LES ENTREPRISES FACE AUX DÉFIS DE LA PAUVRETÉ : DES...
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Entreprendre au bénéfice de tous Quand business et développement vont de pair
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Programme des Nations Unies pour le développement
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Objectifs du Millénaire pour le développement des Nations Unies
Objectif 1 : Réduire l’extrême pauvreté et la faimObjectif 2 : Assurer l’éducation primaire pour tousObjectif 3 : Promouvoir l’égalité et l’autonomisation des femmesObjectif 4 : Réduire la mortalité infantile Objectif 5 : Améliorer la santé maternelleObjectif 6 : Combattre le VIH/sida, le paludisme et d’autres maladies Objectif 7 : Assurer un environnement durableObjectif 8 : Mettre en place un partenariat mondial pour le développement
LES ENTREPRISES FACE AUX DÉFIS DE LA PAUVRETÉ : DES STRATÉGIES GAGNANTES
Juillet 2008
Le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) souhaite remercier les organisationspartenaires du projet « Entreprendre au bénéfice de tous » pour leur précieuse contribution. Lesorganisations partenaires ont chacune apporté des éléments différents. Les opinions et recommandationsexprimées dans ce rapport ne sont pas nécessairement partagées par toutes les organisations partenaires.Par ailleurs, les opinions et recommandations exprimées dans ce rapport ne sont pas nécessairementreprésentatives de celles des Nations Unies, du PNUD ou de leurs États-membres. Les frontières et lesnoms et désignations utilisés sur les cartes d’intensité du marché n’impliquent pas leur reconnaissanceofficielle ou leur acceptation par les Nations Unies.
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D E S S T R A T É G I E S G A G N A N T E S
Entreprendre au bénéfice de tous Quand business et développement vont de pair
Programme des Nations Unies pour le développement
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AVA N T - P R O P O S D E L’ A D M I N I S T R AT E U R
Née en 2006, l’initiative « Entreprendre au bénéfice de tous » incarnel’intime conviction du PNUD que le secteur privé est une ressource d’investissementet d’innovation à la fois formidable et insuffisamment exploitée dans la poursuite desObjectifs du Millénaire pour le développement.
L’initiative s’est inspirée du rapport Libérer l ’entrepreneuriat : Mettre le monde desaffaires au service des pauvres, rédigé en 2004 par la Commission du secteur privé etdu développement du PNUD à la demande du Secrétaire général des Nations Uniesalors en fonctions, M. Kofi Annan. Dans ce rapport, la Commission a suggéré que lePNUD poursuive des recherches afin d’expliciter la façon dont les entreprises créentde la valeur dans des conditions de marché difficiles souvent de mise là où sévit lapauvreté, et comment, ce faisant, elles peuvent aussi créer de la valeur pour les popu-lations pauvres.
Le présent rapport, premier d’une nouvelle série, rend compte des efforts entreprispar le PNUD afin de convertir les idées et analyses issues de cette initiative en autantd’actions, grâce à l’instauration d’un dialogue avec le secteur privé, les gouvernementset la société civile. Il est le fruit d’une recherche basée sur cinquante études de cas,rédigées et révisées par un réseau d’experts de pays en développement ainsi que parun groupe consultatif varié, composé de représentants d’institutions reconnues pourleur expertise concernant le rôle du secteur privé dans le développement.
Le rapport Libérer l’entrepreneuriat a permis de montrer que lorsque sont réuniesdes conditions de marché appropriées, le secteur privé peut contribuer à réduire lapauvreté et à faire avancer le développement humain de nombreuses façons. Dansune économie de marché, entreprises et particuliers interagissent entre eux et avec lesgouvernements. En prenant des risques, ces deux protagonistes dégagent des profitset génèrent des revenus qui alimentent la croissance économique. La capacité d’uneéconomie à créer des emplois décents dépend en grande partie de la vitalité de son secteur privé. Et le secteur privé, en fournissant des biens et des services aux consommateurs, génère plus de choix et d’opportunités pour les populations pauvres.
Cependant, l’efficacité du secteur privé à favoriser le développement dépendégalement de la solidité de l’État et de la qualité des institutions politiques, sociales etéconomiques en place. Un État fort et disposant des ressources humaines, financièreset institutionnelles suffisantes, est en mesure de garantir une économie de marchéqui encourage les agents du secteur privé à développer leurs capacités de production età en faire bon usage. L’État doit également être en mesure de garantir une concurrenceloyale ainsi qu’une répartition équitable des revenus. De plus, il apparaît crucial d’offrir
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une protection sociale aux plus fragiles et de renforcer leur capacité à se constituer etentretenir dans la durée des moyens de subsistance productifs. Le PNUD met l’accentsur le développement du secteur privé, en s’intéressant tout particulièrement aux aspectsde ce développement qui promeuvent unecroissance bénéfique pour les populations pauvres(c’est-à-dire une croissance qui contribue àélargir la gamme des choix à disposition despopulations pauvres, en leur donnant accès àcertains biens et services, et en mettant à leurdisposition des opportunités de revenus et de travail décent.)
Les approches commerciales et économiquesseules ne peuvent pas réduire la pauvreté. Dufait des multiples dimensions sous lesquelles lapauvreté se manifeste, il est indispensable deconcevoir une grande variété de solutions enréponse à la multiplicité des contextes rencontrés.Si un grand nombre de pauvres peut bénéficierd’un meilleur accès au marché à condition dedisposer d’un minimum de ressources (terres,santé, éducation), ou d’un revenu de départ,beaucoup ne possèdent rien et ne sont donc paséquipés pour affronter les marchés. Ces individusont besoin d’un soutien spécifique qui leur permette de créer leurs propres moyens de subsistance durables et de tirer parti des interactions du marché.
Comment le secteur privé aide-t-il à l’intégration des populations pauvres sur les marchés ? En partie par la création et la diffusion d’innovations. Les entreprises de sciences fondamentales et de haute technologiepeuvent recevoir un soutien des gouvernements,mais seule une économie compétitive encouragerales entrepreneurs et les entreprises à créer et à appliquer des technologies et processusinnovants. Enfin, la diffusion de nouveauxmodèles et pratiques commerciales est la clé d’une meilleure productivité.
Pour tirer profit de l’activité des marchés,les populations pauvres doivent être en mesurede participer à ces marchés pour en exploiterles opportunités. Que peut faire l’État pour les yaider ? Il peut les aider à développer leur capitalhumain (santé, éducation et compétences),fournir les infrastructures et les services publicsessentiels, mais également leur garantir unstatut juridique.
Ce rapport a pour objectif d’étudier commentle secteur privé peut contribuer à intégrer lespopulations pauvres dans le monde des affaires,en tant que consommateurs, employés et producteurs. Poursuivant le plaidoyer bienconnu du PNUD pour le changement et lesefforts qu’il déploie pour relier les pays auxconnaissances, expériences et ressources dontleurs populations ont besoin pour améliorerleur niveau de vie, le rapport débute par uneétude sur les marchés des pauvres. Il montre
les défis posés aux entrepreneurs soucieux de
développer leurs activités sur des marchés dans
lesquels les sources d’information, les infra-
structures et les institutions sont défaillantes.
Il montre également comment les entreprises
répondent à ces défis, en mettant au point des
modèles entrepreneuriaux conçus au bénéfice
de tous, dans le cadre desquels elles s’associent
aux populations pauvres pour en tirer un
bénéfice mutuel.
Jusqu’ici, les efforts réalisés dans ce sens
s’adressaient en priorité à de grandes entreprises
multinationales. Ce rapport met sur un pied
d’égalité le travail de petites, moyennes et grandes
entreprises dans les pays en développement.
Bien sûr, les multinationales pourront montrer
l’exemple à d’autres. Sous leur influence, et
grâce à leur portée et leurs ressources, elles
sont en mesure de mettre au point des modèles
entrepreneuriaux à l’échelle appropriée et de
les répliquer efficacement. Mais comme l’a
montré le rapport Libérer l ’entrepreneuriat, les
plus petites entreprises ont beaucoup à nous
apprendre au sujet des stratégies qui fonctionnent.
De plus, ce sont elles qui créent la plupart des
emplois et des richesses requises pour réaliser les
Objectifs du Millénaire pour le développement.
Cependant, une entreprise ne peut agir
seule. Ce rapport propose que les entreprises
s’associent avec les gouvernements, les sociétés
civiles et les populations pauvres pour ériger
les fondations de nouveaux marchés. Il revient
aux gouvernements de libérer le potentiel de
l’entrepreneuriat, en améliorant les conditions
des marchés dans les zones où résident les
populations pauvres, et en éliminant les obstacles
à leur participation à l’économie. Des organisations
à but non lucratif, des prestataires de services
publics, des institutions de microfinance et
d’autres organismes ayant déjà établi une relation
de collaboration avec les populations pauvres
peuvent également collaborer et mettre en
commun leurs ressources avec des entreprises
afin de les aider à saisir les opportunités
présentes. Les donateurs peuvent faciliter le
dialogue entre entreprises et gouvernements ou
d’autres partenaires, tandis que des investisseurs
à vocation sociale ou des philanthropes
apporteront les fonds nécessaires à la mise
en place de programmes à la fois longs et au
résultat incertain. Si les modèles entrepreneuriaux
qui intègrent les populations pauvres nécessitent
un soutien important, ils promettent aussi
d’être bénéfiques pour tous.
Kemal Dervis
Administrateur, PNUD
TA B L E D E S M AT I È R E S
À PROPOS DE L’INITIATIVE ET DE LA RECHERCHE MENÉE v
REMERCIEMENTS xi
VUE D’ENSEMBLE 1
1ÈRE PARTIE – LA POSSIBILITÉ D’UN BÉNÉFICE MUTUEL 13
1 UNE CHANCE POUR LES ENTREPRISES ET POUR LES POPULATIONS PAUVRES 15
Les avantages pour les entreprises : bénéfices et croissance � 16
Une chance pour les populations pauvres : faire avancer le développement humain � 20
Découvrir la bonne formule : exemples réussis d’intégrationdes populations pauvres dans le monde des affaires � 25
2 LES OBSTACLES À LEVER 29Informations sur le marché � 31
Cadre réglementaire � 32
Infrastructures matérielles � 33
Connaissances et compétences � 36
Accès aux services financiers � 37
2ÈME PARTIE - CINQ STRATÉGIES À L’ÉTUDE 39
3 ADAPTER LES PRODUITS ET LES PROCESSUS 45
Tirer parti de la technologie � 47
De nouvelles façons d’entreprendre � 50
4 INVESTIR DANS L’ÉLIMINATION DES CONTRAINTES DU MARCHÉ 55
Assurer un gain aux entreprises � 57
Capitaliser la valeur sociale � 62
5 TIRER PARTI DES ATOUTS DES POPULATIONS PAUVRES 67
Impliquer les pauvres individuellement � 69
Prendre appui sur les réseaux sociaux en place � 73
6 COMBINER LES RESSOURCES ET LES CAPACITÉS DE DIFFÉRENTS ACTEURS 88
Faire jouer la complémentarité des capacités � 79
Mettre les ressources en commun � 84
7 SE CONCERTER AVEC LES GOUVERNEMENTS SUR LA POLITIQUE À SUIVRE 90
Impliquer le gouvernement de manière individuelle � 92
Motiver par l’exemple � 94
S'allier à d'autres pour influencer les politiques publiques � 94
8 AGIR 97
ANNEXES 103
Annexe 1. Banque d’études de cas � 105
Annexe 2. Méthodologie de recherche des études de cas � 133
Annexe 3. À propos des cartes d'intensité du marché � 137
BIBLIOGRAPHIE 145
ENCADRÉS
Comité consultatif de l'initiative « Entreprendre au bénéfice de tous » � vi
Études de cas de l'initiative « Entreprendre au bénéfice de tous » � ix
Encadré 1 Qu’est-ce qu’un modèle entrepreneurial conçu au bénéfice de tous ? � 2
Encadré 1.1 Modèles entrepreneuriaux conçus au bénéfice de tous et Objectifs du Millénaire pour le développements � 21
Encadré 1.2 Accès au crédit au Guatemala � 24[1] Carte d’intensité : ménages vivant avec plus de 2 $ par jour [2] Sources de crédit: ménages vivant avec plus de 2 $ par jour[3] Carte d’intensité : ménages vivant avec moins de 2 $ par jour[4] Sources de crédit: ménages vivant avec moins de 2 $ par jour[5] Opportunité : Utilisation du crédit par les ménages vivant avec plus et moins de 2 $ par jour au Guatemala
Encadré 1.3 L’explosion du marché de la téléphonie mobile en Afrique du Sud � 27[1] Carte d’intensité: ménages vivant avec plus de 2 $ par jour[2] Population ayant accès à la téléphonie mobile : ménages vivant avec plus de 2 $ par jour [3] Carte d’intensité: ménages vivant avec moins de 2 $ par jour[4] Population ayant accès à la téléphonie mobile : ménages vivant avec moins de 2 $ par jour
Encadré 2.1 Superposition d’obstacles sur le marché guatémaltèque � 30
Encadré 2.2 Cartes d'intensité du marché � 32
Encadré 2.3 Les obstacles d'un marché affectent sa structure : exemple du marché de l'eau en Haïti � 35
Encadré 2.4 Secteur de la micro-assurance en Inde � 37
Encadré II.1 Smart Communications : transferts de fonds internationaux via la téléphonie mobile aux Philippines � 42
Encadré 3.1 Étude de cas – Tsinghua Tongfang (THTF) ou comment combler le fossé numérique � 46
Encadré 3.2 La banque mobile : sans fil… ni agence � 48
Encadré 3.3 Cartes à puce : grâce à des systèmes de paiement haute technologie, Amanz’ abantu achemine l’eau vers les populations pauvres d’Afrique du Sud � 49
Encadré 4.1 Étude de cas – Tiviski : de l’argent bien dépensé � 56
Encadré 4.2 Integrated Tamale Fruit Company : investir dans l’élimination des contraintes du marché et garantir des récoltes de qualité � 59
Encadré 4.3 Accorder des subventions pour le développement de modèles entrepreneuriaux qui prennent en compte les populations pauvres : les « challenge funds » du ministère britannique pour le développement international � 63
Encadré 5.1 Étude de cas – The HealthStore Foundation : fournir des services médicaux dans les régions reculées � 68
Encadré 6.1 Etude de cas – Construmex : « A toi de jouer, compatriote ! » � 78
Encadré 6.2 Comment trouver un partenaire – sans partenaire ? � 80
Box 6.3 Institutions de micro-finance – les nouveaux distributeurs ? � 82
Box 7.1 Etude de cas – CocoTech : relancer une industrie de la noix de coco aux abois � 90
Box A2.1 Questions sur lesquelles la recherche s’est focalisée pour les études de cas � 134
Box A3.1 Exemples d'initiatives de cartographie géographique de la pauvreté � 138
ILLUSTRATIONS
Illustration 1 Carte d’intensité du marché concernant l’accès au crédit au Guatemala � 3
Illustration 2 Grille de stratégies de l’initiative « Entreprendre au bénéfice de tous » � 8
Illustration 3 Grille de stratégies d’ « Entreprendre au bénéfice de tous » et résumé des solutions � 10
Illustration 1.1 Pyramide mondiale des revenus � 18
Illustration 1.2 Comment les consommateurs pauvres dépensent leur argent � 19
Illustration 1.3 Nombre d’abonnés à des services de téléphonie mobile, 2006 � 26
Illustration 2.1 Temps et coût moyens de création d’une entreprise, par région � 33
Illustration 2.2 Entreprises considérant les infrastructures comme un obstacle important � 34
Illustration 2.3 Faiblesse du taux de pénétration des produits d'assurance dans les pays en développement � 36
Illustration II.1 Grille de stratégies de l’initiative « Entreprendre au bénéfice de tous » � 40
Illustration II.2 Smart Communications : transferts de fonds internationaux via la téléphonie mobile aux Philippines � 42
Illustration 3.1 Synthèse : Procédés utilisés pour adapter les produits et les processus � 53
Illustration 4.1 Synthèse : Différentes façons d’investir pour éliminer les contraintes des marchés � 65
Illustration 5.1 Synthèse : Approches permettant de tirer parti des atouts des populations pauvres � 75
Illustration 6.1 Synthèse : Approches permettant de combiner les ressources et les capacités de différents acteurs � 87
Illustration 7.1 Synthèse : Approches permettant de se concerter avec les gouvernements sur la politique à suivre � 95
Illustration 8.1 Grille de stratégies d’ « Entreprendre au bénéfice de tous » et résumé des solutions � 98
Illustration A2.1 Répartition des études de cas par secteur, région et type d'entreprise � 135
Illustration A3.1 Carte d’intensité du marché pour l’accès à l’eau en Haïti, 2001 � 139
Illustration A3.2 Carte d’intensité du marché pour l’accès à la téléphonie mobile en Afrique du Sud, 2006 (population vivant avec plus de 2 $ par jour) � 141
Illustration A3.3 Carte d’intensité du marché pour l’accès à la téléphonie mobile en Afrique du Sud, 2006 (population vivant avec moins de 2 $ par jour) � 142
Illustration A3.4 Croisement des populations pauvres disposant d’un accès au téléphone portable et des populations pauvres de disposant d’aucun accès à une banque (pays sélectionnés) � 143
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Cap Vert : Les entrepriseslocales – des petits pêcheursaux grandes sociétésnationales – sont la prioritéde cette initiative. Photo : UNICEF/Julie Pudlowski
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À P R O P O S
L’initiative « Entreprendre au bénéfice de tous » répond à
la nécessité de mieux comprendre la façon dont le secteur privé peut contribuer au
développement humain et à la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le
développement. Conduite par le PNUD, l’initiative a été lancée en 2006, suite au
succès du rapport Libérer l ’entrepreneuriat : Mettre le monde des affaires au service des
pauvres, préparé en 2004 par la Commission du secteur privé et du développement du
PNUD à la demande du Secrétaire général des Nations Unies alors en fonctions,
M. Kofi Annan.
Les objectifs généraux de cette initiative sont les suivants :
� Éveiller les consciences, en démontrant comment le développement d’activités
économiques avec les populations pauvres peut être bénéfique à la fois aux
individus et aux entreprises.
� Expliciter de quelles manières les entreprises, les gouvernements et les organisations
de la société civile peuvent créer des richesses pour le bénéfice de tous.
� Encourager le secteur privé à agir dans ce sens.
Le PNUD a voulu d’emblée mettre en place un processus ouvert et multipartite,
impliquant un éventail de partenaires aussi large que possible et amené à évoluer
constamment, en fonction des besoins et intérêts
exprimés par les uns et les autres. C’est la raison
pour laquelle le groupe consultatif de l’initiative
comprend des représentants de plusieurs
institutions, chacune ayant un intérêt particu-
lier pour le rôle que peut jouer le secteur privé
afin de stimuler le développement : des agences
de développement international, des organisations
commerciales internationales représentant des
centaines de sociétés, ainsi que des experts
d’institutions de recherche renommées agissant
à l’interface entre dynamique des affaires
et développement.
En diffusant les résultats de ces recherches
et ses outils d’analyse, l’initiative vise à aider les
dirigeants d’entreprises, les responsables politiques
et d’autres praticiens du développement, en
particulier dans les pays en développement, à
mettre au point des modèles entrepreneuriaux
conçus au bénéfice de tous.
Cinq principes maîtres ont présidé à l’initiative :
� Mettre l’accent sur les cœurs de métiers.
Les modèles entrepreneuriaux que promeut
l’initiative génèrent des richesses en
fournissant ou en achetant des biens et
des services aux populations pauvres.
Les stratégies génératrices de revenus des
organisations non gouvernementales sont
incluses dans ces modèles. En revanche, les
activités purement philanthropiques ou dont
la viabilité commerciale ne peut être prouvée
ne sont pas prises en compte, même si ce
type d’activités a ses raisons d’être et est
important pour le développement.
� Centrer l’action sur les pays en
développement. L’initiative s’intéresse en
particulier aux entreprises nationales des
pays en développement, en tant qu’acteurs
centraux dans la fourniture de biens, de
services et d’opportunités d’emplois pour les
populations pauvres. Pour dresser un état
des lieux global, cinquante études de cas ont
été commissionnées auprès de chercheurs
et d’experts dans des pays situés aux quatre
coins du monde, du Pérou au Kenya en
passant par les Philippines. Ce processus
ascendant, qui s’appuie sur l’analyse de
situations locales, a permis de créer un réseau
de praticiens, de responsables politiques,
d’entrepreneurs et d’acteurs de la société
civile agissant pour le développement.
� Mettre en place un cadre pour
le développement humain guidé par
les Objectifs du Millénaire pour le
développement. Le développement
humain permet d’élargir les choix que les
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Le comité consultatif constitue le cœur de l’initiative « Entreprendre au bénéfice de tous ».Ses conseils, ses analyses et sa contribution sont d’une valeur inestimable pour l’initiative et ce rapport.
� Agence Française de Développement
� Business for Social Responsibility (BSR, organismeaméricain en faveur de la responsabilité sociale des entreprises)
� Dalhousie University, Faculty of Management(département de management de l’université de Dalhousie, Canada)
� École de commerce ESSEC, Institut de recherche etd’enseignement sur la négociation en Europe (IRÉNÉ)
� European Foundation for ManagementDevelopment (EFMD, fondation européenne pour le développement du management)
� Global Development Alliance (Alliance pour ledéveloppement mondial), USAID
� Social Enterprise Initiative (initiative en faveur del’entreprise sociale), Harvard Business School
� Corporate Social Responsibility Initiative (initiative en faveur de la responsabilité sociale des entreprises), Harvard Kennedy School
� Institute of Business, University of West Indies(institut de commerce de l’université des Indesoccidentales), Trinité et Tobago
� International Business Leaders Forum (IBLF, forum international de chefs d’entreprises)
� Chambre de commerce internationale (CCI)
� Société financière internationale (IFC)
� Johnson Graduate School of Management, Centerfor Sustainable Global Enterprise, Cornell University(centre de promotion d’une entreprise durable del’école de management Johnson, université de Cornell)
� Overseas Development Institute (ODI, institut du le développement d’outremer), Programme on Business and Development Performance (programme de mesure des performances desentreprises et du développement)
� Groupe spécial pour la coopération Sud-Sud, PNUD
� Fondation pour les Nations Unies
� Pacte mondial des Nations Unies
� University of Michigan, Ross School of Business,William Davidson Institute (université du Michigan,Ecole de commerce Ross, institut William Davidson)
� Conseil mondial des entreprises pour ledéveloppement durable (WBSCD)
� Forum économique mondial
� World Resources Institute (institut des ressources mondiales)
Comité consultatif de l’initiative « Entreprendre au bénéfice de tous »
À P R O P O S D E L ' I N I T I A T I V E E T D E L A R E C H E R C H E M E N É E VII
populations peuvent effectuer pour leur
permettre de vivre la vie qu’elles souhaitent.
Cette notion guide le travail du PNUD,
lequel explore et applique le concept de
développement humain depuis 1990 dans
ses Rapports mondiaux sur le développement
humain. L’initiative a également pour objet
d’appliquer le concept de développement
humain à l’intégration des populations
pauvres sur les marchés, un concept axé sur
la satisfaction des besoins élémentaires et sur
l’accès aux biens, services et aux opportunités
de revenus qui permettront l’émancipation
économique de ces populations. Elle montre
aussi comment le secteur privé peut contribuer
à la réalisation des Objectifs du Millénaire
pour le développement.
� Prendre en compte les spécificités locales.L’initiative est modelée sur la capacité du
PNUD à adapter ses Rapports mondiaux
sur le développement humain pour mettre
au point des programmes nationaux et
promouvoir des changements de politiques
dans des pays situés aux quatre coins du
globe. Le Bureau de pays du PNUD en
Égypte a déjà publié un rapport national
sur les solutions économiques pour le
développement humain et encouragé la
mise en place d’un dialogue multipartite
à l’échelle locale.
� Partenariat et approche multipartite.L’initiative a opté pour une approche
multisectorielle et en réseau, reposant sur
l’engagement d’un grand nombre de parte-
naires issus de différents environnements
(des milieux universitaires aux spécialistes
du développement et aux associations
d’entreprises) et à l’avant-garde des réflexions
sur l’entrepreneuriat et le développement.
Les informations, les analyses et les outils
créés par l’initiative seront tous publiés en
ligne, où ils pourront faire l’objet de discussions
et éventuellement de modifications par les
parties intéressées. �
L’un des objectifs immédiats de l’initiative
« Entreprendre au bénéfice de tous » réside dans
la création d’un ensemble initial de données,
d’informations et de solutions analytiques tous
destinés à améliorer la compréhension des
marchés des populations pauvres, et la détection
des opportunités et défis qu’ils présentent.
Cet ensemble comprend :
� Des cartes d’intensité du marché,lesquelles décrivent les niveaux d’accès à
des biens tels que l’eau, le crédit, l’électricité
ou les services de télécommunications, ce
qui facilite le repérage des opportunités
commerciales. Fournissant une vue
d’ensemble du paysage économique étudié,
et un premier aperçu de marchés potentiels,
ces cartes contiennent également des
informations sur la structure des marchés,
notamment sur les différents types de
fournisseurs qui y sont présents.
� Une grille de stratégies, un outil d’analyse
qui permet d’identifier les obstacles d’un
marché pour réfléchir aux stratégies
permettant de les lever. Elle relie les cinq
principales contraintes rencontrées dans
les marchés des pauvres avec les cinq
stratégies permettant de les résoudre.
� Une banque d’études de cas, qui aide
à la recherche de solutions basées sur
l’expérience d’autres acteurs. Elle comporte
cinquante études de cas, rédigées pour ce
rapport, et qui décrivent des modèles
d’entrepreneuriat qui bénéficient à tous
les couches sociales. Tous études de cas
sont résumées en annexe et disponibles
dans leur intégralité en ligne, à l’adresse
www.growinginclusivemarkets.org. D’autres
études de cas seront ajoutées par l’initiative
et d’autres sources afin d’enrichir la banque
de données. �
O U T I L S D E R E C H E R C H E
Pologne : PEC Luban utilise de la paille comme ressourcerenouvelable pour la production de chauffage. Photo : PEC Luban
Cette recherche s’est déroulée selon une approche
empirique visant à observer et mesurer l’accès
des populations pauvres aux marchés et à iden-
tifier des méthodes de collaboration efficaces
entre les entreprises et les populations pauvres.
La recherche d’études de cas s’est effectuée
sur un mode inductif : les cas présentés permettent
de relever un certain nombre de similitudes
entre les modèles d’entrepreneuriat décrits,
mais ne permettent pas de confirmer des
hypothèses prédéfinies sur les types d’approche
susceptibles d’émerger.
Cinquante études de cas ont été sélection-
nées sur un total de quatre-cents avec l’aide
des institutions représentées dans le groupe
consultatif de l’initiative. Les cas sélectionnés
devaient décrire des modèles d’entrepreneuriat
impliquant des individus pauvres d’une façon
qui soit à la fois source de profits et qui
promeuve clairement le développement
humain. En outre, ils devaient représenter
un éventail de pays, d’industries et de types
d’entreprises le plus large possible.
Dix-huit rédacteurs ont ensuite été chargés
de rédiger la description des cas sélectionnés en
fonction d’un protocole commun : il s’agissait
pour chaque cas d’en résumer les opportunités,
les contraintes et les solutions. Le protocole a
rendu possible l’analyse systématique des études
de cas, l’identification de schémas et la mise
au point de la grille de stratégies de l’initiative
« Entreprendre au bénéfice de tous » : cette grille
résume les principales contraintes rencontrées
sur les marchés des pauvres et les stratégies
permettant de les éliminer. Les annexes 1 et 2
contiennent des informations plus détaillées
sur l’approche adoptée ainsi qu’une brève
description pour chacune des 50 études de cas.
Les cartes d’intensité du marché ont
été créées en collaboration avec des experts
d’Amérique latine et d’Afrique du Sud. Les
enquêtes réalisées à l’échelle individuelle étaient
destinées à mesurer les niveaux d’accès à des
marchés revêtant une importance particulière
pour les populations pauvres, tels que l’eau,
l’électricité, le crédit et les télécommunications.
Elles ont permis de dévoiler la structure de
ces marchés (exprimée par source et type de
fournisseur). Certaines des données collectées
ont été transposées dans des cartes spatiales,
permettant une exploitation intuitive. L’annexe
3 comporte plus de détails sur la méthodologie
utilisée pour la création des cartes d’intensité
du marché. �
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A P P R O C H E
Bangladesh : Des micro-prêts fournis par le PNUD permettentaux villageois du district de Kishoreganj de démarrer des entreprises familiales. Photo : Shamsuz Zaman/PNUD
À P R O P O S D E L ' I N I T I A T I V E E T D E L A R E C H E R C H E M E N É E IX
Etude de cas DescriptionA to Z Textiles (Tanzanie) Fabrication de moustiquaires traitées à l’insecticide longue durée
Amanco (Mexique) Solutions d’irrigation intégrées pour des petits producteurs
Amanz’abantu (Afrique du Sud) Approvisionnement en eau grâce à la technologie des cartes à puce
ANZ Bank (îles Fidji) Produits et services financiers mobiles
Aspen Pharmacare (Afrique du Sud) Fabrication d’antirétroviraux génériques à prix abordable
Association of Private Water Operators (Ouganda) Partenariat public-privé pour l’approvisionnement en eau de petites communes
Association des producteurs de noix de cajou (Guinée) Partenariat visant à relancer l’industrie de la noix de cajou
CelTel (République démocratique du Congo) Communications et services bancaires mobiles dans une économie d’après-guerre
Coco Technologies (Philippines) Production de géotextiles à partir de déchets de coques de noix de coco
Collecteurs Susu – Barclays (Ghana) Fourniture de services de microfinance via les opérateurs de collecte traditionnels du pays
Commerce équitable du coton (Mali) Plate-forme collaborative pour le commerce équitable du coton
Construmex (Mexique / Etats-Unis) Services de transfert et de conversion de liquidités en actifs
Danone (Pologne) Distribution de produits laitiers à haute valeur nutritionnelle et à un prix abordable à des enfants souffrant de malnutrition
Denmor Garments (Guyana) Production de vêtements de grande qualité destinés à l’exportation
DTC Tyczyn (Pologne) Coopérative de téléphonie rurale
Edu-Loan (Afrique du Sud) Prêts de financement pour les études supérieures
Électrification rurale (Mali) Installation et gestion de systèmes de production d’électricité par des entreprises rurales
Forus Bank (Russie) Services financiers à destination d’entrepreneurs aux revenus faibles
Huatai (Chine) Production de bois pour l’industrie papetière
Integrated Tamale Food Company (Ghana) Programme de production externalisée de mangues biologiques
Juan Valdez (Colombie) Chaîne de commerce équitable du café reliant directement producteurs, entreprises et consommateurs
K-Rep Bank (Kenya) Produits et services de microfinance
Lafarge (Indonésie) Reconstruction de maisons et de locaux d’entreprise dans les zones touchées par le tsunami
LYDEC (Maroc) Approvisionnement en eau et en électricité dans les bidonvilles
Manila Water Company (Philippines) Connexion des foyers démunis au réseau d’approvisionnement en eau
Mibanco (Pérou) Produits et services de microfinance
Money Express (Sénégal) Services de transfert d’argent
M-Pesa (Tanzanie / Kenya) Services bancaires mobiles
Mt Plaisir Estate Hotel (Trinité et Tobago) Communauté autonome vivant de l’écotourisme
Narayana Hrudayalaya (Inde) Soins cardiologiques à un prix abordable
Natura (Brésil) Production d’essences de parfum à partir de la flore locale
Nedbank et RMB/FirstRand (Afrique du Sud) Produits financiers à destination du marché immobilier des personnes à bas revenus
New Tirupur Area Development Corp. Ltd. (Inde) Approvisionnement en eau des industries, des foyers et des bidonvilles
PEC Luban (Pologne) Installations de chauffage à base de paille
Pésinet (Mali / Sénégal) Méthode de prévention et de suivi de la santé infantile
Petstar (Mexique) Services de traitement des déchets dans les communautés rurales pauvres
Procter & Gamble (sur plusieurs régions) Vente de purificateurs d’eau en sachet à un prix abordable
Rajawali (Indonésie) Partenariat commercial entre une société de taxis et des conducteurs pauvres
RiteMed (Philippines) Fabrication et distribution de médicaments génériques
Sadia (Brésil) Production porcine durable grâce à l’utilisation de biodigesteurs
Sanofi-aventis (Afrique sub-saharienne) Partenariat pour la distribution de médicaments contre la maladie du sommeil
SEKEM (Égypte) Agriculture biologique et activités socio-culturelles
SIWA (Égypte) Activité d’écotourisme basée sur les spécificités de la communauté locale
Smart (Philippines) Produits et services de télécommunications mobiles pour des communautés isolées et à faibles revenus
Sulabh (Inde) Systèmes sanitaires innovants, propres et bon marché
The HealthStore Foundation (Kenya) Réseau de centres de soins en micro-franchise
Tiviski Dairy (Mauritanie) Soutien de la production laitière des éleveurs nomades
Tsinghua Tongfang (THTF) (Chine) Conception d’ordinateurs à un prix abordable à destination des utilisateurs ruraux
VidaGas (Mozambique) Approvisionnement en GPL
Votorantim Celulose e Papel (Brésil) Plantation d’eucalyptus pour l’industrie papetière
Études de cas de l’initiative « Entreprendre au bénéfice de tous »
xi
VietnamPhoto : Jim Holmes/FENU
R E M E R C I E M E N T S
M E M B R E S D U C O N S E I L C O N S U LTAT I F
Le principe même de l’initiative « Entreprendre au bénéfice de tous » repose sur sa
démarche multipartite, qu’illustrent bien le nombre et la diversité des membres de
son Conseil consultatif. Leurs conseils, leurs éclaircissements et leurs apports ont été
une source inestimable pour la mise en œuvre de cette initiative et la rédaction de ce
rapport. Les membres du Conseil consultatif sont :
� Eduardo Aninat, ancien ministre des finances du Chili et P.D.G. d’Anisal
International Consultants Ltd.
� Rolph Balgobin, directeur de l’Institute of Business à l’University of West Indies
� Kathryn Bushkin Calvin, vice-présidente exécutive et directrice des opérations de
la Fondation pour les Nations Unies
� Jean-Marc Châtaigner, directeur du département du pilotage et des relations
stratégiques de l’Agence française de développement (jusqu’en juin 2007)
� Eric Cornuel, directeur de la European Foundation for Management Development
� Aron Cramer, P.D.G. de Business for
Social Responsibility
� Lisa Dreier, directrice adjointe, Global Institute
for Partnership and Gouvernance, Forum
économique mondial
� Shona Grant, directrice, Development Focus
Area, Sustainable Livelihoods Project, Conseil
mondial des entreprises pour le développement
durable (WBCSD)
� Stuart Hart, professeur de management,
titulaire de la chaire Samuel C. Johnson in
Sustainable Global Enterprise, Johnson School,
Cornell University
� Adrian Hodges, directeur général, Prince of
Wales International Business Leaders Forum
� Bruce Jenks, Sous-secrétaire général des Nations
Unies et directeur du Bureau des partenariats,
Programme des Nations Unies pour le développe-
ment
� Louise Kantrow, représentante permanente de la
Chambre internationale de commerce auprès de
l'Organisation des Nations Unies
� Georg Kell, directeur du Pacte mondial des
Nations Unies
� William Kramer, directeur adjoint (jusqu’en août
2007) de l’Institut mondial des ressources
� Rachel Kyte, directrice du Département de
l’environnement et du développement social de la
Société financière internationale
� Alain Lempereur, directeur de l’Institut de
recherche et d’enseignement sur la négociation en
Europe, E.S.S.E.C.
� Ted London, directeur de recherches, Base of the
Pyramid Initiative, William Davidson Institute,
University of Michigan
� Jane Nelson, Senior Fellow et directrice de
l’Initiative Responsabilité sociale des entreprises,
Harvard Kennedy School, et directrice de la
Stratégie, International Business Leaders Forum
� Daniel Runde, directeur (jusqu’en mai 2007),
et Jerry O'Brien, directeur adjoint, Global
Development Alliance, U.S. Agency for
International Development
� Kasturi Rangan, professeur de marketing titulaire
de la chaire Malcolm P. McNair et co-président
de l’Initiative sur la responsabilité sociale des
entreprises, Harvard Business School
� Harold Rosen, directeur de l’Initiative d’appui
aux entreprises communautaires de la Société
financière internationale
� Michael Warner, directeur du Programme on
Business and Development Performance de
l’Institut pur le développement d’outremer
(jusqu’en mars 2008)
� David Wheeler, doyen de la faculté de
Management de Dalhousie University
� Yiping Zhou, directeur du Groupe spécial
pour la coopération Sud-Sud, Programme des
Nations Unies pour le développement
Nous souhaiterions rendre hommage à Robert Davies, P.D.G. de International Business Leaders
Forum et membre du comité consultatif de l’initiative « Entreprendre au bénéfice de tous », qui
est décédé le 18 août 2007. Robert a été un ami de valeur et un champion de l’engagement du
PNUD avec le secteur privé et l’initiative a grandement bénéficié de sa sagesse, de son soutien et
de sa collaboration.
Le PNUD tient également à remercier Chad Bolick (BSR), Sara Carrer (EFMD), Konrad
Eckenschwiller (GC France), Amanda Gardiner (IBLF), Sasha Hurrell (IBLF), Robert Katz
(WRI), Michael Kelly (LPG Foundation), Emmanuelle Lachaussée (AFD), Mark Milstein
(Cornell University), Soren Petersen (GC), Melissa Powell (GC), Tara Rangarajan (BSR),
Francisco Simplicio (SU/SSC), Ross Tennyson (IBLF), Fillipo Veglio (WBCSD) et Jack Whelan
(IBLF) pour leur soutien actif.
xii L E S E N T R E P R I S E S F A C E A U X D É F I S D E L A P A U V R E T É : D E S S T R A T É G I E S G A G N A N T E S
R E M E R C I E M E N T S XIII
À la suite de la réunion de mars 2006, les membres du Conseil consultatif se sont répartis
en trois groupes de travail :
Groupe de travail sur les études de cas
� Co-présidents : Pr. David Wheeler, doyen de la faculté de management, Dalhousie
University of Halifax, et Pr. Alain Lempereur, directeur de l’Institut de recherche et
d’enseignement sur la négociation en Europe, E.S.S.E.C.
� Avec l'appui de la Division du secteur privé du PNUD.
Groupe de travail sur les données et les statistiques
� Co-présidents : Pr. V. Kasturi Rangan, professeur de marketing à la Harvard Business
School, et Pr. Eduardo Aninat, Anisal International Consultants Ltd.
� Avec l’appui du Bureau des études sur le développement du PNUD.
Groupe de travail sur la communication et le travail de proximité
� Co-présidents : Jane Nelson, directrice de l’initiative sur la responsabilité sociale des
entreprises à la John F. Kennedy School of Government de Harvard, et Eric Cornuel,
directeur de l’European Foundation for Management Development.
� Avec l’appui du Bureau des communications du PNUD. �
Le présent rapport n’aurait pu voir le jour sans la précieuse contribution des auteurs des études de cas :
� Farid Baddache, École supérieure des sciences
économiques et commerciales (E.S.S.E.C.),
Institut de recherche et d’enseignement sur la
négociation en Europe (France)
� Claudio Boechat, Dom Cabral
Foundation (Brésil)
� Juana de Catheu, École supérieure des sciences
économiques et commerciales (E.S.S.E.C.),
Institut de recherche et d’enseignement sur la
négociation en Europe (France)
� Pedro Franco, Universidad del Pacífico (Pérou)
� Elvie Grace Ganchero (Philippines)
� Mamadou Gaye, Institut africain de
management (Sénégal)
� Dr. Tarek Hatem, American University in
Cairo (Égypte)
� Dr. Prabakar Kothandaraman, Indian Research
Center de la Harvard Business School (Inde)
� Winifred Karugu, Institute for Human Resources
Development (Kenya)
� Professor Li Ronglin, Institut Peterson d’é-
conomie internationale et centre d’études sur
l’organisation mondiale du commerce (Chine)
� Robert Osei, Institut de recherches statistiques,
sociales et économiques (Ghana)
� Melanie Richards, Arthur Lock Graduate School
of Business (Trinité-et-Tobago)
� Boleslaw Rok, Académie Kozminski
d’entreprenariat et de management (Pologne)
� Loretta Serrano, réseau de connaissances
des entreprises sociales du Tecnológico de
Monterrey (Mexique)
� Dr. Shi Donghui, université de Shanghai (Chine)
� Courtenay Sprague, Graduate School of Business
Administration de l’University of the
Witwatersrand (Afrique du Sud) �
A U T E U R S D E S É T U D E S D E C A S
Ce rapport n’aurait pas été possible sans le soutien financier de l’Agence française de
développement, du gouvernement japonais et de l’U.S. Agency for International
Development. À cet égard, nous tenions à remercier tout particulièrement Jean-Marc
Châtaigner et Dan Runde pour leur implication dès le départ dans cette initiative. �
L’Initiative est particulièrement redevable au rapport Libérer l ’entreprenariat : mettre le monde
des affaires au service des pauvres, écrit sous la direction de Paul Martin et d'Ernesto Zedillo
avec le soutien renouvelé de Mark Malloch Brown. Il est à l’origine de la volonté du
PNUD d’entreprendre ces travaux. L’initiative a bénéficié au cours des trois dernières
années du soutien précieux et essentiel de Kemal Dervis, administrateur du PNUD.
Bruce Jenks, sous-secrétaire général des Nations Unis et directeur du Bureau des partenariats
du PNUD, a présidé le Conseil consultatif et fourni la direction générale de cette initiative
depuis sa création.
Le premier rapport de l’initiative « Entreprendre au bénéfice de tous » a impliqué
différentes divisions du PNUD, sous la supervision globale de la Division du secteur privé
du Bureau des partenariats du PNUD, et il représente un élément important de sa nouvelle
Stratégie pour le secteur privé.
xiv L E S E N T R E P R I S E S F A C E A U X D É F I S D E L A P A U V R E T É : D E S S T R A T É G I E S G A G N A N T E S
C O N T R I B U T I O N S F I N A N C I È R E S
É L A B O R AT I O N D U R A P P O R T
Le conseil de direction du PNUD pour l’initiative « Entreprendre au bénéfice de tous »,
qui a fourni l’orientation générale de l’initiative, était composé de Bruce Jenks, Christian
Thommessen, Pedro Conceição, David Morrison, Sahba Sobhani et Afke Bootsman.
Christian Thommessen, directeur de la division du secteur privé, a supervisé les travaux
du secrétariat d’ « Entreprendre au bénéfice de tous », instauré pour diriger la gestion du
programme et la mise en œuvre de l’initiative et pour l’administration du groupe de travail
consacré aux études de cas. Pedro Conceição, directeur du Bureau des études sur le
développement, a géré le groupe de travail sur les données et les statistiques. David Morrison,
directeur du Bureau des communications, était responsable des travaux sur la communication
et le travail de proximité.
L’initiative a également bénéficié d’un partenariat avec le Groupe spécial pour la coopération
Sud-Sud, un groupe autonome de l’ONU opérant sous l’égide du PNUD, qui a également
fourni un soutien financier à l’initiative par l’intermédiaire de son directeur, Yiping Zhou.
C O N S E I L D E D I R E C T I O N D U P N U D
R E M E R C I E M E N T S XV
Ce rapport a été mené à bien grâce à une équipe
centrale dévouée, issue du PNUD, qui comprenait
des membres de la Division du secteur privé, du
Bureau des études sur le développement et du
Bureau des communications.
Division du secteur privé Sahba Sobhani, directeur du programme et principal
auteur du rapport, a dirigé l’équipe de l’initiative
« Entreprendre au bénéfice de tous », hébergée par la
Division du secteur privé du PNUD et composée des
membres suivants :
Secrétariat d’« Entreprendre au bénéfice de tous »
� Afke Bootsman, sous-directrice du programme
et coordonnatrice des études de cas
� Austine Gasnier, associée aux recherches
� Jan Krutzinna, conseiller en gestion
des connaissances
� Patricia Maw, administratrice adjointe
� Tracy Zhou, consultante déléguée du
Groupe spécial pour la coopération Sud-Sud
Principaux coauteurs du rapport :
� Christina Gradl, Martin Luther University
Halle-Wittenberg
� Beth Jenkins, directrice des études politiques,
Harvard Kennedy School
Réviseurs des études de cas :
� Jane Comeault, chercheuse visiteuse,
Dalhousie University
� Kevin McKague, directeur de recherches,
York Institute for Research and Innovation
in Sustainability
Semira Ahdiyyih, Prerna Kapur, Taimur Khilji,
Sana Mostaghim et Suba Sivakumaran ont contribué
aux principaux travaux de recherches à différents
stades de l’initiative.
Alison Laichter, Alia Mahmoud et Li Yang,
stagiaires, ont également apporté leur contribution.
Bureau des études sur le développement Les travaux du groupe consacré aux données et
aux statistiques se sont déroulés sous la direction de
Ronald Mendoza, directeur de projet, assisté de
Namsuk Kim, économiste, et de Nina Thelen,
chercheuse associée.
Bureau des communicationsDe nombreux collègues du Bureau des communications
ont participé au développement du site Web, à la
production du rapport et aux différentes communica-
tions liées à l’initiative. Nous remercions en particulier
Benjamin Craft, rédacteur ; Nicolas Douillet,
responsable du contenu du site Web ; Françoise
Gerber, spécialiste en management ; Carmen Higa,
assistante exécutive ; Rajeswary Iruthayanathan, chef
de la publication et du service éditorial ; Maureen
Lynch, responsable de la conception ; Boaz Paldi,
spécialiste de la diffusion télévisée ; Nicole Pierron,
assistante à la communication ; Rositsa Todorova,
assistante spéciale du directeur ; et Cassandra
Waldon, chef des communications extérieures.
ÉditeursBruce Ross-Larson et Nick Moschovakis �
É Q U I P E D E L’ I N I T I AT I V E « E N T R E P R E N D R E A U B É N É F I C E D E T O U S »
Le présent rapport a été préparé grâce à la précieuse
contribution de plusieurs relecteurs et experts, qui
ont généreusement donné de leur temps et de leur
expertise pour faire avancer notre réflexion :
� Nava Ashraf, Harvard Business School
� George Dragnich, U.S. Department of State
� Martin Hall, Université du Cap
� Michael Henriques, Organisation internationale
du travail
� Martin Herrndorf, Université de St Gall
� Matt Humbaugh, Presidio Union, LLC
� Aline Krämer, Technische Universität München
� Wilfried Lüetkenhorst, ONUDI
� Jörg Meyer-Stamer, Mesopartner
� Prof. Ingo Pies, Martin-Luther-University
Halle-Wittenberg
� Julia Steets, Global Public Policy Institute
� Eric Werker, Harvard Business School
� Pierre Yared, Columbia Business School
Le groupe de travail sur les données et les
statistiques, sous l’autorité de l’ambassadeur Eduardo
Aninat et du Pr. V. K. Rangan, souhaite remercier
tous les participants de la réunion du groupe
d’experts sur les cartes du marché et de la pauvreté,
qui s’est déroulée en décembre 2006 à New York, et
notamment Pablo Acosta, José De Luna Martínez,
Carlos Linares, Illana Melzer, Jordan Schwartz,
Daniel Shepherd et Nikola Spatafora. Ils sont
également redevables aux collaborateurs extérieurs
d’origine académique ou issus de différentes agences
internationales et des Nations Unies, dont Annie
Bertrand, Adriana Conconi, Lorant Czaran, Paola
Deles, Maitreesh Ghatak, Celine Kauffmann,
Inge Kaul, Branko Milanovic, Maria Minniti, Ria
Moothilal, Liana Razafindrazay, Mark Schreiner,
Balkissa Sidikou-Sow et Luis Tejerina. Un merci
supplémentaire est adressé à Zeynep Akalin,
Christine Yeonhee Kim, Monica Lo et Brandon
Vick pour leurs excellents travaux de recherches,
ainsi qu’à nos collègues du Bureau des études
sur le développement pour leurs commentaires
et suggestions.
L’équipe d’ « Entreprendre au bénéfice de tous »
souhaite remercier David Wheeler, co-président du
groupe de travail sur les études de cas, pour son
extraordinaire leadership et ses conseils avisés, y
compris dans l’organisation de l’atelier des études de
cas à Paris. L’initiative a grandement bénéficié de sa
vision pour mettre en place un réseau d’universitaires
provenant de pays en développement aux fins de
mener des recherches pour les études de cas. L’équipe
remercie également Ted London, directeur de
l’initiative Base of the Pyramid du William
Davidson Institute de l’Université de Michigan,
pour son analyse intitulée « A Base-of-the-Pyramid
Perspective on Poverty Alleviation ». �
xvi L E S E N T R E P R I S E S F A C E A U X D É F I S D E L A P A U V R E T É : D E S S T R A T É G I E S G A G N A N T E S
R E L E C T E U R S E T E X P E R T S
R E M E R C I E M E N T S XVII
Un groupe de relecteurs, constitué de collègues du
PNUD, nous a grandement aidés par ses remarques,
suggestions et contributions tout au long de la rédaction
du rapport. Mention spéciale à la contribution et aux
conseils de nos collègues sur le terrain, notamment :
� Flavio Fuertes, PNUD Argentine
� Alejandro Pacheco, PNUD Salvador
� Mohamed El-Kalla and Nahla Zeitoun,
PNUD Égypte
� Jeff Liew, PNUD Fidji
� Hansin Dogan, PNUD Turquie
� Pascale Bonzom, PNUD Madagascar
De nombreuses personnes au sein de la famille des
Nations Unies ont généreusement donné de leur temps
et expertise, notamment Olav Kjorven, Directeur du
Bureau pour la politique de développement et ses
collègues ; Gilbert Houngbo, Directeur du Bureau
régional pour l’Afrique ; Diana Opar, Conseillère en
matière de genre ; Cihan Sultanoglu, Directeur
adjoint du Bureau régional pour l’Europe et la CEI ;
Abdoulaye Mar Dieye, Directeur adjoint du Bureau
régional pour les Etats arabes ; Maxine Olsen, et un
grand nombre de points focaux régionaux pour le
secteur privé, notamment Taimur Khilji, Marielza
Oliveira et Alexandra Solovieva ; ainsi que les
collègues de la Division du secteur privé, Lucas
Black, Jonathan Brooks, Anne Delorme, Natsagdorj
Gereltogtokh, Jonas Giersing, Arun Kashyap, José
Medina Valle, Karolina Mzyk, Helena Nielsen,
Rohithari Rajan, Patrick Silborn, Casper Sonesson,
et Tomas Sales.
Le Bureau des partenariats, sous l’autorité de
Romesh Muttukumaru, administrateur assistant
adjoint et directeur adjoint du Bureau des partenariats,
et la direction d’Yves Sassenrath, chef des opérations,
a apporté son infatigable soutien au projet, en la
personne notamment d'Isabel Chang, Constancia
Gratil, Margaret Heymann, Elfrida Hoxholli, Sunda
May, Isabel Relevo, Ben Ombrete et Ricky Wong. �
P N U D
Nous tenons enfin à remercier du fond du cœur tous ceux qui ont apporté leur aide
à la conception, la production et la traduction de ce rapport, travaillant dans des délais
très courts :
Bruce Ross-Larson, Nick Moschovakis, Amye Kenall et Christopher Trott, chez
Communications Development Inc. ; Heather Bourbeau, James Cerqua, Jean Fabre,
Karen Sturges-Vera et Dorn Townsend ; Julia Dudnik Stern et son équipe chez Suazion ;
Fola Yahaya, Maria Janum, Véronique Litet, Florence Lesur, Francine Hatry-McCaffery,
Sylvia Zilly, Géraldine Chantegrel et Annelise Meyer chez Strategic Agenda ; Irene Alvear
et son équipe chez LTS Language Translation Services, et Dennis Lundø Nielsen et
son équipe chez Scanprint. Nous remercions également Adam Rogers, Julie Pudlowski,
Grégoire Guyon, Rob Katz, Mariko Tada et Caroline Dewing, qui ont fourni les
photos du rapport. �
É D I T I O N , D E S I G N E T P R O D U C T I O N
1
Mali : Les producteurspauvres engagés dans le commerce équitable du coton bénéficient derevenus plus élevés et les entreprises qu’ils fournissent gagnent unavantage compétitif, tout en protégeantl’environnement. Photo : Armor-Lux
V U E D ’ E N S E M B L E
L’étendue considérable de la pauvreté dans le monde
d’aujourd’hui nous appelle à agir de toute urgence. Sur les 6,4 milliards d'habitants
de notre planète, 2,4 milliards vivent avec moins de 2 dollars par jour. 1 Ils sont
plus d’un milliard à ne pas avoir accès à une eau potable, 1,6 milliard à manquer
d’électricité2 et 5,4 milliards à ne pas avoir accès à Internet.3 Pourtant les populations
pauvres recèlent un potentiel largement inexploité de consommation, de production,
d’innovation et d’activité entrepreneuriale. Ce rapport montre comment les entrepreneurs
peuvent servir les populations pauvres en tant que clientes, mais aussi les intégrer
en tant que producteurs, employés et chefs d’entreprise. Il donne des exemples de
sociétés qui, en faisant affaire avec les pauvres, dégagent des bénéfices, créent de
nouvelles possibilités de croissance et améliorent la vie des populations pauvres.
Le principal message de ce rapport est : Entreprendre avec les populations pauvres
peut être bénéfique pour tous à la fois.
Les possibilités sont nombreuses, tout autant que les obstacles. Les villages ruraux
et les bidonvilles urbains sont des environnements difficiles pour les entreprises.
Les systèmes permettant de collecter et de distribuer les biens et services sont rares.
L’infrastructure essentielle dont un marché a besoin pour fonctionner est limitée,
voire inexistante. Faute d’un système financier opérationnel, les pauvres vivent dans
une économie de liquidités. En l’absence de
systèmes judiciaire et policier fiables, il peut
être difficile, voire impossible, pour l’ensemble
des acteurs du marché d’assurer le respect des
contrats. Pour la plupart des sociétés, faire
affaire avec les populations pauvres n’aura
rien d’un parcours ordinaire.
Le plus grand obstacle est peut-être le
manque d’informations sur les populations
pauvres. De quels biens et services ont-elles
besoin ? Combien peuvent-elles payer ? Quelles
marchandises peuvent-elles produire ? Quels
services peuvent-elles fournir ? L’objectif de ce
rapport est d’aider les entrepreneurs et les
sociétés à apporter un début de réponse à
ces questions.
Le rapport s’appuie sur 50 études de cas
spécialement réalisées à cet effet, portant sur
des entreprises qui ont réussi à intégrer des
populations pauvres malgré les contraintes, et
qui en ont tiré un gain mutuel. Ces cas nous
livrent une multitude d’idées pour concevoir
des modèles entrepreneuriaux qui fonctionnent
au bénéfice de tous, populations pauvres
incluses (encadré 1). �
Entreprendre avec les populations pauvres leur permet de prendre pied sur le marché, étape
critique du chemin qui les sortira de la pauvreté. Pour les entrepreneurs et les sociétés, c’est un
moteur d’innovation qui crée des marchés et de nouveaux espaces de croissance. Les modèles
entrepreneuriaux au bénéfice de tous permettent à la fois de produire et de récolter les bénéfices du
développement humain.
Les populations pauvres participent au secteur privé. Elles sont toutes des consommateurs. La
plupart sont des employés ou sont leur propre employeur. Pourtant, la fragmentation et le caractère
informel des marchés privent trop d’entre eux des ressources dont ils ont besoin, ou les empêchent
d’utiliser ces ressources de façon productive. Dans les populations pauvres, la plupart des entreprises
sont informelles. Les amis et la famille fournissent souvent le crédit. Par exemple, de petites entreprises
non sujettes à une quelconque réglementation livrent des bouteilles d’eau par camion. Il n’y a pas
dans ce cas de perspective de concurrence, et les biens et services peuvent alors être chers.
Les cartes d’intensité du marché (que l ’on introduira dans cet ouvrage) révèlent la fragmentation
de ces marchés. Elles montrent combien l’accès aux biens, aux services ou aux infrastructures peut
varier à l’intérieur même d’un pays. Ainsi, plus de 13 % de la population des régions occidentales du
Guatemala vivant avec moins de deux dollars par jour a accès au crédit, contre à peine 8% dans les
régions de l’Est (illustration 1). Ce contraste souligne d’autres différences entre les conditions de
marché des deux régions, par exemple pour l’accès aux routes. (Sur les marchés des populations pauvres,
les contraintes se chevauchent souvent, ce qui augmente les difficultés pour les entreprises.) �
2 L E S E N T R E P R I S E S F A C E A U X D É F I S D E L A P A U V R E T É : D E S S T R A T É G I E S G A G N A N T E S
Les modèles entrepreneuriaux
conçus au bénéficede tous – aussi appelés pro-pauvres – intègrent lespopulations pauvres du point de vue de la demandeen tant que clients, et du point de vue de l’offre entant qu’employés, producteurs ou chefs d’entreprise àdivers stades de la chaîne de valeur. Ils établissent desponts entre les entreprises et les populations pauvrespour un gain mutuel.
Les bénéfices générés par les modèles entrepre-neuriaux conçus au bénéfice de tous vont bien au-delàdu profit immédiat et de la hausse des revenus quel’on en tire. Pour les entreprises, c’est aussi un moteur d’innovation, un moyen de créer des marchés et derenforcer les chaînes de valeur. Pour les populationspauvres, cela permet d’augmenter leur productivité,de disposer de sources de revenus durables et celafavorise leur démarginalisation.
Le concept de modèle entrepreneurial au bénéficede tous auquel ce rapport fait référence, s’appuie surles travaux du Conseil mondial des entreprises pour le développement durable (WBCSD) et d’autres organismes concernés par l’entreprenariat au bénéficede tous, et les renforce.
Encadré 1. Qu’est-ce qu’unmodèle entrepreneurial conçu au bénéfice de tous ?
L A P O S S I B I L I T É D ’ U N B É N É F I C E M U T U E L
MEXICOBELIZE
HONDURAS
EL SALVADOR
PETEN
NORTE
NORORIENTE
NOROCCIDENTE
SUROCCIDENTE
SURORIENTE
CENTRAL REGION
METROPOLITANA
IzabalQuiche
Alta Verapaz
EscuintlaJutiapa
Huehuetenango
ZacapaSan Marcos
Jalapa
Santa Rosa
Baja Verapaz
ChiquimulaGuatemala
Retalhuleu
El Progreso
Suchitepequez
ChimaltenangoQuetzaltenango
Totonicapan
Peten
0 25Km
4 - 8
8 - 11
11 - 13
13 - 16
0 25Km
4 - 8
8 - 11
11 - 13
13 - 16
V U E D ’ E N S E M B L E : E N T R E P R E N D R E A V E C L E S P O P U L A T I O N S P A U V R E S – U N B É N É F I C E P O U R T O U S 3
Pas de crédit
Commerçant, villageois, amis ou membres de la famille, autres
Prêteur sur gages, institution de microcrédit, coopérative de crédit
Banque0
20
40
60
80
100
Sources de crédit : ménages vivant avec moins de 2 $ par jour, 2000 (%)
Ville Campagne
Illustration 1. Carted’intensité du marchéconcernant l’accès aucrédit au Guatemala
Part des ménages avec un revenuinférieur à 2 $ par jour et qui ont accèsau crédit, par département, en 2000 (%).
Remarque : Les lignes noires sur la carte représentent les routes goudronnées (Henninger et Snel, 2002, p. 20).
Source : D’après l’institut national de statistiques du Guatemala. Carte produite par OCHA ReliefWeb.
Entreprendre avec les populations pauvres peut
s’avérer rentable. Cela peut également permettre
d’établir les fondations d’une croissance à long
terme en développant de nouveaux marchés,
ainsi que par la prolifération des innovations,
l’expansion de la main-d’œuvre et le renforce-
ment des chaînes de valeur.
Dégager des bénéfices. Faire affaire
avec les populations pauvres peut parfois générer
des taux de rendement plus élevés que sur les
marchés bien développés. Certaines institutions de
microcrédit ont obtenu un rendement de capitaux
de plus de 23 %.4 Smart Communications, une
société offrant principalement des services
de téléphonie prépayée aux consommateurs
philippins à faibles revenus, est devenue la plus
rentable des 5 000 plus grandes entreprises des
Philippines. Sulabh, fournisseur d’installations
sanitaires bon marché en Inde, avait en 2005
un excédent de 5 millions de dollars.
Développer de nouveaux marchés.Les quatre milliards de personnes situées au
bas de la pyramide économique (personnes
vivant avec moins de huit dollars par jour)
ont un revenu cumulé d’environ 5 billions de
dollars (5000 milliards), soit à peu près le
revenu national brut du Japon.5 Elles sont tout
à fait disposées à obtenir des biens et services
moyennant finance, mais, trop souvent, elles
souffrent d’une « pénalisation de la pauvreté ».
En effet, elles paient parfois plus cher que les
consommateurs riches pour des produits et
services de première nécessité. Par exemple, les
habitants des quartiers pauvres de Djakarta, de
Manille et de Nairobi payent leur eau 5 à 10
fois plus cher que ceux qui vivent dans les
quartiers riches de la ville. Plus cher, même,
que les consommateurs de Londres et de
New York ! Cette pénalisation de la pauvreté
concerne aussi les crédits, l’électricité et les
soins de santé.6 Les modèles entrepreneuriaux
qui offrent un meilleur rapport qualité/prix, ou
qui proposent des produits et services entièrement
nouveaux permettant d’améliorer la vie des
populations pauvres, peuvent récolter en retour
les bénéfices qui sont l’apanage des précurseurs.
Favoriser l’innovation. Surmonter
les difficultés inhérentes au développement de
modèles entrepreneuriaux qui fonctionnent
au bénéfice de tous conduit souvent à des
innovations qui contribuent à la compétitivité
de l’entreprise. Pour répondre aux préférences
et aux besoins des populations pauvres, par
exemple, les entreprises doivent offrir de nouvelles
combinaisons de prix et de performance. Et
les contraintes omniprésentes auxquelles les
entreprises doivent faire face quand elles font
affaire avec des populations pauvres, qui vont
des problèmes de transports à l’impossibilité de
faire exécuter les contrats, exigent beaucoup de
créativité. Ces dynamiques poussent à concevoir
de nouveaux produits, services ou modèles
entrepreneuriaux, susceptibles de faire recette
sur d’autres marchés, tout en apportant aux
sociétés novatrices un avantage concurrentiel
sur les marchés des populations pauvres.
Disposer de davantage de main-d’œuvre. Les populations pauvres sont une
grande source de main-d’œuvre. Les embaucher
comme employés comporte de nombreux
avantages dépassant la simple économie de
coûts. Par exemple, si on leur donne une
formation adéquate et que l’on a recours à
un marketing ciblé, les populations pauvres
peuvent fournir des produits et services de
grande qualité. Ou encore, leurs connaissances
et leurs relations au niveau local peuvent les
mettre en position idéale pour servir d’autres
consommateurs pauvres de leur communauté.
Renforcer les chaînes de valeur. Pour
les entreprises qui se procurent sur place les biens
et produits dont elles ont besoin, intégrer les
pauvres dans les chaînes de valeur de l’entreprise,
que ce soit en tant que producteurs, fournisseurs,
distributeurs, revendeurs ou franchisés, peut
améliorer l’offre et réduire les risques. Cela leur
permet de diminuer les coûts et d’augmenter
leur souplesse, plus particulièrement lorsque
les entreprises locales s’aventurent dans des
activités plus spécialisées ou plus qualifiées
comme la production de composants ou
l’offre de services commerciaux. �
4 L E S E N T R E P R I S E S F A C E A U X D É F I S D E L A P A U V R E T É : D E S S T R A T É G I E S G A G N A N T E S
U N E C H A N C E P O U R L E S E N T R E P R I S E S :B É N É F I C E S E T C R O I S S A N C E
V U E D ’ E N S E M B L E : E N T R E P R E N D R E A V E C L E S P O P U L A T I O N S P A U V R E S – U N B É N É F I C E P O U R T O U S 5
Guinée : Une amélioration dans l’infrastructure de transport permettrait aux populations pauvres d’accroître leur productivité. Photo : Adam Rogers/FENU
Les entreprises peuvent également améliorer la
vie des populations pauvres en contribuant large-
ment à ce que l’ONU appelle le « développement
humain », c’est-à-dire en augmentant la
possibilité, pour ces populations, de mener
une vie qui leur convient.
Répondre aux besoins essentiels.Tous les services liés à la nourriture, à l’eau
potable, aux équipements sanitaires, à l’électricité
et à la santé répondent à des besoins essentiels
de la population. Aux Philippines, RiteMed
vend à plus de 20 millions de clients appar-
tenant à la catégorie des personnes à faibles
revenus des médicaments génériques 20 à
75 % moins chers que les produits équivalents
des grandes marques connues. En Afrique du
Sud, Amanz’abantu fournit des services d’eau
consommable et d’assainissement aux populations
périurbaines et rurales de l’Est du Cap, où le
quart de la population n’a pas accès à l’eau potable.
Permettre aux populations pauvresde devenir plus productives. De l’électricité
à la téléphonie mobile, de l’équipement agricole
aux crédits et aux assurances, l’accès aux produits
et services améliore la productivité humaine.
Au Mexique, Amanco fournit aux petits
producteurs de citron des systèmes d’arrosage
au goutte-à-goutte économes en eau qui leur
permettent de produire en continu pendant 8 à
10 mois par an. Ces systèmes devraient permettre
à la production annuelle des fermiers de passer
de 9 à 25 tonnes par hectare. Au Maroc, Lydec
fournit l’eau et l’électricité aux bidonvilles de
Casablanca, ce qui a permis d’accroître de 20 %
la proportion de personnes bénéficiant d’un
raccordement à l’eau et à l’électricité.
Augmenter les revenus. Intégrer les
populations pauvres dans les chaînes de valeur
en tant que clients, employés, producteurs ou
chefs de petite entreprise peut leur permettre
d’augmenter leurs revenus. Dans le cas d’Amanco,
au Mexique, le gain de productivité prévu
devrait quasiment faire tripler les revenus des
fermiers. En Chine, Huatai offre d’autres
sources de revenus aux arboriculteurs locaux,
améliorant ainsi nettement les revenus de plus
de 6 000 foyers ruraux. En Tanzanie, A to Z
Textiles emploie 3 200 personnes, dont 90 %
de femmes, à la production de moustiquaires
traitées à l’insecticide et les paie 20 à 30 % plus
cher que ses concurrents.
Démarginaliser les populationspauvres. Toutes ces contributions favorisent
l’émancipation des populations pauvres, que ce
soit au niveau individuel ou collectif, afin qu’elles
prennent davantage contrôle de leur vie. En les
sensibilisant, en leur fournissant les informations
et la formation dont elles ont besoin, en incluant
les groupes marginalisés, en offrant de nouvelles
opportunités et en leur apportant espoir et
fierté, les modèles entrepreneuriaux conçus au
bénéfice de tous peuvent donner confiance aux
gens et les doter de nouveaux atouts pour leur
permettre de sortir de la pauvreté par leurs
propres moyens. �
U N E C H A N C E P O U R L E S P O P U L AT I O N S PA U V R E S :FA I R E AVA N C E R L E D É V E LO P P E M E N T H U M A I N
Face à un tel potentiel, comment se fait-il que
les entreprises ne soient pas plus nombreuses à
en profiter ? Pour dire les choses simplement,
les conditions caractérisant les marchés sur
lesquels fonctionnent les populations pauvres
peuvent rendre l’entreprise difficile, risquée et
onéreuse. Là où la pauvreté est répandue, les
éléments essentiels constituant les fondements
d’un marché fonctionnel font souvent défaut,
ce qui empêche les populations pauvres de
participer de façon significative et dissuade les
entreprises de les prendre en considération.
Les études de cas présentées dans ce
rapport font ressortir cinq grands obstacles :
Le manque d’informations sur lemarché. Les entreprises savent très peu de
choses sur les populations pauvres. Elles ignorent
ce que les consommateurs pauvres préfèrent, ce
qu’ils ont les moyens d’acheter, ou encore les
produits et capacités qu’ils ont à offrir en tant
qu’employés, producteurs ou chefs d’entreprise.
Cela s’est avéré une contrainte de taille lorsque la
banque Barclays a commencé à offrir des produits
financiers aux populations pauvres du Ghana.
L’inefficacité du cadre réglementaire.Les marchés des populations pauvres sont
dépourvus de cadres réglementaires qui permet-
traient aux entreprises de fonctionner. Les
règles et les contrats ne sont pas appliqués. Les
personnes morales et privées n’ont pas accès
aux opportunités et aux protections qu’offre un
système judiciaire opérationnel. Ainsi, lorsque
la société agroalimentaire Sadia a entrepris
d’implanter des méthodes écologiques avancées
pour traiter les déchets porcins, elle n’a pas pu
s’appuyer sur des textes de référence, les régle-
mentations en matière de crédits domestiques
liés au carbone n’étant pas encore développées.
L’inadéquation des infrastructuresmatérielles. Les transports sont limités par
l’absence de routes et d’infrastructures connexes.
Les réseaux d’eau, d’électricité, d’assainissement
et de télécommunications sont inexistants. Ainsi
Tsinghua Tongfang, un fabricant d’informatique
cherchant à diffuser ses produits dans la Chine
rurale, a dû surmonter l’absence d’infrastructures
de télécommunications et de fournisseurs
d’accès à Internet dans ces régions.
Le manque de connaissances et decompétences. Les consommateurs pauvres
ne connaissent pas forcément l’utilité et les
avantages de certains produits, ou n’ont pas
toujours les compétences pour s’en servir de
manière efficace. Les fournisseurs, distributeurs
et revendeurs pauvres n’ont pas toujours les
compétences et connaissances nécessaires pour
fournir des produits et services de qualité de
façon continue, dans les délais et à un coût
défini. Ainsi, parce que les agriculteurs ruraux
brésiliens ne savaient pas cultiver le priprioca,
une plante utilisée dans les essences de parfum,
Natura a été obligée de les former.
Un accès restreint aux produits et services financiers. Sans crédits, les
producteurs et consommateurs pauvres n’ont
pas les moyens de financer des investissements
ou de gros achats. Sans assurances, ils n’ont pas
les moyens de protéger leurs maigres actifs et
revenus en cas de problèmes, comme une
maladie, la sécheresse ou le vol. Et en l’absence
de services de banque transactionnelle, leur
financement est cher et précaire. �
En dépit de ces difficultés, de plus en plus
d’entreprises réussissent sur les marchés des
populations pauvres. Les exemples de ce rapport
couvrent un large éventail de pays et de secteurs.
Chaque entreprise mentionnée a développé un
ensemble particulier de solutions qui lui permet
de réussir dans son contexte local, en fonction
de ses objectifs spécifiques. Pourtant les études
de cas mettent en évidence des approches
communes. Les entrepreneurs réagissent aux
contraintes en les contournant ou en les élimi-
nant. Pour cela, ils recourent à cinq stratégies
principales : adapter les produits et processus,
investir dans l’élimination des contraintes du
marché, tirer parti des atouts des populations
pauvres, combiner les ressources et les capacités
de différents acteurs et se concerter avec les
gouvernements sur les politiques à suivre.
Ces stratégies sont adaptées au contexte
local et aux objectifs de chaque entreprise.
6 L E S E N T R E P R I S E S F A C E A U X D É F I S D E L A P A U V R E T É : D E S S T R A T É G I E S G A G N A N T E S
C I N Q S T R AT É G I E S À L’ É T U D E
L E S O B S TA C L E S À L E V E R
V U E D ’ E N S E M B L E : E N T R E P R E N D R E A V E C L E S P O P U L A T I O N S P A U V R E S – U N B É N É F I C E P O U R T O U S 7
L’ingéniosité de l’entrepreneur est un élément
clé. Ce rapport présente des outils et des
exemples permettant de stimuler et de guider
cette ingéniosité, signale les principaux
obstacles, et met en avant toute une gamme
de stratégies et de solutions spécifiques
permettant de développer des modèles
entrepreneuriaux conçus au bénéfice de tous.
La grille de stratégies de l’initiative
« Entreprendre au bénéfice de tous » relie les
cinq grandes contraintes aux cinq stratégies
principales (illustration 2) en montrant
comment ces stratégies sont le plus souvent
utilisées. Les stratégies en bleu foncé sont les
plus fréquemment employées ; celles en bleu
clair ne le sont que rarement.
La grille de stratégies peut aider les
entrepreneurs et les analystes à déterminer
les solutions possibles aux contraintes qu’ils
rencontrent. Il est essentiel de noter que les
modèles entrepreneuriaux conçus au bénéfice de
tous qui réussissent combinent habituellement
plusieurs stratégies pour gérer plusieurs
contraintes. Pour passer d’une stratégie globale
à une solution ciblée, il faut non seulement
identifier chaque obstacle local, mais aussi
comprendre sa dynamique sur le marché ; cette
information permet au modèle économique de
s’appuyer sur les atouts spécifiques du marché.
Adapter les produits et les processus.De nombreux entrepreneurs contournent les
contraintes du marché en adaptant les produits
et processus de l’entreprise. Les technologies de
l’information et de la télécommunication ont
créé une multitude de moyens d’adaptation, de
la banque par téléphone mobile aux cartes à
puce (comme parfois utilisées en Afrique pour
acheter de l’eau) en passant par la télémédecine,
qui apporte des soins de santé de qualité dans
les régions reculées. La banque mobile, ou
m-banking, a permis de libérer les processus
bancaires de la nécessité de disposer d’agences
« en dur » et de distributeurs, ainsi que des
infrastructures que l’on trouve rarement là
où vivent les populations pauvres. Les clients
peuvent désormais virer de l’argent, recevoir
des fonds, payer leurs achats ou rembourser
leur crédit, par l’intermédiaire de leur téléphone
mobile. Mais les entreprises recourent aussi à
d’autres technologies, comme des purificateurs
d’eau ou la production d’électricité hors réseau,
pour gérer les contraintes rencontrées dans les
branches d’activité qui couvrent les besoins
élémentaires des populations. En outre,
certaines démarches technologiques novatrices
réduisent la consommation de ressources, en
associant l’objectif du développement humain
à celui du développement durable.
Il peut s’avérer tout aussi important de
restructurer les processus que d’utiliser de
nouvelles technologies. Ainsi, la diffusion de
la téléphonie à l’échelle mondiale est portée
par la technologie sans fil. Mais la possibilité
d’apporter des services de téléphonie mobile
aux populations pauvres a dépendu en partie
d’une évolution des processus industriels, grâce
au passage à la vente de temps de connexion
par carte prépayée. Grâce aux paiements
numérisés et aux procédures de tarification, les
modèles entrepreneuriaux qui fonctionnent au
bénéfice de tous peuvent gérer les mouvements
de trésorerie de leurs clients et fournisseurs
tributaires de revenus faibles et irréguliers et
qui n’ont pas accès aux services financiers. De
même, la fourniture d’infrastructures en bloc à
un groupe plutôt qu’à chaque usager permet
d’économiser les coûts de raccordement par
foyer. Simplifier les exigences – en rendant les
produits et services plus faciles à utiliser, ou
en demandant moins de pièces justificatives –
permet de s’adapter au manque de connais-
sances et de compétences des populations
pauvres et au fait qu’ils n’apparaissent sur
aucun registre commercial officiel.
Investir dans l’élimination des contraintes du marché. Bien qu’éliminer les
contraintes du marché puisse être habituellement
considéré comme une prérogative du gouverne-
ment, les entreprises dont au moins une part de
l’activité est basée sur des modèles entrepre-
neuriaux conçus au bénéfice de tous doivent
parfois s’atteler elles-mêmes à la tâche.
Investir dans l’élimination des contraintes
devient rentable pour les entreprises quand
cela crée – ou contribue à créer – un intérêt
privé à la fois concret et mesurable qui garantit
aux entreprises des bénéfices suffisants.
Denmor produit en Guyane des textiles qui
sont principalement exportés aux États-Unis.
Sa principale valeur ajoutée est la souplesse : il
peut produire des vêtements de grande qualité
en petites quantités et les livrer rapidement.
La société emploie 1 000 personnes, quasiment
toutes des femmes issues de communautés
rurales pauvres. La plupart d’entre elles ne savent
ni lire, ni écrire, quand elles commencent à
travailler pour la société. Denmor leur apprend
des bases suffisantes pour qu’elles sachent écrire
leur nom, compter, et lire les étiquettes et les
spécifications des vêtements. Tous les employés
reçoivent une formation complète afin d’être en
mesure d’exécuter chaque étape du processus de
production et d’être mieux armés pour répondre
aux commandes urgentes et aux délais serrés.
Denmor forme également les femmes en
matière de santé et d’hygiène, mais aussi
d’émancipation personnelle. En plus de créer
une valeur concrète et immédiate, le fait
d’éliminer les contraintes (de connaissance, de
compétence, d’infrastructure ou d’accès à des
produits et services financiers) peut créer une
valeur immatérielle ou à plus long terme :
image de la marque, moral des employés,
réputation de l’entreprise ou possibilité de
développer de nouvelles capacités et de renforcer
la compétitivité de l’entreprise. Ces investisse-
ments peuvent donc se révéler rentables.
Investir dans l’élimination des contraintes
du marché peut générer un intérêt à la fois
public et privé. Lorsqu’une société instruit
et forme ses employés, par exemple, elle crée
une main-d’œuvre plus qualifiée, c’est-à-dire
une ressource qui devient partagée quand les
ouvriers changent de travail ou de société. La
valeur sociale ainsi ajoutée justifie de faire
appel à des sources de financement à vocation
sociale pour qu’elles prennent en charge une
partie de cet investissement. Ces sources, qui
peuvent inclure des donateurs internationaux,
des mécènes privés, des fonds d’investissements
sociaux à but non lucratif et des gouvernements,
permettent au secteur privé de ne pas assumer
seul le coût de la création de valeur sociale en
partageant les coûts de trois manières : par le
8 L E S E N T R E P R I S E S F A C E A U X D É F I S D E L A P A U V R E T É : D E S S T R A T É G I E S G A G N A N T E S
Illustration 2. Grille de stratégies de l’initiative « Entreprendre aubénéfice de tous »
CO
NT
RA
IN
TE
S
S T R A T E G I E S
Adapter lesproduits et lesprocessus
Investir dansl’éliminationdes contraintesdu marché
Tirer parti des atouts despopulationspauvres
Combiner les ressourceset les capacitésde différentsacteurs
Se concerteravec les gouvernementssur la politiqueà suivre
Informations sur le marché
Cadre réglementaire
Infrastructuresmatérielles
Connaissanceset compétences
Accès aux services
financiers
Remarque : les combinaisons contrainte-stratégie en bleu foncé sont celles que l’on rencontre dans plus d’un quart des cas, les combinaisons en bleusont rencontrées dans moins d’un quart des cas mais plus d’un cas sur dix, et les combinaisons en bleu clair sont vérifiées dans moins d’un cas sur dix.
Source : analyse par l’auteur des données présentées dans le texte.
V U E D ’ E N S E M B L E : E N T R E P R E N D R E A V E C L E S P O P U L A T I O N S P A U V R E S – U N B É N É F I C E P O U R T O U S 9
recours aux subventions, aux capitaux « patients »
et aux capitaux à coût réduit.7
Tirer parti des atouts des populationspauvres. Les populations pauvres sont souvent
le partenaire le plus important des modèles
entrepreneuriaux conçus au bénéfice de tous.
En engageant les pauvres comme intermédiaires
et en s’appuyant sur leurs réseaux sociaux,
une société peut améliorer son accessibilité, la
confiance qu’elle inspire et la responsabilité de
ses employés. Ces qualités aident ensuite les
entreprises à alimenter leur marché et à élargir
la participation à leurs chaînes de valeur. Un des
modèles d’implication des populations pauvres
dans des opérations de vente est la micro-
franchise. CFW est un système de pharmacies
et de dispensaires kenyans en micro-franchise.
Les franchisés sont habituellement des infirmières
ou du personnel soignant provenant des
communautés locales où ils travaillent. Le
franchiseur, The HealthStore Foundation,
fournit aux franchisés des médicaments de
qualité, le financement initial, le développement
professionnel continu et d’autres services
centraux, tandis que les franchisés exploitent
la boutique pour leur propre compte.
Les sociétés peuvent tirer parti des connais-
sances locales et de la confiance, deux atouts de
poids pour entreprendre dans les communautés
pauvres, en employant les pauvres afin qu’ils
rassemblent des informations sur le marché,
qu’ils fournissent, collectent et entretiennent
les produits ou qu’ils forment leurs pairs. Et les
populations pauvres ont souvent d’excellentes
idées concernant la création de nouveaux
produits et services répondant aux besoins des
consommateurs pauvres. En règle générale,
lorsque les pauvres assument une partie des
tâches d’un modèle entrepreneurial, les coûts
de transaction pour l’entreprise chutent, tandis
que les populations pauvres y gagnent, grâce à
l’augmentation de leurs revenus, aux nouvelles
compétences et connaissances qu’ils acquièrent
et à un meilleur statut social.
Pour tirer parti des atouts des populations
pauvres, il est essentiel de s’appuyer sur leurs
réseaux sociaux. Une communauté est plus que
la somme des personnes qui la composent.
Dans les endroits où la pauvreté est très étendue,
les lois et règlements officiels ont souvent
moins de poids que les règles informelles
définies et appliquées par la communauté. Ces
règles informelles peuvent rendre viables les
modèles entrepreneuriaux conçus au bénéfice
de tous. En outre, une communauté peut
favoriser l’entraide entre ses membres, le
partage des ressources et la coopération afin
de mettre à la disposition de tous des biens
communs (puits, moulins, écoles), voire servir
d’infrastructure d’épargne, de crédit ou d’assurance.
Les entreprises peuvent compter sur les processus
communautaires pour combler les lacunes des
marchés des populations pauvres.
Combiner les ressources et les capacitésde différents acteurs. A l’instar de nombreux
modèles économiques, la réussite des modèles
entrepreneuriaux conçus au bénéfice de tous
passe souvent par l’alliance avec d’autres
entreprises, que ce soit par le biais de partenariats
ou de simples collaborations mutuellement
bénéfiques. Mais ils peuvent aussi recourir à des
alliances avec des partenaires non traditionnels,
comme des organisations non gouvernementales
(ONG) ou des prestataires de services publics.
Ce faisant, les entreprises peuvent faire jouer
la complémentarité de leurs capacités et mettre
en commun leurs ressources pour contourner
ou éliminer les contraintes qui grèvent
l’environnement du marché.
En faisant jouer la complémentarité de leurs
capacités avec celles d’autres organisations, les
modèles entrepreneuriaux conçus au bénéfice
de tous peuvent profiter de capacités et de
ressources qu’une entreprise ne pourrait fournir
à elle seule. La société Votorantim Celulose e
Papel (VCP), une société papetière brésilienne,
voulait fournir à ses petits producteurs d’euca-
lyptus un accès au crédit selon des conditions
de remboursement qui correspondraient à leurs
mouvements de trésorerie (l’eucalyptus ne se
récolte qu’au bout de sept ans). Aucun crédit
n’étant disponible à ces conditions, et VCP
n’ayant aucun intérêt à offrir des services de
crédit interne, la société a instauré un partenariat
avec une banque, ABN AMRO Real. La banque
fait aujourd’hui crédit aux producteurs, le prêt
étant sécurisé par la garantie que VCP achètera
le bois. Les producteurs remboursent leur
emprunt au moment de la récolte. Dans d’autres
exemples, les organisations partenaires occupent
toutes sortes de fonctions le long de la chaîne
de valeur, allant de l’étude de marché à la
prestation de services.
Collaborer peut également impliquer de
mettre en commun des ressources pour atteindre
un objectif commun. En Inde, l’accès au crédit
des petites et moyennes entreprises (PME)
était compliqué par le processus de recherche
de renseignements. Les banques devaient
évaluer le risque du prêt chacune de leur côté.
10 L E S E N T R E P R I S E S F A C E A U X D É F I S D E L A P A U V R E T É : D E S S T R A T É G I E S G A G N A N T E S
Illustration 3. Grille de stratégies de l’initiative « Entreprendre aubénéfice de tous » etrésumé des solutions
CO
NT
RA
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TE
S
S T R A T E G I E S
Adapter lesproduits et lesprocessus
Investir dansl’éliminationdes contraintesdu marché
Tirer parti des atouts despopulationspauvres
Combiner les ressourceset les capacitésde différentsacteurs
Se concerteravec les gouvernementssur la politiqueà suivre
Informations sur le marché
Cadre réglementaire
Infrastructuresmatérielles
Connaissanceset compétences
Accès aux services
financiers
Tirer parti de la technologie
� Tirer parti des TIC
� Appliquerdes solutionsadaptées auxsecteurs
� Assurer ledéveloppementdurable
De nouvellesfaçons d’entre-prendre
� S’adapter à la trésorerie despopulationspauvres
� Simplifier lescritères et lesconditions
� Éviter les incitationsinopportunes
� Assouplir lesopérations
� Faire affaire avec desregroupementsd’usagers, deconsommateursou de produc-teurs
Impliquer lespauvres indi-viduellement
� Faire participerles pauvres auxétudes de marché
� Former lespauvres pourqu’ils deviennentà leur tour desformateurs
� Développerdes réseaux logis-tiques locaux
� Mettre enplace des servicesde proximité
� Co-innoveravec les popula-tions pauvres
Engager lesmembres de lacommunauté :Prendre appuisur les réseauxsociaux en place
� Exploiter lesmécanismesinformels quigarantissentl’exécutiondes contrats
� Développerdes dispositifs de partage des risques
Assurer un gainaux entreprises
�Réaliserdes études de marché
� Mettre en place les infrastructures
� Améliorer l’efficacité desfournisseurs
� Sensibiliser et former lesconsommateurs
� Élaborer des produits et services financiers
� Engranger les bénéficesimmatériels
Capitaliser lavaleur sociale
� Recourir auxsubventions
� Financer pardes capitauxpatients ou àmoindre coût
Faire jouer lacomplémentaritédes capacités
� Acquérir desinformations surle marché
� S’appuyer surles réseaux logis-tiques existants
� Transmettreles connaissances
� Promouvoirl’apprentissagedes compétencesrequises
� Réaliser desventes et fournirdes services
� Faciliter l’accèsaux produits etservices financiers
Mettre lesressources encommun
� Collecter desinformations surle marché
� Combler lesfailles identifiéesdans l’infrastruc-ture du marché
� S’autoréguler
� Développerdes connais-sances et descompétences
� Améliorerl'accès aux produits et services financiers
Impliquer legouvernementde manière individuelle
Motiver par l’exemple
S’allier àd’autres pourinfluencer lespolitiquespubliques
En raison du coût élevé de l’évaluation des candidats, les banques n’avaient aucun intérêt
à gérer des prêts inférieurs à un montant ou à un taux d’intérêt donnés. Plusieurs banques,
dont ICICI Bank et Standard Chartered, se sont alors rapprochées afin de créer une
agence commune de notation des petites et moyennes entreprises (PME), la Small
and Medium Enterprises Rating Agency, qui note la solvabilité des PME et fournit les
renseignements à toutes les banques participantes. En réduisant le coût de vérification
préalable pour chaque banque, ce service permet aux banques de rentabiliser leurs prêts
à de petites entreprises ou de prêter à des taux d’intérêts moindres. En fin de compte,
l’accès au crédit augmente, tout en élargissant le marché pour les sociétés de crédit.
Se concerter avec les gouvernements sur la politique à suivre. Il est important
pour les entreprises qui veulent faire affaire avec les populations pauvres de se concerter
avec les gouvernements sur les politiques à suivre, notamment, comme c’est souvent le
cas, quand les sociétés sont les premières à agir et qu’une grande partie de l’environnement
économique nécessaire est encore à construire. Les cinq contraintes de marché identifiées
V U E D ’ E N S E M B L E : E N T R E P R E N D R E A V E C L E S P O P U L A T I O N S P A U V R E S – U N B É N É F I C E P O U R T O U S 11
dans ce rapport relèvent toutes plus ou moins
du domaine de la politique publique. Dans
de nombreux cas, les entreprises ont imaginé
des moyens de contourner ou d’éliminer les
contraintes, soit en adaptant les produits pour
qu’ils fonctionnent à l’énergie solaire, soit en
finançant des programmes d’enseignement et
de formation pour améliorer les compétences de
la main-d’œuvre, soit encore en exerçant une
influence sur les réseaux sociaux pour assurer le
respect des contrats, soit enfin en s’associant
à d’autres entreprises pour introduire une
autoréglementation. Pour d’autres entreprises,
cependant, il s’avère plus difficile de contourner
ou d’éliminer les contraintes par des initiatives
privées. Leur stratégie consiste alors à engager
une concertation avec les autorités sur les
mesures qui s’imposent. La mise au point
d’une politique est un processus complexe et
permanent, et les entreprises sont en mesure
d’apporter des informations fiables sur les
problèmes et les solutions possibles.
Les entreprises qui veulent fonctionner au
bénéfice de tous cherchent souvent à obtenir
des résultats très circonscrits, comme d’inciter
le gouvernement à fournir les biens ou services
publics dont elles ont besoin pour s’installer à
un endroit donné. Impliquer le gouvernement
de manière individuelle peut donc parfois se
révéler efficace. Parfois, les efforts individuels
d’entrepreneurs et de sociétés peuvent avoir une
plus vaste portée, comme de modifier certaines
structures du marché ou même d’ouvrir de
nouveaux marchés. Tiviski, un producteur
mauritanien de lait de chamelle, en est un
exemple : grâce aux efforts individuels du
fondateur de Tiviski, l’Union européenne crée
désormais un marché pour les importations de
lait de chamelle, alors qu’il n’en existait
aucun auparavant.
Les entreprises peuvent aussi utiliser l’effet
d’exemple pour promouvoir le renforcement des
réglementations dans les pays en développement
où elles sont absentes ou inefficaces. Lorsque
les sociétés de services énergétiques ruraux sont
apparues au Mali, le pays ne disposait pas
encore de cadre réglementaire applicable à la
distribution privée d’électricité. Grâce
aux actions des sociétés, et avec le soutien
complémentaire de la Banque mondiale, le
gouvernement malien a instauré les règles
et procédures nécessaires.
L’engagement collectif des entreprises est
un autre moyen d’informer les politiques
publiques. L’implication des entreprises dans
les processus de prise de décision politiques
étant sujet à controverses, les sociétés et les
responsables politiques ont besoin d’un espace
où ils peuvent engager une discussion franche
et transparente sur les moyens d’améliorer
l’environnement économique. Les actions
menées conjointement peuvent créer un tel
espace. Souvent, les sociétés qui travaillent dans
le même secteur industriel ou géographique
ont des intérêts politiques communs. Et si la
façon dont elles conduisent leurs affaires est
génératrice d’opportunités économiques et de
développement humain, certaines organisations
situées en-dehors du secteur privé peuvent
avoir des intérêts politiques complémentaires.
Lorsque les modèles entrepreneuriaux sont au
bénéfice de tous, une action collective peut
permettre aux entreprises de se faire entendre
de façon légitime dans la mise au point
des politiques. �
Comment un chef d’entreprise peut-il élaborer un modèle entrepreneurial conçu au
bénéfice de tous ? Tout simplement en réagissant aux conditions locales. Les entrepreneurs
qui sont les architectes des initiatives décrites dans les études de cas figurant dans ce
rapport ont agi dans cet esprit. Ils ont repéré les opportunités, compris les contextes,
et trouvé des solutions, gardant l’esprit ouvert et n’hésitant pas à expérimenter autant
que nécessaire.
Le rapport exhorte les acteurs du secteur privé à devenir les principaux agents
d’une évolution vers le développement humain. Mais le secteur privé ne peut pas
réussir seul. Si l’esprit d’initiative est important pour les chefs d’entreprise, il l’est tout
autant pour les donateurs, les responsables politiques, les mécènes et les responsables
des services publics et des organisations à but non lucratif. Ils peuvent s’associer au
secteur privé pour financer des investissements dans de meilleures conditions de
A G I R
marché, pour assurer ensemble le fonction-
nement des modèles entrepreneuriaux et pour
faciliter et mener les discussions sur les mesures
politiques à prendre.
Créer des entreprises sur les marchés des
populations pauvres est plus efficace lorsque
toutes les parties concernées apportent leurs
atouts. Lorsque c’est le cas, les modèles
entrepreneuriaux conçus au bénéfice de tous
se multiplient et s’épanouissent. Les marchés
intègrent alors davantage de populations
pauvres. Et l’enrichissement se fait au bénéfice
de tous – grâce aux profits réalisés, à la hausse
des revenus et aux avancées concrètes du
développement humain.
La grille ci-dessus (illustration 3) illustre
les solutions sur lesquelles reposent les cinq
stratégies principales qui réussissent à atténuer
les principales contraintes auxquelles sont
confrontés les modèles entrepreneuriaux conçus
au bénéfice de tous. Plusieurs stratégies et
plusieurs solutions peuvent être simultanément
utilisées pour surmonter un même obstacle. �
12 L E S E N T R E P R I S E S F A C E A U X D É F I S D E L A P A U V R E T É : D E S S T R A T É G I E S G A G N A N T E S
1 Banque mondiale, 2007d. Le chiffre de 2,6 milliards date de 2004 et moins de deux dollars par jour est à parité de pouvoir d’achat de 1993.
2 0CDE et AIE 2006.
3 Base de données des indicateurs de télécommunications/TIC de l'Union internationale des télécommunications. Disponible à l'adresse suivante : http://www.itu.int/ITU-D/ict/statistics/ict/
4 Chu 2007.
5 World Development Indicators Database. Avril 2007.
6 Voir Mendoza, forthcoming.
7 Le capital patient est un terme que l'on utilise pour décrire un ensemble d’investissements émergents qui ne recherchent pas une rentabilité financière immédiate, mais plutôt des rendements financiers et sociaux à plus long terme.
L A P O S S I B I L I T É D ’ U N B É N É F I C E M U T U E L
P A R T I E
I
Le chapitre 1 examine les grandes possibilités qui s’offrent d’entreprendre avec et
pour les populations pauvres. Les entreprises prennent en compte les populations
pauvres du côté de la demande, en tant que clients, et du côté de l’offre, en tant
qu’employeurs, producteurs et chefs d’entreprise. Les entreprises peuvent ainsi tirer
profit d’une meilleure rentabilité, d’une plus grande souplesse, d’une innovation
accrue et d’un plus fort potentiel de croissance à long terme. Cela permet de
répondre aux besoins élémentaires des populations pauvres qui bénéficient par
ailleurs d’une meilleure productivité et d’une amélioration de leurs revenus et de leur
autonomie. Nous appelons ces manières d’entreprendre, qui créent des ponts entre
les entreprises et les populations pauvres pour leur avantage mutuel, des « modèles
entrepreneuriaux conçus au bénéfice de tous ».
Le chapitre 2 explique pourquoi ces possibilités restent largement inexploitées,
en raison des obstacles inhérents aux marchés sur lesquels échangent les populations
pauvres : manque d’informations sur le marché, lacunes dans les cadres réglementaires,
carences en matière d’infrastructure, faible niveau de connaissances et de compétences
et accès restreint aux services financiers. Ces obstacles sont identifiés depuis longtemps
comme faisant partie des causes principales de la persistance de la pauvreté. Les
étude de cas présentées dans « Entreprendre au bénéfice de tous » révèlent qu’ils
représentent également des obstacles majeurs au développement de modèles
entrepreneuriaux conçus au bénéfice de tous efficaces. �
14 L E S E N T R E P R I S E S F A C E A U X D É F I S D E L A P A U V R E T É : D E S S T R A T É G I E S G A G N A N T E S
15
Égypte : L’attractivité de l’oasis égyptienne SIWA offre une formidableopportunité à la fois pourla communauté locale et lecommerce de l’écotourisme.Photo : SIWA
1 U N E C H A N C E P O U R L E SE N T R E P R I S E S E T P O U R L E SP O P U L AT I O N S PA U V R E S
Beaucoup d’entreprises n’ignorent pas les populations pauvres
mais les intègrent, tirant parti de leurs apports et répondant à leurs besoins. C’est une
bonne nouvelle pour tout le monde.
C’est une bonne nouvelle pour les populations pauvres car, la pauvreté restant
indomptable et répandue, il est impératif de trouver des solutions à grande échelle.
Sur les 6,4 milliards d’habitants de notre planète, 2,6 milliards vivent avec moins
de 2 dollars par jour.1 Ils sont des milliards à n’avoir même pas accès aux biens
élémentaires qui permettent de vivre une vie décente. Un milliard d’êtres humains
manquent d’eau potable2 et 2,6 milliards d’installations d’assainissement adaptées.3
Beaucoup trop de populations restent bloquées sur des marchés fragmentés et
inefficaces qui limitent les possibilités d’utiliser de façon productive les ressources
dont elles disposent. S’il opère dans un cadre approprié et avec l’appui de l’État, le
secteur privé est idéalement placé pour offrir ces possibilités à l’échelle requise.
Le fait que les entreprises puissent prendre en compte les capacités et les besoins
des populations pauvres est aussi une bonne nouvelle pour les entreprises. Les modèles
entrepreneuriaux conçus au bénéfice de tous qui marchent montrent qu’il y a autant
d’occasions de croissance et d’innovation du côté de la demande que de celui de
l’offre, et que les entreprises peuvent jouer un rôle important pour saisir, voire créer,
ces occasions. En donnant accès aux biens,
services, emplois et revenus critiques, les entre-
prises peuvent aider les populations pauvres à
améliorer leur quotidien, nourrir la motivation
et la productivité chez les producteurs et les
employés, et aussi établir une base de clients
fidèles qui s’élèvera sur l’échelle des revenus.
Les entreprises qui intègrent les populations
pauvres peuvent donc à la fois produire et
récolter les bienfaits du développement humain.
Le fait que les modèles entrepreneuriaux
conçus au bénéfice de tous puissent enrichir à
la fois les entreprises et les populations pauvres
tient au fait que les pauvres ne vivent pas hors
de tout commerce ou marché. Le secteur privé
est au cœur même de la vie des populations
pauvres, parce que tous sont des consommateurs
et que la plupart tirent leur revenu du secteur
privé, soit parce qu’ils travaillent dans une
entreprise, soit parce qu’ils la dirigent.4
En de nombreux endroits, le secteur privé
répond déjà aux besoins des populations pauvres,
y compris là où les gouvernements sont absents.
La plupart des écoliers de certaines régions
urbaines et périurbaines pauvres d’Inde et
d’Afrique subsaharienne étudient dans des
écoles privées, ainsi que la moitié des enfants
dans l’Inde rurale. Dans les régions urbaines et
périurbaines pauvres de l’État de Lagos, au
Nigeria, 75 % des écoliers fréquentent une
école privée ; ils sont 64 % dans le district
périurbain de Ga, au Ghana, et 65 % dans
les quartiers pauvres d’Hyderabad, en Inde.
Ces écoles privées pour petits budgets sont
habituellement gérées par des entrepreneurs
locaux qui emploient des enseignants locaux.5
De même, le recours au secteur privé est parfois
la seule option pour se soigner dans les régions
rurales et les quartiers urbains les plus pauvres.
Les études montrent de manière constante que
le secteur privé fournit des prestations de santé
à tous les niveaux de revenus, y compris pour
les populations pauvres et rurales. En Éthiopie,
au Kenya, au Nigeria et en Ouganda, plus de
40 % des personnes appartenant au segment
économique le plus faible reçoivent leurs soins
de santé de fournisseurs privés.6
La plupart des populations pauvres travaille
et tire ses revenus du secteur privé, qui génère
plus d’emplois que le secteur public. En Turquie,
le secteur privé a créé 1,5 millions d’emplois
entre 1987 et 1992, soit 16 fois plus que le
secteur public. Ce chiffre atteint 12,5 millions
d’emplois au Mexique entre 1989 et 1998, c’est-
à-dire 87 fois plus que dans le secteur public.7
En outre, beaucoup de personnes pauvres
dirigent leur propre entreprise. Au Pérou, 69 %
des foyers urbains vivant avec moins de 2 dollars
par jour et par personne gèrent une entreprise
non agricole. En Indonésie, au Pakistan et au
Nicaragua, ce chiffre avoisine les 50 %. Dans
les régions rurales, beaucoup de pauvres
exploitent une ferme. Au Pakistan, 75 % des
foyers ruraux sont leur propre employeur dans
le secteur agricole, contre 69 % au Pérou et
55 % en Indonésie.8
Les possibilités d’intégrer les populations
pauvres sur les marchés de façon plus satis-
faisante ne manquent pas. Ces populations
font parfois un usage limité des marchés, y
suscitant peu de concurrence et faisant montre
d’une efficacité et d’une productivité faibles.
Les entreprises qui créent des ouvertures sur
les marchés des pauvres en y introduisant des
modèles innovants peuvent dégager des profits
de précurseurs. �
Pour élaborer des modèles entrepreneuriaux
fonctionnant au bénéfice de tous, il faut avoir à
la fois l’esprit d’initiative et le sens des affaires.
Les entrepreneurs perçoivent les occasions et
les saisissent. Ils viennent de tous les horizons.
Certains montent leur entreprise ; d’autres
poussent au changement et à l’innovation dans
les organisations existantes. Et beaucoup de
sociétés mettent en place des processus spécifiques
de développement de leurs activités ou d’autres
systèmes particuliers pour saisir ces occasions.
Parmi les entrepreneurs dont il est fait état
dans les études de cas présentées dans cet
ouvrage, il y a des multinationales implantées
dans des pays développés et en développement
ainsi que de grandes entreprises nationales qui
s’aventurent sur les marchés des populations
pauvres. La banque Barclays a travaillé avec des
collecteurs d’argent locaux pour se rapprocher
des Ghanéens pauvres qui n’avaient pas de
contact avec le secteur financier formel. Le
géant alimentaire brésilien Sadia a transformé
l’existence des petits producteurs porcins en
monétisant les émissions de CO2 résultant de
l’élevage des porcs. Parmi tous ces entrepreneurs,
on trouve également des petites et moyennes
16 L E S E N T R E P R I S E S F A C E A U X D É F I S D E L A P A U V R E T É : D E S S T R A T É G I E S G A G N A N T E S
L E S AVA N TA G E S P O U R L E S E N T R E P R I S E S : B É N É F I C E S E T C R O I S S A N C E
C H A P I T R E 1 . 1 . U N E C H A N C E P O U R L E S E N T R E P R I S E S E T P O U R L E S P O P U L A T I O N S P A U V R E S 17
entreprises et coopératives locales, comme
DTC Tyczyn, une coopérative offrant des
services de télécommunications dans les
régions reculées les plus pauvres de Pologne,
Tiviski Dairy, le premier producteur africain
de lait de chamelle, en Mauritanie, ou encore
Denmor, un fabriquant de textiles employant
un millier de personnes en Guyane. On compte
même des organisations à but non lucratif,
comme The HealthStore Foundation, un
réseau de pharmacies en micro-franchise au
Kenya, et Pésinet, un service de soins pour
jeunes enfants au Mali. Tous ces entrepreneurs
recherchent le profit et à avoir un impact social
à des degrés divers, mais ils cherchent aussi des
solutions novatrices pour atteindre une certaine
échelle et une autonomie financière.
Engranger des bénéfices et atteindrel’autonomie financière. Entreprendre avec
les populations pauvres peut s’avérer rentable,
parfois même plus rentable que d’entreprendre
avec les populations riches. Le groupe hospita-
lier Narayana Hrudayalaya, un fournisseur de
soins en cardiologie pour les Indiens pauvres, a
réalisé 20 % de bénéfices en 2004,9 soit 4 % de
plus que le plus grand hôpital privé du pays,
grâce à la grande quantité de patients qu’il
traite et à un programme de paiement et de
financement novateur. Sulabh, un fournisseur
indien d’installations sanitaires bon marché, a
annoncé 5 millions de dollars d’excédents en
2005, grâce à sa stratégie de gains basée sur la
construction et l’exploitation de toilettes publiques,
ainsi que l’installation de toilettes privées. On
estime que les installations sanitaires Sulabh
sont utilisées par dix millions de personnes en
Inde. Aux Philippines, Smart Communications,
une société de banque par téléphone portable
permettant entre autres services l’envoi de
fonds à l’étranger, est devenue le principal
fournisseur de télécommunications du pays
avec un modèle entrepreneurial basé sur la
mission de « rendre les téléphones mobiles
aussi accessibles que possible au plus grand
nombre de Philippins possible ».10 En 2006,
99% des revenus de Smart provenaient des
cartes prépayées. En 2003, avec un revenu net
d’environ 288 millions de dollars, Smart était
la plus rentable des 5 000 plus grandes sociétés
des Philippines.11 De même, les institutions
micro-financières ont aussi prouvé leur fort
potentiel de rentabilité au-dessus des moyennes
du marché, en dégageant dans certains cas plus
de 23 % de rendement des capitaux.12
Dans d’autres cas, la rentabilité est davantage
un moyen qu’un objectif principal. De nombreux
modèles entrepreneuriaux visant à fonctionner
au bénéfice de tous, tels que ceux élaborés par
des organisations de la société civile et certains
entrepreneurs sociaux, sont d’abord conçus
pour traiter des problèmes sociaux. Toutefois,
lorsqu’ils réussissent à atteindre l’autonomie
financière grâce aux stratégies entrepreneuriales
mises en œuvre et aux ventes réalisées, ces
modèles touchent un plus grand public et ont
davantage d’impact. Prenons The HealthStore
Foundation, une ONG internationale, qui s’est
rapidement développée en instaurant un modèle
entrepreneurial de distribution par micro-franchise
baptisé boutiques CFW (Child and Family
Wellness Shops – les boutiques du bien-être de
l’enfant et de la famille) qui combine des principes
de micro-entreprise établis à des pratiques
économiques de franchise éprouvées, dans le
but de fournir des médicaments et services de
santé de base aux communautés. Avec ses 66
dispensaires répartis dans tout le Kenya, la
fondation traite environ 400 000 patients par an.
Favoriser l’innovation. La motivation des
entreprises à entreprendre avec les populations
pauvres n’est pas toujours la rentabilité immédiate.
Elles visent parfois la croissance à plus long
terme et des gains en matière de compétitivité.
C’est particulièrement vrai pour les grandes
entreprises, y compris les multinationales
Mozambique : Les femmes ne passentplus des heures à se rendre à la rivière pourpuiser de l’eau. Photo : Adam Rogers/FENU
étrangères, pour qui faire affaire avec les popu-
lations pauvres peut dynamiser l’innovation –
ce qui est indispensable pour que les entreprises
puissent faire face à la concurrence et croître.13
Pour les grandes entreprises qui les connaissent
encore mal, aborder les marchés des populations
pauvres parfois en prise directe avec des acteurs
locaux peut stimuler l’innovation de deux
manières. D’une part, parce que pour devenir
financièrement abordables et s’adapter aux
préférences et besoins des populations pauvres,
les sociétés doivent concevoir de nouvelles
combinaisons de prix et de performance.14
D’autre part, parce que les contraintes profondes
et omniprésentes auxquelles les entreprises
doivent faire face quand elles font affaire avec
les populations pauvres, qui vont des problèmes
de transports à l’impossibilité de faire appliquer
les contrats, imposent des réponses inventives.
Les produits, services et modèles entrepreneuriaux
qui en résultent peuvent ensuite être adaptés
avec succès aux marchés développés, pour y
séduire les clients. Ainsi, les distributeurs
automatiques à lecteur d’empreinte digitale,
développés pour les clients analphabètes des
banques indiennes, sont actuellement introduits
aux États-Unis pour améliorer la sécurité et
par commodité.15 Les grandes entreprises qui
n’affrontent pas la concurrence sur le marché
des clients à faible revenu risquent de subir le
contrecoup des innovations lorsque celles-ci
passeront du marché des pauvres aux marchés
des plus riches.16
Développer de nouveaux marchés. Les travaux précurseurs de C.K. Prahalad et
d’autres17 ont montré que les pauvres peuvent
représenter un marché important pour certains
biens et services dans de nombreux pays.18 La
distribution des revenus mondiaux est fortement
pondérée par les segments à faible revenu. Le
terme courant de « pyramide » ressemble en
fait davantage à une antenne ayant une base
démesurément large (illustration 1.1). À la base,
4 milliards de personnes, soit environ les deux
tiers de la population mondiale, vivent avec moins
de 8 dollars par jour. Bien que leurs revenus
individuels soient faibles, une fois mis ensemble,
ils constituent une forte somme : environ 5 billions
de dollars (5 000 milliards de dollars), soit à
peu près le revenu national brut du Japon,
deuxième puissance économique du monde.19
Prendre pied sur les marchés des populations
pauvres permet aux entreprises d’accaparer une
18 L E S E N T R E P R I S E S F A C E A U X D É F I S D E L A P A U V R E T É : D E S S T R A T É G I E S G A G N A N T E S
0 10 20 30 40
30,000
20,000
10,000
0
Illustration 1.1. Pyramide mondiale des revenus
Source : Adapté de Milanovic 2002.
Pourcentage de la population mondiale (%)
Rev
enu
par
hab
itan
t (2
00
2 $
PP
P)
C H A P I T R E 1 . U N E C H A N C E P O U R L E S E N T R E P R I S E S E T P O U R L E S P O P U L A T I O N S P A U V R E S 19
part de marché d’une économie en pleine
croissance. Cela leur permet aussi de développer
la reconnaissance de la marque et la fidélité
d’une base de clientèle toujours plus vaste.
S’engager sur les marchés des pauvres peut
également conférer une « autorisation d’exploita-
tion » de la part de la communauté locale ou du
pays dans son ensemble, et s’engager avec des
partenaires locaux peut contribuer à la stabilité
économique et politique à long terme de
l’environnement de l’entreprise.
Les marchés du bas de la pyramide
économique (base-of-the-pyramid, BOP)
varient beaucoup selon les emplacements
géographiques et les secteurs. The Next 4 Billion,
une publication innovante réalisée par l’Institut
mondial des ressources naturelles (WRI) et la
Société financière internationale (IFC), décrit
la taille de ces marchés par secteurs (illustration
1.2), régions et pays. Cependant dans tous les
marchés du bas de la pyramide économique il y
a des besoins en produits et services qui ne sont
pas satisfaits. Alors que les populations riches
peuvent dépenser leur argent d’une multitude
de façons, les pauvres n’ont qu’un choix très
limité. Pourtant ils sont tout à fait disposés à
payer pour obtenir ces biens et services, et souvent
à un prix plus élevé. Les habitants des bidonvilles
de Jakarta, de Manille et de Nairobi paient
ainsi leur eau cinq à dix fois plus cher que les
habitants des quartiers les plus aisés de ces villes,
et même plus cher que des consommateurs
résidant à Londres ou à New York.20 Ce
phénomène de « pénalisation de la pauvreté »
se reproduit de façon similaire dans les
domaines du crédit, de la santé et de
l’approvisionnement en électricité.
Certains modèles entrepreneuriaux conçus au
bénéfice de tous visent à générer une demande
et à développer de nouveaux marchés pour
servir des objectifs stratégiques à plus long
terme. Ainsi Tsinghua Tongfang, entreprise
d’informatique chinoise positionnée sur le
marché rural, a choisi de mettre au point
des équipements et des solutions logicielles à
usage potentiel des 900 millions de fermiers
chinois, afin de leur permettre d’accéder à des
informations météorologiques et des méthodes
d’amélioration des rendements agricoles. Jun
Li, directeur adjoint du service informatique,
explique le positionnement de son entreprise :
« D’après ce que nous ont appris nos études de
marché, nous pensons que ce dont les fermiers
ont besoin n’est pas simplement un ordinateur
à bas prix, mais un ensemble de solutions aux
problèmes qu’ils rencontrent dans leur travail
et leur vie de tous les jours. Plus que de leur
vendre nos ordinateurs, il est important pour
nous de contribuer à améliorer leurs vies. »
Disposer de davantage de main d’œuvre. Les entreprises manufacturières
tendent à délocaliser ou externaliser leur
production afin de tirer avantage des coûts
inférieurs de la main d’œuvre dans les pays
pauvres. C’est ainsi que la Chine et d’autres pays
asiatiques sont devenus les chaînes d’assemb-
lage du monde entier. Formées, les populations
pauvres sont en mesure de produire des biens
de haute qualité. En Guyane, l’entreprise
Denmor Garment Manufacturers emploie
en majorité des femmes issues des quartiers
pauvres, qu’elle a formées elle-même. L’entreprise
dispose aujourd’hui de chaînes de production
d’une qualité et d’une flexibilité très élevées.
D’autres secteurs comme l’agro-alimentaire, la
mode et le tourisme peuvent également tirer
parti des compétences culturelles des pauvres,
afin de développer des produits spécifiques
attractifs pour les consommateurs à revenus
plus élevés - sur les marchés domestiques
comme à l’exportation.21 Quant aux entreprises
cherchant à commercer avec les consommateurs
pauvres, il peut être judicieux d’employer des
pauvres à la vente, à la maintenance ou au
recouvrement, afin de tirer parti de leurs
connaissances du milieu et de leurs connexions
au sein de la population locale.
Renforcer les chaînes logistiques. Un
grand nombre d’entreprises achètent une part
importante des produits qu’elles utilisent ou des
services dont elles ont besoin auprès d’autres
entreprises. L’intégration des pauvres dans les
chaînes d’approvisionnement commerciales, en
tant que producteurs agricoles ou fournisseurs de
biens et services, est d’autant plus intéressante
pour les entreprises des
pays en développement
Eau
TICs
Santé
Transports
Logement
Énergie
Autres
Nourriture
2,900927
433
332
179 158 51 20
Eau
TICs
Santé
Transports
Logement
Énergie
Autres
Nourriture
Illustration 1.2. Comment les consommateurs pauvresdépensent leur argent
Remarque : Par consommateurs pauvres, on entend ici les personnes vivant avecmoins de 8 dollars par jour. Source : Adapté de Hammond et autres, 2007.
Commercer avec les populations pauvres
contribue à améliorer leurs vies. La pauvreté
ne se résume pas à un manque de revenus ;
elle se caractérise avant tout et surtout par un
manque de choix signifiants. Comme l’explique
Mahbub ul Haq, à qui l’on doit la création du
Rapport mondial sur le développement humain
du PNUD, une série de rapports publiés chaque
année depuis 1990 : « L’objectif fondamental
du développement est de donner plus de choix
aux populations. En principe, ces choix peuvent
être infinis et varier avec le temps. Les individus
valorisent souvent des choses qui ne se reflètent
pas du tout, ou pas immédiatement, au niveau
des revenus ou des chiffres de la croissance : un
meilleur accès à la connaissance, une meilleure
alimentation et des meilleurs services de santé,
des moyens de subsistance plus sûrs, la sécurité
face aux crimes et à la violence physique, du
temps pour soi, la liberté politique et culturelle
et le sentiment de participer à la vie de la
communauté. L’objectif du développement est
de créer un environnement qui permette aux
individus de se montrer créatifs et de vivre
longtemps et en bonne santé. »25
Les pauvres ne constituent pas une
population homogène : ils vivent différemment
en différents lieux, poursuivant des objectifs et
mus par des besoins qui ne sont pas les mêmes.
Les études de cas publiées dans cet ouvrage
attestent de cette diversité : il y a les habitants
des bidonvilles de Manille qui récupèrent
de l’eau des conduites percées loin de leurs
foyers, les producteurs de café colombiens qui
s’inquiètent de la volatilité des prix du marché
mondial, les jeunes Sud-africains qui ne
peuvent pas accéder aux formations qui leur
permettraient de mieux se placer sur le marché
du travail, les Indiens qui n’ont pas accès à
des systèmes d’assainissement et souffrent de
diarrhées et autres maladies pourtant évitables,
les femmes de Guyana qui, ne sachant ni lire
ni écrire, ne peuvent accéder à l’emploi… Bien
que différents, tous ces individus ont un point
commun : ils sont pauvres.
Si la pauvreté prend des dimensions
multiples, elle se caractérise fondamentalement
par un manque d’opportunité, ou, comme le
dit l’économiste indien Amartya Sen, par une
incapacité de l’individu à choisir une vie qui
vaille la peine à ses yeux.26 À la base de ce
manque d’opportunité : le manque d’argent ou
de ressources, bien sûr, mais également une
incapacité à exploiter les ressources disponibles.
Une mauvaise santé, un manque de connais-
sances ou de compétences, la discrimination
sociale, l’exclusion et un accès limité aux
infrastructures sont autant de facteurs qui
20 L E S E N T R E P R I S E S F A C E A U X D É F I S D E L A P A U V R E T É : D E S S T R A T É G I E S G A G N A N T E S
qu’elle leur permet de réduire leurs coûts et de
gagner en flexibilité en s’approvisionnant sur
place. De plus, le potentiel du marché va croître,
au fur et à mesure que les entreprises locales se
spécialisent ou développent des activités à plus
haute valeur ajoutée (productions de composants
ou services professionnels par exemple).22
La majeure partie des populations pauvres
dans le monde travaille dans le secteur agricole.
Les entreprises cherchent donc à réduire les
coûts et à améliorer la qualité, la diversité et la
régularité de l’approvisionnement en produits
agricoles en collaborant avec des producteurs
à petite échelle. Cela est vrai autant pour les
grands groupes internationaux que pour les
grandes entreprises nationales ou les plus
petites entreprises présentes à l’échelon local.
Ainsi, la multinationale sud-africaine SABMiller,
qui s’approvisionne en sorgho auprès de 8 000
petits fermiers en Ouganda et 2 500 fermiers
en Zambie pour la production de la bière
Eagle Lager, collabore avec des coopératives,
des courtiers en matières premières et des
organisations non gouvernementales pour assurer
le transfert des compétences commerciales et
des connaissances agricoles.23
Travailler avec les agriculteurs dans les pays
en développement peut également procurer des
avantages uniques, notamment pour exploiter la
biodiversité qui recèle un grand potentiel de
fabrication de produits de grande qualité restant
encore à découvrir. L’entreprise de cosmétique
brésilienne Natura a développé sa gamme
de produits haut de gamme Ekos autour des
ingrédients naturels utilisés par les communautés
traditionnelles. D’autre part, certains consom-
mateurs sont prêts à payer plus pour soutenir
les producteurs dans les pays en développement.
Bien qu’encore modeste, le secteur du commerce
équitable connaît une croissance rapide :
la valeur totale du secteur a été estimée à
1,6 milliard d’euros pour 2006, ce qui
représente une augmentation de 42 % par
rapport à l’année précédente.24 �
U N E C H A N C E P O U R L E S P O P U L AT I O N S PA U V R E S : FA I R E AVA N C E R L E D É V E LO P P E M E N T H U M A I N
C H A P I T R E 1 . U N E C H A N C E P O U R L E S E N T R E P R I S E S E T P O U R L E S P O P U L A T I O N S P A U V R E S 21
Les Objectifs du Millénaire pour le développementtraduisent le défi à caractère multidimensionnelque pose la notion de développement humain enautant d'objectifs sur lesquels il est possible d'agir.Ils servent de cadre fondamental de référence pourmesurer les progrès accomplis en matière de lutte planétaire contre la pauvreté. Les études de cas de l’initiative « Entreprendre au bénéfice de tous » montrent comment les modèles entrepreneuriaux conçusau bénéfice de tous promeuvent la réalisation de ces objectifs.
Objectif du Millénaire pour le développement n°1 : Réduire l'extrême pauvreté et la faimEn Colombie, la société Juan Valdez a permis à plus de 500 000 petits producteurs de café d'accroître etde stabiliser leurs revenus. Aux Philippines, où les producteurs de noix de coco comptent parmi les populations les plus pauvres, CocoTech fait travailler plus de 6 000 familles pour produire ses filets en fibre de noix de cocos.
Objectif du Millénaire pour le développement n°2 : Assurer une éducation primaire pour tousTsinghua Tongfang (THTF) propose aux populations rurales chinoises des ordinateurs équipés de logiciels d'enseignement à distance pour les niveaux primaire et secondaire, y compris dans leslangues minoritaires. Les cours vidéo en ligne destinés aux minorités sont enregistrés dans des écolesmoyennes où les élèves qui appartiennent à des minorités reçoivent un enseignement d'un bonniveau. Ils sont ensuite mis à la disposition des clients ruraux de THTF qui sont alors en mesure de suivre l’enseignement dans leur propre langue.
Objectif du Millénaire pour le développement n°3 : Promouvoir l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmesLes institutions financières peuvent promouvoir l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes enfavorisant l'accès aux produits et services financiers, un besoin particulièrement important pour lesnombreuses femmes micro-entrepreneurs dans les pays en développement. En Russie, la banque Foruscompte une clientèle féminine à plus de 80 %, opérant principalement dans le commerce de détail. En2006, la banque a ainsi appuyé la création de 4 250 emplois directs et de 19 950 emplois indirects. Surun autre continent, en République Démocratique du Congo, de nombreuses femmes ont gagné leurindépendance financière en revendant du temps de communication pour le compte de la société detéléphonie mobile Celtel.
Objectif du Millénaire pour le développement n°4 : Réduire la mortalité infantileAu Mali, où le taux de mortalité des enfants dans leur première année atteignait 22 % en 2000, le projet Pésinet commence à porter ses fruits dans les communautés auprès desquels il intervient.L'objectif du projet est de mettre en place un système d'alerte et de surveillance de l'état de santé des enfants de moins de cinq ans pour les familles les plus démunies. À Saint Louis au Sénégal, où la méthode Pésinet avait été testée auparavant, le taux de mortalité infantile est passé de 120 pourmille naissances en 2002 à 8 pour mille en 2005.
Objectif du Millénaire pour le développement n°5 : Améliorer la santé maternelleDans la province de Cabo Delgado au Mozambique, le GPL fourni par VidaGas permet d'améliorer lastérilisation des instruments médicaux utilisés lors des accouchements. Dans une région où la plupartdes cliniques publiques manquaient de médicaments essentiels et où la plupart des décès maternelsétaient dus à une infection ou à une hémorragie provoquée par des complications liées à la grossesse,la mise en place d'un approvisionnement fiable en fioul, d'une chaîne du froid des médicaments et unemeilleure distribution des médicaments ont contribué à améliorer la santé maternelle.
Objectif du Millénaire pour le développement n°6 : Combattre le VIH/sida, le paludisme et d'autres maladiesEn Tanzanie, l'entreprise A to Z Textile Mills fournit des moustiquaires traitées à l'insecticide longuedurée à un prix abordable, ce qui contribue à empêcher la propagation du paludisme par les moustiques et a eu pour résultat de réduire le nombre de décès de 50 %. Au Kenya en 2006, les 66 centres CFW(centres de soins et pharmacies) ont facilité le traitement de près de 400 000 patients souffrant depaludisme ou d'autres affections dans les zones rurales et les quartiers urbains défavorisés.
Objectif du Millénaire pour le développement n°7 : Assurer le développement durableEn Ouganda, les systèmes de distribution et d'assainissement de l'eau de l'Association of Private WaterOperators (association de fournisseurs d'eau privée) dessert plus de 490 000 personnes, réparties dans57 petites villes. Du côté du Maroc, à Casablanca, l'entreprise Lydec a permis d'accroître de façon significative le nombre d'habitants des quartiers défavorisés ayant accès à l'eau et à l'électricité.
Objectif du Millénaire pour le développement n°8 : Mettre en place un partenariat mondial pour le développementAux Philippines, Smart travaille à réduire la « fracture numérique » en proposant des cartes de tempsde communications prépayées à bas coût et facilite les transactions financières grâce à une option permettant l'envoi de paiements grâce à la technologie SMS. Avec un réseau couvrant 99 % de la population, Smart est capable de desservir quelques 24,2 millions de personnes à faibles revenus.
Encadré 1.1. Modèles entrepreneuriauxconçus au bénéfice de tous et Objectifs duMillénaire pour le développement
1
6
7
5
8
2
3
4
peuvent empêcher un individu de convertir
des ressources en opportunités. Améliorer ces
points peut renforcer à la fois leur accès aux
ressources et leur capacité à les transformer
en opportunités. Les études de cas réalisées
démontrent que faire affaire avec les populations
pauvres peut contribuer à améliorer leur
existence bien au-delà des gains financiers
que cela peut leur procurer.
Bien sûr, les approches basées sur les
marchés ne permettront pas de sortir toutes
ces populations de la pauvreté. Pour être en
mesure de devenir des acteurs sur les marchés,
les individus ont besoin de ressources, et des
capacités pour exploiter ces ressources. Pour
pouvoir s’aider eux-mêmes à s’intégrer dans
les marchés, ils ont besoin d’un soutien ciblé.
Le Comité du Bangladesh pour le progrès rural
(le BRAC) a compris depuis longtemps les
difficultés inhérentes au recours aux schémas
classiques de micro-finance auprès des plus
pauvres. Pour apporter à ces populations les
plus pauvres la sécurité et les capacités dont
ils ont besoin pour tirer avantage des prêts
qui leur sont accordés, le BRAC a couplé son
programme de microcrédit à un programme
alimentaire et à un programme de développe-
ment des compétences. Pour une subvention
moyenne s’élevant à 135 dollars par femme, le
programme a permis à ses bénéficiaires, dont
les trois-quarts sont devenues des « clientes
régulières » des microcrédits du BRAC,
d’évoluer pour atteindre une situation dans
laquelle elles sont aptes à bénéficier du marché
financier formel.27
Même les plus pauvres peuvent tirer parti
d’un meilleur fonctionnement des marchés.
Prenons l’étude du Professeur R. Jensen, de
l’Université du Texas, qui s’intéresse à la
province de Kerala, en Inde, où les pêcheurs
peuvent acheter des téléphones portables pour
recevoir des informations en temps réel sur l’of-
fre, la demande et les prix. Ce système leur a
permis d’accroître leurs bénéfices d’environ
8 %, tandis que les prix à la consommation
baissaient de 4 %, ce qui profite en retour aux
consommateurs les plus pauvres. Même les plus
petits pêcheurs, qui ne peuvent pas acquérir de
téléphone, bénéficient du programme de façon
indirecte, comme l’explique Jensen : « Loin
d’exclure les plus pauvres ou les moins éduqués,
l’outil technologique fait l’objet d’un véritable
partage au sein de la communauté. »28
Les entreprises décrites dans les études de
cas contribuent au développement humain de
quatre manières différentes : en répondant aux
besoins élémentaires des populations pauvres,
en les aidant à devenir plus productives, en
améliorant leurs revenus ou en contribuant à
les démarginaliser.
Répondre aux besoins essentiels. Dans
un certain nombre des études de cas décrites
dans ce rapport, les projets mis en place visent
la satisfaction de besoins essentiels, tels que
l’alimentation, la santé, l’eau, l’assainissement
et le logement. Aux Philippines, l’entreprise
RiteMed, nouvelle division créée par le groupe
pharmaceutique Unilab pour commercialiser
ses médicaments génériques, a pu distribuer
35 médicaments génériques en 2006 à plus
de 20 millions de clients de la catégorie des
personnes à revenus faibles, à des prix de 20 à
75 % inférieurs aux médicaments de marques
habituels. Construmex, fournisseur de services
financiers et de logements, a permis à plus de
14 000 émigrés mexicains résidant aux États-
Unis d’améliorer, de construire ou d’acheter des
maisons pour eux et leurs familles au Mexique,
où l’on estime que 25 millions de personnes
ne disposent pas d’un véritable toit. Au Mali,
des entreprises de distribution d’énergie créées
par Électricité de France et ses partenaires
desservent les zones rurales grâce à des systèmes
solaires et des générateurs diesel. L’élimination
des lampes au kérosène a permis d’améliorer la
qualité de l’air dans les foyers et de réduire les
cas de maladies respiratoires.
Améliorer la productivité. Les modèles
entrepreneuriaux conçus au bénéfice de tous
peuvent contribuer à accroître la productivité
des populations pauvres en mettant à leur
disposition des équipements de production,
des services financiers et des technologies
d’information et de communications. Le
22 L E S E N T R E P R I S E S F A C E A U X D É F I S D E L A P A U V R E T É : D E S S T R A T É G I E S G A G N A N T E S
Mexique : Amanco offre des systèmes d’irrigation intégrés à despetits producteurs de citron à faibles revenus. Photo : Loretta Serrano
C H A P I T R E 1 . U N E C H A N C E P O U R L E S E N T R E P R I S E S E T P O U R L E S P O P U L A T I O N S P A U V R E S 23
développement des capacités des employés,
des producteurs et des propriétaires de petites
entreprises leur permet d’améliorer leur
productivité. Et toute amélioration apportée
à un environnement économique, en termes
d’infrastructures ou de réglementations, bénéficie
à l’ensemble de la communauté. Au Mexique,
Amanco vend aux petits producteurs de citrons
des systèmes d’irrigation au goutte-à-goutte
qui permettent une meilleure absorption et
une production continue sur huit à dix mois
de l’année. L’objectif de l’entreprise est de
permettre aux producteurs de passer d’un
rendement annuel actuel de 9 tonnes par
hectare à 25 tonnes par hectare. Mais l’entreprise
contribue également au développement des
capacités : elle a mis en place des formations
et un meilleur accès au financement, en
collaboration avec des coopératives de fermiers
et des entrepreneurs sociaux.
Augmenter les revenus. L’intégration des
populations pauvres dans le monde des affaires
peut leur permettre d’accroître leurs revenus, en
améliorant leur productivité, mais également en
générant de nouvelles opportunités économiques
pour toutes les catégories : employés, fournisseurs
ou distributeurs. Dans le cas d’Amanco par
exemple, le gain de productivité devrait permettre
de multiplier par trois les revenus des fermiers.
En Chine, Huatai propose des sources de revenus
alternatives aux arboriculteurs locaux, lesquelles
ont permis d’augmenter de façon significative
les revenus de près de 6 000 foyers ruraux.
Par effet boule de neige, la hausse des
revenus de membres d’une communauté
peut entraîner celle des revenus de beaucoup
d’autres membres de cette même communauté.
En Pologne, outre les emplois et les services
de communication apportés directement par
DTC Tyczyn, la communauté a vu de nouvelles
entreprises s’établir, ce qui a contribué à
multiplier par cinq la valeur des terrains.
Émanciper les pauvres. Faire affaire
avec les populations pauvres permet de les
autonomiser, tant en tant qu’individus et que
communautés. En sensibilisant les populations
au fonctionnement des marchés, en fournissant
des services d’enseignement élémentaire, en
intégrant des populations victimes de discrimi-
nations et en restaurant un nouvel espoir et une
nouvelle fierté, les modèles entrepreneuriaux
conçus au bénéfice de tous peuvent apporter
aux individus la confiance et la force dont ils
ont besoin pour échapper à la pauvreté par
leurs propres moyens. Au Kenya, la banque
K-REP, une institution de micro-finance
commerciale, octroie des prêts qui, en plus
d’être des sources d’investissement ou de fonds
de roulement, contribuent à restaurer la confiance
en soi et l’autonomie des emprunteurs.
Certains modèles entrepreneuriaux conçus au
bénéfice de tous contribuent au développement
humain en combinant les quatre approches
précitées. Amanz’abantu, opérateur de systèmes
de distribution et d’assainissement d’eau,
pourvoit aux besoins de base des populations
des zones rurales défavorisées en Afrique du
Sud. Ces populations souffrent par conséquent
moins de maladies et deviennent plus productives.
Les femmes ne passent plus des heures à aller
puiser de l’eau dans la rivière, et peuvent donc se
consacrer à des activités productives et accroître
leur revenu. Le modèle de développement
d’Amanz’abantu, dont la majorité des parts sont
détenues par des entreprises historiquement
désavantagées, contribue à l’autonomisation
de l’économie locale.
Pour pouvoir contribuer au développement
humain les populations pauvres, et la société
dans son ensemble, ne doivent pas être victimes
des méfaits d’un modèle entrepreneurial.
Malheureusement, certains modèles entrepre-
neuriaux tendent à épuiser les ressources
naturelles d’une communauté, en répondant
uniquement aux besoins immédiats de quelques
individus. Pourtant, il est possible de faire
affaire avec les populations pauvres autrement
qu’aux dépens de l’environnement. Les
études de cas, mais aussi le travail effectué
par le Programme des Nations Unies pour
l’Environnement et d’autres institutions dans
le domaine de la consommation et de la
production durables, montrent comment les
modèles entrepreneuriaux peuvent promouvoir
simultanément un environnement durable et
le développement humain.29
� Au Mali, les systèmes solaires pour l’habitat
et les générateurs diesel utilisés par les
entreprises de distribution d’énergie créées
par Électricité de France et ses partenaires
ont permis de réduire les rejets de dioxyde
de carbone de près de 95 % et 85% par an
respectivement par rapport aux sources
d’énergie traditionnelles.
� En république de Trinité et Tobago, l’hôtel
Mt. Plaisir est en train de transformer un
village autrefois pauvre et rural en une
communauté pleine de vie et autonome,
tout en préservant son environnement et
sa biodiversité naturelle, notamment la
population des tortues Luth, espèce en
voie d’extinction et l’une des principales
attractions locales. L’hôtel récupère les
déchets organiques biodégradables issus de
24 L E S E N T R E P R I S E S F A C E A U X D É F I S D E L A P A U V R E T É : D E S S T R A T É G I E S G A G N A N T E S
BELIZE
HONDURAS
EL SALVADOR
MEXIQUE
IzabalQuiche
Alta Verapaz
EscuintlaJutiapa
Huehuetenango
ZacapaSan Marcos
Jalapa
Santa Rosa
Baja Verapaz
ChiquimulaGuatemala
Retalhuleu
El Progreso
Suchitepequez
ChimaltenangoQuetzaltenango
Totonicapan
Peten
PETEN
NORTE
NORORIENTE
NOROCCIDENTE
SUROCCIDENTE
SURORIENTE
CENTRAL REGION
METROPOLITANA
BELIZE
HONDURAS
EL SALVADOR
MEXIQUE
PETEN
NORTE
NORORIENTE
NOROCCIDENTE
SUROCCIDENTE
SURORIENTE
CENTRAL REGION
METROPOLITANA
IzabalQuiche
Alta Verapaz
EscuintlaJutiapa
Huehuetenango
ZacapaSan Marcos
Jalapa
Santa Rosa
Baja Verapaz
ChiquimulaGuatemala
Retalhuleu
El Progreso
Suchitepequez
ChimaltenangoQuetzaltenango
Totonicapan
Peten
Pas de crédit
Commerçant, villageois, amis ou membres de la famille, autres
Prêteur sur gages, institution de microcrédit, coopérative de crédit
Banque0
20
40
60
80
100
4 - 8
8 - 11
11 - 13
13 - 16
[3] Carte d’intensité : pourcentage des ménages avec un revenu de moins de 2 $ par jour ayant accès au crédit Part des ménages, par département, en 2000 (%)
4 - 8
8 - 11
11 - 13
13 - 16
[1] Carte d’intensité : pourcentage des ménages avec un revenu de plus de 2 $ par jour ayant accès au crédit Part des ménages, par département, en 2000 (%)
[2] Sources de crédit : ménages avec un revenude plus de 2 $ par jour ayant accès au crédit
Part des ménages, 2000 (%)
Ville Campagne
0
20
40
60
80
100
Pas de crédit
Commerçants, villageois, amis ou membres de la famille, autres
Prêteur sur gages, institution de microcrédit, coopérative de crédit
Banque
[4] Sources de crédit : ménages avec un revenu de moins de 2$ par jour ayant accès au crédit
Part des ménages, 2000 (%)
Ville Campagne
Les besoins des consommateurs et les opportunités commerciales peuvent êtreidentifiés à l'échelle nationale et locale. L'accès au crédit des Guatémaltèques estmeilleur dans le sud-ouest, sur la côte Pacifique et dans le centre politique et
économique du pays incluant Guatemala City [1]. Dans ce contexte, les banques ne jouent qu'un rôle mineur, quelles que soient les catégories de revenus de la population considérées [2]. La plupart des emprunteurs, quel que soit leur niveau de revenus, obtiennent leurs prêts auprès de sourcesinformelles (amis, parents ou voisins).
Encadré 1.2. Accès au crédit au Guatemala
la cuisine et les utilise dans sa ferme, où il
pratique le maraîchage et l’élevage pour
couvrir ses besoins.
� Au Brésil, où le géant de l’agroalimentaire
Sadia a fourni des bio-digesteurs à ses
producteurs de porcs, les rejets de l’élevage
porcin sont désormais transformés en
intrants : ils sont utilisés pour produire des
engrais biologiques et de la nourriture pour
les poissons, servent de source d’énergie
renouvelable et génèrent des revenus
supplémentaires pour les fermiers par la
vente de crédits de carbone. Environnement
durable et réduction de la pauvreté peuvent
ainsi aller de pair.
� CocoTech est une entreprise philippine qui
transforme les déchets de coques de noix
de coco en filets afin de prévenir l’érosion
des sols. Les fournisseurs (fermiers), fileurs,
tisserands (femmes des villages) et opérateurs
de décorticage (hommes des villages) de
CocoTech sont pour la plupart issus des
communautés rurales pauvres. Depuis son
lancement en 1993, CocoTech a grandi pour
atteindre une taille moyenne et un revenu
supérieur à 300 000 dollars en 2006. �
C H A P I T R E 1 . U N E C H A N C E P O U R L E S E N T R E P R I S E S E T P O U R L E S P O P U L A T I O N S P A U V R E S 25
Ces schémas permettent de repérer les opportunités en désignant les zones où il peutêtre rentable d’étendre les services de créditexistants ou de fournir de nouveaux services à des populations que le marché n’atteint pas à l’heure actuelle - même si les cartes etillustrations ne constituent qu'une premièreétape. Pour se faire une idée de la viabilitéd'une hypothèse d’expansion économique ilconvient de procéder alors à une analyse plus approfondie.
Un examen plus détaillé du recours au crédit auGuatemala fournira plus d'arguments pourestimer s’il y a ou non opportunité économique.Tandis que 19 % seulement des emprunteursdes zones urbaines vivant avec plus de deuxdollars par jour utilisent leurs prêts pour investir plutôt que pour consommer, 55 % desemprunteurs des zones rurales vivant avecmoins de deux dollars par jour investissent l'argent emprunté dans la production agricoleou d'autres activités rémunératrices [3]. Dansl'hypothèse où l’on étendrait l'accès au créditdans les campagnes pauvres et où la distribu-tion des dépenses resterait la même, il est fortprobable que les prêts serviraient davantage à investir qu'à consommer.
Il apparaît une fois encore que des analysesplus détaillées et contextuelles sont nécessairesafin de comprendre la demande de crédit despopulations pauvres. Mais les cartes d’intensitédu marché fournissent des indications utilespour mieux comprendre ces marchés.
0 10 20 30 40 50 60
Consommation de courte durée
Logement, éducation, biens durables
Commerce agricole, autres commerces
Campagne
Ville
Campagne
Ville
Ménages avec un revenu de moins de 2 $ par jour
Ménages avec un revenu de plus de 2 $ par jour
[5] Opportunité : Utilisation du crédit par les ménages vivant avec plus et moins de deux dollars par jour au Guatemala (estimations), 2000
Source : Instituto Nacional de Estadistica deGuatemala (Institut national de statistiques duGuatemala). Cartes produites par OCHA ReliefWeb.
La micro-finance et la téléphonie mobile
sont deux exemples notoires qui illustrent bien
comment trouver la bonne formule pour faire
affaire avec les populations pauvres. Tous
deux montrent comment des modèles entrepre-
neuriaux conçus au bénéfice de tous peuvent
contribuer à créer un cercle vertueux en améliorant
les vies et les revenus des personnes et profiter
de la forte croissance qui en résulte. Même
ces secteurs ont encore un fort potentiel de
développement, à condition d'étendre leur
portée à l'intérieur des pays et au sein des
catégories de population à revenus faibles.
Davantage de candidats au micro-crédit. Le microcrédit est probablement le
premier modèle qui a fourni la preuve au niveau
mondial que faire affaire avec les populations
pauvres pouvait être profitable. Il y a encore peu,
l'idée de prêter à des populations pauvres était
impensable. Muhammad Yunus, le fondateur
de la Grameen Bank, se souvient de ses pre-
mières négociations avec des banques, au début
des années 1970 : « La première chose que j'ai
faite a été d'essayer d'établir le contact entre les
pauvres et la banque située sur le campus. Ça
n'a pas marché. La banque m'a répondu que les
pauvres n'étaient pas solvables. »30 Ce qui a
commencé, avec la Grameen Bank et d'autres,
sous la forme d'une entreprise sociale à but
non lucratif est aujourd'hui devenu une activité
économique tout à fait attractive. La Grameen
Bank dispose désormais de 2 499 agences et
dessert 7,45 millions d'emprunteurs dans plus
de 80 000 villages (soit plus de 97 % de
l'ensemble des villages au Bangladesh).31
La fourniture de services de micro-finance
aux populations pauvres est de plus en plus
considérée comme un outil de croissance et
de rentabilité. En Amérique latine en 2004, la
micro-finance affichait des résultats significa-
tivement supérieurs à ceux du secteur bancaire
traditionnel ; son taux de rendement moyen
était de 31,2 %, contre 16,5 % pour les produits
traditionnels des banques commerciales.32
De plus, ce système fonctionne à l’avantage
des personnes pauvres : un emprunteur sur
cinq auprès de la Grameen Bank est sorti de
la pauvreté en quatre ans.33
Malgré ces progrès, la plupart des populations
pauvres n'ont toujours pas accès au crédit. S'il
va sans dire que la croissance du secteur du
microcrédit a été plutôt rapide entre 1997 et
2003 (avec une augmentation du nombre de ses
clients de près de 500 %),34 l'objectif que s’est
fixé le secteur pour 2015, soit 175 millions de
foyers bénéficiaires,35 ne représente encore
qu'une portion minime de la population des
pays en développement.36
Le potentiel encore inexploité de la téléphonie mobile. Les services de
téléphonie mobile se développent à une
vitesse impressionnante dans tous les pays en
développement (encadré 1.3), où le nombre
d'abonnés croît deux fois plus vite que dans
les pays développés.37 L'Afrique est le marché
26 L E S E N T R E P R I S E S F A C E A U X D É F I S D E L A P A U V R E T É : D E S S T R A T É G I E S G A G N A N T E S
0 20 40 60 80 100
Europe
Océanie
Amériques
Monde
Asie
Afrique
Illustration 1.3. Nombre d'abonnés à desservices de téléphonie mobile (%), 2006
Source : UIT 2006
D É C O U V R I R L A B O N N E F O R M U L E : E X E M P L E S R É U S S I S D ’ I N T É G R AT I O N D E S P O P U L AT I O N S PA U V R E S D A N S L E M O N D E D E S A F FA I R E S
C H A P I T R E 1 . U N E C H A N C E P O U R L E S E N T R E P R I S E S E T P O U R L E S P O P U L A T I O N S P A U V R E S 2 7
Une fois de plus, l'analyse de ce type de données à l'échelledes pays peut mettre en évidence des opportunités commer-ciales. Bien que le secteur de la téléphonie mobile sud-africainsoit à un stade de développement avancé, une grande partiedes populations pauvres, même en Afrique du Sud, n'y a toujours pas accès ([1], [3]). Dans les zones urbaines, 43 %des foyers vivant avec moins de 2 dollars par jour ont accès à un téléphone mobile ; ce chiffre tombe à 31 % dansles zones rurales. Les foyers vivant avec plus de 2 dollars par jour ne sont pas beaucoup mieux lotis : 56 % d'entreeux ont accès au téléphone mobile dans les villes, contre 38 % dans les campagnes. En outre, ces chiffres varientde façon importante selon les régions. De manière générale, le taux de pénétration du téléphone mobile est leplus fort dans l'ouest, et très faible dans la partie centrale du pays. Les disparités les plus importantes apparaissentdans la province État Libre : dans celle-ci, plus de 40 % des individus vivant avec plus de 2 dollars par jour ontaccès au téléphone mobile, contre moins de 20 % chez les plus pauvres. L'analyse des raisons de telles disparitésentre les régions et les groupes de revenus pourrait permettre de faire la lumière sur de nouvelles opportunités de combler ces disparités.
Encadré 1.3. L’explosion du marché de latéléphonie mobile en Afrique du Sud
NAMIBIE
BOTSWANA
ZIMBABWE
MO
ZAM
BIQ
UE
LESOTHO
SWAZILAND
Cap-Est
État Libre
Nord-Ouest
Cap-Ouest
Kwazulu-Natal
Mpumalanga
Limpopo
Gauteng
Province du Nord
Cap-Nord
* Statistics are based on FinScope 2006 survey at geographical region level: Northern Province,Mpumalanga, Gauteng, Kwazulu-Natal, Free State,North-West, Eastern Cape, Northern Cape,and Western Cape
0 - 20
21 - 40
41 - 60
61 - 80 0 100 Km
NAMIBIE
BOTSWANA
ZIMBABWE
MO
ZAM
BIQ
UE
LESOTHO
SWAZILAND
Kwazulu-Natal
Mpumalanga
Gauteng
Cap-Est
État Libre
Nord-Ouest
Cap-Ouest
Province du Nord
Cap-Nord
Limpopo
0 - 20
21 - 40
41 - 60
61 - 80 0 100 Km
[1] Carte d’intensité : pourcentage des ménages avec un revenu de plus de 2 $ par jour ayant accès au crédit Part des ménages, par département, en 2006 (%)
[3] Carte d’intensité : pourcentage des ménages avec un revenu de moins de 2 $ par jour ayant accès au crédit Part des ménages, par département, en 2006 (%)
N’a pas accès
A accès0
20
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60
80
100
N’a pas accès
A accès0
20
40
60
80
100
[2] Population ayant accès à la téléphonie mobile :ménages avec un revenu de plus de 2 $ par jour
Pourcentage d’adultes, 2006 (%)
Ville Campagne
[4] Population ayant accès à la téléphonie mobile :ménages avec un revenu de moins de 2 $ par jour
Pourcentage d’adultes, 2006 (%)
Ville Campagne
Source : Sur la base des résultats d'une étude FinScope, 2006. Remarque : les points gris dans les régions représentent lespetites villes. Les estimations représentées correspondent aux résultats obtenus pour la catégorie « usage personnel…téléphone cellulaire prépayé ». Cartes produites par OCHA ReliefWeb.
ayant connu la plus forte expansion, avec une croissance annuelle de près de 50 % entre 2001 et 2006, et
198 millions d'abonnés à des services mobiles en 2006.38 Un nombre qui devrait continuer de croître pour
atteindre 250 millions en 2010.39
Malgré la forte pénétration récente des services de téléphonie mobile sur le marché africain, le taux
d'abonnés reste faible à l'échelle du continent. En 2006, il s'élevait à 21,6 %, soit un chiffre bien inférieur
au taux mondial moyen de 41 %, (illustration 1.3). En Érythrée et en Éthiopie, moins de 10 habitants sur
1 000 utilisaient les services d'un opérateur de téléphonie mobile en 2005. �
28 L E S E N T R E P R I S E S F A C E A U X D É F I S D E L A P A U V R E T É : D E S S T R A T É G I E S G A G N A N T E S
1 Banque mondiale 2007d. Le chiffre de 2,6 milliards date de 2004 et moins de deux dollars par jour est à parité depouvoir d’achat de 1993.
2 Base de données de la Banque mondiale, Indicateurs dedéveloppement mondiaux (http://devdata.worldbank.org/external/ CPProfile.asp?CCODE=JPN&PTYPE=CP).
3 Base de données de la Banque mondiale, Indicateurs dedéveloppement mondiaux.
4 Voir, par exemple, Banerjee et Duflo 2007.
5 Tooley 2007.
6 IFC 2007
7 Klein et Hadjimichael 2003.
8 Banerjee et Duflo 2007.
9 Le profit dans cet exemple est enregistré comme gainsavant intérêts, dépréciation et taxes.
10 Cf. Ganchero, Elvie Grace. 2007. Smart Communications :des virements bon marché pour les travailleurs philippinsd’outre-mer. PNUD
11 Loyola 2007.
12 Chu 2007.
13 Christensen et Hart 2002; Christensen, Craig, et Hart 2002.
14 Prahalad 2004.
15 Kahn 2008.
16 Brown et Hagel 2005 .
17 La répartition des richesses et la capacité à générer desrevenus dans le monde peuvent être représentées sous la forme d’une pyramide économique. Au sommet de lapyramide se trouvent les riches, disposant d’une multitudede possibilités pour gérer de hauts niveaux de revenu, à labase, les gens vivant avec moins de deux dollars par jour.(Prahalad, 2006)
18 Hammond et al., 2007 ; Prahalad, 2004 ; Prahalad et Hart,2001 ; Prahalad et Hammond, 2002 ; Hart, 2004.
19 Base de données de la Banque mondiale, Indicateurs dedéveloppement mondiaux(http://devdata.worldbank.org/external/CPProfile.asp?CCODE=JPN&PTYPE=CP).
20 PNUD 2006.
21 De nombreuses recherches ont été effectuées —et sonten cours—sur l’emploi direct par les entreprises dans lespays en développement. La littérature couvre les stratégiesdu secteur public pour inciter aux investissements et à la
création d’emplois à court et long terme comme moyend’accroître la capacité de la main d’œuvre à occuper cesemplois, le besoin de dispositifs permettant aux travailleursde gravir les échelons et d’occuper des postes plus qualifiéset mieux payés, ainsi que le débat sur les rémunérationséquitables et les normes du travail. Bien que cet ouvragene prétende pas traiter de façon exhaustive de ce vastesecteur, plusieurs études de cas s’y rapportent.
22 Jenkins 2007, p. 15.
23 Jenkins et al. 2007
24 Fairtrade Labelling Organizations International 2007
25 Site web du PNUD “The Human Development Concept”(http://hdr.undp.org/en/humandev/)
26 Sen 2001.
27 Fazle et Matin 2007.
28 Jensen 2007.
29 PNUE 2001. Voir aussi des initiatives telles que SEED(www.seedinit.org) ou AREED (www.areed.org).
30 Yunus 2003b.
3 Site web de la Grameen Bank (www.grameen-info.org).
32 Chu 2007.
33 Khander 1998.
34 Bureau australien des statistiques n.d.
35 Associated Press 2006. Voir aussi The Microcredit SummitCampaign Phase II Goals (www.microcreditsummit.org).
36 Ce secteur est fortement entravé par une pénurie de capitaux. Lorsque certains organismes de microcréditpassent du statut d’organisations à but non lucratif à celuide banques commerciales, ils ont davantage accès aumarché des capitaux et aux instruments de financementélaborés. Les investisseurs commerciaux à la recherche derendements comparables à ceux du marché peuvent dansun premier temps avoir un impact négatif sur le processusd’inclusion des populations pauvres en raison des tauxélevés qu’ils pratiquent. Cependant, l’augmentation desinvestissements favorisant l’expansion des infrastructuresessentielles contribue à terme à élargir l’accès général aucrédit. Par ailleurs, les perspectives de concurrence sur cesmarchés peuvent aussi à terme tirer les taux d’intérêt versle bas au bénéfice des populations pauvres.
37 Ivatury et Pickens 2006.
38 Statistiques de l'UIT n.d.
39 Ivatury et Pickens 2006.
29
Les Philippines :En reprenant les activitésd’adduction d'eau du gouvernement philippins,Manila Water s’est heurté àdes obstacles de taille dusau non-respect de la loi. Photo : Manila Water
2 L E S O B S TA C L E S À L E V E R
Les conditions de marché dans les régions les plus pauvrespeuvent sembler peu propices au développement d’activités économiques. Un marché
en bon état de fonctionnement dispose d’infrastructures adéquates, de flux d’infor-
mations continus et d’un cadre réglementaire qui favorise l’esprit d’entreprise tout
en en limitant ses éventuels effets préjudiciables. En outre, les participants à un tel
marché sont compétents, instruits, informés, et ont accès aux produits et services
financiers. Or, dans les régions où la pauvreté est répandue, la plupart de ces facteurs
sont absents, ce qui contribue à exclure de toute participation aux marchés non
seulement les populations pauvres elles-mêmes, mais également les entreprises.
Les études de cas décrites dans ce rapport montrent en quoi ces limitations peuvent
freiner les initiatives en faveur de l’intégration des populations pauvres dans les circuits
économiques classiques. Elles illustrent globalement cinq obstacles principaux :
� Le manque d’informations sur le marché. Les entreprises ont une connaissance
très sommaire de ce que sont les marchés des populations pauvres et de ce que
ces dernières préfèrent, ce qu’elles peuvent acheter et quels produits ou capacités
elles peuvent apporter en tant qu’employés, producteurs ou entrepreneurs.
� L’inefficacité du cadre réglementaire. Les marchés des populations pauvres ne
disposent pas d’un cadre réglementaire favorisant le bon fonctionnement des
Étant donné l'importance du facteur géographiquedans le phénomène de pauvreté, les modèles
entrepreneuriaux voulant bénéficier à tous se doiventd'analyser sous l’angle géo-spatial l'accès des pauvres aux biens et services. Ainsi, une étudeapprofondie de l'état de l'accès au crédit au Guatemala a permis de montrer de quelle manièredes obstacles d'ordre régional peuvent affecter l’accès au marché (encadré 1.2). Du fait d'unréseau routier particulièrement sous-développé, avec environ 1,2 kilomètres de routes carrossablespar 1 000 habitants, la plupart des villages ruraux du Guatemala sont très isolés. (En comparaison,le Costa Rica, avec une population inférieure de moitié à celle du Guatemala, affiche 11,1 kilomètres
de route par 1 000 habitants.) À l'échelledu pays, 13 % des foyers guatémaltèquesn'ont pas accès à des routes carrossables.Ce chiffre passe à 20 % dans les régionsles plus pauvres du pays (Nord, Nord-Ouest et Nord-Est).1
Dans cet exemple, deux obstacles se superposent : les infrastructuresmatérielles et l'accès au crédit. Mais ceschéma est susceptible de se produiredans d'autres domaines, notammentcelui des informations concernant lemarché. Sur les marchés des populationspauvres, les obstacles tendent à se conjuguer et à se renforcer mutuelle-ment : si les routes desservent les zonesles plus actives économiquement, elles sont aussi un facteur de croissancepour ces zones. Par conséquent, lesautres zones, déjà plus pauvres, sont laissées de côté. L'entrelacement de tous ces obstacles peut poser des défisimportants aux populations pauvres et aux entreprises.
1. Banque mondiale, 2003.
BELIZE
HONDURAS
EL SALVADOR
MEXIQUE
PETEN
NORTE
NORORIENTE
NOROCCIDENTE
SUROCCIDENTE
SURORIENTE
CENTRAL REGION
METROPOLITANA
IzabalQuiche
Alta Verapaz
EscuintlaJutiapa
Huehuetenango
ZacapaSan Marcos
Jalapa
Santa Rosa
Baja Verapaz
ChiquimulaGuatemala
Retalhuleu
El Progreso
Suchitepequez
ChimaltenangoQuetzaltenango
Totonicapan
Peten
30 L E S E N T R E P R I S E S F A C E A U X D É F I S D E L A P A U V R E T É : D E S S T R A T É G I E S G A G N A N T E S
Encadré 2.1. Superposition d’obstaclessur le marché guatémaltèque
0 25Km
4 - 8
8 - 11
11 - 13
13 - 16
Carte d'intensité du marché guatémaltèque : superposition des niveaux de pauvreté et de développement duréseau routier et de l'accès au crédit des ménagesvivant avec un revenu inférieur à 2 $ par jour (%)
0
20
40
60
80
100
Pas de crédit
Commerçants, villageois, amis ou membres de la famille, autres
Prêteur sur gages, institution de microcrédit, coopérative de crédit
Banque
Sources de crédit : ménages avec un revenu de moins de 2$ par jour ayant accès au crédit
Part des ménages, 2000 (%)
Ville Campagne
Remarque : les lignes noires sur la carte correspondent à des routes en asphalte. Source : données de l'institut national de statistiques du Guatemala (2000)
et Henninger et Snel (2002). Carte produite par OCHA ReliefWeb.
C H A P I T R E 2 . L E S O B S T A C L E S À L E V E R 31
entreprises. Les réglementations ne sont pas
appliquées et les individus n’ont pas accès
aux opportunités et systèmes de protection
habituellement offerts par les juridictions
en place.
� L’inadéquation des infrastructures
matérielles. Les transports sont rendus
difficiles par l’absence de routes et d’infra-
structures d’appui. Les réseaux de distribu-
tion d’eau et d’électricité, d’assainissement et
de télécommunications sont manquants.
� L’absence de connaissances et de compé-
tences. Les consommateurs peuvent ne pas
savoir à quoi servent certains produits et en
quoi ils sont avantageux, voire manquer des
compétences nécessaires à leur utilisation
efficace. Les fournisseurs, distributeurs et
détaillants peuvent manquer des connais-
sances et compétences pour fournir des
services et des produits de qualité, à la fois
de manière régulière et ponctuelle et pour
un coût raisonnable.
� Un accès limité aux produits et services
financiers. Sans l’outil crédit, les producteurs
et consommateurs pauvres ne peuvent financer
aucun investissement ou achat important.
Sans assurance, ils ne peuvent protéger leurs
maigres ressources et revenus contre des
catastrophes telles que, la maladie, la
sécheresse ou le vol. Sans services bancaires
transactionnels, leur système de gestion
financière est à la fois peu sûr et cher.
Identifiés depuis longtemps déjà comme faisant
partie des principales causes de la persistance
de la pauvreté, ces obstacles ont fait l’objet de
nombreux ouvrages consacrés au développement.1
Comment ces obstacles se présentent-ils aux
entreprises ? Et comment chacun d’entre eux
peut-il affecter le développement de modèles
entrepreneuriaux qui cherchent à opérer au
bénéfice de tous ? Selon le rapport Libérer
l‘entreprenariat, « un secteur privé dynamique
exige la mise en place de fondations solides
que sont un macroenvironnement mondial et
intérieur porteurs, une infrastructure physique
et sociale appropriée et la primauté du droit. »2
Le rapport a identifié trois piliers de l’entrepre-
nariat : l’accès au financement, l’accès aux
connaissances et aux compétences, et un
terrain de jeu égalitaire pour les entreprises
en concurrence sur le marché intérieur. Les
études de cas décrites ici ne font qu’appuyer ces
découvertes : l’entreprenariat est sérieusement
entravé dans des environnements où les
conditions nécessaires au bon fonctionnement
du marché sont absentes.
Les principaux environnements dans
lesquels fonctionnent les marchés des
populations pauvres sont les villages
et les bidonvilles. À l’échelle mondiale,
75% des personnes en état d’extrême
pauvreté (correspondant à un revenu par
habitant équivalent à moins d’1 dollar par jour)
vivent dans les campagnes. Mais la pauvreté
existe aussi en ville, et de façon particulièrement
concentrée dans les bidonvilles : un citadin sur
trois, soit 1 milliard d’êtres humains dans le
monde, vit dans un bidonville.3
Dans ces contextes, des défis d’ordre
structurel empêchent les populations pauvres
et les entreprises d’exploiter les opportunités
dont elles peuvent tirer un bénéfice mutuel. Les
obstacles coexistent, se renforçant l’un l’autre :
la disponibilité des informations concernant le
marché, premier obstacle cité, est fortement
dépendante des infrastructures matérielles en
place. De plus, l’interprétation de ces informa-
tions nécessite aussi de réunir des connaissances
et des compétences particulières. De même, la
mise en place de services financiers nécessite
l’application de certaines réglementations, ce
qui n’est pas toujours le cas dans les régions
les plus pauvres. �
Les entrepreneurs manquent souvent d’informations détaillées sur les marchés des populations pauvres, en
particulier dans les zones rurales. Ces zones se caractérisent la plupart du temps par une absence d’intermédiaires
(services d’études de marché ou de notation) en mesure de consolider ou de diffuser ce type d’informations,
ce qui rend difficile l’évaluation de la viabilité des marchés.
L’entreprise Tsinghua Tongfang s’est heurtée à cet obstacle au moment où elle a décidé de concevoir un
ordinateur à l’intention des consommateurs ruraux : le problème était de déterminer quels types de logiciels
seraient le plus utiles à cette cible particulière. Elle a entre autres développé un site Web conçu pour répondre
I N F O R M AT I O N S S U R L E M A R C H É
MoldaviePhoto : UNICEF/Julie Pudlowski
simultanément aux besoins d’une communautévirtuelle de programmateurs open source, defermiers et d’experts agricoles. De la mêmefaçon au Ghana, au moment de lancer unegamme de produits pour des clients professionnelsà faibles revenus, la banque Barclays a eu du malà rassembler les informations sur les servicesbancaires dont ces clients avaient besoin, le volume de leur épargne, leurs besoins en créditet les prix qu’ils étaient prêts à payer. La banquedispose désormais de plus d’informations surles besoins bancaires de ces clients et est doncplus à même de développer des produits adaptés à ce marché, aux prix appropriés et en gérant son risque de façon plus efficace.Faute de résoudre le problème de l’asymétriedes informations entre les divers types demarché, tant en matière de prix et de qualitéque de volume, les entreprises ne peuvent pasréussir sur ces marchés. �
C A D R ER É G L E M E N TA I R E
Les systèmes de réglementation en place dansles régions pauvres ne suffisent souvent pas àencourager le démarrage, la croissance et ledéveloppement d’activités économiques sur unmarché. En Pologne, l’entreprise publiqueLuban pâtit de l’absence d’un cadre politiquecohérent, notamment d’une meilleure intégrationdes politiques en matière d’énergie et d’agriculture,pour développer les bioénergies. VidaGas, unfournisseur d’énergie installé au Mozambique, abesoin que soit mis en place un cadre régle-mentaire permettant d’assurer la sécurité desconsommateurs et le contrôle de la qualité –évolution qui enverrait un signal important auxinvestisseurs et aux autres sociétés – et afin depouvoir implanter définitivement le GPL entant que source d’énergie alternative à partentière sur le marché.
Les réglementations dans les pays endéveloppement sont souvent truffées de lour-deurs administratives. La mise en conformitéavec les réglementations est coûteuse tant entermes de temps que d’argent et tend à générerdes coûts d’opportunité excessifs, alors que les coûts directs, engendrés notamment par lepaiement de droits d’enregistrement ou delicence, sont déjà importants. Au Sénégal, lesobstacles administratifs ainsi que les pesanteursde l’environnement économique ont obligéMoney Express et ses partenaires à suivre desprocédures légales assez lourdes afin d’acquérirles licences nécessaires pour le développementde leur activité de transfert de fonds.
32 L E S E N T R E P R I S E S F A C E A U X D É F I S D E L A P A U V R E T É : D E S S T R A T É G I E S G A G N A N T E S
Encadré 2.2. Cartes d'intensité du marché
Le manque d'informations accessibles sur les populations pauvreset leurs lieux de vie constitue l'un des principaux obstacles quedoivent surmonter les modèles entrepreneuriaux conçus aubénéfice de tous. Les données d'études de marché des bureauxstatistiques nationaux, des banques de développement et desfondations sont bien souvent inaccessibles, enterrées dansd'obscures bases de données. Pourtant, si l'accès à ces donnéesétait facilité, un grand nombre d'incertitudes pourrait être éliminé sur ces marchés.
Les cartes d'intensité du marché montrent dans quelle mesureles populations pauvres participent aux marchés. Elles illustrentl'état de l'accès aux biens et services dans des secteurs et payssélectionnés, et indiquent comment ils sont fournis. Ces cartessont basées sur une abondante documentation et une pratiqueapprofondie de la cartographie de la pauvreté. Elles constituentun complément aux efforts déployés afin de regrouper desdonnées détaillées sur les consommateurs à faibles revenus (telsque l'initiative de la Banque interaméricaine de développementpour compiler des informations nationales sur les groupes derevenus en Amérique latine et dans les Caraïbes, ou encore lerapport de la Société financière internationale et de l'Institutmondial des ressources qui met en lumière le créneau commercialque représentent les populations pauvres et quasi-pauvres).1
Outils d'analyse, les cartes d'intensité apportent des informationsdétaillées sur la nature et la composition des marchés perti-nentes dans la perspective du développement humain.
Combinant de façon visuellement attractive les informationsqu'elles contiennent, ces cartes permettent de se rendrecompte en un coup d’œil de la mesure dans laquelle lesmarchés fonctionnent ou non au bénéfice de tous. Par ailleurs,elles contribuent à :
� Révéler les demandes insatisfaites des pauvres en tantque consommateurs et les opportunités non concrétiséespour les pauvres en tant que producteurs. Les cartes montrentdans quelle mesure la cible des consommateurs potentielsd'un bien ou service a été atteinte (ou non) et indiquent dansquelle mesure les marchés intègrent les différents groupes de consommateurs, pauvres et non pauvres. Ces informationsattestent à leur tour du nombre d'opportunités non concrétiséesd'expansion et d'innovation dans la fourniture de services et deproduits. En outre, les cartes montrent comment les populationspauvres sont marginalisées en matière d'offre sur les marchés,ce qui reflète des opportunités non concrétisées autant pour lespauvres eux-mêmes que pour la société dans son ensemble.
� Évaluer la capacité d'intégration d'un marché. Les cartesd'intensité du marché peuvent mettre en évidence la natureintégratrice ou non du marché dans une perspective spatiale (parrégions géographiques, ou selon en comparant villes et campagnes,etc.), pour mieux détecter les opportunités non concrétisées.
� Clarifier la structure de l'offre. Les cartes d'intensité dumarché peuvent également illustrer la structure de l'offre, enmontrant la présence (et les parts de marché respectives) desdifférents fournisseurs, lesquels peuvent être classés en fonctionde leur nature (services publics, organisation non gouverne-mentale, secteur privé), taille (multinationale, micro-entreprise,petite et moyenne entreprise) ou tout autre critère pertinent.
1. Hammond et autres, 2007.
Le manque d’infrastructures matérielles peut contribuer à accroître de façon
substantielle les coûts déjà élevés liés à l’intégration des populations pauvres
dans le monde des affaires. Les zones rurales, mais également les zones urbaines
les plus pauvres, sont rarement connectées avec les principaux réseaux de
transport ou de transfert de données. Sans compter que
cette absence de connexion se cumule généralement
avec l’absence d’autres infrastructures : infrastruc-
tures logistiques, barrages, systèmes d’irrigation,
approvisionnement en eau et en électricité,
assainissement, systèmes de collecte des déchets.5
C H A P I T R E 2 . L E S O B S T A C L E S À L E V E R 33
La création d’une entreprise dans des régions
comptant une majorité de pays en développement
peut être beaucoup plus coûteuse en argent et
en temps (illustration 2.1). En Amérique latine
et dans les Caraïbes, la durée de la procédure
moyenne est de 73 jours, pour un coût équivalant
à environ 48 % du revenu par habitant ; dans
les pays membres de l’OCDE, elle descend à
17 jours pour un coût équivalant à à peine
5 % du revenu par habitant.
Dans les pays en développement, beaucoup
d’entreprises n’ont pas d’existence légale, car
elles n’ont pas les moyens de se conformer aux
réglementations. Comme l’initiative de démar-
ginalisation des pauvres par le droit du PNUD
l’a montré, les politiques économiques et le
droit commercial de beaucoup de ces pays ont
généralement été conçus au bénéfice des grandes
entreprises, excluant du même coup nombre
d’entrepreneurs pauvres. Les entrepreneurs les
plus démunis peuvent rarement s’appuyer sur
des structures juridiques formelles.4 Ce caractère
informel nuit à la mise en place de relations
commerciales, les entreprises qui bénéficient
d’un statut juridique éprouvant naturellement
des réticences à acheter les produits ou les
services d’entreprises avec lesquelles aucun
contrat ne peut être établi. De leur côté, les
banques et services financiers hésitent à
collaborer avec des individus pauvres ne
pouvant justifier de leur identité.
Mais il y a plus problématique encore qu’un
environnement réglementaire inadéquat : un
environnement où la loi n’est pas appliquée,
ou simplement pas respectée. Dans un tel
environnement, même les plus grands groupes
éprouvent des difficultés à planifier quoi que
ce soit. Après avoir obtenu la concession du
service de distribution d’eau pour la ville de
Manille, Manila Water a dans un premier
temps essuyé des pertes importantes, l’eau de
ses pipelines étant régulièrement détournée
pour être revendue sous le manteau. Les envi-
ronnements où règnent insécurité et crise sont
les plus problématiques pour l’entreprise. �
I N F R A S T R U C T U R E S M AT É R I E L L E S
0 20 40 60 80
Asie orientale et zone Pacifique
Europe et Asie centrale
Amérique latine et Caraïbes
Moyen Orient et Afrique du Nord
OCDE
Asie du Sud
Afrique sub-saharienne
0 2 4 6 8 10 12
Durée (jours)
0 50 100 150 200
Procédures (nombre) Coût (% PNB par habitant)
Illustration 2.1. Temps et coût moyens de création d'une entreprise, par région
Source : base de données du projet « Doing Business » de la Banque mondiale.
République démocratique du Congo : Les zonesrurales manquent souvent de l’infrastructure nécessairepour permettre l’accès des populations pauvres à l’eauet aux installations sanitaires. Photo : UNICEF/Julie Pudlowski
34 L E S E N T R E P R I S E S F A C E A U X D É F I S D E L A P A U V R E T É : D E S S T R A T É G I E S G A G N A N T E S
Dans les pays en développement, beaucoup
d’habitants n’ont pas accès à des routes carros-
sables. Les 53 pays à faible revenu identifiés par
la Banque mondiale disposent de 239 000 kilo-
mètres de route, tandis que les 60 pays à revenu
élevé affichent un réseau global de 3,6 millions
de kilomètres.6 Lorsque l’entreprise Celtel a
déployé son réseau de télécommunications en
République Démocratique du Congo, seule une
capitale provinciale sur dix était accessible par
la route ; trois autres étaient accessibles par la
rivière et six par les airs. Lorsque EQI a mis
en place l’initiative pour le développement
durable de l’oasis de Siwa (Siwa Sustainable
Development Initiative) dans l’ouest du désert
égyptien, elle a dû faire face à des coûts plus
élevés que prévu et des complications logistiques,
liées à l’isolation et à l’inaccessibilité de l’oasis.
En Mauritanie, l’entreprise laitière Tiviski s’est
heurtée non seulement à un réseau routier
défaillant, mais également à l’absence de toutes
les infrastructures logistiques nécessaires à la
production laitière en climat aride (plates-formes
de collecte réfrigérées, par exemple).
Conformément aux évaluations du climat
d’investissement menées par la Banque mondiale,
les infrastructures matérielles constituent un
obstacle majeur à l’entreprenariat et à la
croissance dans des régions comptant un
nombre important de pays en développement
(illustration 2.2).7 �
VietnamPhoto : Adam Rogers/FENU
0 10 20 30 40 50 60
Asie orientale et zone Pacifique
Europe et Asie centrale
Amérique latine et Caraïbes
Moyen Orient et Afrique du Nord
Asie du Sud
Afrique Sub-saharienne
Illustration 2.2. Entreprises considérant les infrastructures comme un obstacle important
Remarque : ce graphique montre la part des entreprises citant la défaillance des réseaux électrique, de télécommu-nications ou de transports parmi les obstacles « majeurs » ou « importants » au développement de leur activité.Source : Banque mondiale (2004a), sur la base de ses données d'évaluation des climats d'investissement.
Pourcentage des entreprises
Les obstacles en présence dansl’environnement d’un marchéaffectent sa structure. Souvent, cesmarchés voient arriver des petits fournisseurs sans statut officiel, lesquels desservent des zones que les plus grandesentreprises ne peuvent pas atteindre pour des raisons financières. Prenons l’exemple du marché de l’eau en Haïti. Si la distribution de l’eau est fortement dépendante de l’existence d’une infrastructure en état de fonctionnement, laconstruction d’un réseau étendu de pipelines coûte cher. Or, Haïti fait partie des 50 pays les moins développés aumonde, et est classé 146e sur 177 selon l’indicateur du développement humain du PNUD.1 En 2001, 78 % de la population haïtienne, et près de 86 % de sa population rurale, vivait avec moins de 2 dollars par jour.2 Une croissanceéconomique faible, les catastrophes naturelles, l’instabilité politique et une mauvaise gouvernance ont contribué à ladétérioration progressive de la qualité des services publics de base.3 Comme la carte d’intensité le montre, l’accès au réseau d’eau est dans l’ensemble très limité : seul un tiers de la population citadine, et moins d’un tiers de la population pauvre des campagnes, en bénéficient.4
Le manque d’infrastructures fonctionnelles et d’approvisionnement en eau par canalisations explique le développement d’un marché « secondaire », en particulier dans les zones urbaines. 45 % de la population résidantdans ces zones et vivant avec moins de 2 dollars par jour est approvisionnée en eau par camions, en seaux ou enbouteilles, le plus souvent par des petits distributeurs qui n’ont aucune existence légale.
Ce marché se développe dans les nombreux pays où l’alimentation en eau par canalisations est peu développée ouinexistante. D’après les estimations les plus récentes, plus d’1 milliard d’êtres humains, soit environ 1/6e de la population
mondiale, n’a pas accès à une source d’eaupotable. Cependant, le recours aux méthodeset opérateurs privés qui fonctionnent sur le « deuxième » marché de l’eau pourrait permettred’améliorer l’accès à l’eau potable.
1. PNUD, 2007. 2. Banque mondiale, 2006, 2007a. 3. Banque mondiale, 1998. 4. Ces chiffres peuvent différerselon les sources de documentation, principalement dufait des différentes unités d’analyse et méthodologiesemployées. 5. PNUD (2006) ; Banque mondiale (2007a).Les données sur l’accès à une source d’eau potable fontréférence au pourcentage de la population disposantd’un accès raisonnable à une quantité d’eau appropriée(au moins 20 litres par personne et par jour disponible à1 kilomètre au plus de l’habitation), issue d’une sourcetelle qu’une connexion domestique, une borne-fontaine,un forage d’eau, un puits couvert, une source protégéeou un système de collecte des eaux de pluie. Les sourcesd’eau considérée impropre à la consommation compren-nent les distributeurs non officiels, les camions citerneset les puits et sources non protégés.
0 100Km
1 - 5
6 - 10
11 - 15
16 - 20
Sud
Ouest
Nord-Est
Nord
Artibonite
Sud-Est
RépubliquedominicaineGrand 'Anse
Centre
Encadré 2.3. Les obstacles d’un marché affectent sa structure : exemple du marché de l’eau en Haïti
Carte d’intensité du marché pour l’accès à l’eau en Haïti
Part des foyers avec un revenu par habitant de moins de 2 $ par jour, par région
1 - 5
6 - 10
11 - 15
16 - 20
C H A P I T R E 2 . L E S O B S T A C L E S À L E V E R 35
Puits, rivière ou lac, eau de pluie, autre
Camion, bouteilles, seaux
Canalisations0
20
40
60
80
100
Sources d'eau disponibles : ménages vivant avec moins de 2 $ par jour, 2001 (%)
Ville Campagne
Remarque : la carte régionale montre des données sur l'accès à des canalisations d'eau.
Sont pris en compte dans les estimations les accès à l'eau par canalisations privées
(dans et hors du domicile, y compris à partir dupuits de la maison) et canalisations publiques.
Source : Institut Haïtien de Statistiqueet d’Informatique, 2001. Carte produite
par OCHA ReliefWeb.
Les connaissances et les compétences sont
indispensables à l'intégration des individus
sur les marchés, en tant que consommateurs,
employés et producteurs. Malheureusement,
les populations pauvres sont le plus souvent
peu instruites et n’ont accès qu’à une quantité
limitée d’informations. Le niveau d’instruction
des populations pauvres, en particulier à la
campagne, est extrêmement faible : dans les
pays les moins développés, seuls 53 % des
individus de plus de 15 ans savent lire.8 Si le
nombre d’années de scolarité varie de façon
importante selon les régions, le volume et la
qualité des connaissances transmises sont
généralement faibles. De plus, le fossé
numérique est très important : seuls 4 % des
Africains avaient accès à Internet en 2005 et
beaucoup ne disposent même pas de la radio.9
En tant que consommateurs, les populations
pauvres peuvent ne pas parvenir à reconnaître
ou à tirer profit de la valeur d’un produit.
En Chine, les populations rurales ne sont pas
habituées à utiliser des ordinateurs ou d’autres
outils technologiques et par conséquent, leur
demande en la matière sera faible. À moins
qu’on ne leur apprenne comment ces outils
peuvent leur servir. Comme Jun Li, directeur
adjoint du service informatique de Tsinghua
Tongfang, l’explique : « Notre premier objectif
consiste à montrer aux fermiers que les ordina-
teurs sont utiles ; dans un deuxième temps, il
s’agit de leur apprendre à les utiliser. »
Les disparités en matière de capital humain
et de compétences peuvent également limiter
la productivité des gens pauvres en tant
qu’employés, et les empêcher de réussir en
tant que producteurs autonomes. Lorsque les
individus n’ont pas certaines compétences et
connaissances élémentaires, il est difficile pour
les entreprises qui les emploient de garantir
des standards de production élevés. Prenons
l’exemple d’Integrated Tamale Fruit Company,
qui fait appel à des producteurs ghanéens
pour la production de mangues biologiques
certifiées : au tout début de l’entreprise, les
fermiers n’étaient pas du tout familiers avec
les normes en vigueur en matière d’agriculture
biologique et étaient donc incapables de se
conformer systématiquement aux standards
de qualité. �
36 L E S E N T R E P R I S E S F A C E A U X D É F I S D E L A P A U V R E T É : D E S S T R A T É G I E S G A G N A N T E S
C O N N A I S S A N C E S E T C O M P É T E N C E S
0 2 4 6 8 10 12 14 16
Inde
Chine
Nigeria
Philippines
Afrique du Sud
Etats-Unis
Illustration 2.3. Faiblesse du taux de pénétration des produits d’assurance dans les pays en développement
Source : Swiss Re (2007) pour les données sur les États-Unis, Sigma Insurance pour les données sur les marchés émergents
Part des primes d'assurance dans le produit intérieur brut (%)
C H A P I T R E 2 . L E S O B S T A C L E S À L E V E R 37
Les produits et services financiers réduisent le
risque et les coûts de transaction et favorisent
la stabilité du marché. Le crédit et l’assurance
contribuent à réduire la vulnérabilité des
entreprises, pour leur permettre de mieux saisir
les opportunités qui se présentent à elles. Les
services bancaires traditionnels et d’épargne
permettent de gérer les ressources plus efficace-
ment. Il est primordial pour les entrepreneurs
potentiels ou débutants d’avoir un meilleur
accès aux services financiers de base, et par
extension pour des entreprises plus grandes
ou mieux établies cherchant à acheter ou à
vendre à ces entrepreneurs.
Le crédit permet aux petites et moyennes
entreprises de faire leur entrée sur le marché,
d’accroître leur capacité de production, de se
mettre à niveau en matière de technologie et
de modifier ou d’améliorer leurs produits et
services.10 Par exemple, sans accès facilité au crédit,
il deviendrait difficile pour les fermiers mexicains
d’acheter les petits équipements d’irrigation au
goutte-à-goutte proposés par Amanco, alors que
ces équipements pourraient leur permettre de
multiplier leur rendement par trois. Un grand
nombre d’enquêtes menées par la Conférence
des Nations Unies sur le commerce et le
développement ont mis en exergue que le
financement était le facteur le plus important
pour la survie et la croissance des petites
et moyennes entreprises, dans les pays en
développement comme dans les pays développés.11
Cependant, l’accès au crédit dans les pays en
développement reste bien plus faible que dans
les pays développés : si on observe la part du
crédit privé dans le produit intérieur brut, on
constate qu’elle s’élève à 85 % dans les pays à
revenu élevé, contre 30 % dans les pays à
revenu moyen haut, 25 % dans les pays à
revenu moyen bas et tout juste 12 % dans
les pays à faible revenu.12 Malgré la croissance
rapide du microcrédit, à peine 82 millions de
ménages en avaient bénéficié fin 2006.13
Les taux de pénétration des produits
d’assurance sont encore plus faibles chez les
pauvres : la part des primes d’assurance dans le
produit intérieur brut américain dépasse 9 % aux
États-Unis, contre moins de 3 % aux Philippines,
au Nigéria et en Chine (illustration 2.3).
L’assurance est une activité qui facilite le
développement d’autres activités. Les individus
capables d’acheter des produits d’assurance sont
en mesure de contrôler leurs risques de pertes
et sont plus libres de réaliser des investissements
sur le long terme. En outre, les banques sont
plus enclines à octroyer des crédits à des clients
bénéficiant d’une assurance. L’absence de
services d’assurance est l’une des raisons pour
lesquelles les producteurs hésitent à s’engager
dans des contrats assortis d’un long délai de
paiement. Au Brésil, l’entreprise VCP a cherché
à inclure les fermiers pauvres dans la production
de bois pour la fabrication de papier. Seulement,
la première récolte de bois n’était possible qu’au
bout de sept ans. Sans assurance contre les
catastrophes naturelles, les fermiers auraient dû
courir le risque de perdre tout leur investissement.
Les services bancaires traditionnels et
d’épargne réduisent les coûts et contribuent
à la croissance des marchés à long terme, en
permettant aux différents acteurs en place
de prendre des engagements crédibles. En
l’absence de tout système bancaire, les échanges
avec les personnes pauvres deviennent très
coûteux et la volatilité importante des revenus
des personnes pauvres devient un risque pour
les entreprises. Enfin, le développement très
limité des services financiers contribue aussi
à réduire la demande sur le marché, car les
populations pauvres ne peuvent financer que
très peu d’achats sans épargne ou crédit. En
Ouganda, 15 % seulement des foyers épargnent
auprès d’institutions homologuées, tandis qu’en
Zambie, les frais proposés sont si élevés que la
plupart des individus devraient être prêts à
accepter des taux d’intérêt négatifs sur leur
épargne pour en bénéficier.14 �
La levée de certains obstaclespeut engendrer des opportu-nités commerciales. Le faitque les populations pauvresn’ont pas accès à l'assurancepeut par exemple signifierqu’il existe un marché impor-tant pour toute entreprise quise montrera capable de vaincreles obstacles en jeu. Une étuderécente du Groupe des rapports nationaux sur ledéveloppement humain au sein du PNUD a révélé queseuls 5 millions d'Indiens bénéficiaient d'une assurance,soit 2 % de la population pauvre du pays, sur un marchéde l'assurance dont la valeur potentielle est compriseentre 1,4 et 1,9 milliards de dollars (services d'assurancevie et dommages). Des modèles entrepreneuriaux innovants ont fait leur apparition pour tenter de capterce marché important. Un programme pilote innovant,introduisant un système d'assurance indexé sur les chutesde pluie, a été mis en place par la Banque mondiale etla Krishna Bhima Samruddi Bank. Dans le cadre de ceprogramme, le règlement de l'assurance dépenduniquement des conditions météorologiques, etaucune évaluation préalable des pertes n'est requise.
Encadré 2.4.Secteur de la micro-assurance en Inde
A C C È S A U X S E R V I C E SF I N A N C I E R S
Source : PNUD 2007.
38 L E S E N T R E P R I S E S F A C E A U X D É F I S D E L A P A U V R E T É : D E S S T R A T É G I E S G A G N A N T E S
1 Voir par exemple l'atelier organisé conjointement par le ministère britannique pour le développement international(Department for International Development, DFID) et la Banqueasiatique de développement (Asian Development Bank) pourpermettre aux pauvres de participer aux marchés à Manille(Making Markets Work Better for the Poor in Manila) en 2005(www.dfid.gov.uk/news/files/trade_news/adb-workshop.asp).
2 PNUD 2004.
3 FNUAP 2007.
4 PNUD 2008.
5 Rapport de la Banque mondiale sur les infrastructures.
6 Les pays à revenu faible affichent un produit national brut de905 dollars par habitant ou moins en 2004, contre 11 116 dollarsou plus dans les pays à revenu élevé (Banque mondiale, 2005).
7 Escribano et al. 2005.
8 PNUD 2007. Période de 1995 à 2005.
9 Base de données des indicateurs des télécommunications mon-diales de l’UIT.
10 Jenkins et al. 2007.
11 Ruffing 2006.
12 PNUD 2004.
13 Associated Press 2006.
14 CGAP 2007.
C I N Q S T R A T É G I E S À L ’ É T U D E
P A R T I E
II
40 L E S E N T R E P R I S E S F A C E A U X D É F I S D E L A P A U V R E T É : D E S S T R A T É G I E S G A G N A N T E S
Illustration II.1 Grille de stratégies de l’initiative « Entreprendre aubénéfice de tous »
CO
NT
RA
IN
TE
SS T R A T E G I E S
Adapter lesproduits et lesprocessus
Investir dansl’éliminationdes contraintesdu marché
Tirer parti des atouts despopulationspauvres
Combiner les ressourceset les capacitésde différentsacteurs
Se concerteravec les gouvernementssur la politiqueà suivre
Informations sur le marché
Cadre réglementaire
Infrastructuresmatérielles
Connaissanceset compétences
Accès aux services
financiers
Remarque : les combinaisons contrainte-stratégie en bleu foncé sont celles que l’on rencontre dans plus d’un quart des cas, les combinaisons en bleusont rencontrées dans moins d’un quart des cas mais plus d’un cas sur dix, et les combinaisons en bleu clair sont vérifiées dans moins d’un cas sur dix.
Source : analyse par l’auteur des données présentées dans le texte.
P A R T I E I I . C I N Q S T R A T É G I E S À L ’ É T U D E 41
Comme il ressort de la première partie, il
existe de nombreuses opportunités d’intégrer
les populations pauvres dans les circuits
économiques afin de leur permettre d’améliorer
elles-mêmes leurs conditions de vie, ainsi que
de réaliser des bénéfices commerciaux et de
générer de la croissance sur le long terme.
Cependant, pour saisir ces opportunités il
faut relever un certain nombre de défis. On
distingue cinq grandes contraintes : le manque
d’informations sur les marchés, les lacunes
dans les cadres réglementaires, les carences en
matière d’infrastructures, la faiblesse du niveau
des connaissances et des compétences, et
les restrictions rencontrées dans l’accès aux
services financiers.
Ces contraintes n’empêchent cependant pas la
réussite de nombreux modèles entrepreneuriaux
conçus au bénéfice de tous. Parmi les exemples
tirés de la base de données de l’initiative
« Entreprendre au bénéfice de tous », on trouve
notamment des entreprises qui emploient des
pauvres dans l’industrie textile ou du tourisme,
des entreprises qui s’approvisionnent en café,
coton, noix de cajou, filets en fibre de coco ou
autres produits agricoles auprès de producteurs
pauvres, des entreprises qui offrent des services
essentiels (tels que l’approvisionnement en eau,
l’assainissement, ou l’accès aux soins médicaux)
aux populations pauvres et enfin des entreprises
qui fournissent de l’électricité, des prêts et des
services de télécommunication contribuant à
améliorer la productivité d’autres entreprises.
Les solutions qui rendent possibles de telles
réussites sont aussi multiples que les lieux où
elles sont mises en œuvre. Toutefois, l’analyse de
ces solutions au travers des cas étudiés met en
évidence une série de facteurs communs. Les
modèles entrepreneuriaux favorables aux pauvres
décrits dans ce rapport réussissent à s’imposer
face à des contraintes de marché non négligeables
en les contournant et/ou en les levant grâce à
une ou plusieurs des stratégies suivantes :
� Adapter les produits et les processus.
Par exemple, le recours à la technologie sans
fil pour pallier l’absence de lignes câblées.
� Investir dans l’élimination des contraintes.
Par exemple, en réalisant des études de
marché, en formant et en informant, en
intégrant dans les offres de produits et de
services des mécanismes de financement
permettant de les acquérir, ou en pratiquant
l’autoréglementation.
� Tirer parti des atouts des populations
pauvres. Par exemple, en engageant des
individus pauvres comme distributeurs ou
revendeurs au sein de leur communauté, en
développant avec eux des produits et des
services, ou en élaborant des systèmes informels
assurant l'exécution des contrats grâce aux
possibilités qu’offrent les réseaux sociaux.
� Combiner les capacités et les ressources
de différents acteurs. Par exemple, en
collaborant avec les agents de vulgarisation
envoyés sur le terrain par le gouvernement
pour initier les agriculteurs à la gestion de la
qualité ; en s’associant avec une organisation
non gouvernementale pour sensibiliser la
population à l’utilité d’ un produit ou d’un
service ; ou en associant plusieurs banques
pour créer une agence de notation.
� Se concerter avec les gouvernements
sur la politique à suivre. Par exemple, en
instaurant un dialogue avec des responsables
politiques afin d’identifier et de résoudre
certaines contraintes (en les abordant seul
ou conjointement avec d’autres entreprises
autour d’une revendication précise) ou en
participant aux comités consultatifs privés
parrainés par l’État.
Certaines de ces stratégies ont déjà été évoquées
par d’autres auteurs dans le même contexte.
Ceux-ci ont notamment souligné à maintes
reprises la possibilité de contourner les contraintes
grâce à des modèles entrepreneuriaux intelli-
gents, ainsi que l’importance d’interagir avec
des organisations partenaires et les populations
pauvres elles-mêmes.1 En revanche, les solu-
tions qui s’appuient sur l’investissement dans
les conditions du marché ou sur l’instauration
d’un dialogue politique constituent des
éléments nouveaux dans le débat. Qui plus est,
la grille de stratégies à deux dimensions que
nous présentons fait ressortir pour la première
fois un lien systématique entre les contraintes
d’un environnement de marché et les stratégies
menant à des solutions efficaces.
Il est parfois possible d’appliquer n’importe
laquelle ou l’ensemble de ces cinq stratégies
aux cinq contraintes qui caractérisent les
marchés des populations pauvres. Cependant,
les études de cas présentées dans ce rapport
montrent que les modèles entrepreneuriaux
efficaces conçus au bénéfice de tous appliquent
chaque stratégie plus fréquemment à certaines
contraintes qu’à d’autres. �
42 L E S E N T R E P R I S E S F A C E A U X D É F I S D E L A P A U V R E T É : D E S S T R A T É G I E S G A G N A N T E S
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S T R A T E G I E S
Adapter lesproduits et lesprocessus
Investir dansl’éliminationdes contraintesdu marché
Tirer parti des atouts despopulationspauvres
Combiner les ressourceset les capacitésde différentsacteurs
Se concerteravec les gouvernementssur la politiqueà suivre
Informations sur le marché
Cadre réglementaire
Infrastructuresmatérielles
Connaissanceset compétences
Accès aux services
financiers
Aucun justificatifnécessaire ; unitésà bas prix
Faible accèsà des comptes
bancaires et au crédit
Engagerdes micro-entrepreneurs
Infrastructure de transport
inadaptée
Chargement sansfil de temps decommunication
Infrastructure de transport
inadaptée
S’appuyer sur des réseaux dedistributionexistants
Infrastructure de transport
inadaptée
Engager collec-tivement un dialogue avec legouvernement
Réglementa-tion inadaptée surla banque mobile
Smart Communication est l’un des plus grands fournisseurs de téléphonie sans fil aux Philippines. En bousculant « la vieille idée reçue selon laquelle lestéléphones portables seraient l’apanage d’utilisateursitinérants aisés »1, les dirigeants de la société ont vu dans la population aux revenus modestes, notamment la communauté des travailleurs philippins d’outre-mer (TPO), un énorme potentiel commercial inexploité (lesPhilippines constituent le troisième plus grand destinataire de fonds venus de l’étranger). Smart a proposé unesérie de services souples et abordables adaptés aux besoins spécifiques des pauvres, dont la vente de temps de communication prépayé miniaturisé et le premier système d’envoi de fonds international reposant sur latechnologie du SMS (service de message court).
Illustration II.2. Smart Communications :transferts de fonds internationaux via la téléphonie mobile aux Philippines
G R I L L E D E
S T R AT É G I E S :
S M A R T
Dans cette entreprise, Smart a été confrontée à trois grands défis, qu’ellea pu surmonter en mettant en œuvre des stratégies efficaces.
� Le premier défi à relever concernait l’impossibilité pour lespopulations pauvres de fournir les documents d’identificationnécessaires à la contraction d’un abonnement de téléphoniemobile : beaucoup n’ont pas de carte officielle d’identité ni decompte bancaire. Smart a donc introduit le premier service sans fil
Aucun justificatifnécessaire
Manque de documentation
légale
P A R T I E I I . C I N Q S T R A T É G I E S À L ’ É T U D E 43
prépayé du pays, qui ne nécessite aucun justificatif, ainsi que le premier servicede virement mobile où le bénéficiaire n’est pas tenu de posséder un compteen banque. Les petites dénominations des cartes prépayées n’obligent pas lesbénéficiaires à financer de futures dépenses ; il ne leur est donc pas nécessaired’avoir accès au crédit.
� Le deuxième problème consistait à trouver le moyen de vendre et distribuer du temps de communication à des millions de clients pauvres à travers les Philippines, un archipel de 7 100 îles parfois difficilement accessibles par route.Smart a pris appui sur des réseaux de distribution existants composés de petites boutiqueset autres commerces. La société a également tiré parti des atouts des populations pauvresen offrant à des micro-entrepreneurs la possibilité de revendre du temps de communication.De cette manière, Smart a fait naître un réseau de distribution de plus de 800 000 entre-preneurs à l’échelle du pays, qui touchent une commission de 15 % sur la revente detemps de communication directement versée par la société. Enfin, Smart a adapté son processus de vente : au lieu d’acheter du temps de communication via des cartesprépayées, les utilisateurs peuvent recharger leurs cartes par la technologie du SMS.
� Le troisième défi consistait à mettre en place une législation adaptée en matière debanque mobile, un service qui n’existait pas auparavant. Smart, en collaboration avecd’autres opérateurs ainsi que des banques, a entamé une concertation avec le gouvernementconcernant la politique à suivre pour adapter la réglementation sur la banque mobile.
Les services de Smart ont eu des répercussions positives sur l’économie des Philippines,car la commodité, le prix abordable, la sécurité et la régularité du service ont encouragédavantage de travailleurs philippins d’outre-mer à utiliser les voies officielles pour envoyerleurs fonds. La croissance spectaculaire des résultats de Smart illustre parfaitement l’impactde son ciblage du marché des faibles revenus : le nombre d’abonnés est passé de 191 000 en 1999 à environ 24,2 millions en 2006 et 99 % de son chiffre d’affaires provient de la vente de cartes prépayées.
1 Entretien avec Ramon Isberto, responsable du groupe des affaires publiques, PLDT et Smart, Makat, Philippines, novembre 2006.
Les Philippines : Smart a introduitdes services sans fil qui facilitent l’accès aux services bancaires pour les clients à bas revenus. Photo : Smart
44 L E S E N T R E P R I S E S F A C E A U X D É F I S D E L A P A U V R E T É : D E S S T R A T É G I E S G A G N A N T E S
1 London et Hart 2004. Dans une étude exploratoire de 24 modèlesentrepreneuriaux visant à inclure les populations pauvres, Londonet Hart ont identifié 3 stratégies gagnantes auxquelles les entreprisesont recours et qui pourraient se résumer par la capacité généraled’« intégration sociale » : collaborer avec des partenaires non tradi-tionnels, co-inventer des solutions sur mesure et renforcer lescapacités locales. Collaborer avec des partenaires locaux et non traditionnels de même qu’adapter des produits aux conditions etpréférences locales a été mentionné dans de nombreuses étudesrelatives aux stratégies d’intégration des populations pauvres dansle monde des affaires, par exemple Prahalad 2004, Mair et Seelos2006. Partant d’une analyse détaillée de 50 études de cas, Wheeleret autres (2005) ont montré que les entreprises durables autonomesdans les pays en développement engagent souvent des réseauxinformels comprenant d’autres entreprises, des organisations à butnon lucratif, des communautés locales et d’autres acteurs.
45
Kenya : M-PESA adéveloppé un service detransfert d’argent par téléphone portable visantà rendre les transactionsfinancières plus rapides,moins chères et plus sûres.Photo : Vodafone
3 A D A P T E R L E S P R O D U I T S E T L E S P R O C E S S U S
Tsinghua Tongfang (THTF) a apporté l’informatique aux
agriculteurs chinois, qui n’avaient jamais utilisé ni même vu un ordinateur. Pour
combler leur manque de connaissances informatiques, l’entreprise a développé un
logiciel d’utilisation intuitive (cf. encadré 3.1). Grâce à de telles innovations, THTF
et de nombreuses autres entreprises ont démontré de quelle manière les modèles
entrepreneuriaux soucieux de servir les besoins des populations pauvres pouvaient
contourner les contraintes en adaptant leurs produits ou leurs processus.
Tandis que d’autres stratégies d’innovation impliquent de combler les retards
économiques ou la participation d’autres acteurs, la stratégie qui consiste à adapter
des produits ou des processus permet à une entreprise d’affronter par elle-même les
contraintes. C’est pourquoi elle est souvent utilisée pour surmonter des contraintes
particulièrement difficiles à éliminer, telles qu’un cadre réglementaire inefficace ou
une infrastructure matérielle déficiente. Combler de tels retards peut être excessivement
coûteux et long. La conception de produits et de processus qui contournent ces
obstacles représente parfois la seule solution viable pour un modèle entrepreneurial
fonctionnant au bénéfice de tous.
Le recours à l’adaptation des produits et des processus est rare lorsqu’il s’agit de
combler des retards en matière de connaissances et de compétences. Cela s’explique
en partie parce qu’il est plus facile de communiquer et de former, et d’escompter ainsi
des résultats plus immédiats. Ce choix se justifie
aussi lorsque certaines compétences élémen-
taires sont indispensables pour travailler avec
certains clients, employés ou producteurs.
On distingue deux types d’adaptation :
l’adaptation technologique et la conception de
nouveaux processus. Les deux vont souvent de
pair, mais il est important de les distinguer. La
diffusion de la téléphonie mobile dans les pays
en voie de développement, par exemple, est
guidée par la technologie. Les réseaux sans fil
libèrent la transmission des données de sa
dépendance aux réseaux câblés ou aux transports.
Pourtant, l’adoption massive du téléphone
portable en lui-même peut être partiellement
attribuée à une modification des processus,
un changement qui amène à vendre du temps
de communication par le biais de cartes
prépayées. Ces cartes ont levé l’obligation pour
les consommateurs de disposer d’un compte
bancaire, ce qui a libéré les fournisseurs du
suivi des paiements.1
Les dirigeants d’entreprise peuvent
développer des adaptations efficaces en
observant et en appréhendant correctement
leurs marchés cibles. Napoleon Nazareno, PDG
de Smart Communications aux Philippines, se
souvient comment lui est venue l’idée des
cartes prépayées de faibles montants : « L’un
de nos commerciaux de terrain nous a posé une
question qui s’est révélée pertinente : pourquoi
ne pas vendre du temps de communication en
petites quantités, à la manière des sachets de
savon ou de shampooing ? À l’époque, notre
carte de téléphone la moins chère coûtait 300
pesos, soit à peu près 6 dollars. Abordable,
certes, mais déjà trop cher pour la plupart
des Philippins. »2
En observant le marché, Smart s’est inspiré
d’une innovation existante, le modèle du
sachet, et l’a transposée à sa propre activité.
Le nouveau modèle a libéré Smart d’une
contrainte (le manque d’accès de ses clients
46 L E S E N T R E P R I S E S F A C E A U X D É F I S D E L A P A U V R E T É : D E S S T R A T É G I E S G A G N A N T E S
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S T R A T E G I E S
Adapter lesproduits et lesprocessus
Investir dansl’éliminationdes contraintesdu marché
Tirer parti des atouts despopulationspauvres
Combiner lesressources etles capacitésde différentsacteurs
Se concerteravec les gouvernementssur la politiqueà suivre
Informations sur le marché
Cadre réglementaire
Infrastructuresmatérielles
Connaissances et compétences
Accès aux services
financiers
Toutes les innovations n’ont pas nécessairementrecours aux nouvelles technologies. De nom-
breuses adaptations de produits parviennent à atteindre les populations pauvres grâce à ce qui pourrait sembler un recul technologique. Cependant, leur mise à la portée des bénéficiaires visés permet aux entreprises de développer considérablement leurcroissance et leur rentabilité.
Tsinghua Tongfang (THTF) est une entreprise informatique de pointe établie à Pékin qui a identifié un nouveau marché porteur dans un secteur de basse technologie : la vaste industrie agricole rurale chinoise.Les 900 millions d’agriculteurs que compte la Chine n’ont pas été, loin s’en faut, les premiers à tirer profitdes progrès technologiques qui, ailleurs, ont dynamisé le secteur. L’agriculture repose sur des informationsprécises et opportunes au même titre que tout autre secteur, sinon plus. Toutefois, les ordinateurs et Internetsont très largement absents de la Chine rurale et restent peu connus de ses habitants. En 2003, THTF a vu làune opportunité d’atteindre un marché rural inexploité tout en aidant à combler le « fossé numérique ».
THTF a dû tout d’abord surmonter les défis identifiés au cours de trois campagnes d’études de marché.En 2005, le coût de base d’un ordinateur équivalait à trois mois de revenus d’un agriculteur : une dépenseprohibitive, sans compter les frais mensuels d’abonnement au service Internet (qui, de toute façon, était difficile à obtenir étant donné les coûts élevés de mise en service pour les fournisseurs d’accès). Même lesagriculteurs qui pouvaient se permettre d’acheter un ordinateur ne savaient généralement pas l’utiliser. Qui plus est, les informations agricoles disponibles en ligne n’étaient pas d’une grande fiabilité.
La solution pour THTF consistait à concevoir un produit sur mesure répondant aux besoins et aux ressourcesdes exploitants agricoles. Les clients potentiels ont clairement indiqué que pour eux, le produit le plus
Encadré 3.1. Étude de cas - Tsinghua Tongfang (THTF)ou comment combler le fossé numérique
C H A P I T R E 3 . A D A P T E R L E S P R O D U I T S E T L E S P R O C E S S U S 47
pauvres aux services financiers) qui avait empêché de nombreux
Philippins d’acheter une carte prépayée, fût-elle à 6 dollars.
Les modèles entrepreneuriaux qui s’affranchissent des contraintes
apparemment les plus importantes de leur marché ciblé peuvent
rapidement s’étendre. Entre 2000 et 2005, le nombre d’abonnés
au téléphone portable dans les pays en développement a plus que
quintuplé, pour atteindre 1,4 milliards de personnes.3 Rien qu’aux
Philippines, la banque mobile comptait 4 millions d’utilisateurs en
2006, et le secteur n’en est qu’à ses balbutiements.4 �
Les entreprises peuvent mettre à profit l’expansion
technologique sur les marchés des populations
pauvres et élever ainsi rapidement un marché peu
développé du point de vue technologique au rang
d’un secteur de pointe, en supprimant les étapes
intermédiaires afin de gagner en productivité.
Aujourd’hui, les technologies de l’information
et de la communication contribuent au succès
des modèles entrepreneuriaux conçus au bénéfice
de tous en mettant à leur disposition toute une
gamme de produits et de façons de commercer
brillamment adaptés aux possibilités et besoins
des populations pauvres. Cependant, d’autres
technologies sont également utilisées pour faire
face aux contraintes des secteurs qui répondent
à des besoins de première nécessité, comme
les services publics ou la santé. En cela, les
technologies moins consommatrices de
ressources permettent de réconcilier les objectifs
du développement humain avec ceux du
développement durable.
Tirer parti des technologies de l’information et de la communication.Les technologies utilisées pour traiter et trans-
mettre l’information (telles que la téléphonie,
les ordinateurs, Internet et les nouveaux outils
de traitement des données) ont été décisives
dans la réussite de nombreux modèles entrepre-
neuriaux faisant la part aux populations pauvres.
En outre, les adaptations qui permettent aux
entreprises d’intégrer les populations pauvres
dans leurs activités ont parfois conduit à une
amélioration sur le long terme de leur position
sur les marchés à revenus élevés.
T I R E R PA R T I D E L A T E C H N O LO G I E
intéressant était celui qui offrait ce que THTF appelait une « solution systématique », c’est-à-dire une plateforme polyvalente, solide, facile à réparer, qui servirait non seulement pour l’agriculture mais également pour l’éducationdes enfants ainsi qu’à développer toutes sortes de capacités.
THTF avait besoin d’un ordinateur simple, très abordable, doté de nombreuses fonctions tout en pouvant résister àla rudesse des milieux ruraux. Alors l’entreprise l’a fabriqué. Jun Li, le directeur adjoint du service informatique deTHTF, explique : « [L’]ordinateur est construit autour de la façon de penser des professionnels de l’agriculture. Notreprincipe de base est de nous mettre à la place des agriculteurs. Nous avons transformé leurs idées en produits informatiques concrets. » Utilisant le système d’exploitation libre Linux, THTF a adapté son produit à son nouveau marché en faisant appel à desprestataires locaux pour répliquer des programmes de marques plus coûteux. Pour faciliter le fonctionnement de ses produits dans un environ-nement difficile, THTF a intégré dans les câbles électriques des produitsrépulsifs contre les rats. Le constructeur a mis en place une série de programmes spécialisés à destination des utilisateurs ruraux, notammentdes modules sur l’agriculture, d’enseignement à distance et de formationprofessionnelle. THTF a adapté son produit de manière à pouvoir le proposeraux populations pauvres, et ses clients constatent aujourd’hui à quel pointl’informatique peut modifier leur travail et leur vie. Cette initiative informatiquerurale doit encore mûrir et se développer avant de devenir totalementautonome. Mais d’ores et déjà, l’innovation et l’adaptation ingénieuse du produit témoignent d’une stratégie qui peut être utilisée par d’autresentreprises des secteurs de la haute technologie qui recherchent un moyen de pénétrer le marché des populations pauvres.
Chine : Le coût d’un ordinateur de base équivautà trois mois de salaire pourun fermier. Photo : PNUD
L’une des adaptations des technologies de
l’information et de la communication les plus
réussies est la banque mobile, qui permet à des
millions de personnes vivant loin d’une agence
d’accéder à des services financiers : épargne,
virements, gestion de prêts, réception de fonds,
le tout sans se déplacer (cf. encadré 3.2).
Plus globalement, la téléphonie mobile
constitue une plateforme susceptible de fournir
d’autres services basés sur des données. Lorsque
l’autoroute de l’information arrive quelque part,
elle peut souvent remplacer des réseaux routiers
ou logistiques de mauvaise qualité ou inexistants.
Par exemple, la télémédecine permet à des
personnes vivant dans des zones reculées
d’accéder à des soins de santé de qualité. Dans
l’Inde rurale, Narayana Hrudalayanaya a ouvert
des centres de « télésanté » connectés par satellite
à des locaux centralisés afin que les médecins
puissent s’occuper de leurs patients à distance.
Les logiciels et les systèmes de reconnaissance
vocale novateurs facilitent les transactions avec
les personnes illettrées. En Inde, ICICI Bank
et Citibank ont développé des distributeurs
automatiques biométriques avec identification
par empreinte digitale et navigation vocale
afin de pouvoir s’adresser à des utilisateurs qui,
auparavant, pouvaient difficilement accéder
aux systèmes bancaires. En Afrique du Sud et
ailleurs, les fournisseurs et les clients bénéficient
de processus de paiement simplifiés grâce à des
systèmes de reconnaissance utilisant des cartes
à puce (cf. encadré 3.3).
Les exemples qui ont été présentés dans
cette section nous donnent à voir l’utilisation
des technologies de l’information et de la
communication pour résoudre quatre des
cinq contraintes de la grille de stratégies
d’ « Entreprendre au bénéfice de tous » :
� La biométrie permet aux entreprises de
s’affranchir de certains problèmes en
48 L E S E N T R E P R I S E S F A C E A U X D É F I S D E L A P A U V R E T É : D E S S T R A T É G I E S G A G N A N T E S
La banque mobile offre des services financiers, via un téléphone portable ou d’autres appareils similaires, à desmillions de personnes qui, auparavant, n’y avaient pas accès.Ce système permet aux clients d’utiliser leurs crédits de communication téléphonique non seulement pour appeler ou envoyer des SMS, mais également pour des services telsque l’envoi de fonds, les achats, les virements, pratiquement comme un compte de dépôt. Grâce à ce service, il n’estplus nécessaire de disposer d’une agence bancaire ou d’un accès à un réseau câblé. Libérée de ces contraintes d’infrastructure,la banque mobile est actuellement en plein essor dans les pays en développement.
Celtel illustre les mérites d’une banque mobile dans les situations d’après-conflit et d’insécurité. En RépubliqueDémocratique du Congo, Celtel a commencé à proposer des services de banque mobile après la signature de l’accordde paix, en 2003, lorsque la sécurité n’était toujours pas rétablie et les infrastructures bancaires affaiblies. Celpay utilisela technologie SMS cryptée pour permettre à ses clients d’envoyer des fonds dans tout le pays : une manière efficacede transférer de l’argent dans un pays décimé par la guerre. L’idée de Celpay était tellement bonne que le gouvernementl’utilise aujourd’hui pour rémunérer ses soldats.
Les utilisateurs développent à leur manière les avantages de la banque mobile. En Ouganda, Sente est un moyeninformel d’envoyer et de recevoir de l’argent par le biais de cabines téléphoniques publiques et de réseaux de confiance.Au lieu d’envoyer de l’argent directement d’un téléphone à un autre, une personne ayant accès à un téléphone peuttransférer des fonds à un opérateur de cabine téléphonique via le réseau de téléphonie mobile. L’opérateur de cabinepeut convertir le temps de communication en liquide et le remettre lui-même à une personne qu’il/elle sait ne pasavoir accès à un téléphone ou un compte en banque. En pratique, l’opérateur de confiance et son téléphone portableagissent en lieu et place d’un distributeur automatique.1 Pour le destinataire final, les économies réalisées équivalent
à un jour de travail plus les frais de déplacement pour serendre à un centre de banque mobile. Ce système éviteégalement de transporter du liquide sur soi, un élémentcrucial dans les zones d’insécurité. Sente est un parfaitexemple d’une collaboration réussie entre le monde desaffaires et l’innovation au niveau local. Il est probableque les fournisseurs de technologie ne tarderont pas àrendre ce service plus sûr et plus pratique.
1 Chipchase 2006
Encadré 3.2. La banque mobile : sans fil… ni agence
Sénégal : Des bergers suivent des troupeaux debétail à la trace par téléphone portable et par desdispositifs de repérage globaux. Photo : IDRC/Sy, Djibril
C H A P I T R E 3 . A D A P T E R L E S P R O D U I T S E T L E S P R O C E S S U S 49
matière de sécurité, de documents officiels
et de respect de l’exécution de contrats dans
un environnement peu ou mal régulé.
� Les réseaux sans fil suppléent l'absence d’infra-
structure matérielle et de réseaux logistiques.
� Un logiciel convivial permet de remédier
aux disparités en matière de connaissances
et de compétences des clients.
� La banque mobile et les cartes à puce
facilitent l’accès aux services financiers.
Les technologies de l’information et de la
communication peuvent également servir à
recueillir des informations sur le marché,
notamment par le biais de questionnaires
électroniques. Les applications utilisées à l’heure
actuelle seront sans aucun doute suivies de
nombreuses autres qui rendront plus efficaces
encore les futurs modèles entrepreneuriaux
conçus au bénéfice de tous.
Recourir à des solutions adaptées auxsecteurs d’intervention. Existe-il d’autres
technologies qui ont un potentiel comparable
à celui des technologies de l’information et
de la communication ? Bien qu’aucune autre
technologie ne permette de relever une aussi
large gamme de défis, plusieurs autres types
de technologies facilitent dans des secteurs
spécifiques la réussite des modèles entrepre-
neuriaux qui veulent fonctionner au bénéfice de
tous, notamment :
� Les nouvelles technologies de l’énergie,qui affranchissent des limites inhérentesaux services publics basés sur des réseauxde distribution. Dans de nombreuses
zones, le coût de construction d’un réseau
a privé les populations pauvres d’accès à
l’électricité. Les solutions sans réseau
génèrent l’énergie directement sur le lieu
d’utilisation, pour un groupe de foyers
ou l'ensemble d'une communauté, sans
investissement massif dans des infrastructures
interurbaines. Les ressources renouvelables,
telles que le soleil, le vent, l’eau, peuvent
être utilisées. Au sud du Mali, Électricité
de France s’est allié avec des partenaires
locaux et internationaux pour créer deux
entreprises de distribution d’énergie en zone
rurale, qui produisent de l’énergie par le
biais d’installations photovoltaïques et
de générateurs diesel pour 24 villages et
40 000 personnes. À son tour, l’accès à
l’énergie permet de mettre en œuvre des
méthodes de production plus efficaces
et d’utiliser d’autres produits et services,
préparant ainsi le terrain pour que les
modèles entrepreneuriaux fassent une plus
large part aux populations pauvres.
� Les systèmes de purification d’eau quirendent apte à la consommation et à lacuisson une eau disponible localementmais non potable. Ainsi, aucune conduite
n’est nécessaire pour acheminer l’eau. Dans
tous les pays en développement (d’Haïti au
Viêt Nam en passant par le Pakistan), et en
collaboration avec des organisations à but
non lucratif, Procter & Gamble vend des
sachets de purification en poudre utilisables
sur place appelés PUR. Les sachets sont
fournis par les ONG au prix unitaire de
0,04 dollar, soit l’équivalent de leur coût de
production, puis revendus à des entrepreneurs
locaux pour 0,05 dollar qui, à leur tour, les
vendent aux habitants des villages pour moins
de 0,1 dollar. Fin 2006, P&G avait vendu
57 millions de sachets et fourni 260 millions
de litres d’eau propre et sûre dans le monde.
La société vend aujourd’hui ce sachet aux
États-Unis au prix unitaire de 2,50 dollars.
� Les technologies d’assainissement quipeuvent traiter les eaux usées sur site. En
Inde, Sulabh utilise un WC qui assèche les
déchets au lieu de les drainer. Deux fosses
sont creusées (contre une habituellement) et
utilisées alternativement pendant que l’autre
assèche les déchets. L’eau qui se déverse le long
des parois de la
fosse est filtrée
naturellement et
En Afrique du Sud, pourtraduire dans les faits la recon-naissance par laconstitution dudroit à l’eau comme droit de l’homme, le gouvernementa fait appel aux services d’Amanz’abantu pour approvi-sionner en eau les populations rurales et périurbaines.Avant l’arrivée de la société, les habitants des villages(essentiellement les femmes) marchaient pendant desheures pour puiser l’eau des rivières ou d’autres sources.Aujourd’hui, des cartes à puce, porteuses d’un micro-processeur intégré qui contient un grand nombre dedonnées, leur permettent d’accéder à une eau propreissue d’un robinet commun. Les habitants créditent leurcarte à l’aide de lecteurs de carte disponibles auprèsdes commerçants du village.
Le système de carte à puce d’Amanz’abantu permet augouvernement sud-africain de garantir un accès libre et équitable à 25 litres d’eau par personne et par jour et offre aux habitants la possibilité d’acheter de l’eausupplémentaire à bas coût. (En Ouganda, l’Association of Private Water Operators, association des fournisseursd’eau privés, est arrivée au même résultat avec unesolution plus simple sur le plan technologique : desrobinets communs à jetons.)
Encadré 3.3. Cartes à puce :grâce à des systèmes depaiement haute technologie,Amanz’ abantu achemine l’eauvers les populations pauvresd’Afrique du Sud.
ne pollue pas les eaux souterraines. Les
déchets solides sont asséchés jusqu’à former
des mottes que les utilisateurs peuvent ensuite
retirer. Une fois encore, aucun système
d’égout basé sur un réseau n’est utilisé.
� La technologie médicale et la biotech-
nologie, qui offrent de nouvelles possibilités
de surmonter les contraintes liées à
l’infrastructure et à la logistique. Dans les
années 1980, des progrès importants ont été
réalisés en matière d’adaptation des vaccins
contre les maladies infectieuses mortelles
(rougeole, rubéole, coqueluche, diphtérie,
tétanos, tuberculose) aux conditions des pays
en développement. Les anciens vaccins
devaient être transportés sur le lieu d’utili-
sation sans briser la chaîne du froid. De
nouveaux vaccins lyophilisés ont alors été
mis au point afin qu’ils puissent mieux
supporter la chaleur. Avec d’autres adapta-
tions telles que les cocktails de vaccins, ces
innovations ont permis d’augmenter de
manière spectaculaire le taux de vaccination.5
Parvenir au développement durable.La technologie aide les entreprises à opérer
dans des conditions difficiles. Mais elle les aide
également à mener leurs activités dans le
respect du développement durable. Par
exemple, les sources d’énergie renouvelable
fournissent de l’électricité sans effet nocif
sur le climat mondial.
L’entreprise agroalimentaire brésilienne
Sadia a fait du développement durable une
de ses sources de profit. Son programme de
soutien à la production porcine durable propose
à plus de 3 500 producteurs de porcs des
bio-digesteurs qui utilisent des bactéries pour
faire fermenter les excréments de porcs dans
des réservoirs hermétiques. En convertissant
le méthane en dioxyde de carbone, les bio-
digesteurs réduisent les émissions de gaz à effet
de serre. Conformément au mécanisme pour
un développement propre du protocole de
Kyoto, la séquestration de gaz à effet de serre
permet de gagner des crédits carbone qui
peuvent être échangés avec d’autres entreprises.
La vente de ces crédits devrait en principe
compenser le coût des bio-digesteurs. De plus,
les gaz produits durant le traitement peuvent
constituer une source d’énergie, ce qui réduit
les coûts d’exploitation des producteurs. Enfin,
un produit dérivé issu de la fermentation peut
être utilisé comme fertilisant ou comme
nourriture pour les poissons d’élevage. �
Bien que la technologie promette de trouver les
moyens de relever nombre de défis particulière-
ment difficiles et de faciliter la conception de
modèles entrepreneuriaux évolutifs, elle ne
représente pas non plus la solution miracle.
Des résultats similaires peuvent être obtenus en
concevant de nouveaux processus qui s’appuient
sur les ressources et les capacités existantes
pour contourner les contraintes.
S’adapter à la trésorerie des populationspauvres. Les paiements numérisés et les
procédures de tarification permettent aux
modèles entrepreneuriaux qui visent toutes
les couches sociales de s’adapter à la trésorerie
de ceux de leurs clients et fournisseurs qui ont
des revenus faibles et irréguliers et un accès
restreint aux services financiers. Ce n’est pas
parce que ces personnes ont des revenus bas et
irréguliers qu’elles ne peuvent pas consommer
ou investir. Seulement, elles ne peuvent pas
se permettre de grosses dépenses pour une
consommation future. Sans accès à l’épargne, au
crédit ou à l’assurance, les populations pauvres
n’ont que peu d’options à leur disposition pour
gérer leurs ressources financières. De nombreux
travailleurs pauvres sont payés à la journée et
achètent uniquement ce dont ils ont besoin,
au jour le jour. Les agriculteurs ne perçoivent
leurs revenus qu’après les récoltes, lesquelles
dépendent des cycles des cultures et n’ont
parfois lieu qu’une seule fois par an. Les
modèles entrepreneuriaux qui s’intéressent aux
populations pauvres ont besoin de procédures
de paiement qui prennent en compte ce
type de trésorerie.
Pour que les offres de produits correspondent
aux comportements d’achat des consommateurs
pauvres, l’une des solutions largement mises en
œuvre est de recourir à un tarif extrêmement
bas pour de nombreux articles (du savon aux
téléphones) vendus à l’unité ou en petites
quantités.6 Tous les types de biens de
consommation, du shampooing aux épices,
sont maintenant vendus en petites quantités
ou « sachets ». En dehors de l’exemple de la
50 L E S E N T R E P R I S E S F A C E A U X D É F I S D E L A P A U V R E T É : D E S S T R A T É G I E S G A G N A N T E S
D E N O U V E L L E S FA Ç O N S D ’ E N T R E P R E N D R E
C H A P I T R E 3 . A D A P T E R L E S P R O D U I T S E T L E S P R O C E S S U S 51
Inde : Les toilettes à pièces de Sulabh offrent aux consommateurspauvres accès à des installations sanitaires à bas coût. Photo : Sulabh
téléphonie mobile, ce modèle a été utilisé
pour fournir de l’eau (grâce aux robinets d’eau
communs à carte à puce ou jetons) et pour les
services d’assainissement (toilettes à jetons
de Sulabh). Ces modèles entrepreneuriaux
fonctionnant grâce au prépaiement, les four-
nisseurs éliminent le risque de non-paiement
des services.
Les achats en gros ne peuvent être divisés
en petite quantité. C’est pourquoi des formules
proches du crédit-bail et des règlements en
plusieurs échéances sont en voie de développe-
ment. Le fabricant mexicain de ciment
CEMEX propose un système de paiement
appelé Patrimonio Hoy qui permet aux familles
à revenus modestes d’acheter leur maison avec
un paiement échelonné et leur offre un
meilleur accès aux services, au ciment, ainsi
qu’à d’autres matériaux de construction via un
programme d’épargne du groupe. Au Brésil,
Microsoft propose un plan de micro-crédit-
bail, FlexGo, pour les ordinateurs qui utilisent
le système d’exploitation Windows.7 Les
clients paient une partie du prix total pour
pouvoir repartir avec un ordinateur. Ils paient
ensuite le solde en achetant des cartes pré-
payées chez des revendeurs locaux qui activent
l’ordinateur pendant une période définie, au
terme de laquelle il se remet en mode d’accès
limité. Lorsque l’ordinateur est entièrement
payé, le compteur est désactivé.
Les solutions de paiement flexible offrent
aux clients la possibilité de payer de manière
échelonnée. Dans le cadre de son plan d’électri-
fication en zone rurale au Mali, Électricité de
France propose aux clients de payer un tarif
fixe pour la fourniture d’électricité sur une base
mensuelle ou annuelle. L’option annuelle peut
faciliter le paiement pour les agriculteurs, dont
les revenus sont annualisés.
Les facilités de paiement doivent également
s’adapter aux flux de trésorerie prévus. Les
producteurs aux revenus modestes ont des
difficultés à réaliser des investissements qui
se rentabilisent sur une longue période. Plutôt
que d’engager des dépenses importantes pour
des gains incertains, les producteurs préfèrent
investir à court terme, même si cette solution est
moins rentable. Les modèles entrepreneuriaux
qui veillent à prendre en compte les populations
pauvres répondent à ces questions en aménageant
les dispositifs de crédit selon les mouvements
de leur trésorerie. Au Ghana, la société ITFC
(Integrated Tamale Fruit Company) propose à son
réseau de cultivateurs de mangues des prêts
pour assurer leurs investissements de démarrage.
Les prêts sont remboursables trois à six ans après
la plantation, lorsque les arbres commencent à
porter des fruits. Au Brésil, l’entreprise VCP
(Votorantim Celulose e Papel) se porte garante des
prêts accordés aux cultivateurs d’eucalyptus, une
plante qui doit grandir pendant sept ans avant
de pouvoir être récoltée. Les prêts sont proposés
par ABN AMRO, sans gage. VCP garantit
l’achat des récoltes à un prix au moins équiva-
lent au coût du prêt et de ses intérêts.
Simplifier les critères et les conditions.Le manque de connaissances et de compétences
constitue une autre contrainte répandue que
doivent surmonter les modèles entrepreneuriaux
qui s’adressent aux populations pauvres. Une
solution courante est de « dé-sophistiquer »,
c’est-à-dire simplifier les processus ou rendre
les produits plus faciles à utiliser. Par exemple,
la société de micro-finance Edu-Loan, qui
offre des prêts d’éducation supérieure, s’est
particulièrement concentrée sur l’accessibilité,
en rédigeant tous ses documents de manière à
ce que ses clients sud-africains puissent bien
comprendre le processus de crédit. Autre
exemple : la société informatique chinoise
Tsinghua Tongfang (THTF, cf. encadré 3.1),
qui a adapté ses logiciels aux compétences des
agriculteurs en préinstallant des programmes
spécialisés dans l’agriculture pour leur épargner la
tâche complexe de devoir les installer eux-mêmes.
Les entreprises peuvent surmonter le manque
de connaissances des populations pauvres en
simplifiant leurs critères en matière de documents
officiels.8 Les relations de services à long terme
(tels que les fournitures publiques, les services
bancaires ou les télécommunications) impliquent
généralement de présenter de nombreux
documents et justificatifs. Mais bien souvent,
les pauvres ne peuvent pas fournir de documents
d’identité, et encore moins de preuve de leur
travail ou de titre de propriété de leur logement.
Contrairement aux institutions de crédit
traditionnelles, les sociétés de micro-crédit
comme Mibanco au Pérou ne demandent pas
de justificatifs de propriété pour pouvoir
emprunter. Les clients potentiels doivent
uniquement présenter leurs papiers d’identité,
une preuve d’adresse permanente et justifier
d’une trésorerie suffisante. Les conseillers
commerciaux sur site évaluent la fiabilité
des clients et en dernier lieu, approuvent le
prêt. Jusqu’à présent, ce modèle a permis
d’accorder des prêts à plus de 300 000 clients,
ce qui représente un portefeuille de plus de
1,63 milliards de dollars.
Éviter les incitations inopportunes.Certains modèles de micro-financement
n’exigent aucune documentation ou garantie et
s’appuient plutôt sur les motivations créées par
l’effet des prêts de groupe. Non seulement les
emprunteurs qui n’honorent pas leur dette
perdent la possibilité d’emprunter pour eux-
mêmes, mais ils pénalisent également les autres
membres du groupe qui ne pourront plus
obtenir d’autres prêts. Le défaut de paiement
étant synonyme de honte et d’exclusion sociale,
l’incitation au remboursement est grande.
À l’heure actuelle, les taux de remboursement
des prêts de groupe à la banque Grameen
dépassent les 98 %.9 (Le chapitre 5 énumère
d’autres moyens d’utiliser les dynamiques
communautaires comme « coup de pouce »
pour lever les contraintes.)
L’assurance climatique offerte en Inde par
l'institution de microfinance BASIX est un
autre exemple d’adaptation conçue pour faire
face à des incitations inopportunes. L’assurance
traditionnelle sur les récoltes, qui prévoit
le paiement d’indemnités selon l’évaluation
des pertes, a échoué dans de nombreux pays
essentiellement en raison du coût élevé de la
surveillance et des inspections au niveau des
exploitations. Ces inspections sont nécessaires
car le système traditionnel incite les demandeurs
à déclarer plus de pertes ou à les inventer.
L’assurance climatique proposée par BASIX
contourne ces incitations inopportunes en basant
ses primes sur les informations largement
disponibles concernant les précipitations.10
Cette assurance requiert ainsi moins de garanties
formelles et de procédures administratives.
Assouplir les opérations. Les « coups
de pouce intelligents » peuvent favoriser les
modèles entrepreneuriaux qui intègrent les
populations pauvres même dans des circons-
tances apparemment très décourageantes,
notamment les conditions d’instabilité politique
et d’insécurité prolongées. En Guinée, une
association de producteurs de noix de cajou
s’est efforcée d’éviter la faillite dont les pays
voisins comme la Côte d’Ivoire ont souffert
en raison de la conjonction entre l’instabilité
politique et d’une production basée sur des
unités coûteuses en termes d’investissement.
Grâce à une technologie efficace et peu onéreuse,
l’association a mis en place des structures de
traitement de petite échelle à proximité des
villages de producteurs. Cette initiative a évité
les frais d’investissement de départ dans une
grande usine de traitement centrale et le
processus de production a été protégé des
effets des remous politiques (tels que le blocage
des routes). En outre, le désinvestissement
serait facilité en cas de situation grave.
Faire affaire avec des regroupementsd’usagers, de consommateurs ou deproducteurs. Les communautés se procurent
nombre de ressources via des investissements
conjoints, notamment pour les dépenses
importantes en biens de consommation durables
et en services basés sur des infrastructures. Des
tracteurs aux robinets d’eau, en passant par les
réseaux téléphoniques et de télévision, l’utilisation
commune permet de répartir les dépenses et de
rendre les achats plus accessibles. Par ailleurs,
la fourniture d’infrastructure de distribution à
un groupe permet d’économiser les coûts de
raccordement individuel des foyers.
52 L E S E N T R E P R I S E S F A C E A U X D É F I S D E L A P A U V R E T É : D E S S T R A T É G I E S G A G N A N T E S
C H A P I T R E 3 . A D A P T E R L E S P R O D U I T S E T L E S P R O C E S S U S 53
Le partage de l’accès peut être organisé
selon l’un des moyens suivants :
� Un membre de la communauté effectue
l’achat et facture l’accès aux autres membres.
Dans ce modèle largement utilisé, l’entre-
preneur est le seul client de la société. Le
groupe « Mamans GSM », en République
Démocratique du Congo, est un bon
exemple. Le principe repose sur l’achat
de téléphones portables et de temps de
communication qui sont ensuite loués à des
clients. En Afrique du Sud, SharedPhone a
développé une application SIM qui permet
au revendeur de fixer un prix minimum
et de limiter la durée des appels (que le
système affiche avec précision).11
� Les utilisateurs sont facturés individuellement
pour leur consommation. Ce modèle requiert
une méthode de comptabilité et de facturation
efficace et transparente. Des solutions
techniques ont été développées en Ouganda
par l’Association of Private Water Operators
(association de fournisseurs d’eaux privés)
grâce à ses points d’eau avec paiement par
jetons, tout comme en Inde avec les toilettes
publiques payantes de Sulabh. Aux
Philippines, Manila Water allie l’adaptation
technique avec la caution communautaire
Illustration 3.1. Synthèse : Procédés utilisés pour adapter les produits et les processus
Investir dansl’éliminationdes contraintesdu marché
Tirer parti des atouts despopulationspauvres
Combiner les ressourceset les capacitésde différentsacteurs
Se concerteravec les gouvernementssur la politiqueà suivre
Stratégie 1
Adapter les produits et les processus
Contraintes
� Éviter les incitations inopportunes (l’assurance climatique évite les déclarations)
� Tirer parti des TIC (les systèmes de reconnaissance évitent la présentation de documents officiels et la fraude)
� Simplifier les critères et les conditions (réduireles critères en matière de documents officiels)
� Éviter les incitations inopportunes (la garantiede bonne fin par le groupe remplace les systèmesformels de contrôle et répression individuels)
� Assouplir les opérations (des unités de production plus petites réduisent l’exposition au risque d’insécurité)
� Tirer parti des TIC (la communication sans filremplace le transport et les installations matérielles,par ex. : la banque mobile, la télémédecine)
� Recourir à des solutions technologiquesadaptées au secteur d’intervention (productiond’énergie sans réseau, systèmes de purificationd’eau, traitement des eaux usées sur site)
� Faire affaire avec des regroupements (pouréconomiser sur l’infrastructure de raccordement et réduire le coût individuel)
� Tirer parti des TIC (concevoir des interfaces utilisateur intelligentes pour simplifier l’interaction)
� Simplifier les critères et les conditions(adapter les processus au niveau de compétencedes utilisateurs)
� Tirer parti des TIC (banque mobile)
� S’adapter à la trésorerie des populations pauvres (prix à l’unité, échelonnement et flexibilité des paiements, crédit adapté aux mouvements de trésorerie)
Informations sur le marché
Cadre réglementaire
Infrastructuresmatérielles
Connaissanceset compétences
Accès aux services financiers
en rendant les groupes d’utilisateurs
responsables des paiements tout en leur
fournissant des informations sur la consom-
mation individuelle par le biais de compteurs.
En Inde, les e-Choupals ou les cybercafés
sont un exemple de fourniture de ressources
communes aux producteurs. Pour améliorer
l’efficacité du pesage et du paiement du soja,
la société agricole indienne ITC Limited a
installé des « cyberkiosques » dans les villages
des fournisseurs. Un kiosque dessert environ
600 agriculteurs dans 10 villages sur un rayon
d’environ cinq kilomètres. En éliminant le
besoin de transporter le soja jusqu’au marché,
les kiosques améliorent le pouvoir de négociation
des agriculteurs tout en permettant à ITC de
s’approvisionner en soja à un prix plus avan-
tageux, à tel point qu’il est rentable pour ITC
de les installer gratuitement. ITC entend
desservir 100 000 villages à travers son réseau
d’ici une dizaine d’années.12
Sans surprise, les solutions créatives
mentionnées dans ce chapitre sont celles qui
ont le plus retenu l’attention du monde des
affaires dans sa recherche de modèles entrepre-
neuriaux servant les populations pauvres.
Cependant, l’adaptation n’est pas la seule
stratégie possible pour faire face aux difficultés
inhérentes à certains marchés. En effet, sur les
50 études de cas dont nous rendons compte
dans ce rapport, ce n’est pas la solution la plus
utilisée. Les quatre autres stratégies sont au
moins aussi importantes pour les modèles
entrepreneuriaux conçus au bénéfice de tous :
investir dans l’élimination des contraintes,
tirer parti des atouts des populations pauvres,
combiner les ressources et les capacités de
différents acteurs et engager un dialogue avec
les gouvernements sur la politique à suivre.�
54 L E S E N T R E P R I S E S F A C E A U X D É F I S D E L A P A U V R E T É : D E S S T R A T É G I E S G A G N A N T E S
1 Voir, par exemple, UIT 2006 (« L’introduction des services prépayés a été l’un des plus grands facteurs qui a contribué à l’expansion massive du secteur de la téléphonie mobile dans les pays lesmoins avancés, où plus de la moitié de la population vit avec moins d’un dollar par jour. Les cartesprépayées permettent aux abonnés de mieux maîtriser leur dépense en téléphone portable,libèrent les opérateurs des vérifications de crédit qui prennent beaucoup de temps mais sontnécessaires lorsqu’il s’agit de forfait. »)
2 Citation de Ganchero, Elvie Grace. (2007). Smart Communications : des virements à bas coût pourles travailleurs philippins d’outre-mer. PNUD
3 Hammond et autres 2007, p.22.
4 Porteous et Wishart 2006.
5 PNUD 2001, p. 27.
6 Les prix à l’unité ne rendent pas nécessairement les produits moins chers. Au contraire, cephénomène entraîne souvent une hausse des prix si l’on compare le rapport prix-quantité d’une unité et celui des produits vendus en quantités plus importantes. Ce modèle de prix rendnéanmoins les produits plus abordables en s’adaptant aux exigences de trésorerie des acheteurs.
7 Pour plus d’informations sur le programme de prépaiement FlexGo de Microsoft, consultez la pagewww.microsoft.com/presspass/press/2006/may06/05-21EmergingMarketConsumersPR.mspx.
8 Soumis aux critères des banques centrales en matière d’identification des clients, de blanchimentet de réglementation visant à combattre le terrorisme financier (Know Your Customer, Anti MoneyLaundering, Combating Financial Terrorism).
9 Site Web de la Grameen Bank 2008, http://www.grameeninfo.org/bank/atagrlance/GBGlance.htm
10 Cependant, en l’absence d’infrastructures aussi fiables que des stations météorologiques, ces informations ne sont parfois pas disponibles. Les assurances climatiques posent également d’autresproblèmes, tels que la fiabilité des informations. Les dommages causés par les intempéries peuventvarier grandement en fonction des différences topographiques, qui ne sont pas indiquées dans lesdonnées météorologiques.
11 Site Web de SharedPhone, www.sharedphone.co.za
12 Annamalai et Rao 2003, p.1–2 (voir le site Web www.echoupal.com).
55
Mauritanie : Dans unenvironnement désertique,Tiviski a investi dans l’infrastructure et la formation en mettant sur pied des installationslaitières complètes et en développant des programmes destinés aux éleveurs nomades. Photo : Tiviski
4 I N V E S T I R D A N SL’ É L I M I N AT I O N D E S C O N T R A I N T E S D U M A R C H É
Nancy Abeiderrahmane a réalisé un investissement peu
commun dans son environnement commercial mauritanien. Toute entreprise laitière
a besoin d’une chaîne du froid et de locaux de stockage. Mais toutes les entreprises
laitières n’ont pas besoin de former ou d’assurer leurs fournisseurs. En formant les
éleveurs à la gestion et en mettant en place un système d’assurance efficace contre la
volatilité de la production et la perte du bétail, Nancy a éliminé les contraintes liées
aux connaissances, aux compétences, aux infrastructures ainsi qu’à l’accès aux services
financiers, réunissant ainsi les conditions nécessaires à la réussite de son entreprise,
conditions que les sociétés des marchés développés considèrent comme naturelles
(encadré 4.1).
Comme nous l’avons vu au chapitre 2, les marchés des populations pauvres se
caractérisent par cinq grandes contraintes qui peuvent dissuader les entrepreneurs et
entraver la croissance : le manque d’informations sur le marché, un cadre réglementaire
difficile, des infrastructures absentes ou inadaptées, la rareté des connaissances et des
compétences locales et un accès restreint aux produits et services financiers qui affecte
les fournisseurs et clients potentiels. Pour réussir, de nombreux modèles entrepreneuriaux
conçus au bénéfice de tous n’ont d’autre choix que d'éliminer ces contraintes.
De nombreux modèles entrepreneuriaux
ayant vocation à profiter à tous investissent
également dans l’amélioration des connaissances
et des compétences de leurs clients, producteurs,
salariés ou micro-entrepreneurs à travers la
formation, le marketing et l’enseignement.
Comme le montre la grille de stratégies,
l’investissement est moins utilisé pour lever les
barrières réglementaires, étant donné que les
entreprises n’ont pas l’autorité ni la possibilité
d’élaborer ou d’appliquer des réglementations.
Elles peuvent uniquement faire appliquer des
réglementations existantes au sein d’une organi-
sation, ou établir des règles pour s’autoréguler.
Investir dans l’élimination des contraintes
qui affectent les marchés des populations
pauvres peut être bénéfique à la fois pour les
individus, pour les entreprises et au plan social.
Sur le plan privé, l’investissement permet
d’augmenter le niveau de qualité et la produc-
tivité de l’entreprise et stimuler la demande du
marché. Il peut encourager le développement
de nouvelles capacités, améliorer la réputation
de l’entreprise ainsi que le contexte concurrentiel.1
Sur le plan public, la levée des contraintes du
marché génère des avantages qui s’étendent à
d’autres acteurs en dehors de l’entreprise. Par
exemple, une société qui propose un enseignement
et une formation à ses salariés aide à créer une
main-d’œuvre plus qualifiée. Cette ressource est
ensuite partagée lorsque les salariés passent
d’un poste et d’une opportunité professionnelle
à l’autre tout au long de leur carrière. De même,
une entreprise qui rassemble et analyse des
informations sur un marché est dans un
premier temps la seule à tirer profit de son
travail. Mais lorsqu’elle déploie ses activités
suivant son modèle et commence à réussir sur
ce marché, les autres acteurs s’inspirent de son
approche et l’imitent, ce qui augmente l’offre
et fait baisser les prix, permettant ainsi aux
consommateurs à faibles revenus de bénéficier
des produits et des services proposés.
56 L E S E N T R E P R I S E S F A C E A U X D É F I S D E L A P A U V R E T É : D E S S T R A T É G I E S G A G N A N T E S
CO
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S T R A T E G I E S
Adapter lesproduits et lesprocessus
Investir dansl’éliminationdes contraintesdu marché
Tirer parti des atouts despopulationspauvres
Combiner lesressources etles capacitésde différentsacteurs
Se concerteravec les gouvernementssur la politiqueà suivre
Informations sur le marché
Cadre réglementaire
Infrastructuresmatérielles
Connaissances et compétences
Accès aux services
financiers
La plupart des trois millions de personnes que compte la Mauritaniesont des éleveurs nomades. L’idée de lancer un commerce laitier
dans cette contrée est née lorsqu’une entrepreneuse locale, NancyAbeiderrahmane, a visité une petite unité de production de lait en Europe. Elle a immédiatement vu lepotentiel commercial d’un traitement du lait à Nouakchott, ville où le lait de chamelle était vendu au porte-à-porte de manière rudimentaire et dans de mauvaises conditions sanitaires. S’agissant de créer la premièrelaiterie d’Afrique travaillant à partir du lait de chamelle, un marché jusque-là inexploité, elle se souvient :« Les ONG [organisations non gouvernementales] n’étaient pas disposées à le faire [créer une laiterie], les
autorités gouvernementales non plus ; il fallait bien que quelqu’un croie en la rentabilité d’un tel projet. »
Nancy a dû faire face à de sérieux défis. La vente de lait suppose l’existence d’un marché conséquent et de pouvoir réaliser des économies d’échelle dans la collecte, le traitement et le conditionnement du lait. LaMauritanie possède des ressources en lait très dispersées, une industrie laitière non règlementée et aucuneinfrastructure permettant de stocker ou de traiter le lait. Les éleveurs et les producteurs de lait sont dispersés,sans accès à des services vétérinaires structurés ou d’autres services d’assistance en matière d’élevage d’animaux. De plus, dans le désert, les dispositifs de transport routier sont pratiquement inexistants.
Nancy a relevé tous ces défis en palliant le manque d’infrastructure en Mauritanie et en impliquant les populations pauvres dans son projet. Son plan de collecte et de vente du lait de chamelle a été soutenu parLa Caisse centrale de coopération économique (rebaptisée l’Agence française de développement - AFD), qui lui a prêté un million de francs français pour lancer son projet. Cet investissement de départ a permis àNancy de construire des locaux de collecte, de traitement et de stockage, afin que Tiviski Dairy puisse fonctionner en s’approvisionnant auprès d’un vaste réseau de fournisseurs et recueillir le lait en toute sécurité.
Encadré 4.1. Étude de cas - Tiviski : de l’argent bien dépensé
C H A P I T R E 4 . I N V E S T I R D A N S L ’ É L I M I N A T I O N D E S C O N T R A I N T E S D U M A R C H É 57
Si l’on raisonne en termes de planification économique traditionnelle, la question est
de savoir si un investissement visant à lever les contraintes d’un marché existant peut
générer suffisamment de profits privés pour être rentable. Mais dans la perspective d’un
modèle entrepreneurial visant à inclure les populations pauvres, une deuxième question
doit être posée : le bénéfice social escompté de l’investissement peut-il être utilisé pour
accéder à des ressources alternatives de financement et réduire ainsi les coûts d’investisse-
ment pour la société ? Ce chapitre répond successivement à ces deux questions. �
Tiviski a également investi dans des programmes de soutien aux éleveurs, qui représentent l’élément vital de sonactivité, pour leur offrir une formation, des soins vétérinaires ainsi que de la nourriture pour les animaux à un prixcorrect. Grâce aux prêts accordés par Proparco (filiale de l’AFD), la Société financière internationale, une banquelocale et à sa propre trésorerie, Tiviski a été rapidement en mesure d’investir les quatre millions d’euros nécessaires àla construction d’une usine UHT. Aujourd’hui, la société exporte du fromage de chamelle à New York.
Le cran dont Nancy a fait preuve en assumant le risque d’un investissement de départ important a porté ses fruits,pour elle et pour beaucoup d’autres Mauritaniens. Tiviski est une entreprise rentable. Elle emploie directement 200personnes et soutient indirectement 1 000 familles. L’élevage animal est peu à peu reconnu comme une activitérespectable. Plus sûr, disponible à une plus grande échelle, le lait de chamelle améliore la santé de nombreuses personnes. Un mode de vie traditionnel est ainsi préservé. Enfin, l’entreprise est respectueuse de l’environnement.« Notre expérience est très simple et reproductible, déclare Nancy. De plus, nous avons la satisfaction d’avoir changé
la vie de bon nombre de personnes. »
Mauritanie : Tiviski offre auxbergers de la formation, dessoins vétérinaires et de lanourriture animale à des prixraisonnables. Photo : Tiviski
L’élimination des contraintes qui affectent les
marchés des populations pauvres est rentable
dans la mesure où elle crée (ou peut être
conçue pour créer) une valeur privée concrète
(à travers une augmentation de la productivité,
de la qualité ou de la demande du marché)
et mesurable (afin d’assurer des bénéfices
suffisants à la société). Mais l’élimination des
contraintes peut également se révéler rentable
dans la mesure où elle crée, ou peut être conçue
pour créer, une valeur immatérielle ou à plus
long terme.
A S S U R E R U N G A I N A U X E N T R E P R I S E S
Réaliser des études de marché.Rassembler des informations sur le marché crée
une valeur concrète. Construmex, une entreprise
du géant de la construction mexicaine CEMEX,
a été conçue comme un produit de « transfert
en nature » permettant aux Mexicains vivant
aux États-Unis de financer l’achat des matériaux
de construction d’un logement pour leur famille
restée au Mexique. Bien que le groupe connaissait
le profil des consommateurs à faibles revenus
au Mexique, il ne disposait que de peu
d’informations sur les émigrés mexicains, le
marché ciblé par Construmex. Cette dernière
s’est donc alliée aux consulats mexicains des
grandes villes américaines pour mener une
étude de marché au moyen de questionnaires,
d’entretiens et de réunions de consommateurs.
En échange, elle a offert aux consulats une
formation au service à la clientèle ou des dons
matériels pour restaurer et améliorer leurs
infrastructures. L’investissement a été payant :
depuis 2001, plus de 14 000 émigrés mexicains
ont fait appel à Construmex, qui a réalisé
12,2 millions de dollars de chiffre d’affaires
sur la vente des matériaux de construction et
prévoyait d’atteindre le seuil de rentabilité dans
les années à venir.
L’intérêt d’investir dans la collecte
d’informations sur un marché n’est pas seulement
tangible mais également mesurable, puisque
la société peut conserver l’exclusivité des
renseignements collectés, tout du moins au
départ. Plus tard, lorsque la société réussit, les
autres acteurs peuvent observer et tirer parti de
ses initiatives en les reproduisant.
Mettre en place les infrastructures. Les
entreprises qui reposent sur une infrastructure
de livraison peuvent être amenées à investir pour
combler les manques en matière d’infrastructure.
De tels investissements sont moins courants
pour les routes que pour des infrastructures
qui sont souvent des propriétés exclusives,
comme les pipelines, les lignes terrestres ou
les réseaux électriques.
Après avoir remporté la concession du
service de la zone orientale de l’agglomération de
Manille, la société Manila Water a dû effectuer
de gros investissements pour améliorer et
étendre l’infrastructure des aqueducs. En 2005,
la société avait ajouté plus de 1 300 km de
pipelines supplémentaires et investi l’équivalent
de plus de 340 millions de dollars. Ces
investissements ont payé : la clientèle a doublé,
la quantité d’eau non comptabilisée a diminué,
le service reste constant et la qualité de l’eau
est remarquable.
Améliorer l’efficacité des fournisseurs.Développer les connaissances et les capacités
des employés et des fournisseurs, ainsi que leur
accès au financement, peut créer une valeur
privée concrète et mesurable. En améliorant
leur productivité, leur qualité et leur fiabilité,
ils gagnent en valeur pour l’entreprise.
Plusieurs modèles entrepreneuriaux présents
dans la base de données d’« Entreprendre
au bénéfice de tous » comprennent ce type
d’investissements. Denmor, un fabricant de
vêtements guyanien, en est un exemple. La
société dépense plus de 250 000 dollars par
an pour que ses employés aux revenus les plus
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Maroc : Lydec fournit l’infrastructureappropriée à la villede Casablanca.Photo : Lydec
Guyane : Denmor accorde à ses employés à faibles revenusdu temps rémunéré pour assister à des sessions de formationfournies par la compagnie, au cours desquelles ils acquièrentles compétences de base dont ils ont besoin, par exemple,pour conter les vêtements et lire les étiquettes. Photo : Banque Interaméricaine de Développement
faibles apprennent à lire et reçoivent un
enseignement élémentaire. Les employés
doivent apprendre à écrire leur nom, à compter,
à lire les étiquettes et les spécifications des
vêtements. Ils sont payés pour participer à des
sessions animées par des représentants du
ministère des services sociaux et d’autres
institutions, comme l’Organisation panaméri-
caine de la santé. Résultat : la main-d’œuvre
de Denmor est fortement motivée, l’assiduité
et la productivité sont élevées.
Au Ghana, la banque Barclays a engagé des
collecteurs d’argent traditionnels, connus sous
le nom de collecteurs Susu, pour offrir une
gamme plus large et plus sûre de produits
d’épargne et d’emprunt destinés aux Ghanéens
ayant des revenus faibles. Aux collecteurs Susu
de son réseau, Barclays offre une formation à
la gestion des défauts de paiement, la gestion
financière et la gestion des risques et des
crédits. Elle offre également à sa clientèle une
initiation à la gestion financière et aux assurances.
À long terme, ce travail de formation profitera
à Barclays, car les clients seront plus nombreux
à mieux apprécier la valeur de l’épargne et
remettront leurs économies à la banque, par
l’intermédiaire des collecteurs Susu.
Dans leurs investissements destinés à lever
les contraintes en matière de connaissances et
de compétences, certaines
entreprises partagent les
coûts avec leurs employés ou fournisseurs via
des frais de programme. Ces frais peuvent être
nominaux ou en grande partie symboliques,
le but étant principalement de s’assurer que
les participants soient vraiment motivés. Ils
peuvent aussi représenter une somme importante
et couvrir directement certains coûts du
programme. D’autres entreprises encore
rentrent indirectement dans leurs frais par la
qualité et la productivité gagnées, en faisant
éventuellement signer des contrats pour s’assurer
d’en récolter les bénéfices. Il est ainsi assez
courant d’offrir des programmes d’enseignement
et de formation aux employés, à condition
qu’ils s’engagent à travailler pour la société
pendant un certain nombre d’années. Les
contrats avec les fournisseurs sont souvent
conçus pour permettre de récolter autant de
valeur que possible sur l’assistance que la
société leur fournit. Ainsi, pour récolter les
bénéfices des prêts sans intérêts qu’il consent
aux cultivateurs de son réseau de production
externe au Ghana, ITFC leur demande de
vendre toutes leurs mangues par le biais de
la société jusqu’à ce que leurs prêts soient
remboursés (cf. encadré 4.2).
Sensibiliser et former les consommateurs.
Investir dans les connaissances et les compétences
des consommateurs peut également apporter
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Integrated Tamale FruitCompany (ITFC), un exportateurbasé au Ghana, a beaucoupinvesti dans l’élimination des contraintes liées auxniveaux de connaissances, de compétences etd’accès au financement de ses fournisseurs.
La société prête les apports nécessaires (couteaux,semis, engrais, réservoirs et adduction d’eau, assistance technique) aux producteurs demangues de son réseau externe. Sans cela, ilsseraient obligés d’investir environ 7 000 dollars surcinq ans avant de commencer à bénéficier d’unréel retour sur leurs récoltes. Le coût du matérielprêté doit être remboursé, sans intérêts, à partir dela cinquième année. Environ 30 % des ventes sontalors consacrées au remboursement.
La société dispense également une formation aux producteurs, dont la capacité à rembourser les prêtsdépend de leur capacité à produire de bonnes récoltes. Le faible taux d’alphabétisation ne permettant pas auxagriculteurs d’atteindre les normes internationales, ITFC a commencé par leur enseigner les bonnes pratiques.
Enfin, une autre aptitude nécessaire à la réussite du programme était la capacité des agriculteurs à se fairereprésenter. ITFC les a rassemblés dans une association, l’Organic Mango Outgrowers Association, qui joueun rôle d’intermédiaire entre les agriculteurs et ITFC comme porte-parole et défenseur des agriculteurs etpermet un dialogue plus efficace avec la société. Une transition est prévue pour passer à une structurefinancière basée sur des frais d’adhésion.
Encadré 4.2. Integrated Tamale Fruit Company : investir dans l’éliminationdes contraintes du marché et garantir des récoltes de qualité
un bénéfice très concret et mesurable à une
entreprise, selon les rapports qu’elle a établis
avec les consommateurs et la présence ou non
de concurrents sur le marché. Si l’on se réfère
aux modèles entrepreneuriaux de la base de
données d’ « Entreprendre au bénéfice de tous »,
il s’agit d’une stratégie assez courante pour
stimuler la demande d’un marché. Bien que
certains de ces investissements relèvent
quelquefois du simple marketing destiné à faire
connaître une marque, en d’autres occasions ils
sont nécessaires pour faire comprendre aux
clients l’intérêt d’une proposition des plus
élémentaires. Ainsi, pour stimuler la demande
de ses installations sanitaires dans les commu-
nautés indiennes à faible revenu, Sulabh a
organisé des campagnes de sensibilisation à
l’hygiène. Plus de 10 millions de personnes
utilisent désormais ses installations. Les revenus
de Sulabh s’élevaient en 2005 à 32 millions de
dollars, avec une marge bénéficiaire de 15 %.
De la même manière, Unilever a sensibilisé la
population aux bienfaits pour la santé de se
laver les mains afin de stimuler la demande de
savons Lifebuoy. Dans l’Inde rurale, 70 millions
de personnes ont bénéficié du programme
d’éducation sanitaire d’Unilever, le seul programme
privé d’éducation sanitaire à grande échelle au
monde. Aujourd’hui, Lifebuoy arrive en tête sur
tous les marchés asiatiques où il est présent.2
L’éducation des consommateurs peut
améliorer la réputation d’une société en instau-
rant une certaine confiance dans la marque.
Et sur un marché où il n’y aucun concurrent,
ou très peu, cela peut suffire à consolider
l’avantage de premier venu de la société.
Cependant, plus il y a de concurrents présents
sur un marché (ou y entrant), moins une
entreprise est susceptible de récolter l’intégralité
des bénéfices de ses investissements dans
l’éducation des consommateurs. Cet inconvénient
peut être contourné de façon efficace dans les
industries où les entreprises entretiennent des
relations à plus long terme avec leurs clients.
Dans de tels secteurs, une société peut limiter
l’accès aux services de développement des
connaissances et des compétences à ses seuls
clients. Une société de services financiers peut
ainsi fournir des programmes de formation
financière à ses clients contractant des crédits à
la consommation, ou initier à la comptabilité,
voire à la gestion des entreprises, les petites
entreprises qui empruntent auprès d’elle.
Au Kenya, la banque K-REP offre à ses
clients qui contractent des prêts une formation
élémentaire aux finances, à l’usage responsable
du crédit et aux compétences commerciales.
Des formations de ce type augmentent la valeur
du prêt aux yeux du client, tout en accroissant
sa probabilité de remboursement. De même,
Barclays propose une formation non seulement
aux collecteurs Susu par lesquels elle offre des
services de micro-financement, mais aussi en
bout de chaîne aux clients des collecteurs.
D’autres industries peuvent elles aussi avoir
recours à l’éducation et à la formation des
consommateurs pour aider les catégories à
faible revenu à se servir de façon plus efficace
de leurs produits et services. Patrimonio Hoy,
un programme créé par le géant mexicain
du ciment CEMEX, fournit une aide à la
conception et à la construction des maisons en
plus des matériaux de construction qu’il vend
aux consommateurs mexicains à faibles revenus.
En assurant au programme des résultats sûrs,
durables et attractifs, CEMEX évite les pertes,
améliore l’image de sa marque et alimente le
bouche-à-oreille.
Élaborer des produits et services financiers. Dans certains secteurs, la suppression
des contraintes liées à l’accès des consommateurs
aux services financiers peut créer une valeur
concrète et capitalisable pour les modèles
entrepreneuriaux conçus au bénéfice de tous
en donnant aux consommateurs pauvres la
possibilité de les utiliser. Offrir des crédits à
la consommation est particulièrement utile
pour élargir sa clientèle lorsque de tels prêts
n’existent pas chez les concurrents. Citons
à titre d’exemple Casas Bahia au Brésil, le
système de micro-prêt Patrimonio Hoy de
CEMEX pour les constructeurs de maison ou
Banco Azteca du géant mexicain de la vente
au détail Elekra (que Wal-Mart reproduit
aujourd’hui au Mexique). En Indonésie, par
exemple, les chauffeurs de taxi ne sont pas
considérés comme dignes de crédit ; de ce fait,
il leur est presque impossible d’obtenir un prêt
pour lancer leur entreprise. Par conséquent, la
société de taxi Rajawali a mis au point le
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Madagascar : Des femmes assistent à une formation en gestion financière. Photo : Adam Rogers/FENU
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« Taxicab Ownership Scheme », ou Programme
d’acquisition de taxi, par lequel la société
cautionne les prêts individuels qu’une société
de prêt locale accorde aux chauffeurs de taxi.
Ils sont ensuite remboursés tous les jours sur
une période de cinq ans. Avec un taux par
défaut de 0 % et une meilleure responsabilisation
des chauffeurs, la société fait des bénéfices,
tandis que les 2 257 chauffeurs participants
voient augmenter leurs revenus nets et
acquièrent en outre un profond sentiment
de sécurité et d’opportunité.3
Engranger les bénéfices immatériels.En plus de créer une valeur concrète, le fait
d’éliminer les contraintes en matière de
connaissance, de compétences, d’infrastructure
ou d’accès à divers produits et services finan-
ciers peut créer une valeur immatérielle ou à
plus long terme : pour l’image de la marque,
par exemple, le moral des employés, la réputation
de l’entreprise ou la possibilité de développer de
nouvelles capacités et de renforcer le contexte
concurrentiel de l'entreprise. Saisir une telle
valeur augmente la rentabilité de l’investissement
dans l’élimination des contraintes du marché.
La société indienne Tata Sons Limited a
beaucoup investi dans les conditions de marché
dans les villes où elle est installée, pour toutes
ces raisons liées aux bénéfices immatériels et à
long terme : elle a ainsi fourni l’entretien des
routes, l’eau et l’électricité, l’éclairage public, des
services de santé, des installations sanitaires,
des services d'enseignement, etc. Pour Jamshed
Irani, directeur de Tata : « L’Inde est loin
d’avoir atteint la phase de développement
économique dans laquelle les autorités ont la
responsabilité exclusive des besoins élémen-
taires du public. Nous n’avons pas de sécurité
sociale, ni de services d’enseignement et de
santé appropriés. En attendant, c’est aux
grandes entreprises de combler les manques. »4
En offrant ce type de services, Tata acquiert
aussi une expérience qui lui permet de s’engager
dans de nouvelles activités principales. La
Jamshedpur Utilities & Services Company en
est un exemple. Il s’agit d’une filiale entièrement
autonome de Tata Steel qui s’apprête à exploiter
les opportunités commerciales du marché
inexploité des services municipaux, notamment
l’eau et l’assainissement. Comme l’explique son
directeur général, M. Sanjiv Paul : « Si l’Inde
veut aller de l’avant, ces services devront aussi
un jour ou l’autre être privatisés dans le reste
du pays, et nous serons alors en position
d’élargir la base de nos services. » La Haldia
Development Authority a attribué à Jamshedpur
un contrat d’installation des infrastructures d’eau,
et la société s’est associée avec Veolia Water India
pour répondre ensemble aux appels
d’offre émis par des organisations
publiques et privées. Dans ses plans à court
terme, la société vise des villes telles que Delhi,
Bangalore, Mumbai et Kolkata.5
L’industrie minière sud-africaine constitue un
autre exemple. Comme l’a compris le gouverne-
ment d’après-apartheid, les perspectives de
stabilité politique et de croissance économique
du pays dépendaient des opportunités économiques
accordées aux groupes historiquement défavorisés,
principalement les noirs. Un programme agressif
d’émancipation économique des noirs (ou
BEE, Black Economic Empowerment) a
imposé aux entreprises d’atteindre des objectifs
chiffrés en matière de propriété, d’emploi et
d’achats afin de pouvoir prétendre à l’attribution
de contrats publics. Une société minière, Anglo
American, a augmenté ses achats en provenance
des entreprises engagées dans l’émancipation
économique des noirs en consolidant les
connaissances et compétences des petites
entreprises BEE et en leur facilitant l’accès aux
financements. La société a mis en place un
fonds d’entreprise, Anglo Zimele, pour offrir ces
services de façon commerciale (habituellement
par des actions). Ce fonds est aujourd’hui
extrêmement rentable.6 �
NicaraguaPhoto : Banque Interaméricaine deDéveloppement
Comme indiqué précédemment, investir dansl’élimination des contraintes liées aux informationssur le marché, aux compétences, aux infrastructuresou à l’accès au financement crée une valeur tantpublique que privée. Denmor et l’Integrated
Tamale Fruit Company ne font pas qu’améliorerl’efficacité au travail de leurs employés et deleurs fournisseurs ; ce faisant, ils développentégalement un capital humain qui leur ouvrirad’autres portes économiques à l’avenir. Sulabhet Unilever accroissent peut-être la demandeautour de leurs toilettes et de leur savon, maisils sensibilisent également l’opinion publique àdes questions clés concernant la santé publiqueet réduisent ainsi l’apparition de maladies.Construmex affiche un modèle entrepreneurialque d’autres sociétés, dans le secteur desmatériaux de construction et au-delà, peuventreproduire, offrant ainsi toujours plus d’optionsaux Mexicains émigrés aux États-Unis quisouhaitent aider leur famille restée au pays.
La valeur sociale créée par ces investissementspermet d’envisager un partage des coûts avecdes sources de financement à vocation sociale.Celles-ci peuvent jouer un rôle considérable endonnant aux entrepreneurs et aux entreprisesde plus grande taille la confiance d’investir,mais aussi en permettant à ceux qui n’ont pasles moyens d’extraire suffisamment de valeurprivée de le faire de façon rentable.
Les sources de financement à vocationsociale comprennent, outre les gouvernements,les donateurs internationaux, les mécènes privéset les fonds d’investissements sociaux à but non lucratif. Ces financements permettent ausecteur privé de créer de la valeur sociale en
partageant les coûts principalement de deuxmanières : grâce aux subventions qu’il reçoit et par l’obtention de capitaux dits « patients »ou de capitaux accordés à coût réduit (tauxd’intérêt inférieur aux coûts du marché).
Recourir aux subventions et aux dons.Les subventions et les dons sont des allocationsde capitaux qui ne se remboursent pas. Lessubventions peuvent provenir de l’extérieur ou,tout du moins dans les grandes entreprises, del’intérieur, par l’intermédiaire des départementsà vocation caritative et sociale. Les sources desubventions extérieures habituelles sont lesautorités nationales, étatiques et locales, desdonateurs bilatéraux comme l’Agence françaisede développement (AFD) et l’Agence américainepour le développement international (US Agency
for International Development - USAID). Certainsdonateurs multilatéraux comme la Banquemondiale accordent aussi parfois des subventions.
Les subventions de l’État sont courantesdans de nombreux contextes entrepreneuriaux,allant du soutien à la recherche fondamentaleet au développement, à la promotion de l’exportation. On commence désormais à lesoffrir aux entreprises qui investissent dansl’élimination des contraintes qui affectent lesmarchés des populations pauvres, mais aussidans d'autres aspects du développement demodèles entrepreneuriaux conçus au bénéficede tous, comme les études de faisabilité, lesprojets pilotes et les programmes de formation.Certaines ont pour objectif d’inciter à desinvestissements en une seule fois dans desressources partagées, telles que les routes ou
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C A P I TA L I S E R L A VA L E U R S O C I A L E
Pologne : Les gouvernements locaux dans les zones rurales ont contribué à hauteur de 30% au financement initial de DTC Tyczyn, une coopérative rurale de téléphonie.
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le réseau électrique. D’autres sont destinées àpromouvoir des modèles entrepreneuriaux quiamélioreront la vie des gens de façon continue,en augmentant leurs revenus, en améliorant leursanté, etc. Certaines cumulent ces deux objectifs.Ces deux types de subventions sont des investisse-ments dans la création de valeur sociale.
Au Mozambique, le gouverneur de laprovince de Cabo Delgado a accordé des fondspublics à deux ONG pour qu’elles forment unefiliale à but lucratif baptisée VidaGas, destinéeà fournir aux populations pauvres du gaz depétrole liquéfié (GPL) en remplacement dupétrole. Son activité principale consiste à vendreet distribuer du GPL aux résidents des milieuxruraux, urbains et périurbains du Mozambiqueen tant qu’alternative efficace, propre et rentable,dans le but ultime d’améliorer la santé. EnPologne, les autorités locales des zones ruralesont participé à hauteur de 30 % au financementinitial de DTC Tyczyn, une coopérative detéléphonie rurale ; l’investissement restantprovenait de la vente de parts, des frais de connexion des abonnés et de prêts bancaires àdes taux préférentiels.
Citons à titre d’exemple de financement parun donateur bilatéral d’un modèle entrepreneurialau bénéfice de tous le programme de partenariatpublic-privé de l'Agence allemande de coopérationtechnique (GTZ). Le programme finance lesinvestissements qui n’appartiennent pas aucœur de métier des entreprises tels que lesinvestissements visant à éliminer les contraintesrencontrées sur les marchés des pauvres. Ilcompte parmi ses réussites une startup destinéeà fournir du matériel médical aux hôpitauxpublics de Tanzanie, le développement descapacités en vue d’aider les producteurs detomates ghanéens à collaborer avec Unilever et,au Vietnam, des recherches et des formationspour promouvoir la culture durable du cacaodans la chaîne de valeur de la société Mars. Le ministère britannique du développementinternational (UK’s Department for International
Development, DFID) est un autre exemple d’organisation accordant de telles subventions(cf. encadré 4.4).
Selon le DFID et le Fonds d’équipementdes Nations Unies, l’octroi d’une subventionrelève généralement d’une bonne pratique si cefinancement « sert l’objectif de développementdes institutions et du marché sans trop déformerle marché et sans diminuer les incitations à uneforte performance institutionnelle ».7 Selon leForum de financement du développement, « lescoûts qu’il est judicieux de subventionner sont,par exemple, les coûts initiaux, la recherche et ledéveloppement, les coûts des produits à fortesrépercussions ou à haut risque, les coûts dedéveloppement des capacités des clients et les coûtsde développement de l’accès aux capitaux ».8
À cette liste de coûts qu’il est judicieux de subventionner, Dani Rodrik, professeur d’économie à l'université de Harvard, ajouteceux des formations qui permettent d’acquérirdes compétences techniques, professionnelles etlinguistiques.9 Dans le cas de Rand MerchantBank en Afrique du Sud, 20 % de la subventionde l’Agence française de développement a contribué à former les candidats à des prêtsimmobiliers sur leurs futurs droits et devoirs entant que propriétaires. Une telle formation aideles clients pauvres à tirer le meilleur parti deleurs investissements, améliore les chances d’un remboursement à échéance et, lorsque lesachats immobiliers réussissent, peut encouragerdavantage de clients à acquérir des logements.
Rodrik avertit qu’il n’est pas toujours approprié de subventionner des transactionsdirectes car cela peut facilement « se propagerjusqu’au cœur des processus du marché etentraîner un risque de déformation des prix et des motivations ». Mais il souligne qu’à l’inverse, cela peut aussi créer un effet dedémonstration bienvenu, à condition de semontrer vigilant sur la forme donnée à ces subventions.10 À titre d’exemple de bonne conception, citons la subvention de l’Agence
Les « challenge funds » (fonds de défi) du ministère britannique pour le développement international, quicomprennent le Business Linkage Challenge Fund et leFinancial Deepening Challenge Fund, accordent dessubventions pour les phases préparatoires et lesinvestissements, notamment ceux destinés à éliminerles contraintes qui affectent les marchés des populationspauvres. Ils comptent, entre autres réussites :
� Le service de transactions sur téléphones mobilesM-PESA de Vodafone, au Kenya, auquel souscriventplus de 6 000 personnes par jour.1
� La carte de crédit agricole de Standard Charteredau Pakistan, qui permet aux agriculteurs d’obtenir dessemences et d’autres intrants au début de la saison etde les payer au moment de la récolte.
� Le réseau d’agents de micro-assurance de TATA-AIG en Inde qui, pendant ses trois premières années, avendu plus de 34 000 polices dans les communautésdes agents.2
1. Business Week 2007. 2. Roth et Athreye 2005.
Encadré 4.4. Accorder des subventions pour ledéveloppement de modèles entrepreneuriauxqui prennent en compte les populations pauvres :les « challenge funds » du ministère britanniquepour le développement international
malienne pour le développement de l’énergiedomestique et de l’électrification rurale(Amader), appuyée par l’argent de donateursinternationaux, qui servira à développer dessociétés de fourniture d’énergie rurale. La subvention couvrira plus de 70 % de l’expansionde ces sociétés, ce qui leur permettra de diviserquasiment par deux leurs tarifs et d’offrir auxMaliens un meilleur accès à l’énergie. Si lesmarges bénéficiaires des sociétés dépassent 20 %, l’Amader commencera à diminuer lemontant de la subvention.
Les donateurs bilatéraux et multilatérauxpeuvent imposer des conditions complexes en matière de demandes de subvention et decomptes-rendus sur les répercussions socialesdes projets financés. Les entrepreneurs et lessociétés qui sollicitent leur aide doivent doncévaluer les coûts de transaction. Toutefois, lefinancement qu’ils reçoivent est souvent assortid’avantages tels que l’octroi d’une assistancetechnique, l’ouverture à de nouveaux contacts etdes gains de crédibilité. Les entreprises qui ontsu tirer profit de financements offerts par desdonateurs sont aussi bien grandes que petites.
Pour investir dans l’élimination des contraintes qui affectent les marchés des pauvres,ou plus généralement pour développer desmodèles entrepreneuriaux qui répondent auxbesoins des populations pauvres, les grandesentreprises peuvent également s’appuyer sur lesbudgets qu’elles accordent elles-mêmes aux actionscaritatives, aux activités de plaidoyer et à leursinitiatives de responsabilité sociale. Ainsi, dansla région de Banda Aceh, en Indonésie, où les maisons, usines et infrastructures de baseont été complètement dévastées par le tsunamide 2004, Lafarge, une société française du bâti-ment, a choisi d’investir dans des infrastructureslocales lors de la reconstruction et de la réouverture de sa cimenterie. Elle a construit500 maisons, écoles et mosquées qui profitentautant aux habitants de la région qu’auxemployés de
Lafarge. En plus d’améliorer l’image locale de Lafarge, l’initiative a mis en exergue lesavantages qu’offrent les matériaux à base deciment dans la construction des maisons.
Les personnes qui supervisent les budgetsd’entreprise destinés aux œuvres caritatives, auxaffaires publiques et à la responsabilité socialepeuvent souvent contribuer au développementde modèles entrepreneuriaux qui opèrent aubénéfice de tous. Certaines d’entre elles sontmême expressément chargées d’investir dansl’élimination des contraintes du marché. Unemauvaise santé publique, par exemple, faitbaisser la productivité et augmente les coûtsliés à la rotation des employés. Des entreprisescomme les sociétés minières Lonmin11 etAnglo American,12 installées dans des paysd’Afrique subsaharienne où le VIH/sida estfortement répandu, ont instauré des programmesconséquents de responsabilité sociale des entreprises afin de fournir des conseils, des tests de dépistage et des soins à leurs employés.
Les réductions fiscales peuvent aussi constituer des motivations clés pour les entreprises. En Afrique du Sud, par exemple, le gouvernement a mis en place un programmed’investissement stratégique (SIP) offrant desallègements fiscaux pour inciter des sociétéstelles qu’Aspen Pharmacare à investir dans laconstruction de laboratoires de productiond’antirétroviraux génériques destinés auxmalades du Sida. Aspen Pharmacare couvre à présent environ 60 % des besoins actuels du programme national de traitementsantirétroviraux d’Afrique du Sud.
Financer par des capitaux patients ou des capitaux à coûts réduits. À ladifférence des organismes qui offrent des subventions, les investisseurs qui proposent du« capital patient » ou du capital à coût réduits’attendent à un retour, petit ou grand, sur leursinvestissements dans des modèles entrepre-neuriaux destinés à répondre aux besoins despopulations pauvres. En Équateur, par exemple,Hogar de Cristo, une organisation immobilièreà but non lucratif qui construit des logementsdestinés à la vente et fournit des produitshypothécaires aux populations pauvres, a reçuune longue série de prêts patients de l’IADB (laBanque Interaméricaine de Développement),qui serviront entre autres choses à développerses gammes de maisons à structure en acier etde produits de micro-crédit, tout en renforçantsa gestion financière afin de limiter les créancesdouteuses.13 De tels investisseurs sont prêts àassumer les coûts d’opportunité associés auxretours inférieurs à ceux du marché ou à pluslong terme que les modèles entrepreneuriaux aubénéfice de tous sont susceptibles de générer,que ce soit pour des motifs économiques, par
64 L E S E N T R E P R I S E S F A C E A U X D É F I S D E L A P A U V R E T É : D E S S T R A T É G I E S G A G N A N T E S
MexiquePhoto : Banque Interaméricaine de développement
C H A P I T R E 4 . I N V E S T I R D A N S L ’ É L I M I N A T I O N D E S C O N T R A I N T E S D U M A R C H É 65
incertitude ou en raison de la nécessité d’investir
dans l’élimination des contraintes du marché.
En plus d’une valeur financière, ils cherchent à
générer une valeur sociale. Ils investissent dans
des entreprises parce qu’ils sont convaincus que
des modèles rentables peuvent générer une valeur
sociale de façon plus efficace et plus durable.
Les capitaux patients et à coût réduit
proviennent de différentes sources, notamment
d’entreprises, de fondations, d’organisations non
gouvernementales, d’agences gouvernementales,
et de fonds d’investissement à « valeur mixte »,
qui peuvent comprendre des capitaux
provenant de toutes les sources précitées.14
Chacune de ces sources peut poser des
conditions différentes concernant l’amplitude
des retours financiers et sociaux attendus et
l’équilibre entre ceux-ci. Habituellement, plus
le retour financier attendu est faible, plus le
retour social attendu est élevé, et plus les comptes-
rendus exigés en matière de performance ou
d’impact social sont draconiens.
Des sources différentes peuvent aussi avoir
des attentes variées concernant l’époque à
laquelle les retours financiers ou sociaux devront
commencer à se concrétiser. Certaines sources de
capital patient sont plus patientes que d’autres.
Comme pour les investissements commerciaux
traditionnels, les investisseurs à vocation sociale
ont des préférences variées concernant la
taille, le secteur d’activité, le pays d’origine
ou d’accueil ou d’autres caractéristiques des
entreprises dans lesquelles ils investissent.
À titre d’exemples des avantages dont les
modèles entrepreneuriaux visant à servir les
besoins des populations pauvres ont bénéficié
grâce à un financement à « valeur
mixte », citons :
� Un partenariat public-privé sur la production de moustiquaires traitées àl’insecticide pour prévenir le paludisme.Grâce à un prêt de capital patient d’Acumen
Fund, Sumitomo a transféré sa technologie
et ses produits chimiques à l’usine A to Z
Textile Mills. A to Z achète la résine pour
les moustiquaires auprès d’ExxonMobil, qui
a donné des fonds à l’UNICEF visant à
financer des moustiquaires longue durée
destinées aux enfants les plus vulnérables.
A to Z produit aujourd’hui 8 millions de
moustiquaires par an ; elle compte environ
5 000 employés (contre 1 000 avant sa
Illustration 4.1. Synthèse : différentes façons d’investir pour éliminerles contraintes des marchés
Tirer parti des atouts despopulationspauvres
Combiner les ressourceset les capacitésde différentsacteurs
Se concerteravec les gouvernementssur la politiqueà suivre
Stratégie 2
Investir dans l’élimination des contraintes du marché
Adapter lesproduits et les processus
Contraintes
� Réaliser des études de marché
� Élaborer des produits et services financiers
� Mettre en place les infrastructures
� Améliorer l’efficacité des fournisseurs
� Sensibiliser et former les consommateurs
� Engranger les bénéficesimmatériels
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sInformations sur le marché
Cadre réglementaire
Infrastructuresmatérielles
Connaissanceset compétences
Accès aux services financiers
66 L E S E N T R E P R I S E S F A C E A U X D É F I S D E L A P A U V R E T É : D E S S T R A T É G I E S G A G N A N T E S
1 Porter 19982 IRC 20073 Ganchero, Elvie Grace and Chrysanti Hasibuan-Sedyono. 2007. Rajawali’s Express Taxi:
Working with Taxi Drivers as Business Partners in Indonesia. UNDP, p.94 The Indian Express 2005.5 Sites Web de Tata (2005) et de Madhukar (2006).6 Wise et Sokol 20077 Département des affaires économiques et sociales et Fonds d’équipement des
Nations Unies (FENU), 2006, p. 109 de la version anglaise. 8 Département des affaires économiques et sociales et Fonds d’équipement des
Nations Unies (FENU), 2006, pp. 49-51 de la version anglaise.9 Rodrik 2004, p.28.10 Gibson, Scott et Ferrand 2004, p.20.11 Site Web de Lonmin (http://www.lonmin.com/main.aspx?pageId=111)12 Arnst 2004. 13 Constance 2007.14 WEF et Global Foundation Leaders Advisory Group 2005, p.3. 15 Novogratz 2007. 16 Advanced Bio-Extracts Limited 2007. 17 Pour d’autres exemples en Égypte, voir Iskandar 2007.
« découverte » par Acumen Fund), dont 90 % sont des femmes non qualifiées.En plus d’avoir permis l’essor de
l’entreprise, le capital patient lui a égalementpermis d’enrichir son expérience et de seperfectionner jusqu’à ce que ses évaluationsdes coûts et des tarifs soient conformes auxmarchés des communautés locales.
� Au Kenya, une société holding privéeproduisant principalement de l’artémisi-nine et des dérivés de l’artémisinine (l'un des principes actifs de base utiliséspour soigner le paludisme) de qualitépharmaceutique à faible coût. AdvancedBio Extracts Ltd a démarré avec l’aide d’uncapital patient fourni par Novartis, qui aassorti son investissement d’une assistanceen gestion et en stratégie, tout en acceptantdes retours inférieurs à ceux du marché.15
Ce capital patient a également permis àl’entreprise de surmonter une crise des cultures de rapport et a contribué à faireentrer l’usine dans le classement mondial de qualité. Tout cela a débouché sur uneentreprise florissante vantant des externalitéspositives dans le domaine de la santé, mais
aussi pour l’économie locale : la société se
fournit auprès de 7 500 agriculteurs locaux
pour qui le maïs aurait rapporté moins
que cette plante.16
� Une entreprise égyptienne consacrée àl’agriculture biodynamique. Sekem, qui
collabore avec des partenaires commerciaux
en Allemagne et aux Pays-Bas, a obtenu des
aides financières provenant d’organisations
telles que la Commission européenne, la
Fondation Ford, l’Agence américaine pour
le développement international, l’Acumen
Fund et l’Organisation financière de
développement allemande (DEG). La
Société financière internationale (IFC) a
fourni un prêt de 5 millions de dollars ainsi
que son assistance technique pour permettre
de renforcer les liens de la chaîne logistique
avec les agriculteurs. Sekem s’est développé :
ses recettes atteignaient 19 millions de dollars
en 2005, pour une main-d’œuvre de 2 850
employés et petits agriculteurs. Environ
25 000 personnes bénéficient de ses initiatives
en matière de développement.17
Les coûts réduits et les capitaux patients ont
jusqu’à présent eu tendance à s’investir dans
des petites entreprises en phase de lancement,
voire des entreprises à vocation sociale
financièrement durables, plutôt que dans des
projets entrepreneuriaux venant de sociétés
plus importantes et mieux établies comme les
multinationales. Ils sont souvent accompagnés
d’une assistance technique, par exemple dans
les domaines de la gestion, de la planification
économique ou consistant en une mise en
rapport avec des interlocuteurs économiques ou
des financiers pour les étapes ultérieures. �
Egypte : La force de travail de Sekemcompte 2 850employés et petitsproducteurs, et près de 25 000 per-sonnes bénéficientde ses initiatives dedéveloppement.Photo : Sekem
67
Kenya : The HealthStoreFoundation engage desinfirmières et des aidessoignants locaux commemicro-franchisés de cliniques et boutiquespharmaceutiques à but lucratif situées dans les bidonvilles. Photo reproduite avec l’aimable autorisation de Acumen Fund
5 T I R E R PA R T I D E S AT O U T S D E S P O P U L AT I O N S PA U V R E S
Il peut se révéler extrêmement difficile de créer des modèles
entrepreneuriaux qui œuvrent au bénéfice des populations pauvres, en particulier
pour les entreprises n’ayant pas l’expérience de faire affaire avec elles. C’est au sein
des populations pauvres elles-mêmes que l’on trouve certaines des plus grandes
ressources permettant de surmonter cette difficulté.
Tirer parti des atouts des populations pauvres, travailler avec elles et mettre à
profit leurs réseaux sociaux, c’est être au plus près de leurs communautés. La prise
en charge par les populations pauvres de certaines tâches d’un modèle entrepreneurial
permet de diminuer les coûts de transaction de l’entreprise tout en offrant à ces
personnes de nouvelles opportunités de revenus. En outre, les pauvres se révèlent des
partenaires fiables, qui parviennent efficacement à connecter leur communauté avec le
marché dans son ensemble. Ils possèdent les connaissances et la motivation nécessaires
pour réussir cette mise en relation, et leurs forts réseaux sociaux les aident souvent à
compenser l’absence de conditions favorables et à pallier les déficiences du marché
(cf. encadré 5.1).
Comme le montre la grille de stratégies (cf. illustration II.1), les modèles
entrepreneuriaux analysés dans ce rapport tirent fréquemment parti des atouts
des populations pauvres pour faire front à la plupart des cinq grandes contraintes
discutées au chapitre 2 – mais le plus souvent,
ils ont recours à cette stratégie pour pallier le
manque d’information sur les marchés.
Entreprendre avec les communautés pauvres
est un processus d’apprentissage mutuel. Les
entreprises découvrent les préférences, les
besoins et les capacités correspondant à chaque
lieu. Elles apprennent à concevoir des procédés
adaptés au marché et à rendre les collaborations
fructueuses. Les pauvres sont mieux informés,
perfectionnent leurs aptitudes, assument de
nouveaux rôles et prennent confiance.1
Les pratiques en matière de développement
ont débouché sur un foisonnement de méthodes
et d’approches pour impliquer les populations
pauvres, essentiellement parce que les experts en
développement ont compris depuis longtemps
que deux ingrédients étaient indispensables
pour réussir à travailler dans les communautés
pauvres : l’intégration locale et la confiance.
L’intégration locale permet d’accéder aux
ressources et réseaux locaux ainsi qu’à des
informations pointues, ce qui favorise l’efficacité
des opérations et le développement de la confiance.
Or, la confiance est un atout essentiel dans les
endroits où la pauvreté est très répandue et où
les systèmes formels courants dans les pays
développés (pour faire respecter les contrats,
par exemple) sont en grande partie absents.
L’intégration locale et la confiance sont
aussi une condition de réussite des modèles
entrepreneuriaux conçus au bénéfice de tous.2
L’expérience personnelle et les relations sont
des éléments déterminants dans les décisions
que prennent les personnes pauvres. Elles
accueillent avec méfiance les nouveaux venus sur
68 L E S E N T R E P R I S E S F A C E A U X D É F I S D E L A P A U V R E T É : D E S S T R A T É G I E S G A G N A N T E S
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S T R A T E G I E S
Adapter lesproduits et lesprocessus
Investir dansl’éliminationdes contraintesdu marché
Tirer parti des atouts despopulationspauvres
Combiner lesressources etles capacitésde différentsacteurs
Se concerteravec les gouvernementssur la politiqueà suivre
Informations sur le marché
Cadre réglementaire
Infrastructuresmatérielles
Connaissances et compétences
Accès aux services
financiers
Le paludisme touche près de 300 millionsde personnes à travers le monde. C’est
l’une des nombreuses maladies infectieuses,responsables de 70 à 90 % des pathologies et de la mortalité infantiles dans les pays en développement,qui peuvent être soignées par des médicaments génériques peu coûteux. Pourtant, par manque de médicaments, plus de 25 000 enfants meurent chaque jour de ces maladies.
Lorsque Scott Hillstrom, fondateur de The HealthStore Foundation, a analysé le marché des médicaments au Kenya, il a découvert un système délabré, chichement pourvu en produits de mauvaise qualité. Dans lemême temps, il y a vu une opportunité « d’éviter des morts et des maladies inutiles dans les pays endéveloppement en améliorant durablement l'accès aux médicaments essentiels et aux services de santé de base ». Scott est parti du principe que si les gens vendaient de mauvais médicaments pour se faire del’argent, ils pouvaient gagner tout autant en vendant de bons médicaments. Son plus grand défi était d’acheminer les médicaments dans les parties les plus reculées du Kenya. Si 80 % des docteurs kenyansvivaient dans les villes, 70 % de la population vivait dans les régions rurales. Le besoin de médicaments étaitplus grand dans ces régions, mais elles ne comptaient que très peu de dispensaires ou de pharmacies, et lemauvais état des routes rendait de nombreux villages difficiles d’accès. Scott s’est ainsi fixé pour objectif dedoter ces régions de médicaments de qualité à un prix raisonnable et de créer des dispensaires situés àmoins d’une heure de marche de ceux à qui ils étaient destinés.
Pour atteindre ces objectifs, l’entreprise de Scott avait besoin de constituer son propre marché, de sensibiliserles communautés rurales kenyanes et de trouver des moyens novateurs de s’assurer que les contrats y sontrespectés. En l’absence de médias fiables ou de mécanisme d’astreinte juridique, la seule manière de créerun marché pour ses médicaments (sensibiliser l’opinion aux questions de santé, assurer des soins de qualitéet, dans le même temps, garantir la rentabilité des boutiques de The HealthStore Foundation) consistait àgagner la confiance des communautés.
La solution de Scott a été d’engager des membres de chaque communauté en tant que micro-franchiséspour créer des réseaux locaux de distribution de médicaments. Propriété d’infirmiers ou d’agents sanitairesdes collectivités connaissant les besoins de leurs clients, ces franchises à but lucratif permettent à
Encadré 5.1. Étude de cas – The HealthStore Foundation :fournir des services médicaux dans les régions reculées
C H A P I T R E 5 . T I R E R P A R T I D E S A T O U T S D E S P O P U L A T I O N S P A U V R E S 69
Les sociétés qui intègrent les populations pauvres
dans leur chaîne de valeurs entrepreneuriales
bénéficient de leurs deux atouts de poids : leurs
connaissances du milieu et leurs relations de
confiance. En retour, les pauvres retirent de
nouvelles sources de revenu et de nouvelles
compétences. Les modèles entrepreneuriaux qui
opèrent en faveur des populations pauvres peuvent :
� Faire participer les populations pauvres
aux études de marché.
� Former les pauvres pour qu’ils deviennent
à leur tour des formateurs.
� Développer des réseaux logistiques locaux.
� Mettre en place des services de proximité.
� Co-innover avec les populations pauvres.
Faire participer les populations pauvresaux études de marché. Depuis les années
1980, de nombreux outils et techniques ont été
le marché, jusqu’à ce qu’elles soient convaincues
qu’elles peuvent leur faire confiance.
Sur les marchés des populations pauvres, les
résidents et les organisations locales disposent de connaissances et d’un tissu de relations
qui leur confèrent un avantage sur tous les nouveaux venus extérieurs. Les habitants
n’ont pas besoin d’établir des rapports et d’entretenir la confiance, de s’immerger dans
l’environnement pour le comprendre ou de se renseigner sur les pratiques et les besoins
locaux. Pour mieux comprendre les marchés qu’ils visent et y développer des relations
avec des fournisseurs et des clients, les modèles entrepreneuriaux qui cherchent à inclure
les populations pauvres peuvent utiliser des méthodes de développement déjà éprouvées,
allant des méthodes d’évaluation participative rurale, qui s’appuient sur les connaissances
locales pour procéder à l’évaluation des situations, aux techniques d’organisation des
communautés et de prise de décision au niveau local. �
The HealthStore Foundation de distribuer suffisamment de médicaments à des prix raisonnables et de fournir desservices de soins médicaux élémentaires à beaucoup de communautés reculées.
Grâce aux recommandations des organisations cultuelles, The HealthStore Foundation recrute des franchisés qui ontle sens des affaires, une forte personnalité et de bonnes relations au sein de la communauté. Elle leur accorde desprêts initiaux et leur offre un soutien permanent, notamment en termes de formation, de logistique, de financementet de marketing. En retour, ceux-ci acceptent de payer une contribution, de respecter les normes instaurées par lamarque et de prospecter leur communauté.
Le modèle s’est révélé une réussite. Sur la seule année 2005, plus de 400 000 patients aux revenus faibles ont étésoignés dans 66 cabinets répartis sur 11 districts kenyans. Millicent Alma Odhiambo, qui a été la première à ouvrir undispensaire CFW (Child and Family Wellness – Bien-être de l’Enfant et de la Famille) dans le bidonville de Kibera en2004, a gagné la confiance de sa communauté et touche désormais entre 1 000 et 1 280 dollars par mois. Son activitéest si florissante qu’elle a pu emmener sa famille en vacances pour la première fois, envoyer son fils dans une écoleprivée, et elle envisage d’acheter une maison.
Dora Nyanja, une autre infirmière sous franchise,contribue elle aussi à transformer sa communauté,tout en percevant un revenu décent et enacquérant confiance en elle. La vague de violencequi a récemment secoué le Kenya, a révélé defaçon saisissante à quel point l’entreprise de Dora –donc celle de Scott – compte pour les pauvres dupays : « Ils ont convaincu la milice d’épargner mondispensaire. Ils ont dit qu’ils avaient besoin de cesservices médicaux et que j’étais là pour les aider. En fin de compte, ils souffriraient tous de perdreleur pharmacie et leur petit dispensaire. »3
1 OMS 2007. 2 Déclaration de mission de The HealthStoreFoundation. 3 CARE Newsletter, janvier 2008
I M P L I Q U E R L E S PA U V R E S I N D I V I D U E L L E M E N T
mis au point
pour recueillir
des informations
auprès des populations pauvres. Les évaluations
participatives rurales en sont un exemple : elles
recourent à la communication orale plutôt qu’écrite
et réduisent la distance entre les enquêteurs
et les pauvres. L’expérience de ces évaluations
participatives rurales a montré que les habitants
d’un village peuvent décrire les atouts et les
caractéristiques des familles locales avec une
précision étonnante. Plusieurs études indiquent
que ces estimations peuvent être tout aussi précises
que des évaluations formelles, tout en requérant
beaucoup moins de temps et d’argent.3
De façon similaire, les enquêtes sur l’habitat
dans les bidonvilles peuvent être efficaces pour
renseigner sur des environnements de marché
peu familiers. En 2005, le Centre d’études
urbaines du Bangladesh en collaboration avec
l’Agence américaine pour le développement
international (USAID), a entrepris une vaste
étude des bidonvilles pour savoir quels étaient
les plus importants d’entre eux (en termes de
taille de la population et de nombre de foyers)
et de recenser certaines données à leur sujet,
comme leur source d’approvisionnement en
eau, leurs systèmes d’assainissement et leur
source d’alimentation en électricité. Une équipe
d’enquêteurs de terrain dûment formés s’est
rendue dans ces bidonvilles où elle a trouvé
d’excellents informateurs (notamment des
responsables et notables locaux, des enseignants,
des commerçants et des employés d’ONG), qui
ont fait part de leurs connaissances sur les habi-
tants et les caractéristiques de chaque quartier.4
Dans certains cas, les technologies de
l’information et des communications peuvent
être mises à profit pour rendre plus efficace les
collectes d’informations sur un marché déterminé
qui se font en ayant recours aux membres des
communautés concernées. Dans le domaine
agricole, il est important pour les acheteurs
comme pour les vendeurs de savoir en temps
utile qui produit quoi. Les prix peuvent
se montrer extrêmement volatils si aucun
mécanisme n’est mis en place pour équilibrer
les variations de la production locale. Dans les
centres d’information rurale du fournisseur
chinois d’informatique Tsinghua Tongfang
(THTF), les agents de service recueillent
des informations auprès des agriculteurs qui
viennent eux-mêmes pour se renseigner sur
les prévisions météorologiques ou d’autres
informations telles que les personnes à joindre
chez un fournisseur. Les agents les interrogent
sur leur production actuelle et prévue, puis
entrent leurs réponses sur le site web du
Centre d’information rurale de Pékin. Ces
informations permettent aux autres agriculteurs
d’adapter leur production et d’augmenter
ainsi leurs revenus. Elles permettent aussi aux
acheteurs de produits agricoles (les détaillants,
par exemple, ou les fabricants de produits
alimentaires pour l’homme et l’animal) de
savoir où se les procurer.
Former les pauvres pour qu’ils devien-nent à leur tour des formateurs. La
réussite des modèles entrepreneuriaux conçus
au bénéfice de tous passe souvent par des
investissements dans la formation et l’éducation,
qui peuvent s’avérer relativement onéreux. En
revanche, former des membres de la communauté
pour qu’ils deviennent à leur tour des formateurs
et des éducateurs peut permettre de répercuter
les avantages d’une formation bien au-delà du
cercle initial des personnes formées, selon un
effet « boule de neige ». Les formateurs locaux
parlent la langue de la communauté locale et
jouissent de sa confiance. En outre, permettre
aux pauvres de devenir des formateurs les
démarginalise et leur confère un statut
particulier dans leur communauté.
Les formations dispensées entre agriculteurs
ont contribué avec succès à enrichir les pratiques
agricoles. Les nouvelles méthodes de culture ou
d’élevage sont diffusées grâce à des apprentissages
en groupe, où un agriculteur guide les autres.
Cette démarche a prouvé son efficacité, non
seulement parce que les agriculteurs prennent
70 L E S E N T R E P R I S E S F A C E A U X D É F I S D E L A P A U V R E T É : D E S S T R A T É G I E S G A G N A N T E S
Chine : Des informations relativesà la production planifiée des fermierssont disponibles sur le site Web duCentre d’Information Rural de Pékin,permettant à d’autres fermiers d’ajuster leurs propres plans.
C H A P I T R E 5 . T I R E R P A R T I D E S A T O U T S D E S P O P U L A T I O N S P A U V R E S 71
au sérieux les conseils de leurs pairs, mais
aussi parce que les pratiques enseignées sont
adaptées aux conditions locales. Le processus
de formation comprend ainsi un composant
naturellement novateur, car les agriculteurs
sont incités à faire des expériences et à
comparer les alternatives.
Le secteur bancaire a aussi organisé
avec succès des formations menées par des
instructeurs issus des communautés auxquelles
elles sont destinées. Les banques commerciales
sud-africaines Nedbank et Rand Merchant
Bank (RMB) proposent ainsi des programmes
de mentorat communautaire (« Community
Mentorship Programs »), destinés à faire
connaître leurs produits auprès des clients
résidant dans des quartiers habités par des
populations à bas revenus. En collaboration
avec l’Agence française de développement, les
deux banques offrent des produits financiers
novateurs spécialement destinés au marché
immobilier des personnes à bas revenus. Nedbank
et RMB forment des mentors de la communauté
sur leurs services, et ces mentors transmettent
ce qu’ils savent aux clients potentiels. Ce
programme instruit ainsi des clients ciblés tout
en instaurant la confiance et en contribuant à
combler le fossé que l’apartheid a creusé entre
les financiers blancs et les clients noirs.
Développer des réseaux logistiqueslocaux. L’implication des membres des
communautés pauvres peut aider les entreprises
à répondre aux défis liés à la collecte, la distri-
bution et la vente sur des marchés sur lesquels
les infrastructures matérielles et les systèmes
logistiques en place sont défaillants. Une
entreprise pourra par exemple choisir de
s’associer à de petits distributeurs ou four-
nisseurs pour proposer un nouveau produit.
Aux Philippines, l’entreprise RiteMed s’est
associée à des drogueries et a convaincu leurs
responsables de l’intérêt commercial de vendre
des médicaments génériques en plus grosses
quantités en contrepartie d’une marge
bénéficiaire réduite. Ce partenariat a permis à
RiteMed d’enregistrer un chiffre de ventes de
20 millions de dollars en 2006. Au Mexique,
le réseau de distribution de matériaux de
construction de CEMEX compte plus de 2 000
commerces de détail de petite à moyenne taille
répartis entre villes et campagne.
La micro-franchise peut aussi servir la
montée en puissance des réseaux de distribution
locaux. Le principe de la micro-franchise,
identique à celui de son aîné, repose sur un
modèle économique simplifié et aisément
reproductible. Pour qu’il puisse fonctionner à
l’échelle « micro », ce modèle doit permettre de
réussir avec un investissement de départ faible
(cet investissement peut être aidé par la mise
en place d’un système de microcrédit, afin
d’éviter aux franchisés de devoir commencer à
rembourser de façon trop précoce). Ce système
permet aux franchisés de bénéficier d’un
modèle économique clés en mains éprouvé et
qui implique moins de risques et d’expérimen-
tations qu’une création d’entreprise. Le système
de la micro-franchise permet également de
disposer de services d’infrastructure qui
rendent possible la prise en charge d’activités
allant du développement de produits à la
gestion de la chaîne d’approvisionnement et à
la formation. Les micro-franchises développées
par The HealthStore Foundation au Kenya
sont un bel exemple de réussite de ce système
(cf. encadré 5.1).
Mettre en place des services de proximité. Les fournisseurs de services et de
maintenance doivent être capables de répondre
rapidement aux besoins de leurs clients.
Toutefois, cette mission s’avère pour le moins
difficile dans les zones où les populations
sont généralement assez dispersées et où
les infrastructures matérielles et les réseaux
logistiques disponibles sont inadaptés. Seule
la mise en place d’un service de proximité
peut permettre de répondre à ce problème.
L’entreprise Lydec fait appel à des
« représentants de rue » pour gérer ses
opérations sur les réseaux de distribution d’eau
potable et d’électricité dans les bidonvilles de
Casablanca. Issus de la communauté locale,
ces représentants coordonnent le travail au
quotidien, chacun d’entre eux ayant également
Madagascar : Des formations fermier-à-fermier peuvent diffuserles pratiques agricoles avec succès. Photo : Adam Rogers/FENU
la charge d’environ
20 foyers, auxquels il
apporte son assistance
technique et dont il collecte le règlement des
factures. Plus que pour tout autre service, la
réussite de services de santé se mesure à la
régularité et à la fiabilité avec lesquelles ils
sont fournis. Les taux de mortalité infantile
particulièrement élevés rencontrés dans les
pays en développement s’expliquent en grande
partie par le manque de surveillance médicale
et un accès limité aux systèmes de santé. Le
projet Pésinet, au Mali, a mis en place un
service d’alerte précoce et de surveillance de
la santé des jeunes enfants afin de détecter
suffisamment tôt des maladies potentiellement
mortelles telles que le paludisme ou la rougeole.
Associant les technologies novatrices à la
mobilisation communautaire, l’organisation
a mis sur pied un puissant modèle de suivi
sanitaire efficace. Pésinet repère et forme des
représentants locaux – essentiellement des
femmes - dans la périphérie de Bamako. Les
parents qui s’inscrivent pour bénéficier du
programme font peser leurs enfants deux fois
par semaine par les « femmes Pésinet » qui
transmettent les données par voie électronique
à un médecin associé au programme.
Lorsqu’apparaît une anomalie pondérale, le
médecin demande à recevoir l’enfant concerné
en consultation. Un seul médecin peut suivre
jusqu’à 2 000 enfants. La viabilité financière
du projet est atteinte à partir d’un nombre
de 1 200 enfants inscrits, le montant de
l’abonnement mensuel au programme ne
dépassant pas 1,05 dollar par enfant.
Co-innover avec les populations pauvres.Les populations pauvres peuvent contribuer à
chaque étape de la chaîne de valeur et devenir
innovatrices, aidant au développement de
nouveaux modèles entrepreneuriaux.
L’intégration du consommateur pauvre dans
le processus d’innovation permet :
� de collecter des informations sur les
consommateurs et l’usage qu’ils font d’un
produit spécifique.
� d’accéder aux connaissances tacites :
ces informations que possèdent les
consommateurs mais qu’ils ne transmettent
pas a priori, car ils ne sont pas conscients
de leur importance ou ne savent pas forcé-
ment les verbaliser.
� d’identifier des besoins et des solutions.
Comme l’explique Ted London,Directeur de
l’initiative Base de la Pyramide à l’Institut
William Davidson de l’Université du Michigan,
une approche de développement commercial
conçue au bénéfice de tous peut « combiner
les connaissances élaborées au sommet de la
pyramide avec la sagesse et l’expérience de sa
base, de façon à s’insérer de façon optimale
dans l’environnement local et à faciliter la
détection de nouvelles opportunités de servir
[les pauvres] ».5 Trois outils paraissent
particulièrement prometteurs dans cette
optique : la méthode de l’utilisateur pilote,
l’immersion et les ateliers d’innovation.
Le concept d’utilisateur pilote développé
par le professeur Eric von Hippel, qui dirige
le Groupe sur l’innovation et l’entrepreneriat
de la Sloan School of Management du
Massachussetts Institute of Technology, est
largement repris dans les stratégies d’innovation
orientée par les consommateurs qui voient
le jour aujourd’hui. Les besoins actuels des
utilisateurs pilotes sont les futurs besoins
des autres utilisateurs. Comme ils perçoivent
les avantages qu’ils pourraient trouver en
satisfaisant ces besoins, ils développent des
idées afin de les satisfaire en utilisant ou en
adaptant des produits existants.6 C’est ainsi que
Haier, fabricant chinois d’appareils électro-
ménagers, a découvert que ses clients utilisaient
ses machines à laver non seulement pour laver
leur linge, mais également pour laver les
légumes. Haier a donc décidé de modifier ses
machines de façon à ce qu’elles soient plus
performantes dans cette nouvelle fonction.
Trouvant son origine dans les pratiques
de développement et les recherches sur
l’anthropologie, l’immersion implique
l’intégration prolongée dans des communautés
pauvres, en tant que participant et non plus
simple observateur. Dans cette optique, des
représentants de l’entreprise ou des facilitateurs
de projets visitent un quartier défavorisé, un
bidonville ou un village rural sur une période
de deux à trois mois, nouant des relations et
les utilisant afin de mettre au point un modèle
72 L E S E N T R E P R I S E S F A C E A U X D É F I S D E L A P A U V R E T É : D E S S T R A T É G I E S G A G N A N T E S
Bénin : Pharmaciennedans son dispensaire.Photo : UNICEF/Julie Pudlowski
C H A P I T R E 5 . T I R E R P A R T I D E S A T O U T S D E S P O P U L A T I O N S P A U V R E S 73
économique et des réseaux sur lesquels déployer
ce modèle.7 Plusieurs entreprises, telles
qu’Intel, Nokia et Motorola, font appel à
ces anthropologues d’un nouveau type ou
« chercheurs du comportement humain » qui,
dans le cadre d’une immersion totale, sondent
les utilisateurs potentiels de façon à dessiner
une carte des fonctionnalités possibles d’un
produit. Le New York Times a dévoilé la stratégie
de Nokia qui, influencé par l’étude d’un anthro-
pologue ayant montré les habitudes de partage
des téléphones portables au sein des familles ou
des quartiers, a décidé de mettre
au point des téléphones pouvant contenir
jusqu’à sept répertoires différents. Soit autant
de répertoires que d’utilisateurs potentiels.8
Le concept d’immersion a été intégré au proto-
cole BOP (Base of the Pyramid) dirigé par le
Professeur Stuart Hart de la Johnson School
de l’Université Cornell, afin de comprendre les
conditions des marchés cibles et de « co-créer »
des modèles entrepreneuriaux conçus au
bénéfice de tous.9
Les ateliers d’innovation peuvent être un
autre moyen efficace d’impliquer des consom-
mateurs pauvres dans le développement d’une
entreprise bénéficiant déjà d’un bon réseau
communautaire et de connexions sur le plan
local. Un atelier bien conçu a pour effet de
générer une interaction créative entre
l’entreprise et les consommateurs, lesquels
partagent leurs connaissances sur les utilisations
d’un produit (et de ses produits associés).
L’exploitation de ces connaissances, combinée
à l’expertise technique de l’entreprise, peut don-
ner naissance à de nouvelles solutions.10
L’exemple de la banque kenyane K-REP,
spécialisée dans le microcrédit, l’illustre bien :
elle organise des rencontres avec ses clients
afin de solliciter leur opinion et ainsi d’améliorer
la qualité de ses services. Certaines des
innovations les plus prometteuses de K-REP,
dont les prêts à taille flexible et l’organisation
de réunions de groupes plus fréquentes, ont
vu le jour grâce à ces interactions.
La nécessité est la mère de l’invention, dit
le proverbe. Avec des ressources modestes et un
accès limité aux biens et services, les pauvres
doivent inventer pour s’en sortir. Les faire
participer au développement d’une entreprise,
d’une façon qui encourage et valorise leur
participation, peut permettre de donner vie
à des idées qui contribueront à améliorer la
conception des produits de l’entreprise. Ce
dispositif permet non seulement aux pauvres
d’accéder à de meilleurs produits, mais
également de se faire entendre. �
Bangladesh : Un groupe de femmes locales fournit des enseigne-ments en matière de nutrition, de santé et de mathématiques élémentaires pour aider à développer des compétences commercialesde base. Photo : Shehzad Noorani/Banque mondiale
Une communauté est plus que la simple
addition des membres qui la composent.
Lorsque la pauvreté domine, les règles
informelles établies et appliquées dans une
communauté s’avèrent souvent plus fortes que
les règles officielles. En outre, une communauté
promeut l’entraide entre ses membres, le partage
des ressources et la coopération afin de mettre
à la disposition de tous des biens communs
(puits, moulins, écoles), voire des infrastructures
d’épargne, de crédit ou d’assurance.
La collaboration avec les communautés
pauvres dans le cadre de modèles entrepre-
neuriaux conçus au bénéfice de tous permet :
� d’exploiter les mécanismes informels
d’exécution des contrats.
� de développer des dispositifs de partage
des risques.
� de coordonner des investissements dans
des biens communs.
Exploiter les mécanismes informels quigarantissent l’exécution des contrats.Les réseaux sociaux contribuent à favoriser
l’initiative individuelle comme l’initiative
collective, en établissant des rapports de
confiance, de réciprocité ainsi que des règles
communes. Ils peuvent garantir l’exécution
effective des contrats dans des situations où le
cadre réglementaire n’est d’aucun secours. Il est
possible de concevoir un modèle entrepreneurial
qui incite l’ensemble des participants à
« respecter les règles du jeu ».
Le microcrédit doit une grande part de sa
réussite aux incitations qu’il crée par le biais
du mécanisme de prêt de groupe : chacun des
emprunteurs dans le groupe sait que son accès
au crédit dépend du respect des règles par les
autres emprunteurs, par conséquent seuls des
individus fiables sont autorisés à faire partie
du groupe. Le groupe s’assure que ses membres
procèdent à leurs remboursements de façon
ponctuelle. Il reprend donc spontanément à
son compte les tâches de surveillance et de
contrôle rattachées aux dispositifs de crédit
classiques. En octroyant des prêts à des
groupes plutôt qu’à des individus, le système
du microcrédit a su tirer parti d’un nouveau
type d’incitation, lequel explique que les
taux de conformité du microcrédit soient
meilleurs que ceux des systèmes de prêts
garantis traditionnels.11
Ce mécanisme de garantie de bonne fin
basée sur le recours au groupe a été adapté à
un certain nombre d’autres modèles entrepre-
neuriaux. Il a permis à Manila Water, par
exemple, de simplifier son processus de
74 L E S E N T R E P R I S E S F A C E A U X D É F I S D E L A P A U V R E T É : D E S S T R A T É G I E S G A G N A N T E S
Colombie : La Fédération nationale des producteurs de cafécompte plus de 566 000 membres, dont une large majorité depetits producteurs. Photo : Luis Felipe Avella
P R E N D R E A P P U I S U R L E S R É S E A U X S O C I A U X E N P L A C E
C H A P I T R E 5 . T I R E R P A R T I D E S A T O U T S D E S P O P U L A T I O N S P A U V R E S 75
facturation et de résoudre les problèmes de
vols rencontrés au niveau de ses pipelines.
L’entreprise a créé des coopératives dans des
communautés pauvres auxquelles elle a confié la
responsabilité des raccordements hydrauliques.
Elle a installé des « compteurs principaux »
destinés à mesurer la consommation globale de
la communauté ainsi que des « sous-compteurs »
détaillant la consommation de chaque famille.
Chaque famille règle sa facture de façon
individuelle auprès des représentants formés
par l’entreprise, l’ensemble de la communauté
devant couvrir le montant indiqué par le
compteur principal. Résultat : aucun membre
de la communauté n’ayant intérêt à laisser les
vols se poursuivre, ceux-ci se sont arrêtés.
De plus, le nouveau système a permis le
transfert de certains coûts administratifs à la
communauté, ce qui permet en contrepartie à
l’entreprise de réduire ses tarifs. Actuellement,
Manila Water approvisionne en eau 140 000
foyers modestes, soit une population dix fois
plus importante qu’au moment où l’entreprise
s’est vue confier la gestion de la distribution
de l’eau dans une partie de la ville de Manille.
Manila Water a enregistré des recettes de
108 millions de dollars, pour un revenu net de
37 millions de dollars.
Développer des dispositifs de partagedes risques. Les communautés tendent à
développer une certaine forme de partage des
risques, qui implique la mise en commun des
économies ou un accord d’entraide en cas de
besoin. En intégrant les pauvres dans le processus
de production, une société sera en mesure
d’étendre ces mécanismes de partage des
risques et de les rendre plus efficaces. D’ailleurs,
en étendant ce type de mécanisme au-delà des
frontières de la communauté, elle contribue à
protéger les participants contre d’éventuelles
pertes à l’échelle de leur communauté tout
entière. Ainsi, une société peut aider des
producteurs à investir afin d’améliorer leur
production et en retour, d’améliorer ses
propres fournitures.
Juan Valdez est une chaîne de cafés implantée
en Colombie et dans plusieurs autres pays, dont
le propriétaire est la Fédération colombienne
des producteurs de café (Federación Nacional
de Cafeteros de Colombia, FNC). La FNC
Illustration 5.1. Synthèse : Approches permettant de tirer parti des atouts des populations pauvres
Combiner les ressourceset les capacitésde différentsacteurs
Se concerteravec les gouvernementssur la politiqueà suivre
Contraintes Stratégie 3
Tirer parti des atouts des populations pauvres
� Faire participer les pauvres aux études de marché
� Exploiter les mécanismes informels quigarantissent l’exécution des contrats
� Développer des réseaux logistiques locaux.
� Mettre en place des services de proximité
� Coordonner les investissements dans desbiens communs
� Former les pauvres pour qu’ils deviennent à leur tour des formateurs
� Développer des dispositifs de partage des risques
Adapter lesproduits et les processus
Investir dansl’éliminationdes contraintesdu marché
Informations sur le marché
Cadre réglementaire
Infrastructuresmatérielles
Connaissanceset compétences
Accès aux services financiers
paie le café servi dans les enseignes Juan Valdez
un prix supérieur à ceux généralement pratiqués.
Grâce à cette politique de prix et à l’élimination
des intermédiaires, les producteurs bénéficient
d’un tarif près de 25 % supérieur au tarif
colombien moyen. La FNC conserve une
partie des revenus de l’entreprise Juan Valdez
engrangés pendant les périodes de pic du
prix du café, ce qui lui permet de garantir un
tarif minimum aux producteurs en toutes
circonstances, sur un marché particulièrement
volatil. Au cours de la « crise du café » au
début des années 90, ce système a permis de
compenser pour les agriculteurs un déficit
qui se serait élevé à 1,5 milliard de dollars.
Coordonner les investissements dansdes biens communs. En l’absence de
coordination, les communautés sont souvent
insuffisamment dotées en biens communs du
fait de la « tragédie des biens communs »
qui se manifeste lorsqu’en dépit du fait que
l’ensemble de la communauté utilise ces biens,
aucun de ses membres n’est prêt à en payer
le prix. Un modèle entrepreneurial conçu au
bénéfice de tous peut investir dans des biens
communs une partie du produit de ses ventes,
ou exiger d’une communauté qu’elle fasse ces
investissements (le modèle de partage des
risques de Juan Valdez en est un exemple).
Le système du commerce équitable (illustré
par l’exemple du coton malien) implique que
chacun des coopérants réserve une part du
revenu additionnel généré par le système pour
l’investir dans des projets qui profitent à la
communauté toute entière.
Au Pakistan, Saiban propose à des personnes
démunies d’accéder à des parcelles de terrain
pour un prix raisonnable. Les services initiale-
ment proposés sont limités au minimum : un
approvisionnement communal en eau et un
moyen de transport public vers le centre-ville.
Plus tard, une fois que la somme des loyers
versés par les souscripteurs a atteint un montant
suffisant, elle sert à financer d’autres services
(raccordements d’eau entre les maisons, système
d’égouts, électricité, revêtement des voies de
circulation). Ce mode d’autofinancement
incite les habitants à s’organiser et à atteindre
rapidement le niveau de fonds qui leur permettra
d’obtenir les installations dont ils ont besoin.12
Un autre exemple d’investissement coordonné
dans des biens communs, à l’avantage à la fois de
l’entreprise et des membres de la communauté
impliquée, est celui de l’organisation non
gouvernementale crée par l’entreprise de
produits laitiers mauritanienne Tiviski.
L’organisation met à la disposition des éleveurs
de chamelles de la nourriture pour les animaux,
des services de crédits et des soins vétérinaires,
qu’elle finance à l’aide des revenus sur ses
ventes de lait : ces services profitent autant
aux éleveurs, dont la production croît, qu’à
l’entreprise Tiviski, cliente de ces éleveurs. �
76 L E S E N T R E P R I S E S F A C E A U X D É F I S D E L A P A U V R E T É : D E S S T R A T É G I E S G A G N A N T E S
1 The World Bank Participation Sourcebook 1996, p. 8
2 Hart et London 2005, pp. 28–33.
3 Chambers 1994.
4 Centre for Urban Studies 2006.
5 London 2007.
6 Von Hippel 1986.
7 Corbett 2008.
8 Corbett 2008.
9 Simanis et al. 2008.
10 Gruner et Homburg 2000.
11 Mendoza et Thelen, forthcoming.
12 Siddiqui 2005
77
Mexique : En collabora-tion avec des consulats etdes clubs de migrants,Construmex aide desfamilles mexicaines à bas revenus à construireou acheter des maisonsdécentes via des servicesde transfert et de conversion de liquidités en actifs contractés par lesmembres de leur famillebasés aux États-Unis. Photo : CEMEX
6 C O M B I N E R L E S R E S S O U R C E SE T L E S C A PA C I T É S D ED I F F É R E N T S A C T E U R S
Comme pour tous les modèles entrepreneuriaux, il est
souvent utile d’établir des partenariats et des collaborations mutuellement bénéfiques
avec d’autres entreprises pour assurer la réussite des modèles entrepreneuriaux
conçus au bénéfice de tous. Ainsi, dans le cadre du projet Construmex, CEMEX
travaille en étroite collaboration avec un réseau de plus de 2 000 distributeurs locaux
de petite à moyenne taille pour distribuer sur plus de 1 200 sites au Mexique les
matériaux de construction que les émigrés mexicains aux Etats-Unis lui ont achetés
pour leurs familles. L'entreprise a également conclu un accord avec DOLEX, l'une
des plus importantes sociétés de gestion de transferts de fonds aux États-Unis, afin
de faciliter les paiements par ses clients à travers plus de 800 points de vente.
Dans les modèles entrepreneuriaux qui tiennent compte des besoins des populations
pauvres, la conclusion d’accords avec des partenaires non commerciaux, notamment
des ONG ou des agences gouvernementales, est au moins aussi importante que
la conclusion de partenariats interentreprises. Ces partenaires non commerciaux
peuvent être des églises, des coopératives agricoles, des institutions de micro-finance,
des organisations non gouvernementales agissant en faveur du développement
humain ou encore des services publics tels que des écoles, des hôpitaux, des
municipalités ou des agences gouvernementales.
Il est intéressant de noter que les entreprises
ont fréquemment recours à la collaboration
quelles que soient les contraintes qu’elles
cherchent à surmonter. Ce que ne montre pas la
grille des stratégies, c'est que la collaboration est
souvent utilisée en conjonction avec ou en tant
qu'activateur d'autres stratégies : par exemple,
une entreprise peut travailler avec des organisations
de développement communautaire pour
impliquer les pauvres ou organiser une action
collective visant à initier un dialogue politique.
Les modèles entrepreneuriaux qui opèrent
aussi au bénéfice des populations pauvres
peuvent impliquer les organisations dans deux
types d'approche. La première consiste à faire
jouer la complémentarité des capacités. Toutes
les entreprises cherchent à se doter d’un
ensemble de capacités qui leur confère une
« compétence fondamentale » et leur procure
un avantage comparatif sur leurs concurrents.1
Les autres capacités requises peuvent être
sous-traitées et prennent alors des formes qui
vont de la simple relation fournisseur-distributeur
à des partenariats stratégiques plus étroits.
Une deuxième approche possible afin
d’impliquer d'autres entreprises ou organisa-
tions consiste à mettre des ressources en
commun. Destinée à permettre un changement
de dimension ou à promouvoir des objectifs
communs, cette pratique est moins courante,
du fait des risques qu'elle entraîne de perdre
un avantage concurrentiel au bénéfice de
« profiteurs ». Elle a tout de même donné lieu à
des réussites, qu'il s'agisse d'initiatives collectives
modestes visant des objectifs spécifiques
(collaboration entre des entreprises régionales
afin de proposer des programmes de formation
ou des services pour les employés) ou de
collaborations plus importantes (mise en
commun des ressources de recherche et
développement de sociétés pharmaceutiques). �
78 L E S E N T R E P R I S E S F A C E A U X D É F I S D E L A P A U V R E T É : D E S S T R A T É G I E S G A G N A N T E S
CO
NT
RA
IN
TE
S
S T R A T E G I E S
Adapter lesproduits et lesprocessus
Investir dansl’éliminationdes contraintesdu marché
Tirer parti des atouts despopulationspauvres
Combiner lesressources etles capacitésde différentsacteurs
Se concerteravec les gouvernementssur la politiqueà suivre
Informations sur le marché
Cadre réglementaire
Infrastructuresmatérielles
Connaissances et compétences
Accès aux services
financiers
Dans le monde, nombreuses sont les personnes à basrevenus qui ne peuvent rien prévoir pour leur avenir.
Au Mexique, Construmex est en train de permettre à desmilliers de personnes et à leurs familles de devenir propriétaires de leur propre maison.
La société propose en effet aux immigrés mexicains résidant aux États-Unis d'utiliser leur revenu américainpour acheter, construire ou réparer des maisons dans leur pays d'origine. Au moment de la mise en place dusystème, en 2006, des milliards de dollars passaient la frontière chaque année en provenance des émigrés.Face à cela, on estimait que 25 millions de Mexicains ne disposaient pas d'un véritable toit, ce nombretémoignant du déficit en logements dans le pays. CEMEX, l'un des trois plus gros producteurs de ciment au monde, et de loin la plus grande société du bâtiment au Mexique, y a vu une opportunité.
CEMEX était présent depuis longtemps déjà sur le marché des consommateurs mexicains les plus modestes.Elle avait auparavant mis en place avec succès un projet de micro-crédit pour la construction, PatrimonioHoy. Son responsable des solutions sociales, Hector Ureta, analyse : « Grâce à ces initiatives, nous nousengageons auprès des consommateurs aux revenus faibles et créons de la valeur pour la communauté, pour notre chaîne de valeur, pour les petits et moyens distributeurs, et bien sûr pour nous-mêmes. »
Mais satisfaire à la demande des immigrés constituait un défi complexe. Tout d'abord, il s'est avéré que lessommes en jeu étaient bien moins importantes que ce qu'avait initialement calculé la société ; de plus, un longpassé d'escroqueries, de fraudes et de menaces par la violence expliquait la méfiance de ces prospects vis-à-visdu programme. CEMEX devait gagner leur confiance et en apprendre plus sur leurs besoins et aspirations.
L'entreprise a donc recherché de l'aide pour mettre au point le modèle entrepreneurial de Construmex, et ellel'a trouvée. La solution consistait à faire appel à des organisations établies. Construmex a contacté les consulatsmexicains de plusieurs villes américaines afin d'en apprendre plus sur les priorités des consommateurs etleur niveau de satisfaction vis-à-vis de ses produits. En partenariat avec des clubs de migrants situés dans
Encadré 6.1. Étude de cas - Construmex : « A toi de jouer, compatriote ! »
C H A P I T R E 6 . C O M B I N E R L E S R E S S O U R C E S E T L E S C A P A C I T É S D E D I F F É R E N T S A C T E U R S 79
Les études de cas de l'Institute for Research
and Innovation in Sustainability de l’Université
de York démontrent que, dans les pays en
développement, les entreprises durables
prospèrent au sein d'un réseau d'organisations
dense qui comprend non seulement des
entreprises à but lucratif, mais également des
organisations à but non lucratif et des agences
de développement.2 Les modèles entrepre-
neuriaux prenant en compte les populations
pauvres peuvent réussir en impliquant tous ces
types d'organisations et en tirant parti de leurs
capacités, particulièrement pour :
� Acquérir des informations sur les marchés.
� S'appuyer sur les réseaux logistiques existants.
� Transmettre des connaissances.
� Promouvoir l'apprentissage de
compétences requises.
� Réaliser des ventes et fournir des services.
� Faciliter l'accès aux produits et
services financiers.
Acquérir des informations sur lemarché. Lorsqu'une entreprise ne dispose
d'aucun chiffre pour appréhender son marché
cible et évaluer son potentiel, les organisations
qui travaillent déjà avec les consommateurs de
ce marché disposent souvent de connaissances
précieuses sur leurs compétences, préférences
et autres caractéristiques. Ces organisations
peuvent également disposer de données
quantitatives exploitables. Il arrive que les
administrations publiques, les banques de
développement ou d'autres organismes donateurs
disposent d'informations statistiques ou de
résultats d'enquêtes exploitables. Ainsi,
l'entreprise CEMEX a obtenu les informations
de marché dont elle avait besoin grâce à son
rapprochement avec les consulats mexicains
aux États-Unis (cf. encadré 6.1).
Les entreprises et les organisations de la
société civile peuvent aider à mieux dessiner le
paysage concurrentiel en place, notamment
afin de mieux repérer des partenaires ou alliés
potentiels. En 1997, l'institution de micro-finance
bangladeshi Grameen Bank et la société de
différents états mexicains, CEMEX a mis en place des initiatives en faveur des communautés afin de se faire connaître et se bâtir une réputation de confiance sur son cœur de cible. Le projet a également bénéficié d'une subvention à hauteur de son investissement de la part du Ministère mexicain pour le développement social, en récompense de sesefforts en faveur du développement d’infrastructures communautaires. Ces collaborations sur le mode « gagnant-gagnant » ont permis à l'entreprise d'atteindre son marché cible et de répondre à ses besoins, ont fait de Construmexune entreprise viable et rendu possible un grand nombre de bienfaits en matière de développement.
Le slogan de Construmex, « Hazla, paisano! », peut se traduire par « A toi de jouer, compatriote ! ». L'entreprise a en effettout misé sur ce credo. En permettant à des personnes démunies d'accéder à des logements stables et sûrs, Construmexsort de son rôle de constructeur pour restaurer chez ces populations estime de soi, sens de la sécurité et espoir. Fin2006, Construmex avait reçu plus de 18 000 commandes de matériaux de construction. 23 % de sa clientèle était féminine. Leurs nouvelles maisons nécessitant moinsd'entretien, les clients de Construmex pourrontcommencer à économiser de l'argent. Et les effortsde développement communautaire contribuent àrenforcer le tissu social dans les lotissements quivoient le jour.
Construmex est sur le point de devenir rentable. En quatre ans d'existence, l'entreprise a engrangé12,2 millions de dollars grâce à ses ventes dematériaux de construction ; ce chiffre ne peutqu'augmenter au fur et à mesure que le programmegagne en importance. « Nos initiatives socialesnous permettent d'établir un lien qui nous manquait : le lien direct avec nos clients à revenusfaibles », explique M. Ureta.
FA I R E J O U E R L A C O M P L É M E N TA R I T É D E S C A PA C I T É S
télécommunications norvégienne Telenor ont
créé une entreprise commune, GrameenPhone,
afin de fournir aux habitants du Bangladesh des
services de télécommunications et de créer de
nouvelles sources de revenus. Grameen a apporté
son infrastructure, ses activités sur place, ainsi
que sa réputation, tandis que Telenor participe
en apportant son expertise technique et sa
capacité d'investissement. L'idée de départ
était de mettre sur pied un système de micro-
franchise dans le cadre duquel les clients de
Grameen achèteraient des téléphones qu'ils
pourraient louer à leurs voisins. Parmi les bénéfi-
ciaires de son microcrédit, Grameen a repéré
100 000 femmes pour en faire des « dames-
téléphone du village » qui opèrent désormais en
tant que micro-franchisées pour le compte de
GrameenPhone. Elles représentent actuellement
10 % des revenus de l’entreprise commune.3
Comme Nicholas Sullivan l’indique dans
son rapport à propos de la stratégie de
GrameenPhone, les téléphones portables sont
devenus les « nouvelles vaches à lait », dans le
sens où ils concurrencent désormais ce qui
auparavant était la seule source de production,
donc de revenus, dans laquelle ces femmes
avaient investi leurs prêts.4
Lors de la mise en place d’un nouveau
modèle entrepreneurial, il n’est pas toujours aisé
de trouver le bon partenaire, en particulier sur
des marchés où les sources d’informations sont
rares. Les « courtiers en partenariats »
peuvent jouer un rôle d’intermédiaire important :
ils compilent les renseignements existants sur
les organisations de différents secteurs qui sont
ouvertes à une collaboration, et aident ces
organisations à trouver le bon partenaire pour
des projets spécifiques ainsi qu’à concevoir et
gérer ces collaborations (cf. encadré 6.2).
S’appuyer sur les réseaux logistiquesexistants. Dans des environnements où les
infrastructures en place sont inadaptées, il
faut résoudre un certain nombre de problèmes
d’ordre logistique pour pouvoir collecter et
distribuer des produits. Un modèle entrepre-
neurial conçu au bénéfice des populations
pauvres peut s’appuyer sur les réseaux logis-
tiques dont disposent d’autres organisations.
Dans des paysages économiques où le secteur
privé est encore en grande partie absent, ces
réseaux sont souvent l’apanage d’organisations
non gouvernementales et de services publics.
Le secteur médical nous montre qu’en
procédant de la sorte, il est souvent possible
de faire plus que de régler des problèmes
logistiques. Médecins sans Frontières est une
organisation non gouvernementale qui a
développé un réseau logistique très étendu en
80 L E S E N T R E P R I S E S F A C E A U X D É F I S D E L A P A U V R E T É : D E S S T R A T É G I E S G A G N A N T E S
Encadré 6.2. Comment trouver unpartenaire - sans partenaire ?
Source : Adaptation de Nelson 2007.
Voici un bref descriptif de quelques initiatives et institutions spécialisées dans ce type de courtage. Cette liste est loin d’êtreexhaustive et nombre d’autres courtiers de partenariats existent, tant sur le plan national et régional que local.
Agences de développement multilatérales
� Programme d’établissement de liens entre entreprises et initiative d’appui aux entreprises communautaires de laSociété financière internationale (IFC)
� Réseaux locaux du Pacte mondial
� Programme d’établissement de liens entre entreprises de la CNUCED
� Initiative Growing Sustainable Business du PNUD
� Programme pour la promotion de la sous-traitance et dupartenariat industriel (Industrial Subcontracting &Partnership eXchange, SPX) de l’ONUDI
Agences de développement bilatérales
� Fonds de promotion des liens entre entreprises (BusinessLinkages Challenge Fund, BLCF) du DFID
� Programme de partenariat public-privé de l’Agence allemande de coopération technique (GTZ)
� Inclusive Business Alliance, une initiative conjointe du Conseil mondial des entreprises pour le développementdurable (WBCSD) et de l’organisation néerlandaise dedéveloppement SNV (Stichting Nederland Vrijvilligers)
� Alliance pour le développement mondial (Global Development Alliance) de l’USAID
Organisations non gouvernementales� Ashoka
� Enablis
� Endeavor
� Strategic Business Partnerships for Growth in Africa (SBP)
� Thailand Business Initiative in Rural Development (TBIRD)
� TechnoServe
� Youth Business International
Associations ou réseaux professionnels
� Plan d’accréditation des courtiers de partenariats(Partnership Brokers Accreditation Scheme, PBAS) développépar l’IBLF (International Business Leaders Forum) et l’ODI(Overseas Development Institute)
� Chambres de commerce internationales, régionales etnationales (par ex. la Confederation of Indian Industry ou leTrade Information Network)
� Initiative pour l’entreprise (National Business Initiative) enAfrique du Sud
� Fondation des entreprises philippines pour le progrès social(Philippines Business for Social Progress, PBSP)
� Bureaux régionaux pour le développement durable duWBCSD
� Alliance des entreprises contre la faim chronique du Foruméconomique mondial (BAACH)
Organismes nationaux publics & partenariats public-privé
� Business Trust (Afrique du Sud)
� Initiatives nationales en faveur d’un développementéconomique durable (par exemple, le National EconomicDevelopment and Labor Council en Afrique du Sud)
� Programme d’approvisionnement en eau et d’assainissement pour les populations pauvres (Water &Sanitation for the Urban Poor, WSUP)
C H A P I T R E 6 . C O M B I N E R L E S R E S S O U R C E S E T L E S C A P A C I T É S D E D I F F É R E N T S A C T E U R S 81
Afrique sub-saharienne, où elle s’est donnée
pour mission d’apporter de l’aide d’urgence aux
populations frappées par des épidémies, des
conflits armés ou d’autres catastrophes, qu’elles
soient d’origine naturelle ou humaine. Le
fabricant de produits pharmaceutiques Sanofi-
aventis a collaboré avec Médecins sans Frontières
pour organiser la distribution de ses médicaments
contre la maladie du sommeil dans cette zone.
Les deux organisations ont mis en commun des
capacités complémentaires : Sanofi-aventis a
fourni les médicaments et l’appui financier
nécessaires, tandis que Médecins sans Frontières
a utilisé ses capacités médicales et logistiques
pour administrer des médicaments jusque
dans des zones éloignées. Cette collaboration a
permis d’aider 14 millions de personnes dans
36 pays.
Transmettre des connaissances.Collaborer avec d’autres organisations permet
d’ouvrir d’autres canaux de communication, en
particulier dans des situations où la densité des
médias et les taux d’alphabétisation sont faibles.
Les écoles, les universités, les services de santé
et d’information ainsi que les administrations
publiques font partie des organisations
susceptibles de disposer de tels canaux.
À Madagascar par exemple, Bionexx cultive
l’artemisia annua, une plante médicinale utilisée
dans les traitements contre le paludisme.
L’entreprise a du mal à accroître ses volumes
de production car ses fournisseurs (les fermiers)
ne voient pas l’intérêt de cultiver cette plante.
Bionexx a fait appel à une station de radio
religieuse locale afin de diffuser des informa-
tions sur les bénéfices de l’artemisia annua et
de vaincre ainsi les réticences.5
Impliquer les gouvernements dans des
campagnes conjointes de sensibilisation du
public permet non seulement de diffuser
efficacement des informations, mais peut
également contribuer à accroître la crédibilité
d’une entreprise. En Pologne, Danone a capitalisé
sur ce principe pour vanter les bénéfices
nutritionnels pour les enfants de son produit
Milk Start, qui vise les familles à faibles revenus.
L’entreprise s’est associée à des médias, des
écoles et des représentants gouvernementaux
pour organiser un programme de sensibilisation
sur la santé des enfants qui énonce 12 principes
clairs et simples de nutrition. Ces 12 principes
ont été repris par le programme « Nous
grandissons en bonne santé » du bureau du
gouverneur de la région de Swietokrzyskie.
Dans le cadre de réunions d’informations sur
la nutrition avec les parents et les élèves, les
professeurs de la région utilisent des kits
pédagogiques spéciaux, contenant des
échantillons de Milk Start.
Promouvoir l’apprentissage de compétences requises. La formation des
populations des zones rurales ou des quartiers
défavorisés est généralement assurée par des
organisations non gouvernementales ou des
MexiquePhoto : Banque Interaméricaine deDéveloppement
programmes publics dont les missions ont trait
au développement rural, à la santé et l’hygiène,
à la planification familiale, à l’alphabétisation
ou au renforcement d’autres capacités. Collaborer
avec ces organisations établies peut contribuer à
développer la confiance des populations visées.
Amanco, par exemple, collabore avec des
organisations non gouvernementales locales au
Mexique et au Guatemala afin d’apprendre
aux fermiers à utiliser ses systèmes d’irrigation.
Les organisations expliquent dans un premier
temps l’objectif et les bénéfices des systèmes
d’irrigation. Les fermiers qui décident de les
adopter sont ensuite formés à leur utilisation.
Comme les fermiers ont déjà l’habitude de
travailler avec les services de vulgarisation des
organisations non gouvernementales, ils acceptent
de participer à la démonstration et ont confiance
dans les informations fournies. Ce modèle de
collaboration a permis à Amanco de rencontrer
un franc succès (avec des ventes nettes s’élevant
à 688 millions de dollars sur la zone Amérique
latine-Caraïbes en 2005) tout en apportant des
gains aux fermiers, aux micro-entreprises
locales et à l’environnement.
Dans les îles Fidji, où une grande partie de
la population ne dispose pas de services bancaires
formels, la banque ANZ et le PNUD collaborent
en vue d’élargir l’accès des Fidjiens aux services
financiers. La banque ANZ a mis en place et
gère un service bancaire rural reposant sur six
unités mobiles qui circulent régulièrement à
destination de 250 villages. Le PNUD s’est
chargé de fournir les services de formation
nécessaires : un programme d’éducation
financière a été développé afin de former les
communautés rurales ainsi que des organisations
intermédiaires clés, parmi lesquelles des
représentants des autorités locales, des
organisations non gouvernementales et des
représentants de la communauté ; le PNUD
s’est également chargé de conseiller et de
former les équipes d’ANZ. Le partenariat entre
les deux organisations est un succès, comme le
montrent les 54 000 comptes bancaires ouverts
durant les 18 premiers mois de l’opération et
les 400 microcrédits octroyés en un an. Ce
programme est actuellement reproduit dans
d’autres îles du Pacifique.6
Réaliser des ventes et fournir des services. La qualité des ventes et de l’appro-
visionnement en produits et en services repose
pour une grande part sur leur disponibilité.
Il est souvent plus efficace d’exploiter des
réseaux d’autres organisations que d’en construire
de tout nouveaux (cf. encadré 6.3).
Au Ghana, la banque Barclays a trouvé
un moyen de collaborer avec l’Association
ghanéenne des coopératives de collecteurs
82 L E S E N T R E P R I S E S F A C E A U X D É F I S D E L A P A U V R E T É : D E S S T R A T É G I E S G A G N A N T E S
Dans de nombreux pays,les institutions de micro-
finance disposent de réseaux importants, des groupes d'épargne et de crédit communautaires se créant jusquedans les villages les plus retirés. Ce phénomène n'est paspassé inaperçu auprès des autres entreprises.
En Inde par exemple, l'institution de micro-finance BASIXpropose non seulement des services de crédit et d'épargne,mais également des services d'assurance sur les récoltes,les élevages et la santé, d'autres services financiers tels que les services de transfert de fonds, des services dedéveloppement agricole et commercial, ainsi que des services
de développement institutionnel (en facilitant notammentle dialogue sur les politiques à suivre). Elle déniche ses clients au sein des populations
rurales et urbaines défavorisées, dont les femmes représentent une part importante.1
Collaborer avec une institution de micro-finance présente le double avantage de profiter du canal logistiquequ’elle constitue et de pouvoir fournir des services financiers en même temps que les transactions concernantd'autres produits ou services. Un exemple de ce type de collaboration est le partenariat de BASIX avec Pepsicodans la joint venture Frito Lay. Entre 2006 et 2007, plus de 1 100 fermiers ont participé au programme : ils ontreçu des plants de qualité pour leurs champs, vu leurs récoltes augmenter de façon significative et pu accéderà des services de crédit et d'assurance sur les récoltes. BASIX est chargée de la gestion du processus d'appro-visionnement de Frito Lay (4 000 tonnes de pommes de terre prévues en 2008).
1. BASIX 2007.
Encadré 6.3. Institutions de micro-finance - les nouveaux distributeurs ?
MadagascarPhoto : Adam Rogers/FENU
C H A P I T R E 6 . C O M B I N E R L E S R E S S O U R C E S E T L E S C A P A C I T É S D E D I F F É R E N T S A C T E U R S 83
d’épargne Susu qui profite aux deux partenaires.
Susu est un système traditionnel présent dans
de nombreux pays africains. Pour un prix
modeste, des collecteurs se rendent dans les
foyers de façon régulière afin de récupérer leurs
économies. Ils proposent également des petits
crédits remboursables à court terme. Environ
4 000 collecteurs Susu officient au Ghana,
desservant chaque jour entre 200 et 850 clients.
Ces collecteurs sont désormais en mesure de
déposer l’argent récolté de façon sécurisée dans
les agences de la banque Barclays, où cet argent
est placé afin de leur rapporter à eux et à leurs
clients des intérêts. La banque leur propose
également des formations en gestion financière,
ce qui leur permet de transmettre ensuite ces
connaissances à leurs clients. En retour, Barclays
a accès aux clients existants des collecteurs.
Elle profite ainsi des bonnes relations et des
connaissances de ces derniers vis-à-vis de leurs
clients et augmente sa trésorerie sans avoir à
étendre son propre réseau. Enfin, la banque
propose également des services supplémentaires,
notamment des crédits pour petites entreprises,
par l’intermédiaire des collecteurs.
L’une des plus importantes banques privées
en Inde, ICICI, a engagé des organisations non
gouvernementales de micro-finance pour faire
office d’agents de service dans la constitution de
son portefeuille de micro-finance. Il appartient
aux organisations d’identifier des emprunteurs
potentiels, de prendre les décisions quant à
l’octroi des crédits, d’avancer l’argent des prêts
au nom de la banque et de contrôler et assurer
leur suivi. En retour, ils sont autorisés à facturer
une commission aux emprunteurs pour leurs
services. Deux ans après la mise en place de ce
modèle de fonctionnement inédit, ICICI compte
déjà plus de clients de services de micro-
finances que la plus importante institution de
micro-finance en Inde fondée il y a douze ans.7
Faciliter l’accès aux produits et servicesfinanciers. Dans les marchés où les services
financiers n’atteignent toujours pas les popula-
tions pauvres, les entreprises qui ne peuvent
fonctionner sans le crédit ou l’assurance doivent
faciliter l’accès à de tels services. La plupart se
reposent sur les capacités des fournisseurs de
services financiers existants à proposer des
solutions financières intégrées. Parmi ces
fournisseurs, on peut trouver des institutions de
micro-finance, des banques commerciales et
des agences gouvernementales.
L’entreprise brésilienne
Votorantim Celulose e Papel
(VCP) a demandé à des sociétés
de crédit existantes de proposer
aux cultivateurs d’eucalyptus des
options de crédit adaptées aux besoins de
trésorerie de leur activité : en effet, la première
récolte de l’eucalyptus n’est possible qu’au bout
de sept ans. Dans le cadre du partenariat mis
en place, la plantation des arbres est financée
grâce à une collaboration avec la banque ABN
AMRO Real et le remboursement du prêt
initial et des intérêts n’est réclamé que lorsque
VCP commence à acheter leur récolte aux
agriculteurs : ces derniers sont donc en mesure
de planter sans avancer de capital et sans avoir
à hypothéquer leur patrimoine. Maurik Jehee,
analyste de crédit auprès d’ABN AMRO Real,
explique en quoi son employeur trouve son
intérêt dans ce système : « Outre son caractère
environnemental, l’intérêt [du projet] tient
à son aspect social et à son potentiel de
développement au niveau régional. De plus,
il permet de se rapprocher de nouveaux clients
potentiels dans une région où le taux de
pénétration des services bancaires est partic-
ulièrement faible. » D’ici 2012, soit au terme
de sa septième année, le programme devrait
atteindre un volume de financement de 30 millions
de dollars et bénéficier à un nombre de
producteurs compris entre 20 000 et 25 000.
Le groupe hospitalier indien Narayana
Hrudayalaya a créé, en partenariat avec la
fondation Biocon et la société de services
financiers ICICI Lombard Ltd, un régime
d’assurance destiné à prendre en charge les
patients à faibles revenus. Pour bénéficier de
ce régime, chaque assuré doit s’acquitter d’une
cotisation mensuelle d’un montant équivalent à
3 dollars (15 roupies). La formule comprend
la prise en charge complète de trois jours
d’hospitalisation ainsi que celle à moitié prix
des services de consultation ambulatoires. Les
patients peuvent être soignés dans les hôpitaux
ruraux gérés par des organisations caritatives
et par les pouvoirs publics.
La Colombie constitue un exemple
intéressant de collaboration entre les collectivités
Costa Rica : Des organisations fournissent des formations dans desdomaines tels que l’apprentissage de la lecture et l’acquisition de compétences informatiques. Photo : Banque Interaméricaine de Développement
Si un modèle entrepreneurial conçu au
bénéfice de tous butte sur des défis que
d'autres entreprises ou organisations de la
société civile ou gouvernementales ont rencon-
trés et résolus avant lui, la collaboration peut
constituer un moyen efficace de bénéficier de
cette expérience. Mais que faire si personne n’a
les capacités nécessaires ? Si les obstacles ne
doivent pas seulement être contournés, mais
éliminés ? Dans de telles situations, la réussite
du modèle dépend de la capacité des acteurs
en place à combler les brèches et à créer les
conditions nécessaires sur le marché. Une
entreprise peut parfois investir de façon privée
pour combler des lacunes en matière de
connaissances, de compétences, d’infrastruc-
tures ou d’accès aux produits et services
financiers (voir le chapitre 4). Parfois aussi,
l’investissement requis est trop important pour
être supporté par une entreprise, et seule la
mise en commun des ressources de plusieurs
partenaires peut permettre de relever le défi.
Il est souvent problématique d’organiser une
action collective en vue d’éliminer des
contraintes, d’autant que ce type de démarche
a tendance à inciter certains à « profiter » des
investissements des autres. C’est pourquoi les
mises en commun de ressources doivent être
encadrées par une structure de gouvernance
qui garantit que chaque membre participe à
hauteur de ce qui a été convenu. Cela peut se
faire par le biais d’intermédiaires, par exemple
des associations d’entreprises, ou en créant un
organisme spécifique.
Cette section décrit les moyens par lesquels
les modèles entrepreneuriaux visant à fonctionner
au bénéfice de tous peuvent promouvoir des
partenariats avec des entreprises ou des
organisations de la société civile afin de :
� Collecter des informations concernant
les marchés.
� Combler les failles identifiées dans
l’infrastructure d’un marché.
� S’autoréguler.
� Développer des connaissances et
des compétences.
� Améliorer l’accès aux produits et
services financiers.
Collecter des informations concernantles marchés. Les agences de notation
fournissent des informations sur les clients
accessibles à l’ensemble des institutions de
crédit, ce qui contribue à réduire les coûts de
ces dernières et leur permet de proposer des
prêts plus modestes et des taux d’intérêt
plus bas. Cependant, ce service est rarement
accessible aux petites et moyennes entreprises
des pays en développement, qui n’ont donc
souvent pas accès aux crédits qui leur
apporteraient les liquidités nécessaires
territoriales et le secteur privé afin de faciliter
l’accès à certains produits et services financiers
et de lever les contraintes liées au manque
d’informations et de compétences. Le programme
« Cultura E » (culture entrepreneuriale), dirigé
par la ville de Medellin, a permis la mise
en place de Cedezos, des centres locaux de
promotion du développement des entreprises.
Présents dans les quartiers les plus défavorisés,
les Cedezos hébergent un « réseau de micro-
crédit » constitué de la Banco de las
Oportunidades (banque des opportunités),
financée par les autorités locales, et de
14 institutions de micro-finance privées.
Ce réseau oriente les entrepreneurs vers les
institutions appropriées en fonction de leurs
besoins et ressources, tandis que l’organisation
de « foires aux crédits » permet d’informer
sur les différents services, financiers et non
financiers, proposés par les différentes
institutions. Les Cedezos ont également mis en
place un certain nombre d’initiatives destinées
à promouvoir la culture entrepreneuriale. Dans
le cadre de l’initiative Seed Capital Contest
(concours des jeunes pousses), par exemple, les
entrepreneurs de la ville sont invités une fois
par an à soumettre des plans de développement
pour de nouvelles entreprises dont les autorités
financeront la création. Si un entrepreneur
éprouve des difficultés à monter son plan
de développement, l’équipe du Cedezo, en
collaboration avec des organisations non
gouvernementales, l’aide à préparer son dossier.
Des espaces sont également mis à la disposition
des nouveaux entrepreneurs afin de leur permettre
de développer leurs idées et leurs projets jusqu’à
atteindre l’autonomie.8 �
84 L E S E N T R E P R I S E S F A C E A U X D É F I S D E L A P A U V R E T É : D E S S T R A T É G I E S G A G N A N T E S
M E T T R E L E S R E S S O U R C E S E N C O M M U N
C H A P I T R E 6 . C O M B I N E R L E S R E S S O U R C E S E T L E S C A P A C I T É S D E D I F F É R E N T S A C T E U R S 85
à leur bon fonctionnement. Pour combler cette
faille, les banques ICICI et Standard Chartered
ainsi que d’autres banques nationales indiennes
se sont rapprochées afin de créer une agence
commune de notation des petites et moyennes
entreprises, la Small and Medium Enterprises
Rating Agency (SMERA).9 Cette agence a
pour mission de simplifier les exigences des
institutions de crédit pour les petites et moyennes
entreprises indiennes en leur fournissant les
informations nécessaires à une évaluation fiable
de la solvabilité de ces entreprises.
Mettre en commun des ressources peut
également s’avérer fructueux pour combler des
failles en matière d’informations sur le marché.
L’Alliance des entreprises contre la faim
chronique du Forum économique mondial
(Business Alliance Against Chronic Hunger,
BAACH) qui vise à renforcer les chaînes de
valeur, - et par voie de conséquence à accroître
l’approvisionnement alimentaire et les revenus
dans les régions où les populations souffrent
de la faim - cherche pour cela, à créer des
synergies croisées allant du niveau mondial
au niveau local et d’un secteur d’activité à un
autre, entre entreprises, communautés locales
et acteurs locaux. Dans chaque district pilote,
l’Alliance met en commun des informations sur
les produits potentiels (collectées auprès de la
communauté) avec les résultats d’études sur la
demande tant locale et nationale qu’internationale
(évalués par un groupe de réflexion composé
d’experts locaux), afin d’identifier des produits
commercialement viables dans lesquels il
vaudrait la peine d’investir pour développer
une production. Dans le district de Siaya, les
partenaires de la BAACH mènent actuellement
14 initiatives pilotes, dont plusieurs en parte-
nariat avec le projet Villages du Millénaire,
afin d’étendre les capacités de production et les
possibilités de vente des agriculteurs et des
petits distributeurs locaux. Ces projets sont
administrés par des entreprises locales et inter-
nationales en collaboration avec des ONG, des
membres des communautés locales, ainsi que
les pouvoirs publics au niveau local et national.
Trop souvent, les actions isolées sont vouées à
l’échec. En impliquant plusieurs partenaires
tout au long de la chaîne de valeur, la BAACH
cherche autant à éliminer ces contraintes qu’à
accroître les opportunités, afin d’augmenter les
chances d’asseoir ces projets dans la durée.
Combler les failles identifiées dans l’infrastructure du marché. Puisque les
infrastructures matérielles essentielles relèvent
le plus souvent du domaine public, les entreprises
sont souvent amenées à collaborer avec les
pouvoirs publics pour construire de nouvelles
infrastructures, telles que des routes, des ports
ou des réseaux électriques. Mais les entreprises
d’une même région ou d’un même secteur peu-
vent avoir un besoin commun d’infrastructures
plus spécialisées, telles que des chaînes de froid,
des installations de traitement des eaux usées
ou encore de conditionnement. Pour cela, elles
Les Philippines : Manila Water fournit de l’eau propre à des zones auparavant non desservies. Photo : Manila Water
peuvent mettre en commun des ressources et
agir de concert, ou faire appel à un opérateur
externe qu’elles rémunèrent avec une partie du
revenu des ventes engendrées.
Dans l’état du Tamil Nadu, au sud de l’Inde,
le gouvernement local a collaboré avec l’associ-
ation des exportateurs locaux (Tirupur
Exporters Association) et une organisation
privée de financement (IL & FS) afin de
créer une entreprise commune, New Tirupur
Area Development Corporation Limited
(NTADCL) chargée de résoudre les problèmes
concernant l’eau et les égouts d’une ville dont
l’économie dépend du textile et où 80 000
personnes vivent dans des bidonvilles. Le
programme a été lancé grâce à un dialogue
entre tous les acteurs y compris l’industrie
locale, afin de répertorier les lacunes en
matière d’infrastructures et d’établir un ordre
de priorités pour les actions à mener. Le
gouvernement local a coordonné l’initiative,
notamment la mise en commun des ressources.
Tous ont estimé que la première priorité était
la fiabilité de l’approvisionnement en eau. En
conséquence, l’alliance a articulé son programme
autour du fonctionnement d’un système
d’approvisionnement en eau régulier et de
qualité, d’un système d’égouts et de traitement
des eaux usées, ainsi que d’un système
d’assainissement bon marché couvrant les
besoins de l’industrie et des bidonvilles, la
première payant un tarif beaucoup plus élevé
que les seconds. Pour effectuer cette mise à
niveau des systèmes, la NTADCL a installé
et administre les systèmes d’adduction d’eau
et d’égouts, lesquels sont entièrement financés
par tarification commerciale. Les entreprises
du secteur textile bénéficient désormais de
meilleurs services d’approvisionnement en eau
et les foyers sont mieux desservis, en particulier
dans les zones rurales et défavorisées. Avant
l’arrivée de la NTADCL, 43 000 foyers étaient
raccordés. Après avoir réalisé 8 000 raccordements
supplémentaires, la NTADCL a les capacités
d’en ajouter encore 17 000.
S’autoréguler. L’autoréglementation permet
de développer la sphère de contrôle sans inter-
vention des responsables politiques. Elle peut
s’avérer efficace dans des domaines où les
gouvernements sont impuissants, par exemple
dans la dimension transfrontières ou dans des
situations de conflits.
En Sierra Leone, les sociétés DeBeers et
Rapaport se sont associées à des organisations
de développement internationales et à des
gouvernements pour créer la Peace Diamonds
Alliance (l’alliance des diamants pour la paix),
chargée de concevoir différents projets d’achat
équitable et compétitif de diamants à des
mineurs artisanaux. L’alliance a permis
d’accroître la part des exportations légales de
diamants en la faisant passer de 1,5 millions
de dollars en 1999 à 70 millions en 2003, ce
qui a engendré un reflux considérable de
revenus vers la Sierra Leone.10 Il a ainsi été
possible de construire des écoles, des marchés,
ainsi que d’autres structures publiques. Pour la
première fois dans l’histoire du pays, il a été
possible d’exercer une surveillance constante
des taxes et royalties perçues grâce aux diamants,
d’informer les mineurs de la valeur des pierres,
d’aborder la question de la dégradation de
l’environnement et de réduire l’exploitation
des mineurs, en particulier des enfants.11
L’autoréglementation peut s’avérer utile
et efficace au-delà des frontières nationales,
particulièrement aux endroits où les pauvres,
en tant qu’exploitants ou en tant qu’employés,
constituent l’un des maillons d’une filière
internationale. L’élaboration de normes
communes peut éviter à une industrie d’avoir
à assumer les conséquences sociales et
environnementales d’un « nivellement par le
bas » qui, dans le cas contraire, pourrait se
révéler difficile à empêcher, surtout dans les
domaines soumis à une forte concurrence sur
les prix. L’industrie du vêtement a élaboré un
code international et un mécanisme de contrôle
indépendant pour la gestion des normes sociales
au niveau de la chaîne d’approvisionnement.
L’organisme de production mondiale responsable
de l’habillement (WRAP) garantit le respect
d’un code de conduite qui porte sur les
pratiques de travail et la législation douanière.
De même, des associations de fabricants de
vêtements destinés à l’exportation ont élaboré
des codes de conduite et des programmes
d’éducation pour leurs membres dans des
pays comme le Bangladesh, El Salvador, le
Guatemala, le Honduras et la Malaisie.12
Développer des connaissances et descompétences. Partout où les sociétés d’un
même secteur d’activité n’entretiennent pas
une relation exclusive avec l’ensemble des
protagonistes de leur chaîne de valeur, il
est de leur intérêt commun de contribuer au
développement de leurs compétences. De telles
convergences d’intérêt sont fréquentes sur les
marchés des produits de base, où plusieurs acteurs
sont impliqués, et où il serait désavantageux
pour un acheteur de supporter seul la formation
de ses fournisseurs. En effet, un fournisseur
ayant bénéficié d’une telle formation est tout
à fait libre de se tourner ensuite vers un autre
86 L E S E N T R E P R I S E S F A C E A U X D É F I S D E L A P A U V R E T É : D E S S T R A T É G I E S G A G N A N T E S
C H A P I T R E 6 . C O M B I N E R L E S R E S S O U R C E S E T L E S C A P A C I T É S D E D I F F É R E N T S A C T E U R S 87
acheteur qui lui propose un meilleur prix. Une
solution pour les acheteurs peut être de mettre
en commun l’ensemble de leurs connaissances
et compétences, souvent par l’intermédiaire
d’organisations de la société civile.
La Fondation mondiale du cacao en est un
exemple. Rassemblant plus de 50 entreprises
telles que ADM, Cargill, ECOM, Hershey,
Kraft, Nestlé et Starbucks, la fondation
collabore avec l’Agence américaine pour le
développement international pour venir en
aide aux producteurs africains de cacao dans
plusieurs pays dont le Cameroun, la Côte
d’Ivoire, le Ghana, le Libéria et le Nigéria
(initiative « Sustainable Tree Crops Program »).
Ces associations constituent des intermédiaires
importants pour leurs membres, en commer-
cialisant par exemple leur cacao et en leur
proposant des formations, des ressources et
des financements. Elles manquent toutefois
souvent de personnel compétent. La Fondation
mondiale du cacao travaille à améliorer l’efficacité
de ces associations et s’attache à rendre plus
profitables les relations commerciales des
agriculteurs. Les entreprises regroupées au
sein de la fondation bénéficient de produits
d’une meilleure qualité et d’une plus
grande traçabilité.
Améliorer l’accès aux produits et services financiers. Les sociétés ont la
possibilité de partager les coûts qu’implique
l’extension aux régions isolées de l’accès aux
produits et services financiers.
Les quatre principales banques d’Afrique
du sud, à savoir Absa, First National Bank,
Nedbank et Standard Bank, ont créé un
partenariat entre elles et avec la banque
Illustration 6.1. Synthèse : approches permettant de combiner les ressources et les capacités de différents acteurs
Se concerteravec les gouvernementssur la politiqueà suivre
Adapter lesproduits et lesprocessus
Investir dansl’éliminationdes contraintesdu marché
Tirer parti des atouts despopulationspauvres
Stratégie 4
Combiner les ressources et les capacités de différents acteurs
Contraintes
� Combiner les capacités pour obtenir desinformations sur le marché
� Mettre des ressources en commun pour collecter des informations sur le marché
� S'autoréguler
� Combiner les capacités pour tirer parti desréseaux logistiques existants
� Combiner les capacités pour vendre et pourfournir des services
� Mettre en commun les ressources pour comblerles lacunes de l’infrastructure du marché
� Combiner les capacités pour transmettre les connaissances
� Combiner les capacités pour promouvoirl'apprentissage des compétences requises
� Mettre en commun des ressources pourdévelopper des connaissances et des compétences
� Combiner les capacités pour faciliter l’accèsaux produits et services financiers
� Mettre en commun les ressources pour améliorerl’accès aux produits et services financiers
Informations sur le marché
Cadre réglementaire
Infrastructuresmatérielles
Connaissanceset compétences
Accès aux services financiers
nationale Postbank afin d’implanter des services bon marché et d’usage
facile à moins de 15 kilomètres de n’importe quel Sud-Africain. Ces services
comprennent des distributeurs automatiques de billets et des comptes
d’épargne dénommés Mzansi. Bien que les banques se fassent concurrence
pour commercialiser les comptes, les dépenses qu’elles ont partagées pour
le développement de la marque sont de l’ordre de 15 millions de rand, soit
environ 2 millions de dollars.13 3,3 millions de personnes ont recouru, entre
2004 et 2006, aux services proposés par ce partenariat.14 �
88 L E S E N T R E P R I S E S F A C E A U X D É F I S D E L A P A U V R E T É : D E S S T R A T É G I E S G A G N A N T E S
1 Une compétence fondamentale est « un domaine d’expertise spécialisé qui est le résultat de l’harmonisation des flots complexes de technologie et de l’activité professionnelle. » (Prahalad et Hamel 1990).
2 Wheeler et autres 2005
3 Mair et Seelos 2005.
4 Sullivan 2007.
5 PNUD Madagascar 2007.
6 Liew 2005.
7 Ivatury et Abrams (2005), p. 14, UNDESA/FENU (2006) p. 86.
8 Noguera 2008.
9 Jenkins 2007
10 USAID 2006.
11 Lartigue et Koenen-Grant 2003.
12 Business for Social Responsibility 2004.
13 Business Day 2005.
14 The Banking Association, South Africa, website (www.banking.org.za).
89
Les Philippines : Smart et les autorités desPhilippines ont engagé undialogue afin d’adapter laréglementation en matière de banque mobile pour le bénéfice de millions de personnes.Photo : Smart
7 S E C O N C E R T E R AV E C L E S G O U V E R N E M E N T S S U RL A P O L I T I Q U E À S U I V R E
L’histoire de CocoTech nous montre qu’un soutien de la part des
pouvoirs publics, sous quelque forme que ce soit (dans ce cas, de la recherche et une
ordonnance présidentielle) peut vraiment contribuer de façon décisive à assurer le
succès de modèles entrepreneuriaux visant à opérer au bénéfice de tous. Dans un
certain nombre d’autres cas présentés dans la base de données d’ « Entreprendre
au bénéfice de tous », il apparaît que les initiatives politiques, réformes ou autres
soutiens de la part des autorités font toujours vitalement défaut. Au Mexique par
exemple, le projet pilote d’Amanco de vendre des dispositifs d’irrigation aux petits
exploitants agricoles reposait sur la possibilité pour les cultivateurs d’obtenir des
subventions publiques. Amanco a dû faire appel à des entrepreneurs sociaux afin de
négocier au cas par cas ces aides pour le compte des agriculteurs. Au Ghana, seuls les
collecteurs Susu membres de l’Association ghanéenne des coopératives de collecteurs
d'épargne Susu (GCSCA) sont soumis à une réglementation, ce qui rend difficile et
risqué pour la banque Barclays d’augmenter le nombre de collecteurs qu’elle emploie
pour promouvoir ses services de microcrédit.
Il est clairement du ressort des gouvernements d’imposer un cadre réglementaire.
On peut considérer par ailleurs que tous les obstacles rencontrés sur les marchés décrits
dans le chapitre 2 relèvent plus ou moins de la responsabilité des gouvernements. Pour
autant, dans de nombreux cas décrits dans le présent rapport, les entreprises ont
imaginé un moyen de contourner et surmonter
ces obstacles, par exemple en adaptant des
produits pour qu’ils fonctionnent à l’énergie solaire,
en finançant des programmes d’enseignement
et de formation pour accroître le niveau de
compétence de la main d’œuvre, en tirant parti
des réseaux sociaux pour garantir l’exécution
de contrats ou encore en s’associant à d’autres
entreprises dans un cadre autorégulé. Mais
certaines entreprises ne peuvent apporter des
solutions qu’à petite échelle ; d’autres encore n’ont
même pas cette chance. La meilleure stratégie
pour ces entreprises est alors de se concerter avec
les gouvernements sur les initiatives à prendre
pour surmonter les difficultés rencontrées.
Les gouvernements détiennent un pouvoir
incomparable sur les systèmes de marché car ils
ont la prérogative de disposer d’outils politiques
tels que le pouvoir de légiférer, réglementer et
prélever des taxes. Ils peuvent également utiliser
les sommes perçues grâce aux taxes pour créer
des biens publics et mettre en place des services
publics dans des secteurs comme la santé ou
l’éducation. Pour parvenir à terme à lever les
contraintes qui pèsent sur l’ensemble du marché
afin de permettre la prolifération à grande échelle
de modèles entrepreneuriaux conçus au bénéfice
de tous, il faut l’intervention de l’Etat et des
politiques publiques novatrices.
Mais les responsables politiques ne sont
pas toujours conscients des dynamiques et des
contraintes de marché auxquelles doivent faire
face les modèles entrepreneuriaux qui veulent
être bénéfiques pour tous, surtout lorsqu’il s’agit
de prendre en compte de nouveaux acteurs
(comme la population féminine locale) ou de
nouveaux biens et services (depuis les filets
90 L E S E N T R E P R I S E S F A C E A U X D É F I S D E L A P A U V R E T É : D E S S T R A T É G I E S G A G N A N T E S
CO
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S
S T R A T E G I E S
Adapter lesproduits et lesprocessus
Investir dansl’éliminationdes contraintesdu marché
Tirer parti des atouts despopulationspauvres
Combiner lesressources etles capacitésde différentsacteurs
Se concerteravec les gouvernementssur la politiqueà suivre
Informations sur le marché
Cadre réglementaire
Infrastructuresmatérielles
Connaissances et compétences
Accès aux services
financiers
Le Dr Justino Arboleda (aux Philippines, il est connusous le nom de Bo) est le fondateur et le président
de CocoTech, une entreprise produisant des géo-textiles à partir de déchets de coques de noix de coco. Bo incarne l’entrepreneur local parti de rien qui, par saforce de conviction, a réussi à concevoir et mettre en œuvre un modèle entrepreneurial au bénéfice de tous.
Après avoir effectué des études doctorales en sciences et en génie agricole à l’étranger, Bo est revenu danssa région natale, Bicol, où la culture de la noix de coco est l’industrie dominante. Il fut alors frappé par ladétresse des cultivateurs de noix de coco, dont la situation allait en s’aggravant. Les inondations et lesglissements de terrain fréquents constituaient des menaces récurrentes pour les terres agricoles et lesrécoltes. Bo constata également que les six milliards de kilogrammes de coques de noix de coco produiteschaque année aux Philippines (qui est le second producteur au monde de noix de coco) généraient desquantités colossales de déchets et d’émissions de gaz à effet de serre.
En tant qu’ingénieur agronome, Bo savait que l’agriculture et l’environnement étaient étroitement imbriqués. Il a donc eu l’intuition qu’en trouvant un moyen d’utiliser ces coques de noix de coco, il devrait être possibled’augmenter les revenus des cultivateurs tout en réduisant les risques de catastrophe naturelle, bien qu’iln’avait encore aucune idée de ce qui pourrait être envisagé pour leur donner de la valeur.
Mais développer une utilisation productive des déchets de noix de coco n’était pas chose simple. Lestravaux de recherche et de développement menés par le gouvernement étaient principalement axés sur le riz et les céréales et ne prêtaient qu'une attention minime aux autres produits agricoles. En raison d’unmanque cruel de capitaux et d’aide à l’identification des marchés de la part du gouvernement, les coopératives agricoles considéraient le projet de Bo d'un œil peu enthousiaste.
Après des mois d’efforts, Bo a finalement réussi à convaincre l’un des principaux départements gouverne-mentaux de recherche et développement de mener une étude sur les exploitations possibles des coques.L’étude a révélé que la fibre de noix de coco pouvait être travaillée pour réaliser des filets. Qui plus est,
Encadré 7.1 Etude de cas - CocoTech : relancer une industrie de la noix de coco aux abois
C H A P I T R E 7 . S E C O N C E R T E R A V E C L E S G O U V E R N E M E N T S S U R L A P O L I T I Q U E À S U I V R E 91
fabriqués en fibre de noix de coco jusqu’aux
transactions financières mobiles). En outre, la
complexité et les incertitudes caractérisant les
marchés rendent très difficile d’élaborer des
réponses politiques adéquates. Et ces réponses
ne demeurent adéquates que jusqu’à ce qu’elles
cessent de fonctionner ou que le marché évolue
d’une façon ou d’une autre. Les législateurs
sont constamment tributaires de la qualité des
informations dont ils disposent : elles doivent
être détaillées, contextuelles, précises, complètes,
« en temps réel », et permettre d’anticiper les
résultats probables et les compromis qu’implique
toute décision. Dani Rodrik, professeur
d’économie à l’université de Harvard, appelle à
« une coopération stratégique entre les secteurs
publics et privés qui permettrait d’une part de
réunir des informations sur les possibilités et
les contraintes commerciales, et d’autre part, de
susciter des initiatives politiques ».1 Le travail
d’un bon dirigeant passe, selon lui, par un
processus de « détection ».2
Les entreprises peuvent jouer un rôle dans
ce processus en aidant les gouvernements à
identifier les
impasses et à
mettre le contexte
du marché plus
en phase avec les
modèles entrepreneuriaux qui œuvrent aussi au
bénéfice des populations pauvres. La participation
du monde des affaires à l’élaboration des politiques
peut s’entacher de soupçons de corruption et
de lobbying – et parfois les cas sont avérés.
Néanmoins, il est important que les entreprises
participent aux débats politiques au même titre
que toutes les autres parties prenantes, même
au risque de susciter une controverse. Et cela
parce que les entrepreneurs et les patrons qui
développent des modèles entrepreneuriaux prenant
en compte les populations pauvres sont sans
doute les meilleures sources de renseignements
pour comprendre quelles politiques ou quels
moyens vont faire plus de bien ou de mal.
Les entrepreneurs et les patrons qui
développent des modèles entrepreneuriaux
conçus au bénéfice de tous sont les mieux
placés pour identifier en quoi les marchés font
obstacle au commerce avec les populations
pauvres. Ils ont aussi incontestablement intérêt
à fournir aux responsables politiques des
renseignements détaillés sur les dynamiques
et les effets de ces contraintes. Alors que les
l’étude a révélé qu’elle était biodégradable, permettait à la végétation de prendre racine (prévenant ainsi l’érosion dusol) et revenait bien moins cher que les matières synthétiques habituellement utilisées dans les travaux publics. Bo aprésenté les avantages des filets en fibre de coco aux unités gouvernementales locales, qui l’ont ensuite aidé à fédérerles différents partenaires au sein des communautés et sont devenues ses premiers clients.
CocoTech étant en mesure de produire des filets en fibre de coco, le défi suivant consistait à créer un marché. Bienqu’il existait une large demande internationale non satisfaite pour les filets en fibres de coco, les prix bas et les fraisde transport élevés limitaient leur rentabilité. Ce dont on avait besoin, c'était d’un marché intérieur. Considérant quel’aval du gouvernement pour des produits fabriqués à partir de coques de noix de coco (fondé sur les résultats positifs de l’étude) pourrait débloquer la situation, Bo a rédigé et plaidé en faveur de l’adoption d’une ordonnanceprésidentielle ordonnant l’utilisation des produits en fibre de coco dans tous les projets d’infrastructure du gouvernement. Et cette ordonnance fut signée.
C’est ainsi que CocoTech, qui n’était à l’origine qu’un petit projet communautaire, avec une capitalisation initiale de 7 000 dollars et 5 salariés en 1993, s’est hissée au rang d’une entreprise moyenne de 25 salariés qui a enregistré plus de300 000 dollars de recettes en 2006. Les membres de plus de 6 000 familles, pour la plupart des femmes, participaient àla fabrication des produits. En 2005, Bo a remporté le concours mondial de projets d’entreprise durables World Challenge.Bo déclare : « Ce qui, pour moi, revêt une importance capitale est l’idée qu’avec ce prix, il sera bien plus simple à
l’avenir de promouvoir lesproduits en fibre de coco àtravers le monde, ce qui contribuera à réduire la pauvreté dans les pays producteurs de noix de cocogrâce aux emplois créés. »
Les Philippines : CocoTech transforme des déchetsde coques de noix de coco en des filets biodégradablescapables de prévenir l’érosion des sols.
entreprises peuvent parfois apporter elles-mêmes
des solutions à court terme à ces problèmes, des
améliorations politiques sont nécessaires pour
compléter, ajuster et éventuellement remplacer
les premières mesures sur le long terme. En
dernier lieu, les entrepreneurs et les patrons qui
développent des modèles entrepreneuriaux qui
fonctionnent aussi au bénéfice des populations
pauvres ont en outre la possibilité de proposer
des changements spécifiques qui permettraient
de favoriser leur modèle économique et de
prendre la mesure des retombées positives sur
leurs clients, employés, fournisseurs et autres
partenaires commerciaux.
Les études de cas menées dans le cadre de
l’initiative « Entreprendre au bénéfice de tous »
attestent que de nombreux entrepreneurs et
patrons ont contribué à l’élaboration de réponses
gouvernementales à des contraintes de marché,
essentiellement dans la sphère réglementaire, mais
aussi parfois à d’autres niveaux (cf. illustration 7.1).
Ces études de cas montrent par ailleurs que
les modèles entrepreneuriaux qui prennent aussi
en compte les besoins des populations pauvres
ont pour la plupart influencé les politiques de
manière individuelle, soit parce qu’un entrepreneur
connaissait personnellement des membres du
gouvernement, soit parce qu’une entreprise y
avait des contacts commerciaux, et essentiellement
sur des sujets strictement liés aux intérêts à
court terme de ce modèle entrepreneurial.
Certains ont cependant réussi à influencer les
politiques simplement par l’effet de démonstration
que constituait leur réussite. Enfin, certains
modèles entrepreneuriaux qui opèrent au
bénéfice de tous se sont associés à d’autres afin
d’inciter les gouvernements à se pencher sur
des contraintes spécifiques et systémiques. �
Une stratégie efficace pour un entrepreneur ou
une entreprise qui désire apporter une réponse
à des préoccupations spécifiques peut être
d’impliquer ponctuellement le gouvernement
dans ses réalisations.
Souvent, l’objectif est relativement limité,
comme par exemple le fait d’encourager le
gouvernement à mettre à disposition des biens
et services publics dont l’entreprise a besoin
pour fonctionner dans certains endroits.
À Madagascar, par exemple, la société de
commerce de litchis et de fruits tropicaux Faly
Export a plaidé en faveur de l’entretien des
routes auprès des autorités locales et régionales,
car le mauvais état de ces routes complique la
distribution des marchandises. Dans le même
92 L E S E N T R E P R I S E S F A C E A U X D É F I S D E L A P A U V R E T É : D E S S T R A T É G I E S G A G N A N T E S
Pérou : : Les législateurs et les décideurs politiques ont un rôle à jouer dans l’éliminationdes contraintes du marché. Photo : Banque Interaméricaine de Développement
I M P L I Q U E R L E G O U V E R N E M E N T D E M A N I È R E I N D I V I D U E L L E
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temps, Faly implique les populations locales
dans ce processus d’entretien : la société fournit
aux travailleurs l’équipement nécessaire et les
rémunère en céréales.3
Les gouvernements peuvent également
venir en aide aux entreprises en collectant et en
fournissant des informations sur le marché,
comme des sondages auprès des foyers, ou en
fixant des priorités dans le secteur de la recherche.
Les entreprises peuvent influencer ce processus
d’établissement des priorités en montrant quel
intérêt social peut émerger de ces informations,
à travers une meilleure offre de biens et de
services ou de nouvelles opportunités de marché.
Le Dr Bo Arboleda de la société CocoTech
a présenté des arguments convaincants au
gouvernement des Philippines, lui démontrant
que l’utilisation productive de la fibre de coco
pouvait considérablement améliorer le niveau
de vie des producteurs de noix de coco pauvres.
Le gouvernement a ensuite analysé les possibilités
de commercialisation de ces coques, qui jusque-
là étaient simplement jetées. Cette recherche a
abouti au développement de filets fabriqués en
fibre de noix de coco. La production de ces filets
fait vivre des dizaines de familles qui travaillent
sur la chaîne d’approvisionnement de CocoTech ;
d’autres sociétés exploitant la fibre de coco
voient à présent le jour.
En d’autres occasions, l’implication des
entrepreneurs et des sociétés dans ce qui
constitue la sphère publique peut avoir des
répercussions très importantes allant jusqu’à
modifier les structures du marché et, parfois
même, ouvrir la voie à des marchés jusque-là
inexistants. Par exemple, le producteur mauri-
tanien de lait de chamelle Tiviski a rencontré
un tel succès en vendant ses produits à
l’intérieur du pays que sa fondatrice, Nancy
Abeiderrahmane, veut à présent étendre son
commerce à l’Union européenne. En effet, le
fromage de chamelle de Tiviski se vendrait à
très bon prix aux consommateurs gastronomes
de ce marché très rentable. À l’heure actuelle,
Tiviski n’a pas accès à l’UE, même si les
produits agricoles en provenance des pays les
moins avancés (PMA), dont la Mauritanie
fait partie, peuvent entrer sur le territoire de
l’Union sans frais de douane. Cela est dû au
fait que l’industrie du lait de chamelle étant
totalement absente en Europe, il n’existe aucune
norme ni aucun dispositif de contrôle qualité
pour ces produits. En réponse aux demandes
de Mme Abeiderrahmane, une délégation
européenne travaille actuellement à la mise
en place des organes de réglementation
nécessaires, ce qui ouvrira la voie à un nouveau
marché d’exportation lucratif pour Tiviski et
d’autres producteurs.
En République Démocratique du Congo,
l’instabilité politique et l’absence générale
de lois et de règles dans les secteurs policier,
judiciaire, financier ainsi que des télécommuni-
cations a découragé les investisseurs. Suite
à l’accord de Lukasa de 1999, à l’accession
au pouvoir de Joseph Kabila en 2001 et au
dialogue inter-congolais de 2002, la société
de télécommunications Celtel a entrevu
quelques espoirs et estimé qu’il existait un
créneau pour discuter avec le gouvernement
du cadre politique. Dans ce contexte d’après
guerre, les objectifs prioritaires de Celtel
coïncidaient avec ceux du gouvernement de
Kabila en matière de promotion de la paix,
de réunification et de relance de l’économie.
Celtel s’est attelé à tisser des liens étroits avec
les autorités politiques et réglementaires. En
2003, une nouvelle loi sur les télécommunica-
tions a été votée. Alors que sous l’ancienne
loi, un opérateur de lignes de téléphonie fixe
avait revendiqué le monopole, la nouvelle loi
a permis de clarifier le cadre des concessions
publiques et du développement des télécom-
munications, encourageant ainsi la concurrence
nécessaire pour les rendre plus accessibles et
abordables. Un organisme de réglementation
pour la poste, les téléphones et les télécommu-
nications a également été créé. �
Niger : Des membres de la communauté collaborent pour engager un dialogueavec le gouvernement sur des sujets qui les concernent. Photo : Adam Rogers/FENU
Les effets de démonstration peuvent également
influencer les politiques là où les cadres
réglementaires ou les biens et services publics
sont inexistants ou inadaptés. Ces effets
n’auront de prise que s’il existe des passerelles
entre les entreprises et les gouvernements qui
permettent à ces derniers d’entendre et de
profiter de l’expérience des compagnies privées,
que la communication soit directe ou arbitrée
par un tiers tel qu’une agence de développement.
Quand Électricité de France a créé ses
sociétés rurales d’approvisionnement en énergie
au Mali, la fourniture d’énergie n’était pas
réglementée dans le pays. Motivé par la réussite
de l'entreprise ainsi que par le soutien apporté
par la Banque mondiale, le gouvernement a
mis en place une nouvelle réglementation.
Le nouveau cadre législatif permet à des
prestataires privés de fournir de l’électricité,
soit en leur accordant de larges concessions
rurales dont ils ont le monopole, soit par le
biais de candidatures spontanées, auquel cas un
fournisseur souhaitant alimenter en électricité
une petite zone rurale est libre de faire une
demande d’autorisation auprès de l’Agence
malienne pour le développement de l’énergie
domestique et de l’électrification rurale. En
2006, année où le nouveau cadre juridique est
entré en vigueur, l’agence de l’énergie du Mali a
signé plus de cinquante contrats avec des petits
fournisseurs. Deux ou trois d’entre eux sont
d’ores et déjà opérationnels.
Les effets de démonstration ont aussi
conduit des gouvernements à prendre des
mesures et à rendre les services financiers
plus accessibles aux populations pauvres. Dans
le cadre de l’Angola Partnership Initiative,
(initiative de partenariat en Angola), les
sociétés Chevron, ProCredit Holding, l’Agence
américaine pour le développement international
et plusieurs autres donateurs se sont associés
pour créer NovoBanco, une banque commerciale
destinée à accorder des prêts aux micro et petits
entrepreneurs et à promouvoir l’épargne parmi
les populations pauvres en Angola. En l’espace
de trois ans, elle a débloqué plus de 27 millions
de dollars pour des prêts à environ 5 000 micro
et petits entrepreneurs des deux villes principales
du pays. NovoBanco est déjà rentable et s’étend
à d’autres zones du pays. Selon un récent bilan
de l’Angola Partnership Initiative, « la réussite
de NovoBanco a démontré le potentiel du secteur
de la micro et de la petite entreprise en Angola
et a incité le gouvernement et d’autres banques
à accélérer la progression de leurs propres projets
de lancement de mécanismes de petits crédits. »4
Une plus grande disponibilité de financements
pour les petites entreprises facilitera le
développement des entreprises angolaises
en des partenaires qualifiés de Chevron et
d’autres sociétés de grande envergure. �
En plus des stratégies d’implication individuelle
et des effets de démonstration, les entreprises
s’allient de plus en plus entre elles ou avec
d’autres parties prenantes pour impliquer le
gouvernement, sur le terrain des contraintes
d’ordre spécifique ou systémique qui affectent
la performance des modèles entrepreneuriaux
qui œuvrent aussi au bénéfice des populations
pauvres. D’après le Forum économique mondial,
compte tenu du « caractère délicat » des
interventions visant à influencer les politiques
publiques, « il est particulièrement judicieux
de recourir à la concertation pour faire évoluer
la situation. Les entreprises devraient être
attentives aux opportunités de tirer parti
de leur influence ainsi que de celle de leurs
collègues de l’industrie, de ceux qui ont des
intérêts communs sur certains sujets, et de
ceux œuvrant dans un même regroupement
géographique. »5 Le Département des affaires
économiques et sociales des Nations Unies et
le Fonds d’Équipement des Nations Unies
ajoutent pour leur part qu’un « changement se
dessinera plus probablement dans des contextes
où un grand nombre d’institutions et d’intérêts,
aux préoccupations convergentes, se regroupe
pour agir ensemble. »6
Un exemple de structure qui facilite une
telle coopération est le Big Business Working
Group instauré par le Business Trust sud-africain,
qui réunit des dirigeants d’entreprises à titre de
conseillers avec les ministres du gouvernement
94 L E S E N T R E P R I S E S F A C E A U X D É F I S D E L A P A U V R E T É : D E S S T R A T É G I E S G A G N A N T E S
M O T I V E R PA R L’ E X E M P L E
S ’ A L L I E R À D ’ A U T R E S P O U R I N F L U E N C E R L E S P O L I T I Q U E S P U B L I Q U E S
C H A P I T R E 7 . S E C O N C E R T E R A V E C L E S G O U V E R N E M E N T S S U R L A P O L I T I Q U E À S U I V R E 95
pour mener des discussions présidées par
Thabo Mbeki. Cette structure a pour vocation
d’entretenir des relations de confiance et de
dialogue ouvert sur des problèmes auxquels le
pays fait face et de trouver des réponses qui
seront de nature à satisfaire les deux parties.
L'éventail des sujets abordés s’étend de la
discipline budgétaire des petites et moyennes
entreprises, jusqu’à l’emploi, en passant par les
besoins en matière de rattrapage des compétences.
A titre d’exemple d’alliance des entreprises
au bénéfice de tous, citons l’initiative conjointe
du Conseil mondial des entreprises pour le
développement durable (WBCSD) et de
l’organisation néerlandaise de développement
SNV (Stichting Nederland Vrijvilligers).
Une concertation a eu lieu en 2007 avec le
gouvernement de l’Équateur, et un puissant
réseau de plaidoyer a été établi avec les conseillers
du Président afin de faire du concept de l’inclusion
économique un volet à part entière des objectifs
de la politique de développement social du
pays. La stratégie de mise en œuvre au niveau
national gravitait autour des quatre types des
modèles entrepreneuriaux visant à opérer au
bénéfice des populations pauvres : des salons
professionnels ouverts à toutes les catégories
économiques, un programme de développement
alimentaire, un programme de développement
du filetage et des modèles qui faisaient de la
chaîne de valeur agricole une priorité. Au total,
le gouvernement affecta des crédits à hauteur de
87 millions de dollars sur quatre ans afin de créer
quelque 250 000 emplois directs et indirects.7
Comme exemple de concertation collective
à l’initiative du secteur privé, citons le Groupe
de stratégie du développement instauré par l’acteur
banquier indien ICICI Bank. Prenant acte de
l’imbrication étroite entre le développement de
son marché et le développement économique
du peuple indien, ICICI a assorti son modèle
entrepreneurial d’un mécanisme destiné à
alimenter les processus de décision concernant
les politiques et l’action publiques. Dans
chacun de ses districts, le groupe place un
spécialiste de métier chargé de recenser les
lacunes en matière d’infrastructure de marché
à grande échelle. Pour combler ces lacunes, le
professionnel prend l’initiative de proposer des
partenariats aux entités locales autonomes, aux
collectivités territoriales (districts et régions),
et à d’autres entreprises.
Le fonds d’aide Small Enterprise Assistance
Fund, en Colombie et au Pérou, s’associa à
l’Agence américaine pour le développement
international et à des institutions financières
Illustration 7.1. Synthèse : approches permettant de se concerter avec les gouvernements sur la politique à suivre
Adapter lesproduits et lesprocessus
Investir dansl’éliminationdes contraintesdu marché
Tirer parti des atouts despopulationspauvres
Combiner les ressourceset les capacitésde différentsacteurs
Stratégie 5
Se concerter avec les gouvernements sur la politique à suivre
Contraintes
� Impliquer le gouvernementde manière individuelle
� Motiver par l’exemple
� S’allier à d’autres pour influencer les politiquespubliques
Informations sur le marché
Cadre réglementaire
Infrastructuresmatérielles
Connaissanceset compétences
Accès aux services financiers
internationales pour inciter les gouvernements
de la Colombie et du Pérou à amender
certaines lois qui interdisaient aux fonds de
pension publics et aux compagnies d’assurance
d’investir dans des capitaux privés. Collaborant
avec des fonds de pension et des organismes
de régulation, l’alliance identifia les barrières
réglementaires et s’attacha à faire valoir les
modifications nécessaires. Désormais, les petites
et moyennes entreprises sont en mesure
d’accéder à des sources de capitaux réglementés
indisponibles auparavant.8
Aux Philippines, des acteurs publics et
privés collaborent de manière innovante pour
adapter la législation actuellement en vigueur
en matière de banque mobile. Un ensemble
très complexe d’aspects imbriqués doit être
pris en compte : la réglementation des télécom-
munications, la concurrence, les systèmes de
paiement, le devoir de vigilance envers la
clientèle, la protection des consommateurs, la
collecte des dépôts, le commerce électronique
et, bien entendu, les mesures pour lutter contre
le blanchiment d’argent et le financement du
terrorisme. Comme l’indique le journal The
Economist, « plutôt que d'essayer d’élaborer les
meilleurs règlements en amont ... le législateur
travaille en étroite coopération avec les banques
et les opérateurs qui se trouvent derrière les
deux systèmes de banque mobile du pays. ».9
Ceci permet aux responsables politiques de
juger de ce qui se passe réellement sur le terrain
et d’intégrer les expériences pratiques dans
l’environnement réglementaire en perpétuelle
évolution.10 Jusqu’ici, les responsables politiques
ont durci la réglementation et la mise en
application des mesures pour lutter contre le
blanchiment d’argent et le financement du
terrorisme, permis à des distributeurs de mener
à bien les devoirs de diligence envers la clientèle
et autorisé les banques à considérer les comptes
à carte prépayée comme des dettes d’exploitation
(plutôt que des dépôts).11 Ces mesures ont
débouché sur une adaptation du cadre régle-
mentaire qui se révèle maintenant plus efficace et
moins onéreux, facilitant la tâche des opérateurs
tels que Smart et Globe à étendre l’accès à
leurs services aux populations pauvres.
Sur la scène mondiale, Visa International a
contribué à réunir des entreprises de services
financiers, des législateurs et des donateurs
internationaux afin de se concerter sur des
questions telles que la notation de crédit et
de banque mobile à l’échelle mondiale. Les
participants mirent en commun les fruits de
leurs recherches, de leur expertise ainsi que
leurs opinions afin de mettre en exergue les
nécessités politiques et législatives d’un espace
évoluant à une vitesse fulgurante.12 Les
opérateurs de téléphonie mobile et les four-
nisseurs d’équipement ont un intérêt similaire :
Vodafone, Nokia et Nokia Siemens Networks
mènent des recherches et ont établi une
concertation publique avec les dirigeants
politiques sur la question de savoir comment
les politiques et les législations pourraient
inciter à l’innovation en matière de
transactions financières par le biais de
la téléphonie mobile.�
96 L E S E N T R E P R I S E S F A C E A U X D É F I S D E L A P A U V R E T É : D E S S T R A T É G I E S G A G N A N T E S
1 Rodrik 2004, p. 38
2 Rodrik 2004, p. 38.
3 PNUD Madagascar 2007.
4 Chevron’s Angola Partnership Initiative: A Case Study, p. 9.
5 Forum économique mondial, p. 16
6 Département des affaires économiques et sociales des Nations Unies et Fonds d’équipementdes Nations Unies 2006, p. 158
7 Conseil mondial des entreprises pour le développement durable et Organisation néerlandaisede développement SNV.
8 Hoff et Hussels 2007.
9 The Economist, 2007.
10 The Economist, 2007.
11 Lyman et Porteous 2008.
12 Jenkins 2007.
97
Inde : En établissant unréseau de kiosques internet,une grande entreprise agri-cole a agi pour donner àdes fermiers locaux accès à des informations sur lesmarchés qui peuvent lesaider à accroître leursrevenus. Photo : ITC Limited
8 A G I R
Il est difficile de surestimer les avantages que peut générer
l’intégration au sein de marchés performants des milliards de personnes qui en sont
actuellement exclues. Cela profitera aux entreprises, aux populations pauvres et à la
société dans son ensemble. Les entreprises peuvent faire des profits et se constituer
un potentiel de croissance à long terme en créant de nouveaux marchés, en innovant
en matière de technologies, produits, services et processus, en accroissant les réserves
de main-d'œuvre et en resserrant la chaîne d’approvisionnement. Les populations
pauvres peuvent s’inscrire dans la chaîne de valeur à différents niveaux, depuis la
production de matières brutes jusqu’à la consommation des produits finaux. Elles
accèderont d’autant mieux aux biens et aux services que ceux-ci répondront à leurs
besoins fondamentaux et augmenteront leur productivité. Elles pourront par ailleurs
disposer de meilleurs revenus, et sortir par elles-mêmes de la pauvreté.
Il est possible de créer de la valeur mutuelle dans de nombreux secteurs d’activité
économique, de l’agriculture à l’industrie, en passant par les télécommunications et la
finance. Certains modèles entrepreneuriaux qui fonctionnent au bénéfice des pauvres se
sont déjà déployés à grande échelle. Bien d’autres opportunités restent encore à découvrir.
Comme le démontre le présent rapport,
l’environnement dans lequel évoluent les
populations pauvres contribue à les priver
d’opportunités. Beaucoup d’entreprises ont du
mal à envisager de prendre en compte les
capacités et besoins des populations pauvres
en raison du peu d’informations dont elles
disposent sur les marchés sur lesquels échangent
ces catégories sociales. Les entreprises doivent
s’en sortir dans un contexte réglementaire fait
de règles inefficaces, et qui sont de peu d’appui
quand elles ne sont pas inaccessibles. Elles
manquent d’infrastructures adéquates, y compris
de routes et de réseaux électriques, d’eau et
de services de télécommunication. Certains
apprentissages, comme certaines compétences,
formations et autres connaissances font défaut.
De surcroît, les entreprises n’ont qu’un accès
très limité au crédit et à l’assurance. Toutes ces
conditions brident aussi les opportunités en
matière d’entreprenariat. Les ressortissants locaux
ont du mal à faire prospérer leurs activités. Et
les professionnels qui ne sont pas déjà sur les
marchés des populations pauvres trouvent qu’il
est difficile de relever certains défis posés par le
contexte, en particulier lorsqu’ils sont habitués
à des marchés fonctionnant bien dans leurs
contrées d’origine.
Cependant, comme le présent rapport le
démontre, certaines stratégies peuvent fonctionner.
Les entrepreneurs présentés dans les études de
cas de l’initiative « Entreprendre au bénéfice
de tous » ont trouvé des solutions et réussi à
implanter des entreprises incluant les populations
98 L E S E N T R E P R I S E S F A C E A U X D É F I S D E L A P A U V R E T É : D E S S T R A T É G I E S G A G N A N T E S
Illustration 8.1. Grille de stratégies de l’initiative « Entreprendre aubénéfice de tous » etrésumé des solutions
CO
NT
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IN
TE
S
S T R A T E G I E S
Adapter lesproduits et lesprocessus
Investir dansl’éliminationdes contraintesdu marché
Tirer parti des atouts despopulationspauvres
Combiner les ressourceset les capacitésde différentsacteurs
Se concerteravec les gouvernementssur la politiqueà suivre
Informations sur le marché
Cadre réglementaire
Infrastructuresmatérielles
Connaissanceset compétences
Accès aux services
financiers
Tirer parti de la technologie
� Tirer parti des TIC
� Appliquerdes solutionsadaptées auxsecteurs
� Assurer ledéveloppementdurable
De nouvellesfaçons d’entre-prendre
� S’adapter à la trésorerie despopulationspauvres
� Simplifier lescritères et lesconditions
� Éviter les incitationsinopportunes
� Assouplir lesopérations
� Faire affaire avec desregroupementsd’usagers, deconsommateursou de produc-teurs
Impliquer lespauvres indi-viduellement
� Faire participerles pauvres auxétudes de marché
� Former lespauvres pourqu’ils deviennentà leur tour desformateurs
� Développerdes réseaux logis-tiques locaux
� Mettre enplace des servicesde proximité
� Co-innoveravec les popula-tions pauvres
Engager lesmembres de lacommunauté :Prendre appuisur les réseauxsociaux en place
� Exploiter lesmécanismesinformels quigarantissentl’exécutiondes contrats
� Développerdes dispositifs de partage des risques
Assurer un gainaux entreprises
�Réaliserdes études de marché
� Mettre en place les infrastructures
� Améliorer l’efficacité desfournisseurs
� Sensibiliser et former lesconsommateurs
� Élaborer des produits et services financiers
� Engranger les bénéficesimmatériels
Capitaliser lavaleur sociale
� Recourir auxsubventions
� Financer pardes capitauxpatients ou àmoindre coût
Faire jouer lacomplémentaritédes capacités
� Acquérir desinformations surle marché
� S’appuyer surles réseaux logis-tiques existants
� Transmettreles connaissances
� Promouvoirl’apprentissagedes compétencesrequises
� Réaliser desventes et fournirdes services
� Faciliter l’accèsaux produits etservices financiers
Mettre lesressources encommun
� Collecter desinformations surle marché
� Combler lesfailles identifiéesdans l’infrastruc-ture du marché
� S’autoréguler
� Développerdes connais-sances et descompétences
� Améliorerl'accès aux produits et services financiers
Impliquer legouvernementde manière individuelle
Motiver par l’exemple
S’allier àd’autres pourinfluencer lespolitiquespubliques
C H A P I T R E 8 . A G I R 99
pauvres. Ils ont puisé dans leurs propres capacitéset leurs propres ressources pour dépasser lescontraintes, souvent en collaboration avec desorganisations issues des secteurs public, privéou des secteurs à but non lucratif et bienentendu, avec le concours des populations pauvres elles-mêmes.
Les solutions qu’ont trouvées les entrepreneurscités dans le rapport illustrent toute la gammedes approches recensées. Leurs entreprises contribuent à atteindre les Objectifs duMillénaire pour le développement par desapproches qui peuvent être généralisées pourpeu que d’autres suivent leur exemple.
� Nancy Abeiderrahmane a changé la face del’industrie laitière en Mauritanie et fondéune entreprise rentable. En permettant à ses1 200 employés locaux et à ses fournisseurs,pour la plupart des bergers nomades, demieux gagner leur vie, elle contribue à laréalisation de l’Objectif du Millénairenuméro 1, qui est de réduire l’extrême pauvreté et la faim, tout en préservant lemode de vie des nomades.
� Au Brésil, la société de produits cosmétiquesd’Antônio Luiz da Cunha Seabra s’approvi-sionne en ingrédients naturels auprès descommunautés locales, contribuant ainsi àleur assurer une source de revenus et àasseoir la réussite de l’Objectif duMillénaire numéro 1.
� Bindheshwar Pathak, un entrepreneur indien, propose des systèmes d’installationssanitaires propres peu onéreux à 1,2 millionsde foyers et gère 6 500 toilettes publiquespayantes. En 2006, la société de Pathak asorti 60 000 personnes de leur condition de chiffonniers, 95 % d’entre elles étant des femmes et des jeunes filles. La société contribue ainsi à la réalisation de l’Objectifdu Millénaire numéro 3, à savoir promouvoirl'égalité des sexes et l'autonomisation desfemmes, et en partie aussi, de l’Objectif duMillénaire numéro 7 : réduire la proportiond'habitants n’ayant pas accès à unassainissement élémentaire.
� Dora Nyanja, une infirmière sous franchiseà Kibera, au Kenya, gère un dispensaire CFW(Child and Family Wellness – Bien-Être del’Enfant et de la Famille) afin de fournir auxhabitants des bidonvilles un meilleur accèsaux soins de santé, à des conditions plusabordables. En 2006, les 66 établissementset dispensaires CFW ont, à eux seuls,accueilli plus de 400 000 patients à faiblesrevenus, contribuant ainsi à la réalisation del’Objectif du Millénaire numéro 6, à savoircombattre le VIH/sida, le paludisme etd'autres maladies.
� Fondateur d’un groupe pharmaceutique,
Stephen Saad concourt à la mise en œuvre
de l’Objectif du Millénaire numéro 6 en
Afrique du Sud. Entre 2001 et 2006, Saad a
diminué le coût mensuel des médicaments
antirétroviraux contre le VIH pour chaque
patient de 428 dollars à 13 dollars. Sa société
est en train de développer les capacités
nécessaires pour fournir au programme de
traitement antirétroviral environ 60% de ce
qu’il requiert actuellement.
� Joshua et Winifred Kalebu ont élaboré,
développé et géré, en Ouganda, des modèles
communautaires d'approvisionnement en
eau innovants et accessibles en termes de
coûts. Leur entreprise génère des profits
tout en participant, en partie, à l’atteinte de
l’Objectif du Millénaire numéro 7 : accroître
la proportion d'habitants ayant un accès
durable et en toute sécurité à l'eau potable.
� Aux Philippines, Napoleon Nazareno dirige
une société qui vend des cartes de temps
de communications prépayées à bas coût et
facilite les transactions financières grâce à
une option permettant l'envoi de paiements
par la technologie SMS. Avec un réseau
couvrant plus de 99 % de la population,
la société de Nazareno dessert plus de
24,2 millions de personnes, réduisant ainsi
la « fracture numérique » et faisant progresser
en partie l’Objectif du Millénaire numéro
8 : rendre accessibles les avantages des
nouvelles technologies.
Les solutions auxquelles ces entrepreneurs ont
recours – ainsi que les modèles entrepreneuriaux
conçus au bénéfice des pauvres sur lesquels
elles s’appuient – peuvent être une source
d’inspiration pour les autres. Il y a de la place
pour bien plus de modèles entrepreneuriaux
visant à opérer au bénéfice des pauvres, bien
plus de marchés qui englobent toutes les
couches sociales et pour bien plus de création
de valeur. Pour reprendre les mots du Mahatma
Gandhi : « La différence entre ce que nous
faisons et ce que nous sommes capables
de faire suffirait à résoudre la plupart des
problèmes dans le monde ».
La grille de stratégies et de synthèse des
solutions (illustration 8.1) que nous présentons
dresse une liste des différentes manières
d’appliquer les cinq stratégies primordiales
permettant d’atténuer les cinq grandes
contraintes auxquelles font souvent face les
modèles entrepreneuriaux conçus au bénéfice
de tous. Il est fréquent que plus d’une solution
et plus d’une stratégie soient mises en œuvre
simultanément pour lever une contrainte.
Le présent rapport constitue un appel à
l’action adressé aux entreprises. Il les exhorte à
prendre exemple sur les modèles des entreprises
qu’il décrit. Elles ont trouvé et mis en œuvre
tout un éventail d’opportunités pour elles-mêmes
et pour les populations pauvres. Mais ce rapport
nous interpelle également tous et nous invite à
agir. Il dit aux gouvernements, aux communautés
et aux associations professionnelles – aux organi-
sations internationales, non gouvernementales
et autres organisations de développement – que
nous sommes tous en mesure de concourir au
développement des modèles entrepreneuriaux
qui veulent être bénéfiques pour tous.
Ce que les entreprises sont en mesurede faire – atteindre les populationspauvres en tant que consommateurs,producteurs, employés et entrepreneurs
� Faire place à l’innovation au sein des
entreprises et doter les employés des
compétences nécessaires. Cela peut se faire
par exemple en exposant le personnel et la
direction à de nouvelles expériences par des
visites de terrain, en permettant aux employés
de se porter volontaires pour certaines missions,
ou par la tenue d’ateliers d’innovation avec
les populations locales. Il est aussi possible
de faire naître des idées par le biais de
concours ou de mesures incitatives. Les
entreprises peuvent également encourager la
prise de risques et l’expérimentation, et tirer
parti des connaissances que recèlent toutes
leurs unités fonctionnelles, en particulier
celles que leurs missions mettent déjà en
contact avec les populations pauvres.
� Développer des outils d’investissement
tels que les fonds spécialisés, les notations
ou les procédures d’investissement qui
permettent aux entreprises et aux investisseurs
commerciaux d’identifier et de financer
les modèles entrepreneuriaux conçus au
bénéfice de tous les plus prometteurs en
termes de bénéfice pour les populations
pauvres, pour la société dans son ensemble
et pour les investisseurs.
� Renforcer l’engagement communautaire
pour mieux cerner les besoins des fournisseurs
et des consommateurs pauvres, afin de créer
des canaux de distribution innovants, partager
les frais et être en mesure d’exploiter les
connaissances locales et les réseaux sociaux.
Tisser des liens avec des petites et moyennes
entreprises locales ; entamer des concertations
avec les organisations communautaires, les
organisations non gouvernementales locales
et les individus.
� Renforcer la capacité des entreprises à
collaborer efficacement, y compris avec des
partenaires non traditionnels, et à des fins
novatrices – par exemple en embauchant du
personnel issu d’un autre secteur d’activité,
en instaurant des programmes d’affectation
provisoire entre départements différents dans
l’entreprise ou en lançant des initiatives
conjointes avec d’autres.
� Se concerter avec les autorités sur les
mesures politiques à prendre afin d’améliorer
le cadre dans lequel opèrent les entreprises.
Renseigner le gouvernement sur les difficultés
rencontrées par les entreprises sur les marchés,
de manière transparente et responsable, à
titre individuel ou de manière collective, en
tant que partie prenante d’une association
d’entreprises, d’une initiative politique ou
d’un groupement d’intérêts. User de son
influence pour obtenir des améliorations
en matière d’éducation, d’accès à d’autres
services essentiels, de législation susceptible
de contribuer à démarginaliser les popula-
tions pauvres, et assurer la protection des
droits de l’homme ainsi que la qualité
de l’environnement.
Ce que les gouvernements sont enmesure de faire – renforcer les capacitéset mettre en place les conditions d’unbon fonctionnement des marchés
� Lever les contraintes qui pèsent sur le
cadre à l’intérieur duquel les marchés
fonctionnent, par exemple en promulguant
des lois qui facilitent la concurrence, réduisent
les formalités administratives, mettent en
place un marché financier fonctionnel et
accessible à tous et permettent aux popula-
tions pauvres d’accéder au système judiciaire ;
en modernisant les infrastructures de transport,
d’électricité, d’eau et de transmissions de
données ; ou en offrant un meilleur
enseignement général et professionnel.
� Mettre en place des plateformes
d’information qui regroupent et diffusent
des renseignements sur les marchés et font
office d’intermédiaires entre les entreprises
locales et régionales, les ONG et les autres
organisations et initiatives concernées.
• Renforcer l’entreprenariat par la formation,
l’organisation, le renforcement des
compétences et les activités de conseil.
• Renforcer le capital humain pour
développer les activités économiques
productives grâce à un véritable accès à
l’enseignement et aux soins.
100 L E S E N T R E P R I S E S F A C E A U X D É F I S D E L A P A U V R E T É : D E S S T R A T É G I E S G A G N A N T E S
C H A P I T R E 8 . A G I R 101
� Investir dans la sensibilisation et l’éducation des consommateurs afin
d’accroître la demande de produits
convenant aux populations pauvres.
� Soutenir et financer par des incitations
minutieusement étudiées les modèlesentrepreneuriaux visant à opérer au bénéfice de tous.
� Renforcer l’aptitude de l’administrationpublique à collaborer avec le secteur privé –
par exemple en lançant des programmes
d’affectation provisoire dans d’autres
départements de l’entreprise, en embauchant
du personnel issu du secteur privé ou en
instaurant des initiatives conjointes avec
d’autres. Permettre aux divers secteurs et
organismes de l’administration publique de
lancer des collaborations avec le secteur privé
et faciliter les partenariats intersectoriels.
� Instaurer des plates-formes à traverslesquelles les entreprises peuvent agir entant que partenaires du développementéconomique. Ainsi, à l’occasion de la mise
en place des plans de développement
régionaux, sectoriels et nationaux, les
autorités peuvent réunir les entreprises
avec des associations professionnelles et
des groupements d’intérêt mixtes pour
apporter des réponses à des problèmes
concrets tels que l’eau ou les déchets.
Ce que les communautés sont enmesure de faire – le développementcommercial du bas vers le haut
� Identifier les opportunités pour lesentreprises, par exemple en recueillant et
en partageant des informations concernant
la communauté et ses membres, notamment
par le biais d’enquêtes réalisées à l’échelle
communautaire.
� Identifier les produits que la communautépeut produire de manière compétitive et
créer des associations de producteurs et de
marketing pour partager les coûts, regrouper
la production et peser d’un certain poids
dans le cadre des négociations.
� Développer des réseaux de petites entre-prises (tels que les détaillants) pour regrouper
et renforcer les réseaux de distribution,
diversifier les produits proposés et faire le
lien avec des fournisseurs plus importants.
� Instaurer des organisations communau-taires transparentes, telles que des instances
représentatives de villages ou des coopératives
de producteurs et de consommateurs, afin
de faciliter le dialogue entre communautés
et entreprises.
Ce que les organisations non-gou-vernementales et autres organisationsde développement sont en mesure defaire – simplifier les liens et favoriserl’échange de meilleures pratiques
� S’associer avec des entreprises pourfaciliter des implantations locales basées
sur des interactions correctes et équitables,
sensibles au maintien des valeurs locales et
contribuant au développement humain. Agir
en tant qu’ « intermédiaire de confiance »
pour permettre aux entreprises de trouver
des opportunités à l’échelle communautaire.
� Jouer le rôle de plateforme de collaborationcommerciale et d’échanges sur lesmeilleures pratiques.
� Entretenir l’ouverture à la collaborationavec le secteur privé.
� Faciliter un véritable dialogue public-privé, légitime et transparent, en prodiguant
des conseils, et en mettant à disposition
des outils et des méthodes - et faire office
d’organe de régulation au sein même de
cette interactivité.
Ce que les donateurs et les organisationsinternationales sont en mesure de faire – lancer et faire croître de nouvelles approches
� Sensibiliser les entreprises et les praticiensdu développement sur les bénéfices pour tous
qui résultent de l’intégration des populations
pauvres dans les affaires commerciales.
� Fournir du « capital patient » et d’autresformes de financement pour favoriser
l’émergence de modèles entrepreneuriaux
qui œuvrent aussi au bénéfice des pauvres.
� Créer des systèmes de subventions innovants, axés sur les résultats, comme
des fonds de soutien à la création ou des
prix récompensant des projets innovants qui
permettront de faire tomber les principales
barrières au développement humain, et offrant
des prix suffisamment conséquents pour
inciter à entreprendre des efforts d’envergure
et des expérimentations ambitieuses.
Mettre en place des moyens efficaces et
conséquents pour évaluer les approches
gagnantes et partager les connaissances.
� Faciliter les échanges intersectoriels,
par exemple en créant des plateformes
d’apprentissage, d’échange et de prise de
décision ; en mettant à disposition des
services de renforcement des capacités et
de courtage ; et en travaillant à l’adoption
d’un langage commun.
Ce que les autres sont en mesure defaire – favoriser l’essor des pratiquesentrepreneuriales conçues au bénéficede tous par l’apprentissage, la consom-mation et une bonne compréhensiondes possibilités et des enjeux
� Le monde universitaire et autres institutions
de recherche peuvent travailler à améliorer
notre perception de l’ampleur et de la
structure des marchés où vivent les
populations pauvres, de la façon dont
fonctionnent les modèles entrepreneuriaux
qui œuvrent aussi au bénéfice des pauvres, de
ce que sont des mécanismes d’investissement
efficaces et de la manière dont les dialogues
entre entreprises et gouvernements peuvent
s’avérer viables, légitimes et efficaces. Ils
peuvent également identifier les nouvelles
technologies qui seraient de nature à
promouvoir des modèles entrepreneuriaux
visant à opérer au bénéfice des pauvres.
� Les écoles de commerce et les écoles de
gestion publique, en concertation avec
d’autres établissements d’enseignement,
peuvent donner des cours sur les modèles
entrepreneuriaux qui veulent être bénéfiques
pour tous et sur les opportunités inhérentes à
ce type de projet afin de motiver les étudiants
à s’engager dans cette voie. Ces établissements
peuvent proposer des formations inter-
sectorielles et permettre aux étudiants de
prendre pour sujet d’études les modèles
entrepreneuriaux qui œuvrent aussi au
bénéfice des pauvres et les encourager.
� Les associations professionnelles et les « courtiers en partenariats » peuventmettre en commun les informations sur
le degré d’ouverture à la coopération avec
d’autres secteurs qu’offre chacun des modèles
entrepreneuriaux qui veulent être bénéfiques
pour les pauvres, aider à trouver le bon
partenaire pour chaque projet spécifique, et
conseiller les partenaires sur la conception
et la gestion de ces collaborations.
� Les associations professionnelles peuventcoordonner les initiatives collectives
du secteur privé visant à lever certaines
contraintes. À titre d’exemple, les associa-
tions industrielles peuvent mettre en place
des programmes de formation conjoints ou
encore mener des études de marché conjointes.
� Les médias peuvent sensibiliser le publicsur les opportunités commerciales qu’offrentles dynamiques de développement et faire
connaître les initiatives couronnées de suc-
cès. De cette manière, ils contribuent à
accroître la sensibilisation, à nourrir la
compréhension mutuelle et à faire tomber
les barrières entre les différents groupe-
ments d’intérêts.
� Les consommateurs peuvent soutenir lesmodèles entrepreneuriaux qui veulent être
bénéfiques pour les pauvres en achetant des
produits fabriqués par des entreprises qui
fonctionnent avec ce type d’approche. Chaque
individu peut financer ou mettre ses compé-
tences au service d’ONG qui soutiennent la
création de modèles entrepreneuriaux qui
œuvrent aussi au bénéfice des pauvres.
102 L E S E N T R E P R I S E S F A C E A U X D É F I S D E L A P A U V R E T É : D E S S T R A T É G I E S G A G N A N T E S
L’initiative « Entreprendre au bénéfice de tous » est une plateforme qui a pour vocation de
faciliter l’engagement de tous les acteurs pour que les modèles entrepreneuriaux soient de plus
en plus conçus au bénéfice de tous. Elle compile les informations pertinentes, fait connaître les
réussites, élabore des stratégies opérationnelles et crée un espace de dialogue. Le présent rapport
et le processus de collaboration qui a conduit à sa réalisation ne sont que la première étape vers
ces objectifs. La plateforme en ligne de l’initiative (www.growinginclusivemarkets.org) permet
d’accéder à toutes les données et à toutes les études de cas existantes réunies par l’initiative.
Elle sera enrichie en permanence de nouveaux outils et d’informations mis à jour.
En 2007, le Secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-Moon, a lancé un Appel à l’action
en faveur des Objectifs du Millénaire pour le développement, exhortant à un effort international
pour accélérer le rythme des progrès et faire en sorte que l’année 2008 marque un tournant
dans la lutte contre la pauvreté. Le secteur privé a été vivement encouragé à mobiliser son
énergie pour cette cause. L’initiative « Entreprendre au bénéfice de tous » est une invitation
complémentaire à adopter des approches entrepreneuriales reproductibles sur une échelle qui
permette de combler le fossé entre les contraintes d’aujourd’hui et les promesses de demain.
Joignez-vous à nos efforts ! �
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A N N E X E 1 : B A N Q U E D ’ É T U D E S D E C A S
V U E D ’ E N S E M B L E
ENTREPRISE PAYS TYPE D’ENTREPRISE SECTEUR PAGE
A to Z Textiles Tanzanie � � 107
Amanco Mexique � � 107
Amanz’ abantu Afrique du Sud � � 108
ANZ Bank Iles Fidji � � 108
Aspen Pharmacare Afrique du Sud � � 109
Association of Private Ouganda � �Water Operators
Association des producteurs Guinée � �de noix de cajou
Celtel et Celplay RDC � � � 110
Coco Technologies Philippines � � 111
Collecteurs Susu (Barclays) Ghana � � 111
Commerce équitable Mali � �du coton
Construmex Mexique � � 112
Danone Pologne � � 113
DTC Tyczyn Pologne � � 113
Denmor Garment Guyane � �Manufacturers
Edu-Loan Afrique du Sud � � 114
Electrification rurale Mali � � 115
Forus Bank Russie � � 115
Huatai Chine � � 116
Integrated Tamale Ghana � �Food Company
Juan Valdez Colombie � � 117
K-REP Bank Kenya � � 117
Lafarge Indonésie � � 118
LYDEC Maroc � � � 118
Manila Water Company Philippines � � 119
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ENTREPRISE PAYS TYPE D’ENTREPRISE SECTEUR PAGE
Mibanco Pérou � � 119
Money Express Sénégal � � 120
M-PESA Kenya � � � 120
Mt. Plaisir Estate Hotel Trinidad � � 121et Tobago
Narayana Hrudayalaya Inde � � 121
Natura Brésil � � 122
Nedbank et RMB/FirstRand Afrique du Sud � � 122
NTADCL Inde � � 123
PEC Luban Pologne � � 123
Pésinet Mali / Sénégal � � 124
Petstar Mexique � � 124
Procter & Gamble Interrégions � � 125
Rajawali Indonésie � � 125
RiteMed Philippines � � 126
Sadia Brésil � � 126
Sanofi-aventis Afrique � � 127sub-saharienne
SEKEM Egypte � � 127
SIWA Egypte � � 128
Smart Communications Philippines � � � 128
Sulabh Inde � � 129
The HealthStore Foundation Kenya � � 129
Tiviski Dairy Mauritanie � � 130
Tsinghua Tongfang (THTF) Chine � � 130
VidaGás Mozambique � � 131
Votorantim Celulose Brésil � �e Papel
131
A N N E X E 1 . B A N Q U E D ’ E T U D E S D E C A S 107
A to Z Textiles Afrique sub-saharienne > Tanzanie
Auteur(s)Winifred Karugu Triza Mwendwa
SecteurSanté/textile
Type d’entreprisePetite ou moyenneentreprise locale
Le paludisme, transmis par une piqûre de moustique, tue chaque année un million
de personnes dans le monde. En 2004, A to Z Textile Mills de Tanzanie est
devenu le seul producteur africain de moustiquaire antidéchirure imprégnée
d’insecticide de longue durée capable de tuer pendant cinq ans des moustiques
qui entreraient en contact avec le filet, sans traitement intermédiaire. La réussite
du projet est le fruit d’un large partenariat public-privé. Sumitomo, une entreprise
japonaise, transfère la technologie et les produits chimiques à A to Z via un prêt
contracté auprès d’Acumen Fund. Exxon Mobil vend la résine nécessaire à la
fabrication du filet et donne des fonds à l’UNICEF pour acheter les moustiquaires
traitées pour les enfants les plus exposés. L’UNICEF et le Fonds mondial de lutte
contre le Sida, la tuberculose et le paludisme sert d’acheteur en dernier ressort,
garantissant l’achat de toutes les moustiquaires qui ne s’écoulent pas sur les circuits
traditionnels. A to Z commercialise les moustiquaires via des canaux directs et
mobiles. Le gouvernement promeut l’initiative grâce au marketing social à travers
un programme de coupons national qui distribue les moustiquaires traitées
subventionnées aux femmes enceintes et aux enfants de moins de cinq ans. En
plus de l’impact sur la santé publique, A to Z emploie près de 3 400 personnes
peu qualifiées, dont 90 % de femmes.
Objectif(s) du Millénaire pour ledéveloppement concerné(s)
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Amanco Amérique latine et Caraïbes > Guatemala et Mexique
Auteur(s)Loretta Serrano
SecteurAgriculture
Type d’entrepriseGrande entreprise nationale
Pendant des décennies, l’avenir des petits paysans d’Amérique latine s’est
caractérisé par la faiblesse de la productivité et l’absence d’efficacité. C'est dans ce
sombre contexte que Amanco, une filiale du conglomérat GrupoNueva, a décidé
de développer un modèle de chaîne de valeur hybride pour servir les marchés à
faibles revenus. Afin de mener son projet à bien, elle a abandonné la vente de
matériel d’adduction d'eau au profit de solutions d'irrigation intégrées facturées à
l'hectare assorties de services visant à augmenter la productivité des exploitations
et à optimiser l’efficacité de l’usage de l’eau. L’entreprise a noué des partenariats
avec des organisations de la société civile non formels, plus proches des clients à
faibles revenus, et avec d'autres structures fournissant du microcrédit et l'accès à
des filières de commercialisation alternatives. L’amélioration des méthodes
d’irrigation a augmenté la productivité des clients d’Amanco de 22 %, abaissé les
frais de main d'œuvre de 33 % et amélioré de manière significative l’efficacité de
l’usage de l’eau.
Objectif(s) du Millénaire pour ledéveloppement concerné(s)
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108 L E S E N T R E P R I S E S F A C E A U X D É F I S D E L A P A U V R E T É : D E S S T R A T É G I E S G A G N A N T E S
Amanz’ abantu Afrique sub-saharienne > Afrique du Sud
Auteur(s)Courtenay Sprague
SecteurEaux/assainissement
Type d’entreprisePetite ou moyenneentreprise locale
En Xhosa, Ndebele et Zulu (les langues parlées en Afrique du Sud) Amanz’
abantu signifie « de l’eau pour la population ». Amanz’ abantu Services, Ltd.,
fondée en Afrique du Sud en 1997, propose des services d’approvisionnement en
eau et d’assainissement aux communautés rurales et péri-urbaines de l’est du Cap,
où un quart de la population n’a pas accès à l’eau potable. L’entreprise achemine
de l’eau répondant aux normes internationales de qualité à des sites où les
individus peuvent utiliser des robinets d’eau grâce à une carte à puce. Avant
l’arrivée d’Amanz’ abantu, les habitants des villages (essentiellement les femmes)
marchaient pendant des heures pour puiser l’eau de la rivière la plus proche. En
outre, ils s’exposaient au risque de maladies véhiculées par l’eau. L’approvisionnement
en eau potable à 200 mètres des foyers a transformé la vie de ces populations : les
habitants ont ainsi développé des compétences en bâtiment et construction, les
rendant aptes à entrer sur le marché du travail dans un pays où le taux de chômage
atteint 25 %. L’étude de cas décrit les réactions négatives face à l’engagement d’une
entreprise privée dans la gestion de l’eau et comment l’entreprise a surmonté les
obstacles pour résoudre un problème social tout en générant des bénéfices
(67 000 dollars en 2006).
Objectif(s) du Millénaire pour ledéveloppement concerné(s)
4 5
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ANZ Bank Asie et Pacifique > République des îles Fidji
Auteur(s)
SecteurServices financiers
Type d’entrepriseEntreprise multinationale
Aux îles Fidji, près de 340 000 personnes vivent dans des implantations et des
villages sans accès aux services bancaires. Le PNUD et ANZ Bank ont noué un
partenariat pour la mise en place de services bancaires commerciaux viables et
novateurs, soutenus par un programme de formation aux pratiques financières.
L’investissement porte sur un parc de 6 banques mobiles qui se déplacent selon un
planning régulier dans 150 implantations et villages ruraux désignés. L’abandon de
l’obligation de produire une preuve d’identité pour ouvrir un compte bancaire a
permis à ANZ Bank de proposer des produits du type prêts et comptes d'épargne
aux personnes de ces communautés sans papiers officiels. Au cours des 5 premiers
mois de fonctionnement, 17 000 femmes, hommes et écoliers ont commencé à
épargner régulièrement et plus de 1 500 villageois ont acquis des compétences en
gestion d’argent. La banque est en train d’étendre ses activités afin de toucher
140 000 clients.
Objectif(s) du Millénaire pour ledéveloppement concerné(s)
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A N N E X E 1 . B A N Q U E D ’ E T U D E S D E C A S 109
Aspen Pharmacare Afrique sub-saharienne > Afrique du Sud
Auteur(s)Courtenay SpragueStu Woolman
SecteurSanté
Type d’entrepriseGrande entreprise nationale
L’Afrique du Sud a un besoin pressant d’antirétroviraux. Sans changements
significatifs, les projections actuelles prévoient que 3,5 millions de Sud-Africains
décéderont d’infections liées au SIDA d’ici 2010. En 1997, Stephen Saad vend ses
parts de la société pharmaceutique Covan Zurich et, avec deux partenaires, crée
Aspen Pharmacare avec 7 millions de dollars. Son but : créer un laboratoire
pharmaceutique de premier plan capable de fournir au marché sud-africain des
médicaments sous marque, génériques et sans ordonnance à des prix abordables.
Aujourd’hui numéro un africain de la fabrication de comprimés et de gélules,
Aspen a enregistré un bénéfice net de 75 millions de dollars en 2005. L’étude de
cas décrit comment son modèle entrepreneurial et ses innovations lui ont permis
de s’adapter avec succès à un environnement difficile, compliqué par des exigences
humanitaires, gouvernementales et juridiques.
Objectif(s) du Millénaire pour ledéveloppement concerné(s)
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Association of Private Water Operators (association de fournisseurs d’eau privés) Afrique sub-saharienne > Ouganda
Auteur(s)Winifred N. KaruguDiane Nduta Kanyagia
SecteurEau
Type d’entreprisePetite ou moyenneentreprise locales
Sur les 21 millions d’habitants que compte l’Ouganda, plus de 2 millions vivent
dans des villes pratiquement dépourvues de réseau de distribution d’eau. Dans ces
villes, la plupart des personnes disposent de revenus modestes. Le manque d’eau
aggrave donc la pauvreté et favorise la prolifération de maladies. Au départ, les
réformes en matière de distribution d’eau et d’assainissement ont été entreprises
suite aux sondages de reconnaissance effectués dans les villages du pays et financés
par le gouvernement.
Cependant, en 2003, l’Ouganda a développé un nouveau modèle permettant
de répondre aux besoins en eau des résidents à faibles revenus des petites villes
grâce à un partenariat entre les secteurs public et privé réunissant le gouvernement,
les partenaires du développement, les municipalités, et les opérateurs d’eau privés.
Le gouvernement trouve les sites, creuse les trous de forage, facilite l’achat de
terrain pour les communautés et subventionne les versements. L’opérateur privé
distribue l’eau, vérifie la sécurité et réalise des bénéfices. Le conseil de communauté
chargé de la distribution d’eau courante possède des actifs et fixe les tarifs et la
réglementation. Le modèle a permis à 490 000 personnes et 57 petites villes de
disposer de l’eau courante grâce à des systèmes novateurs tels que les points d’eau
avec paiement par jetons. En 2006, on recensait 18 944 raccordements, avec un
chiffre d’affaires annuel de 2 milliards de shillings ougandais (soit 1,2 million de
dollars) par an. Par ailleurs, les fournisseurs emploient plus de 800 personnes.
Objectif(s) du Millénaire pour ledéveloppement concerné(s)
3 4
86
Celtel and Celplay Afrique sub-saharienne > République Démocratique du Congo (RDC)
Auteur(s)Juana de Catheu
SecteurTechnologie de l’information et de lacommunication/services financiers
Type d’entrepriseEntreprise multinationale
Celtel International, un des principaux groupes pan-africains des communications
mobiles, présent dans 15 pays, est entré sur le marché de la République Démocratique
du Congo en 2000, en pleine guerre civile. Le groupe s’est trouvé devant un
marché rongé par l’insécurité, la pauvreté, l’élimination des capacités humaines et
l’incertitude du cadre réglementaire. Les infrastructures étaient inexistantes, tout
comme le réseau bancaire. Les clients potentiels semblaient rares et difficiles à
atteindre. Malgré tous ces obstacles, Celtel a réussi à gagner 2 millions de clients
dans le pays, permettant à des communautés auparavant isolées par la guerre et le
manque d’infrastructure d’échanger des informations. En outre, le groupe a
implanté Celpay – à l’époque filiale de Celtel et dirigé aujourd’hui par FirstRand
Banking Group – comme système bancaire mobile pour compenser l’absence
de réseau bancaire national. L’étude de cas souligne les obstacles et explique en
détail comment l’entreprise les a surmontés.
Objectif(s) du Millénaire pour ledéveloppement concerné(s)
1
8
110 L E S E N T R E P R I S E S F A C E A U X D É F I S D E L A P A U V R E T É : D E S S T R A T É G I E S G A G N A N T E S
Association des producteurs de noix de cajou Afrique sub-saharienne > Guinée
Auteur(s)Mamadou GayeOusmane Moreau
SecteurAgriculture
Type d’entreprisePetite ou moyenneentreprise locale
La Guinée fait pousser environ 5 000 tonnes de noix de cajou brut par an. Dans
le même temps, son plus petit voisin, la Guinée-Bissau, avec le même sol et le
même climat, en produit 80 000 tonnes. Encouragée par la demande croissante
des consommateurs, la Guinée a commencé à concentrer ses efforts sur l’expansion
de la production de noix de cajou. Un bon candidat, puisque 80 % des Guinéens
dépendent de l’agriculture de subsistance pour survivre. Les conditions climatiques
du pays, la fertilité des sols et la longueur des saisons des pluies favorisent la culture
de noix de cajou de grande qualité. Les agences internationales ont soutenu
techniquement et financièrement les producteurs guinéens pour les aider à
améliorer leur compétitivité sur les marchés mondiaux.
Au cours des trois dernières années, l’Alliance pour le développement global,
avec plusieurs coopératives de production guinéennes, le gouvernement, l’Agence
américaine de développement international et Kraft Foods, a aidé les exploitants
guinéens à produire et vendre des noix de cajou ; le but étant de réduire la pauvreté
et d’assurer un meilleur avenir économique au pays. Les partenaires ont collaboré
à l’aide technique fournie aux organisations basées sur des communautés. L’étude
de cas décrit les plans ambitieux réalisés : réhabilitation de 1 600 hectares
d’anciennes plantations de noix de cajou, préparation de 12 000 hectares de
nouvelles plantations, amélioration de la fourniture des semences et formation
de 1 600 associations d’agriculteurs.
Objectif(s) du Millénaire pour ledéveloppement concerné(s)
1
87
A N N E X E 1 . B A N Q U E D ’ E T U D E S D E C A S 111
Coco Technologies Asie et Pacifique > Philippines
Auteur(s)Elvie Grace GancheroPerla Manapol
SecteurAgriculture
Type d’entreprisePetite ou moyenneentreprise locale
Les Philippins qualifient le cocotier d’« arbre de vie » en raison de la diversité de
ses usages. Pourtant, la part traditionnellement majeure de la chair de noix de coco
séchée et de l'huile de coco dans les revenus des producteurs les rend particulièrement
sensibles aux fluctuations du marché. Ainsi, l’incidence de la pauvreté dans ce
groupe est inversement proportionnelle à son poids dans la population du pays,
puisqu’il représente 4 % des 89 millions d'habitants des Philippines, mais 20 %
des pauvres.
Créée en 1993, la société à responsabilité limitée Coco Technologies
(CocoTech) est le pionnier de la production par bioingénierie de filets en fibres
de coco à partir de déchets de coques. Aujourd’hui, son modèle entrepreneurial
collaboratif lui permet d’employer plus de 6 000 familles au tissage et à la
fabrication de ces filets destinés à stabiliser les pentes et à lutter contre l’érosion.
CocoTech apporte un revenu supplémentaire aux producteurs de noix de coco,
fournit un moyen d'existence aux membres des familles traditionnellement non
productifs et propose à ses clients une solution écologique bon marché.
Objectif(s) du Millénaire pour ledéveloppement concerné(s)
1
3
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Collecteurs Susu (Barclays) Afrique sub-saharienne > Ghana
Auteur(s)Robert Darko Osei
SecteurServices financiers
Type d’entrepriseEntreprise multinationale
La collection de l’épargne, appelée « susu », est une pratique vieille de plus de trois
siècles en Afrique qui consiste à recueillir l’épargne des clients de manière informelle.
Les opérateurs prélèvent une somme d’argent prédéterminée, quotidiennement ou
toutes les semaines. Avec environ 4 000 collecteurs susu actifs au Ghana qui
proposent leurs services à une clientèle de 250 à 850 personnes par jour, le système,
bien qu’informel, s’est bien implanté et répond à un besoin important.
En novembre 2005, la banque Barclays Ghana a lancé une initiative mêlant
banque traditionnelle et finance moderne pour tirer parti de la collection susu
pour étendre la microfinance aux populations les plus pauvres du Ghana, le petit
vendeur au marché ou le microentrepreneur ambulant. L’étude de cas analyse la
manière dont l’initiative de Barclays a développé le programme d’épargne susu et
son impact sur la réalisation des objectifs d’entreprise de Barclays.
Objectif(s) du Millénaire pour ledéveloppement concerné(s)
1
8
112 L E S E N T R E P R I S E S F A C E A U X D É F I S D E L A P A U V R E T É : D E S S T R A T É G I E S G A G N A N T E S
Construmex Amérique latine et Caraïbes > Mexique
Auteur(s)Loretta Serrano
SecteurBâtiment/logement
Type d’entrepriseSouthern multinational corporation
Né d’une initiative du géant mexicain de la construction CEMEX, Construmex
fait suite à la réussite de l’initiative entrepreneuriale à visée sociale Patrimonio Hoy,
qui ciblait les consommateurs à faibles revenus. Depuis sa création en 2001,
Construmex a aidé plus de 14 000 Mexicains émigrés aux États-Unis à construire,
acheter ou rénover une maison au Mexique, pour eux-mêmes ou leurs familles.
Jouant le rôle d’intermédiaire entre ces émigrés et leurs contacts ou bénéficiaires
désignés au Mexique, Construmex augmente l'efficacité et l'efficience des
investissements immobiliers.
L’étude de cas présente les défis qu'a dû relever Construmex pour servir les
marchés à faibles revenus et les innovations qui ont permis de les surmonter, dont
les divers partenariats qu'il a fallu mettre en place pour exécuter des transactions
commerciales commencées dans un pays et terminées dans un autre. De 2002 à
2006, Construmex a réalisé un chiffre d’affaires de 12,2 millions de dollars en
matériaux de construction. Depuis fin 2005, 200 maisons ont été vendues et
23 % des clients de Construmex sont des femmes.
Objectif(s) du Millénaire pour ledéveloppement concerné(s)
1
8
Commerce équitable du coton Afrique sub-saharienne > Mali
Auteur(s)Mamadou Gaye
SecteurAgriculture
Type d’entreprisePetite ou moyenneentreprise locale
Le coton est l’une des plus anciennes productions du monde, cultivé en Afrique
depuis plus de 5 000 ans. Aujourd’hui, le coton constitue la principale source de
revenu de 20 millions de personnes et représente 60 % du produit d’exportation
national en Afrique centrale et occidentale. Cependant, et depuis 1999, les
producteurs africains ont été victimes de plusieurs baisses des prix, sans aucune
garantie pour les exploitants que le prix de vente leur permette de générer un
retour sur investissement nécessaire et de couvrir les coûts de production. Les
producteurs africains sont disproportionnément vulnérables, utilisent encore des
outils dépassés sur des lopins de terre familiaux mais doivent rivaliser avec des
producteurs hautement subventionnés par les pays développés. Les producteurs de
coton africains ne voient souvent pas les avantages du commerce international.
Cette étude de cas porte sur les initiatives en matière de coton équitable
lancées auprès des producteurs pauvres maliens pour les aider à vivre de leur
production et gagner un revenu suffisant. Le travail de la Fair-trade Labeling
Organization (une organisation internationale du commerce équitable), sa branche
française Max Havelaar France et les boutiques de vêtements européennes tels que
le français Armor-Lux soulignent l’importance du commerce équitable pour les
producteurs comme pour les consommateurs finaux. Grâce à un prix minimum
garanti fixé dans le cadre de la procédure de commerce équitable, les producteurs
maliens ont augmenté leur revenu de 70 % durant la récolte 2005/2006.
Objectif(s) du Millénaire pour ledéveloppement concerné(s)
1 2
87
A N N E X E 1 . B A N Q U E D ’ E T U D E S D E C A S 113
DTC Tyczyn Europe et CEI > Pologne
Auteur(s)Boleslaw Rok
SecteurTechnologies de l’information et de la communication
Type d’entreprisePetite ou moyenneentreprise locale
L'existence d'une infrastructure de télécommunication bien développée est
cruciale pour le développement économique local. Dans une vallée rurale proche
de la frontière ukrainienne, District Telephone Cooperative Tyczyn a commencé
par réaliser l’union des comités téléphoniques villageois et des autorités locales.
Cet opérateur indépendant, l’un des premiers en Pologne, a mis fin au monopole
de l’État sur la fourniture de services de télécommunication. Constitué en
coopérative, il dispense à ses clients, principalement ruraux, divers services de
meilleure qualité et moins onéreux que l’offre de ses concurrents. L’étude de cas
présente les difficultés que Tyczyn a dû surmonter pour lutter contre l’exclusion
dans l’une des régions les plus pauvres d’Europe centrale et orientale. Les
technologies de l’information et de la communication sont devenues un
instrument de l’évolution des conditions de vie des pauvres et de la mise en
place d'une nouvelle infrastructure sociale.
Objectif(s) du Millénaire pour ledéveloppement concerné(s)
8
Danone Europe et CEI > Pologne
Auteur(s)Boleslaw Rok
SecteurAgroalimentaire
Type d’entrepriseEntreprise multinationale
Il y a trois ans, Danone Pologne, filiale créée en 1992 du Groupe Danone, l'un des
leaders mondiaux de l’industrie agroalimentaire, a développé un produit de petit
déjeuner à forte valeur nutritionnelle destiné aux enfants, à prix abordable pour les
consommateurs à faibles revenus. À base de semoule et de lait, Milk Start est
enrichi de vitamines et de minéraux.
Danone savait que la pérennité financière de son initiative exigeait que le
produit soit rentable ou tout au moins couvre les coûts de son développement, de
sa fabrication et de sa distribution. L’équipe de projet a noué des partenariats avec
un organisme public chargé de la santé et de la nutrition des enfants, le numéro
un polonais de la fabrication de produits instantanés et la plus grande chaîne de
magasins de produits alimentaires du pays. Ces partenaires se sont engagés à
assurer un prix minimal pour une qualité nutritive optimale. Cette collaboration a
donné lieu à de nombreuses innovations, dont un conditionnement économique
en sachets d'une portion afin d'abaisser les coûts de production et d'augmenter
l'accessibilité. Entre le lancement de Milk Start en septembre 2006 et la fin
de la même année, plus de 1,5 million de sachets ont été vendus à environ
33 000 ménages comptant des enfants de moins de 15 ans.
Objectif(s) du Millénaire pour ledéveloppement concerné(s)
4
8
114 L E S E N T R E P R I S E S F A C E A U X D É F I S D E L A P A U V R E T É : D E S S T R A T É G I E S G A G N A N T E S
Edu-Loan Afrique sub-saharienne > Afrique du Sud
Auteur(s)Farid Baddache
SecteurServices financiers
Type d’entreprisePetite ou moyenneentreprise locale
Pendant des décennies, durant l’apartheid, les autorités publiques sud-africaines
ont négligé l’éducation d’une vaste majorité de la population du pays, appelée
« populations historiquement défavorisées ». Aujourd’hui, cette nouvelle économie
sud-africaine manque cruellement de main-d’œuvre qualifiée et diplômée pour
soutenir son développement. Malheureusement, les études supérieures ont un coût
que les populations historiquement défavorisées ne peuvent assumer. De même,
ces populations n’ont pas accès aux modes de financement traditionnels.
Edu-Loan, une institution à but lucratif spécialisée uniquement dans les
prêts consacrés aux études supérieures, propose des options de remboursement
simples (à un taux avantageux) aux candidats historiquement défavorisés souhaitant
développer leurs compétences. Depuis son introduction en 1996, Edu-Loan a
octroyé des prêts à près de 400 000 étudiants, pour un montant total de 140 millions
de dollars. Le succès commercial d’Edu-Loan reflète ses retombées sur le plan
social : l’entreprise offre à ses actionnaires un retour sur investissement de 30 %.
L’étude de cas explique comment deux entrepreneurs ont vu une opportunité
commerciale rentable dans cette niche tout en contribuant au développement humain.
Objectif(s) du Millénaire pour ledéveloppement concerné(s)
8
Denmor Garments Amérique latine et Caraïbes > Guyane
Auteur(s)Melanie Richards
SecteurTextile
Type d’entreprisePetite ou moyenneentreprise locale
Depuis juillet 1997, Denmor Garments, Inc., un fabricant de vêtements à
responsabilité limitée de Coldingen, en Guyane, est passé de 250 employés à plus
de 1 000, dont 98 % de femmes issues des communautés rurales pauvres. Outre
l’emploi, Denmor assure la formation et l’apprentissage de l’autonomie dont ces
femmes ont besoin pour sortir de la pauvreté. Des solutions novatrices ont permis
à Denmor de surmonter les nombreuses difficultés liées à l’emploi de femmes
issues de communautés guyanaises rurales pauvres, dont l’analphabétisme et les
problèmes de transport. Aujourd’hui, l’organisation fabrique des vêtements pour
des grandes marques internationales et ses normes de qualité lui ont valu de
remporter un prix prestigieux décerné par les professionnels de cette branche
d’activité. L’étude de cas présente l’histoire de cette entreprise, inséparable du
riche parcours personnel de son fondateur, Dennis Morgan.
Objectif(s) du Millénaire pour ledéveloppement concerné(s)
1
3
A N N E X E 1 . B A N Q U E D ’ E T U D E S D E C A S 115
Forus Bank Europe et CEI > Russie
Auteur(s)Boleslaw Rok
SecteurServices financiers
Type d’entreprisePetite ou moyenneentreprise locale
Créé en 2000 par l’ONG d’appui à la microfinance Opportunity International,
le Fonds pour le soutien du micro-entrepreneuriat (Fund for Support of
Microentrepreneurship, FORA) avait pour but d’éliminer la pauvreté dans la
Fédération russe en permettant aux personnes économiquement actives de
contracter des petits prêts pour soutenir leurs entreprises. Grâce à la prestation de
services financiers aux personnes exclues des banques commerciales, FORA a
permis aux pauvres, et surtout aux femmes, de jouer un rôle actif dans l’économie
par le biais de la création d’entreprises, de la génération de revenus et de
l’autonomisation sociale. En 2005, face au développement de ces entreprises,
FORA, avec Opportunity International et d’autres partenaires, a créé FORUS
Bank afin de leur donner accès aux capitaux commerciaux et d’élargir son portefeuille
de clientèle. L’étude de cas présente les difficultés soulevées par la transformation
d’une organisation à but non lucratif en banque commerciale de microfinance,
certaines propres à la Russie, d’autres pertinentes partout dans le monde.
Objectif(s) du Millénaire pour ledéveloppement concerné(s)
1
3
8
Électrification rurale Afrique sub-saharienne > Mali
Auteur(s)Mamadou Gaye
SecteurÉnergie
Type d’entreprisePetite ou moyenneentreprise locale
Au Mali, seul 10 % des 12 millions d’habitants du pays ont accès à l’électricité.
Ce taux est encore plus faible (seulement 2 à 3 %) dans les régions rurales où les
appareils sont alimentés par des batteries de voiture et des lampes au kérosène.
Les bougies assurent l’éclairage quotidien.
Koraye Kurumba et Yeelen Kura sont deux fournisseurs d’énergie en zone
rurale gérés par Électricité de France, en partenariat avec l’entreprise néerlandaise
NUON et le groupe français TOTAL, et grâce au soutien de l’Agence de
l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie. Leur électricité, proposée à un
tarif raisonnable et reposant sur l’énergie solaire ou les micro-réseaux à basse
tension des villages fournis par des générateurs diesel, a eu des répercussions sans
précédent sur le développement, notamment en termes de hausse du niveau de vie
et de création d’activités génératrices de revenus. Ce service a également permis
d’améliorer la qualité des soins médicaux et l’éducation. Soutenu par un nouveau
cadre institutionnel et des donateurs internationaux, le modèle (conçu pour
garantir la rentabilité, la viabilité, l’extensibilité et une prise en main locale) doit
être diffusé au-delà des 24 villages et des 40 000 personnes qui en bénéficient
actuellement.
Objectif(s) du Millénaire pour ledéveloppement concerné(s)
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116 L E S E N T R E P R I S E S F A C E A U X D É F I S D E L A P A U V R E T É : D E S S T R A T É G I E S G A G N A N T E S
Integrated Tamale Fruit Company Afrique sub-saharienne > Ghana
Auteur(s)Robert Darko Osei
SecteurAgriculture
Type d’entreprisePetite ou moyenneentreprise locale
The Integrated Tamale Fruit Company, établie dans le district de
Savelugu-Nanton, au nord du Ghana, une zone marquée par une extrême
pauvreté, cultive des mangues certifiées pour les marchés locaux et l’exportation.
Pour renforcer sa position à l’export par des volumes de production plus élevés,
l’entreprise a élaboré un modèle entrepreneurial évolutif intégrant les agriculteurs
locaux. Au lieu d’acheter une grande étendue de terre (une opération impossible
tant sur le plan financier que matériel), l’entreprise produit de gros volume à
travers un programme d’aide aux planteurs, qui a vu le jour en 2001 et dont
1 300 agriculteurs bénéficient actuellement. Chacun d’entre eux possède une
exploitation d’un demi-hectare, avec 100 manguiers qui complètent l’exploitation
de base de 65 hectares. L’entreprise propose un prêt sans intérêt aux planteurs
via les revenus des exploitants et des services techniques, et ces derniers ne
commencent à rembourser le prêt grâce à la vente de mangues qu’à partir du
moment où l’arbre donne des fruits. Ce système permet à la société d’externaliser
de manière sûre un grand volume de mangues biologiques de qualité, et les
planteurs peuvent se consacrer à la production de mangues avec une perspective
de revenu sur le long terme. Les bénéfices réalisés grâce aux récoltes franchiront
la barre des 1 million de dollars par an d’ici 2010. L’étude de cas examine les
principaux défis du programme d’aide aux planteurs et ses implications sur
l’activité commerciale de l’entreprise.
Objectif(s) du Millénaire pour ledéveloppement concerné(s)
1
87
Huatai Asie et Pacifique > Chine
Auteur(s)Donghui Shi
SecteurAgriculture
Type d’entrepriseGrande entreprise nationale
En 2000, Huatai Paper Company, Ltd., le numéro un du papier journal en Chine,
lançait une nouvelle stratégie visant à remplacer la pâte de paille par de la pâte de
bois. Le succès de l’opération nécessitait de mobiliser les agriculteurs locaux à la
plantation d'essences à croissance rapide. Huatai et les autorités locales leur ont
apporté leur soutien sous la forme de technologie, de formation et d’installations
d’irrigation. Environ 6 000 ménages ont planté 40 000 hectares d’essences à
croissance rapide, se dotant ainsi d’une nouvelle source de revenus conséquente.
Parallèlement, Huatai développait son activité papier journal tout en réduisant son
impact environnemental et en se protégeant contre le risque de volatilité des prix
de la pâte importée.
Objectif(s) du Millénaire pour ledéveloppement concerné(s)
87
A N N E X E 1 . B A N Q U E D ’ E T U D E S D E C A S 117
K-REP Bank Afrique sub-saharienne > Kenya
Auteur(s)Winifred N. KaruguDiane Nduta Kanyagia
SecteurServices financiers
Type d’entreprisePetite ou moyenneentreprise locale
La banque K-REP, qui a démarré ses activités en 1999, figure parmi les meilleures
institutions de microfinance. Elle propose des produits et des services, dont des
microcrédits, aux individus à faibles revenus, des prêts individuels, des prêts de
gros aux organismes de microfinance, des services de dépôt, des lettres de crédit et
des garanties bancaires. Les microcrédits, qui fonctionnent sur le modèle de prêt
de groupe de la banque Grameen, se répartissent sur trois catégories. Un groupe
passe par chaque catégorie, jusqu’à être apte à recevoir un prêt d’une banque
commerciale. K-REP a accordé 69 000 prêts en 2005, a affiché de bons résultats
financiers avec un taux de rentabilité des capitaux propres qui se situe entre 4 et
12 %. L’étude de cas présente les défis de ce modèle et les innovations trouvées par
K-REP pour les relever. Elle met également en lumière certains des clients types
de la banque.
Objectif(s) du Millénaire pour ledéveloppement concerné(s)
1
3
8
Juan Valdez Amérique latine et Caraïbes > Colombie
Auteur(s)Luis Felipe Avella VillegasLoretta Serrano
SecteurAgriculture
Type d’entrepriseGrande entreprise nationale
Pour les plus de 566 000 agriculteurs colombiens adhérents de la Fédération
nationale des producteurs de café de Colombie (FNC), le café est un mode de vie.
Environ 95 % d’entre eux possèdent des petites exploitations et des plantations de
café inférieures à 5 hectares. On estime que 2 millions de personnes dépendent
directement de la production de café dans le pays. Pendant plusieurs décennies, le
marché de cette denrée a été secoué par des crises dues à l'instabilité des prix
internationaux, qui ont eu des répercussions importantes sur la qualité de vie des
petits producteurs et de leurs familles. Créé en 1959 pour positionner le café
colombien dans le monde et en particulier aux États-Unis, le personnage de Juan
Valdez a été relancé en 2002 avec l’inauguration des magasins de café Juan Valdez,
dans le cadre d’une initiative de la FNC pour augmenter les bénéfices des
producteurs en intégrant la vente directe à son modèle commercial. En 2006,
la société gérait 57 magasins de café en Colombie, aux États-Unis et en Espagne
et réalisait un chiffre d'affaires de 20 millions de dollars.
L’étude de cas présente le modèle entrepreneurial durable et favorable aux
producteurs pauvres des magasins de café Juan Valdez, une chaîne de valeur de
commerce équitable qui fait le lien entre producteurs, entreprises, consommateurs
et organisations jouant le rôle de catalyseurs. Elle analyse les principaux défis,
innovations et résultats, ainsi que les adaptations, que risquent de nécessiter la
montée en puissance et la consolidation de l'entreprise.
Objectif(s) du Millénaire pour ledéveloppement concerné(s)
1
8
118 L E S E N T R E P R I S E S F A C E A U X D É F I S D E L A P A U V R E T É : D E S S T R A T É G I E S G A G N A N T E S
LYDEC États arabes > Maroc
Auteur(s)
Tarek Hatem
SecteurÉnergie, eau et assainissement
Type d’entrepriseEntreprise multinationale
En 1997, les autorités marocaines ont choisi LYDEC, un consortium privé géré
comme une filiale de SUEZ Environnement, pour gérer les réseaux d’électricité,
d’eau et d’assainissement de Casablanca dans le cadre de l'Initiative nationale pour
le développement humain. Le but de ce contrat de gestion de 30 ans est d’assurer
l’accès à des services essentiels (électricité, eau et assainissement) aux habitants de
Casablanca, y compris les pauvres vivant dans les bidonvilles ou les implantations
illégales. Grâce à son partenariat avec les pouvoirs publics et à une étroite
collaboration avec les usagers locaux par le biais d’un réseau de représentants
de rues, LYDEC a permis d’augmenter de manière significative le nombre
de personnes ayant accès à des services d’électricité et d’eau.
Objectif(s) du Millénaire pour ledéveloppement concerné(s)
1 2
3
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Lafarge Asie et Pacifique > Indonésie
Auteur(s)Farid Baddache
SecteurBâtiment
Type d’entrepriseEntreprise multinationale
Lafarge, l'un des grands noms du secteur des matériaux de construction dans le
monde, emploie 80 000 personnes dans 76 pays et a enregistré un chiffre d’affaires
de plus de 18 milliards de dollars en 2005. Il est présent de longue date en
Indonésie. Le tsunami de décembre 2004 a ravagé la région de Banda Aceh, où se
trouve l’une de ses cimenteries. Marchandise à faible valeur ajoutée, le ciment n’est
rentable que s’il est vendu à proximité de son lieu d’extraction et donc étroitement
lié aux réalités socioéconomiques locales. 193 des 635 employés de l’usine Lafarge
figuraient parmi les 12 000 victimes recensées à proximité immédiate. L’usine
semblait vouée à la ruine. Cette étude de cas analyse les innovations auxquelles
l’entreprise a eu recours pour restructurer ses activités tout en participant à la
reconstruction de la communauté. Elle montre comment une entreprise gère ses
intérêts stratégiques à court et long terme.
Objectif(s) du Millénaire pour ledéveloppement concerné(s)
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A N N E X E 1 . B A N Q U E D ’ E T U D E S D E C A S 119
Mibanco Amérique latine et Caraïbes > Pérou
Auteur(s)Pedro Franco
SecteurServices financiers
Type d’entreprisePetite ou moyenneentreprise locale
Mibanco, une institution de microfinance dotée de 74 agences sur le territoire
péruvien, a été la première banque commerciale du pays et la seconde d’Amérique
latine à fournir des services financiers aux ménages à faibles revenus, ainsi qu’à
leurs micro et petites entreprises. Depuis sa création en 1998, Mibanco a prêté
plus de 1,6 milliard de dollars à raison de 100 à 1 500 dollars à la fois. Parti de
Lima, il est présent dans tout le pays, y compris dans les régions rurales. Pour
répondre à l’intensification de la concurrence sur le marché des faibles revenus,
Mibanco continue à proposer de nouveaux produits de crédit. Avec un rendement
des fonds propres de 23,2 % et des bénéfices supérieurs à 5 millions de dollars en
2002, la situation financière de la société est saine. L’étude de cas présente les
difficultés auxquelles s’est heurté Mibanco pour proposer du crédit à des personnes
qui n’avaient jamais eu accès au système bancaire formel et les innovations qui ont
contribué à sa réussite.
Objectif(s) du Millénaire pour ledéveloppement concerné(s)
1
3
Manila Water Company Asie et Pacifique > Philippines
Auteur(s)Jane Comeault
SecteurEaux/assainissement
Type d’entrepriseEntreprise multinationale du Sud
Depuis ses débuts en 1997, le concessionnaire d'eau et d’assainissement de la
zone Est de l’agglomération de Manille, Manila Water Company Incorporated, a
raccordé plus de 140 000 foyers à faibles revenus au réseau de conduites d'eau et
donné accès à de l’eau propre à plus de 860 000 personnes démunies. Grâce à
l'amélioration des services d'eau et d'assainissement dans l'ensemble de la zone
dont la société a la charge, la couverture, la fiabilité, le service à la clientèle et la
qualité de l’eau ont fait un bond en avant. L’étude de cas présente les défis et les
possibilités propres à la prestation de services d’eau et d’assainissement aux
populations urbaines pauvres, ainsi que les approches novatrices utilisées par
Manila Water pour étendre sa couverture.
Objectif(s) du Millénaire pour ledéveloppement concerné(s)
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120 L E S E N T R E P R I S E S F A C E A U X D É F I S D E L A P A U V R E T É : D E S S T R A T É G I E S G A G N A N T E S
M-PESA Afrique sub-saharienne > Kenya
Auteur(s)Winifred N. KaruguTriza Mwendwa
SecteurServices financiers/technologies de l’information et de la communication
Type d’entrepriseEntreprise multinationales (y compris du Sud)
Au Kenya, il existe un peu moins de 2 millions de comptes bancaires sur une
population de 32 millions d’habitants. Pour combler ce fossé, Safaricom Kenya,
un des deux fournisseurs de services mobiles du Kenya, a conçu une solution
technologique en partenariat avec Vodafone. Le résultat, baptisé MPESA, est un
produit de transfert électronique d’argent visant à faciliter, abaisser le coût et
sécuriser les transactions financières. MPESA permet aux particuliers et aux
entreprises d’effectuer des virements par SMS depuis un téléphone portable. Le
retrait d’espèce et les dépôts sont disponibles auprès d’agents agréés pour payer
des biens et des services. Après le succès de son lancement en 2005, Safaricom
prévoit d’intégrer davantage d’institutions financières et de points de vente dans
le système et de l’étendre à d’autres pays en développement.
Objectif(s) du Millénaire pour ledéveloppement concerné(s)
8
Money Express Afrique sub-saharienne > Sénégal
Auteur(s)Mamadou GayeOusmane Moreau
SecteurServices financiers
Type d’entreprisePetite ou moyenneentreprise locale Le groupe Chaka, créé en 1994 par l’entrepreneur sénégalais Meissa Deguene
Ngom, se compose de trois branches : Chaka Computer, Call Me et Money
Express. L’étude de cas se concentre plus particulièrement sur Money Express et
les avantages qu’offre ce service aux populations pauvres.
Depuis ses débuts, l’objectif de Money Express a été de dominer le marché
des services de virements et transferts de fonds pour les immigrants d’Afrique de
l’ouest vivant en Europe et aux États-Unis. Pour envoyer de l’argent depuis
l’étranger, les clients de Money Express n’ont besoin que d’un passeport sénégalais
ou d’un autre pays d’Afrique de l’ouest. L’entreprise, présente dans les zones
urbaines et rurales, travaille en partenariat avec des réseaux de petites banques
établies dans les villages ouest-africains. Money Express aide les destinataires à
recevoir leur somme d’argent proposant parfois des agents itinérants qui remettent
les fonds en main propre aux personnes âgées qui ne peuvent se déplacer
facilement. Pour de nombreux clients qui ne possèdent pas les documents
d’identification à présenter aux banques traditionnelles, ce service constitue un réel
avantage. En outre, de nombreuses banques ne disposent pas de l’infrastructure
nécessaire pour transférer des fonds en milieu rural. Cette étude de cas examine
l’expansion rapide qu’a connue Money Express à travers l’Afrique de l’ouest grâce
à son modèle entrepreneurial à bas coût, ses connaissances du marché africain et
son attachement au service clientèle, au développement et la formation de
son personnel.
Objectif(s) du Millénaire pour ledéveloppement concerné(s)
1
8
A N N E X E 1 . B A N Q U E D ’ E T U D E S D E C A S 121
Narayana Hrudayalaya Asie et Pacifique > Inde
Auteur(s)Prabakar KothandaramanSunita Mookerjee
SecteurSanté
Type d’entreprisePetite ou moyenneentreprise locale
Incapables de payer les frais médicaux, de vastes segments de la société indienne
ne bénéficient même pas des services de santé les plus élémentaires. Il n’existe
quasiment pas d'assurance maladie, surtout pour les pauvres.
En 2001, Devi Shetty ouvre, à la périphérie de Bengaluru, Narayana
Hrudayalaya, un hôpital spécialisé dans la cardiologie. Convaincu que l’enrichissement
d’un pays dépend de la santé de ses pauvres, M. Shetty s’est donné pour mission
de dispenser des soins cardiologiques de premier plan aux patients pauvres grâce à
la technologie, à la rationalisation des soins et à la mise à disposition des pauvres
d’une assurance maladie innovante. L’établissement ne refuse jamais les patients
qui n’ont pas les moyens de payer. Même dans ces conditions, ses bénéfices
atteignent le chiffre impressionnant de 20 % avant intérêts, amortissement et
taxes, supérieur à celui du principal hôpital traditionnel comparable.
Objectif(s) du Millénaire pour ledéveloppement concerné(s)
1
86
Mt. Plaisir Estate Hotel Amérique latine et Caraïbes > Trinidad et Tobago
Auteur(s)Melanie Richards
SecteurÉcotourisme
Type d’entreprisePetite ou moyenneentreprise locale
Le Mt. Plaisir Estate Hotel est une retraite idyllique pour écotouristes, la première
de son genre à Grand Rivière, sur la côte nord de Trinidad. En 14 années d’existence,
l’établissement a contribué à la transformation d’un village rural pauvre en une
communauté dynamique et autonome. Entre 1995 et 2001 ses revenus ont
augmenté régulièrement, pour atteindre un bénéfice de 238 000 dollars en 2001.
L’étude de cas présente l’histoire de l’organisation, ainsi que les défis et les
opportunités qu’elle a rencontrés pour assurer sa viabilité tout en développant,
autonomisant et formant une communauté afin qu'elle devienne autosuffisante
et pérenne. Elle met également en avant le parcours humain motivant de son
fondateur, Piero Guerrini.
Objectif(s) du Millénaire pour ledéveloppement concerné(s)
1
7
122 L E S E N T R E P R I S E S F A C E A U X D É F I S D E L A P A U V R E T É : D E S S T R A T É G I E S G A G N A N T E S
Nedbank et RMB/FirstRand Afrique sub-saharienne > Afrique du Sud
Auteur(s)Farid Baddache
SecteurServices financiers
Type d’entrepriseGrande entreprise nationale
Après avoir connu des décennies de violence, de ségrégation et d’inégalités durant
l’apartheid, l’Afrique du Sud a déployé des efforts importants pour restaurer
l’égalité et la stabilité de son économie grâce à des modifications structurelles.
Deux banques sud-africaines, Rand Merchant Bank et Nedbank, créent
actuellement des produits financiers novateurs destinés au marché des foyers à
faibles revenus du pays. Les deux projets, dont le lancement est prévu en 2007,
vont dans le sens de la charte des services financiers volontaires, une stratégie
d’autonomisation économique des populations noires conçue par le secteur privé
avec le soutien du gouvernement. Rand Merchant Bank finance des programmes
de logement à loyer modéré qui favorise la mixité sociale dans les agglomérations.
Nedbank, quant à elle, propose des prêts immobiliers aux personnes à faibles
revenus. Toutes deux évoluent dans un marché jusque-là délaissé : la frange de la
population trop modeste pour accéder aux prêts immobiliers classiques mais
considérée comme trop aisée selon les critères du gouvernement pour recevoir des
aides publiques au logement. L’étude de cas retrace le développement des deux
produits financiers, notamment les obstacles rencontrés et les innovations mises en
œuvre pour les surmonter, ainsi que les résultats escomptés, les enseignements tirés
et les opportunités de croissance à venir sur le marché du logement des
populations à revenus modestes.
Objectif(s) du Millénaire pour ledéveloppement concerné(s)
8
Natura Amérique latine et Caraïbes > Brésil
Auteur(s)Cláudio BoechatRoberta Mokrejs Paro
SecteurAgriculture
Type d’entrepriseGrande entreprise nationale
En 2000, Natura, une société de cosmétiques brésilienne, se dotait d’une stratégie
visant à utiliser la matière première extraite de la nature comme plate-forme de ses
produits. Pour augmenter la production locale et pérenniser l’extraction, la société
a élaboré un nouveau modèle entrepreneurial prévoyant la participation des petites
communautés, des organisations non gouvernementales et des pouvoirs publics
à la promotion du développement local durable. Toutes les parties ont convenu,
en toute transparence, d’une marge bénéficiaire raisonnable : 15 à 30 %. Le
programme a permis de différencier la marque Natura sur le marché.
Natura a pour philosophie d’optimiser simultanément les bénéfices pour
la nature, les communautés et elle-même. Dans le cadre de sa volonté de
responsabilité sociale, la société a mis en place des relations fournisseur-clients
avec les communautés rurales qui extraient la matière première de la biodiversité
végétale brésilienne. En 2003, elle a contacté trois communautés de l’État de
Pará (Campo Limpo, Boa Vista et Cotijuba) pour produire du priprioca, une
graminée dont les racines libèrent un parfum rare et délicat. L'activité a connu
un tel essor que Natura a construit en 2006 une nouvelle usine de fabrication de
savon dans la région.
Objectif(s) du Millénaire pour ledéveloppement concerné(s)
87
A N N E X E 1 . B A N Q U E D ’ E T U D E S D E C A S 123
PEC Luban Europe et CEI > Pologne
Auteur(s)Boleslaw Rok
SecteurÉnergie
Type d’entreprisePetite ou moyenneentreprise locale
PEC Luban, fournisseur de chauffage d’un secteur de la ville polonaise de Luban,
s’est lancé dans la génération de chaleur à base de paille à la fin des années 1990.
Cette décision a entraîné une réduction significative des émissions dangereuses
engendrées par les combustibles traditionnels, dont le charbon en premier lieu.
L’utilisation de paille, une source renouvelable et produite localement de biomasse
à valeur énergétique, a également dynamisé la demande auprès des agriculteurs
locaux. L’utilisation de la biomasse à des fins énergétiques requiert une main
d’œuvre relativement importante et génère au moins 20 fois plus d’emplois locaux
que toute autre forme d’énergie. Les résultats par rapport à la concurrence sont
encourageants eux aussi : en 2004/2005, les clients de PEC Luban payaient leur
chauffage un prix environ 5 % inférieur à la moyenne des autres sociétés de
chauffage de secteurs utilisant uniquement du charbon. L’étude de cas présente
les nouvelles méthodes de gestion et d’analyse des coûts que doit adopter une
entreprise qui passe à une approche opérationnelle plus durable et plus favorable
aux personnes démunies. Elle donne également un exemple de la façon dont il
est possible de surmonter les problèmes techniques pour répondre aux besoins
énergétiques dans une perspective de durabilité tout en apportant un soutien à
la population locale.
Objectif(s) du Millénaire pour ledéveloppement concerné(s)
87
New Tirupur Area Development Corp. Ltd. (NTADCL) Asie et Pacifique > Inde
Auteur(s)Prabakar KothandaramanK. Kumar
SecteurEaux/assainissement
Type d’entrepriseGrande entreprise nationale
À Tirupur, une petite ville située au sud-ouest de l’État du Tamil Nadu, le rejet
d'effluents des usines textiles a pollué la nappe phréatique. L’eau est désormais une
denrée rare pour les industriels et les habitants. Réalisant que les anciens
programmes d’eau financés par l’État ne suffiraient pas à répondre à la demande
croissante, le gouvernement du Tamil Nadu a noué des partenariats avec des
sociétés privées pour relever les défis financiers, techniques et opérationnels
auxquels il se trouvait confronté. Avec le soutien d’acteurs expérimentés des
secteurs de la finance, de l’ingénierie, des achats et du bâtiment, il a créé une
structure ad hoc baptisée « The New Tirupur Area Development Corporation, Ltd »,
avec laquelle il a signé un contrat de concession de 30 ans. Le rendement de l’in-
vestissement attendu est de 20 %. L’étude de cas présente la structure
multipartite complexe de la société et détaille sa grille de tarification innovante,
qui puise dans les revenus industriels pour assurer la subvention croisée des coûts
encourus par les consommateurs domestiques à faible revenu.
Objectif(s) du Millénaire pour ledéveloppement concerné(s)
1
76
124 L E S E N T R E P R I S E S F A C E A U X D É F I S D E L A P A U V R E T É : D E S S T R A T É G I E S G A G N A N T E S
Petstar Amérique latine et Caraïbes > Mexique
Auteur(s)
SecteurDéchets
Type d’entrepriseGrande entreprise nationale
Dans la ville mexicaine de Toluca, la division Petstar de la société de services
environnementaux mexicaine Promotora Ambiental construira et gérera une usine
de recyclage des bouteilles en plastique qui transformera les bouteilles en PET
(polyéthylène téréphthalate) usagées en bouteilles de qualité alimentaire grâce à
une technologie principalement utilisée jusqu'ici dans les pays développés. Le
recyclage des bouteilles en PET usagées réduira le volume des déchets solides
municipaux générés dans l’État de Mexico et la production de l’usine réduira la
consommation de PET vierge par les fabricants de bouteilles. Le site devrait faire
progresser le chiffre d'affaires de Petstar de 50 %, générer 63 emplois locaux
directs et fournir un revenu à environ 25 000 personnes participant à sa chaîne
logistique. Dans les décharges, où des ouvriers trient et recyclent les ordures dans
des conditions pénibles, Petstar est en train d'élaborer un « plan d'engagement
social programmatique » ciblant directement ce problème systémique afin de
réduire l'incidence du travail non formel dangereux des enfants au sein de sa
chaîne logistique. En transformant des bouteilles de boissons usagées en intrants
de production, le projet participera à l’amélioration de la gestion des déchets dans
l’État de Mexico.
Objectif(s) du Millénaire pour ledéveloppement concerné(s)
1
3
7 8
Pésinet Afrique sub-saharienne > Mali et Sénégal
Auteur(s)Mamadou Gaye
SecteurSanté / technologies de l’informationet de la communication
Type d’entrepriseOrganisation non gouvernementale
Le projet Pésinet, créé en 2002 par l’entreprise bruxelloise Afrique Initiatives, est
une méthode d’avertissement précoce de surveillance de l’état de santé des enfants
de familles à faibles revenus. Son concept est simple : les mères s’inscrivent aux
services de Pésinet pour une somme symbolique. En retour, un représentant local
de Pésinet pèse leurs enfants deux fois par semaine. Les résultats sont communiqués
par le biais des technologies d’information et de communication à un médecin
local, qui étudie la courbe de poids et invite la mère et l’enfant à consulter si le
poids est anormalement bas et qu’un traitement médical s’impose. Mis en œuvre à
l’origine à Saint Louis, au Sénégal, le projet n’a pas réussi à atteindre la viabilité
financière nécessaire. Mais les enseignements tirés et les solutions innovantes
(dont les partenariats stratégiques et les améliorations techniques et financières
apportées) ont permis de relancer avec succès le projet Pésinet au Mali en 2007,
duquel des centaines d’enfant ont pu profiter.
Objectif(s) du Millénaire pour ledéveloppement concerné(s)
4
86
A N N E X E 1 . B A N Q U E D ’ E T U D E S D E C A S 125
Rajawali Express Taxi Asie et Pacifique > Indonésie
Auteur(s)Elvie Grace A. GancheroChrysanti Hasibuan-Sedyono
SecteurTransport
Type d’entreprisePetite ou moyenneentreprise locale
La crise financière asiatique de 1997 a asséné un coup sévère à l’emploi en
Indonésie, dont les entreprises ont dû licencier 1,4 million de personnes. Une
décennie plus tard, les taux de chômage continuent à grimper et l’économie, les
relations sociales et la sécurité du pays se jouent sur fond de pauvreté.
Express Taxi, filiale du conglomérat diversifié Rajawali et numéro deux des
compagnies de taxi en Indonésie, a lancé un nouveau programme baptisé
« Taxicab Ownership Scheme » qui propose une forme de location-vente aux
chauffeurs. Express Taxi s’appuie sur sa réputation et son actif pour garantir les
prêts. Les chauffeurs y gagnent parce que leur revenu net augmente. La société y
gagne parce que les chauffeurs traitent les véhicules de manière responsable et
génèrent des flux de trésorerie plus stables. La collectivité y gagne parce que les
chauffeurs conduisent plus prudemment leurs propres véhicules et suivent des cours
de sécurité fournis par l'entreprise. L’étude de cas montre comment une entreprise
peut participer à la lutte contre la pauvreté en nouant un partenariat gagnant-gagnant
avec ses employés issus des communautés urbaines et rurales pauvres.
Objectif(s) du Millénaire pour ledéveloppement concerné(s)
1
8
Procter & Gamble Interrégions
Auteur(s)Farid Baddache
SecteurEau
Type d’entrepriseEntreprise multinationale
Selon l’Organisation mondiale de la santé, l’eau potable est un des besoins les
plus importants au monde. Plus d’un milliard de personnes en sont privé, et on
estime à 1,8 million le nombre d’enfants qui meurent chaque jour de maladies
diarrhéiques liées à la consommation d’eau contaminée. Le Health Sciences
Institute de P&G, en collaboration avec les centres américains de contrôle et de
prévention des maladies, a conçu un produit de purification d’eau domestique
abordable et facile à utiliser : PUR (Purifier of Water). Lancée en 2000, cette
poudre révolutionnaire, vendue en sachets individuels, réduit le nombre de
bactéries pathogènes. Résultat : l’eau devient potable et répond aux normes de
l’Organisation mondiale de la santé.
Après de vaines tentatives de transformer cette innovation en produit
commercialisable dans de nombreux pays en développement, P&G la propose
aujourd’hui comme une initiative menée dans le cadre de la responsabilité sociale
de l’entreprise. Fin 2007, le groupe a vendu à prix coûtant 57 millions de sachets à
des organisations humanitaires, sachets distribués via des entrepreneurs locaux.
L’initiative a apporté au groupe une expérience et une image publique forte qui
l’aideront à vendre les produits aux marchés à revenus élevés.
Objectif(s) du Millénaire pour ledéveloppement concerné(s)
4
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126 L E S E N T R E P R I S E S F A C E A U X D É F I S D E L A P A U V R E T É : D E S S T R A T É G I E S G A G N A N T E S
Sadia Amérique latine et Caraïbes > Brésil
Auteur(s)Cláudio BoechatNísia WerneckLetícia Miraglia
SecteurAgriculture
Type d’entrepriseEntreprise multinationale du Sud
Numéro un du marché brésilien des aliments réfrigérés et surgelés avec plus de
600 produits dans les segments viande, pâtes, margarine et desserts, Sadia compte
parmi les leaders mondiaux de ce secteur. C’est aussi le principal exportateur de
produits à base de viande du pays. Le Programme de production durable de porc
répond à la volonté de réduire les émissions de gaz à effet de serre générés par les
plus de 3 500 éleveurs porcins de la chaîne logistique de Sadia et de qualifier ces
réductions en projet de Mécanisme de développement propre du protocole de
Kyoto afin de vendre ses crédits de carbone. Soucieux d’assurer la durabilité de la
chaîne logistique de l'entreprise, le programme génère un revenu supplémentaire
grâce aux crédits de carbone et améliore les conditions de travail des éleveurs
porcins. L’étude de cas présente l’usage innovant de la technologie et la structure
de projet novatrice qui ont permis de capitaliser sur la négociation des crédits sur
les nouvelles places financières.
Objectif(s) du Millénaire pour ledéveloppement concerné(s)
1
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RiteMed (UNILAB) Asie et Pacifique > Philippines
Auteur(s)Elvie Grace A. GancheroCristina V. Pavia
SecteurSanté
Type d’entrepriseEntreprise multinationale du Sud
Les prix des médicaments aux Philippines sont parmi les plus élevés au monde :
40 à 70 % plus chers que dans les pays voisins, de l’aveu même du ministère
philippin de la Santé. Certains d’entre eux coûtent dix fois plus aux Philippines
que dans les nations environnantes. Créée en 1945, United Laboratories, Inc.
(UniLab) est la plus ancienne compagnie pharmaceutique du pays et demeure
l'une des plus importantes. En 2002, afin de soutenir la campagne des pouvoirs
publics visant à abaisser le prix des médicaments, UniLab crée RiteMed, une
filiale chargée de commercialiser et de distribuer des médicaments génériques de
qualité dans les populations pauvres. La société vend ses produits génériques 20 à
75 % moins cher que leurs équivalents sous marque et a atteint en cinq ans son
objectif de chiffre d'affaires de 20 millions de dollars, sans sacrifier sa rentabilité.
L’étude de cas présente les tensions sociales, juridiques et stratégiques qui ont
accompagné cette initiative, ainsi que les solutions trouvées pour les gérer.
Objectif(s) du Millénaire pour ledéveloppement concerné(s)
86
A N N E X E 1 . B A N Q U E D ’ E T U D E S D E C A S 127
Sanofi-aventis Afrique sub-saharienne
Auteur(s)Robert Darko Osei
SecteurSanté
Type d’entrepriseEntreprise multinationale
Sanofi-aventis, la plus grande entreprise pharmaceutique en Europe et la 4e sur le
plan mondial, a scellé un partenariat avec l’Organisation mondiale de la santé en
2001 pour combattre la maladie du sommeil ainsi que d’autres infections négligées
dont les populations pauvres sont victimes. Les premières discussions menées avec
l’Organisation mondiale de la santé ont montré que les dons de médicament seuls
ne suffisaient pas. D’autres actions combinées (dons de médicaments, subventions
pour financer les programmes de distribution et de nouveaux progrès en recherche
et développement pour améliorer les traitements et le diagnostic) augmenteraient
les chances de maîtriser la maladie du sommeil. Durant les cinq premières années,
36 pays africains ont bénéficié de ce partenariat et près de 110 000 vies ont été
sauvées. L’étude de cas examine les défis et les opportunités spécifiques que le
partenariat a dû relever, ainsi que les méthodes permettant d’assurer sa viabilité.
Plus important encore, il montre le rôle prépondérant que peuvent jouer des
entreprises telles que Sanofi-aventis grâce à leurs compétences et leurs ressources.
Objectif(s) du Millénaire pour ledéveloppement concerné(s)
86
SEKEM États arabes > Égypte
Auteur(s)Tarek Hatem
SecteurAgriculture
Type d’entreprisePetite ou moyenneentreprise locale
Après 21 ans passés en Autriche, Ibrahim Abouleish est rentré en Égypte pour
agir contre les difficultés qu’il avait observées lors de ses séjours. En 1977, il crée
l’initiative Sekem pour promouvoir le développement social et environnemental
par le biais d’activités économiques et culturelles. Le groupe Sekem comprend
huit entreprises : Libra pour l’agriculture, Mizan pour les plants issus de l’agriculture
biologique, Hator pour les fruits et les légumes frais, Lotus pour les herbes et les
épices, Isis pour les aliments et les boissons biologiques (pain, produits laitiers,
huiles, épices et thé), Conytex pour le coton et les tissus biologiques, Atos pour
les produits pharmaceutiques et Ecoprofit (en cours de création) pour la gestion
durable. Les efforts de Sekem ont profité à la collectivité égyptienne sur le plan
économique, social et culturel. Les 2 000 employés de Sekem et les 850 petits
agriculteurs auprès desquels il s’approvisionne ont appliqué des pratiques de
culture biologique à 3 500 hectares en 2005 et 25 000 personnes ont profité
directement de ces activités. L’étude de cas présente chaque unité d’exploitation
et son impact dans le contexte de la philosophie globale de l’initiative.
Objectif(s) du Millénaire pour ledéveloppement concerné(s)
1 2
87
128 L E S E N T R E P R I S E S F A C E A U X D É F I S D E L A P A U V R E T É : D E S S T R A T É G I E S G A G N A N T E S
SIWA États arabes > Égypte
Auteur(s)Tarek Hatem
SecteurÉcotourisme
Type d’entreprisePetite ou moyenneentreprise locale
En 1998, le cabinet de conseil environnemental cairois EQI a commencé à
investir dans l’oasis égyptienne de Siwa par le biais d’une série d’initiatives
communautaires. La « Siwa Sustainable Development Initiative », une initiative de
développement dirigée par le secteur privé, insiste sur le fait qu’elle emploie de la
main d’œuvre locale, fait appel à des systèmes traditionnels de construction et de
gestion environnementale et utilise des matériaux locaux. À Siwa, le portefeuille
d’entreprises d’EQI compte trois hôtels de type « lodge », une initiative d’artisanat
féminin, de l’agriculture biologique et des projets artistiques communautaires.
Aujourd’hui 75 habitants de Siwa travaillent à plein temps dans les sociétés locales
d’EQI et on constate en général 310 opportunités génératrices de revenu chaque
mois. L’étude de cas présente les défis et les possibilités de divers programmes
visant la lutte contre la pauvreté, l’amélioration des conditions de vie et la
réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement.
Objectif(s) du Millénaire pour ledéveloppement concerné(s)
1
3
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Smart Communications Asie et Pacifique > Philippines
Smart Communications, Inc., l’un des principaux prestataires de services de
téléphonie sans fil des Philippines, a pris acte du fait qu'au moins 8 millions de
Philippins, soit un quart de la main d'œuvre nationale, travaillent et résident à
l'étranger. On estime qu’en 2005, l’émigration philippine a transféré pour 10,7
milliards de dollars de fonds et une somme au moins équivalente par l’intermédiaire
de filières non formelles. Devant cette situation, Smart a proposé le premier
une méthode bon marché, rapide et pratique de transfert de fonds fondée sur la
technologie SMS. Grâce à cette innovation, et à d’autres, Smart propose aux
travailleurs pauvres résidant à l’étranger et à leurs familles des frais de virement
de 1 à 8 % au lieu des 10 à 35 % des taux bancaires standard. La hausse du revenu
net des expatriés optimise la valeur de ces revenus durement gagnés qui servent à
nourrir, habiller, éduquer et loger des millions de familles aux Philippines. Au vu
d’un chiffre d’affaires de 6 millions de dollars en 2006, Smart a élargi sa stratégie
de services aux populations à faibles revenus. Son nombre d’abonnés est ainsi
passé de 191 000 en 1999 à plus de 2,6 millions en 2000 pour atteindre environ
24,2 millions fin 2006.
Objectif(s) du Millénaire pour ledéveloppement concerné(s)
1
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Auteur(s)Elvie Grace Ganchero
SecteurTechnologies de l’information et de lacommunication/services financiers
Type d’entrepriseEntreprise multinationale du Sud
A N N E X E 1 . B A N Q U E D ’ E T U D E S D E C A S 129
Sulabh Asie et Pacifique > Inde
Auteur(s)Prabakar KothandaramanVidya Vishwanathan
SecteurEaux/assainissement
Type d’entrepriseOrganisation à but non lucratif
En raison du coût des systèmes à chasse d’eau et de la rareté de l’eau, la plupart
des toilettes construites en Inde au 20e siècle étaient des latrines sèches avec
système de rinçage à l’eau. Par ailleurs, un grand nombre d’entre elles ne
bénéficiait pas de dispositifs formels d’assainissement. En 2003, le ministère
indien de la Justice sociale et de l’autonomie comptabilisait 676 000 personnes
dans le pays, principalement des femmes, qui tiraient leur subsistance de
l’enlèvement des excréments humains.
Depuis 1970, la société Sulabh International de Bindheshwar Pathak fait
appel à une technologie d’assainissement sans risque et bon marché dans le but
d'éviter la perpétuation de ce travail ingrat. En trois décennies, Sulabh a bâti un
modèle entrepreneurial commercialement viable qui a exercé un impact significatif
sur le développement. L’entreprise a développé 26 types de toilettes adaptés à
divers budgets et emplacements et formé 19 000 maçons à la construction de
toilettes bon marché à deux fosses à l’aide de matériaux locaux. Elle a également
installé plus de 1,4 million de toilettes dans les ménages et gère plus de 6 500 toilettes
publiques payantes. Cette technologie a permis à 60 000 personnes d’abandonner
la collecte d’excréments et de participer à des programmes de réintégration dans la
société.
Objectif(s) du Millénaire pour ledéveloppement concerné(s)
1
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The HeathStore Foundation Afrique sub-saharienne > Kenya
Auteur(s)Winifred Karugu
SecteurSanté
Type d’entrepriseOrganisation à but non lucratif
Pour empêcher des décès inutiles et freiner la progression de maladies telles que le
paludisme et la diarrhée en améliorant durablement l’accès à la médecine de base,
un avocat américain et un pharmacien kenyan ont créé The HealthStore Foundation,
un franchiseur des pharmacies et dispensaires CFW (Child and Family Wellness)
situés dans les zones rurales et les bidonvilles au Kenya. La fondation fonctionne
sur le même modèle qu’une franchise traditionnelle, en choisissant ses franchisés
(infirmiers et travailleurs sociaux de la communauté), en fournissant une marque
commune et un réseau logistique, en offrant développement professionnel et
formation et en imposant le respect de règles et réglementations par une surveillance
régulière. Les points de vente et dispensaires CFW proposent des soins les
plus nécessaires et financièrement abordables tout en générant suffisamment de
bénéfices pour rémunérer les infirmiers (ères) franchisé(e)s et les salaires annuels
compétitifs des salariés.
Objectif(s) du Millénaire pour ledéveloppement concerné(s)
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130 L E S E N T R E P R I S E S F A C E A U X D É F I S D E L A P A U V R E T É : D E S S T R A T É G I E S G A G N A N T E S
Tiviski Dairy Afrique sub-saharienne > Mauritanie
Auteur(s)Mamadou Gaye
SecteurAgroalimentaire
Type d’entreprisePetite ou moyenneentreprise locale
Tiviski est la première laiterie de lait de chamelle d’Afrique. Elle a été fondée en
1987 par Nancy Abeiderrahmane en Mauritanie, un pays de désert aride, dont
près des 3 millions d'habitants sont des pasteurs nomades, qui élèvent chameaux,
moutons, chèvres et vaches. Elle transforme désormais aussi le lait de vache et de
chèvre destiné à la consommation domestique. Tiviski achète l’intégralité de son
lait à des pasteurs de subsistance semi-nomades, qui peuvent ainsi gagner un
revenu sans abandonner leur style de vie traditionnel. La substitution du lait de
chamelle frais et d’autres produits laitiers aux produits laitiers importés d’Europe
a soutenu l’économie mauritanienne. Les succès récents ont même généré un défi
inattendu : parvenir à convaincre l’Europe d’importer des friandises à base de lait
de chamelle fabriquées par Tiviski. L’étude de cas présente l’histoire passionnante
d’une femme chef d’entreprise que les obstacles logistiques et culturels n’ont pas
empêchée de créer une entreprise viable appuyée sur une chaîne de valeur innovante.
Objectif(s) du Millénaire pour ledéveloppement concerné(s)
1
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Tsinghua Tongfang (THTF) Asie et Pacifique > Chine
Auteur(s)Ronglin LiTracy Zhou
SecteurTechnologies de l’information et de la communication
Type d’entrepriseGrande entreprise nationale
Avec plus de 900 millions de producteurs, la Chine compte la population agricole
la plus importante au monde. Mais les Chinois des zones rurales disposent d’un
accès beaucoup plus limité aux ordinateurs et aux connaissances informatiques que
leurs concitoyens des villes. Cette fracture numérique freine le développement
humain des campagnes et le développement économique du pays.
Tsinghua Tongfang, une société d’informatique haute technologie basée à
Beijing, a noué en 2005 un partenariat avec les autorités municipales de Beijing
pour développer l’ordinateur Chanfeng destiné aux utilisateurs ruraux. Plusieurs
fonctions importantes rendent ces systèmes plus facilement accessibles aux
populations rurales que les ordinateurs personnels standard : un système
d’exploitation bon marché, des logiciels et un matériel personnalisés s’appuyant
sur une étude approfondie des besoins des utilisateurs, ainsi que des centres de
formation innovants en zones rurales réservés aux agriculteurs. Ces logiciels
comprennent des applications agricoles dispensant aux exploitants des conseils
de gestion et des connaissances spécialisées. L’étude de cas présente les avantages
pour les deux parties de ce partenariat public-privé : Tsinghua Tongfang a pénétré
sur le marché inexploité de l’informatique rurale et les pouvoirs publics ont assuré
la promotion de leurs objectifs de développement numérique dans les campagnes.
Objectif(s) du Millénaire pour ledéveloppement concerné(s)
2
87
A N N E X E 1 . B A N Q U E D ’ E T U D E S D E C A S 131
VidaGás Afrique sub-saharienne > Mozambique
Auteur(s)Courtenay Sprague
SecteurSanté
Type d’entreprisePetite ou moyenneentreprise locale
Dans un pays qui compte 500 médecins pour environ 20 millions de personnes, les
projets d’élargir l’accès aux services de santé aux populations rurales sont vivement
encouragés mais font malheureusement défaut. Au nord du Mozambique, le défi
important que doivent relever les dispensaires est le manque de fuel de qualité
pour éclairer les opérations médicales et garantir une réfrigération correcte des
vaccins. Et avec moins de 2 % des foyers disposant de l’électricité, nombreux sont
ceux qui dépendent du bois ou du charbon pour cuisiner. Cette situation augmente
les infections respiratoires, les complications prénatales et la destruction des forêts.
Dans ce contexte, des partenaires se sont réunis en 2002 pour lancer un projet
pilote visant à proposer des services d’approvisionnement en gaz de pétrole
liquéfié (GPL) au nord du pays. L’ancien ministre de l’éducation chargé de la
santé des enfants, une organisation non gouvernementale de Seattle offrant des
services de santé, des philanthropes prêts à soutenir financièrement le projet, le
ministère de la Santé mozambicain, le gouverneur de la province pilote et la FDC
(Fundação para o Desenvolvimento da Comunidade), une fondation communautaire
ayant une connaissance approfondie des besoins en développement complexe du
Mozambique, figuraient parmi les partenaires au projet. Résultat : VillageReach et
la FDC ont introduit ou amélioré la chaîne du froid et remplacé les réfrigérateurs
au kérosène vétustes par des réfrigérateurs à GPL dans les centres de soin des
zones reculées. L’étude de cas explore plus particulièrement la fourniture de GPL
aux entreprises et aux foyers par VidaGás, une entreprise à but lucratif possédée et
dirigée par deux organisations non gouvernementales, qui essaient aujourd’hui de
créer un modèle entrepreneurial viable.
Objectif(s) du Millénaire pour ledéveloppement concerné(s)
4 5
876
Votorantim Celulose e Papel (VCP) Amérique latine et Caraïbes > Brésil
Auteur(s)Cláudio BoechatRoberta Mokrejs Paro
SecteurAgriculture
Type d’entrepriseGrande entreprise nationale
Le Brésil souffre d’une inégalité élevée des revenus et d’une pauvreté généralisée,
surtout dans les régions rurales. En dépit de politiques récentes visant à soutenir
les implantations rurales par l’intermédiaire de la réforme foncière, l’État n’est pas
en mesure de répondre aux attentes sociales de la population.
Votorantim Celulose e Papel (VCP), un producteur majeur de pâte et de
papier qui entamait une vaste expansion forestière dans l’État du Rio Grande do
Sul, a élaboré un modèle entrepreneurial incluant un partenariat avec les
populations locales pour la production d'eucalyptus. Par l’intermédiaire du
programme de compte d’épargne forestier de VCP, ABN AMRO Real a fourni
aux agriculteurs les ressources financières (adossées à une garantie d'achat de bois
de VCP) nécessaires à la plantation des eucalyptus. VCP a fourni les plants et
l'assistance technique et s'est engagé à acheter le bois au bout de sept ans à un prix
équitable. L’étude de cas présente le modèle entrepreneurial de VCP : atteindre des
objectifs de croissance agressifs (triplement de ses revenus) tout en contribuant à
l’inclusion socioéconomique d’une communauté rurale pauvre.
Objectif(s) du Millénaire pour ledéveloppement concerné(s)
1
7
A N N E X E 2 . M É T H O D O L O G I E D E R E C H E R C H E D E S É T U D E S D E C A S 133
Ce rapport est basé sur l’analyse de cinquante études
de cas. Le développement du cadre analytique et des
messages de ce rapport a été conçu en suivant une
approche inductive. La question directrice du rapport
était la suivante : comment amener les entreprises à
travailler avec les populations pauvres au bénéfice
mutuel des deux parties. Afin d’identifier des stratégies
économiques répondant à ce critère, nous avons
choisi d’essayer de tirer les leçons de ce qu’ont fait
des entreprises qui ont déjà mis en place ce type
de collaboration avec succès. Notre objectif était
d’identifier des schémas et des caractéristiques communs,
indépendants de chaque étude de cas individuelle, et
ne reposant sur aucune hypothèse préconçue.
La méthodologie de cette recherche consiste en
une étude de cas multiple, suivant les quatre phases
définies par Yin (1994) :
� Conception des études de cas.
� Conduite des études de cas.
� Analyse des preuves.
� Interprétation des découvertes afin de développer
des conclusions, recommandations et implications.
La recherche a suivi les principes généraux de
l’initiative « Entreprendre au bénéfice de tous » :
une recherche axée sur les pays en développement,
s’intéressant aux entreprises qui se concentrent sur
leur cœur d’activités, une approche du développement
humain guidée par les Objectifs du Millénaire pour
le développement et s’appuyant sur des partenariats/
dialogues multipartites. Cette recherche se place
ouvertement dans la perspective du secteur privé : il
s’agit de rechercher dans chaque cas les opportunités
que les entreprises peuvent mettre à profit en traitant
avec les populations pauvres, tout en faisant ressortir
les défis que cela entraîne et les solutions que l’on
peut alors opposer en se plaçant du point de vue de
petites, moyennes et grandes entreprises opérant à
l’échelle locale, nationale et internationale. Bien que
les micro-entreprises ne fassent pas partie des sujets
principaux de la recherche, beaucoup de modèles
d’entrepreneuriat présentés dans ce rapport sont le
fait d’individus pauvres ayant le statut de micro-
entrepreneur. S’il est vrai que la société civile et les
gouvernements ont des rôles importants à jouer, ils
ne sont mentionnés dans cet ouvrage que sous l’angle
de l’impact qu’ils peuvent avoir sur le secteur privé.
Conception des études de cas. La recherche
est conçue comme une étude de cas à composantes
multiples touchant simultanément plusieurs secteurs
d’activité économique et approches. Le protocole
d’étude est le fruit d’une collaboration entre l’équipe
de recherche et les auteurs des études de cas. Presque
tous ces auteurs (15 sur 18) sont originaires des pays
ou des régions étudiés, ce qui contribue à préserver
la perspective des pays en développement. Le groupe
de recherche a défini collégialement les questions sur
lesquelles porter ses recherches ainsi que les cas qu’il
souhaitait étudier.
Les questions ont été définies sur la base des
principes directeurs énoncés plus haut et ont bénéficié
de l’apport de l’ensemble des participants au projet de
recherche (encadré A2.1).
Les 50 cas étudiés ont été sélectionnées parmi un
ensemble de 400 cas possibles. Les cas sélectionnés
devaient décrire des modèles d’entrepreneuriat
impliquant les pauvres d’une façon qui soit à la fois
bénéfique et qui promeuve clairement le développement
humain. En outre, ils devaient représenter un éventail
de pays, de branches d’activité économique et de
types d’entreprises le plus large possible. Au final, les
cas sélectionnés représentent plus de 9 branches
d’activité économique et 13 pays répartis entre l’Afrique,
l’Asie, le Pacifique, l’Europe orientale, la CEI,
l’Amérique latine et les Caraïbes (illustration A2.1).
Déroulement des études de cas. Les auteurs
des études de cas ont mené leurs recherches sur la
base du protocole commun défini. Pour la plupart
des cas, ils ont dans un premier temps procédé à
une enquête préliminaire, laquelle impliquait un
déplacement sur le terrain. La triangulation a été
rendue possible par la réalisation d’entretiens avec
différents acteurs et l’exploitation de données
quantitatives. Les études de cas ont ensuite été
révisées selon un processus itératif par une équipe
de coordinateurs dont la mission était de préserver
la cohérence et la qualité de l’ensemble des études
de cas.
Analyse des preuves. Le protocole commun a
permis une analyse systématique des études de cas et
l’identification de schémas communs. Chaque cas a
fait l’objet d’une analyse approfondie, afin d’extraire
les informations sur les bénéfices mutuels pour
l’entreprise et le développement humain, ainsi que les
contraintes et solutions mises en place dans le cadre
du modèle. Les découvertes ont été répertoriées dans
une base de données sous forme de descriptions brèves.
Sur la base de ces descriptions, des catégories
communes ont été définies et les contraintes et
solutions ont été regroupées sous des thèmes communs.
A N N E X E 2 . M É T H O D O LO G I E D E R E C H E R C H E D E S É T U D E S D E C A S
L’objet de la recherche consistant à identifier des
moyens d’intégrer les pauvres dans le monde des
affaires, seules les contraintes spécifiques au contexte
de la pauvreté ont été prises en compte dans l’analyse.
Elles apparaissent sous la catégorie « contraintes
structurelles », car elles sont directement liées aux
conditions structurelles particulières des villages
ruraux et des bidonvilles où habitaient les populations
pauvres concernées. Les contraintes d’ordre économique
plus typiques, notamment celles liées au ciblage d’un
nouveau segment de consommateurs ou au démarrage
d’une entreprise dans un environnement concurrentiel,
ont été éliminées du champ d’investigation. Les
études de cas constituent une source d’informations
riche sur les contraintes typiques rencontrées lorsque
l’on cherche à intégrer les populations pauvres dans
les processus économiques ; elles sont toutes
disponibles en ligne. Cette recherche a permis
134 L E S E N T R E P R I S E S F A C E A U X D É F I S D E L A P A U V R E T É : D E S S T R A T É G I E S G A G N A N T E S
Type 1 : Innovations, défis et opportunités
� Question 1 : Quelles ont été les innovations les plus importantes (dans le secteur privé ou public) qui ont permis la mise en place d'un scénario « gagnant-gagnant » entre le modèle d'entrepreneuriat et les intérêtsdes populations pauvres concernées ? (Ces innovations peuvent être d'ordre social, financier, technologique,juridique, réglementaire...)
� Question 2 : Quels défis ont du être résolus afin de rendre possible ce scénario « gagnant-gagnant » ? (Cesdéfis peuvent être d'ordre social, financier, technologique, juridique, réglementaire ou culturel, ou encorerelever de facteurs psychologiques, tels que des croyances, des idées reçues, etc.)
� Question 3 : Si on réfléchit à l'impact de l'innovation, comment a-t-il pu être optimisé, en termes dedéveloppement pour les populations pauvres et de revenus pour l'entreprise ? (L'innovation peut être liée àune entreprise ou à un phénomène qui lui est externe, comme une chaîne d'approvisionnement par exemple.)
� Question 4 : Quelles opportunités l'entrepreneur, l'entreprise et ses responsables cherchent-ils à saisir ? (Les motivations de l'entrepreneur peuvent être d'ordre social, psychologique, financier, etc.)
Type 2 : Innovations, adaptation et montée en puissance
� Question 5 : Quelles ont été ou pourraient être les innovations les plus importantes (dans le secteur privé oupublic) qui ont permis ou pourraient permettre le passage à une plus grande échelle du modèle d'entrepre-neuriat considéré de façon à produire des bénéfices mutuels importants pour les populations pauvrescomme pour l'entreprise ? (Ces innovations peuvent être d'ordre social, financier, technologique, juridique,réglementaire ou culturel, ou encore relever de facteurs psychologiques, tels que des croyances, des idéesreçues, etc.)
� Question 6 : Quelles ont été ou sont les adaptations, les réplications ou les options de passage à une autreéchelle qui ont été essayées ou que ce modèle d'entrepreneuriat pourrait mettre à profit ? (Elles peuvent êtred'ordre social, financier, technologique, juridique, réglementaire ou culturel, ou encore relever de facteurs psychologiques, tels que des croyances, des idées reçues, etc.)
Type 3 : Modèle entrepreneurial et modèle de développement
� Question 7 : Quel est le modèle entrepreneurial mis en œuvre ? (La description du modèle entrepreneurialdoit inclure les propositions de valeur pour l'ensemble des acteurs : clients, employés, investisseurs et individus pauvres, quel que soit leur rôle.)
� Question 8 : Quel est le modèle de développement ? (Il s'agit de décrire de quelle manière les individus pauvres sont impliqués dans l'entreprise, en tant qu'employés, entrepreneurs, consommateurs ou de touteautre façon, et les domaines spécifiques dans lesquels le programme de développement a un impact : satis-faction de besoins, émancipation économique ou développement de marchés entreprises-consommateursou entreprises-entreprises, et renvoi vers les Objectifs du Millénaire pour le développement le cas échéant.)
� Question 9 : Les partenariats ou réseaux ont-ils été importants dans le rapprochement des modèles d'entrepreneuriat et de développement ? (Ces partenariats ou réseaux peuvent inclure des associationsformelles ou informelles des communautés pauvres, locales ou autres, des agences de développementbilatérales ou multilatérales, des gouvernements nationaux et locaux, des organisations non gouvernementales,des petites et moyennes entreprises, des clients, des institutions académiques, etc.)
� Question 10 : Quels sont les impacts directs de l'activité de l'entreprise sur les populations pauvres et sur laréalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement ? (Des données quantitatives et qualitativessont nécessaires, ainsi que des descriptions qualitatives de facteurs moins tangibles, tels que l'émancipation,l'équité, l'autosuffisance... Répertorier les bénéfices directs pour les populations pauvres : emplois, revenu,investissement, meilleur accès, disponibilité, prix abordable. Noter toutes les autres façons dont le développementest affecté au sens plus large, notamment les éventuels impacts sexospécifiques, les effets sur la viabilité environnementale ou si cela influe sur la réalisation d'un ou de plusieurs Objectifs du Millénaire pour le développement.)
Encadré A2.1. Questions sur lesquelles la recherche s’est focalisée pour les études de cas
A N N E X E 2 . M É T H O D O L O G I E D E R E C H E R C H E D E S É T U D E S D E C A S 135
Illustration A2.1.Répartition des études de cas par secteur, région et type d'entreprise
Plusieurs régions: 1
Europe & CEI: 4
États arabes: 3
Asie et zone Pacifique: 12
Amérique latine et Caraïbes: 10
Afrique: 20
Autre (déchets, transports): 2
Logement: 3
Tourisme: 2
Textile: 2
TIC: 5
Services financiers: 7
Santé: 6
Énergie: 4
Eau et assainissement: 7
Agriculture,alimentation: 12
Organisation à butnon lucratif: 3
PME locale: 21
Grande entreprisenationale: 10
Multinationaledu Sud: 9
Multinationaledu Nord: 7
Région Secteur Type d’entreprise
de faire émerger un schéma global dans lequel
l’ensemble des défis structurels observés sont classés
sous cinq domaines de contraintes ou types d’obstacles,
tandis que les innovations sont classées sous cinq
stratégies de résolution de ces contraintes. L’inventaire
des cas comprend des exemples de chacune des
combinaisons possibles entre ces cinq domaines de
contraintes et ces cinq stratégies de résolution.
Ces relations ont été illustrées dans une grille des
contraintes et stratégies qui constitue le cadre
analytique du rapport.
Interprétation des découvertes afin de développer des conclusions, recomman-dations et implications. Afin d’interpréter les
résultats, les études de cas ont été analysées en les
replaçant dans un contexte élargi combinant théorie
de développement et stratégie économique, en
focalisant l’attention sur les consommateurs et les
producteurs pauvres. La révision des résultats de la
recherche sur l’interaction entre marchés et pauvreté
(mots clés : « croissance pro-pauvre », «marchés
favorables aux pauvres » et « Mettre le monde des
affaires au service des pauvres ») confirment que les
domaines de contraintes identifiés constituent des
barrières importantes à l’intégration des populations
pauvres dans le monde des affaires. Quand on passe
en revue les publications récentes et les articles sur
les stratégies et activités des entreprises qui cherchent
à intégrer les populations pauvres, on voit que les
imperfections des marchés sont de plus en plus prises
en compte pour comprendre et mettre au point des
modèles entrepreneuriaux qui fonctionnent au
bénéfice de tous. L’analyse relie deux courants de
recherche, en mettant en lumière l’importance de
créer des conditions favorables sur le marché, et en
décrivant des stratégies que des entreprises peuvent
mettre en œuvre afin de gérer ces conditions.
L’analyse présentée ici, tout en exploitant les résultats
de recherches précédentes, participe à l’effort de
recherche continu en faveur d’une intégration
accrue des populations pauvres dans le marché
mondial, donc du développement humain et de la
croissance économique. �
A N N E X E 3 . À P R O P O S D E S C A R T E S D ' I N T E N S I T É D U M A R C H É 137
Les cartes d'intensité du marché visent à illustrer de manière simple la mesure dans laquelle les
populations pauvres prennent part ou non aux marchés, et le caractère intégrateur de ces derniers.
Chaque carte d’intensité du marché représente le niveau d’accès des populations pauvres à un bien
ou service déterminé (instruction, eau, microfinance…) et indique comment ce bien ou service leur
est fourni. Plus la part des consommateurs pauvres ayant accès au service ou au bien en question est
élevée, plus l’intensité est marquée sur la carte (la couleur devient plus foncée) ; en revanche, les zones
les plus claires de la carte révèlent des zones dans lesquelles les pauvres sont exclus du marché.
Les cartes d’intensité axées sur la demande indiquent dans une perspective spatiale la nature et la
portée de l’accès des consommateurs à des biens et services primordiaux pour le développement
humain dans le pays étudié, et informent sur la présence (ou l’absence) des acteurs de l’offre. Les
cartes d’intensité axées sur la production illustrent dans quelle mesure les marchés intègrent les
populations pauvres en tant que producteurs (entrepreneurs ou main d’œuvre).1 �
La cartographie de la pauvreté est utilisée majori-
tairement par des acteurs des domaines public et non
lucratif afin de :
� Mettre en lumière les variations géographiques de
la pauvreté.
� Concevoir et cibler des interventions.
� Détecter et coordonner des zones prioritaires pour
le développement de programmes et d’activités.
� Optimiser l’allocation des ressources.
� Contrôler et évaluer les opérations mises en place.
� Améliorer la transparence et la
responsabilisation sociale.
Cet outil est utilisé dans les opérations visant à
réduire la pauvreté, à fournir des infrastructures et
pour les besoins de coordination en période de crise
humanitaire (encadré A3.1).
Les cartes d’intensité du marché de l’initiative
« Entreprendre au bénéfice de tous » sont faites pour
servir d’outils complémentaires dans la cartographie
de la pauvreté. Les chercheurs chargés de la création
de ces cartes utilisent les mêmes bases de données
que celles sur lesquelles sont basées les cartes de la
pauvreté (enquête sur les foyers, la main d’œuvre, etc.).
Cette utilisation créative des outils de cartographie
de la pauvreté est susceptible d’intéresser des acteurs
privés poursuivant un but lucratif, dans la mesure où
ces cartes permettent d’analyser de façon pertinente
certaines activités économiques des populations pauvres,
en particulier dans les zones les plus éloignées, sur
lesquelles on ne dispose habituellement que de rares
informations. En particulier, les cartes d’intensité
peuvent être utiles aux entreprises de quatre manières :
� En évaluant la capacité d’intégration d’un marché.
� En clarifiant la structure de l’offre sur le marché.
� En révélant les demandes insatisfaites des pauvres
en tant que consommateurs.
� En révélant des opportunités non concrétisées
pour les pauvres en tant que producteurs. �
A N N E X E 3 . À P R O P O S D E S C A R T E S D ’ I N T E N S I T É D U M A R C H É
Q U E L L E E S T L’ I N T É R Ê T D E S C A R T E S D ’ I N T E N S I T É D U M A R C H É ?
La création d’une carte d’intensité du marché suit
trois étapes clés : il s’agit d’abord de mesurer le
nombre total de consommateurs pauvres potentiels,
puis de mesurer le nombre total de consommateurs
pauvres bénéficiant de l’accès à un bien ou service,
avant d’identifier et de mesurer les contributions
des différents acteurs de l’offre effective.
� Étape 1 : mesure de la demande possible d’un bien ou service sur un marché. Un certain
nombre de méthodes permettent cette mesure,
les métriques utilisées variant selon le marché
examiné. Le nombre total de consommateurs
pauvres potentiels sur le marché sert de point de
départ pour évaluer la demande sur le marché.
� Étape 2 : mesure du niveau d’accès des consommateurs pauvres au bien ou serviceconsidéré. Cet accès peut être interprété sous
différents angles et problèmes (proximité
géographique, prix abordable, etc.). Dans le
contexte des cartes d’intensité, le niveau d’accès
est défini comme le nombre d’individus ou de
ménages pauvres consommant ou utilisant
actuellement le bien ou service.
� Étape 3 : ajout d’informations complémentaires.Dans cette dernière étape, les informations obtenues
lors de l’étape 2 sont segmentées en fonction de
facteurs spécifiques. Cette étape permet d’obtenir
des informations complémentaires sur la part relative
des différents agents de l’offre effectivement en
place sur le marché.
Les cartes d’intensité du marché peuvent atteindre
des niveaux de détail plus affinés encore, et servir à
établir la cartographie de groupes de population
ou de marchés spécifiques. Il est possible d’utiliser
plusieurs mesures de la taille d’une population pauvre,
en définissant un seuil de dépenses spécifique. En
ce qui concerne les cartes créées par l’initiative
« Entreprendre au bénéfice de tous » , les populations
pauvres sont définies comme incluant des individus
dont le revenu journalier est inférieur à 2 dollars par
jour, mesuré en parité de pouvoir d’achat. Il s’agit
d’un seuil de pauvreté mondialement reconnu.
Du point de vue du développement humain, il
semble important de se concentrer sur deux types
de marché en particulier :
� Les marchés de biens et services contribuant à
satisfaire des besoins humains élémentaires et par
conséquent à améliorer la qualité de vie et à
développer les capacités humaines (eau,
logement et santé).
138 L E S E N T R E P R I S E S F A C E A U X D É F I S D E L A P A U V R E T É : D E S S T R A T É G I E S G A G N A N T E S
Encadré A3.1. Exemples d'initiativesde cartographie géographique de la pauvreté
Initiative de cartographie de l’approvisionnementet de l’assainissement de l’eau de WaterAid
L’organisation caritative britannique WaterAidutilise la cartographie géographique pour illustrerl’état de l’approvisionnement et de l’assainissementde l’eau dans le monde selon une perspective spa-tiale. Ses cartes informent sur la disponibilité et laqualité des ressources en eau, ainsi que sur l’accès,la demande et l’utilisation des services d’approvi-sionnement et d’assainissement. Elles permettentnon seulement d’interpeler les autorités publiquessur leur responsabilité dans la fourniture de servicesélémentaires, mais également de faciliter la miseen œuvre d’instruments de secours sur le planlocal. WaterAid a utilisé plusieurs formes de cartographie pour réaliser l’état des lieux de l’approvisionnement et de l’assainissement del’eau en Asie et en Afrique sub-saharienne (ODI2007 et www.wateraid.org).
Exercice de cartographie de la pauvreté de la Peace and Equity Foundation
La Peace and Equity Foundation, une fondationbasée aux Philippines, utilise la méthode des exercices d’analyse de la pauvreté afin d’identifierles zones prioritaires pour son programme deréduction de la pauvreté. L’exercice conduit en2003, sur la base des données d’indicateurs dedéveloppement tels que le revenu, l’état de santéet le niveau d’instruction, a permis d’identifier 28 provinces comme prioritaires dans le pays. Ilarrive également que la fondation recoure à desexercices de cartographie de la pauvreté en ville,ce qui lui permet d’affiner les limites de ses zonesd’intervention et le thème de ces interventions(www.peacefdn.org/poverty.php).
Programme « Google Earth Outreach » de Google Earth et du Haut Commissariat desNations Unies pour les réfugiés (UNHCR)
Le Haut Commissariat des Nations Unies pour lesréfugiés (UNHCR) a fait appel aux capacités de cartographie virtuelle de Google Earth pour mettreen lumière quelques-unes des principales crises de déplacement dans le monde et les effortshumanitaires mis en œuvre afin de secourir les victimes. Le programme invite les internautes àune visite virtuelle dans des régions isolées duTchad, de Colombie, d’Irak et du Soudan (Darfour).Des cartes satellites, des photos et des vidéos les informent sur la vie quotidienne des réfugiés et des populations déplacées dans ces zones, sur l’impact de ces crises sur les pays voisins et les opérations menées par l’UNHCR. À terme, le programme pourrait devenir un outil de planification logistique pour l’UNHCR et permettre une meilleure coordination des opérations sur le terrain (Batty 2008,www.unhcr.org/events/47f48dc92.html).
C O M M E N T C R É E - T - O N D E S C A R T E S D ’ I N T E N S I T ÉD U M A R C H É ?
A N N E X E 3 . À P R O P O S D E S C A R T E S D ' I N T E N S I T É D U M A R C H É 139
0 100Km
1 - 5
6 - 10
11 - 15
16 - 20
Sud
Ouest
Nord-Est
Nord
Artibonite
Sud-Est
Cuba
RépubliquedominicaineGrand 'Anse
Centre
Carte d’intensité du marché pour l’accès à l’eau en Haïti
Part des foyers avec un revenu par habitant de moins de 2 $ par jour, par région
1 - 5
6 - 10
11 - 15
16 - 20
Puits, rivière ou lac, eau de pluie, autre
Camion, bouteilles, seaux
Canalisations0
20
40
60
80
100
Sources d'eau disponibles : ménages vivant avec moins de 2 $ par jour, 2001 (%)
Ville Campagne
Remarque : la carte régionale montre des données sur l'accès à descanalisations d'eau. Sont pris en compte dans les estimations les
accès à l'eau par canalisations privées (dans et hors du domicile, ycompris à partir du puits de la maison) et canalisations publiques.
Source : Institut Haïtien de Statistique et d’Informatique, 2001.Carte produite par OCHA ReliefWeb.
� Des marchés de biens et services pouvant avoir
une incidence majeure sur la possibilité qu’auront
les populations pauvres d’améliorer leur niveau de
vie, d’accroître leur revenu et d’élargir la gamme
des choix qu’il leur est possible de faire (en
matière de travail, crédit, assurance, technologies
de l’information et de la communication).
Amélioration de l’accès à l’eau potable en HaïtiDans certains pays, l’accès aux ressources en eau
potable est très souvent mal réparti, cette mauvaise
répartition reflétant de profondes inégalités entre
pauvres et non-pauvres. Mais elle témoigne également
d’autres facteurs : ainsi et par exemple, les zones
rurales tendent à être moins bien desservies que les
zones urbaines. Une enquête réalisée il y a deux ans a
révélé que 8 % de la population urbaine n’avait pas
accès à une source d’eau potable dans les pays en
développement, contre 30 % de la population rurale.2
Une carte d’intensité du marché incluse dans ce
rapport (illustration A3.1) illustre les données sur
l’accès à l’eau de la population pauvre d’Haïti par
régions. Sont pris en compte les accès à l’eau par
canalisations privées (dans et hors du domicile, y
compris à partir du puits de la maison) et canalisations
publiques. Plus les couleurs sont foncées, plus le
niveau d’accès est élevé.
Illustration A3.1. Carte d’intensité du marché pour l'accès à l’eau en Haïti en 2001
En permettant de visualiser les données sur les
fournisseurs d’eau, la carte d’intensité du marché
révèle des caractéristiques importantes de l’approvi-
sionnement en eau potable en Haïti. Dans l’ensemble,
l’accès aux canalisations d’eau est très limité dans le
pays : environ un tiers des populations pauvres dans
les villes, et moins d’un tiers des populations pauvres
dans les campagnes, ont accès à ces réseaux.
Point intéressant, la carte suggère l’existence d’une
opportunité commerciale sur le marché de l’eau.
Cette opportunité est également observable dans la
région la plus riche du pays, l’Ouest, où se trouve la
capitale haïtienne (Port-au-Prince). Les dernières
estimations concernant les dynamiques de la pauvreté
au niveau régional montrent des taux de pauvreté
plus faibles dans l’Ouest (60,8 %) et plus élevés dans
le Nord-Est (94,2 %). Cependant, même dans la
région la moins pauvre d’Haïti, l’état de
pauvreté reste extrême si on se réfère aux standards
internationaux. Le seuil de pauvreté, fixé à 2 dollars
par jour dans l’Ouest, est le plus bas de l’ensemble
de la zone Amérique latine-Caraïbes.3 En outre, les
données de répartition des populations pauvres
montrent qu’elles se concentrent surtout dans l’Ouest :
près de 30 % des pauvres du pays y vivent. Par
contraste, la région la plus pauvre du pays, le Nord-
Est, n’abrite que 4,7 % de la population pauvre.
Dans l’Ouest, où vit près d’un tiers de la popula-
tion haïtienne (et où les niveaux d’accès à l’eau
potable sont plus élevés que dans les autres régions),
seuls 18 % des populations pauvres ont accès à des
canalisations d’eau.
Néanmoins, la carte d’intensité du marché montre
également que 45 % des Haïtiens résidant en ville
sont approvisionnés en eau par des camions qui
transportent des bouteilles ou la répartissent avec
des seaux. En d’autres termes, 45 % de la population
urbaine du pays est prête à payer pour avoir accès à
l’eau potable. Peut-être une entreprise en mesure de
mettre en œuvre des services d’approvisionnement
plus efficaces et moins coûteux pourrait-elle capter
des segments sur ce marché ? D’autres opportunités
peuvent exister dans les autres régions d’Haïti où
l’accès à l’eau est très faible, en particulier dans les
zones rurales.
La carte d’intensité du marché illustre un aspect
intéressant du marché de l’eau en Haïti : malgré le
manque d’approvisionnement public en eau et
d’investissements privés importants, de petits opéra-
teurs ont fait leur apparition pour combler ces failles
et ont fait de ce « deuxième marché » de l’eau un
marché prospère. D’autre part, certains consomma-
teurs ont investi dans leurs propres sources d’eau, par
exemple en puisant l’eau des puits en association avec
des organisations communautaires.4 Les opérateurs
privés à petite échelle jouent un rôle majeur dans
le développement de l’accès à l’eau, notamment et
surtout dans les zones périurbaines, où ils apportent
l’eau dans des camions (en bouteilles ou au seau). Ils
permettent ainsi d’approvisionner des populations
pauvres avec des services dont l’importance est
critique, en particulier dans les zones urbaines.
Dans un pays tel qu’Haïti, aux ressources très
faibles et dans lequel les grands investisseurs peuvent
hésiter à s’engager pour un grand nombre de motifs,
le recours pragmatique aux mêmes méthodes que
ces opérateurs du « deuxième marché » pourrait
permettre d’améliorer l’accès à l’eau potable. Les
cartes d’intensité du marché permettent de révéler
ce type d’opportunités.
Accès aux services bancaires via la téléphonie mobile en Afrique du SudLes téléphones mobiles peuvent faciliter l’accès aux
services de technologies de l’information et de la
communication dans les pays en développement.
Selon des estimations récentes, le nombre d’abonnés
de téléphonie mobile dans les pays à revenu faible ou
moyen est déjà bien plus élevé que dans les pays à
revenu élevé.
L’accès à la téléphonie mobile peut contribuer
à réduire la pauvreté et les inégalités en aidant les
utilisateurs pauvres à participer de façon plus efficace
aux échanges sur les marchés. Par exemple, s’ils
étaient équipés d’un téléphone portable, nombre de
fermiers, de pêcheurs et d’autres entrepreneurs ruraux
pourraient disposer de plus d’informations sur les
marchés et seraient mieux armés pour proposer leurs
produits au meilleur prix possible, tout en économisant
les coûts qu’engendrerait l’obtention de ces informa-
tions sans la téléphonie mobile.
Dans ce contexte, le développement des services
bancaires mobiles (m-banking), qui implique l’usage
d’un téléphone portable ou d’un autre périphérique
mobile afin de réaliser des transactions financières sur
un compte client associé, semble prometteur. Dans
les pays en développement, la conjonction entre
d’une part l’utilisation répandue et qui continue de
croître des téléphones portables, et d’autre part la
puissance des différents acteurs impliqués dans la
fourniture de services financiers par ce canal, en
majorité des opérateurs réseau et des banques,
pourrait permettre à des populations habituellement
oubliées des services bancaires d’y accéder enfin.
Les cartes d’intensité du marché fournissent
une foule d’autres renseignements sur l’accès à la
téléphonie mobile parmi les populations pauvres.
Ainsi, les illustrations A3.2 et A3.3 montrent
l’état de l’accès à la téléphonie mobile parmi les
populations pauvres et non pauvres dans les zones
urbaines et dans différentes provinces d’Afrique du
Sud. Les couleurs les plus foncées indiquent que les
taux d’accès sont plus élevés dans le groupe de
revenus considéré.
Comme les cartes le montrent, les taux d’accès
à la téléphonie mobile sont plus élevés pour les
140 L E S E N T R E P R I S E S F A C E A U X D É F I S D E L A P A U V R E T É : D E S S T R A T É G I E S G A G N A N T E S
A N N E X E 3 . À P R O P O S D E S C A R T E S D ' I N T E N S I T É D U M A R C H É 1 4 1
populations pauvres et non pauvres dans l’Ouest(Cap-du-Nord, Cap-Occidental) et l’Est (provincedu Limpopo dans le Nord, Mpumalanga etKwazulu-Natal) du pays : ils sont compris entre 41 et 80 % dans l’ensemble de ces provinces.
En revanche, l’accès à la téléphonie mobile est très faible pour les populations pauvres et nonpauvres dans la province du Cap-Oriental, uneprovince où la pauvreté est particulièrement élevée,5avec des taux compris entre 0 et 20 %. Cependant,dans les provinces où l’accès à la téléphonie mobileest le moins élevé (Cap-Oriental, État Libre etNord-Ouest) on constate une plus forte densité deconcentrations de populations et d’agglomérations,ce qui donne à penser qu’il y a peut-être là uneopportunité pour des fournisseurs de services mobiles.
Les cartes d’intensité du marché peuvent fournirdes informations précieuses susceptibles d’intéresserdes fournisseurs de services financiers. Elles permettentde repérer les endroits où les populations bénéficient
d’un accès à la téléphonie mobile mais pas aux servicesbancaires. Cette combinaison de facteurs peut fairepenser qu’il y a là une opportunité d’exploiter les possibilités techniques qu’offre la téléphonie mobilepour fournir des services bancaires mobiles.
D’après les estimations, à la ville comme à la campagne, les Sud-Africains pauvres sont plus nombreux à avoir accès à la téléphonie mobile qu’auxservices bancaires. Dans les zones urbaines, 43 % dela population adulte pauvre a accès à un téléphonemobile (illustration A2.2), tandis que seulement 32 %de la population adulte dans la même catégorie derevenus bénéficie de services bancaires. Dans leszones rurales, ces chiffres descendent respectivementà 31 % et 19 %.
Ces différences suggèrent qu’il peut être rentablede fournir des services bancaires bon marché aux
NAMIBIE
BOTSWANA
ZIMBABWE
MO
ZAM
BIQ
UE
LESOTHO
SWAZILAND
Cap-Est
État Libre
Nord-Ouest
Cap-Ouest
Kwazulu-Natal
Mpumalanga
Limpopo
Gauteng
Province du Nord
Cap-Nord
* Statistics are based on FinScope 2006 survey at geographical region level: Northern Province,Mpumalanga, Gauteng, Kwazulu-Natal, Free State,North-West, Eastern Cape, Northern Cape,and Western Cape
0 - 20
21 - 40
41 - 60
61 - 80 0 100 Km
Carte d’intensité : pourcentage des ménages avec un revenu de plus de 2 $ par jour ayant accès au crédit Part des ménages, par département, en 2006 (%)
N’a pas accès
A accès0
20
40
60
80
100
Population ayant accès à la téléphonie mobile :ménages avec un revenu de plus de 2 $ par jour
Pourcentage d’adultes, 2006 (%)
Ville Campagne
Source : Sur la base des résultats d'une étude FinScope, 2006. Remarque : les pointsgris dans les régions représentent les petites villes. Les estimations représentéescorrespondent aux résultats obtenus pour la catégorie « usage personnel…téléphonecellulaire prépayé ». Carte produite parOCHA ReliefWeb.
Illustration A3.2. Carte d’intensitédu marché pour l'accès à la téléphonie mobile en Afrique du Sud, 2006
possesseurs de téléphones portables sud-africains.Elles montrent également que cette opportunité estplus intéressante sur le créneau le plus pauvre dumarché. En utilisant les données de cartographie de la pauvreté afin de calculer la taille totale de la population sud-africaine pauvre disposant de téléphones portables et n’ayant pas de compte bancaire, une entreprise est à même de chiffrer cetteopportunité : le marché potentiel de ces utilisateurs
de téléphones mobiles sans compte bancaire correspondà 24 % des populations pauvres dans les zonesurbaines, et 21 % dans les zones rurales.
Les études similaires conduites au Botswana, enNamibie et en Zambie révèlent l’existence de créneauximportants dans ces pays également (illustration A3.4).¤
1 4 2 L E S E N T R E P R I S E S F A C E A U X D É F I S D E L A P A U V R E T É : D E S S T R A T É G I E S G A G N A N T E S
NAMIBIE
BOTSWANA
ZIMBABWE
MO
ZAM
BIQ
UE
LESOTHO
SWAZILAND
Kwazulu-Natal
Mpumalanga
Gauteng
Cap-Est
État Libre
Nord-Ouest
Cap-Ouest
Province du Nord
Cap-Nord
Limpopo
0 - 20
21 - 40
41 - 60
61 - 80 0 100 Km
Carte d’intensité : pourcentage des ménages avec un revenu de moins de 2 $ par jour ayant accès au crédit Part des ménages, par département, en 2006 (%)
Illustration A3.3. Carte d'intensitédu marché pour l'accès à la téléphonie mobile en Afrique du Sud, 2006
N’a pas accès
A accès0
20
40
60
80
100
Population ayant accès à la téléphonie mobile :ménages avec un revenu de moins de 2 $ par jour
Pourcentage d’adultes, 2006 (%)
Ville Campagne
Source : Sur la base des résultats d'une étude FinScope, 2006. Remarque : les pointsgris dans les régions représentent les petites villes. Les estimations représentéescorrespondent aux résultats obtenus pour la catégorie « usage personnel…téléphonecellulaire prépayé ». Carte produite parOCHA ReliefWeb.
0 10 20 30 40 50
Ville, moins de 2 $ par jour
Campagne, moins de 2 $ par jour
Botswana
Namibie
Afrique du Sud
Zambie
Sur la base des résultats des études FinScope 2004a, 2005 et 2006.
A N N E X E 3 . À P R O P O S D E S C A R T E S D ' I N T E N S I T É D U M A R C H É 143
Illustration A3.4. Croisement des populations pauvres disposant d’un accès au téléphone portable et des populations pauvres ne disposant d’aucun accès à une banque (pays sélectionnés)
Part des adultes (%)
1 Cette analyse est basée sur les données d'Acosta et al. (2008) ainsi que de la base de données des cartes d'intensité de marché du PNUD [www.growinginclusivemarkets.org].
2 UNICEF 2006, p. 32.
3 CEDLAS et Banque mondiale, 2008.
4 BID (Banque Interaméricaine de développement), 2005.
5 Schwabe, 2004.
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