Les causes des troubles d'acquisition du langage écrit

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•«•n.C.f 2012; 116: 21-27 LES CAUSES DES TROUBLES D'ACQUISITION DU LANGAGE ÉCRIT Les causes des troubles d'acquisition du langage écrit A. CONTENT Professeur, directeur du Laboratoire cognition, langage et développement (LCLD), Université libre de Bruxelles, avenue F. D. Roosevelt, 50 - CP 191, B-1050 Bruxelles, Belgique. E-mail : [email protected] RÉSUMÉ : Les causes des troubles d'acquisition du langage écrit Dans cet article, j'aborde l'évolution des cadres métathéoriques qui balisent la recherche et l'appré- hension des phénomènes de la psychopathologie du développement, en prenant les troubles du langage écrit comme exemple. Les progrès importants dans le domaine des neurosciences et de la génétique amènent à expliciter et à repenser un certain nombre de postulats tacites qui fondent l'étude des troubles. En examinant l'évolution des connaissances génétiques et neurobiologiques, j'essaierai ainsi de montrer que les travaux actuels permettent de commencer à articuler les aspects neurobiologiques, les aspects psychologiques et les facteurs socio-éducatifs, plutôt que de les opposer. Mots clés : Langage écrit - Dyslexie - Neurobiologie - Modélisation causale - Génétique. SUMMARY: Causes of written language acquisition difficulty In this paper I discuss the evolution of the meta-theoretical framework of current research on developmental psychapathology, using written language disorders as an example. Advances in neurosciences and molecular genetics lead to rethink and lay out more explicitly the general premises of the study of developmental disorders. By examining genetic and neurohiological evidence, 1 suggest that rather than opposing neurohiological, psychological and socio-educutive interpretations, current research makes it possible to start integrating and connecting all those factors together. Key words: Reading acquisition - Dyslexia - Neurobiology - Genetics - Causal modeling. RESUMEN: Causas de los trastornos en la adquisición del lenguaje escrito En este artículo abordo la evolución de los cuadros metateóricos que marca ¡a investigación y la aprehensión de los fenómenos de la psicopatología del desarrollo tomando como ejemplo los trastornos del lenguaje escrito. Con los importantes avances realizados en el campo de las neuro- ciencias y de la genética se debe aclarar y reflexionar sobre un cierto número de postulados táci- tos en los que se basa el estudio de los trastornos. Examinando la evolución de los conocimientos genéticos y neurobiológicos, también intentaré mostrar que los trabajos actuales permiten empe- zar a articular los aspectos neurobiológicos, los aspectos psicológicos y los factores socio-educa- tivos, antes que objetarlos. Palabras clave: Lenguaje escrito - Dislexia - Neurobiología - Modelización causal - Genética. A.N.A.E. N* 116 - FÉVRIER 2012

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developmental dyslexia, french, psycholinguistics, genetics, behavior, cognitive, causal modelling

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  • n . C . f 2012; 116: 21-27 LES CAUSES DES TROUBLES D'ACQUISITION DU LANGAGE CRIT

    Les causes des troubles d'acquisition du langage crit A. CONTENT Professeur, directeur du Laboratoire cognition, langage et dveloppement (LCLD), Universit libre de Bruxelles, avenue F. D. Roosevelt, 50 - CP 191, B-1050 Bruxelles, Belgique. E-mail : [email protected]

    RSUM : Les causes des troubles d'acquisition du langage crit Dans cet article, j'aborde l'volution des cadres mtathoriques qui balisent la recherche et l'appr-hension des phnomnes de la psychopathologie du dveloppement, en prenant les troubles du langage crit comme exemple. Les progrs importants dans le domaine des neurosciences et de la gntique amnent expliciter et repenser un certain nombre de postulats tacites qui fondent l'tude des troubles. En examinant l'volution des connaissances gntiques et neurobiologiques, j'essaierai ainsi de montrer que les travaux actuels permettent de commencer articuler les aspects neurobiologiques, les aspects psychologiques et les facteurs socio-ducatifs, plutt que de les opposer. Mots cls : Langage crit - Dyslexie - Neurobiologie - Modlisation causale - Gntique. SUMMARY: Causes of written language acquisition difficulty In this paper I discuss the evolution of the meta-theoretical framework of current research on developmental psychapathology, using written language disorders as an example. Advances in neurosciences and molecular genetics lead to rethink and lay out more explicitly the general premises of the study of developmental disorders. By examining genetic and neurohiological evidence, 1 suggest that rather than opposing neurohiological, psychological and socio-educutive interpretations, current research makes it possible to start integrating and connecting all those factors together. Key words: Reading acquisition - Dyslexia - Neurobiology - Genetics - Causal modeling. RESUMEN: Causas de los trastornos en la adquisicin del lenguaje escrito En este artculo abordo la evolucin de los cuadros metatericos que marca a investigacin y la aprehensin de los fenmenos de la psicopatologa del desarrollo tomando como ejemplo los trastornos del lenguaje escrito. Con los importantes avances realizados en el campo de las neuro-ciencias y de la gentica se debe aclarar y reflexionar sobre un cierto nmero de postulados tci-tos en los que se basa el estudio de los trastornos. Examinando la evolucin de los conocimientos genticos y neurobiolgicos, tambin intentar mostrar que los trabajos actuales permiten empe-zar a articular los aspectos neurobiolgicos, los aspectos psicolgicos y los factores socio-educa-tivos, antes que objetarlos. Palabras clave: Lenguaje escrito - Dislexia - Neurobiologa - Modelizacin causal - Gentica.

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    Les organisateurs du colloque nous ont confi la difficile mission de faire un bilan des progrs des approches cognitives des troubles du langage crit au cours des 20 dernires annes. La tche est d'autant plus ardue qu'un bilan dtaill des recherches a t ralis par une large quipe d'experts de renomme internationale et publi rcemment (Inserm, 2007). Pour quelqu'un qui, comme moi, suit les recherches dans le domaine des troubles du langage crit sans y tre active-ment impliqu, une telle tche ne peut conduire qu' un regard parcellaire. J'ai choisi de centrer cette contribution sur l'volution du cadre gnral des recherches dans le champ de la psychopathologie du dveloppement, et en particulier sur le rle des facteurs neurobiologiques, les aspects cognitifs tant plus directement couverts dans la contribution de L. Sprenger-Charolles. Au-del de l'accu-mulation des observations et de l'volution des thories, plusieurs auteurs, en partie clairs par les recherches dans le domaine du langage crit, mettent en rflexion les conceptions courantes des phnomnes de la psychopatho-logie. Cette volution, gnralement tacite, me parat importante et intressante identifier. Il se publie annuellement plusieurs centaines de travaux dans le domaine des troubles du langage crit. Une requte simple dans la base de donnes Web of Science dnombre entre 400 et 500 publications par an sur le sujet dys-lexie pour les annes rcentes. Le nombre de publications rfrences a augment massivement entre 1990 et 2010 (155, 251, 340 et 426 en moyenne par an pour les quatre quinquennats successifs), sans qu'on puisse distinguer la croissance de la production scientifique de l'effet de la gnralisation du rfrencement. Par ailleurs, on ne sera pas tonn de constater l'augmentation de la part des publi-cations tiquetes neurosciences , qui est passe durant la mme priode de 18 30 %, augmentation qui peut s'expliquer par les progrs rapides de la neuro-imagerie fonctionnelle et des technologies associes, d'une part, et de la gntique molculaire, d'autre part. Il n'est donc pas surprenant que le bouillonnement le plus intense se situe dans ce secteur de la recherche, et ces dcouvertes amnent mieux comprendre les relations entre gntique, neuro-biologie, cognition et comportement. Cependant, dans le contexte actuel de mdiatisation rapide, il n'est pas rare que les rsultats de la recherche fassent l'objet d'une diffusion simplificatrice, voire trompeuse. Qui n'a pas t confront l'un ou l'autre article dans la presse gn-rale relatant la dcouverte du gne du langage , du gne de la dyslexie , ou de l'anomalie crbrale la base de la dyslexie ? Quelle ralit recouvrent de telles affirmations ? Je voudrais essayer de montrer ici que, peut-tre parce que nous ne sommes pas compltement prmunis d'une conception dualiste de l'esprit, le risque d'une interprta-tion rductionniste inapproprie des indications de dter-minants neurobiologiques et gntiques du comportement et des troubles reste important. Il est essentiel pour y rem-dier d'intgrer et d'articuler plus prcisment les apports de la gntique, des neurosciences, de la psychologie et des sciences de l'ducation. Dans nos champs d'investigation, les changements se pro-duisent rarement de manire soudaine. Ni les questions

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    abordes ici ni les conclusions que j'en tire ne sont nouvelles ou originales. On le verra, ces questions ont tra-vers toute l'histoire des travaux sur les troubles psychopa-thologiques, et les propositions auxquelles j'aboutis ont pour la plupart t avances par d'autres et parfois depuis longtemps. certains lecteurs, les notions exposes dans le prsent article sembleront donc bien tablies et leur discus-sion sans grand intrt. Il me semble cependant que ces questions fondamentales mritent plus d'attention qu'elles n'en reoivent gnralement, serait-ce seulement pour viter les malentendus trop frquents.

    LES PREMIRES OBSERVATIONS On fait gnralement remonter la dcouverte des troubles spcifiques du langage crit 1 "observation publie par Pringle Morgan, dans le British Medical Journal, en 1896 (Morgan, 1896). PERCY F. -a well-grown lad, aged 14 is the eldest son of intelligent parents, the second child of a family of seven. He has always been a bright and intelligent boy, quick at games, and in no way inferior to others of his age. His great difficulty has been -and is now- his inability to learn to read. This inability is so remarkable, and so pronounced, that I have no doubt it is due to some congenital defect. L'auteur dtaille ensuite son observation. Percy a t rgu-lirement l'cole depuis ses 7 ans, mais malgr un entra-nement de longue dure, il parvient peine dchiffrer des mots d'une syllabe. Percy, dit l'auteur, connat les lettres, il peut les crire et les lire. L'criture sous dicte est trs faible, et Morgan rapporte quelques-unes de ses erreurs, y compris sur son propre prnom et des mots trs courants. Pour ce qui est de la lecture, / then asked him lo read me a sentence out of an easy child's book without spelling the words. The result was curious. He did not read a single word correctly, with the exception of "and," "the," "of," "that," etc.; the other words seemed to be quite unknown to him, and he could not even make an attempt to pronounce them. I next tried his ability to read figures, and found he could do so easily. He says he is fond of arithmetic, and finds no difficulty with it, but that printed or written words "have no meaning to him," and my examination of him quite convinces me that he is correct in that opinion. Pour qui est amen professionnellement rencontrer des enfants ou des adolescents dyslexiques, l'observation appa-rat sans doute banalement familire. Mais le rapport per-met de distinguer clairement deux aspects. L'observation clinique. Un dcalage massif entre les capa-cits de lecture et d'criture, bref, le langage crit, et les autres capacits intellectuelles : langage, mmoire, raison-nement, calcul, etc. C'est l'observation - surprenante - de tels dcalages qui constitue le fondement de la notion de dyslexie de dveloppement, la base de la dfinition tradi-tionnelle par exclusion, et le phnomne qui attire l'atten-tion et requiert une explication. La thorie explicative. L'attribution par l'auteur de l'inca-pacit un dfaut congnital est fonde essentiellement sur l'intensit et la spcificit du dficit. L'analogie avec les cas de ccit verbale acquise dcrits peu avant amne Morgan conclure un dveloppement dfectueux du gyrus angulaire gauche, dont il affirme que l'atteinte

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    produit chez l'adulte des effets similaires ceux qu'il dcrit pour Percy. L'observation est confirme dans les annes qui suivent par James Hinshelwood, ophtalmologiste Glasgow et par plu-sieurs autres mdecins (Hinshelwood, 1900 ; Hinshelwood, J907 ; Hinshelwood, 1911 ; Stephenson, 1904). Les premires relations insistent particulirement sur l'cart entre la lecture et l'arithmtique, et parfois gale-ment, sur les bonnes performances pour la mmoire. Hinshelwood rapporte galement la co-occurence de 4 cas au sein d'une fratrie de 11 enfants (Hinshelwood, 1907), et 2 autres (Hinshelwood, 1911) dans la gnration suivante de la mme famille. Le fait clinique est indniable, et ma connaissance personne ne le conteste : il existe des per-sonnes dont les capacits de lecture et l'orthographe sont manifestement dcales par rapport celles qui sont communment observes. On le sait, des carts analogues ont t dcrits dans d'autres domaines, pour les habilets numriques et arithmtiques (Butterworth et al., 2011) ou pour la reconnaissance des visages (Berhmann, Avidan, 2005), par exemple. Le dbat, par contre, porte sur l'explication. Pringle Morgan considrait qu'une incapacit massive et rsistante chez un jeune adolescent ne pouvait qu'tre d'origine biologique et constitutionnelle. L'argument implicite est que si Percy peut lire les chiffres et faire des calculs, alors qu'il rpond aussi peu aux efforts d'enseignement pour le langage crit, cela doit ncessairement tre qu'il souffre d'un dfaut congnital . La difficult principale que soulve une telle explication provient de l'existence d'une multiplicit de sources naturelles de variation des habilets individuelles. moins de disposer d'outils permettant d'objectiver le dfaut neurologique ou gntique, la thorie du dfaut congnital ncessiterait de pouvoir distinguer entre les dcalages qui rsulteraient des variations naturelles des habilets et ceux qui reflteraient un phnomne neuro-pathologique. Or, il semble clair actuellement que, quelles que soient les mesures de performance prconises, aucune discontinuit nette n'apparat. Ni la nature des difficults, ni leur persistance, ni l'intensit du dcalage, ni la nature des erreurs ne semble avoir un pouvoir diagnostique. Comme le soulignait Andrew Ellis il y a plus de 25 ans dj, s'il faut s'inspirer d'un modle mdical pour tudier la dyslexie, l'exemple de l'obsit est probablement plus appropri que celui de la rougeole ou de la varicelle (Ellis, 1985) : il n'existe pas de signes comportementaux qui per-mettraient de sparer la limite du normal et le patholo-gique. Les critres de dmarcation entre excs de poids et obsit pathologique, ou entre matrise faible du langage crit et dficit pathologique sont donc largement arbitraires, ou en tout cas fonds sur des considrations de politique de sant et d'ducation plus que sur les connaissances tiologiques. Ceci tant pos, l'absence d'indicateurs comportementaux permettant de discriminer entre les variations naturelles et les situations pathologiques n'inva-lide pas pour autant l'hypothse de l'existence de dtermi-nants neurobiologiques ; elle impose cependant de les considrer dans le contexte plus large de l'ensemble des facteurs de variation. Comme le note Critchley [1974, p. 19], lorsque les neurologues faisaient de la ccit verbale congnitale une entit, ils n'avaient pas le moins de monde

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    l'ide d'y inclure l'ensemble des analphabtes, semi-anal-phabtes, mauvais lecteurs, lecteurs lents, lecteurs tardifs, ceux qui dchiffrent mal, ou ceux qui rpugnent crire. C'tait lu un problme extrieur ci leur domaine et qui, du reste, ne concernait que vaguement les cas spcifiques d'infirmit constitutionnelle qui les intressaient en tant que neurologues.

    LE CADRE TRADITIONNEL DES DBATS SUR LES CAUSES DES TROUBLES

    Tout au long du XXe sicle, le cadre gnral implicite qui domine les rflexions et les dbats sur les causes des troubles est bas sur l'opposition entre hypothses consti-tutionnelles et hypothses psychologiques ou plus prcisment socio-psycho-ducationnelles. Implicitement, les discussions et les prises de position prsupposent que la cause d'un trouble peut tre soit de nature organique, soit tie nature psychologique. Ainsi," dans "The Dyslexie Child", le neurologue anglais MacDonakl Critchley (1974) prsente la dfinition classique de la dyslexie et commente (p. 51) : Si la conception neurologique de la nature constitutionnelle de la dyslexie d'volution est la bonne, alors les considrations d'ordre linguistique ou pdagogique jouent un rle, sinon hors de propos, du moins secondaire dans l'tiologie. Naturellement si ces facteurs sont dfavorables, ils handicaperont encore plus l'enfant dyslexique... L'opposition entre hypothses constitutionnelles et hypo-thses fonctionnelles ou psychiques a eu un poids trs important dans l'volution des conceptions des troubles spcifiques des apprentissages et plus gnralement dans tous les champs de la psychopathologie du dveloppement. En France de vifs dbats ont oppos les tenants des expli-cations organicistes et les partisans des explications socio-ducatives. Au dbut des annes 1990, Lecocq (1991) dpeignait la situation en voquant quatre courants : troubles instrumentaux d'origine fonctionnelle, troubles de la per-sonnalit, facteurs sociologiques, culturels et scolaires, ou encore origine constitutionnelle et hrditaire. Il commente (pp. 10-11) : Les dix annes qui, en France, ont suivi cette priode d'affrontements passionnels, peuvent se caractriser par un retour au calme, accompagn d'une perte d'audience de la plupart des modles [...] les prota-gonistes ont eu tendance adopter une attitude de repli en ce qui les concerne : l'cole s'est peu proccupe, jusqu' trs rcemment, d'une ventuelle spcificit du twuble, le noyant pour ainsi dire dans les checs scolaires de toutes sortes, le modle sociologique a continu s'exprimer de manire plus ou moins latente dans la formation des formateurs, le modle "psychanalytique" s'est perptu dans la "pdagogie relationnelle du langage " (Chassagny, 1977), le modle mdical, du fait de la constitutionnalit prsume du trouble, en est venu s'arroger la proprit de la dyslexie. Tout s'est pass comme si, aprs une priode de conqutes, l'armistice avait permis une rpartition des territoires parmi les belligrants. En somme, les positions thoriques semblent se distribuer entre l'opposition radicale et la coexistence pacifique. Les partisans du compromis admettent les diffrentes possibi-lits dont ils dbattent du poids respectif et des interactions

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    ventuelles. Les plus conciliants, tenants de l'cumnisme ou de l'clectisme, concluront que toutes les thories doivent comporter un fond de vrit, au risque de laisser le clinicien largement dmuni pour tablir un diagnostic ou une pratique raisonne. Mais pour l'essentiel, chaque modle fonctionne en isolation avec peu ou pas de communication entre les approches. Je propose de rsumer le cadre de pense dans lequel s'ins-crivent ces dbats sous la forme du schma de h figure /. J'y vois trois traits essentiels : 1) la sparation entre les facteurs constitutionnels et les facteurs psychologiques, censs constituer deux sources indpendantes d'influences, qui peuvent donc tre conues soit comme opposes, soit comme complmentaires ; 2) le corollaire, que les facteurs constitutionnels expliquent ou dterminent directement le comportement ; et 3) l'ide que l'environnement agit comme un dterminant des facteurs psychologiques, tandis que les facteurs constitutionnels y seraient peu ou pas sensibles.

    Figure 1. Le cadre classique des dbats sur les causes des troubles.

    Environnement (social, scolaire,

    milial, aiiturelj

    '^ "^ .;.i a , ^ . Facteurs Facteurs Psychologiques Constitutionnels

    Comportements observables

    L'ANALYSE DES CHANES CAUSALES Depuis 1990 environ, plusieurs auteurs ont insist sur la ncessit de repenser l'articulation entre les aspects neuro-biologiques, les caractristiques psychologiques et les comportement (Jackson, Coltheart, 2001 ; Morton, Frith, 1991 ; 1995 ; 2001 ; Pennington, 2002 ; 2006). La psycho-logie cognitive a longtemps volu dans une perspective fonctionnaliste, caractrise par une grande autonomie par rapport aux sciences de la vie et du cerveau. L'volution des connaissances et des techniques neurophysiologiques qui permettent progressivement de comprendre de manire de plus en plus prcise la nature et le fonctionnement du substrat nerveux de la vie mentale, amne viser une conception plus intgre. En ce qui concerne l'tude des troubles du dveloppement, cette volution conduit aban-donner la conception base sur un ventail de dterminants indpendants en faveur d'une analyse de chanes causales , dans lesquelles les diffrents niveaux explicatifs sont arti-culs entre eux. Ainsi, par exemple, Pennington considre quatre niveaux d'analyse : tiologie (les dterminants gntiques et environnementaux), dveloppement du cer-veau, neuropsychologie et comportement, entre lesquels il suggre l'existence de liens de causalit qui peuvent ven-tuellement tre rciproques. Morton et Frith ont dvelopp un cadre de modlisation des chanes causales plus ambitieux et plus gnral, bas

    sur trois niveaux : niveau biologique, niveau cognitif et niveau comportemental. Il ne s'agit pas d'une thorie explicative, mais d'un cadre gnral pour l'analyse causale des troubles du dveloppement, dont la vocation est de servir de support aux thories particulires. L'objectif est de permettre d'exprimer diffrentes conceptions - voire des conceptions opposes - de l'explication d'un trouble singulier ou d'un type de trouble. Le niveau biologique caractrise l'ensemble des composantes gntiques, neuro-anatomies et neurophysiologiques susceptibles d'inter venir dans le modle explicatif. Il inclut donc galement les facteurs d'environnement qui sont susceptibles d'affecter le dveloppement neurobiologique. Le niveau cognitif - qu'il me semble plus appropri de dnommer psychologique -fait rfrence la description fonctionnelle de l'activit du cerveau, la vie mentale. Les auteurs indiquent clairement qu'ils considrent que ce niveau intgre tant le domaine des fonctions affectives que cognitives (1995, p. 358). Enfin, le niveau comportemental correspond aux caract-ristiques observables. L'influence de l'environnement peut s'exercer tant au niveau biologique (conditions de vie et de sant) qu'au niveau cognitif (conditions culturelles, socio-ducatives, caractristiques de la langue, systme scolaire). Au-del du principe selon lequel la comprhension des troubles du dveloppement requiert de dcrire des chanes-causales et non pas seulement d'identifier les sources d'in-fluence, Morton insiste sur le rle essentiel du niveau de description psychologique dans la thorie explicative. Bien qu'il corresponde des entits thoriques infres et non-observables, celui-ci s'avrera souvent indispensable pour donner sens aux relations entre facteurs biologiques et comportement. Si les liens de causalit directe entre niveau biologique et comportement ne sont pas exclus - par exemple, dans le cas de dficiences sensorielles - plus gnralement, c'est l'explicitation de la fonction cognitive qui donne un sens causal au lien entre substrat neural et comportement, et c'est aussi en rfrence au niveau des fonctions cognitives et affectives que pourront tre int-gres les influences de l'environnement social, culturel, ducatif et familial. Ainsi par exemple, la notion d'un dfaut congnital avance dans les premires observa-tions ne prsente pas un grand intrt thorique du point de vue de la comprhension du trouble : faute de spcifica-tions sur les caractristiques de la zone incrimine, de la nature du dfaut, et surtout de la fonction qu'elle soutient, l'explication est vide ou tautologique : Percy est incapable d'apprendre lire... parce qu'il ne dispose pas de l'quipe-ment ncessaire pour apprendre lire. L'hypothse prend cependant corps ds le moment o le dfaut congnital est associ une fonction psychologique : comme on le sait, l'explication invoque l'poque, sous l'influence des observations d'alexies acquises, est le dfaut d'une zone qui permettrait le stockage des formes visuelles des mots. La mise en opposition des facteurs constitutionnels et des facteurs psychologiques ou fonctionnels perd donc tout sens dans le contexte de l'analyse de chanes causales. Toute hypothse neurobiologique requiert une redescrip-tion au niveau psychologique pour tre articule. La distinction entre origine inne et origine acquise reste videmment pertinente, mais elle se traduit diffremment. En particulier les facteurs gntiques interviennent comme

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    des dterminants partiels et indirects des structures et mcanismes neuraux, dont les particularits peuvent contraindre la nature et l'efficacit des fonctions cogni-tives. Le niveau neurobiologique pourra tre dcompos en sous-niveaux pour spcifier dterminants gntiques, neuro-anatomiques et neurophysiologiques. Il en est de mme au niveau de la description psychologique o plusieurs lments pourront tre hirarchiss. Ainsi, Jackson et Coltheart (2001) ont insist sur la distinction, au niveau cognitif entre causes distales et causes proximales. Les causes proximales identifient ce qui pourrait dys-fonctionner dans l'esprit d'un lecteur au moment o il/elle essaie de lire un mot particulier , tandis que les causes distales concernent les facteurs biologiques et psycho-logiques qui expliquent les dficits fonctionnels. Les causes proximales relvent donc du prsent, de l'imm-diat ; les causes distales concernent l'histoire, l'tiologie et la pathognse (figure 2).

    Figure 2. Le cadre general de modlisation causale. tous les niveaux, les relations peuvent tre plurifactoricllcs cl nullifonclionnelles.

    Environnement (social, scolat/e,%^^

    familial, culturvt)

    **>-%* \. ) ( ) ( y \^_^S Niveau \ ^ ^ y ^ J \ , l biologique ) ( ) ( )

    Niveau ( j ( [ ) psychologique ^ s jj V _ > ' Comportements w ooo

    Cette distinction prsente l'intrt de clarifier deux fonc-tions de l'analyse causale. L'une concerne la remdiation. Les auteurs dfendent l'ide que l'identification des causes proximales est primordiale pour tablir des stratgies d'intervention ou de remdiation, en rfrence un modle particulier des processus de traitement mis en uvre. Les causes distales jouent un rle essentiel dans la comprhen-sion de l'origine du trouble. Sur le plan pratique, elles pourraient conduire laborer des plans d'action prven-tive mais elles ont rarement des consquences du point de vue de la clinique.

    DES GNES AU COMPORTEMENT L'hypothse d'une dtermination gntique des dyslexies de dveloppement est ancienne. Les indications de trans-mission familiale ont t voques ds le dbut du XXe sicle, et les premires tudes systmatiques datent des annes 1950. On sait depuis plus de 30 ans que les difficults d'apprentissage ont une composante familiale : on estime actuellement que le risque de troubles du langage crit est de 20 30 % pour les frres et surs d'individus prsen-tant des troubles lorsque les parents ne sont pas affects ; ce taux monte environ 50 % si un des parents prsente des troubles, et environ 75 % si les deux parents sont affects. Les tudes de jumeaux, en particulier l'estimation entre les

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    taux de concordance pour des fratries de vrais jumeaux et de faux jumeaux (de mme sexe) montrent des diffrences importantes : la concordance est clairement plus forte pour les jumeaux monozygotes (Scerri, Schulte-Krne, 2010). Le taux de concordance estim pour des jumeaux mono-zygotes est de l'ordre de 65 % (Defries, Alarcon, 1996 ; Stromswold, 2001). L'volution rcente concerne principalement la gntique molculaire, et l'identification de gnes associs l'occur-rence de troubles du langage crit. Plusieurs sites chromo-somiques diffrents associs la matrise du langage crit ont t identifis et, depuis 2003, une srie de gnes ont t incrimins. Ces travaux attirent normment d'attention aussi dans la communaut scientifique. Plusieurs revues scientifiques (Scientific Studies of Reading, Journal of Reading Research, Reading and Writing, Cognition) y ont consacr des numros spciaux. Une revue rcente a gale-ment t publie dans A.N.A.E. (Ramus, 2008) et je me limiterai donc quelques commentaires. Pour rflchir aux relations entre gnes et comportement, il faut abandonner la rfrence au modle de l'hrdit men-dlicnne, monognique et dterministe : si les travaux rcents confirment l'existence d'associations entre gnotype et capacits de lecture, il serait naf d'attendre l'identification d'un gne dterminant un trouble de la lecture. La lecture est une fonction cognitive complexe, multidimensionnelle, avec une forte composante culturelle. Le caractre est continu et non discret. Il n'est donc pas tonnant d'obser-ver que l'influence gntique est polygnique et indirecte. Malgr les titres sensationnalistes, il n'est pas question d'un gne qui serait spcifiquement et directement respon-sable de la dyslexie. Les tudes ont ainsi pu identifier une dizaine de rgions chromosomiques dans lesquelles des variations gntiques sont corrles avec des variations de performance en lecture/orthographe. Plus impressionnant peut-tre, depuis 5 ans environ, on a pu identifier quelques gnes, dans ces rgions, qui pourraient tre les vecteurs de ces associations. L'intrt potentiel d'avoir identifi les gnes est que cela ouvre la possibilit de spculer et de mettre l'preuve des hypothses sur le mcanisme de l'influence de ces gnes. La nature des mcanismes d'action, et les fonctions biologiques des gnes considrs restent lucider. Les donnes disponibles sont de nature strictement corrla-tionnelle. Dean Hamer voque ainsi l'anecdote du gne des chopsticks (Hamer, Sirota, 2000). Dans une population suffisamment cosmopolite, on observera une corrlation forte entre la dextrit avec les baguettes et un certain gne. On pourrait donc conclure qu'on a identifi le gne qui pr-side la capacit de maniement des baguettes ! Il s'agit bien entendu d'un gne dont la distribution des alleles varie selon l'origine europenne ou asiatique. Un exemple plus intressant est celui du gne de la surdit dcrit il y a une dizaine d'annes. Une quipe de gnticiens (Lynch, 1997) avait observ une forme de surdit acquise dans une famille tendue du Costa-Rica, dficience prsente tra-vers huit gnrations, remontant un anctre commun n en 1713. La pathologie tait associe un seul gne, DFNA1 (rebaptis DIAPH1 actuellement), prsentant une mutation conduisant une malformation trs limite d'une protine. Il semble que la fonction de cette protine soit de

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    rguler la formation de Tacrine, une protine filamenteuse essentielle pour les proprits mcaniques des cellules. Ce dfaut mineur n'affecte ni la structure ni les proprits fonctionnelles des cellules dans le reste du coips, mais influence la flexibilit des cellules cilies de la cochle de sorte qu'elles ne possdent pas ou perdent rapidement les proprits ncessaires la transduction des vibrations sonores. On est videmment loin d'un lieu causal direct entre gne et surdit, et l'exemple illustre le long chemin explicatif qu'il faut parcourir entre le gne et la fonction. En somme, comme l'crit Simon Fisher (2006) dans l'introduction du numro spcial de Cognition, s'il semble assez clair que les troubles du dveloppement cognitif comportent souvent une composante gntique, celle-ci est multifactorielle et indirecte, lie plusieurs gnes dont l'influence est module par des facteurs d'environnement. Les gnes ne spcifient pas les comportements ou les pro-cessus cognitifs. Ils produisent des facteurs de rgulation, des molcules-signaux, des rcepteurs, des enzymes, etc., qui interagissent dans des rseaux trs complexes, moduls par les influences environnementales, pour construire et maintenir le cerveau. Comme toute observation corrlationnelle, les donnes de gntique molculaire montrent des associations entre gnotype et phnotype qui restent ouvertes de multiples interprtations. De plus il s'agit d'associations statistiques, qui sont loin d'tre absolues : parmi les personnes qui portent une certaine variante du gne Je taux de troubles du langage crit est un peu plus lev que parmi les personnes qui portent une autre variante. Prises isolment, les asso-ciations gnes/troubles montrent d'ailleurs des effets de taille trs limite. Cela tant, plusieurs des gnes associs aux troubles du langage crit sont lis la rgulation des migrations neuro-nales et au dveloppement cortical. Aucun n'est spcifique des rgions du cerveau lies au langage, tous s'expriment dans d'autres structures, et existent sous des formes proches dans d'autres espces que l'humain. Nanmoins, la convergence rejoint l'hypothse de Geschwind et Galaburda sur l'association entre dyslexie et micro-malformations corticales. Galaburda et al., (1985) avaient observ, post-mortem, des anomalies microscopiques dans l'organisation des couches de neurones chez 4 personnes qui avaient souffert de troubles d'apprentissage. Les auteurs mettaient ces anomalies en relation avec l'absence d'asymtrie du planum temporal et, sur le plan cognitif, les troubles langagiers. Ultrieurement des anomalies simi-laires ont aussi t dcrites dans plusieurs autres rgions du cerveau, notamment dans les noyaux gniculs du thalamus et le cervelet. Il n'est donc pas clair que l'association soit spcifique du champ du langage. Par ailleurs, les recherches animales ont permis de confirmer que l'induction de microgyries conduit des modifications de connectivit dans le cerveau et des dficits comportementaux (en par-ticulier, dans l'apprentissage et la mmoire). Ainsi des rats chez lesquels on a induit (chirurgicalement) des micro-gyries focales un ge prcoce chouent dans des tests de discrimination auditive rapide ! Galaburda et collgues (2006) concluent que les gnes candidats pourraient tre responsables de modifications corticales subtiles, qui affec-teraient certains processus sensori-moteurs et perceptifs

    importants pour les apprentissages. Malgr le fait que la prvalence des troubles auditifs (Ramus et al., 2003) chez des enfants et adultes dyslexiques soit faible, trop faible pour constituer le noyau central de l'explication des troubles, il est imaginable que les constellations de symptmes changent avec la maturation, certains symptmes restant inchangs, d'autres disparaissant, et d'autres encore empi-rant, de sorte que, des annes plus tard, les associations initiales ne sont plus dtectables. La possibilit existe donc-que des dficits auditifs dans la premire anne de vie (voire plus tt), commenant avant le moment o les struc-tures phonologiques s'tablissent, contribuent des anomalies du dveloppement phonologique (Galaburda et al., 2006, pp. 1213-14). Au niveau crbral, l'hypothse dominante reste donc celle d'une anomalie dans la rgion prisylvienne, marque en particulier sur le plan neuro-anatomique par l'absence d'asymtrie gauche-droite dans la rgion du planum temporal mais certains mettent en avant d'autres structures crbrales, notamment un rle possible du cervelet. Une question qui commence tre examine plus systmatique-ment est de savoir si les diffrences anatomiques observes sont la cause, ou ventuellement la consquence des diffi-cults d'apprentissage. Contrairement l'ide courante selon laquelle le cerveau et ses structures seraient dtermi-nes biologiquement et peu ou pas sensibles aux conditions d'environnement et de stimulation, plusieurs tudes (Carreiras et ai, 2009 ; Castro-Caldas et al., 1998) ont en effet montr que l'apprentissage a des consquences non seulement fonctionnelles mais aussi structurelles. Carreiras et collgues ont ainsi compar des adultes non-scolariss (par exemple, des anciens gurilleros colombiens, qui n'ont pas eu accs l'ducation scolaire) illettrs et d'autres qui avaient appris lire l'ge adulte. Ils ont ainsi montr des diffrences dans le volume de la partie arrire du corps calleux, le splenium (matire blanche) et gale-ment dans plusieurs rgions du cortex (gyrus angulaire, occipital dorsal, temporal moyen, supramarginal gauche et temporal suprieur). Dans une tude rcente, une collabo-ration entre l'quipe de Stanislas Dehaene Paris, Rgine Kolinsky et Jos Moris de l'ULB, l'universit de Lisbonne et l'universit de Brasilia, les auteurs ont pu montrer l'impact de l'apprentissage de la lecture en comparant des adultes analphabtes, des adultes non scola-riss mais alphabtiss l'ge adulte et des personnes scolarises depuis l'enfance. L'apprentissage de la lecture augmente l'activit des aires visuelles consacres la reconnaissance des lettres et des formes orthographiques, ce qui n'est pas tonnant, mais galement dans le cortex visuel primaire, dans les aires occipitales ; de plus, l'apprentissage tend diminuer la rponse de ces mmes aires pour la reconnaissance des visages et des objets ; enfin, l'apprentissage de l'crit augmente l'activit et l'tendue des aires qui rpondent au langage parl (Dehaene et al., 2010). Il est toutefois tabli que les diffrences crbrales qu'on observe ene lecteurs normaux et dyslexiques ne sont pas entirement consquentes l'apprentissage. En effet plu-sieurs recherches longitudinales ont montr que des diff-rences existent bien avant l'apprentissage de la lecture, non seulement sur le plan comoortemental, mais galement sur

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  • LES CAUSES DES TROUBLES D'ACQUISITION DU LANGAGE CRIT

    le plan neurophysiologique. Par exemple, les rponses lectrophysiologiques crbrales (potentiels voqus) mesures dans les premires semaines de vie pour des stimuli de parole permettaient de diffrencier assez prci-sment les individus qui prsentaient des troubles d'apprentissage du langage crit 8 10 ans aprs (Moliese, 2000 ; voir aussi Zesiger, 2009). Ces travaux confirment clairement l'hypothse qu'un dficit dans la perception de la parole et la reprsentation de l'information phonologique constitue le noyau cognitif explicatif d'une forme de trouble spcifique du langage crit, probablement la plus frquente.

    CONCLUSION Comme l'crivent Bishop et Snowling (2004), comprendre les causes des troubles ncessite d'articuler les caractris-tiques gntiques, l'environnement, et la description des mcanismes cognitifs. Aucun facteur n'est dterminant iso-lment, et il est possible voire probable, tant donn la complexit de l'activit de lecture, qu'il existe plusieurs chanes causales, chacune avec une multiplicit de facteurs. De plus, dans les troubles du dveloppement, ces facteurs s'inscrivent dans le temps, produisant ainsi des inter-actions, amplifications, et compensations complexes. S'il est avr que les gnes dterminent en partie l'organi-sation et les potentialits du cerveau, et que celles-ci influencent les capacits cognitives et le comportement, on commence seulement dans certains domaines comprendre les mcanismes de ces effets. Paradoxalement mme, on peut penser que les progrs rcents conduisent surtout mieux valuer la complexit des phnomnes qui sont en jeu, et donc abandonner l'ide de pouvoir un jour prdire les traits psychologiques sur la base de l'analyse gntique. RFRENCES BERHMANN (M.), AVIDAN (G.) (2005): Congenital prosopagnosia: Face-blind from birth. Trends Cogn Sei, 9, pp. 180-187. BISHOP (D.V.M.), SNOWLING (MJ.) (2004): Developmental dyslexia and specific language impairment: same or different? Psychol Bull, 130, pp. 858-886. BUTTERWORTH (B.), VARMA (S.), LAURILLARD (D.) (2011): Dyscalculia: from brain to education. Science, 33, pp. 1049-1053. CARREIRAS (M.), SECHIER (ML.), BAQUERO (S.), ESTVEZA.), LOZANO (A.), DEVLIN (J.T.), PRICE (C.J.) (2009): An anatomical signature for literacy. Nan/re, 461, pp. 983-986. CASTRO-CALDAS (A.), PETERSSON (K.), REIS (A.), STONE-ELANDER (S.) (1998): The illiterate brain - Learning to read and write during childhood influences the functional organisation of the adult brain. Brain, 121, pp. 1053-1063. CRITCHLEY (M.) (1974) : La dyslexie vraie et les difficults de lecture de l'enfant, Toulouse, Privat. DEFRIES (J.), ALARCON (M.) (1996): Genetics of specific reading disability. Mental Retard Develpmental Disabilities Resmxh Rex'iew, 2, pp. 3947. DEHAENE (S.), PEGADO (F.), BRAGA (L.W.), VENTURA (P.), FTLHO (G.N.), JOBERT (A.), DEHAENE-LAMBERTZ (G.), KOLINSKY (R.), MORIS (J.), COHEN (L.) (2010): How learning to read changes the cortical networks for vision and language. Science, 330, pp. 1359-1364.

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