L’Égalité Femme-Homme : L’USI et ses partenaires … · L’Égalité Femme-Homme : L’USI...

12
Depuis près de 30 ans, l’Unité de santé internaonale (USI) poursuit des acvités de collaboraon afin de réduire les disparités entre les sexes, notamment en renforçant l’autonomisaon des femmes. Ainsi, l’USI s’implique dans des acvités visant l’égalité entre les femmes et les hommes (ÉFH) dans le cadre de plusieurs projets en santé mondiale qu’elle mène en Afrique, en Asie, en Amérique du Sud et dans la région des Caraïbes. Fière de collaborer à la mission d’envergure qu’est la promoon de l’ÉFH dans le monde et heureuse de travailler à son avancement, l’USI vous invite à en apprendre davantage sur cee facee incontournable de la santé mondiale. Dans ce cahier spécial, vous retrouverez plusieurs témoignages de spécialistes et de personnes engagées dans l’aeinte de l’ÉFH, et des compte-rendus d’acons concrètes menées au sein de quatre projets en santé mondiale au Mali, en République démocraque du Congo et en Haï. Bonne lecture! L’Égalité Femme-Homme : L’USI et ses partenaires s’impliquent USI « Tout le monde bénéficie d’une plus grande égalité entre les hommes et les femmes, mais il est difficile de réaliser des progrès en ce sens si nous n’accordons pas une grande place à la santé et au bien-être des femmes et des filles, notamment en maère de santé et de droits sexuels et reproducfs. » - Jusn Trudeau, 23 e premier ministre du Canada

Transcript of L’Égalité Femme-Homme : L’USI et ses partenaires … · L’Égalité Femme-Homme : L’USI...

Depuis près de 30 ans, l’Unité de santé internationale (USI) poursuit des activités de collaboration afin de réduire les disparités entre les sexes, notamment en renforçant l’autonomisation des femmes. Ainsi, l’USI s’implique dans des activités visant l’égalité entre les femmes et les hommes (ÉFH) dans le cadre de plusieurs projets en santé mondiale qu’elle mène en Afrique, en Asie,

en Amérique du Sud et dans la région des Caraïbes.

Fière de collaborer à la mission d’envergure qu’est la promotion de l’ÉFH dans le monde et heureuse de travailler à son avancement, l’USI vous invite à en apprendre davantage sur cette facette incontournable de la santé mondiale. Dans ce cahier spécial, vous retrouverez plusieurs témoignages de spécialistes et de personnes engagées dans l’atteinte de l’ÉFH, et des compte-rendus d’actions concrètes menées au sein de quatre projets en santé mondiale au Mali, en République démocratique

du Congo et en Haïti.

Bonne lecture!

L’Égalité Femme-Homme :L’USI et ses partenaires s’impliquent

USI

« Tout le monde bénéficie d’une plus grande égalité entre les hommes et les femmes, mais il est difficile de réaliser des progrès en ce sens si nous n’accordons pas une grande place à la santé et au bien-être des femmes et des filles, notamment en matière de santé

et de droits sexuels et reproductifs. »

- Justin Trudeau, 23e premier ministre du Canada

MEDIK Quand l’équipe technique s’engage

pour l’ÉFH 1

Auteurs : Dr Koman Sissoko, Dr Aliou Coulibaly, Dr Soumaïla Laye Diakité

Le projet « Évacuation des mères dans cinq districts sanitaires de la région de Kayes» (MEDIK) vise à réduire la mortalité maternelle et la mortalité néo natale qui sont respectivement au Mali de 368 décès pour 100 000 naissances vivantes et 47 décès pour 1 000 naissances (Enquête de démographie et de santé-EDS, 2013). Pour ce faire, le projet agit entre autres sur la réduction des deux premiers retards dans la référence/évacuation des femmes présentant une urgence obstétricale dans les cinq districts d’intervention, grâce notamment à la mitigation des déterminants socioéconomiques et socioculturels qui réduisent le pouvoir décisionnel des femmes. Dans cette stratégie, les hommes occupent une place importante, autant que les femmes.

Au cours de l’année 2016, deux sessions de formation sur la masculinité positive et l’engagement des hommes ont réuni les membres de l’équipe du volet Appui technique. Cette formation visait à renforcer la compétence des assistants techniques dans leur travail pour la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes. La session a regroupé le gestionnaire, les 6 assistants techniques et la consultante en ÉFH du projet, et elle a été animée par un consultant malien. Des discussions de groupe ont été engagées sur la base des attentes des membres de l’équipe.

Les outils de dialogue comme le « dessin de soi », la « fille idéale » le « garçon idéal », et la « boite de l’homme » ont permis d’approfondir les discussions. Les débats et réflexions entourant les avantages et les inconvénients de rester ou de sortir de la «boite de l’homme» ont été particulièrement instructifs.

L’équipe MEDIK est sortie renforcée de ces journées du point de vue de la cohésion en son sein. Un approfondissement de la connaissance de soi et de l’autre au cours de cette formation a été manifeste : « la masculinité, c’est de faire accoucher ce qu’on connait mais qu’on ne sait pas qu’on savait », « L’apparence est trompeuse… », « L’exercice nous a permis de nous connaitre…», « Je suis satisfait de cette formation car la cohésion a été renforcée au sein de notre équipe »; tels sont quelques propos que l’on pouvait entendre des participants à l’issue de cet apprentissage.

Les participants sont parvenus à s’identifier dans la « boite de l’homme » et à se remettre en cause par rapport à leur propre capacité d’écoute active, à leurs façons de communiquer avec les autres dans leur famille et dans la communauté en reconnaissant que leurs croyances ne sont pas différentes de celles de la communauté. Cependant les différences existent dans les attitudes et dans les comportements en matière de santé maternelle et néonatale. Souvent, la résultante des rôles traditionnels de genre est que les personnes ne parviennent pas à atteindre leur plein potentiel. Les hommes comme les femmes pourraient profiter d’une autre perspective si leur limite n’était pas établie en fonction de ce que les gens peuvent ou ne peuvent pas faire.À la fin des exercices, certains ne se contentaient plus de comprendre ce qu’est la masculinité car ils semblaiten avoir une nouvelle image de soi, celle de reconnaitre « ... qu’on n’est pas toujours ce qu’on pense être… » ; D’autres ont admis « qu’il est possible de changer, cependant le regard des autres constitue l’obstacle majeur du changement dans nos milieux de vie ».

La profonde introspection qu’a suscitée la formation a amené les membres de l’équipe MEDIK à établir un plan d’action individuel d’engagement vers plus d’écoute et de communication avec les communautés, les pairs et la famille.

1Projet financé par Affaires mondiales Canada et dont le volet Appui technique est mis en œuvre par le groupement CHUM-USI/CECI au Mali.

La boîte de l’homme**fruits des discussions de groupe

L’homme doit être :courageux; endurant; intelligent;

intransigeant; véridique; constructeur; pardonneur;

travailleur; engagé; honnête; responsable; indépendant

L’homme doit :fumer beaucoup de cigarettes; ne

jamais pleurer; ne pas dévoiler tous ses secrets à sa femme;

ne jamais avoir peur ; ne jamais échouer; soigner et éduquer ses enfants; mettre sa femme et ses enfants sur la bonne voie; savoir nourrir et habiller correctement

les membres de sa famille; prendre seul la décision de donner ses filles en mariage à qui il veut; s’assumer; savoir se maîtriser; avoir plusieurs

femmes; ne pas toucher aux femmes d’autrui; avoir beaucoup

d’enfants

- 2 -

PRSSD1

Quand la mise en oeuvre de la stratégie ÉFH se concrétise…

Auteurs : Auteurs: Oumou Sidibé Diallo, conseillère ÉFH, PRSSD, Debbie Bucher, spécialiste ÉFH, CECI, Sylvie Charron, directrice

volet Appui technique du PRSSD, USI.

La stratégie Égalité Femme-Homme du projet PRSSD s’articule autour de six enjeux relatifs à l’égalité entre les femmes et les hommes. Quatre enjeux sont directement liés aux résultats attendus, soit :i) la participation active des femmes, ii) leur représentation équitable, iii) leur accès/contrôle aux ressources et bénéfices et iv) l’institutionnalisation du genre au sein des structures de santé. Deux autres enjeux sont des conditions critiques à l’obtention de changements durables sur les enjeux précédents, il s’agit : v) de la reconnaissance par les communautés de l’importance de la participation des femmes et vi) du renforcement des capacités des femmes.

Les rapports d’inégalité entre les femmes et les hommes, qui se traduisent par un statut d’infériorité des femmes, sont à la base de leur faible participation aux structures de gestion de la santé et à leurs instances de décision, aux processus de planification et de concertation, aux mécanismes de consultation, aux mécanismes de reddition de comptes et de contrôle de la qualité des services, et finalement à l’accès aux services pour elles-mêmes et pour leurs enfants. Ainsi les rapports d’inégalité ont des conséquences négatives sur la santé des femmes et celle de la famille, sur le pouvoir de décision des femmes quant à leur santé, et sur l’efficacité même des services de santé.

La stratégie ÉFH du projet vise la participation active des femmes et leur représentation équitable dans les organes de gestion des Associations de santé communautaires (ASACO qui sont responsable de la gestion des centres de santé communautaire) et les Fédérations locales et régionales des ASACO. Un des moyens pour agir sur cet enjeu est la création et l’accompagnement de onze (11) Comités des Femmes Utilisatrices des Services de Santé (CFU) afin de préparer les femmes à faire partie des comités de gestion et des conseils d’administration des ASACO; de plus, les membres des CFU mobilisent les communautés pour une plus grande utilisation des services de santé et elles sont les porte-

paroles des autres femmes des villages auprès des ASACO pour améliorer la qualité des services et obtenir une meilleure réponse à leurs besoins de santé et à ceux des enfants. Afin qu’elles puissent assumer ce leadership, les membres des CFU ont bénéficié de renforcement de capacité.

Toujours pour impliquer les femmes dans le fonctionnement du système de santé au niveau communautaire, une autre initiative a été la création d’une pièce de théâtre sur « l’importance de la participation des femmes et des jeunes dans la gestion de la santé communautaire », dont la vidéo est diffusée dans tout le pays. La mise en œuvre de ces différentes mesures a entrainé un meilleur positionnement des femmes dans des postes-clés (présidente, trésorière) des ASACO. Grâce à ces interventions, on note une augmentation de la confiance des femmes dans leur capacité à intervenir dans la gestion du système de santé et une meilleure intégration de leurs besoins spécifiques dans les processus de planification et de budgétisation.

Le Projet vise aussi la prise en compte de l’ÉFH dans toutes les actions des structures responsables de la santé : directions régionales de la santé, du développement social et de l’économie solidaire, de la promotion de la femme, de l’enfant et de la famille et la Fédération régionale des associations de santé communautaire. Pour cela, des points focaux ÉFH (porteurs du dossier ÉFH) ont été identifiés et formés dans les structures des trois régions d’intervention. Les points focaux ont notamment comme mandat de former les responsables et les agents de santé des districts sanitaires sur les liens entre la santé et l’ÉFH; un important programme de formation sur les droits et la santé a été entrepris auprès des prestataires de soins des centres de santé communautaire et des centres de santé de référence pour qu’ils intègrent dans leur prestation les notions de bon accueil, confidentialité, intimité…particulièrement importantes pour les femmes et les jeunes filles. Dorénavant, le personnel féminin des services de santé est intégré aux activités de supervision, de monitorage…etc. et bénéficie du renforcement de capacités autant que ses confrères par la participation à des congrès/voyages d’études et activités de mise à niveau. Les points focaux ÉFH sont un des moyens mis en place pour favoriser l’institutionnalisation de l’ÉFH.

L’appropriation par nos partenaires de la mise en œuvre d’une telle stratégie est une condition essentielle à l'obtention de changements durables. Les transformations seront lentes et exigeront beaucoup d’engagement…mais l’espoir est permis.

1Projet financé par Affaires mondiales Canada et dont le volet Appui technique est mis en œuvre par le groupement CHUM-USI/CECI au Mali.

- 3 -

1) L’arrimage institutionnel a permis d’avoir une ligne de gestion conforme en lien avec l’ÉFH, notamment à travers :

• La révision des politiques et des documents administratifs en assurant la prise en compte systématique de l’ÉFH ;

• La promotion et la diffusion de la « Stratégie et Politique Égalité Femme-Homme », de la « Charte de bientraitance » et de la « Politique contre le harcèlement » du MSPP au sein de l’HPG en encourageant leur mise en œuvre ;

• La mise à l’agenda de la problématique ÉFH dans les rencontres et les discussions des divers comités de travail de l’HPG ;

• Les efforts de recrutement des femmes pour assurer la représentation équitable des deux sexes parmi les instances de gouvernance de l’HPG, avec au moins 30% de femmes pour constituer une masse critique et influencer la prise de décision au sein de l’hôpital.

2) Le renforcement organisationnel du Comité ÉFH a permis de favoriser la prise en compte de l’ÉFH dans les activités de l’HPG, à travers :

• La révision de la composition et des attributions du comité ;• La clarification des rôles et des responsabilités des membres

en assurant une répartition équitable des tâches entre les sexes ;

• Le renforcement des capacités des membres du comité en les soutenants dans l’élaboration de leur plan d’action et dans la mise en œuvre de leurs activités ;

• L’identification d’un bureau formel pour faciliter le fonctionnement du comité, notamment l’enregistrement des plaintes de harcèlement et d’agressions sexuelles.

- 4 -

Afin de contribuer à l’amélioration de l’accessibilité et de la prestation des services au sein de l’HPG et à l’instauration d’un milieu de travail exempt de toute forme de discrimination, l’approche ÉFH du PAGHG s’est concentrée sur deux volets :

Le Comité ÉFH a pour mission de veiller à l’intégration de la dimension genre dans toutes les activités et à sa prise en compte dans les politiques, la règlementation, la gestion et les

pratiques de soins.De plus, le comité doit s’assurer que les principes directeurs de la politique ÉFH soient diffusés

auprès des entités de gouvernance de l’HPG, des membres du personnel, des usagères, des usagers et de la communauté.

PAGHGInstitutionnalisation de l’ÉFH au sein du Projet d’Appui à la Gestion de l’Hôpital des

GonaïvesAuteur : Lisandra Lannes, coordonatrice du projet PAGHG

Après avoir réalisé un état des lieux de l’ÉFH à l’Hôpital la Providence des Gonaives (HPG), la stratégie ÉFH a été développée dans le plan de mise en œuvre du PAGHG pour réduire les disparités entre les sexes, une des priorités transversales d’Affaires mondiales Canada (AMC). Des indicateurs et des cibles sexospécifiques ont été élaborés dans le cadre de mesure de rendement du projet afin de suivre l’évolution des indicateurs à l’aide de données ventilées par sexe.

Le PAGHG s’est ensuite doté de plusieurs paramètres d’intégration de l’ÉFH en prenant appui sur la « Stratégie et Politique Égalité Femme-Homme » de l’HPG. Ce document cadre vise à « briser les inégalités en vue de modifier les modèles socioculturels qui contribuent au maintien des inégalités de genre ou entre les femmes et les hommes au sein de l’HPG ».

Dans la peau de Susanne Ménard, consultante en Égalité Femme-Homme

« La consultation qui vise à intégrer l’ÉFH dans une organisation s’inscrit dans une démarche de changement et de compréhension, d’attitudes et de comportements. Elle introduit des sessions de sensibilisation, d’accompagnement et de suivi; la clé pour une démarche collective en ÉFH réside dans la manifestation de l’intérêt des autorités et des divers niveaux de prise de décision, ce qui permet la réalisation et la pérennité des actions entreprises et à entreprendre. J’ai misé sur les efforts déjà consentis par les membres du Comité ÉFH qui avaient été formés par Conseil Santé à l’hôpital. Pour ce faire, la structuration et la gestion de ce comité ont été priorisées afin qu’ils puissent être mieux organisés et outillés et qu’ils entretiennent une communication soutenue avec la direction de l’hôpital. Quelques sessions de travail ont fait l’objet d’un apprentissage dans l’élaboration d’un plan d’action et d’un budget sensible au genre pour l’année en cours. La politique pour contrer le harcèlement leur a été présentée et ils sont maintenant en mesure d’offrir aux membres du personnel des sessions de réflexion et de partage à ce propos. Beaucoup de travail reste à faire afin de consolider les acquis et permette aux membres du comité de poursuivre leurs travaux et de rayonner auprès de l’ensemble des intervenantes et intervenants en soins de santé et auprès des patientes et des patients. »

Vers un changement de culture organisationelle

La prise en compte de l’ÉFH dans les politiques institutionnelles et la structuration du Comité ÉFH ont marqué un premier pas en avant vers un changement de culture organisationnelle. Cela a permis d’officialiser l’engagement des autorités de l’HPG à participer à la promotion de nouvelles orientations en faveur de l’égalité entre les sexes. Grâce à notre appui technique, le Comité ÉFH a formellement été intégré comme instance consultative au sein de l’organigramme de l’HPG. Des outils de gestion sexospécifiques ont ensuite été développés : base de données en ressources

humaines, dossier patient, carte d’enregistrement des patients, cardex électronique des archives, feuille de présence, etc.

« Dans ce contexte, il faut avant tout adopter une approche qui favorise l’intégration et l’institutionnalisation de l’ÉFH, c’est-à-dire qui démontre comment la prise en compte de cette préoccupation peut renforcer la gestion des institutions sanitaires et la qualité des soins. Pour ce faire, il faut encourager la prise de conscience de la spécificité des besoins des femmes, des inégalités de genre dans le domaine de la santé qui peuvent conduire à des iniquités entre les sexes, en matière de santé et d’accès aux soins, des déséquilibres de pouvoir au sein des institutions et au sein de la société, pouvant notamment entraîner des cas de harcèlements. » - Dr Carine Rousseau, Conseillère du PAGHG.

Des sessions d’information et de sensibilisation sur l’ÉFH auprès des instances de gouvernance de l’HPG (en particulier le Comité Directeur et le Conseil d’Administration) et du personnel de l’HPG (cadres et prestataires de soins) ont permis la reconnaissance de la présence d’inégalités de genre au sein de l’hôpital et l’adoption de comportements plus égalitaires entre les femmes et les hommes.

« La mise en œuvre de la Politique ÉFH et du plan d’action rencontrent cependant quelques difficultés. Des pratiques sociales continuent de perpétuer des comportements discriminatoires à l’endroit des femmes. D’autres facteurs handicapent également le Comité ÉFH : le manque d’expertise des membres dans ce domaine, l’absence d’un budget de fonctionnement et un circuit de prise en charge des victimes de viols qui n’est pas bien défini. »- Vélenia Philogène, Vice-présidente du Comité ÉFH

Un accompagnement en continu sera nécessaire pour soutenir la mise en œuvre des activités du plan d’action du Comité ÉFH afin d’intervenir efficacement auprès du personnel de l’HPG, réellement modifier leurs pratiques de soins et avoir des retombées positives sur la qualité des soins offerts aux patientes et aux patients. L’expertise locale en ÉFH reste cependant limitée et les agences d’exécution canadiennes sont souvent confrontées à l’éternel dilemme entre l’accompagnement et la substitution.

- 5 -

Romy-Mercedes Jedwab, détentrice d’un baccalauréat en Kinésiologie de l’Université Concordia, a complété un stage en Inde auprès de travailleuses du sexe dans le cadre de sa maîtrise en santé publique (option santé mondiale) à l’École de santé publique de l’Université de Montréal. Le mandat du stage consistait à analyser les stratégies d’autonomisation implantées par une organisation communautaire locale afin de prévenir la transmission du VIH auprès des travailleuses du sexe dans la région du Rajasthan, tout en abordant les obstacles culturels et structurels qui rendent ces femmes plus vulnérables aux ITS et au VIH.

Pourquoi as-tu choisi de mener un stage en Inde aurpès de travailleuses du sexe?

Pendant mon séjour en Inde, j’ai eu l’opportunité d’être confrontée à de nombreuses problématiques, telles que la pauvreté, la malnutrition, l’insalubrité, et leurs effets dévastateurs au sein du pays. En particulier, les problèmes de genre m’ont marquée : en Inde, les normes établies favorisent une société patriarcale. En arrivant, j’avais un certain nombre de choix de projets que j’avais la possibilité d’entreprendre, notamment, on m’a proposé de travailler dans une organisation qui œuvre auprès des travailleuses du sexe. Étant déjà sensibilisée à la condition des femmes dans le monde, ce projet de stage me permettait d’approfondir une cause qui me tient à cœur.

Quel a été le moment le plus marquant de ton séjour?

J’ai eu des rencontres non seulement avec des travailleuses du sexe provenant de villages traditionnels mais aussi, de milieu de rue. Leurs histoires tragiques et émouvantes ont soulevé en moi des émotions teintées de révolte et de chagrin. Bien que toutes ces femmes ont des histoires les unes aussi poignantes que les autres, il y a eu une rencontre où je me suis sentie complètement démunie. J’ai rencontré une travailleuse du sexe de rue qui m’a expliqué qu’une série d’évènements dans sa vie l’avaient obligée à rentrer dans le milieu. Quand je lui ai demandé si elle avait des ambitions ou des rêves, elle s’est mise à pleurer. Je me suis retrouvée face à une jeune femme à peu près de mon âge, incertaine par rapport à son avenir. À ce moment-là, je ne savais pas quoi faire. En fait, j’ai réalisé que, malheureusement, il n’y avait rien que je puisse faire… Ce jour-là, je suis rentrée chez moi complètement bouleversée.

En quoi la notion d’égalité entre les femmes et les hommes était-elle centrale à ton stage ?

Étant donné que les normes établies qui régulent les relations entre les femmes et les hommes, en plus de la pauvreté qui règne en Inde, favorisent une société phallocrate, il a été primordial que je prenne en compte cette réalité durant mon stage. La notion d’égalité des genres a eu une influence importante dans mon stage, puisque je me suis intéressée non seulement à la prévention du VIH parmi des populations à risque, mais aussi à l’analyse de stratégies d’autonomisation mises en place par des organisations communautaires auprès de femmes et de leur communauté

Quelles sont les contraintes majeures auxquelles font encore face les femmes qui choisissent de pratiquer la prostitution en Inde ? Qu’en est-il de celles qui y sont forcées ?

En Inde, il existe de nombreuses variations parmi les travailleuses du sexe : travailleuses du sexe de rue, traditionnelles, indépendantes, etc. Je tiens à préciser que ma recherche s’est penchée sur les travailleuses du sexes traditionnelles et de rue. Les femmes qui choisissent de pratiquer le métier de travailleuse du sexe, font face à de nombreux obstacles et défis. Elles sont notamment victimes de discrimination et de stigmatisation, ce qui crée des obstacles sociaux et mène à une faiblesse émotionnelle de leur part. Ces femmes, déjà craintives par rapport à l’image qu’elles ont auprès de la société, perdent aussi confiance en elles. De plus, économiquement, la prostitution ne leurs rapporte pas beaucoup. La plupart des filles et femmes dans le métier gagnent juste assez d’argent pour survivre ; dans certains cas, leurs gains leurs permettent de faire vivre leur famille.

Quant à celles qui sont forcées à exercer le métier, il importe de préciser qu’il existe une distinction entre notre perception de la soumission versus leur interprétation de l’obligation et/ou du devoir envers leur famille et la tradition indienne. Les travailleuses du sexe traditionnelles ne conçoivent pas qu’elles auraient pu choisir autre chose.

À l’issue de ton stage, tu as produit une étude de cas qui regroupe les témoignages des travailleuses du sexe que tu as rencontrées. Que cherche à démontrer cette étude ?

Les études de cas m’ont permis d’intégrer les histoires de vie, les besoins, ainsi que les traditions et les règles qui influencent le métier de travailleuse du sexe et la société indienne. Les études de cas ont pour objectifs de démontrer l’existence d’injustice dans la profession de travailleuse du sexe, et de mettre en lumière le courage des femmes face aux problématiques liées à leur métier. En prenant connaissance de ces histoires, la plupart des femmes, comme je l’ai fait moi-même, remettront en question leurs perspectives par rapport aux concepts de choix, de liberté et d’autonomie. Et c’est en fait cette remise en question que je cherchais à provoquer avec mon étude de cas.

À quels obstacles t’es-tu heurtée lors tes interactions avec ces femmes ?

Dans mes expériences précédentess, je n’ai jamais eu l’occasion d’interagir ou de collaborer avec des travailleuses du sexe. On ne m’avait jamais expliqué les règles, les traditions, et les normes qui régissent ce métier.

Au début des rencontres, mon plus grand obstacle en tant que professionnelle et étrangère a été de demeurer respectueuse tout au long du mandat sans laisser entrevoir mon indignation. Une fois que je me suis sentie un peu plus à l’aise, transmettre aussi fidèlement que possible leurs histoires de vie a été un autre défi. C’est dans ces moments qu’on a besoin de support émotionnel et je l’ai trouvé auprès de ma famille, de ma collègue et de mon superviseur de stage indien.

- 6 -

TÉMOIGNAGETÉMOIGNAGE

Quels étaient leurs réactions face à toi et à ta recherche?

Je suis une des nombreuses professionnelles qui a pris le temps d’écouter les histoires de vie de ces femmes. Je me suis questionnée à savoir si ces femmes me faisaient confiance et si leurs réponses étaient toujours honnêtes. Malgré mon enthousiasme par rapport à ma rencontre avec ces femmes, et mon intérêt envers ce projet, il a été difficile d’interpréter avec certitude leurs réactions. Étant donné qu’une tierce personne traduisait nos échanges, il m’a été également difficile de comprendre leurs réactions par rapport à mon projet.

Même si, à court terme, ma recherche ne leur apporte pas grand-chose, j’espère que leurs récits permettront de leur donner une voix qui pourra, à long terme, changer les comportements de la société envers les travailleuses du sexe.

As-tu craint pour ta sécurité lors de ton séjour ?

Étant donné mon statut de jeune femme célibataire, on m’a suggéré à mon arrivée de prendre des précautions par rapport à mon code vestimentaire pour me fondre dans la masse et respecter la culture indienne, de ne pas m’aventurer seule après le coucher du soleil et de me déplacer accompagnée le plus souvent possible. Malgré tout, il m’est malheureusement arrivé de craindre pour ma sécurité lors de mon séjour.

Je peux aussi témoigner d’une situation de violence conjugale : durant une de mes rencontres, une jeune travailleuse du sexe m’a montré les marques de violence sur son corps. Elle m’a expliqué que ces marques provenaient de blessures que son mari lui avait infligées. Elle m’a également raconté que cette situation n’est pas hors du commun. Il existe des cas semblables où ce sont les clients qui abusent les femmes. Cela demeure malheureusement une réalité du métier.

Que penses-tu que ton travail pourra apporter au milieu de la recherche en santé mondiale, en santé publique et en ÉFH?

Parmi les nombreuses retombées de ce stage, il a été prioritaire de transmettre les expériences et les histoires de ces femmes aussi fidèlement que possible. Cela a non seulement permis aux histoires d'être partagées sur une plus grande plateforme, mais aussi, cela a permis à ces femmes de s'exprimer. Dans une société patriarcale fortement influencée par les notions de rôles associées au genre, les femmes indiennes sont encore trop souvent exploitées, abusées et impuissantes. Par conséquent, la production des études de cas qui relatent les réalités difficiles auxquelles font face ces femmes quotidiennement, peut sensibiliser les individus à grande échelle.Le développement de relations durables tout au long de ce stage a été d'une grande valeur. Les initiatives de santé publique reposent souvent sur la collaboration entre des professionnels de divers secteurs. J’ai l'espoir qu'avec le temps ces relations représenteront de solides collaborations entre diverses organisations et professionnels de la santé publique : cela donnerait la possibilité de dénoncer les conditions de ces femmes.

Que aura été l’impact de ton stage sur ton parcours académique et professionnel?

Les évènements vécus tout au long de mon stage influenceront mes expériences et mon apprentissage tout au long de ma carrière en santé publique. Cette expérience me permet aujourd’hui de plaider en faveur de la lutte contre l’inégalité entre les sexes. Étant donné que je vise, dans ma carrière à répondre aux besoins de personnes vulnérables, je considère que ce stage m’a permis d’acquérir une expérience concrète au contact d’experts pluridisciplinaires, dans le but d'améliorer mes compétences dans le domaine de la santé mondiale.

Entrevue menée par Isabelle Sokolnicka, responsable des communications, Unité de santé internationale.Cette entrevue a été condensée et éditée par souci de clarté et de concisionLes photos ont été prises par Romy-Mercedes Jedwab.

- 7 -

TÉMOIGNAGETÉMOIGNAGE

MÉDIKRéduire la mortalité

maternelle au Mali grâce à la stratégie ÉFHAuteurs : Karim Sangaré, Idrissa A. Maiga1

L’OMS estime qu’en 25 ans, la mortalité maternelle a diminué de 44% à l’échelle mondiale et que 99% de tous les décès maternels surviennent dans les pays en développement2. Au Mali ce taux est estimé à 368 décès pour 100 000 naissances vivantes3.

Un certain nombre de facteurs socio-culturels favorisent cette mortalité maternelle parmi lesquels on peut citer l’analphabétisme, le peu d’implication des hommes dans les soins de santé pour eux-mêmes et leur famille, l’absence de tiers payant pour financer les soins de santé, l’ignorance du plan de préparation à l’accouchement et surtout le statut «inférieur» de la femme et son faible pouvoir de décision en matière de santé reproductive. Ces facteurs sont sources d’inégalités entre les femmes et les hommes.Le présent article traite de trois de ces inégalités en rapport avec les 2 premiers retards4, à savoir, l’analphabétisme, l’ignorance du plan de préparation à l’accouchement et le pouvoir décisionnel de la femme, et présente pour y répondre certaines des mesures inscrites dans la stratégie d’Égalité Femme-Homme (ÉFH) du projet MÉDIK (Évacuation des mères de cinq districts de la région de Kayes).

De l’analphabétisme

Selon EDSM-V (Enquête de démographie et de santé au Mali), 74% des femmes ont reçu des soins prénatals par du personnel formé et cette proportion varie de 71% chez les femmes sans instruction à 95% chez les femmes avec un niveau secondaire ou plus. L’accès à l’information et à sa compréhension pourrait expliquer cet écart.L’une des mesures de la stratégie ÉFH vise à rendre l’information sur la préparation à l’accouchement et la reconnaissance des signes de danger (pendant la grossesse, l’accouchement et dans

le post-partum) accessible à toute la population cible (maris, belles-mères, leaders communautaires, femmes, etc.) grâce à de la sensibilisation dans les villages par des animateurs/ animatrices d’ONG maliennes.

De l’ignorance du plan d’accouchement

L’OMS recommande quatre (4) visites prénatales au cours de la grossesse, occasions mises à profit par les prestataires pour partager le plan d’accouchement avec la femme. Cependant au Mali (EDSM-V) seules 35% des femmes en milieu rural ont effectué ces 4 visites et seulement 41% des femmes qui ont reçu des soins prénataux pour leur grossesse la plus récente ont été informées des signes de complication de la grossesse. Or, il est généralement admis que la reconnaissance de ces signes de danger à temps au niveau de la famille peut conduire à une prise de décision rapide afin de se rendre dans un centre de santé pour une prise en charge appropriée, ce qui n’est pas le cas dans la plupart des villages de la zone d’intervention du projet.

Pour améliorer les connaissances, attitudes et pratiques des principaux acteurs et actrices sur les signes de danger, des actions sont mises en oeuvre :- La mise à la disposition des animateurs/animatrices des ONG

d’une boite à images avec des messages de sensibilisation (sur les signes de danger pendant la grossesse, l’accouchement ou le post-partum) qui ciblent la femme et l’homme, le jeune garçon et la jeune fille ;

- La formation des animateurs/animatrices sur l’implication des hommes dans la santé de la reproduction, la paternité responsable et la communication au sein du couple ;

- Le renforcement de capacités des prestataires sur l’ÉFH incluant les masculinités ;

- Le respect de l’intimité de la femme et la préservation de la confidentialité dans les unités de soins.

1 Assistants techniques du projet Évacuation des mères de cinq districts de la région de Kayes, projet financé par Affaires mondiales Canada et dont le volet appui technique est mis en œuvre par le Groupement CHUM-USI/CECI.2 OMS, Aide-mémoire N°348, Novembre 2016. Données pour 1990-2015.3 EDSM-V- 2012-20134 Le premier retard est le délai entre l’apparition de signes de danger pendant la grossesse, le travail, l’accouchement ou le post-partum et la décision d’amener la femme au centre de santé. Le deuxième retard est le temps écoulé entre la décision de consulter et l’arrivée au centre de santé. Le troisième retard concerne l’accès aux soins adéquats.

- 8 -

PASSKINTémoignages sur les activités en appui à l’intégration de

l’approche ÉFH dans le projet PASSKIN en RDC 1

Le Projet d’appui au système de santé de la province de Kinshasa (PASSKIN), financé par le Gouvernement du Canada et implanté par le consortium CCISD-USI/CHUM, a pour résultat ultime « l’amélioration du niveau de santé des hommes, des femmes, des filles et des garçons vivant dans la province de Kinshasa » et pour résultats intermédiaires « une utilisation accrue par les hommes, les femmes, les filles et les garçons des services de qualité qui leur sont offerts dans les zones ciblées », ainsi que « l’amélioration de la gestion des services de santé publique au niveau périphérique, en tenant compte de la dimension genre ». À ces fins, le projet fournit un appui au secteur de la santé en ce qui a trait aux services de santé essentiels et à la gouvernance. L’article suivant résume une série de témoignages sur les activités ÉFH du projet PASSKIN et leur impact sur les services de soins et les communautés.

1Projet financé par Affaires mondiales Canada et mis en œuvre par le groupement CCISD/CHUM-USI en RDC.

Du pouvoir décisionnel de la femme

Selon l’EDSM-V, les décisions concernant les soins de santé de la femme sont prises par l’homme dans 83.6% des cas et seulement dans 7.2% des cas par la femme. De façon globale, la proportion de femmes associées à la prise de décision est de 15% pour les femmes qui ont travaillé et qui ont été rémunérées contre 10% pour celles qui n’ont pas un emploi rémunéré. Néanmoins, quand elles ont gagné de l’argent, les femmes décident principalement de son utilisation dans 76% des cas même si dans le groupe d’âge 15-19 ans et dans les ménages d’un niveau socio-économique plus faible cette décision est principalement prise par le mari dans 18% des cas.

Les femmes sont considérées comme ayant une autonomie financière dans 74% des cas en milieu rural et dans 82% des cas en milieu urbain par rapport aux ressources qu’elles ont gagnées. Ainsi, même quand c’est la femme qui est souffrante, c’est l’homme qui décide de son recours au centre de santé pour des soins, occasionnant ainsi des retards dans la prise en charge de la femme.

Les mesures prévues pour améliorer cette situation sont les suivantes:- La présence d’au moins deux femmes, dont l’une occupera un

poste-clef, dans le comité de gestion de la moto-ambulance qui sera créé dans chaque aire de santé ;

- La sensibilisation de la population par les animateurs/animatrices des ONG sur le pouvoir décisionnel des femmes et l’implication de celles-ci dans la prise de décision concernant leur santé ;

- La prise en compte de la période de disponibilité des femmes pour favoriser leur participation aux séances de dialogue communautaire.

L’effet des facteurs socio-culturels favorisant les inégalités entre femmes et hommes en matière de santé ne pourra être atténué qu’à travers une action de sensibilisation continue et de proximité ciblant à la fois les femmes, les hommes, les leaders communautaires et les prestataires de soins, selon une approche sensible au genre. C’est ainsi que l’intervention du projet MÉDIK intègre l’ÉFH dans toutes les actions dirigées vers les communautés et les prestataires.

- 9 -

« Nous avons été formés par PASSKIN sur différents thèmes tels que l’ÉFH, la planification familiale et la PTME. Les efforts que nous avons déployés dans notre centre visent l’intégration de l’homme dans les services de planification familiale, de la PTME et des autres services. Si l’homme s’intègre, les choses vont aller mieux. La réaction des hommes a été de commencer à accompagner leurs femmes dans les consultations de planification familiale. Ceci est noté dans nos fiches de consultation où nous pouvons voir, par exemple, quand les couples ont consenti à une méthode contraceptive dans le but d’espacer les naissances. L’intérêt de la population pour la planification familiale a vraiment grandi; nous avons maintenant chaque jour 7 à 8 couples qui viennent consulter pour la planification familiale au centre Pamela. Ce qui nous motive comme femmes prestataires c’est d’avoir été formées par PASSKIN; la connaissance est un pouvoir et nous avons gagné vraiment plus de pouvoir. »

« On a remarqué que par rapport à l’ÉFH, il y a vraiment un changement des comportements au sein des prestataires. On reçoit des témoignages montrant qu’ils prennent vraiment conscience de l’appui qu’il faut donner aux femmes, même dans leur propre ménage. Au niveau des services de planification familiale, de la maternité à moindre risque et des consultations prénatales, on sent que les hommes commencent à s’impliquer progressivement. Nous souhaitons que les femmes aient les mêmes avantages que les hommes; si les hommes peuvent venir sans problème se faire soigner dans les services de santé, il faut que les femmes aussi soient en mesure de venir se faire soigner sans attendre que l’argent vienne de leurs maris ou que ceux-ci donnent la permission ou prennent la décision. La femme devrait pouvoir prendre la décision d’aller seule à l’hôpital, ce qui n’est pas le cas dans le contexte africain. Avec les activités ÉFH du projet PASSKIN nous avons sensibilisé les femmes qu’il ne faut pas attendre d’aller à l’hôpital ou de mettre leur vie en péril; nous avons sensibilisé aussi les hommes afin qu’ils permettent aux femmes d’aller aux services de soins sans attendre leur permission, car la santé n’attend pas. L’ÉFH a amené des améliorations dans les comportements. »

Noelle Wishi, responsable ÉFH, projet PASSKIN

« En RDC nous avons un taux très élevé de mortalité maternelle, donc beaucoup de femmes meurent en accouchant. Il y a plusieurs grandes causes à cela, comme les problèmes liés à la prise en charge, l’ignorance, les problèmes socio-culturels, etc. La femme n’est pas souvent libre de prendre les décisions nécessaires sur sa propre santé reproductive : combien d’enfants elle doit avoir, quand elle sera grosse (enceinte), etc. Aucune femme ne doit mourir en train d’accoucher et l’approche ÉFH contribue à éviter cette situation. Dans le cadre du PASSKIN nous avons travaillé avec trois catégories de personnes afin de les responsabiliser sur la problématique ÉFH : 1) Les gestionnaires de santé, qui conçoivent les PAO (plan d’action opérationnels); c’est surtout les membres des équipes cadres qui ont été ciblés par les activités de formation (médecins, infirmiers titulaires, gestionnaires). Ces formations ont permis d’intégrer l’approche ÉFH dans les plans d’actions opérationnels. Le résultat a été vraiment fantastique; si au début du PASSKIN il n’y avait aucune référence genre dans les PAO, l’évaluation la plus récente a montré que l’approche ÉFH est intégrée dans une mesure qui varie entre 64% et 100% des PAO, selon les indicateurs évalués. 2) Les prestataires de soins, afin de les sensibiliser et de les former sur la prise en compte du genre dans leur travail quotidien. Le PASSKIN s’est concentré sur quelques

thèmes de formation afin d’introduire l’approche ÉFH, tels que : la maternité à moindre risque, la planification familiale et la prévention et le traitement des IST. Les prestataires ont été sensibilisés et formés dans le but d’intégrer les hommes dans les consultations de planification familiale ou prénatales. La présence des hommes est très importante car en général les femmes ne sont pas autonomes à prendre les décisions nécessaires sur les soins de santé. 3) Les communautés; d’abord, il faut souligner que les conditions de vie des femmes, surtout dans les communautés rurales, sont difficiles : les femmes doivent travailler du matin au soir à la maison et dans les champs pour pouvoir nourrir leur famille. Avec ce fardeau de travail les femmes ne peuvent pas être en bonne santé. Travailler dans ces communautés avec les hommes et les femmes afin de réussir à appliquer l’approche ÉFH n’est pas facile. Il y a une division du travail selon les sexes et les hommes ont beaucoup de difficulté à accepter d’entreprendre « le travail des femmes »; ni la communauté, ni même les femmes seraient prêtes à l’accepter. Et cela ne peut pas être changé du jour au lendemain. Le PASSKIN a appuyé des activités de formation pour les membres de CODEV (comité de développement des communautés) sélectionnés, surtout les comités dont les membres sont majoritairement des femmes. »

- 10 -

Annie Wuaku, prestataire des services de Planification Familiale et PTME (prévention de la transmission du VIH de la mère à l’enfant), Centre hospitalier Pamela, Kinshasa

Mr. Bienvenu Nkambile, agent à la Division Provinciale de la Santé, Kinshasa, et point focal ÉFH

ENTREVUE avec Debbie Bucher, spécialiste ÉFH.

Debbie Bucher est chargée de projet spécialisée en ÉFH pour le Centre d’étude et de coopération internationale (CECI)*. Diplômée d’un Master of Business Administration (MBA) et d’une maîtrise en sociologie (spécialisation en ÉFH), elle possède une expérience de plus de 20 ans dans l’intégration de l’ÉFH au niveau des politiques, de la programmation et de la budgétisation dans une multitude de secteurs et dans plus de 30 pays en Afrique, en Amérique latine , dans les Caraïbes et en Asie.

*Précisons que le CECI fait partie, avec l’USI (chef de file), du Groupement pour la mise en oeuvre de deux projets au Mali : le projet Renforcement du système de santé décentralisé (PRSSD) et le projet Évacuation des mères dans cinq districts de la région de Kayes (MÉDIK). Chacun de ces projets met en oeuvre une importante stratégie d’égalité entre les femmes et les hommes.

Qu’est-ce qui vous a amenée à travailler en ÉFH?

J’ai fait mes études en sociologie. Quand j'ai fait ma maîtrise, j’ai décidé que je voulais travailler dans le domaine du développement international, et l’ÉFH en particulier était quelque chose que je trouvais intéressant et stimulant. L'ÉFH améliore la qualité de nos interactions et apporte une meilleure pérennisation à nos interventions; c’est aussi pertinent ici qu’au Mali.Dans ma carrière, j'ai travaillé à tous les différents stades du cycle de vie d'un projet, que ça soit la planification, l'implémentation ou le suivi. J'ai eu la chance de travailler en aide humanitaire et en éducation, en Afrique de l'Ouest, en Asie du Sud et du Sud-Est et Amérique latine, un peu partout!

En quoi consiste votre travail?

La partie clé du travail d'un/une spécialiste en ÉFH, c'est l'analyse du contexte pour connaître ce qu’on appelle les points d'entrée (la problématique, les opportunités, etc.), afin de savoir quelles actions réaliser pour générer les changements voulus. C'est l'analyse du contexte qui permet de développer une stratégie ÉFH. Par la suite, la mise en œuvre de la stratégie doit se faire dans toutes les actions réalisées dans un projet. La mise en place de stratégies ÉFH peut s'appliquer dans la construction d'un bâtiment, dans des formations, ou dans une étude à réaliser.

Quelles sont certaines actions ÉFH réalisées dans le cadre du projet MEDIK?

Le Mali a un des taux de mortalité maternelle les plus élevés du monde et pour différentes raisons trop peu de femmes se rendent à un centre de santé pour accoucher, même celles qui présentent des risques ou des complications. Un des objectifs du projet MEDIK (Évacuation des mères de cinq districts de la région de Kayes) est d'adresser le 2è retard, soit le transport des femmes enceintes en danger aux services de santé, afin de réduire la mortalité maternelle.

Suite à l’analyse des données de l’état des lieux fait au démarrage du Projet, on a réalisé que la plupart des motos-ambulances (déjà existantes dans le milieu au démarrage du Projet), qui servent de moyen de transport pour les femmes présentant une urgence obstétricale, étaient en panne, empêchant ainsi le déplacement rapide des femmes. Comme il s'agit d'un service principalement destiné aux femmes, c'est surtout dans leur intérêt de s'assurer que les motos-ambulances soient bien entretenues. Une des actions ÉFH est donc de prévoir que des femmes occupent des postes-clés dans le comité de gestion des motos-ambulances. C'est un moyen d'augmenter la participation des femmes, de valoriser leur contribution, mais aussi d'avoir un meilleur résultat au niveau de la pérennisation du fonctionnement des motos-ambulances.

Une autre problématique au Mali est le fait qu'il manque de femmes professionnelles de santé dans les zones éloignées des grands centres. Or les femmes veulent surtout accoucher avec des femmes, et certains maris ne veulent pas qu’elles se rendent à un centre de santé si c'est un homme qui les assiste durant l'accouchement. En tant que spécialiste ÉFH, j'ai donc demandé que dans les termes de référence d’une étude qui sera faite sur les incitatifs qui permettent de recruter et de fidéliser les agents de santé, on fasse une différenciation entre les facteurs incitatifs pour les femmes professionnelles de santé par rapport aux facteurs incitatifs pour les hommes professionnels de santé, afin de développer une stratégie qui permettra de recruter davantage de femmes.

Dans le cadre du projet MÉDIK, il y a également la construction de centres de santé communautaire... On a fait une analyse du plan-type de construction et d’aménagement du centre de santé élaboré par le gouvernement pour voir comment celui-ci respecte les droits des femmes (confidentialité, intimité, etc.). On a révisé ce plan pour que, par exemple : les salles d'accouchement soient situées en retrait des autres services du centre de santé afin d'offrir l'intimité aux femmes qui accouchent; un mur assure que personne ne puisse les voir; les toilettes des femmes et des hommes soient séparées.

Comment quantifiez-vous les retombées de politiques et d’actions ÉFH?

Cela dépend vraiment des objectifs du projet : le suivi à faire dépend des actions qu’on entreprend. Les approches ÉFH font toujours partie d’une stratégie globale d’un projet, avec des objectifs définis et un système de suivi qui permet de mesurer des changements, surtout des changements de comportement.

Par exemple, pour le projet PRSSD (Projet Renforcement du Système de Santé Décentralisé au Mali), nous avons mis en place des Comités de femmes utilisatrices (CFU) des services de santé, afin que plus de femmes se rendent dans les centres de santé et participent à la gestion des services de santé en s’impliquant dans les organes de gestion des Associations de santé communautaire (ASACO).

Afin de mesurer si la mobilisation des comités des femmes utilisatrices génère un changement dans la participation des femmes dans la gestion, on fait un suivi du nombre de femmes et d’hommes qui sont élus dans des ASACO. Nous allons également faire un suivi de la fréquentation des services de santé dans les communautés où les CFU existent depuis plus d’un an, et faire une étude sur le taux de satisfaction des femmes, afin de déterminer si la qualité des services de santé répond mieux aux besoins des femmes.

- 11 -

Quelles différences y a-t-il en matière d’ÉFH entre les pays dans lesquels vous avez travaillé?

Il y a des différences et il y a beaucoup de similitudes, comme l’invisibilité des contributions des femmes (on dit que les femmes ne travaillent pas alors qu’elles travaillent tout le temps) et la violence basée sur le genre comme mécanisme pour maintenir l’inégalité.

Par contre, chaque contexte spécifique va donner lieu à des opportunités et à des défis particuliers, ce qui nous amène à travailler sur différents changements d’attitudes et de comportements. Par exemple, en Amérique centrale, il y a énormément d’insécurité et le tissu social est tellement détérioré que c’est très difficile de faire en sorte que les gens travaillent en solidarité et organisent des interventions communautaires, puisque les gens vivent dans la peur. Tandis qu’en Afrique de l’Ouest, les communautés exercent beaucoup plus de pression sur leurs membres et peuvent être un levier de changement. Au Bangladesh, il y a de plus en plus de fondamentalisme religieux, ce qui exerce toute une pression sur les femmes pour qu’elles se conforment à de nouvelles exigences intégristes. Au Mali, la problématique est beaucoup plus liée au manque de revenu des femmes et à la mortalité maternelle. L’excision et le mariage précoce rendent les femmes plus vulnérables à des complications lors de l’accouchement; ce sont des facteurs sociaux qui contribuent à la vulnérabilité des femmes lors de l’accouchement qu’on ne retrouve pas au Bangladesh ou en Amérique centrale.

À quels obstacles faites-vous face lors de l’implémentation de politiques ÉFH?

Pendant longtemps, j’ai travaillé uniquement avec les femmes sur l’ÉFH, et les hommes étaient vus comme un problème et non une partie de la solution. Pour moi, ça a été un apprentissage important : c’est l’égalité entre les femmes ET les hommes et je pense que l’inégalité a un effet néfaste sur les femmes comme sur les hommes. Les hommes font partie de la solution et ils souffrent aussi. On ne peut pas avancer tant qu’on ne les implique pas. C’est important de réfléchir aux bénéfices que l’ÉFH peut leur apporter et de valoriser le rôle qu’ils peuvent jouer dans la promotion de l’égalité.

Dans le projet MEDIK par exemple, pour adresser la problématique de la mortalité maternelle, nous voulons travailler avec les femmes, mais aussi avec les hommes.

Comment évitez-vous d’imposer des valeurs occidentales dans le cadre d’actions ÉFH?

Quand on fait de la mobilisation ou des formations, on utilise une approche participative. Donc ce sont les participant(es) qui font l’analyse. Un(e) formateur(trice) ne doit jamais dire aux participants quoi penser. L’idée est plutôt de mettre en place une structure d’analyse et de réflexion.

Il y a des millions de solutions, et ce sont les gens locaux qui ont la meilleure compréhension de leur contexte et de ce qui peut ou ne peut pas fonctionner en ÉFH, et de ce qu’ils sont prêts à aborder. L’approche participative permet à des populations qui n’en ont jamais eu l’occasion de participer à des activités où leurs connaissances sont valorisées; les populations sont ravies et veulent participer. Ça se passe toujours très bien. C’est vraiment l’approche utilisée qui fait toute la différence.

Pouvez-vous me donner des exemples d’approche participative?

Lorsque je travaillais en Mauritanie, nous avons fait un atelier où nous avons donné une pile de pierres aux hommes et une pile de pierres aux femmes. Pour chaque tâche effectuée pendant la journée, les participants devaient mettre une pierre au centre. Les femmes ont fini avec une pile de pierres beaucoup plus grosse que celle des hommes. On a discuté de ce que les femmes font, ce que les hommes font, pourquoi c’est comme ça, dans le but de comptabiliser le travail des femmes et les conséquences néfastes de leur surcharge de travail.

Au Niger, on a mis les gens d’une communauté dans un cercle et on leur a demandé de montrer leurs mains. Les femmes ont la peau des mains extrêmement dure à cause du travail qu’elles réalisent, alors que les hommes ont des mains à la peau douce. Cela a ouvert la discussion sur les charges de travail des femmes.

Ce sont des approches qui servent à générer des dialogues, mais ce sont toujours les membres des communautés qui font la réflexion.

Entrevue menée par Isabelle Sokolnicka, responsable des communications, Unité de santé internationale.Cette entrevue a été condensée et éditée par souci de clarté et de concision.

« L’ inégalité a un effet néfaste sur les femmes comme sur les hommes. Les hommes font partie de la solution et ils souffrent aussi. On ne peut pas avancer tant qu’on ne les

implique pas. »

- Debbie Bucher, spécialiste ÉFH

UNITÉ DE SANTÉ INTERNATIONALEÉcole de santé publique

USIwww.santeinternationale.ca

Cahier ÉFHUnité de santé internationale (USI)

Tous droits réservés. ©Photo de couverture :

Romy-Mercedes Jedwab