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51 Management & Sciences Sociales N° 20 Janvier-Juin 2016 • Contextualisation : pratiques et enjeux L’égalité professionnelle homme/femme à l’épreuve de la culture nationale L’égalité professionnelle homme/femme est devenue un impératif pour les entreprises marocaines. Cet impératif a pour corollaire un business case et l’équité sociale. Les multinationales au Maroc, sont pionnières dans le domaine de l’égalité. Ces entreprises importent des pratiques GRH issues des pays occidentaux, des pratiques censées s’adapter tout naturellement au contexte marocain et permettre l’égalité entre les hommes et les femmes au sein des entreprises. Mais la réalité est tout autre ; face au contexte culturel marocain, ces pratiques sont comprises, interprétées et appliquées différemment. L’objectivité des pratiques RH égalitaires est redéfinie en fonction des acteurs qui perçoivent ces pratiques selon leurs référentiels culturels. Le résultat est alors nuancé : ces pratiques réussissent à atteindre leurs objectifs égalitaires mais sont façonnées en fonction de la culture et des valeurs marocaines. L’objectif de cette communication est de comprendre la manière dont s’articulent et se présentent les pratiques qui permettent aux femmes cadres d’accéder aux instances de direction. Mots-clés : GRH, culture marocaine, égalité professionnelle, contextualisation. Doha Sahraoui Professeure, GREFSO- Université Cadi Ayyad, Marrakech [email protected] The male and female equality in professional sphere has become an imperative for Moroccan companies. This imperative is based on a business case and social equity. Multinationals in Morocco are pioneers in equality. These companies tries to apply HRM practices imported from western countries which are meant to be integrated easily in Moroccan context and enable equality between men and women. But the reality is quite different ; facing the Moroccan cultural context, these practices are understood, interpreted and applied differently. Egalitarian HR practices are redefined in terms of the actors who perceive these practices as their cultural repositories. The result is then controversial : these practices are successful in achieving their equality goals but are shaped according to Moroccan culture and values. The purpose of this communication is to understand how human ressource practices enable women to gain access to executive positions. Key-words: HRM, Moroccan culture, professionnal equality, contextualisation. Chafik Bentaleb Professeur, GREGO – Université Cadi Ayyad, Marrakech [email protected]

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51Management & Sciences SocialesN° 20 Janvier-Juin 2016 • Contextualisation : pratiques et enjeux

L’égalité professionnellehomme/femme à l’épreuvede la culture nationale

L’égalité professionnelle homme/femme est devenue un impératif pour les entreprisesmarocaines. Cet impératif a pour corollaire un business case et l’équité sociale. Lesmultinationales au Maroc, sont pionnières dans le domaine de l’égalité. Ces entreprisesimportent des pratiques GRH issues des pays occidentaux, des pratiques censéess’adapter tout naturellement au contexte marocain et permettre l’égalité entre leshommes et les femmes au sein des entreprises. Mais la réalité est tout autre ; face aucontexte culturel marocain, ces pratiques sont comprises, interprétées et appliquéesdifféremment. L’objectivité des pratiques RH égalitaires est redéfinie en fonction desacteurs qui perçoivent ces pratiques selon leurs référentiels culturels. Le résultat estalors nuancé : ces pratiques réussissent à atteindre leurs objectifs égalitaires mais sontfaçonnées en fonction de la culture et des valeurs marocaines. L’objectif de cette communication est de comprendre la manière dont s’articulent et seprésentent les pratiques qui permettent aux femmes cadres d’accéder aux instances dedirection.

Mots-clés : GRH, culture marocaine, égalité professionnelle, contextualisation.

Doha Sahraoui Professeure, GREFSO- Université Cadi Ayyad, [email protected]

The male and female equality in professional sphere has become an imperative forMoroccan companies. This imperative is based on a business case and social equity.Multinationals in Morocco are pioneers in equality. These companies tries to applyHRM practices imported from western countries which are meant to be integrated easily in Moroccan context and enable equality between men and women. But thereality is quite different ; facing the Moroccan cultural context, these practices areunderstood, interpreted and applied differently. Egalitarian HR practices are redefinedin terms of the actors who perceive these practices as their cultural repositories. The result is then controversial : these practices are successful in achieving their equality goals but are shaped according to Moroccan culture and values.The purpose of this communication is to understand how human ressource practicesenable women to gain access to executive positions.

Key-words: HRM, Moroccan culture, professionnal equality, contextualisation.

Chafik Bentaleb Professeur, GREGO – Université Cadi Ayyad, [email protected]

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Introduction

De plus en plus, les femmes accèdent aumarché de l’emploi et aspirent à descarrières, or la rareté des femmes au sein despostes de direction interpelle les pratiquesdes entreprises (Laufer, 1993). Ces dernièresse trouvent héritières de structures socialesqu’elles doivent dépasser dans un soucid’équité, de performance et de conformitéaux lois.

D’un point de vue justice sociale, l’intérêtmoral et éthique de la GRH va à l’encontre detoutes sortes de discriminations (Igalens,2007). Au regard de différents impératifs del’entreprise, et face au plafond de verre, ildécoule que la prise en compte des femmespar la GRH est une évidence. Or, la mise enplace de règles formelles, pour permettrel’égalité professionnelle entre hommes etfemmes, n’est pas suffisante (Milewski,2004). Aujourd’hui, de par leur nature et leurvocation, qui visent à garantir la performancesociale tout en respectant une certainejustice distributive entre les salariés (Igalens,2007), les pratiques RH sont en premièreligne pour concilier l’économique et le socialdans les entreprises (Cornet et Delhaye,2005). Une conciliation qui passe par la miseen place de pratiques adaptées permettantaux entreprises de répondre aux différentsimpératifs qui visent à briser le plafond deverre.

Au Maroc, le rôle de la GRH est encore plusimportant dans un contexte où les objectifségalitaires1 de l’État ne se traduisent pastoujours par des textes législatifs législationsqui contraignent les entreprises à briser leplafond de verre. La responsabilité de la GRHdevient dès lors double. D’une part, répondreà des impératifs légaux et économiques, etd’autre part, forcer des mentalités dans uncontexte où les traditions sociales pèsentencore lourdement sur le statut des femmes. Une responsabilité qui s’insère dansl’évolution que connaissent les pratiques RHau sein des entreprises marocaines (DIORH,2004). Des pratiques qui se veulent de plus

en plus modernes, et qui intègrentrapidement des problématiques actuelles. Laprofusion des prix et labels dédiés à cesnouvelles problématiques démontre de cetintérêt. La prise en compte du plafond deverre par les pratiques RH dans lesentreprises marocaines est en adéquationd’une part avec la quête de modernité, lesexigences de performance et d’autre partavec une culture contraignante pour lesfemmes.

Dans ce sens, nous nous interrogeons sur lesconfigurations GRH que les entreprisesadoptent afin de briser le plafond de verre auMaroc. Nous tentons de comprendre lamanière dont s’articulent et se présentent lespratiques qui permettent aux femmes cadresd’accéder aux instances de direction.

Dans une première partie, nous passerons enrevue les écrits et recherches qui ont traitédes pratiques RH égalitaires et notammentles deux modèles d’égalité professionnelle etde gestion de la diversité. Dans une secondepartie nous présenterons notre rechercheempirique, qui nous a conduits vers 6entreprises marocaines ayant réussi le défi debriser le plafond de verre. En nous appuyonssur la stratégie de l’étude de cas, nousanalyserons et discuterons les configurationsRH qui ont permis à ces entreprises d’intégrerles femmes dans les instances de directiondans un contexte marocain.

Pratiques RH et femmes : versquelles configurations théoriques ?

Dans le cadre des leviers que l’organisationpeut utiliser pour rétablir la parité entre leshommes et les femmes, la GRH représente lelevier à l’égalité. Les opportunités desfemmes sont influencées par la GRH au seindes organisations (Truss, 1999). Les pratiquesRH sont les principales garantes de

1. Rapport national du gouvernement marocain sur lesobjectifs du Millénaire de développement édité en 2008.

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l’évolution ou de la discrimination desfemmes au sein des entreprises (Laufer etFouquet, 1998). Elles jouent un rôleindéniable dans l’intégration des femmesdans les postes de décision (Laufer, 1993 ;Pigeyre, 2001).

Il demeure toutefois importantd’appréhender les biais par lesquels cespratiques de gestion sociale influent sur leplafond de verre. Intégrer le genre dans laGRH, ou trouver le bon modèle suggère quela GRH travaille sur les processus internes etexternes de l’organisation qui ont un impactsur la progression des femmes.

Or, le modèle pour adopter et adapter cespratiques aux impératifs d’égalité n’est pastoujours clair. Entre recherches théoriques etpratiques empiriques, plusieurs optionss’offrent aux entreprises. Parmi ces options,deux voies traditionnelles s’offrent auxentreprises : l’égalité professionnelle, ou lagestion de la diversité.

égalité professionnelle

Conscientes des discriminations structurellesque présentent les organisations, et del’intérêt de la présence des femmes au seindu top management, plusieurs perspectivesse sont développées pour garantir l’égalitéprofessionnelle à travers des pratiques RHéquitables vis-à-vis du genre. Dans ce sens,les institutions publiques via un dispositiflégal exigeant, furent les premières à forcerl’égalité au sein des entreprises.

Le dispositif légal varie d’un pays à l’autre.Selon Bender et Pigeyre (2003) lespréoccupations concernant le traitementéquitable de tous les employés remontentaux années 1960 aux États-Unis. Le Civil RightAct a mis en place les rails de l’égalitéprofessionnelle. Depuis, les employeurs aux États-Unis sont dans l’obligation de mettre en œuvre des politiques visant l’égalité des chances. L’égalitéprofessionnelle se base sur un impératif légal

et moral et s’appuie sur la négation à prioride toute différence pour justifier et imposerla parité entre les genres. Ces politiquesmettent en place des programmes censésconduire à des prises de décision nondiscriminatoires et/ou des mesures dediscrimination positive.

En France, le dispositif législatif relatif autravail féminin a évolué peu à peu pour mieuxs’adapter à l’impératif égalité. Laufer (2003)décrit les différentes logiques qui ontcaractérisé la législation française quant autravail féminin.

La première logique du droit des femmes autravail fut « une logique de protection », où lafemme est considérée comme un êtrevulnérable faible, et où son rôle de maternitéest primordial. Cette logique ne fit quecontribuer à dévaloriser le travail féminin etrenforcer le rôle des hommes en tant quedécideurs possédant la force physique. Lalégislation est ensuite passée selon Laufer(2003) à une « logique égalitaire », dontl’objectif est de prôner une égalité des droitsentre les hommes et les femmes. Cet objectifest accompagné de sanctions pour lesentreprises ne respectant pas ce principed’égalité. Toutefois, ainsi que le signalel’auteur, les lois n’arrivent pas à rétablir desinégalités sociologiques reproduites. Lesfemmes continuent à être embauchées dansdes emplois dévalorisants justifiant lesrémunérations inférieures.

« La logique de traitement » (Laufer, 2003)survient pour pallier les défaillances de lalogique uniquement égalitaire. L’égalité n’estpas dans les lois, l’égalité est une égalité deréalité. Cette logique fait apparaître la notion de discrimination indirecte « Unediscrimination indirecte existe lorsqu’unedisposition, un critère ou une pratiqueapparemment neutre affecte une proportionplus élevée de personnes d’un sexe, à moinsque cette disposition, ce critère ou cettepratique ne soit approprié(e) et nécessaire etpuisse être justifié par des facteurs objectifsindépendants du sexe des intéressés »

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(Lanquetin, 1995). L’objectif est dequestionner toutes les pratiques (formation,recrutement, gestion de carrière,rémunération, etc.). Même si ces pratiquessont considérées comme neutres, ellespeuvent induire des discriminations. Ellesdoivent donc être revues pour atteindre laparité.

Pour ce faire, les actions positives ont étémises en place dans les organisations.Toutefois, elles ont engendré des difficultésnotamment en ghettoïsant les minorités quien bénéficient. Dans ce contexte, la stratégiedu « gender mainstreaming », « approcheintégrée de l’égalité » a été développée envue de « l’intégration d’un objectif d’égalité àtoutes les actions, à toutes les politiques, àtoutes les négociations, que l’on soit auniveau d’un État ou au niveau d’uneorganisation. Ainsi, toute politiqued’éducation, de temps de travail mais ausside recrutement, de formation, de promotion,... ne saurait être élaborée et évaluée sansque ses effets en matière d’égalité hommes-femmes ne soient pris en compte,explicitement » (Laufer, 2003, p. 161).

La finalité de ces actions est de s’assurer queles différentes décisions prises conduisent à l’embauche, à la promotion, et à lafidélisation dans l’entreprise des membresdes groupes protégés (Femmes, handicapés,minorités ethniques) (Bender et Pigeyre ;2003).

Au sein de cette perspective égalitaire, unedistinction peut s’opérer. Bender et Pigeyre(2003) distinguent entre une approchelibérale (égalité des conditions de départ) etune approche plus « radicale » (égalitédevant être présente dans les résultats) enréponse au principe de discriminationindirecte. Une deuxième catégorisation(Konrad et Linnehan, 1995), reprise parFrench (2001) oppose les pratiques « IdentityBlind » ou « pratiques universelles » et les pratiques « identity conscious » ou « pratiques catégorielles ». Les pratiquesuniverselles ont pour objectif l’égalité des

chances et la lutte contre les discriminations.Elles incluent les pratiques de recrutement,d’évaluation de compétences et de gestionde la carrière traditionnelle, effectuées sur labase de critères objectifs. Les pratiquescatégorielles quant à elles identifient lesgroupes protégés et déterminent desobjectifs de représentation de ces groupesdans les recrutements et les promotions,dans une optique semblable à celle de ladiscrimination positive. Les mêmes auteursavancent que les pratiques universelles n’ontaucun impact sur l’évolution des femmes.

Malgré leur finalité égalitaire, les politiquesd’égalité professionnelle ont suscitébeaucoup de controverses. Elles seraient lacause de la stigmatisation des catégoriesminoritaires, de la baisse des standards derecrutement et de promotion (Thomas et Ely,1996). Ces politiques, dont l’objectif est degarantir l’égalité, discrimineraient lescatégories majoritaires des « blancs », etseraient dans ce cas mal accueillies par legroupe dominant car elles seraient encontradiction avec les logiques deméritocratie. De même, elles peuventdéplaire aux groupes minoritaires, qui sesentiraient en présence alibi (Thomas et Ely,1996). Dans le cas des femmes, Cassel (1996)attire l’attention sur cette présence de « femmes-alibis » ou ce que Kanter (1977)nomme « social window dressing », qui sontmises en place pour répondre aux politiquesd’égalité professionnelle sans que la situationde la majorité change.

Par ailleurs, la présence de quotas ne peutêtre qu’une mesure limitée dans le temps,car elle est insuffisante pour assurer unchangement de comportements discrimina-toires, et peut même conduire à unerésistance au partage du pouvoir du groupemajoritaire (Lord et Delaney, 1999). Thomaset Ely (1996) nomment les mesures de quotasle « paradigme discrimination et justice », carelles entraînent des conflits et des difficultésentre les minorités et les « dominants ».

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Ensuite, les quotas empêchent les entreprisesde tirer profit de la variété de sescomposantes et des idées de la minorité.D’autres travaux comme ceux de Heilman etal. (1991,1992) démontrent même que lespersonnes recrutées via des quotas sontperçues comme des personnes dont les compétences sont inférieures auxcompétences de la majorité, et moinsqualifiées que la position qu’ils occupent(Summer, 1991). Laufer (2014) avance que leslois à elles seules sont incapables d’imposerl’égalité professionnelle entre les hommes etles femmes.

Ces limites égalitaires ont poussé lesentreprises à adopter des pratiques plusvolontaristes et stratégiques. L’irruption de laRSE reste jusqu’à aujourd’hui un des facteursdéterminants dans le revirement de laconception égalitaire d’un impératif légal àun impératif moral. Selon Igalens (2007), la GRH a connu un nombre importantd’évolutions sous l’influence de la RSE, parmiles évolutions importantes citées parl’auteur, on note la diversité. Au-delà de sonaspect légal, qui exige des entreprises despratiques non discriminantes, « la RSE danssa version diversité demande des efforts pourembaucher des personnes issues de minoritésvisibles ou repérables telles que les jeuneshabitants dans les banlieues défavorisées. Demême, le principe de parité demande auxentreprises de rééquilibrer la part des femmesdans les catégories cadres et dirigeants, c'est-à-dire de casser « le plafond de verre » quisouvent les empêche de progresser au-delàd’un certain niveau hiérarchique. » (Igalens,2007, p. 381). Pour l’auteur, au cœur de laRSE figure, la conviction que les dirigeants del’entreprise doivent à la société bien plus quedes profits et ont des obligations vis-à-visd’autres groupes d’intérêt que les seulsactionnaires. Cette conviction a mené lesconceptions et pratiques de l’égalitéprofessionnelle issue du droit vers la gestionde la diversité qui est basée sur une morale etun idéal de gestion.

Gestion de la diversité

Le terme « Gestion de la diversité » ou « Diversity Management » date de 1987,lorsque l’institut Hudson publia son rapportWork Force 2000 (Lorbiecki et Jack, 2000). Cerapport informait les Américains qu’à partirdes années 2000 la majorité des travailleursaméricains serait issue des groupesminoritaires (Beasly, 1996). Cette nouvellefut un des éléments déclencheurs de l’intérêtde la communauté des chercheurs etpraticiens pour le management de ladiversité.

La gestion de la diversité ne répond pas à unimpératif légal, mais va au-delà des lois. Ellerépond à un idéal, qui vise l’intégration detous les individus quelles que soient leurscaractéristiques au sein des entreprises dansun objectif de business case (Cox et Blake,1991 ; Ross et Schneider, 1992).

Le management de la diversité est un conceptcomplexe. Le saisir revient à ouvrir plusieursportes d’entrées au vu des impératifs qu’ilintègre. D’abord légal, car c’est un nouveauparadigme d’égalité professionnelle. Ilintègre donc, de manière globale, l’obligationde garantir un traitement équitable pourtoutes les catégories au sein de l’entreprise.En deuxième lieu, Le management de ladiversité va au-delà de l’obligation légale, ilrépond à une exigence morale et éthique,conforme aux principes de la RSE. Il englobeégalement la dimension économique, enintégrant les minorités de l’entreprise au vude meilleures performances économiques. Ladiscrimination positive « met de l’essencedans les tanks, pousse les nouvelles personnesvers la porte d’entrée, mais quelque chosed’autre doit les mettre dans la place duconducteur » (Thomas, 1990, p. 7, traductionlibre).

Dans ce sens, le management de la diversitéregroupe un champ plus large que lespratiques d’égalité professionnelle. SelonBarth et Falcoz (2007), la gestion de la

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diversité n’est pas un concept juridique, maisune démarche managériale. Son objectif estde faire évoluer les représentations afind’éliminer tout comportement discrimi-natoire. Dans cette optique, il représente unconcept qui intègre l’idée que la force detravail soit une population diverse. Il est basésur la prémisse que mettre à profit cesdifférences, créerait un environnementproductif dans lequel chaque personne sesente valorisée, et où les talents sontpleinement utilisés dans une optique où lesobjectifs de l’organisation convergent(Kandola et Fullerton, 1994).

L’intérêt de la gestion de la diversité est demettre l’accent sur l’individu et non sur legroupe auquel il appartient, et il est reconnuà chaque individu d’être différent de laculture dominante (Bender et Pigeyre, 2003).

Pour Harvey et Allard (1995), l’apport de lagestion de la diversité est que l’organisationréalise que les différences individuellespeuvent créer de la valeur externe decréativité, une meilleure compréhension desclients et des marchés. De manière générale,Cabral-Cardoso (2002), avance que la gestionde la diversité met l’accent sur les différencesplutôt que sur les ressemblances ; il s’agit devaloriser les contributions individuelles àl’organisation de chaque individu au regardde ses capacités et de ses mérites. Cescontributions varient sur la base desdifférences visibles et invisibles telles que lesexe, l’âge, la race, l’origine sociale etscolaire, les handicaps, la personnalité et lafaçon de travailler (Wirth, 2001).

En résumé, le management de la diversité apour but que chaque employé maximise sonpotentiel et sa contribution à l’entreprise.Ainsi, les politiques de gestion de la diversité,valorisent les différences et justifient que l’onutilise les femmes là où leur présence estsupposée apporter un réel avantage. Benderet Pigeyre (2003), avancent que chaqueentreprise doit comprendre le type dediversité qu’elle veut mettre en place. Lamanière de l’appréhender et les enjeux

soulevés diffèrent selon les cas. Prasad et al.(2002) et Kirton (2003) précisent que lagestion de la diversité s’inscrit dans unelogique de différenciation perçue comme unacte de gestion réactif où il s’agit de réduireles dysfonctionnements liés à la main-d’œuvre de plus en plus hétérogène, ainsique la peur et la menace de cettehétérogénéité. En second lieu, c’est un actede gestion proactive qui crée de la valeurajoutée interne et externe et agit dans unelogique RSE.

Si le management de la diversité est présentécomme un idéal à atteindre par lesentreprises, plusieurs travaux critiquent sesfondements. Frédérique Pigeyre (1999) faitremarquer qu’il existe des risques à prendreen compte quant à l’application despolitiques de gestion de la diversité. C’est uneminimisation de l’enjeu que de mettre lesfemmes dans les postes où elles sont jugéescomme plus douées que les hommes.L’auteur signale que ces politiques risquentde conduire à une « ghettoïsation » desfemmes au sein de fonctions exclusivementféminines.

Barth et Falcoz (2007), avancent que lesdiscours sur la diversité noient parfois lesdiscriminations contre les femmes et lesminorités dans des différences anodinescomme le style vestimentaire ou l’originegéographique.

Kartochian (2004) avance que la mixité et ladiversité sont une source de performancepour l’entreprise, se contraindre à intégrerdes femmes pour des raisons économiques,s’apparenterait à justifier leur présence ausein des entreprises.

Au Maroc, rares sont les études qui portentsur la réalité des pratiques de la gestion de ladiversité. Une étude exploratoire menée parSafi-eddine et Bentaleb (2012), renseigne surla perception favorable accompagnée d’unefaible prise de conscience de son importanceet ses enjeux. Chacun prétend pratiquer unegestion équitable à l’égard des différentes

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catégories, toutefois, les outils utilisés sontintuitifs et restent davantage tributairesd’initiatives individuelles que le résultat d’unprojet social. Les conclusions de l’étude sontles suivantes : • « Peu de sensibilisation sur le sujet de

l’égalité et les risques de discriminationdirecte et indirecte ;

• Faible vulgarisation des textes et lois, les statuts et les extraits de textes de loi ne sontgénéralement ni affichés ni diffusés, ;

• Absence d’entités de veille sur la diversité qui pourrait conforter les initiativesindividuelles ;

• Rare prise en considération du sujet de l’égalité et de la lutte contre lesdiscriminations au travail dans les plans deformation. » (Safi-eddine, Bentaleb, 2012,p. 12).

Pour conclure sur les paradigmes d’égalitéprofessionnelle et de gestion de la diversité,un article de Meyerson et Fletcher (2000)démontre l’incapacité des politiques degestion de la diversité et de l’égalitéprofessionnelle à elles seules de permettreune intégration complète et équitable desfemmes dans l’entreprise. Ils assimilent cettesituation à un monde de petites personnes oùtout d’un coup des personnes de grande taillefont leur apparition, ces petites personnes setrouvent obligées de les intégrer dans leurmonde. Pour faciliter leur intégration, ilsinstallent des barres en face desquelles lesgrandes personnes doivent se courber afind’être à égalité avec les petites personnes àchaque fois qu’elles rentrent dans un espace.Meyerson et Fletcher (2000) associent lespolitiques d’égalité professionnelle dans lesentreprises à ces barres qu’on installe, pourpermettre une égalité des chances entrehommes et femmes. Alors que les politiquesde gestion de la diversité seraient assimiléesà une situation où les petites personnesn’attribueraient aux grandes personnes queles tâches dont eux ne peuvent s’acquitter vuleur taille. Les auteurs concluent en avançantque l’intégration réelle des femmes ne peutse faire qu’à travers une refonte totale des

structures et pas uniquement à travers lespolitiques d’égalité des chances et de gestionde la diversité.

En réalité, les mesures prises par lesentreprises combinent souvent les politiquesd’égalité des chances comme dimensionformelle et les formes de la gestion de ladiversité qui prennent en compte les besoinsdes individus et de communication interne(Townsend, 1996).

Dans la pratique, et afin d’intégrer lesfemmes et leur permettre d’atteindre lespostes de décision, les pratiques RH adoptéesvarient de l’égalité professionnelle à lagestion de la diversité dans desconfigurations qui diffèrent d’une entrepriseà une autre. Il est à noter également quepasser d’une entreprise unisexe à uneentreprise avec des femmes ne peut se fairedu jour au lendemain ; les entreprisespassent par des phases dans l’objectifd’atteindre l’égalité.

Dans ce sens, nous tentons de comprendreces configurations dans un contextemarocain, où les enjeux culturels et sociauxrendent l’application stricte de cesparadigmes délicate. D’abord aucune loin’impose aux entreprises marocainesd’intégrer les femmes dans les instances dedirection, il devient dès lors délicat d’aborderune égalité professionnelle dans le contextemarocain en l’absence de lois explicites.Certaines initiatives émanent de part etd’autre, mais qui ne sont soumises à aucuncadrage ou obligation de résultat. L’égalitéhomme femme dans les entreprises n’est laresponsabilité d’aucune entité gouverne-mentale ou non gouvernementale. La culturemarocaine demeure une culture paternalisteoù le rôle de la femme est d’abord le foyer,les responsabilités professionnelles sonttolérées tant qu’elles n’impactent pas lesresponsabilités familiales (Sahraoui, 2012).

Malgré l’absence de lois et un contexteculturel contraignant certaines entreprisesréussissent à intégrer des femmes et à briser

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le plafond de verre au Maroc. Cette secondepartie de l’article, tente par une rechercheempirique d’analyser les configurations RHadoptées, qui permettent aux femmesd’atteindre les postes de direction dans lesentreprises marocaines.

Pratiques RH et plafond de verre :Cas des entreprises marocaines

Pour répondre à notre problématique nousavons opté pour une méthodologiequalitative inductive, une méthodologie quiest la plus en adéquation avec le contexteexploratoire marocain. Dans ce sens nousavons retenu la stratégie des cas. Cettestratégie nous permet d’éclairer l’ensembledes relations mises en jeu et d’analyser enprofondeur les différentes configurations RH.

Nous avons retenu essentiellement desentreprises qui présentent des signaux deplafond de verre brisé, notamment desentreprises qui ont une proportionintéressante de femmes dans les postes dedirection (plus de 30 % de femmes dansl’encadrement). Ce sont également desentreprises qui ont été labellisées, priméesou remarquées dans les médias marocainspour leurs actions en faveur des femmes.

Les entreprises qui ont été favorables à notrerecherche sont au nombre de 6, dont quatremultinationales et deux entreprisesmarocaines. Ces entreprises opèrent dansdes secteurs divers, deux des entreprisesmultinationales opèrent dans le secteurénergétique A et B, une entreprisemultinationale opère dans le secteurpharmaceutique C, une autre dans le secteurde l’hôtellerie D. L’entreprise E, uneentreprise nationale opère dans le secteurdes télécommunications, et la dernièreentreprise nationale F opère dans le secteurdu BTP.

Pour le recueil des données au sein desentreprises, nous avons construit 3 différentsguides d’entretien, l’un destiné au Directeur

général ou un responsable opérationnel, unsecond destiné au DRH et le troisième auxfemmes managers. En plus des entretiensnous avons procédé à une étudedocumentaire au sein et à l’extérieur desentreprises, afin de nous appuyer dans nosanalyses. L’objectif est de nous éclairer surles configurations ainsi que motivations desentreprises qui mettent en place despratiques en faveur des femmes dans uncontexte marocain.

Sur la base de ces données nous avonsprocédé à une analyse intra-cas, puis uneanalyse inter-cas (Miles et Huberman, 2003).Nous présenterons les résultats globaux afinde rendre compte de manière synthétiquedes pratiques RH ainsi que leurs contextesd’application au sein des entreprisesretenues.

Analyse des résultats

Il ressort de l’analyse de nos six études de casune multiplicité de configurations présentespour briser le plafond de verre. Lesentreprises exercent dans des secteursd’activité différents, sont de taillesdifférentes et les objectifs en terme deprésence féminine varient.

Malgré la spécificité des applications, cesentreprises réussissent à faire avancer lesfemmes jusqu’aux postes de management.Afin de rendre compte au mieux desdifférentes configurations, nous présen-terons d’abord le contexte organisationnelqui a joué en faveur de l’adoption depratiques paritaires, ensuite nous décrironset analyserons la nature et la configurationdes pratiques RH mises en place en faveurdes femmes.

Le contexte organisationnel

Nous pouvons avancer que la mise en placede politiques RH en faveur de la parité ne sefait pas indépendamment d’une consciencede l’environnement de l’entreprise. Il s’avère

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que nos six cas de recherches ont amorcé desstratégies sociales et sociétales qui intègrentleur environnement immédiat, et agissent entant qu’entreprises citoyennes2. Les six cas, àdes niveaux différents et en fonction del’activité de l’entreprise, mènent des actionsen faveur des différentes parties prenantesqui constituent leur environnement.

D’autre part, ces organisations secaractérisent par une forte implication de ladirection générale ainsi que desdépartements RH dans le dossier parité. Dansl’ensemble des cas de recherche,l’implication de la direction générale et savolonté d’intégrer les femmes ont étéfortement soulignées lors des entretiens. Àtravers nos entretiens, on retrouve uneimplication et une volonté d’intégrer lesfemmes. Cette conviction est fondée surl’apport des femmes au Management et àl’entreprise. Le Business Case estomniprésent dans les discours.

➢ « Je suis vraiment persuadé qu’en arrivant à la parité dans l’encadrement et ladirection de l’entreprise, on auraprobablement une entreprise plus efficaceet c’est ce que recherchent toutes lesentreprises et les actionnaires del’entreprise » (Responsable opérationnelN°1).

➢ « Nous sommes dans une société patriarcale et nous on ne l’est pas du toutet je suis exactement dans l’anti-patriarcal…, travailler avec des femmes estune idée plus profonde et elle est devenuebeaucoup plus une stratégie »(Responsable opérationnel N°6).

Toutefois, l’implication de la directiongénérale se décline différemment en fonctiondes entreprises. Elle est soit une actionvolontariste de l’entreprise, soit uneobligation de la maison mère pour lesmultinationales.

Dans le cas des entreprises marocaines,l’implication dans les politiques de parité estla conséquence d’une prise de conscience

volontariste. Les deux entreprises nationalesn’ont aucune obligation institutionnelle àmettre en place des politiques de parité. Lecode du travail est très maigre en matièred’égalité professionnelle et les syndicats etl’inspection du travail ne mettent pas enpriorité ces différentes pratiques. Lesentreprises sont dans des phases dedéveloppement qui les conduisent à intégrertoutes les compétences, et notamment lesfemmes.

« Ça remonte à mes débuts de carrière, doncj’ai vu des équipes où il y avait des hommes etdes femmes et c’est là où j’ai commencé àcomprendre et à me rendre compte que lesfemmes rendent le travail plus intéressant.Aujourd’hui intégrer des femmes c’est devenuune conviction profonde et une stratégie »(Responsable Opérationnel N°6).

Pour les entreprises multinationales de notreéchantillon, la mise en place de pratiquesparitaires est essentiellement à l’initiative dela maison mère, qui opère dans des pays oùles obligations institutionnelles ainsi que lesactions des ONG sont plus fortes. Les maisonsmères fixent des quotas à atteindre et lesvérifient à travers des reporting annuels.

Toutefois, l’impact de la maison mère diffère.Pour A et B, la féminisation devient un projetpropre des filiales où les dirigeantss’impliquent personnellement pour la miseen place de la parité. Par ailleurs, lesstratégies de diversité se déclinentclairement en faveur des femmes. Ces deuxentreprises respectent les canevas paritairesdes multinationales mais n’hésitent pas àmettre en place d’autres pratiques pourpromouvoir les femmes managers. Elles ontl’obligation d’atteindre des objectifs chiffrésen termes de féminisation, mais ellesdécident par elles-mêmes des moyens pour yparvenir.

2. Responsable ne renvoie pas directement à la RSE, car lestatut de responsabilité sociale de ces entreprises ne peutêtre vérifié.

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« Je crois dans le bien-fondé de l’intégrationdes femmes, au contraire je souhaiteraisintégrer plus de femmes, on se bat pour çad’ailleurs » (Responsable opérationnel N°1).

« La moitié de la société est composée defemmes, pourquoi il en serait autrement ici ?Moi je suis un fervent partisan des femmes, jeles aide, je les soutiens. Je me mets à leurplace car moi aussi j’ai une épouse, et je nevoudrais pas que quelqu’un soit injuste vis-à-vis d’elle. Ici, à… tout est mis en place pourque les femmes aient toutes leurs chances »(Responsable opérationnel N°2).

Dans le cas de B et C, l’égalité professionnellefait partie du projet plus générique de lagestion de la diversité. Les filiales appliquentles directives de la maison mère en termes de parité, mais les grandes décisionsstratégiques (nomination des femmesdirigeantes, nombre de femmes dansl’encadrement) se font au niveau de lamaison mère ou dans des forums quiréunissent une grande partie des filiales.

« C’est une volonté du président directeurgénéral de promouvoir la femme mais en toutcas il n’y a pas de blocage des femmes, unefemme capable qui a des compétences je diraiqu’elle rentre tout naturellement voilà et onlui confie des fonctions importantes »(Responsable opérationnel N°3).

« La diversité dans le groupe est assezprésente, c'est un axe, c'est-à-dire dans mesobjectifs personnels, dans les objectifs dudirecteur général, et de toutes l'équipemanagériale il y a un objectif de diversité.Dans les forums du groupe on essaye de voirquelles sont les faiblesses et là on décide cequ’on va faire pour telle ou telle région »(Responsable opérationnel N°4).

Toutefois, si la finalité est de permettre auxfemmes d’avancer, les objectifs derrièrecette finalité diffèrent. Pour chaqueentreprise, les objectifs se déclinentdifféremment, soit en objectifs d’égalité, dediversité, ou d’aveugle au genre.

L’objectif égalité

Il se vérifie dans le cas de A et B où le businesscase de l’intégration des femmes estcomplètement intégré. Le débat ne porteplus sur le bien-fondé d’intégrer les femmes,mais porte sur le meilleur moyen de lesintégrer et d’atteindre la parité avec leshommes dans tous les postes et dans toutesles fonctions. Même si le projet et la stratégieau niveau Groupe portent sur la gestion de ladiversité, la priorité est clairement accordéeaux femmes au sein des filiales. Cette prioritéaccompagnée de quotas rapproche plus cespratiques de l’égalité professionnelle quecelles de la gestion de la diversité.

L’intégration des femmes transparaît dansl’ensemble des politiques et des objectifsvisés, et s’avère comme un objectifprimordial pour l’entreprise. Des évaluationsrégulières sont mises en place pour évaluerles résultats de ces politiques. Les pratiquesdéployées dans ces entreprises en faveur desfemmes sont les plus intenses de nos cas derecherche, et les directeurs des ressourceshumaines s’impliquent personnellementdans le projet égalité Hommes/Femmes.

L’objectif diversité

Il est présent dans le cas C et D, oùl’intégration des femmes fait partie d’unprojet plus global de diversité. Les pratiquesau sein de ces entreprises découlent de lagestion de la diversité où l’objectif estd’intégrer toutes les catégories en fonctiondes compétences. Le groupe femme faitpartie de l’ensemble des groupes quel’entreprise vise à intégrer. Les pratiques RHse déclinent dans un objectif de performanceet d’équité, mais pas forcément pourfavoriser les femmes. La finalité est d’intégrerles meilleures compétences en étantéquitables vis-à-vis de toutes les catégoriesdu personnel.

L’objectif aveugle au genre

Il porte sur la mise en place des pratiquesparitaires dans le cas des entreprises

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nationales (E et F), pratiques relevant d’unedémarche intuitive guidée par le businesscase de l’intégration des femmes. Cesentreprises sont en pleine croissance etdéveloppement, et ont entamé des actionssociales en faveur de leurs différentes partiesprenantes. L’intégration des femmes et lamise en place de pratiques paritaires sesituent dans la lignée de la démarchestratégique de l’entreprise. L’objectif estd’intégrer toutes les compétences, afind’accompagner la croissance de l’entreprise.Cet objectif est appuyé par la conviction del’apport des valeurs féminines demanagement. Toutefois, il serait difficiled’avancer que les pratiques de cesentreprises découlent de la gestion de ladiversité car elles concernent les femmes demanière spécifique. De même, on ne peutconsidérer que ces pratiques découlent del’égalité professionnelle. En l’absenced’obligation institutionnelle, ces pratiques necorrespondent pas aux modèles de l’égalitéprofessionnelle, et les entreprises ne mettenten place aucun quota en faveur des femmes.Ces entreprises opèrent dans une optique denon-discrimination de compétences, et nonpas de promotion spécifique des femmes.

Les configurations des pratiques RH paritaires

En fonction des analyses, nous pouvonsregrouper les pratiques RH en faveur desfemmes en trois catégories : les pratiques derecrutement et d’attraction qui lientl’entreprise à son environnement externe ;les pratiques d’accompagnement qui visent àintégrer les femmes et à les suivre dans leursparcours au sein de l’entreprise et lespratiques de gestion de conflit travail/famille,dont l’objectif est la conciliation entre lasphère privée et les charges professionnelles.

Pratiques de recrutement et d’attraction

On peut noter que les pratiques derecrutement diffèrent d’une entreprise à uneautre. Les entreprises dont l’objectif est

l’égalité, fixent des quotas, afin de féminiserles recrutements. Ces quotas mettent lessupérieurs hiérarchiques face à l’obligationde recruter des femmes même dans despostes perçus comme masculins. Mais notonségalement que les quotas de féminisationpermettent de forcer les changements dementalités en intégrant des femmes afin dedémontrer les capacités de celles-ci à exercertous les métiers. Les pratiques d’intégrationinculquent dès le départ une cultured’égalité, qui met l’entreprise avant lespersonnes. L’ensemble des collaborateurss’imprègne des cultures et des valeurs del’entreprise, mettant au second plan lesindividus, chose qui renforce la culture deparité.

Les entreprises dont l’objectif est d’êtreaveugle au genre mettent en place despratiques de recrutement objectivantes pourintégrer les meilleurs. En parallèle, lesfemmes ne sont pas discriminées et sontmême favorisées au regard de leur apport. Demême, face à une stratégie dedéveloppement, ces organisations sontconscientes que discriminer les femmesserait une perte de ressource pour desentreprises en croissance.

Cette logique est semblable aux entreprisesqui adoptent un modèle de diversité. Lespratiques d’intégration ne visent pasl’intégration d’une catégorie bien précise,mais visent l’intégration de toutes lescatégories sur la base de compétences. Lescritères objectifs d’évaluation en fonction desbesoins de l’entreprise permettent d’intégrerces compétences.

Il est à noter que, malgré les objectifs deparité, les entreprises ne communiquent quetrès rarement sur leurs pratiques. Pour lamajorité, le process de recrutement n’intègrepas la recherche de compétences fémininesdans les universités ou les écoles, ou despublicités sur leurs objectifs de recrutementféminins. La communication sur ces pratiquespar l’ensemble de ces entreprises necorrespond pas à une stratégie ; elles

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saisissent des opportunités qui seprésentent, pour communiquer sur laprésence des femmes.

Pratiques d’accompagnement

Ces pratiques regroupent essentiellement lespratiques de gestion de carrière, deformation, d’évaluation, de promotion et derémunération. Elles sont les plus développéespour les six études de cas. Ces pratiquespermettent d’accompagner les femmes enpalliant les discriminations organisation-nelles.

Pour les entreprises dont l’objectif estl’égalité, une gestion de carrière formelle estdéveloppée via des pratiques de mentoringet de sponsoring officielles des femmes. Pourles autres entreprises, le parrainage informelest encouragé par les DRH et les DG.

La formation représente aussi un axeprioritaire pour développer les compétencesdes femmes. Au sein des entreprises dontl’objectif est l’égalité, un reporting sur lenombre de femmes formées est mis en placepour le suivi des candidatures féminines. Enparallèle, dans l’ensemble des entreprises,des formations en leadership, en langues ouen management sont mises en place pourdévelopper les compétences féminines et lespréparer pour les postes de management.

L’évaluation est basée pour l’ensemble de cesentreprises sur des critères qualitatifs et laréalisation d’objectifs. Le temps de présencen’apparaît pas comme un facteurdiscriminant.

La promotion qui permet d’assurerl’avancement des femmes est déclinéedifféremment au sein des entreprises. Pourles entreprises dont l’objectif est l’égalité,des quotas sont mis en place pour favoriserles candidatures féminines. Au sein desentreprises dont l’objectif est la diversité, lareprésentativité de toutes les catégories estimportante. Néanmoins, les nominationspour les postes de décision sont faites par ou

en concertation avec la maison mère. Au seindes entreprises, dont l’objectif est d’êtreaveugle au genre, les candidatures internessont avantagées et les DRH et la DGgarantissent la non-discrimination desfemmes pour des postes de décision.

Concernant la rémunération, même si lesentreprises affirment qu’il n’y a pas dediscriminations salariales entre les hommeset les femmes, il est difficile pour nous deconfirmer ou d’infirmer ce point, car, nousn’avons pas eu accès aux fiches de paie.Néanmoins, certains responsables avancentqu’ils tentent pour certains postes ou métiersde revoir et réduire les écarts salariaux.

Pratiques de conciliation

Pour les entreprises dont l’objectif estl’égalité, les pratiques de conciliation ontpour objectif de permettre aux femmes degérer le conflit travail/famille en sensibilisantles supérieurs hiérarchiques auxproblématiques féminines de maternité et decharges familiales. L’objectif est de permettreune certaine flexibilité officieuse aux femmesmanagers. Cette flexibilité leur permet deréaliser leurs objectifs professionnels, tout enmaintenant un équilibre travail-famille.D’autres programmes sont mis en place parles maisons mères, qui permettent detravailler chez soi comme le « diversitymanager » ou le « working from home », maisces programmes ne sont pas très développésau sein des filiales.

En parallèle, dans les entreprises où l’objectifest la diversité ou d’être aveugle au genre, lespratiques de conciliation travail/famillen’existent pas. Elles ignorent les spécificitésféminines afin de ne valoriser que lescompétences et les objectifs réalisés. Ce typed’organisation se veut aveugle au genre ; ilintègre les femmes dans la lignée d’unraisonnement objectif visant la performanceet la compétence. Les pratiques RH visent lavalorisation, l’accompagnement et même laprotection des femmes, mais sans allerjusqu’à forcer les pratiques de l’entreprise à

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intégrer les problématiques familiales ouféminines. Ces différentes spécificités quiconcernent le conflit travail/famille sontconsidérées comme des contraintespersonnelles qui ne sauraient être intégréescar elles ne pourraient permettre une gestionéquitable vis-à-vis de tous les collaborateurs. De manière générale, les pratiques de gestiondu conflit travail/famille demeurent faibles etla gestion des contraintes privées relève de ladimension personnelle des femmesmanagers.

Sur la base de nos analyses, il ressort qu’àl’instar de la littérature les pratiques RHjouent un rôle fondamental dansl’avancement hiérarchique des femmes ausein des organisations. Ces pratiquespermettent aux femmes cadres marocainesd’avancer au sein de la hiérarchie danscertains contextes et certaines conditions.Ces contextes et conditions dépendent desentreprises, de leur vision et de la perceptiondes personnes qui les composent. En fonctionde ces critères les configurations RH sedéclinent différemment.

La relation affective perçue

En parallèle avec les pratiques officiellesmises en place par l’entreprise, d’autrescritères affectifs s’avèrent déterminants dansl’avancement des femmes. Les femmesmanagers ont développé une relation deconfiance avec leurs entreprises basée surplusieurs signaux dont l’entreprise estresponsable mais dont elle n’est pasforcément consciente. Les femmes managerss’accrochent à ces signaux perçus commeindicateurs d’un climat paritaire qui lesencouragent à aller de l’avant.

Soutien perçu de l’organisation

De manière générale, les femmes managersperçoivent leurs entreprises comme desentreprises paritaires où les femmes sontmises en valeur. Elles comparent leurorganisation avec d’autres organisations de

leur entourage et le résultat de cettecomparaison les renforce dans leursatisfaction vis-à-vis de leur organisation. Lesoutien perçu est surtout basé sur un étatd’esprit, sur des discours et sur l’absence decas flagrant de discrimination. Ce climatparitaire perçu aide les femmes à dépasser lapression psychologique causée par lesstéréotypes, à aller de l’avant et à se focaliseressentiellement sur leurs compétences etleurs rendus. Le soutien perçu et la présencedes politiques ainsi que des personnes avecun degré de conviction affichée pour la causeféminine, agit pour les femmes comme unecaution de sécurité et une garantie de « non-discrimination ».

« Les personnes qui m’ont mises dans ce postesont vraiment sympathiques. Mais on se faitconfiance avant, en 6 mois d'essai, après ilsont confiance en vous. »

Modèle dans l’organisation

Bien que le modèle absolu de managementdes femmes soit un homme, au sein dechacune des entreprises, les femmes mettenten avant le modèle d’une femme ayant réussidans sa vie professionnelle ainsi que dans savie privée. La réussite de ces femmes se vitpar les différentes femmes managers commela garantie du bon fonctionnement despratiques paritaires au sein de l’entreprise. Lapression sociale au sein de la sociétémarocaine impose aux femmes de réussirdans toutes les sphères et notamment lasphère personnelle. La présence de femmesau sein de l’entreprise qui ont réussi leur vieprofessionnelle ainsi que leur vie privée est lagarantie qu’il est d’abord possible de briser leplafond de verre, mais qu’il est aussi possiblede le briser tout en maintenant un équilibreentre la vie privée et la vie professionnelle.

« Il y a peut-être un exemple c’est… quej’adore, elle réussit partout justement c’estpour cela que c’est un exemple, elle estdirectrice et elle a deux enfants et elle estgentille avec tout le monde. »

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Croyance en Dieu

Le destin et la croyance en Dieu sont leleitmotiv des femmes managers. Elles croientau destin et ont la foi. Leur foi dans Dieu etdans le destin ainsi que la foi dans larécompense de « ceux qui sont bons et bien » est un discours systématiquementavancé par les femmes managers. Ellestravaillent au mieux de leurs moyens et ont lafoi qu’elles seront récompensées sans leréclamer car c’est le destin et la récompensedivine. Cette croyance en Dieu, ou « niya »3

dans le travail agit comme un socle fondateurdes différentes actions des femmes au seinde leurs organisations et de la relation desfemmes avec leurs entreprises.

« Grâce à dieu, je n’ai jamais attendu nipromotion ni quoique ce soit et tout venait defaçon systématique, et grâce à dieu j’ai eucomme même un développement de carrièrequi est assez respectable »

Sentiment de reconnaissance et de confiance

Les femmes managers ont confiance dansleurs entreprises et dans les pratiques RH deleurs entreprises. La confiance pour elles sevit comme un lien avec l’organisation, où les femmes échangent leur travail etcompétence contre de la valorisation et de lareconnaissance de leurs apports ainsi que desopportunités paritaires d’avancement,beaucoup plus que des pratiques égalitairesde rémunération. Elles sont redevables à leurs organisations et se sententreconnaissantes pour leur parcours. Leuravancement « face aux hommes » solidifie larelation de confiance qu’elles ont vis-à-vis deleur organisation. Elles perçoivent leursorganisations comme des « superentreprises » et les pratiques RH en faveurdes femmes comme des « pratiquesexceptionnelles », dont elles ont eu la chancede bénéficier.

« Je suis reconnaissante par rapport àcertains de mes supérieurs, tu vas dire que jeferai tout rien que pour lui faire plaisir et tu

vas faire des trucs pour ce manager, et cen’est pas parce que tu es payée pour ce postemais ça devient de la générosité par rapport àcette personne, tu veux donner le meilleur detoi-même pour satisfaire ce monsieur et pourêtre à la hauteur ».

Discussion

Notre recherche empirique par étude de cas,au sein d’entreprises qui ont réussi à faireavancer des femmes, nous a permis derelever les facteurs qui favorisent l’adoptionde pratiques en faveur des femmes et lescaractéristiques de ces configurations RH.

Les facteurs organisationnels pourbriser le plafond de verre au Maroc

Au Maroc, l’absence de pressioninstitutionnelle accompagnée de sanctionspose la question de l’identification desfacteurs qui favorisent l’adoption depratiques RH d’égalité et ou de diversité enfaveur des femmes. À l’issue de notrerecherche trois facteurs paraissentdéterminants : le contexte organisationnel dela mise en place des pratiques dédiées auxfemmes, l’attitude des acteurs clés à l’égardde la diversité et de l’égalité et la dimensionaffective perçue.

Le contexte organisationnel de mise en placedes pratiques dédiées aux femmes

Traditionnellement, pour le rôle du contexteorganisationnel dans l’adoption de pratiquesd’égalité et/ou de diversité, les déterminantsmicro-économiques sont utilisés (Havet etSofer, 2002). D’autres auteurs commeChênevert et Tremblay (1994) distinguent lesecteur public du privé, et précisent que lespratiques en faveur des femmes sont plusfertiles dans le public en raison de lalégislation contraignante. Dans notre

3. Terme dialectal marocain qui traduit la foi en dieu et larécompense divine de la foi et des actes bien intentionnés.

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recherche qui porte sur le secteur privé,conduite auprès d’entreprises exerçant des activités différentes, le contexteorganisationnel de mise en place despratiques dédiées aux femmes doit êtreinterprété davantage en fonction de lanationalité de l’entreprise. - Pour les filiales des multinationales, la mise

en place des pratiques d’égalité et/ou dediversité est essentiellement laconséquence de l’obligation de la maisonmère. Dans une recherche de performanceet d’homogénéisation, les multinationalesont tendance à transférer leurs pratiquesRH vers les filiales (Powell et Dimaggio,1991). Une enquête de DIORH (2004),portant sur les pratiques RH au Maroc,démontre la sophistication de ces pratiquesdans les filiales marocaines desmultinationales. Ce transfert de « bonnespratiques » est également confirmé par lesrecherches de Frimousse et Peretti (2005).Dans les pays du Maghreb et notamment auMaroc, un nombre important de pratiquesissues des multinationales sont transféréesaux filiales (Frimousse et Peretti, 2005). Lamaison mère transfère non seulement des activités mais un modèle de gestion (Frimousse et Peretti, 2005). Dans le cas de la parité homme/femme, lesmultinationales retenues appuient cetransfert par des quotas et/ou des reportingchiffrés, qui obligent les filiales nonseulement à adopter un mode de gestion,mais à en assurer également la perfor-mance. Cet apprentissage forcé conduit lesfiliales marocaines à intégrer des pratiquesen faveur des femmes dont les lignesdirectrices ont été décidées par la maisonmère.

- Pour les entreprises nationales, l’adoption de pratiques en faveur des femmes seprésente comme une démarche proactiveet volontariste. Ces entreprises sont enrecherche de ressources, et leur stratégiede développement s’accompagne del’intégration de toutes les compétencesmasculines ou féminines. Ces entreprisesadoptent des pratiques qui se veulent

autant que possible aveugles au genre, pouraccompagner cette démarche dedéveloppement et être des structures aptesà accueillir les ressources féminines. Au planthéorique, l’importance des politiques deféminisation parmi les équipes dirigeantespeut être rapprochée pour les entreprisesnationales par la théorie de la ressource(Selznick, 1957 ; Demsetz, 1989 ; Penrose,1959). Selon Penrose (1959), les ressourcessont tout ce qui génère des flux de serviceen vue de la création de la valeur. Cesressources conditionnent les opportunitésproductives qu’elles génèrent pour croîtreet aussi pour innover à travers lescombinaisons que l’entreprise contrôle.Dans cette perspective, certains travauxs’attachent à définir les actifs stratégiquesde l’organisation susceptibles de mener àune performance organisationnelle durable.Nombreux sont les textes théoriques quisoulignent l’importance stratégique desactifs intangibles, car ils sont au cœur del’avantage concurrentiel. Parmi cesressources intangibles, le capital humain asuscité l’intérêt de nombreux théoricienscomme base d’une compétence-clé desuccès (Barney, 1991). De même, l’héritagepenrosien nous apprend que, quelle quesoit la ressource, elle n’a jamaisd’importance en elle-même, mais toujoursen fonction de son insertion dans unagencement. C’est donc le système deressources qu’il faut gérer et pour cela, ilfaut dépasser les idées reçues quant auxagencements possibles. Cette affirmation sevérifie dans les entreprises nationales oùl’intégration des femmes se rattache à unBusiness case (Cassel, 1996). Pouraccompagner leur développement, cesentreprises doivent élargir le vivier derecrutement et fidéliser leurs ressources.Elles revoient alors leurs pratiques afin demieux intégrer les femmes, et de répondreà leurs besoins et objectifs. L’introductionde ces pratiques en faveur des femmes peutêtre assimilée à un nouvel agencement, afinde mieux introduire les ressourcesféminines qui se révèlent stratégiques pourdes entreprises en croissance.

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Au-delà du contexte organisationnel au seindes entreprises, l’intégration des pratiquesdédiées aux femmes dépend des individus encharge de leur application. Nous détailleronsdans le second point l’importance del’attitude de ces acteurs dans l’adoption despratiques en faveur des femmes.

L’attitude des acteurs clés à l’égard del’égalité et de la diversité

Les modes de gestion liés à la diversité oul’égalité sont récents dans le quotidien desentreprises au Maroc. La perception desacteurs devient dès lors primordiale dansl’adoption de ces outils et pratiques(Frimousse et Peretti, 2005). Nos résultats ausein des six cas de recherche confirment queles perceptions et convictions des acteursclés (DG, DRH et supérieurs hiérarchiques),quant à la question de la paritéHomme/Femme, jouent un rôle importantdans la mise en place de ces pratiques au seindes entreprises.

La position de ces acteurs a un impact nonseulement sur l’application des pratiques enfaveur des femmes, mais également dansleur adoption et leur intégration dans lagestion quotidienne de l’entreprise. Cerésultat rejoint les écrits de Cornet etWarland (2008). En effet, les auteursexpliquent que le style de management desresponsables a un impact direct sur laréussite des politiques de diversité. Lesauteurs présentent ce facteur comme unfacteur clé au cœur des politiques dediversité dont la réussite « dépend donc de lafaçon dont les responsables gèrent et pilotent ce processus de transformationorganisationnelle susceptible d’affecter lesmodes d’organisation du travail » (Cornet etWarland, 2008 : 122).

De même, Bernard et Silva (2007) insistentsur l’appui du conseil d’administration et dela direction d’une institution, en tantqu’impératifs à l’amélioration de l’égalitéprofessionnelle. Il est essentiel que ladirection d’une institution s’implique et dans

le cas contraire, la situation serait vouée àl’échec. Les auteurs précisent également lanécessité de tenir compte de la spécificité del’organisation et la volonté d’inclusion.

L’importance des perceptions desresponsables converge également avec lestravaux de Powell (1999), qui utilise la notionde l’attitude organisationnelle à l’égard de ladiversité et de l’égalité, attitude qui renvoieaux actions et perceptions des acteurs enfaveur de la diversité et de l’égalité.

Les perceptions et convictions des acteursinfluent sur la priorité accordée à la paritéHomme/Femme. En fonction de cesperceptions, les pratiques d’égalité ou dediversité peuvent se traduire par un respectstrict des obligations de la maison mère etdes prérogatives de performance ou setransformer en projet stratégique del’entreprise.

Les caractéristiques des pratiques RH

Le dispositif RH

Nos résultats démontrent que le modèle RHappliqué dans les entreprises relève d’uneadéquation entre les configurationsconceptuelles des modèles de la parité, desfacteurs organisationnels des entreprises, etdu contexte social. Ces résultats rejoignentles affirmations de nombreux auteurs quidéclarent qu’en réalité, les mesures prisespar les entreprises combinent souvent lespolitiques d’égalité des chances commedimension formelle et les formes de lagestion de la diversité qui prennent encompte les besoins des individus et decommunication interne (Townsend, 1996).

Chaque entreprise interprète différemmentces modèles. En fonction du contexte et de l’attitude organisationnels, il existe une différence majeure quant au sens donnéà la présence des femmes dans les postes d’encadrement. Le Business case(Cassel, 1996) se comprend et s’interprètedifféremment.

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Les entreprises A et B sont dans des modèlesqui s’apparentent plus au modèle de l’égalitéprofessionnelle. Au regard de l’expériencedes maisons mères et du degré de convictiondes acteurs de la présence des femmes,l’apport des femmes au management est uneévidence ainsi que tous les efforts sont alorsconcentrés sur les moyens de les intégrer.Ces entreprises mettent en place des quotas,et affichent clairement leur soutien pour lacatégorie des femmes.

Les entreprises C et D s’approchent plus desmodèles de gestion de la diversité et l’objectifest d’intégrer toutes les compétences.Toutefois ces entreprises pour certainespratiques comme la promotion ou laformation en leadership ciblent spécifi-quement les femmes.

Les entreprises nationales sont dans uneapproche aveugle au genre ; l’objectif est degarantir l’équité des pratiques vis-à-vis detoutes les catégories afin d’intégrer et defidéliser les ressources humaines disponibles.Les pratiques tentent de ne faire aucuneréférence au sexe, à la vie privée descollaborateurs. Toute la sphère personnelleest occultée au sein de ces organisations où iln’y a aucune différence entre les hommes etles femmes. Les pratiques ignorent l’identitéféminine pour mieux valoriser lacompétence.

La catégorisation de Konrad et Linnehan(1995) permet un cadre d’analyse adéquataux pratiques des entreprises que nous avonsretenues. On peut avancer que lesentreprises adoptent des pratiques « identityconscious » (Pratiques catégorielles) ou despratiques « identity Blind » (Pratiquesuniverselles).

« Les pratiques universelles ne font aucunemention d’un groupe particulier : Elless’appliquent à tous, théoriquement de lamême façon et sans discrimination ; ellesconsidèrent que les décisions prises le sont surla base de critères non socialement biaisés ;elles renvoient en cela à l’idéal

bureaucratique weberien. Les pratiquescatégorielles visent un groupe spécifique,dans une optique de discrimination positive. »(Bender et Pigeyre, 2003 : 65).

La catégorisation de Konrad et Linnehan(1995) permet de résumer les différences despratiques RH adoptées entre les pratiquesuniverselles et catégorielles, ces pratiquesrendent compte des modèles adoptés par lesentreprises de notre recherche. Les pratiquescatégorielles (IC) identifient les groupesprioritaires. Elles visent un suivi de cespersonnes avec des objectifs dereprésentation des groupes définis dans lerecrutement et la promotion. Les pratiquesuniverselles (IB) mettent en place despolitiques officielles d’égalité des chances, etveillent à mettre en place des règles nondiscriminantes dans l’ensemble de cesprocess.

Au-delà du dispositif RH, il ressort de nosrésultats de recherche, une secondedimension qui a un impact direct surl’avancement des femmes : la dimensionaffective perçue.

La dimension affective perçue

La dimension affective perçue englobe unensemble d’éléments qui ont été relevés lorsde nos entretiens et qui apparaissent commeimportants selon les femmes managers. Ceséléments ne sont pas liés directement auxpratiques dédiées aux femmes mais endécoulent : des attributs affectifs auxpratiques RH. Cette dimension, dans nosrésultats, ressort comme étant aussiimportante que la dimension formelle despratiques dédiées aux femmes. Ellecorrespond à une construction de sens(Weick, 1995). Le « sensemaking » permet deconstruire une logique dans des contextesambigus. La construction de sens fait appel àplusieurs process (framing, enactment) quipermettent aux individus de donner du sens àleurs actions et les situations vécues à traversles cadres interprétatifs dont ils disposent. Àtravers ces cadres, les individus élaborent de

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nouvelles représentations plus adaptéespour décrire le monde.

Dans une société où les femmes managers neréussissent toujours pas à s’affranchir de leurrôle social, et où elles sont toujours intrusesdans un environnement d’hommes, leursdifférentes attentes de valorisation et dereconnaissance s’exacerbent ainsi au sein del’entreprise.

Au sein des entreprises où les femmes sontvalorisées et où elles bénéficient de pratiquesspécifiques ou du moins ne sont pas excluesde ces pratiques, les femmes développent cesentiment d’obligation. Les pratiques RHn’ont ainsi pas pour seul rôle d’accompagnerles femmes dans leur avancement, mais ausside leur prodiguer un soutien psychologique àtravers ces pratiques qui leur permettent dedévelopper une relation de confiance enversl’entreprise.

La présence de modèles de réussite féminins

La théorie de Davis (1959) nous explique queles femmes prennent comme référent lesautres femmes pour justifier les faiblesses derevendication féminines. Dans notrerecherche, cette théorie se vérifie mais dansune logique inverse. Il apparaît que lesfemmes, en l’absence de vrais modèlessociaux, érigent certaines femmes quiréussissent dans leurs entreprises ainsi quedans leur vie privée, comme modèle deréussite. Si le nombre de ces modèlesn’atteint pas la maturité suffisante pourinfluer sur le cours des choses tel quel’avance Kanter (1977), ils suffisent àrenforcer la confiance des femmes managersdans leurs organisations et vis-à-vis del’équité de leurs pratiques. Plus l’entrepriseréussit à faire avancer des femmes qui sontdans le contre modèle des stéréotypes (lacarriériste célibataire), plus les femmess’engagent dans leur travail, car la réussite dece modèle est un signe du bonfonctionnement des pratiques dédiées auxfemmes.

Le conte de l’entreprise exceptionnelle

Igalens (2008), dans son article sur le talentdu griot, aborde l’apport des histoirescontées à faire vivre aux collaborateurs desémotions nouvelles qui leur permettentd’appréhender leurs réalités différemment.Par rapport à nos résultats, les femmess’attachent à l’histoire contée par leurentreprise, à travers les modèles féminins deréussite, à travers les pratiques qui leur sontspécifiquement dédiées, et à travers lesdiscours des dirigeants. Elles contentl’histoire de cette entreprise « pas comme lesautres » où les pratiques « ne sont pascomme les autres » et où leurs ambitionsprofessionnelles ont pu se réaliser et oùaujourd’hui elles tiennent des postes dedécision : une version moderne de Alice aupays des merveilles. Elles sont propulséesdans un monde dont elles ne connaissent pasles règles et où elles sont les premièresconquérantes, elles tentent de déchiffrer lescodes, et cette histoire permet de dessinerun chemin virtuel à suivre dans le labyrinthede l’avancement hiérarchique. La croyanceomniprésente en Dieu et la foi dans larécompense divine permet de nourrir ceconte et de justifier a posteriori des actions,des choix et des décisions.

Conclusion

L’égalité professionnelle entre les hommes etles femmes est un sujet encore récent pourles entreprises marocaines. Afin d’atteindrel’égalité – exigée ou voulue -, des dispositifsRH sont importés de l’étranger et appliquésdans le contexte marocain. Idéalement, cespratiques devraient être plus fortes que laculture nationale, la dépasser et aboutir auxobjectifs égalitaires.

Toutefois, notre recherche présentée àtravers cette communication démontre quedu fait que les dispositifs égalitaires ne sontpas plus robustes que la culture nationale, lesdifférentes pratiques sont comprises etinterprétées à travers un référentiel culturel,

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qui facilite l’appropriation de ces pratiques. Ildevient donc nécessaire de mieuxcomprendre les spécificités culturelles dansun pays comme le Maroc pour une meilleuremaîtrise de ces pratiques.

Le dispositif égalitaire est soumis à unedimension arbitraire que l’entreprise necontrôle pas, qui est conséquente desinteractions culturelles avec les intérêtsmanagériaux. L’équilibre est lié à uneconstruction de sens, qui dans des cas peutplaider en faveur des pratiques égalitaires,dans d’autres cas, aller à l’encontre desobjectifs paritaires.

Notre recherche présente certaines limites,notamment celles inhérentes aux recherchesqualitatives (validité externe, etgénéralisation). Les entretiens ne nous ontpas permis de connaître les logiques derrièreles politiques des maisons mères, vu que lesacteurs en place eux-mêmes ne lesconnaissent pas. De même, certainespolitiques d’égalité émanent d’une volontépersonnelle, la logique fondamentale àl’intégration des femmes relève plus del’accident que d’une stratégie réfléchie.

Toutefois, nous ne proposons pas pourautant d’aller dans le futur vers desrecherches quantitatives. Notre objectif estd’étudier plus en profondeur les interactionsentre les pratiques égalitaires et la culturenationale, à travers des recherchesqualitatives plus approfondies qui mettentl’accent sur les différents axes relevés dans laprésente recherche. Idéalement, nouspourrions identifier les variables culturellesdéterminantes qui mettent à l’épreuve lespratiques égalitaires dans les entreprisesmarocaines afin d’aboutir à une typologie depratiques ou d’entreprises égalitaires.

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Chafik BENTALEBProfesseur à l'Université Cadi Ayyad de Marrakech où ildirige le Groupe de Recherche en Gestion desOrganisations (GREGO). Ses axes de recherche sont lemanagement de la diversité et les carrièresprofessionnelles. Président d'honneur-fondateur de l’Institut Marocain del’Audit Social (IMAS) et Président-fondateur del’Association Marocaine de Gestion des RessourcesHumaines (AMGRH), il est membre de comités delecture de plusieurs revues internationales et auteur denombreux articles, communications et contributions àdes ouvrages collectifs.

Doha SAHRAOUIProfesseure à l'Université Cadi Ayyad de Marrakech où elle est coordinatrice du Groupe de Recherche sur les Entreprises Familiales et Stratégie desOrganisations (GREFSO). Ses axes de recherche sont lescarrières féminines et les pratiques d’égalitéprofessionnelle. Elle est auteure de nombreux articles,communications et contributions à des ouvragescollectifs.