Les bouleversements de lagriculture dans le monde … · avec un rendement de 6 t /ha, on va...

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Les bouleversements de lagriculture dans le monde : Enjeux et défis. Prof. Alassane SERE Président BBA, Burkina Faso Consultation des experts sur la Biotechnologie appliquée au Coton Ouagadougou, Burkina Faso 23-31 octobre 2007

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Les bouleversements de

l’agriculture dans le monde :

Enjeux et défis.

Prof. Alassane SERE

Président BBA, Burkina Faso

Consultation des experts sur la Biotechnologie appliquée au Coton

Ouagadougou, Burkina Faso

23-31 octobre 2007

IntroductionLes questions qu’on doit se poser avant d’« entrer ou non » dans

les biotechnologies sont multiples.

Il est légitime de se les poser comme on l’a toujours fait à l’avènement d’une nouvelle technologie. Mais, sommes nous maîtres des questions et de leurs réponses. La biotechnologie nous le savons, n’est pas une panacée. C’est une étape supérieure du développement de l’agriculture.

En Afrique la biotechnologie moderne a commencé sur les céréales et les légumineuses de base : le sorgho OGM biofortifié et résistant aux insectes et le niébé OGM résistant au maruca sont proposés au transfert.

Les différents gènes vont-t-il être transférés dans les variétés actuelles peu performantes quand on sait qu’elles produisent 700 à 1000 kg àl’hectare !

La technologie, nous le savons avec le Coton Bt, à un coût qu’il va falloir payer par une augmentation sensible des rendements! Comment l’envisager ?

C’est pour quoi il faut d’abord parler en Afrique de la première révolution verte : celle des hybrides ;

1. L’avènement des hybrides.Il s’est produit il y a 40 ans, lorsque je finissais mes études vétérinaires en France. A cette époque les rendements dans les campagnes autour de Toulouse se situaient à 2 t/ha. Aujourd’hui ils sont à 10t voire plus avec l’avènement des hybrides.

L’Afrique, en particulier l’Afrique subsaharienne francophone a raté cette première révolution verte, celle des hybrides qui a boosté la production agricole et conduit aux excédents céréaliers en Europe, aux USA et dans la plupart des pays développés.

Elle a été à l’origine des subventions européennes aux paysans qui laissaient leurs terres en jachère.

On nous a donné les mêmes conseils amicaux avec des arguments qu’on développe encore aujourd’hui

- L’Afrique n’est pas mur pour aller aux hybrides- Les paysans vont ressemer les graines

- Le prix des semences est hors de portée de nos paysans

L’Afrique n’a pas pris le train en marche, engluée dans les

slogans de lutte pour l’autosuffisance alimentaire, lutte contre la pauvreté comme si c’était un problème de nourrir

la population d’un pays comme le Burkina avec 11 millions d’habitants, 274 000 km2, trois fleuves dont un permanent.

C’est une stratégie pour nourrir une ville d’Europe ou d’Asie.

- Le flux des gènes va polluer les cultures locales- La politique productiviste ne pourra pas être

maîtrisée faute de débouchés- Il n’y a pas assez d’eau pour les hybrides qui

ont un cycle long

- Améliorer vos propres variétés locales et composites résistantes aux insectes et à la sècheresse.

Il fallait et il faut aller aux hybrides dans une

première étape, ce qui va nous permettre de

maîtriser les paquets technologiques requis pour une

agriculture intensive.

Plus vite on aura maîtrisé les hybrides,plus vite on ira aux OGM et mieux on exploitera leur potentiel et on ira à d’autres technologies supérieures.

2 l’Avènement des OGM et des technologies du futur ?

L’Afrique va-t-elle rater la seconde révolution verte ?

Cette révolution verte arrive à un moment où les enjeux sont grands et les défis à relever colossaux et où des termes comme environnement, réchauffement climatique, effet de serre, raréfaction de la manne pétrolière, irruption du bio carburant dans le monde commencent à bouleverser l’agriculture.

Il ne suffit plus de produire pour l’autosuffisance alimentaire, mais l’enjeu est de produire beaucoup et propre.

Les enjeux sont d’ordre environnemental, économique et de sécurité alimentaire.

Environnement

Du point de vue environnemental plus que les mots de préservation de l’environnement et d’agriculture durable qu’est ce qu’on nous propose concrètement, alors que notre environnement se dégrade chaque jour d’avantage avec l’emploi massif des pesticides(plus de mouches, plus d’abeilles plus de termites et autres insectes, plus de chants d’oiseaux dans les villages, pollution des eaux, diminution de notre riche patrimoine faunique), destruction de nos forêts par une agriculture extensive dévoreuse d’espaces et déversant tous les ans des engrais minéraux qui entraînent l’inexorable destruction des sols par une minéralisation irréversible.

Environnement

Un pas, un grand ne serait-il pas franchi si on réduisait déjà les pesticides de deux tiers avec le coton Bt qui en outre préserve les insectes utiles ?

Un autre grand pas , ne serait-il pas celui de la réduction des superficies par l’emploi d’hybrides, permettant la préservation de nos forêts ?

Hybrides de maïs, du Burkina

Hybrides de maïs du Burkina en champ

Économie

En terme économique n’est ce pas réduire notre facture des pesticidesquand on sait que ces dernières années, 2004, 2005, 2006 la seule SOFITEX a importé respectivement pour 12, 15, et 18 milliards de pesticides ?. Sans compter la diminution de la force de travail, de la pénibilité du travail, voire des pertes en vies humaines dues àl’utilisation de ces pesticides !

Sécurité alimentaire.J’avais coutume de dire à nos partenaires au développement ceci : « Est-ce vraiment un problème de nourrir 11 millions de Burkinabé sur 274.000 km2 ? »

Sur 1.000.000 d’ha de terre bien choisi, avec éventuellement une irrigation d’appoint (signalons que cette année il y a eu inondation et tous les cours d’eaux et mares ont débordés et, 15 jours après les pluies se sont arrêtées, entraînant la perte quasi-totale de la production agricole alors qu’à 10, 20 ou 100m, il y avait de l’eau en abondance et l’idée n’est pas venue de transporter d’une façon ou d’une autre cette eau pour arroser deux fois seulement les milliers de quart d’ha qui constituent le champ de maïs du petit paysan !

Sécurité alimentaire.

Donc sur 1.000.000 d’ha, avec du maïs hybride,avec un rendement de 6 t /ha, on va dégager4.000.000 t d’excédents qui vont servir à nourrir veaux, vaches, cochons, couvées et participer ànotre industrialisation par la production de biocarburant.Une part de cet excédent, soit 3.000.000 de tonnes de maïs permet de produire 6,51 à 10,50 millions d’hectolitres d’alcool.En lieu et place de ces perspectives intéressantes on continue d’emboucher la trompette de l’autosuffisance alimentaire, lutte contre la pauvreté...

Il y a donc de grands défis à relever.

3 Enjeux et défis économiques .Tous les pays sont entrain d’évaluer leurs atouts et potentiel en biocarburants constitués essentiellement àbase d’alcool (bioéthanol) et d’huile (bio fuel).Le bio éthanol :

Il est obtenu à partir du sucre de la canne, de betteraves sucrières et de l’amidon du maïs et d’autres céréales, et de la pomme de terre.

Il y a des règles d’emploi possible : en addition (5 à 10%) sous forme d’alcool anhydresans modification au niveau des performances des moteurs à allumage commandé et sans aménagement de celui-ci;

en carburant unique sous forme d’alcool azéotropique (au moins 95% d’alcool pur) dans des moteurs adaptés, en général à injection.

En ce qui concerne le sucre, le Brésil est incontestablement leader lui qui a transformé la canne de ses immenses plantation en alcool. Depuis au moins deux décennies ses voitures roulent au bio éthanol. Ce mouvement s’est amplifié ces dernières années au point que 20 millions de voitures brésiliennes roulent aujourd’hui à l’alcool.

Les voitures flex fuel qui ont le choix entre essence et alcool représentent 80% des voitures vendues en 2005.

En Europe, la France en particulier, la betterave sucrière s’est révélée une source importante de bio éthanol.

Pour l’amidon de maïs, les USA sont pionniers en la matière avec leur abondante production de maïs.

L’introduction d’alcool dans les essences a étéentreprise aux Etats-Unis en 1978 pour des raisons de santé publique (CLEAN AIR ACT 1970).

En 1989, le gazohol américain un carburant utilisant 10% d’éthanol obtenu à partir du maïs représentait 8% de la consommation d’essence des USA soit 5% de leur production de maïs. Cette production a subi un bond prodigieux ces deux ou trois dernières années

1975 1980 19901985 1995 20000

5(18)

15(54

10(36)

20(72)

25(90)

30(108)

Mo(Mo hl)

L’Europe aussi utilise le bio éthanol àpartir du maïs et la pomme de terre, elle vient même de commercialiser une pomme de terre OGM enrichie en amidon.

En conséquences tous les excédents céréaliers

ont fondu (plus de céréales pour l’aide alimentaire!) :

- Flambée des cours des céréales sur le

marché mondial.

- Problèmes rencontrés aux USA et en

Europe pour l’alimentation animale des

volailles et des porcs.

- Possibilité de business dans céréales.

- Bonnes opportunités pour le commerce

intra africain.

Le bio fuel (huile)Il peut être utilisé en mélange ou pur dans des moteurs aménagés ou adapté.Les principales spéculations sont représentées : le soja. C’est la plante biotechnologique la plus cultivée au monde. Les gros producteurs sont :

Le Brésil est le premier producteur de soja ayant détrôné les USA. Ces trois dernières années 70 000 km2 de forêts amazonienne (soit le 1/3 de la superficie du Burkina) ont été mises en culture pour l’exportation et le bio fuel.

L’Argentine vient en 3eme position. Elle a quand même mis en culture 10 millions de tonnes aux dépens de leur Pampas.

Colza, tournesol ils viennent compléter la liste des réserves de bio fuel.

Les bio carburants offrent des possibilités pour l’Afrique.Elle doit faire le bilan de ses réserves qui sont immenses :

L’éthanol à base :

Manioc : C’est une réserve importante avec ses 40 à 60 tonnes/ha voire plus. Il est dit que son amidon est difficilement transformable en sucre C’est une question de recherche qui interpelle nos chercheurs.

Maïs hybride : C’est une est une opportunité à saisir.

Fruits : Il faut penser à l’anacardier qui constitue l’essentiel de la forêt Bissau guinéenne et dont les populations en font une eau de vie.

Il faut également signaler le cas des mangues qui pourrissent sur le sol au Burkina et dont on pourrait en faire un bon usage….et toute la réserve des fruits sauvages des forêts africaine.

Le bio fuel à base :Coton : il devra être un cas d’école et il faudra penser qu’avec la chute des cours de la fibre, cette dernière soit ravalée au rang de sous produit de l’huile. Imaginer que la capacité installée de nos usines ne permet pas de traiter plus du tiers des graines produites. Que d’opportunités d’emploi et de revenus perdus !

Soja : Son intérêt pour les pays africains doit être pris en considération pour son intérêt alimentaire très grand et capacité à améliorer les sols.

Palmier à huile : Ses cours étaient déprimés ces derniers temps mais se redressent avec la flambée des cours des oléagineux.

Jatropha curcas ( pourghère) : Dont on dit beaucoup de bien. Il est dit que le Mali est partant pour produire dans les années à venir 50.000 ha de cette plante importé du Brésil. Toutefois il faut émettre des réserves. Il est vrai qu’à son introduction par la colonisation on faisait comprendre que cela servirait de combustible pour les avions. Si son intérêt était aussi grand on ne voit pas pourquoi les brésiliens qui captent vite l’innovation ne l’ont pas exploité plus tôt.

Il est préférable de privilégier les plantes à double fin alimentaire et industrielle

Les enjeux sont économiques : Notre agriculture piétine du fait de la faiblesse de notre recherche qui végète sans fonds, sans équipements malgré la compétence de nos chercheurs, peu nombreux il faut le dire.

Quand on nous conseillait de ne pas faire des hybrides, c’était avec l’arrière pensée de ne pas nous voir pénétrer le marché des céréales déprimépar les excédents

La donne a changé aujourd’hui. C’est maintenant que l’opportunité s’offre d’aller de l’avant vers une agriculture moderne où les biotechnologies auront leur place.

On commence par le coton. On l’a exploité dans une économie de traite dépassée sans aucune transformation.

Les cours sont déprimés et on détourne le raisonnement par les subventions de tel ou tel pays alors que tous les pays développés subventionnent leur agriculture.

Il y a et surtout que le coton africain n’est pas compétitif en terme de qualité. La Chine affirme qu’elle préfère le coton américain plus blanc qui ne nécessite pas d’autres traitements, ce qui est loin d’être le cas du coton africain

L’un des gros importateurs de coton la Turquie, elle préfère importer le coton de l’Inde parce que sa qualitéest supérieure au coton africain qui grippe les machines.

Or l’Inde est venue en dernier sur le marché du coton ; seulement elle s’est engagée sur le coton OGM en faisant passer sa production de 1,3 millions en 2005 à 3,8 millions d’ha en 2006. Cela mérite réflexion.

La Chine autre gros importateur est à 3, 5 millions d’ha. Elle va devenir auto suffisante et même exportatrice.

Il y a la classique loi de l’offre et de la demande de plus en plus.

Pour conclure

Il faut que l’Afrique, ses chercheurs, ses décideurs et ses producteurs travaillent ensemble et réfléchissent par eux-mêmes sur l’avenir du continent.

Ce que le Burkina a fait avec les essais de coton Bt mérite toute notre fierté et doit être le point de départ de l’Afrique qui travaille et non de l’Afrique qui demande.

le point de départ de l’Afrique qui travaille et

non de l’Afrique qui demande:

C’est la biotechnologie

moderne

.