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LES ÉLITES ET LE BICULTURALISME Québec-Canada-Belgique XIX e -XX e siècles Sous la direction de Alex Tremblay Lamarche et Serge Jaumain

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LES ÉLITES ET LEBICULTURALISME

Québec-Canada-Belgiquexixe-xxe siècles

Sous la direction de

Alex Tremblay Lamarche et Serge Jaumain

l e s é l i t e s e t l e b i c u l t u r a l i s m e

septentrion

sous la d irection de

Alex Tremblay Lamarche et Serge Jaumain

LES ÉLITES ET LE BICULTURALISME

Québec-Canada-Belgique

xixe-xxe siècles

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abréviations

AAES Archivio degli Affari Ecclesiastici StraordinariANB Archivio della Nunziatura in BelgioANC Archivio della Nunziatura del CanadaARGLM The Annual Reports of the Grande-Ligne Mission

(1848-1935), Archives de la Faculté de théologie évangélique – Université Acadia, Montréal

ASV Archivio Segreto VaticanoBAC Bibliothèque et Archives CanadaBAnQ Bibliothèque et Archives nationales du QuébecDBC Dictionnaire biographique du CanadaRHAF Revue d’histoire de l’Amérique françaisePAMPSP Procédés et archives de la municipalité de la

paroisse de Sainte-Pudentienne, 1875-1893, Comté de Shefford, district de Bedford, Boîte V 002, SHHY, Granby

PVMVM Procès-verbaux de la municipalité du village de Marieville, 1874-1886, Archives de la mairie de Marieville

SHHY Société d’histoire de la Haute-YamaskaSHPFQ Société d’histoire du protestantisme

franco-québécois

introduction

Élargir le débat sur l’attitude des élites devant le biculturalisme

Serge Jaumain et Alex Tremblay Lamarche

Depuis le début du xxe siècle, les recherches sur les élites connaissent un essor considérable. Dans beaucoup d’États occidentaux, les multiples bouleversements poli-

tiques, la montée en puissance de nouvelles élites, la croissance des classes moyennes et la désindustrialisation ont conduit bon nombre de sociologues à s’interroger sur les mécanismes d’ascension et de reproduction sociales. Les Vilfredo Pareto, Charles Wright Mills, Norbert Elias et autres Pierre Bourdieu ont ainsi tenté d’analyser les spécificités des milieux les plus aisés et d’expliquer les stratégies mises en œuvre pour conserver le pouvoir. De leur côté, les histo-riens se sont d’abord concentrés sur l’étude des structures socioé-conomiques s’inscrivant dans la longue durée. Si, dès les années 1960, l’engouement pour l’histoire sociale les a amenés à s’intéresser aux rapports de domination, c’était davantage pour comprendre la situation des classes ouvrières, jusque-là négligées par l’historio-graphie, que celle des groupes dirigeants. Quelques-uns choisirent toutefois de se pencher sur l’histoire des élites. Il y eut ainsi les travaux précurseurs de Guy Chaussinand-Nogaret1 ou, au Canada, ceux de quelques historiens marxistes (Stanley Bréhaut Ryerson, Alfred Dubuc, etc.), qui mirent en évidence certaines caractéris-tiques des élites (dont ils étaient au demeurant souvent issus) et

1. Guy Chaussinand-Nogaret, Une histoire des élites, 1700-1848 : recueil de textes, Paris, Mouton, 1975.

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les stratégies déployées par celles-ci pour accroître leur influence2. Il faut toutefois attendre les travaux des historiens européens et américains sur la montée de la middle class dans les années 1980 et 1990 pour que les études historiques sur les élites prennent véritablement leur envol3. En introduisant la notion de vie fami-liale4, les questions de genre5 ou encore les concepts de gentility et de respectability6 (qu’on pourrait traduire par distinction et respec-tabilité), ces chercheurs révolutionnent le champ et l’ouvrent à de nouveaux horizons.

Au Québec, cette évolution se traduit depuis une dizaine d’an-nées par un nouvel engouement pour l’histoire des élites et l’exercice de leur pouvoir dans un cadre régional. Les colloques7, thèses et mémoires8 sur le sujet se multiplient, et l’Institut d’histoire de l’Amérique française en a même fait le thème de deux de ses congrès au cours de la dernière décennie9. Après avoir été principalement

2. Alfred Dubuc, « Problems in the Study of the Stratification of the Canadian Society from 1760 to 1840 », Rapports annuels de la Société historique du Canada, vol. 44, no 1, 1965, p. 13-29 ; Stanley Bréhaut Ryerson, Le capitalisme et la Confédération : aux sources du conflit Canada-Québec (1760-1873), Montréal, Éditions Parti pris, 1972.

3. Geoffrey Crossick et Heinz-Gerhard Haupt, The Petite Bourgeoisie in Europe, 1780-1914 : Enterprise, Family, and Independence, London et New York, Routledge, 1995.

4. Mary Ryan, Cradle of the Middle Class : the Family in Oneida County, New York, 1790-1865, Cambridge, Cambridge University Press, 1981.

5. Leonore Davidoff et Catherine Hall, Family Fortunes : hommes et femmes de la bourgeoisie anglaise, 1780-1850, Paris, La Dispute, 2014.

6. Richard Bushman, The Refinement of America : Persons, Houses, Cities, New York, Vintage, 1993.

7. Voir par exemple : « Les figures du pouvoir à travers le temps : formes, pratiques et intérêts des groupes élitaires au Québec, xviie-xxe siècles », colloque organisé à Trois-Rivières le 7 mai 2010 ; « Regards croisés sur la vie culturelle et les sociabilités régionales au Québec (xixe-xxe siècles) », colloque organisé à Trois-Rivières le 13 mars 2015 ; « Nouveaux regards sur l’histoire de la noblesse canadienne », colloque organisé à Sherbrooke le 17 mars 2015.

8. Notamment : Claire Bernier, Le rôle des élites dans la modernisation du Québec rural. L’exemple de Sainte-Claire de 1890 à 1950, Mémoire (M. A.), Québec, Université Laval, 2012 ; Sandra Nadeau-Paradis, La petite bourgeoisie de La Tuque et son rôle dans l’exercice du pouvoir local (1907-1939), Mémoire (M. A.), Trois-Rivières, Université du Québec à Trois-Rivières, 2015 ; Alex Tremblay Lamarche, Les relations entre anglophones et francophones au sein des élites québécoises. Le cas de la ville de Québec, 1840-1929, Thèse (Ph. D.), Québec et Bruxelles, Université Laval et Université libre de Bruxelles [en cours].

9. Les congrès d’Ottawa (2010) et de Québec (2014) se sont respectivement déroulés sous les thèmes « Élites et institutions » et « Pouvoir, politique et résistance ».

11introduction • Élargir le débat sur l’attitude des élites devant le biculturalisme

le fait d’une « histoire économique et sociale d’inspiration marxiste10 » entre les années 1970 et le début des années 199011, la réflexion sur les groupes dominants s’inscrit peu à peu dans une perspective culturelle plus large. Si l’intérêt pour le pouvoir à l’échelle locale et la construction d’une identité élitaire continuent d’alimenter les questionnements des historiens des élites, ceux-ci se penchent désormais plus systématiquement sur la manière dont les relations interethniques y prennent forme, sur la façon dont les rapports entre hommes et femmes s’y articulent, sur le développement de cultures élitaires et sur les sociabilités « bourgeoises12 ». L’emploi du terme « bourgeoisie » – qui renvoie principalement à des élites économiques et politiques urbaines – semble d’ailleurs de moins en moins populaire au Québec, alors qu’il continue à être d’usage en Europe et aux États-Unis13. Faut-il y voir le symptôme d’une historiographie québécoise marquée depuis les années 1980 par le développement des enquêtes régionales et, son corollaire, une attention croissante pour l’exercice du pouvoir à différentes échelles ? Ou s’agirait-il plutôt d’une acceptation tacite de la définition basée davantage sur le contrôle des leviers du pouvoir (économique, intellectuel, politique, culturel, militaire, etc.) qu’en donne Donald Fyson14 ? Quoi qu’il en soit, ce champ de recherche jouit d’un grand dynamisme et la production historiographique y est riche et abon-dante. Elle couvre tant les grandes familles québécoises15 que

10. Thierry Nootens, en collaboration avec Jean-René Thuot, « Interroger les rapports de pouvoir : les élites au Québec, xviie-xxe siècles », dans Thierry Nootens et Jean-René Thuot (dir.), Les figures du pouvoir à travers le temps : formes, pratiques et intérêts des groupes élitaires au Québec, xvii e-xx e siècles, Québec, Presses de l’Université Laval, 2012, p. 4.

11. Nootens et Thuot soulignent entre autres les précieuses contributions de Gérard Bouchard, Jean-Claude Robert et Paul-André Linteau.

12. Harold Bérubé, Des sociétés distinctes : gouverner les banlieues bourgeoises de Montréal, 1880-1939, Montréal et Kingston, McGill-Queen’s University Press, 2014.

13. Rebecca Rogers, Les bourgeoises au pensionnat : l’éducation féminine au xix e siècle, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2007 ; Jerrold Seigel, Modernity and Bourgeois Life : Society, Politics, and Culture in England, France and Germany since 1750, Cambridge, Cambridge University Press, 2012.

14. Donald Fyson, « Domination et adaptation : les élites européennes au Québec, 1760-1841 », dans Claire Laux, et autres, (dir.), Au sommet de l’Empire. Les élites euro-péennes dans les colonies (xvi e-xx e siècle), Berne, Peter Lang, 2009, p. 169.

15. Brian Young, Patrician Families and the Making of Quebec : The Taschereaus and McCords, Montréal et Kingston, McGill-Queen’s University Press, 2014.

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l’exercice du pouvoir en dehors des grands centres urbains16, sous la forme de biographies17 ou de prosopographies18.

En Belgique, la redécouverte de l’histoire des élites est également à l’ordre du jour depuis quelques décennies. Dans la foulée d’une série de travaux sur la petite bourgeoisie19 et le grand patronat20, les historiens ont exploré les multiples facettes de ces groupes d’un genre particulier. De 2006 à 2012, un vaste projet de recherche interdis-ciplinaire fut ainsi mené à l’Université libre de Bruxelles (ULB) sur le thème « Les élites dans la ville : identification, rôle et place des groupes élitaires dans les processus de (re)composition urbaine21 ». Il bénéficia de la collaboration de plusieurs chercheurs québécois s’inscrivant dans une tradition de rencontres et d’échanges transat-lantiques construite depuis une trentaine d’années autour du Centre d’études nord-américaines (CENA) de l’université bruxelloise22. La

16. Jean-René Thuot, D’une assise locale à un réseau régional : élites et institutions dans la région de Lanaudière (1825-1865), Thèse (Ph. D.), Montréal, Université de Montréal, 2008 ; Alex Tremblay Lamarche, « La transformation des capitaux culturel et social en région au xixe siècle dans un contexte de renouvellement d’élite : l’exemple de Saint-Jean-sur-Richelieu », MENS : revue d’histoire intellectuelle et culturelle [à paraître].

17. J. I. Little, Patrician Liberal : the Public and Private Life of Sir Henri-Gustave Joly de Lotbinière, 1829-1908, Toronto, University of Toronto Press, 2013.

18. François-Joseph Ruggiu, « Le destin de la noblesse du Canada, de l’Empire français à l’Empire britannique », RHAF, vol. 66, no 1, 2012, p. 37-63.

19. Ginette Kurgan-van Hentenryk et Serge Jaumain (dir.), Aux frontières des classes moyennes. La petite bourgeoisie belge avant 1914, Bruxelles, Éditions de l’Université de Bruxelles, 1992 ; Serge Jaumain, Les petits commerçants belges face à la modernité (1880-1914), Bruxelles, Éditions de l’Université de Bruxelles,1995.

20. Ginette Kurgan-van Hentenryk, Serge Jaumain et Valérie Montens (dir.), Dictionnaire des patrons en Belgique. Les hommes, les entreprises, les réseaux, Louvain-la-Neuve, De Boeck Université, 1996. Pour une synthèse sur l’évolution de l’histoire du patronat en Belgique, voir Kenneth Bertrams et Serge Jaumain, « Nouveaux jalons pour une histoire du patronat belge », dans Serge Jaumain et Kenneth Bertrams (dir.), Patrons, gens d’affaires et banquiers, Bruxelles, Le livre Timperman, 2004, p. 9-34.

21. Dans la foulée de ces travaux, de nombreuses publications sur le monde des élites virent le jour ; parmi les plus récentes du coté belge, on soulignera une intéressante biographie consacrée à Edmond Picard : Paul Aron et Cécile Vanderpelen-Diagre, Edmond Picard (1836-1924). Un bourgeois socialiste belge à la fin du dix-neuvième siècle. Essai d’histoire culturelle, Bruxelles, Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, 2013.

22. Ces recherches furent étroitement liées au soutien financier accordé par le gouvernement du Canada, du début des années 1980 jusqu’à sa suppression en 2012, et qui permit la mise sur pied d’un impressionnant réseau international d’études cana-diennes. Voir à ce sujet Serge Jaumain, Les canadianistes. Le CIEC. 25 ans au service des études canadiennes, Ottawa, Collection du CIEC, 2006.

13introduction • Élargir le débat sur l’attitude des élites devant le biculturalisme

Belgique et le Québec partagent en effet un certain nombre de caractéristiques communes telles que la proximité de grands voisins, une industrialisation qui, dès le tournant des xixe et xxe siècles, posa très vite « la » question sociale, des institutions nationales qu’il fallut progressivement adapter à la dualité linguistique et culturelle, des métropoles (Montréal et Bruxelles) qui se développèrent au cœur de cette dualité23, etc.

Le résultat de trois décennies de recherches croisées entre le Canada (ou le Québec) et la Belgique est impressionnant tant par les travaux réalisés que par les échanges académiques de toute nature24. Désormais, les chercheurs se connaissent et ont une bien meilleure compréhension des terrains explorés de part et d’autre de l’Atlantique. Dès lors, aux simples juxtapositions (aux fins de compa-raison) de travaux sur la Belgique et le Canada a succédé une série d’études menées par d’ambitieux jeunes historiens n’hésitant plus à se lancer directement dans les recherches comparatives25.

23. Ces thématiques et bien d’autres ont fait l’objet de nombreuses publications comparatives réalisées sous l’égide du Centre d’études nord-américaines (ancien Centre d’études canadiennes) de l’ULB. Voir notamment : Actes du colloque « Les grands voisins », Bruxelles, Éditions de l’Université de Bruxelles, 1984 ; Ginette Kurgan-van Hentenryk (dir.), La question sociale en Belgique et au Canada xix e-xx e siècles, Bruxelles, Éditions de l’Université de Bruxelles, 1988 ; Serge Jaumain (dir.), La réforme de l’État… et après ? L’impact des débats constitutionnels en Belgique et au Canada, Bruxelles, Éditions de l’Université de Bruxelles, 1997 ; Serge Jaumain et Paul-André Linteau (dir.), Vivre en ville. Bruxelles et Montréal aux xix e et xx e siècles, Bruxelles, P.I.E.- Peter Lang (coll.« Études canadiennes »), 2006. Parmi les autres recherches comparant les expériences belges et canadiennes (ou québécoises), on signalera encore : Brigitte Caulier et Luc Courtois (dir.), Québec-Wallonie : dynamiques des espaces et expériences francophones, Québec, Presses de l’Université Laval, 2006 ; Min Reuchamps (dir.), Minority Nations in Multinational Federations : A Comparative Study of Quebec and Wallonia, New York, Routledge, 2015.

24. Pour un historique de ces échanges, voir le site du Centre d’études nord- américaines de l’ULB, http://www.ulb.ac.be/cena/ (consulté le 27 février 2017).

25. Quelques-uns des textes rassemblés dans le présent ouvrage en constituent de très beaux exemples. Ils s’inscrivent dans le sillage d’excellentes thèses de doctorat défen-dues à l’ULB, comme celle de Nicolas Kenny, Forging Urban Culture : Modernity and Corporeal Experiences in Montreal and Brussels, 1880-1914 (Bruxelles et Montréal, ULB et Université de Montréal, 2008), publiée sous le titre The Feel of the City : Experiences of Urban Transformation, Toronto, University of Toronto Press, 2014. Ou encore celle de Céline Préaux, Le déclin d’une élite. L’évolution du discours communautaire public des francophones d’Anvers et des anglophones de Montréal, défendue en 2011 et publiée deux ans plus tard sous le titre Le déclin d’une élite. Francophones d’Anvers, anglophones de Montréal, Berne, Peter Lang, 2013.

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Prolongeant ces croisements d’expertises, il a semblé intéressant de s’attaquer ici au thème des élites, mais en le mettant en réso-nance avec un autre sujet qui, en Belgique comme au Canada, est au cœur de multiples réflexions : le biculturalisme. Cette thématique s’inscrit directement dans la continuité des recherches menées par Céline Préaux et publiées en 2013 sous le titre Le déclin d’une élite. Francophones d’Anvers – anglophones de Montréal 26. L’auteure y propose une remarquable analyse de ce que l’on pourrait appeler « deux élites minoritaires » en cherchant à comprendre, à travers l’étude comparative de l’évolution de ces anciennes « minorités dominantes », comment se sont constituées les identités flamande et québécoise et, derrière elles, les nations belge et québécoise contemporaines. Une des originalités de cette étude consiste à montrer la ségrégation pratiquée par ces élites qui, convaincues de leur supériorité, se replièrent sur elles-mêmes au point d’entre-tenir peu de contacts avec les membres de l’autre groupe linguis-tique, fût-il numériquement dominant. L’étude de Céline Préaux met toutefois en évidence une différence majeure entre les élites anglophones du Québec et francophones de Flandre : « [L]es premières sont naturellement distinctes de la majorité des Québécois et se sont accommodées d’un arrangement avec les élites franco-phones de la province. Les francophones de Flandre, eux, sont des Flamands à l’origine. Les néerlandophones de Flandre ne disposent donc pas d’autres élites qui les représenteraient dans leur langue27. » Le Québec connut dès lors ce qu’elle appelle une sorte d’accord « consociationnel » entre les élites anglophones et francophones, la domination des premières s’effectuant essentiellement dans le domaine économique. Inversement, les francophones de Flandre représentent seuls l’ensemble des élites et imposent leur hégémonie dans tous les domaines d’influence28.

Ces conclusions ouvrant la voie à de nouvelles réflexions quant à la manière dont les élites avaient vécu le biculturalisme, il était tentant d’élargir le débat pour tenter une comparaison plus globale

26. Voir note précédente.27. Préaux, Le déclin d’une élite, op. cit., p. 62.28. Ibid., p. 62-63.

15introduction • Élargir le débat sur l’attitude des élites devant le biculturalisme

des attitudes des élites face au biculturalisme dans les sociétés belge et canadienne.

Élargir le débat signifiait tout d’abord dépasser les frontières chronologiques choisies par Céline Préaux, qui avait travaillé sur des périodes marquées par la montée des nationalismes (1930 à 1965 pour la Belgique et 1960 à 1980 pour le Québec). Élargir le débat, c’était ensuite étendre la notion d’« élites » car, dans les deux pays, celles-ci étaient multiples, donc diverses et porteuses de regards d’autant plus variés sur la société qui les entourait. Élargir le débat, c’était, enfin, donner une acception plus large au terme « biculturalisme » pour y inclure toutes les caractéristiques de sociétés plurielles, dont l’ensemble des structures sont marquées par deux langues et souvent deux cultures. C’était se poser une question essentielle qui apparaît en filigrane dans plusieurs articles réunis ici : au sein de chacune des sociétés étudiées, les élites se parlent-elles ? Et si oui, que se disent-elles ? Et pour être encore un peu plus précis : y a-t-il une solidarité des élites (une sorte d’« internationale des élites ») franchissant les frontières linguis-tiques et communautaires pour montrer qu’au-delà de leurs appar-tenances, elles peuvent défendre des points de vue communs, voire s’allier ? Cette question est d’autant plus pertinente que des recherches récentes montrent que les rapports de pouvoir dans les classes les plus aisées (entre néerlandophones et francophones, d’une part, et franco-catholiques, anglo-protestants et anglo-catholiques, d’autre part) sont beaucoup plus complexes qu’on ne le croyait à première vue29.

Les textes rassemblés ici s’intéressent donc à différentes élites belges, canadiennes et québécoises, et à la manière dont elles appré-hendèrent le biculturalisme pendant une période qui couvre près de deux siècles.

29. Cette problématique passionnante est au cœur de la thèse en cotutelle (Université Laval – Université libre de Bruxelles) que prépare Alex Tremblay Lamarche sur les relations interculturelles au sein des élites de la ville de Québec entre 1840 et 1929 (Les relations entre anglophones et francophones, op. cit.) et qui fait suite à ses premiers travaux sur les mariages mixtes (entre francophones et anglophones) au sein des élites québécoises au xixe siècle. Alex Tremblay, La mixité culturelle au sein des élites québécoises au xix e siècle : l’exemple de la famille Marchand, 1791-1900, Mémoire (M. A.), Québec, Université Laval, 2014.

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Si les similitudes, évoquées plus haut, rendent les comparaisons entre les expériences belge, canadienne et québécoise très tentantes, il ne faut toutefois jamais oublier qu’elles demeurent marquées par des spécificités qui les distinguent. Ainsi, pour se limiter à deux exemples, si les élites canadiennes sont caractérisées par une nette fracture linguistico-religieuse, en Belgique, le catholicisme est très présent tant dans les élites francophones que néerlandophones. Cette différence, qui pourrait sembler anodine aujourd’hui, est en fait lourde de conséquences puisque le vecteur identitaire le plus important au xixe siècle découle davantage de l’appartenance reli-gieuse que des origines ethniques ou de la langue maternelle. De même, si, au xixe siècle, des élites canadiennes-anglaises, cana-diennes-françaises, voire canado-irlandaises se regroupent au sein d’associations qui leur sont propres, à la même époque, l’élite belge est principalement francophone quel que soit le lieu où elle habite.

Les rapports interculturels au sein des classes dominantes des deux pays invitent d’autant plus à la réflexion et à l’approfondisse-ment qu’ils sont à géométrie variable en fonction du domaine d’activité dans lequel s’illustrent les élites. Cela a conduit à réunir dans cet ouvrage des chercheurs abordant tant les perspectives reli-gieuses, culturelles, linguistiques et intellectuelles que le processus de formation des élites ou encore le rôle de celles-ci dans l’adaptation des structures institutionnelles à la réalité de sociétés biculturelles.

Le principal intérêt de cette démarche est bien sûr d’examiner tout cela dans une perspective comparatiste. Certains articles proposent eux-mêmes cette comparaison ; d’autres portent sur un seul espace géographique, mais permettent de comprendre le rapport des élites au biculturalisme dans deux contextes très différents. La contribution de Brian Young, qui ouvre ce recueil, concerne par exemple le seul Québec, mais elle est d’autant plus intéressante que l’historien de McGill est aujourd’hui l’une des références incon-tournables en matière d’histoire des élites dans un contexte bicul-turel. Il aborde ici la question essentielle du pluralisme juridique et de la manière dont celui-ci est vécu et utilisé par un membre de l’élite canadienne-française, Jean-Thomas Taschereau (1778-1832). Cette analyse permet de comprendre comment, tout en étant issu d’une des grandes familles de l’élite catholique francophone, il était

17introduction • Élargir le débat sur l’attitude des élites devant le biculturalisme

possible, au tournant des xixe et xxe siècles, de combiner les tradi-tions et procédures légales découlant de la common law et de la Coutume de Paris jusque dans la rédaction de ses dernières volontés. L’étude rappelle ainsi qu’au-delà de la rencontre de deux peuples, le Canada fut aussi un lieu unique de coexistence entre deux systèmes juridiques radicalement différents, une situation que ne connut jamais la Belgique.

Le jeune État belge suivra une tout autre voie : dès sa naissance, son unité est forgée autour de la mise en place d’un seul système juridique et institutionnel dont les fondements, hérités de la période française, furent élaborés par une élite émergente qui, dans un premier temps, s’embarrassa d’autant moins de la dualité linguis-tique qu’elle avait lutté pendant plusieurs années contre les tentatives de néerlandisation imposées par le souverain hollandais au sud de son royaume. Cette nouvelle élite occupe rapidement tous les postes dirigeants, dont elle a chassé les défenseurs du régime hollandais. Els Witte montre toutefois que ceux-ci ne baissent pas immédia-tement pavillon : pendant une petite dizaine d’années, un mouve-ment orangiste, financièrement soutenu par l’ancien souverain, s’oppose au nouveau régime et tente de démontrer qu’il n’est pas viable. Dans ce contexte, les nouvelles élites belges déploieront une énergie considérable pour « nationaliser le pays », c’est-à-dire veiller à donner à ses habitants une véritable « identité nationale ». Pour Els Witte, au terme du processus et malgré le changement d’élite, le paysage politique n’a guère été ébranlé par la révolution : il reste dominé par les forces traditionnelles de l’aristocratie terrienne et l’élite cléricale a retrouvé une position bien plus forte que sous le régime hollandais. Certes, la bourgeoisie est quelque peu renforcée, mais à court terme, les libéraux, pragmatiques, ont préféré ne pas bouleverser le système sociopolitique. Ils ont plutôt choisi de miser sur le moyen terme en faisant enchâsser dans la Constitution une série de principes qui permettront d’instaurer un véritable régime parlementaire et surtout, d’imposer, un pluralisme religieux et philosophique que l’élite catholique sera bien forcée de respecter.

Ces événements seront suivis avec intérêt et curiosité par Rome, qui tient à maintenir l’emprise cléricale sur le nouvel État. Pour les fonctionnaires du Vatican, la Belgique devait avant tout rester

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une terre catholique. Ils ne se posent par contre aucune question sur le plan linguistique : au terme de la révolution, la langue fran-çaise s’est imposée à l’élite du nouveau pays et c’est sans grands états d’âme qu’ils considèrent la Belgique comme un État franco-phone. Cette conviction de l’élite romaine sera peu à peu ébranlée par la progression d’un mouvement flamand considéré avec d’autant plus d’inquiétude qu’une grande partie de sa base est catholique. Rome devra réajuster sa politique pour tenir compte de cette nouvelle réalité. Matteo Sanfilippo montre que la question linguis-tique devient même, après la Première Guerre mondiale, un des sujets principaux des échanges entre les évêques belges et les fonctionnaires romains. Un processus assez comparable peut être observé dans les rapports entre le Vatican et la catholicité cana-dienne. Si dans un premier temps, Rome paraît convaincue que l’anglais s’imposera naturellement comme la langue de travail dans toute l’Amérique du Nord, ici aussi elle devra peu à peu revoir son analyse. Non seulement le lien étroit entre catholicisme et défense des communautés francophones du Canada ne pouvait être sous-estimé, mais en outre, dans de nombreuses paroisses d’Amérique du Nord, il fallut tenir compte de la prégnance du facteur « ethnique » et y adapter le choix des membres du clergé envoyés pour servir les fidèles des nouvelles paroisses afin d’éviter les conflits. Ces problématiques acquièrent une telle importance que c’est une question linguistique étroitement imbriquée dans une problématique scolaire (le débat autour du développement d’écoles catholiques francophones au Manitoba, bientôt étendu à d’autres parties du pays) qui fut à l’origine, en 1899, de la création de la Délégation apostolique du Canada. Matteo Sanfilippo souligne bien l’extrême difficulté de la curie romaine à apprécier correctement les conflits linguistiques tant en Belgique qu’au Canada. Dans les deux pays, ils constituèrent une source de tensions d’autant plus grande entre les catholiques et leur hiérarchie que ces premiers attendaient des prises de position claires que Rome ne pouvait adopter faute de mécontenter une partie des fidèles. Matteo Sanfilippo n’hésite pas à qualifier de véritable faillite sinon religieuse, du moins politique la gestion par le Vatican de ces conflits linguistiques.

19introduction • Élargir le débat sur l’attitude des élites devant le biculturalisme

Si Rome suivait avec autant d’attention les débats autour des questions scolaires, c’est qu’à ses yeux, l’enseignement constituait un enjeu majeur pour défendre et promouvoir le catholicisme. Pour les populations concernées, il représentait aussi un élément essentiel à la protection de leur langue, de leur culture et de leur identité. À cet égard, d’intéressants parallèles existent entre la lutte des francophones d’Ontario et celle des néerlandophones de Flandre pour bénéficier d’un enseignement dans leur langue. Deux élites placées en situation minoritaire (même si, sur le plan numérique, les néerlandophones sont majoritaires en Belgique) s’y battent pour obtenir une reconnaissance légitime de la dualité linguistique et exercer des droits reconnus par les constitutions de leur pays respectif. Guillaume Durou montre que les réponses apportées par les élites au pouvoir seront toutefois fort différentes. Si du côté belge, les dirigeants francophones sont progressivement forcés d’accepter les revendications flamandes et de procéder à une (très lente) démocratisation du système permettant la mise en place, en Flandre, d’un enseignement en néerlandais, en Ontario, par contre, il faut plutôt parler de ce que Guillaume Durou qualifie de « dé-démocratisation ». Celle-ci provoque la mobilisation des fran-cophones de l’Ontario, puis du reste du Canada en faveur d’un enseignement bilingue : le nationalisme canadien-français se trouve soudain « réveillé » par la farouche opposition au français (doublée d’anti-catholicisme) de l’élite anglophone.

Autre particularité des États basés sur la coexistence de deux grandes communautés linguistiques, il n’est pas simple pour un autre groupe, minoritaire, de s’insérer entre celles-ci pour faire reconnaître ses droits. En Belgique, c’est la petite communauté germanophone, d’abord oubliée des premières réformes institu-tionnelles, qui, progressivement, réussira à faire valoir ses particu-larités jusqu’à obtenir la reconnaissance de l’allemand comme troisième langue nationale et bénéficier de son propre gouverne-ment. Au Canada, le paysage est bien plus complexe. Il y a bien sûr les multiples groupes ethniques issus des différentes vagues migratoires des xixe et xxe siècles, mais il y a surtout les Premières Nations, longtemps ignorées après avoir été largement spoliées, et qui, petit à petit, feront entendre leur voix pour tenter d’obtenir

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quelques réparations des erreurs du passé et retrouver leurs droits, un processus loin d’être terminé30. De nombreux travaux ont déjà souligné le difficile combat de ces groupes coincés entre les commu-nautés dominantes. La deuxième partie de cet ouvrage propose deux autres exemples de luttes menées par des minorités particu-lières : les franco-protestants et les Juifs du Québec.

Les premiers constituent une élite minoritaire encore trop mal connue. Proches d’un groupe par la langue et d’un autre par la religion, souvent issus de la petite classe moyenne rurale et à la recherche d’une reconnaissance sociale, ils occupèrent au Québec une place à part grâce aux liens qui les unissaient aux deux compo-santes de la population. Catherine Hinault montre comment ce statut original facilita leur intégration dans les sphères dirigeantes du Québec, même si cela ne fut pas unanimement apprécié, notam-ment par ceux qui avaient soutenu l’œuvre protestante missionnaire évangélique auprès des francophones sans en anticiper toutes les conséquences.

À l’inverse, la communauté juive du Québec se distingue nette-ment des deux groupes majoritaires (même si ses membres fréquen-tèrent souvent les écoles protestantes). Les rapports entre Juifs et Québécois francophones sont d’autant plus intéressants à étudier que ces derniers ont souvent été accusés d’antisémitisme. Alexandre Dumas relativise cette appréciation en décrivant une réalité plus complexe que ne l’ont laissé entendre les jugements à l’emporte-pièce de quelques historiens anglophones n’ayant guère pris la peine de se plonger dans les sources francophones. Son texte montre que les Juifs ont surtout été victimes de leur minorité numérique, qui ne leur permettait pas d’occuper dans la balance électorale une position similaire à celle, par exemple, des anglo-protestants. Pour Alexandre Dumas, les prises de position publiques des élites poli-tiques québécoises furent moins guidées par l’antisémitisme que par de vulgaires calculs électoraux ou stratégiques. La vive opposition des catholiques et des protestants à la mise en place d’une commis-sion scolaire juive en est un excellent exemple : au-delà des critiques

30. Voir par exemple les récentes publications issues du travail de la Commission de vérité et réconciliation du Canada.

présentation des auteurs

Alexandre Dumas détient un doctorat en histoire de l’Université McGill. Sa thèse de doctorat, qui sera publiée aux éditions McGill-Queen’s University Press, porte sur les relations entre l’Église et l’État au Québec de 1930 à 1960. Il est l’auteur du livre L’abbé Pierre Gravel : syndicaliste et ultranationaliste (Septentrion, 2014) ainsi que de nombreux articles publiés entre autres dans Globe : revue internationale d’études québécoises, la Revue d’histoire de l’Amé-rique française et le Bulletin d’histoire politique. Il est chargé de cours à l’Université du Québec à Rimouski et à l’Université du Québec à Trois-Rivières.

Guillaume Durou détient un doctorat en sociologie de l’Université du Québec à Montréal. Ses recherches portent sur la sociologie historique des familles, des classes sociales et des minorités au xixe siècle au Canada dans le contexte de transition au capitalisme. Il a publié sur le sujet dans les revues Labour/Le Travail ainsi que dans le Bulletin d’histoire politique. Il est présentement chargé de cours à la Faculté Saint-Jean de l’Université de l’Alberta à Edmonton.

Dave Guénette est doctorant en droit à l’Université Laval et à l’Université catholique de Louvain. Affilié au Centre de recherche interdisciplinaire sur la diversité et la démocratie (CRIDAQ) et au Centre de recherche sur l’État et la Constitution (CRECO), il travaille principalement sur le processus constituant dans les sociétés fragmentées, sur les aménagements institutionnels de la diversité sociétale et sur les liens entre nationalisme et constitutionnalisme. Il est l’auteur de divers articles publiés notamment dans Les Cahiers de droit, la Revue belge de droit constitutionnel, la Revue générale de droit et l’Annuaire international de justice constitutionnelle.

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Catherine Hinault est professeure agrégée d’anglais (PRAG d’an-glais) à l’Université Rennes 2. Sa thèse, soutenue à l’Université Paris 3 Sorbonne Nouvelle, porte sur les phénomènes d’intercul-turation et le franco-protestantisme au Québec, des années 1830 à 1920. Elle a reçu le prix de l’Association française d’études canadiennes pour la meilleure thèse française en études canadiennes pour les années 2012 et 2013.

Serge Jaumain est professeur d’histoire contemporaine à l’Université libre de Bruxelles, où il a été pendant dix ans vice-recteur aux relations internationales (2006-2016). Ancien président du Conseil international d’études canadiennes (2001-2003) et de l’Association internationale d’études québécoises (2012-2015), il a reçu diverses distinctions parmi lesquelles le Prix international du Gouverneur général du Canada (2005) et l’Insigne du mérite de la Faculté des arts de l’Université de Montréal (octobre 2013). Ses recherches portent principalement sur l’histoire des grands magasins en Europe, l’immigration belge au Canada et l’étude des guides touristiques comme nouvel objet d’histoire. Il a écrit ou dirigé une trentaine d’ouvrages. Parmi les plus récents : Dictionnaire d’histoire de Bruxelles (Prosopon, 2013) et Biermans-Lapôtre. Histoire d’un mécène et de sa fondation (Racine, 2013, avec Pierre Van den Dungen).

Valérie Lapointe-Gagnon est professeure adjointe en histoire et droits linguistiques à la Faculté Saint-Jean de l’Université de l’Alberta. Elle s’intéresse à l’histoire intellectuelle et politique du Canada et du Québec contemporains. Elle a publié de nombreux articles parus notamment dans la Canadian Historical Review, dans le Bulletin d’histoire politique ainsi que dans MENS : revue d’histoire intellectuelle et culturelle au sujet de la commission Laurendeau-Dunton, du bilinguisme, du biculturalisme, du dialogue entre les francophones et les anglophones, et des intellectuelles canadiennes.

Jocelyn Létourneau est chercheur au Centre interuniversitaire d’études sur les lettres, les arts et les traditions (CÉLAT) et profes-seur au Département des sciences historiques à l’Université Laval. Titulaire de la Chaire de recherche du Canada en histoire du

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Québec contemporain de 2001 à 2015, il a été, au cours de sa carrière, boursier du Zentrum für interdisziplinäre Forschung (Université de Bielefeld), de l’Institute for Advanced Study (Princeton, N.-J.), de la Fondation Fulbright (UC Berkeley) et du Collegium de Lyon. Lauréat de la Fondation Trudeau, il est membre de la Société royale du Canada depuis 2005. Il a publié 18 livres, dont 7 en solo.

Matteo Sanfilippo est professeur ordinaire d’histoire moderne à l’Università della Tuscia (Viterbo, Italie). Il coordonne la rédaction de la revue Studi Emigrazione et codirige l’Archivio storico dell’emi-grazione italiana (www.asei.eu). Il s’intéresse surtout aux rapports entre le Vieux et le Nouveau Monde. Il a rédigé sur ce thème plusieurs dizaines de volumes et quelques centaines d’articles en italien et en français. Tout récemment, il a publié : (avec Caterina Giannottu), « Une introduction historique et un parcours archi-vistique », dans Jean-Philippe Warren (dir.), Les soldats du pape, Québec, Presses de l’Université Laval, 2014, p. 7-21 ; « Documents et souvenirs romains des zouaves pontificaux », dans Bruno Dumons et Jean-Philippe Warren (dir.), Les zouaves pontificaux en France, en Belgique et au Québec. La mise en récit d’une expérience historique transnationale (xix e-xx e siècles), Bruxelles, Peter Lang, 2015, p. 21-38 ; « The Debate on Personal Sources for the History of Italian Emigration », dans Óscar Álvarez Gila et Alberto Angulo Morales (dir.), From the Records of my Deepest Memory. Personal Sources and the Study of European Migration, 18th-20th Centuries, Bilbao, Universidad del País Vasco, 2016, p. 123-136.

Alex Tremblay Lamarche est titulaire d’une maîtrise en histoire de l’Université Laval et poursuit actuellement des études doctorales à l’Université libre de Bruxelles et à l’Université Laval. Ses recherches portent sur les relations entre les élites anglophones et francophones du Québec au xixe siècle et, de manière plus générale, sur l’histoire des élites. Il a publié quelques articles scientifiques sur le sujet (notamment dans MENS, dans la Revue d’études des Cantons-de-l’Est et dans divers actes de colloque) et plus d’une trentaine de textes dans la revue d’histoire Cap-aux-Diamants. On le retrouve

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activement engagé dans la diffusion de l’histoire au sein du conseil d’administration de la Société historique de Québec et à la barre de 3600 secondes d’histoire, émission de vulgarisation historique diffusée sur les ondes de CHYZ 94,3. Il est chargé de cours au Département des sciences historiques de l’Université Laval.

Jean-Philippe Warren est professeur titulaire au Département de sociologie et d’anthropologie de l’Université Concordia et directeur de la Chaire Concordia d’études sur le Québec. Gagnant du Prix du Gouverneur général dans la catégorie étude-essai, il a fait paraître de nombreux ouvrages sur l’histoire culturelle et intellectuelle du Québec, parmi lesquels Honoré Beaugrand. La plume et l’épée (Boréal, 2015), Pratiques et discours de la contreculture au Québec, avec Andrée Fortin (Septentrion, 2015), L’art vivant. Autour de Paul-Émile Borduas (Boréal, 2011) et Une douce anarchie. Les années 68 au Québec (Boréal, 2008).

Els Witte a étudié l’histoire à l’Université de Gand et enseigné l’histoire contemporaine à la Vrije Université Brussel (VUB) à partir de 1974. Elle s’intéresse principalement à la révolution de 1830 et à la période pré- et postrévolutionnaire, ainsi qu’à de nombreux aspects des développements politiques belges aux xixe et xxe siècles. Elle publie aussi dans le domaine de l’historiographie belge. Rectrice de la VUB de 1994 à 2000, elle est depuis 1988 membre de l’Aca-démie royale flamande de Belgique. Elle est l’auteure principale de la Politieke geschiedenis van België sinds 1830 (Histoire politique de la Belgique depuis 1830), un ouvrage qui compte déjà 11 éditions, la dernière datant de 2016, et qui a été traduit en français et en anglais.

Brian Young est professeur (émérite) d’histoire canadienne à l’Uni-versité McGill. Il est l’un des fondateurs du Groupe d’histoire de Montréal, collectif de recherche qui a son siège à McGill ; il est aussi membre actif du Centre interuniversitaire d’études québécoises. Il a notamment publié Brève histoire socio-économique du Québec (Septentrion, 1992, en collaboration avec John Dickinson), George-Étienne Cartier, bourgeois montréalais (Boréal, 1982), et The Politics

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of Codification : The Lower Canadian Civil Code of 1866 (McGill-Queen’s University Press, 1994). Son plus récent livre, Patrician Families and the Making of Quebec : The Taschereaus and the McCords (McGill-Queen’s University Press, 2014), sert d’introduction aux thèmes de culture juridique abordés dans le présent ouvrage.

table des matières

abréviations 8

introductionÉlargir le débat sur l’attitude des élites devant le biculturalisme 9Serge Jaumain et Alex Tremblay Lamarche

partie iLes élites politiques et religieuses confrontées

à la diversité culturelle (1800-1940) 25

Pluralisme, common law et culture juridique : l’exemple de Jean-Thomas Taschereau (1778-1832) 26Brian Young [Traduction : André LaRose]

Tensions au sein de l’élite belge avant et après la révolution de 1830 60Els Witte

Le Saint-Siège devant la question linguistique au Canada et en Belgique (1870-1939) 81Matteo Sanfilippo

Les luttes scolaires et la dualité culturelle en Ontario et en Flandre, aux xixe et xxe siècles 99Guillaume Durou

partie i iNi franco-catholiques ni anglo-protestantes,

les élites minoritaires et les majorités 127

Les franco-protestants au Québec des années 1830 à 1920 : « an educated and influential community » ? 128Catherine Hinault

Une minorité entre deux majorités : la communauté juive dans le discours politique québécois de la première moitié du xxe siècle 170Alexandre Dumas

partie i i i Les élites à l’épreuve du biculturalisme 195

L’apanage des élites – Étude de la nature élitaire des processus constituants dans les sociétés fragmentées belge et canadienne 198Dave Guénette

Un moment dans l’histoire des relations canado-belges : la commission Laurendeau-Dunton et l’échange d’expertise autour des questions linguistiques 222Valérie Lapointe-Gagnon

Cher Canada et cher Québec : la lettre ouverte comme stratégie de communication pour les nationalistes anglophones et francophones du Canada (1963-2007) 251Jean-Philippe Warren

Le référent du biculturalisme dans la mémoire historique de jeunes Québécois évoluant dans un environnement scolaire de mixité linguistique et culturelle 272Jocelyn Létourneau

présentation des auteurs 300

cet ouvrage est composé en adobe garamond pro corps 12selon une maquette de pierre-louis cauchon

et achevé d’imprimer en octobre 2017sur les presses de l’imprimerie marquis

au québecpour le compte de gilles herman

éditeur à l’enseigne du septentrion