigneur, son traducteur et le vide central mardi 13 septembre – je viens de retrouver mes notes du premier cours de Jacques-Alain Miller en 2011, reste à voir si elles s’avèreront lisibles, encore. je vais les jeter ici, et on verra bien. Après “Vie de Lacan” l’année dernière, ce cours s’intitulera-t-il Œuvre de Lacan? Mais y a-t-il l’œuvre de Lacan ? S’il y a un mot ni prononcé ni écrit par Lacan pour désigner son travail, c’est bien celui d’œuvre. Plutôt s’est-il attaché à ne jamais présenter ce qu’il donnait au public que comme “hors d’œuvres“. Les plats de résistance sont indéfiniment annoncés. La suite au prochain numéro! Lacan n’a jamais présenté des menus que sous la forme de feuilletons. Son séminaire évoque les séries TV américaines d’aujourd’hui. Le séminaire de Lacan est une série de cette façon. L’œuvre de Lacan, s’il y en a une, c’est le séminaire qui en donne l’axe - son grand œuvre de Lacan, interminable work in progress. Son corps est fait de 25 livres, des Écrits techniques de Freud au “Moment de conclure”. Ce massif se trouve débordé à ses extrêmes. D’abord deux séminaires donnés dans l’intimité de sa maison, sur l’Homme aux rats et sur l’Homme aux loups. Après le “Moment de conclure”, encore 3 séminaires. Deux voués à la topologie des nœuds, “La Topologie et le temps”, “Objets et représentations” - il n’en reste que peu dans la sténographie dont j’ai pu sauver quelques articulations. Et enfin le séminaire ultime, contemporain de la Dissolution de l’EFP, avec la tentative de créer une nouvelle École, et dont les leçons écrites à l’avance subsistent intégralement 30 ans donc, de 1951 à 1981: l’époque lacanienne de la psychanalyse. Comme s’il avait fallu 30 de plus pour trouver une forme achevée. Nous y sommes, la somme est là, reste à la publier. J’ai évoqué les 2 séminaires topologiques de Lacan, ce qu’il en reste sera publié en annexe du séminaire XXV, “Le Moment de conclure”. Pour ce qui est des deux séminaires initiaux, on ne dispose d’indications que pour le 2ème, celui sur l’Homme aux loups dont des notes d’auditeurs ont circulé. J’en ai établi le texte, je compte les publier avec l’ultime, “Dissolution”, dans un petit volume intitulé “Aux extrêmes du séminaire”. Parmi les publications à venir encore: les séminaires XXI et XXII en un seul volume, “Les Non- dupes errent”et “RSI”. De même, un seul volume pour les séminaires XXIV et XXV, “L’insu que sait de l’Une-bévue” et “Le Moment de conclure”. En plus, il y a 8 volumes à paraître. J’essaierai de convaincre l’éditeur de les faire sortir à raison de deux par an. Lui n’en veut qu’un seul. Je compte sur la vox populi pour accélérer cette production, pour disposer enfin de la suite des séminaires que Lacan laisse derrière lui. série des séminaires ; les séminaire sur l’homme aux rats et sur l’homme aux loups –> publiés avec le séminaire ultime) 2 séminaires voués à la topologie des nœuds –> publiés en annexe du XXV, “Le moment de conclure”: séminaire ultime. Lacan n’a jamais dit “Mon œuvre. Ma théorie”. Il disait “Mon enseignement“. Ne s’est pas voulu, pensé, identifié à la position d’un auteur, mais à celle d’un enseignant. D’un enseigneur. Ça ne veut pas dire seulement que son grand œuvre est oral. L’auteur a des lecteurs, il parle

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1° cours de jacques-alain miller, 19 janvier // l’enseigneur, son traducteur et le vide central

mardi 13 septembre – je viens de retrouver mes notes du premier cours de Jacques-Alain Miller en 2011, reste à voir si elles s’avèreront lisibles, encore. je vais les jeter ici, et on verra bien.Après “Vie de Lacan” l’année dernière, ce cours s’intitulera-t-il “Œuvre de Lacan“? Mais y a-t-il l’œuvre de Lacan ? S’il y a un mot ni prononcé ni écrit par Lacan pour désigner son travail, c’est bien celui d’œuvre. Plutôt s’est-il attaché à ne jamais présenter ce qu’il donnait au public que comme “hors d’œuvres“. Les plats de résistance sont indéfiniment annoncés. La suite au prochain numéro! Lacan n’a jamais présenté des menus que sous la forme de feuilletons. Son séminaire évoque les séries TV américaines d’aujourd’hui. Le séminaire de Lacan est une série de cette façon.

L’œuvre de Lacan, s’il y en a une, c’est le séminaire qui en donne l’axe - son grand œuvre de Lacan, interminable work in progress.

Son corps est fait de 25 livres, des Écrits techniques de Freud au “Moment de conclure”. Ce massif se trouve débordé à ses extrêmes. D’abord deux séminaires donnés dans l’intimité de sa maison, sur l’Homme aux rats et sur l’Homme aux loups. Après le “Moment de conclure”, encore 3 séminaires. Deux voués à la topologie des nœuds, “La Topologie et le temps”, “Objets et représentations” - il n’en reste que peu dans la sténographie dont j’ai pu sauver quelques articulations. Et enfin le séminaire ultime, contemporain de la Dissolution de l’EFP, avec la tentative de créer une nouvelle École, et dont les leçons écrites à l’avance subsistent intégralement

30 ans donc, de 1951 à 1981: l’époque lacanienne de la psychanalyse.

Comme s’il avait fallu 30 de plus pour trouver une forme achevée. Nous y sommes, la somme est là, reste à la publier.

J’ai évoqué les 2 séminaires topologiques de Lacan, ce qu’il en reste sera publié en annexe du séminaire XXV, “Le Moment de conclure”.

Pour ce qui est des deux séminaires initiaux, on ne dispose d’indications que pour le 2ème, celui sur l’Homme aux loups dont des notes d’auditeurs ont circulé. J’en ai établi le texte, je compte les publier avec l’ultime, “Dissolution”, dans un petit volume intitulé “Aux extrêmes du séminaire”.

Parmi les publications à venir encore: les séminaires XXI et XXII en un seul volume, “Les Non-dupes errent”et “RSI”. De même, un seul volume pour les séminaires XXIV et XXV, “L’insu que sait de l’Une-bévue” et “Le Moment de conclure”.

En plus, il y a 8 volumes à paraître. J’essaierai de convaincre l’éditeur de les faire sortir à raison de deux par an. Lui n’en veut qu’un seul. Je compte sur la vox populi pour accélérer cette production, pour disposer enfin de la suite des séminaires que Lacan laisse derrière lui.

• série des séminaires ; • les séminaire sur l’homme aux rats et sur l’homme aux loups –> publiés avec le séminaire

ultime) • 2 séminaires voués à la topologie des nœuds –> publiés en annexe du XXV, “Le moment de

conclure”: • séminaire ultime.

Lacan n’a jamais dit “Mon œuvre. Ma théorie”. Il disait “Mon enseignement“. Ne s’est pas voulu, pensé, identifié à la position d’un auteur, mais à celle d’un enseignant. D’un enseigneur.Ça ne veut pas dire seulement que son grand œuvre est oral. L’auteur a des lecteurs, il parle

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potentiellement pour tous. L’enseigneur a des élèves, parle pour quelques uns. Ces quelques uns qui ont formé l’adresse constante de Lacan. Cette adresse, c’était des psychanalystes. Lacan a choisi de limiter son adresse à des psychanalystes – à ceux qui se déplaçaient, qui apportaient leur corps, comme on l’apporte à une séance de psychanalyse.

Si du vivant de Lacan la publication du séminaire a tant tardé – jusqu’à ce que je vienne-, ce n’est pas seulement dû à l’incapacité de ses élèves à le faire ou à des exigences ou à des réticences que Lacan aurait marquées. C’est aussi que la matière même de ce discours répugnait à être offerte au tout venant, en librairie. Lacan s’accommodait parfaitement de ce que ses séminaires s’accumulent dans un petit placard de la rue de Lille qu’il a ouvert un jour devant moi. Sans doute était-il travaillé du vœu que cela n’en reste point là. Mais il aura fallu l’occasion, qui ne vint que plus tard, le truchement d’un autre qui prenne sur lui cette transformation, s’en fasse l’agent, pour faire passer ce qui fut audible - plus ou moins-, au lisible. Et c’est aussi une transformation qui universalise ce discours.

Certes Lacan a été auteur.

On a les Écrits en 1966, les Autres écrits depuis 10 ans. Mais, ses écrits – ce sont autant de dépôts et de cristallisations, de chutes et de rebuts du séminaire. Ce sont, a-t-il dit, des témoignages, des moments où il aurait senti des résistances à le suivre. Ça participe du mouvement de boucler par écrit son articulation. Et ça se passe le plus souvent sous le coup d’une demande. C’est également adressé à quelques uns, mais c’est adressé à ceux qui lui demandaient d’écrire. Comme moi-même lui demandant une préface pour le séminaire XI. Comme pour Télévision, où les prises successives n’étaient jamais raccord au montage et qu’il il a finalement écrit avant de dire. Ses écrits l’étaient tous à la demande. D’un encyclopédie, d’un congrès, d’un colloque, d’un passage la radio ou à la télévision. Des occasions.

Rédaction de ses écrits marquée de contingence là où le séminaire répond à une nécessité, à une nécessité interne.En même temps, chaque écrit est à situer comme scandant un moment, cristallisant une articulation, précisant une approximation.

Donc, on pourra désormais lire Lacan dans une dialectique entre les écrits et le séminaire. L’ensemble complété, à mon regard à moi, change après-coup la nature des éléments. Cet effet va se produire sous peu pour tous. Loin de moi l’idée de dévaloriser les écrits de Lacan. Certains déplorent un style écrit qu’ils jugent illisible, maladroit et torturé : ce n’est pas mon point de vue. Il a distingué la fonction de l’écrit avant que ce ne soit à l’ordre du jour de la philosophie contemporaine. Il suffit de s’en rapporter au séminaire IX, “L’identification” –> consacré à l’écriture / évoquant la primauté de l’écriture dans les termes les plus précis. C’est par l’écrit que Lacan fixe sa doctrine, fixe l’usage propre de ses termes, sépare le bon grain de l’ivraie, sélectionne ce qui mérite celui d’être isolé, préservé.

Ce sont ses écrits qui m’ont amené à Lacan, j’en ai été happé en 63-64 après que Louis Althusser y ait attiré mon attention. Mais ils se détachent sur le fond du séminaire, lequel est le lieu d’invention, de l’invention d’un savoir

On a la lettre que Lacan adresse à Althusser – novembre 1963 (pour obtenir salle):

“Le séminaire où j’essayais depuis 10 ans de tracer les voies d’une dialectique dont l’invention fut pour moi une tâche merveilleuse”

Ce dernier adjectif donne un petit aperçu de ce qu’a été pour Lacan la joie, la jouissance de donner ses séminaires. Dont il faut bien que quelque chose ait passé pour que ce séminaire, de plus d’un demi-siècle, témoigne au présent en indiquant des voies d’avenir

Ma tâche à moi, c’est aussi pour moi une tâche merveilleuse – ça va me manquer…

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Lire les séminaires, assister à l’invention d’un savoir à l’état naissant – invention qui suppose une adresse à l’Autre, une adresse à des psychanalystes. Dans le séminaire sur l’Identification, Lacan dit plusieurs fois “pour vous”. Mais, à l’intérieur de l’hommage, qu’est-ce qu’il les traite mal… Ils oublient… Faut insister… En même temps, ce sont eux sont les témoins de l’invention. Eux peuvent témoigner de l’adéquation de Lacan avec l’expérience, l’expérience analytique. Le séminaire se tient sur un fond de communauté d’expérience. Qu’ils n’y comprennent rien, peu importe, ils sont en contact avec la chose.

Mon travail, je l’ai commencé en disant que j’établissais un texte.

Je l’ai dit avec un certain humour puisqu’il s’agit d’établir un texte qui n’existe pas – ici l’original n’existe pas. Il y a la sténographie d’un discours oral. Le problème n’est pas seulement celui des erreurs de sténo, mais tient à la nature même de ce qu’est un discours authentiquement oral. Un tel discours oral n’est pas miroir de l’écrit. La sténographie garde la trace de ce qui différencie profondément le cours oral de son cours écrit.

Il ne s’agit pas, dans ce qui fait mon travail, de ce que Lacan a dit et de simplement le restituer – il s’agit de retrouver ce que Lacan a voulu dire et qu’il n’a pas dit ou dit de façon imparfaite, obscure. C’est risqué. Évaluer ce qu’il a voulu dire et qu’il n’a pas dit – parce que le signifiant résiste. C’est spécialement valable dans le séminaire sur l’Identification, où il y a de multiples figures topologiques dont Lacan faisait l’apprentissage en même temps qu’il les enseignait. Une partie de ce qu’il dit est dit pendant qu’il dessine. Seule vaut là l’intention, en tant que reconstituable, qui domine.

Autrement dit, si j’avais à qualifier ce que j’ai fait, je dirais, c’est traduire.

langue de Lacan parlée par un seul. langue qu’il s’agit d’essayer de comprendre. que je n’ai comprise qu’après l’avoir traduite.

traduire, faire apparaître l’architecture, l’invention d’une dialectique à laquelle Lacan dit s’être voué. Un philosophe comme je l’étais jadis aurait parlé de l’auto-détermination architectonique de son séminaire, de la succession de choix qui déterminent l’articulation du discours.

–> doctrine de l’architecture proposée par Lacan dans son séminaire IX : arracher l’architecture aux volumes pour la rapprocher des surfaces : ” L’architecture présente une singulière ambiguïté… se révèle toujours soumise au jeu des pleins et des surfaces”. C’est l’architectonique lacanienne : “arranger des surfaces autour d’un vide”.

Chemins de l’invention d’un savoir – l’emblème du tore qui se représente au mieux par l’image d’une chambre à air, d’un anneau – y oppose 2 formes d’existence du trou —> illustre par ce moyen le rapport de la demande et du désir. Les cercles en spirales représentent l’insistance de la demande – qui finissent par se boucler au terme du circuit – entourant invisiblement le trou central du tore – objet du désir, celui que les tours de la demande n’enveloppent pas.

ces séminaires qui se poursuivent s’enroulent comme les tours de la demande – jusqu’au bout et en même temps forment l’entour d’un vide central

et c’est en direction de ce vide que le séminaire progresse – ce vide ressort de sa réitération, de son work in progressSéminaire procède par argumentations – par là qu’il m’a capté, moi. Pour certains Lacan profère, déclame – en prophète romantique. Des fois, on sent un peu ça, les violons, etc. Mais dès que ça part comme ça Lacan s’arrête aussitôt.

Il procède par argumentations comme par déductions / procède selon pas-à-pas de la démonstration. Argumentation d’avocat, il plaide la cause de qu’il veut démontrer – argumentation de rhéteur – fixe une direction – pour valider son orientation, peut faire feu de tout bois. en accumulant les preuves à l’appui –> effet de sidération (Un client sérieux – Courteline)

Ma traduction de Lacan s’oriente de la mise à jour d’une argumentation

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- maintenant je débrouille davantage le texte que par le passé

Fichte, élève de Kant : “on dit qu’on doit compter avec l’activité autonome de l’autre et lui donner non pas cette pensée déterminée, mais seulement les indications pour la penser lui-même.” / Lacan : “Nous voulons du parcours dont ces écrits sont les jalons et du style que leur adresse commande, amener le lecteur à une conséquence où il lui faille mettre du sien.”Même idée, Schelling, petit traité explication de l’idéalisme en science: “.. qu’est-ce qui à la fin est réel dans nos représentations ?” qu’est-ce qui est réel à la fin – non pas par rapport à la représention mais dans la dimension des paroles – dans tout ce qui se charrie dans une analyse… qu’est-ce qui dans tout ça, à la fin, est le réel. qu’est-ce qui à la fin est das Real.Le réel, c’est le symbolique, dans son opposition à l’imaginaire, du séminaire 1 au 6 – le symbolique est le réel de l’imaginaire – faut la rupture de l’Ethique pour que le réel repousse le symbolique et l’imaginaire dans leur statut de semblants. Réel alors indexé par mot allemand, das Ding –> mot allemand par lequel Lacan indiquait la pulsion.

Pour Freud, c’est la biologie (qui à la fin est le réel). Pour Lacan, c’est la topologie – c’est-à-dire ce qui n’est nulle matière, ce qui n’est que pure négation d’espace un’espace – 1 n’espace -

a vu dans topologie dans son non-sens le réel – dans tout ce qu’énonce Lacan les guillemets sont constants. tout pris avec des pincettes – mots pris entre guillemets – façon de parler, façon d’effacer – cette attitude propositionnelle // voilà, mes notes s’arrêtent là, de façon un peu abrupte.NB : je m’aperçois, comme je cherchais à compléter une citation, en me servant d’internet, qu’on trouve ce même premier cours chez Midite, dans une très bonne transcription de Luc Garcia.