L’OTUA et Les groupes régionaux Est et Ile-de-France envisite chez Eiffel à Lauterbourg (67), le 16 juin 2005Une trentaine de personnes a répondu à la proposition de visite del’usine Eiffel, où était en préfabrication le 37e pont -en fait unepasserelle piétonne- de Paris.

Équidistante des ponts de Tolbiac et deBercy, cette passerelle reliera le parvis de labibliothèque F.Mitterrand au parc de Bercy.Elle sera inaugurée fin juin 2006, en mêmetemps qu'une piscine flottante, pourajouter un temps fort au début del'opération “ Paris-plage ”.Le programme de la journée du 16 juinproposait une présentation du projet,depuis le concours d’architecte, jusqu’auxsolutions de soudage, avec, bien entendu,la visite des ateliers.L’accueil a été irréprochable, et lesdifférents intervenants ont apporté unedimension technique très intéressante,montrant les défis relevés par la techniquevis à vis de l’audace des architectes. Aprèsle message de bienvenue de Pascal Lepers,Jean-Michel Vigo a rappelé les objectifs dela SIS.

Présentation générale d’EiffelPascal Lepers, directeur de l’usine deLauterbourgCette société, qui fait partie du groupeEiffage, est l'héritière de celle fondée parGustave Eiffel à Levallois (Hauts de Seine)en 1860. Elle est la première entreprise deConstruction métallique d'Europe et s'estrappelée au bon souvenir du grand publicpar la réalisation du tablier métallique duviaduc de Millau. Son implantation au borddu Rhin lui donne un avantage stratégiquepour le transport des gros ouvrages: parexemple, un réservoir sous talus dediamètre 8m, long de 80m, et d’une massede 700t a été transporté en une seulepartie.

La superficie de l’usine est de 34 hectares,dont 3,4 couverts, avec des moyensadaptés à la taille des ouvrages réalisés : onpeut citer un banc d’oxycoupage de 35mde long pouvant couper une épaisseur de

300mm, des moyens de levage jusqu'à1000t... Un banc de coupage plasma decapacité 8m avec une tête 5 axes permetde découper et de chanfreiner. Onremarque 2 presses plieuses, l’une de 200t(2MN) en 4400mm et l’autre de 400t. Unrouleau permet d’enviroler, sur 3m de long,du 130mm à froid, ou 230mm à chaud…En juin, l’entreprise avait un planning àpleine charge de travail jusqu'en octobre2006, alors que la moyenne, dans lesecteur, est plutôt à 6 mois...

Présentation générale du projetBernard Bonnet, directeur du projet chezEiffel.La passerelle “ Bercy-Tolbiac ” (qui porteraun autre nom quand elle sera installée) estun projet dont le coût total avoisine les 21millions d'euros. La charpente mettra enœuvre 1600t d’acier, aucune pile n’étantprévue en Seine. Sa longueur sera de 185mentre les culées hors passerelles d'accès. Salargeur est de 6 ou 12m selon la zone.Les fondations sont achevées, et lesconsoles (sur les berges) sont en cours demontage.

La partie centrale, baptisée "lentille" -euégard à sa forme-, de longueur 106m, 510t,est réalisée en un seul bloc à Lauterbourg,et partira vers Paris en décembre 2005, enappui sur 2 barges: descente du Rhin,Rotterdam, Le Havre, Paris. Cette solutionest plus économique, et surtout lemontage en atelier est plus fiabletechniquement que le transport routier entronçons suivi de l'assemblage sur le site.L’assistance informatique couvre denouveaux domaines, comme la pratique du"montage à blanc virtuel", que seul Eiffelsemble pratiquer à ce jour. Autrefois, on

présentait en atelier les éléments destinés àêtre assemblés sur chantier, afin de vérifierleur bon ajustement réel. Aujourd'hui, onfait un relevé métrologique laser des zonesd'assemblage de chaque sous-ensemble, etun logiciel réalise l'assemblage virtuel.L'informatique donne les éventuellescorrections à apporter aux bords à souder.

Cette “ lentille ” sera “ accrochée ” auxconsoles durant une nuit de décembre,que j'espère ne pas manquer… Eiffelespère ne pas la rater non plus, car le coûtde neutralisation du traffic sur la Seinependant 1 nuit équivaut au coût dutransport Lauterbourg-Paris !...

Les cheminements de la passerelle serontrevêtus de lames de bois de chêne selon lechoix de l’architecte D.Feichtinger, de partla durabilité de cette essence, sadisponibilité en France et afin des'harmoniser avec le parvis de la TGB.Chêne de qualité "fût": pas de noeud deplus de 10mm de diamètre, et pas plusd'un tous les mètres. Coût: 30 000 euros lestère! Problème: le rejet du tanin qui vatacher la passerelle. Il faudra donc plusieursnettoyages. Un prototype de quelquesmètres est en place pour valider la tenue

de la peinture au nettoyage sous pressionlors des éliminations successives du tanin...

Le projet architecturalJosé Luis Fuentes, Feichtinger ArchitectesCe projet s’inscrit dans celui dudéveloppement du nouveau quartier rivegauche, en amont de la Très GrandeBibliothèque. La passerelle permettra lacommunication piétonne depuis -et vers-la bibliothèque, le parc de Bercy et les deuxberges de la Seine. Elle a été dessinée en 2arcs à concavité inversée, avec un souci delégèreté et de transparence pour le regard :les deux arcs ont été imbriqués afin dediminuer la hauteur maximale de lastructure. Les mains courantes intègrentl’éclairage, ce qui soulignera, la nuit, laligne de l’ouvrage.Le partenariat architecte - bureau d’étudesa été engagé très tôt, afin de limiter lesproblèmes techniques de réalisation.

Etudes techniquesValérie Boniface, Bernard Vaudeville, RFRL’allure en “ boomerang ” de l’ouvragereprend l’idée utilisée pour le célèbre pontdu Firth of Forth, en Ecosse. Les catènes ontune épaisseur variant de 100 à 150mm. Enplus du dimensionnement classique,quelques points particuliers ont étéétudiés.Il est à noter que c’est l’un des premiersgrands ouvrages calculé selon lesEurocodes.L’étude de la dilatation de l’ouvrage aconduit à concevoir un encastrementglissant sur les culées.Une étude dynamique a été conduite, afinde vérifier le comportement de l’ouvragesous l’effet du vent, et, d’autre part, dudéplacement des piétons. L’effet le plus

dimensionnant est la torsion.Une étude en soufflerie a été menée à Aix-la-Chapelle. Vis à vis de la charge induitepar les piétons, une étude vibratoire a étéconduite afin de prévenir ce qui a étébaptisé “ effet millénium ”, suite auxincidents survenus sur la passerelleSolférino et à Londres en 2000. Dans uncontexte ordinaire, les piétons effectuenten moyenne 2 pas par seconde (1,5 à 3Hz).Pour des raisons de confort (et pour ne pasproduire de panique), le public ne doit pasressentir la vibration de l’ouvrage. Or, lorsd’évènements particuliers (an 2000, fêtesdiverses), lorsque la foule est dense, l’allurede la marche se réduit à 0,5Hz, ce qui peutcorrespondre à la fréquence de vibrationpropre à l’ouvrage. L’étude menée aconduit à disposer des amortisseursdynamiques accordés aux ventres de ladéformée, ainsi que 4 amortisseursvisqueux.

Choix des aciersMichel Muller, DH-GTS, Joël Raoul, SETRADillinger-Hütte produit 2 millions detonnes d’acier par an, essentiellement destôles dont la largeur varie de 1000 à5200mm, dans des épaisseurs de 5 à400mm, et des longueurs jusqu’à 36m.

La gamme de nuances couvre des aciersdont la limite élastique est comprise entre235 et 1100MPa. Selon la nuance etl’épaisseur, l’état de livraison peut être :brut de laminage, normalisé, thermo-mécanique, ou trempé-revenu. Cettegamme est complétée par les aciers auto-patinables “ Corten ” et “ Indaten ”.Pour la passerelle, les tôles ont été choisiesdans la qualité “ Z ” afin de prévenir lerisque d’arrachement lamellaire. Le risquede rupture fragile a, bien entendu, été prisen compte, avec en mémoirel’effondrement du pont de Sully-sur-Loirepar –23°C dans les années 50.Le concours d’architecte date de 1998 etles formes ont vite été figées. A l’époque,l’acier retenu a été un 355. Aujourd’hui onchoisirait plutôt un 460.

Préfabrication, soudage, contrôlesPascal LepersEiffel possède un service R&D qui a mis aupoint quelques procédures particulièrescomme un soudage narrow-gap circulairesur épaisseur 350mm, des rechargementsau fil, ou des études de conductibilitéthermique des joints sur cuivre.La lentille est fabriquée en 7 sous-ensembles dans l’atelier, lesquels sont

assemblés en extérieur.Pour les assemblages bord à bord, lesappendices sont intégrés à la tôle etcoupés en même temps que le flan.Le soudage est effectué au fil fourré avecgaz, les zones “ sensibles ” étant contrôléespar magnétoscopie et ultrasons.Les éléments de liaison entre lentille etconsoles (nœuds de la charpente), sont despièces très sollicitées et très sensibles pourl’intégrité de l’ouvrage. La logique voudraitune conception moulée. Ce moded’obtention a été retenu pour quelquespièces, mais du fait de l’internationalisationdes marchés, Eiffel ne souhaite pas prendreun risque de non-qualité qui conduirait àun allongement des délais en cas de piècerebutée, et a préféré une solution…mécanosoudée pour les éléments les pluscritiques !

Jean-Michel LE MEURRectorat de Créteil

Illustrations avec l’aimable courtoisie de :Fleichtinger architectes, RFR Ingénieurs, Eiffel

constructions métalliques.Maître d’ouvrage : Mairie de Paris