mémoire Habitat Groupé Coopératif

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Nina FAUCHEUX Master 2 VTD L’habitat groupé coopératif, un concept viable ? Mémoire de Master 2 ème année « Villes, territoires et durabilité » Sous la direction de Mme Sylvie DUVILLARD Septembre 2009

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Nina FAUCHEUX Master 2 VTD

L’habitat groupé coopératif, un concept viable ?

Mémoire de Master 2ème année « Villes, territoires et durabilité »

Sous la direction de Mme Sylvie DUVILLARD

Septembre 2009

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Sommaire Introduction ............................................................................................ 3

Chapitre 1. La pertinence du concept d’habitat groupé coopératif face à l’enjeu de la périurbanisation. ............................................................................ 5

Partie 1 : Eléments de contexte pour mieux comprendre les enjeux du sujet .................................................................................................... 6

1.Le concept d’habitat groupé coopératif ................................................6

1.1 Un habitat collectif .....................................................................6 1.2 Un habitat coopératif .................................................................7

2. Origine de l’habitat groupé coopératif.................................................8 2.1 Le Familistère de Godin ..............................................................8 2.2 Les pays nordiques précurseurs...................................................9

2.2.1 Le quartier Vaudan de Fribourg en Brisgau, Allemagne..........10 2.2.2 L’expérience de la vallée de Vorarlberg, Autriche ..................11

2.3 L’expérimentation française. .....................................................12 3. L’habitat groupé, une réponse pertinente aux enjeux sociaux actuels ? 16

3.1 Regroupement social, vie en communauté, partage .....................16 3.2 Dimension écologique des projets (démarche HQE)......................17 3.3 Une solution économe avec la mutualisation des moyens..............18

4. Comment se monte un projet d’habitat groupé coopératif ? ................19 4.1 La constitution d’un groupe.......................................................19 4.2 Mettre en place une charte ou une vision commune .....................19 4.3 La prise de décision et l’animation des réunions ..........................20 4.4 Le choix du statut juridique.......................................................21

Partie 2 : L’habitat groupé coopératif, une réponse potentielle dans la gestion du phénomène de périurbanisation ? .................................... 23

1. Problématique de la périurbanisation ...............................................23

1.1 La périurbanisation, sujet de controverse. ..................................23 1.2 Composer avec la périurbanisation plutôt que vouloir la contrer à tout prix ......................................................................................24

2. Pression foncière et construction des territoires.................................25

2.1 L’exemple de Saint Nazaire les Eymes ....................................... 25 2.2 La réponse apportée par l’habitat groupé coopératif .................... 27

Chapitre 2. Les obstacles idéologiques et politiques forts...................... 31

1. Le cloisonnement du concept.......................................................... 31 1.1 L’habitat groupé, une alternative qui ne séduit qu’une faible partie de la population… ............................................................................. 31 1.2 …et remet en cause le principe de mixité sociale......................... 32

2. L’idéal de la maison individuelle ou comment fuir la ville compacte ..... 35 2.1 Le culte de la maison individuelle…............................................ 35 2.2…entretenu par des incitations commerciales............................... 37 2.3… et politiques......................................................................... 37

3. Point de vue critique ..................................................................... 39

Chapitre 3 : Quelles sont les conditions nécessaires au développement de l’habitat groupé coopératif ? ......................................................... 42

1. Décloisonner le modèle de l’habitat groupé coopératif ....................... 42

1.1 Sensibiliser les habitants et intégrer de nouvelles pratiques ......... 43 1.2 La promotion du modèle .......................................................... 43 1.3 Jouer sur l’offre et la demande ................................................. 44

2. Accompagnée l’initiative privée par une initiative publique ................. 45 2.1 La vallée du Grésivaudan, un contexte soumis à une nouvelle réflexion durable. ......................................................................... 45 2.2 Orienter le développement et mobiliser les outils à disposition...... 48 2.3 Des incitations techniques et financières (novatrices) .................. 50

3. Le rôle des professionnels ou comment construire l’urbanisme durable 51 3.1 Proposer le territoire de demain................................................ 51 3.2 Voir plus loin que la ville et anticiper les changements................. 52

Conclusion ............................................................................................. 53 Bibliographie.......................................................................................... 55 Annexes ................................................................................................. 57

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Introduction

Pour la première fois depuis un siècle, les campagnes françaises voient

leur population augmenter1. La France est en train de vivre une sorte

d’exode rural à l’envers. L’afflux des citadins vers le périurbain est en

train de façonner une nouvelle physionomie à cet espace, le composant

progressivement en une alternative au traditionnel couple ville-

campagne. Le périurbain attire à la fois par son environnement encore

préservé par rapport au pôle urbain mais aussi, et surtout, par sa

proximité avec celui-ci.

Alors que la crise du logement perdure, la «périurbanisation» est la

stratégie que certains particuliers ont développée pour échapper à

l’augmentation des prix de l’immobilier urbain et à la relégation en

banlieue. Pour d’autres, il s’agit avant tout de bénéficier d’un cadre de

vie agréable, à proximité de la ville. Dans ce contexte, la maison

individuelle est à la fois le signe de ce grand changement et le point sur

lequel il se cristallise.

Le phénomène de périurbanisation ne cessant de s’accentuer, il faut

aujourd’hui concilier l’exigence de densité avec la problématique de

1 Guillaume Erner, « la maison individuelle au cœur de la renaissance des territoires » étude réalisée pour l’UNICMI (Union National des Constructeurs de Maison Individuelle), 2006

"l’individualité du logement". Il s’agit alors de penser le logement dans

un esprit nouveau en prenant en compte les aspirations des habitants, la

gestion du territoire et les préoccupations environnementales

émergeantes.

Il nous est aujourd’hui nécessaire de faire preuve d’originalité pour

assurer la viabilité et la rationalité de l’urbanisation des campagnes.

L’aménagement du territoire ne pouvant plus être penser avec les

mêmes modèles qu’il y a plusieurs décennies, il convient de trouver de

nouveaux concepts afin de concilier les aspirations individuelles et les

contraintes techniques, financières et environnementales.

Face à ses enjeux, l’habitat groupé coopératif se présente comme un

mode d’habiter potentiellement avantageux. Le principe est simple :

plusieurs personnes ou ménages décident de se regrouper, de partager

un lieu, un immeuble, un terrain avec pour but de construire un projet

de vie commun. Cet habitat prend diverses formes et se construit au gré

des envies et besoins de ses membres, les maîtres mots étant

convivialité, gestion de l’espace, économie d’énergie.

L’habitat groupé coopératif peut-il être un « remède », du moins un outil

de gestion du phénomène de périurbanisation par une densification de

l’espace et une préservation de la ressource foncière ?

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Et si oui, quelles sont les conditions politiques, techniques et financières

pour que ce mode d’habiter se développe et touche une plus large partie

des futurs acheteurs et propriétaires ?

Pour répondre à ces questions, nous développerons trois parties posant

la question de la pertinence de l’habitat groupé dans la problématique de

périurbanisation, de son acceptabilité par les individus et des moyens à

mettre en œuvre pour favoriser son développement.

Question centrale : l’habitat groupé coopératif, une solution viable ?

A quelles conditions ?

Hypothèse : oui à conditions de lever les blocages idéologiques et

politiques qui enserrent le concept.

Plan :

Chapitre 1 : La pertinence du concept d’habitat groupé coopératif face

à l’enjeu de la périurbanisation.

Chapitre 2 : Des obstacles idéologiques et politique forts.

Chapitre 3 : Quelles sont les conditions nécessaires au développement

de l’habitat groupé ?

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Chapitre 1. La pertinence du concept d’habitat groupé coopératif face à l’enjeu de la périurbanisation.

Ce premier chapitre propose de livrer des éléments de contexte pour

définir notre objet d’étude et comprendre les enjeux de notre sujet. Il

s’agit d’abord de définir le concept d’habitat groupé coopératif pour

poser un cadre concret et de faire ensuite le lien avec la problématique

de la périurbanisation afin de répondre à cette question: l’habitat

groupé coopératif peut-il constituer un outil potentiel dans la

gestion du phénomène de périurbanisation ?

Plusieurs postulats apparaissent à propos de ces deux objets centraux.

- Le phénomène de périurbanisation est vu comme une forme de

développement non durable puisque qu’il consomme espace et

énergie à outrance. Cet aspect environnemental est au cœur des

préoccupations actuelles concernant la lutte contre le

réchauffement climatique.

- Ce processus, loin d’être derrière nous, se poursuit de plus en

plus en profondeur dans les territoires et pose la question de la

pensée aménagiste pour une démarche prospective efficace.

- La périurbanisation propose de nouveaux modes de vies. C’est là

la conséquence sociale de ce phénomène. En habitant un tiers-

espace2, entre ville et campagne, les populations développent

2 Martin VANIER, « Métropololisation et tiers-espace »

une nouvelle façon d’habiter comprenant de nouveaux besoins, et de

nouveaux référentiels (mobilité, solidarité, proximité…).

- L’habitat groupé coopératif, par ses principes et sa mise œuvre,

peut-il répondre à nos problématiques sociales,

environnementales et économiques actuelles ? Peut-on faire de

ce type d’habitat un prototype pour rendre plus durable nos

espaces périurbains ?

L’habitat groupé coopératif est une forme d’habitat encore mal connue

du grand public. Peut être parce que ce type d’habitat que l’on peut

qualifier d’« émergent » ne s’est pas développé en assez grand nombre

pour que l’ensemble de la population connaisse son existence.

Apparu en France dans les années 80 suite aux évènements de Mai 68

et au souhait d’un certain retour aux sources, l’habitat groupé coopératif

comptait à l’époque un nombre important de groupes souhaitant trouver

une alternative aux modes d’habiter des années 70, voire une rupture

avec la société issue des Trente Glorieuses. Ils cherchaient une nouvelle

façon de vivre plus solidaire, un mode de vie construit autour de valeurs

communes. Mais cette coopération dans le domaine du logement n’est

pas récente et remonte bien plus loin dans l’histoire… Nous analyserons

donc certains modes d’habiter antérieurs afin d’en voir les points

communs avec ce concept. Y a-t-il une permanence dans la démarche

ou cette forme d’habitat est inédite dans l’histoire des modes d’habiter ?

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Partie 1 : Eléments de contexte pour mieux comprendre les enjeux du sujet

1.Le concept d’habitat groupé coopératif

1.1 Un habitat collectif

Pour définir le mieux possible le concept d’habitat groupé coopératif, il

faut tout d’abord revenir sur la notion d’habitat. Les mots de la

Géographie3 indique que l’habitat est « un lieu de vie, celui où l’on

s’établi et qui devient comme « une façon d’être » (habitus). Ce lieu fait

partie intégrante de l’habitant, comme faisant partie de lui-même,

comme étant le reflet de lui-même. Dans une vision plus matérialiste,

c’est aussi « l’ensemble et l’arrangement des habitations » c'est-à-dire

l’ensemble des pièces du logement ainsi que les locaux poubelles, les

garages, les caves…. Au niveau sociologique, on observe que les

différentes formes d’habitat sont le reflet de la société qui les a

construit. Cette définition fait apparaître une opposition dans les choix

d’habitations entre les différentes sociétés urbanisées « les sociétés qui

privilégient les habitations individuelles et le repli sur la vie familiale au

prix de la distance et celles qui choissent l’habitat collectif, payant une

plus grande convivialité au prix d’une certaine promiscuité – pour ne

rien dire des variations infinies qu’introduisent les différences de

revenus ».

3 Les mots de la géographie, dictionnaire critique, R. Brunet, R. Ferras, H. Théry, Edition Reclus, la documentation française, collection Dynamique du territoire, 2005

Un immeuble classique se trouve être un type d’habitat groupé, par

opposition à la maison individuelle car il abrite plusieurs logements

articulés autour d’espaces communs tels que l’entrée d’immeuble,

l’ascenseur, les locaux poubelles… Les habitants partagent ces espaces

au quotidien mais ne sont pas forcément impliqués dans la vie de

l’immeuble ni dans sa gestion.

Un logement collectif classique est un espace plutôt assez impersonnel

dans lequel vivent des personnes qui ne se rencontrent pas forcément

(bien que dans certains cas il y est une bonne dynamique et une

certaine solidarité) en tous cas qui ne cohabitent pas. La vie quotidienne

est individualisée, l’accord repose juste sur le respect des voisins et des

parties communes en terme de propreté et de nuisances sonores le plus

souvent.

L’attache à un logement collectif ne parait pas être importante, on est

attaché à son appartement mais plus rarement à l’ensemble dont il fait

partie et on l’est généralement moins qu’à une maison dont on est

propriétaire par exemple. En effet, l’acquisition d’une maison individuelle

suppose un investissement financier et humain plus important, c’est

parfois le projet d’une vie. On s’accorde une grande réflexion avant de

se lancer dans ce type de projet car même s’il est toujours possible de

revendre son bien, l’objectif premier est d’en faire un investissement sur

la durée.

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Une récente enquête Ipsos4 révèle que devenir propriétaire semble être

considéré par une majorité des Français comme une étape essentielle de

la vie. Pour 7 français sur 10 l’accession à la propriété est une priorité.

Ainsi, 83% d’entre eux pensent qu’il est indispensable de donner la

possibilité à chaque individu de pouvoir devenir un jour propriétaire de

son propre logement : plus qu’une étape, l’accession à la propriété

acquiert presque le statut de droit. Parallèlement, les Français partagent

aussi très largement l’idée selon laquelle être propriétaire de son propre

logement c’est disposer de réelles assurances quant à son futur niveau

de vie.

Ainsi pour beaucoup d’entre nous, le fait de posséder un bien propre est

très important et le sens du partage n’intervient que très peu dans ce

domaine. On est chez soi et on préserve cet espace le mieux possible du

contexte extérieur.

1.2 Un habitat coopératif

Pour Michel Broutin, président de l’association « Eco-habitat groupé »,

l’habitat groupé coopératif va au-delà de la collectivité, et au-delà du

modèle du chacun chez-soi. Il est le reflet d’un besoin pour une partie

de la population, d’habiter de manière plus originale et surtout de ne pas

vivre dans l’ignorance de ses voisins.

4 Sondage Ipsos « L’accession à la propriété reste un objectif pour la majorité des Français » 30 janvier 2009 www.ipsos.fr

Il reflète à la fois un besoin d’individualisation matérielle mais aussi à un

besoin de sociabilité.

En effet, l’organisation de ce type d’habitat repose sur l’articulation de

parties communes et d’espaces privatifs (logements individuels) dans un

même bâtiment, comme le propose un logement collectif ; ce qui fait la

différence dans un habitat groupé coopératif, le degré de promiscuité

entre les habitants, le type d’espaces communs, le projet de vie qui en

découle. L’habitat groupé coopératif repose sur un principe de

coopération dans la réflexion, la conception, la construction et la gestion

du projet de logement et sur la volonté d’y vivre ensemble dans le

respect des uns et des autres. Il y a derrière ce type de projet une très

forte idéologie de la part des participants. Cela nécessite d’être

convaincu qu’on peut vivre différemment tant sur le plan architectural,

avec des formes bâties novatrices, qu’humain, à travers une nouvelle

organisation des rapports sociaux.

On n’habite pas un espace réfléchit et construit par d’autres mais par

soi-même ce qui implique une très forte mobilisation et motivation lors

du montage du projet et tout au long de sa réalisation. C’est aussi le cas

dans la réalisation d’une construction individuelle mais le fait de monter

le projet à plusieurs familles nécessite beaucoup de dialogue et de

compromis pour construire un projet validé par tous. Et cette implication

perdure jusqu’à ce que l’on décide de quitter son habitat coopératif car

la vie collective se construit chaque jour dans l’interaction des habitants.

Il est impossible de donner une définition normative de l’habitat groupé

coopératif tant au niveau de sa forme urbaine que de son organisation

sociale car son cadre n’est pas fixe et les expériences sont multiples et

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variées. Les habitants eux-mêmes, selon les projets, ne le définissent

pas de la même façon.

Mais on trouve toujours à la source un même constat : les occupants ont

tous jugé que, pour véritablement s’approprier un lieu de vie et

s’épanouir dans un logement, le coopératif représentait à un moment

donné de leur existence, la meilleure voie5.

Dans la compréhension de cette forme d’habitat, il s’agit de savoir

pourquoi des personnes se lancent dans ce type d’expérience, quelles

sont leurs réelles motivations et quels apports attendent-ils de cet

engagement.

On distingue là deux types d’intérêts : d’une part, l’intérêt financier,

car la mutualisation des moyens permet de réaliser des économies

d’échelle sur la construction et la gestion de l’habitat, d’autre part,

l’intérêt social, ou plutôt l’apport humain dont bénéficient les membres

d’un habitat groupé coopératif, l’envie, le besoin de s’unir pour vivre

mieux, de manière plus solidaire.

Nous verrons par la suite que c’est la plupart du temps c’est l’aspect qui

est mise en avant dans un projet d’habitat groupé coopératif.

Mais avant de définir les grands principes de l’habitat groupé coopératif

et de donner ses caractéristiques, revenons un peu en arrière pour voir

où et comment ce type d’habitat a-t-il émergé, s’il est complètement

novateur ou s’il s’inspire d’expériences plus anciennes.

5 Olivier David, président d’Habicoop, association pour le montage de coopératives d’habitants dans le Grand Lyon

2. Origine de l’habitat groupé coopératif

Historiquement, il existe depuis toujours des formes d’habitats groupés

dans le sens où les gens ont essayé différentes manières d’habiter pour

des raisons propres à l’époque. Afin de mieux comprendre la démarche

des habitats groupés, il parait intéressant de connaître et saisir les

aspirations des mouvements qui les ont créés. Il est impossible de faire

un historique exhaustif de tous ces mouvements, nous présenterons 3

expériences d’habitat groupé menées à des époques, des lieux ou pays

différents.

2.1 Le Familistère de Godin

Industriel français du 19ème siècle, Jean-Baptiste-André Godin fonde en

1857 un Familistère pour loger les ouvriers de sa manufacture de poêles

et de cuisinières installée à Guise. Il fonde l’espoir d’une

« expérimentation sociale significative »6. L’objectif est non seulement

de loger les ouvriers sur place et à moindre coût mais aussi de créer un

univers autour de l’usine, un espace de vie dans lequel on partage des

« communs » (économats et lavoirs) ainsi que des promenades et des

jardins. Pour promouvoir les loisirs et l’instruction, Godin fait construire

un théâtre, des écoles, une bibliothèque et même une piscine privée.

Même s’il s’apparente à une cité ouvrière par ses principes (notamment

la nécessité pour la manufacture de la sédentarisation d'une abondante

6 Colloque de Guise du 21/05/88, « JBA Godin et le Familistère à l’épreuve de l’histoire », Presses Universitaires de Reims, 1989

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main d'œuvre dans cette période de forte industrialisation), le

Familistère est une toute autre expérience. Ce n'est pas une cité

réservée aux ouvriers mais pour l'ensemble de la société qui se rattache

à l’activité de l’usine. La population est composée des familles d'ouvriers

de fonderie, de mouleurs, de contremaîtres, d'employés de bureau, de

fonctionnaires, de directeurs… Tous les acteurs de l'entreprise

bénéficient des mêmes avantages quelle que soit leur situation dans

l'entreprise, ils sont ses acteurs-usagers-actionnaires.

La cité familistérienne ne repose pas sur le logement individuel mais est

fondée sur l'habitation collective. Il n'existe pas au Familistère de

maison de directeur ni même une maison du fondateur. Chacun habite

au Familistère selon ses besoins et ses capacités dans le principe d'une

mixité sociale généralisée.

Surtout, le Familistère devient la propriété commune de ceux qui y

habitent. Il appartient à l'Association coopérative du Capital et du

Travail. La différence avec les cités ouvrières n'est pas simplement

formelle, elle est fondamentale : le Familistère n'est pas un instrument

de la prospérité industrielle et commerciale mais se veut le moyen d'une

émancipation collective.

Le Familistère est donc vu comme une approche très innovante pour

l’époque, dépassant le modèle de la cité ouvrière, souvent associé à des

casernes et à l’exploitation des ouvriers.

2.2 Les pays nordiques précurseurs

Le concept d’habitat groupé a été lancé à la fin des années 60 par

quelques familles danoises. Au départ il s’agissait d’habitats sociaux

destinés essentiellement à de jeunes couples, locataires, animés de la

volonté de vivre autrement et d’élever leurs enfants dans de meilleures

conditions. La cohabitation leur est apparue comme une réponse

novatrice aux défis sociaux, économiques et environnementaux de

l’époque, permettant de se créer un voisinage plus sécurisant où tous

pourraient vivre ensemble et contribuer au bien-être collectif. Ces

familles voulaient s’offrir un mode de vie plus solidaire fondé sur la

proximité, le service et l’entraide, et partager certaines tâches

répétitives comme la préparation des repas du soir, la garde des

enfants. Elles parlaient de « Bofaellesskaber » signifiant « communauté

de vie » bien vite traduit en anglais par « cohousing »7.

Le mouvement s’est rapidement propagé dans les pays scandinaves et

anglo-saxons donnant naissance aux « Centraal wonen » des

néerlandais, au Kollektivhus » des Suédois ainsi qu’à beaucoup d’autres

appellations ayant toujours comme facteur commun la cohabitation.

L’idée a été de permettre à chacun de louer son logement à un prix

avantageux et de participer aux décisions relatives à son habitat car il

parait bien normal que les décisions soient prises par ceux qui vivent le

lieu.

7 Christian Grange, « Habitat groupé, écologie, participation, convivialité » Terre Vivante, octobre 2008

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Les pays d’Europe du Nord ont désormais intégré ce type de logements

dans leur paysage urbain. En Allemagne, par exemple, les habitats

groupés autogérés représentent près de 25% des logements neufs8. Et à

Fribourg, ville « éco-exemplaire », on recense plus de 150 projets

réalisés. La France n’est pas non plus restée complètement hermétique

à ce phénomène mais les expériences d’habitat groupé restent

relativement récentes (années 90) et surtout marginales.

2.2.1 Le quartier Vaudan de Fribourg en Brisgau, Allemagne

Située au sud-ouest du pays, à proximité des frontières suisses et

françaises, cette ville de 215.000 habitants (2005) à remporté le prix de

« capitale de l'environnement d'Allemagne » en 1992 et développe

l’essentiel de son économie autour du développement durable.

La vitrine de cette politique de développement est le quartier Vauban,

construit au début des années 90 sur une ancienne caserne militaire

française de 37 hectares. Le cabinet d'architectes KOHLHOFF &

KOHLHOFF de Stuttgart, remporte le premier prix de la consultation

internationale lancée pour produire des idées d’aménagement. Ses

propositions sont ensuite été retravaillées en coopération avec la

commune. Parallèlement celle-ci met en place un long travail de

concertation publique pour associer les habitants et créer un consensus

au niveau du projet.

Le développement de ce quartier s’appuie sur des principes écologiques

forts tels que la vie sans voiture, l’habitat sain, l’utilisation des énergies

8 Anne, Farthouat, « L’habitat groupé séduit à nouveau les français », avril 2009 www.novethic.fr média expert en développement durable.

renouvelables, les transports doux etc. mais aussi sur un projet social

bâti en commun. En effet, la concertation qui a au départ attiré des

étudiants et des « alternatifs » qui vivaient déjà sur les lieux a ensuite

été élargie aux organisations écologiques pour établir ensemble un

cahier des charges prenant en compte leurs idées et convictions.

Au sein du quartier Vauban l’habitat groupé est le type de logement le

plus répandu. Les « Baugruppen » (associations de particuliers qui se

regroupent pour faire bâtir), représentent 1/3 des constructeurs sur le

quartier. Ils s’associent à un architecte pour concevoir leurs logements,

leur agencement sur la parcelle, ainsi que les parties communes. Dans le

cas d’un baugruppen, il s’agit de buanderie, de chaufferie commune, de

chambres pour les visiteurs des habitants, de local à poubelles, vélos,

outils de jardinage… On trouve aussi dans chaque unité une salle à

manger qui peut être réservée pour des soirées. La vie s’organise plutôt

de manière individuelle, les initiatives de rassemblement émergent selon

les envies de se voir, de se regrouper. Ainsi, chacun anime son temps et

profite de son espace, individuellement ou collectivement.

Qualifié d’éco-quartier, le quartier Vauban est le résultat d’une vaste

réflexion sur la durabilité selon 4 grands items :

- le social avec une démocratie locale forte et une organisation

de la mixité (présence de logements sociaux et privés),

- l’environnement avec une volonté écologique forte, un travail

sur les économies d’énergie et les énergies renouvelables, une

réduction de la place de la voiture

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- le culturel avec une volonté de mixer les cultures et les

générations en créant une maison de quartier et un centre

socioculturel,

- l’économique avec la valorisation des petits commerces de

proximité.

Cette réflexion globale et ces aménagements placent aujourd’hui

Fribourg comme un exemple de développement durable en matière de

logements et de qualité de vie.

2.2.2 L’expérience de la vallée de Vorarlberg, Autriche

Au carrefour de l’Autriche, de la Suisse, du Liechtenstein et de l’Italie,

Vorarlberg est le plus petit Lander autrichien. Dans les années 1960, un

petit groupe d’élus (écologistes), d’architectes et de charpentiers

décident de prendre en main le développement de leur région avec une

réflexion sur l’aspect social et sur l’urbanisation dans un contexte

changeant, lié à l’essor économique de l’après guerre, et impliquant un

déplacement des populations. L’objectif était de proposer un progrès, un

logement « développé » pour les populations agricoles quittant leurs

villages et leurs chalets pour s’installer dans la vallée urbanisée et

industrialisée.

Riche de ce patrimoine, les architectes et aménageurs, ont du réfléchir à

la manière de convertir ces jolis chalets autrichiens, tout en gardant leur

cachet et en les modernisant, mais surtout en les adaptant aux

nouveaux modes de vie. Ainsi plutôt que de miser uniquement sur

l’esthétique, ils ont privilégiés la qualité de la programmation. Derrière

chaque chalet il y a donc un programme, c'est-à-dire des usages à

répartir de manière fonctionnelle. Un chalet qui abritait autrefois une

ferme avec du stockage de foin, des animaux et des êtres humains

aussi, devient un espace qui accueille une vingtaine de logements. Les

personnes qui vont y vivre ont des besoins spécifiques qui doivent être

satisfaits rationnellement. En allant au bout de cette démarche on arrive

à des formes qui ne sont plus celles du chalet. C’est ainsi que le

Vorarlberg a vu naître des formes architecturales résolument

contemporaines respectant cependant des savoir-faire ancestraux de la

part des artisans du bois. En effet, c’est d’eux que part tout le processus

de construction écologique que l’on connaît aujourd’hui. Ils en ont même

fait la première activité économique de la région, devançant même le

tourisme, en créant de nouveaux agglomérés, des panneaux isolants,

des composants industriels sur mesure.

Une grande intelligence a été déployée au niveau des techniques pour

minimiser les budgets, améliorer l’agencement des logements pour

répondre aux exigences fonctionnelles des modes de vie contemporains,

proposer des matériaux qui répondent aux défis de consommation

d’énergie, allant jusqu’à développer le concept du bilan énergétique

positif (la maison produit plus qu'elle ne consomme).

Au Vorarlberg, l’habitat groupé offre tout le confort d’une maison

individuelle avec entrée privative, terrasse et jardinet tout en proposant

des performances énergétiques exemplaires. On y retrouve des

logements de type intermédiaire proposant un habitat individuel sur

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plusieurs niveaux dans une construction collective avec une privatisation

de certains espaces en vue d’une individualisation forte des logements

(entrées et escaliers d’accès individuels, jardins privatifs, etc.). Ce type

d'habitat permet de combiner les avantages de l'habitat collectif et de

l’habitat individuel afin de limiter la consommation d'espace tout en

répondant aux attentes des habitants. On compte parallèlement de

multiples espaces publics, tels que des espaces verts ou des

prolongements extérieurs entre bâtiments, qui sont des lieux de

passages partagés.

Dans certains quartiers, tout comme à Freiburg, la place de la voiture a

été totalement repensée. En effet la voiture n’encombre plus les rues :

les rues sont piétonnes (sauf dérogation exceptionnelle) et le

stationnement se fait en sous-sol pour laisser la plus grande liberté

possible aux piétons.

2.3 L’expérimentation française.

Les expériences d’habitat groupé coopératif en France sont plus tardives

et moins nombreuses. Mais, face à la crise du logement et aux défis

environnementaux, de plus en plus de groupes d’habitants cherchent

collectivement à faire aboutir des nouvelles formes d’habitat, dans les

communes, dans les quartiers9. Souvent animés par des valeurs de

solidarité, par une volonté de « vivre ensemble » ouverte à chaque

génération, ces groupes s’engagent, comparent, tentent d’aborder

9 Nicolas Bernard, Thomas Lemaigre, « le logement déménage », la Revue Nouvelle, n°2 Février 2008

l’habitat de manière globale. Ils explorent des formes d’organisation et

de gestion démocratiques, et une nouvelle façon d’accéder au logement.

Maison du Val, Meudon 1980

Au départ dix familles, 18 adultes et 25 enfants, 10 logements différents dans une sorte d'aquarium sur trois étages fait de briques, de bois et de béton. Le moteur essentiel de la démarche est de vivre ensemble. La convivialité, c'est d'avoir choisi ses voisins, mais surtout d'avoir conçu un espace de vie pour s'y rencontrer et s'ouvrir sur l'extérieur. D'où l'importance des locaux collectifs qui couvrent 280 m2 et dont les fonctions ont évolué au cours du temps.

Depuis vingt huit ans maintenant la maison a vécu et plutôt bien. Les enfants sont partis; des appartements ont changé de propriétaires; des jeunes parents sont arrivés, faisant baisser la moyenne d'âge: il y a toujours des enfants dans le jardin et les locaux communs sont souvent occupé.

- Salle polyvalente 60 m2, salle de réunion 40 m2, salle de musique 20 m2, 2 chambres d’amis, salle de fêtes et d’exposition 100 m2, jardin collectif 600 m2

Source : www.toitsdechoix.com

Page 13: mémoire Habitat Groupé Coopératif

13

« Éco-logis », Strasbourg 2008

Le projet Eco-logis prévoit la construction de 11 logements (du studio au 6 pièces ) par un groupe de citoyens souhaitant y habiter ou investir, ce projet

étant fédéré par l’association « Eco-Quartier Strasbourg » pour en faire bénéficier le plus grand nombre. Il se situe dans l’Ilot Lombardie, quartier

strasbourgeois actuellement en renouvellement urbain, constitué partiellement de friches industrielles et d’habitat vétuste.

Sa conception réunit trois piliers du développement durable :

- le social en proposant des espaces de vie collective (salle commune, chambre d’amis, buanderie) et des moments de convivialité, en favorisant

l’entraide et les relations de bon voisinage, tout en respectant l’autonomie de chacun,

- l’économie en favorisant les filières environnementales de construction et en proposant des logements de qualité à des prix adaptés aux investisseurs,

- l’environnement en favorisant les techniques économes en énergie, des matériaux naturels et en favorisant les comportements de vie éco-

responsables.

D’un montant de 1,5 millions € HT de travaux, le projet a été livré au second trimestre 2009. Par cette première réalisation, il est souhaité démontrer la

faisabilité de ce concept et mettre à profit l’expérience acquise pour d’autres projets. L’objectif est atteint puisque 5 autres groupes d’autopromoteurs se

sont déjà créés à Strasbourg et après une longue période d’observation hésitante, la municipalité soutient désormais activement ces initiatives.

- 11 logements sur 3 niveaux plus 1 niveau attique,

- 1 espace commun pour les habitants du bâtiment,

- 1 parking souterrain

Source : www.toitsdechoix.com

Page 14: mémoire Habitat Groupé Coopératif

14

Si on associe beaucoup l’habitat groupé

coopératif aux éco quartiers et aux initiatives

environnementales, on remarque qu’en

France l’accent est davantage mis sur les

notions de partage et de solidarité, plus sur le

social que sur l’aspect écologique. On décide

de se regrouper pour partager un projet de

vie et des valeurs communes.

Les constructions sont moins « écolos » que

dans les pays nord européens. En France, la

construction passive10 ne semble pas être la

priorité absolue des personnes montant des

projets d’habitat groupé coopératifs même si

une place non négligeable est attribuée à la

réduction de la consommation d’énergie.

Ce type d’habitat fait des émules auprès des

personnes à la recherche d’une alternative à

l’individualisme grandissant. A l’heure

actuelle, les projets sont le plus souvent

portés par des personnes issues de catégories

socioprofessionnelles élevées. D’abord parce

qu’elles ont les moyens financiers pour

construire leur propre logement, mais peut

être aussi parce qu’elles sont moins attachées

au fait d’être propriétaire d’un logement

individuel et plus ouverte à la vie en

collectivité. Un ménage de classe populaire

10 Construction dont la consommation d’énergie est très faible voir nulle.

qui accède à la maison individuelle après des années de vie en logement collectif sera sûrement

plus attaché à son statut de propriétaire, à la privatisation de son espace de vie et à la tranquillité

que lui confère son nouveau bien. Pour les classes plus aisées, la maison individuelle n’est pas

forcément l’aboutissement du parcours résidentiel, elles auraient les moyens financiers d’y accéder

mais certaines cherchent un retour à des valeurs plus humaines et refusent de rentrer dans le

moule d’un citoyen centré uniquement sur ses propres intérêts.

Nous postulons, mais ce n’est qu’une hypothèse, que ces familles qui ont les moyens d’acquérir

leurs logements recherchent au-delà de la satisfaction des besoins matériels « un supplément

d’âme » qui les démarque de la société de consommation qu’ils critiquent par ailleurs.

Tableau récapitulatif des caractéristiques des 3 exemples cités

Source : Nina Faucheux

Familistère de Godin Pays du Nord France

Sociales Mixité sociale forte Partage du lieu de

vie, de sa gestion

et de son entretien

Partage d’un projet

de vie commun

Environnementales Construction

passive conscience

écologique forte

Vers des

constructions moins

consommatrices

d’énergie

Economiques Economie pour les ouvriers

(loyers peu élevés) fixation

de la main d’œuvre pour le

patronat

Facture

énergétique 0

Economies d’échelle

dans l’acquisition du

terrain et la

construction des

logements

Page 15: mémoire Habitat Groupé Coopératif

15

A travers ces exemples, ces expériences, et malgré des contextes très

différents, on remarque une certaine permanence dans la démarche,

dans la volonté de se regrouper. Selon les époques et les pays, le point

commun reste le besoin des hommes de trouver des solutions face aux

changements sociétaux, de tendre vers l’intérêt général plutôt

qu’individuel pour s’adapter à de nouveaux besoins ou de répondre à

des nouvelles contraintes qu’elles soient sociales environnementales ou

économiques.

Les exemples de Fribourg et Vorarlberg nous montrent une approche

plutôt pragmatique. Les objectifs sont avant tout environnementaux, il

s’agit de minimiser l’empreinte écologique en privilégiant les économies

d’énergie. La participation citoyenne accompagne les projets mais il

n’existe pas à proprement parler de projet de vie entre les habitants,

contrairement aux expériences françaises plus fortement imprégnées

d’idéologie communautaire.

Il est probable que l’essor qu’a connu l’habitat groupé coopératif dans

les pays d’Europe du Nord provienne du fait que leur approche est plus

simple, plus pragmatique que la notre. Par ailleurs, dans la majorité des

immeubles d’habitation (qui ne sont pas des habitats groupés

coopératifs) on trouve déjà une buanderie, un garage, une salle

polyvalente commune à tous les habitants. Chacun respecte le matériel

commun, prend à tour de rôle les tâches d’entretien.

Ces pratiques sont ancrées dans la culture locale, elles sont appliquées

de façon naturelle sans qu’aucune pression ne soit mise sur les habitants

(calendrier de corvées, règlement intérieur…). Forts de ces habitudes

plus pratiques qu’idéologiques, les pays nord européens ont développé

l’habitat groupé sans mettre en avant la vie en collectivité mais plutôt

comme un moyen pour gérer les ressources naturelles et foncières.

Ceci résulte d’enjeux et de politiques différents entre les pays nord

européens et la France pour ne citer que ces exemples. En effet, chez

nous, l’écologie est souvent une affaire de techniciens qui parlent de

climat, d’inertie thermique, d’économies d’énergie… ou bien une

approche politique à grande échelle. Or il est difficile d’appliquer un

modèle écologique unique sur des territoires très différents

géographiquement, culturellement et socialement, la préoccupation

environnementale n’étant pas encore le souci de tous.

Ce que nous apprennent les expériences allemandes, c’est que l’écologie

peut être beaucoup plus accessible. Cela peut être le choix d’un maire

de tourner le développement de sa commune vers des objectifs plus

durables, de réduire sa facture d’énergie globale, d’associer ses

habitants autour de ce projet partagé et de promouvoir une forme de

démocratie participative autour des décisions que cela implique.

Ces principes écologiques arrivent tardivement en France et amènent

des préoccupations de coût global, de réflexion collective sur

l’aménagement du territoire, sur la ville, sur le projet urbain qui auront

forcément des impacts positifs.

Page 16: mémoire Habitat Groupé Coopératif

16

3. L’habitat groupé, une réponse pertinente aux enjeux sociaux actuels ?

Dans un contexte social et économique sous tension, les maisons

individuelles unifamiliales ne répondent plus forcément aux besoins

spécifiques de tous les types de ménages parce que l’on assiste à

l’éclatement des modèles familiaux (familles monoparentales,

composées et recomposées…), les ménages sont de plus en plus petits,

les rapports de voisinage s’effilochent et laissent un certain nombre

d’individus seuls et désemparés. Un nombre croissant de personnes est

condamné à une solitude de plus en plus angoissante. Les liens entre les

différentes générations se dissolvent, les personnes âgées sont

délaissées, les solidarités spontanées s’émiettent, remplacées par des

interventions de professionnels (aide à domicile…).

Il serait facile d’attribuer toutes ces dislocations à l’omniprésence de

l’économie libérale qui consiste à acquérir le plus de BIENS possibles à

l’heure où il est urgent de reconstruire le plus de LIENS possibles. Une

importante frange de la population n’est plus en mesure d’acquérir son

logement, en vue du prix exorbitant de l’immobilier. Face aux insécurités

de l’emploi, du logement… chacun s’efforce de gérer au mieux son

capital et son patrimoine, laissant de côté les personnes en difficultés

ainsi que les problématiques environnementales, de plus en plus

préoccupantes.

3.1 Regroupement social, vie en communauté, partage

Face à ces constats, certes bien décourageants, la formule de l’habitat

groupé coopératif propose une réflexion sur la manière de s’organiser

différemment, en insufflant le goût du collectif à l’acte d’habiter.

L’objectif est de favoriser le partage de biens et de redécouvrir la vie

collective qui est sûrement la seule issue soutenable pour notre

humanité.

L’homme étant un « mammifère social11 », il a toujours vécu en groupe

et ne s’est construit que dans ses liens avec les autres. Ce « vivre

autrement » n’est d’ailleurs pas une innovation, il reprend les principes

de la vie quelque peu oubliée que l’on connaissait dans les hameaux et

villages autrefois. A la différence qu’à l’époque on ne choisissait pas ses

voisins (comme le propose l’habitat groupé), on vivait avec eux pour le

meilleur et pour le pire. Mais l’intention n’est pas de recréer les

communautés d’antan où il y avait généralement une forte proximité

entre les individus et par conséquent un manque d’intimité. L’habitat

groupé n’a d’autre ambition que d’encourager des rapports, des attaches

dans une société trop souvent désolidarisée de manière à recréer tous

les petits liens qui font défaut à l’heure actuelle.

Choisir ses voisins permet d’améliorer ses relations avec eux, d’instaurer

une convivialité et de favoriser l’insertion de chacun au sein de la

communauté.

11 Christian Grange, « Habité groupé, écologie, partage, convivialité », Terre Vivante, Octobre 2008

Page 17: mémoire Habitat Groupé Coopératif

17

Le choix de l’habitat groupé se distingue donc de l’option

communautaire pure et dure et la vie collective repose sur l’action

volontaire de chacun. La démarche de groupe est la base du projet

d’habitat groupé, mais elle n’exclu pas l’épanouissement individuel, bien

au contraire. Rien n’empêche de concevoir et d’organiser son habitat

personnel car les résidents continuent à profiter de leur indépendance

tout en disposant d’un certain nombre d’espaces communs. Selon le

degré de promiscuité désiré, on partage jardin, garage, cave, barbecue,

buanderie, bibliothèque, salle de jeux, bureau équipé d’ordinateurs et

d’une photocopieuse… Toute l’architecture privilégie l’esprit collectif, elle

est étudiée pour favoriser les échanges entre voisins par la présence de

patios, jardin central, escaliers communs, parfois même une maison

commune qui sert de lieu de vie, de salle polyvalente.

L’habitat groupé coopératif va au-delà d’un rassemblement d’habitats

unifamiliaux qui aurait pour seule ambition de réduire les coûts

communs. Il parait évident qu’il n’y a que peu d’intérêt à assembler des

briques ensemble s’il n’y a aucune motivation supérieure à la dimension

matérielle. La dimension idéologique est beaucoup plus importante que

les économies d’échelle. Tout d’abord parce que le montage du projet

est long et qu’ensuite la vie en collectivité implique un certain nombre

de compromis.

Pour les personnes recherchant prioritairement un intérêt économique,

on constate vite que les avantages de ce modèle dépassent le simple

intérêt financier attendu au départ.

Bien sûr, habiter de la sorte ne convient pas à tous. Tout comme il n’y a

pas de modèle reproductible d’habitat groupé, tant les options et les

types d’habitat peuvent être différents. Comme pour toutes les autres

facettes de la vie, chacun construit sa propre expérience en fonction de

ses désirs et de ses besoins.

3.2 Dimension écologique des projets (démarche HQE)

Vivre en habitat groupé est aussi une manière de réunir des moyens

pour réduire l’impact énergétique sur l’environnement, de s’équiper

différemment et d’envisager des idées qu’on ne réaliserait pas seul.

Acheter une éolienne (selon l’exposition au vent), installer des panneaux

photovoltaïques ou encore installer une chaufferie collective sont autant

de possibilités de faire de son habitat un lieu moins consommateur

d’énergie et donc plus respectueux de l’environnement. Bien que de plus

en plus de constructions neuves s’équipent en vue d’une réduction de la

facture énergétique des ménages (isolation, panneaux solaires,

géothermie…), des possibilités plus poussées existent dans la conception

d’un habitat groupé.

Tout d’abord parce que la mise en commun des moyens financiers ou

humains permettent d’acheter ou de construire et ce pour un coût divisé

et donc allégé. Prenons par exemples les panneaux photovoltaïques qui

constituent un investissement important à l’acquisition et ne sont

rentables qu’au bout de plusieurs années. Leur achat et leur installation

deviennent alors accessibles pour les membres d’un habitat groupé

(notamment dans le cas d’un toit commun).

Page 18: mémoire Habitat Groupé Coopératif

18

Autre point, la réflexion collective qui a de fortes chances de mener à

des solutions plus durables du fait justement de la réflexion, de l’apport

de chacun en fonction de son expérience, des sensibilités plus ou moins

écologiques présentent dans chaque groupe. Il peut s’agir selon les

aspirations des membres de végétaliser les toits des constructions

(reconnu pour ces propriétés isolantes), de concevoir un système de

traitement des eaux usées ou encore d’installer un puits canadien,

système de ventilation qui utilise la très forte inertie du sol (8 à 12°)

pour rafraichir la maison en été et la chauffer en hiver.

Pour d’autres, les procédés sont plus simplifiés mais tendent aussi vers

une consommation raisonnée de l’énergie (choix des matériaux,

solutions de chauffage commun, isolation…).

3.3 Une solution économe avec la mutualisation des moyens

Envisager l’habitat groupé coopératif permet nous l’avons dit d’accéder

plus facilement au statut de propriétaire, bien que pour les plus

convaincus, ce ne soit pas l’objectif premier. La mutualisation des

moyens financiers va permettre tout d’abord de réaliser un gain

important sur l’achat d’un terrain commun, souvent plus vaste que celui

que l’on aurait pu acheter seul. De plus, on réduit considérablement les

coûts en matière de raccordement que ce soit en termes d’accès ou de

réseaux. S’ensuivent de la même manière des économies d’échelle,

comme le choix d’un architecte commun, d’un entrepreneur unique ou

l’achat de matériaux groupés.

L’effet de nombre permet des investissements beaucoup plus

intéressants et offre également l’avantage de faire des économies de

fonctionnement journalières en partageant l’usage d’une machine à laver

commune, d’une tondeuse à gazon, d’un accès Internet… Cela permet

également de réduire sa facture énergétique en partageant un système

de chauffage commun.

Réduire ses besoins et se désencombrer de certains équipements

(chaudière par exemple) permet de réduire la taille de son habitat privé.

Compacter son habitat, c’est en réduire le coût et peut être faciliter ainsi

l’accès à la propriété.

L’intérêt économique peut être important par rapport à une maison

individuelle, de l’ordre de 20% à l’achat du terrain et pour les travaux et

d’environ 25% en terme de coût de gestion quotidienne (chauffage,

entretien, énergie).12

Dans bien des cas, les habitants prennent à leur charge une partie des

travaux soient parce que certains membres du groupe ont des

compétences complémentaires soient parce que leur nombre permet de

faire face à des travaux importants (démolir des murs dans le cas d’une

rénovation par exemple).

12 Chiffres avancés par Michel Broutin, président de l’association « éco-habitat groupé »

Page 19: mémoire Habitat Groupé Coopératif

19

4. Comment se monte un projet d’habitat groupé coopératif ?

Monter un projet d’HG est une démarche longue qui n’aboutit pas

toujours, souvent par manque de prévisions en termes de budget, de

données financières, de documents juridiques… Comme tout projet

urbanistique, l’habitat groupé coopératif doit se soumettre à des

exigences administratives parfois longues et complexes (citer)

4.1 La constitution d’un groupe

Lors du lancement du projet, plusieurs cas de figure se présentent :

- le groupe est constitué (amis, connaissances) et il ne reste qu’à

trouver le lieu de résidence.

- le lieu est trouvé et il s’agit de se constituer un groupe avec des

candidats supplémentaires.

- ni le groupe ni le lieu ne sont trouvés mais il y a la volonté de s’inscrire

dans une démarche d’habitat groupé coopératif.

En France, de nombreux réseaux d’habitat groupé13 se sont organisés.

Ceux-ci proposent, via leurs sites internet le plus souvent, de mettre en

relation les personnes motivées par un projet coopératif. Des groupes de

travail sont animés par des personnes extérieures pour rapprocher des

membres en fonction de leurs affinités, du choix du lieu de résidence, de

leur projet commun… Cela peut être la volonté de rénover une vieille

13 Habicoop, alpes solidaires, Réseau habitat groupé, Eco-habitons…

ferme (projet de l’habitat groupé de la ferme de Buzet14) ou de créer des

jardins communautaires (projet « les Graines Urbaines, à Rennes15)

l’envie de s’associer pour acheter un terrain ou une maison à un prix

trop élevé pour un seul ménage, le choix de vivre avec des personnes

que l’on connaît bien et que l’on apprécie pour partager une mode de vie

commun ou s’assurer des vieux jours entourés (projet Intergener Action

à Colmar16)

Dans ce type de projet il faut prendre le temps de choisir ses partenaires

et de les « apprivoiser », de poser des questions précises de manière à

juger de la motivation de chacun. Le noyau de départ n’est pas

forcément celui de l’arrivée et il est donc important de mettre en place

des règles d’adhésion claires avec une procédure d’entrée et de sortie

pour les nouveaux adhérents ou ceux qui veulent quitter le projet.

4.2 Mettre en place une charte ou une vision commune

Il s’agit là de formuler les aspirations ou les valeurs essentielles que l’on

souhaite voir apparaître dans ce projet commun, de définir de façon

claire les objectifs, l’avenir collectif sur lequel les participants doivent

s’entendre. Demander à chacun de donner sa propre vision de la

communauté et poser par écrit les valeurs communes qui serviront par

la suite de charte en cas de désaccords ou de litiges. Cette charte pose

14 www.fermedebuzet.over-blog.com 15 www.hg-rennes.org 16 www.intergeneraction.net

Page 20: mémoire Habitat Groupé Coopératif

20

les grands principes du projet et définit le mode de gestion du bâtiment,

elle permet aussi par exemple de mesurer les efforts qui pourront être

fournis par chacun concernant l’environnement (recyclage des déchets,

covoiturage), la vie collective (garde d’enfants…) ou d’exposer ce qui est

négociable et ce qui ne l’est pas (concernant la décoration extérieure par

exemple). La charte reprend la philosophie du projet, le règlement

intérieur qui précise les règles de vie ou la gestion des parties

communes.

Cette charte doit pouvoir évoluer et être modifiée et servir de référence

dans la prise de décision.

Mais la vie collective se résume pour certains au partage de certains

lieux mais pas forcément à un mode de vie commun. Le groupe doit

donc se mettre d’accord sur un certains nombre de principes et sur le

type d’interactions que les membres auront les uns avec les autres.

Regrouper une famille qui cherche avant tout un gain financier sans une

trop forte proximité avec ses voisins avec une autre qui souhaite vivre

de manière alternative en partageant plus qu’un simple bâtiment

commun ne sera pas viable. Il ne s’agit pas de se constituer en famille

cocon mais de s’ouvrir aux autres et de partager.

4.3 La prise de décision et l’animation des réunions

Une fois le groupe constitué et la charte établie, il faut encore décider de

la localisation (ville ou campagne), de la taille du groupe (2-3 familles

ou 15 pour former une sorte d’écovillage), de l’alternative entre

rénovation ou construction nouvelle. Puis une fois le terrain trouvé, de

l’agencement du ou des bâtiments sur le terrain. Chacun imagine

ensuite son espace personnel et détermine le programme de sa

construction. Suite à cette définition de base, un grand nombre de

discussions d’ordre architectural et urbanistique naissent pour

promouvoir un ensemble cohérent et harmonieux, accepté par tous :

architecture et taille du bâtiment, quantité d’espaces verts, aire de

jeux...

Ces réunions de préparation permettre de mûrir le projet mais aussi

d’affiner les relations entre les participants et de favoriser le sens du

collectif. L’architecte commun prend parfois le rôle de médiateur car il a

une vision globale de la situation et permet d’orienter les cohabitants

vers des solutions adéquates pour tous.

Il apparaît difficile de s’insérer dans un projet déjà existant, de

remplacer un ménage au sein d’un habitat groupé coopératif si on n’a

pas pris part au projet dès son commencement. Il semble évident qu’on

a tout intérêt à constituer dès le début du projet un groupe relativement

homogène du point de vue socioculturel ou des moyens financiers. Si le

« vivre ensemble » est trop exigeant, l’expérience peu vite s’apparenter

à un ghetto ou une secte ! A contrario, si les personnes ont des points

de vue trop différents, l’espoir de progresser dans la durée peut finir par

s’essouffler, faisant place aux tensions et au découragement. La

meilleure issue semble donc être l’approche ouverte, évolutive et dans la

mesure du possible multigénérationnelle. Par exemple si un projet

débute avec seulement des familles avec enfants, une fois ces derniers

partis, la taille de l’habitat ne sera plus adaptée.

Page 21: mémoire Habitat Groupé Coopératif

21

4.4 Le choix du statut juridique

Dans l’aventure de l’habitat groupé coopératif survient rapidement la

question de la constitution juridique. Christian Grange affirme que la

spécificité de chaque projet impose de recourir à un montage juridique

ou un contrat de propriété bien particulier, le plus adapté possible. Il

faut décider du degré d’engagement et rédiger des statuts bien ficelés

pour éviter les mauvaises surprises en cas de désistement d’un des

membres du groupe. Certaines formules juridiques sont plus souples

mais offrent peu de garanties, tandis que d’autres protègent mieux la

propriété. Il existe toutes sortes d’alternatives, mais les structures les

plus fréquemment rencontrées sont la copropriété et la SCI17.

La copropriété semble être celle qui permet le mieux de distinguer les

parties privées des parties communes. C’est la forme de division des

immeubles la plus représentée lorsqu’il s’agit d’acquérir ou de construire

un immeuble ou un groupe d’immeuble bâtis dont la propriété est

répartie entre plusieurs personnes. La copropriété donne le titre de

propriétaire, ce qui n’est pas le cas dans une coopérative où chacun ne

possède que des parts. Cet acte notarié conventionnel obligatoire décrit

les règles de bon voisinage, fixe les droits et devoirs des copropriétaires,

le fonctionnement des assemblées générales, les règles liées au syndic

ainsi que la destination et les règles relatives à l’administration des

parties communes. En cas de départ, la revente ne pose pas trop de

17 Société Civile Immobilière

soucis d’autant que l’acte de base18 le prévoit, les anciens habitants ont

un droit de préemption.

Si les copropriétaires disposent d’une relative liberté dans l’organisation

des parties privatives, ils ne peuvent agir que collectivement sur les

parties communes. Chaque propriétaire profite de son bien privé tout en

respectant les règles communes établies dans un règlement

appelé « règlement de copropriété ». Ce règlement indique ce que l’on

peut faire des parties privatives et des parties communes, il définit la

décoration extérieure des maisons, l’utilisation des parkings ou la

présence d’animaux domestiques…

Plus tard, des compléments au règlement intérieur peuvent être

apportés lors d’assemblée de copropriétaires en fonction des problèmes

qui se présentent.

Légalement, la gestion journalière de la copropriété est confiée au

« syndic » de l’immeuble. Le syndic administre l’immeuble au quotidien,

tente de faire respecter le règlement de copropriété et veille à ce qui a

été décidé soit correctement exécuté. Il intervient pour tous les travaux

urgents, recouvre les charges auprès des copropriétaires et représente si

besoin l’association des copropriétaires en justice. La nomination du

syndic est une décision qui revient à l’assemblée de copropriétaires. Le

syndic est obligatoire (sauf si tous les copropriétaires sont d’accord pour

s’en passer) et doit percevoir une rémunération pour son travail. Mais

souvent la copropriété est trop petite pour l’intervention d’un syndic.

Ainsi, plutôt que de faire appel à un professionnel extérieur, on choisit

18 L’acte de base décrit l’ensemble des bâtiments en attribuant à chacun une certaine quotité dans les parties communes qui lui sont attachées

Page 22: mémoire Habitat Groupé Coopératif

22

un des membres de la copropriété afin d’éviter de payer des honoraires.

En général le bénévolat s’adapte sans problème pour de petites

copropriétés.

La Société Civile Immobilière (SCI) s’inscrit dans un cadre juridique

non lucratif. Il est institué par des personnes qui par un contrat

conviennent d’affecter des biens communs en partage en vue de les

louer ou de les mettre à disposition gratuite de ses associés. Cette

association permet de mettre en commun les capitaux de tous les

coopérateurs et de proposer ainsi des mensualités inférieures à celle du

marché immobilier. La SCI permet à des ménages modestes d’accéder à

la propriété moyennant un apport financier raisonnable. Cette forme de

solidarité (de voisinage) prend en compte les besoins de chacun et va à

l’encontre de l’individualisme. Les principes coopératifs favorisent

l’intégration de tous au sein de l’immeuble. Pour devenir membre de la

coopérative, il suffit d’acquérir un certain nombre de parts sociales

suivant les possibilités de chacun, en échange de quoi la personne reçoit

une participation financière dans le bâtiment, correspondant à la valeur

de son apport. Cette formule permet de constituer plus facilement les

20% d’apport de capital exigé par les banques. Ce cadre juridique

repose sur les valeurs d’égalité, de transparence dans la gestion et de

participation de chaque personne aux décisions. Chacun possède une

part de la coopérative mais non le logement qu’il habite. La propriété est

partagée, elle appartient juridiquement à l’association d’habitants, donc

indistinctement à tous les associés la constituant.

Comme tout le monde participe aux tâches d’entretien ou autres projets

communautaires, les coûts sont réduits et offrent des loyers modérés.

L’association signe un bail avec chaque locataire, lequel paye un loyer

qui permet d’assurer le remboursement du prêt souscrit et prend en

charge la gestion courante de l’immeuble. Le loyer est calculé au plus

près des coûts de fonctionnement. La constitution en SCI offre une plus

grande liberté dans la mesure où l’on peut se retirer plus facilement du

projet en trouvant un remplaçant.

Certains habitats groupés peuvent également se constituer en ASBL19

afin de justifier et de légaliser une activité commune des membres tout

en étant juridiquement reconnue comme faisant partie d’une copropriété

ou d’une coopérative d’habitat. Cela peut être par exemple, la volonté

de créer un magasin de commerce équitable ou des jardins bio…

Il peut s’agir aussi de personnes souhaitant vivre et s’investir dans un

projet de vie commun. Le but de l’activité doit rester désintéressé,

personne n’est autorisé à recevoir des bénéfices qui résulteraient des

activités de l’association. Les membres disposent d’une responsabilité

limitée et n’engagent en principe pas leur patrimoine propre pour les

engagements de l’association. Ce statut ne demande pas de capital

minimum à sa création et il permet de bénéficier de subventions et

d’aides à l’emploi pour son fonctionnement. Mais en cas de dissolution,

les fonds engagés ne sont pas récupérables de manière individuelle et

l’argent, pour ne pas être perdu, doit être réinvesti dans une opération

du même type.

Compte tenu de la complexité des formalités de constitution et de la

rédaction des statuts, la rencontre avec un notaire s’avère indispensable

19 Association Sans But Lucratif

Page 23: mémoire Habitat Groupé Coopératif

23

afin d’adapter chaque cas particulier. Il ne faut pas sous-évaluer les

obstacles juridiques à franchir ni les autorisations urbanistiques à

obtenir avant de construire ou de transformer un habitat existant.

Cette première sous-partie nous montre que l’habitat groupé coopératif

permet de construire un lieu de vie où chacun dispose de son logement

et profite en outre d’espaces partagés qui favorisent la convivialité,

l’entraide et permettent de bénéficier de nombreuses activités et

services. Ceci, en réalisant des économies d’échelle au niveau de

l’investissement et du fonctionnement (énergie, jardin, covoiturage,

garde d’enfants, piscine…). Mais elle insiste aussi sur le fait qu’il y a

derrière ce type de projet une véritable volonté de construire ensemble

non seulement un lieu mais aussi une vision commune dans la manière

de vivre et d’habiter.

Partie 2 : L’habitat groupé coopératif, une réponse potentielle dans la gestion du phénomène de périurbanisation ?

1. Problématique de la périurbanisation

1.1 La périurbanisation, sujet de controverse.

Le phénomène de périurbanisation suscite de multiples approches :

critiques, favorables, prospectives, conséquentielles… La plus connue

est celle qui consiste à dire que ce processus est un fléau qu’il faut

combattre puisqu’il nuit considérablement à l’environnement en polluant

l’air et les sols, en grignotant les territoires agricoles et forestiers, en

favorisant un mode de vie individualiste et ségrégué face à l’inégale

mobilité des personnes. On parle d’une « dégénérescence de la vieille

relation ville-campagne »20 qu’il s’agit de corriger car la périurbanité se

définit à la croisée de ces deux entités et n’appartient ni à l’une ni à

l’autre. La difficile définition de cet espace rend compte de la complexité

des interactions qui la compose, qu’elles soient sociales, économiques ou

environnementales.

Quelle est l’expression la plus nette de la périurbanisation? L’étalement

résidentiel sans doute avec une urbanisation qui touchent des espaces

jusque là en retrait. Qui habite le périurbain ? Des couples, des familles,

des retraités, des cadres supérieurs, des ouvriers ? Peut-on extraire de

cet espace des caractéristiques sociales propres ou est-ce une mosaïque

de cas sans particularismes sociaux évidents ce qui correspondrait à une

certaine mixité sociale, vivement souhaitée par les politiques ?

Il est difficile d’apporter une réponse à ces questions tant les études sur

ce phénomène sont nombreuses et les résultats variés.

Le prototype de la périurbanité reste la résidence individuelle, la bi-

motorisation et la famille avec enfants mais après une ou deux

générations de densification périurbaine, on constate que les commerces

et les services se sont rapprochés des habitants, que l’attraction foncière

a gagné des acteurs autres que le couple avec enfants, en quête

d’accession à la propriété.

20 E. ROUX et M. VANIER, « La périurbanisation : problématiques et prospectives », La Documentation française, DIACT, 2008, 87 p.

Page 24: mémoire Habitat Groupé Coopératif

24

La structuration de l’espace périurbain est donc en train de passer d’un

espace où étaient reléguées les fonctions indésirables ou reportées les

entreprises les moins stratégiques à un espace économique et social à

part, conscient de ses ressources. Le périurbain affirme des spécificités,

des territorialités et une utilité propre. Aussi plutôt que de vouloir

contrer à tout prix la périurbanisation, il serait bien de réfléchir à la

manière de composer avec elle.

1.2 Composer avec la périurbanisation plutôt que vouloir la

contrer à tout prix

Forte de cette évolution, la périurbanisation peut être vue avec un

regard moins critique et surtout plus novateur pour apporter des

réponses à des problèmes ciblés. Qu’est-ce qui nous gène le plus dans

ce processus ? L’étalement urbain qui implique de créer de nouvelles

infrastructures de transport ? La banalisation des paysages par les

lotissements et les constructions standardisées qui se multiplient dans

nos campagnes ? Ou encore le fait que ces espaces deviennent des lieux

qu’on ne sait plus qualifier, qui se complexifient, se fragmentent et se

diluent sous l’effet de la périurbanisation ?

Le changement fait toujours peur, surtout dans un contexte d’incertitude

où l’on ne connaît pas la limite du phénomène, puisque les territoires

considèrent et gèrent de manières différentes la périurbanisation. Notre

approche consiste à dire de celle-ci qu’elle évolue, qu’elle est toujours

bien ancrée dans l’aménagement du territoire français et qu’il s’agit donc

de l’appréhender d’une manière nouvelle, en l’accompagnant plutôt

qu’en la brimant puisqu’à ce jour la « lutte » contre l’étalement urbain

n’a que peu d’effet. Le concept de « ville émergente »21 d’Yves Chalas a

d’ailleurs donné une nouvelle légitimité à l’espace périurbain. Il a incité à

porter sur ces tissus un autre regard, à ne les considérer « ni comme

des sous espaces urbains ni comme des espaces sous-urbanisés mais

comme des espaces urbains à part entière» ayant des paysages certes

marqués par la ruralité mais en forte relation avec la ville.

Sous l’influence d’un idéal résidentiel basé sur l’acquisition d’une maison

individuelle, une grande partie de la population s’installe dans le

périurbain. Cette évolution pose deux problèmes. D’une part

l’urbanisation de terres agricoles ou d’espace verts naturels de manière

diffuse ainsi que la construction d’infrastructures de transport qui

dénaturent le paysage et coûtent excessivement cher du fait de la faible

densité de ces espaces. D’autre part, la difficile cohabitation entre les

petits villages et les constructions nouvelles.

En effet, l’espace périurbain présente aujourd’hui des formes quelque

peu répétitives de lotissements « tablette de chocolat » : une allée

centrale avec une aire de retournement à l'extrémité et des parcelles

distribuées uniformément de chaque côté. Des maisons relativement

similaires accompagnées d’un agencement paysager assez standard lui

aussi. Un modèle qui dénature de nombreux villages, puisque ces

lotissements aux formes beaucoup plus urbaines viennent se greffer aux

bourgs traditionnels.

21 Yves CHALAS, La ville émergente (en coll. avec Geneviève Dubois-Taine), préface de Gabriel Dupuy, postface d'Olivier Piron, Éditions de l'Aube, 1997, 281 p.

Page 25: mémoire Habitat Groupé Coopératif

25

L’enjeu est donc de mixer ancien et nouveau en dessinant de nouvelles

formes à part entière, ni rurales, ni urbaines mais bien périurbaines. Il

s’agit de réfléchir à ce qui nous gène fonctionnellement, esthétiquement

et idéologiquement parlant pour apporter des solutions efficaces.

Ce serait par exemple réfléchir en terme d’accès au périurbain avec la

mise en place de transport à la demande, du développement des

transports en commun existant pour désengorger les routes des trafics

pendulaires et repousser la création de nouvelles voies. Au niveau du

logement et de la gestion de l’espace, la question de la morphologie

urbaine est posée. Densifier l’espace, lui redonner des formes plus

compactes et donc plus traditionnelles, faire évoluer les formes urbaines

et les rendre moins conformes, moins linéaires.

Réfléchir également sur les modes de vie qu’à fait naître le périurbain.

Des comportements peut-être plus individualistes du fait d’une faible

promiscuité avec les autres habitants et d’un réseau social peut-être

moins dynamique, moins accessible qu’en ville ou dans un petit village

rural où tout le monde se connaîtrait.

Donner une identité propre au périurbain, définir les fonctions et les

codes de cet espace jusqu’ici atypique, « coincé » entre ville et

compagne permettrait peut être de le faire accepter comme tel et lui

donner un sens nouveau.

2. Pression foncière et construction des territoires.

La mise en perspective du concept d’habitat groupé et de la

problématique périurbaine nous éclaire sur la voie à adopter en termes

de construction de l’espace périurbain. Re-concevoir l’habitat pour lui

donner de nouvelles formes, mieux réfléchies, plus compactes, plus

rationnelles vis-à-vis de l’espace.

L’intégrer dans un ensemble « dé-standardisé », se dessinant autour

d’un espace public repensé, d’une voie, d’une place structurant la vie du

lieu (bourg ou village). Concilier l’attirance pour le périurbain et la

gestion de ces espaces en mutation en prenant en compte, agriculture,

environnement, infrastructures.

Nous prendrons pour illustrer ces propositions, l’exemple de la commune

de Saint Nazaire les Eymes (vallée du Grésivaudan). Le développement

de cette commune périurbaine de 2000 habitants correspond aux enjeux

dont nous avons parlé jusqu’à présent à savoir une croissance urbaine

notable et une problématique d’étalement périurbain à maîtriser.

2.1 L’exemple de Saint Nazaire les Eymes

Situé sur la rive droite de l’Isère à moins de 15km de Grenoble, en accès

direct par l’autoroute A41, Saint Nazaire les Eymes est un bourg

périurbain en pleine expansion. Autrefois village agricole, la commune a

longtemps accueilli les populations ouvrières des papeteries de Lancey.

Avec les Jeux Olympiques de 1968 et l’essor économique dont ont

bénéficié la ville de Grenoble et sa région, c’est la classe moyenne qui

est venue peupler et agrandir le village. Aujourd’hui, la classe moyenne

supérieure a élu domicile dans cette charmante commune aux paysages

campagnards. Elle a fait grimper les prix de telle sorte que seules des

familles de type cadre supérieur disposant de hauts revenus peuvent

désormais s’y installer.

Page 26: mémoire Habitat Groupé Coopératif

26

Les populations plus modestes sont restées sur place mais affirment que

le visage de la commune a bien changé et qu’ils ne pourraient plus vivre

ici aujourd’hui s’ils n’étaient pas propriétaires de leur logement. Le prix

des terrains et des maisons y est très élevé (en moyenne 3000€ du

m²)22 et malgré la crise économique qui secoue la France, les

acquisitions immobilières se poursuivent. Même si les délais d’achat ou

de vente se sont allongés passant de 2 semaines à 4 ou 5 mois, la

commune de Saint Nazaire les Eymes continue de croître et compter à

ce jour plus de 2000 habitants.

Un défi pour Mme Dubus, maire de la commune et vice présidente de la

Communauté de Commune du Grésivaudan, et son équipe qui

souhaitent préserver le charme du lieu sans pour autant le fermer à tout

développement. Les surfaces constructibles sont en nombre limité et pas

question de convertir les espaces verts ou agricoles en zone urbanisable

pour répondre à la demande de logement. Cette stratégie vise à

protéger le cadre de vie qui a attiré une population désireuse de

s’installer dans un espace semi-rural à proximité de la ville (15 minutes

en voiture).

Saint Nazaire les Eymes est une commune sélective de par le prix de la

qualité de vie qu’elle propose mais aussi par la présence d’une certaine

catégorie de population qui entretient cet élitisme (le prix du foncier

reste élevé car la demande suit). Cependant, l’orientation politique ne

semble pas aller dans le sens d’une commune opposée à la venue d’une

population composée de ménages à plus faibles revenus. Commune

22 Données de la commune de Saint Nazaire les Eymes

socialiste, Saint Nazaire les Eymes réfléchit au moyen d’attirer de

nouvelles familles et diversifier sa population malgré une réserve

foncière qui s’amenuise. On compte sur la commune du petit collectif et

quelques logements sociaux, première réponse au besoin de densifier

l’espace et de permettre à des familles plus modestes de s’installer. Mais

le logement collectif ne correspond pas vraiment à l’identité du village,

ni à sa morphologie. Il est donc exclu de développer à outrance ce type

d’habitat. Les logements collectifs existants ne dépassent pas le R+3 et

la sobriété de l’architecture montre la volonté d’une inscription discrète

dans le paysage.

La municipalité ne souhaite pas non plus voir se développer d’imposants

lotissements sur le modèle périurbain dont nous avons parlé

précédemment. Son objectif est de trouver un compromis entre

individuel et collectif tant au niveau des formes urbaines que des

attentes de la population. Il s’agit de voir la commune s’agrandir mais

de façon intelligente, en respectant cette identité rurale en mutation.

Agir sur les liaisons entre le village ancien et les nouvelles constructions

pour réduire le clivage spatial et parfois social (les populations les plus

anciennement installées le sont au centre du village, les nouveaux

arrivants plutôt en « périphérie ». Recréer des hameaux ce qui implique

de densifier certaines zones d’habitat existantes au lieu de s’étendre

plus loin. En résumé, penser un aménagement qui effacerait certains

aspects négatifs de la périurbanisation : l’urbanisation diffuse et la faible

densité.

Page 27: mémoire Habitat Groupé Coopératif

27

Mais au-delà des aspects urbains purs et durs, un des grands enjeux est

aussi de réinjecter de la sociabilité dans ce type d’espace. De faire co-

habiter anciens et nouveaux arrivants, travailleurs ruraux et citadins, de

dépasser le modèle du chacun chez soi très présent dans le périurbain.

D’une part par la recherche de tranquillité de chacun, d’autre part par la

configuration spatiale de la commune périurbaine23. Peu d’espaces

publics, une trame viaire qui lie peu les différents espaces (centre ancien

et nouvelles zones d’habitat), en clair, pas d’unité urbaine lisible qui

permettrait la rencontre de ses habitants, dans la vie quotidienne, au-

delà des associations présentes sur la commune.

2.2 La réponse apportée par l’habitat groupé coopératif

Face à ces enjeux, l’habitat groupé apparaît comme un outil pertinent

pour mener à bien une démarche de densification et de socialisation. Ce

type d’habitat présente une forme architecturale très intéressante en

rapport avec les enjeux actuels de compacité et de densification de

l’espace. Si l’on établit une comparaison entre l’habitat groupé et

d’autres formes d’habitation du point de vue de la densité, on remarque

vite qu’il est de loin le modèle le plus économe d’espace.

Dominique Déléaz, ingénieur, architecte et urbaniste au Centre d’Etudes

Techniques de Lyon, différencie trois formes résidentielles en milieu

périurbain :

23 François MANCEBO, « Accompagner les turbulences : une périurbanisation durable », Annales de la recherche urbaine, N° 102, juil. 2007.- pp. 51-57

• L’individuel hors procédure, est un espace pavillonnaire

produit individuellement sans procédure d’urbanisme. Il se

caractérise par une maison individuelle au centre d’une parcelle,

par le mitage des constructions, l’absence d’espace public.

• L’individuel avec procédure, est un espace de maisons

individuelles obtenu avec une procédure d’urbanisme

(lotissement ou ZAC). Cette forme produit un nouveau

parcellaire plus ou moins rationnalisé selon les conditions

locales, de nouvelles voiries (desserte et aire de retournement).

On n’observe pas d’espaces publics, mise à part la trame viaire à

l’intérieur du lotissement, ni de liaison urbaine avec le reste de

la commune. Ce type d’habitat produit une forme très unitaire et

très homogène.

• L’habitat groupé, est un espace de maisons individuelles

obtenu par une procédure d’ensemble (terrain et construction).

Le parcellaire est réorganisé et des espaces hiérarchisés entre

privés et publics sont créés. Les maisons ne sont pas au milieu

de la parcelle mais le plus souvent accolées. Les porteurs du

projet peuvent aussi choisirent de construire un unique bâtiment

composé de plusieurs logements agencés selon les besoins et

désirs de chacun. L’aspect varie donc en fonction des

programmes.

Page 28: mémoire Habitat Groupé Coopératif

28

Ces trois formes constituent des tissus urbains spécifiques caractérisés par des densités de logement différentes :

Forme 1 : Individuel « hors procédure » Forme 2 : Individuel « avec procédure Forme 3 : Habitat groupé

5 log/ha 10 log/ha 25 log/ha

Source : Agence d’Urbanisme de Lyon

Page 29: mémoire Habitat Groupé Coopératif

29

Cette méthode d’analyse du développement résidentiel est établie à

partir d’une base de données (SITADEL24) qui recense chaque année et

par commune les autorisations de construire (données gérées et

diffusées par les Directions Régionales de l’Equipement). L’exemple

donné ci-dessus montre bien que l’habitat groupé est la forme la plus

économe d’espace dans la mesure où elle regroupe un plus grand

nombre de logements, souvent accolés et agencés de manière à

rationaliser la parcelle.

Pour avoir un ordre de grandeur en tête, voici quelques chiffres parlant :

Pour 30 logements il faudrait en terme d’espace :

Source : Agence d’Urbanisme de Lyon

24 Base Sitadel (Système d’Information et de Traitement Automatisé des Données Elémentaires sur les Logements et les locaux) www.statistiques.equipement.gouv.fr

Forme 2 3 ha

Forme 3 1,2 ha

Forme 1 6 ha

Page 30: mémoire Habitat Groupé Coopératif

30

Un projet d’habitat groupé permet donc par la mitoyenneté, de limiter la

consommation d’espace constructible et présente donc une alternative à

l’étalement urbain pavillonnaire.

Les formes que peut prendre un habitat groupé jouent le rôle

d’intermédiaire entre maison individuelle et logement collectif. Cela peut

être une grosse maison abritant plusieurs familles ou plusieurs petits

pavillons accolés, toujours bâtis avec le souci d’économiser l’espace et

de créer une unité.

Par ailleurs, l’habitat groupé permet de retisser des liens sociaux entre

les familles, selon leurs envies et de tendre vers une vie sociale plus

riche et plus solidaire. On peut reconnaître à ce modèle de nombreux

atouts du point de vue social et humain :

• Ne pas être seul(e) • Mettre en commun des moyens • Jouer la carte de la solidarité au quotidien • Avoir un environnement choisi et bienveillant • Ne pas vivre replié sur soi • Être au coeur des décisions relatives à son habitat • Vivre un idéal d'écologie et d'autonomie partielle • Respecter les autres et se respecter soi-même

• Accéder à la propriété même avec des revenus faibles

A travers ce premier chapitre nous avons pu voir les nombreux atouts

du concept d’habitat groupé coopératif, tant sur le plan de la forme

urbaine que de l’aspect social. Economie d’espace et d’énergie dans le

cadre d’une construction réfléchie, favorisation et création de liens

sociaux, remise en question des modes de vie et des modes d’habiter

actuels pour tendre vers une manière d’habiter plus durable et plus

solidaire…

L’habitat groupé coopératif apparaît donc comme un modèle exemplaire,

pouvant répondre aux grandes questions environnementales et sociales

posées par l’étalement urbain et plus globalement par la société

actuelle.

Cependant, on constate à ce jour, en France, peu d’initiatives d’habitat

groupé coopératif, en tout cas pas de mouvement significatif en direction

de ce concept. A l’heure où il est urgent de trouver des solutions pour à

la fois satisfaire une population en demande de logement et préserver

nos ressources (naturelles et foncières), pourquoi l’habitat groupé

coopératif tarde-t-il à se développer ? Ce modèle est-il adapté à notre

société ? Ou juste à une catégorie de la population ?

Page 31: mémoire Habitat Groupé Coopératif

31

Chapitre 2. Les obstacles idéologiques et politiques forts

A ce jour, la France compte une centaine d’expériences25 d’habitat

groupé coopératif. La quasi-totalité de ces projets ont été réalisés de

manière spontanée c'est-à-dire par l’initiative de particuliers. C’est la

forme la plus courante ; plusieurs familles se regroupent par

l’intermédiaire d’un réseau ou de petites annonces et choisissent

ensemble un terrain pour construire leur lieu de vie. Les participants

montent leur projet de A à Z, de manière individuelle comme ils le

feraient pour une construction individuelle. Ces projets portent souvent

le nom d’éco-hameau (Christian Grange préfère le terme d’éco-lieu car il

s’agit la plupart du temps de petits ensembles et non de villages) et

cachent derrière cette appellation une très forte idéologie, qui va bien

au-delà de l’intérêt financier d’une construction commune.

Comme nous l’avons dit précédemment, les expériences françaises

naissent avant tout de la recherche d’un échappatoire au mode de vie

individualisé. Ces projets alternatifs n’entrent donc pas dans les critères

de vie, dans les choix d’habiter de toute une population.

Ce deuxième chapitre nous permettra de connaître les raisons du faible

développement de l’habitat groupé coopératif, sur le plan des

comportements individuels mais aussi sur la motivation politique à faire

connaître et à développer ce concept.

25 Mouvement de l’Habitat Groupé Autogéré

1. Le cloisonnement du concept

1.1 L’habitat groupé, une alternative qui ne séduit qu’une faible

partie de la population…

Notre première hypothèse serait de dire que l’habitat groupé coopératif

ne concerne qu’une certaine catégorie de population. Une population

plutôt aisée qui cherche en plus du confort matériel qu’apporte la

possession d’un bien immobilier, une meilleure qualité de vie. Qualité de

vie en termes de sécurité (voisinage choisi), de solidarité (pouvoir

compter sur ses voisins, partager les compétences), d’enrichissement

mutuel, de durabilité (construction écologique, économie d’énergie)…

L’attente de ses personnes dépasse la seule acquisition d’un logement et

leur démarche s’inscrit dans un projet global de plus grande ampleur

puisqu’ils s’engagent avec d’autres familles. « Ce type de projet est

énergivore car il faut se rencontrer des dizaines et des dizaines de fois.

Pour se connaître, pour trouver un lieu, élaborer un projet commun,

choisir l’architecte, les artisans… Ce sont parfois 3 soirs par semaine qui

sont consacrés à la mise en route du projet et à son suivi » précise, Jean

BENOIT, membre de l’habitat groupé coopératif « Bois del Terre » en

Belgique26.

26 http://boisdelterre.blogspot.com/

Page 32: mémoire Habitat Groupé Coopératif

32

Il s’agit de créer une alchimie au sein du groupe et de trouver davantage

un équilibre idéologique qu’un gain financier. Mais dans notre société

aux comportements de plus en plus individualistes, cette quête ne

concerne qu’une frange mineure de la population. Pour Christian Grange,

il s’agit d’une population « qui a pris conscience que l’humanité est au

seuil d’un changement irréversible qui risque de ne pas laisser aux

générations futures un monde durable ». Une population donc

convaincue que l’avenir de l’homme se trouve dans la solidarité,

l’entraide et le dialogue pour réduire les conflits et le repli sur soi. Les

résidents d’habitat groupé partagent des valeurs communes allant

souvent contre le phénomène de mondialisation : démocratie, justice

économique, sauvegarde de l'environnement, droits humains.

Sans basculer dans l’alter mondialisme et dans le rejet total de la société

de consommation, ces familles souhaitent, à leur échelle, trouver des

moyens de favoriser le partage de compétences et les synergies entre

les habitants et construire un projet viable. Cela passe par des travaux

communs, par l’achat groupé de matériaux ou d’aliments par exemple.

Faire graviter autour d’une construction commune des activités multiples

et enrichissantes pour dépasser les simples relations de voisinage.

Et c’est cela qui fait sans doute l’exception des expériences d’habitat

groupé. Le fait qu’il y a derrière ces projets une culture à part entière et

des codes spécifiques (la solidarité, le volontariat, l’écologie

appliquée…). On peut expliquer ce choix, cette envie de se tourner vers

les autres, par le fait d’évoluer à la base dans un environnement

sécuritaire. Le fait pour un ménage d’avoir un emploi, de pouvoir

assumer les besoins vitaux de sa famille permet de faire des projets

d’avenir et de réfléchir à une nouvelle manière de vivre. Les classes les

plus modestes vivent souvent au jour le jour sans pouvoir se projeter

(ce qui ne signifie pas qu’elles n’ont pas de projets pour le futur) et ont

comme priorité de régler leurs problèmes quotidiens c'est-à-dire de

répondre aux besoins vitaux de leur famille : se nourrir, payer leur loyer,

se vêtir.

1.2 …et remet en cause le principe de mixité sociale

Ce constat pose donc la question de la place de la mixité sociale dans les

expériences d’habitat groupé. Bien qu’il prône le partage et la solidarité

entre les habitants, l’habité groupé coopératif n’apparaît pas comme un

vecteur de mixité sociale. Comme nous l’avons décrit dans le premier

chapitre, l’habitat groupé coopératif est un rassemblement de personnes

aspirant à construire un nouveau mode de vie. Ces personnes se

choisissent, pas seulement fonction du lieu du futur habitat mais selon

des affinités et des objectifs communs. Et très logiquement se sont

généralement des familles issues de mêmes catégories

socioprofessionnelles qui se regroupent pour monter un projet. Parce

qu’elles ont un capital social (capacité à se faire entendre du monde),

culturel (capacité à lire le monde) et économique (capacité à profiter

du monde) similaires. (Matthey, 2008)27 Il est plus facile de vivre avec

des personnes du même milieu social car les valeurs et les codes de

conduites sont souvent proches. Les raisons de cet « entre-soi »

tiennent aussi aux destins que les familles se cherchent. Choisir ses

27 Laurent MATTHEY, Mixité sociale. Comment opérer la justice spatiale ? avril 2009, laboratoire du droit à la ville

Page 33: mémoire Habitat Groupé Coopératif

33

voisins c’est choisir un environnement social particulier pour vivre

sereinement et voir grandir ses enfants dans le respect de certaines

valeurs. Respect de la nature, tranquillité, partage, sociabilité…

Une enquête d’Hubert Cukrowicz28, chercheur au CNRS, montre que les

critères de « bon voisinage » sont l’origine sociale et ethnique de ses

voisins, le nombre d’enfants, leur niveau de revenus… Et que le

voisinage idéal est celui qui ressemble le plus à sa situation personnelle,

puisqu’il génère moins de conflits d’usages ou de compréhension. Si les

rythmes de vie sont similaires, le fonctionnement de chaque famille est

beaucoup plus acceptable pour ses voisins. Pour une famille avec

enfants et dont les parents travaillent on constate moins de nuisances

sonores (le soir tard par exemple), des activités communes (aller

chercher les enfants à l’école), des temps de rencontres plus nombreux

(le soir après le travail, le week-end). Le dialogue est donc favorisé

entre des personnes qui ont les mêmes normes et les mêmes modes de

fonctionnement.

Sans remettre en cause la mixité sociale en tant que valeur, on

remarque qu’il est difficile de la mettre en œuvre. Vouloir mixer les

populations est en soi une théorie estimable mais en pratique cela parait

utopique et même dévalorisant pour certaines classes sociales.

Utopique car la proximité spatiale ne conduit pas automatiquement à la

proximité sociale. Au contraire, elle peut être source de conflits de

normes et d’appropriation. Les classes les plus modestes ne sont pas

28 Hubert CUKROWICZ, Choisir ses voisins, revue de sociologie française, n°34, 1993 pp 367-393

forcément à l’aise dans des quartiers mixtes où les membres des classes

supérieures ont tendance à monopoliser les activités associatives et

culturelles (parents d’élèves par exemple) et à ériger leurs

comportements en norme de référence.

Dévalorisante car elle repose donc sur un principe d’éducation par

l’exemple. Pour Yves Sintomer29, appliquer un principe de mixité sociale

conduit dans les faits « à valoriser les couches moyennes et supérieures

(françaises), qui sont censées constituer des modèles de comportement

social pour les autres catégories, notamment pour les plus précarisés et

pour les « étrangers » en mal d’intégration ». Mixer les populations au

sein d’un même lieu mène à exacerber les différences, à les rendre

encore plus visibles. Des populations défavorisées ressentent d’autant

plus négativement leur situation sociale que leur lieu de vie est favorisé.

Faire de la classe moyenne le point de référence du lien social tend à

enfermer les couches dites populaires dans un stigmate dont elles

auront beaucoup de mal se défaire.

Les travaux d’Eric Maurin30 soulignent que le lieu de résidence est un

marqueur social très fort car il laisse entrevoir une classe sociale, un

statut, un niveau de vie… Ainsi les classes supérieures se rassemblent

dans les centres-villes ou les communes périurbaines proposant d’un

cadre de vie agréable et un accès rapide à la ville (vallée du

Grésivaudan dans le cas de l’agglomération grenobloise). Les classes

moyennes investissent le périurbain plus lointain (Beaurepaire, la Tour

29 Yves SINTOMER, Mixité sociale et lutte pour l’égalité, MOUVEMENTS N°15/16 mai-juin-juillet-août 2001 30 Eric MAURIN, Le ghetto français - enquête sur le séparatisme social, Seuil République des Idées, 2004

Page 34: mémoire Habitat Groupé Coopératif

34

du Pin par exemple) ou les communes limitrophes de la ville principale

(Echirolles, Saint Martin d’Hères…) Les classes inférieures sont réunies

dans les grands ensembles et les quartiers les moins cotés.

Selon Eric Maurin, cette répartition résulte avant tout de la stratégie des

élites qui mobilisent leurs ressources pour se mettre à l’écart. Celles-ci

s’accaparent des « pans entiers d’espace urbains » faisant monter les

prix et excluant les ménages plus modestes. Les populations les plus

pauvres se regroupent dans certains lieux « par défaut et non par

quelconque communautarisme » et s’en échappent dès que leur

situation évolue.

La ségrégation spatiale qui existait déjà il y a vingt ans évolue peu mais

ses effets se ressentent de plus en plus car la structure de la société

change. La classe ouvrière a diminué au profit des employés, le nombre

de cadres a augmenté ce qui a créé un embourgeoisement d’une partie

plus importante de la société. Au fur et à mesure que ce segment de la

population croît, il relègue les classes inférieures plus loin ou dans des

logements aux faibles loyers. Leur pauvreté est plus visible que les

tactiques d’évitement qui les engendrent.

Les ghettos français résultent donc des ruses d’esquive et d’entre-soi

développées par les plus riches. On s’aperçoit que la ségrégation

spatiale repose sur les stratégies d’évitement des classes sociales les

unes par rapport aux autres. Autrefois le patronat évitait le prolétariat,

aujourd’hui les cadres évitent les professions intermédiaires qui évitent

les employés qui évitent les ouvriers…

Les familles aisées s’installent dans des espaces où elles déjà sont le

mieux représentées pour s’entourer d’un voisinage stable où la

pauvreté, le chômage, les difficultés d’intégration culturelle n’existent

pas. Dans leur choix pour le logement et l’éducation, ces familles

prennent en compte l’influence que les autres familles peuvent exercer

sur leurs enfants, l’environnement social pesant lourdement dans leur

développement personnel de ceux-ci. Ainsi, la ségrégation spatiale

conditionne l’environnement social qui lui-même conditionne le destin de

chacun.

Par conséquent, on peut comprendre qu’au-delà de la qualité du

logement ou du lieu de résidence, c’est la qualité du voisinage qui

semble primer. « On choisit moins son immeuble que ses voisins »

souligne Eric Maurin.

Une étude récente d’Olivier Morlet31 confirme l’existence d’un lien

extrêmement fort entre le revenu par habitant et le prix auquel se

négocie les logements de qualité similaire. Il constate que pour les

familles, le critère de la composition sociale du voisinage est

prépondérant dans l’appréciation des logements.

Bien sur ce manque de mixité conduit de nombreux quartiers à devenir

des lieux de relégation pour des familles n’ayant aucun choix résidentiel

et à engendrer une ségrégation spatiale forte. Mais pour Eric Charmes32,

directeur adjoint et maître de conférences à l’Institut Français

31 Oliver MORLET, « Marché du logement et ségrégation spatiale en région parisienne », Etudes foncières n°85, 2000 32 Eric CHARMES, « Pour une approche critique de la mixité sociale. Redistribuer les populations ou les ressources ? » www.laviedesidees.fr

Page 35: mémoire Habitat Groupé Coopératif

35

d’Urbanisme, la solution réside dans le fait « d’améliorer le sort des

ghettos plutôt que de vouloir les casser » c’est à dire mener une

politique redistributive en direction de ces espaces défavorisés.

La question est : faut-il disperser les populations des communes pauvres

dans des communes mieux équipées ou faut-il mieux doter les

communes pauvres ? Faut-il détruire les barres d’immeubles et disperser

les populations « gênantes » ou bien valoriser le tissu des solidarités

locales, désenclaver ces quartiers en termes de transports, les doter de

nouveaux équipements ?

La réponse n’est pas évidente mais la question mérite d’être posée et la

bonne voie apparaît être un mélange entre redistribution et

développement local.

Ces deux auteurs (Maurin et Charmes) abordent ici la mixité comme un

moyen pour une plus grande justice sociale et non pas comme une fin

en soi.

Nous avons choisi dans ce mémoire, de poser la question de la

pertinence du discours sur la mixité sociale, non pas pour la renier ou la

mettre à l’écart mais pour montrer que sa mise en œuvre est complexe

et ambitieuse.

Notre concept d’habitat groupé coopératif est la preuve que même dans

l’optique d’une plus grande solidarité et d’une ouverture vers les autres,

la mixité n’est pas forcément le point d’honneur de ce type de projet.

2. L’idéal de la maison individuelle ou comment fuir la ville compacte

2.1 Le culte de la maison individuelle…

En matière de cadre de vie, on imagine facilement les aspirations des

habitants : vivre dans des logements spacieux, à un coût raisonnable,

avec une bonne accessibilité aux transports, services, commerces, mais

dans un cadre moins urbain et à proximité de la nature. A priori, la

maison individuelle située en périphérie des villes pourrait être la

réponse évidente à ces attentes, l’explosion des prix de l’immobilier et la

pénurie de logements venant confirmer cette préférence.

A l’échelle de la France métropolitaine, pour la période 2002-2006, la

maison individuelle représente 60% des 1,7 millions de logements neufs

commencés pendant ces dernières cinq années33. En termes

d’occupation du sol, l’importance de la forme 1 s’accentue avec 70 %

des surfaces nouvellement urbanisées. A l’échelle de la France, la

densité moyenne des développements résidentiels s’élève à environ 11

logements par hectare.

33 Données issues de la base Sitadel

Page 36: mémoire Habitat Groupé Coopératif

36

On distingue classiquement trois types d’acquéreurs de maison

individuelle.

• Les primo-accédants, souvent de jeunes couples dotés d’un faible

budget.

• Les familles dont le projet immobilier obéit à des motivations

résidentielles et professionnelles.

• Des clients plus âgés qui poursuivent dans ce type de projet une

motivation purement résidentielle, en prévision de leur retraite.

Cette attirance pour la maison individuelle réside dans le fait qu’elle

propose une certaine indépendance, un sentiment de liberté pour ses

occupants qui se délestent des contraintes de voisinages imposées par le

logement collectif. Le terrain autour de la maison, bien souvent clôturé,

met une barrière, une distance physique entre les habitants et pose les

limites du « chez-soi ». Lionel Rougé34, enseignant-chercheur à l’UFR de

géographie de l’Université de Caen, décrit l’aspiration pour la maison

individuelle comme une manière de « se tenir à distance de toute

contrainte sociale, pour ce qui touche à la vie familiale, dans un espace

privé susceptible de participer à leur réassurance et à la protection des

leurs - la « tranquillité ». Cette forme d’habitat correspond aussi à un

modèle de bonheur et d’épanouissement familial35. Les ménages voient

dans la maison individuelle le moyen d’élever leurs enfants sans

influence extérieure et dans un cadre propice à leur bon développement

(chambres spacieuses, jardin pour jouer, cadre verdoyant…)

L’architecture, la taille des maisons sont personnalisées (dans le respect

de normes édictées par le PLU) ainsi que les aménagements paysagers

ce qui permet une appropriation de l’espace bien supérieure à celle des

logements collectifs. On construit son espace de vie de A à Z : choix de

la commune, du terrain, de l’implantation, de la superficie, de la forme

de la maison.

En autre aspect de cet engouement pour la maison individuelle réside

dans le fait qu’elle représente une ascension sociale, au sens d’accéder à

une classe supérieure. En effet, le titre de propriétaire est un marqueur

social fort puisqu’il justifie d’un statut, d’un certain milieu social, d’un

34 Lionel Rougé, "Inégale mobilité et urbanité par défaut des périurbains modestes toulousains", Textuel, 25 avril 2007 http://espacestemps.net/document2237.html 35 Lionel Rougé, « les petits budgets du périurbain », Etudes foncières n°128, juillet-août 2007

Page 37: mémoire Habitat Groupé Coopératif

37

niveau de vie élevé. Pour des ménages cherchant à se conformer à la

norme sociale, l’accession à la propriété d’une maison individuelle est

présentée comme une priorité. Elle correspond à une façon de vivre

qu’ils admirent et recherchent. L’accession à la propriété représente au-

delà du mode et de la qualité de vie, la constitution d’un patrimoine qui

pourra être légué ou revendu en cas de difficultés (perte d’emploi,

maladie ou bien déménagement…) et donc une certaine sécurisation

financière compte tenu de l’importance de l’investissement. Pour 69%

de la population française36, la propriété serait un rempart contre la

précarité.

2.2…entretenu par des incitations commerciales

La publicité faite autour de la maison privée défend le principe de

l’individualité. Les magasins de bricolage notamment proposent

régulièrement des réductions sur les matériaux dans le cadre d’offres

promotionnelles (la semaine de la salle de bains, la quinzaine de la

cuisine équipée, le mois des aménagements extérieurs…). Les spots

télévisés de ces mêmes enseignes présentent aussi les projets réalisés

par des habitants de maisons individuelle : aménagement de combles,

de terrasse, maison passive… Ils véhiculent ainsi l’image du bien chez

soi, de l’augmentation de son confort par l’amélioration de son cadre de

vie.

Ces projets qui sont des modèles de réussite donnent de nombreuses

idées et surtout suscitent l’envie d’en faire autant chez soi. Cette

publicité entretient l’idéal de la maison individuelle, le plébiscite, l’exhibe

36 Sondage Ipsos

aux yeux de tous. Elle touche toutes les catégories de populations : elle

conforte la frange aisée, propriétaire de villa dans son choix de vie,

invite les catégories sociales modestes à investir, fait envie aux

populations les moins favorisées.

Elle vend la liberté d’aménagement et la multiplicité des combinaisons

possibles dans l’agencement des espaces. Elle surfe sur les attentes des

gens et les renforcent.

De ce point de vue là, l’habitat groupé coopératif accuse aussi du retard.

La promotion du modèle est presque essentiellement faite par

l’intermédiaire de site web ou de blog tenus par les habitants d’habitat

groupé eux-mêmes. Ils y exposent leur démarche, le projet et ses

évolutions dans une démarche pédagogique, pour montrer que ce choix

est envisageable et pour donner des clés à ceux qui voudraient se

lancer.

On ne peut pas donc pas parler d’une publicité mais plutôt d’une

information qu’il faut aller chercher (ce qui suppose qu’elle soit d’être

déjà quelque peu connue) et qui n’est pas donnée au grand public.

2.3… et politiques

Au-delà d’un discours sur les comportements et l’individualisme, on

remarque aussi une politique qui va à l’encontre des grands enjeux

énoncés plus tôt, à savoir la préservation de l’environnement et le

renforcement du lien social entre les populations. En effet, notre

gouvernement entretient fortement l’idéologie individualiste avec des

incitations à devenir propriétaire de maison individuelle. Les deux

principaux candidats à l’élection présidentielle de 2007 relayaient

Page 38: mémoire Habitat Groupé Coopératif

38

fortement l’aspiration des Français à l’accession à la propriété car elle

est devenue le symbole de l’habitat idéal pour les ménages.

L’aspiration des ménages français à accéder à la propriété est aussi

fortement suscitée par les politiques, de droite comme de gauche. Notre

gouvernement actuel mène depuis 2001 de nombreuses réformes pour

inciter les ménages à acquérir des maisons individuelles. Parmi les plus

connues (car très médiatisée), la maison à 100 000 euros de Jean

Louis Borloo (annexe 1).

L’objectif est « simple » : permettre aux ménages modestes d’accéder à

la propriété pour une somme de 100.000 euros TTC.

Ce dispositif qui concerne les ménages ayant droit au logement social

peut être perçu comme un moyen de « désengorger » les zones

sensibles en aidant les ménages les plus favorisés à en partir.

Pour beaucoup de politiques (notamment de gauche) d’architectes,

d’urbaniste et de sociologues, la maison à 100.000 euros est un coup de

pub et une idée complètement aberrante.

D’une part parce qu’elle va à l’encontre des préoccupations

environnementales en jeu en favorisant l’étalement urbain.

Construire une maison individuelle à 100.000 euros terrain compris

comme le prévoit ce programme relève de l’exploit quand on voit le prix

du foncier au m². Si l’on respecte ce prix de 100.000 euros tout inclus,

cela signifie que ces maisons vont se retrouver extrêmement loin des

pôles urbains et qu’il faudra pour les desservir construire des

infrastructures routières. Pour les ménages modestes, la contrainte

financière a un tel impact que le lieu de l’implantation devient pour eux

secondaire. La faiblesse des ressources ne permettant pas de choisir, les

constructions se font donc de plus en plus loin des centres urbains.

D’autre part, ce dispositif pose là encore le problème de la mixité

sociale car il concerne une certaine catégorie de population. Sont

principalement ciblés les ménages qui sortent du logement locatif social

et les jeunes ménages avec enfants. Des ménages modestes, ayant

droit au logement social, mais ayant aussi une situation leur permettant

d’assumer un prêt sur le très long terme.

Après quatre années de mise en œuvre, le bilan des maisons à 100.000

euros est maussade. Entre 20 000 et 30 000 de ces habitations devaient

sortir de terre chaque année. De quoi satisfaire les 87% de Français

déclarant que l'accès à la propriété est une priorité37. Mais selon l’AFAP,

en janvier 2008, seulement quatre maisons avaient été construites. Un

écart de chiffre qui s'explique tout simplement par l'impossibilité à

respecter le nombre « tape-à-l'œil » de 100.000 euros38. En cause, des

coûts de construction trop élevés, dus notamment à l’augmentation des

matières premières (acier, ciment, plâtre…). Face aux dérives sur le coût

du foncier et sur le coût de la construction on parle plutôt aujourd’hui de

maisons «à coûts maîtrisés».

37 Sondage IPSOS 38 Chronique de Gérard Roux, France Info, 22 janvier 2008

Page 39: mémoire Habitat Groupé Coopératif

39

Pour faire oublier l’échec de la maison Borloo, Christine Boutin lance

officiellement en avril 2008. Son programme « ma maison pour 15

euros par jour » (annexe 2).

Dans le même esprit que la maison Borloo, la maison proposée par la

Ministre du Logement et de la Ville vise surtout les ménages jeunes aux

revenus modestes et avec enfants pour leur permettre de devenir, pour

seulement 15 euros par jour, propriétaires de leur maison.

Malgré la perplexité que suscite le montant de 15 euros par jour, la

maison Boutin semble être un programme plus simple, mieux ficelé et

plus attractif. «Il s’agit d’un package global » souligne Christine Boutin,

elle-même. « Autrement dit, tout est centralisé selon le principe du

guichet unique. L’acheteur n’a plus à se préoccuper d’aller dénicher son

terrain. Celui-ci lui est fourni lorsqu’il s’adresse à un promoteur lors de

ses premiers contacts. » Contrairement au plan Borloo où il lui fallait au

préalable se battre pour trouver le foncier. D’autre part le programme de

la maison à 15 euros par jour bénéficie d’une TVA plus alléchante, à

savoir 5,5% au lieu des 19,6% habituels pour une construction neuve.

Parallèlement, les programmes de défiscalisation immobilière

proposés par les lois de Robien, Borloo, Girardin, Scellier… sont

nombreux et se veulent tous plus attractifs les uns que les autres. Leur

objectif est de permettre aux ménages français d’acquérir un bien

immobilier (qu’il soit destiné à leur usage personnel ou à la location) en

bénéficiant de réduction ou d’abattement fiscaux avantageux.

La défiscalisation des intérêts de l’emprunt prônée par Nicolas Sarkozy a

été un élément essentiel de sa campagne. « La France doit être un pays

de propriétaires » avait-il déclaré avant son investiture. Pour ce faire, la

loi « TEPA » (ou « paquet fiscal »), en faveur du Travail, de l'Emploi et

du Pouvoir d'Achat, a été adoptée par le Parlement, sous le

gouvernement Fillon, le 21 août 2007.

3. Point de vue critique

Confort, tranquillité, cadre de vie agréable et accès rapide à la ville par

l’intermédiaire d’infrastructures routières construites pour desservir ces

secteurs, la maison individuelle a tout pour plaire. Mais cette aspiration

pose alors la question du risque de l’accession à tout prix. La volonté

d’accéder à une maison individuelle « à la campagne » s’avère très

prégnante pour des ménages souhaitant sortir d’un logement

collectif en HLM, dans lequel ils n’arrivent pas à se réaliser (Lionel

Rougé). Pour ces ménages cherchant à se conformer à la norme sociale,

l’accession à la propriété d’une maison individuelle est présentée comme

une priorité car elle correspond à une façon de vivre qu’ils admirent et

recherchent. Si bien que de nombreux ménages peu fortunés choisissent

la localisation périurbaine sans forcément en mesurer les contraintes.

Tout d’abord concernant la durée de remboursement des prêts. Nous

l’avons vu avec les programmes de maisons à 100.000 euros ou 15

euros par jour, qui supposent un endettement sur le long terme, au

minimum une quarantaine d’années avec le remboursement en deux

temps de la construction et du terrain. Bénéficier des ces aides peut

être une opportunité à saisir mais en ayant bien réfléchi à la lourdeur de

Page 40: mémoire Habitat Groupé Coopératif

40

l’engagement financier. L’accession est un acte aux conséquences

financières lourdes et durables dans le budget, notamment quand les

ressources sont modestes. De plus, la faible valeur de ce type de

logement pose la question de la standardisation et de la rapidité de

fabrication. Pour rester dans un certain ordre de prix (autour de 100.000

euros) la qualité des matériaux et des procédés est revue à la baisse. Et

construire rapidement et moins cher, c’est le modèle sur lequel a reposé

dans les années 60 la construction des grands ensembles français

aujourd’hui remis en cause.

Par ailleurs, certains ménages sous-estiment le coût de fonctionnement

d’une maison individuelle et ses dépenses intrinsèques. Il faut compter

l’entretien du bâtiment et du terrain, la hausse des factures

énergétiques (si on ne construit pas selon des principes écologiques)

avec l’arrosage du jardin par exemple, et le chauffage d’une plus grande

superficie d’habitat… Sans oublier la taxe foncière sur les propriétés

bâties imposée aux propriétaires à laquelle vient s’ajouter à une taxe

d’habitation relative à la localisation et à la qualité de maison

individuelle, souvent bien plus élevée qu’en logement collectif.

Il faut aussi soulever la question de la mobilité qui représente un coût

souvent négligé par les acquéreurs. En secteur périurbain, la faiblesse

des réseaux de transports en commun fait de l’automobile le principal

moyen de locomotion. Mais le coût de l’achat, de l’entretien, de la

consommation d’essence d’un véhicule corrélé aux distances parcourues

pour rejoindre son lieu de travail, faire ses courses ou accéder à ses

loisirs font de l’automobile un poste budgétaire important, ce que bon

nombre de ménages ne réalisent pas au départ.

Au final, l’accession se fait exigeante en mobilisations, financière

(avec des risques de surendettement), physique (du fait d’une mauvaise

construction) et morale (avec un fort sentiment de sacrifice pour les

ménages modestes).

Les dispositifs gouvernementaux liés à l’accession à la propriété, aussi

louables soient-ils en théorie, peuvent aussi avoir des effets néfastes sur

le plan environnemental et économique. L’accès à la propriété pose

inévitablement la question de la maison individuelle, puisque c’est ce

type d’habitat qui est prioritairement convoité dans le cadre de cette

accession. La maison individuelle pose, elle, la question de l’étalement

urbain. Lionel Dunet39, président de l’Ordre des architectes, voit dans

ces programmes « une fausse bonne idée »40 car ceux-ci vont générer

encore plus de lotissements, « véritable gangrène de nos paysages ».

Ces lotissements desservis par des routes ou des autoroutes (c’est le cas

dans la vallée du Grésivaudan) qui dénaturent les sites et ont une

emprise au sol considérable (voies, bretelles d’accès, péages…).

De plus, la majorité des habitants du périurbain travaillent dans les

pôles urbains et prennent leur véhicule tous les jours pour se rendre sur

leur lieu de travail et en revenir. Ces migrations pendulaires sont

synonymes de pollution et de congestionnement des axes routiers

notamment aux entrées de villes. Lionel Dunet affirme donc que ce type

39 Lionel Engrand, maison individuelle, point de vue d’un architecte http://www.groupesocialistegrandlyon.org 40 Qui voudra des maisons « Boutin » à 15 euros par jour? Guillaume Evin - 15/04/2008 17:54 - L'Expansion.com

Page 41: mémoire Habitat Groupé Coopératif

41

d’habitat va à l’encontre « des discours vertueux sur la ville compacte et

un développement urbain durable ».

Enfin, le coût de ces dispositifs est un lourd poids dans le budget

étatique pour une efficacité limitée voir presque nulle du point de vue de

la croissance. On peut donc redouter une augmentation du déficit public

et un accroissement des inégalités puisqu’il faut bien payer la note de

ces mesures. Une étude du BIPE41 fait apparaître en filigrane ce qui

attend les Français : réforme à la hache du marché du travail et de la

protection sociale, hausse des impôts (et notamment de la TVA, qui

frappe indistinctement les pauvres et les riches), recul généralisé de

l’Etat et des services publics... Une annonce bien loin des effets

attendus.

Il semble que le débat sur le choix de nos modes de vie est complexe,

avec ses difficultés et ses antagonismes : accession à la propriété et

logement social, voisinage choisi et mixité sociale, maisons individuelles

et maîtrise écologique. Face à une volonté politique qui favorise un

certain modèle d’habitat et façonne la périurbanité, il s’agit alors de

faire-valoir des nouvelles idées, de nouveaux modèles, de réunir les

conditions nécessaires au développement de nouvelles solutions.

41 Cabinet de conseil en stratégie spécialisé dans la prévision économique et la prospective appliquée

Page 42: mémoire Habitat Groupé Coopératif

42

Chapitre 3 : Quelles sont les conditions nécessaires au développement de l’habitat groupé coopératif ?

Le modèle de la maison individuelle capte depuis des décennies

l’essentiel de la demande de logement. Disposer de ses propres murs et

de son jardin, de son intimité, en qualité de propriétaire conduit à

privilégier cette forme d’habitat. Mais l’insularité de la maison

individuelle exprime une quête d’autonomie qui pose aujourd’hui de

nombreux problèmes : étalement urbain, pollution due aux migrations

pendulaires, gaspillage des ressources, transformation des paysages…

Plutôt que de rejeter complètement ce modèle, il s’agit de proposer des

solutions pertinentes pour concilier la demande d’habitat individuel et

atténuer, autant que faire se peut, les aspects négatifs de la

périurbanisation.

Le concept d’habitat groupé coopératif apparaît alors à la croisée des

chemins entre ces enjeux, entre le social, l’urbain et l’environnement. Ce

modèle peut être un moyen d’accompagner durablement l’évolution du

périurbain mais quelles sont les conditions pour que celui-ci se

développe ? Quels leviers doit-on actionner pour lever les obstacles

idéologiques, politiques et économiques précédemment énoncés ? Peut-

on compter sur une détermination politique et si oui à quelle échelle ?

Quelles mesures sont à prendre en vue des enjeux énoncés dans notre

mémoire et quel discours développer pour rendre le modèle coopératif

attractif ?

Ce troisième et dernier chapitre tente d’apporter quelques pistes pour

une mise en œuvre plus significative du concept d’habitat groupé

coopératif.

1. Décloisonner le modèle de l’habitat groupé coopératif

Au regard de ce que nous avons précédemment annoncé, la première

condition au développement de l’habitat groupé coopératif serait le

changement de vision en termes de mode d’habiter. Autrement dit

passer de l’idéal de la maison individuelle à la rationalité de l’habitat

individuel dense42 (habitat groupé). La tâche s’annonce rude car le

modèle est bien ancré dans les mentalités et dans la pratique (le

nombre de construction de maisons individuelles étant toujours

supérieur à celui des logements collectifs) mais pas impossible, à

condition d’adopter un discours convaincant et incitatif, allant au-delà du

traditionnel propos sur la durabilité car l’écologie, le changement

climatique, le paysage et la préservation des ressources ne semblent pas

concerner la totalité de la population.

42Pôle Concevoir, construire, habiter « Habitat pluriel : densité, urbanité, intimité », PUCA, février 2005

Page 43: mémoire Habitat Groupé Coopératif

43

1.1 Sensibiliser les habitants et intégrer de nouvelles pratiques

Il faut sensibiliser les habitants à ces problématiques par l’intermédiaire

d’objets qui les intéressent et les concernent : leur propre logement et

leur cadre de vie. L’objectif est de tendre vers de nouvelles pratiques et

aspirations en montrant qu’habiter différemment ne signifie pas

renoncer à son confort et sa qualité de vie mais au contraire l’enrichir de

nouveaux éléments tels que le renforcement des liens avec ses voisins,

les bénéfices retirés de constructions écologiques et de formes urbaines

plus denses sans oublier la satisfaction de participer à un projet durable,

respectueux de l’Homme et de l’environnement.

En terme économiques également, plusieurs arguments sont à défendre

pour développer l’habitat groupé coopératif auprès de la population. Ce

type de projet réduit considérablement le prix du terrain, des travaux et

des raccordements aux VRD43 du fait qu’ils soient communs à plusieurs

familles. Grâce à ces diminutions de coût, on peut arriver à construire

une maison à 100.000 euros…

2.2 La promotion du modèle

Mais pour parvenir à cette nouvelle vision de l’habitat, il s’agit de mieux

faire connaître le concept d’habitat groupé coopératif car celui-ci est

encore peu connu du grand public et représente une infime part du

logement groupé en France. Sa promotion est très faible et

principalement menée par la sphère privée, les collectivités ne s’étant

pas encore emparées de cet outil comme d’un moyen de mener une

43 Voies et Réseaux Divers : électricité, égouts, eau, téléphone, eaux usées…

politique de logement plus rationnelle. Les expériences d’habitat groupé

coopératif sont actuellement le fruit d’initiatives menées par des

personnes issues d’une certaine classe sociale (le plus souvent

professions libérales et cadres supérieurs) qui lui confère une image

« bobo ». On entend parler d’éco-hameau, d’habitat groupé passif,

d’habitat alternatif… Autant de termes qui confèrent à ce concept une

image élististe … et l’éloigne du plus grand nombre.

Il serait donc souhaitable de décloisonner le concept d’habitat groupé

coopératif pour qu’il soit vu d’abord comme un mode d’habiter

rationnel (du point de vue de l’espace et des ressources) et accessible,

et non pas comme un projet utopique et alternatif. Monter un projet

d’habitat groupé coopératif demande un certain nombre de compromis,

néanmoins ce modèle est accessible sans pour autant mettre en œuvre

un projet de vie collective qui peut faire peur aux ménages aspirant à

quitter les contraintes de proximité qui pesaient en logement collectif.

L’habitat groupé coopératif n’est pas un renoncement à la tranquillité et

à l’intimité mais une forme particulière d’habitat individuel.

Ce modèle concilie d’ailleurs très bien l’autonomie des ménages (partie

privative que constituent les logements) et la vie sociale du lieu (parties

collectives et espace de vie commun). La préservation de l’intimité est

d’ailleurs un préalable au « vivre-ensemble ». Une entrée individualisée,

un logement étanche aux bruits et aux vues directes des voisins, un

petit jardin privatif sont intégrés au projet car les espaces de transition

et le marquage des seuils sont des éléments qui permettent de se sentir

chez soi et de pouvoir accepter le partage d’autres espaces.

Page 44: mémoire Habitat Groupé Coopératif

44

2.3 Jouer sur l’offre et la demande

Malgré la prédominance avérée de la maison individuelle, les politiques

du logement doivent promouvoir un habitat répondant aux attentes

individuelles et collectives des habitants dans leur diversité. Pour

répondre aux aspirations des ménages, il convient de considérer les

besoins individuels en lien avec les évolutions plus globales de la société

actuelle.

En effet, l’organisation familiale connaît de profondes modifications liées

à la décohabitation tardive des jeunes, la fin de la cellule familiale dite «

traditionnelle»44 et la recomposition familiale (séparation, divorce,

famille recomposée…) ainsi que le développement de la multi-

résidentialité (résidences secondaires, double résidence des actifs).

L’allongement de la durée de vie et le prolongement de l’autonomie des

personnes âgées entraînent un turn-over moins important au niveau des

logements et nécessitent une adaptation de l’offre à cette attente

spécifique.

La question du vieillissement des personnes s’intègre d’ailleurs

parfaitement à la démarche d’habitat groupé coopératif. Au moment de

la retraite, le choix de ne pas s’isoler socialement mais au contraire de

maintenir un réseau de liens à d’autres apparaît être une option

rassurante permettant une meilleure qualité de vie. Il peut s’agir d’un

habitat groupé intergénérationnel (exemple du projet IntergenerAction à

Colmar, annexe 3) ou d’un habitat groupé essentiellement composé de 44 Hélène VAILLE, « Sociologues, psychologues : bataille autour de la famille », Mensuel N° 156 - Janvier 2005

personnes retraitées. Dans le premier cas, les différentes générations se

côtoient et s’entraident, s’enrichissent mutuellement de leur diverses

expériences.

Dans le deuxième, il s’agit de prévenir ou de répondre aux vulnérabilités

ressenties avec l’avancée de l’âge, notamment l’isolement et la perte

d’autonomie. Un projet d’habitat groupé permet alors de se soutenir

pour rompre la solitude, rester dans une dynamique de vie, maintenir

des liens sociaux et une entraide, créer un environnement sécurisant.

L’association les HabILES45 propose des ateliers de réflexion « bien

vieillir en habitat groupé » dans le but de monter ce type de projet

(annexe 4).

Un projet d’habitat groupé a l’avantage d’être entièrement modulable. Il

peut concilier très librement l’offre (lieu d’implantation, architecture,

type, nombre et agencement des logements…) à la demande (public

actif, retraité, couple, famille) en fonction des besoins de chacun. Les

participants adaptent le projet selon leurs envies, leurs besoins, leurs

usages, leurs modes de vie. Ils peuvent se détacher de l’offre

traditionnelle (maison individuelle ou logement collectif) pour créer,

innover et repenser leur habitat et leur manière d’habiter.

Stopper la « banalisation » de l’habitat est un enjeu fort si l’on veut à la

fois préserver la qualité de vie des habitants et les ressources foncières.

La multiplicité des modes de vie, la diversité des populations et des

revenus des ménages doivent trouver une déclinaison dans la

diversification de l’offre de logements. Pour cela, il faut rompre avec la 45 Habitats Isérois Libre Et Solidaires « Bien vieillir en habitat groupé », un mode de vie basé sur les solidarités intergénérationnelles et une anticipation des besoins évolutifs des personnes vieillissantes.

Page 45: mémoire Habitat Groupé Coopératif

45

standardisation de l’offre et développer une gamme de logements et des

formes architecturales différenciées facilitant l’accueil de populations et

de modes de vie variés. L’habitat groupé permet de concevoir un

logement correspondant à ses aspirations, à son style de vie et

susceptible d’évoluer en fonction des besoins de chacun.

Bien loin du logement collectif, l’habitat groupé coopératif propose une

forme urbaine en adéquation avec deux types de volonté : la volonté

des habitants d’être propriétaire d’un espace bien à eux et la volonté des

aménageurs et urbanistes de densifier le bâti pour optimiser l’utilisation

du foncier. Pour faire le lien entre ces deux aspirations, un troisième

acteur doit entrer en jeu et proposer des formules de conciliation : les

collectivités.

2. Accompagnée l’initiative privée par une initiative publique

Une des clés du développement de l’habitat groupé coopératif réside très

certainement dans la prise de position des acteurs publics. Et c’est

au niveau local que l’enjeu est fort. Dans un contexte périurbain très

critiqué, les collectivités doivent plus que jamais réfléchir au nécessaire

développement d’un habitat plus durable dans son fonctionnement

(normes écologiques) et dans son agglomération avec d’autres

logements (densité).

La gestion au coup par coup des demandes de construire ne permet pas

aux communes de se projeter dans le long terme et condamne trop

souvent d’éventuelles solutions de cohérence urbaine.

Entre périurbanité et ruralité, entre maintien de l’existant et intégration

de nouveaux éléments, les communes du périurbain ont un grand rôle à

jouer dans la définition de leur identité territoriale et de leur

morphologie. Leur préoccupation première étant de concilier une forte

pression urbaine et une réserve foncière limitée. Mais comment

promouvoir l’habitat groupé coopératif sur sa commune périurbaine face

à l’aspiration pour la maison individuelle et à la mainmise des

promoteurs sur le foncier ?

2.1 La vallée du Grésivaudan, un contexte soumis à une nouvelle

réflexion durable.

La maîtrise du foncier est, dans la vallée du Grésivaudan, un paramètre

primordial pour pouvoir garantir sur le long terme protection, usages

multiples, gestion de la ressource. Il s'agit là d'un enjeu majeur pour le

territoire, tant au niveau de l'économie, des espaces naturels que de

l'habitat. Cela se traduit en premier lieu par la maîtrise du foncier en

termes de coût mais aussi de réserve. Pour cela un « cadre

d'intervention visant à une meilleure maîtrise du foncier » a été mis en

place par les collectivités du Pays du Grésivaudan (annexe 5) pour

réfléchir à leur rôle et leur capacité d’intervention au niveau du foncier

mobilisable à court terme (opportunités), à moyen et long terme

(réserves foncières).

Concernant l’habitat, les principales questions tournent autour de

l’habitat pour tous (construction de logements sociaux pour entre

autre casser l’image d’une vallée trop élitiste), et de la lutte contre la

Page 46: mémoire Habitat Groupé Coopératif

46

spéculation foncière entre les terres urbanisables et les terres

agricoles définies dans le Schéma Directeur de l’agglomération

grenobloise. En effet, lors du passage du POS au PLU, de nombreux

possesseurs de terrains agricoles ont demandé aux municipalités en

charge de cette conversion, une modification de leur statut en terrains

constructibles, pour des raisons financières évidentes. L’arrivée de

candidats à l’accession pavillonnaire sur un territoire à tendance agricole

est susceptible de provoquer une transformation des stratégies foncières

passant d’un capitalisme productif agricole à un capitalisme foncier

patrimonial46. Les systèmes productifs agricoles ont subit de profondes

transformations suite à la globalisation des marchés. Le modèle

productif traditionnel qui réunissait, selon Landais47, les quatre

conditions de la durabilité (viabilité économique, viabilité sociale,

transmissibilité intergénérationnelle et reproductibilité

environnementale) est remis en cause et les stratégies d’acteurs

évoluent en conséquence. Aujourd’hui l’agriculture productiviste et

spécialisée montre pleinement ses limites et ses effets négatifs :

concentration foncière, surproduction, dégradation des ressources,

émissions de gaz à effet de serre…48 Ce modèle désormais en crise et les

exploitants agricoles ont du mal à trouver leur place : ils ne sont plus les

uniques garants de l’usage de la terre et doivent jouer non sur la

production mais sur la compétitivité. D’autres part, les nouvelles

46 Françoise Jarrige, Anne-Marie Jouve, Claude Napoleone, « Et si le capitalisme patrimonial foncier changeait nos paysages quotidiens ? » 47 Landais E. « Agriculture durable : les fondements d’un nouveau contrat social ? »1998, Courrier de l’environnement de l’INRA, 33, 5-22. 48 Pete Smith, « Comment l’agriculture peut contribuer à la lutte aux changements climatiques », rapport réalisé pour le compte de GREENPEACE, www.greenpeace.org janvier 2008,

préoccupations environnementales les relèguent plus au rang de

pollueurs des ressources et de l’espace que d’artisans de la terre. De

nouveaux objectifs sont donc fixés à l’agriculture et parmi eux,

l’émergence d’un nouveau modèle agricole intégré à l’aménagement du

territoire puisque selon la Chambre de l’Agriculture, les espaces

agricoles forment une composante majeure des territoires.

Face à ces constats, le métier d’agriculteur prend une nouvelle

dimension. Si l’on compare le statut des agriculteurs et la posture des

propriétaires fonciers, on remarque bien vite de quel côté penche la

balance. On assiste à la perte de la prédominance sociale de l’agriculture

dans les espaces ruraux, la fragilisation du statut d’agriculteur et la

détérioration de leurs conditions de vie. Parallèlement les propriétaires

fonciers décident librement de l’usage de leur bien en fonction du

marché, des aspirations, des gains a retirer (logement, industrie,

loisirs…).

Le terrain libéré de son usage agricole devient alors une ressource qui

peut s’avérer beaucoup plus lucrative notamment dans le cadre de sa

constructibilité.

Ce phénomène est d’autant plus vrai lorsque les territoires sont soumis

à une forte pression foncière. C’est le cas dans la vallée du Grésivaudan

car plusieurs caractéristiques ont fait d’elle un espace attractif et donc

convoité. Parmi ces atouts, sa localisation, à proximité de la ville de

Grenoble mais aussi de Chambéry plus à l’ouest. Desservis par

l’autoroute A41, les bourgs de la vallée profitent d’un accès rapide et

direct à l’agglomération grenobloise ou chambérienne tout en jouissant

Page 47: mémoire Habitat Groupé Coopératif

47

de la tranquillité et du cadre de vie campagnard. Entre les massifs de la

Chartreuse et de Belledonne, le Grésivaudan bénéficie d’un cadre

paysager remarquable ce qui conforte sa position de territoire

d’exception en terme de qualité de vie.

Le Grésivaudan a longtemps été le verger, potager et grenier du

territoire grenoblois. La richesse et la variété de son sol, son exposition

favorable et la main d’œuvre abondante ont permis à la vallée de

prospérer grâce à son agriculture. Le nombre de parcelles agricoles s’est

ensuite amenuisé avec l’arrivée de l’industrie (liée à la Houille Blanche)

remplacée plus tard par les industries de primo-processeurs concentrées

sur la rive droite (Crolles, Bernin, Meylan), puis plus récemment avec la

croissance de l’urbanisation qui empiète (du fait de nouvelles stratégies

d’acteurs) sur ces terres.

Il est donc nécessaire d’avoir une position politique claire au sujet du

devenir des espaces agricoles pour éviter non seulement une

défiguration des territoires semi-ruraux49 mais aussi une perte de leur

identité. La préservation des espaces verts et agricoles est en effet un

gage de qualité du cadre de vie et un moyen de limiter la « tâche

urbaine », elle assure donc un maintien de la qualité de vie que les

habitants sont venus chercher dans ces espaces.

Mais le principal instrument de la maîtrise du foncier reste la

densification du bâti. Face à une forte demande d’urbanisation, il est

devenu nécessaire pour les communes de pratiquer une densification

douce sur leur territoire. Ramener le contour des zones constructibles au

49 Au sens d’entre d’eux : entre ville et campagne

plus près des limites bâties, construire dans les dents creuses mais

surtout construire plus de logements sur moins d’espace.

Ces choix sont d’autant plus stratégiques que la région urbaine

grenobloise révise depuis 2008 son Schéma Directeur pour le

transformer courant 2010 en Schéma de Cohérence Territoire (SCOT).

Celui-ci prévoit un renforcement de la lutte contre l’étalement urbain en

mettant un point d’honneur sur la densification de l’agglomération et en

restreignant le nombre de construction dans les secteurs périurbains.

Sur la vallée du Grésivaudan le futur SCOT prévoit la construction de

300 logements par an pour un ensemble de 49 communes (Syndicat

Mixte du Pays du Grésivaudan).

Si l’on fait un rapide calcul, cela voudrait dire environ 6 permis de

construire par commune et par an. Un chiffre ridicule sachant que la ville

de Crolles construits à elle seule une centaine de logements par an50.

Malgré une démographie qui globalement stagne, la décohabitation des

ménages (divorces, départs des enfants…) provoque une hausse de la

demande de logements. Bien sûr les communes devront s’accorder sur

le nombre de permis de construire de chacune considérant qu’elles n’ont

ni la même taille, ni la même croissance démographique, ni les mêmes

aspirations (accueillir plus de population, stabiliser ou freiner le nombre

de nouveaux habitants en fonction de la réserve foncière ou selon des

équipements existants).

50 www.ville-crolles.fr

Page 48: mémoire Habitat Groupé Coopératif

48

Les communes qui souhaitent poursuivre leur développement doivent

donc opter pour des solutions en accord avec ces principes. D’une part

parce qu’ils sont réglementaires, d’autres part parce qu’ils montrent la

voie d’une urbanisation plus rationnelle et plus durable, voie dans

laquelle il est aujourd’hui très conseillée voir nécessaire de s’orienter.

L’habitat groupé coopératif, qui apparaît désormais très clairement

comme une solution pertinente dans ce contexte, doit être saisi par les

collectivités pour devenir un modèle d’habitat plus courant

2.2 Orienter le développement et mobiliser les outils à

disposition

Le PLU est le premier outil dont les communes peuvent se saisir. Parmi

les éléments constitutifs de ce document, le Projet d’Aménagement et

de Développement Durable (annexe 6) est un document d’engagement

politique qui fait clairement apparaître les intentions de la commune en

matière d’aménagement et d’urbanisme, en fonction du type de

développement et de forme urbaine qu’elle souhaite voir émerger sur

son territoire. Pour mettre en œuvre ses intentions, les orientations

d’aménagement (annexe 7) constituent un volet très intéressant pour

donner une orientation spécifique au développement de la commune.

Source : Certu

Il s’agit de véritables micro-projets dans des périmètres précis et

stratégiques, parce qu’ils représentent des zones stratégiques (entrée

de bourg, seule extension urbaine possible…). Proposer une orientation

d’aménagement évite de laisser à l’urbanisation privée le loisir de

s’implanter comme elle le souhaite (sans forcément se soucier de la

trame urbaine existante) et permet à la collectivité de traiter la question

urbaine dans sa dimension esthétique. C’est aussi une manière de

contrer la tendance à la standardisation des promoteurs en imposant un

certain nombre de principes à respecter : préservation des éléments

paysagers, de l’aménagement des voiries, de l’implantation des

bâtiments…

Ainsi les personnes déposant un permis de construire dans ces

périmètres doivent proposer des projets en compatibilité avec ces

orientations d’aménagement. C’est donc une manière souple mais

efficace d’imposer un état d’esprit et de contrôler l’urbanisation du

territoire.

PADD se traduit par

Des orientations d’aménagement

Un zonage et un règlement (sur toute la commune)

Page 49: mémoire Habitat Groupé Coopératif

49

A Saint Nazaire les Eymes, la municipalité s’est saisie de cet instrument

pour empêcher la construction d’un lotissement « tablette de chocolat »

sur une zone ouverte à l’urbanisation. L’objectif était d’intégrer au mieux

un nouvel ensemble d’habitat au reste du bourg. La réflexion a été

menée en termes de volumétrie et d’implantation des bâtiments (à

l’alignement de la voirie), de préservation d’éléments paysagers

existants, et traitement des espaces publics pour créer des connexions

avec les autres hameaux de Saint Nazaire les Eymes. Au final, le projet

s’intègre mieux au bâti existant que ne l’aurait fait un lotissement

traditionnel et rappelle même la morphologie du centre-bourg (village-

rue et place centrale) grâce à l’alignement des bâtiments à la voirie et

au traitement réfléchi des espaces publics.

Mais ces orientations d’aménagement peuvent tout aussi bien indiquer

une certaine typologie d’habitat à respecter tel que des logements de

type individuel, jumelé, intermédiaire ou collectif. Si une commune

désire favoriser des projets d’habitat groupé, elle peut stipuler à travers

les orientations d’aménagement de son PLU une typologie à respecter ou

une certaine densité sur le parcellaire. Le poids des collectivités pèse

fortement dans le développement des différents types d’habitat d’un

territoire. La commune peut par des mesures incitatives ou restrictives,

favoriser telle ou telle forme urbaine.

Au début des années 90, Grégoire Feyt, enseignant chercheur à l’Institut

de Géographie Alpine de Grenoble, décide avec six autres familles de

monter un projet d’habitat groupé coopératif. Il s’agit pour eux de ne

pas reproduire le modèle traditionnel de la maison individuelle car ce

mode de vie ne les intéresse pas (ou plus), ils souhaitent expérimenter

une autre manière d’habiter. A cette époque une colonie de vacances est

à vendre sur la commune de Biviers (vallée du Grésivaudan). Ils

décident donc de présenter leur projet sans trop y croire, les promoteurs

immobiliers prenant généralement le pas sur les particuliers. Ironie du

sort, cette colonie de vacances n’appartient pas à la commune de Biviers

mais à la commune d’Echirolles. Celle-ci ne souhaitant pas voir le

bâtiment rasé pour laisser place à 4 ou 5 grosses villas (comme on en

voit partout à Biviers), les membres du projet obtiennent le rachat la

colonie et commencent les travaux.

Cette petite anecdote montre ici le rôle des collectivités dans la

détermination de leurs priorités concernant le type d’habitat qu’elles

souhaitent voir s’implanter sur la commune mais aussi la forme que

celle-ci prendra.

Plutôt que de laisser l’initiative aux promoteurs, les communes peuvent,

si elles ont en la volonté s’emparer d’outils pour orienter le

développement de leur commune. Encore faut-il que les équipes

municipales sachent expliquer leurs choix aux administrés qui trouvent

généralement suspect qu’elles s’immiscent dans les affaires privées.

Les communes du périurbain sont confrontées à de fortes pressions

urbaines et doivent composer avec le manque de foncier mobilisable.

Soumises à la nécessité de réguler l’offre et la demande de logement et

à des contraintes réglementaires, elles doivent forcément innover et

Page 50: mémoire Habitat Groupé Coopératif

50

faire preuve d’originalité et de pédagogie pour imposer des idées

nouvelles.

De plus, les municipalités doivent composer avec les besoins et

demandes de leurs administrés (qui constituent leur électorat) ce qui

restreint leur marge de manœuvre.

Dans ce contexte, même si l’enjeu foncier et la question du logement

sont des compétences encore communales, les communautés de

communes peuvent aussi apporter leur soutien aux communes et peser

de leur influence politique par des aides (financières et techniques) qui

permettront de dépasser les résistances locales.

2.3 Des incitations techniques et financières (novatrices)

Si l’on souhaite développer l’habitat groupé coopératif, il faut non

seulement repérer les failles du modèle (habitat groupé peu promu,

peu relayé par les pouvoirs publics, supplanté par la maison

individuelle…) mais aussi penser de nouveaux outils incitateurs. Proposer

aux ménages intéressés par l’habitat groupé coopératif un

accompagnement financier dans la conception avec le financement d’un

architecte par exemple. Cela peut être une motivation supplémentaire

pour des familles qui se lancent dans l’aventure avec la garantie d’une

meilleure qualité des constructions du point de vue esthétique,

fonctionnel, technique mais aussi un gain financier non négligeable.

Lancée en 2002 à Montréal en partenariat avec le gouvernement du

Québec, l’opération « Solidarité 5000 logements » est une bonne

illustration du type d’initiatives qui peuvent être réalisées pour

promouvoir un modèle d’habitat spécifique. Cette action visait à créer

(construction ou rénovation) 5000 logements sociaux et

communautaires sur le territoire montréalais à l’horizon 2005. L’objectif

de cette démarche est de permettre aux ménages à revenus faibles ou

modérés d’accéder, quelque soient leurs moyens et leurs besoins, au

logement et de s’intégrer dans les différents quartiers de la ville

assurant ainsi une certaine mixité sociale.

Trois acteurs principaux participent au financement du projet Solidarité

5000 logements : la Société d’habitation du Québec, la Société

canadienne d’hypothèques et de logement et la Ville de Montréal. La ville

participe à hauteur de 15% du financement et alloue des aides

complémentaires aux projets, notamment par la cession de terrains

municipaux à un prix inférieur à la valeur du marché et par la prise en

charge des infrastructures requises par les projets.

L’opération vise des projets de logements gérés par des coopératives

d’habitation ou des organismes à but non lucratif (OBNL). Les

projets sont conçus par les groupes d’habitants eux-mêmes en fonction

de leurs besoins. La Ville met à leur disposition des « groupes de

ressources techniques » constitués d’architecte, d’économiste de la

construction, de bureau d’études techniques. Ces professionnels les

conseillent et les orientent en termes de viabilité financière du projet, de

capacité de gestion coopérative, de qualité architecturale… Ils assurent

également le lien entre les groupes d’habitants et les organismes

promoteurs.

Page 51: mémoire Habitat Groupé Coopératif

51

Même si le projet « solidarité 5000 logements » a montré des limites en

terme de délais et de surcoûts (principalement liés à la hausse des prix

du marché et à la décontamination des sols) l’idée de rechercher et de

mettre en œuvre de nouveaux moyens et procédés est forcément

pertinente. En proposant des terrains à prix réduits et en accompagnant

techniquement (et ce gratuitement) les groupes dans leur projet, la Ville

a actionné des leviers dépassant le procédé traditionnel de financement

de projet.

Le projet « Solidarité 5000 logements » vise les personnes seules, âgées

ou encore les familles à bas revenus, équivalant à nos logements

sociaux. Mais il propose aussi le regroupement en habitat

communautaire (très développé à Montréal), se rapprochant de notre

modèle d’habitat groupé coopératif. L’opération montre bien que les

décisions politiques peuvent promouvoir un type d’habitat spécifique

selon la volonté des protagonistes. Les solutions développées pour

arriver à l’objectif de départ (loger la population de manière convenable

en répondant à ses besoins) peuvent tout à fait être mises en œuvre

pour développer le concept d’habitat groupé coopératif dans le sens où

elles peuvent accompagner (financièrement et techniquement) et

encadrer les groupes d’habitants dans leur projet.

3. Le rôle des professionnels ou comment construire l’urbanisme durable

3.1 Proposer le territoire de demain

Un des acteurs importants dans le développement de l’habitat groupé

coopératif reste bien sûr l’urbaniste, aménageur du territoire. En effet,

c’est lui qui par sa réflexion et ses projets est en mesure de moduler le

territoire de demain, du moins d’en donner les principales orientations.

Le développement du rôle des structures de conseil, notamment les

CAUE, apporte aux collectivités locales assistance et conseil dans ce

domaine de compétence. Ces structures les accompagnent dans leur

démarche architecturale et urbaine en renforçant leur compétence

environnementale.

Ces professionnels se mettent au service des collectivités : ils ont la

possibilité d’influencer les élus en proposant une nouvelle manière

d’urbaniser l’espace. Prenons pour exemple la nouvelle génération des

PLU qu’ils ont accompagnés : moins de liberté mais plus de cohérence et

de rationalité. Le passage du POS au PLU a contraint les communes à

approfondir leur approche de l’urbanisme : présenter un projet global

d’urbanisme qui résume les intentions générales de la collectivité quand

à l’évolution de son territoire. Faire le territoire de demain suppose de

réfléchir, de planifier et de proposer les meilleures orientations

stratégiques possibles pour organiser le développement du territoire.

Nouvel aspect important, le fait que ce projet global doit être en

cohérence avec les principes de développement durable.

Page 52: mémoire Habitat Groupé Coopératif

52

Cette démarche propose de nouvelles pistes de réflexion pour l’évolution

de la ville conciliant le développement économique, le respect de

l’environnement et des ressources naturelles, la satisfaction des

habitants en logements, services, équipements et déplacements.

3.2 Voir plus loin que la ville et anticiper les changements

La pensée aménagiste ne doit pas se focaliser sur la ville. Elle doit être

appliquée à d’autres territoires et notamment à l’espace périurbain. Les

travaux de François Ascher sur la nouvelle modernité de la ville,

proposent de repenser en profondeur l’espace urbain en vue des

profondes mutations de notre société. Cet urbaniste visionnaire émet

l’hypothèse d’une troisième révolution urbaine après la ville classique et

la ville industrielle. Cette « ville post-moderne » voit apparaître une

poussée de l’individualisation, une diversification des liens sociaux et

une multiplicité des espaces investis par l’urbanité. Les hommes

souhaitent concilier tous les aspects constituants leur vie quotidienne

(résidence, travail, loisirs) sans perdre de temps mais en préservant

voire en améliorant leur cadre de vie ; le développement périurbain

apporte donc une réponse à cette volonté. Face à ces évolutions,

François Ascher préconise de réinventer l’action urbanistique et

d’élaborer une stratégie par projet, par territoire plutôt que d’appliquer

partout une planification uniforme. L’urbaniste moderne doit se colleter

aux réalités du terrain, prendre en compte ses caractéristiques

économiques, physiques et humaines pour le recomposer ou

accompagner son développement.

La réflexion urbanistique et aménagiste peut être par conséquent un

levier dans le développement d’un concept innovant tel que l’habitat

groupé. Tout d’abord parce qu’elle oriente les décideurs vers ces

solutions plus durables mais aussi parce qu’elle leur donne les clés pour

mettre les en œuvre : comment construire de manière plus dense, plus

écologique, plus rationnelle.

Page 53: mémoire Habitat Groupé Coopératif

53

Conclusion

Nous avons essayé de démontrer que l’habitat groupé coopératif pouvait, par sa forme urbaine plus compacte, amener des éléments de réponse à la

problématique de l’étalement urbain et proposer une alternative au modèle dominant de l’habitat individuel.

Economie d’énergie et d’espace, resserrement des liens sociaux, avantages économiques, tous les ingrédients semblent réunis pour constituer une

bonne solution aux problématiques périurbaines. Les nombreux avantages (voisinage choisi et pas subi, économie de 20% sur le coût, efficacité de

systèmes techniques collectifs, personnalisation du logement, qualité architecturale etc.) pourraient convaincre un grand nombre de particuliers d'investir

plutôt dans un projet d'habitat groupé en autopromotion que d'acquérir un logement coûteux et standardisé proposé par un promoteur.

Mais l’habitat groupé, qui plus est coopératif, ne convainc qu’une frange infime de la population française, celle déjà persuadée de l’importance de

préserver un capital environnemental et social en danger. Notre société marquée par le renforcement de l’individualisme est confortée dans l’idée que la

maison individuelle est synonyme de réussite sociale. Elle est donc très peu sensible aux vertus de l’habitat groupé coopératif d’autant que cette forme

d’habitat est peu médiatisée. Ce concept

pourtant adapté aux enjeux sociaux, économiques et environnementaux apparaît comme à contre courant de l’idéologie ambiante.

Mais la société évolue toujours par nécessité, en proie à des changements et des contraintes imposées. Quand les énergies naturelles s’épuisent, on

réfléchit à la manière de les substituer. Quand l’espace constructible vient à manquer on pense verticalement la densité. Dans le cadre du développement

de l’habitat groupé coopératif en milieu périurbain il faut donc plus compter sur les avantages techniques et financiers de ce type de projet que sur

l’initiative privée.

Page 54: mémoire Habitat Groupé Coopératif

54

Les élus peuvent également trouver avantage à ce mode d’habiter pour les aider à résoudre l’équation impossible de l’augmentation de la demande et la

raréfaction des ressources foncières. Sous la diligente influence des CAUE et de quelques urbanistes inspirés ils peuvent à la fois faire évoluer les

règlements et promouvoir à titre expérimental des projets novateurs. Il est probable qu’ils seront aider en cela par la prise de conscience

environnementale de nos concitoyens.

Prenons par exemple la problématique du vieillissement des personnes. Nous avons aujourd’hui en France des listes d’attente allant jusqu’à plusieurs

années pour l’entrée en maison de retraite. Ces maisons accueillent prioritairement des personnes en perte d’autonomie avérée ou en fin de vie, mais

peu de structures existent pour les personnes âgées qui peuvent encore rester chez elles en bénéficiant de soins mais qui souffrent d’isolement. La

plupart d’entre elles souhaitent rester à domicile mais l’éloignement des services les contraint à regagner la ville.

Au moment de la retraite le choix de l’habitat groupé peut être une solution pour permettre aux personnes de se rassembler, de ne pas subir l’isolement

et au contraire maintenir des liens sociaux.

Si des solutions de ce type sont mises en place, les avantages qui en résulteront dépasseront les blocages idéologiques et l’habitat groupé coopératif

trouvera sa place comme un mode d’habiter à part entière touchant certainement de nouveaux publics.

Page 55: mémoire Habitat Groupé Coopératif

55

Bibliographie Ouvrages

• Martin VANIER, « Métropololisation et tiers-espace »

• R. BRUNET, R. FERRAS, H. THERY , « Les mots de la géographie, dictionnaire critique », Edition Reclus, la documentation française, collection

Dynamique du territoire, 2005

• Colloque de Guise du 21/05/88, « JBA Godin et le Familistère à l’épreuve de l’histoire », Presses Universitaires de Reims, 1989

• Christian GRANGE, « Habitat groupé, écologie, participation, convivialité » Terre Vivante, octobre 2008

• Nicolas BERNARD, Thomas LEMAIGRE, « Le logement déménage », la Revue Nouvelle, n°2 Février 2008

• E. ROUX et M. VANIER, « La périurbanisation : problématiques et prospectives », La Documentation française, DIACT, 2008, 87 p.

• Yves CHALAS, « La ville émergente » (en coll. avec Geneviève Dubois-Taine), préface de Gabriel Dupuy, postface d'Olivier Piron, Éditions de

l'Aube, 1997, 281 p.

• Hubert CUKROWICZ, « Choisir ses voisins », revue de sociologie française, n°34, 1993 pp 367-393

• Eric MAURIN, « Le ghetto français - enquête sur le séparatisme social », Seuil République des Idées, 2004,

• Pôle Concevoir, construire, habiter « Habitat pluriel : densité, urbanité, intimité », PUCA, février 2005

Articles

• Guillaume ERNER, « La maison individuelle au cœur de la renaissance des territoires » étude réalisée pour l’UNICMI (Union National des

Constructeurs de Maison Individuelle), 2006

• François MANCEBO, « Accompagner les turbulences : une périurbanisation durable », Annales de la recherche urbaine. (FRA).N° 102, juil. 2007.-

pp. 51-57

• Laurent MATTHEY, « Mixité sociale. Comment opérer la justice spatiale ? » avril 2009, laboratoire du droit à la ville

• Yves SINTOMER, Mixité sociale et lutte pour l’égalité, MOUVEMENTS N°15/16 mai-juin-juillet-août 2001

• Oliver MORLET, « Marché du logement et ségrégation spatiale en région parisienne », Etudes foncières n°85, 2000

• Lionel ROUGE, « Les petits budgets du périurbain », Etudes foncières n°128, juillet-août 2007

Page 56: mémoire Habitat Groupé Coopératif

56

• Françoise Jarrige, Anne-Marie Jouve, Claude Napoleone, « Et si le capitalisme patrimonial foncier changeait nos paysages quotidiens ? »

• Hélène VAILLE, « Sociologues, psychologues : bataille autour de la famille », Sciences humaines, N° 156 - Janvier 2005

• E. LANDAIS « Agriculture durable : les fondements d’un nouveau contrat social ? »1998, Courrier de l’environnement de l’INRA, 33, 5-22.

Sites internet

• Sondage Ipsos « L’accession à la propriété reste un objectif pour la majorité des Français » 30 janvier 2009 www.ipsos.fr

• Anne, FARTHOUAT , « L’habitat groupé séduit à nouveau les français », avril 2009 www.novethic.fr média expert en développement durable.

• Eric CHARMES, « Pour une approche critique de la mixité sociale. Redistribuer les populations ou les ressources ? » www.laviedesidees.fr

• Lionel ROUGE, "Inégale mobilité et urbanité par défaut des périurbains modestes toulousains", Textuel, 25 avril 2007,

http://espacestemps.net/document2237.html

• Lionel ENGRAND, « Maison individuelle, point de vue d’un architecte » http://www.groupesocialistegrandlyon.org

• Guillaume EVIN « Qui voudra des maisons « Boutin » à 15 euros par jour? » - 15/04/2008 - www.expansion.com

• Pete SMITH, « Comment l’agriculture peut contribuer à la lutte aux changements climatiques », rapport réalisé pour le compte de GREENPEACE,

www.greenpeace.org janvier 2008

• www.borloo-de-robien.com

• http://www.logement.gouv.fr

• www.toitsdechoix.com

• www.fermedebuzet.over-blog.com

• www.hg-rennes.org

• www.intergeneraction.net

• http://boisdelterre.blogspot.com/

• www.statistiques.equipement.gouv.fr

• www.ville-crolles.fr

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Annexes

Liste des annexes :

Annexe 1 : la maison à 100.000 de Jean-Louis BORLOO

Annexe 2 : la maison à 15 euros par jour de Christine BOUTIN

Annexe 3 : le projet « IntergenerAction » à Colmar

Annexe 4 : le projet « Bien vieillir en habitat groupé » des Habiles

Annexe 5 : cadre d'intervention visant à une meilleure maîtrise du foncier, SMPG

Annexe 6 : fiche technique PADD, CERTU

Annexe 7 : fiche technique orientations d’aménagement, CERTU

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Annexe 1 : La maison A 100.000 EUROS

Le dispositif de la maison à 100 000 euros, en vigueur depuis fin 2005, a pour objectif de permettre aux ménages les plus modestes de devenir

propriétaire de leur pavillon. Tous les maires sont désormais appelés à s’approprier ce nouvel outil pour développer dans leur commune l’accession

sociale à la propriété. Les ménages pourront ainsi accéder, avec un budget limité à 100 000 euros, à une maison respectant des critères de qualité

élevés. Ces maisons vérifieront notamment des normes strictes en matière de développement durable et permettront à leurs propriétaires de réaliser des

économies d’énergie. La qualité architecturale des maisons à 100 000 euros ainsi que leur localisation et leur intégration dans le tissu urbain avoisinant

feront également l’objet d’une attention toute particulière. Les maires suceptibles de s'ouvrir à ce type de produits (détenteur de terrains constructibles)

ont été incités à se rapprocher de l'Association Française pour l'Accession à la Propriété ( AFAP) qui désormais porte le concept de Maison à 100 000

Euros.

A QUI SONT DESTINEES LES MAISONS A 100000 EUROS Le Gouvernement souhaite donner la possibilité à des ménages disposant de ressources modestes d'accéder à des maisons de qualité avec une

enveloppe autour de 100000 €. L'objectif de 100000 € est atteint en limitant l'impact de la hausse du prix du foncier, grâce à la mobilisation d'aides des

collectivités publiques et de dispositifs juridiques innovants.

MAISONS A 100000 EUROS, TOUT INCLUS ?

Les maisons à 100000 € devront être proposées à un prix « clés en mains ». Les honoraires, le coût de raccordement aux réseaux, le coût

d'aménagement de la parcelle, le montant des taxes et des redevances, ainsi que les frais d'acquisition et d'hypothèque devront ainsi être inclus dans le

prix. Les maisons devront avoir une surface habitable d'au moins 85 m², et devront être livrées « prêtes à vivre », sans finition restant à la charge de

l'acquéreur.

De par leur architecture et leur implantation, les maisons devront s'intégrer harmonieusement dans le tissu urbain avoisinant. Les maisons devront

atteindre un niveau de performance technique plus élevé que celui requis par la réglementation en vigueur. Elles seront ainsi plus performantes que la

plupart des logements actuellement construits. Les « maisons à 100000 € » devront ainsi atteindre un niveau de « très haute performance énergétique

», permettant de réduire la consommation d'énergie de 15% par rapport aux normes actuellement en vigueur. Les « maisons à 100000 € » s'inscrivent

donc dans une démarche de développement durable et d'économie d'énergie pour leurs propriétaires.

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MAISONS A 100000 EUROS, MONTAGES POSSIBLES :

Destiné à permettre à une population aux revenus modestes, locataires de logement HLM en général, d'accéder à la propriété, la charte de la "maison à

100 000 euros" prévoit trois types de montages possibles.

Pour les maisons situées dans les zones sensibles, les ménages peuvent, sous condition de ressources, bénéficier d'une subvention de l'Agence nationale

pour la rénovation urbaine (ANRU) plafonnée à 10 000 euros, d'un prêt à taux zéro (PTZ) et d'une TVA réduite à 5,5 % (l'équivalent de 15 000 euros).

Dans les zones hors ANRU, les futurs acquéreurs peuvent déposer un dossier de prêt social location-accession (PSLA) et de bénéficier de la TVA à 5,5 %.

La troisième voie consiste à utiliser le Pass foncier. Ce dispositif, entré en vigueur le 1er janvier 2007 et signé entre l'Etat, le 1 % logement et la Caisse

des dépôts et consignations (CDC), permet d'acquérir sa résidence en deux temps, en séparant l'achat de la maison de celui du foncier. L'acquéreur peut

ainsi rembourser en priorité la maison (sur vingt-cinq ans au maximum) avant d'entamer le paiement du terrain. En cas de difficultés, il pourra encore

devenir locataire du terrain pendant quinze ans. Le Pass-Foncier devrait concerner 20 000 ménages par an de 2007 à 2010.

GUIDE DE LA MAISON A 100000 EUROS

Le guide de montage d'une opération « maisons à 100 000 € », édité par l'AFAP (Association Française pour l'Accession Populaire à la Propriété) sous

l'égide du Ministre du logement répond aux principales interrogations des élus et techniciens souhaitant s'engager dans cet ambitieux projet. C'est un

guide méthodologique et de conseils pragmatiques.

Source : www.borloo-de-robien.com

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Annexe 2 : La maison à 15 euros par jour

La maison à 15 euros par jour en 7 questions-réponses

Qu'est-ce que le dispositif de la maison à 15 euros par jour ?

Le dispositif "ma maison pour 15 euros par jour" vise deux objectifs :

• fluidifier le marché de la location dans le parc public ou social en permettant à des familles aux revenus modestes de devenir propriétaires ; • proposer une nouvelle offre de logement pour atteindre les 500 000 logements nouveaux par an, dont les 120 000 sociaux voulus par le

président de la République.

Qui peut devenir propriétaire de la maison à 15 euros ?

Sont principalement concernés, les ménages d’au moins trois personnes dont les revenus nets sont compris entre 1 500 et 2 000 euros par mois, avec un apport personnel réduit aux frais d’acquisition et d’hypothèque.

Pour être éligibles, les ménages doivent répondre à trois critères cumulatifs :

• être primo-accédants ; • disposer de ressources inférieures aux plafonds de ressource du prêt social location-accession (PSLA) ; • bénéficier d’une aide à l’accession sociale à la propriété attribuée par une ou plusieurs collectivités locales du lieu d’implantation du logement.

Quelles sont les aides dont bénéficie l'accédant pour le financement de sa maison ?

L’accédant peut recourir à trois aides pour financer son projet :

• au nouveau prêt à 0 % et, en fonction de ses revenus, au prêt à taux 0 % majoré ; • au prêt à l’accession sociale (PAS) qui ouvre le droit à l’allocation personnalisé au logement (APL) ; • à la subvention délivrée par la commune d’implantation pour accéder au dispositif Pass-Foncier ou à une bonification de taux permettant l’octroi

d’un prêt complémentaire ne portant pas intérêt ou portant intérêt à un taux réduit par rapport aux conditions du marché.

Quelles sont les modalités du remboursement ?

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Le dispositif de la maison à 15 euros s’appuie sur le Pass-foncier qui permet de dissocier le prix du terrain de celui du bâti. Le remboursement de la maison se fera sur une durée de 18 à 25 ans et celui du terrain sur une durée de 10 à 15 ans. Le ménage bénéfice à tout moment pendant la durée du bail à construction de la possibilité de lever l’option d’achat portant sur le terrain.

Quelles sont les sécurités apportées aux familles face aux aléas de la vie ?

En cas de difficultés financières, la maison sera rachetée par le 1 % logement et la famille sera relogée.

En cas de divorce ou de déménagement avant l’achat du terrain, la famille pourra revendre son bien et récupérer son capital.

Quelles sont les caractéristiques d'une maison à 15 euros ?

La maison individuelle d’une surface minimale de 85 m² sera construite sur un terrain d’au moins 250 m². La construction devra répondre à des normes :

• de confort et de qualité, abords compris ; • de performances énergétiques ; • de bonne maîtrise de la consommation d’eau ; • d’accès au très haut débit.

Le prix global d’un tel bien immobilier est évalué entre 160 000 et 185 000 euros.

Où seront construites les maisons à 15 euros par jour ?

Seules les collectivités locales qui attribuent aux primo-accédants une aide à l’accession sociale à la propriété nécessaire à l’attribution d’un Pass-foncier pourront construire la maison à 15 euros par jour. Le financement du Pass-foncier ouvre le droit à une TVA réduite à 5,5 % au lieu de 19,6 % pour les constructions neuves.

Source : http://www.logement.gouv.fr