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Mécanique des milieux continus MATH-F-426 Gregory Kozyreff Université Libre de Bruxelles (U.L.B.) Faculté des Sciences Optique Non Linéaire Théorique CP 231 24 mars 2014

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  • Mécanique des milieux continus

    MATH-F-426

    Gregory KozyreffUniversité Libre de Bruxelles (U.L.B.)

    Faculté des SciencesOptique Non Linéaire Théorique CP 231

    24 mars 2014

  • ii

    Avertissement Ces notes se veulent un repère mathématique pour lecours oral. Elles viennent en accompagnement du cours. Les principalessources de ce cours sont :

    – ‘Applied Solid Mechanics’, P. Howell, G. Kozyreff, and J. Ockendon,Cambridge University Press 2009

    – ‘Elementary Fluid Dynamics’, D. J. Acheson, Oxford University Press1990

    – ‘An Introduction to Fluid Dynamics’, G. K. Batchelor, Cambridge Uni-versity Press 2000

    Les notes historiques sont tirées de– ‘A History and Philosophy of FLuid Mechanics’, G.A. Tokaty, Dover,1994

    – ‘A treatise on the Mathematical Theory of Elasticity’, A. E. H. Love,Dover, 1944

    © 2012, Gregory KozyreffReproduction libre, sauf à des fins commerciales.

  • Table des matières

    1 Déformations et contraintes 31.1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31.2 Cinématique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3

    1.2.1 Fluides et solides . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41.2.2 Dérivée matérielle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5

    1.3 Déformations (Strain) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61.4 Contraintes (Stress) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61.5 Tenseurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9

    1.5.1 Valeurs propres et directions principales . . . . . . . . 101.6 Rappels sur la notation indicielle . . . . . . . . . . . . . . . . 11

    2 Lois de conservation 152.1 Théorème de transport . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 152.2 Masse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 172.3 Impulsion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 172.4 Energie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18

    2.4.1 variables p et T . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 192.4.2 variables ρ et T . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20

    2.5 Fluides . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 222.5.1 Fluides inviscides . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 222.5.2 Fluides parfaits . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 222.5.3 Fluides newtoniens . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24

    2.6 Solides . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 252.6.1 Elasticité linéaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 252.6.2 Énergie élastique (Strain energy) . . . . . . . . . . . . 272.6.3 Incompressiblité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28

    3 Applications des équations générales 313.1 Équations sous forme adimensionnelle . . . . . . . . . . . . . . 313.2 Écoulements inviscides . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33

    3.2.1 Vorticité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33

    1

  • 2 TABLE DES MATIÈRES

    3.2.2 Bernoulli . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 343.2.3 Fluide compressible dans une tuyère . . . . . . . . . . 353.2.4 Vagues en eau profonde . . . . . . . . . . . . . . . . . 363.2.5 Trainée hydrodynamique . . . . . . . . . . . . . . . . . 433.2.6 Vagues en eau peu profonde. Ondes solitaires . . . . . . 463.2.7 Circulation atmosphérique et océanique . . . . . . . . . 49

    3.3 Écoulements visqueux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 523.3.1 Équations de Stokes, Équations de Oseen . . . . . . . . 523.3.2 Écoulements à 2D - fonction de courant . . . . . . . . . 533.3.3 Théorie de la lubrification . . . . . . . . . . . . . . . . 553.3.4 Percolation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 59

    3.4 Ondes élastiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 603.4.1 Ondes S et P . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 603.4.2 Réfraction et réflexion . . . . . . . . . . . . . . . . . . 613.4.3 Ondes de Rayleigh . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 62

    4 Théories approchées de l’élasticité 694.1 Cordes et membranes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 694.2 Poutres I . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 71

    4.2.1 Relation B = M ∂2w∂x2

    . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 734.3 Plaques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 74

    4.3.1 Couple produit par ∂2w∂x2

    . . . . . . . . . . . . . . . . . . 744.3.2 Couple produit par ∂2w

    ∂y2. . . . . . . . . . . . . . . . . . 75

    4.3.3 Couple produit par ∂2w∂x∂y

    . . . . . . . . . . . . . . . . . 764.3.4 Synthèse des cas précédents . . . . . . . . . . . . . . . 774.3.5 Equations d’une plaque . . . . . . . . . . . . . . . . . . 774.3.6 Conditions aux bords . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 784.3.7 Équations de von Kármán . . . . . . . . . . . . . . . . 78

    4.4 Poutres II. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 79

    A Etude multi-échelle 87

  • Chapitre 1

    Déformations et contraintes

    1.1 IntroductionLa mécanique du point fait intervenir des masses, des ressorts et des

    ‘dashpots’. Si L est la longueur de référence, ` la longueur instantanée et Tla force appliquée aux extrémités, on a, pour un ressort,

    T = k(`− L) (1.1)

    et pour un frein visqueux (dashpot),

    T = ηd`

    dt. (1.2)

    Ces lois valent pour des éléments ponctuels ; il nous faut les adapter auxmilieux continus. Nous verrons que L et T se généralisent par les notions detenseurs des déformations et des contraintes. La loi de proportionnalité (1.1)fut découverte par Hooke en 1660, mais énoncée par lui bien plus tard en1676 et 1678. Mariotte la découvrit indépendemment en 1680 et l’appliquaau problème fondateur de l’élasticité, la résistance des poutres, étudié parGalilée aux alentours de 1638 ; le problème fut repris par Jacques (James)Bernoulli 1, puis par Euler quelques années plus tard (voir plus loin dans lecours).

    1.2 CinématiqueUn milieu continu est supposé décrit par une portion d’espace euclidien

    à trois dimensions. Un point matériel est donné par le vecteur position X.

    1. Jacques Bernoulli, 1654-1705, équation de l’élastica, Ch. 4, à ne pas confondre avecson neveu Daniel Bernoulli, 1700-1782, à qui est associé l’équation de Bernouilli pour lesfluides non visqueux, Ch. 3.

    3

  • 4 CHAPITRE 1. DÉFORMATIONS ET CONTRAINTES

    X est aussi la position initiale d’un point d’un corps déformable ; après dé-formation, ce point se trouve à

    x = x (X, t) . (1.3)

    On a donc x(X, 0) = X. À noter que X est une variable continue. X estattaché au point matériel, c’est la variable de Lagrange. Si on fixe X dans(1.3), on suit la trajectoire d’un point matériel au cours du temps. D’autrepart, x est la variable d’Euler. Supposons qu’on puisse inverser la relationci-dessus et écrire

    X = X(x, t) (1.4)

    Dans ce cas, si l’on fixe x, le point matérielX associé à cette position varieragénéralement au cours du temps.

    Exemple. On se tient au bord de l’eau et on regarde l’eau couler sousun pont : c’est une description en variables d’Euler ; on suit du regard unefeuille emportée par le courant : Lagrange.

    Rappelons enfin qu’entre les éléments de volume des deux variables existela relation

    dx = J dX, (1.5)

    où le facteur de dilatation

    J =

    ∣∣∣∣det( ∂xi∂Xj)∣∣∣∣ (1.6)

    est supposé non nul et borné.

    1.2.1 Fluides et solides

    D’un point de vue mécanique, un solide se caractérise essentiellement parun champ de déplacement

    u = x−X (1.7)

    alors qu’un fluide se décrit plutôt par un écoulement 2

    v =∂u

    ∂t. (1.8)

    Il s’agit là d’une notion intuitive et incomplète (eau dans un verre, dentifrice).Pour un fluide, la variable d’Euler est souvent la plus appropriée. Pour unsolide, où les déplacements sont petits, les variables de Lagrange sont souvent

    2. Dans ce cours, nous utilisons v pour les vitesses, afin d’éviter la confusion avec u,que nous réservons aux déplacements.

  • 1.2. CINÉMATIQUE 5

    utilisées ; néanmoins, pour les très petites déformations d’un solide (élasticitélinéaire), les deux descriptions sont indistingables en première approximation.

    Pour visualiser un écoulement fluide, on a recours aux lignes de courant(anglais : streamlines). Il s’agit des courbes qui, à un instant donné, sontparallèles en tout point au vecteur vitesse. Chacune de ces courbes peut êtreparamétrée par x = (x(s), y(s), z(s)), où

    dx

    ds= vx,

    dy

    ds= vy,

    dz

    ds= vz. (1.9)

    Pour un écoulement stationnaire, les lignes de courant décrivent la trajectoired’un paquet fluide.

    1.2.2 Dérivée matérielle

    Soit une fonction f(x, t). D’une part, on peut considérer la variation def dans le temps en un point x fixé (ex. : sous le pont), auquel cas, on calculesimplement

    ∂f(x, t)

    ∂t. (1.10)

    D’autre part, on peut s’intéresser à la variation de cette grandeur à X fixé,càd. en suivant un point matériel ou un ‘paquet fluide’. Dans ce cas, on estamené à calculer l’évolution de f(x(t), t), càd.

    limδt→0

    f(x(t+ δt), t+ δt)− f(x(t), t)δt

    = (v ·∇) f + ∂f∂t, (1.11)

    où(v ·∇) = v1

    ∂x1+ v2

    ∂x2+ v3

    ∂x3= vi

    ∂xi. (1.12)

    Nous définissons ainsi la dérivée matérielle par

    Df

    Dt=∂f

    ∂t+ (v ·∇) f. (1.13)

    Le premier terme de cette dérivée donne la variation de f à x fixé. D’autrepart, si l’on dénote par s = v/|v| la direction de la vitesse, le second termen’est autre que la dérivée directionnelle, |v|∂/∂s dans le sens de l’écoule-ment. Autrement dit, c’est un terme dû au déplacement du fluide ou d’ad-vection. Lorsque nous transposerons la loi de Newton à un milieu continu,nous devrons calculer l’accélération d’un paquet fluide. Celle-ci sera donnée,en coordonnées d’Euler, par la dérivée matérielle de la vitesse.

  • 6 CHAPITRE 1. DÉFORMATIONS ET CONTRAINTES

    1.3 Déformations (Strain)Pour généraliser L et ` dans (1.1), soient les points voisinsX etX + δX.

    Après déformation, le premier se trouve déplacé en x = X + u(X, t), lesecond en

    X + δX + u(X + δX, t) = X + u(X, t) + δX + (δX ·∇)u(X, t) + . . .(1.14)

    À la variation δX correspond δx et la distance L2 = |δX|2 devient`2 = |δX + (δX ·∇)u(X, t)|2 (1.15)

    Aussi,

    `2 − L2 = 23∑

    i,j=1

    EijδXiδXj = 2EijδXiδXj (1.16)

    où 3

    Eij =1

    2

    (∂ui∂Xj

    +∂uj∂Xi

    +∂uk∂Xi

    ∂uk∂Xj

    ). (1.17)

    Il s’agit du tenseur des déformations (anglais : strain tensor), utilisé pour dé-crire l’allongement relatif d’un élément solide. Nous reviendrons plus loin surle sens du mot ‘tenseur’. Dans le cas des petites déformations, on peut négli-ger les termes quadratiques ci-dessus ; de plus, on peut assimiler X à x dansl’argument de u, ce qui donne le tenseur des déformations évanouissantes :

    eij =1

    2

    (∂ui∂xj

    +∂uj∂xi

    ). (1.18)

    La plupart du temps, s’agissant des solides, nous resterons dans le domainede l’élasticité linéaire et nous écrirons E = (eij) .

    Pour les fluides, il est plus commode d’utiliser le tenseur des vitesses dedéformation (anglais : rate of strain)

    vij =1

    2

    (∂vi∂xj

    +∂vj∂xi

    ). (1.19)

    Notons que (eij) et (vij) sont tous deux symétriques et ne possèdent doncque 6 composantes indépendantes.

    1.4 Contraintes (Stress)Pour un fluide parfait, on est déjà familier (PHYS-F101) avec la notion

    de pression : une force par unité de surface ressentie par un petit paquet

    3. À partir de maintenant, nous suivrons la convention habituelle de sommation sur lesindices répétés.

  • 1.4. CONTRAINTES (STRESS) 7

    Figure 1.1 – Construction de Cauchy ; ai est l’aire de la face normale à ladrection xi. Élément de surface à deux dimensions.

    fluide qui est isotrope et normale à sa surface. Dans l’exemple de la Fig. 1.1,la force par unité de surface, ou contrainte, σ exercée sur la face de normalen est liée à la pression p par

    σ = −pn. (1.20)

    Par contre, dans un fluide visqueux ou un solide, la contrainte σ n’est engénéral pas alignée avec n. Faisons le bilan des forces agissant sur le petittétraèdre de la fig. 1.1. 4

    D’une part, sur l’élément de surface pointant dans la direction x1, notonsla contrainte τ 1 = (τ11, τ21, τ31)T et faisons de même pour les éléments poin-tant dans les directions x2 et x3. Cela définit les vecteurs τ j (j = 1, 2, 3),représentant chacun la contrainte sur un élément normal à la direction xj.On obtient donc les 9 scalaires τij (i, j = 1, 2, 3), où τij est la composante ide τ j, càd.

    τ j = τijei, (1.21)

    où ei est le vecteur unitaire dans la direction xi.Sur la fig. 1.1, les éléments de surface a1, a2, a3 pointent dans les directions

    −e1, −e2, et −e3, et sont donc soumis aux contraintes −τ 1, −τ 2 et −τ 3.D’autre part, étant données les composantes (ni) de n, on a ai = ani. Ainsi,la force totale sur le tétraèdre est

    f = aσ − ajτ j = a (σ − njτ j) . (1.22)

    4. Le raisonnement qui suit est dû à Cauchy (en 1822) et permit, après plus d’un sièclede tâtonnements, de jeter les bases d’une théorie générale de l’élasticité.

  • 8 CHAPITRE 1. DÉFORMATIONS ET CONTRAINTES

    Aussi, en notant le volume par V , la densité par ρ et la vitesse par v, on a

    ρVdv

    dt= a (σ − njτ j) . (1.23)

    Faisons à présent tendre la taille du tétraèdre vers zéro. Si l est une dimensioncaractéristique, V ∝ l3 et a ∝ l2. Par conséquent, V tend plus vite vers zéroque a et, à la limite, en supposant que l’accélération reste finie, on trouvesimplement

    σ − njτ j = 0. (1.24)

    Nous en déduisons l’expression de σ :

    σi = τijnj, ou σ = τn. (1.25)

    Grâce à ce résultat, nous pouvons déduire la contrainte sur tout élémentde surface à partir des 9 grandeurs (τij) = τ . On appelle τ le tenseur descontraintes.

    Considérons enfin l’élément à deux dimension dans la fig. 1.1. Par unitéde longueur dans la direction x3, le moment des forces par rapport au centrede cet élément est

    2 (τ21δx2)δx12− 2 (τ12δx1)

    δx22.

    En laissant tendre les dimensions de cet élément vers zéro et en interdisantune accélération angulaire infinie, on déduit que τ12 = τ21. L’argument segénéralise directement à trois dimensions et donne

    τij ≡ τji (1.26)

    pour tout i et j. Aussi τ est-il un tenseur symmétrique et, comme pour E , sereprésente par 6 composantes indépendantes (au lieu de 9).

    Notons enfin un point de vocabulaire : dans

    τ =

    τ11 τ12 τ13τ12 τ22 τ23τ13 τ23 τ33

    , (1.27)τ11, τ22, τ33 sont les contraintes normales et τ12, τ23, τ13 sont les contraintestangentielles ou de cisaillement.

  • 1.5. TENSEURS 9

    1.5 TenseursNous avons déjà remarqué que les positions étaient classiquement décrites

    par des vecteurs dans un espace euclidien à trois dimensions, muni du pro-duit scalaire habituel. Il en va de même pour les forces, les vitesses et lesaccélérations. Venons-en à la définition d’un tenseur (du deuxième ordre).

    Un tenseur du deuxième ordre est une application linéaire qui transformeun vecteur en un autre vecteur du même espace.

    On voit d’après (1.25) que le tenseur des contraintes τ répond bien à cettedéfinition : à chaque direction n, il associe une contrainte σ et ce, par le biaisd’une transformation linéaire.

    La représentation d’un vecteur, ses coordonnées, varient selon la base or-thonormée choisie. On a par exemple, pour les vecteurs contrainte et normaled’un élément de surface,

    σ = σiei = σ′ke′k et n = njej = n

    ′`e′`, (1.28)

    où (e1, e2, e3) et (e′1, e′2, e′3) sont deux bases orthonormées. Entre les deuxreprésentations d’un vecteur, on a (en utilisant la convention de sommation)

    σ′k = e′k · eiσi ≡ Pkiσi. (1.29)

    Ci-dessus, (Pki) = (e′k · ei) est la matrice de transformation entre les axesdéfinis par les deux bases. Quant au tenseur de contraintes, les nombres τijapparaissant dans (1.25) sont la représentation de τ dans une base donnée.Voyons comment se transforme cette représentation par un changement debase. Quelle que soit la base, on a σ = τn ; cela donne, d’une part, σi = τijnj.Or, par (1.28), nj = ej · e′`n′` = P`jn′`, donc

    σi = τijP`jn′`. (1.30)

    D’autre part, en utilisant (1.29), on a

    σ′k = PkiτijP`jn′` = (PkiP`jτij)n

    ′` (1.31)

    mais la dernière relation s’écrit aussi σ′k = τ ′k`n′`. Ainsi, entre les deux repré-sentations du tenseur τ , on a

    τ ′k` = PkiP`jτij. (1.32)

    Cette relation, très importante, permet de reconnaître un tenseur du deuxièmeordre. Elle peut aussi servir de définition équivalente d’un tenseur :

  • 10 CHAPITRE 1. DÉFORMATIONS ET CONTRAINTES

    Un tenseur du deuxième ordre est un ensemble de 9 nombres qui setransforment par un changement de base selon la formule (1.32).

    Cette seconde définition a l’avantage de se généraliser facilement. Un ten-seur d’ordre n est un ensemble de 3n nombres Aijk... (n indices) qui se trans-forment par un changement de base selon la formuleA′mno... = PmiPnjPok . . . Aijk....La formule fait intervenir la matrice (Pαβ) autant de fois qu’il y a d’indiceset, bien sûr, la convention de sommation sur les indices répétés est sous-entendue.

    On vérifiera à titre d’exercice que les éléments du tenseur de déformationE se transforment bien selon la règle ci-dessus.

    Note : Jusqu’à présent, nous avons utilisé les symboles E et τ pour désignerles tenseurs de déformations et de contraintes. Dans la suite, et par un légerabus de notation, nous utiliserons E aussi pour désigner la matrice (eij).Dans ce cas E ′ désignera la matrice (e′ij) dans un nouveau repère. L’abus denotation vient du fait qu’alors, E et E ′ désignent deux représentations d’unmême tenseur : E . Même commentaire pour τ .

    1.5.1 Valeurs propres et directions principales

    Nous avons remarqué que les matrices (τij) et (eij) étaient symétriques.Rappel (MATH-F-101) : les valeurs propres d’une matrice symétrique sontréelles et ses vecteurs propres forment une base orthonormée. Ces vecteurspropres déterminent les directions principales. Représentés dans leurs basesorthonormées respectives, les tenseurs des déformations et des contraintessont

    E ′ =

    ε1 0 00 ε2 00 0 ε3

    , τ ′ =τ1 0 00 τ2 0

    0 0 τ3

    (1.33)Et leurs valeurs propres {ε1, ε2, ε3}, {τ1, τ2, τ3}, sont respectivement appeléesélongations et contraintes principales.

    Considérons par exemple le cisaillement (anglais : shear) donné par

    u =

    αy00

    . (1.34)Il y correspond

    E = α2

    0 1 01 0 00 0 0

    (1.35)

  • 1.6. RAPPELS SUR LA NOTATION INDICIELLE 11

    Les directions principales sont

    u1 =1√2

    110

    , u2 = 1√2

    1−10

    , u3 =00

    1

    . (1.36)et les élongations principales sont ε1 = α/2, ε2 = −α/2, ε3 = 0. On voit doncqu’un déplacement de cisaillement est équivalent à une expansion combinéeavec une contraction d’égales amplitudes dans les deux directions à 45◦ de(1, 0, 0)T.

    Enfin, à deux dimensions, considérons l’état de contrainte donné par

    τ =

    (τ1 00 τ2

    )(1.37)

    Tournons les axes de référence par rapport aux directions principales d’unangle θ. On trouve (exercice) que, dans le nouveau repère,

    τ =

    (τ1 cos

    2 θ + τ2 sin2 θ (τ1 − τ2) sin θ cos θ

    (τ1 − τ2) sin θ cos θ τ2 cos2 θ + τ1 sin2 θ

    )(1.38)

    On voit ainsi que la contrainte de cisaillement est la plus importante à 45◦ desdirections principales et qu’elle vaut |τ1− τ2|/2. C’est important à savoir, carce sont souvent les contraintes de cisaillement qui sont les plus dangereuses(penser à un paquet de cartes).

    Note : Les tenseurs E et τ dépendent généralement de l’espace ; on devraitdonc parler de champs de tenseurs. Par conséquent, aussi bien les directionsprincipales que les contraintes principales varient d’un point à l’autre.

    1.6 Rappels sur la notation indicielle– Le symbole d’un indice répété est libre : Aijk...Bpqk... = Aijζ...Bpqζ...– Une lettre en indice ne peut apparaître plus de deux fois : AikBjkCkk

    est une expression incorrecte. Une expression correcte pourrait êtreAikBjkCll ou AilBjkClk ou AikBjlClk et dans tous les cas, la sommationà la fois sur k et sur l est sous-entendue.

    – Kronecker :δij =

    {1 si i = j0 si i 6= j

    Exemple : δ11 = 1, δkk = 3, δk3∂/∂xk = ∂/∂x3.

  • 12 CHAPITRE 1. DÉFORMATIONS ET CONTRAINTES

    – Le symbole

    εijk =

    1 si {i, j, k} est une permutation paire de {1, 2, 3}−1 si {i, j, k} est une permutation impaire de {1, 2, 3}0 si deux indices sont identiques.

    – Il est utile pour calculer produits vectoriels et rotationnels :

    (a× b)i = εijkajbk,

    ∇× u = εijkei∂

    ∂xjuk.

    – pour manipuler des produits vectoriels croisés, la relation suivante esttrès utile :

    εpqrεpst = δqsδrt − δqtδrs. (à vérifier) (1.39)

    – Formule du déterminant :

    det (aij) = εijka1ia2ja3k. (1.40)

  • 1.6. RAPPELS SUR LA NOTATION INDICIELLE 13

    Exercices1.1 Montrez que dans la figure 1.1, ai = nia.1.2 (a) Montrer que E obéit à (1.32) sans utiliser la définition (1.17), ni

    (1.18).(b) Même exercice en partant cette fois de la définition de E = (eij) en

    (1.18).1.3 Montrez que le tenseur linéarisé (eij), donné par (1.18), est nul ssi u =

    c+ω×x, où c et ω sont des vecteurs indépendants de l’espace. Montrezqu’il s’agit d’une approximation d’un mouvement de corps rigide (voirCh. 3, rel A-4, Phys-F-101 (mécanique)), pour un petit angle de rotation.

    1.4 Montrez que le tenseur de déformation en coordonnées polaires à 2D estdonné par

    err =∂ur∂r

    , 2erθ =1

    r

    ∂ur∂θ

    +∂uθ∂r− uθ

    r, eθθ =

    1

    r

    (∂uθ∂θ

    + ur

    ).

    (1.41)

    (a) Méthode 1 : Utilisez le changement de variable uxex+uyey = urer+uθeθ et la formule de changement de base (1.32).

    (b) Méthode 2 : Utilisez directement (1.16) en considérant la défor-mation d’un élément joignant deux points de coordonnées polaires(r, θ) et (r + δr, θ + δθ), càd

    δX ∼ δrer + rδθeθ.

    En supposant le champ de déplacement u = ur(r, θ)er(θ)+uθ(r, θ)eθ(θ),déduisez que

    δx = δX+

    (∂ur∂r

    δr +∂ur∂θ

    δθ − uθδθ)er+

    (∂uθ∂r

    δr +∂uθ∂θ

    δθ + urδθ

    )eθ.

    et donc que

    |δx|2 = |δX|2 +(δr rδθ

    )(err erθerθ eθθ

    )(δrrδθ

    )avec, au premier ordre, (1.41)

    1.5 Nous verrons que les vagues de faible amplitude en haute mer peuvents’écrire sous la forme potentielle v = ∇φ, où φ = Aeky sin(kx − ωt).Calculez et dessinez les trajectoires des paquets fluides au passage deces vagues. (On pourra linéariser les équations autours d’une positionmoyenne en supposant A� 1).

  • 14 CHAPITRE 1. DÉFORMATIONS ET CONTRAINTES

    1.6 Soit le champ de déplacement ux = uy = f(√x2 + y2). Calculer E en

    coordonnées cartésiennnes et polaires.1.7 L’écoulement dans l’EX 5 est irrotationnel. Un écoulement rotationnel

    possède une vorticité ω = ∇×v 6= non nulle. À 2D, interprétez le sens deω et de div v sur un élément fluide de dimensions infinitésimales (dessin).

    1.8 Calculez le rotationnel d’un écoulement de Poiseuille plan v = Uy(h −y)ex, du tourbillon (vortex line) vθ = kreθ et du tourbillon de Rankine,

    v = eθ

    {Ωr r < a,

    Ωa2

    rr > a.

    1.9 Démontrez les identités suivantes en utilisant la notation indicielle(a) div(fa) = f diva+ a · grad f(b) rot(a× b) = a div b− b diva+ (b ·∇)a− (a ·∇) b

    1.10 Montrez que∂J

    ∂t= J div v.

  • Chapitre 2

    Lois de conservation et relationsconstitutives

    2.1 Théorème de transport

    Intéressons-nous à l’évolution d’une quantité associée à une portion don-née de matière, fluide ou solide, au cours du temps

    Q(t) =

    ∫∫∫V (t)

    f(x, t) dx. (2.1)

    La difficulté vient du fait que le volume V est fonction du temps ainsique, par conséquent, la paramétrisation utilisée pour effectuer l’intégration.Rappelons-nous du théorème de Leibniz pour la dérivée d’une intégrale à1D :

    d

    dt

    [∫ b(t)a(t)

    f(x, t) dx

    ]=

    ∫ b(t)a(t)

    ∂f(x, t)

    ∂tdx+ f(b, t)

    db

    dt− f(a, t) da

    dt. (2.2)

    Cela se généralise simplement par

    dQ

    dt=

    ∫∫∫V (t)

    ∂f(x, t)

    ∂tdx+

    ∫∫∂V (t)

    f(x, t)v · n da, (2.3)

    et, par application du théorème de la divergence, on obtient le théorème detransport :

    dQ

    dt=

    ∫∫∫V (t)

    (∂f(x, t)

    ∂t+ div (f(x, t)v)

    )dx. (2.4)

    15

  • 16 CHAPITRE 2. LOIS DE CONSERVATION

    Figure 2.1 – Bilan à 2D : ∂F∂t

    dx dy = [ dy vxF ] (x+ dx) +[ dx vyF ] (y + dy)− [ dy vxF ] (x)− [ dx vyF ] (y) + S dx dy.

    En supposant l’existence d’un terme de source tel que dQ/dt puisse aussis’écrire

    ∫∫∫V (t)

    S dx, on obtient l’expression locale

    ∂f(x, t)

    ∂t+ div (f(x, t)v) = S. (2.5)

    Cette forme de bilan s’obtient aussi aisément en considérant un élément devolume infinitésimal (Fig. 2.1). Une autre manière de procéder est d’écrire

    ∫∫∫V (t)

    f(x, t) dx =

    ∫∫∫V (0)

    F (X, t)J dX, (2.6)

    de sorte que

    dQ

    dt=

    ∫∫∫V (0)

    (∂F (X, t)

    ∂tJ + F (X, t)

    ∂J

    ∂t

    )dX (2.7)

    (ex. 1.10)=

    ∫∫∫V (0)

    (∂F (X, t)

    ∂t+ F (X, t) div v

    )J dX (2.8)

    =

    ∫∫∫V (t)

    (Df

    Dt+ f div v

    )dx (2.9)

    =

    ∫∫∫V (t)

    (∂f

    ∂t+ div (fv)

    )dx (2.10)

  • 2.2. MASSE 17

    2.2 MasseSoit f = ρ, la densité, dans (2.5). En l’absence de source, la conservation

    de la masse s’écrit 1

    ∂ρ

    ∂t+ div (ρv) = 0, ou

    Dt+ ρ div v = 0. (2.11)

    De manière équivalente, exprimons la masse contenue dans un volume donné :

    M =

    ∫∫∫V (t)

    ρ dx =

    ∫∫∫V (0)

    ρJ dX. (2.12)

    Par conservation, cette masse est aussi

    M =

    ∫∫∫V (0)

    ρ0 dX, (2.13)

    où ρ0 est la densité initiale. Les deux expressions sont égales et cela, indé-pendamment du volume V (0) choisi. Donc,

    ρJ = const = ρ0, (2.14)

    une formule bien utile pour la suite.

    2.3 ImpulsionSupposons qu’il existe une force de volume ρg (p. ex, gravité). La loi de

    Newton appliquée à un volume de matière donné s’exprime :

    d

    dt

    ∫∫∫V (t)

    viρ dx =

    ∫∫∂V (t)

    τijnj da+

    ∫∫∫V (t)

    giρ dx. (2.15)

    Pour développer le membre de gauche, on peut soit utiliser (2.5) et (2.11),soit écrire

    d

    dt

    ∫∫∫V (t)

    viρ dx =d

    dt

    ∫∫∫V (0)

    viρJ dX(2.14)=

    ∫∫∫V (0)

    ∂vi∂tρJ dX

    =

    ∫∫∫V (t)

    DviDt

    ρ dx (2.16)

    1. Léonard de Vinci (1452-1519) observait déjà que pour un fluide, V A = const., Vétant la vitesse du fluide et A sa section transverse. Aujourd’hui, on écrit cela div v = 0.

  • 18 CHAPITRE 2. LOIS DE CONSERVATION

    L’équation de conservation du moment s’exprime donc par

    ρDviDt

    = ρgi +∂τij∂xj

    . (2.17)

    Nous pouvons enfin écrire cette équation sous forme vectorielle, en introdui-sant la notation de divergence d’un tenseur :

    (∇ · τ)i =∂τji∂xj

    . (2.18)

    Comme τ est symétrique, on a

    ρDv

    Dt= ρg + ∇ · τ. (2.19)

    2.4 EnergieSoit ρq la chaleur par unité de volume d’un paquet fluide. Par le même

    raisonnement que pour l’impulsion, le bilan d’énergie prend la forme générale

    ρDq

    Dt= r − div j, (2.20)

    où r est un terme de source et j est un flux. r peut être dû à des forcesde friction ou résulter d’une réaction chimique. D’autre part, j est souventmodélisé par la loi de Fourier :

    j = −kH∇T. (2.21)

    Ceci est valable pour le transport de chaleur par conduction. Dans certainscas, cela n’est pas le mode de transport dominant. Dans certains cas, letransport se fait principalement par rayonnement et il est dit ‘radiatif’. C’estle cas, à l’intérieur des étoiles, dans la matière en fusion comme la lave ouencore le verre en fusion. De même, ce mode de transport est importantdans l’atmosphère terrestre. La description d’un tel transport est compliquémais elle se simplifie dans la limite où le milieux est épais par rapport àla longueur caractéristique d’absorption d’un photon. Dans ce cas, on peutinvoquer l’approximation de Rosseland :

    j =−16σ3αR

    T 3∇T, (2.22)

    où σ est la constante de Stefan de la théorie des corps noirs et αR est uncoefficient d’absorption moyen.

  • 2.4. ENERGIE 19

    Il nous faut à présent exprimer q, dans (2.20) en termes de quantitésutiles, càd T et p ou bien T et ρ. Pour ce faire, nous invoquons le premierprincipe de thermodynamique 2

    de = T ds− p dv, (2.23)

    où e, s et v sont l’énergie interne, l’entropie et le volume par unité de masse(donc v = 1/ρ ; ce n’est pas le module de la vitesse, ici). Ci dessus, T ds estla variation de chaleur. Nous avons donc

    Dq

    Dt= T

    Ds

    Dt. (2.24)

    Les grandeur p, ρ et T sont liées par une équation d’état. On peut doncdévelopper l’expression de s en termes de p et T , ou bien de ρ et T .

    2.4.1 variables p et T

    Si l’on adopte comme variables indépendantes p et T , on exprime l’entro-pie sous la forme s = s(p, T ). Ainsi, la variation de chaleur s’écrit

    T ds = T

    (∂s

    ∂T

    )p

    dT + T

    (∂s

    ∂p

    )T

    dp = cp dT + T

    (∂s

    ∂p

    )T

    dp, (2.25)

    où cp dénote la variation de chaleur par unité de masse par élévation de tem-pérature à pression constante. Il s’agit de la chaleur spécifique (par unité demasse) à pression constante, qui est une grandeur expérimentalement acces-sible. Le dernier terme s’obtient par une relation de Maxwell. Considérons àcet effet l’énergie libre de Gibbs :

    d(e− Ts+ pv) = dg = −s dT + v dp. (2.26)

    Cette expression montre que −s et v sont des dérivées partielles de g(T, p).Ainsi, par différentiation croisée, on obtient(

    ∂s

    ∂p

    )T

    = −(∂v

    ∂T

    )p

    . (2.27)

    Ci-dessus, le membre de droite fait apparaître la fonction réponse α, qui estl’accroissement relatif de volume à pression constante suite à une élévationde température :

    α =1

    v

    (∂v

    ∂T

    )p

    . (2.28)

    2. Il faudrait en fait plutôt écrire de = T ds + ρ−10 τij dEij mais nous supposerons icipour simplifier que les contraintes se réduisent à p. Un traitement plus complet est donnédans Landau et Lifshitz, Theory of Elasticity.

  • 20 CHAPITRE 2. LOIS DE CONSERVATION

    Ainsi,

    T ds = cp dT − αTv dp = cp dT −αT

    ρdp. (2.29)

    Par conséquent, (2.20) peut s’écrire

    ρcpDT

    Dt− αT Dp

    Dt= r − div j. (2.30)

    Pour un gaz parfait, pV = nRT et on trouve facilement que α = 1/T .Dans ce cas, et en supposant un transport classique de type Fourier, on a

    ρcpDT

    Dt=

    Dp

    Dt+ r + kH∇2T. (2.31)

    2.4.2 variables ρ et T

    Si on considère s comme une fonction de v et T , alors la variation dechaleur s’écrit

    T ds = T

    (∂s

    ∂T

    )v

    dT + T

    (∂s

    ∂v

    )T

    dv = cv dT + T

    (∂s

    ∂v

    )T

    dv. (2.32)

    Pour calculer le dernier terme, on utilise cette fois l’énergie libre de Helm-holtz :

    d(e− Ts) = df = −s dT − p dv, →(∂s

    ∂v

    )T

    =

    (∂p

    ∂T

    )v

    . (2.33)

    Ensuite, considérons la différentielle de p(v, T ) :

    dp =

    (∂p

    ∂v

    )T

    dv +

    (∂p

    ∂T

    )v

    dT. (2.34)

    Ainsi, si p reste constant, càd si dp = 0, l’expression ci-dessus nous fournitun équation pour

    (∂p∂T

    )v. On a, en effet,(

    ∂p

    ∂T

    )v

    = −(∂p

    ∂v

    )T

    dv

    dT= −

    (∂p

    ∂v

    )T

    (∂v

    ∂T

    )p

    . (2.35)

    Dans le membre de droite, nous avons

    −(∂p

    ∂v

    )T

    = − 1(∂v∂p

    )T

    . (2.36)

  • 2.4. ENERGIE 21

    La variation de volume par élévation de pression à température constante estune fonction de réponse courante en thermodynamique, et l’on note

    κT = −1

    v

    (∂v

    ∂p

    )T

    . (2.37)

    Nous obtenons donc(∂p

    ∂T

    )v

    κT, → T

    (∂s

    ∂v

    )T

    =αT

    κT. (2.38)

    Ainsi (2.32) devient

    T ds = cv dT +αT

    κTdv, (2.39)

    où n’apparaissent plus que des fonctions réponse usuelles. Une dernière ma-nipulation est possible. En comparant (2.29) et (2.39), on trouve

    (cp − cv) dT = αT(

    1

    κTdv + v dp

    ). (2.40)

    Or, v, p et T étant reliés par une équation d’état, on a v = v(p, T ) et donc

    dv =

    (∂v

    ∂p

    )T

    dp+

    (∂v

    ∂T

    )p

    dT = v (−κT dp+ α dT ) . (2.41)

    En substituant cette relation dans l’équation précédente, on obtient une for-mule thermodynamique connue

    cp − cv =α2vT

    κT(2.42)

    et finalement

    T ds = cv dT +cp − cvα

    dv

    v, (2.43)

    = cv dT −cp − cvα

    ρ. (2.44)

    L’équation de conservation de l’énergie devient donc

    ρ

    (cv

    DT

    Dt− cp − cv

    αρ

    Dt

    )= ρ

    (cv

    DT

    Dt+cp − cvα

    div v

    )= r − div j. (2.45)

    Si le milieux est incompressible, l’expression se réduit à

    ρcvDT

    Dt= r − div j. (2.46)

  • 22 CHAPITRE 2. LOIS DE CONSERVATION

    2.5 FluidesPour compléter la modélisation mathématique, il faut spécifier la relation

    qui lie les contraintes aux déplacements, càd. les relations constitutives dumilieu continu considéré. Voici les cas les plus courants.

    2.5.1 Fluides inviscides

    Supposons, comme dans Phys-F-101, que

    τij = −pδij, (2.47)où p est la pression. En dehors des forces de volume, g, ce sont les différencesde pression qui produisent le mouvement. Les équations du mouvement sontdonc

    ρDv

    Dt= ρg −∇p, ∂ρ

    ∂t+ div (ρv) = 0. (2.48)

    Ce sont les équations d’Euler. 3 On remarque immédiatement qu’on ne dis-pose que de 4 équations pour 5 inconnues. Il faut donc compléter ce systèmepar une équation supplémentaire, généralement sous la forme d’une équationd’état ρ = ρ(p).

    Si le fluide est un gaz parfait subissant des transformations isentropiques,on a

    pρ−γ = const. (2.49)(voir exercices) Pour l’air, on suppose généralement que γ = 1.4.

    Dans le cas de la convection thermique d’un liquide, on a plutôt ρ =ρ0 (1− α(T − T0)) et les équations (2.48) sont alors couplées à une équationde transport de chaleur : DT

    Dt= k∇2T.

    Nous utiliserons les équations ci-dessus pour modéliser les ondes acous-tiques.

    2.5.2 Fluides parfaits

    Lorsqu’un fluide inviscide est aussi incompressible, on a ρ = const. et

    ρDv

    Dt= ρg −∇p, div v = 0. (2.50)

    3. Ces équations furent dérivées sous cette forme par Euler (1707-1783). Elles marquentun tournant dans l’histoire de la mécanique des fluides car elle forment pour la première foisune base mathématique complète de la théorie des fluides. Comme le remarqua Lagrange,ces équations réduisent l’étude de la mécanique des fluides à un problème d’analyse. Jus-qu’alors, les problèmes d’hydrauliques se posaient et se résolvaient au cas par cas, par laforce de l’intuition de savants comme Daniel Bernoulli.

  • 2.5. FLUIDES 23

    Figure 2.2 – exemple de conditions aux bords pour un fluide inviscide.

    Le modèle du fluide parfait est très utilisé en hydrodynamique et estapproprié pour un très grand nombre d’écoulements. Nous l’utiliserons pourdécrire la poussée aérodynamique et les vagues. Ce modèle est aussi souventvalable loin de parois rigides.

    Conditions aux limites

    Les équations énoncées plus haut n’ont de sens qu’une fois les conditionsaux bords précisées. Celles-ci sont dictées par la physique du problème, cf.exemples plus loin. Concernant v, on supposera toujours que

    v · n = 0 (2.51)

    sur une paroi fixe de l’écoulement, càd. que le fluide ne peut traverser laparoi. Par contre, la vitesse tangentielle est libre : le fluide peut glisser lelong d’une paroi.

    D’autre part, si le fluide est délimité par une surface libre z = h, parexemple, l’interface air/eau, on y aura

    p = patm, vz =∂h

    ∂t+ vx

    ∂h

    ∂x+ vy

    ∂h

    ∂y. (2.52)

    La seconde relation est appelée condition cinématique. Elle exprime qu’unpaquet fluide à la surface de l’eau s’élève passivement par l’augmentationde h, d’une part, et aussi en se déplaçant le long de h, d’autre part. Cesconditions sont résumées sur la figure 2.2

    De plus, (2.50) étant du premier ordre en t, on s’attend à devoir spécifierv à l’instant initial.

    Note : En réalité, un fluide ne peut presque jamais ‘glisser’ le long d’uneparoi : sa vitesse relative s’y annule complètement. Cette annulation totale dela vitesse se produit souvent sur des distances très courtes, à l’intérieur d’unecouche limite. Pour décrire ce phénomène, le modèle du fluide inviscide doitêtre complété par l’introduction de la viscosité. Il arrive souvent, cependant,

  • 24 CHAPITRE 2. LOIS DE CONSERVATION

    que les effets de viscosité restent négligeables en dehors de ces couches limiteset que les modèles (2.48) et (2.50) restent très bons pour décrire la majeurepartie de l’écoulement.

    2.5.3 Fluides newtoniens

    Supposons plus généralement qu’il existe une relation linéaire instantanéeτij = Aijklvij entre les tenseurs des contraintes et des vitesses de déformation.Dans cette relation, Aijkl est un tenseur d’ordre 4. Notons immédiatementque, par symétrie de (τij) et (vij), Aijkl = Ajikl = Aijlk. Si, en outre, onsuppose le milieu isotrope, alors on obtient la même relation

    τ ′ij = Aijklv′ij (2.53)

    dans tous les repères orthonormés obtenus à partir du premier, par rotationou inversion d’axes. Autrement dit, Aijkl = PimPjnPkoPlpAmnop pour toutematrice P de changement de repère. Ces conditions réduisent fortement lenombre d’éléments non nuls dans A. En fin de compte, seules deux constantesindépendantes subsistent et l’on obtient la relation constitutive d’un fluidenewtonien

    τij = −pδij + 2µ vij + λ (vkk) δij, (2.54)

    = −pδij + µ(∂vi∂xj

    +∂vj∂xi

    )+ λ div(v) δij. (2.55)

    Dans celle-ci, µ est le coefficient de viscosité dynamique et λ est le coeffi-cient de viscosité de volume. On se souvient (Phys-F-101, Eq. 8-24) qu’ungradient de vitesse s’accompagne généralement d’une contrainte tangentielle.Exemple : v = U(y/h, 0, 0), τxy = µU/h 4.

    Pour des variations de température modérées, ces coefficients sont constants.L’approximation n’est pas toujours valable, ex. : géophysique/lave, indus-trie/verre en fusion.

    Si on suppose que le fluide est incompressible, on peut négliger λ. D’autrepart, alors que µ varie beaucoup d’un fluide à l’autre (air, eau), on remarqueque le rapport µ/ρ varie dans une bien moindre mesure. On appelle ν = µ/ρla viscosité cinématique. Dans des conditions standards, µeau ≈ 10−3Pa s,µair ≈ 2. 10−5Pa s, νeau ≈ 1m2s−1, νair = 15m2s−1.

    4. Newton (1642-1727) avait émis l’hypothèse d’une force de friction par unité de surfaceentre deux couches de fluide glissant l’une sur l’autre. Il a supposé que cette contraintetangentielle serait proportionnelle à dv/dy, y étant la coordonnée normale aux couchesfluides.

  • 2.6. SOLIDES 25

    Figure 2.3 – exemple de conditions aux bord pour un fluide inviscide.

    On vérifie aisément que, pour un fluide newtonien incompressible, on ales équations de Navier-Stokes 5 6

    ρDv

    Dt= ρg −∇p+ µ∇2v, div v = 0. (2.56)

    Conditions aux limites

    Eq. (2.56) contient des dérivées d’ordre plus élevé dans les variables d’es-pace que dans les modèles inviscides. Il faut donc généralement spécifierdavantage de conditions aux bords. Sur une paroi immobile, on aura,

    v = 0. (2.57)

    Par ailleurs, sur une surface libre, on aura,

    τn = f ext, (2.58)

    où f ext est la contrainte mécanique de l’extérieur sur le fluide. Notons quel’‘extérieur’ est généralement un autre fluide : f ext = τ (ext)n. Dans le caseau/air, on a, en très bonne approximation : τ (ext)n = −patmn. La figure 2.3illustre cette discussion.

    2.6 Solides

    2.6.1 Elasticité linéaire

    Le pendant de (2.54) pour un solide élastique est la relation constitutive

    τij = 2µeij + λ(ekk) δij, (2.59)

    5. Proposé par Louis Navier (1785-1836) en 1822 et dérivé sous une autre forme parGeorge Gabriel Stokes (1819-1903) en 1845.

    6. Il est très important de se souvenir que la définition du laplacien vectoriel est ∇2 =grad div− rot rot et que la relation ∇2(vx, vy, vz) = (∇2vx,∇2vy,∇2vz) n’est vraie quedans un repère cartésien.

  • 26 CHAPITRE 2. LOIS DE CONSERVATION

    où λ et µ sont les constantes de Lamé. Certaines combinaisons de ces deuxconstantes ont des significations particulières et des noms propres.

    1. Soit un état de cisaillement simple : u = α(y, 0, 0). On calcule im-médiatement que τxy = µα, les autres composantes de τ étant nulles.Par conséquent, on appelle µ le module de cisaillement (angl. : shearmodulus).

    2. Soit ensuite l’expansion u = (α/3)(x, y, z). Il y correspond l’accroisse-ment relatif de volume divu = α. Par ailleurs, τij = (2µ/3 + λ)α δij.On appelle donc le module de compression, K = 2µ/3 + λ.

    3. Cherchons à présent le champ de déplacement correspondant à un étatde contrainte uniaxial :

    τij = τxxδi1δj1.

    La seule composante non nulle de τ est donc τxx. Cela correspond àl’expérience courante de tirer sur une barre dans le sens de la lon-gueur, par ses extrémités en laissant les faces latérales libres. Comme lescontraintes de cisaillement sont toutes nulles, on a u = (εxxx, εyyy, εzzz).De plus, en faisant τyy = τzz = 0, on trouve

    εyy = εzz = −λ

    2µ+ 2λεxx = −νεxx, (2.60)

    ce qui définit le coefficient de Poisson (Poisson ratio) ν = λ2µ+2λ

    . La plu-part du temps (mais pas toujours), ν > 0, ce qui signifie que l’extensionuniforme d’un solide dans une direction s’accompagne d’une contrac-tion dans les directions transverses. Enfin, une dernière application de(2.59) donne

    τxx =µ (2µ+ 3λ)

    µ+ λεxx = Eεxx. (2.61)

    Cela fait apparaître le module de Young E = µ(2µ+3λ)µ+λ

    . Fréquemment,on choisit d’utiliser E et ν plutôt que λ et µ, car cela occasionne deséconomies d’écritures. ν a en outre l’avantage d’être sans dimension.Les deux relations précédentes s’inversent aisément :

    λ =νE

    (1 + ν) (1− 2ν), µ =

    E

    2 (1 + ν), (2.62)

    et l’on note la contrainte physique −1 < ν < 1/2. La relation (2.59)s’écrit aussi

    τij =E

    1 + ν

    (eij +

    ν

    1− 2ν(ekk) δij

    ), (2.63)

  • 2.6. SOLIDES 27

    et surtout, son inverse s’écrit sous la forme économique

    Eeij = (1 + ν) τij − ν(τkk) δij. (2.64)

    Introduisons à présent (2.59) dans (2.17). On obtient

    ρ∂2ui∂t2

    = ρgi + (λ+ µ)∂2uj∂xi∂xj

    + µ∂2ui∂xj∂xj

    , (2.65)

    ou, sous forme vectorielle,

    ρ∂2u

    ∂t2= ρg + (λ+ µ) grad divu+ µ∇2u. (2.66)

    Ce sont les équations de Navier 7. Remarque sur le membre de gauche :comme nous sommes dans le cadre de l’élasticité linéaire, le terme d’advection(v ·∇)v, non linéaire, est négligé dans l’expression de l’accélération.

    2.6.2 Énergie élastique (Strain energy)

    Il est aussi intéressant d’un point de vue théorique, de calculer

    d

    dt

    ∫∫∫V

    ρ|v|2

    2dx =

    ∫∫∫V

    ρ

    2

    ∂|v|2

    ∂tdx =

    ∫∫∫V

    ρv · ∂v∂t

    dx, (2.67)

    où on a utilisé le fait qu’en élasticité linéaire, D/Dt ≈ ∂/∂t car les variablesx etX sont indistinguables. Par conservation de l’impulsion, le dernier termes’écrit ∫∫∫

    V

    vi

    (ρgi +

    ∂τij∂xj

    )dx =

    ∫∫∫V

    (ρvigi +

    ∂(viτij)

    ∂xj− τij

    ∂vi∂xj

    )dx

    =

    ∫∫∫V

    ρv · g dx+∫∫

    ∂V

    v · τn da−∫∫∫

    V

    τij∂eij∂t

    dx, (2.68)

    par application du théorème de la divergence. Le dernier terme ci-dessuss’écrit enfin

    − ddt

    ∫∫∫V

    W dx, (2.69)

    7. Dérivée par lui en 1821 mais avec une seule constante élastique. Augustin LouisCauchy (1789-1857), rapporteur du mémoire de Navier pour l’Académie des sciences, s’in-téressa à ce problème. Après avoir correctement formulé la notion de contrainte, commenous l’avons vu, il établit l’équation de l’élasticité sous sa forme actuelle.

  • 28 CHAPITRE 2. LOIS DE CONSERVATION

    si on introduit la fonction W(E) telle que

    ∂W∂eij

    = τij. (2.70)

    En combinant les expressions ci-dessus, on obtient finalement

    d

    dt

    ∫∫∫V

    (ρ|v|2

    2+W

    )dx =

    ∫∫∫V

    ρv · g dx+∫∫

    ∂V

    v · τn da, (2.71)

    ce qui donne à W le sens d’une densité d’énergie élastique. En intégrant(2.70), il vient

    W = µeijeij +λ

    2(ekk)

    2 =1

    2τijeij. (2.72)

    L’équation (2.71) implique une conservation de l’énergie mécanique. Aussi,les équations de Navier sont-elles conservatives, contrairement à celles deNavier-Stokes, qui sont dissipatives.

    L’importance de W vient du fait que (2.70) et (2.72) sont souvent priscomme point de départ pour l’élaboration d’une loi constitutive. Dans cecas, (2.72) est vu comme le développement aux premiers ordres d’une énergielibre. Cette approche est utile en élasticité non linéaire, pour s’assurer que laloi de comportement non linéaire choisie pour modéliser un matériau ne violepas le premier principe de thermodynamique. De plus, historiquement, etmême avant la découverte des équations de Navier, l’évocation d’une énergieet sa minimisation a souvent été la méthode de construction de modèlesmathématiques en élasticité.

    Notons enfin que pour avoir W ≥ 0, il faut et il suffit que

    K,µ > 0. (2.73)

    2.6.3 Incompressiblité

    Par (2.72), un matériau sera d’autant plus incompressible que λ sera plusgrand que µ. En effet, dans ce cas, ekk = divu sera particulièrement coûteuxà produire en énergie mécanique. Nous pouvons formuler cette hypothèse enécrivant λ = µ/ε, où ε� 1. Dès lors, on a

    τij/µ = 2eij +1

    εdiv(u)δij, (2.74)

    et τ diverge dans la limite ε→ 0, sauf si divu = O(ε). Posons donc

    divu = −ε pµ. (2.75)

  • 2.6. SOLIDES 29

    Cela conduit donc, dans la limite ε→ 0, à

    ρ∂2u

    ∂t2= ρg −∇p+ µ∇2u, divu = 0. (2.76)

    On voit donc que p est étroitement lié à la contrainte d’incompressibilité. Enexercice, on verra qu’elle peut être vue comme un multiplicateur de Lagrangeassocié à cette contrainte.

  • 30 CHAPITRE 2. LOIS DE CONSERVATION

    Exercices2.1 Rappel de thermodynamique : dE = T dS−p dV . Pour un gaz parfait, on

    a d’une part E = N2nkT , et d’autre part, pV = nkT , où N est le nombre

    de degrés de liberté par particule et k est la constante de Boltzmann.À partir de ces relations, établissez la loi pρ−γ = const et montrez queγ = (2 +N)/N.

    2.2 Calculez l’évolution de l’énergie∫∫∫V (t)

    ρ

    (cvT +

    1

    2|v|2)

    dx

    d’un volume de fluide et montrez que

    ρcvDT

    Dt= k∇2T + Φ− p div v,

    où Φ = λ (div v)2 + 2µvijvij.[Ceci implique que la viscosité entraîne toujours une dissipation de cha-leur et qu’elle est donc source d’irréversibilité.]

    2.3 Montrez qu’à l’état stationnaire, la solution des équations de Navier mi-nimise l’énergie

    U =

    ∫∫∫V

    (W − ρg · u) dx.

    et que les conditions aux bords naturelles pour cette minimisation sontτn = 0 sur ∂V .

    2.4 Répétez l’exercice avec la contrainte divu = 0. Montrez que le multipli-cateur de Lagrange associé n’est autre que la pression p.

    2.5 Montrez que W ≥ 0 et que W s’annule pour u = 0 ssi µ,K ≥ 0.2.6 Par un bilan d’impulsion, calculez la force d’un fluide inviscide sur une

    conduite de section uniforme S pour un débit Q donné sachant que ladirection de sortie fait un angle α avec la direction d’entrée.

  • Chapitre 3

    Applications des équationsgénérales

    3.1 Équations sous forme adimensionnelleImaginons un écoulement dans une géométrie donnée de grandeur carac-

    téristique L. Par exemple : tasse – 5cm, tuyau d’arrosage – 1 cm, piscine –10 m, cours d’eau – entre quelques cm et plusieurs km, insecte – qqes mm.On connait généralement aussi le (ou les) temps caractéristique(s) du phé-nomène étudié, T . De manière équivalente, on peut connaître V = L/T , unevitesse typique de l’écoulement en question (si on connaît V et L, on déduitT = L/V ). Cela nous amène à écrire

    v = V v′, x = Lx′, t =L

    Vt′, (3.1)

    où v′, x′, t′ sont des quantités sans dimension. Par susbstitution dans (2.56),on obtient

    V 2

    Dv′

    Dt′= ρg − 1

    L∇p+ µ V

    L2∇2v′, V

    Ldiv v′ = 0 (3.2)

    où l’opérateur ∇ = ( ∂∂x′, ∂∂y′, ∂∂z′

    ). Après réarrangement,

    Dv′

    Dt′=

    L

    V 2g − 1

    ρV 2∇p+ µ

    ρV L∇2v′, div v′ = 0 (3.3)

    Aussi, en définissant

    g′ =L

    V 2g, p′ =

    p

    ρV 2, R =

    ρV L

    µ, (3.4)

    31

  • 32 CHAPITRE 3. APPLICATIONS DES ÉQUATIONS GÉNÉRALES

    et en omettant les primes, on obtient

    Dv

    Dt= g −∇p+ 1

    R∇2v, div v = 0. (3.5)

    Dans ces équations sans dimension, il ne subsiste des grandeurs caractéris-tiques initiales que R, le nombre de Reynolds. Du fait des renormalisations(3.1) et (3.4), on peut raisonnablement s’attendre à ce que v′, g′, p′ = O(1).Aussi l’importance relative du dernier terme dans la première équation de(3.5), c’est-à-dire des effets visqueux, est déterminée par R. Deux cas limitesse dégagent immédiatement de cette analyse.

    1. Ecoulements à grand R : loin des bords (couches limites), on peut sup-poser en première approximation que

    Dv

    Dt= g −∇p, div v = 0, (3.6)

    càd. que le fluide est approximativement inviscide.

    2. Ecoulements à petit R : dans ce cas, c’est le dernier terme qui domine,et généralement la pression doit se remettre à l’échelle selon p′ = p′′/R,ce qui donne en première approximation (en omettant les primes)

    ∇2v = ∇p, div v = 0. (3.7)

    On voit que la structure des équations est très différente dans les deux cas,ce qui augure des comportements qualitativement très différents aussi. Lesecond cas est typique des écoulements aux "petites" échelles spatiales, ou"très visqueux". Noter que le recours aux grandeurs sans dimensions donneun sens précis à "petit" et "très" –c’est là tout l’avantage de la procédure.

    Un autre enseignement à tirer de (3.5) est que toute grandeur globalede l’écoulement ne dépend de ses paramètres caractéristiques qu’à travers legroupement R = ρLV/µ = LV/ν. On peut ainsi prédire, par exemple, quele coefficient de frottement aérodynamique d’une sphère sera une fonctionφ(R), ce qui est une grande simplification par rapport à φ(v, µ, ρ, L).

    Le recours aux grandeurs sans dimensions est très utile pour les calculsnumériques et analytiques. Il permet de simplifier les notations en réduisantle nombre de symboles, donc les risques d’erreur et, s’il est judicieusementopéré, permet de supposer que les grandeurs traitées sont toutes d’ordre 1.Cependant nous n’exclurons pas l’écriture des équations en dimensions dansla suite, car les symboles dimensionnels rappellent le sens physique de certainstermes (par ex., ρDv/Dt : inertie, µ∇2v : viscosité).

  • 3.2. ÉCOULEMENTS INVISCIDES 33

    Figure 3.1 – Correspondance entre vorticité et circulation.

    3.2 Écoulements inviscides

    3.2.1 Vorticité

    Revenons aux écoulement inviscides, càd. caractérisés par R � 1. Unepropriété importante du champ de vitesse est sa vorticité, définie par

    ω = ∇× v. (3.8)

    ω est le vecteur de rotation moyenne des axes initialement cartésiens attachésà un paquet fluide (cf EX. 1.7) (voir le livre d’Acheson pour de nombreuxexemples d’application). L’intégrale de la vorticité sur une surface est aussi,selon le théorème de Stokes, la circulation du champ de vitesse sur le pourtourde celle-ci (Fig. 3.1) : ∫∫

    ω · n da =∮v · ds. (3.9)

    Notons l’identité intéressante

    ω × v = (v ·∇)v − 12∇|v|2. (3.10)

    En effet, (ω × v)i = εijkεjmn(∂mvn)vk = εjkiεjmn(∂mvn)vk = (δkmδin−δknδim)(∂mvn)vk= (∂kvi)vk − (∂ivk)vk. En appliquant cette identité à (2.48), l’équation del’impulsion devient

    ∂v

    ∂t+ ω × v = g − 1

    ρ∇p− 1

    2∇|v|2. (3.11)

    Notons que pour un gaz parfait subissant des compressions et dilatationsisentropiques, pρ−γ =const. Sous cette contrainte, on peut aisément déduire(Exercice 3.1) que

    1

    ρ∇p = γ

    γ − 1∇pρ. (3.12)

  • 34 CHAPITRE 3. APPLICATIONS DES ÉQUATIONS GÉNÉRALES

    Dans le cas d’un fluide incompressible, DρDt

    = 0 et ρ est donc uniforme à toutmoment s’il l’est initialement. On aura donc 1

    ρ∇p = ∇p

    ρ. On peut résumer

    ces deux situations en écrivant

    1

    ρ∇p = β∇p

    ρ. (3.13)

    où β = 1 pour un fluide incompressible et β = γγ−1 pour une détente isentro-

    pique. En outre, on peut souvent supposer que g dérive d’un potentiel

    g = −∇χ, (3.14)

    de sorte que l’équation de l’impulsion s’écrit finalement :

    ∂v

    ∂t+ ω × v = −∇

    (χ+ β

    p

    ρ+

    1

    2|v|2). (3.15)

    La quantité entre parenthèses peut être comprise comme une énergie parunité de masse d’un paquet fluide 1. Calculons le rotationnel de cette expres-sion. Par application de l’EX 1.9, il résulte

    Dt= (ω ·∇)v − ω div v. (3.16)

    On note en particulier que si ω est nul partout initialement, il le restera. Deplus, pour un fluide incompressible (div v = 0) et 2D (ω · v = 0), la vorticitéest automatiquement conservée.

    3.2.2 Bernoulli

    Écoulement stationnaire

    Soit un écoulement stationnaire. En prenant le produit scalaire de v avec(3.15) on trouve

    v ·∇(χ+ β

    p

    ρ+

    1

    2|v|2)

    = 0. (3.17)

    Ainsi, l’énergie spécifique est constante le long d’une ligne de courant.

    1. On définit de manière équivalente la hauteur de charge H = (χ+β pρ+12 |v|

    2)/g. Celle-ci a la dimension d’une longueur et est plus directement accessible expérimentalement.

  • 3.2. ÉCOULEMENTS INVISCIDES 35

    Écoulement incompressible et irrotationnel

    Supposons que ω = 0. Dans ce cas, on peut écrire

    v = ∇φ, ∇2φ = 0, (3.18)

    et l’équation de l’impulsion devient

    ∇(∂φ

    ∂t+ χ+ β

    p

    ρ+

    1

    2|v|2)

    = 0. (3.19)

    La quantité entre parenthèses ne dépend donc pas de l’espace, ce qui donne

    ∂φ

    ∂t+ χ+ β

    p

    ρ+

    1

    2|v|2 = 0. (3.20)

    À noter que le membre de droite peut être posé égal à zéro sans perte degénéralité, car on peut ajouter à φ une fonction arbitraire f(t) sans affecterv.

    Note : l’hypothèse ω = 0 se rencontre dans de nombreux cas pratiques.En effet, si ω est nul initialement dans un paquet fluide, il le restera ulté-rieurement d’après (3.16).

    3.2.3 Fluide compressible dans une tuyère

    Considérons un écoulement gazeux, pρ−γ =const. dans une tuyère de sec-tion S variable. En supposant la vitesse uniforme selon l’axe de la tuyère, ona, par conservation de la masse, ρvS =const. Enfin, on a βp/ρ+v2/2 =const.Différencions ces trois relations pour étudier la variation de la vitesse avec lasection S. Si le fluide était incompressible, on saurait immédiatement qu’unediminution de section entraînerait une accélération, par conservation de lamasse. Dans le cas présent, on a

    1

    pdp− γ

    ρdρ = 0, (équation d’état) (3.21)

    dv

    v+

    ρ+

    dS

    S= 0, (masse) (3.22)

    βdp

    ρ− βp dρ

    ρ2+ v dv = 0. (Bernoulli) (3.23)

    C’est là un système de trois équations à trois inconnues, dp, dv, dρ à résoutreen fonction de dS. Par éliminations successives, on obtient(

    1− ρv2

    γp

    )dv

    v= − dS

    S. (3.24)

  • 36 CHAPITRE 3. APPLICATIONS DES ÉQUATIONS GÉNÉRALES

    Dans le facteur entre parenthèses, on reconnaît (Exercice 3.2) la vitesse duson, c, donnée par c2 = γp/ρ et on définit le nombre de Mach M = v/c. Ladernière expression s’écrit donc(

    1−M2) dvv

    = − dSS

    . (3.25)

    Ainsi, pour des vitesses subsoniques, M < 1, une diminution de section en-traîne une accélération de l’écoulement mais pour des vitesses supersoniques,M > 1, c’est l’inverse. En particulier, si M > 1, dS > 0→ dv > 0 !

    3.2.4 Vagues en eau profonde

    Nous considérons la situation décrite en Fig. 2.2, avec quelques modifica-tions. Nous travaillons à 2D avec les coordonnées (x, z). Le fond est supposése trouver à z = −∞ et, en z = h, la condition dynamique est modifiée parl’inclusion de la tension de surface p = pa−γκ, où κ est le rayon de courburedonné par

    κ =∂2h∂x2(

    1 +(∂h∂x

    )2)3/2 . (3.26)En supposant le champ de vitesse irrotationel, on a

    ∇2φ = 0 (3.27)

    pour z < h(x, t) et

    ∂φ

    ∂t+ gh− γκ

    ρ+

    1

    2|∇φ|2 = 0, ∂φ

    ∂z=∂h

    ∂t+∂φ

    ∂x

    ∂h

    ∂x, (3.28)

    en z = h(x, t) (la pression constante pa est éliminée de l’expression ci-dessussans perte de généralité). Dans un premier temps, nous cherchons des solu-tions avec la dépendance spatio-temporelle ei(kx−ωt). Nous voulons donc que

    φ ∝ Re(ei(kx−ωt)

    ). (3.29)

    En effet, la fonction exp i(kx − ωt) peut aussi s’écrire exp ik(x − ct) avecc = ω/k. Il s’agit donc d’une fonction sinusoïdale qui se translate avec unevitesse c dans le sens des x positifs. Cette vitesse est appelée vitesse de phase,puisqu’elle se rapporte essentiellement à la phase de la sinusoïde que décrit lasurface de l’eau. Notons que la fonction ci-dessus n’est pas solution de (3.27).Néanmoins, on trouve facilement que

    φ = Aei(kx−ωt)+kz + c.c. (3.30)

  • 3.2. ÉCOULEMENTS INVISCIDES 37

    satisfait (3.27) et tend vers zéro lorsque z → −∞. L’expression (3.30) indiqueque l’amplitude de l’onde devient rapidement négligeable dès que |kz| > 1.Par conséquent si le fond de l’eau se trouve à zmin, son effet sur l’écoule-ment devient négligeable dès que |zmin| est plus grand que quelques longueursd’onde. C’est cela que nous entendons par vague en “eau profonde”.

    Supposons que l’amplitude de l’onde soit suffisamment faible pour que1. nous puissions évaluer (3.28) en z = 0,2. nous puissions y négliger les termes non linéaires et écrire

    ∂φ

    ∂t+ gh− γ

    ρ

    ∂2h

    ∂x2≈ 0, ∂φ

    ∂z≈ ∂h∂t. (3.31)

    Dans ce cas, la seconde équation ci-dessus donne immédiatement

    h ≈ ikωAei(kx−ωt)+kz + c.c.. (3.32)

    et la première donne alors

    −iω + g ikω

    +iγk3

    ρω= 0→ ω2 = gk + γk3/ρ . (3.33)

    La relation encadrée est la relation de dispersion des ondes se propageant à lasurface de l’eau. Les deux termes de droite représentent chacun un moteur dumouvement des ondes : la gravité et la tension de surface. Le rapport de cesdeux termes permet de décider lequel des deux effets est le plus important.Il s’exprime comme

    γk3/ρ

    gk= (kλc)

    2 , (3.34)

    où λc =√γ/ρg est appelée longueur capillaire (angl : capillary length). Pour

    l’interface air/eau, γ = 0.073N/m, ce qui donne λc = 2.7mm. La longueurd’onde pour laquelle les deux termes de droite de (3.33) sont égaux est à peuprès 1.7 cm.

    Paquets d’ondes

    De (3.33), nous tirons l’expression de la vitesse de phase

    c = ω/k =

    (g

    k+γk

    ρ

    )1/2=√gλc

    (1

    kλc+ kλc

    )1/2(3.35)

    à laquelle se propagent les crêtes des ondes, voir Fig. 3.2. Deux cas limites sedégagent. D’une part, pour les petites longueurs d’onde, kλc � 1, on a,

    c ∼√γk/ρ

  • 38 CHAPITRE 3. APPLICATIONS DES ÉQUATIONS GÉNÉRALES

    Figure 3.2 – Illustration de la relation de dispersion (3.35)

    et les plus petites longueurs d’onde se propagent le plus vite. Ce sont lesondes capillaires. Exemple d’ondes capillaires : ondes formées par l’impactde de gouttes de pluie. D’autre part, pour kλc � 1, on trouve les ondes degravité, dont la vitesse est donnée par

    c ∼√g/k.

    Dans cette limite, les plus grandes longueurs d’onde ont les plus grandesvitesses.

    A côté de la vitesse de phase, on définit la vitesse de groupe par

    vg =∂ω

    ∂k. (3.36)

    C’est à cette vitesse que se propage toute information, ou énergie, portée parun paquet d’ondes 2. Enfin, une troisième caractéristique importante est lecoefficient de dispersion

    β =∂2ω

    ∂k2(3.37)

    qui décrit l’étalement d’un paquet d’ondes au cours du temps.On peut arriver à ces notions de vitesse de groupe et de coefficient de

    dispersion de différentes manières. Une approche assez générale consiste à

    2. Il est intéressant de réfléchir au fait qu’une onde purement monochromatique nepeut véhiculer aucune information -à part le fait d’exister.

  • 3.2. ÉCOULEMENTS INVISCIDES 39

    écrire

    h(x, t) =

    ∫ ∞−∞

    ik

    ωA(k)ei(kx−ω(k)t) dk =

    ∫ ∞−∞

    B(k)ei(kx−ω(k)t) dk. (3.38)

    Pour autant que cette intégrale converge, ceci est certainement une solutiondu problème linéarisé donné par (3.27) et (3.31). Pour un paquet d’onde,la fonction B(k) est concentrée autour d’un nombre d’onde particulier k0 etdécroit rapidement ailleurs. On effectue dès lors un développement limité del’exponentielle autours de k0 :

    k = k0 +K, B(k) = B(k0 +K) = B̃(K), dk = dK,

    exp i(kx−ω(k)t) ≈ exp i(k0x+Kx−

    (ω(k0) +

    ∂ω

    ∂kK +

    1

    2

    ∂2ω

    ∂k2K2 + . . .

    )t

    )= exp i

    (k0x− ω(k0)t+K

    (x− ∂ω

    ∂kt

    )− 1

    2

    ∂2ω

    ∂k2K2t

    ),

    = exp i

    (k0x− ω(k0)t+K (x− vgt)−

    β

    2K2t

    ). (3.39)

    Un développement similaire se fait autours de −k0. L’expression (3.38) seréécrit donc, approximativement,

    h(x, t) ≈ ei(k0x−ω(k0)t)∫B̃(K)ei(K(x−vgt)−

    β2K2t) dK + c.c.. (3.40)

    Dans cette intégrale, on suppose que K � k0. Aussi la fonction

    ψ(x, t) =

    ∫B̃(K)ei(K(x−vgt)−

    β2K2t) dK (3.41)

    varie-t-elle lentement par rapport à ei(k0x−ω(k0)t). Les crêtes des vagues sontdonc bien données par ei(k0x−ω(k0)t) et elle se déplacent à une vitesse c éva-luée en k0. La fonction ψ est une modulation lente de ces oscillations. Surdes temps modérés et en supposant que K est suffisamment “petit”, on peutnégliger β

    2K2t devant K (x− vgt). Ainsi, l’amplitude ψ(x, t) est approxima-

    tivement donnée par

    ψ(x, t) ≈∫B̃(K)eiK(x−vgt) dK = ψ(x− vgt). (3.42)

    Nous voyons donc que pour des temps modérément longs, l’élévation de l’eauest décrite par

    h(x, t) = ei(k0x−ω(k0)t)ψ(x− vgt), (3.43)

  • 40 CHAPITRE 3. APPLICATIONS DES ÉQUATIONS GÉNÉRALES

    Figure 3.3 – Représentation d’un packet d’ondes : les oscillations se pro-pagent à la vitesse c, l’amplitude à la vitesse vg.

    qui est bien un paquet d’onde se déplaçant à la vitesse vg, voir Fig. 3.3Posons maintenant ξ = x− vgt et écrivons, sur base de ce qui précède,

    ψ = ψ(ξ, t) =

    ∫B̃(K)ei(Kξ−

    β2K2t) dK + c.c.. (3.44)

    On vérifiera (Exercice 3.6) qu’un paquet d’onde initial ψ(x, 0) = e−x2 devient

    ψ =e−ξ

    2/(1+2iβt)

    √1 + 2iβt

    , (3.45)

    et, comme illustré en Fig. 3.4, ce profil s’étale dans le temps. Il est intéressantde remarquer que 3.44 est la solution générale de

    i∂ψ

    ∂t+β

    2

    ∂2ψ

    ∂ξ2= 0. (3.46)

    qui n’est autre que l’équation de Schrödinger d’une particule libre. C’estaussi l’équation paraxiale à une dimension en optique ainsi que l’équationd’une impulsion dans un guide d’onde. Lorsque l’on prend en compte leseffets non linéaires négligés jusqu’ici, l’équation pour ψ devient l’équation deSchrödinger non linéaire ou “NLS” :

    i∂ψ

    ∂t+β

    2

    ∂2ψ

    ∂ξ2− γ|ψ|2ψ = 0. (3.47)

  • 3.2. ÉCOULEMENTS INVISCIDES 41

    Figure 3.4 – Illustration de l’effet de la dispersion chromatique sur un paquetde vagues gaussien, d’après (A.32)

    Figure 3.5 – Profil de vague non linéaire, d’après calcul au deuxième ordre.

    Dans le cas des ondes de gravité, le coefficient non linéaire ci-dessus estγ = 2ω0k

    20 ; voir complément du cours. Cette équation est extrêmement im-

    portante en physique non linéaire. Bien qu’établie dans un cas particulier, ilfaut s’attendre à la rencontrer dans toutes les situations physiques où existentdes paquets d’onde. Insistons sur le fait que ψ dans (3.47) est une amplitudelentement variable multipliant une onde porteuse exp i(k0x− ω0t).

    D’après la Fig. 3.2, β = ∂2ω∂k2

    = ∂vg∂k

    < 0 pour les ondes de gravité ; par unchoix approprié d’unités on peut imposer β = −1 et γ = 1 dans (3.47).

    L’équation NLS est dérivée en complément du cours par une analysemulti-échelle faiblement non linéaire. Dans cette dérivation, on trouve no-tamment que le profil des vagues est légèrement modifiée par rapport auprofil sinusoïdal ; il est plus aplati dans les creux et plus piqué aux crêtes,voir Fig. 3.5

  • 42 CHAPITRE 3. APPLICATIONS DES ÉQUATIONS GÉNÉRALES

    Applications de la NLS

    Étudions les implications de (3.47) à propos des trains de vagues. Lestrains de vagues uniformes, càd. où |ψ| est constant, sont donnés par lessolutions ψ = ae−iγa2t, où a est un nombre réel. Donc, on a la solution nonlinéaire

    h = a(ei(k0x−ω0t)−iγa

    2t + c.c.)

    = 2a cos(k0x− (ω0 + γa2)t

    )(3.48)

    On voit donc que la fréquence de l’onde dépend de son amplitude, chose toutà fait impossible dans un système linéaire.

    Examinons à présent la stabilité de ce train d’ondes, en posant ψ =a(1 + u(ξ, t)− iv(ξ, t))e−2ia2τ , où u et v sont réels et petits devant 1 et sont,respectivement, une perturbation d’amplitude et une perturbation de phase.On arrive à (Exercice 3.7)

    ∂2u

    ∂t2− βγa2∂

    2u

    ∂ξ2+β2

    4

    ∂4u

    ∂ξ4= 0. (3.49)

    Cette équation admet des solutions de la forme eσt+iKξ avec

    σ2 = −βγa2K2 − β2

    4K4. (3.50)

    Si βγ < 0, ce qui est le cas pour les ondes de gravité, il existe une gammede nombres d’onde K pour lesquels σ est réel et ces perturbations croissentdonc exponentiellement dans le temps. La solution (3.48) est par conséquentinstable. La perturbation qui croît le plus vite correspond à

    K2max = −2γa2/β, σmax = γa2. (3.51)

    La perturbation du train de vagues correspondante est

    h′perturb ∝ eσmaxt cos[(k0 +Kmax)x−

    (ω0 + 2γa

    2 +Kmaxvg)t]. (3.52)

    Ainsi, le train d’ondes (3.48) est déstabilisé au profit d’autres trains d’ondesaux nombres d’onde légèrement décalés. Cette instabilité hydrodynamiqueporte le nom de Benjamin-Feir. On la retrouve dans bien d’autres contextessous le nom d’instabilité modulationnelle.

    Enfin, la nonlinéarité dans (3.47) tend à concentrer l’énergie d’un traind’ondes en un point ("autofocalisation", en optique), ce qui peut compenserla dispersion dont souffrait la solution (A.32). Grâce à ce phénomène, onassiste à un nouveau type d’ondes, les ondes solitaires, dont le profil ne variepas en cours de propagation. La plus simple est donnée par

    ψ = a sech(√−γ/βaξ

    )e−iγa

    2t/2. (3.53)

  • 3.2. ÉCOULEMENTS INVISCIDES 43

    Figure 3.6 – Trainée hydrodynamique d’un bateau à grande vitesse,d’un bateau à faible vitesse et d’un canard. Photos 1 et 2 prises surwww.wikipedia.org et www.wikiwave.org. Canard photographié par SuzyLafferty, www.sjlshots.com

    3.2.5 Trainée hydrodynamique

    Comme dernière application de la théorie des vagues en eau profonde,nous considérons les vagues composant la trainée d’un bateau illustrée parla Fig. 3.6. Ces vagues sont confinées dans un cône d’émission dont l’angled’ouverture (≈ 38◦) est le même pour tous les bateaux, indépendamment deleur vitesse, et même les canards.

    L’explication de ce phénomène repose sur la relation de dispersion desvagues produites par un bateau en mouvement. Dans le régime linéaire, leséquations de mouvement sont données par (3.27) et (3.31), où nous négligeonsla tension de surface. Par différentiation croisée, on peut éliminer h de (3.31)et obtenir

    ∇2φ = 0, z < 0, ∂2φ

    ∂t2+ g

    ∂φ

    ∂z= 0, z = 0. (3.54)

    Adoptons un système de coordonnée mouvant à la vitesse d’un bateau dans

  • 44 CHAPITRE 3. APPLICATIONS DES ÉQUATIONS GÉNÉRALES

    la direction −ex et posons x′ = x+V t. Nous supposons que dans ce systèmede coordonnées, le profil des vague est stationnaire :

    φ(x, y, z, t) = Φ(x+ V t, y, z) = Φ(x′, y, z). (3.55)

    Nous avons donc

    ∇2Φ = 0, z < 0, V 2 ∂2Φ

    ∂x′2+ g

    ∂Φ

    ∂z= 0, z = 0. (3.56)

    Les ondes de surface les plus simples sont de la forme

    Φ ∝ ei(kxx′+kyy)+√k2x+k

    2yz. (3.57)

    La condition au bord donne la relation de dispersion√k2x + k

    2y = k

    2x`, (3.58)

    où nous avons posé` = V 2/g. (3.59)

    Précédemment, nous avions une relation de dispersion liant la pulsation ωau nombre d’onde kx. Cette fois-ci, elle lie ky à kx. La résolution de (3.58)donne

    ky = ±kx√k2x`

    2 − 1 ≡ ±Ky(kx) (3.60)En surface, la solution élémentaire (3.57) est donc

    Φ ∝ ei(kxx′−Ky(kx)y), ei(kxx′+Ky(kx)y). (3.61)

    Ainsi, la solution générale peut s’écrire

    Φ =

    ∫ ∞−∞

    A(kx)ei(kxx′−Ky(kx)y) dkx +

    ∫ ∞−∞

    B(kx)ei(kxx′+Ky(kx)y) dkx (3.62)

    Les intégrales ci-dessus sont du même type que celle dans (3.38), où t estremplacé par y. Par le même raisonnement que pour (3.38), on trouve doncque le battement produit par une gamme de nombres d’onde concentréeautours d’un certain kx se propage à la “vitesse” de groupe

    vg(kx) = ±∂Ky∂kx

    = ± 2k2x`

    2 − 1√k2x`

    2 − 1. (3.63)

    On a donc, pour le lieu de ce battement,

    y/x′ =±1

    vg(kx). (3.64)

  • 3.2. ÉCOULEMENTS INVISCIDES 45

    Figure 3.7 –

    En dérivant cette expression par rapport à kx, on trouve que le maximumest obtenu pour

    k∗2x `2 = 3/2, → k∗x =

    √3/2

    `. (3.65)

    L’ouverture du cône d’émission à ce nombre d’onde est indépendant de `,càd de g et de V , et est donné par 2θmax, où

    tan θmax =1

    vg(k∗x)=

    1√8, → θmax ≈ 19.47◦. (3.66)

    Cherchons ensuite la position des crêtes des vagues. Il s’agit, à l’intérieurdu battement, de trouver le lieu de phase constante. On doit donc avoir, poury > 0,

    kxx′ −Ky(kx)y = C, (3.67)

    x′ − vg(kx)y = 0. (3.68)

    La solution est donnée par

    x′ =Cvg(kx)

    kxvg(kx)−Ky(kx)=C(2`2k2x − 1)

    `2k3x= C̃

    2q2 − 1q3

    , (3.69)

    y =C

    kxvg(kx)−Ky(kx)=C√`2k2x − 1`2k3x

    = C̃

    √q2 − 1q3

    , (3.70)

    où nous avons posé C̃ = `C, q = `kx. Pour une phase donnée, çàd C̃ =constant,l’expression ci-dessus décrit une courbe paramétrée par `kx dans le plan (x, y).Ces courbes sont représentées à la Fig. 3.7

  • 46 CHAPITRE 3. APPLICATIONS DES ÉQUATIONS GÉNÉRALES

    3.2.6 Vagues en eau peu profonde. Ondes solitaires

    La présente section décrit la "great wave of translation", observée pourla première fois par Scott Russel. Il s’agit d’une vague particulière que cedernier suivit à cheval, sur plusieurs kilomètres avant qu’elle ne disparaisse.Cette observation est à l’origine de la découverte et de l’étude des ondessolitaires et, un siècle plus tard, des solitons.

    I was observing the motion of a boat which was rapidly drawn along anarrow channel by a pair of horses, when the boat suddenly stopped - not sothe mass of water in the channel which it had put in motion ; it accumulatedround the prow of the vessel in a state of violent agitation, then suddenlyleaving it behind, rolled forward with great velocity, assuming the form of alarge solitary elevation, a rounded, smooth and well-defined heap of water,which continued its course along the channel apparently without change ofform or diminution of speed. I followed it on horseback, and overtook it stillrolling on at a rate of some eight or nine miles an hour, preserving its originalfigure some thirty feet long and a foot to a foot and a half in height. Its heightgradually diminished, and after a chase of one or two miles I lost it in thewindings of the channel. Such, in the month of August 1834, was my firstchance interview with that singular and beautiful phenomenon which I havecalled the Wave of Translation ("Report on Wave", Rep. 14th Meet. Brit.Assoc. Adv. Sci., York, 311-90 (1844))

    Reprenons la situation décrite en Fig. 2.2, mais cette fois dans un domainede profondeur finie. Nous considérons à présent des vagues non linéaires degrande extension horizontale par rapport à la profondeur. Nous allons dériverla fameuse équation de Korteweg et de Vries, qui décrit la propagation devagues solitaires. Il s’agit ici d’une seule vague, et non d’un train de vagues,comme dans les sections précédentes. Nous partons de (3.27) et (3.28), avecγ = 0. Notons la profondeur initiale h0 et considérons une onde de longueur Lgrande par rapport à h0. Procédons d’abord à la normalisation des variables

    x = Lx′ =h0δx′, z = h0z

    ′, h = h0 (1 + �η) , t = Tt′, φ = −ρgh0t+

    h20Tϕ.

    (3.71)

    Cela donne (en omettant les primes)

    δ2∂2ϕ

    ∂x2+∂2ϕ

    ∂z2= 0, 0 < z < 1 + �η (3.72)

  • 3.2. ÉCOULEMENTS INVISCIDES 47

    avec les conditions aux limites

    ϕz = 0, z = 0, (3.73)

    ϕt + Gη +1

    2

    (δ2ϕ2x + ϕ

    2z

    )= 0, z = 1 + �η, (3.74)

    ϕz = �(ηt + δ

    2ϕxηx)

    = 0, z = 1 + �η, (3.75)

    où G = �T 2g/h0. Ne sachant pas à l’avance le temps caractéristique T appro-prié, nous ne pouvons dire si G doit être O(1). Nous supposerons néanmoinsque c’est le cas. Dans la limite δ � 1, et compte tenu de (3.73), nous avons(Ex. 3.8)

    ϕ(x, z, t) = ϕ0(x, t) + δ2

    (ϕ2(x, t)−

    z2

    2ϕ0,xx(x, t)

    )+ . . . (3.76)

    En substituant cette expression dans (3.74) et (3.75), on trouve

    ϕ0,t + δ2

    (ϕ2,t −

    1

    2ϕ0,xxt

    )+ Gη + δ

    2

    2ϕ20,x = O(δ

    4, �δ2), (3.77)

    − (1 + �η) δ2ϕ0,xx + δ4(

    1

    6ϕ0,xxxx − ϕ2,xx

    )= �

    (ηt + δ

    2ϕ0,xηx)

    +O(δ6, �δ4),

    (3.78)

    et pour équilibrer les deux membres de la seconde équation, il faut � = δ2.Posons donc

    η = η0 + δ2η2 + . . . . (3.79)

    A l’ordre dominant, (3.77) et (3.78) deviennent

    ϕ0,t ∼ −Gη0, −ϕ0,xx ∼ η0,t, (3.80)

    ou encoreη0 =

    −1Gϕ0,t, ϕ0,tt − Gϕ0,xx = 0. (3.81)

    Conclusion : d’avoir supposé que G = O(1) nous donne à l’ordre dominantune équation d’onde, de solution générale ϕ0 = ϕ0(x ± Gt). C’est là un bonpoint de départ pour décrire une onde solitaire et nous conforte dans notrehypothèse. De plus, comme T est libre, nous pouvons poser

    G = 1, → T =

    √h0δ2g

    , → V = LT

    =√gh0. (3.82)

    Ainsi, l’unité de vitesse correspond à la vitesse d’une vague de grande lon-gueur par rapport à la profondeur du canal, dans le régime linéaire (EX.3.9).

  • 48 CHAPITRE 3. APPLICATIONS DES ÉQUATIONS GÉNÉRALES

    Au vu de ce résultat, nous révisons nos développements asymptotiques ensupposant que nos fonctions dépendent du temps et de x comme

    f(x, t) = f(ξ, τ), ξ = x− t, τ = δ2t, (3.83)

    où nous avons introduit une lente dépendance temporelle pour permettre auprofil ϕ0 d’évoluer sur les temps longs. Dans les développements précédents,nous devons à présent faire 3

    ∂x=

    ∂ξ,

    ∂t= − ∂

    ∂ξ+ δ2

    ∂τ. (3.84)

    Avec ces changements, nous trouvons, à l’ordre suivant dans (3.77) et (3.78),

    ϕ0,τ − ϕ2,ξ +1

    2ϕ0,ξξξ + η2 +

    1

    2ϕ20,ξ = 0, (3.85)

    −η0ϕ0,ξξ +1

    6ϕ0,ξξξξ − ϕ2,ξξ = η0,τ − η2,ξ + ϕ0,ξη0,ξ, (3.86)

    et la condition de solvabilité s’obtient en résolvant la première équation pourη2 et en substituant le résultat dans la seconde :

    −η0ϕ0,ξξ − ϕ0,ξτ −1

    3ϕ0,ξξξξ − ϕ0,ξϕ0,ξξ = η0,τ + ϕ0,ξη0,ξ. (3.87)

    Compte tenu que η0 = ϕ0,ξ, cela se simplifie en

    2η0,τ + 3η0η0,ξ +1

    3η0,ξξξ = 0, (3.88)

    ou, après de mineures modifications d’échelles :

    uτ + 6uuξ + uξξξ = 0. (3.89)

    C’est la célèbre équation de Korteweg et de Vries (1895), ou "KdV", quiadmet l’onde solitaire de Russel comme solution. On trouve en effet (Ex.3.10)qu’elle admet des solutions de la forme u(ξ − cτ), où

    u(ξ − cτ) = c2

    sech2(c1/2

    2(ξ − cτ)

    ). (3.90)

    Voir Fig. 3.8. Il faut noter qu’on a une famille de solutions possibles et que lavitesse de ces solutions est liée à leur amplitude. Plus celle-ci est élévée, plus

    3. Il ne s’agit pas cette fois de la méthode des échelles multiples : nous ne gardons quedeux variables indépendantes.

  • 3.2. ÉCOULEMENTS INVISCIDES 49

    Figure 3.8 – Illustration de la solution solitaire (3.90).

    vite l’onde se propagera. Il existe en outre des solutions à plusieurs ondes.Zabuski et Kruskal (PRL 15, 240 (1965)) découvrirent numériquement quede telles ondes peuvent collisionner et retrouver leur forme originale ; ellesont donc des attributs de particules. Des ondes solitaires qui possèdent cetterobustesse sont appelées solitons.

    L’équation KdV se rapporte à l’interface de deux fluides ; ici : l’eau etl’air. En fait, les conditions dans lesquelles on peut dériver cette équationsont assez fréquentes. Dans l’atmosphère, de fortes variations de tempéra-tures peuvent délimiter des couches d’air chaud et d’air froid. La différencede densité entre les masses d’air donne ainsi lieux à "deux" fluides avec uneinterface nette. De même, de fortes variations de salinité sur de courtes varia-tions de profondeur existent dans certaines mers. Ici aussi, une interface netteexiste et une équation KdV peut être établie. Dans tous les cas, ces interfacespeuvent former des ondes solitaires, d’amplitude parfois spectaculaire.

    Pour aller plus loin dans cette question, consulter :– P.G. Drazin et R.S. Johnson, Solitons : an introduction, CambridgeUniversity Press 1989 –plutôt axé sur l’appareil mathématique utilisépour décrire les solitons.

    – M. Remoissenet,Waves Called Solitons, Springer-Verlag 1994 –nombreuxexemples physiques et illustrations.

    3.2.7 Circulation atmosphérique et océanique

    Nous donnons ici quelques éléments de mécanique des fluides sur unesphère en rotation. Un traitement plus détaillé est donné dans le livre deA. Fowler, Mathematical Geoscience, Springer-Verlag. Voir également G.K.Barchelor, An Introduction to Fluid Dynamics, Cambridge University Press.

  • 50 CHAPITRE 3. APPLICATIONS DES ÉQUATIONS GÉNÉRALES

    En définissant la latitude λ = π/2 − θ, où θ est l’angle polaire usuel encoordonnées sphériques, on a le vecteur unitaire eλ = −eθ. En un point dela surface terrestre, de latitude λ et de longitude ϕ donné, nous repérons unpoint à l’aide du trièdre eϕ(t), eλ(t), er(t) qui tourne à la vitesse angulaireΩ autours de l’axe ez. Nous avons

    x = xeϕ + yeλ + (R + h)er, (3.91)

    où R est le rayon de la Terre, supposée sphérique. La vitesse locale est donnéepar

    v = ueϕ + veλ + wer, (3.92)de sorte que

    dx

    dt= Ω× x+ v. (3.93)

    où les vecteurs (eλ, eϕ, er) tournent à la vitesse Ω. Dans ce repère tournant,les équations d’Euler sont modifiées par l’accélération de Coriolis et l’accélé-ration centrifuge :

    Dv

    Dt+ 2Ω× v + Ω×Ω× x = −1

    ρ∇p+ g, (3.94)

    Dt+ ρ div v = 0. (3.95)

    Développons (3.94) en composantes :Du

    Dt+ 2Ω (−v sinλ+ w cosλ)− Ω2x = −1

    ρ

    ∂p

    ∂x, (3.96)

    Dv

    Dt+ 2Ωu sinλ− Ω2

    (y sin2 λ− R + h

    2sin(2λ)

    )= −1

    ρ

    ∂p

    ∂y, (3.97)

    Dw

    Dt− 2Ωu cosλ− Ω2

    ((R + h) cos2 λ− y

    2sin(2λ)

    )= −1

    ρ

    ∂p

    ∂h− g. (3.98)

    Les termes centrifuges ci-dessus peuvent être écrits comme le gradient de

    −Ω2

    2

    (x2 + y2 sin2 λ+ (R + h)2 cos2 λ− (R + h) y sin(2λ)

    )(3.99)

    et peuvent dans une certaine mesure être inclus dans p. On a donc, avec unepression corrigée,

    Du

    Dt+ 2Ω (−v sinλ+ w cosλ) = −1

    ρ

    ∂p

    ∂x, (3.100)

    Dv

    Dt+ 2Ωu sinλ = −1

    ρ

    ∂p

    ∂y, (3.101)

    Dw

    Dt− 2Ωu cosλ = −1

    ρ

    ∂p

    ∂h− g. (3.102)

  • 3.2. ÉCOULEMENTS INVISCIDES 51

    Figure 3.9 – Carte météo du 21/12/11. Un temps doux pour la saison, maispassablement mauvais. Les lignes rouges et bleues désignent les fronts chaudset froids, respectivement, et sont perpendiculaires au courant. Image prise surle site www.metoffice.gov.uk

    Ces équations doivent être complétées par une équation de bilan d’énergietelle que (2.30).

    Etant donnée une taille caractéristique L ≈ 1000km du courant atmo-sphérique dans les directions horizontales, une épaisseur h0 ≈ 10km et unevitesse de l’ordre de V ≈ 50km/h, le changement de variable

    (x, y) = L(x′, y′), h = h0h′, (u, v) = V (u′, v′), w =

    h0V

    Lw′, (3.103)

    permet de supposer que les grandeurs sans dimension x′, y′, h′, u′, v′, et w′sont toutes d’ordre un. L’échelle de vitesse verticale h0V/L est justifiée ensupposant que le temps pour couvrir une distance L horizontalement est com-parable au temps nécessaire pour couvrir une distance h0 verticalement. Dansles équations du mouvement horizontales, les membres de gauche peuventalors s’écrire

    2ΩL

    (RO

    Du′

    Dt′− v′ sinλ+ h0

    Lw′ cosλ

    ), 2ΩL

    (RO

    Dv′

    Dt′+ u′ sinλ

    ), (3.104)

    oùRO =

    V

    2ΩL(3.105)

    est le nombre de Rossby. Pour les ordres de grandeur évoqués plus haut,(Ω = 2π/(24h)), on a RO ≈ 0.1. Par ailleurs, h0/L � 1. On peut donc

  • 52 CHAPITRE 3. APPLICATIONS DES ÉQUATIONS GÉNÉRALES

    négliger en première approximation les termes d’advection, DDt

    (u, v), et wdans les équations du mouvement horizontales. Celles-ci se réduisent à

    v ∼ − 12Ωρ sinλ

    ∂p

    ∂x, u ∼ − 1

    2Ωρ sinλ

    ∂p

    ∂y. (3.106)

    Ainsi, en première approximation, (u, v) · (∂p/∂x, ∂p/∂y) = 0 et l’écoulementse fait le long des isobares, contrairement à l’intuition habituelle. Un telécoulement est appelé géostrophique. Dans l’hémisphère nord, sinλ > 0. Parconséquent, le courant tourne dans le sens des aiguilles d’une montre autoursdes zones de haute pression (anticyclone) et dans le sens inverse autours deszones de basse pression (cyclone), voir Fig. 3.9.

    Les développements ci-dessus sont aussi vrais pour les courants marins,à partir du moment où RO � 1.

    3.3 Écoulements visqueuxNous avons déjà noté que la viscosité était associée à la dissipation. Cela

    est particulièrement visible, si on considère l’équation de la vorticité qui, de(3.16), devient (nous supposons div v = 0 dans toute cette section)

    Dt= (ω ·∇)v + ν∇2ω, (3.107)

    et si (ω ·∇)v = 0, on voit que les composantes cartésiennes de ω se diffusentà la manière d’une température. On remarque en particulier que la vorticitén’est pas créée ou atténuée par les f