Les déportés oubliés de l'état civil

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Les déportés oubliés de l'état civil Mercredi 22 avril 2009 Accueil | Archives | Publicité | Favoris | Contact Rechercher Recherche avancées A la Une Analyse Editorial Raïna Raïkoum Tranche de Vie Evènement Oran Oranie Centre Est Sports Société Culture Reportage Evocation Débat Il faut savoir... El Yazid Dib Comment rassembler ? Abdou B. Paterfamilias Ali Brahimi Les attentes et les défis de la troisième mandature Ait Benali Boubekeur Djazaïrouna Ahmed Saïfi Benziane Un plébiscite et une myriade d'attentes Farouk Zahi Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF Débat : Les déportés oubliés de l'état civil par Karim Ouldennebia* L'historiographie coloniale de l'Algérie a malencontreusement investi une image de psychose qui a longtemps obsédé les Historiens et autres ethnologues et anthropologues sur ces Algériens confinés et isolés, déportés et exilés ou tout simplement « partis ailleurs » depuis des siècles d'histoire sur les noms et les lieux. Pourtant, c'est le contraire qu'il faudrait révéler. Je voudrais à travers ces lignes rendre un vibrant hommage a ces Hommes non transcrit symboliquement parlant sur la « la première liste nominative de l'état civil des Algériens de la fin du 19° siècle».Ils portèrent malgré tout l'Algérie dans leurs coeurs, accrochés à un espoir de retour de cet espace géographique dépassant les vingt milles km ainsi qu'a tous ceux qui ont travaillé dans tous les domaines confondus à faire connaître dans notre pays d'autres Algériens garants de l'espoir immuable d'un futur toujours optimiste et confiant dans l'avenir de l'Algérie. PDF Télécharger le journal Entretien Louiza Hanoune au Quotidien d'Oran : «Nous voulons une réforme à la vénézuélienne» Entretien Réalisé Par Z. Mehdaoui Opinion MP3, ipod, portables : à consommer avec modération Allal Mustapha Kamal * De la presse d'investigation..., Houssine Mourad Salim* Chronique économique Où va le baril ? Akram Belkaïd, Paris http://www.lequotidien-oran.com/index.php?news=5119594&archive_date=2009-04-22 (1 sur 13)11/01/2010 00:40:16

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Mercredi 22 avril 2009 Accueil | Archives | Publicité | Favoris | Contact

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Analyse

Editorial

Raïna Raïkoum

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Il faut savoir... El Yazid Dib

Comment rassembler ? Abdou B.

Paterfamilias Ali Brahimi

Les attentes et les défis de la troisième mandature Ait Benali Boubekeur

Djazaïrouna Ahmed Saïfi Benziane

Un plébiscite et une myriade d'attentes Farouk Zahi

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imprimer | Version en PDF

Débat :

Les déportés oubliés de l'état civil par Karim Ouldennebia*

L'historiographie coloniale de l'Algérie a malencontreusement investi une image de psychose qui a longtemps obsédé les Historiens et autres ethnologues et anthropologues sur ces Algériens confinés et isolés, déportés et exilés ou tout simplement « partis ailleurs » depuis des siècles d'histoire sur les noms et les lieux. Pourtant, c'est le contraire qu'il faudrait révéler.

Je voudrais à travers ces lignes rendre un vibrant hommage a ces Hommes non transcrit symboliquement parlant sur la « la première liste nominative de l'état civil des Algériens de la fin du 19°siècle».Ils portèrent malgré tout l'Algérie dans leurs coeurs, accrochés à un espoir de retour de cet espace géographique dépassant les vingt milles km ainsi qu'a tous ceux qui ont travaillé dans tous les domaines confondus à faire connaître dans notre pays d'autres Algériens garants de l'espoir immuable d'un futur toujours optimiste et confiant dans l'avenir de l'Algérie.

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Entretien

Louiza Hanoune au Quotidien d'Oran : «Nous voulons une réforme à la vénézuélienne» Entretien Réalisé Par Z. Mehdaoui

Opinion

MP3, ipod, portables : à consommer avec modération Allal Mustapha Kamal *

De la presse d'investigation..., Houssine Mourad Salim*

Chronique économique

Où va le baril ?Akram Belkaïd, Paris

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Boutef III Abed Charef

La France rattrapée par son passé Nom de code : gerboise bleue Mohamed Bensalah

Larbi Benchiha au Quotidien d'Oran Propos recueillis par Mohamed Bensalah

« « Diachronique et réminiscences de l'émigration... » » Houssine Mourad Salim

Taxi de nuit Akram Belkaïd

Le baril sous la barre des 50 dollars Pierre Morville

Project Syndicate pour Le Quotidien d'Oran : Une seule Terre suffit ! Bjørn Lomborg*

La reprise est provisoire Nouriel Roubini

Un devoir de mémoire

Il est donc de notre devoir de mémoire envers ces algériens de donner une image valorisante de leur Histoire ambiguë certes mais surtout inconnu, sur la base de leurs noms propres qui restèrent comme seuls valeurs et apports spécifiques encore enfuis dans les sources d'archives des registres matriciels d'outre mer (État-civil, registres de l'Administration pénitentiaire, courriers municipaux, lettres des missionnaires, comptes rendus et sources orales mais aussi les remarquables ouvrages de ces dernières années ).

C'est un essai d'Histoire, je dirai patronymique de ces Algériens « héros malheureux », ou plutôt d'une présentation qui correspond conventionnellement à la conséquence des insurrections successives en Algérie ; des Ouled sidi Cheikh en 1864 (178 condamnés), Celle de Mokrani Ahmed et Cheikh Améziane Mohand El-Haddad en 1871, et d'El-Amri (Biskra) en 1876 (120 embarqués) et enfin l'insurrection du sud oranais en 1881-1882.

Le revers pervers de la défaite

Cette période de l'histoire de l'Algérie a été peu prolifique en écrits. Durant la période 1870-1871, la France coloniale subissait l'humiliation de la défaite et la reddition de Napoléon III face au chancelier Prussien Bismarck. Une instabilité gouvernementale s'ajouta aux événements graves de la commune de Paris. Cependant la France a finalement franchi cette crise, elle se tourna tout de suite vers l'Algérie pour lui régler son compte aussitôt l'installation du nouveau pouvoir à Paris de la III° république.

Santé

La réanimation médicaleSenouci M. Mostefa *

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Face à une puissance coloniale ressuscitée par un effectif militaire puissamment armé venu en renfort, Les insurgés algériens de l'insurrection d'Ahmed Mokrani et Cheikh El-Haddad, optèrent pour un soulèvement total. Mais Vaincus après le 30 du mois de juin 1871, les insurgés subissent le revers pervers de la défaite. La répression fut terrible. La volonté de punir s'abat sur ces révoltés. Le colonisateur ne perdez rien pour attendre. Il adopta d'abord des lois sur mesure. A cela s'ajoutaient les interminables dépossessions de tous les biens et les terres qui étaient redistribuées aux nouveaux indésirables venus de la métropole et de la nostalgique région d'Alsace Lorraine suite à un appel qui avait été lancé en leur direction. L'occupant avait décidé que les propriétés des insurgés seraient spoliées et remises à des colons français.

On attribua aux nouveaux venus plus de cent mille hectares. Le nombre de familles implantées a été estimé à 1183 dont chacune a pu bénéficier de l'allocation de 6500 francs. De même que les fermiers du Sud-Est de la France avaient été attirés puisque le nombre de familles implantées fut estimé à quatre mille. Cette politique a porté la superficie des terres attribuées aux colons à 347268 hectares entre 1871 et 1882, ce qui a également permis la création de 197 villages de colonisation.

La déportation : quelle logique ?

Leur Histoire commence après le grand soulèvement de la fatidique année 1871. Les uns exécutés sommairement par les conseils de guerre mais les autres miraculés furent jugés et condamnés sans appel à partir du 10 mars 1873 par le tribunal de grande instance à Constantine. Ils étaient des centaines de chefs de sections de

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tribus, mais notre mémoire nationale n'en retient que trois (Mokrani Boumezrag, M'hamed Ben Cheikh El Haddad et son frère cadet Aziz).

Le 23 mars 1872, l'assemblée nationale Française a adopté une loi désignant les lieux de déportation. L'article 2 avait déclaré le lieu enceinte fortifiée, dans l'article 3 était mentionné l'ile des Pins en cas d'insuffisance, l'ile de Marré dépendante de la Nouvelle Calédonie. Il faut noter que les déportés durent attendre plusieurs mois avant leur embarquement dans les convois destinés aux colonies françaises d'outre mer. C'est la raison pour laquelle ces « prisonniers politiques » furent internés dans des dépôts ou lieux de détentions comme le fort de Quélerin (Brest) et à l'île d'Oléron ou du port de Toulon avant leurs départs définitifs en Nouvelle Calédonie à plus de 24 000 km de leur pays natal pour un exil forcé. Une traversée de cinq mois (145 jours environ).

La Nouvelle-Calédonie était devenue française depuis la date du 24 septembre 1853. La ville de Nouméa fut crée un an après. Comme en Algérie, la France avait choisi la colonisation de peuplement et agraire pour assimiler cette partie du monde. A ce type de colonisation venais s'ajouter dès 1864 celle d'origine pénitentiaire depuis la création du bagne par Napoléon III.

Ces iles lointaines occupent, dans l'histoire coloniale, une place singulière : une terre d'expérimentation où il est possible, d'harceler sans répit le passé pour arriver à comprendre la logique de cette violence. Les condamnés étaient exilés pour le restant de leur existence (les condamnés anglais à l'exil, quant à eux, avaient toujours le droit de rentrer en Grande-Bretagne, une fois leur peine achevée). « La logique de l'exil fonctionnait à plein régime », écrivait Ouennoughi (Malica) dans son remarquable ouvrage 1.

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Le pouvoir colonial imposait tout d'abord, aux déportés, la règle de l'exil à vie pour rendre leur retour impossible ou extrêmement difficile. En échange, elle promet de façon beaucoup plus systématique, la propriété du sol. Les valeurs sont là, bien françaises : « la terre est rédemptrice de tous les vices » 2.

Partis pour ne plus revenir. Absents en Algérie malgré eux. Seulement les absents ont toujours tord, disaient une institutrices à nos parents. Ces Algériens ont donc raté la transcription officielle de l'état civil promulgué par la puissance coloniale en ce même mois de mars onze années après, plus exactement le 23 mars 1882.

Cantonnement ou Refoulement ?

Le pouvoir colonial en Algérie comme en Amérique du nord, insistait à enfermer la masse dite « indigène » et « indienne »dans des réserves qu'elles les pensent promis à une disparition inéluctable. La question se posait de savoir quelle politique appliquer aux « indigènes » d'Algérie ? Les détruire ou tout au moins les refoulés ? L'idée de les déporter, a germé dans la tête de plusieurs officiers français bien avant 1872.Le colonel Montagnac, ne voulait-il pas déporter tous les Algériens aux îles Marquises ? En 1897, Maurice Wahl, et avant lui en 1880, le fameux docteur René RICOUX, ne prédisaient-ils pas que : « les indigènes étaient en voie d'extinction et la loi supérieure qui fait disparaître les peuples arriérés se vérifiait une fois de plus » ! Il calculait déjà le nombre d'années que nécessiterait une disparition totale. En 1880, il publiait un ouvrage intitulé La démographie figurée de l'Algérie. Il écrivait: « On ne peut le nier, comparés aux Européens, Arabes et Berbères sont certainement de races inférieures et surtout de races dégénérées... Et,

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dans un siècle ou deux, que seront-ils ? Combien seront-ils ? Car c'est indiscutable, ce peuple tend à disparaître d'une façon régulière et rapide ».Il précisa clairement l'idéologie coloniale. La prédiction ne s'est pas réalisée, mais la lecture de ce texte est intéressante en ce qu'elle met en évidence les conceptions racistes de nombreux scientifiques de cette époque.

Alors que partout ailleurs dans l'Empire, la France renonce à appliquer le cantonnement des autochtones. Le cantonnement fut abandonné en Algérie en 1873 ; puisque la loi Warnier avait imposé la propriété privée la même année. Les Kanaks de la nouvelle Calédonie étaient, quant à eux, relégués dans de véritables réserves, à l'instar des Indiens d'Amérique ou des Aborigènes d'Australie.

La présence de ces Algériens dans ces îles trop petite, trop lointaine, trop marginale, fait partie de ces « études » que l'historiographie a tendance à ignorer. Pourtant, dès qu'on s'y intéresse, se révèle une histoire étonnante qui, aussi paradoxal que cela puisse paraître, s'inscrit au coeur de « grandes questions ». Fondée sur un véritable projet idéologique de peuplement soumis à une double logique volontaire et en même temps factice parmi eux des Algériens forcés à l'exil sans retour. C'est vraiment une expérience sans précédent dans l'Histoire.

La problématique foncière.

En effet, l'approche coloniale basée sur l'occupation de l'espace s'inscrit aussi dans une problématique foncière tout à fait spécifique et très particulière. Contrairement à l'évolution qu'à connu l'Algérie, en nouvelles Calédonie l'administration française refusa, de

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privatiser les terres et ce contre l'avis même du ministère des Colonies à cette époque.

L'enjeu essentiel, « était lié aux logiques mêmes de la colonisation, qui consistait à maintenir un contrôle rigoureux sur la répartition des terres fertiles dans ses iles du pacifique. Plutôt que d'accorder la propriété privée aux tributs autochtones et autoriser ainsi les ventes directes entre indigènes et colons, au risque d'une dilapidation rapide des ressources foncières, les autorités locales préféraient plutôt le principe du cantonnement » 3.

Le cantonnement est abandonné en Algérie en 1873 ; la loi Warnier imposant la propriété privée aux indigènes pour créer un domaine foncier soumis à la loi du marché. En quelques années de spéculations intenses, une grande majorité d'Algériens est expropriée au profit de colons qui se constituent d'immenses domaines 4.

En effet, une autre nécessité a éclatée après 1871. Son but statué sur le cas épineux de l'état civil des Algériens. Elle apparaissait de plus en plus comme une nécessité très urgente et assez pressante. La pression venait surtout de la part des colons très presser de conclure des actes de vente notariales avec les « naïfs » habitants de douars, puisque la loi qui encouragée la colonisation « privé » cette fois, exigée un patronyme des deux signataires.

L'Algérie depuis a connu un vaste mouvement d'implantation de l'élément européen aux dépens de l'élément algérien. Certains facteurs parmi lesquels l'émigration, le déplacement et la déportation des populations ainsi que les massacres collectifs avaient failli détruire de façon quasi définitive la structure sociale de la société algérienne.

Le total des terres remises aux colons entre 1871 et 1908 s'élevait à

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1.137.823 ha environ parmi les meilleures terres agricoles. Le pouvoir colonial a mit en place les modes et les formes juridiques afin d'orienter les transformations radicales dans la structure sociale, politique et économique de la société algérienne. Ceci ne pouvait avoir lieu, selon le pouvoir colonial, sans la destruction de tout ce qui avait un rapport direct avec les croyances des autochtones et leurs systèmes ancestraux.Ainsi, sera parachevée l'entreprise de démolition et destruction de toutes les valeurs de la société algérienne qui se soumettra au fait accompli imposé par les forces de d'occupation, ce qui facilitera son assimilation et son assujettissement.

Privés de la loi d'amnistie.

Cependant quand les temps ont changés en France, les républicains ont amnistié les déportés communards français. Les Algériens eux ; seront privés de la loi d'amnistie. Parce qu'ils étaient toujours restés un danger pour le pouvoir colonial.

Déjà mentionnée dans la désormais célèbre formule « Jugés potentiellement dangereux ».

Pourtant deux lois d'amnistie des déportés étaient promulguées par le gouvernement français. Une loi d'amnistie partielle datée du « 3 mars 1879 » et une loi d'amnistie générale datée du 11 juillet 1880. Ces lois concernaient tous les déportés sans discrimination aucune mais l'administration coloniale locale ne libéra que les déportés issus de la révolte de la commune de Paris. Ces déportés français, amnistiés, regagneront, dans leur immense majorité, la France.

Il faut rappeler que les grands écrivains de l'époque comme Victor Hugo et Emile Zola militèrent sans relâche pour

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l'amnistie des déportés de la commune de Paris, mais aucun écrit ne mentionne qu'ils aient associé dans leurs actions le cas des déportés algériens.

Pourtant les vaincus des barricades de la commune de Paris assis côte à côte avec les vaincus d'Algérie, écrivirent beaucoup sur leur déportation selon Lallaoui Mehdi (Algériens du Pacifique, les déportés de Nouvelle-Calédonie).

Les Grands Absents de l'état civil.

La mesure coloniale de l'état civil des Algériens fut déposée le 08 mars, certains esprits avisés avaient demandé une application progressive de la loi, ils plaidèrent pour une expérience préalable dans une seule région comme la Kabylie, mais c'était perdu d'avance puisque leurs amendements furent rejetés. La loi fut donc promulguée le 23 mars 1882, un signe distinctif d'une volonté toujours assimilationniste. Derrière cet acte officiel de nomination, il y avait un véritable processus d'individualisation qui introduisait un nouvel ordre socioculturel dans lequel était mise en avant la « personnalité » avant la communauté5. Son objectif était clair ; individualiser les personnes pour pouvoir les dominer facilement et les responsabiliser dans le domaine des impôts et la circonscription militaire et autres devoirs d'assujettis. Dans l'esprit de certains administrateurs insistait Agéron: « la constitution de l'état civil [était] et [devrait] être une oeuvre de dépersonnalisation, l'intérêt de celle-ci étant de «préparer la fusion ». La non-observation du nom patronymique et les retards dans les déclarations d'état-civil a était ajouté par la loi du 27 juin 1888 comme infraction au terrible code de l'indigénat.

En 1886, son application se porta sur seize douars la plupart dans le périmètre ou s'est déroulé le grand

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soulèvement de 1871; à la fin de l'année 523.000 Indigènes seulement avaient été dotes d'un état-civil.

Dans les communes du territoire civil, on avait inscrit au total 3.069.268 dits « Indigènes », pourtant dans le dénombrement de 1896 bien que peu plausible on en recensait bien plus !

Cette mesure fut appliquée dans les dix années qui suivirent. Les Algériens avaient en principe le choix de leur patronyme, mais comme ils s'en désintéressaient, les commissaires de l'état civil chargés de ce travail se firent parfois remarquer sans souci d'aucune règle (qu'il n'est pas possible de citer dans cet espace restreint). Ces mêmes commissaires enquêteurs toujours hantés par les insurrections permanentes des Algériens avaient distribué à toute une population d'un certain Douar des patronymes distincts commençant tous par la lettre A et la lettre B pour le douar voisin et le C pour le troisième ainsi de suite... Sans doute la même méthode employée en groupes taxinomiques dans une expérience en laboratoire de sciences naturelles pour distinguer facilement les « individus » et non les « personnes ».

D'ailleurs les noms authentiques continuèrent à exister puisqu'ils restèrent inscrits au verso de la carte d'identité (Nekwa), en caractères arabes. Ce qui explique que beaucoup d'Algériens ont conservé jusqu'a nos jours le souvenir de leur véritable dénomination familiale, mais aussi presque toujours de leurs filiations, qui constituent les éléments de notre identité personnelle, notre « état civil » national. Ces déportés Algériens ont donc raté la transcription officielle de l'état civil promulgué en ce même mois de mars onze années après, appliquée officiellement, durant douze ans, de 1882 à 1894.S'ils étaient revenus dans leurs pays natal après une vingtaine d'années ils auraient été devenus des « sans papiers » dans leurs propre pays !

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Nekwa et Résistance nationale.

Il est vrai que pour les Algériens des douars cette mesure était douteuse, d'abord pour eux ; cette pondération était comme une violation des secrets de famille, mais aussi une tentative d'enlèvement d'enfants musulmans dont on prenait les noms pour les déporter plus tard en Nouvelle Calédonie ou Cayenne. Les rumeurs propagées dans les Douras constitués par les Meddahs et autres Berrahs, avaient rendu l'administration coloniale impuissante et donnèrent lieu à de telles résistances qu'on n'insista pas. Plusieurs journaux en effet signalèrent en 1885 et 1886 que les Indigènes cachèrent avec soin leurs enfants males 6.

Devant la commission sénatoriale, 1'ex-administrateur Sabatier indiqua que, selon lui, « la constitution de 1'état-civil (était) et (devait) être une oeuvre de dénationalisation, 1'intérêt de celle-ci étant de « préparer la fusion ». Son idée était de franciser plus résolument encore les patronymes indigènes pour favoriser les mariages mixtes exactement ce qui c'est passé pour les déportés algériens en Nouvelle Calédonie tous mariés avec des Kanaks ou des colons blancs (Au fait y avait-il parmi les déportés algériens des Algériennes ?).

Jusqu'en 1936, la loi dans ce pays interdisait l'attribution de prénoms algériens aux enfants. Après cette année, les garçons ont retrouvé le prénom algérien que leurs avait donné leurs pères (François, Louis, Jean-pierre, Henri, Joseph sont devenus Missoum, Ahmed, Taieb, Miloud, Youcef... selon Malica Ouennoughi.

En effet, malgré la loi coloniale, les enfants ont grandi avec deux prénoms (un pour l'état civil et un pour la

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famille ).

L'affirmation identitaire se manifesta de façon très nette chez les Calédoniens d'origine algérienne à travers la persistance dans le choix pour les enfants de prénoms arabo-musulmans, pourtant très stigmatisés selon Melica OUENNOUGHI. De toute évidence, l'attachement des « Algériens » à leur(s) nom(s) et prénom(s) traduit une volonté de démarquage. C'est donc une résistance en situation de défense. L'attachement devient un symbole de fidélité à ceux qui sont restés au « pays » et, résister ainsi à la tentation de l'oubli des « siens ». Mais là une autre Histoire.

CONCLUSION

Je voudrais, pour conclure, insister sur l'écriture d'Histoire en Algérie qui est une force de proposition d'avenir devrait permettre, dans tous les domaines, l'émergence de solutions nationales globales et favoriser pour le mieux une meilleure utilisation des données qui bénéficiera nécessairement du soutien des travaux de laboratoires de recherche des Universités algériennes.

*Maître de Conférence - Université Djillali Liabes-SBA

Notes et Référence :

1-OUENNOUGHI (Melica): Les Déportés maghrébins en Nouvelle-Calédonie et la Culture du Palmier Dattier,

(1864 à nos jours), éd-l'harmattan, janvier 2006, (374 pages).

2- Merle (Isabelle) : « La Nouvelle-Calédonie, 1853-1920. Naissance d'une société coloniale »,

In Revue les Cahiers du Centre de Recherches Historiques, 11 | 1993.

Référence électronique [En ligne], mis

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en ligne le 05 mars 2009.

Adresse URL : http://ccrh.revues.org/index2762.html. Consulté le 06 mars 2009.

3 -OUENNOUGHI (M)in revue Insaniyat -CRASC (Oran-).N° 32-33 du 04/09/2007.

4- Ageron(Ch-R.), Les Algériens Musulmans et la France, 1871-1919, PUF, 1968 ;

P. Bourdieu et A. Sayad, Le déracinement, Éditions de Minuit, 1964.

5 -Lamri (Sophia): « Un état civil tronqué », In El-WATAN , 1er décembre 2004.

6- C.A.O.M-Aix en Provence, Série F 80 /1817-Etablissement des registres matrices par les commissaires spéciaux.

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Les déportés oubliés de l'état civil

Par: Karim Ouldennebia* Publié le: 22/04/2009

L'historiographie coloniale de l'Algérie a malencontreusement investi une image de psychose qui a longtemps obsédé les Historiens et autres ethnologues et anthropologues sur ces Algériens confinés et isolés,déportés et exilés ou tout simplement « partis ailleurs » depuis des siècles d'histoire sur les noms et les lieux.Pourtant, c'est le contraire qu'il faudrait révéler. Je voudrais à  travers ces lignes rendre un vibranthommage a ces Hommes non transcrit symboliquement parlant sur la « la première liste nominative de l'étatcivil des Algériens de la fin du 19°siècle».Ils portèrent malgré tout l'Algérie dans leurs coeurs, accrochés à un espoir de retour de cet espace géographique dépassant les vingt milles km ainsi qu'a tous ceux qui onttravaillé dans tous les domaines confondus à  faire connaître dans notre pays d'autres Algériens garants del'espoir immuable d'un futur toujours optimiste et confiant dans l'avenir de l'Algérie.                  Un devoir de mémoire Il est donc de notre devoir de mémoire envers ces algériens de donner uneimage valorisante de leur Histoire ambiguà« certes mais surtout inconnu, sur la base de leurs noms propresqui restèrent comme seuls valeurs et apports spécifiques encore enfuis dans les sources d'archives desregistres matriciels d'outre mer (à‰tat-civil, registres de l'Administration pénitentiaire, courriers municipaux,lettres des missionnaires, comptes rendus et sources orales mais aussi les remarquables ouvrages de cesdernières années ). C'est un essai d'Histoire, je dirai patronymique de ces Algériens « héros malheureux »,ou plutôt d'une présentation qui correspond conventionnellement à  la conséquence des insurrectionssuccessives en Algérie ; des Ouled sidi Cheikh en 1864 (178 condamnés), Celle de Mokrani Ahmed et CheikhAméziane Mohand El-Haddad en 1871, et d'El-Amri (Biskra) en 1876 (120 embarqués) et enfin l'insurrectiondu sud oranais en 1881-1882.        Le revers pervers de la défaite Cette période de l'histoire de l'Algérie a été peu prolifique en écrits.Durant la période 1870-1871, la France coloniale subissait l'humiliation de la défaite et la reddition deNapoléon III face au chancelier Prussien Bismarck. Une instabilité gouvernementale s'ajouta aux événementsgraves de la commune de Paris. Cependant la France a finalement franchi cette crise, elle se tourna tout de suite vers l'Algérie pour lui régler son compte aussitôt l'installation du nouveau pouvoir à  Paris de la III°république. Face à  une puissance coloniale ressuscitée par un effectif militaire puissamment armé venu en renfort, Les insurgés algériens de l'insurrection d'Ahmed Mokrani et Cheikh El-Haddad, optèrent pour unsoulèvement total. Mais Vaincus après le 30 du mois de juin 1871, les insurgés subissent le revers pervers dela défaite. La répression fut terrible. La volonté de punir s'abat sur ces révoltés. Le colonisateur ne perdezrien pour attendre. Il adopta d'abord des lois sur mesure. A cela s'ajoutaient les interminables dépossessionsde tous les biens et les terres qui étaient redistribuées aux nouveaux indésirables venus de la métropole et dela nostalgique région d'Alsace Lorraine suite à  un appel qui avait été lancé en leur direction. L'occupant avaitdécidé que les propriétés des insurgés seraient spoliées et remises à  des colons français. On attribua aux nouveaux venus plus de cent mille hectares. Le nombre de familles implantées a été estimé à  1183 dontchacune a pu bénéficier de l'allocation de 6500 francs. De même que les fermiers du Sud-Est de la Franceavaient été attirés puisque le nombre de familles implantées fut estimé à  quatre mille. Cette politique a portéla superficie des terres attribuées aux colons à  347268 hectares entre 1871 et 1882, ce qui a également permisla création de 197 villages de colonisation.        La déportation : quelle logique ? Leur Histoire commence après le grand soulèvement de la fatidiqueannée 1871. Les uns exécutés sommairement par les conseils de guerre mais les autres miraculés furent jugéset condamnés sans appel à  partir du 10 mars 1873 par le tribunal de grande instance à  Constantine. Ils étaientdes centaines de chefs de sections de tribus, mais notre mémoire nationale n'en retient que trois (MokraniBoumezrag, M'hamed Ben Cheikh El Haddad et son frère cadet Aziz). Le 23 mars 1872, l'assembléenationale Française a adopté une loi désignant les lieux de déportation. L'article 2 avait déclaré le lieuenceinte fortifiée, dans l'article 3 était mentionné l'ile des Pins en cas d'insuffisance, l'ile de Marrédépendante de la Nouvelle Calédonie. Il faut noter que les déportés durent attendre plusieurs mois avant leurembarquement dans les convois destinés aux colonies françaises d'outre mer. C'est la raison pour laquelle ces « prisonniers politiques » furent internés dans des dépôts ou lieux de détentions comme le fort de Quélerin(Brest) et à  l'île d'Oléron ou du port de Toulon avant leurs départs définitifs en Nouvelle Calédonie à  plus de24 000 km de leur pays natal pour un exil forcé. Une traversée de cinq mois (145 jours environ). La

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Nouvelle-Calédonie était devenue française depuis la date du 24 septembre 1853. La ville de Nouméa fut créeun an après. Comme en Algérie, la France avait choisi la colonisation de peuplement et agraire pour assimilercette partie du monde. A ce type de colonisation venais s'ajouter dès 1864 celle d'origine pénitentiaire depuisla création du bagne par Napoléon III. Ces iles lointaines occupent, dans l'histoire coloniale, une placesingulière : une terre d'expérimentation o๠il est possible, d'harceler sans répit le passé pour arriver à comprendre la logique de cette violence. Les condamnés étaient exilés pour le restant de leur existence (lescondamnés anglais à  l'exil, quant à  eux, avaient toujours le droit de rentrer en Grande-Bretagne, une fois leurpeine achevée). « La logique de l'exil fonctionnait à  plein régime », écrivait Ouennoughi (Malica) dans sonremarquable ouvrage 1. Le pouvoir colonial imposait tout d'abord, aux déportés, la règle de l'exil à  vie pour rendre leur retour impossible ou extrêmement difficile. En échange, elle promet de façon beaucoup plussystématique, la propriété du sol. Les valeurs sont là , bien françaises : « la terre est rédemptrice de tous lesvices » 2. Partis pour ne plus revenir. Absents en Algérie malgré eux. Seulement les absents ont toujours tord, disaient une institutrices à  nos parents. Ces Algériens ont donc raté la transcription officielle de l'étatcivil promulgué par la puissance coloniale en ce même mois de mars onze années après, plus exactement le23 mars 1882.        Cantonnement ou Refoulement ? Le pouvoir colonial en Algérie comme en Amérique du nord, insistaità  enfermer la masse dite « indigène » et « indienne »dans des réserves qu'elles les pensent promis à  unedisparition inéluctable. La question se posait de savoir quelle politique appliquer aux « indigènes » d'Algérie ?Les détruire ou tout au moins les refoulés ? L'idée de les déporter, a germé dans la tête de plusieurs officiers français bien avant 1872.Le colonel Montagnac, ne voulait-il pas déporter tous les Algériens aux îlesMarquises ? En 1897, Maurice Wahl, et avant lui en 1880, le fameux docteur René RICOUX, neprédisaient-ils pas que : « les indigènes étaient en voie d'extinction et la loi supérieure qui fait disparaître les peuples arriérés se vérifiait une fois de plus » ! Il calculait déjà  le nombre d'années que nécessiterait unedisparition totale. En 1880, il publiait un ouvrage intitulé La démographie figurée de l'Algérie. Il écrivait: «On ne peut le nier, comparés aux Européens, Arabes et Berbères sont certainement de races inférieures etsurtout de races dégénérées... Et, dans un siècle ou deux, que seront-ils ? Combien seront-ils ? Car c'estindiscutable, ce peuple tend à  disparaître d'une façon régulière et rapide ».Il précisa clairement l'idéologie coloniale. La prédiction ne s'est pas réalisée, mais la lecture de ce texte est intéressante en ce qu'elle met enévidence les conceptions racistes de nombreux scientifiques de cette époque. Alors que partout ailleursdans l'Empire, la France renonce à  appliquer le cantonnement des autochtones. Le cantonnement futabandonné en Algérie en 1873 ; puisque la loi Warnier avait imposé la propriété privée la même année. LesKanaks de la nouvelle Calédonie étaient, quant à  eux, relégués dans de véritables réserves, à  l'instar desIndiens d'Amérique ou des Aborigènes d'Australie. La présence de ces Algériens dans ces îles trop petite,trop lointaine, trop marginale, fait partie de ces « études » que l'historiographie a tendance à  ignorer.Pourtant, dès qu'on s'y intéresse, se révèle une histoire étonnante qui, aussi paradoxal que cela puisse paraître,s'inscrit au coeur de « grandes questions ». Fondée sur un véritable projet idéologique de peuplement soumisà  une double logique volontaire et en même temps factice parmi eux des Algériens forcés à  l'exil sansretour. C'est vraiment une expérience sans précédent dans l'Histoire.        La problématique foncière. En effet, l'approche coloniale basée sur l'occupation de l'espace s'inscritaussi dans une problématique foncière tout à  fait spécifique et très particulière. Contrairement à  l'évolutionqu'à  connu l'Algérie, en nouvelles Calédonie l'administration française refusa, de privatiser les terres et cecontre l'avis même du ministère des Colonies à  cette époque. L'enjeu essentiel, « était lié aux logiquesmêmes de la colonisation, qui consistait à  maintenir un contrôle rigoureux sur la répartition des terres fertilesdans ses iles du pacifique. Plutôt que d'accorder la propriété privée aux tributs autochtones et autoriser ainsiles ventes directes entre indigènes et colons, au risque d'une dilapidation rapide des ressources foncières, lesautorités locales préféraient plutôt le principe du cantonnement » 3. Le cantonnement est abandonné enAlgérie en 1873 ; la loi Warnier imposant la propriété privée aux indigènes pour créer un domaine fonciersoumis à  la loi du marché. En quelques années de spéculations intenses, une grande majorité d'Algériens est expropriée au profit de colons qui se constituent d'immenses domaines 4. En effet, une autre nécessité aéclatée après 1871. Son but statué sur le cas épineux de l'état civil des Algériens. Elle apparaissait de plus enplus comme une nécessité très urgente et assez pressante. La pression venait surtout de la part des colons trèspresser de conclure des actes de vente notariales avec les « naïfs » habitants de douars, puisque la loi quiencouragée la colonisation « privé » cette fois, exigée un patronyme des deux signataires. L'Algérie depuis

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a connu un vaste mouvement d'implantation de l'élément européen aux dépens de l'élément algérien. Certainsfacteurs parmi lesquels l'émigration, le déplacement et la déportation des populations ainsi que les massacres collectifs avaient failli détruire de façon quasi définitive la structure sociale de la société algérienne. Le totaldes terres remises aux colons entre 1871 et 1908 s'élevait à  1.137.823 ha environ parmi les meilleures terresagricoles. Le pouvoir colonial a mit en place les modes et les formes juridiques afin d'orienter lestransformations radicales dans la structure sociale, politique et économique de la société algérienne. Ceci nepouvait avoir lieu, selon le pouvoir colonial, sans la destruction de tout ce qui avait un rapport direct avec lescroyances des autochtones et leurs systèmes ancestraux.Ainsi, sera parachevée l'entreprise de démolition et destruction de toutes les valeurs de la société algérienne qui se soumettra au fait accompli imposé par lesforces de d'occupation, ce qui facilitera son assimilation et son assujettissement.        Privés de la loi d'amnistie. Cependant quand les temps ont changés en France, les républicains ontamnistié les déportés communards français. Les Algériens eux ; seront privés de la loi d'amnistie. Parce qu'ilsétaient toujours restés un danger pour le pouvoir colonial. Déjà  mentionnée dans la désormais célèbreformule « Jugés potentiellement dangereux ». Pourtant deux lois d'amnistie des déportés étaientpromulguées par le gouvernement français. Une loi d'amnistie partielle datée du « 3 mars 1879 » et une loid'amnistie générale datée du 11 juillet 1880. Ces lois concernaient tous les déportés sans discriminationaucune mais l'administration coloniale locale ne libéra que les déportés issus de la révolte de la commune deParis. Ces déportés français, amnistiés, regagneront, dans leur immense majorité, la France. Il faut rappeler que les grands écrivains de l'époque comme Victor Hugo et Emile Zola militèrent sans relâche pour l'amnistiedes déportés de la commune de Paris, mais aucun écrit ne mentionne qu'ils aient associé dans leurs actions lecas des déportés algériens. Pourtant les vaincus des barricades de la commune de Paris assis côte à  côteavec les vaincus d'Algérie, écrivirent beaucoup sur leur déportation selon Lallaoui Mehdi (Algériens duPacifique, les déportés de Nouvelle-Calédonie).        Les Grands Absents de l'état civil. La mesure coloniale de l'état civil des Algériens fut déposée le 08mars, certains esprits avisés avaient demandé une application progressive de la loi, ils plaidèrent pour uneexpérience préalable dans une seule région comme la Kabylie, mais c'était perdu d'avance puisque leursamendements furent rejetés. La loi fut donc promulguée le 23 mars 1882, un signe distinctif d'une volonté toujours assimilationniste. Derrière cet acte officiel de nomination, il y avait un véritable processusd'individualisation qui introduisait un nouvel ordre socioculturel dans lequel était mise en avant la «personnalité » avant la communauté5. Son objectif était clair ; individualiser les personnes pour pouvoir lesdominer facilement et les responsabiliser dans le domaine des impôts et la circonscription militaire et autresdevoirs d'assujettis. Dans l'esprit de certains administrateurs insistait Agéron: « la constitution de l'état civil[était] et [devrait] être une oeuvre de dépersonnalisation, l'intérêt de celle-ci étant de «préparer la fusion ». Lanon-observation du nom patronymique et les retards dans les déclarations d'état-civil a était ajouté par la loidu 27 juin 1888 comme infraction au terrible code de l'indigénat. En 1886, son application se porta sur seizedouars la plupart dans le périmètre ou s'est déroulé le grand soulèvement de 1871; à  la fin de l'année 523.000Indigènes seulement avaient été dotes d'un état-civil. Dans les communes du territoire civil, on avait inscritau total 3.069.268 dits « Indigènes », pourtant dans le dénombrement de 1896 bien que peu plausible on enrecensait bien plus ! Cette mesure fut appliquée dans les dix années qui suivirent. Les Algériens avaient enprincipe le choix de leur patronyme, mais comme ils s'en désintéressaient, les commissaires de l'état civilchargés de ce travail se firent parfois remarquer sans souci d'aucune règle (qu'il n'est pas possible de citerdans cet espace restreint). Ces mêmes commissaires enquêteurs toujours hantés par les insurrectionspermanentes des Algériens avaient distribué à  toute une population d'un certain Douar des patronymesdistincts commençant tous par la lettre A et la lettre B pour le douar voisin et le C pour le troisième ainsi de suite... Sans doute la même méthode employée en groupes taxinomiques dans une expérience en laboratoirede sciences naturelles pour distinguer facilement les « individus » et non les « personnes ». D'ailleurs les noms authentiques continuèrent à  exister puisqu'ils restèrent inscrits au verso de la carte d'identité (Nekwa),en caractères arabes. Ce qui explique que beaucoup d'Algériens ont conservé jusqu'a nos jours le souvenir deleur véritable dénomination familiale, mais aussi presque toujours de leurs filiations, qui constituent leséléments de notre identité personnelle, notre « état civil » national. Ces déportés Algériens ont donc raté latranscription officielle de l'état civil promulgué en ce même mois de mars onze années après, appliquéeofficiellement, durant douze ans, de 1882 à  1894.S'ils étaient revenus dans leurs pays natal après unevingtaine d'années ils auraient été devenus des « sans papiers » dans leurs propre pays !

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Nekwa et Résistance nationale. Il est vrai que pour les Algériens des douars cette mesure étaitdouteuse, d'abord pour eux ; cette pondération était comme une violation des secrets de famille, mais aussi une tentative d'enlèvement d'enfants musulmans dont on prenait les noms pour les déporter plus tard enNouvelle Calédonie ou Cayenne. Les rumeurs propagées dans les Douras constitués par les Meddahs et autresBerrahs, avaient rendu l'administration coloniale impuissante et donnèrent lieu à  de telles résistances qu'onn'insista pas. Plusieurs journaux en effet signalèrent en 1885 et 1886 que les Indigènes cachèrent avec soinleurs enfants males 6. Devant la commission sénatoriale, 1'ex-administrateur Sabatier indiqua que, selon lui,« la constitution de 1'état-civil (était) et (devait) être une oeuvre de dénationalisation, 1'intérêt de celle-ciétant de « préparer la fusion ». Son idée était de franciser plus résolument encore les patronymes indigènespour favoriser les mariages mixtes exactement ce qui c'est passé pour les déportés algériens en NouvelleCalédonie tous mariés avec des Kanaks ou des colons blancs (Au fait y avait-il parmi les déportés algériensdes Algériennes ?). Jusqu'en 1936, la loi dans ce pays interdisait l'attribution de prénoms algériens auxenfants. Après cette année, les garçons ont retrouvé le prénom algérien que leurs avait donné leurs pères(François, Louis, Jean-pierre, Henri, Joseph sont devenus Missoum, Ahmed, Taieb, Miloud, Youcef... selonMalica Ouennoughi. En effet, malgré la loi coloniale, les enfants ont grandi avec deux prénoms (un pourl'état civil et un pour la famille ). L'affirmation identitaire se manifesta de façon très nette chez lesCalédoniens d'origine algérienne à  travers la persistance dans le choix pour les enfants de prénoms arabo-musulmans, pourtant très stigmatisés selon Melica OUENNOUGHI. De toute évidence, l'attachementdes « Algériens » à  leur(s) nom(s) et prénom(s) traduit une volonté de démarquage. C'est donc une résistanceen situation de défense. L'attachement devient un symbole de fidélité à  ceux qui sont restés au « pays » et,résister ainsi à  la tentation de l'oubli des « siens ». Mais là  une autre Histoire. CONCLUSION Jevoudrais, pour conclure, insister sur l'écriture d'Histoire en Algérie qui est une force de proposition d'avenirdevrait permettre, dans tous les domaines, l'émergence de solutions nationales globales et favoriser pour lemieux une meilleure utilisation des données qui bénéficiera nécessairement du soutien des travaux delaboratoires de recherche des Universités algériennes. *Maître de Conférence - Université Djillali Liabes-SBA Notes et Référence : 1-OUENNOUGHI (Melica): Les Déportés maghrébins en Nouvelle-Calédonie et laCulture du Palmier Dattier, (1864 à  nos jours), éd-l'harmattan, janvier 2006, (374 pages). 2- Merle (Isabelle) : « La Nouvelle-Calédonie, 1853-1920. Naissance d'une société coloniale », In Revue les Cahiersdu Centre de Recherches Historiques, 11 | 1993. Référence électronique [En ligne], mis en ligne le 05 mars2009. Adresse URL : http://ccrh.revues.org/index2762.html. Consulté le 06 mars 2009. 3-OUENNOUGHI (M)in revue Insaniyat -CRASC (Oran-).N° 32-33 du 04/09/2007. 4- Ageron(Ch-R.), Les Algériens Musulmans et la France, 1871-1919, PUF, 1968 ;  P. Bourdieu et A. Sayad, Le déracinement, à‰ditions de Minuit, 1964. 5 -Lamri (Sophia): « Un état civil tronqué », In El-WATAN , 1er décembre2004. 6- C.A.O.M-Aix en Provence, Série F 80 /1817-Etablissement des registres matrices par les commissaires spéciaux.

Les déportés oubliés de l'état civil - Par: Karim Ouldennebia*

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