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Mœbius 139

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Mœbius 139novembre 2013

Numéro piloté par Chantal Ringuet

Directeur : Robert Giroux

Comité de rédaction : Lucie Bélanger, Robert Giroux, Lysanne Langevin et Raymond Martin.

Conseil d’administration : Robert Giroux (président), Lucie Bélanger, Isabelle Gaudet-Labine, Lysanne Langevin, Jérémie Leduc-Leblanc, Tristan Malavoy-Racine, Raymond Martin.

Illustration de la couverture : tirée de Maysele ganev, Khaver-pavers mayselakh [Histoires de l’ami Pavers], New York, Farlag Matones bam Sholem Aleichem Folk Institute, 1925, p. 73.

Maquette de la couverture : Raymond MartinMise en pages : Julia Marinescu

Dépôt légal, BAnQ et BAC, 4e trimestre 2013

ISSN : 0225-1582ISBN : 978-2-89031-899-1

La revue ne saurait endosser la responsabilité du contenu des textes qu’elle reproduit.

Mœbius est subventionnée par le Conseil des Arts du Canada, le Conseil des arts et des lettres du Québec et le Conseil des arts de Montréal.

Mœbius est membre de la SODEP et de FQLL.

Mœbius est distribuée au Canada par Dimedia, en Europe par D.N.M. (Distribution du Nouveau Monde) et ailleurs dans le monde par Exportlivre.

Mœbius est diffusée en version électronique sur Érudit (www.erudit.org).

Mœbius paraît quatre fois l’an.

Mœbius2200, rue Marie-Anne Est,Montréal (Québec),H2H 1N1, CanadaTél. : 514.597.1666Courriel : [email protected] Internet : www.revuemoebius.qc.ca

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Sommaire

remerciementS........................................................................5Préface de Lazer Lederhendler.....................................................7PréSentation........................................................................13

Voix yiddiSh de montréal

Melech RavitchDans la statue de la liberté à New York.......................................25Amour sexuel du monde................................................................28Spinoza..................................................................................31Rachel KornÀ l’envers du poème......................................................................37Tout ce dont je rêve.......................................................................38Engagée dans mon destin...............................................................39Le saule bordant la rivière.............................................................40Bronia................................................................................41Chava RosenfarbL’arbre de l’amour.........................................................................49L’immigrant..........................................................................50Yehuda ElbergL’empire de Kalman l’infirme.......................................................61Jacob-Isaac SegalLumière ancienne..........................................................................67Vieux-Montréal........................................................................68Montréal....................................................................................70Montréal....................................................................................71Vers..........................................................................................73Grands-pères.........................................................................74Miriam WaddingtonLe salon de Mme Maze..................................................................75Ida MazeComme de petites fleurs dans la pluie............................................79Tout pour mon petit enfant...........................................................80Israël MedreshLa première librairie juive............................................................81Le Monument national.................................................................85Noah-Isaac GotlibMontréal......................................................................................91YudikaÀ l’usine........................................................................................95Une aube enneigée........................................................................96

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Esther SegalTerre...................................................................................97Fletcher’s Field..............................................................................98Sholem ShternLa visite de Sholem Asch, Shlomo Mikhoels et Itsik Fefer à Montréal.....99Hirsch WolofskyLa fondation du Keneder Odler.................................................105L’édition du Talmud à Montréal.................................................111Hershl NovakTentatives littéraires.....................................................................115Tout s’équilibre............................................................................119Leiser-Mendl BenjaminÀ propos de la poésie française......................................................123Hannaniah-Meir CaisermanÀ propos du Canada et de sa littérature.......................................129Israël RabinovitchL’activité littéraire en yiddish au Canada......................................133fragmentS d’une PoStérité en traduction

Abraham Moses KleinLa montagne...............................................................................141Lazer LederhendlerAbe Klein et moi dans l’avenue Querbes.....................................143David G. RoskiesL’adresse de Sutzkever.......................................................................145Irving LaytonTrois poèmes..............................................................................149Nina BerkhoutSoirée avec Leonard Cohen...............................................................153

lettre à un écriVain ViVant

Marc-Alain Wolf à Claude Vigée..............................................155leS yeux fertileS.......................................................................163

*

Thèmes à venir (les dates sont sujettes à changements) :

no 140 : Phobies piloté par Jean Lejeune (complet)no 141 : Mathématiques piloté par Normand Baillargeon (complet)no 142 : Ridicule piloté par François Lepage (date de tombée :

le 1er mars 2014)

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Remerciements

Je tiens à remercier, en premier lieu, le comité de la revue Mœbius, qui a accueilli avec enthousiasme ma propo-sition de consacrer un numéro de la revue à cette antho-logie intitulée Voix yiddish de Montréal. En particulier, je salue chaleureusement Lucie Bélanger, adjointe à l’édition chez Triptyque/Mœbius, qui m’a accompagnée dans les différentes étapes de production du présent numéro.

Celui-ci n’aurait pu voir le jour sans l’appui de certaines personnes qui ont collaboré, de près ou de loin, à sa réalisation. Au premier chef, j’aimerais adresser mes sincères remerciements à Lazer Lederhendler, l’auteur de la belle préface qui ouvre le numéro et d’un poème à propos d’A. M. Klein que j’ai traduit moi-même vers le français. Un grand merci également à celles et ceux qui ont répondu à mes nombreuses questions d’ordre terminologique à propos de la traduction du yiddish et de certains passages en hébreu vers le français : Lazer Lederhendler, Vivian Felsen, Rivka Augenfeld et Sarah Igelfeld. Un merci tout spécial à Pierre Anctil, qui a examiné attentivement certaines de mes traductions, en plus de collaborer à la traduction du yiddish vers le français de certains inédits.

J’aimerais exprimer ma reconnaissance à l’endroit des descendants des auteurs, qui ont libéré les droits pour la plus grande partie des textes yiddish inclus dans ce numéro. En particulier, je remercie Goldie Morgentaler, qui a répondu à mes questions concernant l’œuvre de Chava Rosenfarb, et Irving Massey, qui m’a donné de précieuses informations à propos d’Ida Maze et du milieu yiddish de Montréal. Les éditeurs et les auteurs qui ont accepté de libérer les droits d’œuvres déjà publiées en français et en anglais sont aussi remerciés. Sans leur consentement, le présent numéro n’aurait pu voir le jour dans l’état actuel.

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J’aimerais aussi exprimer ma gratitude à l’endroit de deux professeurs de langue et de culture yiddish : Esther Frank, enseignante au Département d’études juives de l’Université McGill, qui a animé un atelier en langue yiddish à l’hiver 2009, dans lequel le texte Bronia de Rachel Korn était à l’étude ; et Hanan Bordin, enseignant au Département d’études juives de l’Université hébraïque de Jérusalem, qui m’a accueillie dans sa classe de yiddish avancé à la session d’hiver 2012.

Grand merci, enfin, à mes parents, amis et connais-sances qui ont manifesté un intérêt particulier à l’endroit de ce projet.

Chantal Ringuet

Chantal Ringuet est docteure en études littéraires, éditrice, poète et traductrice. À la suite d’un postdoctorat portant sur la littérature yiddish de Montréal, elle a publié l’ouvrage À la découverte du Montréal yiddish (Fides, 2011), la première synthèse historique et culturelle sur le sujet. Après plusieurs voyages en Europe de l’Est et en Israël, elle a commencé à traduire du yiddish vers le français, ce qui l’a amenée à diriger Voix yiddish de Montréal (le numéro 139 de la revue Mœbius), une anthologie littéraire regroupant les principaux écrivains yiddish qui ont été actifs dans la métropole québécoise durant le XXe siècle. En parallèle, Chantal Ringuet signe la chronique « Lettres d’Israël » sur le site Salon.II. (Linda Leith Publishing) depuis mars 2012. Elle a publié un recueil de poèmes, Le sang des ruines (Gatineau, Écrits des hautes-terres, prix littéraire Jacques-Poirier 2009) qui sera suivi, en 2014, d’un recueil de poèmes bilingue intitulé Under the Skin of War (BuschekBooks), qui s’inspire de l’œuvre du photojournaliste britannique Don McCullin.

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PréfaceEn hommage aux lecteurs et aux lectrices

des belles-lettres yiddish

Nous sommes le 17 avril 1959, un vendredi soir, à Montréal. Un édifice moderne sis au 4499 de l’avenue de l’Esplanade, à l’angle de l’avenue du Mont-Royal. C’est l’adresse de la Yidisher Folks Biblyotek, la Bibliothèque publique juive de Montréal. La grande salle de réunion est pleine à craquer pour la commémoration annuelle de l’insurrection du ghetto de Varsovie. Cette année, l’invité d’honneur est Avram Sutzkever, vétéran de la guérilla antinazie en Lituanie et poète yiddish de renom. La soirée entière se déroule, d’ailleurs, en yiddish, langue première de la quasi-totalité des Juifs qui habitent les quartiers environnants. Dans l’assistance compacte il y a des tailleurs, des menuisiers, des bouchers, de petits commerçants et des artisans, des ouvrières et ouvriers du vêtement, des colporteurs, et au moins un chapelier, mon père. Tous écoutent avec attention et gravité. Le maître de cérémonie annonce qu’on entendra maintenant chanter Vilna, shtot fun gayst un tmimes (Vilna, cité d’esprit et d’innocence), un hommage à la ville natale de Sutzkever. La soprano dans la jeune trentaine est elle aussi native de Vilna ; quand elle entonne le refrain nostalgique, des voix s’élèvent spontanément pour l’accompagner. Celle qui chante est ma mère.

Même si je n’arrive pas à me rappeler cette soirée particulière, il est vraisemblable que j’y étais, ainsi que mon frère aîné, ce genre de manifestation ayant été un événement récurrent de notre enfance. Le plus souvent, toutefois, ça se passait dans l’ambiance bourdonnante,

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Préface8

enfumée, parfumée du 4848 boulevard Saint-Laurent. À l’époque, c’était le siège de l’Arbeter Ring, le Cercle ouvrier, un organisme fraternel fondé par des socialistes juifs en 1900, voué à la justice sociale et à la défense de la langue et de la culture yiddish. Pour nous, cet immeuble tenait lieu en quelque sorte de temple laïque. Nous le fréquentions surtout les fins de semaine pour y retrouver parents et amis, fortifier notre foi dans le progrès social, fêter et chanter ensemble, affirmer notre affection pour la mame-loshn, la langue maternelle : le yiddish.

Ainsi, dans l’auditorium à l’étage, là où se trouve aujourd’hui la célèbre Sala Rossa, se tenaient régulièrement des réunions politiques, des assemblées commémoratives, des spectacles, des concerts (notamment ceux de la réputée chorale de l’Arbeter Ring, au sein de laquelle chantait ma mère), des conférences et, bien entendu, des soirées littéraires. L’auditoire se composait majoritairement d’im-migrants qui n’avaient pu fréquenter l’école secondaire, encore moins l’université. Qu’à cela ne tienne, beaucoup de ces gens se passionnaient pour les belles-lettres, surtout s’il s’agissait de la littérature yiddish. En outre, s’ils pouvaient cultiver cette passion malgré leurs gagne-pain souvent exténuants, c’était en bonne partie grâce à des organismes tels l’Arbeter Ring et, pour plusieurs, le Bund (l’Union générale des travailleurs juifs), dont l’un des objectifs fondamentaux était de participer à l’essor du yiddish en tant que langue et culture vivantes, modernes, ouvertes sur le monde.

Un exemple typique : la bibliothèque de mes parents, tous deux militants à la fois de l’Arbeter Ring et du Bund, et dont la scolarité s’était arrêtée en septième année. Des centaines de titres, plus des trois quarts en yiddish – essais, poésie, romans, récits et cetera – abordant différents sujets, dont un bon nombre d’ouvrages dédicacés par des auteurs inclus dans la présente anthologie : Korn, Ravitch, Rosenfarb, entre autres. À cet égard, il faut noter qu’en dépit du respect et de l’admiration que ces écrivains inspi-raient, on ne les plaçait pas sur un piédestal. De manière réciproque, les hommes et les femmes de lettres yiddish ne se tenaient pas à distance de leurs lecteurs. C’étaient nos voisins, nos enseignants, nos landslayt (compatriotes,

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Préface 9

gens originaires de la même région ou ville), nos collègues, nos connaissances, nos camarades. Des relations peut-être comparables à celles qui liaient le public québécois à un Gaston Miron, un Jacques Ferron, un Gérald Godin, une Pauline Julien. Dans les deux cas, les auteurs, avec leurs poèmes, leurs chansons et leurs récits, rendaient le quotidien des lecteurs plus significatif, plus vivable. En même temps, les écrivains savaient parfaitement que c’étaient les lecteurs qui les faisaient vivre et, par-dessus tout, que c’était seulement dans le cœur et l’esprit de ceux-ci que leurs écrits faisaient sens, prenaient vie ; que sans ces gens dits « ordinaires », leur œuvre resterait lettre morte.

Pour les auteurs yiddishophones, c’était d’autant plus vrai après la Seconde Guerre mondiale, après la hurbn (terme yiddish désignant l’Holocauste), alors que les collectivités porteuses d’une modernité yiddish étaient pratiquement annihilées, les survivants dispersés aux quatre vents. Dans leurs écrits d’après-guerre, en complète résonance avec leurs lecteurs, le deuil, le désarroi, la douleur inextinguible sont palpables. Mais il y a plus. Outre les conséquences incalculables du génocide perpétré par les nazis, il leur faut compter avec la persécution des Juifs et l’étranglement de la culture yiddish en URSS ; avec la priorité croissante de l’hébreu aux dépens du yiddish dans la plupart des écoles et des institutions juives, surtout après la fondation de l’État d’Israël ; avec, enfin, le délaissement plus ou moins rapide du yiddish par les jeunes qui, tout en chérissant sentimentalement la langue vernaculaire de leurs parents, n’en voient plus l’utilité concrète et lui préfèrent fatalement l’anglais. Conscients de la disparition inexorable à la fois de leur lectorat et de la relève, les auteurs yiddishophones seront confrontés, au cours des années 50, 60 et 70, à une évidence désespérante : leur principal outil de pensée et d’expression n’a pas d’avenir en tant que littérature de masse.

Que faire, alors ? Persister à écrire en yiddish quitte à s’enfermer, à l’instar des sectes hassidiques, dans un ghetto linguistique tourné vers le passé, tournant le dos aux autres ? Ou bien embrasser, comme l’ont fait des collègues ayant grandi à Montréal – A. M. Klein,

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Préface10

Irving Layton et d’autres –, la lingua franca au risque de s’aliéner son auditoire le plus fidèle, justement ces lecteurs pour qui le yiddish est au cœur même de la yiddishkayt (l’identité juive, la judéité) et de sa jonction avec la société générale. Ce dilemme, plusieurs l’ont éprouvé comme un grand déchirement – je pense en particulier à la grande romancière Chava Rosenfarb –, la première langue n’étant pas seulement un véhicule, mais également un organe charnel dont l’affaiblissement et l’atrophie sont subis comme une profonde blessure de l’esprit. Car qui dit langue dit aussi langage : façon unique et irremplaçable de voir, de penser, de dire et d’écrire l’univers, d’entrer en relation avec les autres et avec soi-même.

J’appartiens à une espèce en voie d’extinction, soit la génération de ceux dont les premiers mots, les pre-mières chansons et les premiers livres étaient en langue yiddish ; ceux dont les premiers contacts avec le monde se sont faits dans cette langue ; ceux dont l’enfance et l’adolescence baignaient dans la culture yiddish séculière. Personnellement, le moment de rupture où le yiddish a cessé de fonctionner comme interface entre vie intérieure et vie extérieure, c’est-à-dire comme langue traductrice de l’existence, je l’ai vécu pour tout dire dans la colère et le chagrin de mon rejet, à l’aube de l’âge adulte, d’une vie communautaire devenue étouffante pour moi. Aussi me suis-je résigné, non sans mélancolie, à voir la civilisation yiddish reléguée tôt ou tard au domaine muséal de la nostalgie, du folklore et, inéluctablement, de l’oubli.

Dès lors, quel ne fut pas mon émerveillement lorsque j’ai constaté, il y a déjà plusieurs années, que la modernité yiddish montréalaise, au lieu de s’engouffrer dans la voie de garage annoncée, avait bifurqué vers celle d’une certaine postmodernité. Dans un premier temps, ce chemin a passé par l’établissement de programmes universitaires en études juives, entre autres aux universités Concordia, McGill, et à l’Université d’Ottawa, ce qui a donné lieu à d’importants travaux d’archéologie textuelle et donc, naturellement, de traduction. En effet, à titre de traducteur littéraire, je sais pertinemment que l’une des fonctions « naturelles » de la traduction est d’insuffler une seconde vie à un ouvrage, à une œuvre et, parfois, à une littérature entière. Cependant,

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Préface 11

pour que cette vie renouvelée puisse véritablement prendre sa place dans la cité, l’air raréfié de la recherche ne lui suffit pas. Elle doit sortir dans la rue et aller à la rencontre des lecteurs et des lectrices qui savent sans doute peu de choses de son passé mais qui, curieux et ouverts, l’accueilleront avec étonnement et plaisir. La présente anthologie offre justement un espace idéal pour une telle rencontre. Et c’est tout à l’honneur de la revue Mœbius et de Chantal Ringuet, dans son double rôle de traductrice et de directrice de ce projet, de l’avoir conçue et créée. Je les félicite et les remercie de tout cœur. Enfin, en tant que lecteur, c’est une joie de retrouver, ou même de découvrir, ces textes magnifiques qui nous parlent aujourd’hui, de manière lumineuse, en français.

Lazer Lederhendler

Lazer Lederhendler pratique la traduction depuis plus de trente ans. La qualité de ses traductions littéraires lui a valu plusieurs distinctions. Il a été trois fois lauréat du Prix de la traduction de la Quebec Writers’ Federation et figure fréquem-ment parmi les nominés au Prix littéraires du Gouverneur général (GG), notamment en 2011 pour Dirty Feet (Les pieds sales) d’Edem Awumey et Apocalypse for Beginners (Tarmac) de Nicolas Dickner. En 2008, sa version du premier roman de Dickner, Nikolski, avait remporté le GG, catégorie Traduction anglaise, avant de se retrouver en 2010 parmi les finalistes au Oxford-Weidenfeld Translation Prize (Royaume-Uni) et second au Scott Moncrieff Prize of the Society of Authors (Royaume-Uni) en 2011. Ses poèmes, essais et nouvelles ont également paru dans diverses revues canadiennes et québécoises. Il vit à Montréal, où il enseignait jusqu’à récemment la traduction ainsi que la langue et la littérature anglaises.

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Présentation

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PrésentationLe yiddish à fleur de peau

Mais restez silencieux, et vous vous trouve-rez tout à coup au beau milieu du yiddish. Et une fois que vous aurez été émus par lui – car le yiddish est tout, le mot, la mélodie hassidique et la réalité profonde de cet acteur juif lui-même – vous ne reconnaîtrez plus votre calme d’autrefois.

Franz Kafka, Discours sur la langue yiddish

Je reviens au Laïka, les cheveux légèrement en bataille, les yeux un peu cernés d’une nuit entrecoupée de réveils en sursaut. Je lève la tête de mon carnet de notes, puis regarde à travers l’immense fenêtre qui donne sur le boule-vard Saint-Laurent. Aujourd’hui, le froid et la grisaille de novembre s’abattent sur la ville et font fuir les passants. Au moment où mon regard se pose sur l’enseigne des luminaires Beacon, du côté opposé de la rue, à l’endroit précis où se trouvaient autrefois les bureaux de la presse yiddish, une question me taraude : à quoi ressemblait ce portrait urbain en 1951 ? en 1934 ? ou en 1914 ? Quelle vie juive animait le quartier, avec ses petits commerçants aux tabliers blancs et ses écrivains coiffés de fedoras ? Je plonge dans une douce rêverie. Puis je retourne à mon cahier pour y transcrire quelques idées. Dans quelques instants, je me faufilerai derrière les passants ; je redeviendrai un individu parmi d’autres. Cela, malgré ces images qui m’habitent et ces voix qui me transportent, au point de sculpter les contours de mon quotidien.

De nos jours, qui fréquente ce café en se rappelant l’atmosphère qui régnait sur la Main il y a de cela

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Présentation16

soixante-dix ans, avec une telle joie mêlée de mélancolie ? Rares sont ceux, en effet, qui se remémorent l’ancienne usine Vineberg, le journal Der Keneder Odler1, la résidence d’Ida Maze avenue de l’Esplanade, les poèmes de Jacob-Isaac Segal et les activités littéraires qui se déroulaient jadis à la Bibliothèque publique juive. À rebours du temps et de l’histoire, et surtout, à contre-sens de ma filiation, ce rapport intime, quasi sensuel à la culture yiddish, se fonde sur une mémoire qui traverse ma chair et peuple mon imaginaire. C’est ainsi que malgré moi, depuis un certain temps, j’ai le yiddish à fleur de peau. Or cette relation exige, dans un mouvement réciproque, de retourner au monde, par le biais de l’écriture et de la traduction.

*

Pendant plus d’un demi-siècle, Montréal a été le berceau d’une culture yiddish prolifique, qui a modifié le profil de la ville tout en s’exprimant, au premier chef, par la littérature. Participant d’un vaste courant de créativité en yiddish qui s’est répandu en Europe et sur les cinq continents, de la deuxième moitié du XIXe siècle à la Seconde Guerre mondiale, les écrivains juifs d’ici ont exprimé, dans leur langue maternelle, leur vision du monde et de la montréalité, tout en se situant au cœur des grands courants de la modernité européenne (1905-1939), puis dans l’atmosphère de deuil caractéristique de l’après-Shoah (dès 1945). De manière générale, trois grands moments marquent donc l’histoire littéraire et culturelle du yiddish à Montréal2 : les fondations (1907-1919), période marquée par la création de nombreuses institutions phares, telles le journal Der Keneder Odler (1907), les premières écoles yiddish (1911-1914) et la Bibliothèque publique juive (1914). Par le biais de la presse écrite, la littérature yiddish prend son envol. S’ensuit une période d’âge d’or qui correspond à l’entre-deux-guerres (1919-1939) et au cours de laquelle la créativité yiddish atteint un apogée, à Montréal comme dans l’ensemble de la diaspora, grâce au rayonnement du théâtre, de la littérature, du journalisme et de l’activisme culturel juifs. Enfin, une troisième grande période s’amorce au lendemain de la Seconde Guerre

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Présentation 17

mondiale : caractérisée par une atmosphère de tragédie et de perte résultant de la destruction du grand foyer de la culture yiddish en Europe, elle se distingue, dans la métropole québécoise, par une effervescence intellectuelle redevable à l’arrivée d’écrivains de renom, tels Melech Ravitch, Rachel Korn, Chava Rosenfarb et Yehuda Elberg, parmi lesquels se trouvent plusieurs survivants de la Shoah. Si ces écrivains insufflent un nouvel élan à la littérature yiddish, celle-ci demeure pourtant assujettie à un déclin inévitable. L’année 1987, date de publication du dernier numéro du journal Der Keneder Odler, marque ainsi la fin d’une aventure fort riche, qui a laissé un patrimoine d’envergure au sein de l’histoire littéraire du Québec.

La présente anthologie, intitulée Voix yiddish de Montréal, présente un aperçu de cette production qui réunit de nombreux genres littéraires : essai, poésie, chronique, récit, mémoires, roman, théâtre. Elle regroupe des textes choisis de dix-sept écrivains, dont la majorité figurent parmi les plus significatifs de la littérature yiddish en Amérique du Nord. On relira avec un plaisir renouvelé certaines traductions françaises rééditées ici qui ont déjà fait l’objet de publications, tels les poèmes de Jacob-Isaac Segal, les chroniques du journaliste Israël Medresh et les mémoires d’Hirsch Wolofsky et de Hershl Novak. De plus, on découvrira plusieurs inédits, tels les poèmes, essais et nouvelles de Melech Ravitch, Rachel Korn, Chava Rosenfarb, Ida Maze et Israël Rabinovitch. Si l’ensemble du corpus yiddish de Montréal se caractérise par une forte majorité d’hommes (avant les années 1930, les femmes écrivains y sont pratiquement absentes, à l’exception d’Esther Segal, la sœur de Jacob-Isaac Segal), j’ai tenté de rendre aux voix féminines la place qui leur revient. De même, j’ai choisi d’inclure certains textes qui, bien qu’ils n’appartiennent pas à la « grande » littérature yiddish, offrent un point de vue intéressant, que ce soit à propos de la production littéraire des écrivains juifs au Canada (Rabinovitch) ou encore, de la poésie française (Benjamin). En dépit de la naïveté et de la simplicité qui les caractérisent, ces textes recèlent une valeur historique et sociologique incontestable. Enfin, il ne faut pas oublier que les écrivains de la période des fondations étaient,

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Présentation18

dans de nombreux cas, des littérateurs dans la jeune vingtaine, qui avaient peu voyagé à l’extérieur de leur shtetl natal et qui venaient tout juste de fouler le continent nord-américain. En contrepartie, certains textes rendent compte d’une maturité indéniable, parfois accompagnée d’une vision du monde cosmopolite, comme c’est le cas, entre autres, chez Ravitch et Korn.

La dernière section, intitulée « Fragments d’une pos-térité en traduction », propose quelques traductions de deux héritiers de la culture yiddish qui ont adopté l’an-glais comme langue d’écriture : A. M. Klein et Irving Layton. De l’anglais vers le français, voire de l’anglais vers le yiddish, la traduction ouvre ici de nouvelles perspectives créatrices qui engendrent le décentrement des formes littéraires et leur renouvellement ; de plus, elle met en valeur un récit au « je » (Roskies) et la réappropriation d’une figure littéraire chez deux auteurs (Lederhendler, Berkhout).

Quelques mots, enfin, à propos de la notion d’« anthologie ». Compte tenu de l’abondante produc-tion littéraire des écrivains yiddish d’ici3, Voix yiddish de Montréal demeure, somme toute, un projet modeste. À défaut de réaliser une véritable anthologie de la littérature yiddish de Montréal (entreprise colossale qui exigerait des années de recherche et qui mobiliserait les énergies de plusieurs chercheurs et traducteurs), ce numéro marque une nouvelle étape dans la traduction du yiddish vers le français au Québec. Depuis les deux dernières décennies, une dizaine de traductions du yiddish vers le français ont vu le jour, grâce à l’anthropologue Pierre Anctil, qui a permis aux lecteurs francophones d’avoir accès à une littérature à la fois toute proche et lointaine. Par un étonnant renversement de perspectives, plusieurs textes yiddish ont trouvé ainsi une nouvelle voix par le biais de la langue française.

Au XXe siècle en Amérique, les projets d’anthologies ont été fort prisés au sein des lettres yiddish. Parmi d’autres, les titres suivants en rendent compte : Yidishe Dikhter in Kanade [Poètes juifs au Canada], ouvrage édité par H.-M. Caiserman en 1934 à Montréal ; Amerika in Yiddish poetry. An Anthology, édité à New York en 1967 ;

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Présentation 19

Kanadish, publié à Buenos Aires en 1974 ; Kanader yidisher zamlbukh [Anthologie juive au Canada], éditée par Chaïm Spilberg et Yaacov Zipper à Montréal, en 1982 ; ou encore The Penguin Book of Modern Yiddish Verse, ouvrage édité par I. Howe, R. Wisse et C. Shmeruk en 1987. À celles-ci, il faut ajouter Le miroir d’un peuple. Anthologie de la poésie yiddish, éditée par Charles Dobzynski à Paris en 1971 et rééditée en 2000, qui regroupe plusieurs écri-vains ayant émigré en Amérique du Nord. Récemment, ce type de projet a été renouvelé, sur la scène canadienne, par la publication à Toronto, en 2013, de l’Exile Book for Yiddish Women Writers, qui fait la part belle à plusieurs voix féminines d’Amérique. Qu’elles regroupent des textes dans la langue d’origine ou en traduction, les anthologies revêtent ici une valeur particulière : elles confèrent au yiddish, langue dépourvue de nation, un territoire précis au sein du Livre.

Comme tout projet d’anthologie, celui-ci exige le deuil de l’exhaustivité. À ceux qui s’étonneront de ne pas trou-ver, dans les pages qui suivent, les textes d’auteurs yiddish qu’ils ont connus ou fréquentés, je répondrais, d’une part, que la majorité des grands noms de la littérature yiddish d’ici sont inclus dans le présent ouvrage. D’autre part, je les inviterais à entreprendre de traduire ces auteurs eux-mêmes, que ce soit vers le français ou vers l’anglais, tâche fort riche qui, à plusieurs égards, m’apparaît vitale pour le yiddish lui-même.

Car le yiddish a besoin de traducteurs. De nos jours, en effet, de vastes pans de la littérature yiddish demeurent méconnus. Ces fragments épars et diversifiés d’un monde englouti, le Yiddishland, reposent le plus souvent dans de nombreux fonds d’archive dispersés à travers le monde : à Varsovie, Berlin, Paris, Jérusalem, New York, Buenos Aires, Melbourne, Montréal, et j’en passe. Bien qu’il soit préservé dans des institutions de renom, dont les Bibliothèques nationales de France et d’Israël ainsi que le YIVO (Yidi-sher Vissenshaftlekher Institute4), ce patrimoine culturel et intellectuel demeure pourtant exposé à une autre menace, à la fois sournoise et percutante : le passage du temps. Comme on le sait, ce phénomène irréversible entraîne la disparition massive des locuteurs de la langue yiddish et,

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par conséquent, la difficulté d’en assurer la transmission. À l’exception des Hassidim, qui parlent couramment la langue vernaculaire juive, rares sont ceux qui en possèdent une fine connaissance au début du XXIe siècle.

Ce besoin indispensable de traductions est, à l’origine, un appel de la langue elle-même. De nos jours, celle-ci existe davantage, dans le monde séculier, par ses archives que par ses locuteurs. Ainsi, traduire du yiddish, entre-prise difficile et complexe s’il en est, revêt dorénavant une coloration spécifique : aux enjeux habituels de l’acte de la traduction, qu’ils soient d’ordre socioculturel, politique ou terminologique, s’ajoute un enjeu supplémentaire : il s’agit de confronter l’histoire, d’en déjouer les aléas sinis-tres ; d’entendre les résonances et les échos du yiddish et, ce faisant, de rendre la parole, dans un espace linguistique « neutre », à certains grands écrivains dont les noms sont menacés de sombrer dans l’oubli.

Depuis les dernières années, force est pourtant de constater que cette langue est entrée dans une nouvelle phase de son histoire. Comme l’affirme le théoricien américain Jeffrey Shandler, nous vivons dorénavant à l’« ère postvernaculaire5 » du yiddish, période caractérisée par le déclin vertigineux de ce médium en tant que langue de communication et, en contrepartie, par l’augmenta-tion incessante des productions culturelles, artistiques et scientifiques auxquelles il est associé. Cette situation rend compte de sa vivacité intrinsèque : le yiddish se prête en effet à de multiples réinventions, par-delà les frontières temporelles, géographiques, culturelles et… linguistiques. Durant les années 1930, cette richesse incommensurable de la langue vernaculaire juive n’avait pas échappé au grand linguiste Max Weinreich qui, dans un élan visionnaire, avait fait le pari que la langue des Juifs ashkénazes d’Europe de l’Est saurait résister au temps et à l’histoire.

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Avis au lecteur : Comme la langue yiddish comprend de nombreux dialectes et que la standardisation de sa grammaire date du début des années 1930, elle comporte de nombreuses variantes, selon la période et la région où

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elle est parlée et écrite. Par exemple, le nom de Melech Ravitch s’écrit également Melekh Rawitch et le nom de la presse yiddish Der Keneder Odler s’écrit également Der Keneder Adler. Par souci de cohérence, nous avons tenté de respecter la grammaire standard du yiddish selon les normes du YIVO. Que le lecteur ne s’étonne pas, cepen-dant, de rencontrer des divergences dans la manière d’écrire certains noms et expressions dans les textes qui suivent et dans d’autres ouvrages ou sources d’information.

Chantal Ringuet

1. Der Keneder Odler, aussi nommé Der Keneder Adler [L’aigle

canadien], était le nom du journal yiddish de Montréal. Fondé en 1907 par Hirsch Wolofsky, l’Odler a été une tribune majeure de la culture yiddish à Montréal, de même qu’en Amérique du Nord. Durant la majeure partie de son existence, ses bureaux étaient situés au 4075, boulevard Saint-Laurent, près de l’avenue Duluth. Au cours des années 1960–1970, le tirage du journal a été réduit progressivement : de quotidien, il est devenu un hebdomadaire, puis il a fait l’objet de publications mensuelles et irrégulières. Le dernier numéro du journal a été publié en 1987.

2. Pour les besoins de l’exposé, nécessairement rapide, j’esquisse ici une périodisation sommaire de l’immigration littéraire juive à Montréal. Pour découvrir une périodisation plus étoffée, voir Pierre Anctil, « Introduction du traducteur » dans Haïm-Leib Fuks, Cent ans de littérature juive et hébraïque au Canada, Sillery, Septentrion, 2005, p. 19-46.

3. Au total, celle-ci ne comprend pas moins de mille ouvrages, dont deux cents ont été publiés à Montréal, et auxquels s’ajoutent des milliers de chapitres de livres et articles de journaux et de revues.

4. Fondé en 1925 à Vilna ou Vilnius (alors une ville de Pologne) par Max Weinreich, linguiste de renom qui a posé les balises de la grammaire yiddish moderne, le YIVO (Yidisher Vissenshaftlekher Institute, renommé tardivement l’Institute for Jewish Research) a pour mission d’étudier, de préserver et d’enseigner l’histoire culturelle juive de l’Europe de l’Est, de l’Allemagne et de la Russie. En 1940, l’Institut de recherche a déménagé à New York, où il se trouve toujours.

5. Jeffrey Shandler, Adventures in Yiddishland. Postvernacular language and culture, Berkeley and Los Angeles, University of California Press, 2008.

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Rachel Korn, « A vinter-maysele » (1971), Farbitene vor [« Une histoire hiver-nale », La vérité transformée], Israël-Book, Tel-Aviv, 1977, p. 40.