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LIENS STRATÉGIQUES FINANCIERS DANS UN PROCESSUS DE CRÉATION DE VALEUR . Chapitres extraits de la thèse d’Etat du Docteur D’Etat Mme Bouchra ELABBADI, Professeur de l’enseignement Supérieur Chapitre1 : La théorie financière et la stratégie financière : Positionnement du lien et les champs d'interdépendance. Chapitre 2 : Dualité, management par la valeur et cartographie des comportements

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Chapitres extraits de la thèse d’Etat du Docteur D’Etat Mme Bouchra ELABBADI, Professeur de l’enseignement Supérieur

Chapitre1 : La théorie financière et la stratégie financière : Positionnement du lien et les champs d'interdépendance. Chapitre 2 : Dualité, management par la valeur et cartographie des comportements

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La théorie financière et la stratégie financière : Positionnement du lien et les champs d'interdépendance.

Résumé   : Le présent chapitre s’intéresse aux liens entre la stratégie et la

finance dans une perspective de création de valeur.

Mots clés   : Politique financière, analyse stratégique, création de valeur, décision stratégique.

Plan du chapitre

Section 1: Les apports anciens et récents de la théorie financière et les applications potentielles dans le domaine de la stratégie

Section 2: Les champs d'interdépendance entre la réflexion financière et la pensée stratégique.

Section 3: L'impact de la démarche stratégique sur la création de la valeur entre les fondements théoriques et les validations empiriques

Section 4: Vers une nouvelle approche de la décision stratégique dans un processus de création de valeur.

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Dans ce chapitre, en partant du fait que les résultats de la recherche en finance et en stratégie (les liens) ont permis d'améliorer la compréhension de la politique financière et de la stratégie financière, il tentera de répondre à la question suivante: Que peut-on penser de l'utilité à la théorie financière pour mettre en œuvre la stratégie financière? Enfin, comment les choix stratégiques dans les nouvelles approches du lien stratégie -finance doivent être exclusivement orientés vers la maximisation de création de valeur ?

Que peut-on penser de l'utilité de la théorie financière pour mettre en œuvre la stratégie financière? Les applications de la recherche à la prise de décision financière sont-elles effectives?

L'objet de cette partie est tout d'abord de montrer les évolutions profondes des approches théoriques, puis faire l'inventaire des apports actuels et potentiels de la théorie financière à la stratégie financière tant sur le plan académique que sur le plan décisionnel.

Les connaissances en matière financière s'articulaient autour de cinq idées fondamentales, bien connues des financiers: la valeur actuelle nette, le modèle d'équilibre des actifs financiers, l'efficience des marchés financiers, le principe d'additivité des valeurs et la théorie des options. On peut remarquer que ce bilan des connaissances ne comprenait que des modèles ou des principes théoriques qui constituent cependant, le noyau dur de la théorie financière et dont les applications actuelles et potentielles pour la décision financière sont multiples notamment en matière de choix des investissements, de politique de financement de dividendes et d'évaluation de la firme.

Cependant, la théorie financière se révèle incapable d'expliquer les principales décisions financières qui constituent la stratégie financière "Il semblerait en caricaturant, qu'en matière de recherche en finance la liste des questions non encore résolues reste identique et que seules les réponses varient.".

De prime abord, la connexion théorie-pratique est immédiate: elle trouve vraisemblablement son origine dans le caractère concurrentiel des marchés financiers qui fonde leur quasi-efficience. Par contre, la situation

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est très différente dans le domaine de la firme où la théorie financière n'a pas apporté des réponses précises et pertinentes quant à la décision.

Cette situation trouve son origine dans le caractère éminemment organisationnel de la définition et la mise en œuvre de la stratégie financière bien mise en évidence par la théorie d'agence.

La clé de compréhension de la stratégie financière passe par la théorie des organisations, par la stratégie, mais également par la théorie du droit, voire de la science politique. Aussi, une séparation doit être faite entre la contribution explicative de la théorie financière et sa contribution normative. Notre compréhension des principaux constituants de stratégie financière (politique d'investissement, de financement, de dividendes, choix de la forme sociétale ou organisationnelle, avantages de la cotation, politique d'acquisition) s'est améliorée. Une meilleure compréhension des phénomènes financiers n'explique pas nécessairement un apport normatif et opérationnel par conséquent. En effet, la complexité de la théorie financière actuelle induit difficilement des retombées immédiatement opérationnelles sous forme des règles ou d'outils simples.

Ainsi, dans une première section, nous mettrons le point sur les apports anciens et récents de la théorie financière et sur les applications potentielles des derniers développements de la théorie financière à la stratégie financière. nous nous arrêterons sur le cadre d'analyse de la théorie financière qui prend en considération de plus en plus le raisonnement stratégique contemporain.

Dans une deuxième section, nous aborderons amplement l'impact de la démarche stratégique sur l'approche financière en insistant sur les choix et les options stratégiques, ainsi que sur la décision stratégique.

Section 1: Les apports anciens et récents de la théorie financière et les applications potentielles dans le domaine de la stratégique

L'objectif de cette section consiste à décrire les principales évolutions du raisonnement financier afin de mettre en évidence les

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modifications de perspectives et la complexification croissante de la théorie financière.

Il est toutefois, délicat et injuste de distinguer les principales étapes de développement d'un champ de recherche.

Cependant, cinq contributions essentielles ont marqué la structuration de la pensée financière en matière de finance d'entreprise. En effet, depuis plusieurs années, l'évolution de la théorie financière a conduit à un enrichissement significatif du cadre d'analyse développé depuis le milieu des années 60.

Ainsi, la présente section va présenter dans un premier temps les principales caractéristiques de l'approche financière (§1), la remise en cause du cadre traditionnel de la théorie financière en deuxième temps (§2), pour déboucher enfin sur leurs développements potentiels dans le domaine de la Stratégie (§3).

§1- Les principales caractéristiques de l'approche financière.

I- La finance académique avant 1958

La finance était considérée comme une discipline séparée de l'économie, son champ d'intervention concernait les instruments, les institutions et les procédures utilisées sur les marchés financiers. Avec le développement industriel et l'émergence de nouvelles industries entraînant alors un accroissement des besoins de liquidité. D'où l'intérêt porté à la gestion financière interne des entreprises et aux méthodes de choix des investissements.

La finance comme discipline académique de cette époque, se caractérise par une absence quasi-totale de préoccupations explicatives. En effet, les travaux sur les méthodes de choix d'investissements et d'évaluation sont fondamentalement normatifs et ils reposent principalement sur la théorie économique néoclassique. Néanmoins, l'un des apports essentiels de la théorie financière moderne depuis le début des années 60 a considéré l'entreprise comme un portefeuille de projets. Elle rejoint en cela tout un courant de l'analyse stratégique qui fournit à la

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théorie financière un cadre d'analyse des aspects primordiaux du raisonnement stratégique contemporain.

II- Modigliani et Miller: Le principe d'arbitrage et la liaison avec les marchés financiers 1

Les objectifs que poursuivaient ces auteurs sont:- Construire une théorie de l'incidence de la structure de

financement sur la valeur de la firme en situation d'incertitude;- Montrer comment cette théorie pouvait être utilisée pour résoudre

la question du coût et développer une théorie de l'investissement toujours en incertitude. Notons que l'apport innovateur de ces deux auteurs réside dans la problématique reposant principalement sur le mécanisme d'arbitrage qui assure l'équilibre du marché financier, et dans la liaison effectuée entre la finance de l'entreprise et le fonctionnement du marché financier.

Ces deux auteurs écrivaient "Nos propositions peuvent être considérées comme les prolongements de la théorie classique des marchés des capitaux2. Autrement dit, il s'agissait également d'une intrusion de la méthodologie économique néoclassique dans le domaine de la finance d'entreprise mais une absence totale de l'analyse stratégique ».

III- L'apport de Sharpe et Linther

Les conclusions obtenues par Mondigliani et Miller souffraient d'un inconvénient majeur: le cadre limitatif des classes de risques et le problème de l'intégration du risque dans le taux d'actualisation.

La construction du MEDAF par Sharpe3 et Lintner4 connue par sa détermination des primes de risque requises en tenant compte seulement du risque systématique.

L'apport des deux protagonistes se situe à deux niveaux:

1 Modigliani F. et Miller M. (1958), The Cost of Capital, Corporation Finance and the Theory of Investment, American Economic Review, n° 48, June, 261-297.

2 Girault et Ziss Willer:" Finance moderne: Théorie et Pratique, Dunod 1973, Tome II, P 64)

3 W. Sharpe Capital asset prices with and without negative holings, The journal of finance, vol XLVI, n° 2, June 1991.

4 Lintner J, “Security price, risk and maximal gains from diversification” Journal of finance, December 1965, p. 587-616.

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Premier niveau: Leur théorie considère l'entreprise comme un portefeuille d'activités, un portefeuille de projets. La vision financière s'apparente à la vision stratégique. L'enseignement principal de la théorie du portefeuille réside dans la nécessité de replacer l'analyse de chaque projet individuel dans un cadre économique beaucoup plus global que l'entreprise elle-même.

Deuxième niveau: Par rapport à la contribution de M.M, le MEDAF est mineur à la finance de l'entreprise car il donnait une idée simpliste sur l'évaluation des prix des actifs et sur l'estimation des flux financiers prévisionnels qui pose un problème rarement pris en compte par la théorie financière: c'est le Hasard Moral introduit dans l'estimation de ces flux par la façon dont le responsable du projet sera lui-même ensuite évalué.

Par rapport, par exemple, au coût de faillite, son intégration a été faite d'une manière non formelle dans l'appréhension du risque.

§2- Remise en cause du cadre traditionnel de la théorie financière.

I- L'apport de la théorie d'agence: l'asymétrie de l'information 5 , Sélection adverse, le Hasard Moral et la politique financière

Meckling et Jensen définissent "la relation d'agence comme un contrat dans lequel une ou plusieurs personnes a recours au service d'un autre service pour accomplir en son nom une tâche quelconque." Ils étendent cette relation d'agence à toute forme de coopération. Selon eux, les termes d'agence sont réducteurs, il serait préférable de parler soit de la relation contractuelle et de théorie des contrats, soit encore de relation de coopération et de théorie de coopération. Les formes de cette théorie ont fait l'objet de plusieurs thèses précédentes notamment celle de Berle et Mean6 (1932) qui ont démontré que le capitalisme était moins efficace lorsqu 'il y a une séparation entre la propriété et la gestion de la firme. Galbraithe( 1967) a mis le point sur le rôle joué par la technostructure dans la séparation entre le propriétaire et le manager qui n'est qu'une

5 Voir le modèle de signal en annexes6 A.A Berle et G.C Means, Theo Modern Corporation and Private Property, Ed Macmillan, 1932

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fonction particulière de la relation d'agence. Cette théorie d'agence a contribué à la remise en cause du cadre traditionnel de la théorie financière, qui tient en compte des conflits d'intérêt entre les dirigeants et actionnaires d’une part, et entre les actionnaires et les créanciers, d’autre part.

Ces divergences d'objectifs entre dirigeants et actionnaires peuvent donc, avoir une incidence sur les décisions stratégiques prises par la firme et donc sur la valeur de la firme. Bien entendu, les actionnaires ont la possibilité d'agir sur les décisions des dirigeants en mettent en place différents systèmes de contrôle et d'intéressement qui permettent d'infléchir les décisions des dirigeants, mais qui entraînent des coûts d'agence. Il en découle, des asymétries d'information qui existent entre les différents partenaires de la firme: dirigeants, actionnaires, créanciers. Ceci fit cadre de référence de la théorie du signal qui examine les conséquences des asymétries d'information. Elle suppose que l'hypothèse d'efficience forte ne tienne pas et que les dirigeants détiennent des informations privilégiées, inconnues des investisseurs extérieurs. En effet, la modélisation de l'impact du niveaux d'information différent selon comportement des agents économiques. Elle a constitué une première façon de rapprocher le cadre d'analyse des financiers de celui de la stratégie d'entreprise.

L'information est une variable stratégique dont la gestion est coûteuse. Elle est parfois difficilement formalisable (c'est l'hypothèse de la rationalité limitée de Simon,). L'existence d'une telle asymétrie d'information expose les investisseurs au risque de Hasard Moral. Car ils n'ont pas les moyens d'observer les actions des dirigeants ou à la sélection adverse liée au fait que le système d'incitation des dirigeants est tel que ceux-ci n'ont intérêt à solliciter des financements externes que, dans les cas où l'information dont ils disposent leur permet de spolier les bailleurs de fonds7. Les conséquences du hasard moral et de la sélection adverse sur les décisions d'investissement et de financement, et leur impact sur la valeur de l'entreprise ont été analysées originalement par 7G.A AKERLOFF, " The market for lemons: Quality and the market Mechanisms", Quarterly journal Economis, 84, 1970).

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Meckling et Jensen. Aussi plusieurs auteurs se sont penchés à discuter les effets négatifs des asymétries d'information en adoptant une politique financière appropriée - ce point sera très détaillé ultérieurement dans le chapitre consacré à la structure financière de la firme et sa valeur).-

Les modèles développés sont regroupés en deux:- Certains modèles font de la politique financière, un signal émis par

les dirigeants aux créanciers. Si elle est trop coûteuse à mettre en place par des dirigeants des entreprises non rentables, elle permet de résoudre le problème de la sélection adverse.

- Pour d'autres modèles, la politique financière permet de rassurer les partenaires de l'entreprise sur les intentions des dirigeants en s'imposant bien sûr des contraintes qui permettent de réduire les possibilités des dirigeants de tirer profit de leur position privilégiée et de résoudre le problème du hasard moral.

- Les modèles de Ross, Leland et Pyle, Hart et de Jensen.Le modèle de Ross8 repose sur l'idée que la faillite a un coût

important. L'endettement augmente la probabilité de la faillite, mais le recours des dirigeants à l'endettement signale qu'ils sont capables de supporter les coûts de la faillite.

Le modèle de Leland et Pyle9 repose également sur un signal émis à l'intention des prêteurs. Dans ce cas, c'est le pourcentage de capital détenu par l'entrepreneur manager qui indique la confiance dont ce dernier a sur la base de ses informations privilégiées et dans la qualité du projet à financer.

Dans son modèle, Jensen avance l'idée selon laquelle en se liant les mains par un niveau d'endettement élevé, les dirigeants s'obligent à maximiser la valeur de l'entreprise car leur performance managériale en dépend. Par conséquent, le hasard moral est réduit car la charge de la dette est fixe. Donc, la limitation du champ des possibles ne permet pas

8 Ross S.A (1973), Theory Economic Theory of Agency: the Principal’s Problem, American Economic Review, Vol 63, n°2, 134-139.9 Leland H et Pyle D (1977) information Asymetries, financial Structure anda Financial Intermediation, journal of Finance, Vol 32, n° 2, 371-384.

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seulement de réduire les risques de hasard moral mais aussi de diminuer le problème de la sélection adverse.

La plupart des modèles reposent sur l'idée que, en situation d'information asymétrique, des phénomènes de hasard moral ou de sélection adverse peuvent voir comme conséquence l'abandon des projets pourtant rentables pour l'entreprise. Le choix d'une structure, comme nous allons le voir quand nous aborderons la relation entre la structure financière et la valeur de la firme, peut parfois réduire ces risques et d'augmenter la valeur de l'entreprise pour autant. Pour reprendre la métaphore utilisée dans le rappel du théorème de M.M, le fait de convenir d'une certaine façon de partager entre eux le gâteau amène les fournisseurs de farine et d'oeufs à mettre à la disposition du cuisinier une quantité plus ou moins importante de leurs matières premières: cela a bien entendu une influence sur la taille du gâteau.

L'idée selon laquelle la valeur de l'entreprise serait égale à la somme de tous les projets à valeur actualisée positive que celle-ci est susceptible d'entreprendre n'est actuellement qu'une hypothèse irréaliste. L'introduction de la flexibilité dans le portefeuille de gestion des dirigeants et dans l'évaluation des entreprises a permis de remettre en cause le cadre traditionnel de la théorie financière.

II- La prise en compte de la flexibilité stratégique et des aspects essentiels du raisonnement stratégique contemporain.

Tous les modèles de Ross, de Hart, Leland et Pyle et de Jensen constituent une première remise en cause de l'idée selon laquelle la valeur de l'entreprise serait égale à la somme de tous les projets à valeur actualisée positive qu'elle serait susceptible d'entreprendre.

En effet, la décision d'investir ou de ne pas investir n'est plus seulement corrélée aux contraintes liées avec les bailleurs de fonds ou de l'impact des conflits d'agence sur les relations entre les dirigeants avec les investisseurs, mais l'intérêt des actionnaires se trouve prédominant. Une nouvelle dimension apparaît dans l'estimation des projets

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d'investissement: La « FLEXIBILITE ». En effet, la théorie des options10

constitue un outil privilégié de la modélisation financière de la flexibilité stratégique dont le cadre permet de prendre en considération les problèmes liés à l'asymétrie d'information.

Une révolution de la théorie financière a eu des implications conceptuelles importantes dans le domaine de la finance d'entreprise: "par analogie avec l'évaluation d'un actif financier, selon le modèle MEDAF, les opportunités d'investissement futures peuvent être assimilées à des options sur la valeur des projets futurs.".

Tel est l'essentiel de la théorie des options qui s'est développée dans les années 70 avec notamment les travaux de Black et Scholes11, Merton et Ross.

Les modèles qui ont traité la question ne sont pas sans parenté avec ceux qui semblent se dégager d'un début d'application de la théorie des coûts de transactions à la modélisation stratégique de la flexibilité financière.

En effet, la firme est représentée en incorporant la notion de flexibilité stratégique grâce à la théorie des options qui nous a permis de renouveler l'analyse de certains aspects de la stratégie financière entre autres la flexibilité stratégique. "La valeur de l'entreprise n'est plus appréhendée comme étant celle du portefeuille de l'ensemble des projets présents et futurs dont la valeur actuelle positive, mais la combinaison de deux portefeuilles: l'un regroupant l'ensemble des projets en cours, l'autre constitué par les options sur les projets futurs."

Sénéque écrivait " Il n'est pas de vent favorable pour celui qui ne sait où il va.".12 Le choix d'une stratégie dépend des objectifs poursuivis. Le choix des objectifs stratégiques clairs et précis revêt une importance 10 Les résultats d'une telle modélisation ne semblent pas sans parenté avec ceux qui semblent se dégager d'un début d'application de la théorie des coûts de transaction à la modélisation stratégique de la flexibilité financière.En effet, la théorie des options permet de valoriser la flexibilité, ainsi que les opportunités de croissance offertes par certains investissements. Elle contribue de cette manière à établir un meilleur lien entre l'analyse stratégique et la lecture financière des choix d'investissement.11 Black F et Scholes M. (1974), «The Effects of Dividend Yield end Dividend Policy on Common Stock Prices and Returns», Journal of Financial Economics,12 Serge Oréal, " Management stratégique de l'entreprise.", Editions Economica, Collection Techniques de Gestion 1992

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considérable dans le cadre du processus de décision stratégique en entreprise. Ceux-ci présentent les avantages suivants:

- Définir et préciser l'Etat d'esprit dans lequel doit se dérouler l'action de l'entreprise. En effet, les objectifs stratégiques doivent être la traduction précise des objectifs socio-économiques de la firme, du système de valeurs des dirigeants et surtout sa mission.

- Améliorer l'image de marque: Toute entreprise a sa propre personnalité. Elle est le reflet de l'image que représente pour ceux qui sont à l'intérieur ou à l'extérieur, cet ensemble composite de valeurs et de traditions.

Cette image affecte le comportement des personnes à l'intérieur comme à l'extérieur de la firme.

- Améliorer la motivation du personnel.- Guider l'action.- Permettre de mesurer et d'évaluer les performances : Les objectifs

constituent un outil de Management dont les utilisations sont nombreuses: Définition des objectifs opérationnels, détermination des actions à prendre, des critères de mesure des résultats et des insuffisances de la structure organisationnelle. A ce stade, le processus de décisions stratégiques, de contrôle de gestion, du choix des objectifs et la mise en place de critères d'évaluation se rejoignent, et sont considérés comme une expression d'un même phénomène: Le développement organisé de la firme à long terme.

Les dirigeants doivent intégrer en permanence les changements inattendus de l'environnement.

La flexibilité stratégique peut s'analyser sur deux plans à la fois interne te externe. Ainsi, l'objectif de souplesse stratégique interne consiste à chercher à améliorer constamment la capacité de réaction de l'entreprise face aux modifications de l'environnement.

La flexibilité stratégique est définie par I. Ansoff13 par le degré de liquidité des ressources financières de la firme ou, au moins, sa capacité à mobiliser rapidement des ressources financières: au bout de compte, la

13 Igor Ansoff, Stratégie de développement de l’entreprise, les éditions d’organisation, 5ème édition, 1989.

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firme ne peut effectivement réagir en face d'une opportunité ou d'une menace supplémentaire que si elle a les moyens financiers pour le faire.

La liquidité de la firme ainsi définie, ne consiste pas vraiment à constituer des économies pour faire face à l'imprévu. Mais à faire en sorte qu'elle ait une structure financière à long terme bien structurée et suffisamment équilibrée de manière à pouvoir mobiliser des ressources financières complémentaires en cas de nécessité.

Le besoin de souplesse stratégique s'exprime aussi par la réduction systématique par la firme de son risque de dépendance stratégique et l'affirmation de sa flexibilité externe. Les sous-traitants trop spécialisés dans leurs activités sont des entreprises à risque stratégique élevé, qui souvent perdent jusqu'à leur indépendance stratégique. Dans ce type d'entreprise, le pouvoir stratégique est en fait transféré aux clients qui, en continuant à donner des ordres ou pas, ont pratiquement droit de vie ou de mort sur l'entreprise. Ces entreprises peuvent être rentables à court terme, mais cette dépendance stratégique remet en cause de façon fondamentale leur survie.

L'objectif de souplesse stratégique externe, vise à réduire systématiquement ce risque de dépendance stratégique afin de maintenir ou de retrouver une certaine indépendance quant à son avenir. Ceci passe notamment, par des efforts de diversification de la clientèle, de secteurs d'activités, de la technologie, de fournisseurs.

II-1- La flexibilité stratégique

La flexibilité stratégique a fait l'objet d'une modélisation financière. En effet, Meyers a montré que les implications sur la politique financière sont à prendre en considération. Ainsi, la capacité d'endettement d'une entreprise dépend du pourcentage de sa valeur représentée par les actifs en place par rapport aux opportunités de croissance et donc par rapport au raisonnement stratégique de la firme et des stratégies qui mettrait en œuvre pour saisir ses opportunités de croissance.

II-2- La modélisation stratégique de la flexibilité financière.

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Dans son modèle, Williamson a insisté sur le contenu opératoire de la théorie des transactions qui considère que les individus ont une rationalité limitée et qu'ils sont enclins à l'opportunisme. D'où, la nécessité de mettre en place des structures de gouvernance régissant leurs transactions.

"Lorsque les transactions en question requièrent de l'une ou de l'autre partie un investissement spécifique, les deux parties se retrouvaient, une fois cet investissement réalisé, dans une situation de dépendance réciproque justifiant une structure de gouvernance plus élaborée que la simple loi du marché. Dans bien des cas, la réunion des deux parties au sein d'une même entreprise apparaissait alors comme étant la meilleure solution pour gérer les aléas futurs.

L'intérêt de l'approche de Williamson, est que la dette comme les capitaux propres y sont analysés plus en tant que structures de gouvernance qu'en tant source de financement. Le coût de gouvernance des capitaux propres est moins élevé que celui de la dette, car une grande partie de ce coût est un coût fixe. Selon Williamson, les capitaux propres constituent une structure de gouvernance du dernier ressort, qui ne doit pas être préférée à l'endettement que lorsque le degré de spécificité des actifs dépasse un seuil critique.

Cependant, le modèle de Williamson reste rudimentaire, car il n'a pas été en mesure de justifier l'utilisation d'une structure mixte. Il repose sur une conception extrême de la faillite qui chasse toute possibilité de réorganisation et donc des flux de liquidités futurs qui sont une pratique financière moderne.

Chez Williamson, la flexibilité réside dans l'adaptation d'une structure de gouvernance reposant sur les capitaux propres. Chez Meyers, elle réside dans la prise en compte des opportunités de croissance de l'entreprise à travers une formalisation reposant sur la théorie des options. Dans ce dernier cas, le cadre conceptuel repose sur l'existence des marchés complets, sur la rationalité des anticipations et sur l'hypothèse que les dirigeants servent fidèlement les intérêts des actionnaires. Dans le

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modèle de Williamson, les marchés sont supposés incomplets, les individus ont une rationalité limitée et sont enclins à l'opportunisme.

Il apparaît donc, que l'évolution de la théorie financière depuis près de 30 ans a été marquée par une prise en compte de plus en plus large des concepts stratégiques. Des convergences sont apparues et donc, la conception financière et la conception stratégique se complètent.14

§3- Les développements potentiels dans le domaine de la Stratégie

D'une part, descriptives et normatives, les préoccupations de la théorie financière sont devenues explicatives. On cherche avant tout à expliquer la stratégie financière. D'autre part, cette démarche reflète l'évolution de la théorie économique appliquée à la théorie des organisations d'une manière orthodoxe.

Aujourd'hui, on a réussi sans aucun doute à obtenir une meilleure compréhension de la politique financière des entreprises. En effet, des modèles permettent de comprendre certains phénomènes de la finance d'entreprise. Par exemple, justifier la politique de dividendes, l'existence de financement hybride, le recours à des critères d'investissement fiables.

De même, le traitement de certaines questions a été entièrement renouvelé. Telles par exemple, les notions de la structure financière et la politique d dividendes optimale.

Aussi, les principales évolutions recensées , notamment la prise en compte des conflits d'intérêt entre les agents, des asymétries d'information, du caractère optimal des financements ou des investissements, de la spécificité des actifs a permis de rapprocher sensiblement la démarche théorique des raisonnements effectivement observés dans la pratique.

En effet, les modèles financiers récents ont permis de concevoir d'une manière intégrative et extensive les décisions financières. Les interactions entre la politique d'investissement et la politique de financement, la politique de dividendes et politique de rémunération prônent. De même, de nouveaux concepts tel la culture d'entreprise, 14 « Décisions stratégiques et valeur de la firme » et l'article de Gérard Charreaux op cit

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introduite, ont permis d'assimiler certaines décisions financières stratégiques.

La complexification du cadre d'analyse financière est du en particulier à la prise en compte de l'ensemble des partenaires de la firme dans le processus de prise et de sélection d'une décision stratégique; s'est traduit par un croisement de plusieurs champ théoriques: théorie financière, théorie des organisations, l'économie industrielle, le droit, la stratégie, la théorie des jeux, qui sont tous des champs qui enrichissent notre compréhension du fonctionnement des organisations.

L'analyse du passif de la recherche financière montre que le gain obtenu dans la compréhension des stratégies financières a pour contrepartie une complexification importante de la recherche. En effet:

- La meilleure compréhension de la stratégie financière se fait grâce à une multiplication de modèles particuliers, plutôt que par une véritable théorie intégrative;

- La compréhension des stratégies financières met en limite la formalisation puisqu'il s'agit de construire des modèles en mettant en oeuvre des agents multiples dans un cadre dynamique et en incertitude;

- Le résultat de nombreux modèles dépend des hypothèses comportementales posées. Une des premières leçons à retenir des apports récents de la théorie pour les dirigeants: Il faut prendre en considération l'importance des aspects liés aux asymétries d'information et aux conflits d'intérêt entre les différents agents de l'organisation.

Cependant, la contingence de la théorie par rapport aux hypothèses comportementales, nous semble un inconvénient de poids pour la construction d'une théorie financière de portée suffisamment générale15.

De plus, la testabilité de nombreux modèles pose un problème dans la mesure où la valeur scientifique d'une théorie est liée à son caractère testable. La difficulté réside dans le fait que les décisions financières et la spécification des actifs posés à l'instar des travaux de Williamson comme variable explicative résultent des choix stratégiques dictés par d'autres considérations par exemple, aux préférences des dirigeants.

15 p 58 l'article de Antoine Hyafil

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Pour mettre davantage en exergue les apports de la théorie financière à la stratégie financière, il est intéressant d'avancer que l'objectif poursuivi par la recherche en gestion étant d'aboutir à des résultats utilisables par les décideurs. Ces résultats, ne prennent pas la forme de règles ou d'outils à caractère opérationnel immédiat, mais sous forme de principes directs, qui doivent encadrer les décisions financières. Ainsi :

-Le premier apport: Aspects liés aux asymétries d'information et aux conflits d'intérêt entre les différents agents.

Il faut rappeler que ces phénomènes génèrent des coûts de financement élevés ou un refus d'accorder des financements; ce qui pose un problème pour les dirigeants surtout pour ceux des PME dont le financement se fait principalement par les fonds propres. Donc, la stratégie financière des dirigeants doit s'articuler autour des enseignements tirés de la recherche financière pour minorer les coûts liés à ces phénomènes. De ce fait, une communication financière active s'impose à tous les événements financiers de la firme. Des financements tels que le crédit-bail, les financements à court terme par exemple, permettent de résoudre certains problèmes liés à l'asymétrie d'information. Le rôle de signalisation joué par le pourcentage de capital détenu par les dirigeants, le financement par la dette et la politique de dividende doivent être pleinement appréciés. Ils permettent de gérer le conflit entre les parties prenantes de la firme et des mécanismes permettant de limiter les conflits d'intérêt.

- 2 ème apport: la politique financière doit être conçue de façon à ne pas compromettre la valeur du capital organisationnel, autrement dit à ne pas introduire de rupture dans le respect des contrats implicites passés avec les clients, les fournisseurs, le personnel ou les collectivités locales. Ainsi, une firme dont l'avantage compétitif est assuré par une main d'oeuvre hautement qualifiée comme dans certaines activités de services, devra faire en sorte d'avoir une politique de financement caractérisée par un risque de faillite minime, ce qui implique un faible recours à l'endettement.

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- 3 ème apport: Pour les actionnaires, grâce à la théorie financière, l'actionnaire dispose aujourd'hui, d'un ensemble d'indicateurs lui permettant de mieux juger de la qualité d'un investissement. L'actionnaire devient par conséquent, un élément important dans l'élaboration de la politique financière. Ce rôle a du être reconsidéré à la lumière de la théorie d'agence et des différents systèmes de contrôle qui pèsent sur les dirigeants par des mécanismes internes et externes. L'attention des actionnaires se trouve ainsi attiré par les facteurs qui influent la valeur de leur investissement et sur lesquels, ils peuvent éventuellement agir.

De nombreuses questions se posent alors:- Quelle est la composition de la structure du capital ? Et la

répartition des droits de vote?- Quelle est la composition du conseil d'administration?- Comment se fait la rémunération des dirigeants?- Quelle est la pression concurrentielle exercée par les différents

marchés ?- Quelle a été l'évolution de l'équipe dirigeante?Au sens de la théorie du cash-flow libre, les actionnaires bénéficient

d'un indicateur du pouvoir managérial qui leur informe sur les perspectives d'investissement. Notons davantage, que les enseignements de la théorie financière sont également importants pour éclaircir les décisions prises par les créanciers notamment par la théorie des options et pour orienter les interventions des pouvoirs publics, du législateur par exemple, qui tiennent compte des enseignements de la théorie financière en matière de contrôle des dirigeants, de défaillance d'entreprise ou de prise de contrôle. Et les modèles intégrant le conflit d'intérêts et les asymétries d'information et permettant de comprendre les problèmes posés par les procédures de faillite.

Que peut-on conclure sur les rapports qu'entretiennent la théorie financière et la stratégie financière?

Il est évident que les recherches récentes en finance ont amélioré sensiblement la compréhension de la politique financière. Cependant,

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certaines questions restent hermétiques et sans issue. En outre, les applications de ces résultats à la prise des décisions financières et donc à la stratégie financière sont potentiellement importantes mais elles sont le plus souvent sous forme de règles précises et peu opérationnelles. Par ailleurs, la recherche en finance se divise entre deux tendances. La première tendance traditionaliste dont le paradigme se fonde sur la rationalité et l'optimalité des comportements des agents et recourt principalement à l'analyse marginaliste et au raisonnement d'arbitrage. La seconde tendance rompt avec le modèle de base et s'oriente vers des formes de rationalité et de raisonnement en faisant des emprunts à d'autres champs disciplinaires.

Il y a quelques années, Roll16 à propos de la théorie financière, " le véritable critère de son succès sera sa capacité à expliquer le fonctionnement de l'univers. Et la question est de savoir si elle peut conduire à la création de produits utiles. De ce point de vue, la finance doit encore parcourir un long chemin avant de rattraper la physique, la chimie et la biologie....".

Après avoir passé en revu sur les principales évolutions de la théorie financière, la deuxième section se propose de démontrer les liens Stratégico-Financiers,

Section 2: Les champs d'interdépendance entre la réflexion financière et la pensée stratégique.

La stratégie d'entreprise et la finance d'entreprise sont deux disciplines étroitement liées car, depuis toujours, le souci de tout gestionnaire a été de concilier deux impératifs: Assurer les espérances de gain des actionnaires et assurer la compétitivité de l'entreprise à long terme. Simultanément, et sous l'effet d'une concurrence élargie, les marchés des biens et services se sont globalisés et les stratégies d'entreprises ont également évolué. L'apport de la théorie financière au management stratégique est certain: l'interface la plus importante entre la

16 " La théorie financière et les affaires », Lettre d’information, n° 26, Novembre 1986)

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stratégie et la finance qui est la maximisation de la richesse des actionnaires, l'impact des décisions stratégiques sur la valeur de la firme, les modèles d'évaluation modernes intégrant à la fois l'analyse stratégique et l'analyse financière mettent en exergue les interdépendances entre l'action stratégique et la démarche financière. L'articulation dirigeant, actionnaire, organisation nécessitent des logiques d'action qui font intervenir des mécanismes nouveaux dans un paysage industriel recomposé afin de renforcer la convergence des objectifs cités au dessus.

C’est ainsi que nous allons essayer de décrire l’évolution de l'action stratégique et financière tout en remettant en cause les pratiques d'analyse relative à leur pratiques (§1), puis nous allons s’interroger sur le caractère antagoniste que présente la Finance et la Stratégie (§1).

§1- L'évolution de l'action stratégique et financière et remise en cause des pratiques d'analyse

En fin des années 80, le tissu industriel américain et européen a été marqué par l'affluence des stratégies de croissance externe et interne: fusions, acquisition, prise de participation majoritaire; on célébrait la nouvelle paix entre stratèges et financiers17. La théorie moderne financière semble converger avec l'analyse et la planification stratégiques qui nous semblent les styles les plus efficaces dans un environnement turbulent. (Mintzberg (1990). A l'inverse Ansoff( 1991) soutient que la planification stratégique s'impose en situation de forte turbulence. La planification se fait avant l'action. C'est une prise de décision par anticipation. Elle est un processus qui vise à produire un ou plusieurs états futurs désirés et qui ne se produiraient pas si rien n'est fait. Le degré d'anticipation permet de différencier deux types de processus informels: le management adaptatif ou incrémental et le management visionnaire Mintzberg (1973). Le leader a en effet une vision du futur.

En outre, la réflexion stratégique est conceptualisée en fonction de deux dimensions indépendantes: la formalisation et l'anticipation18. Le 17 Morieux Yves, "L e dirigeant, l'actionnaire l'organisation : quelles logiques d'action?", Revue française de gestion, Janvier, Février 1992.18 Calori Roland, Véry Philippe et Arrègle Jan-Luc, " les PMI Face à la planification stratégique" Revue française de gestion, Janvier- Février 1997.

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management stratégique qui est un processus décisionnel complexe et aussi une démarche dynamique et prospective. Ce faisant, les entreprises ne sont plus évaluées selon une optique comptable qui est mesurée par la valeur patrimoniale mais par sa capacité à générer de la valeur pour ses actionnaires. Le coût d'opportunité reflète notamment les anticipations de rentabilité générale du marché financier et la sensibilité des flux attendus par la firme aux fluctuations économiques. La valeur prendre aussi de l'avant dans des situations concurrentielles. Elle constitue un élément fondamental de la décision stratégique car, la création de valeur et la maximisation de richesse pour les actionnaires incitent les dirigeants à mettre en place des stratégies porteuses de valeur, permettant de rémunérer la prime d'anticipation et à prendre toutes les dispositions pour conserver l'avantage concurrentiel.

Cette convergence entre la stratégie et la finance a remis en cause un ensemble de pratiques stratégiques et managériales notamment, la segmentation stratégique. Ainsi, à la suite de mouvements de croissance et surtout de diversification qu'ont connu les firmes de la plupart des pays occidentaux, celles-ci sont devenues des entités économiques très complexes, comportant des activités différentes dans divers secteurs d'activités. Il s'agit de redécouper l'entreprise ou de regrouper certains de ses couples produit-marché afin d'identifier les activités de base, ou segments stratégiques. Cependant, le découpage de l'entreprise en Strategic Business Units (SBU) se traduit par l'indépendance absolue des activités et par l'absence des effets de synergies. La difficulté réside aussi dans le fait qu'un segment stratégique semble être une construction artificielle et/ou intellectuelle, par opposition aux concepts de métiers, de couples produit-marché ou de segment19 de marché qui semblent plus naturels. Or, la logique de la convergence entre stratégie et finance, conduit dans la pratique à dépasser le cadre de l'analyse en termes de compétences pour poser les problèmes des modes de gouvernement de l'entreprise que nous allons traiter dans le prochain chapitre.

19 Par référence à la définition du segment

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Ce débat autour de la convergence entre la stratégie et la finance se trouve au moins à l'intersection de trois problématiques de certains leviers de la valeur économique :

- La première concerne l'évaluation des coûts de coordination et d'intégration dans les organisations, et de transaction en général;

- La deuxième problématique relève des conditions et des effets directs des synergies que des activités de production peuvent entretenir;

- La troisième problématique traite également les phénomènes de synergie, mais dans l'optique plus globale des effets de la diversification sur la performance des firmes, surtout lorsque la diversification est réalisée selon le mode externe (fusions et acquisitions)20.

Pour conserver l'avantage concurrentiel de leur firme, les états majors d'entreprises sont dans l'obligation d'organiser un processus de décision stratégique. Celle-ci, permet l'identification et la mis en en oeuvre de programmes de création de valeur pour l'actionnaire articulant plusieurs niveaux à la fois stratégique, opérationnel et financier, et d'intégrer la valeur de marché de la firme dans la décision de l’investissement21. Il en découle que la création de valeur s'organise, et entraîne des problèmes de coordination de mécanismes organisationnels complexes et divergents: la complexité des découpages hiérarchiques et structurels de l'organisation, les cloisonnements fonctionnels et les spécialisations procédurales. La connaissance des comportements des systèmes complexes est devenue possible grâce à l'analyse stratégique des systèmes d'action qui a apporté des solutions pour les managers qui ont du mal à évaluer les coûts des mécanismes organisationnels (coordination, planification, intégration..). En effet, cette analyse permet 20 Uniquement attachées à la performance opérationnelle, croissance des bénéfices, retour sur capitaux propres...). Ces études comme celles de S.Reid, Mergers, Managers and the economy , McGraw hill, NEW YORK, 1968, ou de J.Weston et S. Mansinghka, " tests of the efficiency perfomrnance of Conglomerate Firms" Journal of Finance, Septembre 1971, traient d'un seul des leviers économiques de la valeur économique d'une firme. 21 Les convergences entre la stratégie et la finance débouchent sur des logiques qui permettent d'évaluer l'impact des différentes alternatives stratégiques. La différence entre le cours boursier qui correspond au cumul des cash-flows escomptés par le marché sur la base des investissements passés et futurs de l'entreprise et la valeur actuelle de flux que le management attend des investissements passés doit être prise en compte dans l'évaluation des alternatives stratégiques: cette différence, en tant qu'option de croissance payée par les investisseurs, représente les anticipations du marché sur la capacité future de l'entreprise à investir au dessus du coût d'opportunités du capital. Ne pas ajuster le coût d'opportunité du capital en fonction de cette prime conduirait à appauvrir les investisseurs.

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de prendre en compte les incertitudes qui affectent les agents économiques dans la structuration des modes de coopération à l'intérieur d'un système d'action (secteur, marché, firme, alliance) et aussi se rendre compte des enjeux stratégiques c'est-à-dire une structure de comportement adaptative et opportuniste. Surtout, l'analyse stratégique de système met en clair des mécanismes de régulation au sein d'un système d'action: faire converger les stratégies divergentes. Le coût des arrangements est systématiquement introduit dans le fonctionnement du système. Il 'agit de fonder le changement sur la dimension stratégique des systèmes d'action complexes.

La présence d'un acteur intégrateur est crucial doté d'un pouvoir fort, cet acteur devient le moteur de la transition vers un nouveau mode d'organisation plus performant. Et donc, dans un processus de décision stratégique, les actions censées en découler en intégrant une analyse en termes de compétences métiers et analyse en termes de capacités organisationnelles. Cependant, dans ces situations où les lois de fonctionnement sont au cœur des mécanismes de création de valeur, cette analyse doit être prise en compte avec prudence car lorsqu'il s'agit de construire un système d'action de type partenarial, les coûts de transaction peuvent être cocontractants, peuvent plus au moins grever le surplus attendu de l'action collective et donc affecter l'accroissement de la valeur anticipée par chaque firme.22

Donc, nous avons vu qu’à travers les convergences entre la stratégie et la finance, les logiques d'action du dirigeant, de l'actionnaire et de l'organisation s'articulent autour de nouveaux modes et mécanismes de fonctionnement induits par la recherche éternelle à maximiser la richesse des actionnaires et assurer l'avantage concurrentiel de la firme. Ces deux derniers éléments étroitement liés pour certains et antagonistes pour d'autres ont fait l'objet de plusieurs recherches théoriques et empiriques.

22 L'article de Morieux Yves op.cit

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§2- La Finance et la stratégie sont-elles antagonistes?

S'interroger sur les rapports qui entretiennent la théorie financière et la stratégie revient à poser une question ayant la même finalité. Faut-il opposer la finance à l'entreprise23.

Le raisonnement stratégico-financier se heurte à plusieurs embûches. Car en disqualifiant la finance, n'est-ce pas tout simplement accuser le thermomètre de la mauvaise qualité de la gestion? Il faut admettre que rares les ouvrages du Management qui s'intéressent au rôle des actionnaires, et à celui du conseil d'administration dans le fonctionnement des entreprises. L'entreprise est dans la plupart du temps réduite à son personnel, à ses fournisseurs, à ses clients à ses banquiers... ; Dans le pire des cas, les actionnaires sont considérés comme des individus égoïstes extérieurs à l'entreprise incapables de comprendre ses difficultés et ne voyant plus loin que le prochain bénéfice comptable.

L'objectif de la gestion de l'entreprise fait également souvent débat. Pour qui gère-t-on et dans quels buts?. Aux Etats-Unis, par exemple, le fait que les dirigeants doivent gérer dans le but de maximiser la richesse des actionnaires fait partie des hypothèses de base de la gestion financière de l'entreprise. Les intérêts de cette dernière ne se distinguent pas d'ailleurs de ceux de ses actionnaires.

S'il semble se dessiner un consensus sur le rôle irremplaçable de l'entreprise dans le développement économique, il n'en va pas de même pour la Finance qui est suspectée de s'opposer au développement de l'entreprise et donc à la stratégie de l'entreprise et à toutes les alternatives stratégiques de développement.

De nombreux mythes circulent au sujet des rapports entre la finance et l'entreprise et contribuent fortement à obscurcir le débat. Cinq grands mythes se dessinent:

1- Le marché financier impose une gestion à court terme à l'entreprise: Le court terme peut-il ruiner la vision à long terme? Ou bien qui gagnera l'intention stratégique et les compétences de base (Strategic 23 Comme cela a été soutenu par Gary Hamel et Joel Stern, respectivement Visiting professor de management stratégique et international à London et fondateur du cabinet Stern Stewart & Co, faut-il opposer l'intention stratégique à la maximisation de la valeur boursière?

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intent and core competencies ou SICC) ou la maximisation de la valeur boursière ( shareholder value maximization ou SVM)?

2- Le cours boursier n'est pas un bon estimateur de la vraie valeur de l'entreprise.

3- Les actionnaires ne font pas leur devoir et les entreprises manquent de fonds propres.

4- La sophistication croissante des nouveaux instruments financiers favorise la spéculation au détriment de l'investissement industriel.

5- Les OPA mettent en danger la vie de l'entreprise.-Chacun de ces mythes est une piste de recherche à explorer-

I- Le premier mythe

Contrairement au sens commun, il n'existe aucune preuve que le marché financier ne réagisse qu'à court terme et impose une gestion également à court terme. Il convient de dissiper un malentendu. Si le marché réagit à une information interne ou externe , une telle information a un impact sur les cash-flows futurs espérés de l'entreprise et il est normal que le marché révise ses anticipations, lesquelles ne porteront pas uniquement sur l'exercice en cours. D'ailleurs, un marché doit obligatoirement réagir à l'annonce de d'événements non anticipés.

Loin d'être l'expression de la contrainte à court terme du marché, les dividendes, selon les derniers résultats de la recherche financière, trouvent leur origine dans la nécessité d'informer les investisseurs sur le futur de la firme - c'est la thèse de la théorie des signaux-.

L'existence des conflits d'intérêt entre actionnaires minoritaires et majoritaires permettant également de justifier l'existence des dividendes selon la théorie d'agence.

Autre preuve qui met fin à ce mythe et qui soutient que le marché voit plus loin que le bénéfice de l'exercice en cours: la valorisation de toute société cotée en bourse se fait sur la base des prévisions des cash-flows futurs à long terme et se modifient au fur et à mesure que les informations les concernant affectant les anticipations initiales. C'est bien la raison pour laquelle le marché ne valorise pas de la même façon les

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bénéfices par action BPA, car les perspectives de croissance à moyen terme et à court terme ne sont différentes d'une entreprise à une autre.

Enfin, contrairement à l'idée généralement admise, il semble que la responsabilité du pilotage à court terme soit plutôt le fait des dirigeants que du marché financier.

De plus, les pratiques de gestion à court terme au sein de l'entreprise sont renforcées par des systèmes de contrôle de gestion privilégiant des critères de performances comptables annuels au lieu de s'intéresser au processus de création de valeur.

II- Le 2 ème mythe

Malgré son rôle irremplaçable dans le fonctionnement d'une économie de marché, la bourse de valeurs jouit de différentes considérations dans l'esprit des dirigeants politiques et économiques. Mais, au delà du rôle controversé de la bourse dans le fonctionnement de l’économie, la question essentielle concerne la capacité du marché à fixer une vraie valeur des titres des sociétés. La plupart des investisseurs déclarent que la valeur de leur société est sous-estimée. La sous évaluation est souvent argumentée sur la base d'une comparaison entre la valeur comptable des fonds propres et la valeur du marché des actions. Le fait que la valeur comptable des fonds propres soit supérieure ou inférieur à celle du marché ne permet en aucune façon de conduire à une erreur de marché. Rappelons que la valeur comptable est le fruit du passé et des principes comptables et qu'elle ne renseigne pas sur la capacité de la firme à gérer des cash-flows futurs.

C'est le futur qui intéresse l'investisseur et non pas le passé (c'est le futur qui intéresse l'investisseur compte tenu du passé).

Si l'on admet l'efficience des marchés financiers, le cours de l'action offre en permanence une indication fiable de la valeur de l'entreprise. En effet, toutes les recherches empiriques sur le fonctionnement des marchés de capitaux montrent que l'hypothèse de l'efficience de ces marchés n'est pas une vue de l'esprit. Il 24apparaît en effet que les marchés financiers sont de redoutables machines à digérer en temps continu des quantités 24Voir B.Jacquillet et B.Slonic, " Marchés financiers: Gestion du portefeuille et des risques.", Dunod, Paris 1989

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impressionnantes d'information qu'il est très difficile de les battre systématiquement et qu'en conséquence le cours d'un actif financier est très proche de sa vraie valeur ou valeur intrinsèque.

Cependant, si la valeur créée peut être simple à déterminer lorsque la firme est cotée en bourse, elle est beaucoup plus difficile à appréhender quand l'entreprise n'est pas cotée : les états financiers produits par le système comptable peuvent fournir de bons indicateurs.

III- Le 3 ème mythe

Les actionnaires ne font pas leur devoir et les entreprises manquent de fonds: même s'il s'avère que les entreprises sont plus endettées que leurs concurrents cela ne devrait pas constituer un handicap pour leur gestion. Ce mythe présente l’OPA comme la manifestation la plus évidente du capitalisme sauvage. D’autres critiques sont adressées aux OPA, consistant à distinguer soigneusement les OPA industrielles des OPA financiers. Les premiers sont supposés avoir des effets bénéfiques à long terme pour les deux entreprises (la cible et l’acquéreur) alors que les secondes ne seraient qu’une opération de spéculation à court terme entraînant un dépeçage méthodologique des actifs de la société acquise.

Comme le souligne B. Hussen, cette distinction apparaît bien commode pour ceux qui préconisent l’instauration d’une réglementation favorable aux OPA industrielles et une réglementation défavorable pour les secondes ( OPA financières).

IV- Le 4 ème mythe

La sophistication croissante des nouveaux instruments financiers favorise la spéculation au détriment de l'investissement industriel.

Contrairement à ce mythe, la bonne gestion d'entreprise nécessite aujourd'hui de maîtriser et d'utiliser une panoplie de nouveaux instruments financiers pour se prémunir contre les risques.

Naturellement, si ces nouveaux marchés permettent à l'entreprise de réduire ses risques financiers, ils permettent également à ceux qui sont tentés par la spéculation de prendre des positions risquées avec des effets de levier extrêmement élevés.

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A ceux qui ne sont tentés de ne retenir que l'aspect couverture de ces nouveaux marchés financiers en rejetant l'activité de spéculation; rappelons simplement que les mécanismes sont intiment liés et qu'il est impossible d'avoir l'un sans l'autre.25.

V- Le 5 ème mythe

Les OPA mettent en danger la vie de l'entreprise.Ce mythe présente l'OPA comme la manifestation la plus évidente

du capitalisme sauvage. D’autres critiques sont adressées aux OPA, consistent à distinguer

soigneusement les OPA industrielles des OPA financières. Les premières sont supposées avoir des effets bénéfiques à long terme pour les deux entreprises ( la cible et l’acquéreuse) alors que les secondes ne seraient qu’une opération de spéculation à court terme entraînant un dépeçage méthodique des actifs de la société acquise.

Comme le souligne B. Husson26 cette distinction apparaît bien commode pour ceux qui préconisent l’instauration d’une réglementation favorable aux OPA industrielles et une réglementation défavorable pour les secondes( les OPA financières).

Contrairement aux tenants du 5ème mythe et comme l’affirme B. Jacquillat : «  Il faut que les prises de contrôle soient nombreuses et hostiles. Les petits actionnaires comme les gérants institutionnels doivent être opportunistes si l’on veut que les gestionnaires d’entreprises soient efficaces et l’épargne financière abondante parce qu’elle bien rémunérée. ». En effet, la théorie financière montre clairement les avantages du mécanisme des OPA : meilleure allocation des ressources financières, mobilité du capital et contrôle des dirigeants par le marché, dès lors que la mauvaise gestion d’une entreprise dépasse un seuil critique, ou encore qu’un regroupement est susceptible de créer de véritables synergies, l’OPA constitue une technique financière efficace pour prendre le contrôle de la firme visée en cas d’absence d’accord négocié. Aussi, en France par exemple les résultats empiriques enregistrés

25 Albouy Michel, " La finance contre l'entreprise.", Revue française de gestion

26 «  Typologie et réglementation des OPA » Lettre d’information de l’AFFIA, n°33, Juin 1988

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par la théorie financière des OPA : les prises de contrôle créent de la valeur surtout pour les actionnaires de la société visée dont l’accroissement de la richesse serait d’environ 30%. Par contre, la plupart des études montrent que les actionnaires de la société initiatrice ne gagnent pratiquement rien. Tout se passe comme si la création de la valeur due au regroupement des deux entreprises était captée par les actionnaires de la société cible. L’origine de ce mécanisme vient de la prime offerte par les dirigeants de la société acquéreuse aux actionnaires de la cible. Contrairement à ce que l’on écrit volontiers, l’origine des difficultés des entreprises se trouve rarement dans leur finance et souvent dans leur exploitation. Car, toute acquisition est un investissement dont la rentabilité dépend étroitement du montant du capital engagé et la meilleure façon de créer de la valeur est bien d’acheter le moins cher possible. Le rôle du dirigeant intervient à ce niveau, il doit se convaincre que la valorisation qu’il fasse, est la bonne et que le marché ne reflète pas correctement la valeur économique de la firme. D’où le questionnement de taille : Qui annonce que ces opérations de croissance externe, doivent créer de la valeur pour les actionnaires ?

La plupart du temps, la justification avancée est-elle de la conquête de nouveaux marchés ou la constitution de groupes à dimension mondiale ?.

Si ces arguments sont valables, ils ne dispensent pas les dirigeants d’entreprises de confronter leurs anticipations avec les exigences du marché financier qui reste le principal évaluateur de ces stratégies de croissance externe.

Conclusion de la sectionEn conclusion, opposer la finance à l’entreprise est un faux débat.

Car, il n’y a pas de bonne gestion sans bonne finance et dissocier les deux ne pourrait que conduire qu’à de sérieux problèmes à terme. La théorie financière nous enseigne, que la valeur ne se créée pas par des montages financiers et que le marché n’est pas dupe des illusions financières. La

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création de valeur se trouve dans l’activité industrielle et commerciale de l’entreprise. La difficulté se trouve rarement dans la finance, et bien souvent dans l’exploitation et d’une insuffisance dans la rentabilité économique et que hélas, les mauvaises décisions de gestion apparaissent dans les comptes, dans les cours de bourse et sur la création de la valeur, objet de la 3ème section.Section 3: L'impact de la démarche stratégique sur la création de la valeur entre les fondements théoriques et les validations empiriques

La réflexion stratégique anticipe et oriente l'action. D'ailleurs, nous l'avons signalé, quand nous précisons le fait que l'analyse stratégique s'oriente actuellement vers un système d'actions qui compose les mécanismes organisationnels complexes. En effet, la présence de mécanismes organisationnels complexes et la prise en compte des coûts d'organisation et de transactions conséquents par le gouvernement d'entreprises au niveau des processus de décision stratégique a donné naissance à une nouvelle approche : l'analyse stratégique orientée vers l'action et les systèmes d'action.

Comment évaluer d'une manière fiable les coûts d'organisation et de transaction de la firme?

Sur cette base, il faut considérer le processus de décision stratégique et les actions censées en découler, en intégrant l'analyse en termes de capacités organisationnelles. Ce dernier type d'analyse principalement concerné par les coûts d'organisation doit alors s'attacher à la capacité de la firme à gérer les coopérations entre groupes d'acteurs faisant inéluctablement face à des enjeux contradictoires ou des contraintes incompatibles dans la mise en oeuvre du processus stratégique.

La perspective d'analyse stratégique du système permet notamment de mieux appréhender en amont le mouvement stratégique, et en aval l'analyse des savoir-faire, des métiers et des capacités organisationnelles des firmes permettant de développer plusieurs scénarios en termes de

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coûts de production et de modes d'organisation plus ou moins économiques autour d'acteurs moteurs de la transition.

Quelle est l'utilité de la réflexion stratégique ? Quel est son contenu ? Qui la conduit ? Avec quelle fréquence et comment l'organiser pour gagner du temps?

Parlant de stratégies d'entreprises, on entend des décisions ou des orientations concernant les objectifs de croissance, de rentabilité, de plus value, les activités, les positions vis à vis des autres acteurs du système concurrentiel. Les problèmes de stratégies d'entreprises sont extrêmement variés. Une réflexion stratégique en effet, se justifie lorsqu'elle permet de renforcer la conscience des buts et la cohérence des actes pour créer de la valeur pour tous les acteurs de l'entreprise.

Dans ce cadre, la présente section met le point dans un premier paragraphe sur les décisions stratégique, sur ses mécanismes aussi bien que sur ses paradigmes, et dans un second paragraphe elle apportera des éclaircissements sur l’analyse stratégique.

§1- Introduction à la décision stratégique

En quoi la décision stratégique faisant partie du système entrepris, peut-elle entraîner des impacts positifs? Quels sont les facteurs d’influence ?

I- Les mutations de l'environnement.Confrontés aux incertitudes d'un environnement économique

instable, déstabilisés par l'arrivée de nouveaux compétiteurs et la versatilité des marchés soumis à une évolution technologique accélérée, les entreprises sont amenées à repenser leurs modes d'organisation et de gestion,

L'organisation de la production retrouve, ainsi par exemple, une dimension stratégique essentielle dans la foulée de la revalorisation de la fonction commerciale que la gestion des structures et celle des hommes qui est considérée comme la variable différentielle de la performance des entreprises.

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Contraintes de réagir rapidement aux caprices d'un marché concurrentiel international qui multiplie les produits et les variantes d'un même produit, entraînant le regain des séries courtes et moyennes, qui accroît ses exigences en matière de qualité délais, condamnées à innover pour anticiper un futur de plus en plus imprévisible et difficilement gérables, les entreprises sont confrontées à un ensemble de paradoxes tant externes qu'internes qui les obligent de redéfinir la place et la composition des éléments du système de production ainsi que les modalités de leur mise en cohérence; seule garantie de leur efficacité.

II- Les mutations technologiques.Premier défi parmi sept de la gestion des Ressources humaines

d'après Jean- Marie Perreti, ces mutations ont affecté le niveau de qualification et le niveau des effectifs. Ainsi, la question de survie: adaptation et maîtrise du nouvel environnement ou bien quitter le marché; car les valeurs deviennent difficilement cumulables.

La technologie n'est pas une fin en soi, mais seulement un moyen à travers les produits et les services qu'elle inspire pour satisfaire les besoins des clients.

Le progrès technologique est une condition nécessaire, mais non suffisante au succès stratégique à long terme. Il ne suffit pas d'avoir la technologie la plus avancée pour faire de bons produits pour les vendre, ni enfin les vendre pour en tirer les bénéfices. Il faut en outre rester à l'écoute du marché pour bien percevoir ses besoins tout en respectant le rapport "performance -complexité- prix" du produit que le marché pourra accepter et d'assurer une parfaite « QUALITE » de production et de service sur les principes fondamentaux du « Qualité-coût-demande » (Q.C.D).

Les machines neuves ou anciennes ne sont ni bonnes, ni mauvaises. Tout dépend du contrôle dans lequel on les utilise. Malheureusement, maintes entreprises les utilisent mal, car souvent la haute technologie dépasse de loin la capacité intellectuelle de l'entreprise.

Aujourd’hui, les entreprises lancées dans la compétition internationale sont soumises à un véritable défi impossible à soutenir avec Bouchra ELABBADI Docteur d’Etat Es Sciences de gestion Université Mohammed V Page 31

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la seule aide de la technologie ou de la finance. Les progrès technologiques de même que les ressources financières résultent de l'action de l'HOMME, et les principales causes de la non compétitivité ne sont pas d'ordre technologiques, c'est simplement un problème de Management.

III- La crise du taylorisme comme facteur structurelDans un environnement en profonde mutation, une société est

condamnée si elle ne modernise pas sa gestion en remettant en question les habitudes de perception, les schémas de comportement et les valeurs traditionnelles.

La pertinence de l'organisation taylorienne et fordienne, dont le procès de travail est basé sur la parcellisation des tâches et la spécialisation qualifiante des hommes, ainsi que sur la standardisation des produits et des procédures de production, a fait de la mesure des temps alloués à la main d'oeuvre d'exécution, le principe essentiel de la gestion industrielle. Elle suppose que les gains de productivité sont fondés sur la maximisation du rendement de la main d'œuvre et la minimisation de ses coûts, aussi, elle a fait de la multiplication des contremaîtres et des niveaux hiérarchiques de contrôle le principe essentiel de la gestion des hommes, Cette organisation classique est rapidement remise en cause, car, les entreprises ont pris conscience des effets pervers de l'organisation taylorienne, tant au plan social qu'au plan économique et par conséquent, elles ont repensé leurs modes d'organisation et de gestion sociale du travail, en développant notamment les structures participatives avec l'appel à l'expression de leurs salariés et en révisant par la même occasion leur image comme lieu d'identité et affirmation professionnelle et sociale, avec la recherche d'un consensus social autour de la performance comme garantie de survie de l'entreprise face à un environnement très hostile et incertain.

IV- Le paradigme participatif des années 80Après l'euphorie verbale de la décade participative qui conduit le

changement par l'appel à la mobilisation de tous les salariés autour de

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l'impératif qualité, celle des produits mais aussi celle des services et du travail, l'entreprise dans un contexte de crise qui perdure, affiche son souci de rationalité : la qualité et la participation ont intégré le rituel de l'organisation et garantissant le changement des mentalités, l'entreprise se veut compétitif, se restructure en réduisant ses niveaux hiérarchiques, en décentralisant les décisions et les responsabilités et en décloisonnant ses services afin de répondre aux impératifs de cohérence posés par l'informatisation dans la mesure où celle-ci exige une unité de référence inexistante dans la plupart des entreprises.

Bref, on assiste à une organisation régie par la démarche QUALITE dont l'objectif est de s'adapter au marché. Pour cela, la stratégie consiste à fabriquer un produit ou un service conforme à ce que le client en attend- Qualité optimale-. Mais, qu'est ce qu'un client?. Servir son client ne signifie pas seulement le client de l'entreprise. Dans une démarché Qualité, on considère le client final comme le dernier maillon d'une chaîne qui relie toute une série de clients. Ainsi, dans une entreprise, nous sommes tous des fournisseurs les uns aux autres. Notre client est celui à qui nous transmettons notre travail. C'est la qualité de la relation client -fournisseur qui valide la productivité des salariés et assure la qualité optimale.

La démarche Qualité se base sur des données stratégiques simples:- l'entreprise n'a pas les moyens économiques - l'entreprise n'a pas de hautes technologies- la seule richesse de l'entreprise est l'HommePour atteindre cet objectif, l'entreprise doit au moins, respecter les

cinq principes de base:- Le respect d'autrui- Casser les prix- les besoins sont mondiaux- Il n' y a pas de limites dans les améliorations- Maximisation des richesses de l'entrepriseDe toute évidence, la sécurité de l'emploi constitue un sujet de

préoccupation majeure pour tout le personnel, la meilleure solution est

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donc de construire l'entreprise autour de l'Homme, par l'Homme, et pour l'Homme. Car, le succès ou l'échec d'un dirigeant tient à ses bonnes relations avec ses égaux supérieurs et subordonnés afin d'obtenir une collaboration étroite et efficace . Le supérieur et le subordonné impliqués dans la relation, ne sont pas en compétition l'un avec l'autre. Leurs destinées sont liées.

La prise et la sélection de la décision stratégique participent à la stratégie managériale, en ce qu'elle doit permettre l'adaptation de l'organisation conçue comme organisme vivant, à un environnement instable et hostile. Facteur de performance et de compétitivité, la stratégie permet à l'entreprise de gérer ses contingences internes et externes en visant à mettre en cohérence une logique institutionnelle de clarification et de recentrage des objectifs, qui implique la définition de choix et de valeurs axiologiques, une logique organisationnelle qui combine les variables matérielles et humaines en les soumettant aux impératifs des objectifs technologiques de production et de motivation définis, et une logique individuelle de professionnalisation, d'implication et de participation au collectif.

§2 : L’analyse stratégique 

L'analyse stratégique repose sur l'étude de l'entreprise proprement dite. Elle s'appuie sur des éléments plus généraux que l'analyse bilancielle ou financière. L'analyse stratégique, essentielle à une bonne évaluation, peut être scindée en plusieurs points :

» Histoire de l'entreprise   :

Il est quelquefois utile de se retourner vers le passé d'une entreprise pour mieux comprendre ses stratégies actuelles et futures. Ainsi outre la date de création de l'entreprise, qui peut notamment faciliter l'observation de sa capacité d'adaptation, la façon dont s'est constituée l'entreprise a également son intérêt. Prenons le cas concret d'une entreprise familiale dirigée depuis des décennies par le grand père, le père, puis enfin le fils. Elle aura tendance à privilégier une croissance interne qui lui permettra de conserver le pouvoir. Au contraire, une entreprise qui a bâti sa réputation

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sur des rachats hostiles ne modifiera vraisemblablement pas sa stratégie dans le futur à moins d'un changement majeur dans la structure de pouvoir.

» Moyens humains   :

Les moyens humains sont tout aussi importants que la trésorerie dont dispose l'entreprise. Une trésorerie peut se perdre en peu de temps (certains placements en futures ont ainsi fait disparaître la trésorerie de plusieurs multinationales), mais il est rare de perdre toutes les compétences humaines au sein d'une entreprise. En contrepartie, la mise en place d'un personnel compétent sera d'autant plus longue et coûteuse que la technicité des produits conçus sera grande. Il existe deux catégories de personnel :

Les dirigeants : Certains dirigeants peuvent être plus ou moins réputés. On peut notamment citer Michel Bon, l'ancien président de Carrefour et de France Telecom, ou bien encore, Christian Blanc, ancien président d'Air France. Dans ces deux cas, leurs capacités à s'entourer de collaborateurs qualifiés leur confèrent un statut particulier. On peut également distinguer un dirigeant -actionnaire familial d'un dirigeant non actionnaire. Le dirigeant-actionnaire familial aura une vision à long terme de son travail, alors que le dirigeant non actionnaire risque de n'avoir qu'une vision à court terme de son métier. Il en est de même pour les présidents proches de la retraite qui hésiteront à se lancer dans des projets d'envergure qui risquent de limiter la progression de leurs résultats dans les dernières années de gestion. L'âge du dirigeant peut donc être aussi importante que ses capacités de gestion.

Le personnel : cadres, employés, ouvriers. Le personnel d'une entreprise n'est rien de moins que le noyau de compétences de l'entreprise. Un personnel qualifié sera d'autant plus motivé par le travail qui lui sera proposé, et ne cessera d'essayer d'améliorer ses conditions de travail et par conséquent le produit final. Les dépenses en formation et la procédure d'embauche du personnel devront être étudiées avec attention. En effet, certaines compagnies telles qu'IBM ont suivi une politique d'embauche dite de "clones". Tous les nouveaux employés

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étaient identiques en termes de formation et de carrière à leurs prédécesseurs. Cette politique d'embauche explique en partie le retard pris par IBM au début des années 90.

» Moyens financiers   : La stratégie d'une entreprise doit être mise en relation avec ses

moyens financiers. Que penser d'une entreprise qui affirme vouloir se développer par croissance externe, fortement endettée et qui ne dispose d'aucune trésorerie ? Une entreprise doit avoir les moyens de ses ambitions, mais sans surplus. Il est en effet inutile qu'une entreprise dispose de surplus de liquidités qui ne seraient placés que sur des SICAV monétaires. Il est plus coûteux à une entreprise de disposer de fonds non utilisés placés sur des placements à court terme, que d'emprunter afin de financer ses investissements. Il est bien évidemment clair qu'une entreprise surendettée doit envisager d'autres recours que l'endettement (cession d'actifs, accroissement du chiffre d'affaires, augmentation de capital...).

» Outils de production   : Au même titre que la recherche et le développement, les

investissements en immobilisations corporelles sont essentielles. Lorsqu’on investit en biens d'équipements par exemple, fiscalement l'entreprise ne pourra pas déduire la totalité de son investissement la première année. Elle devra en déduire une partie chaque année : la dotation aux amortissements. Si on constate une baisse des amortissements, donc mécaniquement une hausse des résultats, il convient de se poser quelques questions. Pourquoi les amortissements diminuent-ils ? Est-ce dû à une obsolescence du matériel ? Dans ce cas l'entreprise risque de subir un recul de sa productivité dans les années à venir. S'il ne s'agit que d'un ralentissement des investissements dû à un secteur à maturité, une étude des fonds dégagés par l'activité devra être réalisée.

» Produits   : Au même titre que les clients, l'entreprise doit diversifier ses

produits. De nombreuses sociétés, par le passé, ont mis la clef sous la

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porte suite à la désaffection de leur clientèle sur leur produit phare. On peut notamment citer les sociétés liées à l'amiante qui, du jour au lendemain ont vu leurs activités interdites, ou bien encore, les leaders de la règle à calculer qui ont sous-estimé le poids croissant de la calculatrice. Tous ces exemples démontrent qu'une entreprise mono-produit n'aurait pas résisté à ces crises. Au contraire, une entreprise, qui certes serait restée axée sur le métier qu'elle connaît le mieux tout en se diversifiant, ne sera pas trop victime d'une énième réglementation qui pourrait condamner son activité.

Mais le nombre n'est pas tout. En effet, un produit naît, vit et meurt. Il a son propre cycle de vie. Ainsi le portefeuille de produits de la société devra être équitablement réparti entre les produits dégageant une forte rentabilité, et ceux encore en phase de développement, ou bien encore ceux qui ont des taux de croissance records.

» La Stratégie Commerciale La stratégie commerciale à étudier n'est pas le mode de distribution

du groupe, que la répartition des différents clients dans le chiffre d'affaires. En effet, une entreprise est toujours dépendante de ses clients et de ses fournisseurs. Imaginons qu'un client d’une société représente plus de 50% du chiffre d'affaires. Qu'adviendrait-il de votre rentabilité si ce client l’abandonnait au profit d'un fournisseur plus productif, moins cher ou même plus rapide ? La situation est assez simple. L'entreprise aurait 95% de chances de se déclarer en cessation de paiement avant la fin de l'année. L'entreprise sera donc en position d'infériorité vis-à-vis de ce client, et lui accordera des conditions plus avantageuses, ce qui conduira à plus long terme l'entreprise à des difficultés financières. Il est donc important que l'activité d'un groupe ne soit pas concentrée autour de quelques clients. Mieux vaut beaucoup de petits clients que peu de gros clients.

» La Recherche & Développement La recherche et le développement sont les dépenses d'aujourd'hui et

les bénéfices de demain. Il est assez aisé pour une entreprise à forte technologie d'accroître rapidement ses bénéfices. De telles sociétés

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consacrent entre 5 et 10% de leur chiffre d'affaires à la R & D. Une forte réduction de ces dépenses augmenterait sensiblement la rentabilité du groupe. Seul petit inconvénient, dans 5 ans, l'entreprise n'ayant pas développé de nouveaux produits risque d'être devenue totalement obsolète faute de produits innovants. La part de la recherche et le développement devra donc être étudiée avec attention, et notamment son évolution dans le temps. Une baisse de cette part devra toujours être expliquée. De même qu'une hausse trop brutale qui pourrait cacher des dépenses non contrôlées.

» Les Autres caractéristiques Les caractéristiques ou éléments donnés ci-dessus peuvent se

rapporter à l'ensemble des entreprises. Toutefois, il pourra apparaître lors de ce type d'analyse que certains éléments essentiels ne seraient pas traités, s'ils suivaient la ligne directrice énoncée plus haut. Il convient donc de les analyser et si possible d'effectuer une comparaison vis-à-vis du secteur. L'analyse stratégique, bien que non indispensable pour des opérations d'allers/retours, devient essentielle lors des investissements à très long terme. L'analyse stratégique est étudiée de près par de nombreux investisseurs tels que Warren Buffet.

I- La segmentation stratégique

La segmentation est nécessaire au repérage des concurrents directs mais elle est également utile à la gestion des activités de l’entreprise. A cette fin on s’appuie traditionnellement sur une notion très utilisée par les cabinets de consultants en stratégie et développée initialement par Abell. Il s’agit de la notion de segment stratégique ou domaine d’activité stratégique (DAS) ou encore Strategic Business Unit (SBU). Un segment stratégique peut se définir comme un ensemble de produits issus d’une base de compétence technologique commune, destinés à une même clientèle et dont il découle des concurrents directs sur un espace géographique donné.

Deux activités feront partie du même segment stratégique si elles impliquent les mêmes concurrents, les mêmes consommateurs ou si elles

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sont étroitement liées entre elles au niveau de la production ou de la distribution, de sorte que toute action sur l’une des activités (changement de prix, de qualité, de service) aura des répercussions sur l’autre.

On retiendra qu’un segment stratégique est un couple produit -marché à l’intérieur duquel existent de fortes synergies de production, de distribution...

Chaque segment stratégique représente pour l’entreprise un front sur lequel elle peut se battre isolément.

L’intérêt majeur de cette segmentation est de découper l’activité globale de l’entreprise en zones à la fois homogènes et indépendantes. Ces deux caractéristiques en font alors des zones autonomes d’affectation de ressources.

L’identification des DAS est cependant délicate. Marmuse27 distingue trois types d’approche possibles : comparative, analytique et historique. Ces approches ne se font pas concurrence mais se complètent :

L’approche comparative s’appuie sur une comparaison deux à deux des activités, en fonction de critères utilisables de Bodinat28 et Mercier qui citent des critères de prix, d’expérience partagée, de désinvestissements liés, de facteurs de succès identiques, etc.

L’approche analytique suppose la reprise en compte simultanée des besoins du marché et des ressources de l’entreprise. D’un côté, les besoins du marché permettront de délimiter les segments de marché auxquels seront destinés les produits du DAS et de l’autre côté, les ressources et compétences de l’entreprise permettront de comprendre comment sont conçus certaines catégories de produits. Le DAS établira le lien entre ces deux pôles.

On comprendra comme le soulignent Adler et Lauriol29 que la nature et les limites du segment évoluent avec le temps puisque ses frontières sont contingentées par les évolutions technologiques (compétences, savoir-faire), les évolutions du comportement d’achat (demande, marché), auxquelles il importe de rajouter la dimension géographique.

27 Politique générale : langages, intelligence, Modèles et choix stratégiques, édition Economica, 1992.28 Op.cit 29 Management stratégique : repères pour une fin de siècle, Gestion, Décembre 1994.

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L’espace concurrentiel sera directement influencé par le caractère plus ou moins modélisé du DAS.

Les changements technologiques influent aussi plus directement l’activité globale de l’entreprise et notamment la segmentation stratégique. Les combinaisons et les partages de technologies contingentent la structure du portefeuille.

L’approche historique appréhende les DAS comme le résultat actuel de l’histoire de l’entreprise, en particulier la conséquence de ses restructurations. L’inertie structurelle interne, mais aussi les mouvements de croissance externe financière ou contractuelle, vont construire progressivement des ensembles plus ou moins homogènes.

× Utilités et Limites Avec la diversification des activités des entreprises, les analyses

stratégiques classiques à caractère non différencié devenaient inopérantes au niveau global.

La segmentation des activités a permis de lever cette difficulté en découpant l’entreprise en domaines d’activité homogènes.

Le découpage en segments stratégiques est toujours une tâche très délicate car même les produits relevant de technologies et de moyens de production similaires peuvent appartenir à des segments stratégiques différents. Par ailleurs, le recueil des informations présente souvent de nombreuses difficultés puisque le découpage en DAS ne correspond généralement pas à celui des données statistiques existantes d’où des approximations et des estimations d’autant moins vérifiables qu’elles sont fournies confidentiellement par les consultants. Il n’en reste pas moins que la segmentation est un exercice utile car pour un même produit vendu sur différents segments, ce ne sont pas les mêmes facteurs clés de succès qui s’imposent.

II- L'audit des influences environnementales

Toute entreprise se situe dans un environnement : Un environnement immédiat qu'elle subit et sur lequel elle agit

quotidiennement : ses marchés, ses fournisseurs, ses différents

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partenaires, ses concurrents ; Un environnement plus lointain (macro environnement) sur

lequel elle n'agit pas directement ou de façon isolée.De ce fait de nombreuses influences environnementales peuvent

affecter la performance et la stratégie de l’organisation. Ces influences se manifestent généralement sous forme d’évolutions technologiques telle la recherche et développement, d’évolutions socioculturelles, de prévisions démographiques, de politiques gouvernementales, et de politiques financières.

Chaque organisation se doit alors identifier les influences environnementales qui étaient importantes dans le passé pour définir leur impact dans le futur sur l’organisation et ses concurrents.

II-1- L'analyse PESTEL

L’analyse PESTEL consiste à identifier les facteurs politiques, économiques, sociaux et technologiques qui influent sur l’organisation. Les facteurs clés d’évolution environnementale sont les forces susceptibles d’affecter significativement la structure d’une industrie ou d’un marché. L’analyse PESTEL a pour objectif de déterminer l’impact des influences environnementales sur le développement d’une organisation donnée.

L’analyse PESTEL peut aboutir à la construction de scénarios de la part de l’organisation en question, cette dernière procède alors à l’identification des facteurs environnementaux dont l’impact et l’incertitude sont très élevés, ainsi qu’à l’identification des futurs possibles pour chaque facteur et de là la construction des scénarios à partir de ces configurations plausibles des facteurs, chose qui facilite à l’organisation le choix de ses stratégies.

II-2- Les 5 forces de M. Porter30

Le modèle des cinq forces de Porter a été élaboré par l'économiste Michael Porter en 1979.

Il synthétise les facteurs influant la performance d'une entreprise par 5 forces :30 L’avantage concurrentiel des nations, Intereditions, 1993.

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les clients ; les nouveaux entrants sur le marché ; les fournisseurs ; les produits de substitution ; la concurrence. Ces forces décrivent les 5 facteurs conditionnant un marché donné

et permettent l'analyse d'une industrie à partir de concepts relativement simples.

» Clients La principale influence des clients sur un marché se manifeste à

travers leur capacité à négocier. Leur influence sur le prix et les conditions de vente (termes de paiement, services associés) détermine la rentabilité du marché. Le niveau de concentration des clients leur accorde plus ou moins de pouvoir ; des clients peu nombreux faisant face à des producteurs multiples ont de plus grandes possibilités de négociation (ex : la grande distribution). Le pouvoir des clients est d'autant plus grand que les produits sont standardisés où qu'il existe des produits de substitution facilement disponibles (coût de changement de fournisseur bas).

» Les fournisseurs La capacité des fournisseurs à imposer leurs conditions à un marché

(en termes de coût ou de qualité) impacte directement la marge de manœuvre et la profitabilité des entreprises engagées sur celui-ci. Cette capacité est généralement inversement proportionnelle à celles des clients. Un faible nombre de fournisseurs, une marque forte, des produits très différenciés sont autant de facteurs qui accroissent le coût de changement de fournisseur et donc le pouvoir de ceux-ci.

» Les produits de substitution Les produits de substitution ne font pas partie du marché mais

représentent une alternative à l'offre. Il peut s'agir de produits différents répondant à un même besoin (ex : téléchargement MP3 / compact-discs), soit de produits influant sur la demande (véhicules électriques / carburants fossiles).

» Les concurrents

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Les concurrents luttent au sein du secteur pour accroître ou simplement maintenir leur position. Il existe entre les firmes des rapports de forces plus ou moins intenses, en fonction du caractère stratégique du secteur, de l’attrait du marché, de ses perspectives de développement, de l’existence de « barrières à l’entrée et à la sortie », du nombre, de la taille et de la diversité des compétiteurs, de l’importance des frais fixes, de la possibilité de réaliser des économies d’échelle, du caractère banal ou périssable des produits.

» Les nouveaux entrants sur le marché La menace de nouveaux acteurs sur le marché est d'autant plus

importante que les barrières à l'entrée sont faibles. Celles-ci peuvent être de plusieurs natures :

technologiques (ex : brevet); juridiques (ex : taxes d'importation); économiques (ex : coût d'investissement initial

II-3- Les méthodes d'analyse d'activités individuelles

1- PIMS (Profit Impact of Market Strategy)

Profit Impact of Marketing Strategy C'est un gros projet démarré dans les années 70 développé à l'initiative de la General Electric avec la collaboration de la Harvard Business school. Il regroupe aujourd'hui 4000 activités différentes. Chaque entreprise participante fournit des informations sur son activité. Elle reçoit ensuite des rapports appelés « PAR » qui lui permettent de connaître l'état des entreprises qui sont sur le même secteur d'activité.

Dans l'approche PIMS, l'activité est définie comme une ligne de produits ou de services homogènes en terme de technologie utilisée et de marché servi (segment de marché potentiel). Chaque entreprise possédant plusieurs activités remplit un questionnaire par activité.

Depuis 1972, plus de 450 entreprises ont alimenté la base de données du PIMS qui porte sur environ 3000 domaines d’activité stratégique différents. Les entreprises adhérentes au Strategic Planning

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Institute (SPI) qui gère le PIMS appartiennent à de très nombreux secteurs et sont de taille et de nationalité variées.

Pour chaque domaine d’activité stratégique, les entreprises fournissent au PIMS un certaine nombre d’informations sur :

les conditions de marché du domaine d’activité stratégique : circuits de distribution, nombre de clients, taux de croissance.

la position concurrentielle : part de marché et qualité relative, prix et coûts relatifs, degré d’intégration verticale comparé aux concurrents, etc.

la mesure de la performance en termes de rentabilité et plus précisément de retour sur investissement (ROI).

L’unité d’analyse du PIMS est le domaine d’activité stratégique et non l’entreprise dans sa globalité.

Le PIMS fournit à ses adhérents des résultats confidentiels les situant dans leurs secteurs par rapport aux performances moyennes ainsi que des analyses de sensibilité indiquant les variations de performance qui devraient résulter d’un changement de stratégie.

Des très nombreuses analyses statistiques du PIMS, on peut retenir les résultats suivants :

Le taux de croissance réel du marché a un impact positif sur la rentabilité. Ainsi, comme le montre le graphique ci-dessous, la relation est particulièrement marquée aux extrêmes. Quand le taux de croissance est supérieur à 10%, la rentabilité est de 4%, supérieure à ce qui est observé quand le taux de croissance est inférieur à -5%. Ceci confirme l’intérêt qu’il y a à choisir des domaines d’activité stratégique où les taux de croissance sont forts.

Graphique 1   : La relation taux de croissance réel et rentabilité en %

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15 %1050-5

%

30

20

10

0

ROI

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Sur le long terme, le facteur le plus important affectant la performance d’un domaine d’activité stratégique est la qualité relative des produits ou des services.

Graphique 2   : Qualité relative et rentabilité

Les parts de marché et la rentabilité sont positivement et fortement corrélés.

Cette relation, souvent mise en avant comme résultat essentiel du PIMS, présentée dans le tableau suivant:

Graphique 3   : Relation part de marché et rentabilité

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Qualité relative

%

SupérieureInférieure80604020

ROI%

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15 %1050-5

60 %

ROI

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10

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%

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Il apparaît ainsi qu’à une part de marché croissante correspond une rentabilité grandissante de l’entreprise. Ce résultat est un évident plaidoyer pour les stratégies de conquête de parts de marché et pour les stratégies de développement qui permettent d’asseoir un leadership.Plusieurs facteurs permettent de comprendre ces résultats :

les économies d’échelle. les effets d’expérience. l’aversion des consommateurs pour le risque. le pouvoir de négociation.

L’intensité des investissements (Investissement/ chiffre d’affaires) réduit la rentabilité. Les activités qui ont un taux d’investissement élevé sont moins rentables que les activités peu capitalistiques (voir graphique ci-dessous). Cette relation suggère de choisir les secteurs où l’investissement requis est faible.

Graphique 4   : Lien entre l’intensité des investissements et rentabilité

Les sources de cette relation sont diverses :Les secteurs capitalistiques se caractérisent par des seuils de

rentabilité élevés, difficiles à atteindre surtout en période de crise. Il s’y livre des guerres commerciales meurtrières en termes de marge.

Le haut niveau des investissements réalisés constitue une barrière à la sortie qui prolonge dans le secteur la présence de firmes

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Investissements/ Ventes

0%

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10

0

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peu rentables. Le comportement des managers peut être à l’origine de ce

résultat dans la mesure où ces derniers n’intègrent pas dans la fixation des objectifs de profit, des niveaux de rentabilité plus élevés tenant compte d’une politique plus forte d’investissement.

En outre, les secteurs en phase de lancement requièrent en général de forts investissements et sont peu rentables, la rentabilité des investissements étant différé dans le temps.

La base de données du PIMS fournit de nombreux résultats qui éclairent les stratégies et les performances des entreprises. Il est possible de tirer des principaux résultats quelques grandes implications stratégiques. Ils convient cependant de les interpréter avec prudence dans la mesure où, d’une part, les résultats moyens cachent des situations fort différentes, et d’autres part, le PIMS est silencieux sur les processus de mise en œuvre des stratégies et sur leur dimension organisationnelle.

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Figure 8   : Le PIMS   : résultats et implications stratégique

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Choisir des DAS où l’intensitéDes investissements est réduite

Intensité des investissements

Rentabilité

Privilégier les positions de LeaderPart de marché

Rentabilité

Investir à long terme dans la Qualité des produits et servicesQualité relative

Rentabilité

Choisir des DAS ayant les plusForts taux de croissanceTaux de croissance du marché

Rentabilité

ImplicationsStratégiques

Résultats

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2- La courbe d'expérience

2-1 Description généraleLa théorie de l'apprentissage, appliquée à la firme signifie qu'avec

la répétition de tâches identiques, le personnel d'une entreprise devient de plus en plus expérimenté et permet à celle-ci de développer des gains de productivité.

Les observations faites dans l'aéronautique américaine dans les années 30 par l’officier Wright, ont montré qu'avec le temps et notamment en fonction de la production cumulée d'avions, le nombre d'heures de travail nécessaires pour chaque nouvelle unité produite décroissait régulièrement : à chaque doublement de la production cumulée correspondait une économie de temps de 20%. Dans les courbes d'expérience, la baisse des coûts unitaires de production n'est pas expliquée par le seul effet d'apprentissage direct, elle dépend aussi des économies d'échelles et de l'introduction de l'innovation.

2-2- Utilités et limitesDans les activités où le volume de production croît rapidement, la

courbe d'expérience est un outil d'analyse stratégique pertinent : il s’agit de descendre le plus vite possible le long de la courbe d’expérience pour avoir les coûts unitaires de production les plus bas possibles. Il est vrai que la diminution des coûts en raison de l’effet d’expérience constitue une barrière à l’entrée de nouveaux producteurs qui doivent, dans un premier temps, accepter des coûts plus élevés et donc une rentabilité moindre.

La barrière à l’entrée est aussi une barrière à la sortie. Ainsi, le principal inconvénient de la recherche de l'effet d’expérience par augmentation des quantités produites d’un bien donné est la rigidité, dont la lourdeur des investissements n’est qu’un des aspects. L’exemple historique de Ford dans les années 30 rappelle, si besoin était, que l’entreprise qui cherche la part de marché la plus importante tend à perdre sa capacité à s’adapter au marché et à la concurrence. La sagesse populaire enseigne qu’il ne faut pas mettre tous ses oeufs dans le même panier.Bouchra ELABBADI Docteur d’Etat Es Sciences de gestion Université Mohammed V Page 49

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3- Le cycle de vie

Selon la célèbre analogie biologique introduite par l’américain R. Vernon, les produits se comportent comme des êtres vivants et ont un cycle de vie en quatre phases : naissance, croissance, maturité et déclin. L’évolution des ventes et de la taille du marché d’un produit en fonction du temps présente l’allure suivante :

Phase I - produit naissant : marché monopolistique ou oligopolistique, problèmes de mise au point,

Phase II - produit en plein développement (adolescent) : apparition de nombreux concurrents nouveaux, besoins d’investissements massifs pour acquérir ou conserver une part de marché,

Phase III - produit ayant atteint l’âge mûr : peu de concurrents nouveaux, produit très rentable, demandant peu d’investissements,

Phase IV - produit vieillissant : marché en régression.Figure 9   : Courbe de vie des produits

Les analyses en termes de cycle de vie des produits ont d’abord été utilisées dans le cadre des services marketing, notamment pour la formulation et le suivi d’un marketing-mix intégrant le produit, le prix, la distribution et la publicité.

En effet, le concept de cycle de vie des produits est très précieux pour la gestion financière d’une entreprise : il faut accepter des pertes lors du lancement en raison des investissements nécessaires, le retour sur investissements devenant possible qu’avec la maturité du marché.

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Naturellement ceci est vrai sous réserve de compétitivité. Lors du lancement, seuls quelques producteurs sont présents sur le marché ; on peut donc avoir une politique de prix plus élevés qu’en phase de développement où de nombreux concurrents sont présents.

Le concept de cycle de vie d’un produit est également utilisé en analyse stratégique comme un critère de segmentation dans les analyses de portefeuille.

» Utilités et limites Le principal avantage du concept de cycle de vie des produits est

certainement didactique en ayant permis de diffuser largement et de façon relativement simple la notion de gestion dynamique des produits : emprunter lors du lancement pour rembourser en phase de maturité. Par la suite, ce concept a été utilisé pour gérer un portefeuille de produits puis comme on le fait pour un verger où l’on planterait des arbres jeunes pour remplacer les anciens arrivés à maturité.

De nombreuses difficultés demeurent quant à l’utilisation de ce concept :

1) tous les produits n’ont pas le même type de courbe de vie : certains semblent éternels, d’autres très éphémères. La capacité prédictive de cet outil dépend donc de l’habileté de l’analyste à identifier la bonne courbe,

2) l’identification des différentes phases n’est pas toujours facile, et leur durée est très variable. Par ailleurs, le suivi d’indicateurs considérés comme objectifs, tels que le taux de croissance de la demande, peut être perturbé par des évolutions importantes des techniques ou des comportements et des cycles économiques,

3) ainsi l’analogie biologique a ses limites puisque certains produits peuvent connaître une nouvelle jeunesse ou une adolescence accélérée en raison des changements techniques, économiques ou sociaux.

III- Les analyses de portefeuilles d'activités

La stratégie trouve la plupart du temps sa cohérence et sa raison d’être dans la mémoire défaillante des participants et dans les récits trop

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linéaires des chroniqueurs. Amalgame d’intuition et de calcul, fruit du hasard et de la volonté, la stratégie se manifeste dans la prestation du jugement affiné par l’expérience. Ce caractère très particulier de la stratégie la rend résistante aux schémas simplistes, à sa transformation en une discipline dont on pourrait aisément tirer des enseignements normatifs et des règles générales.

Ceci dit, et pour pouvoir toucher les vrais aspects du développement stratégique d’une organisation, il s’avère indispensable de traiter les principaux outils d’analyse stratégique qui se résume en les différents types de matrice. On portera donc intérêt aux différentes matrices utilisées dans cette perspective.

Le portefeuille de domaine de l’entreprise, est une présentation synthétique des résultats du diagnostic où l’on aura privilégié la « part de marché », en la confrontant à un facteur externe déterminé.

III- 1- Les matricesLes managers sélectionnent les DAS qu’il faut intégrer et ceux qu’il

faut conserver en fonction de 2 critères : l’attrait de (l’activité sa profitabilité et son potentiel de croissance) et sa compatibilité avec l’organisation dans son ensemble (Capacité de création de synergies entre DAS). Plusieurs outils offrent une aide pour la gestion du portefeuille d’activités, ces outils sont principalement les matrices suivantes : la matrice BCG, la matrice ADL et la matrice Mc Kinsey.

1- La matrice BCG   :

Il s’agit de la matrice la plus ancienne et la plus simple. Elle a été développée par le Boston Consulting Group (BCG).

L’un des objectifs essentiels de BCG est de permettre une allocation optimale des ressources dont dispose l’entreprise entre les différents segments pour acquérir une meilleure position concurrentielle globale.

La matrice BCG (Boston Consulting Group) se concentre sur deux séries de critères :

- L'attrait du marché : qui est mesuré par le taux de croissance du marché indiquant le taux d'augmentation des ventes globales sur le

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Taux de croissance du marché = marché en année (n) - marché en année (n-1)

marché en année (n-1)

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marché. Plus le potentiel de croissance d'un marché est élevé, plus l'entreprise a de chances de réaliser des économies d'échelle et de trouver sa place.

La position de l'entreprise sur le marché : est mesurée par sa part de marché relative pour chacune de ses activités par rapport au principal concurrent, la part de marché relative est le ratio entre les ventes de l'entreprise et les ventes du principal concurrent.

Grâce à la matrice, il est possible d'avoir une vue d'ensemble des produits et des activités de l'entreprise par rapport aux critères retenus.

Selon sa position dans la matrice, le produit peut appartenir à l'une des catégories suivantes auxquelles correspondent une ou plusieurs options stratégiques :

un produit étoile ou vedette (fort taux de croissance et part de marché élevée) est un produit prometteur pour l'entreprise. Un tel produit contribue à sa rentabilité et génère des bénéfices. L'entreprise doit donc se concentrer sur ce produit et le développer en y investissant afin de maintenir sa position de leader.

un produit dilemme (fort taux de croissance et part de marché faible) est souvent peu commercialement rentable et ne génère pas de bénéfices à moins que l'entreprise décide d'y investir pour maintenir voire accroître ses parts de marché (ils deviennent alors des vedettes potentielles). L'entreprise a donc le choix entre investir dans ce produit ou l'abandonner.

les vaches à lait sont des produits en phase de maturité qui génèrent des profits intéressants et des liquidités mais qui doivent être remplacés dans un avenir plus ou moins proche. Il faut donc les rentabiliser car ils permettent de financer d'autres activités (notamment les vedettes et les dilemmes).

les poids morts qui ne génèrent que de faibles bénéfices sur

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Part de marché relative = Part de marché de l'entreprise

Part de marché du leader

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un marché déclinant et très concurrentiel doivent souvent être abandonnés ou être maintenus sans investissement (lorsqu'ils peuvent encore contribuer à la couverture des frais fixes).

Figure 10   : La matrice BCG

Position concurrentielleTaux de croissance Forte Faible

Fort Vedette DilemmeFaible Vache à

laitPoids mort

Les différents segments stratégiques sont représentés sur cette matrice par des cercles (appelés « bulles ») dont le diamètre est proportionnel à leur part dans le chiffre d’affaire global des entreprises. Les stratégies marketing correspondantes à chaque activité sont comme suit:

Développer : c’est la stratégie à adopter pour qu’un produit dilemme devienne une vedette. Afin de positionner le produit à la tête de son segment, l’entreprise investit massivement dans l’amélioration de la qualité du produit, les campagnes publicitaires et les promotions

Maintenir : cette stratégie permet de protéger des vaches à lait et les produits vedettes bien implantés. Le leader du marché consolide simplement sa position et continue à fidéliser les consommateurs.

Moissonner : si l’avenir semble plus prometteur pour une vache à lait affaiblie, un produit poids mort ou même vedette, la meilleure stratégie est sans doute d’en tirer le maximum de profit avant de s’en défaire. Les dépenses marketing (notamment publicitaires), recherche et développement sont revus à la baisse. On réduit les coûts de production

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et les services consommateurs.Liquider : si le produit dilemme ou poids mort n’a aucun

avenir, mieux vaut le céder ou l’éliminer du portefeuille, car le cash-flow qu’il mobilise serait plus utile ailleurs.

» Avantages :

La matrice BCG est la plus opérationnelle , elle ne nécessite pas d'analyses sophistiquées et détaillées de chaque activité, cependant, elle a un caractère mécaniste et la mesure effectuée sur les deux variables (taux de croissance et parts de marchés)n'a qu'une valeur instantanée ce qui empêche toute vision dynamique. Le B.C.G. ne correspond pas à toutes les réactions mais il est valable si la stratégie coût-volume est possible, pour d'autres situations ce sera l'ADL ou MacKinsey qui seront utilisés, mais ils ont eux aussi des limites.

Généralement on associe à la matrice BCG les avantages suivant :- Elle est simple d'utilisation- Elle permet de visualiser clairement la position de l'entreprise sur

le marché- Elle constitue un outil d'aide à la décision, en fonction du

diagnostic propre de l'entreprise.» Inconvénients :

Certaines critiques de la méthode du portefeuille du BCG trouvent que l’analyse des ressources de l’entreprise ne doit pas se limiter aux parts et aux gains de part de marché, et qu’on occulte maints autres attraits et atouts de l’entreprise en insistant trop sur ces facteurs. Ils pensent, en outre, que la part de marché relative est un facteur pertinent surtout lorsque les économies d’échelle et l’effet d’expérience donne au plus gros producteur un avantage. Ce n’est pas toujours le cas. C’est pourquoi beaucoup de planificateurs se tournent aujourd’hui vers d’autres approches plurifactorielles pour évaluer les chances de réussite de l’entreprise. L’une des premières et des plus célèbres est la matrice d’opportunités d’investissement, également connue sous le nom d’écran GE. Ces inconvénients de cette matrice peuvent être regroupés comme suit :

Caractère mécaniste : seul le prix est un facteur concurrentiel. Bouchra ELABBADI Docteur d’Etat Es Sciences de gestion Université Mohammed V Page 55

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Qu’en est-il pour l’art ou la mode ? Que se passe-t-il si les clients sont sensibles à l’image de l’entreprise, aux services… ?

Positions parfois trop radicales.

2- La méthode ADL

Toutes les méthodes d’analyse de portefeuille partent de deux questions stratégiques que se pose l’entreprise une fois qu’elle a découpé ses activités en segments ou domaines d’activités stratégiques :

- quelle est ma position concurrentielle sur chacun de ces DAS?- quelle est la valeur (ou l’intérêt) présente et future de ces DAS ?Pour comprendre les réponses apportées à ces deux questions, il

est indispensable d’avoir assimilé les outils d’analyse précédents (cycle de vie des produits, effet d'expérience, segmentation)

Face aux deux questions stratégiques fondamentales, les consultants d’ADL apportent des réponses assez voisines de celles du BCG mais moins brutales, plus réalistes et surtout multicritères :

- la valeur du domaine est appréciée au travers de la notion de maturité de l'activité dont le taux de croissance du marché n’est qu’un des aspects. On retrouve ainsi les quatre phases (naissance, croissance, maturité et déclin) ;

- La détermination du taux de maturité d’un secteur se fait à partir de certains paramètres tels que ceux présentés dans le tableau ci-après repris dans « Prospective et planification stratégique » de M. Godet qui reprend la méthode proposée par le cabinet ADL pour déterminer la maturité du secteur.

Tableau 1   : Feuille de détermination de la maturité du secteur

Indicateurs Démarrage Croissance Maturité Vieillissement

1. Taux de croissance

Beaucoup plus rapide que le PNB

Plus rapide que le PNB

Egal ou inférieur au PNB

Croissance très faible ou nulle ou déclin

2. Potentiel de croissance

Essentiellement insatisfait/relativement inconnu

En partie insatisfait/relativement inconnu

Satisfait dans l’ensemble/ connu

Satisfait/bien connu

3. Gamme de produits

Etroite : peu de variétés

Large : prolifération

Large : rationalisation

Etroite (produit de base) ou large si le secteur éclate

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4. Nombre de concurrents

Pas de règle générale/souvent en augmentation

Maximum/en diminution

Stable ou en diminution

Minimum à moins de retour au stade artisanal

5. Distribution des parts de marché

Pas de règle générale/souvent très fragmentée

Concentration progressive Stable

Concentré ou au contraire très fragmenté

6. Stabilité des parts de marché

Instable Progressivement stable Assez stable Très stable

7. Stabilité de la clientèle Instable Progressivemen

t stable Stable Très stable

8. Facilité d’accès au secteur

Facile Plus difficile Très difficile Peu tentant

9. Technologie

Evolution rapideTechnologie assez mal connue

Changeante Connue/accès aisé Connu/accès aisé

- La position concurrentielle sur un domaine d'activité appréciée au travers d’une batterie de critères dont la part de marché relative n’est pas nécessairement la plus importante.

-La position concurrentielle reflète la force d’une entreprise par rapport à ses concurrents ; cette position est déterminée en deux étapes : 1ère étape : Identification des facteurs de succès dans le secteur et leur hiérarchisation.

Tableau 2   : Identification des facteurs de succès

Production Commercialisation

Financier Organisation

CapacitéFlexibilitéSavoir-faireAvance technologiqueProtectionNiveau d’intégrationCoûts de production

Qualité des produitsNiveau des prix force de venteEtendue du réseau distributeursImage de marquePart de marché

Structure financièreNiveau d’endettementConcours financiersRentabilité

Légèreté

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2ème étape : Classification de l’entreprise par rapport à ses concurrents

Tableau 3   : Classification des entreprises par rapport à ses concurrents

Position Caractéristiques1- Dominante Est capable de contrôler le comportement

de ses concurrents Dispose du plus vaste choix d’options stratégiques, indépendamment de ses concurrents

2-Forte Est capable de mener la politique de son choix sans mettre en danger sa position à long terme

3- Favorable Dispose d’atouts exploitables pour la conduite de certaines stratégies A de très bonnes chances de pouvoir maintenir sa position à long terme

4- Défavorable A des performances suffisamment satisfaisantes pour justifier une continuation de ses activités Subsiste généralement du fait de la tolérance (volontaire ou non) des concurrents plus importants A des chances moyennes ( ou inférieures à la moyenne) de pouvoir maintenir sa position à long terme

5- Marginale A des performances peu satisfaisantes actuellement, mais a des possibilités d’améliorer sa position Peut avoir les caractéristiques d’une position meilleure, mais présente une faiblesse majeure Peut survivre à court terme, mais doit améliorer sa position pour avoir une chance de

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survivre à long terme

Ce modèle retient 4 choix stratégiques possibles :

Le développement naturel : l’entreprise est en position dominante et poursuit son développement ;

Le développement sélectif : elle privilégie l’activité sur laquelle elle se trouve en position favorable ;

La reconversion : elle change d’activité en utilisant au maximum les synergies de compétences de son métier d’origine ;

L’abandon : elle doit changer de métier si elle veut survivre.Chaque segment stratégique est représenté par un cercle dont la

surface traduit l'importance du CA réalisé. Seul un portefeuille équilibré limite le risque global de l'entreprise : les activités en maturité ou en position dominante sur le marché doivent permettre le développement d'activités en démarrage et en position concurrentielle difficile. Par rapport au modèle du BCG, la lutte par les prix n'est qu'une des modalités possibles parmi celles que doit utiliser le stratège (qualité, distribution). Il est aussi plus dynamique : la position concurrentielle s'évalue en fonction des potentialités de l'entreprise et non en fonction de la structure à un instant donné de la concurrence.

 Inconvénient : il procure des renseignements moins simples et moins clairs, il fait référence au cycle de vie d'un métier : cette notion est difficile à appréhender dans la réalité où la définition des phases est incertaine.

Figure 11   : Matrice ADL

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Position concurrentielle de

l’unité

Dévelop-

Développement naturel

Croissance Maturité VieillissementDémarrage

Favorable

Forte

Dominante

Maturité du secteur

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La position concurrentielle est un indicateur composite qui agrége les forces et les faiblesses des différentes fonctions de l’entreprise :

production : capacité de production, flexibilité, compétences technologiques degré d’intégration, protection de l’environnement, etc.

commerciale ; par de marché, prix de vente, réseau de distribution, etc.

financière : structure, indépendance, rentabilité, etc. organisation : souplesse.En fonction des ressources et compétences détenues pour chacune

des fonctions, la position concurrentielle de l’entreprise sera estimée dominante, forte, favorable, défavorable ou marginale, il s’agit là d’une estimation purement qualitative : aucun critère chiffré ne définit précisément le passage d’une catégorie à l’autre.

La maturité du secteur est déterminée à partir d’une série de variables telles que le taux de croissance du secteur, la largeur de la gamme des produits, la fidélité de la clientèle, la nature de la distribution, la stabilité des parts de marché, moins le marché est risqué (technologie connue, clients fidèles, parts de marché établies, peu de risques de nouveaux entrants), moins son potentiel de développement est élevé.

Comme la matrice McKinsey, le modèle ADL fait donc appel à des évaluations subjectives. Cependant, comme la matrice BCG, les critères à évaluer sont fixés à l’avance et non choisis par l’utilisateur. Ce modèle est un bon instrument lorsqu’il s’agit d'évaluer la compétitivité d’une

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Dévelop-Favorable

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entreprise, avec toutefois des critères qualitatifs, tant pour la position concurrentielle que pour la maturité. La position d’une activité en termes de maturité est un critère plus riche que la part de marché relative du BCG, et bien plus exogène que les critères « à la carte » du modèle McKinsey.

De même, la notion de position concurrentielle, telle qu’elle est définie par ADL, agrège de multiples informations sur les forces et faiblesses de l’entreprise, ce qui permet d’utiliser le modèle tout aussi bien en cas de stratégie de coût qu’en cas de stratégies de différentiation ou de focalisation. Le modèle ADL affine le modèle BCG, sans aller jusqu’à l’extrême volatilité de la matrice McKinsey. Cependant sa principale faille réside dans la notion de maturité de l’activité et ses quatre phrases précisément délimitées. En effet, ce concept n’a pas la valeur d’universalité, et il est à manier avec précautions :

Une activité mature ou déclinante peut être relancée sur un même marché ou transposée à d’autres marchés à l’international.

Réciproquement, une activité nouvelle peut voir sa dynamique de croissance foudroyée par une innovation inattendue.

En outre, il est toujours impossible de prévoir combien de temps une activité va se maintenir dans une phase du cycle de maturité avant de passer à la phase suivante. D’ailleurs, cette évolution est généralement le résultat des stratégies déployés par les entreprises présentes sur le marché, d’où un problème d’autoréférence, également présent dans les autres modèles : la position des activités sur la matrice est sensée indiquer quelles stratégies il convient de suivre, mais ces positions sont-elles mêmes la conséquence des stratégies précédemment suivies.

» Les axes stratégiques d’ADL

Figure 12   : Les axes stratégiques d’ADL

AXES STRATEGIQUESPhase de

vieNature de la

stratégieObjet de

la stratégie

Ex de stratégie

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Démarrage Innover Produits Innovation technologique Achat de licences

Croissance Développer DistributionImage

Pénétration commerciale Développement de capacité Recherche de nouveaux marchés

Maturité Optimiser Coûts Intégration amont/aval Internationalisation de la gamme de la production

3- La matrice Mc Kinsey

Ce modèle situe les produits d'une entreprise sur une matrice à neuf cellules dont les deux dimensions - attrait du marché et position concurrentielle - sont constituées de critères composites :

l'attrait du marché par rapport aux différents produits de l'entreprise est mesuré par un indicateur composite fondé sur une liste de critères propres à chaque entreprise (par exemple : taille et taux de croissance du marché, fluctuations saisonnières, intensité de la concurrence, barrières tarifaires et non tarifaires, restrictions sur les importations, contrôle des prix, stabilité économique et politique, climat social, accessibilité du marché, bureaucratie, inflation, ...). Chacun de ces critères est évalué sur une échelle de notation (du type de l'échelle de Likert qui attribue une note de 1 à 5) et ensuite pondéré en fonction de son importance respective. L'indicateur global de l'attrait du marché pour chaque produit correspond à la somme pondérée des cotes de l'ensemble de ces critères :

la position concurrentielle de l'entreprise sur ce marché pour ses différents produits est également appréciée par un indicateur composite mesuré, par exemple, à partir de la part de marché de l'entreprise, l'importance de ses ressources financières, technologiques et humaines, le niveau et les garanties de qualité, l'originalité du produit, l'image et la réputation du produit, l'adaptation du produit aux besoins locaux, le niveau de service offert. Chacun de ces critères est évalué sur une échelle de notation (du type de l'échelle de Likert qui attribue une note de 1 à 5) et ensuite pondéré en fonction de son importance

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respective. L'indicateur global de la position concurrentielle de l'entreprise pour chaque produit correspond à la moyenne pondérée des cotes de l'ensemble de ces critères. Cette matrice permet de mettre en lumière l'adaptation des produits d'une entreprise à un marché donné et l'avantage qu'ils représentent par rapport à ce pays.

Sur la base des résultats obtenus pour ces deux critères composites, les produits de l'entreprise sont positionnés dans l'une des 9 cellules de la matrice auxquelles correspondent différentes options stratégiques et d'investissement. Les activités actuelles de l'entreprise sont représentées par des cercles de surface proportionnelle à leur chiffre d'affaires.

Figure 13   : Matrice Mc Kinsey

1 : Produits stratégiques dont l'attrait est important car l'entreprise occupe une position dominante dans un marché en expansion pour ces produits. L'entreprise doit concentrer ses efforts et investir (en capital humain, en adaptations du produit, en publicité, ...) dans ces produits pour favoriser la croissance et accroître encore ses compétences distinctives. 2 : Produits tactiques qui sont moyennement attrayants. Les parts de marché pour ces produits sont difficiles à maintenir dans un marché fort concurrencé où l'entreprise occupe néanmoins une bonne position. Pour ces produits, l'entreprise doit adopter une stratégie de statu quo. Elle doit

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surveiller leur évolution et maintenir les produits tant qu'ils sont rentables et qu'ils génèrent des liquidités.2' : Dans cette position, le choix stratégique est assez difficile car le marché pour ce produit semble très attractif mais l'entreprise ne dispose pas de la force concurrentielle nécessaire pour l'aborder - peut-être parce qu'elle n'a pas le bon produit. L'entreprise peut soit désinvestir si la croissance n'est pas durable ou renforcer sa position sur ces marchés en remédiant à ses faiblesses et en se spécialisant sur ses forces, si ses ressources financières le lui permettent.3 : Produits "perdants" qui sont les moins attractifs car la part de marché de l'entreprise sur ce marché en faible croissance est également faible. L'entreprise doit réduire les investissements et les coûts fixes et se concentrer sur la récolte des profits à court terme jusqu'à ce qu'elle abandonne certaines activités. Une exception à l'abandon peut se produire lorsque plusieurs de ces marchés génèrent en combinaison un volume suffisant pour l'activité export.

L'analyse Mc Kinsey est intéressante mais n'est généralement pas à la portée des PME. En effet, l'identification des facteurs significatifs pour chaque dimension composite, et ensuite leur pondération, n'est pas toujours chose aisée. Par ailleurs, cet outil exige la collecte d'un grand nombre d'informations. Les recherches pour estimer l'attrait du marché peuvent être relativement limitées. Par contre, l'évaluation des forces de l'entreprise sur chaque marché suppose des recherches plus approfondies. L'analyse ne pourra donc être entreprise que sur un nombre très limité de produits et de marchés.

IV- Autres outils d'analyse stratégiqueIV-1- L'analyse SWOT

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L'analyse SWOT est un outil d'audit de l'entreprise et de son environnement. C'est la première étape de la planification et elle aide l'entreprise à se concentrer sur les questions clés.

Une fois les questions clés identifiées, elles sont introduites dans des objectifs marketing. L'analyse SWOT peut être employée en parallèle avec d'autres outils d'audit et analyse (5 forces de Porter , PESTEL, …). C'est outil est très populaire parce qu'il est rapide et facile à utiliser. L'analyse SWOT31 se fait au moyen de la grille suivante :

Figure 14   : Matrice SWOT

Connaître les forces et les faiblesses des cinq ressources fondamentales de l’entreprise (humaines, financières, techniques, productives et commerciales) à tous les niveaux de l’arbre des compétences tel est l’objet du diagnostic interne.

Identifier les atouts et les handicaps ne suffit pas, il faut aussi apprécier l’importance de ceux-ci au travers des menaces et des opportunités qui proviennent de l’environnement stratégique, tel est l’objet du diagnostic externe.

L’approche classique a trop souvent conduit à séparer ces deux diagnostics interne et externe qui pourtant n’ont de sens que l’un par rapport à l’autre : ce sont les menaces et les opportunités qui donnent à telle ou telle faiblesse ou force leur importance.

31 SWOT est l'abréviation des Strengths (S – forces), Weaknesses (W – faiblesses), Opportunities (O – opportunités), Threats (T – menaces).

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1- Description générale 1-1- Le diagnostic interne : forces et faiblesses

Le diagnostic interne de l’entreprise s’impose avant même le diagnostic externe car pour s’interroger intelligemment sur les mutations de l’environnement stratégique, il faut d’abord bien connaître ses produits, ses marchés, son organisation, sa technique, ses hommes, son histoire. Bref c’est une véritable radiographie rétrospective de l’arbre des compétences des branches aux racines qui s’impose pour pouvoir délimiter l’environnement utile à étudier.

Classiquement, le diagnostic interne comprend un volet financier, un volet opérationnel et fonctionnel pour les ressources humaines et productives et un volet technologique, auxquels il faut rajouter un bilan transverse concernant la qualité.

Le diagnostic financier proprement dit est généralement conduit à l’aide de ratios qui permettent d’apprécier l’évolution de l’entreprise par rapport à elle-même et par rapport à ses principaux concurrents. On distingue classiquement les ratios de structures, d’activité ou de gestion et de résultat.

Le diagnostic opérationnel et fonctionnel de l’arbre porte non seulement sur les branches, les produits, les marchés mais aussi sur le tronc de l’organisation des ressources en une fonction de production. La banalisation des outils d’analyse stratégique contraste avec le fait que beaucoup d’entreprises n’ont qu’une connaissance très approximative de leur gamme de produits et des marchés correspondants, de l’évolution passée, de leur position concurrentielle, des coûts et des marges par segment stratégique, et finalement des perspectives de leur développement.

Le diagnostic qualité concerne la totalité de l’arbre. On peut définir la qualité comme la conformité d’un produit ou d’un service aux besoins du client au plus juste prix. Il ne s’agit pas de la recherche de la perfection, qui en demeurant serait aussi inutile que coûteuse, mais d’une qualité globale, outil de mobilisation autour d’objectifs précis visant à améliorer les performances et à certifier les processus et les produits. Le

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repérage des qualités inutiles ou invendables est aussi important que celui des non qualités.

Le diagnostic des racines de compétences porte notamment sur les ressources techniques, mais aussi sur l’ensemble des savoir-faire humains et organisationnels qui constituent ce que l’on appelle les métiers de l’entreprise.

Exemples de forces : expertise de spécialiste marketing produit ou service innovateur lieu des activités procédures de qualité tout autre aspect de business ajoutant de la valeur aux

produits ou services. Exemples de faiblesses : manque d'expertise marketing produits ou services indifférenciés (par rapport aux

concurrents) lieu des activités mauvaise qualité des marchandises ou services réputation endommagée

1-2- Le diagnostic externe : menaces et opportunités

L’importance des forces et des faiblesses dégagées par le diagnostic interne dépend de la nature des menaces et des opportunités issues de l’environnement stratégique et concurrentiel. C’est par rapport à cet environnement que l’entreprise doit positionner son portefeuille d’activités et replacer sa dynamique d’évolution.

Le monde n’est pas désincarné, l’entreprise doit être considérée comme un acteur d’un jeu auquel participent les partenaires de son environnement concurrentiel. Il s’agit, d’une part, des acteurs de l’environnement concurrentiel immédiat : concurrents sur le même marché, fournisseurs, clients, entrants potentiels, producteurs de substituts (pour reprendre la terminologie de Michael Porter (1982)) et d’autre part, des acteurs de l’environnement général, pouvoirs publics,

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banques, médias, syndicats, groupes de pression. L’entreprise doit se positionner vis-à-vis de chacun des acteurs de son environnement stratégique.

En particulier, l’entreprise doit positionner ses domaines d’activités stratégiques et se poser quatre questions fondamentales pour chacun de ces DAS:

- quel est son avenir ?- quelle est ma position concurrentielle ?- quels sont les facteurs clés de succès ?- quelles sont les compétences distinctives à ma disposition, ou que

je dois acquérir pour améliorer ma position ?L’avenir des DAS peut être apprécié au travers de la notion de

maturité du secteur dont le taux de croissance du marché n’est qu’un des aspects. On retrouve ainsi les quatre phases (naissance, croissance, maturité et déclin).

La position concurrentielle sur un DAS peut se mesurer au travers d’une batterie de critères dont la part de marché relative n’est pas nécessairement la plus importante. Il y a d’autres facteurs à prendre en compte : des facteurs d’approvisionnement, des facteurs de production de commercialisation et des facteurs financiers et technologiques.

Exemples d’opportunités : marché se développant tel que l'Internet fusions, joint-ventures ou alliances stratégiques entrée dans de nouveaux marchés offrant de meilleurs profits nouveau marché international marché délaissé par un concurrent inefficace Exemples de menaces : arrivée de nouveau concurrent sur votre marché guerres des prix avec la concurrence concurrent ayant un produit ou service innovant concurrents ont un meilleur accès aux canaux de distribution nouvelle taxation sur votre produit ou service

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Cependant, une analyse SWOT peut être très subjective. Il ne faut pas donc faire confiance uniquement à celle-ci. Deux personnes aboutissent rarement à une même analyse SWOT. Il est recommandé alors de l’utilisez comme guide et non comme prescription.

Simples règles à garder à l'esprit lors de l’analyse SWOT être réaliste au sujet des forces et des faiblesses de

l’entreprise l'analyse devrait distinguer où l’entreprise est aujourd'hui, et

où elle pourrait être à l'avenir être spécifique et éviter les zones ombragées analyser toujours par rapport à la concurrence (les concurrents

sont-ils meilleurs ou plus mauvais) garder la SWOT courte et simple. Éviter les analyses

complexes

2- Les stratégies possibles : front intérieur, front extérieur : même combat

Au-delà des choix de stratégie et de technologie, il apparaît de plus en plus clairement que le principal facteur de compétitivité et d’excellence est le facteur humain et organisationnel. Le bon cap ne suffit pas à la stratégie, il faut aussi un équipage préparé et motivé à la manoeuvre. Ainsi, pour une entreprise, le front extérieur et le front intérieur constituent un seul et même segment stratégique. La bataille ne peut être gagnée que sur les deux fronts à la fois ou sur aucun. En d’autres termes, face aux mutations de l’environnement stratégique, l’avenir d’une entreprise dépend en grande partie de ses forces et faiblesses internes. Le “management gap” est souvent plus important que le “strategic gap”.

La stratégie et les tactiques qui lui sont associées dépendent des résultats des diagnostics précédents. La portée de ces informations stratégiques est toute relative. L’utilité des forces et le handicap issu des faiblesses dépendent de la nature des menaces et des opportunités auxquelles l’entreprise est confrontée.

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Ainsi par exemple, face à une menace, l’entreprise adoptera une tactique de dégagement offensif ou défensif suivant qu’elle est en position de force ou de faiblesse. C’est en rapprochant ces informations stratégiques que l’entreprise pourra identifier les options stratégiques et définir les tactiques associées. Naturellement, la stratégie pertinente impose que ces choix d’actions concourent aux objectifs que l’entreprise s’est fixée dans le cadre de sa vocation et de son projet pour le futur.

Trois stratégies génériques sont identifiées par Michael Porter :- la domination par les coûts : par exemple en recherchant l’effet

d’expérience et une position de leader sur un marché au travers du volume de production ;

- la différenciation : qui peut porter sur l’image, le service après-vente ou l’avance technologique sur des marchés très oligopolistiques ;

- la concentration : sur certains segments stratégiques restreints présentant des caractéristiques spécifiques (clientèle de véhicules haut de gamme, régionalisation) et sur lesquels l’entreprise fera jouer les effets de volume ou de différenciation.

Cette classification est utile mais reste sommaire et statique. Elle ne doit donc pas être prise au pied de la lettre. L’idéal pour une entreprise étant de ne pas se battre seulement sur les territoires existants mais d’en créer de nouveaux grâce à l’innovation. Cette conquête du futur, par l’innovation, doit s’appuyer sur ses compétences distinctives. L’entreprise qui réussit à faire de ces dernières un facteur clé de succès, bénéficie de fortes barrières pour les nouveaux venus, car, tel un code génétique, ce cocktail de compétences est difficile à reproduire à l’identique.

3- Utilités et limites

Le choix des options stratégiques doit affronter plusieurs dilemmes qui imposent les arbitrages. Le souci de profitabilité à court terme ne doit pas se faire au détriment du développement et de la croissance à long terme. Il ne faut pas non plus confondre diversification des activités avec redéploiement stratégique de celles-ci. Ce dernier se fait en recherchant la synergie entre les compétences fondamentales de l’entreprise.

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La seule diversification produits- marché l’ignore généralement et entraîne trop souvent un gaspillage de ressources. Le découpage des activités d’une entreprise en segments stratégiques a été dans les années 70 et 80 systématisé à l’excès par les analystes financiers soucieux de séparer les activités rentables de celles qui l’étaient moins ou faisaient des pertes. Il en est résulté un dépeçage des grands groupes industriels en appartements revendus les uns séparés des autres. Ces politiques de restructuration et de downsizing se sont souvent faites sans tenir compte des synergies de compétences entre les différentes activités. Bref en coupant des branches on a aussi réduit le tronc et perdu des racines au détriment des capacités de redéploiement stratégique de l’entreprise à partir de ses compétences fondamentales comme le prônent Giget, Hamel et Prahalad.

Il ne suffit pas de déterminer la valeur des DAS et sa position concurrentielle sur chacun d’entre eux à un moment donné du présent. Il faut aussi se placer dans la perspective dynamique de l’évolution de ces DAS et de la position de l’entreprise en fonction des scénarios de l’environnement général et concurrentiel. Des ruptures techniques, politiques économiques et sociales peuvent se produire et modifier la carte du portefeuille d’activités. Il faut dans cette perspective d’avenir repérer quels seront demain les facteurs-clés de succès et se demander quels sont ceux qui correspondent le mieux aux compétences fondamentales de l’entreprise.

IV-2- La chaîne de valeur

Toute production de biens et de services (output) fait appel à des inputs qui font l’objet de transformations et de valorisations (techniques, commerciales). Il y a donc toute une chaîne de fonction de transformation qui va de la recherche et développement à l’après-vente en passant par la conception, la production et la distribution.

A cette chaîne de fonction est associée normalement une “chaîne de valeur” ajoutées. Michaël Porter (1982) a justement redonné à ce

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concept l’importance qu’il méritait. Il s’agit d’un outil qui permet de repérer les activités internes créatrices de valeur pour l’entreprise.

PORTER distingue les activités principales relatives à la création matérielle du produit (production, vente, transport, SAV…) et celles de soutien qui viennent à l’appui des activités principales (GRH, approvisionnements…). L’analyse de la chaîne permet de détecter les sources à partir de l’avantage concurrentiel que pourra être augmenté. La structure de la valeur ajoutée varie considérablement d’un secteur à l’autre. Pour l’automobile, par exemple, la maîtrise des coûts des pièces primaires (50 % du total) est un facteur clef de compétitivité, alors que dans l'horlogerie cet élément est secondaire par rapport au coût de la distribution des montres.

La notion de valeur ajoutée est cependant en partie illusoire, car tant que le produit n’est pas vendu, l’entreprise ne connaît du produit que des coûts ajoutés nécessaires à sa fabrication. Comme le remarque Michaël Porter : “la valeur est ce que les clients sont prêts à payer”. Il serait donc plus judicieux de parler de chaînes de coûts ajoutés et ensuite seulement de partage de la valeur ajoutée (différence de valeur entre le prix de vente et les coûts ajoutés) entre les fonctions de l’entreprise.

Figure 15   : La chaîne de valeur.

INFRASTRUCTURE DE L'ENTREPRISEQuelle est la structure qui favorise les activités principales ? Y a t-il une bonne circulation des informations entre le centre opérationnel et le sommet hiérarchique ?

MARGES

GESTION DES RESSOURCES HUMAINESMotivation du personnel, rémunération, recrutement, licenciement… Y a t-il adéquation entre les recrutés et le poste proposés ?

DEVELOPPEMENT DE LA TECHNOLOGIERecherche et développement, mise au point de nouvelle technologie, la firme détient-elle son innovation, son processus de fabrication, mobilise t-elle un savoir-faire, un brevet ?

APPROVISIONNEMENTLa firme dispose t-elle d’une cellule achat ou d’un acheteur interne ?

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LOGISTIQUE INTERNE

OPERATION LOGISTIQUE EXTERNE

MARKETING ET VENTE

SERVICES

Elle est constituée par les activités d’affectation, de réception et de stockage des moyens de productions

Fabrication en elle-même des produits. La firme assure t-elle la fabrication ou sous-traite t-elle cette dernière ?

Moyens à disposition de l'entreprise pour fournir ses produits finis à ses clients (réseau de chemin de fer, camions, entrepôts…)

Choix des lieux de ventes, gérer la publicité et les forces de vente, promotion, information avec relevé de prix, comment la firme commercialise son image ?

Par quels moyens la firme augmentent la valeur de son produits auprès de ses clients : dispose t-elle d’un SAV ?

La chaîne de valeur est un instrument qui permet de positionner l’ensemble des activités de la firme pour visualiser les efforts qu’elle devra accomplir afin de réduire ses coûts pour ainsi dégager un certain niveau de marge. On distingue les activités principales qui sont le cœur même de l’entreprise et qui sont directement impliquées dans la création d’une valeur pour le client et les activités de soutien qui permettent de pratiquer un effet de levier par rapport à la marge créer par les activités principales.

Elle décrit les différentes étapes qui déterminent la capacité d’une organisation à obtenir un avantage concurrentiel en proposant une offre valorisée par ses clients. Elle est utilisée pour évaluer la valeur ajoutée par chacune des étapes du processus de production afin d’identifier celles qui peuvent faire l’objet d’une économie de coût ou d’une augmentation de valeur. L’avantage concurrentiel repose sur la capacité à optimiser chacune des étapes de création de valeur et harmoniser leur enchaînement. L’entreprise doit évaluer au moyen de la chaîne de valeur

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en question, les activités créatrices de valeurs propres, de manière à déterminer sa contribution aux besoins de la clientèle.

IV- 3- L'horloge de Bowman

Figure 16   : Horloge de Bowman 32

1- La stratégie de prix ( Trajectoire 2)   :

La trajectoire 2 sur l’horloge, la stratégie de prix, consiste à proposer une offre dont la valeur perçue est comparable à celle des offres concurrentes, mais à un prix inférieur.

Dans l’idéal, la stratégie de prix consiste à conserver des tarifs toujours inférieurs à ceux de la concurrence en s’appuyant sur une efficience inimitable. Cette « domination par les coûts » permet de sortir vainqueur d’une éventuelle guerre des prix. Si une telle domination est très difficile à établir, il existe plusieurs approches permettant d’obtenir un avantage concurrentiel grâce à une stratégie de prix.

On peut tenter de conquérir une part de marché supérieure à celle des concurrents, afin de jouer sur les avantages de coûts dégagés

32 “Competitive corporation strategy". C. Bowman et D. Faulkner. Irwin. 1996

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Prix ElevéeFaible

6

8

7

Sophistication avec surprix

5

Epuration1

Sophistication sans surprix 4

Hybride3

Prix2

Valeurperçue

Faible

Elevée

OffreDes

concurrents

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par les économies d’échelle, le pouvoir de négociation et l’effet d’expérience. On parle alors de « stratégie de volume ».

Porter définit le concurrent qui pratique la domination par les coûts comme « producteur dont les coûts sont les plus faible….un producteur à bas coûts doit trouver et exploiter toutes les sources d’avantage de coût ». Les avantages de coûts sont donc obtenus grâce à des compétences organisationnelles spécifiques qui permettent d’améliorer l’efficience tout au long de la chaîne de valeur. Dans ce cas là, la stratégie de prix évolue vers une stratégie « d’épuration ».

Une organisation peut également réduire ses coûts en se concentrant sur les aspects de sa chaîne de valeur qui sont effectivement valorisés par les clients et en sous-traitant toutes les fonctions qui peuvent être assurées de manière plus efficiente par les spécialistes externes.

L’avantage de coût peut également être atteint par la manière dont un produit est fabriqué. Cependant même si ces divers éléments constituent des avantages potentiels, toute stratégie uniquement fondée sur des coûts est exposée au risque de voir les concurrents pratiquer des économies similaires.

Une stratégie de prix permet d’obtenir un avantage concurrentiel lorsque la sensibilité des clients aux prix est importante et l’entreprise possède un avantage coût inimitable par ses concurrents.

2- Les stratégies de différenciation (Trajectoires1, 4 et 5)  

La seconde option consiste à jouer non pas sur des prix, mais sur un différentiel perçu par les clients. On parle alors de « stratégie de différenciation ». Comme le montre le schéma précédent, il existe deux grands types de différenciation, selon que l’on décide de réduire (trajectoire1) ou d’accroître (trajectoire 4) la valeur perçue par rapport aux offres concurrentes. Dans le premier cas, la diminution de valeur permet de réduire les coûts (le produit ou service étant plus simple, il est moins coûteux à produire), mais impose une baisse de prix afin que l’offre reste attractive pour le client. Dans le second cas, en revanche, le surcroît

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de valeur entraîne généralement des coûts supplémentaires, qui doivent être compensés par une augmentation des prix ou par des volumes plus importants.

Cependant, pour que l’une ou l’autre de ces différenciations soit profitable à l’entreprise, il est nécessaire soit de réduire par le coût le prix , soit d’augmenter plus le prix que le coût . Le profit dégagé est ainsi supérieur à celui des concurrents. La trajectoire 1 peut sembler peu attirante, mais certaines organisations connaissent pourtant un grand succès grâce à elle. Il s’agit de la « différenciation vers le bas » ou « stratégie d’épuration », qui consiste à proposer pour un prix réduit une offre dont la valeur perçue est inférieure à celle des concurrents. Cette stratégie s’adresse en priorité aux clients dont le principal critère d’achat est le prix. Aussi, elle n’est viable que lorsqu’il existe suffisamment de clients qui , même s’ils reconnaissent que la qualité du produit ou du service est limitée- voire médiocre- ne peuvent pas ou ne souhaitent pas s’orienter vers une offre de plus grande valeur. A l’inverse, la différenciation vers le haut – ou « stratégie de sophistication » consiste à proposer un produit ou service dont les caractéristiques sont jugées supérieures à celles des offres concurrentes et valorisées comme telles par la clientèle.

En utilisant ce surcroît de valeur, on peut soit –trajectoire 4- augmenter la part de marché (et ainsi réduire les coûts en jouant sur un éventuel effet d’expérience) , soit –trajectoire 5- accroître les marges en pratiquant des prix supérieurs. Dans les deux cas, le profit est supérieur à celui obtenu par les concurrents.

3- La stratégie hybride (trajectoire3)  

Elle consiste à proposer simultanément un surcroît de valeur et une réduction de prix par rapport aux offres concurrentes.

La stratégie hybride peut s’avérer préférable dans les situations suivantes :

Lorsqu’on peut produire et écouler des volumes très supérieurs à ceux de la concurrence, les marges peuvent rester élevées

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grâce à l’effet d’expérience. Lorsqu’il est possible d’identifier clairement les compétences

fondamentales sur lesquelles la différenciation est établie, on peut réduire fortement les coûts des autres fonctions.

Lorsqu’il existe un segment de marché qui présente des besoins spécifiques mais qui privilégie des prix bas.

Lorsqu’il est nécessaire de pénétrer sur un marché où des concurrents sont déjà établis.

Il est important de souligner que du fait de la pression concurrentielle et du progrès technologique, toute stratégie tend à évoluer dans le sens de la stratégie hybride, c’est à dire vers un accroissement de la valeur pour une réduction du prix. La stratégie hybride, comme toutes les autres, doit donc être en perpétuelle amélioration, faute de se voir rejointe puis dépassée par la concurrence.

4- Les stratégies vouées à l’échec (trajectoires 6,7 et 8)  

Les stratégies des trajectoires 6, 7 et 8 mènent généralement à l’échec. La trajectoire 6 consiste à augmenter le prix sans accroître la valeur perçue par les clients. Il s’agit d’une stratégie que des organisations en situation de monopole peuvent tenter de suivre.

Cependant, à moins que ces organisations ne soient protégées par la législation ou par des barrières à l’entrée infranchissable, la concurrence finira toujours par éroder leurs privilèges.

La trajectoire 7 est encore plus désastreuse, puisqu’elle implique une réduction de la valeur du produit ou du service, accompagnée d’une augmentation de prix. Même une entreprise farouchement protégée par la force publique et jouissant d’une situation de monopole sur une offre indispensable à la population (santé, énergie….) ne peut durablement subsister avec un tel positionnement, en tout cas dans une démocratie.

La trajectoire 8, qui correspond à une réduction de valeur pour un prix comparable à celui de la concurrence, est également dangereuse, bien qu’elle puisse sembler séduisante pour certaines organisations. Les

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concurrents risquent d’en profiter pour accroître substantiellement leur part de marché.

5- Les stratégies de focalisation   :

L’horloge stratégique de Bowman est un modèle qui présente les différentes stratégies génériques en fonction de l’écart qu’il est possible de créer entre la valeur et le prix. Bien entendu, il ne s’agit pas de nier que la structure des coûts d’une organisation est cruciale pour sa pérennité, mais l’efficience est ici considérée comme un moyen permettant de développer des stratégies génériques, et non comme une source d’avantage concurrentiel en soi.

Pour autant, l’horloge de Bowman ne résume pas l’ensemble des stratégies possibles. En effet dans toutes les trajectoires vues, l’objectif de l’organisation consiste bien à concurrencer l’offre de référence, et à attirer -en cas de succès- l’ensemble de la clientèle en lui proposant une combinaison de valeur et de prix qui correspondent mieux à ses attentes, éventuellement au niveau mondial. Or, il existe une option beaucoup moins ambitieuse mais tout aussi envisageable, « la stratégie de focalisation » ou « stratégie de niche » qui consiste à refuser la confrontation directe, pour se limiter à un segment de marché très spécifique, sur lequel on peut espérer être protégé des assauts de la concurrence. Il s’agit alors de proposer une offre très fortement différenciée qui ne peut attirer qu’une frange de clientèle.

La focalisation peut tout d’abord consister en un prolongement extrême de sophistication (trajectoire5) et d’épuration (trajectoire 1). On peut ainsi se focaliser sur une clientèle particulièrement aisée, en lui proposant un écart de valeur et de prix considérable par rapport à l’offre de référence , ou au contraire s’adresser aux moins fortunés, qui n’ont pas des moyens suffisants pour acquérir les produits de la concurrence.

Cet impact qu’à la stratégie sur la création de la valeur dans l’entreprise à donner lieu à la naissance de nouvelles approches de la décision stratégique (objet de la quatrième section) qui tiennent compte de cet impact dans tout le processus de la formulation de la stratégie.

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Section 4: Vers une nouvelle approche de la décision stratégique: remise en cause de l'impact en terme de création de valeur

Dans leur ouvrage "Les principes de l'excellence" les auteurs T. Peters et R. Waterman soutiennent que la réussite des entreprises compétitives s'explique par l'excellence des décisions prises, surtout les décisions stratégiques. Car, une décision excellente est une décision qui débouche sur les principes d'un management où la qualité joue un rôle essentiel.

La gestion des entreprises est une affaire difficile et complexe, c'est pourquoi les entreprises peuvent être en difficulté et rencontrent souvent des échecs.

Au début des années 70, le management à l'américaine se développait en Europe, mettant en place la planification, la division du travail et la rigidité. Cependant, la crise ne fut pas résolue par ces pratiques.

Pourquoi certaines entreprises dans ce contexte ont réussi à maintenir une bonne performance ? Qu'ont-elles en commun?

Les deux auteurs ont regroupé des caractéristiques particulières à ces entreprises définissant ainsi les entreprises de l'excellence. Mais, les réponses simplistes pour résoudre des problèmes de performance ont suscité des polémiques dans le milieu des conseillers en gestion.

Leur ouvrage privilégiait neuf aspects d'un management efficace, résultats d'une étude empirique. L'échantillon au départ était de 62 entreprises américaines innovatrices et exemplaires aux yeux des acteurs de la vie économique. La sélection s'est effectuée selon le critère de performance économique (trois mesures de croissance et trois mesures de rentabilité de l'exploitation). Pour être qualifiée d'exceptionnelle, une entreprise devait être classée au-dessus de la moyenne pour quatre au moins de ces critères. Finalement, 14 entreprises ont été retenues pour les interviews.

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Le secret de ces entreprises se présente dans :- gérer l'ambiguïté et le paradoxe- la parti -pris de l'action: c'est une prédisposition à l'évolution. La

flexibilité et la communication informelles sont nécessaires. Tout doit être fractionné pour faciliter la fluidité de l'organisation, une question complexe sera morcelée en une série de questions simples. L'expérimentation doit être encouragée sans avoir de l'échec.

- à l'écoute du client: le service au client est une priorité sur les coûts et la technologie. L'entreprise doit être capable de répondre très vite aux réclamations et avoir un feed-back des consommateurs pour être à l'affût de leurs besoins. Le client est un associé des entreprises efficaces.

- autonomie et esprit novateur d'entreprise: Il faut accepter le désordre et la concurrence interne pour favoriser la décentralisation et l'autonomie des petites équipes d'innovations indépendantes seront adaptées à cette logique. La parole de chaque salarié et importante et l'échec doit être toléré. L'entreprise repère les champions en son sein et les soutient.

- la productivité par la motivation du personnel: Les salariés doivent être considérés comme adultes, des associés. Les groupes sont de petite dimension afin que chacun participe.

- la loi des valeurs partagées (mobilisation autour d'une valeur clé): En général, elle est de nature qualitative. La persévérance est ici capitale.

- s'en tenir à ce que l'on sait faire: Une entreprise pour se diversifier, doit s'en tenir à une compétence unique. Les entreprises exemplaires ont surtout recours à la diversification engendrée de l'intérieur, par petites étapes et l'acquisition de petites entreprises.

- une structure simple et légère: La décentralisation et la mobilité du personnel sont essentielles. Des réorganisations régulières permettront de faire face aux changements de l'environnement.

- souplesse dans la rigueur: Ce dernier principe est la synthèse des autres. Une ligne directrice centrale ferme et une autonomie individuelle maximale coexistent. La confiance doit être une valeur forte. Ce principe de rigueur et de souplesse relève de la culture organisationnelle.

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Bien que l'ouvrage soit critiqué par plusieurs gestionnaires qui insisté sur le fait que le concept "excellence" n'est ni défini par ses auteurs ni à fortiori quantifiable ce qui place à toutes les fantaisies, on remarque que dans ces énoncés la part prise de pragmatisme cher aux deux auteurs qui ont recherché dans le management des entreprises qu'ils étudiaient des règles de bon sens plutôt que des principes abstraits. Comme dans l'oeuvre d'art ou, pour prendre une autre analogie, la cuisine de haut de gamme, tout est dans le savoir faire du chef d'entreprise et de ses collaborateurs beaucoup plus encore que dans la qualité des ingrédients. On voit donc, que l'excellence rejoint le concept de qualité totale définie comme la qualité de l'entreprise dans toutes ses dimensions.

La décision stratégique, de son importance et de sa complexité, s'appuie sur le concept de qualité totale qui préconise l'importance de la culture organisationnelle et le sens de l'appartenance à une grande famille. L'expérience mentionnée par Peters et Waterman montre l'attention portée au personnel a plus d'impacts sur le rendement que les conditions de travail proprement dites.

Selon le modèle du cabinet international McKinsey: Toute approche sensée de l'organisation doit inclure et traiter de manière interdépendante au moins sept variables: la structure, le personnel, le style de management, les systèmes et les procédures, la culture et les forces actuelles et souhaitées de l'entreprise. L'ensemble de ces variables forme le modèle McKinsey des sept clés de l'organisation

Ce fut là, les prémices d'une nouvelle approche à notre sens de la décision stratégique où le risque stratégique doit être pris en compte (¨§1) et la dualité entre décision et action stratégique doit être reconsidérée. Plutôt que de poser la question " comment les dirigeants prennent-ils les décisions stratégiques? Il faut poser la question suivante" comment se forment les décisions et l'action stratégique dans les interactions qui se déroulent dans une situation décisionnelle? La réponse nous conduit ainsi, à réfléchir sur une nouvelle approche stratégique (§2).

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§1: La prise en compte du risque stratégique33

Au-delà des turbulences et des incertitudes dans lesquelles doivent mouvoir les entreprises, le choix d'une stratégie est une décision à très haut niveau de risque stratégique- nous allons revenir à cet aspect dans la section réservée à l'évaluation du potentiel de création de valeur et du niveau de risque des scénarios- puisqu'elle engage l'avenir de la firme à long terme, voire sa survie. La stratégie est alors partagé entre la prise de plusieurs risques successifs qui pourraient fragiliser l'entreprise et un refus de tout risque, attitude frileuse qui peut entraîner une chute de rentabilité et un vieillissement stratégique de celle-ci. Le pari stratégique est de prendre une décision moins risquée tout en essayant de déstabiliser les concurrents. Le risque stratégique pourrait nuire à la rentabilité de l'entreprise et donc à sa valeur? La question est d'ordre stratégique, puisqu'elle conditionne les choix d’investissement. Dans son article "risque stratégique et rentabilité" paru dans la revue française de gestion (Juin- Juillet - Août 1997), Denis Lacoste propose un modèle explicatif basé sur la théorie de Bowman qui nous permettrait de mieux évaluer en fonction des secteurs, les primes de risque.

Dans la firme, les actionnaires, les dirigeants, les prêteurs, les fournisseurs, les clients sont concernés par le risque.

De nombreux praticiens, consultants et chercheurs considèrent la performance des projets de développement indépendamment du risque (Has et Gavin 1982), (Aakar et Jacobson 1987). D'autres prennent en compte cette variable dans le domaine de la stratégie. Les travaux de Bowman34 (1980, 82 , 84 ,85) sur le lien entre le risque et la rentabilité, conditionne les choix d'investissement industriels voire orienter les politiques économiques. Mais, au niveau de la modélisation, les travaux sont limités. Précisons que les recherches sur les marchés financiers se sont intéressées depuis longtemps aux problèmes de risque. Le MEDAF ou le CAPM par exemple, suppose une relation linéaire positive entre le risque systématique lié à une action et sa rémunération dans l'hypothèse d'un 33 RUFFATJ, " La gestion des risques en stratégie." Papier de recherche, 1987, extrait d'une conférence sur les risques stratégiques à lyin, 198834 Op.cit

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marché efficient (Sharpe et Linter 1964,1965). Cette théorie largement vérifiée a été remise en cause par (Fama et French 1992).

Force, est de constater que le risque n'est pas considéré de la même façon : c'est en effet le risque global attaché à la performance économique qui est pris en compte et pas seulement le risque systématique, et ceci par les raisons suivantes :

- les managers ne sont pas agents des actionnaires seulement, ils doivent satisfaire d'autres parties prenantes qui n'ont aucun moyen de diversifier le risque35 (c'est aussi une hypothèse de notre recherche qu’à travers elle, tous les partenaires de la firme cherchent après la valeur sans supporte le risque puisque les managers supportent cette charge en prenant des décisions porteuses de valeur);

- la stratégie doit s'intéresser à des entreprises à contrôle familial dont les actionnaires ne peuvent pas facilement éliminer le risque spécifique par la diversification;

- les managers, par crainte d'affecter le cours de leurs carrières, entreprennent des actions visant à minimiser le risque global au détriment des intérêts des actionnaires.

Il est clair qu'une performance globale stable sera le signe d'une bonne gestion pour les partenaires financiers de la firme.36

La deuxième différence entre la discipline stratégique et la finance concerne le type de performance dont on évalue le risque. Ainsi, les financiers prennent en compte la performance des titres, alors que les stratégies considèrent la performance évaluée au niveau comptable. Les indicateurs les plus souvent adoptés sont rentabilité des capitaux, rentabilité des actifs et rentabilité des investissements. Cette différence s'explique par les contraintes des dirigeants de l'entreprise que selon Rousselelt 1996 doivent satisfaire les partenaires financiers où le bénéfice en évolution est signe positif de l'état financière de l'entreprise, et la

35 Elabbadi.B, " Les environnements- problèmes de la participation financière des salariés au Maroc." Thèse de doctorat de troisième de cycle Juillet 1995, Faculté de Rabat-Agdal36 Bromiley.P , " Corporate capital investment : A behavioral approach" , New york, Cambridge University Press 1986

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rentabilité en évolution régulière est un élément qui facilite la mise en oeuvre des plans stratégiques37.

Les travaux de Bowman ont montré que les firmes qui ont les plus faibles niveaux de profits sont aussi le plus souvent celles qui connaissent la plus forte variation de ces profits et qu'une relation entre le risque et la rentabilité est positive mais non significative. Les explications de ces travaux trouvent leur origine dans des hypothèses managériales et psychologiques:

- Les bons managers sont ceux qui placent l'entreprise dans une situation de maximisation de rentabilité et de minimisation de risque;

- Les entreprises en difficulté encourent plus de risque pour améliorer leur rentabilité : ce sont des entreprises qui ont un niveau de performance inférieur à leurs objectifs. De ce fait, la relation entre le risque et la rentabilité est négative alors qu'elle est positive pour les entreprises qui ont une aversion pour le risque. Il faut noter que les recherches récentes sur la relation entre le risque et la rentabilité ont abouti à des résultats contradictoires; ce qui a amené certains chercheurs à s’interroger sur l'influence d'autres variables sur le caractère contingent de la relation. Ces variables sont: le niveau de performance, la taille de l'entreprise, le type de diversification, l'industrie d'appartenance ou encore la période observée. Il en découle une remise en cause globale de la décision stratégique et du processus décisionnel.38

Tableau   4 : Synthèse de travaux sur la rentabilité et le risque   : Impact sur les profit des principales variables

affectant le niveau de risque dans un secteur.

ActionIncidence la plus fréquente sur le niveau de risque

Incidence la plus fréquente sur le niveau de rentabilité des capitaux

Amélioration de la position concurrentielle

Négative Positive

Augmentation de la flexibilité de l'outil de production

Négative Positive

Diversification reliée Négative Positive

37 Amit.R et Wernerfelt.B, "Why do firms reduce business risk?”, Academy of management journal, n°33, p 154-166, 1988.38 Pour plus de détail sur la question, voir l'article de Denis Lacoste, " risque stratégique et rentabilité", Revue française de gestion juin -juillet-août 1997 pp 9-11

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Externalisation (diminution de l'intégration et augmentation de la sous-traitance)

Négative sur les risques liés aux charges internes et positive sur ceux liés aux charges externes

En U. dépend du type de secteur et de la part de marché

Diminution du niveau de l'endettement

Négative Dépend de la rentabilité et des taux d'intérêt

Source : l’article de Denis Lacoste sur le risque te la rentabilité, revue française de gestion juin-juillet-août 1997

Deux critiques fondamentales empreignaient les recherches antérieures :

- la variation des performances dans le temps ne reflétait qu'imparfaitement le risque;

- la mesure de la variation par la variance biaiserait les relations obtenues, le risque est un concept multidimensionnel ne pouvant être mesuré par un seul indicateur, c'est une critique qui n'est pas fondée puisque l'intégration par exemple peut modifier le niveau de risque.

Des auteurs ont considéré que certaines politiques fonctionnelles sont consécutives de risque, comme le niveau d'intégration, la politique d'endettement et l'innovation.

§ 2- Vers une nouvelle approche de la décision stratégique

Aujourd'hui, la problématique de la décision et de l'action stratégique s'organise autour de deux courants ou paradigmes principaux : la décision est résultante d'un processus de formulation, considère que les choix décisionnels se forment à partir d’objectifs, de problèmes, et d'information qui permettent de résoudre le problème. Ce modèle dit rationnel. On parle ici du paradigme de la formation de la décision «Decision making ».

Dans la perspective où la décision stratégique ne constitue d'une des modalités de l'action, on considère que la décision ne dépend que de manière partielle de ces processus de prise de décision. On parle plutôt de l'action que de la décision qu'il faut converger vers des états ou des comportements plus ou moins décidés. Il s'agit là du paradigme de la formation de la stratégie « Strategy making »

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Par conséquent, une dualité fondamentale fait apparition entre connaissance et action. En effet, le processus de prise de décision est un vecteur de production de connaissances et l'action organisationnelle dans laquelle se forment les comportements stratégiques. L'approche sociocognitive ou psychologie sociale cognitive réponse à cette dualité se centre sur l'analyse de l'interaction comme processus de construction sociale de la réalité. Elle s'appuie sur un concept central celui de la représentation sociale; la question de la recherche est par conséquent: Comment se forment la décision et l'action stratégiques dans les interactions qui se déroulent dans une situation décisionnelle? L'approche sociocognitive permet de développer une modélisation créative pour traiter la question de la formation de la décision et plus spécifiquement la question du lien entre cognition et action aux plans individuels et collectifs. Aussi, une représentation sociale est composée de système de valeurs, d'idées et de pratiques dont la fonction est double: D'une part, établir un ordre qui permettra aux individus de s’orienter et de maîtriser leur environnement matériel, pour faciliter ensuite la communication entre les membres de la communauté en leur procurant un code pour désigner et classifier les différents aspects de leur monde et de leur histoire individuelle et de groupe."39. C'est en effet, dans ce travail d'élaboration sociocognitive que se produisent les connaissances communes, partagées et des représentations individuelles qui permettent d'accéder à une véritable compréhension de la situation, des positions qui y sont exprimées et des conséquences qu'elles entraînent. C'est une situation décisionnelle qui se définit en référence à une réunion à l'accomplissement d'une nation collective et à un résultat, c'est à dire à un problème qui peut être de nature décisionnelle, à traiter par un groupe dans le cadre d’activités décisionnelles : l'ensemble est marqué socialement par un contexte interne et externe. Nous pourrons avancer à ce niveau, la dynamique de l'apprentissage organisationnel 40 et sa

39 (S. Moscovici, introduction à la psychologie sociale, Larousse tome2, 1973, p13)40 Au delà de ses apports à l'étude des processus de formation de la décision et de l'action stratégique, l'approche sociocognitive peut être utile pour approfondir l'économie des contrats et celle des conv entions ainsi que la théorie de l'apprentissage organisationnel.

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contribution dans le management de la décision stratégique porteuse de rentabilité pour la firme.

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Conclusion de la première partie

Après avoir défini dans une première partie l'ossature de la problématique du raisonnement stratégico-financier dans l'entreprise, de l'approche par la valeur et des comportements financiers de l'entreprise en mettant en exergue l'essentiel de la théorie de la firme.

La structure de la deuxième partie repose sur la structure suivante :Le premier chapitre fait une recension des principaux modèles

d'évaluation des titres, cette recension se veut une synthèse et une analyse critique des modèles d'évaluation permettant au lecteur de mieux comprendre les différentes implications des différents modèles sur l'évaluation des actions ordinaires et sur l'évaluation des performances de l'entreprise. Ce chapitre fait aussi une revue des recherches empiriques antérieures et de leurs résultats concernant le lien Stratégie -Finance et la création de la valeur.

Le deuxième chapitre met en exergue l'une des implications la plus controversée à notre avis, à savoir le comportement de la firme sous l'éclairage des nouvelles approches du lien Stratégie - Finance.

Le troisième chapitre abordera les champs d'interdépendance entre les composantes de notre problématique.

Enfin, le quatrième chapitre fera le point sur quelques manifestations de notre problématique et études empiriques dans des pays, comme le Japon, les Etats-Unis, le Canada, certains pays d’Europe.

Section 3   : Schémas de Gouvernance à l’international

Durant la dernière décennie du XXème siècle, plusieurs pays41 ont adopté différents systèmes de gouvernement qui traduisent les différences culturelles ainsi que les variétés des systèmes législatifs et institutionnels. Moerland (1995) classe les systèmes de gouvernement d’entreprise en système orienté marché (§1) et en système orienté réseau 41 Revue française de gestion, Abdelwahab Omri, Systèmes de gouvernance et performance des entreprises tunisiennes

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(§2). Chareaux (1997) a dégagé les principales caractéristiques des deux systèmes en fonction de la distinction entre le rôle préventif et curatif. Entre les deux systèmes, il existe un système intermédiaire (§3).

§1 : Le système orienté marché :Dans ce système, le pouvoir des actionnaires est fortement

institutionnalisé. En effet, l’entreprise est considérée comme étant une combinaison d’administrateurs exécutifs qui opèrent dans l’intérêt des actionnaires, ou comme étant un instrument en vue de créer de la richesse pour les actionnaires (Weimer et Pape, 1999). A cet effet, le cadre législatif, particulièrement américain et anglais, offre une importante protection aux actionnaires. Aux Etats Unies, cette protection a été formulée, à titre d’exemple, par : the securities exchange act (1934), the securities investirs act (1970), the insider trading sanctions act (1984) et the private securities litigation act (1995), un cadre législatif comparable se trouve au Royaume Uni avec The compagnie securities act (créé en 1985 et révisé en 1989) ; the city code on takeovers and Mergers et The financial services act (1986).

Le système de gouvernement orienté marché est caractérisé, également, par un conseil d’administration moniste où les fonctions de direction et de contrôle ne sont pas séparées. Cependant, il existe des administrateurs exécutifs et non exécutifs ; ces derniers sont censés exercer leurs devoirs de loyauté, de protection et de bon jugement des affaires, leur principale responsabilité et celle des actionnaires (Lorsch et Maciver, 1989). Les administrateurs exécutifs et non exécutifs sont désignés et révoqués par l’assemblée générale des actionnaires. Le marché boursier joue un rôle important dans ce système de gouvernement. Reste que la caractéristique la plus appropriée à ce système est le caractère actif du marché de contrôle. Particulièrement, pour les Etats Unis et le Royaume Uni, les opérations de prise de contrôle sont considérés comme étant une fonction centrale du marché boursier ; Prowse (1995) rapporte que le volume annuel moyen des opérations de prise de contrôle rapporté à la capitalisation boursière sur la période 1985-

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1989 est égal à 41,1% aux Etats unies et de 18,7% au Royaume uni, comparé à 2,3% et 3,1%, respectivement pour Allemagne et le japon.

Le contrôle du dirigeant est assuré par un marché de prise de contrôle actif, un marché des cadres dirigeants concurrentiel et un rôle actif des investisseurs institutionnels. L’insuffisance de la performance est toujours sanctionnée par la vente des actions, les pressions des achats de l’extérieur et par les prises de contrôle en amicales.

En termes de structure de propriété, le système orienté marché est caractérisé par une propriété dispersée. L’OCDE (1997), estime qu’aux Etats unies et au Royaume Uni, les cinq plus grands actionnaires détiennent en moyenne de 20% à 25% du total des actions. La dispersion de la propriété explique, en partie, l’existence d’un marché de contrôle actif. Le dynamisme du marché de contrôle constitue une véritable menace pour les dirigeants inefficaces. En fait, il permet le transfert du contrôle des dirigeants non performants à une équipe managériale qui sera désignée par l’acquéreur en cas de réussite de l’offre publique d’achat (OPA). En effet, selon Weimer et Pape (1999) lorsque la structure de propriété est dispersée, les mécanismes à la disposition des actionnaires pour contrôler d’une manière directe le dirigeant sont faibles.

De même, la rémunération est liée à la performance et les plans de stock-options constituent la forme la plus courante de rémunération.

Finalement, le système de gouvernement orienté marché est caractérisé par des relations économiques à court terme. Porter (1992) et Prodham (1993) ont remarqué que les dirigeants dans les pays anglo-saxons sont « myopes », ils focalisent leur attention sur l’augmentation des résultats des prochains trimestres, tout en négligeant les investissements dont les résultats ne sont pas immédiats à l’exemple des investissements en recherches et développement ou en formation. Cet avis est, cependant, contesté par Shleifer et Vishny (1997).

§2 : Le système orienté réseau Si le gouvernement d’entreprise aux Etats unis et en grande

Bretagne est caractérisé par « faibles propriétaires – forts dirigeants »,

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celui de l’Allemagne et du Japon est sous forme « forts propriétaires en blocs – faibles actionnaires majoritaires ».

Le système allemand   : Dans ce système, l’entreprise n’est pas considérée comme étant un

moyen pour créer de la valeur aux actionnaires. Elle est plutôt considérée comme étant une entité économique autonome, constituée par une coalition de diverses parties prenantes, à l’exemple des actionnaires, des dirigeants, des employés, des fournisseurs de biens et services, des créanciers et des clients qui veillent à la continuité de l’entreprise (Moerland, 1995). Contrairement au système orienté marché, l’approche allemande de gouvernance est caractérisée par une structure de direction dualiste. En effet, cette dernière comprend le directoire et le conseil de surveillance ; ces deux entités fournissent une séparation entre les fonctions de direction et de contrôle. Les membres du directoire sont désignés et limogés par le conseil de surveillance.

Les partenaires les plus importants sont les employés et les actionnaires qui sont très bien représentés dans le conseil de surveillance. En effet, toute entreprise allemande dont le nombre des employés est supérieur à 2000 est obligée de réserver la moitié des sièges du conseil de surveillance aux représentants des employés. Les syndicats sont habillés, par le droit, à la vérification du respect de ces règles (Schneider Lenné, 1994).

Les grandes banques allemandes sont d’influents partenaires. A part leur rôle de financement, leur influence s’exerce par deux moyens :

- la détention d’un bloc de contrôle. Contrairement au contexte américain, il y a peu de restrictions légales à ce que les banques allemandes aient des participations directes dans des entreprises non financières ;

- elles jouissent d’une représentation au sein des conseils de surveillance. Les présidents des conseils de surveillance sont parfois des représentants des banques.

Le marché boursier joue un rôle moins important dans les économies orientées réseaux. Egalement, un marché de contrôle actif est

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généralement inexistant. En Allemagne, l’influence exercée sur le processus de prise de décision managérial n’est pas « la main invisible » du marché boursier mais plutôt via « la main visible » du dialogue entre les membres du conseil de surveillance sur la table de négociation, selon l’expression de Weimer et Pape (1999).

La structure de propriété est relativement concentrée. Cette situation explique, en partie, l’état du marché de contrôle. Plus cette structure est concentrée, plus il existe de mécanismes utilisés par les actionnaires afin d’imposer leurs stratégies aux dirigeants, moins l’option du dernier recours (l’OPA hostile) est utilisée.

Le recours à une rémunération en fonction de la performance est limité, bien qu’il soit de plus en plus important. Finalement et selon Gelauff et Den Broeder (1996) l’importance de la propriété des entreprises non financières et des banques ainsi que l’influence des employés ont renforcé l’existence de relations stables à long terme.

Le système japonais   : La dimension culturelle est très prépondérante au Japon. L’un des

traits culturels qui a eu le plus d’impact est le sens de la « famille » et l’importance d’arriver toujours à un consensus. En plus, peu d’intérêt est accordé aux litiges « ICMG, 1995). Le système de gouvernance japonais a, cependant, certains traits propres au contexte anglo-saxon. Cela est dû essentiellement à l’occupation américaine durant les années 1945 à 1952 (Harrisson, 1997). La perspective institutionnelle de l’entreprise est l’un des traits caractéristiques du contexte japonais. Ce fait trouve son expression dans les liens interentreprises assez perceptibles en ce qui s’appelle Keiretsu.

L’organisation du conseil d’administration est également une question complexe. Ce dernier est composé d’un conseil d’administrateurs représentatifs, ainsi qu’un office d’auditeurs qui ont chacun une responsabilité bien spécifique. Cependant, les entreprises japonaises ont créé une sous structure informelle du conseil d’administration qui a conduit à un conseil composé de membres internes et externes. Ce qui ressemble approximativement au système moniste américain et anglais

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(Aoki, 1984; Corbett, 1994). De façon comparable au contexte allemand, les employés ainsi que les actionnaires sont d’importants partenaires de l’entreprise. A cet égard Aoki (1984) présente une métaphore assez significative : la firme est une coalition du corps des employés et du corps des actionnaires, intégrés et séparés par les dirigeants qui agissent de manière à trouver un équilibre entre les intérêts des deux parties. Le concept d’emploi est également un trait caractéristique de l’économie japonaise.

Selon le code commercial japonais, les actionnaires sont d’importants partenaires. Cependant, pour des motifs culturels, leur rôle est tout à fait différent de celui des autres systèmes de gouvernement (ICMG, 1995). Comme dans le cas des entreprises allemandes, les grandes banques sont des partenaires influents, ils ont des relations très étroites

avec leurs clients (Harisson, 1997) et constituent le noyau du réseau des firmes constituves du Keiretsu. Cette influence est due à trois raisons essentielles :

Le niveau d’endettement des entreprises japonaises est très élevé par rapport aux standards internationaux (Corbett, 1994) ;

Les banques sont également des actionnaires dans les entreprises constituves du Keiretsu. Cette propriété est, cependant limitée lorsqu’elle est considérée au niveau de chaque firme ;

L’existence des personnels de la banque dans les firmes du Keiretsu comme organe de direction et de contrôle. Ils occupent les positions d’administrateurs indépendants et de dirigeant (Corbett, 1994).

Le marché boursier joue un rôle important dans l’économie japonaise. Cependant, il n’existe pas de marché de contrôle. En effet, l’arrivée du consensus est une valeur culturelle et les opérations de prise de contrôle hostiles sont considérées comme une injure (Moerland, 1995a). La propriété est plus dispersée qu’en Allemagne mais non comparable à celle des Etats unis. Ceci est dû au fait que la propriété entre entreprises est relativement moins importante (Weimer et Pape, 1999). La relation entre rémunération et performance n’est pas significative au Japon (Abowd et Bognanno, 1995). Finalement, une

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relation à long terme est propre au contexte japonais où le sens de la famille et la recherche de consensus ne font que remplacer les liens entre le groupe des partenaires et la firme.

§3 : Le système intermédiaire Les caractéristiques de ce système découlent des combinaisons des

aspects des deux systèmes déjà cités. Le concept de l’entreprise dans les pays représentant ce système se trouve entre le point de vue instrumental (système orienté marché) et le point de vue institutionnel (système orienté réseau). La France, pays appartenant à ce système, donne le choix entre l’adoption d’une structure de direction moniste ou dualiste. Cependant, la majorité des entreprises cotées, soit 98% ont choisi un système moniste42. La loi française ne fait pas de distinction explicite entre administrateurs exécutifs et non exécutifs.

Cependant, selon Weimer et Pape (1999), deux tiers des membres du conseil peuvent être classés comme étant des non exécutifs. Ils ne sont pas, cependant, indépendants dans la mesure où ils sont, dans la plupart des cas, les représentants des principaux actionnaires.

Le pouvoir dont dispose le président directeur général est un trait caractéristique de ce système de gouvernance. Il s’agit de la prédilection pour une concentration des pouvoirs (ICMG, 1995). Dans ce système, l’actionnaire minoritaire est susceptible de jouer un rôle important (les administrateurs peuvent être destitués par des actionnaires minoritaires). En Tunisie, les actionnaires minoritaires possédant au minimum 15% du capital peuvent changer la décision prise par le dirigeant lorsqu’elle est de nature à porter atteinte à leurs intérêts (code des sociétés commerciales, 2000).

L’influence exercée par les employés est également moins institutionnalisée que celle observée en Allemagne.

Selon de Jong (1989) et Moerland (1995), la structure de propriété dans le cadre français est caractérisée par un important actionnariat des holdings, de l’état ainsi que de la propriété familiale. Les banques sont également d’importants actionnaires des entreprises françaises et 42 ICMG, 1995

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espagnoles contrairement au cas italien et belge. Selon Franks et Mayer (1990), le gouvernement français a exercé une influence perceptible qui s’est manifestée par son aptitude à retarder et à gérer le déroulement des opérations de prise de contrôle jugées aller contre l’intérêt national.

Le marché boursier joue un rôle économique moins important comparé à celui joué dans le système orienté marché. De même, il n’existe pas un marché de contrôle actif.

La structure de propriété explique le faible volume de transactions sur le marché de contrôle :

La concentration de propriété est relativement élevée en France, en Italie et en Espagne. En Tunisie, elle l’est encore plus. Le pourcentage des actions détenues par les 5 premiers actionnaires est de 48% en France, 87% en Italie (OCDE, 1997) et 88% en Tunisie ;

En Italie, la majorité des 200 premières sociétés sont contrôlées par des familles (Zingales, 1994).

La rémunération liée à la performance n’est pas pratique courante. Cependant, selon abowd et Bognanno (1995), la France fait l’exception. Des relations à caractère durable sont avantagées dans ce contexte.

La recherche en finance semble aujourd’hui admettre qu’il faille étudier les entreprises dans leur diversité qu’ignorer leur hétérogénéité peut limiter le pouvoir explicatif des théories développées. Certains auteurs vont même pour développer une théorie Financière pour les petites et moyennes entreprises familiales non cotées.

Des études empiriques assez récemment publiées aussi bien en France ( Bardos 1990) qu’aux Etat-unis ( Weinberg 1994), démontrent qu’il existe des différences sensibles entre les comportements financiers des PME et ceux des grandes entreprises notamment, en matière d’endettement et de distribution de dividendes. Utiliser le critère de la taille pour différencier les entreprises, nous oriente à nouveau vers une démarche théorique normative, cherchant plus à dicter à l’entreprise ses comportements qu’appréhender les facteurs intervenant dans la prise de décision ? Ne serait –il pas souhaitable de privilégier une approche plus

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qualitative du monde des entreprises ?qu’est-il des entreprises marocaines ?

Chapitre2 : Dualité, management par la valeur et cartographie des comportementsRésumé   :

Ce chapitre traite les implications managériales sur l’interface Stratégie-Finance, et ses effets sur la relation entre l’actionnaire et le dirigeant et les comportements stratégiques-financiers qui en découlent.

Mots clés   : théorie d’enracinement, gouvernance d’entreprise, management par la valeur

Plan du Chapitre

Section 1 : Les implications de la théorie managériale et problématiques de la l'enracinement des dirigeants : Cadre général

Section 2 : Implications managériales de création de valeur et problématique de la gouvernance des entreprises

Section 3 : Management par la Valeur : une perspective organisationnelle stratégique et tactique dans la valorisation du schéma de création de valeur de l’entreprise.

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Section 4: Du Renouveau des approches du lien stratégie -finance vers la mise en place d’une cartographie des comportements des entreprises dans un schéma de création de valeur

Le conflit est un phénomène plus ancien que l’entreprise elle-même. La condition nécessaire pour son essence est l’existence d’un gâteau à partager entre les individus. Dans l’entreprise, Jensen et Meckling (1976) admettaient qu’il existe une relation de conflit entre les propriétaires et les managers d’une part, et les conflits entre les actionnaires et les créanciers d’autre part.

Au niveau de la première section, nous nous limiterons à la relation liant le dirigeant et l’actionnaire, placée au centre de la relation d’agence, définie comme étant «Un contrat dans lequel une ou plusieurs personnes (le principale) a recours au service d’une autre personne (l’agent) pour accomplir en son nom une tâche quelconque». Autrement dit, il s’agit d’une relation de mandat – investisseur et un mandataire-gestionnaire dont l’objet est la gestion par ce dernier de l’épargne du premier et le but est de faire fructifier ou créer de la richesse à partir de cette épargne. Cette relation se traduit donc, par la séparation entre le pouvoir de prise de décision détenu désormais par le dirigeant et le pouvoir de contrôle du bien fondé de ces décisions entre les mains de l’actionnaire. Cependant, cette séparation n’est pas sans poser des problèmes dans la mesure où le gestionnaire à qui le propriétaire a délégué son pouvoir d’initiation, de préparation, voire de décision, n’a pas forcément les mêmes objectifs que ce dernier à savoir la maximisation de la valeur. Elle peut même s’accompagner d’un opportunisme des dirigeants.

Il est donc, tout à fait légitime que cette délégation de décision s’accompagne par la mise en place de moyens d’incitation permettant d’aligner les intérêts ou encore de mécanisme plus coercitifs de contrôle. C’est le rôle assigné à la gouvernance.

La deuxième section aborde le concept de gouvernance, traduction de corporate governance, «Est constitué du réseau de relations liant plusieurs parties dans le cadre de la détermination de la stratégie et de la Bouchra ELABBADI Docteur d’Etat Es Sciences de gestion Université Mohammed V Page 97

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performance de l’entreprise»43. Autrement dit, le système de gouvernance d’entreprise permet de mieux appréhender les mécanismes de création et de partage de la valeur, en relation avec l’ensemble des parties prenantes qui concourent au fonctionnement de l’entreprise. Ces mécanismes, concernent particulièrement ceux qui gouvernent la conduite des dirigeants et délimitent leur latitude discrétionnaire, et ceux par lesquels les apporteurs de capitaux (essentiellement les actionnaires) garantissent la rentabilité de leurs investissements. C’est ce qui sera traité au niveau de la troisième section.

Section 1   : Les implications de la théorie managériale et problématiques de l'enracinement des dirigeants   : Cadre général

Au niveau de cette section, nous essayerons de montrer comment la gouvernance d’entreprise influence le processus de création de la valeur économique (§1). Pour ce faire, nous allons procéder successivement à l’analyse de:

- L’impact des aspirations opportunistes des dirigeants sur la création de la valeur;

- Les différents moyens de contrôle et d’incitation pour discipliner les managers et s’assurer qu’ils agiront dans l’intérêt des actionnaires.

Les conflits d’intérêts entre actionnaires et dirigeants, placés au centre de la théorie d’agence, conduisent chacun de ses protagonistes à défendre ses propres intérêts. Cependant, la plupart des études sur la relation d’agence ont été consacrées à l’étude des mécanismes d’incitation et de contrôle mis en place par les actionnaires (objet du deuxième paragraphe). En effet, une attention particulière a été portée, tant dans la littérature que dans l’évolution de la législation, aux aspects concernant la structure de l’actionnariat, la forme et l’exercice des droits de vote, la composition et le rôle de conseils d’administration et le marché des prises de contrôle. Peu d’études, par contre, se sont intéressées à l’analyse de la place des dirigeants au sein du processus de création de la

43 J.Caby et G.Hirigoyen : « la création de valeur dans l’entreprise » Economica, p41.

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valeur à travers leur enracinement pour une meilleure connaissance de leur attitude vis à vis du risque, leurs compétences et l’information dont ils disposent; objet de ce premier paragraphe, qui traitera la problématique de l’enracinement des dirigeants et la richesse des actionnaires.

§1 : Enracinement des dirigeants et richesse des actionnaires

I- Place du dirigeant au sein du processus de la création de la valeur

I-1- Définition de l’enracinement

Il est intéressant de rappeler, tout d’abord, quelles sont les principales sources de conflit entre les dirigeants et les actionnaires:

- L’aversion au risque: Quand l’on regarde du côté de l’actionnaire, nous observons qu’il est enclin à sélectionner les investissements les plus risqués, et ce d’autant plus que son patrimoine est diversifié. En effet, « la diversification de leurs portefeuilles permette aux détenteurs de titres de réduire leur risque global car les écarts de rendement des actifs sont parfaitement corrélés44. Le manager quant à lui, est enclin à choisir les investissements les moins risqués même s’ils ne seront pas les plus rentables du point de vue de la création de la valeur. En effet, l’essentiel du capital du dirigeant est le marché du travail qu’il investi totalement dans l’entreprise. La faillite de cette dernière entraîne la perte de ces droits contractuels. Il faut ajouter à cela l’horizon limité des dirigeants quant à leur présence dans l‘entreprise. D’ou une aversion à l’égard de la prise de risque.

- L’asymétrie informationnelle: On parle d’asymétrie informationnelle, dés que les agents détiennent des informations que les actionnaires n’ont pas les moyens d’en disposer en raison de la difficulté d’accès au système d’information interne. Ainsi, le manager dispose d’informations privilégiées lui permettant de convaincre plus facilement les actionnaires du caractère efficace des décisions prises; cette asymétrie informationnelle est ressentie avec plus d’acuité lorsque l’entreprise est complexe et difficilement compréhensible par les actionnaires non –

44 Y Morieux : « le dirigeant, l’actionnaire, l’organisation : quelle logique d’action ? » Revue française de gestion ; 1992

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spécialistes. Il sera alors, difficile à ces derniers de remettre en cause les choix effectués par les gestionnaires et les experts. Dans cette situation, le risque d’une attitude opportuniste du manager est très probable.

Ces deux sources de conflit conduisent à des fonctions d’utilité divergentes des actionnaires et des dirigeants. Les dirigeants, en tant qu’agents des actionnaires, détiennent le pouvoir de gestion et de décision et peuvent ne pas être motivés par des considérations liées à la maximisation de richesse des actionnaires. Cependant, ils sont soumis à des contraintes imposées par la structure du système dans lequel ils opèrent (conseil d’administration, marché financier …). Quoi donc, de plus normal, que de mettre en place des stratégies d’enracinement pour échapper justement au contrôle imposé par les actionnaires. Pour une plante, s‘enraciner consiste à:

- prendre racine afin de survivre et garantir son alimentation -et se fixer profondément pour résister aux agressions extérieures.Par analogie, pour le dirigeant, s’enraciner consiste à conserver sa

position de manière à ne pas être aisément révoqué de ses fonctions.L’enracinement du dirigeant est donc, le processus qui consiste à se

rendre indispensable pour s’émanciper de la tutelle des actionnaires, se libérer des mécanismes internes de contrôle ( conseil d’administration essentiellement ) voire, de s’octroyer et de renforcer ses avantages personnels sous forme de rémunération en liquides ou d’autres avantages en nature .

D’après une étude réalisée par B. Pige45 sur 269 entreprises cotées exerçant dans le secteur industriel, le niveau d’enracinement dépend principalement de deux facteurs:

- La performance passée: Un dirigeant, ayant enregistré une bonne performance par le passé, gagne la confiance des actionnaires qui se traduit par un relâchement au niveau du contrôle et donc une plus grande latitude dans les prises de décisions.

- La durée dans l’exercice de sa fonction au sein de l’entreprise: Un manager, ayant occupé ce poste durant plusieurs années, a eu le temps 45 B .PIGIE ; « Enracinement des dirigeants et richesse des actionnaires »; Finance – contrôle – stratégie ; volume .N ° 3, septembre 1998

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de tisser des relations informels tant au niveau interne qu’externe à l’entreprise. Cet état de fait consolide assurément sa position et son pouvoir de négociation face aux actionnaires. Ceci est particulièrement vrai, lorsque le dirigeant exerçait au sein de l’entreprise avant d’être nommé P.D.G dans la mesure où il jouirait d’une plus grande légitimité interne, d’autant plus où il connaît parfaitement tous les rouages nécessaires au fonctionnement de l’entreprise.

A présent, il faudrait se demander sur les différentes stratégies que les dirigeants mettent en œuvre, pour renforcer leur position au sein de l’entreprise.

I-2- Processus d’enracinement des dirigeants

1- Stratégies d’Enracinement.

Plusieurs mécanismes sont mis en œuvre par le dirigeant pour se libérer du contrôle des actionnaires et accroître leur pouvoir discrétionnaire.

- En développant un portefeuille relationnel important, le dirigeant, en fait bénéficier l’entreprise par l’obtention de commandes au niveau commercial, de contrat avantageux avec les fournisseurs ou encore de conditions de financement des bailleurs de fonds .Par ce réseau relationnel, le dirigeant devient incontournable dans l’entreprise; ce qui lui laisse une grande marge de manœuvre pour gérer l’entreprise en fonction de ses propres intérêts et non ceux des actionnaires dont l’objectif premier est la création de la valeur .

- Un dirigeant aura tendance à développer des activités dans lesquelles il excelle, ou à réaliser des investissements spécifiques à leurs compétences et prendra des paris industriels, afin de rendre son remplacement difficile, demander des rémunérations élevées et surtout avoir une latitude pour déterminer les orientations à long terme de l’entreprise. Ces orientations pourront ne pas correspondre l’objectif de création de la richesse. En effet, très souvent les dirigeants vont favoriser une politique de croissance (augmentation de la taille de l’entreprise, diversification …) au détriment de la création de la valeur. Ceci s’explique

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par le fait que leur rémunération est indexée aux critères de croissance (chiffres d’affaires réalisé, part de marché …). Afin d’accroître leur enracinement, les dirigeant seront tentés d’augmenter leur part du capital et ainsi échapper à tout contrôle. Des études sur la performance de l’entreprise ont montré paradoxalement que, plus la participation des dirigeants est importante et plus ils existe une divergence entre les intérêts des dirigeants et ceux des actionnaires. Cet état de fait, trouve son explication dans deux raisons:

- Les avantages tirés de leur enracinement sont plus importants que ceux tirés de la convergence d’intérêts avec les actionnaires.

- Les dirigeants ne veulent plus prendre de risques au fur et à mesure qu’ils accumulent des actions de l’entreprise.

Face à l’opportunisme du dirigeant, les actionnaires doivent mettre des mesures disciplinaires afin de pousser les dirigeants dans le sens de la maximisation de la valeur.

2- Système de récompense financière.

La relation d’agence est définie, comme étant un contrat dans lequel un investisseur recrute une autre personne, le dirigeant, pour gérer l’entreprise à sa place. Ceci implique nécessairement une délégation de l’autorité de décision au dirigeant. Parallèlement, le dirigeant doit gérer l’entreprise de telle manière à fructifier les capitaux investis par l’actionnaire. Autrement dit, le dirigeant doit prendre des décisions, définir des stratégies et mettre en œuvre des politiques de développement. Bref gérer l’entreprise dans le but de créer de la valeur.

Cependant, il existe de fortes probabilités pour que l’agent n’agisse pas toujours dans l’intérêt du principal à cause de leurs fonctions d’utilité soient-elles divergentes.

Devant cette situation, l’actionnaire veille à ce que les intérêts se convergent et ce, par la mise en place de moyens d’incitation, qui seront essentiellement d’ordre financier. Or, pour constituer un moyen de motivation, la rémunération doit amener le dirigeant à raisonner constamment en terme de maximisation de la valeur. Il semble alors judicieux, de rendre leur rémunération fonction de l’accroissement de la

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valeur de l’entreprise et afin que, leur objectif premier serait de gérer pour la performance économique de l’entreprise, puisque leur rémunération y est corrélée.

Ainsi, se pose la question de savoir si, les formules de rémunérations actuelles répondent au souci de la gouvernance de l’entreprise (alignement du comportement du dirigeant) pour éviter toute déviation de sa part?

Pour répondre à cette question, nous allons nous référer aux publications de la presse économique et des revues pour constater que la rémunération des dirigeants est souvent fonction de critères de taille tels que le chiffre d’affaire, la part du marché, nombre de salariés, nombre de filiales; le rapprochement à « un salaire minimum garanti » est tout à fait justifié plutôt qu’une rémunération incitative à la création d’entreprise.

Dans le même ordre d’idées, N .P Narayman (1995) distingue deux sortes de rémunération: les rémunérations liquides et les rémunérations différées.

- Les rémunérations liquides, telles que les salaires ou les bonus .Ces rémunérations ne peuvent répondre à l’objectif de maximisation de la valeur pour les raisons suivantes:

il s’agit principalement d’un salaire fixe dénudé de tout aspect incitatif;

la part variable résiduelle et elle est fonction d’objectifs d’allocation budgétaire ou de réalisation de résultats comptables souvent biaisés par des considérations fiscales et juridiques et donc, non pertinentes du point de vue de la création de la valeur ;

cette part variable est généralement encadrée à la baisse comme à la hausse.

- Les rémunérations dites différées tels que, les stocks – options, actions : Souvent, cette forme de rémunération est donnée plutôt que méritée et à la limite n’a aucune valeur pour le dirigeant, et donc aucun impact sur sa manière de gérer l ‘entreprise en référence à des critères de création de la valeur. En effet, elles ne lui ont rien coûté et donc, il n’est

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pas incité à créer de la valeur ; de plus, il s’agit d’une rémunération différée et donc son pouvoir d’incitation est faible.

Comment alors pallier aux lacunes de ces formes de rémunération ?L’objectif est d’encourager les dirigeants à gérer à l’entreprise dans

le sens des intérêts des actionnaires. Pour ce faire, il faudrait penser à une nouvelle logique de fixation de rémunération pour qu’elles soient en parfaite cohérence avec la performance de l’entreprise. Autrement dit, il s‘agit de mettre en place une sorte de participation, ou d’intéressement à la création de la richesse. Cela suppose, que les rémunérations deviendront essentiellement variables sur la base, de critères non comptable, et en fonction d’indicateurs de la valeur telle que l’EVA. Pour garantir son efficacité, et déboucher sur la maximisation de la valeur, ce système de rémunération doit, d’après F. Bogliolo46, présenter les trois caractéristiques suivantes:

- Objectivité: le système de rémunération doit respecter les spécificités de chaque entreprise ;- Substance: les rémunérations doivent être suffisamment élevées pour compenser le risque accru; - justice: la rémunération de chaque dirigeant est liée à la performance économique sous sa responsabilité ; Par ailleurs, plusieurs formules de rémunération ont été proposées

par des auteurs et même par des responsables de ressources humaines d’entreprise. Mais ce qu’il faut retenir, c’est que chaque entreprise est un cas particulier et la quête de la valeur doit passer pour le dirigeant, par une mentalité de propriétaire et non de locataire. A côté de ces mesures d’alignement des intérêts, il existe également des mesures plus coercitives de contrôle, que nous avions citées dans la première partie s’agissant du replacement de la théorie de la firme et le processus de création de valeur.

II- Les mécanismes de contrôle. Nous faisons la distinction entre les mécanismes internes et les

mécanismes externes.46 F . BOGLIOLO ; Revue du financier ; N ° 109 ; 1997

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II-1- les mécanismes internes

Pour l’étude de ces mécanismes, nous nous limiterons à l’étude du rôle joué par le conseil d’administration.

Déjà en 1776, A Smith écrivait47 «  les directeurs de ces sortes de compagnies étant régisseurs de l’argent d’autrui plutôt que leurs propres argents, on ne peut guère attendre qu’ils apportent cette vigilance exacte et soucieuse que les associés d’une société apportent souvent dans le maniement de leur fonds …», signalant déjà le phénomène de divergence d’intérêts entre d’une part le dirigeant, et l’actionnaire d’autre part. Ces derniers confient leur épargne aux dirigeants afin que ces derniers gèrent cet argent de manière rationnelle et surtout rentable. De même les actionnaires courent un risque en se dessaisissent de leur argent pour limiter ce risque, les actionnaires doivent contrôler l’action des dirigeants pour les inciter à augmenter la valeur économique de l’entreprise. Le moyen efficace entre les mains des actionnaires est le conseil d’administration. En effet, il représente un moyen de régulation de conflits et un moyen disciplinaire des éventuelles déviations dans la gestion des dirigeants.

Ce rôle disciplinaire du conseil d’administration peut être appréhendé à deux niveaux:

- Au niveau du rôle joué en tant que moyen disciplinaire ;- Au niveau de sa composition.

1- Rôle joué par le conseil d’administration

Généralement nous distinguons deux rôles joués par le conseil d’administration:

-Un rôle que l’on peut qualifier de formel, qui consiste en la nomination, la révocation, l’organisation des successions et la fixation des salaires des dirigeants. Ainsi un dirigeant, peut être révoqué s’il n’a pas donné satisfaction dans le sens ou sa gestion a été jugée non performant par les administrateurs au regard des critères de création de la valeur. A titre d’illustration, on peut citer l’exemple de certains cas où le dirigeant a

47 A SMITH cité par G Charreaux , vers une théorie du gouvernement des entreprise , in le gouvernement des entreprise ; economica ; Paris

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été révoqué de ses fonctions par le conseil d’administration tels l’affaire de Parisbas en 1981 ou de Creusot – Loire en 1982.

De même, certaines études48 menées dans ce sens ont montré qu’une majorité de présidents s’accordent à reconnaître que leur conseil a la possibilité de les limoger.

Cependant un conseil d’administration soucieux de défendre les intérêts des actionnaires doit postuler pour un rôle plus actif qu’on peut qualifier de conseil.

Il apparaît alors comme un organe de réflexion par la préparation et la définition des principales orientations de la politique générale de l’entreprise. A ce niveau on peut dire que le rôle de contrôle est assuré à priori et préventif de tout opportunisme des dirigeants. Ainsi, en intervenant dans l’élaboration même de la stratégie de l’entreprise, en limitant le pouvoir discrétionnaire des dirigeants et en les poussant à rechercher la valeur, le conseil d’administration joue pleinement son rôle de défendeur des intérêts des actionnaires.

Selon une enquête, il s’avère que dans les trois quarts des sociétés cotées françaises, le conseil d’administration a un rôle actif et ne se limite pas à un simple rôle d’enregistrement des décisions prises par le dirigeant. Ceci dénote du souci explicite des actionnaires à vouloir défendre leurs intérêts face à des dirigeants dont l’objectif n’est peut-être pas la maximisation de la valeur de l’entreprise.

2- Composition du conseil d’administration

Le conseil d’administration peut renforcer son rôle en tant qu’organe de contrôle par la qualité de ses membres. Habituellement, le recrutement des administrateurs se fait sur la base des relations personnelles du président du conseil d’administration, les propositions des autres membres interviennent de manière résiduelle. Mais, de plus en plus, les procédures de recrutement sont plus formelles par le recours à un comité de nomination ou aux services d’un cabinet de recrutement. Ceci permet aux conseils d’administration de se doter de personnalités externes.

48 G Charreaux et J PITOL –Belin . le conseil d’administration , lieu de confrontation entre dirigeant et actionnaires ; Revue française de gestion ; Janvier – Fevrier 1992

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Généralement, il s’agit de personnalités connues dans le monde des affaires tels des dirigeants de sociétés importantes, d’administrateurs de profession de cadres supérieurs ou représentants de banques ou de compagnies d’assurances. Le caractère prestigieux des personnalités garantit la compétence, l’indépendance et l’objectivité dans leur fonction de contrôle d’une quelconque attitude discrétionnaires des dirigeants en tant qu’agents des actionnaires. Leur présence, dans un conseil d’administration, constitue donc un facteur régulateur de conflits entre dirigeants et actionnaires.

Ces administrateurs externes assurent pleinement le rôle de conseil dans la mesure où « ils apportent un point de vue neuf, ils voient les problèmes dans leur totalité et de façon externe. En outre, ils apportent des compétence particulières sur certaines questions et peuvent être source de contacts utiles pour l’entreprise.»

II-2 Mécanismes de contrôle externe:

Les mesures de contrôle externe sont relatives aux mécanismes de marchés et sont au nombre de trois:

- Le marché des biens et services,- Le marché du travail; - Le marché financier.

1- Le marché des biens et des services

E.F. Fama49 fait remarquer que le marché concurrentiel constitue un mécanisme idéal pour sanctionner la performance des entreprises et à fortiori celles des dirigeants. En effet pour H Demsetz50 si les dirigeants opèrent des prélèvements trop importants, il en résulte une hausse des prix et de façon concomitante, une perte de compétitivité qui conduit à des réajustements en sens inverse. Ainsi la pression concurrentielle est un facteur disciplinaire des dirigeants, informant constamment les actionnaires si ces derniers participent au mieux au succès de leur entreprise. 49 Fama (E) « Agency problems and the theory of the firm » in journal of political economy, pp 288-307, Avril 1980.50 Demsetz. H ; “The structurs of ownership and the theory of the firme” journal of the law and economics ; vol 26. 1983

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2- Le marché du travail

Le deuxième mécanisme repose également sur les forces du marché. Il s’agit du marché du travail avec la particularité que les dirigeant eux – mêmes se trouvent sur ce marché et qui conduit à leur remplacement en cas d’enregistrement d’une mauvaise performance (M .P Allen S K et R.C Lotz (1979) G .R Salancik et J Pfeffer 51). En effet, la valeur des gestionnaires sur le marché du travail dépend, dans une certaine mesure, de la performance de l’entreprise et donc de la satisfaction de leur obligation de maximiser la richesse des actionnaires à travers l’accroissement de la valeur économique de l’entreprise. Les gestionnaires seront d’autant plus motivés que les taux locatifs de leur capital humain dépendent de succès ou de l’échec de l’entreprise. A l’inverse, un dirigeant, dont l’entreprise enregistre une mauvaise performance due à une défaillance de gestion, verra sa valeur sur le marché diminuée, sa réputation de gestionnaire ternie et son remplacement seraient très probables. Le remplacement des dirigeants limogés peut être interne ou externe.

Les dirigeants de niveau inférieur, savent qu’il est de leur intérêt de supplanter les dirigeants, de niveau supérieur, négligeant ou incompétents. D’ailleurs, les actionnaires favorisent ce climat de concurrence ou de surveillance entre dirigeants de niveau hiérarchiques différents afin de limiter la marge de manœuvre des dirigeants et les contraindre à travailler pour la quête de la valeur.

Par ailleurs, en ce qui concerne le recrutement externe, Faith, Higgins et Tolloson (1984) mettent en évidence le rôle joué par l’embauche de nouveaux managers comme moyen disciplinaire des anciens. Pour ces acteurs, l’arrivée de nouveaux dirigeants va permettre de rompre les accords informels entre les dirigeants et le reste du staff pour s’approprier plus de rente managériale. Le modèle développé par ces auteurs montre qu’en dépit des coûts de recrutement de dirigeants extérieurs nouveaux (coût de recherche et coût de formation), ces coûts

51 Pfeffer J. et Salancik R. “The external control of organisations : a ressource dependance perspective”, édition Haper and Row publishers, New York 1978.

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seraient compensés par la garantie que les nouveaux dirigeants en place qui certainement vont gérer l’entreprise, pour accroître sa valeur.

3- Le marché boursier

Enfin le dernier système de contrôle externe est relatif au marché boursier.

Il constitue un mécanisme de contrôle dans la mesure ou les actionnaires mécontents des performances de leurs actions peuvent s’en défaire entraînant ainsi une baisse des titres. Cette situation va se traduire par une difficulté à l’appel au marché pour le financement des projets de développement de l’entreprise. Par conséquent, le marché boursier est une sanction de la sous–performance des gestionnaires en particulier si leur rémunération est indexée au cours boursier.

Les actionnaires peuvent être résolus à recourir à un moyen plus coercitif par la menace d ‘une prise de contrôle externe qui pourrait se traduire par une modification des contrats fondamentaux particulièrement à l’égard de l’équipe dirigeante. En effet, les offres publiques d’achat sont de véritable cauchemar pour les dirigeants.

Plusieurs études52 ont montré l’influence de la prise de contrôle sur la valeur de l’action et qui s’accompagne, dans la majorité des cas, d’une révocation du dirigeant qui a mené une politique contraire à l’objectif de maximisation de la valeur de l’entreprise.

Au terme de cette section, il est important de noter que chaque mesure d’incitation ou de contrôle ne représente qu’une composante d’un système plus général. Il faut donc, se garder d’adopter une attitude catégorie à l’égard d’un mécanisme particulier et affirmer qu’en son absence, les intérêts des actionnaires ne seront pas respectés. Aussi une performance économique correcte résulte assurément d’une combinaison de mesures d’incitation et de contrôle.

§2 : Le pouvoir dans l’entreprise

La société moderne est en fait le lieu où règne tous ceux qui apportent une connaissance spécialisée, leur talent ou leur expérience au 52 Grossman (S) et (J) Hart « Dislocure Laws and takeovers bids » in Journal of Finance, col 35, Printemps 1980

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groupe de prise de décision. Le pouvoir de la technostructure s’explique par le progrès de la technologie, l’abondance de capital et la planification des entreprises.

Galbraith53 insiste sur l’identification du travailleur à son entreprise. La technostructure étant, l’entreprise ne cherche plus un profit maximum, mais une croissance interne qui renforce le pouvoir de cette technostructure.

J. Kenneth Galbraith54 a analysé comment dans la société moderne, la technostructure contrôle la gestion de la firme selon ses objectifs et ses motivations propres. « Dans la grande entreprise, les décisions importantes sont prises non par une personne isolée, mais par beaucoup de gens. Nul n’a, à lui tout seul, tous les éléments nécessaires pour décider de lancer un niveau produit, d’ouvrir une usine supplémentaire ou de s’implanter sur de nouveaux marchés. Il faut faire appel aux connaissances, à l’expérience et au jugement des gestionnaires, des directeurs commerciaux, des ingénieurs, des scientifiques, des avocats, des comptables, des chefs de personnel ou de tous autres dépositaires d’un savoir spécial. C’est à cet appareil que j’ai donné le nom de la technostructure». Ainsi, les propriétaires ont un pouvoir juridique. La technostructure a le pouvoir réel de prise de décision ; son objectif n’est pas de maximiser le profit mais elle cherche le maintien de son autonomie et modifie la nature des objectifs de l’entreprise.

Conclusion de la section

Après avoir traité les implications managériales du schéma de création de valeur, qui est une constellation de facteurs Stratégiques-Financiers, sur l’enracinement des dirigeants, nous verrons dans une deuxième section, les pratiques de la gouvernance. Celles-ci désignent l'ensemble des pratiques, des structures et des procédures qui spécifient le partage du pouvoir, la répartition des responsabilités et les modes de contrôle entre les différentes parties prenantes d'une organisation. Le 53Galbraith JK “ The new industrial” 196754 A.J.Kenneth Galbraith « The affluent society » 1958

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premier paragraphe traitera la définition de la Corporate Governance. Le second paragraphe sera consacré à la chaîne du gouvernement. Section 2   : Implications managériales de création de valeur et problématique de la gouvernance des entreprises

Remarquons que l'expression gouvernement d'entreprise55 ne concerne pas uniquement le pilotage et la prise de décision au sein d'une entreprise, comme pourrait le laisser supposer le terme gouvernement, qui par référence aux sciences politiques fait implicitement référence à un pouvoir uniquement exécutif.

Le gouvernement d'entreprise englobe également le législatif (définition des règles) et le judiciaire (contrôle).

C’est ainsi, que l’objectif de cette deuxième section est de donner une définition à la gouvernance d’entreprise (§1), d’analyser en profondeur la chaîne de gouvernement (§2), d’examiner les modes de gouvernance (§3), pour mettre enfin en évidence les défaillances du système d’information qui pourrait entraver la bonne gouvernance (§4).

§1- Définition de la Corporate Governance

G. Charreaux56 définit le Gouvernement d'entreprise comme " l'ensemble des mécanismes organisationnels qui ont pour effet de délimiter les pouvoirs et d'influencer les décisions des dirigeants. Autrement dit, qui -gouvernent- leur conduite et définissent leur espace discrétionnaire".

Le Gouvernement d'une entreprise peut être décrit comme le système par lequel une société est dirigée et contrôlée. Ce système détermine les rôles et responsabilités ainsi que les droits des différents participants à la vie de la société tels que le conseil d'administration (conseil de surveillance le cas échéant), les dirigeants, les actionnaires et autres parties prenantes; il détermine également les règles et procédures de prise de décision, notamment dans la définition des objectifs

55 F. Moreau, « Comprendre et gérer les risques », édition organisation 2002, page 8156 Gérard Charreaux,  « Le Gouvernement des entreprises », édition Economica 1997

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stratégiques, l'arbitrage de l'allocation des ressources ou le pilotage et le suivi. Il concerne le respect des droits des actionnaires (le traitement équivalent de tous les actionnaires, les exigences de visibilité, transparence et diffusion e l'information…); enfin, il repose sur une infrastructure de maîtrise de risque comme levier d'action incontournable.

Le point de départ de l'analyse des buts d'une organisation est constitué par la détermination de la structure de gouvernement dans laquelle elle opère. La structure de gouvernement établit les intérêts que l'organisation devrait servir et comment ses objectifs et ses priorités devraient être choisis. Elle concerne à la fois le fonctionnement de l'organisation et le partage du pouvoir entre les différentes parties prenantes.

Comme nous allons le voir, étant donné que les réponses qui sont données à ces questions sont fortement liées à la culture et aux traditions de chaque pays, il existe des différences notables en termes de structures et de pratiques. Dans beaucoup de pays, la structure de gouvernement tend à être plus implicite qu'explicite, ce qui fait que l'appareil légal et réglementaire ne détermine qu'en partie les comportements et les habitudes.

§2 : La chaîne de gouvernement

Le gouvernement d'entreprise est devenu un problème complexe pour deux raisons. Tout d'abord, la nécessité pratique de séparer la possession de la gestion des organisations constitue désormais la norme - sauf dans les PME. Il en résulte - dans la plupart des organisations - l'existence d'une hiérarchie ou chaîne de gouvernement. La chaîne de gouvernement identifie tous les groupes d'intérêt qui ont une influence légitime sur les buts de l'organisation. Bien que les détails de cette chaîne varient d'une organisation à l'autre, le schéma suivant présente le cas général pour une grande entreprise cotée en Bourse. La deuxième cause de la complexification du gouvernement d'entreprise est la volonté d'améliorer la visibilité des résultats des organisations, non seulement pour leurs propriétaires -c'est-à-dire les actionnaires- mais

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également pour les autres parties prenantes, dont nous présenterons les droits ci-après.

Même sur l'exemple simplifié du schéma en question, on peut constater que les managers qui déploient effectivement la stratégie d'une organisation peuvent être très éloignés des bénéficiaires ultimes de sa performance. Le schéma présente également quelle information permet généralement, à chaque niveau de la chaîne, de juger la performance des autres. Il est probable que beaucoup d'investisseurs ignorent ou négligent le détail des entreprises dans lesquelles leur argent est investi, car des intermédiaires tels que les gestionnaires de fonds de pension veillent généralement sur leurs intérêts. La figure 24 donne un exemple du pouvoir déterminant que peuvent détenir ces intermédiaires dans la détermination du futur d'une entreprise.

Étant donné la complexité du gouvernement d'entreprise, il existe souvent de multiples conflits d'intérêts entre les différentes parties prenantes qui s'efforcent de s'équilibrer. Il s'agit d'un problème typique au sein du conseil d'administration, qui a entraîné des réflexions approfondies tant sur leur rôle que sur la diffusion des informations qui sont en leur possession. Dans les grandes entreprises qui sont cotées en Bourse, il est crucial de définir si les managers doivent se considérer uniquement comme responsables devant les actionnaires, ou s'ils détiennent une responsabilité plus large, en tant qu'administrateur des actifs de l'organisation, vis-à-vis de l'ensemble des parties prenantes.

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Figure 30   : La chaîne de gouvernance

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Source: David Pitt-Watson, Braxton Assocites

LA CHAÎNE DE GOUVERNANCE

Informations reçues

Rapports synthétiques

Brefs comptes-rendus de performance des investissements

Comptes de l'entreprise Rapports d'analysesRapports annuels

Budgets, comptes-rendus qualitatifs

Budgets, comptes-

Gestionnaires de

fonds

Conseil d'administration

Administrateurs

Directeurs généraux

Directeurs de

divisionManagers

Investisseurs

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Figure 31   : Les influences de la chaîne de gouvernance sur les buts organisationnels

§3 : Les modes de gouvernement:

Quatre modes de gouvernance sont à distinguer57 • "Présidentiel fort": le président prend les décisions majeures; il

contrôle le fonctionnement de la fédération en s'entourant généralement pour mettre en application ces décisions de deux proches collaborateurs généralement le DTN et le directeur administratif) ; •"Présidentiel couple": (qualifié aussi de "tandem

président/directeur"): le pouvoir de décision est réparti de manière quasi-uniforme entre le directeur et le président ;

57 La revue des sciences de gestion. Direction et gestion n°188-189

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Source: G. Johnson & K. Scholes, Stratégique

LES INFLUENCES SUR LES BUTS ORGANISATIONNELS

Objectifs organisationnels

Mission Objectifs

Parties prenantes

Quels intérêts l'organisation?

Ethique des affaires Quels objectifs devraient

être prioritaires? Pourquoi?

Contexte culturel

Quels objectifs sont réellement prioritaires?

Pourquoi?

Gouvernement d'entreprise Quels intérêts

l'organisation devra-elle servir?

Comment ces objectifs devraient-ils être réalisés?

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•"Présidentiel éclaté": le président coordonne l'ensemble des directeurs et se positionne de fait dans une situation de directeur général.•"Managérial " : (Un directeur salarié qui maîtrise formellement

ou de manière informelle le pouvoir de décision et dispose d'un fort degré de confiance de la part des principaux élus qui acceptent tacitement ce pouvoir).A chaque point de la chaîne58 par laquelle passe l’information

financière existent des risques de conflits d’intérêt et la tentation d’enjoliver les comptes : dirigeants privilégiant le cours de Bourse pour valoriser leurs stock-options, directions comptables obsédées par les résultats trimestriels, cabinets d’audit soucieux de vendre aussi leurs conseils aux entreprises qu’ils sont chargés de contrôler, analystes fournissant des avis sur des firmes clientes de leurs banques…Dans le système, le conseil d’administration est l’élément stratégique : s’il ne peut pas vérifier les chiffres de façon directe et détaillée, il peut et doit veiller à la qualité des mécanismes incitatifs propres à garantir la sincérité de l’information.

I- Les stock-options   : la perversion d’une bonne idée Soulignons les prévisions apocalyptiques des deux publicistes

américains des années 30, Berle et Means59, popularisant les inquiétudes formulées par SchumPeter 60sur l’avenir du capitalisme : ce dernier serait voué à sa perte en raison de la divergence, de plus en plus marquée au fur et à mesure de la croissance des entreprises, entre les intérêts des dirigeants, qui ne détiendraient plus une infime fraction du capital des sociétés qu’ils dirigent, et ceux des actionnaires.

Pour atténuer ces conflits d’intérêts, une parade a été trouvée : utilisée d’abord aux Etats-Unis au début des années 80, elle s’est ensuite étendue à l’ensemble des économies capitalistes. Elle consiste à offrir aux cadres dirigeants et à une frange de salariés de plus en plus large des

58 Jacquillat B. « signaux, mandats et gestion financière », finance, vol 5, avril 84.59 Bornier J.M de « Propriété et contrôle dans la grande entreprise : une relecture de Bearle et Means » Revue éco n° 6, pp 1171-1190, Nov 1987.60 Schumpeter J. « Capitalisme, socialisme et démocratie », édition Payot, 1951.

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rémunérations incitatives fondées sur les performances de l’entreprise, mesurées selon le critère de la valorisation boursière.

Ces rémunérations incitatives peuvent prendre plusieurs formes, dont celle des stock-options, devenue tout à fait prépondérante à la fin des années 90. Les stock-options, accordées par les assemblées générales d’actionnaires aux dirigeants, offrent à ceux-ci, la possibilité, mais non l’obligation, d’acquérir des actions de la société dans des conditions avantageuses et un horizon donné. Dans la mesure où elles seront exercées quelques années plus tard, elles contribueront à accroître le nombre d’actions émises et à « diluer » le bénéfice par action. L’idée sous-jacente, est que cette augmentation du nombre des actions (le dénominateur du bénéfice par action) sera plus que compensée par l’accroissement des bénéfices, en raison du caractère incitatif de cette forme de rémunération. Ainsi, tous les actionnaires s’y retrouvent, qu’ils soient ou non-salariés de la société.

Aligner les intérêts des dirigeants sur ceux des actionnaires (c'est-à-dire sur la valeur de l’entreprise), était une idée judicieuse, dans la mesure où elle pouvait mettre fin à des conflits d’intérêts potentiels entre dirigeants et actionnaires, préjudiciables à une bonne allocation des ressources dans l’économie. Mais elle est aujourd’hui remise en cause, pour plusieurs raisons :

- L’indexation sur les performances boursières des rémunérations des dirigeants n’est un bon mécanisme incitatif que dans la mesure où ces derniers (et les employés) sont les créateurs de cette valeur. Or, à un terme correspondant à l’horizon stratégique et personnel de la plupart des dirigeants, les performances boursières sont déterminées par des facteurs exogènes à leur sphère d’influence : notamment les taux d’intérêt, les primes de risque et de liquidité. A cet égard, les bénéficiaires des stock-options devraient être ceux qui créent de la valeur au niveau macroéconomique et macro-financier : les banquiers centraux et les économistes monétaristes qui les ont inspirés pour éradiquer l’inflation.

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- Par ailleurs, les variations de valeur sur une certaine période, pouvant aller jusqu’à quelques années, dépendent aussi des variations d’anticipations sur les flux d’un grand nombre d’exercices futurs, plutôt que sur leur réalité pendant ladite période. Mais la réalité des flux à court terme n’est pas sans impact sur la perception par les investisseurs des flux futurs, d’où la tentation de les influencer par le biais des analystes et des comptables.

- Au contraire d’un mécanisme incitatif linéaire comme les actions, les stock-options présentent un effet cliquet. Ce n’est que si le cours de l’action dépasse le prix de l’exercice pendant la durée des plans.

II- Comptabilité :

Au fur et à mesure que les organisations devenaient plus complexes, la comptabilité était confrontée à des taches de plus en plus surréalistes: produire le chiffre miracle et incontestable d’un bénéfice réalisé durant un exercice comptable, dans le but de satisfaire l’investisseur moyen.

Cette discordance entre la complexité de la réalité et le simplisme de l’objectif a été d’abord perceptible avec l’inflation des années 70, qui a provoqué des distorsions significatives entre la valeur comptable des entreprises et leur valeur de marché. Elle s’est accentuée avec l’apparition d’actifs de plus en plus immatériels et de nouveaux instruments financiers tels que les sociétés non financières recourent de plus en plus. De plus, la modification des frontières de la firme (joint ventures, financement d’actifs par crédit-bail, sociétés dédiées) a rendu de plus en plus délicate la consolidation des comptes. Enfin, le recours généralisé aux stock-options et leur non-comptabilisation dans le compte d’exploitation a contribué encore un peu plus à la distorsion des bénéfices.

III- Cabinets d’audit   : la tentation du multiservice Les cabinets d’audit ont pour tâche d’assurer la vérification des

comptes des entreprises, et leur conformité aux principes généraux de la comptabilité.

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Ayant développé au fil des ans des relations étroites avec des directions financières et générales des entreprises, les auditeurs n’échappent pas aux contraintes commerciales. Ils sont rémunérés par les entreprises qu’ils auditent, et le souci de développer leur activité les pousse à étendre leur champ d’intervention en proposant une gamme de services annexes et diversifiés : c’est la tentation du multiservice.

Quelle est l’intégrité d’un audit des comptes, lorsque la société qui l’effectue peut gagner beaucoup plus auprès de même client, en lui proposant d’autres services ? Un tel système n’intègre-t-il pas des incitations financières à ne pas être trop regardant sur les comptes ? Déjà, un certain nombre de sociétés ont décidé de n’utiliser leurs auditeurs que pour leurs services d’audit, à l’exclusion des autres : c’est le cas de Walt Disney, d’Unilever et de bien d’autres sociétés dernièrement.

Un certains nombre de recommandations ont été formulées pour atténuer ces conflits d’intérêts :

- Scinder des firmes d’audit en deux, pour séparer juridiquement l’activité d’audit de celle de conseil. - Assurer une rotation des firmes d’audit travaillant sur une même entreprise, ou en tout cas, une rotation des associés au sein d’un même cabinet, selon une certaine périodicité.

IV- Analystes financiers   : La prime aux schizophrènes Les analystes financiers ont développé de dangereuses relations de

promiscuité avec les directions financières des entreprises. Mais l’organisation de leur profession les expose à des conflits d’intérêt encore plus redoutables.

Ils appartiennent, pour la plupart, à des bureaux d’études au sein des départements Capital markets des banques d’investissement. Leurs « clients », au sein de ces organisations, sont les vendeurs d’actions, mais aussi les spécialistes chargés de conseiller les émetteurs. D’où un premier conflit d’intérêt.

En effet, les vendeurs d’actions doivent avoir des histoires à raconter à centaines investisseuses institutionnelles (gérants des SICAV, sociétés de gestion, compagnies d’assurance…) auxquels ils téléphonent chaque Bouchra ELABBADI Docteur d’Etat Es Sciences de gestion Université Mohammed V Page 119

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jour pour leur vendre les idées quotidiennes qui leur sont présentées par les analystes lors des «morning meetings ». Ces conseils génèreront des ordres d’achat ou de vente, des commissions, sur lesquelles les rémunérations des analystes sont peu ou pas indexées.

Quant à ceux qui, au sein de ces banques, sont chargés de conseiller les émetteurs, les analystes travaillent pour eux à l’occasion d’introductions en bourse, d’augmentations de capital, de fusions-acquisitions ou de toute autre opération sur titres nécessitant un travail d’analyse financière et d’évaluation. Or, les entreprises qu’ils étudient sont parfois les meilleurs clients des banques qui les emploient.

V- Conseils d’administration   : la clé de la confiance Depuis l’affaire Enron, le comportement des conseils

d’administration a changé. Les questions posées au management deviennent plus précises, les possibles conflits d’intérêt sont plus souvent évoqués, la durée des réunions est plus longue. Les conseils se soucient de savoir s’ils reçoivent bien, et à temps, tous les documents nécessaires à leurs fonctions de contrôle. Des listes de « meilleures pratiques de fonctionnement des conseil » circulent. Certaines sociétés américaines ont même institutionnalisé des réunions entre administrateurs indépendants, hors la présence des dirigeants.

Mais la débâcle d’Enron a fait prendre conscience aux administrateurs des limites de leurs pouvoirs. Bill Ford, le patron de Ford, le concède : « Le conseil, qui se réunit une fois par mois, ne peut pas raisonnablement guider l’entreprise, ses processus de décision et sa culture ».

Même si, juridiquement, le conseil d’administration est en première ligne pour représenter et défendre les intérêts des actionnaires face aux dirigeants, il n’a pas et n’aura jamais véritablement les moyens en temps et en ressources pour remplir lui-même, directement, ce rôle. Mais il peut et doit, en revanche, s’assurer du bon fonctionnement de tous les fusibles décrits plus haut, et veiller à ce que soient éradiqués, autant que faire s’il peut, les conflits d’intérêt qu’ils recèlent.Bouchra ELABBADI Docteur d’Etat Es Sciences de gestion Université Mohammed V Page 120

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Le conseil d’administration doit être le garant de la qualité des systèmes incitatifs dans l’entreprise, comme dans la chaîne de contrôle externe de l’information comptable et financière. A cet égard, les propositions et les pistes indiquées ci-dessus, pourraient inspirer les comités de rémunération et les comités d’audit.

Comme l’histoire industrielle nous en a donné des exemples dans le passé, le vrai « film » de la bulle financière repose sur les remarquables progrès technologiques de notre temps, qui sont en train de modifier les styles de vie de l’humanité. Dans un film – un vrai, celui-là – sorti en 1987,  « Wall Street », le financier Gecko lançait, par la bouche de Michael Douglas : « Greed is good, greed is right, greed Works ! » (« L’appât du gain, c’est bon, c’est bien, ça marche ! »). Certes, mais à condition que l’appât du gain soit correctement canalisé dans le sens des intérêts communs.

§4 : La défaillance du système d’information

Les retombées de plusieurs scandales financiers, en l’occurrence celui d’ Enron ne sont pas encore toutes connues. En effet, l'étude des éléments du dossier Enron révèle tout à la fois une série de manquements de la part des différentes parties et en même temps le respect scrupuleux d'un certain nombre de principes, malgré toute insuffisance rendue possible par la défaillance du système d'information du conseil d'administration.

I- L’erreur de la poursuite de la maximisation de la valeur de marchéUne croissance massive de toute entreprise nécessitait bien entendu

des besoins de financement très importants et ce d'autant plus, qu'à l'inverse d'une entreprise qui achète principalement de l'incorporel et pour lequel une part significative des acquisitions est faite en actions.

Ces investissements nécessitaient donc des financements dont la part la plus importante provenait de l'endettement. Deux mesures de l'endettement sont actuellement utilisées. Une mesure comptable qui prend pour référence les capitaux propres mais qui offre l'inconvénient de ne pas tenir compte des plus values potentiels de l'entreprise ni de ses

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opportunités d'investissement, et une mesure de marché qui prend en compte la capitalisation boursière. Du point de vue de la théorie financière, les valeurs de marché sont seules représentatives de l'endettement réel.

Le développement d'Enron par exemple, était largement dépendant de l'évolution des actifs gérés, même si, grâce au développement des transactions sur les dérivés, Enron arrivait à générer un surplus de chiffre d'affaires à partir de ses actifs.

Pour financer les investissements et le développement de ses actifs, et bénéficier d'un taux d'endettement favorable, Enron devait donc conserver un ratio d'endettement raisonnable exprimé en valeur de marché. Pour ce faire, Enron a privilégié l'externalisation de certains actifs (accompagnés des dettes correspondantes) dans des structures de défaisance, et la poursuite de sa capitalisation boursière (la valeur de son action est passée de $21,56 au 31/12/96 à $83,16 au 31/12/2000).

I-1 L’erreur dans l'application des principes de "corporate governance"

Une entreprise managériale au sens de Berle et Means (1932) , attire les investisseurs et réduit ses coûts d'agence, et applique les principes de "corporate governance" tels qu'ils sont plus ou moins bien définis:

a) L'indépendance du conseil d'administrationb) La création de comités spécialisés indépendants: Dans le cas de

Enron par exemple, le conseil d'administration comprenait 5 comités dont trois d'entre eux étaient parfaitement indépendants (aucun dirigeants d'Enron n'en faisait partie): le comité d'audit, le comité de rémunération et le comité de nomination.

c) Le choix d'un auditeur de qualité: Enron avait retenu Arthur Andersen qui était considéré comme le meilleur des big five.

d) La rémunération des dirigeants: Enron recourait massivement aux plans d'options sur actions.

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e) La séparation des fonctions de président du conseil d'administration ("chairman") et de directeur général : au sein de la société les deux dirigeants avaient un rôle complémentaire.

I-2 La défaillance des mécanismes de contrôle des dirigeants

Ces mécanismes, s’ils ne sont pas maîtrisés, conduisent à la faillite de la firme :

a) La poursuite par les dirigeants de leur intérêt personnel exclusif et la confusion avec l'intérêt de l'entreprise elle-même. Le président du conseil d'administration et le directeur général poursuivaient un objectif de développement très rapide de l'entreprise. Même, après l'éclatement de la bulle boursière autour du développement des nouvelles technologies, les dirigeants continuaient de prévoir un développement très important sur les marchés de l'énergie mais aussi sur tous les marchés faisant appel à la gestion des dérivés. Comme le notait déjà Baumol (1959), les dirigeants sont souvent incités à poursuivre la croissance plutôt que la recherche de la rentabilité. Dans le cas d'Enron, les dirigeants souhaitaient croire que les deux allaient nécessairement de pair.

b) Le non exercice par les administrateurs de leur pouvoir et de leur devoir de contrôle. Les administrateurs n'étaient principalement informés que par le président du conseil d'administration et son directeur général. Les réunions du conseil d'administration (cinq par an en moyenne) se déroulaient l'après-midi après le déjeuner et comprenaient le plus souvent la réunion des comités qui duraient eux mêmes environ une heure. En dehors du président et du directeur général, le seul administrateur interne à Enron était le conseiller du président. Aucun des directeurs de branche ne faisaient partie du conseil d'administration.

c) Une relation privilégiée avec les auditeurs et une perte d'indépendance de ces derniers: celle-ci est difficile à définir exactement mais elle apparaît manifeste à travers la décision de l'associé en charge du dossier de détruire un certain nombre de documents liés à l'affaire Enron.

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d) La non implication des employés dans la gouvernance de l'entreprise. Celle-ci apparaît manifeste à travers l'absence de représentants des directeurs de branches ou de services au conseil d'administration, ainsi qu'à travers le mécanisme de cloisonnement qui faisait que les responsables d'activités ne rencontraient les administrateurs que sur des points très précis.

e) L'absence de contrôle de certains dirigeants: le directeur financier d'Enron exerçait un rôle essentiel pour le financement du développement d'Enron. En contrepartie, il bénéficiait d'une latitude considérable pour gérer les transactions et concevoir des montages sophistiqués destinés à permettre la poursuite de la croissance.

f) Une relation ambivalente avec les banques d'affaires, les analystes financiers, les milieux politiques et de manière générale, ce que l'on peut qualifier de tiers intéressés à la vie de l'entreprise. Par le biais de contrats ou de financements, ces tiers avaient tout intérêt à maintenir leur relation en l'état.

Figure 32   : Exemple d’une chaîne d’information du conseil d’administration   : Le cas d’Enron

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La plupart des défaillances mentionnées ci-dessus n'auraient pas eu lieu si le conseil d'administration avait disposé ou avait exigé d’un bon système d'information.

En effet, les administrateurs d'Enron ont souvent eu une vision parcellaire des montages réalisés par le directeur financier. Il apparaît ainsi que, lors de l'exposé des transactions, la logique économique des transactions était perdue de vue pour ne faire apparaître que des montages déconsolidants destinés apparemment, soit à réduire le risque supporté par Enron, soit tout au moins à améliorer la prévisibilité de ses comptes vis-à-vis des tiers extérieurs.

D'un certain côté, la faillite d'Enron correspond véritablement à l'explosion d'un système où le lien entre les ressources consommées et la valeur créée apparaissait pour le moins distendu.

L'approche sur la base des process offre le mérite de s'interroger sur la pertinence des schémas économiques, dans lesquels l'entreprise accepte de s'engager. Puisque, chaque schéma ou processus doit par lui-même être générateur de valeur pour l'entreprise. De même, l'identification d'indicateurs d'activité incite à s'interroger sur les facteurs conditionnant le développement réel de l'entreprise et de ses différents process. Dans le cas d'Enron, l'explosion des transactions sur les marchés de dérivés rendait difficile l'identification précise des activités sous-jacentes à ces transactions.

Enfin, les administrateurs perdant de vue la réalité des transactions étaient plus facilement amenés à entériner des montages censés permettre l'extériorisation de la valeur créée par les activités d'Enron.

Afin de renforcer le système de gouvernance des fonds de pensions ont été mis en place.

II- Le rôle des fonds de pensions dans le gouvernement d’entreprise

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II-1 Le rôle des fonds de pensions dans le gouvernement d’entreprise aux Etats-Unis

Les fonds de pension constituent un acteur central du capitalisme américain. Leur puissance financière, la diversification des risques qu’ils permettent, ainsi que leurs marges de manœuvre en terme de durée des investissements leur ont permis de jouer un rôle important, non seulement dans le financement des entreprises, mais aussi dans l’évolution du gouvernement des entreprises aux Etats-Unis.

La part des actions dans leurs portefeuilles est très importante. La diversification permise par leur taille autorise donc, à l’accès à des marchés risqués mais plus rentables dans le long terme. Ils n’hésitent pas à investir dans des PMI innovantes. Ils représentent entre 40% et 50% des fonds levés par les sociétés de capital investissement.

Ils détiennent ainsi une place prépondérante dans le contrôle de la gestion des entreprises. Ils sont à l’origine de l’évolution constatée aux Etats-Unis en faveur du contrôle interne renforcé de l’action des dirigeants et de se donner d’autres moyens d’action que la simple vente des titres. Ce qui confère plus de stabilité de leur participation.

Par rapport à leurs moyens d’action, ils ne cherchent pas à obtenir une position majoritaire et évitent de siéger au conseil d’administration afin de garder la liberté de vendre les titres de l’entreprise sans se trouver confrontés à des problèmes de conflits d’intérêts ou de délits d’initiés. En revanche, ils apparaissent très actifs lorsqu’il s’agit de renforcer les droits et les moyens des minoritaires afin de contrôler l’action des dirigeants et veiller à la prise en compte de leurs intérêts.

Ils sont exigeants sur la qualité de l’information communiquée aux actionnaires, utilisent systématiquement leurs droits de vote en assemblée générale et sont à l’origine des actions concertées de minoritaires. Dans les conflits qui les opposent aux dirigeants, les fonds américains recourent peu aux procédures judiciaires mais, préfèrent utiliser les médias.

Cette pression accrue sur les dirigeants, ainsi que l’horizon relativement court fixé pour la valorisation de leur participation favorise

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un comportement « court termiste » des dirigeants. Par exemple, on peut citer la réduction des coûts via des suppressions d’emplois qui entraîne presque systématiquement la hausse des cours des actions. Mais peut être défavorable à long terme en éliminant les forces vives. Cela expliquerait également la hausse du coût du capital aux Etats-Unis. Cependant, la place faite au contrôle interne rend le comportement des fonds moins spéculatif que d’autres types d’investisseurs. En cas de problèmes, le top management est changé. Le nombre d’entreprises où le PDG est limogé est important et comporte des géants de l’industrie américaine : IBM , Chrysler, General Motors. Si l’on se concentre sur le rôle des fonds de pension en matière de gouvernement d’entreprises, leur action est en général jugée favorablement et leur développement est associé au dynamisme de l’économie américaine. Leur implication dans la gestion des entreprises semble avoir constitué un facteur de rééquilibrage des pouvoirs entre les actionnaires, initialement faibles et les dirigeants inversement trop puissants. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, ils apporteraient un contrepoids au court-termisme des autres investisseurs, dont le portefeuille tourne plus rapidement.

II-2 Le rôle des fonds de pension dans le gouvernement d’entreprise en France

En France, le nombre d’entreprises cotées est assez moyen et l’actionnariat est fortement concentré. Les investisseurs institutionnels jouent un rôle faible en raison principalement de portefeuilles composés d’obligations. L’imbrication des actionnariats a encore été accentuée lors des vagues privatisation et avec le système des participations croisées par des groupes d’actionnaires stables. L’influence des fonds de pension est devenue grande et ils sont désormais incontournables dans le paysage financier français.

Conclusion de la section

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Liens stratégiques financiers dans un processus de création de valeur .

Le début des années 90 était placé sous le signe du repli stratégique, du moins du côté de l'Atlantique. La notion de crise disputait la primauté à celle de mutation, les restructurations et les cortèges de licenciements constituaient les "Best Practice" de gestion, et faisaient la fierté de bon nombre de managers. La période a vu fleurir l'application des méthodes de "Lean Production" et de "Reengeneering" - dans leur sens initial - de réduction des coûts, dans un environnement de très forte pression sur les prix et de spirale de plus en plus déflationniste.

La durabilité de la croissance américaine, conjuguée à la construction d'une zone de stabilité en Europe, a fini par entraîner l’économie mondiale dans un contexte d'expansion. Les nouveaux modes d'échange que permettent l'Internet, l'accélération des évolutions technologiques, la globalisation des marchés, sont autant de facteurs favorables au Management par la Valeur. Il est dynamique de création de valeur, d'innovation, d'implication des acteurs de l'entreprise, de contribution collective au travers de projets organisant la participation pluridisciplinaire et la créativité de groupe.

Ainsi, nous avons jugé nécessaire de consacrer une section dans notre travail à ce style de management par la valeur, considéré comme une perspective organisationnelle stratégique et tactique dans la valorisation de l'entreprise et dans la création de valeur. Dans un premier paragraphe, nous expliquons le recours à la décision stratégique. Le deuxième paragraphe, définit la notion du Management par la valeur, le troisième paragraphe met l’accent sur les différentes approches de Management par la Valeur. Le rôle de pilotage de l’interface Startégie-Finance par ce type de management, fera l’objet du quatrième paragraphe.

Bouchra ELABBADI Docteur d’Etat Es Sciences de gestion Université Mohammed V Page 128