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Médecine spécialisée et organisation des soins : les spécialistes dans l’offre de soins Séance du 23 mars 2017

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Médecine spécialisée et

organisation des soins : les

spécialistes dans l’offre de

soins

Séance du 23 mars 2017

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Table des matières I. Un cadre législatif en devenir, une régulation limitée dans ses objectifs et ses effets .................. 3

1- Médecine spécialisée et niveaux de recours : quelques éléments de définition ....................... 4

2- Les missions des médecins spécialistes dans l’organisation des soins n’ont été que très

récemment définies ............................................................................................................................ 8

3- Une régulation des parcours par l’assurance maladie à visée essentiellement économique .. 10

II. Organisation et place du spécialiste dans l’offre de soins ............................................................ 17

1- La place de la médecine spécialisée évolue en fonction des ressources disponibles et des

stratégies professionnelles ................................................................................................................ 17

2- L’offre de médecine spécialisée, entre autorégulation et planification ................................... 19

3- Les évolutions en cours, touchant la démographie des professionnels comme leurs conditions

d’exercice, vont modifier les conditions de recours à l’offre spécialisée ......................................... 22

4- Des leviers d’action peuvent être activés pour faciliter l’adaptation du système de soins à des

configurations de ressource hétérogènes ......................................................................................... 26

III. Les patients dans les processus de soins impliquant les spécialistes ....................................... 36

1- La simplification de la procédure ALD devrait améliorer la prise en charge financière des

patients concernés ............................................................................................................................ 36

2- L’information des patients sur les modalités de leur prise en charge est insuffisante ............. 38

Annexe 1 : Les missions du médecin traitant et du médecin correspondant dans les conventions

médicales de 2011 et 2016 ................................................................................................................... 42

Annexe 2 : Exemples de schémas de parcours de soins produits par la Haute autorité de santé........ 45

Annexe 3 : Parcours de soins et prise en charge par l’assurance maladie : les affections de longue

durée ..................................................................................................................................................... 48

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La présente note n’ignore pas qu’aux termes de la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 la

médecine générale est une spécialité à part entière et une discipline universitaire. Toutefois, par

souci de simplicité du propos, les notions de spécialiste et de spécialité renverront dans les

développements ci-après aux autres disciplines médicales.

I. Un cadre législatif en devenir, une régulation limitée dans ses

objectifs et ses effets

La construction et l’institutionnalisation des spécialités et spécialistes médicaux en tant que

profession se sont faits historiquement par un processus motivé par des raisons scientifiques et

économiques et permis par le développement des techniques, la constitution de connaissances

spécifiques sur un domaine particulier ou la prise en charge de populations spécifiques1. La

dynamique de la spécialisation conduit au développement d’une ressource différenciée (en savoirs et

savoir-faire) et coûteuse (investissement dans la formation et les équipements). Son développement

selon les techniques, les maladies et les organes permet un accroissement de la puissance

diagnostique et thérapeutique mais comme l’expriment les débats récurrents propres à la profession

médicale, la spécialisation crée en miroir un besoin de coordination et de mise en cohérence pour la

prise en charge de chaque personne tout au long de sa vie.

Avec le développement des assurances sociales et des financements solidaires en santé, les pouvoirs

publics se sont légitimement préoccupés de rationaliser l’utilisation des ressources spécialisées pour

répondre aux enjeux financiers posés au système, mais aussi aux enjeux d’égalité d’accès, de qualité

et de sécurité des prises en charge.

Ils ont mobilisé les concepts de niveaux de recours, de gradation des soins et de parcours, pour

penser les problématiques d’organisation des relations entre professionnels de santé et pour définir

les cadres et règles régissant l’utilisation de la ressource que constitue la médecine spécialisée.

La traduction juridique de ces notions structure aujourd’hui la représentation des rôles des différents

professionnels et organise leurs relations. Elle est cependant porteuse de certaines ambiguïtés et

insuffisances quant à l’appréhension de la place, du rôle ou des missions des différentes catégories

de médecins qui témoignent d’une construction encore inachevée. Il est dès lors important dans un

premier temps de revenir sur ces notions et de tenter de les expliciter.

1 Voir note « La fabrique des spécialistes » présentée lors de la séance du HCAAM du 15 décembre 2016

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1- Médecine spécialisée et niveaux de recours : quelques éléments de

définition

a) La notion de niveaux de recours

Dans les textes français, la notion de niveaux de recours renvoie à une logique d’organisation fondée

sur une utilisation appropriée des équipements et des ressources humaines par les patients, selon les

soins que nécessite leur situation. Cette logique d’organisation territoriale et populationnelle est à

l’œuvre depuis de nombreuses années en France pour les équipements et services hospitaliers. La

carte sanitaire, puis les schémas régionaux d’organisation des soins et les schémas d’organisation

nationale (pour la chirurgie cardiaque et les grands brulés par exemple) témoignent de la mise en

place progressive en France depuis les années 1970 de ces principes d’organisation.

Certains pays comme les Pays Bas en 19412 et le Royaume-Uni en 1947 ont installé précocement ces

principes d’organisation sur l’ensemble de la chaîne de soins en confiant un rôle spécifique à la

médecine de famille. L’OMS a défini ces principes d’organisation en 19783 avec l’acception large de

soins de santé primaires qui recouvrent aussi bien les mesures publiques visant l’amélioration de la

santé (hygiène, éducation, alimentation) que la prévention, la protection maternelle et infantile,

l’accès aux soins pour tous, l’instauration d’une couverture maladie universelle. Une acception plus

restreinte des soins primaires4 est présente dans la littérature anglo-saxonne et distingue deux ou

trois niveaux de prise en charge, définis en fonction des besoins de soins nécessaires : un premier

niveau, relevant en particulier de la médecine générale, prenant en charge les soins courants, la

prévention, le repérage et l’orientation des problèmes aigus et le suivi au long cours des problèmes

chroniques ; un deuxième niveau où intervient la médecine spécialisée requérant une expertise

approfondie sur un champ plus étroit que ne peut pas prendre en charge le premier niveau et

éventuellement un troisième niveau pour les soins nécessitant un plateau technique important ou le

recours à la médecine de pointe. Ce dernier niveau est nécessairement hospitalier. Dans un schéma

d’organisation du système de soins en niveaux de recours, l’accès aux soins de deuxième et troisième

niveaux (voir leur prise en charge financière) est subsidiaire au premier niveau : ce dernier a

généralement un rôle de prévention, de suivi, de prise en charge de la plupart des demandes de soin,

de filtre et d’orientation. On définit généralement les soins primaires par les fonctions d’accessibilité,

de continuité, de globalité de la prise en charge et de coordination. Il en découle une organisation

territoriale permettant aux patients un accès de proximité au premier niveau pour tous, les services

des autres niveaux plus spécialisés pouvant eux être concentrés dans des pôles à différents échelons

territoriaux.

2 Mise en place du Gate Keeping, c’est-à-dire de la consultation préalable auprès du médecin généraliste pour

le recours aux soins spécialisés principalement hospitaliers. 3 http://www.who.int/topics/primary_health_care/alma_ata_declaration/fr/

4 Trois modèles types d’organisation des soins primaires en Europe, au Canada, en Australie et en Nouvelle-

Zélande – Questions d’économie de la santé n° 141. http://www.irdes.fr/recherche/2009/questions-d-economie-de-la-sante.html#n141

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La médecine spécialisée, dans une logique stricte d’organisation en niveaux de recours, relèverait du

deuxième et du troisième niveau.

Au-delà des principes généraux de l’organisation en niveaux de recours, la définition même des

niveaux de recours et de leur contenu est évolutive5. En fonction des pays, mais aussi au sein de

chaque pays au fil du temps et de l’évolution des technologies, les conceptions et les approches

retenues varient.

Les frontières entre premier et deuxième niveau ne sont pas stables dans le temps, notamment en

raison du développement des capacités de prises en charge ambulatoires et à domicile de patients

jusqu’alors traditionnellement pris en charge par le deuxième niveau (spécialistes en établissement).

Les médecins généralistes intervenant dans le niveau de prise en charge primaire peuvent être

amenés à donner des soins qui étaient auparavant (ou sont dans d’autres pays) considérés comme

relevant de soins spécialisés de second niveau. Plus généralement, les progrès techniques, l’évolution

de la demande de soins, avec la chronicisation des maladies, requiert plus fréquemment et permet

des interventions spécialisées au domicile et en ambulatoire.

Le périmètre des différents niveaux de soins n’est donc pas stable, la définition de leur contenu en

soins ne l’est pas plus.

b) Les niveaux de recours dans le contexte français

La notion de niveaux de recours est utilisée en France dans la conception et la mise en place des

politiques de prise en charge sanitaire. C’est le cas par exemple dans certains plans de santé

publique. Ainsi, le plan obésité définit-il une gradation des soins, avec un premier niveau de recours

correspondant aux fonctions prévues par la loi n°2009-879 du 21 juillet 2009 Hôpital Patients Santé

Territoires dite HPST (entrée dans le système de santé : diagnostic, orientation, traitement ; suivi des

patients et coordination du parcours ; relai des politiques de santé publique : prévention, dépistage,

éducation à la santé), un second niveau correspondant à des soins ambulatoires spécialisés ou

hospitaliers infra régionaux et un troisième niveau assuré par des centres spécialisés au niveau

suprarégional ou national. Le plan cancer utilise les notions d’équipe de premier recours, impliquant

le médecin traitant, et d’équipe de cancérologie et distingue des centres spécialisés de proximité et

des centres de « recours » intégrant des techniques hautement spécialisées.

La notion de niveaux de recours apparaît avec HPST. L’ambition est alors de modifier les principes de

l’organisation des soins pour mieux répondre aux besoins de la population et notamment rendre

accessibles des soins sûrs et de qualité. Cette réforme s’appuie sur le constat que « Les outils de

5 Voir Atun R (2004) What are the advantages and disadvantages of restructuring a health care system to be more focused on primary care services? Copenhagen, WHO Regional Office for Europe (Health Evidence Network report; http://www.euro.who.int/document/e82997.pdf, accessed 20 January 2004)

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régulation de l’offre de soins dont disposent aujourd’hui les pouvoirs publics ne sont plus adaptés aux

besoins de santé des Français. En effet, ces outils sont ainsi faits qu’ils ne permettent d’organiser

l’offre de soins que de façon compartimentée entre différents secteurs d’activité : l’hôpital, les soins

de ville, la santé publique et le secteur médico-social. Or ce cloisonnement est sans cohérence avec les

besoins de la population et le parcours de soins du patient, et ne permet pas d’optimiser l’utilisation

de ressources médicales de plus en plus rares. »6.

Cette nouvelle conception de l’organisation de l’offre de soins aboutit à l’article L 1411-11 du code

de la santé publique qui définit ainsi les soins de premier recours :

« L'accès aux soins de premier recours, ainsi que la prise en charge continue des malades, sont définis

dans le respect des exigences de proximité, qui s'apprécie en termes de distance et de temps de

parcours, de qualité et de sécurité. Ils sont organisés par l'agence régionale de santé conformément

au schéma régional de santé prévu à l'article L. 1434-2. Ces soins comprennent :

1° La prévention, le dépistage, le diagnostic, le traitement et le suivi des patients ;

2° La dispensation et l'administration des médicaments, produits et dispositifs médicaux, ainsi que le

conseil pharmaceutique ;

3° L'orientation dans le système de soins et le secteur médico-social ;

4° L'éducation pour la santé.

Les professionnels de santé, dont les médecins traitants cités à l'article L. 162-5-3 du code de la

sécurité sociale, ainsi que les centres de santé concourent à l'offre de soins de premier recours en

collaboration et, le cas échéant, dans le cadre de coopérations organisées avec les établissements et

services de santé, sociaux et médico-sociaux. ».

On peut déduire de la définition du premier recours que les médecins traitants et les centres de

santé ont vocation à en faire partie, ainsi que, selon le rapport de l’Assemblée nationale relatif à la loi

HPST, d’autres professionnels de santé de proximité : « L’offre de soins de premier recours ainsi

définie est assurée non seulement par les médecins généralistes, mais aussi par d’autres professions

de santé – pharmaciens, infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes etc. –, qu’ils exercent en ville ou en

établissement, à titre libéral ou salarié. »

Cette définition très large des soins de premier recours, conçus avant tout comme des soins de

proximité et ambulatoires, ne s’accompagne pas en revanche d’une définition précise des soins de

deuxième recours. Ces derniers apparaissent en creux, comme ce qui n’appartient pas aux soins de

premier recours. L’article suivant du code de la santé publique, le L. 1411-12, aborde en effet très

brièvement les soins de deuxième recours :

6 Assemblée nationale, rapport de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales sur le projet de

loi HPST par M. Jean Marie Rolland

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« Les soins de deuxième recours, non couverts par l'offre de premier recours, sont organisés dans

les mêmes conditions que celles prévues au premier alinéa de l'article L. 1411-11. », article évoqué

plus haut et qui définit les conditions d’organisation des soins de premier recours.

La notion de soins de deuxième recours est par ailleurs utilisée dans différents articles du code de la

santé, sans pour autant être plus précise :

- Pour définir le champ d’intervention d’acteurs de soins, de régulation ou d’outils de

planification : l’organisation des soins de deuxième recours relève du projet régional de

santé, du schéma régional de santé et de la responsabilité des ARS ; le schéma régional de

santé indique, sans que cela soit opposable aux professionnels de santé libéraux, les besoins

en implantation des soins de second recours (Art. L 1434-3 CSP) ; la définition des missions

des médecins spécialistes y fait allusion ;

- Pour préciser la composition de structures d’offre de soins : par exemple la communauté

professionnelle territoriale de santé est composée de professionnels de santé regroupés, le

cas échéant, sous la forme d'une ou de plusieurs équipes de soins primaires, d'acteurs

assurant des soins de premier ou de deuxième recours (art. L 1434-12 CSP).

Les acteurs des soins de deuxième recours ne sont pas explicitement définis.

La notion de troisième recours, quant à elle, n’existe pas en tant que telle dans le code de la santé

publique, qui ne fait référence qu’à la notion de « missions de référence et de recours » dont la

coordination est confiée aux CHU dans le cadre des Groupements Hospitaliers de Territoire (GHT ;

art. L 6132-3 CSP). Les établissements partie à un GHT élaborent par ailleurs un projet médical

partagé garantissant une offre de proximité, ainsi que l'accès à une offre de référence et de recours

(art. L 6132-1 CSP).

En définitive, le législateur s’est uniquement attaché jusqu’à aujourd’hui à définir et organiser un

premier niveau de recours, aux contours larges et associé à un principe d’accessibilité. Les autres

niveaux de recours ne sont pas réellement définis autrement que par rapport à ce premier niveau,

leur contenu est implicite. A cet égard, notons que s’il est confié explicitement à la direction générale

de l’offre de soins (DGOS) du ministère de la santé la mission de définir et d’évaluer les politiques

relatives à l'accès aux soins de premier recours (art. D 1421-2 CSP), ses responsabilités à l’égard du

deuxième recours, bien qu’évidentes7, restent implicites, le terme n’étant pas utilisé dans l’article

définissant ses compétences.

7 La DGOS est en effet « responsable de la régulation de l'offre de soins, notamment des établissements de

santé. Elle assure, à cet effet, l'égal accès aux soins ainsi que la qualité et la sécurité des soins en veillant à réduire les inégalités territoriales. Elle est compétente pour toute question relative à la détermination et à

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Le positionnement de la médecine spécialisée dans cette organisation n’est pas directement abordé

par les textes relatifs aux niveaux de recours. Tout au plus retrouve-t-on le médecin traitant (qui peut

théoriquement être un spécialiste) comme acteur clairement identifié du premier recours.

Les définitions des missions des médecins spécialistes et généralistes permettent cependant de

considérer que la médecine générale se rattache au premier recours tandis que la médecine

spécialisée peut être de premier ou de deuxième recours.

2- Les missions des médecins spécialistes dans l’organisation des soins

n’ont été que très récemment définies

La définition législative précise des missions, du rôle et du positionnement des médecins spécialistes

est des plus récentes : elle date de la loi n°2016-41 du 26 janvier 2016 (Loi de modernisation de notre

système de santé).

La définition des missions du médecin spécialiste ne fait pas partie du texte initial du projet de loi de

modernisation de notre système de santé. Cette définition est introduite au cours du débat

parlementaire par la Commission des Affaires sociales du Sénat préalablement à la première lecture

du texte par cette assemblée. Notons qu’à deux modifications d’ordre rédactionnel près, cette

définition restera identique entre la première version proposée par la Commission des Affaires

sociales du Sénat et le texte final de la loi.

L’article L 4130-2 du code de la santé publique précise donc désormais les missions du médecin

spécialiste :

« Les missions du médecin spécialiste de premier ou de deuxième recours comprennent les actions

suivantes :

1° Compléter la prise en charge du patient par la réalisation d'une analyse diagnostique et

thérapeutique d'expertise, la mise en œuvre du traitement approprié ainsi que le suivi des patients,

selon des modalités propres aux compétences de chaque discipline ;

2° Contribuer à la prévention et à l'éducation pour la santé ;

3° Participer à la mission de service public de permanence des soins ;

l'emploi des ressources nécessaires à l'offre de soins, notamment en matière de ressources humaines, de régulation financière ou d'organisation territoriale. » (Article D 1421-2 CSP).

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4° Contribuer à l'accueil et à la formation des stagiaires de deuxième et troisième cycles d'études

médicales.

Le médecin spécialiste de deuxième recours peut intervenir en tant que médecin correspondant, en

lien avec le médecin généraliste, pour le suivi conjoint du patient et l'élaboration du projet de soins. Le

médecin spécialiste de premier ou de deuxième recours intervient en coopération avec les

établissements de santé et contribue à la prévention des hospitalisations inutiles ou évitables. »

Plusieurs raisons sont avancées par les rapporteurs de la Commission des Affaires sociales du Sénat

pour justifier leur amendement au texte initial8 :

- La médecine spécialisée n’était pas ou peu présente en tant que telle dans le projet initial,

centré sur la médecine de premier recours sans pour autant d’ailleurs faire référence aux

spécialistes de premier recours (définis comme ceux étant en accès direct dans le cadre des

parcours de soins) ;

- Les spécialistes libéraux ont pourtant une place importante dans l’organisation territoriale

des soins ambulatoires proposée par la loi : coordonnée avec le premier recours et l’hôpital,

leur activité constitue une alternative aux hospitalisations intempestives et non

coordonnées ;

- Il est nécessaire de développer une vision globale de l’organisation de la santé, prenant en

compte la diversité et la complémentarité des offres de soins et des modes d’exercice.

Notons que, pour les rapporteurs, les quatre missions précisées sont les « grandes » missions, et ne

sont pas exhaustives ou limitatives. Notons également que si les rapporteurs centrent leur

argumentation sur la question des spécialistes libéraux, le texte ne fait pas de différence explicite

quant aux missions selon les conditions d’exercice.

On peut remarquer que par les termes choisis (compléter, contribuer, participer), le législateur place

le médecin spécialiste en position de référent ou de correspondant. Ce texte est pensé par ses

rédacteurs comme un complément des dispositions de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 (loi

portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires), centrée sur la

médecine de premier recours, qui avait énoncé une liste (non exhaustive) des missions du médecin

généraliste de premier recours (art. L 4130-1 Code de la santé publique), lequel est notamment

chargé de coordonner les soins nécessaires à ses patients et de contribuer au suivi des maladies

chroniques en coopération avec les autres professionnels participant à la prise en charge du patient.

8 Rapport fait, au nom de la commission des affaires sociales sur le projet de loi adopté par l’Assemblée

nationale après engagement de la procédure accélérée, de modernisation de notre système de santé, par M. Alain MILON, Mmes Catherine DEROCHE et Élisabeth DOINEAU. SÉNAT, session extraordinaire de 2014-2015, enregistré à la Présidence du Sénat le 22 juillet 2015

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Article L 4130-1 CSP : les missions du médecin généraliste (loi HPST)

« Les missions du médecin généraliste de premier recours sont notamment les suivantes :

1° Contribuer à l'offre de soins ambulatoire, en assurant pour ses patients la prévention, le dépistage,

le diagnostic, le traitement et le suivi des maladies ainsi que l'éducation pour la santé. Cette mission

peut s'exercer dans les établissements de santé ou médico-sociaux ;

2° Orienter ses patients, selon leurs besoins, dans le système de soins et le secteur médico-social ;

3° S'assurer de la coordination des soins nécessaire à ses patients ;

4° Veiller à l'application individualisée des protocoles et recommandations pour les affections

nécessitant des soins prolongés et contribuer au suivi des maladies chroniques, en coopération avec

les autres professionnels qui participent à la prise en charge du patient ;

5° S'assurer de la synthèse des informations transmises par les différents professionnels de santé ;

5° bis Administrer et coordonner les soins visant à soulager la douleur. En cas de nécessité, le médecin

traitant assure le lien avec les structures spécialisées dans la prise en charge de la douleur9 ;

6° Contribuer aux actions de prévention et de dépistage ;

7° Participer à la mission de service public de permanence des soins dans les conditions fixées à

l'article L. 6314-1 ;

8° Contribuer à l'accueil et à la formation des stagiaires de deuxième et troisième cycles d'études

médicales. »

3- Une régulation des parcours par l’assurance maladie à visée

essentiellement économique

a) Le cadre légal et conventionnel vise à inciter à des parcours de soins coordonnés

Le parcours de soins coordonné a été mis en place par la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance

maladie et fait l’objet de mesures spécifiques dans le cadre du droit conventionnel de l’assurance

maladie. Il consiste, dans un objectif de rationalisation des soins, à favoriser le passage par une

prescription d’un médecin traitant pour le recours à des actes ou des consultations d’autres

professionnels de santé, et notamment pour l’accès aux consultations de spécialistes10.

Ce dispositif a été confirmé par la dernière convention nationale organisant les rapports entre les

médecins libéraux et l’Assurance maladie signée le 25 août 2016. Cette convention, sans modifier les

principes généraux de ce dispositif, en a modifié certaines modalités de mise en œuvre dans le but

d’améliorer la structuration des parcours.

9 Ce point est ajouté par la loi de modernisation de notre système de santé.

10 Il fait suite au dispositif de médecin référent instauré en 1998.

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Le médecin traitant, choisi par l’assuré, peut être un médecin généraliste ou un spécialiste, un

médecin hospitalier, un médecin salarié d’un centre de santé11.

Dans le cadre du parcours de soins, et selon les besoins, le médecin traitant oriente son patient vers

les différents professionnels, et en particulier les médecins dits « correspondants ».

L’accès à ces spécialistes hors adressage du médecin traitant a pour conséquence une moins bonne

prise en charge des dépenses de l’assuré par l’Assurance maladie. Ainsi, l’accès à un spécialiste hors

parcours de soins n’est ni interdit, ni impossible, il est simplement plus coûteux pour l’assuré :

- Le taux de prise en charge par l’Assurance maladie passe de 70% à 60% ;

- Les médecins spécialistes conventionnés, pratiquant les tarifs opposables, consultés hors

parcours de soins sont autorisés à pratiquer des dépassements12.

Il existe un certain nombre d’exceptions à ce principe qui permettent une prise en charge normale de

la dépense sans qu’il y ait eu consultation préalable du médecin traitant dans certaines situations

précises, notamment l’urgence13. En dehors de ces cas particuliers et ponctuels, n’est pas soumise à

une moins bonne prise en charge, sous réserve d’avoir tout de même déclaré un médecin traitant, la

consultation directe14 :

d’un gynécologue, pour les examens cliniques gynécologiques périodiques, y compris les

actes de dépistage, la prescription et le suivi d'une contraception, le suivi d'une grossesse,

l'IVG ;

d’un ophtalmologue, pour la prescription et le renouvellement de verres correcteurs, les

actes de dépistage et de suivi du glaucome et de la DMLA ;

d’un psychiatre ou un neuropsychiatre, pour les patients âgés de moins de 26 ans ;

d’un stomatologue, pour certains actes bucco-dentaires thérapeutiques ou radiographiques.

11

Si la prescription de certains médicaments peut être réservée à certaines spécialités, le médecin spécialiste peut prescrire les médicaments prescrits par les médecins généralistes. 12 Ces dépassements sont plafonnés de sorte que le montant facturé n’excède pas de plus de 17,5% la valeur

des tarifs applicables dans le parcours de soins coordonnés, il existe un mécanisme d’encadrement global de ces dépassements par praticien (art 37-1 de la convention). 13

Divers cas sont prévus, outre les situations d’urgence et de déplacement, notamment pour les consultations qui s’inscrivent dans un protocole de soins ou les consultations d’un remplaçant du médecin traitant ainsi que pour certains actes (dépistage du cancer du sein dans le cadre de campagnes nationales, IVG, soins palliatifs par exemple). 14

Article 17 de la convention nationale organisant les relations entre les médecins libéraux et l’Assurance maladie du 25 août 2016.

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Par ailleurs, alors que sous le régime de la convention précédente, les enfants de moins de 16 ans

n’étaient pas soumis au parcours de soins, la nouvelle convention organise, conformément aux

dispositions de la loi de modernisation de notre système de santé15, leur inclusion dans ce dispositif.

Enfin, dans le cas d’une prise en charge dite itérative (voir infra), l’accès aux médecins spécialistes

sans pénalisation financière du patient, dans les conditions prévues par le protocole de soins rédigé

par le médecin traitant, est possible sans adressage supplémentaire de la part du médecin traitant.

Rôles et missions des médecins correspondants et des médecins traitants (voir annexe)

La nouvelle convention a précisé le rôle et les missions du médecin correspondant. Ainsi, l’article 16

de la convention dispose : « Intervenant en coordination en lien avec le médecin traitant, le médecin

correspondant permet l’accès aux soins de second recours. ». De plus, la définition de ses missions a

légèrement évolué. Sa contribution à la protocolisation des soins en 2011 était limitée aux prises en

charge des ALD ; en 2016, il intervient « en lien avec le médecin traitant sur le suivi du patient et

l’élaboration du projet de soins le cas échéant ». S’ajoutent par ailleurs deux nouvelles missions :

participer à la prévention et à l’éducation pour la santé et « intervenir en coopération avec les

établissements de santé et contribuer à la prévention des hospitalisations inutiles ou évitables ». Au-

delà de ces changements, le rôle du médecin correspondant est de répondre aux demandes des

médecins traitants : il doit répondre à leurs sollicitations, recevoir les patients qu’ils lui adressent,

intervenir en lien avec les médecins traitants sur le suivi des patients, informer les médecins

traitants.

Le médecin traitant a lui pour rôle d’assurer le premier niveau de recours aux soins ; il participe à la

prévention, au dépistage, au diagnostic, au traitement et au suivi des maladies. Il a en outre une

fonction de coordination affirmée : il oriente le patient, il recueille et synthétise les informations

provenant des différents professionnels impliqués dans la prise en charge et les intègre dans un

dossier médical, il informe les patients. Enfin, c’est le médecin traitant qui rédige le protocole de

soins « en tenant compte des propositions du ou des médecins correspondants participant à la prise

en charge du malade ».

Notons que le code de déontologie médicale dans sa version actualisée en août 201616 rappelle

également les devoirs des médecins traitants et consultants.

Les modalités de coopération entre médecin traitant et médecin correspondant

Il existe deux modalités de coopération dans le cadre du parcours de soins (art. 18-1 de la

convention) :

15

Article 76 de la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé. 16

https://www.conseil-national.medecin.fr/sites/default/files/codedeont.pdf

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- Le cas où le médecin correspondant a un rôle de consultant auprès du médecin traitant :

dans cette hypothèse, il n’y a pas de soins continus mais un avis ponctuel, le médecin traitant

ayant la charge, sauf urgence ou cas particuliers, de faire les prescriptions et d’en surveiller

l’application ;

- Le cas où le médecin correspondant procède à des soins itératifs. Dans cette hypothèse, le

patient accède au médecin correspondant directement sans repasser par son médecin

traitant. En revanche, les soins prodigués doivent l’être dans le cadre d’un plan de soins

prédéfini entre les deux médecins prévoyant leur périodicité et leur contenu ou selon un

protocole d’ALD. Notons, qu’en dehors du protocole ALD, il n’est pas possible de mesurer

aujourd’hui la réalité de la réalisation des plans de soins prévus et encore moins de disposer

d’éléments sur de leurs niveaux de formalisation.

Sont également prévus deux cas particuliers :

- La possibilité pour un médecin traitant (spécialiste) d’orienter son patient vers un médecin

généraliste pour une intervention ponctuelle ou itérative (plan de soins) ;

- L’éventualité de la nécessité de séquences de soins impliquant l’intervention de plusieurs

médecins correspondants. Dans cette hypothèse, l’orientation doit être faite en concertation

avec le médecin traitant mais ne nécessite pas que le patient repasse par ce dernier.

La convention prévoit également des mesures financières incitatives à la coordination des soins :

- Le médecin traitant bénéficie d’un forfait patientèle médecin traitant (FPMT) indexé sur les

caractéristiques de sa patientèle (âge, pathologies, majoration CMUC). Son rôle dans le

domaine de la santé publique est valorisé au travers du dispositif de rémunération par

objectif. Par ailleurs, le médecin traitant, considéré comme « un acteur clé du développement

des programmes d’accompagnement des patients souffrant de pathologies chroniques » peut

percevoir une rémunération spécifique forfaitaire pour la prise en charge de ces patients

dans le cadre des programmes d’accompagnement17 ;

- La consultation d’un médecin correspondant réalisée dans un délai de 48 heures suivant

l’adressage du médecin traitant fait l’objet d’une valorisation financière ;

- Les consultations coordonnées réalisées par le médecin correspondant ou le médecin

généraliste dans le cadre du parcours font l’objet d’une valorisation. L’article 16.2 est en

17

Il s’agit des programmes d’accompagnement des patients souffrant de pathologies chroniques précisés à l’article 23 et 23-1 de la convention, soit en pratique les pathologies couvertes par les différentes branches du programme Sophia.

Page 14: Médecine spécialisée et organisation des soins : les · spécialistes dans l’offre de soins ... ente auto égulation et planification ... carte sanitaire, ...

14

particulier consacré à la valorisation financière du rôle du médecin correspondant, soit

lorsqu’il donne un avis ponctuel au médecin traitant à la suite d’une demande explicite de ce

dernier18, soit lorsqu’il reçoit le patient dans le cadre de soins itératifs (majoration de

coordination19).

La convention plaque en définitive sur des situations correspondant à la pratique des relations entre

praticiens généralistes et spécialistes un dispositif tarifaire et de remboursement incitatif à une

démarche de soins organisée et réputée efficiente.

b) Quelle incidence sur la place et le recours aux spécialistes ?

Un dispositif très souple et peu structurant dans les processus concrets de prise en charge et

d’articulation entre médecins spécialistes et médecins généralistes.

Le dispositif n’organise pas une structuration explicite en niveaux de recours, avec un « gatekeeper »

qui serait le médecin généraliste et un rôle bien défini des spécialistes de deuxième et troisième

niveau. Il s’en inspire toutefois et concilie cette philosophie avec les principes de libre choix du

médecin et le paiement à l’acte :

- Ce dispositif reste uniquement incitatif : il est toujours possible d’accéder directement à un

spécialiste en acceptant une moins bonne prise en charge ; l’entrée dans le parcours ne

repose pas strictement sur une approche de niveau de gradation des soins ;

- Il n’est pas du tout contrôlé : en pratique, le médecin spécialiste correspondant peut

toujours, s’il l’estime justifié, faire entrer son patient dans le parcours que celui-ci ait été ou

non formellement adressé par son médecin traitant ; le seul élément vérifiable à la

liquidation de la consultation par l’organisme assureur est la désignation effective d’un

médecin traitant par le patient ; l’adressage n’est pas en revanche vérifié et ne pourrait l’être

sans complexité majeure.

En tout état de cause, un dispositif trop rigide aurait sans doute été incapable de prendre en compte

toute la diversité et la complexité des situations et des besoins d’interaction entre professionnels. La

volonté de formaliser un certain nombre de configurations ou prises en charge spécifiques tout en

restant dans le parcours de soins est toutefois notable dans la dernière convention médicale qui

propose une dizaine de consultations spécifiques pour des « pathologies complexes ou instables »20.

18

Dans ce cas, le médecin correspondant fait des propositions au médecin traitant et « s’engage à ne pas donner au patient de soins continus et à laisser au médecin traitant la charge d’instaurer les prescriptions sauf urgence ou cas particuliers et d’en surveiller l’application ». 19

Cette majoration est encadrée : elle implique un retour d’information vers le médecin traitant, elle ne peut pas se cumuler avec la facturation d’un dépassement autorisé. 20

Article 28.3.2 de la convention (pathologie endocrinienne de la grossesse ; trouble grave du comportement alimentaire ; patients cérébro-lésés ; séquelles lourdes d’AVC ; scoliose grave de l’enfant ; sclérose en plaque et

Page 15: Médecine spécialisée et organisation des soins : les · spécialistes dans l’offre de soins ... ente auto égulation et planification ... carte sanitaire, ...

15

Un dispositif dont l’impact a peu été étudié au-delà de la période qui a suivi sa mise en œuvre

Les études sont de fait peu nombreuses et aucune n’est postérieure à 2009.

Le recours au spécialiste dans le cadre du parcours de soins a semble-t-il été adopté par les assurés

et les professionnels ; il prend appui, il est vrai sur une réalité bien ancrée dans le système de soins

français, celle du « médecin de famille ». Selon la Cour des comptes, en 2011, 89,7% des assurés

avaient désigné un médecin traitant, 95% des assurés avaient choisi comme médecin traitant un

généraliste et 91% des consultations se déroulaient dans le cadre du parcours de soins21.

L’IRDES estimait en 2006, à partir d’une enquête déclarative auprès de patients ayant un médecin

traitant22, que 13% des consultations dans des spécialités sans accès direct spécifique étaient faites

sans adressage du médecin traitant. Cette part était de 38% en dermatologie, 23% en rhumatologie,

3% en radiologie. Chez les spécialistes ne bénéficiant pas d’un accès direct, les consultations se

faisaient à 44% sur les conseils du médecin traitant et pour 30% sur demande du spécialiste lui-

même qui souhaite revoir le patient. Le recours direct à un spécialiste était bien plus important pour

les patients ne déclarant pas de médecin traitant : il concernait 58% des séances de spécialistes.

L’étude de l’IRDES estimait enfin que si globalement la part des consultations directes de spécialistes

avait baissé entre 2004 et 2006, cette baisse n’était pas homogène. Pour les spécialités en accès

direct, les modes d’accès se sont peu modifiés entre ces deux dates. Pour celles en accès indirect,

cinq spécialités avaient vu la proportion des consultations réalisées sans prescription préalable d’un

autre médecin baisser fortement (dermatologie, ORL, psychiatrie, cardiologie, radiologie23), et ces

diminutions se sont répercutées sur les autres modes d’accès (adressage par un généraliste, le

spécialiste lui-même ou un autre spécialiste).

La DREES, en 2009, estimait à partir d’une enquête24 sur le recours au spécialiste en médecine de

ville que 80% des patients consultaient leur médecin traitant avant d’avoir recours à un spécialiste

(75% pour la dermatologie, 85% pour la cardiologie, l’ORL, la gastro-entérologie, la psychiatrie et la

rhumatologie). Mais 40% des patients estimaient que ce passage par le médecin traitant est inutile.

Pour leur part, les spécialistes estimaient majoritairement que la mise en place du parcours n’a pas

changé la qualité du suivi médical de leurs patients (60%), une petite minorité d’entre eux, variable maladie de Parkinson ; asthme déstabilisé ; polyarthrite rhumatoïde évolutive ; suivi des enfants prématurés, stérilité). 21

Cour des comptes, rapport public annuel 2013. A noter que la Cour s’interroge sur ce résultat qui ne tient pas compte des nombreux cas où la consultation fait par exception partie du parcours de soins (urgences, consultations moins de 16 ans, etc.). 22

Questions d’économie de la santé, n°134, août 2008 23 La dermatologie, de 61 à 41 % (- 33 %) ; l’ORL, de 39 à 16 % (- 58 %) ; la psychiatrie, de 28 à 23 % (- 20 %) ; la

cardiologie, de 15 à 7 % (- 55 %) et la radiologie, de 7 à 4 % (- 41 %). 24

Spécialistes et patients face au parcours de soins coordonnés : comportements et opinions, Dossier solidarité et santé n°11, DREES 2009.

Page 16: Médecine spécialisée et organisation des soins : les · spécialistes dans l’offre de soins ... ente auto égulation et planification ... carte sanitaire, ...

16

selon les spécialités, estimant que ce suivi a été amélioré (par exemple 13% chez les rhumatologues,

9% chez les ORL, 8% chez les dermatologues).

L’impact du dispositif de parcours de soins coordonné sur la réalité des pratiques, la qualité des

prises en charge et le comportement des patients reste pour sa part difficile à évaluer et ne fait pas

consensus. Si plusieurs rapports se sont penchés sur son impact financier, ses conséquences

organisationnelles et son impact sur les modalités concrètes de prises en charge des patients

(parcours), sur l’articulation et la coordination des professionnels de santé ou encore sur la qualité et

la sécurité des prises en charges mériteraient aujourd’hui d’être étudiés sérieusement.

Il est possible de s’interroger, à la suite de la Commission des Affaires sociales du Sénat, sur la

cohérence de mesures d’organisation du système de soins (niveaux de recours, rôle du médecin

généraliste et du médecin spécialiste, approche territoriale pour favoriser l’accessibilité) et de

mesures de régulation de l’accès aux soins (niveau de remboursement, parcours de prise en charge,

médecin traitant et médecin correspondant) pensées « dans une perspective d’abord économique,

avec pour but essentiel de limiter le coût lié au nomadisme médical »25.

En définitive, on peut faire le constat que les pouvoirs publics n’ont pas éprouvé la nécessité de

préciser la place de la médecine spécialisée, en tant que telle, dans l’organisation de soins ; et

lorsqu’ils l’on fait, c’est essentiellement en « miroir » et en complément de la mission dévolue à la

médecine générale.

On peut y voir une conséquence de la grande diversité et hétérogénéité des disciplines que recouvre

le terme générique de médecine spécialisée, qui rend difficile de les appréhender de façon globale et

synthétique. L’absence de « fonctions » assignées dans les textes à cette médecine dans le système

de soins, contrairement à la médecine générale qui porte une fonction de primo-accès, de suivi et de

coordination des prises en charge des patients, en phase avec l’évolution des priorités sanitaires

(maladies chroniques), s’explique peut-être également par le caractère très récent de la définition

des missions des médecins spécialistes et globalement des réflexions sur la place de la médecine

spécialisée.

Il faut toutefois envisager comment et en application de quels principes et règles, en l’absence de

cadre conceptuel construit, la médecine spécialisée s’est organisée.

25 Projet de loi portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires, Rapport

n° 380 (2008-2009) de M. Alain MILON, fait au nom de la commission des affaires sociales du Sénat

Page 17: Médecine spécialisée et organisation des soins : les · spécialistes dans l’offre de soins ... ente auto égulation et planification ... carte sanitaire, ...

17

II. Organisation et place du spécialiste dans l’offre de soins

1- La place de la médecine spécialisée évolue en fonction des ressources

disponibles et des stratégies professionnelles

Médecine générale et médecine spécialisée s’articulent selon des configurations variables et

évolutives dans le temps, en fonction de dynamiques différentes selon les spécialités et les

territoires. En effet, la pratique et la place du spécialiste évoluent constamment en fonction de

l’environnement technique, démographique, scientifique et des rapports de force entre professions,

l’ensemble étant généralement sanctionné in fine par le droit et les outils de régulation de la

profession. La place de la médecine spécialisée et ses frontières avec la médecine générale sont donc

en conséquence appelées également à évoluer.

a) Des configurations évolutives

Des équilibres différents peuvent se constituer, en fonction des conditions de formation des

médecins et des ressources disponibles dans un territoire.

Deux études récentes de la DREES 26 et de l’ORS et URML Pays de la Loire 27 , consacrées

respectivement aux attitudes et pratiques des médecins généralistes dans le cadre du suivi de la

grossesse et de la pratique gynécologique, donnent un exemple des dynamiques en cours. La

première montre ainsi que la contribution des médecins généralistes aux suivis de grossesses à bas

risque s’accroît : 24% de femmes enceintes avaient consulté au moins une fois un médecin

généraliste dans le cadre de leur surveillance prénatale en 2010, contre 15% seulement en 2003 ;

mais le taux était en 2010 de plus de 50% en région Pays de la Loire, région moins pourvue en

professionnels spécialistes. Dans les deux cas, l’activité des généralistes est principalement orientée

vers la contraception, la prévention et le suivi des grossesses à bas risques qui sont les situations les

plus fréquentes.

L’analyse des facteurs favorables à l’implication des médecins généralistes dans le suivi des

grossesses, comme dans le suivi des femmes fait ressortir une nette corrélation avec le niveau de

formation en gynécologie-obstétrique (DU, FMC ou, de façon moins forte, stage de 3ème cycle). Les

autres facteurs importants sont dans ce cas particulier le genre (mais l’importance du facteur

diminue avec l’âge) et l’âge du praticien. S’agissant de ce dernier facteur, l’étude met en avant là

encore l’importance de la formation reçue par les praticiens, l’allongement de la durée de l’internat

en médecine générale ayant conduit notamment à rendre obligatoire pour les générations de

médecins les plus récentes la réalisation d’un stage en gynécologie-obstétrique ou pédiatrie. En

dehors de la formation, le mode d’exercice est également un paramètre important, l’exercice en

groupe rendant plus facile une forme de « spécialisation» de certains praticiens généralistes.

26

Etudes et résultats numéro 977 - octobre2016 27

http://www.santepaysdelaloire.com/actualites/suivi-gynecologique-et-suivi-de-grossesse-attitudes-et-pratiques-des-medecins - octobre 2016

Page 18: Médecine spécialisée et organisation des soins : les · spécialistes dans l’offre de soins ... ente auto égulation et planification ... carte sanitaire, ...

18

On voit à travers cet exemple particulier la capacité du système de soins à s’adapter à une nouvelle

situation, en l’occurrence la diminution du nombre de gynécologues médicaux, qui conduit ces

derniers à intervenir de plus en plus en deuxième recours et sur des situations de pathologie. La

même capacité existe dans d’autres situations comme par exemple la prise en charge des enfants ou

de certaines catégories de malades chroniques.

b) Une diversité de situations dans le cadre des parcours de soins

L’articulation entre médecine générale et médecine spécialisée, outre qu’elle est évolutive, ne peut

être parfaitement appréhendée au travers de la notion trop réductrice de deuxième recours, dans la

mesure où elle est nécessairement variable selon les pathologies et les processus de soins ; il faut

davantage parler d’interactions à des moments et dans des conditions différentes selon ces

processus.

On peut noter à cet égard avec intérêt la production au cours des dernières années, par la Haute

autorité de santé, de guides, à valeur indicative, visant à définir les parcours de soins les plus

efficaces et les conditions d’une contribution optimale des médecins spécialistes à ces parcours (voir

exemples en annexe de schémas de parcours de soins). Les invariants de la relation entre médecine

générale et médecine spécialisée tiennent aux missions assignées au médecin traitant,

indépendamment du processus de soins, de primo accès, de coordination et de suivi du patient.

c) Une approche sociologique de la coopération entre praticiens

La relation entre le médecin généraliste et ses confrères spécialistes s’établit le plus souvent sur la

base de communautés affinitaires et selon des processus d’interaction décrits notamment par les

travaux des sociologues H. Bergeron et P. Castel. Analysant les pratiques d’adressage et de

coopération entre médecins, ils mettent en évidence l’importance des logiques professionnelles

sous-jacentes (positionnement en professionnel « captant » ou en intervenant ponctuel) dans la

structuration des filières informelles de soins et partant dans l’orientation et la prise en charge du

patient. Ces travaux éclairent les difficultés de la relation entre les professionnels de ville et l’hôpital,

perçu à la fois comme captant et non (ou mal) communicant.

Les travaux de H. Bergeron et P. Castel sur la coopération entre médecins

Historiquement, en l’absence de processus réellement contraignant ou encadrant, « les soins

prodigués et la morphologie des trajectoires constatées demeurent, pour une large part, le produit

d’une négociation et d’un travail d’organisation restés principalement endogènes ». En complément

des travaux sociologiques visant à expliciter les logiques de coopération/concurrence entre médecins

telles que la compétition entre spécialités, segments ou groupes de la profession, le partage de

croyances similaires dans le bon soin ou la négociation ad hoc renouvelée à chaque prise en charge

Page 19: Médecine spécialisée et organisation des soins : les · spécialistes dans l’offre de soins ... ente auto égulation et planification ... carte sanitaire, ...

19

des auteurs comme H. Bergeron et P. Castel28 proposent une analyse des modalités de coopération

définis par des choix de posture professionnelle. A partir de l’étude empirique de réseaux de soins

centrés sur le cancer, la toxicomanie et l’alcoologie, ces deux auteurs ont cherché à mettre en

évidence des mécanismes de coopération qui à la différence des modèles évoqués plus haut sont

déterminés par la position de captant (organisateur de la trajectoire) ou de consultant (apport d’une

expertise ponctuelle) que prennent les intervenants dans la chaîne thérapeutique. Ils partent du

constat que les progrès scientifiques et techniques conduisent à des dispositifs curatifs qui vont

chercher à sélectionner les malades pour être efficaces. L’enjeu est alors d’avoir les bons malades, au

sens où ce sont les malades pour lesquels on est efficace (ainsi en est-il des prises en charge en

urgences des infarctus et des AVC en urgence par exemple). La qualité de la coopération autour du

patient repose dès lors sur l’orientation de patients conformes aux attentes des médecins d’une part

et la combinaison d’engagements captants et non captants d’autre part. Les problèmes de

coopération surviennent quand les médecins sont dans un double engagement captant, l’enjeu étant

alors la maîtrise de la coordination de la trajectoire, ou sont dans un double engagement non

captant, personne ne prenant alors en charge la coordination. La coopération peut également faire

l’objet de stratégies de stabilisation des réseaux de la part des acteurs qui se positionnent comme

captants telles que le partage intéressé de l’information vis-à-vis des intervenants ponctuels, la

surveillance alternée avec partage des activités dans le suivi (mise en scène symbolique d’une

équivalence pour éviter l’instrumentalisation). Une troisième stratégie de stabilisation est la

concertation pluridisciplinaire (parfois plus sous la forme d’une collégialité d’avis que de décision).

2- L’offre de médecine spécialisée, entre autorégulation et planification

L’organisation de la médecine spécialisée est structurée selon un double axe :

- La coexistence d’une offre libérale, historiquement présente en proximité, et d’une offre

salariée, essentiellement en établissement ;

- La coexistence d’une offre très peu régulée et d’une offre soumise à autorisation et

planification par la puissance publique.

La présence d’une offre libérale importante est une particularité forte du système de santé français,

particularité partagée principalement avec l’Allemagne parmi les pays européens comparables. La

moitié environ des spécialistes a un exercice soit exclusivement libéral, soit mixte et cette proportion

est stable depuis 20 ans. La situation générale recouvre toutefois de fortes disparités selon les

spécialités, la part de l’exercice libéral étant beaucoup plus importante pour certaines spécialités

médicales ou médico-chirurgicales parmi les plus courantes, exercées principalement en pratique de

2828

Bergeron H, Castel P, Captation, appariement, réseau : une logique professionnelle d’organisation des soins – sociologie du travail 52 (2010), pp 441-460

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20

ville : cardiologie (70% d’exercice libéral), ophtalmologie (86%), ORL (76%), gastro entérologie (59%),

dermatologie (84%).

En tendance, on peut constater que le salariat est devenu plus fréquent parmi les plus jeunes. Alors

que 43 % des spécialistes âgés de 40 à 44 ans étaient salariés en 1991, c’est le cas de 55 % d’entre

eux en 2016 ; divers facteurs peuvent l’expliquer parmi lesquels, outre l’appétence pour le salariat,

les délais croissants à l’installation en exercice libéral ou le type de spécialité exercée.

Les praticiens libéraux assurent l’essentiel de l’offre en médecine spécialisée ambulatoire. Les

établissements publics de santé proposent également des consultations externes mais le volume de

consultation est plus faible29 et le maillage territorial moins dense. L’offre ambulatoire assure une

fonction de maillage de proximité, en complémentarité directe avec l’offre de médecine générale. Le

maintien de cette offre de proximité est essentiel pour la prise en charge de la population.

Cette offre se déploie, en aval des études de médecine, sans intervention de la puissance publique :

l’installation en particulier est libre, dans le respect des seules conditions prévues par le code de

déontologie médicale pour réguler la concurrence (ouverture de consultations secondaires

notamment). On peut faire le constat d’une répartition très inégale des spécialistes libéraux sur le

territoire national30.

Les activités en établissement ou requérant un équipement lourd sont pour leur part soumises à

autorisation des agences régionales de santé, dans le cadre des projets régionaux de santé et des

schémas régionaux de l’offre de soins.

Ce cadre général, applicable aux établissements publics comme privés, se décline de façon différente

selon les activités. Ce sont bien en effet les activités, et non les spécialités en tant que telles, qui sont

régulées et encadrées, pour des motifs différents mais qui fondent l’intervention de la puissance

publique. Font ainsi l’objet d’autorisations spécifiques et souvent de normes en personnel ou en

équipement, les activités mobilisant des plateaux techniques importants, celles qui sont partie

intégrante de prises en charge en urgence, les activités pour lesquelles des enjeux de qualité liés à la

fréquence de la pratique existent ou encore celles dont le développement présente un risque

important de surcoût pour l’assurance maladie (imagerie en coupe par exemple). En revanche, des

pans entiers de l’activité de médecine spécialisée font l’objet d’autorisations génériques de

« médecine » ou de « chirurgie » (hors chirurgie du cancer). Les dynamiques de développement des

29

L’activité de consultation externe dans les hôpitaux publics est désormais remontée de façon plus exhaustive dans le SNIIRAM depuis 2014 et permet d’envisager prochainement des exploitations conjointes avec les données d’activité issues des professionnels libéraux. Si les données disponibles ne sont pas exhaustives et posent des problèmes de périmètre et de modalités de décompte d’actes, la CNAMTS estimait l’activité de consultations externes hospitalières à 58,3 millions d’actes en 2014 pour 262,1 millions d’actes réalisés par les médecins libéraux (source PMSI, champ ACE 2014). 30

Voir le dossier statistique de la DREES remis lors de la séance du HCAAM du 23 mars 2017.

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21

spécialités sont alors dépendantes de la ressource en praticiens et des stratégies propres des

établissements et des professionnels, compte tenu du potentiel d’activité.

Dans ce cadre réglementé, l’offre de médecine spécialisée en établissement se déploie dans des

combinaisons plus ou moins concurrentielles en fonction de la taille et des ressources du territoire,

ainsi que des stratégies d’alliance ou de regroupement et de la politique propre des agences : il

existe un continuum de configurations, allant de situations monopolistiques à des situations

concurrentielles dans les agglomérations importantes, en passant par des formes diverses de

coopération : répartition des activités entre opérateurs, partage d’équipements etc…

Dans la mesure où la médecine spécialisée tend de plus en plus à se structurer autour des plateaux

techniques, on peut faire le constat qu’une part croissante de l’activité de médecine spécialisée est

de fait soumise à une forme d’encadrement des pouvoirs publics par le biais des autorisations.

En définitive, l’offre en médecine spécialisée se structure principalement autour de deux ensembles :

- Une offre en établissements, fortement organisée par les pouvoirs publics, même si la

« maille » de la régulation est plus ou moins large, selon des règles communes aux secteurs

publics et privés ;

- Une offre ambulatoire, très majoritairement en exercice libéral, assurant un maillage

territorial de relative proximité même si elle est inégalement répartie sur le territoire. Elle

intervient en complémentarité avec l’offre de médecine générale, mais dans des conditions

variables selon les spécialités et les ressources sur le territoire.

Par affinité de fonctionnement, par le fait que les praticiens libéraux des spécialités

médicotechniques pratiquent naturellement très majoritairement les actes techniques sur des

plateaux d’établissements privés, l’offre peut tendre à se structurer en filières distinctes, publique et

privée, plus ou moins étanches et concurrentielles en fonction de l’offre disponible. Ces filières

associent l’une la médecine libérale de cabinet et les établissements d’hospitalisation privés, l’autre

l’hospitalisation publique avec un prolongement ambulatoire au travers des consultations externes

et de plus en plus des urgences. Cette structuration « verticale » de l’offre par filière a

nécessairement une incidence sur le parcours de soins du patient et sa capacité de choix, qui peut

être tributaire de l’offre disponible au sein d’une filière.

Page 22: Médecine spécialisée et organisation des soins : les · spécialistes dans l’offre de soins ... ente auto égulation et planification ... carte sanitaire, ...

22

3- Les évolutions en cours, touchant la démographie des professionnels

comme leurs conditions d’exercice, vont modifier les conditions de

recours à l’offre spécialisée

a) Les évolutions en cours relatives à la démographie des spécialistes et à leurs

conditions d’exercice

1. Des évolutions démographiques qui impactent structurellement l’organisation de l’offre

Le rapport démographique entre médecins généralistes et médecins spécialistes évolue continument

en faveur des spécialistes

Ainsi que le notait la note du secrétariat général du Haut conseil relative à la fabrique des spécialités,

le nombre des spécialistes n’a cessé de croître et a augmenté beaucoup plus rapidement que celui

des généralistes : + 44% en 25 ans (1991/2016) pour les spécialistes contre + 9% pour les généralistes

dont le nombre décroît sur la période récente. Inférieur de 10% au nombre de médecins généralistes

en 1991, le nombre de médecins spécialistes lui était supérieur de près de 20% en 2016.

Les projections démographiques confirment que les médecins spécialistes seront durablement plus

nombreux que les médecins généralistes.

Figure 1 : Effectifs et densité des médecins

Champ : médecins actifs de moins de 70 ans, France entière

Sources : Adeli, RPPS, Projections Drees 2015

0,80

1,00

1,20

1,40

1,60

1,80

2,00

2,20

60 000

70 000

80 000

90 000

100 000

110 000

120 000

130 000

140 000

150 000

160 000

1991 1996 2001 2006 2011 2016 2021 2026 2031 2036

Effectifs généralistes (éch gauche)

Effectifs spécialistes (éch gauche)

Densité généralistes (éch droite)

Densité spécialistes (éch droite)

Rupture de série Adeli - RPPS

début de la période de projection

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23

L’évolution relative des praticiens libéraux et salariés est plus incertaine

Compte tenu de la structuration de l’offre ambulatoire, l’évolution du nombre de médecins

généralistes et spécialistes est un élément de contexte majeur. Le scenario tendanciel des

projections réalisées par la DREES prévoit une augmentation de la part des salariés dans les deux

catégories de praticiens, supposant une trajectoire d’emploi salarié, et particulièrement dans le

secteur public, en cohérence ; pour les médecins spécialistes, elle augmenterait globalement de 48 à

54%, la part des praticiens en exercice mixte augmentant également.

Dans ce scénario, les effectifs et l’offre de soins (mesurée en ETP) des médecins généralistes libéraux

comme des spécialistes diminueraient au cours des dix prochaines années. Si elle se produisait, une

telle évolution modifierait de façon importante l’organisation de la médecine ambulatoire par un

double délitement du maillage des généralistes et de celui des spécialistes libéraux ambulatoires, au

profit d’une offre de soins plus importante délivrée par les établissements, y compris probablement

en ambulatoire sous forme de consultations externes.

Il faut rappeler cependant que, si la projection du nombre de professionnels semble assez certaine,

leur répartition par mode d’exercice dépend quant à elle d’hypothèses beaucoup plus aléatoires,

notamment de la capacité du secteur hospitalier public à poursuivre sur le même rythme qu’au cours

des années précédentes le recrutement de médecins. Ces projections illustrent donc davantage un

enjeu, central pour l’organisation future des soins, qu’un élément de contexte immuable.

2. Une spécialisation croissante

La note relative à la fabrique des spécialistes a analysé la tendance à la « surspécialisation » ou à

l’hyperspécialisation des médecins spécialistes, qui trouve son origine dans l’évolution des savoirs et

des techniques médicales aussi bien que dans la formation des internes ou l’organisation du post-

internat.

Cette évolution incite à la constitution d’équipes de professionnels de même spécialité au sein

desquelles les praticiens se spécialisent dans un domaine ou un type d’acte particulier. C’est cette

évolution qui est en cours par exemple dans le domaine de la radiologie, avec une spécialisation par

organe. Elle requiert des plateaux techniques plus conséquents, avec des équipements spécifiques

qui ne peuvent être constitués qu’au sein de structures ayant un potentiel d’activité suffisant.

3. Un travail de plus en plus souvent en équipe

Ainsi que l’indique la DREES, l’exercice de groupe (ou en société) est très répandu parmi les

spécialistes en cabinet libéral. Au 1er janvier 2016, 61 % d’entre eux exercent en groupe, contre 53 %

seulement des généralistes.

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24

La proportion de spécialistes travaillant en groupe a très fortement augmenté au cours des dernières

décennies, de près de 30 points entre 1999 et 2016. La part d’exercice collectif est par ailleurs plus

importante chez les jeunes générations, 70% des spécialistes de moins de 50 ans exercent en groupe

pour 60% des 55-59 ans, ce qui augure d’une poursuite de la tendance au cours des prochaines

années.

Figure 3. Proportion des spécialistes exerçant en groupe ou en société

Sources : Adeli 1999, RPPS 2005 et 2016 Champ : Ensemble des spécialistes actifs exerçant en cabinet libéral (hors remplaçants, hors médecins exerçant à l’hôpital) au 1er janvier, France entière. Note : les remplaçants sont exclus car la forme de la structure dans laquelle ils exercent n’est pas connue

L’organisation collective est variable selon les spécialités. Sans surprise, ce sont les spécialités dont

l’exercice requiert des équipements importants ou qui sont exercées de façon importante ou

exclusive en établissement qui sont le plus exercées en groupe ou société (radiodiagnostic : 92% ;

spécialités chirurgicales : plus de 70 voire 75%). En revanche, les spécialités cliniques, en cabinet,

sans plateau technique (pédiatrie, dermatologie, endocrinologie, gynécologie médicale) sont peu

exercées en groupe, dans des proportions en fait moindres que la médecine générale. Alors que

l’organisation en groupe des médecins généralistes fait partie des tendances de fond du système

sanitaire français, portée par les aspirations de la nouvelle génération de médecins face aux

contraintes de l’exercice du métier, et appuyée par les pouvoirs publics, il ne semble pas y avoir le

même mouvement et le même soutien pour les spécialités médicales, dont les contraintes sont il est

vrai différentes (capacité d’organisation du temps de travail, absence en général de permanence des

soins).

4. Une concentration de l’offre, porteuse d’un accroissement des inégalités territoriales

L’offre en médecins spécialistes tend à se concentrer. Le moteur essentiel de cette dynamique est,

comme indiqué ci-dessus, le besoin croissant, pour l’exercice de la spécialité, du recours à un plateau

0%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

70%

80%

<35 35-39 40-44 45-49 50-54 55-59 60-64 >=65

2016

2005

1999

Page 25: Médecine spécialisée et organisation des soins : les · spécialistes dans l’offre de soins ... ente auto égulation et planification ... carte sanitaire, ...

25

technique ou à un équipement lourd dont l’exploitation est partagée. D’autres facteurs jouent dans

le même sens :

- Le cursus de formation, centré sur le CHU, le post-internat renforçant l’attraction des villes

sièges de CHU ;

- L’appétence croissante pour un exercice salarié, à l’hôpital, particulièrement à l’issue des

études.

Des travaux de l’Observatoire régional de la santé du Nord Pas de Calais mettent en évidence ce que

l’Observatoire qualifie de « mécanique des déserts » et qui se traduit par la concentration croissante

de l’offre de soins autour de pôles d’offre qui se renforcent, même si de nouveaux pôles peuvent

également émerger dans certains bassins (l’ORS recensait en 2016 168 pôles sur le territoire

français). L’ORS a ainsi mis en évidence « le pouvoir des grosses agglomérations de polariser et

agréger les professionnels de santé sous l’influence croisée d’un aménagement du territoire

favorable, de pôles hospitaliers magnétiques et d’une concentration élevée de confrères et de

correspondants déjà établis. L’attraction de pôles d’offre de soins déjà constitués sur les territoires

voisins est une tendance qui se renforce avec le temps, vidant progressivement ces derniers de leurs

effectifs ».

Les travaux récents de la DREES font également apparaître les risques de renforcement des inégalités

territoriales au cours des prochaines années. Ces travaux (portant sur 9 spécialités parmi les plus

importantes numériquement) indiquent que de 5 à 21 % seulement des zones d’emploi, où vivent 1 à

5 % de la population française, ne comportent pas de spécialistes, libéraux ou mixtes, d’une des 9

spécialités étudiées. La situation pourrait toutefois se dégrader dans la mesure où l’offre repose

uniquement, dans un certain nombre de zones, sur des spécialistes âgés de plus de 55 ans : les zones

d’emploi sans spécialistes de moins de 55 ans représentent ainsi selon la spécialité de 19 à 47% des

zones, regroupant 6 à 19% de la population. Il s’agit là non d’une prévision mais d’un indicateur

d’une situation à risque du fait d’un défaut d’attractivité de ces zones.

b) Des conséquences en termes d’accès aux soins et d’organisation de l’offre

La première conséquence du mouvement de concentration de l’offre en médecine spécialisée, pour

les patients habitant les zones impactées, est bien sûr une moindre facilité d’accès aux spécialistes,

avec un temps d’accès allongé et une incidence possible sur le recours aux soins. Une étude récente

de l’IRDES31 quantifie ces impacts. Elle estime ainsi à 2,5 points l’impact sur le taux de recours au

spécialiste lorsque le patient réside au-delà de 30 minutes du spécialiste le plus proche par rapport à

celui qui dispose de l’offre dans sa commune. Elle met en évidence également une probable

restriction dans la liberté effective de choix des patients les plus éloignés de l’offre de médecin

spécialiste.

31

Questions d’économie santé n°219 – juin 2016 – recours aux soins ambulatoires et distances parcourues par les patients : des différences importantes selon l’accessibilité territoriale aux soins

Page 26: Médecine spécialisée et organisation des soins : les · spécialistes dans l’offre de soins ... ente auto égulation et planification ... carte sanitaire, ...

26

Le mouvement de concentration géographique de la médecine spécialisée et de réduction du

maillage de proximité a également des conséquences sur l’organisation des soins :

- En premier lieu, un effet de dissuasion sur l’installation de médecins généralistes, qui

hésitent à s’installer dans des zones où ils ne peuvent disposer d’un réseau de médecins

spécialistes facilement accessibles ;

- parmi d’autres conséquences qu’il serait nécessaire d’explorer plus avant, le risque de

désorganisation de certains dispositifs fondés sur une proximité des professionnels (ex :

dépistage du cancer du sein).

Un des effets les plus importants est celui du déport de consultations vers l’hôpital et les services

d’urgence, à rebours des objectifs sur le juste recours aux soins et avec un risque associé de surcoût

pour la collectivité.

Enfin, l’étude de la DREES montre que l’offre de médecine spécialisée fournie par les consultations

externes des hôpitaux et l’offre fournie par les médecins spécialistes libéraux ou mixtes a tendance à

se cumuler : une personne qui a accès à une offre importante en médecine libérale a également

accès à une offre importante en consultations externes et l’offre de consultations externes ne se

substitue généralement pas à l’offre libérale lorsque cette dernière est inexistante. Il existe donc des

risques réels d’existence de zones sans offre de médecine spécialisée.

Il y a donc ici un enjeu important : maintenir l’égalité d’accès aux soins en prévenant les

conséquences induites par une concentration de l’offre de soins. Cet enjeu constitue aussi une

opportunité pour mettre en place de nouvelles configurations, organisations et pratiques visant à

répondre aux besoins de proximité tout en tenant compte des évolutions à la fois

démographiques, technologiques et sociologiques de la médecine.

4- Des leviers d’action peuvent être activés pour faciliter l’adaptation du

système de soins à des configurations de ressource hétérogènes

a) Prendre en compte la complexité des situations réelles dans l’organisation de l’offre

Le dispositif de prise en charge et d’incitation promu depuis la loi de 2004 prend appui sur la

représentation du parcours de soins comme un processus essentiellement linéaire, où l’articulation

entre premier et second recours est organisée selon des séquences relativement simples : besoins

d’avis ponctuels de spécialistes de la part du médecin traitant, prise en charge parfois itérative par

des médecins spécialistes en échange régulier avec le médecin traitant.

Cette représentation demeure centrale, parce qu’elle correspond à une organisation efficace du

parcours de soins dans de très nombreux cas. Elle confie au médecin généraliste, au-delà de son rôle

soignant, une fonction d’orientation, de coordination, de suivi et de synthèse.

Page 27: Médecine spécialisée et organisation des soins : les · spécialistes dans l’offre de soins ... ente auto égulation et planification ... carte sanitaire, ...

27

Cette représentation ne suffit pas toutefois à déterminer la place de la médecine spécialisée dans

toutes les situations de prise en charge :

o Prises en charge hospitalières directes (situations d’urgence en général), prises en

charge hospitalières majoritaires dans le parcours de soins ou qui sollicitent

essentiellement des compétences de médecine spécialisée ;

o Prise en charge de patients atteints d’affections complexes qui impliquent une

approche par équipe, au domicile32 du patient ou en ambulatoire avec des séjours

hospitaliers33, associant parfois durablement plusieurs spécialistes et le médecin

généraliste ;

o Les configurations d’offre existantes autour des patients, sur son territoire de vie,

sont très variées, tant en premier qu’en second recours, en médecine générale qu’en

médecine spécialisée, avec des effectifs médicaux et des compétences variables.

Les travaux du groupe de travail du HCAAM sur la médecine spécialisée montrent en outre que la

réalité des parcours de soins s’écarte fréquemment des schémas idéaux d’organisation : les médecins

ne savent parfois pas à qui adresser leur patient (quel est le bon professionnel pour ce patient ?), ne

parviennent pas à l’adresser (difficultés d’accès au bon professionnel), peuvent se sentir exclus de la

prise en charge réalisée par d’autres professionnels (« captation » du patient). Les patients, pour

lesquels le système de soins est peu lisible peuvent être orientés par défaut, en fonction du réseau

relationnel du médecin (médecin généraliste ou spécialiste) et non en fonction de ses besoins et de

l’expertise nécessaire dans son cas. Ils peuvent également selon leur réseau relationnel au sein du

système de soins et leurs ressources personnelles (culturelles, sociales et économiques) choisir eux-

mêmes leur mode d’usage du système grâce aux degrés de liberté que celui-ci permet. Bien souvent,

faute de relais organisés, des spécialistes référents assurent le suivi courant de patients au détriment

de leur capacité à assurer des prises en charge non programmées ou à accueillir de nouveaux

patients. La situation n’est donc pas satisfaisante et ne favorise pas toujours le bon recours au bon

niveau pour les personnes qui le nécessitent.

Dès lors, la représentation usuellement mobilisée atteint ses limites. Les efforts d’adaptation du

dispositif dans la dernière convention médicale le montrent dans la mesure où ils tendent à créer

une série de dispositions spécifiques correspondant à des situations et processus de soins

particuliers.

32

Par exemple les situations de fin de vie ou de forte dépendance associée comme dans les EHPAD 33

Par exemple les situations de traitement de cancers, ou les maladies chroniques comme la BPCO.

Page 28: Médecine spécialisée et organisation des soins : les · spécialistes dans l’offre de soins ... ente auto égulation et planification ... carte sanitaire, ...

28

Il est souhaitable et possible de dépasser une représentation trop simple de la réalité des situations

et des pratiques d’aujourd’hui34 ainsi que du positionnement respectif des différents professionnels,

généralistes et spécialistes. Cela est d’autant plus important que la façon de penser les rôles des

différents professionnels a des conséquences structurelles sur les décisions publiques et in fine la

médecine pratiquée : les systèmes d’information mis en place sont différents s’ils visent à créer des

canaux d’échanges de données de « consultance » entre un premier niveau et un second niveau ou

s’ils visent à créer une communauté temporaire de prise en charge autour d’un patient ; le contenu

et l’organisation du système de formation ne sont sans doute pas les mêmes s’ils visent à créer deux

types de médecins, celui qui est traitant et assure synthèse et coordination et celui qui est spécialisé

et apporte une expertise ponctuelle, ou s’ils visent à créer des professionnels dont les rôles sont plus

évolutifs et variés ; les dispositions tarifaires ne sont pas les mêmes si l’on séquence les prises en

charge par type d’intervenant ou si l’on souhaite favoriser des prises en charge et des services

intégrés ; il en est de même pour l’usage des nouvelles technologies (télésanté, télésurveillance, télé

expertise, etc.).

Mieux prendre en compte la complexité des situations et structurer en conséquence les prises en

charge permettrait l’exercice effectif de ses missions par le médecin traitant ou la médecine générale

dans un environnement mieux organisé, facilitant et clarifiant son intervention en particulier pour les

cas les plus complexes, tout en donnant au spécialiste la capacité de développer des interventions

plus structurées, notamment au titre des pathologies chroniques.

Deux axes d’évolution peuvent être explorés dans cette perspective :

- S’agissant des interactions entre praticiens, il faut créer les conditions pour favoriser la

diversité des formes d’organisation, l’innovation et l’adaptation dans les modes de

coopération en fonction des situations réelles des patients ;

- Sur le plan de l’organisation de l’offre de soins, il faut là aussi apporter de la souplesse et

laisser plus d’initiative aux professionnels de santé. L’organisation des prises en charge doit

se concevoir en grande partie à partir des réalités et dynamiques territoriales.

Ces deux axes ne sont pas exclusifs. Ils forment ensemble la palette des outils disponibles, à adapter

aux situations locales.

34

L’évolution de l’épidémiologie avec l’augmentation des malades chroniques polypathologiques comme celui des techniques et des moyens de communication rendent désormais nécessaire et possible la prise en charge en ambulatoire et au domicile de patients nécessitant des soins spécialisés voire très spécialisés, ce qui amène à nécessairement à complexifier l’organisation des soins en ambulatoire et à renouveler le modèle du médecin généraliste « gate keeping » instauré dans les années 40 avec une logique de limitation à l’accès au spécialiste principalement hospitalier.

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29

b) Organiser l’offre à partir des territoires

1. Structurer l’offre spécialisée pour répondre aux besoins des territoires

Alors qu’un mouvement d’organisation de la ligne de soins primaires semble engagé, en dehors des

spécialités mobilisant des équipements coûteux et lourds, on l’a vu, la tendance au regroupement et

l’émergence de formes d’organisation nouvelles demeurent limitées dans le champ des soins

spécialisés. Pourtant, dans ce champ aussi, l’innovation organisationnelle est nécessaire pour :

- améliorer la coordination entre spécialistes rendue de plus en plus nécessaire par la

spécialisation croissante au sein des disciplines. A ce titre, l’exemple de l’organisation d’un

regroupement de spécialistes en cardiologie présentée en groupe de travail montre que ce

type de regroupement permet aux différents cardiologues de concentrer leur pratique sur

une partie précise de l’activité de cardiologie tout en couvrant collectivement tout le champ

de la discipline ; ce type de regroupement devient la règle en radiologie.

- améliorer la coordination avec les médecins généralistes, les établissements de santé, les

prises en charge paramédicales ;

- mobiliser plus facilement des équipements permettant de réaliser des actes qui peuvent

l’être hors des établissements de santé (petite chirurgie et activités interventionnelles par

exemple) ;

- maintenir une proximité territoriale pour les patients, notamment en renforçant l’attractivité

de ces territoires pour les jeunes spécialistes, et faciliter l’accessibilité, la continuité et la

permanence des soins.

L’objectif est de faciliter l’émergence de nouvelles modalités d’organisation de la médecine

spécialisée qui tiennent compte des nouvelles formes d’organisation des soins dans les territoires et

de la double exigence de concentration de moyens très spécialisés, généralement polarisés autour

d’équipements et de plateaux techniques, et d’accessibilité des patients à des ressources spécialisée

de proximité.

Des exemples français et étrangers montrent que plusieurs modalités d’organisation et de

structuration d’une offre spécialisée sont possibles.

Une des voies est, comme évoqué plus haut à propos de la cardiologie, le regroupement mono-

disciplinaire qui, s’il est bien intégré dans le paysage local, notamment s’il peut s’appuyer sur des

relations structurées avec les médecins généralistes du secteur et dispose d’un accès organisé aux

services d’un établissement de soins, permet de concilier proximité, forte spécialisation et capacité à

prendre en charge l’essentiel des besoins des patients pour une spécialité donnée. Ce regroupement

n’est pas nécessairement physique. De telles organisations peuvent également être recherchées par

le regroupement de plusieurs types de spécialités au sein d’une même structure, d’autant plus

Page 30: Médecine spécialisée et organisation des soins : les · spécialistes dans l’offre de soins ... ente auto égulation et planification ... carte sanitaire, ...

30

pertinent que les spécialités en question auront des proximités en termes d’équipements nécessaires

ou de morbidité (par exemple cardiologie et pneumologie). On retrouve ces types d’organisation

dans certains pays, notamment aux Etats-Unis, avec le développement des « Patient Center SPecialty

care » (PCSP).

Mais se pose la question d’assurer coordination entre soins spécialisés et médecine générale. Dans

tous les pays ayant fortement structuré une ligne de soins primaires, se pose le problème de l’accès

de proximité à des soins spécialisés.

Les formes regroupées de médecine spécialisée sont une condition nécessaire pour le

développement de la télémédecine.

Elles peuvent également être associées à l’organisation de consultations avancées, en particulier

mais pas uniquement, dans des MSP et dans des zones sous denses. Ce développement pourrait être

favorisé par l’extension des possibilités d’exercice mixte libéral/salarié et du temps partiel.

Un exemple intéressant d’organisation alternative peut être observé en Allemagne, avec le

déploiement au cours des dernières années des MVZ (Medizinische Versorgungszentren). Ces

structures regroupent médecine générale et médecine spécialisée. S’affranchissant des distinctions

traditionnelles entre secteurs, elles peuvent être créées soit par des hôpitaux soit par des praticiens

libéraux et les professionnels qui y travaillent sont soit libéraux, soit, à 90%, salariés. Les MVZ

représentent aujourd’hui 10% de l’offre ambulatoire en Allemagne. Les initiatives de ce type ne se

limitent pas au cas allemand. Dans des contextes à chaque fois spécifiques compte tenu de la

structuration de l’offre de soins, des initiatives sont adoptées par exemple en Grande Bretagne

(expérimentations Vanguards) ou aux Etas Unis (PCMH – Patient Centered Medical Home). Cette

formule serait particulièrement adaptée aux petites villes mal desservies par les centres hospitaliers.

Pourraient y être développés de la petite chirurgie et des activités interventionnelles.

Pourrait être encouragée en France, sur le même principe, l’installation de médecins spécialistes,

notamment de premier recours, dans les MSP ou la création de consultations avancées de

spécialités, en particulier dans les zones où elles font défaut.

Ces exemples montrent la diversité des organisations possibles pour structurer l’offre de médecine

spécialisée. D’autres types d’organisation sont sans doute envisageables, notamment parce que les

organisations possibles sont étroitement liées aux configurations qui existent dans les différents

territoires. Dès lors, la structuration de l’offre en médecine spécialisée doit s’inscrire dans une

approche territorialisée des besoins de santé et des processus de prise en charge.

Page 31: Médecine spécialisée et organisation des soins : les · spécialistes dans l’offre de soins ... ente auto égulation et planification ... carte sanitaire, ...

31

2. Permettre aux professionnels de santé d’organiser la réponse aux besoins sur un territoire

dans le cadre des communautés professionnelles

L’organisation des formes d’offre est indissociable de l’organisation des processus de prise en charge

des patients car, sur un territoire donné, chacune interagit sur l’autre. Si l’on part de ces processus,

leur amélioration passe par un rééquilibrage des perspectives entre une vision descendante,

aujourd’hui dominante, où les processus sont le fruit de décisions centrales puis régionales, et une

vision plus ascendante où les professionnels de santé d’un territoire sont beaucoup plus impliqués

dans leur définition même.

Organiser ainsi les prises en charge nécessite en premier lieu de réaliser un diagnostic territorial non

seulement des besoins de santé et de prise en charge, mais également des difficultés concrètes, des

défaillances, et des conditions à remplir pour répondre à ces besoins. De par leur pratique, leur

connaissance du territoire et des patients, les professionnels de santé peuvent être un contributeur

important à ce diagnostic. Cette démarche doit associer étroitement la population (sans doute

représentée par les élus locaux), et les patients.

A partir de ce diagnostic, les professionnels de santé peuvent contribuer à apporter des réponses

pertinentes s’ils se mettent d’accord pour proposer des référentiels de prise en charge contextualisés

permettant, sur les sujets prioritaires, de définir la déclinaison locale des recommandations

nationales de prise en charge. Il s’agit là, en s’appuyant sur l’expertise des équipes référentes du

territoire sur le sujet concerné, d’identifier collectivement les ressources et compétences disponibles

sur le territoire, d’identifier les rôles de chacun des professionnels dans la prise en charge,

d’identifier et de formaliser ce que chaque professionnel peut attendre des autres et comment doit

se passer la prise en charge (conditions d’adressage, conditions d’échange et de partage

d’information, etc.) et de créer les conditions de son bon fonctionnement (connaissance des

interlocuteurs, retours d’expérience, etc.). Cette approche collective peut sur la durée permettre de

constituer un réseau en capacité d’appuyer les professionnels dans leur pratique et garant des

bonnes prises en charge (qualité, sécurité, pertinence). Elle a pour objectif de proposer une réponse

aux besoins identifiés dans le diagnostic. Elle introduit une dimension managériale dans l’activité des

médecins spécialistes pour assurer avec leur environnement les conditions de prise en charge de

certains processus de soins ou de certaines situations relevant de leur spécialité. Elle suppose que

soit structurée la triple logique de prise en charge individuelle, de population et de territoire.

La loi de modernisation de notre système de santé de 2016 met en place les outils juridiques qui

créent le cadre nécessaire à un tel travail : les communautés professionnelles territoriales de santé

(CPTS) et les équipes de soins primaires (ESP). L’existence de ces supports est une condition

nécessaire mais pas suffisante à l’implication des professionnels dans une telle démarche, et surtout

Page 32: Médecine spécialisée et organisation des soins : les · spécialistes dans l’offre de soins ... ente auto égulation et planification ... carte sanitaire, ...

32

à sa généralisation. Il est donc nécessaire de créer des conditions incitatives à leur engagement qui

ne peut reposer uniquement sur l’engagement personnel de quelques pionniers.

Dans une telle approche, le rôle du régulateur régional est essentiel.

Il lui revient de décliner/définir des objectifs ou des normes de services attendus minimum sur le

territoire lorsqu’elles ne sont pas définies nationalement, plutôt que des schémas d’organisation de

l’offre, en fonction des besoins, des priorités de santé, des ressources disponibles.

Il lui revient également de susciter, d’encourager et de soutenir les démarches d’organisation des

professionnels pour répondre à ces besoins et services attendus par la mise en œuvre de mesures

incitatives, le déploiement de mesures d’accompagnement, la création des conditions d’un bon

fonctionnement des organisations proposées par les professionnels (aide à la

formation/reconversion, pilotage des infrastructures nécessaires – SI, outils de communication).

Dans cette mission, une ANAP aux compétences élargies serait utile pour fournir des outils et un

cadre de réflexion sur les organisations les plus efficaces.

Dans l’hypothèse où les professionnels n’arriveraient pas à faire émerger des organisations à même

de répondre aux attentes, le régulateur a pour mission d’intervenir subsidiairement pour organiser la

réponse aux besoins.

Il s’agit là d’une évolution sensible du rôle du régulateur puisque, dans ce cadre, une latitude

importante doit être laissée aux professionnels du territoire pour répondre à des besoins identifiés.

Dans la logique de cette approche, pour compléter les initiatives des professionnels, en fonction de

priorités de santé, comme instrument incitatif ou comme levier d’intégration de l’offre, le régulateur

régional peut s’engager dans des appels d’offre visant à organiser la réponse à certains besoins

spécifiques.

Opérer ce changement de perspective et faire émerger des réponses locales à des besoins identifiés

nécessite une réflexion sur l’évolution des moyens dont disposent les pouvoirs publics au niveau

régional, notamment au regard de leurs marges financières et règlementaires.

Se pose cependant la question de l’acceptabilité d’une différence d’organisation et de traitement

entre les territoires. Sur ce plan, la capacité à définir des objectifs pour tous (accessibilité, équité,

qualité…), à les expliquer et à les mesurer prend une dimension stratégique aussi bien à l’échelon

national que régional.

Page 33: Médecine spécialisée et organisation des soins : les · spécialistes dans l’offre de soins ... ente auto égulation et planification ... carte sanitaire, ...

33

c) Assouplir et fluidifier les processus de soins en les adaptant aux besoins des patients

Certains leviers permettent, en facilitant la pratique professionnelle, d’améliorer la capacité du

système de soins à s’adapter aux différentes configurations de terrain quant aux ressources

disponibles en médecine spécialisée notamment.

1. Outiller la relation entre médecins

Le partage de l’information et la communication entre praticiens

Les travaux du groupe de travail du HCAAM relatifs à la médecine spécialisée et au second recours

mettent en évidence les insuffisances de la communication entre praticiens. Celles-ci sont pour

partie liées aux carences en outils de communication et il y a donc un intérêt prioritaire à généraliser

ces outils : messagerie professionnelle sécurisée d’abord, dossier partagé ensuite. Ils sont tous deux

les vecteurs d’une amélioration qualitative significative des échanges entre médecins traitants et

médecins consultants, notamment en termes de délais et de complétude de l’information.

L’origine des difficultés ne peut toutefois être réduite à la seule imperfection des outils. Elle tient

aussi au défaut de connaissances mutuelles comme de méconnaissances de l’offre environnante ou

de relais : à l’échelle des territoires, le déploiement de processus de formations collectives

interactives, de groupes de pairs, d’annuaires ou de répertoires opérationnels de ressources,

couvrant l’ensemble de l’offre, est nécessaire pour l’identification des interlocuteurs pertinents.

Il faut noter que les difficultés sont encore plus importantes dans la communication entre l’hôpital et

les praticiens libéraux, généralistes et spécialistes, du fait de l’organisation et des systèmes

d’information propres aux établissements. La possibilité d’une relation directe est un facteur

important dans l’organisation des filières et dans la relation entre médecins généralistes et hôpital,

c’est un handicap et un point de progrès identifié de longue date par les établissements de santé

publics et qui doit continuer à faire l’objet d’une attention particulière. L’organisation des échanges

en amont et en aval du recours à l’hôpital (courriers, mails, contacts téléphoniques) doit être une

priorité.

Le renforcement des fonctions de coordination

Les travaux du groupe de travail confirment l’intérêt, dans certains cas, d’identifier une fonction de

coordination distincte de l’exercice du praticien.

Ce peut être le cas pour certaines prises en charge complexes : au-delà du cas emblématique du

cancer et des réunions de concertation pluri-professionnelle rendues obligatoires, une réflexion

pourrait être menée sur l’intérêt d’inciter voire de rendre obligatoire cette forme d’organisation dans

d’autres configurations de soins.

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34

L’intérêt d’identifier une fonction de coordination apparaît également dans le suivi des patients

chroniques et pour l’éducation thérapeutique, en lien avec la possibilité pour des professionnels,

auxiliaires médicaux, de déployer des pratiques avancées dans la coordination des soins et le suivi

des patients.

2. Faciliter l’adaptation des compétences et des pratiques pour permettre une adaptation de

l’organisation des soins

Permettre une évolution des compétences et des pratiques des médecins généralistes

On l’a vu, les compétences respectives des différentes catégories de médecins évoluent au fil du

temps, leur mise en œuvre effective est également tributaire de situations locales. Favoriser une

certaine souplesse serait certainement souhaitable et permet, par l’évolution des formations, plus de

polyvalence des médecins généralistes dans la réalisation d’actes techniques auxquels ils n’ont pas

accès (TFR, fond d’œil, etc.).

Favoriser la coopération interprofessionnelle

Le Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie, dans un avis adopté en 201435, indiquait que

l’enjeu d’une coopération renforcée entre professionnels n’est pas, sauf situation exceptionnelle, de

compenser les conséquences d’une pénurie de professionnels mais de faciliter une transformation

systémique du système de soins, dans un objectif d’amélioration du service rendu à la population

(par exemple, dans la prise en charge des malades chroniques ou conduite d’une politique de

prévention).

Comme le notait le HCAAM, « dans le cadre d’équipes où un médecin peut intervenir à tout moment

et où les habitudes de travail collectif sont bien ancrées, les attentes sont très fortes pour l’évolution

des partages de compétence ». Il est dès lors « logique et nécessaire que, dans les structures et

organisations dans lesquelles un médecin peut intervenir à tout moment, les possibilités de

coopération entre médecins et autres professionnels de santé se développent largement. Les

procédures en permettant le développement pourraient être assouplies. Elles sont le prolongement

logique de la pratique du travail en équipe et répondent à une préoccupation d’efficience dans

l’utilisation du temps médical ».

Ces recommandations restent pleinement d’actualité. Elles faciliteraient l’adaptation permanente de

l’offre de soins par l’évolution des pratiques. Dans le champ de la médecine spécialisée, la pluri

professionnalité et la mobilisation de professions non médicales et notamment paramédicales

devraient être développée.

35

Avis du Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie - 10 juillet 2014

Page 35: Médecine spécialisée et organisation des soins : les · spécialistes dans l’offre de soins ... ente auto égulation et planification ... carte sanitaire, ...

35

Il faut noter, s’agissant des soins courants en ophtalmologie, la nécessité impérative que les

coopérations professionnelles soient rapidement généralisées sur l’ensemble du territoire national ;

elles sont un élément central de la réponse à une situation très dégradée. Mais plus généralement,

et hors ces situations de pénurie relative, il faut pour la médecine spécialisée comme pour la

médecine générale évoluer vers la mise en place plus systématique d’organisations

pluriprofessionnelles intégrant des professions paramédicales et des techniciens.

3. Développer les technologies et prises en charge innovantes

Le Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie a analysé l’impact systémique de la « grande

transformation numérique »36.

Dans un nombre croissant de cas, les technologies de l’information, permettant notamment la

téléconsultation ou la télésurveillance, se traduisent par un gain de temps pour les professionnels

comme pour les patients, facilitent un égal accès aux soins dans des zones dépourvues d’offre et sont

un outil de mobilisation à meilleur escient de l’expertise des médecins spécialistes. Il faut tendre à

développer les usages éprouvés de ces technologies, en l’organisant si nécessaire sur un territoire

donné par la mise en place de plateformes territoriales de télémédecine et en assurant une

rémunération adéquate de l’acte médical de consultation ou d’interprétation.

4. Développer des outils tarifaires incitatifs

On peut faire le constat qu’il n’existe pas pour l’heure en France de dispositif de financement incitant

fortement à une coordination des professionnels de santé dans le cadre d’un épisode de soins ou

pour la prise en charge de patients chroniques. Le Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie a

formulé des propositions, dans son avis sur l’innovation37, pour développer des dispositifs de cette

nature, en commençant par des expérimentations.

En fonction des conditions de détermination et de gestion du forfait rémunérant l’épisode de soins,

ce type de dispositif est susceptible d’avoir un effet très structurant sur la relation entre médecin

généraliste, médecin spécialiste et établissement de santé. Ces éléments seront développés dans la

troisième partie du travail consacré à la médecine spécialisée.

36

Avis du Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie sur l’innovation - 13 juillet 2016 37

Avis du Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie sur l’innovation déjà cité -13 juillet 2016

Page 36: Médecine spécialisée et organisation des soins : les · spécialistes dans l’offre de soins ... ente auto égulation et planification ... carte sanitaire, ...

36

III. Les patients dans les processus de soins impliquant les

spécialistes

La réflexion sur la place de la médecine spécialisée ne peut faire l’impasse sur la place et le point de

vue des patients et de leur entourage dans les processus de soins ou plus largement de prise en

charge, y compris financière, de leur situation personnelle, en particulier pour des prises en charges

de longue durée impliquant de nombreux professionnels de santé.

Pour étudier cette question, le secrétariat général du HCAAM a mis en place en mars 2017 deux

« focus groups » constitués de patients atteints ou ayant été atteints de pathologies lourdes,

chroniques ou non, qui ont nécessité l’inclusion dans des processus de prise en charge complexes

impliquant le recours à des médecins spécialistes. Les conclusions de ces travaux, prévues pour la fin

du mois de mai, devraient alimenter la réflexion du HCAAM.

Sans préjuger des conclusions de ces groupes, il est d’ores et déjà possible d’identifier quelques

questionnements et quelques enjeux, notamment ceux relatifs à l’information des patients sur le

processus de prise en charge médical (quels intervenants, pour faire quoi, quand ?) et sur le

processus de prise en charge financière.

Sur le plan de la prise en charge financière, la réforme de la procédure d’entrée dans le dispositif

d’affection de longue durée (ALD) va dans le sens d’une simplification et devrait améliorer la

situation des patients. Mais les clarifications apportées par cette réforme mettent en lumière les

faiblesses qui existent en matière d’information des patients sur la prise en charge qu’ils sont en

droit d’attendre.

1- La simplification de la procédure ALD devrait améliorer la prise en

charge financière des patients concernés

Une affection de longue durée (ALD) exonérante est une maladie qui nécessite « un traitement

prolongé et une thérapeutique particulièrement coûteuse »38. Elle donne droit à exonération du ticket

modérateur pour tous les actes en rapport avec elle (prise en charge à 100 % des dépenses liées à ces

soins et traitements). Une maladie chronique ou même complexe n’est pas forcément une ALD : si

l’essentiel des affections de longue durée sont des maladies chroniques, toutes les maladies

chroniques ne sont pas des ALD.

Ce dispositif est toutefois essentiel dans le parcours et la prise en charge financière d’un grand

nombre de patients ayant recours à des soins spécialisés : en 2015, 10,1 millions de personnes

38

Art. L 322-3 du code de la sécurité sociale

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37

affiliées au régime général de l'Assurance maladie bénéficient du dispositif des affections de longue

durée (ALD), soit 16,6% des assurés39.

La procédure ALD, exposée en annexe de la présente note, s’appuie sur la rédaction par le médecin

traitant d’un protocole de soins déterminant la pathologie concernée et les soins de toute nature

qu’elle nécessite. Elle a été simplifiée par la loi de modernisation du système de santé.

Cette réforme concerne les admissions et les prolongations pour la très grande majorité des ALD,

soit, selon l’Assurance maladie, près de 2,7 millions de personnes par an. L’insuffisance respiratoire

chronique grave et les maladies métaboliques et héréditaires sont exclues de ce dispositif simplifié

en raison de leurs spécificités. La procédure actuelle demeure inchangée pour les ALD hors liste et les

ALD pour polypathologies invalidantes.

L’ancienne procédure était susceptible de créer des ruptures de prise en charge et des lourdeurs

administratives : par exemple, en cas de polypathologies, la durée de validité du protocole était la

durée correspondant à la durée de l’ALD la plus courte ; chaque nouvelle pathologie entraînait la

rédaction d’un nouveau protocole incluant toutes les pathologies ; en cas de changement de

médecin traitant, le protocole n’était pas réellement « portable », il devait être refait par le nouveau

médecin traitant ; le renouvellement de l’ALD était fait à l’initiative du médecin traitant, ce qui

pouvait occasionner des ruptures de prise en charge. Par ailleurs, la décision d’entrée en ALD était

une codécision entre le médecin traitant et le médecin conseil de l’Assurance maladie, ce qui

générait des démarches, délais et incertitudes parfois excessifs. En outre, le dispositif de « suivi post

ALD », qui organise un maintien de la prise en charge à 100% de certains actes après la sortie d’ALD

était très peu utilisé en dépit de son intérêt pour les patients40.

Désormais, le médecin traitant déclare l’ALD et le patient est pris en charge à 100% sans avis

préalable du médecin conseil. Le contrôle s’effectue a posteriori.

La nouvelle procédure favorise également la continuité de la prise en charge et la simplicité de

l’inclusion au dispositif :

- Le protocole détaillé et argumenté que devait jusque-là remplir le médecin traitant est

remplacé par la simple mention de l’ALD concernée, le médecin s’engageant à suivre les

39

Selon les estimations de la Cour des comptes, 11,3 millions de personnes pour les trois principaux régimes de sécurité sociale, soit 17% des assurés, ont bénéficié en 2014 du régime ALD. 40

Depuis le décret du 19 janvier 2011 un régime dit de « suivi post-ALD » permet aux assurés ne souffrant plus d’une ALD de bénéficier du maintien de l’exonération du ticket modérateur lorsqu’ils ont été atteints d’une affection de longue durée inscrite sur la liste ALD 30 et qui se trouvent dans un état de santé qui ne requiert plus aucun traitement, mais un suivi clinique et paraclinique régulier au regard des recommandations formulées par la HAS. La demande, qui relève de l’initiative du médecin traitant, est accordée pour une durée initiale maximale de 5 ans éventuellement renouvelable. Cette procédure est restée marginale : en 2013 la CNAM dénombrait 22 000 bénéficiaires.

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38

recommandations de la HAS y correspondant ; en cas de changement de médecin traitant ce

dernier a simplement à connaître l’ALD concernée et à suivre le protocole HAS ;

- La durée du protocole passe de 2 à 5 ans à 3 à 10 ans ;

- En cas de nouvelle pathologie, il n’est pas nécessaire de refaire le protocole, il suffit d’ajouter

l’ALD correspondante ;

- Le renouvellement de l’ALD se fait à l’initiative du médecin conseil de l’Assurance maladie

qui engage la concertation avec le médecin traitant ;

- La procédure « post-ALD » sera également enclenchée à l’initiative du service médical de

l’Assurance maladie.

Cette réforme, qui sera pleinement effective à partir de l’été 2017, devrait simplifier les tâches

administratives des professionnels et favoriser la continuité de la prise en charge financière des

patients. Il convient d’en mesurer l’impact au fur et à mesure de sa mise en œuvre, en particulier

sur le développement du recours à la procédure « post-ALD ».

2- L’information des patients sur les modalités de leur prise en charge

est insuffisante

La réforme de la procédure ALD souligne l’absence de stratégie partagée d’information des patients

La réforme de la procédure ALD constitue un pas vers une clarification des objectifs poursuivis par ce

dispositif. En effet, historiquement l’ALD est à la fois un dispositif de prise en charge financière des

patients, un dispositif de coordination et d’information des professionnels impliqués dans la prise en

charge et un dispositif permettant au patient de connaître les modalités de sa prise en charge. Ces

trois objectifs étaient poursuivis grâce à un seul document, le protocole de soins ALD rédigé par le

médecin traitant.

Dans les faits, l’objectif principal a toujours été d’organiser des modalités de prise en charge

financière et donc de déterminer, au travers du protocole ALD, les actes et prestations qui pouvaient

faire l’objet d’une prise en charge à 100% par l’Assurance maladie. Cet objectif a pesé sur la

démarche de définition des protocoles de soins entreprise par la HAS : les premiers guides de prise

en charge étaient centrés sur les pathologies donnant lieu à ALD, voire sur les phases de ces

pathologies où une ALD pouvait être obtenue. Une grande partie du travail de la HAS a été consacrée

à déterminer quelles prestations ou soins pouvaient être pris en charge à 100%. Les modalités de

rédaction du protocole (formulaire administratif), l’implication a priori de l’Assurance maladie pour le

valider, le fait que le volet destiné au patient (« troisième volet ») n’était pas systématiquement

rempli, lisible, compréhensible, voire tout simplement remis au patient, montrent que l’objectif

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39

d’implication du patient dans sa prise en charge n’était pas premier. Ce « troisième volet » était

surtout un élément permettant au patient de prouver aux différents professionnels qu’il était bien

pris en charge à 100% pour une série d’actes ou de prestations.

En renvoyant professionnels de santé et patients vers les protocoles ALD de la HAS, disponibles sur

internet, la réforme de la procédure ALD acte le resserrement des objectifs : l’enjeu est désormais

clairement de faire en sorte que les patients soient pris en charge financièrement dans les meilleures

conditions possibles.

Cette clarification est bienvenue. Elle permet de reposer en dehors de considérations financières la

question de l’information des patients sur ce qui va leur arriver, ce qu’ils sont en droit d’attendre

comme modalités de prise en charge, sans plus considérer que la question relèverait du protocole

ALD.

Force est de constater que les moyens mis en œuvre pour que les patients disposent des

informations pertinentes sont notoirement insuffisants.

L’information générale à destination des patients n’est pas adaptée

Il existe de nombreuses sources d’information accessibles aux patients :

- Les guides patients et les guides par pathologies destinés aux patients réalisés par la HAS :

leur diffusion se fait via le site de la HAS ;

- L’Assurance maladie met à disposition des patients des informations sur son site Amélie ; par ailleurs, elle transmet par courrier aux assurés en ALD des documents d’information sur les modalités de leur prise en charge, mais ce sont des documents portant sur les modalités générales de leur prise en charge financière ;

- La CNAMTS fournissait par le passé des fiches que le médecin traitant pouvait transmettre au

patient lors de son inscription en ALD, mais il semble que cette pratique soit restée

marginale ;

- L’Assurance maladie réalise par ailleurs, à partir des guides de la HAS, des fiches pour les

professionnels ou les patients sur la prise en charge de certaines pathologies,

essentiellement à propos du suivi en ville après hospitalisation (sur la BPCO, l’insuffisance

cardiaque, la maladie rénale chronique, les maladies cardiaques) lors du retour à

domicile pour les patients inclus dans les programmes qu’elle met en œuvre sur ces sujets.

Les patients peuvent également se tourner vers d’autres acteurs : associations de patients,

organismes complémentaires, caisses de retraite, etc. Il existe par ailleurs, notamment en

Page 40: Médecine spécialisée et organisation des soins : les · spécialistes dans l’offre de soins ... ente auto égulation et planification ... carte sanitaire, ...

40

psychiatrie, des expériences de développement de groupes de pairs41 qui peuvent servir de support à

l’échange d’information.

A cette liste, non exhaustive, de ressources à disposition des patients, on peut ajouter les nombreux

sites et forums d’information médicale.

Ce bref panorama permet de souligner deux difficultés.

La première tient à la qualité des informations disponibles : lorsqu’elle émane d’autorités officielles,

et malgré des progrès, notamment de la part de la HAS, cette information est souvent difficilement

compréhensible pour qui n’est pas un médecin ou un spécialiste du système de santé. Lorsqu’elle

n’émane pas d’autorités officielles, sa fiabilité n’est pas garantie.

La deuxième tient à la manière dont les patients accèdent à l’information : dans la majorité des cas, il

appartient au patient de se mobiliser pour trouver ces ressources car il existe peu de démarches

proactives.

Il est nécessaire d’évaluer l’ensemble des outils d’information des patients et d’engager un chantier

pour améliorer l’accès à l’information, ainsi que sa qualité et sa pertinence. Pour cela, il est possible

de s’inspirer des initiatives qui existent en France et à l’étranger.

Ainsi, la CNAMTS étudie une piste consistant à fournir de l’information aux patients au travers du

DMP. Cette idée serait favorisée par la mise à disposition des assurés d’une application qui

simplifiera leur accès au DMP.

A l’étranger, les « pathways » britanniques mis en place par le NHS semblent être un exemple à

suivre et à développer, dans la mesure où ils proposent des éléments d’information avec un degré de

complexité et un contenu variable selon les cibles (médecin/patient).

Dans cette réflexion, la HAS, qui a pour mission d’« élaborer les guides de bon usage des soins ou les

recommandations de bonne pratique, procéder à leur diffusion et contribuer à l'information des

professionnels de santé et du public dans ces domaines (…) »42 doit être un acteur moteur.

Quelle information du patient sur sa situation particulière ?

Au-delà de l’information générale du patient, il convient de réinterroger les modalités d’information

du patient sur son cas personnel : la mise à disposition des patients d’une information décrivant les

prises en charge théoriques qui soit pertinente, compréhensible et qui vienne plus vers eux est-elle

suffisante ?

41

Groupes d’entraide mutuelle 42 Article L161-37 du code de la sécurité sociale

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41

En principe, et en raison du secret médical, il est d’usage de considérer que l’information du patient

doit se faire par le dialogue entre le médecin traitant et le patient. Il n’existe pas d’évaluation de la

manière dont est faite cette information. En tout état de cause, à partir de quels supports, de quels

outils, le médecin traitant peut-il exercer cette mission ? Quelle formalisation est souhaitable pour

les patients ?

Il existe sur ce plan peu de ressources spécifiques, les seuls documents qui pourraient être partagés

et discutés avec le patient n’ont pas en réalité vocation à l’informer mais plutôt à organiser la

coordination et l’information entre les différents professionnels impliqués dans la prise en charge.

Ainsi, la version initiale du protocole de soins prévue dans le cadre des ALD pouvait fournir au patient

une information contextualisée puisque rédigée par son médecin traitant et, du moins

théoriquement, adaptée en fonction de sa situation. A minima, ce protocole pouvait servir d’appui à

un échange entre le patient et le médecin. Cet outil, avec ses limites soulignées plus haut, n’existe

plus en tant que tel, remplacé par le renvoi à un protocole générique. Pour les patients qui ne sont

pas en ALD mais qui nécessitent le recours à des soins itératifs, la convention médicale prévoit dans

son article 18-1 la rédaction d’un « plan de soins prédéfini en termes de contenu et de périodicité

entre le médecin traitant et le médecin correspondant » qui pourrait servir d’élément d’information

contextualisée du patient et de support à un échange entre le patient et le médecin. Mais l’existence

même de ces plans de soins dans la pratique est sujette à interrogation. La HAS a élaboré un modèle

de plan personnalisé de santé (PPS), à la demande du Ministère des Affaires Sociales et de la Santé,

dans le cadre de la mise en œuvre des expérimentations « personnes âgées en risque de perte

d’autonomie » (PAERPA). Ces plans s’adressent à une catégorie très spécifique et donc limitée de

patients et s’ils l’impliquent au stade de leur rédaction, ils s’adressent essentiellement aux

professionnels de santé.

Une réflexion sur l’utilité, les modalités, la formalisation de l’information du patient par les

professionnels de santé sur ce qu’il est en droit d’attendre de son processus de prise en charge est

nécessaire.

La bonne information du patient sur la place, le rôle et les missions de chaque professionnel impliqué

dans sa prise en charge est un enjeu pour la démocratie sanitaire mais aussi sans doute, très

pragmatiquement, pour le bon usage du système de soins et la façon dont le patient va vivre sa

maladie. Investir dans cette question doit donc être une priorité des pouvoirs publics.

Page 42: Médecine spécialisée et organisation des soins : les · spécialistes dans l’offre de soins ... ente auto égulation et planification ... carte sanitaire, ...

42

Annexe 1 : Les missions du médecin traitant et du médecin

correspondant dans les conventions médicales de 2011 et 2016

1) Les missions du médecin traitant dans la convention de 2011 et dans la convention de 2016

En 2011 : Le médecin traitant (article 12-1 de la convention médicale) :

- assure le premier niveau de recours aux soins ;

- contribue à l'offre de soins ambulatoire ;

- participe à la prévention, au dépistage, au diagnostic, au traitement et au suivi des maladies ainsi

qu’à l'éducation pour la santé de ses patients ;

- oriente le patient dans le parcours de soins coordonnés ;

- informe tout médecin correspondant des délais souhaitables de prise en charge compatibles avec

l’état de santé du patient ;

- rédige le protocole de soins en tenant compte des propositions du ou des médecins correspondants

participant à la prise en charge du malade ;

- favorise la coordination par la synthèse des informations transmises par les différents intervenants

et veille à l’intégration de ces synthèses dans un dossier médical personnel ;

- apporte au malade toutes les informations permettant d'assurer une permanence d'accès aux soins

aux heures de fermeture du cabinet.

En 2016 : Le médecin traitant - (article 15-1 de la convention médicale) :

Le médecin traitant favorise la coordination avec les autres professionnels et services participant aux

soins de ses patients. Son intervention contribue à la continuité ainsi qu'à la qualité des soins et des

services apportés à la population. Par ses fonctions de diagnostic, de conseil et d'orientation, le

médecin traitant participe activement à la bonne utilisation du système de soins par ses patients

avec le souci de délivrer des soins de qualité à la collectivité, à des coûts maîtrisés.

- assure le premier niveau de recours aux soins ;

- contribue à l'offre de soins ambulatoire ;

- participe à la prévention, au dépistage, au diagnostic, au traitement et au suivi des maladies ainsi

qu’à l'éducation pour la santé de ses patients ;

- oriente le patient dans le parcours de soins coordonnés ;

- informe tout médecin correspondant des délais souhaitables de prise en charge compatibles avec

l’état de santé du patient ;

- rédige le protocole de soins en tenant compte des propositions du ou des médecins correspondants

participant à la prise en charge du malade ;

- favorise la coordination par la synthèse des informations transmises par les différents intervenants

et veille à l’intégration de ces synthèses dans un dossier médical personnel ;

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43

- apporte au malade toutes les informations permettant d'assurer une permanence d'accès aux soins

aux heures de fermeture du cabinet.

Plus spécifiquement pour ses patients âgés de moins de seize ans le médecin traitant :

- veille au bon développement de l’enfant ;

- assure le dépistage des troubles du développement, au cours, notamment, des examens

obligatoires pris en charge à 100% entre 0 et 6 ans : évolution de la croissance, du langage, de la

motricité etc. ;

- veille à la bonne réalisation du calendrier vaccinal ;

- soigne les pathologies infantiles aiguës ou chroniques ;

- conseille les parents en matière d’allaitement, de nutrition, d’hygiène, de prévention des risques de

la vie courante… ;

- assure un dépistage et une prévention adaptés aux divers âges : addictions ; surpoids : Infections

sexuellement transmissibles ; contraception ; risque suicidaire, etc.

2) Les missions du médecin correspondant dans la convention de 2011 et dans la convention

de 2016

En 2011 (article 13-1 de la convention médicale)

Le médecin correspondant a notamment pour mission de:

- répondre aux sollicitations du médecin traitant et recevoir les patients adressés dans des délais

compatibles avec leur état de santé, sans discrimination dans la prise de rendez-vous ; il s’engage à

tenir compte des informations médicales relatives au délai de prise en charge transmises par le

médecin traitant en application de l’Article 12.1 ;

- contribuer, dans son champ de compétence, à la protocolisation des soins pour les malades en

affections de longue durée en relation avec le médecin traitant ;

- tenir informé, avec l’accord du patient, le médecin traitant de ses constatations et lui transmettre,

dans les délais raisonnables, nécessaires à la continuité des soins et compatibles avec la situation

médicale du patient, tous les éléments objectifs se rapportant aux séquences de soins sur lesquelles

il intervient : résultats d'examens complémentaires, comptes rendus opératoires, comptes rendus

d'hospitalisation, constatations, conclusions et éventuelles prescriptions.

En 2016 (article 16-1 de la convention médicale)

Intervenant en coordination en lien avec le médecin traitant, le médecin correspondant permet

l’accès aux soins de second recours.

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44

Le médecin correspondant a notamment pour mission de :

- répondre aux sollicitations du médecin traitant et recevoir les patients adressés dans des délais

compatibles avec leur état de santé; il s’engage à tenir compte des informations médicales relatives

au délai de prise en charge transmises par le médecin traitant ;

- intervenir en lien avec le médecin traitant sur le suivi du patient et l’élaboration du projet de soins

le cas échéant ;

- tenir informé, avec l’accord du patient, le médecin traitant de ses constatations et lui transmettre,

dans les délais raisonnables, nécessaires à la continuité des soins et compatibles avec la situation

médicale du patient, les éléments se rapportant aux séquences de soins sur lesquelles il intervient ;

- participer à la prévention et à l’éducation pour la santé ;

- intervenir en coopération avec les établissements de santé et contribuer à la prévention des

hospitalisations inutiles ou évitables.

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Annexe 2 : Exemples de schémas de parcours de soins produits par la

Haute autorité de santé

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Annexe 3 : Parcours de soins et prise en charge par l’assurance

maladie : les affections de longue durée

En 2015, 10,1 millions de personnes affiliées au régime général de l'Assurance Maladie bénéficient

du dispositif des affections de longue durée (ALD), soit 16,6% des assurés43. En 2013, les dépenses de

soins des personnes en ALD représentaient 60,8% du total des dépenses de l’Assurance maladie (89,3

Md€). La Direction générale du Trésor estime le surcoût du dispositif ALD par rapport aux prises en

charge de droit commun à 12,5 Md€ en 2011 ; la Cour des comptes l’estime à 15 Md€ pour 201444.

Définitions et fondements juridiques des affections de longue durée Une affection de longue durée (ALD) exonérante est une maladie qui nécessite « un traitement

prolongé et une thérapeutique particulièrement coûteuse »45. Elle donne droit à exonération du ticket

modérateur pour tous les actes en rapport avec elle (prise en charge à 100 % des dépenses liées à ces

soins et traitements). L’exonération ne supprime pas les restes à charge des patients : elle ne

concerne que les prestations prises en charge pour le traitement de la maladie en question sur la

base des tarifs remboursables de la sécurité sociale, elle ne supprime pas les diverses participations

financières de droit commun (forfait hospitalier, forfait de 1€ par consultation, pénalités en cas de

non-respect du parcours de soins). Une maladie chronique ou même complexe n’est pas forcément

une ALD : si l’essentiel des affections de longue durée sont des maladies chroniques, toutes les

maladies chroniques ne sont pas des ALD.

Trois catégories d’affections sont concernées :

- L'ALD liste : il s’agit de l'une des 29 affections inscrite sur la liste figurant à l’article D 322-1 du

code de la sécurité sociale ;

- L'ALD hors liste : il s’agit d’une affection non inscrite sur la liste mais constituant une forme

évolutive ou invalidante d’une affection grave, nécessitant des soins prolongés supérieurs à

six mois ;

- Les poly-pathologies ou affections multiples

Pour chaque ALD liste sont définis des critères médicaux règlementaires déterminant l’admission au

bénéfice du dispositif.

ALD et parcours de soins

43

Selon les estimations de la Cour des comptes, 11,3 millions de personnes pour les trois principaux régimes de sécurité sociale, soit 17% des assurés, ont bénéficié en 2014 du régime ALD. 44

Trésor éco n° 145, avril 2015 et Rapport sécurité sociale 2016, chapitre V de la Cour des comptes 45

Art. L 322-3 du code de la sécurité sociale

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L’exonération du ticket modérateur est un dispositif mis en place dès l’origine de l’assurance

maladie. Son objectif premier est de limiter les restes à charge des patients concernés et d’éviter que

le ticket modérateur ne devienne un obstacle à l’accès aux soins.

A cet objectif s’est ajouté un objectif de qualité et de coordination des soins, matérialisé par

l’utilisation d’une procédure d’inclusion au dispositif liant accès au remboursement, respect des

recommandations de la HAS et inclusion dans un parcours de soins. Cette procédure s’appuie sur la

rédaction par le médecin traitant d’un protocole de soins déterminant la pathologie concernée et les

soins de toutes natures qu’elle nécessite.

Les médecins traitants responsables de la gestion du parcours des patients en ALD bénéficient d’une rémunération forfaitaire spécifique prévue par la convention médicale (40 euros par an et par patient concerné) afin de « prendre plus particulièrement en compte le besoin de coordination médicale que nécessite la prise en charge d’une personne en ALD. Cette rémunération intègre également la rédaction et l’actualisation du protocole de soins en liaison avec le médecin correspondant ». La procédure ALD a été simplifiée par la loi de modernisation du système de santé. Cette réforme

concerne les admissions et les prolongations pour la très grande majorité des ALD, soit, selon

l’Assurance maladie, près de 2,7 millions de personnes par an. L’insuffisance respiratoire chronique

grave et les maladies métaboliques et héréditaires sont exclues de ce dispositif simplifié en raison de

leurs spécificités. La procédure actuelle demeure inchangée pour les ALD hors liste et les ALD pour

polypathologies invalidantes.

Avant la réforme :

- Le protocole est rempli par le médecin traitant, en lien avec les médecins correspondants

intervenant dans la prise en charge et en s’appuyant, quand elles existaient, sur les

recommandations et guides de la HAS46. Le protocole devait ensuite être transmis au

médecin conseil de l’Assurance maladie qui décidait de l’accès au dispositif ALD. Le protocole

était donc établi conjointement entre médecin traitant et médecin conseil. Le médecin

conseil de l’Assurance maladie déterminait la durée de validité du protocole en fonction des

recommandations de la HAS. Le protocole était signé par le patient à qui une copie était

remise, lui-même devant présenter ce document aux différents médecins consultés. Pour

que la prise en charge à 100% soit effective, les différents médecins devaient, lors de

l’établissement des documents nécessaires à la prise en charge par l’Assurance maladie,

certifier avoir pris connaissance de ce protocole.

- Le médecin traitant pouvait demander le renouvellement du protocole à l’Assurance maladie

qui statuait en fonction des éléments apportés à l’appui de la demande.

46 Seuls les actes et les prestations nécessités par le traitement de l'affection, dans le cadre des

recommandations de bonnes pratiques de la Haute Autorité de Santé, font l'objet d'une suppression ou limitation de la participation financière de l'assuré(e).

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- Une procédure dérogatoire était possible pour permettre la rédaction du protocole par un

médecin différent du médecin traitant afin de ne pas retarder la prise en charge à 100% par

l’Assurance maladie, notamment en cas de diagnostic fait à l’hôpital ou par un spécialiste en

ville. La durée de validité du protocole était de six mois renouvelables destinés à permettre

au patient d’engager les démarches auprès de son médecin traitant pour régulariser sa

situation.

- Pour conserver le bénéfice du dispositif, le patient devait suivre les traitements et les

mesures de toute nature prescrits d'un commun accord par le médecin traitant et le médecin

conseil de la sécurité sociale, se soumettre aux visites médicales et différents contrôles

organisés par son organisme d'assurance maladie, s’abstenir de toute activité non autorisée,

accomplir les exercices ou travaux prescrits en vue de favoriser sa rééducation ou son

reclassement professionnel.

- Le médecin traitant devait remplir un certain nombre d’informations dans le protocole,

notamment le diagnostic exact, une argumentation justifiant l’inscription en ALD, les

modules correspondants dans la liste des actes et prestations des recommandations de la

HAS et nécessaires au traitement, les actes et prestations ne figurant pas sur la liste HAS,

mais présentant un lien direct et certain avec l'affection.

- Une ordonnance dite « bizone » permet aux médecins de distinguer clairement les

prescriptions en rapport ou non avec une affection de longue durée exonérante.

- Depuis le décret du 19 janvier 2011 un régime dit de « suivi post-ALD » permet aux assurés

ne souffrant plus d’une ALD de bénéficier du maintien de l’exonération du ticket modérateur

lorsqu’ils ont été atteints d’une affection de longue durée inscrite sur la liste ALD 30 et qui se

trouvent dans un état de santé qui ne requiert plus aucun traitement, mais un suivi clinique

et paraclinique régulier au regard des recommandations formulées par la HAS. La demande,

qui relève de l’initiative du médecin traitant, est accordée pour une durée initiale maximale

de 5 ans éventuellement renouvelable47.

Ce que change la réforme :

- Le protocole est établi par le médecin traitant, en lien avec les éventuels médecins

correspondants : il n’est plus établi conjointement avec le médecin conseil ;

- Pour conserver le bénéfice du dispositif, le patient doit suivre les traitements et les mesures

de toute nature prescrits par le médecin traitant : il n’y a plus d’intervention du médecin

conseil dans ce processus ;

- le protocole établi par le médecin traitant est adressé au service du contrôle médical, qui fait

connaître son avis à la caisse d’assurance maladie dont relève l’assuré. À défaut

47

Cette procédure est restée marginale : en 2013 la CNAM dénombrait 22 000 bénéficiaires.

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d’observations transmises dans un délai fixé par voie réglementaire, l’avis est réputé

favorable : l’inclusion en ALD est immédiate et devient la norme.

- La durée de l’exonération de qui pouvait être de 2 ans ou 5 ans passe à 3, 5 ou 10 ans.

- En pratique, le médecin n’aura plus qu’à indiquer le nom de la pathologie et sa date de

début dans la demande d’admission et à signer le protocole afin de certifier que l’état de

santé de son patient répond aux critères médicaux utilisés pour la définition de l’ALD

concernée et qu’il s’engage à respecter les recommandations de la HAS. L’accord sera

attribué a priori et de façon systématique. La gestion des prolongations des ALD arrivant à

échéance sera également simplifiée. C’est le service médical qui, au regard des informations

dont il dispose, prendra l’initiative de proposer au médecin traitant la prolongation ou le non

renouvellement du bénéfice de l’exonération. Il en est de même pour la procédure « post

ALD » qui sera proposée par le médecin conseil. Le patient n’aura plus à signer le protocole

et ne sera plus soumis à des examens périodiques spéciaux.

- En cas de nouvelle pathologie, il n’est plus nécessaire de refaire le protocole, il suffit

d’ajouter l’ALD correspondante ;

Si, dans les faits, certaines de ces mesures ne font que tirer les conclusions de l’inutilité de

procédures de contrôle préalables ineffectives pour privilégier des contrôles a posteriori tout au

long du bénéfice du dispositif48, elles devraient toutefois simplifier les tâches administratives du

médecin, à accélérer l’accès au dispositif ALD pour le patient et à faciliter les renouvellements pour

éviter les ruptures de prise en charge.

Les protocoles de soins de la HAS

La HAS a de par la loi pour mission de formuler des recommandations sur les actes et prestations

nécessités par le traitement des affections de longue durée. Selon l’article L161-37 du code de la

sécurité sociale, elle doit : « contribuer par ses avis à l'élaboration des décisions relatives (…) aux

conditions particulières de prise en charge des soins dispensés aux personnes atteintes d'affections de

longue durée » et « Elaborer les guides de bon usage des soins ou les recommandations de bonne

pratique, procéder à leur diffusion et contribuer à l'information des professionnels de santé et du

public dans ces domaines (…). Elle élabore ou valide également, à destination des professionnels de

santé, dans des conditions définies par décret, un guide des stratégies diagnostiques et

thérapeutiques les plus efficientes ainsi que des listes de médicaments à utiliser préférentiellement,

après avis de l'Institut national du cancer s'agissant des médicaments anticancéreux ».

Son rôle est donc particulièrement important dans la mise en œuvre des parcours de soins : elle les

définit dans des guides et protocoles de soins par pathologie pour les ALD ainsi que pour certaines

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Voir le rapport sécurité sociale 2016 de la Cour des comptes, chapitre V.

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maladies chroniques ; elle détermine également des listes d’actes et prestations de soins par

pathologie.