Dr Immanuel Velikovsky

Les Grands Bouleversements TerrestresTraduit par Collin Delavaud et Carole Hennebault

Le jardin des Livres Paris

1Du mme auteur :-dipe et Akhenaton, Ed. Robert Laffont, 1986 -Mondes en Collision, Jardin des Livres 2003, dispo. Vous pouvez envoyer des chapitres de ce livre ( word, pdf, html, txt, mac ) vos amis et relations par e-mail : www.lejardindeslivres.com/gbt.htm Format Html www.lejardindeslivres.com/PDF/gbt.pdf Pdf www.lejardindeslivres.com/PDF/gbt.doc Word www.lejardindeslivres.com/PDF/gbt.sdw Star Format texte pur : ( cliquez sur Shift pour sauver le fichier sur votre bureau, sinon votre navigateur va l'ouvrir ) www.lejardindeslivres.com/PDF/gbt-pc.txt Pc www.lejardindeslivres.com/PDF/gbt-mac.txt Mac www.lejardindeslivres.com/PDF/gbt-unix.txt Unix www.lejardindeslivres.com/PDF/gbt-win.txt Win www.lejardindeslivres.com/PDF/gbt.rtf Rtf Earth in Upheaveal 2004 heirs of Dr I. Velikovsky Les Grands Bouleversements Terrestres 2004 Le Jardin des Livres pour la traduction franaise.

ditions Le jardin des Livres 243 bis, Boulevard Pereire Paris 75827 Cedex 1 7 Attache de Presse : Marie Guillard

ISBN 2-914569-22-X EAN 9782 914569 224

Toute reproduction, mme partielle par quelque procd que ce soit, est interdite sans autorisation pralable. Une copie par xrographie, photographie, support magntique, lectronique ou autre constitue une contrefaon passible des peines prvues par la loi du 11 mars 1957 et du 3 juillet 1995, sur la protection des droits d'auteur.

Carte des fonds marins de la Terre

La chane dorsale, enfouie sous l'ocan Atlantique, spare les Amriques ( gauche ) de l'Europe-Afrique ( droite ).

La premire carte mondiale des fonds marins a t dresse par les sous-marins amricains dans le cadre d'un programme top-secret men pendant la guerre froide par l'agence de renseignements NSA . Dans les annes 1970 les scientifiques ont t totalement surpris*

lorsque l'US Navy et la NSA ont rendu publique cette carte o la Terre semble avoir t tordue par une main gante.* National Security Agency.

Cette carte n'tait bien entendu pas disponible lorsque Velikovsky a crit ce livre. En revanche, plus d'un gologue (de l'poque) a t tonn par l'incroyable justesse analytique de Velikovsky.

Immanuel Velikovsky inspire Ren Barjavel en 1966 et dclenche la censure de Sciences et Avenir en 2003

Avec son roman La Nuit des Temps, Ren Barjavel s'tait ouvertement inspir des Grands Bouleversements Terrestres donnant l'un de ses personnages les traits d'Immanuel Velikovsky : Le gographe danois, exulte : il avait toujours soutenu la thorie si controverse d'un basculement du globe terrestre. Il en avait apport des preuves multiples, qu'on lui rfutait une une .*

Ren Barjavel avait mis en scne une quipe de

scientifiques franais en mission au Ple Nord. En effectuant des carottages sous-glaciaires, ils dcouvrent deux tres humains, un homme et une femme, gels mais maintenus en vie par un systme complexe dont la technologie leur chappe. Aprs une srie d'aventures toutes plus ralistes les unes que les autres, un groupe de savants internationaux parvient rveiller la femme, sorte de nouvelle Eve qui leur dessine la carte du monde* Page 182, in La Nuit des Temps, Ren Barjavel, Presses de la Cit, Paris, 1968. En 2004, toujours disponible en poche chez Pocket, numro 812.

o elle avait vcu. Stupfaits, les scientifiques finis-sent par comprendre qu'entre-temps, la Terre s'tait... retourne : Un cataclysme brutal a fait tourner la Terre sur un axe quatorial, bousculant les climats en quelques heures, peut-tre en quelques minutes, brlant ce qui tait froid, glaant ce qui tait chaud, et submergeant les continents de masses normes d'eaux ocanes arraches leur inertie. (...) Les deux Amriques occupent l'cran. Mais le basculement du globe les a mises dans une position trange. Elles se sont inclines, celle du Nord vers le bas, celle du Sud vers le haut .*

Tout est dit par la thorie si controverse d'un basculement du globe terrestre. Il en avait apport des preuves multiples, qu'on lui rfutait . En effet, le Dr Velikovsky a pay trs cher son audace et personne l'poque aux Etats-Unis ne s'tait prcipit pour le soutenir. Comme tous les messagers apportant de mauvaises nouvelles, il a t mdiatiquement lynch pour avoir os dire tout haut ce que les gologues ( y compris Darwin ) n'avaient mme jamais os penser tout bas malgr toutes les preuves accablantes qui s'talaient au grand jour devant eux. En psychologie, on appelle cela le dni . La Terre, notre jolie plante bleue, la Gaa nourricire, n'avait pas pu vivre une chose pareille. C'tait impossible.

On ne peut reprocher qu'une seule chose Immanuel Velikovsky : ne pas avoir pris des gants pour le dire. Il a jet un pav dans la mare des gologues et s'est tonn d'avoir t clabouss. Nanmoins, depuis 1952, les preuves de ce qu'il* Ibid.

affirmait se sont accumules : au cours des 80.000 dernires annes, la Terre s'est renverse au moins trois reprises. Et sur 600 millions d'annes, les ples ont chang de place plus de 200 fois ! Imaginez quelques instants que notre plante se retourne soudainement et expose en quelques secondes ses flancs auparavant glacs au Soleil et vice-versa... Mme aujourd'hui, les palomagntistes essaient d'arranger l'information afin que cela nous effraye le moins possible. A propos des mammouths par exemple, les scientifiques disent qu'ils se sont perdus dans un blizzard. Ils n'ont pas t gels en une fraction de seconde . Ils n'expliquent pas d'avantage pourquoi les cavernes chinoises, franaises, amricaines sont emplies de squelettes de milliers d'animaux terrestres mlangs avec des poissons. Comme d'habitude avec les questions gnantes, on se retrouve avec des explications embrouilles et vagues. Quelles qu'elles soient, Velikovsky ne peut de toute faon qu'avoir tort.* **

Voici comment la presse scientifique se dbrouille pour, c'est le cas de le dire, le censurer. Ce n'est mme pas l'analyse de l'diteur mais celle de Marc Lalve, qui, en 2004, dans le cadre du doctorat en Sciences de l'Information et de la Communication Lille 3 a trait le sujet :***

Mondes en Collision et Plante X dans la presse de vulgarisation scientifique et la presse de vulgarisation sotrique : Analyse comparative de deux types de communication en action .****

* Les palomagntistes tudient la polarisation des roches volcaniques. ** Entendu sur Europe 1 propos du film Le Jour d'Aprs en mai 2004. *** UMR CNRS 8529 Centre d'Etudes et de Recherches sur les Savoirs, le s Arts et les Techniques, les Economies et les Socits. **** Le 25 mars 2004 l'Universit Stendhal, sous la prsidence de Jolle Le Marec, matre de confrences HDR l'ENS-LSH Lyon, responsable de recherche Communication, Culture et Socit .

Le thme que nous avons retenu est lensemble des catastrophes naturelles ( volcanisme, sismes, cyclones, raz-de-mare, inondations, astrodes, perturbations climatiques, etc. ) sur la priode 1993-2003 dans les revues de vulgarisation scientifique Sciences et Avenir et Science et Vie dune part, et dans diverses revues de vulgarisation sotrique sur cette priode dautre part ( Facteur X, Le Monde de lInconnu, Top Secret ). La rfrence dans un article de revue de vulgarisation sotrique de mai 2003 un article dastronomie de Science et Vie de fvrier 2003 ainsi que la parution quasi simultane de deux dossiers portant sur une thmatique commune, lun dans Sciences et Avenir ( n680, octobre 2003), lautre dans la revue de vulgarisation sotrique Le Monde de lInconnu ( le magazine de lhistoire mystrieuse et de la recherche spirituelle , n 305, 15 septembre -15 novembre 2003 ) nous fournissent loccasion de dvelopper une analyse comparative de deux types de communication en action, den cerner les formes et les figures, les spcificits propres, les diffrences et convergences ainsi que les enjeux. (...) Lun des articles du dossier Les colres de lunivers de Sciences et Avenir ( octobre 2003, p. 4648 ) sintitule par exemple Mondes en Collision et voque des plantes nes dun processus destructeur ( notamment pour la Terre, par un basculement de laxe des ples ) sans qu aucunmoment dans le dossier ne soit cit louvrage de Velikovsky qui porte pourtant lemme titre, traite prcisment de ce sujetdepuis 1950 et dont une nouvelle dition franaise est parue en mars 2003. On semble ainsi assister une sorte d appropriation

silencieuse par la vulgarisationscientifique ( par la science ? ) de thmesrejets par la communaut scientifique une certaine poque mais semblant treadmis aujourdhui dans le champ scientifique sans rfrence aux sources premires . C'est formidable n'est-ce-pas ? La revue Sciences et Avenir ralise un dossier Mondes en Collision en russissant ne jamais citer Velikovsky tout en lui prenant le titre ET le sujet de son livre ! Les lecteurs ne doivent surtout pas tre informs de l'existence de ce livre. Pour Immanuel Velikovsky, les choses pourtant sont trs simples ; d'ailleurs il suffit d'ouvrir les yeux, les preuves se dressent un peu partout autour de nous, tellement visibles et videntes, si normes, que, comme toutes les choses videntes, on ne les voit pas du premier coup. En 2004, les gologues ont fini par reconnatre que Immanuel Velikovsky est le pre du catastrophisme , mot il est vrai peu agrable entendre. Les Grands Bouleversements Terrestres est un livre dur lire, dur parce qu'aprs avoir t tran dans la boue cause de Mondes en Collisions, l'auteur s'est efforc de ne jamais citer des sources littraires, religieuses et folkloriques afin de ne laisser que des tmoignages solides, les tmoignages des pierres difficilement niables. Le merveilleux style littraire de Mondes en Collision a laiss la place ici un style froid, sans doute en corrlation avec sa thse sur la glaciation, un style austre, presque universitaire. Mais ce style n'enlve rien ses analyses qui, mme aujourd'hui, ont conserv leur pertinence et leur qualit visionnaire. Ainsi, dans ce livre, Velikovsky affirme que : 1 la dernire grande glaciation est beau-coup plus rcente qu'on ne le pensait et les changements de climat

ont t particulirement subits ( thme du film Le Jour d 'aprs ). 2 toutes les grandes civilisations ( Egypte, Crte, Troie, etc. ) ont t plusieurs fois abattues la suite de grands cataclysmes. 3 de fait, l'Age de Bronze s'est brusquement termin la suite de ces catastrophes. 4 les inscriptions minoennes ( linaire B ) dcouvertes en Crte sont d'origine grecque. Environ 6 ans aprs la publication du premier livre de Velikovsky, Michael Ventris finit par dcrypter le linaire B et tomba effectivement sur du grec ancien ou archaque. Les Grands Bouleversements Terrestres tablissent avec le dtachement d'un mdecin lgiste les traumas subis par la Terre, des traumas qui ont laiss des traces indlbiles dans nos rochers, dans nos montagnes et sur nos paysages. Grce Velikovsky, ces rochers gants poss au milieu d'un champ, des milliers de kilomtres de la montagne la plus proche prennent une nouvelle dimension, une dimension dramatique.

Le jardin des Livres

Prface du Dr Velikovsky de la 12 dition amricaine des Grands Bouleversements Terrestres e

Voici dj prs de trente ans que la premire dition de ce livre prenait place sur les rayons des libraires. Au cours des annes qui suivirent, la course l'espace s'emballa et la comprhension des mystres de l'espace fut comparable une rvlation. La Terre, le systme solaire, notre galaxie et tout ce qui l'entoure, jusqu'alors symboles de calme et de srnit, devinrent soudain des mondes agits. La Terre n'est pas le jardin d'Eden, subissant une volution lente, et pacifique sur un nombre incalculable de sicles pour ne pas dire l'ternit afin que l'orognse , progressant lentement, prenne fin avec l're tertiaire o, pendant des millions d'annes, il n'y eut jamais d'autres vnements que la chute de grosses mtorites... Pour beaucoup de scientifiques, la Terre a toujours t une plante paisible suivant imperturbablement son orbite sur un calendrier prcis,1

1 Processus de formation des reliefs de l'corce terrestre.

sans changer de latitude et laissant ses sdiments s'accumuler avec une prcision digne d'une pese d'apothicaire ; pourtant, elle dissimule encore quelques mystres non rsolus mais assurs de trouver leurs solutions dans le cadre d'un systme o les corps clestes suivent leurs rondes immuables avec la rgularit d'une horloge suisse. La Terre, avec ses mares prvisibles et ses saisons aurait donc t un stade o s'affrontrent les mammifres, les araignes, les vers, les poissons et les oiseaux. Tous ces tres auraient volu uniquement cause de la comptition entre les espces, tous descendants d'un anctre commun, la crature unicellulaire primitive . Refusant de croire que de terribles cataclysmes aient pu affecter sa plante, l'homme rangea cette ide au rang de croyance religieuse ou sotrique avec un Lucifer et une Apocalypse. Cependant, l'homme dcouvrit aussi les indices irrfutables tmoignant de ce pass terrifiant de sa plante, comme par exemple les cendres d'origine trangre recouvrant les fonds sousmarins, eux-mmes2

entaills par un immense caon ( qui traverse tous les ocans ) preuve matrielle d'une torsion phnomnale et la Terre, frmissante de douleur, vit la position de ses ples bouger, puis s'inverser plusieurs reprises.3

La Lune n'est pas seulement cette plante romantique qui illumine nos nuits, elle est aussi un monde sans vie o rgne le chaos avec ses millions de mtres carrs dforms, fondus et boursoufls dont les significations nous chappaient encore. Notre Soleil resplendissant envoie des vagues de plasma vers les plantes voisines qui, pour se protger contre de telles dmonstrations amoureuses, lui opposent leurs ceintures magnti2 Note JDL: lire ce sujet Le Principe de Lucifer Tome 2 de Howard Bloom; Ed. Le Jardin des Livres. 3 Note JDL: la premire carte des fonds marins, tablie bien aprs l'criture de ce livre, confirme ces propos.

ques. Elles diffusent mme des messages par ondes hertziennes pour exprimer les angoisses de leurs mes inorganiques, ainsi que d'autres signaux radio, rsultant du choc de galaxies en collision qui parviennent aussi jusqu' nous. Cet univers d'apparence si placide n'est qu'un vaste nuage travers par des radiations dont certaines sont mortelles, parcouru par des fragments de matires dsagrges, o rsonnent des cris d'alarme provenant de toutes les directions. Le seul sentiment de scurit tient la conviction qu'aucun dsagrment majeur puisse arriver l'homme, joyau de la Cration, car il est impensable que cela puisse rsulter de la dcision d'un dieu bienveillant. L'ide que le systme solaire vient tout juste de voir la fin des combats entre les dieux ( dcrits par les Anciens ) pour entrer dans une phase de calme relatif ( peut-tre une trs longue priode, compare une vie humaine ) est un concept trs plausible. Plausible l'est aussi celui qui affirme que pour conjurer la plupart de ces prils, une solution approprie se serait naturellement mise en place ou, qui

sait ?, ordonn par une intelligence suprieure et protectrice. En effet, l'ionosphre nous garde des redoutables rayons ultra-violets et d'autres radiations nocives, tout comme le bouclier magntique ( engendr par la rotation terrestre permanente ) exerce un contrle sur les rayons cosmiques ; et, bien que la Terre ne soit pas le centre de l'univers comme on le croyait il n'y a pas si longtemps, notre plante se dplace une distance du Soleil qui lui procure une chaleur suffisante afin que sa rserve d'eau ne s'vapore, ni ne gle ; en d'autres termes, pour qu'elle conserve une atmosphre humide favorable aux cratures vivantes. Toutes les formes de vie qui ont volu pendant les grands bouleversements terrestres se trouvent maintenant dans une re de prosprit et d'abondance. Quant l'homme, il conquiert l'Espace ; mais, frapp d'amnsie, il a oubli les bouleversements tragiques de son proche pass et joue dangereusement avec l'atome aprs en avoir matris la fission ; en somme, il est peu loign de son anctre qui inventa le feu en frottant le silex.

Prface de la premire dition franaise

Ce livre retrace les catastrophes effroyables subies par la plante Terre au cours de l'histoire : toutes les pages qui suivent sont remplies de pices conviction fournies par les montagnes, et dont le puissant tmoignage n'a d'gal que le mutisme des cadavres et des squelettes qu'elles contiennent.

Un nombre incalculable d'tres sont ns sur notre minuscule plante ronde suspendue dans le vide intersidral. Beaucoup ont connu une mort naturelle, d'autres ont t engloutis au sein des couches tectoniques par de bouleversements monumentaux pendant lesquels les continents et les mers ont rivalis de fureur destructrice. Les milliards et les milliards de poissons qui peuplaient les ocans cessrent brusquement de vivre et certaines espces disparurent sans laisser de survivants. D'autres varits d'animaux s'teignirent tout aussi brusquement parce que cette terre et cette eau sont soudainement devenues si violentes qu'elles dtruisirent une partie du rgne animal, humanit comprise. Il n'y eut ni abri, ni refuge : le sol et la mer changrent plusieurs fois de place, le premier s'asschant pour submerger le second. Dans Mondes en Collision , j'ai dcrit deux de ces catastrophes4

4 Publi en 2003 au Jardin des Livres avec un dossier complet de 70 pages sur Velikovsky et son uvre. Disponible en librairie.

( les dernires en date ) qui ont ravag notre Terre, respectivement 2000 ans et 1000 ans avant JC. Sachant que ces bouleversements se passrent alors que l'criture avait dj t perfectionne par les civilisations anciennes, je me suis servi de documents historiques, m'appuyant sur des cartes des cieux, des clepsydres, des calendriers, des cadrans solaires dcouverts par les archologues ; j'ai aussi emprunt des lments la littrature classique, aux popes nordiques, aux multiples sagas toujours vivantes chez les peuples primitifs, de la Laponie jusqu'aux mers du Sud. Je donnais toutes les informations d'ordre gologique concernant les faits cits dans les textes antiques ou rapports par les traditions orales quand j'estimais que le tmoignage immdiat des pierres devait tre prsent en mme temps que celui de l'Histoire. Je terminais mon enqute en promettant de raconter dans un livre suivant des cataclysmes antrieurs assez semblables, l'un d'entre eux tant le Dluge.

Aprs avoir rassembl une documentation importante, j'avais l'intention d'apporter les preuves gologiques et palontologiques qui auraient tay ma dmonstration. Mais l'accueil rserv Mondes en Collision par certains milieux scientifiques m'a convaincu qu'avant de prsenter ces vnements tragiques, il importait de prsenter au moins quelques unes des dpositions faites par les pierres qui s'imposent avec autant de puissance que celles parvenues jusqu' nous grce aux traditions orales, et sous forme d'crits dont les mtaphores ne sont jamais sibyllines : certaines pages de l'Ancien Testament et de l'Iliade se passent de toute interprtation. Les pierres, les rocs, les montagnes et les fosses sous-marines comparatront donc la barre des tmoins. Se souviendront-ils des temps relativement rcents o l'harmonie du monde fut trouble par les forces naturelles qui ont enseveli d'innombrables tres vivants pour les conserver pres-que intacts dans les roches ? Ces tmoins muets ont-ils vu les ocans envahir les continents et les terres glisser sous leurs eaux ? Le globe et l'tendue de ses mers ont-ils reu des pluies de pier-res ? A-t-il t couvert de cendres ? Les forts ontelles t dracines par les ouragans, incendies, submerges par les mares charriant le sable et les dbris arrachs aux abmes marins ? J'voque ici une partie de l'histoire du globe terrestre. J'ai supprim de nombreux passages du Grand Livre de l'Humanit en omettant, intentionnellement, toutes les rfrences la littrature antique, aux traditions et aux folklores afin que les critiques ne puissent dcrier la totalit de mon uvre en la qualifiant de contes et lgendes . Les pierres et les ossements seront donc mes seuls tmoins ; aussi muets qu'ils soient, ils s'exprimeront clairement, sans quivoque. Pourtant, certains lecteurs aux oreilles rtives, ne voulant pas accepter les preuves n'accepteront pas leurs dpositions. Moins la vision des

choses sera nette, plus les protestations se feront criardes et obstines. Mon livre n'a pas t crit pour ceux qui ne jurent que par les Verba Magistri, seul enseignement acquis au cours de leurs tudes classiques. Aussi, libre eux de le dnigrer sans le lire .5

Dr Immanuel Velikovsky

5 Note JdL: ces lignes prouvent si besoin tait quel point Velikovsky a t traumatis par les attaques contre son livre prcdent, Mondes en Collision.

17

~1~ Dans le Nord

~ En Alaska Au nord du mont Mac Kinley le plus haut sommet de l'Amrique le fleuve Yukon reoit plusieurs affluents, dont la rivire Tanana. Dans ces valles, on extrait de l'or et surtout du muck, sorte de masse congele constitue d'animaux et d'arbres. Voici comment F. Rainey de l'University of Alaska, dcrit les lieux :6 7

Dans le district de Fairbanks, de larges coupures, souvent longues de plusieurs kilomtres

et parfois profondes de plus de 40 mtres, sont ouvertes le long des valles tributaires de la rivire Tanana. Afin d'atteindre les veines de gravier, on enlve d'abord une couche suprieure de boue congele, ou muck, avec des des excavateurs hydrauliques gants. Ce muck contient d'immenses quantits d'ossements d'espces animales teintes, telles que le mammouth, le mastodonte, le bison gant et le cheval .8

Ces espces n'ont disparu que trs rcem6 Fleuve au nord-ouest de l'Amrique du Nord, long de 3190 km. Il traverse la Colombie-Britannique et le territoire canadien du Yukon puis pntre en Alaska, territoire amricain, pour se jeter dans la mer de Bering. 7 F. Rainey Archaelogical Investigation in Central Alaska, American Antiquity, v, 1940, p. 305. 8 Le cheval s'est teint pendant l'poque de l'Amrique prcolombienne; les chevaux existant actuellement dans l'hmisphre occidental descendent d'animaux imports.

ment. Les dernires estimations situent leur extinction la fin de l'poque glacire ou peu aprs. La terre de l'Alaska a recouvert leurs cadavres, mais mlangs d'autres animaux dont les espces existent encore ! Qu'est-ce qui a dclench cette hcatombe au cours de laquelle des millions d'tres vivants ont t mutils et mlangs aux arbres dracins ? Hibben de l'University of New Mexico crit : Bien que la formation des dpts de muck soit nigmatique, il est manifeste qu'une par-tie au moins est arrive l dans des conditions catastrophiques. Les restes de mammifres sont en majorit dmembrs et dsarticuls ; mais grce la conglation, certains fragments ont conserv des ligaments, des lambeaux de chair et de peau encore couverts de poils. Des arbres tordus, dchirs sont empils en masses spares. Malgr leurs formes gondoles et tordues, on peut distinguer dans ces dpts au moins quatre grandes couches de cendres volcaniques.9

Se pourrait-il qu'un sursaut d'activit volcanique ait tu la faune de l'Alaska, et que les cours d'eau aient par

la suite transport les corps de ces animaux ? Une ruption volcanique aurait videmment brl les arbres mais sans les draciner, ni les dchirer. De plus, si elle avait tu les animaux, elle ne les aurait pas dmembrs. La prsence des cendres volcaniques montre qu'elle a bien eu lieu, et mme quatre reprises pendant la mme poque ; mais il est aussi vident que les arbres n'ont pu tre arrachs et dchiquets que par un ouragan, par une inondation ou par les deux.9 F. C. Hibben Evidence of Early Man in Alaska, American Antiquity, 1943, viii, p. 255.

Les animaux ont t broys par une vague norme qui a soulev, arrach, transport, cras, rduit en morceaux et enterr des millions de corps et autant d'arbres. Il faut ajouter que plusieurs volcans n'auraient pas suffi provoquer une telle catastrophe sur une tendue aussi vaste : des dpts de muck, analogues ceux de la rivire Tanana existent aussi sur les berges de la rivire Koyukuk qui se jette dans le Yukon, et sur toute la longueur de la rivire Kuskokwim qui dbouche dans la mer de Bring, ainsi que sur d'autres sites arctiques. On peut donc considrer qu'ils s'tendent en plus ou moins grande paisseur sur toutes les zones n'ayant jamais t glaces de cette pninsule nordique . Pourquoi les ocans Arctique et Pacifique auraientils arrach forts et animaux pour ensuite rejeter toute cette masse confuse en grands tas parpills sur le territoire... N'tait-ce pas plutt une rvolution tectonique dans l'corce terrestre, qui a aussi entran des ruptions volcaniques et couvert la pninsules de cendres ?10

A diffrents niveaux du muck, on a trouv des outils de pierre congels in situ de grandes profondeurs, manifestement associs la faune de la priode glaciaire , ce qui implique qu'en Alaska des hommes furent contemporains d'animaux maintenant disparus . A plusieurs reprises, on y a dcouvert des silex taills de forme caractristique ( appels pointes Yumas ) 30 mtres de profondeur. On a mme retrouv ces pointes entre une mchoire de lion et une dfense de11

mammouth ! Des armes similaires taient employes il y a quelques gnrations uniquement par les Indiens12

10 F. C. Hibben American Antiquity, 1943, vin, p. 256. 11 Rainey American Antiquity, v, p. 307. 12 Hibben American Antiquity, viii, p. 257

de la tribu Athapasca occupant la valle de la Tanana . On a galement remarqu que les harpons des Esquimaux modernes ressemblent trangement aux pointes yumas . Tous ces dtails indiquent que ce carnage d'animaux et de forts ne remonte qu' seulement quelques millnaires.13 14

~ Les les de l'ivoire Le littoral arctique de la Sibrie est froid, dsert et inhospitalier. La mer est navigable pendant deux mois par an, et encore, uniquement pour les bateaux briseurs de glaces. De septembre la mi-juillet, elle forme une tendue de glace continue. Les vents arctiques balaient ses toundras geles o aucun arbre ne pousse et dont le sol n'est jamais cultiv. En 1878, au cours de son expdition bord du Vega, Nils Adolf Erik Nordenskjld, premier emprunter cette route maritime nordique, longea la cte pendant des semaines sans jamais voir un seul tre humain et ce depuis la Nouvelle-Zemble jusqu'au cap Shelagsko situ prs de l'extrmit Est de la Sibrie. Dans le nord de la Sibrie, on a toujours dcouvert des dfenses de mammouth fossilises ; elles taient dj vendues dans l'Antiquit du temps de Pline, c'est-dire au I sicle avant JC. Les Chinois excellaient dans l'art de le sculpter. Le commerce de ces dfenses s'est poursuivi de 1582, date de la conqute de la Sibrie par le cosaque Yermak ( sous le rgne d'Ivan le Terrible ) jusqu' nos jours. La Sibrie a fourni au monde plus de la moiti de ses besoins : bien des touches de piano ou de boules de billard ont t16 er

15

13 RaineyAmerican Antiquity, v, p. 301. 14 Hibben American Antiquity, v, p. 256. 15 NdT: Grande le situe au nord de la Sibrie. 16 170 30' Est.

fabriques partir de ces dfenses de mammouth. En 1797, le cadavre d'un mammouth intact avec sa chair, sa peau et ses poils fut trouv dans le sol gel sibrien ; d'autres ont t extraits depuis : La viande avait l'aspect de buf rcemment congel ; elle tait comestible ; des loups et des chiens de traneau en mangrent sans problme et sans consquence . Le sol a d rester gel depuis le moment o ces mastodontes y ont t enfouis, car autrement ils se seraient putrfis en un seul t et ne seraient pas rests intacts pendant des millnaires : Il faut donc absolument en dduire que les corps ont t gels immdiatement aprs la mort et qu'ils n'ont jamais dgel une seule fois jusqu'au jour de leur dcouverte . Bien plus au nord de la Sibrie, dans l'ocan Arctique, quelques 1000 km l'intrieur du Cercle polaire, se trouvent les les Liakhov ; elles ont pris le nom du chasseur qui, l'poque de Catherine II, s'tait aventur dans cet archipel et avait dcouvert qu'elles abondaient en ossements :17 18

La quantit de restes de mammouths tait telle que l'le semblait vritablement forme d'ossements et de dfenses d'lphants ciments par un sable glac .19

Les les de la Nouvelle-Sibrie, dcouvertes en 1805 et 1806, ainsi que celles de Stolbovo et de Belkov plus l'ouest, offrent le mme spectacle : Le sol de ces les dsoles est littralement jonch d'ossements d'lphants et de rhinocros en nombre surprenant . Elles sont couvertes20

17 Observation de D. F. Hertz, dans B. Digby, The Mammouth, 1926, p. 9. 18 D. Gath Whitley The Ivory Island in the Arctic Ocean, Journal of the Philosophical Society of Great Britain, 1910, p. 35. 19 Ibid., p. 41. 20 Ibid., p. 36.

d'os de mammouths. La quantit de dfenses, de dents d'lphants et de cornes de rhinocros trouve dans la Nouvelle-Sibrie (...) est ahurissante et surpasse tout ce qu'on a pu dcouvrir jusqu' ce jour . Ces animaux s'y taient-ils installs en passant sur la glace et pourquoi ? De quoi avaient-ils pu se nourrir ??? Pas des lichens des toundras sibriennes en tout cas, recouvertes de neige paisse pendant la plus grande partie de l'anne ; encore moins de la mousse des les polaires geles 10 mois sur 12 : les mammouths appartenant la famille vorace des lphants avaient besoin de copieuses rations vgtariennes . Comment ces grands troupeaux auraient-ils pu vivre dans un pays comme la Sibrie qui est considre comme le pays le plus froid du monde et o il n'y avait pas d'alimentation qui leur convenait ? Des dfenses de mammouths ont t mme t ramenes dans les filets du fond de l'ocan Arctique ; aprs les temptes qui svissent dans ces parages, le littoral est parsem de dfenses rejetes par les vagues. D'aprs certains, cela indique que le fond de cet ocan ( entre les les et le continent ) tait autrefois sec et permettait ainsi le passage des pachydermes.21

Le grand palontologue franais Georges Cuvier estimait qu'au cours d'un sisme continental, la mer ayant envahi les terres, les troupeaux de mammouths avaient pri ; puis, dans un second mouvement spasmodique, les eaux s'taient retires en laissant les cadavres derrire elles. Cette catastrophe avait d s'accompagner d'une chute soudaine de la temprature et le gel les avait prservs de la dcomposition . Chez23

22

21 Ibid., p. 42. 22 1769-1832 23 Georges Cuvier Discours sur les rvolutions de la surface du globe et sur les changements qu'elles ont produits dans le rgne animal 1825.

quelques-uns mme, quand ils furent dcouverts, les prunelles taient intactes !! Charles Darwin n'admettait pas que de tels faits se soient produits. Dans une lettre adresse Sir Henry

Howorth, il reconnut que l'extinction des mammouths sibriens constituait ses yeux un problme insoluble . L'minent gologue amricain J. D. Dana crivit : Le fait que d'normes lphants soient envelopps dans la glace et le parfait tat de conservation de la chair montrent que le froid est devenu soudainement extrme, comme en une seule nuit d'hiver et qu'il n'y a pas eu de radoucissement par la suite . On a trouv dans l'estomac et entre les dents des mammouths des plantes et des herbes qui ne poussent pas de nos jours dans le nord de la Sibrie : Les estomacs et leur contenu ont t soigneusement examins ; ils renfermaient, non digres, des feuilles d'arbres existant actuellement dans le sud de la Sibrie, bien loign de ces gisements d'ivoire. L'tude au microscope de la peau a rvl la prsence de globules rouges dans le sang, ce qui prouve [ deux choses ] : la mort a t subite, et la mort a t cause par asphyxie, que cette asphyxie soit due des gaz ou de l'eau ( manifestement l'ultime cause possible dans ce cas ) . Mais l'nigme subsistait : Comment expliquer la conglation subite de ces normes masses de chair, comme si elles avaient conserves pour le futur ? 24 25 26

Quel phnomne a pu entraner un changement subit du climat de la rgion ? Aujourd'hui, le pays ne produit pas de nourriture pour les grands quadrupdes ; le sol est aride et ne donne que des mousses et des champignons durant quel24 Whitley Journal of the philosophical Society of Great Britain 1910, p. 56; G. F. Kuntz, Ivory and the elephant, 1916, p. 236. 25 J. D. Dana Manual of Geology 4e d., 1894, p. 1007. 26 Whitley Journal of the Philosophical Society of Great Britain, 1910, p 56.

ques mois. Or les mammouths ne s'en contentaient pas ; ils n'taient d'ailleurs pas les seuls patre au nord de la Sibrie et dans les les de l'ocan Arctique. Sur l'le Kotelno Il n'y a ni arbustes ni buissons... Dans cette contre sauvage et glace, on trouve pourtant des os d'lphants, de buffles et de chevaux en quantits qui dfient tout calcul .27

En 1806, quand Hedenstrm et Sannikov dcouvrirent les les de la Nouvelle-Sibrie, ils trouvrent au milieu de cette rgion dserte et recule de l'Arctique d'immenses forts ptrifies . Elles se voyaient de plusieurs dizaines de kilomtres. Dans ces ruines d'anciennes forts, les troncs de certains arbres taient debout ; d'autres gisaient horizontalement, demi enterrs dans le sol gel ; ils couvraient une tendue considrable . Hedenstrm les dcrivit ainsi : Sur la cte de la Nouvelle-Sibrie, on rencontre de remarquables collines de bois [ amoncellement de troncs ] ; elles font 50 mtres de hauteur et sont faites de couches horizontales de grs qui alternent avec des couches de poutres bitumineuses ou troncs d'arbres. Lorsqu'on les parcourt, on rencontre par-tout du charbon de bois fossilis, apparemment recouvert de cendres ; mais, en y regardant de plus prs, on constate que ces cendres sont galement ptrifies et si dures qu'on peut difficilement en couper un petit morceau au couteau . Certains troncs sont fichs verticalement dans le grs, leurs extrmits brises.28 29

En 1829, le scientifique allemand G. A. Erman se rendit aux les Liakhov et de Nouvelle-Sibrie pour y mesurer le champ magntique ter27 Ibid., p. 50. 28 Ibid., p. 43. 29 F. P. Wrangell Narrative of an Expedition to Siberia and the Polar Sea, 1841, note p. 173 de l'dition amricaine.

restre et s'tonna de voir le sol jonch d'os d'lphants, de rhinocros et de buffles. Au sujet des entassements de bois, il crivit : En Nouvelle-Sibrie, sur pentes exposes au Sud, on trouve de vritables collines de bois rejets par la mer et hautes de 70 90 mtres dont l'origine ancienne (...) s'impose immdiatement l'esprit des chasseurs les moins instruits. D'autres collines de cette le, tout comme celles de l'le situe plus l'ouest ( Kotelny ), sont composes de squelettes de pachydermes, de bisons etc. entasss sur une mme hauteur, ciments ensemble tant par du sable congel

que par des couches et des veines de glace... Sur le sommet de ces singulires collines des troncs d'arbres gisent les uns sur les autres, dans le plus grand dsordre, soulevs en dpit de la pesanteur, leurs cimes brises ou clates comme s'ils avaient t violemment projets et amasss sur les pentes en venant du Sud . Eduard von Toll fit plusieurs voyages aux les de la Nouvelle-Sibrie entre 1885 et 1902, anne de sa mort dans l'ocan Arctique. Il examina les montagnes de bois et constata qu'elles taient faites de troncs d'arbres carboniss, portant des empreintes de feuilles et de fruits . Sur Malo, une des les de l'archipel Liakhov, il trouva des ossements de mammouths et d'autres animaux mls des troncs d'arbres fossiles, ainsi qu' des feuilles et des pommes de pin. Cette tonnante dcouverte prouve qu'aux poques o les mammouths et les rhinocros vivaient dans le nord de la Sibrie, ces les dsoles taient couvertes de grandes forts et d'une vgtation luxuriante . Un formidable ouragan avait apparemment dracin et emport les arbres de la Sibrie vers l'extrme Nord ; des vagues gigantesques les avaient empils sous forme de grosses collines et30 31 32

30 G. A. Erman Travels in Siberia 1848, n, p. 376, 383. 31 Whrfley Journal of the Philosophical Society of Great Britain 1910, p. 49. 32 Ibid p. 50.

un agent de nature bitumineuse les avait transforms en charbon de bois, avant ou aprs qu'ils aient t dposs et ciments dans des masses de sable qui s'est dessch et durci en grs. Ces forts ont t arraches au nord de la Sibrie, prcipites dans l'ocan, et, mles aux os d'animaux et aux tas de sable... Elles ont form les les ! Il se peut d'ailleurs que les arbres brls, les mammouths et les autres animaux n'aient pas t tous dtruits et emports par une seule catastrophe. Il est plus probable qu'un cimetire flottant compos d'arbres et d'animaux ait t charri sur la crte d'un monstrueux raz-de-mare et que celui-ci, en se retirant, ait tout laiss tomber sur un cimetire plus ancien, situ loin l'intrieur du Cercle

polaire. Les scientifiques qui avaient explor les lits de muck en Alaska ne comprirent pas : ils ne relevrent pas la similitude qui existe entre les restes d'animaux qu'ils avaient vus et les restes d'animaux qu'on avait trouvs bien avant ( et qu'on trouve encore ) dans les les arctiques et les rgions polaires de Sibrie. Ils ne pensrent pas une cause commune. L'exploration des les de la Nouvelle-Sibrie tait l'uvre d'acadmiciens des XVIII et XIX sicles qui avaient suivi les chasseurs d'ivoire ; l'exploration de l'Alaska tait l'uvre des scientifiques du XX sicle qui avaient suivi les machines des chercheurs d'or. Deux cas de figure quasiment identiques, deux observations, l'une ancienne, l'autre rcente, pour une mme rgion, le Grand Nord, quand on sait que l'Alaska n'est spar de la Sibrie que par un dtroit ? Avant de prsenter d'autres observations rparties un peu partout sur le globe, je passerai en revue quelques thories propos de notre plante et du rgne animal. Nous allons donc voir comment les anciens naturalistes expliquaient les phnomnes, comment ils les interprtaient sur le principe de l'volution lente , et comment certains faits rcents ne collent plus vraiment avec l'ide d'un monde paisible model par une lente volution .e e e

~2~ Rvolution

~ Les blocs de pierre erratiques Les ocans recouvraient encore en partie les

Alpes lorsqu'une violente secousse du globe ouvrit tout coup de grandes cavits (...) et fit cder ou clater un grand nombre de rochers. (...) En tombant de leur hauteur, les eaux se jetrent vers ces abysses avec une violence extrme ; elles traversrent de profondes valles et arrachrent d'normes quantits de terre, de sable et de roche de toutes sortes. Cette masse, pousse par les torrents d'eau, fut disperse sur les pentes jusqu' une certaine hauteur, pentes o nous pouvons voir encore aujourd'hui tous ces fragments parpills . C'est ainsi que l'minent physicien et gologue suisse Horace Bndict de Saussure expliquait la prsence dans le Jura de pierres et de rochers venant des Alpes, la prsence de restes marins sur les sommets alpins, et pourquoi les valles alpines sont remplies de sable, de gravier et d'argile. Ces pierres du Jura ont t arraches aux Alpes ; en effet, leur composition minrale diffre des formations rocheuses de leur nouveau site, montrant ainsi leur vritable origine, en l'occurrence alpine. On les appelle des blocs erratiques . Ceux du Jura sont situs 600 mtres audessus de l'altitude du lac de Genve. Ils mesu33 34

33 Qui s'taient formes sous le niveau de l'ocan. 34 Horace Bndict de Saussure, Voyage dans les Alpes, 1779, p. 151.

rent souvent des dizaines de mtres cubes ( celui de la Pierre--Martin dpasse 290 m ) . Seule une force colossale a pu les transporter travers le fond du lac ( sec ) et les monter jusqu' leur place actuelle. On trouve des blocs erratiques un peu par-tout dans le monde. Sur les ctes britanniques et les plateaux des Highlands, il en existe des quantits ayant travers la mer du Nord depuis les montagnes norvgiennes. D'autres sont partis de la Scandinavie pour se rpandre en Allemagne, parfois de faon si dense qu'ils semblent avoir t amasss l par des maons pour construire des villes ; certains, venus de Norvge, sont perchs sur les pentes du Harz ( massif presque au centre de l'Allemagne ). Des blocs de pierre sont aussi partis de Sude, ont survol les pays Baltes et la Pologne, et ont atterri sur les3

Carpates. Un autre train de pierres a quitt la Finlande et a pass les collines du Valda et Moscou pour aller jusqu'au Don. En Amrique, des blocs erratiques issus des granits du Canada et du Labrador se sont rpandus sur les Etats du Maine, du New Hampshire, du Vermont, du Massachusetts, du Connecticut, de New York, du New Jersey, du Michigan, du Wisconsin et de l'Ohio ( tous au nord-est des U.S.A. ); ils se sont perchs sur les artes des montagnes, et gisent sur leurs versants ou au fond des valles. On en voit sur la plaine ctire, sur les White Mountains et les Berkshires, en files parfois ininterrompues ; dans les monts Pocono, ils reposent en quilibre instable sur le rebord des crtes. Un touriste attentif se promenant dans les forts s'merveillera devant les dimensions de ces rochers, amens et abandonns l jadis dans des empilements faire peur. Certains sont normes : le bloc prs de Conway ( New Hampshire ) est long de 25 mtres, large de 12 et haut de 11, et pse environ 10.000 tonnes, soit la charge d'un gros cargo. Le Mohegan qui domine Montville ( Connecticut ) est de mme taille. Le grand bloc plat du comt de Warren ( Ohio ) pse environ 13500 tonnes et recouvre presque un tiers d'hectare; l'Ototoks, 50 km. de Calgary ( Alberta ) se compose de deux morceaux de quartzite provenant d'au moins 80 km et doit peser dans les 18.000 tonnes . Nanmoins, ceux de 75 90 mtres de circonfrence sont petits si on les compare la masse de craie situe prs de Malm en Sude : elle mesure 4.800 mtres de longueur, 300 de largeur, avec 30 40 d'paisseur et a t transporte sur une distance indtermine... Elle est exploite commercialement. Sur la cte est de l'Angleterre, on trouve une dalle calcaire analogue sur laquelle un village a t innocemment construit .35 36

Ainsi, un peu partout sur la Terre, sur certaines les lointaines de l'Atlantique et du Pacifique comme sur celles

de l'Antarctique , il existe des rochers d'origine trangre qu'une force phnomnale a apports de trs loin. Arrachs aux crtes des montagnes et aux falaises ctires, ils ont voyag par monts et par vaux, franchissant indiffremment les terres et les mers.37

~ Les mers et les terres ont chang de place Le plus clbre zoologiste de la gnration de la Rvolution franaise et des guerres napoloniennes fut Georges Cuvier , fondateur de la palontologie des vertbrs, science des ossements fossiles et par l mme des espces ani38

35 R. F. Flint Glacial Geology and the Pleistocene Epoch, 1947, p. 116-117. 36 G. F. Wright The Ice Age in North America and its Raring upon the Antiquity of Man, 5e d., 1911, p. 238-239. 37 F. H. Shackleton The Heart of the Antarctic, 1908 38 1769 -1832

males teintes. Etudiant les formations de gypse Montmartre, ainsi qu'en France et en Europe, il constata des couches d'animaux ou de plantes ( tous terrestres et d'eau douce ) intercales parmi les strates marines du milieu et du fond plus ou moins anciennes ; parmi les strates rcentes, des animaux terrestres taient enfouis sous des amas de sdiments marins. Il parvint cette conclusion : Il est souvent arriv que des terrains ( mis sec ) aient t recouverts par les eaux : soit ils sont descendus dans l'abme, soit la mer est simplement monte plus haut que leur niveau... Les irruptions et retraites rptes de la mer n'ont pas toutes t lentes ou graduelles : au contraire, la plupart des catastrophes qui les ont entranes ont t subites ; ceci est particulirement facile prouver pour la dernire en date qui, par un double mouvement, a inond puis laiss sec nos continents actuels, ou du moins une grande partie du sol qui les forme aujourd'hui . Le fait que les plus anciennes strates [ de la Terre ] aient t mise en morceaux, leves et retournes, ne laisse aucun doute sur les causes subites et violentes qui les ont mises en39

l'tat o nous les voyons maintenant ; mme la force qui a anim la masse des eaux est atteste par les tas de dbris et de galets qui s'interposent souvent entre les strates soli-des. La vie a donc t frquemment trouble sur cette terre par des vnements effroyables. D'innombrables tres vivants ont t victimes de ces catastrophes : les uns, habitants de la terre ferme, se sont vus engloutis par des inondations, les autres, qui peuplaient les eaux, ont t mis sec, le fond des mers s'tant brusquement rehauss ; des espces39 Georges Cuvier, Essay on the Theory of the Earth, 5 d., 1827, p. 13-14. (Titre franais: Discours sur les rvolutions de la surface du globe)e

ont mme disparu jamais et n'ont laiss que quelques fragments commmoratifs peine reconnaissables par le naturaliste .40

Cuvier fut surpris de constater que la vie n'a pas toujours exist sur le globe parce que des couches profondes ne contiennent pas la moindre trace d'tres vivants. Dserte, la mer semblait prparer des matriaux pour les mollusques et les zoophytes : ils sont apparus et l'ont peuple, puis quittant leurs coquilles, ils ont labor les coraux, d'abord peu nombreux puis en vastes formations. Le scientifique franais pensait que des changements avaient opr dans la nature ( et pas seulement depuis l'apparition de la vie ) car ces masses terrestres les plus anciennes semblaient elles aussi avoir subi de violents dplacements .41 42

Dans le gypse des environs de Paris, il dcouvrit une couche calcaire avec plus de 800 espces de coquillages marins ; sous ce calcaire se trouvait un dpt d'argile issu d'une eau douce. Et parmi les coquillages ( tous d'eau douce ) il y avait aussi des os, mais, chose remarquable, ils appartenaient des reptiles ( crocodiles et tortues ) et non des mammifres. Une grande par-tie de la France tait alors recouverte par la mer, puis elle est devenue un pays habit par des reptiles terrestres ; ensuite, ce processus mer/terre s'est rpt deux fois, les mammifres prenant la place des reptiles. Chaque

couche referme la preuve de son ge grce aux os et aux coquilles de animaux qui y ont t ensevelis au cours de bouleversements successifs. Ce qui s'est pass40 Ibid., p. 15. 41NdT: ce mot n'est plus utilis aujourd'hui: il a dsign une classe d'animaux dont l'aspect rappelle celui des plantes ( coraux, ponges... ), ou une classe d'tres vivants intermdiaires entres les animaux et les plantes (Linn, Par), voire des polypes (Forster, Buffon). Cuvier l'employait comme synonyme d'animaux rayonns ( polypes, mduses, chinodermes...). 42 Ibid., p. 20.

dans le Bassin parisien s'est aussi produit ailleurs, en France comme en Europe. Les couches dvoilent que : Le fil des oprations est rompu ; la marche de la Nature a chang ; et aucun des agents qu'elle emploie maintenant n'aurait suffi produire ses uvres antrieures . Nous n'avons aucune preuve que la mer puisse aujourd'hui incruster des coquilles dans des ptes aussi compactes que les marbres, les grs ou mme le vulgaire calcaire (...) En rsum, l'ensemble de tous les causes ( encore actives aujourd'hui ) ne ferait pas sensiblement varier le niveau de la mer et n'lverait pas non plus une simple strate au-dessus de sa surface (...) On a prtendu qu'elle avait subi une diminution gnrale de niveau (...) En admettant qu'il y ait eu un baisse graduelle des eaux, que la mer ait transport des matires solides dans toutes les directions, que la temprature du globe diminue ou augmente, aucune de ces causes n'aurait pu renverser nos strates, envelopper de glace les grands quadrupdes avec leur chair et leur peau, exposer l'air libre des [ animaux ] marins (...) et finalement dtruire de nombreuses espces et mme des genres entiers . Ainsi, nous le rptons, nous cherchons vainement des causes suffisantes produire des rvolutions et des catastrophes traces et signes sur la crote terrestre, dans des forces qui agissent aujourd'hui la surface de la Terre .43 45

44

Mais qu'est-ce qui pouvait avoir caus ces catastrophes ? Cuvier passa en revue toutes les

43 Ibid., p. 24. 44 Ibid., p. 32, 36-37. 45 Ibid., p. 35-36.

thories de son poque mais ne trouva pas de rponse la question qui le proccupait. Il constata seulement qu'elles avaient bel et bien eu lieu. Aprs tant d'effort infructueux , il sentit que sa qute tait vaine. Je peux dire que les ides que j'ai poursuivies jusqu' l'obsession, m'ont quasiment tortur pendant mes recherches sur les ossements fossiles .46

~ Les cavernes d'Angleterre En 1823, un professeur de l'Universit d'Oxford publia un ouvrage intitul Reliquiae Diluvianae ( Les Reliques du Dluge ), avec pour soustitre : Observations sur les restes organiques contenus dans les cavernes, les fissures et le gravier diluvien, et sur les autres phnomnes gologiques attestant l'action d'un dluge universel . Son auteur William Buckland comptait parmi les grandes autorits en matire de gologie pendant la premire moiti du XIX sicle. En visitant une grotte situe Kirkdale ( Yorkshire ), 25 mtres audessus de la valle, il dcouvrit des dents et des os d'lphants, de rhinocros, d'hippopotames, de chevaux, de cerfs, de tigres ( avec des dents plus grandes que celles du plus grand lion ou du plus grand tigre du Bengale ), d'ours, de loups, d'hynes, de renards, de livres, de lapins, ainsi que des os de corbeaux, de pigeons, d'alouettes, de bcassines et de canards, le tout dans un sol couvert de stalagmites. La plupart des mammifres taient morts avant d'avoir perdu leurs dents de lait . Bien avant Buckland, certains scientifiques avaient expliqu leur faon la prsence d'os d'lphants sur le sol anglais. Buck-land leur rpondit que l'ide qui a longtemps prvalu et qui satisfaisait les [ archologues ] du sicle dernier, affirmant que ces os taient lese

46 Ibid., p. 242.

restes d'lphants imports par les armes romaines, est rfute : d'abord parce qu'ils appartiennent une espce teinte comme le prouve leur anatomie, ensuite parce

qu'ils sont gnralement mls des os d'hippopotames et de rhinocros, animaux qui n'auraient pas pu tre affects aux armes romaines, enfin parce qu'on en a retrouv disperss en Sibrie et en Amrique du Nord [ mais ] en quantit gale ou plus grande que dans les parties d'Europe qui ont t soumises la puissance de Rome .47

Il est ainsi apparu que l'hippopotame, le renne et le bison cohabitaient Kirkdale ; que l'hippopotame, le renne et le mammouth broutaient ensemble Brentford, prs de Londres ; et que le renne et l'ours gris demeuraient avec l'hippopotame Cefn au Pays de Galles. Des squelettes de lemmings et de rennes ont t exhums dans le Sommerset avec des os de lion et d'hyne , et ceux d'hippopotames, de bisons, de chevrotains porte-musc avec des silex taills dans les graviers de la valle de la Tamise . Dans la caverne franaise de Breugue, on a dcouvert des restes de renne avec des os de mammouth et de rhinocros, nouveau dans cette argile rouge avec les mmes stalagmites . Toujours en France, dans une grotte Arcy, on a trouv des os d'hippopotame au milieu d'os de renne, ainsi qu'un silex travaill .48 49 50 51 52 53

D'aprs le Livre d'Isae ( 11:6 ) le lopard et le lion patront avec le chevreau et le veau dans les temps messianiques venir... mais aucun pro47 W. Buckland Reliquiae Diluvianae, p. 173. 48 W. B. Dawkins Proceedings of the Geological Society, 1869, p. 190. 49 NdT: petit rongeur de Scandinavie. 50 Ibid. 51 James Geikie Prehistoric Europe, 1881, p. 137; Dawkins Cave-hunting, 1874, p. 416. 52 Cuvier Recherches sur les ossements fossiles des quadrupdes, p 94. 53 E. Lartet: Reliquiae aquitanicae, p. 147-148.

phte n'aurait pu prdire qu'un renne de la Laponie et un hippopotame du fleuve Congo vivraient ensemble en Angleterre et en France. Pourtant, ces animaux ont bien laiss leurs ossements dans la mme boue, des mmes grottes, avec ceux d'autres btes, dans un assortiment

des plus tranges. Leurs ossements furent dcouverts dans des graviers et de l'argile auxquels Buckland a donn le nom de diluvium . Il cherchait tablir deux faits importants : en premier lieu, qu'une inondation rcente avait affect la totalit du globe ; en second lieu, que les animaux dont on avait trouv les os dans les restes naufrags de cette inondation taient originaires des hautes latitudes du Nord . La prsence d'animaux tropicaux dans le nord de l'Europe ne saurait tre mieux explique en supposant qu'ils se livraient des migrations priodiques (...) car, pour les crocodiles et les tortues, les longues migrations sont quasiment impossibles, ainsi que pour l'hippopotame, lourd et gauche quand il est hors de l'eau . Mais alors, comment pouvaient-ils vivre dans le froid des les Britanniques ? Buckland dclare : Il est galement difficile d'imaginer qu'ils aient pu passer l'hiver dans des lacs ou des rivires gels . En effet, les animaux terrestres sang froid sont incapables de rguler leur temprature et sont obligs de se terrer pendant l'hiver, sinon leur sang se conglerait. Comme Cuvier, Buck-land tait presque certain que si un changement climatique s'est produit, il a t soudain .54 55

A propos de l'poque de la catastrophe qui a couvert de boue et de gravats les ossements de la caverne de Kirkdale, Buckland crit : De la faible quantit de stalactites post-diluviennes, et de l'tat des os non dcomposs on peut56

54 NdT: note du latin, dluge. 55 Buckland: Reliquiae Diluvianae, p. 47. 56 Ils n'taient pas fossiliss, leur matire organique n'avait pas encore t remplace par des minraux.

dduire que le temps coul depuis l'arrive de la boue diluvienne n'a pas t d'une longueur excessive. Il pensa que la catastrophe diluvienne datait tout au plus de 5.000 ou 6.000 ans, chiffre galement adopt par Dolomieu, De Luc et Cuvier, chacun donnant ses propres raisons. Buckland ajouta ceci : Quelle qu'en fut la cause, un changement d'inclinaison de l'axe terrestre,

l'approche d'une comte, ou tout autre cause unique, combine, et d'ordre astronomique, elle pose un problme dont la discussion dpasse le propos de ce mmoire . ~ Les cimetires marins Le grs rouge est considr comme l'une des plus anciennes couches contenant des signes de vie. On n'y trouve aucune vie animale d'un degr suprieur aux poissons. Quel que soit l'ge de cette formation, elle est un prodigieux tmoignage d'une mort violente qui a frapp d'un seul coup, non pas des individus isols, mais des tribus entires . Vers la fin du XIX sicle, Hugh Miller fit du grs rouge d'Ecosse le sujet principal de ses recherches. Il observa que la terre tait devenue un vaste spulcre, depuis une profondeur situe sous le lit des mers jusqu'au dessus du niveau de la mer, spulcre au moins gal deux fois la hauteur du Ben Nevis . L'paisseur de ces grs atteint le double. Ils offrent le spectacle d'un bouleversement immobilis un moment donn et ptrifi tout jamais. Voici ce qu'en dit Miller :57 e 58

57 Hugh Miller The Old Red Sandstone, Boston, 1865 p. 48. 58 Le Ben Nevis avec ses 1343 mtres, est le point culminant de Grande-Bretagne : il est situ dans les monts Grampians. NdT: la grande moiti nord de l'Ecosse se divise en 2 rgions montagneuses principales : celle qu'on appelle parfois les Highlands du centre et qui est uniquement occupe par les monts Grampians, et celle des Highlands (ou Highlands du nord), situe l'extrme nord et occupe entre-autre par les monts de Ross. Le Highland est une rgion administrative de 26 136 km2.

La premire scne de La Tempte de Shakespeare, s'ouvre parmi la confusion et le dsordre de l'ouragan, le tonnerre et les clairs, le rugissement du vent, les cris des matelots, les vibrations des cordages et l'tourdissant fracas des vagues. Il semble que l'histoire reprsente dans les vieux grs rouges ( formant maintenant la moiti nord de l'Ecosse ) ait commenc de la mme manire (...) La vaste tendue qui englobe aujourd'hui Orkney, le Loch Ness, Dingwall, Gamrie et un peu plus, a autrefois t le dcor d'un ocan peu pro-fond, troubl par de puissants courants et agit par les vagues. Une vaste strate de

galets, de 30 90 mtres d'paisseur, subsiste dans un millier d'endroits et atteste les actions perturbantes cette poque de bouleversement . Miller constata que les masses les plus dures de la couche, des porphyres dont les artes coupent le verre aussi facilement que le silex, et les masses de quartz, qui donnent des tincelles quand elles sont frappes par l'acier, sont cependant polies et meules en forme de balles de revolver (...) Il est nanmoins difficile d'imaginer quel point le fond de la mer a d tre violemment et uniformment agit sur une si grande superficie (...) et pendant si longtemps, de faon ce que toute la rgion ait t couverte d'une couche de galets issus de toutes sortes d'anciennes roches et dont l'paisseur atteint la hauteur d'un immeuble de 15 tages .59 60

De nombreux animaux aquatiques sont imbriqus dans ces grs rouges et dans des postures peu naturelles. A l'poque o se sont constitues ces formations une terrible catastrophe a entran la mort brutale des poissons dans une59NdT: d'troites valles sparent les Highlands du nord et les Grampians : le Loch Ness est situ dans l'une d'elles, ct Grampians. Dingwall est une ville ct Highlands du nord, quelques dizaines de kilomtres au nord du Loch Ness. 60 Ibid. p. 217-218.

rgion dont les frontires sont distantes de 160 km ou plus. La plate-forme d'Orkney, comme celle de Cromarty, est recouverte d'une grande paisseur de fossiles qui portent les signes rvlateurs et sans quivoque d'une mort violente. Les corps sont courbs, contracts, contorsionns ; la queue est souvent arque jusqu' la tte, l'pine dorsale saillante, les nageoires dployes l'extrme, comme chez les poissons morts de convulsion. Le Pterichthys a les bras carts de faon raide, comme s'il se prparait rencontrer un ennemi. Sur cette plateforme, les attitudes de tous les ichthyolites [ tout poisson fossile ] dnotent la crainte, la fureur et la douleur. D'autre part, ils ne semblent pas avoir t touchs ultrieurement61

par de quelconques prdateurs; aucun de ceux-ci ne parat avoir survcu. Le tableau montre une destruction la fois tendue et totale . Quelle action destructrice pourrait expliquer le brusque anantissement d'innombrables existences dans une rgion qui s'tend peut-tre sur 25000 km ? ... L'imagination ne sait par o aborder cette nigme et cherche vainement sa solution en passant en revue tous les phnomnes connus relatifs la mort , commente Miller.62 2 63

Aucune maladie, quelle que soit sa virulence, ne pourrait lucider certains phnomnes constats dans cet immense cimetire : il est rare qu'une pidmie touche galement et simultanment diffrentes espces animales et jamais elle ne frappe avec une telle soudainet. Pourtant, ce plateau contient 10 12 genres distincts, et donc de multiples espces. L'agent destructeur s'est manifest si rapidement que ses victimes sont restes figes dans une attitude de surprise et de terreur.61 Espce de poissons teinte, dont la moiti du corps (antrieure) est revtue de plaques osseuses, avec deux nageoires antrieures qui ressemblent plus des bras, et qui lui donnent un aspect cuirass, blind . 62 Miller The Old Red Sandstone, p. 222. 63 Ibid. p. 223.

La superficie de grs rouge ancien prospecte par Miller comprend une moiti de l'Ecosse, depuis le Loch Ness jusqu' l'extrmit nord, et les les Orcades : Des millier d'endroits offrent le mme spectacle de destruction. Mais ce spectacle se reproduit ailleurs, tout autour du globe, dans des formations identiques ou dissemblables. Buckland crit au sujet de Monte Bolca ( prs de Vrone, au nord-est de l'Italie ): D'aprs les circonstances dans lesquelles on les trouve, les poissons fossiles de Monte Bolca semblent avoir pri d'un seul coup. (...) Leurs squelettes reposent paralllement aux lames de la couche d'ardoise [ schiste argileux ] calcaire ; ils sont toujours entiers et presss les uns contre les autres. (...) Ils ont d tous mourir soudainement (...) et ont t rapidement ensevelis dans le sdiment calcaire

quand celui-ci se dposait. Nous sommes srs qu'ils ont t enterrs avant que la dcomposition de leurs parties molles ne commence, [ car ] la peau de certains individus a conserv des traces de couleur . Le mme auteur, parlant des dpts de poissons fossiles dcouverts en Allemagne dans le massif du Harz, s'exprime ainsi : Un autre dpt bien connu est celui du schiste argileux cuprifre qui entoure le Harz. La plupart des poissons qu'on y a trouv ( Mansfeld, Eisleben, etc. ) ont une attitude contorsionne, souvent attribue au fait de s'tre tordu de douleur dans les affres de la mort. (...) Comme ces fossiles ont conserv cette attitude rigide aprs la mort, il en rsulte qu'ils ont t ensevelis avant le dbut de la putrfaction, et apparemment dans la mme boue bitumineuse, dont l'arrive massive avait caus leur anantissement . L'histoire de leur supplice, de leur fin subite et de leur mise en bire immdiate nous est64 65

64 W. Buckland Geology and Mineralogy Philadelphia, p. 101. 65 Ibid., p. 103.

conte par le grs rouge du nord de l'Ecosse, par le calcaire de Monte Bolca en Italie, par l'ardoise bitumineuse de Mansfeld en Allemagne ; mais aussi par la couche de charbon de Sarrebruck en Allemagne, les plus clbres dpts de poissons fossiles en Europe ; par l'ardoise calcaire de Solenhofen, par l'ardoise bleue de Glaris, par les marnes d'Oensingen en Suisse, et celles d'Aix-en-Provence, pour ne mentionner que quelques-uns des sites europens les plus connus.66

En Amrique du Nord, de pleins paquets de splendides poissons prservs sont visibles dans le calcaire noir de l'Ohio et du Michigan, dans le lit de la Green River en Arizona, dans les couches de diatomes de Lompoc en Californie, et dans beaucoup d'autres formations . Ainsi, pendant les cataclysmes des premiers ges, des poissons sont morts dans d'atroces conditions, et le sable et le gravier des fonds marins soulevs ont recouvert leurs tombes aquatiques.68

67

66 Mlange d'argile et de calcaire. 67 Algue unicellulaire, qui abonde dans les eaux sales et qui vit aussi en eau douce, microscopique mais nanmoins magnifique ( elle est entoure d'une coque de silice finement ornemente, plus ou moins dore ). Les nombreuses espces de diatomes sont des lments majeurs du plancton. 68 George MC Credy Price, Evolutionary Geology and New Catastrophism, 1926, p. 236; J.M. Macfarlane, Fishes the Source of Petroleum, 1923.

~3~ L'Uniformit

~ La doctrine de l'Uniformit Du dbut de la Rvolution franaise de 1789 jusqu' la bataille de Waterloo de 1815, l'Europe vcut dans un tourbillon : la France dcapita son roi et sa reine et de nombreux rvolutionnaires les suivirent leur tour sur l'chafaud. L'Espagne, l'Italie, l'Allemagne, l'Autriche et la Russie devinrent le thtre d'oprations militaires. La Grande-Bretagne faillit tre envahie ; sa flotte combattit le tyran surgi de l'arme rpublicaine Trafalgar. Mais aprs 1815 tout le monde aspira la paix et la tranquillit. Avec la Sainte-Alliance, l'Europe mena une politique visant rprimer tout mouvement subversif et l'Angleterre s'installa dans le conservatisme. Son le ne fut pas atteinte par la vague rvolutionnaire de 1830. Dans un climat issu des troubles de la Rvolution et des guerres napoloniennes, il ne faut donc pas s'tonner que la thorie de l'uniformit ait t bien accueillie et qu'elle ait immdiatement prvalu parmi les sciences naturelles. Selon elle, le dveloppement de la surface du globe s'est poursuivi sans heurts travers les diffrents ges de la Terre ; les trs lents changements que nous observons actuellement ont constitu depuis les temps premiers les seuls faits de relle importance.

Cette thorie, propose d'abord par Hutton en 1795 et ensuite par Lamarck en 1800, fut promue au titre de loi scientifique par le jeune avocat Charles Lyell ; en effet, l'intrt qu'il portait la gologie allait lui donner la premire place dans ce domaine. Quant Charles Darwin, un de ses disciples, il difia sa Thorie de l'volution sur le principe d'uniformit nonc par son matre et ami. L'volutionniste moderne H.F. Osborn, a crit : La continuit actuelle implique l'improbabilit des catastrophes dans le pass, ainsi que des changements violents, que ce soit dans le monde anim ou minral. En outre, nous cherchons interprter les changements du pass et leurs causes travers ceux que nous observons actuellement. Tel fut le secret de Darwin qu'il tenait de Lyell . C'est avec une dialectique convaincante que ce dernier prsenta son dossier.69

Selon lui, le vent, la chaleur solaire et la pluie pulvrisent progressivement les roches l'air libre... Les cours d'eau entranent les rsidus vers la mer. Ce processus perptuel rode inlassablement les continents mergs, et finit par dgrader de vastes tendues. Alors, la masse terrestre se soulve de nouveau comme un lent mouvement respiratoire ; le fond de la mer s'affaisse et l'miettement des roches recommence. Les terres s'lvent et forment une vaste pnplaine o l'action de l'eau et du vent trace ensuite des sillons ; peu peu, le plateau se change en une chane de plis montagneux. Un temps infini s'coule ; les pics s'croulent sous les coups incessants du vent et de l'eau qui les emportent grain par grain jusqu' la mer, laquelle son tour fait disparatre la terre sous un faible volume d'eau, puis se retire lentement. Aucune grande catastrophe ne vient transformer la surface du sol. Sans vouloir minimiser les rsultats de l'activit sporadique des volcans, il n'estimait pas qu'elle et sur le relief un effet comparable celui des cours d'eau, du vent et des70

69 H. F. Osborn The Origin and Evolution of Life , 1917, p. 24. 70 Surface faiblement onduleuse portant des sols rsiduels.

vagues marines. On n'a pas dtermin la cause de ce mouvement extrmement lent d'lvation et d'affaissement. Les gologues du XVIII sicle prtendaient avoir observ une lgre variation graduelle du niveau de la mer Baltique en prenant la cte du golfe de Botnie comme ligne de rfrence. Au cours des temps gologiques , des processus du mme ordre auraient entran tous les changements qui se sont produits sur la Terre : montagnes majestueuses qui tantt s'levrent tantt s'aplanirent ; littoral qui avanait et reculait une cadence lente ; couverture terrestre redistribue par la pluie et le vent. Selon l'uniformitarisme, les changements qui ont eu lieu autrefois se passent encore sous nos yeux ; ce sont non seulement les transformations progressives et non dcelables de la Nature, mais aussi la faible intensit des phnomnes physiques actuels que l'on prend pour critres. Sachant que cette thorie est enseigne dans tous les tablissements scolaires et que l'on peut tre accus d'hrsie en la contredisant, il nous faut donc reproduire ici quelques-unes des dclarations que Lyell a faites dans ses Principes de gologie. Elles ont servi de manifeste ou de credo tous ses disciples, qu'ils s'appellent uniformistes ou volutionnistes :e 71

Il a t notoirement reconnu que, lorsque nous classons les formations fossilifres par ordre chronologique, elles constituent des sries incompltes ou interrompues. Nous passons sans gradations intermdiaires des systmes de couches horizontaux des systmes fortement inclins : d'un assemblage de vestiges organiques un autre,71 NdT: bras de la mer Baltique encadr l'est par la Finlande et l'ouest par la Sude.

dans lesquels les espces reprsentes et une grande partie des genres sont diffrents. Ces solutions de continuit sont si frquentes que dans la plupart des cas, elles sont la rgle plutt que

l'exception et beaucoup de gologues considrent qu'elles plaident en la faveur des brusques transformations du monde anim et inanim72

. Il reconnaissait ainsi que la surface de la Terre semble avoir subi des changements importants, violents et soudains ; mais il estimait que la documentation s'y rapportant tait incomplte et que la plupart des preuves manquaient : Grce aux lments solides constituant la lithosphre nous avons une chane permettant de suivre la succession chronologique des vnements naturels, mais il y manque de nombreux maillons .73

Pour rendre cette ide plus plausible, il empruntait un exemple aux socits humaines : lorsqu'on procde chaque anne un recensement dans 60 rgions, l'accroissement de la population s'avre peu important et progressif ; mais s'il tait effectu toujours annuellement chaque fois dans une rgion diffrente, et seulement dans l'une d'elles, l'augmentation du nombre d'habitants de chaque rgion entre deux pointages espacs de 60 ans paratrait trs grande et semblerait se produire par coups. Lyell soutenait que l'explication des dpts gologiques s'appuie sur un cheminement de pense comparable. La thorie de l'uniformit ( ou des changements graduels dans le pass, valus par l'importance des changements observs dans le prsent ) ne dispose, il le reconnaissait, d'aucune preuve positive tant donn que l'corce terrestre ne nous livre pas son72 Sir Charles Lyell Priciples of Geology, 12e d., 1875, 1, p. 298. 73 Ibid, p. 299.

histoire complte. La thorie, s'difiant sur le principe d'argumentum ex silentio, c'est--dire d'argument par dfaut, exigeait d'autres analogies : Supposons que nous ayons dcouvert deux villes enfouies au pied du Vsuve, l'une construite directement au-dessus de l'autre mais spares par

une grande masse de tuf et de lave... Un archologue pourrait se servir des inscriptions releves sur les difices publics pour dire que les habitants de la ville infrieure et plus ancienne taient grecs et ceux de la ville rcente, italiens. Mais il tiendrait un raisonnement htif en dduisant de ces mmes lments que la langue parle en Campanie tait directement passe du grec l'italien. Si d'aventure, il dcouvrait par la suite trois villes enfouies et superposes, la ville intermdiaire tant romaine. Il douterait alors du bien-fond de sa premire opinion et ne serait pas loin d'admettre que d'une part, les catastrophes responsables de l'engloutissement des villes pouvaient avoir eu un rapport avec les fluctuations du langage de leurs habitants, que de l'autre, le latin tant intervenu entre le grec et l'italien, d'autres dialectes avaient sans doute t parls successivement, qu'enfin le passage du grec l'italien avait pu tre trs graduel . Ce passage frquemment cit constitue un exemple malheureux : en essayant de prouver qu'il n'y a pas eu de changements brusques, Lyell a paradoxalement choisi le rsultat de violentes catastrophes puisque les villes dont il parle sont spares par des couches de lave. C'est aussi celui de beaucoup d'tudes gologiques. L'emploi d'un tel exemple l'appui de l'uniformit procde d'une dialectique spcieuse.74

74 Ibid, p. 316.

La comparaison est suivie d'une attaque d'autant plus vhmente que l'ide expose ne peut remplacer les preuves gologiques. Ainsi, Lyell dclare : Il est vident que les gologues de jadis n'avaient qu'une faible connaissance des transformations causes par le vent, l'eau courante et d'autres forces agissantes mais que de plus, ils taient bien inconscients de leur ignorance. Avec la prsomption que celle-ci leur inspirait naturellement, ils

n'hsitrent pas proclamer que le temps n'aurait jamais pu permettre la nature de produire des mouvements tectoniques de faible amplitude, et encore moins des bouleversements importants, tels que ceux rvls par la gologie .75

Et il continue : Jamais dogme n'a t chafaud de faon aussi dlibre pour encourager la paresse et mousser la curiosit scientifique, que cette hypothse fonde sur la discordance entre les causes anciennes et actuelles ; il a cr une mentalit qui se prte extrmement mal accueillir sans parti pris les modifications minimes mais incessantes, que l'corce terrestre subit dans chacune de ses parties76

. Au dbut, ce plaidoyer fut seulement dfensif car la position manquait d'appuis solides. Puis, comme si les comparaisons avec les situations humaines pouvaient tre assez concluantes pour se substituer la carence des tmoignages de la Nature, il prit un ton intransigeant : C'est pourquoi, il faut exclure les concepts qui admettent la75 Ibid., p. 317. 76 Ibid., p. 318.

possibilit de catastrophes soudaines et violentes, et de rvolutions affectant la Terre entire comme ses habitants ; nous rejetons les thories qui laissent transparatre le dsir de trancher le nud gordien plutt que de le dnouer avec patience et ne sont limites par la moindre rfrence des analogies videntes .77

En dpit de ce langage premptoire, l'ide que ce qui ne se produit pas dans le prsent ne s'est pas produit dans le pass constitue une limitation volontaire. Plutt mme qu'un principe scientifique, c'est davantage une profession de foi. D'ailleurs, Lyell termine dans le mme esprit son chapitre clbre par une incitation et un prcepte destins ses disciples : Si, en dfinitive, le

chercheur admet que les modifications anciennes et actuelles de la surface terrestre ont entre elles une certaine ressemblance voire une parfaite similitude, il considrera tous les faits notables concernant les forces agissant quotidiennement, comme la clef qui lui permettra d'expliquer certains mystres du pass .78

~ L'hippopotame L'hippopotame habite les grands cours d'eau et les marais africains. On ne le rencontre en Europe ou en Amrique que dans les jardins zoologiques o il passe la plus grande partie de son temps vautr dans un bassin d'eau boueuse. Aprs l'lphant, c'est le plus gros animal terrestre. On a relev ses traces loin de son habitat coutumier, jusque dans le Yorkshire en Angleterre. Voici comment Lyell expliquait ainsi sa prsence en Europe : Le gologue peut se livrer maintes77 Ibid. 78 Ibid., p. 319.

hypothses sur l'poque laquelle des troupes d'hippopotames abandonnrent les rivires de l'Afrique du Nord, le Nil, par exemple, nageant en t le long des ctes mditerranennes vers le Nord, s'arrtant l'occasion pour visiter les les voisines. Ils ont pu y aborder pour patre ou brouter, y sjourner quelque temps et reprendre leur route vers le Nord. D'autres entreprirent peut-tre pendant la saison chaude la traverse de l'Europe en empruntant les rivires espagnoles et franaises jusqu' la Somme, la Tamise ou la Severn, pour repartir opportunment en direction du Sud avant la venue de la neige et de la glace .79

Digne du pome mythique relatant l'expdition des Argonautes, cette vocation d'un priple qui les aurait mens depuis lAfrique jusqu' l'antique Albion, semble tire d'un conte idyllique. Dans la grotte Victoria prs de Seule ( ouest du Yorkshire ) 440 mtres au-dessus du

niveau de la mer, on a dcouvert, sous 4 mtres de dpts argileux contenant des rocs fortement stris, d'abondants restes de mammouths, de rhinocros, d'hippopotames, de bisons, d'hynes et d'autres animaux. Des restes d'hippopotames voisinent avec ceux de mammouths, de rhinocros et de lions dans les nombreuses cavernes du Vale of Clwyd. Particulirement dans celle de Cae Gwyn, les fouilles ont tabli sans conteste que les ossements avaient t fort drangs par l'action de l'eau . Le sol de cette grotte fut recouvert ensuite par des argiles et du sable contenant des cailloux trangers au site. Ce fait semble prouver que celles qui sont aujourd'hui 120 mtres d'altitude, ont d tre submerges bien aprs leur occupation par des hommes ou des animaux...79 Charles Lyell Antiquity of Man, 1863, p. 180.

leur contenu a d tre dispers par l'action de la mer pendant la grande submersion des poques glaciaires intermdiaires, puis recouvert par des sables marins , crit H. B. Woodward.80

Ainsi, non seulement les hippopotames nageaient vers l'Angleterre et parcouraient le Pays de Galles pendant les douces nuits d't, mais en plus ils escaladaient les montagnes afin de mourir en paix dans les grottes parmi d'autres animaux ; pendant ce temps, la glace, approchant avec douceur, rpandait tendrement de petits cailloux sur le corps de ces voyageurs assoupis alors que la contre, ses collines et ses cavernes glissaient doucement sous le niveau de la mer et que de faibles courants caressaient les cadavres et les recouvraient de sable rose. Les partisans de l'uniformit soutenaient trois affirmations : 1 ) une poque relativement rcente, le climat des les britanniques tait si chaud que les hippopotames s'y rendaient en t. 2 ) ces les se tassrent au point que les montagnes

furent envahies par la mer. 3 ) le sol reprit son altitude actuelle ; tout cela s'tant pass sans que la Nature ait agi avec violence. D'autre part, serait-il impossible qu'une vague norme ait travers le pays, se soit engouffre dans les grottes pour les remplir de sable et de gravier marin ? Le sol s'est-il affaiss puis exhauss la suite d'un phnomne naturel qui modifia aussi le climat ? Prises de panique, les faunes terrestres et marines se sont-elles affoles dans une fuite per80 Geology of England and Wales, 2 d., 1887, p. 543.

due ds les prmices de la catastrophe, poursuivies par la mer qui vint les asphyxier dans les cavernes, devenues leur dernier refuge et leur spulture ? Ou encore la mer les arracha-t-elle l'Afrique pour les jeter en tas sur les les britanniques et ailleurs, en les recouvrant de terre et de dbris marins ? Pourtant, les entres de certaines grottes taient trop troites et les grottes trop exigus pour accueillir et abriter des btes aussi volumineuses que des hippopotames et des rhinocros. Peu importe de savoir quelle supposition est exacte : qu'ils aient vcu en Angleterre ou y aient t prcipits par l'ocan, qu'ils se soient rfugis dans des cavernes ou que les cavernes ne leur aient servi que de tombeaux, la prsence de leurs ossements en Grande-Bretagne et au fond de ses eaux est le signe d'un grand bouleversement mondial. ~ Icebergs La thorie propos des cataclysmes du pass n'tait pas compatible avec les enseignements alors en vigueur. Ceux-ci attribuaient la distribution des dpts drivs et des blocs erratiques l'action de l'eau, sous forme de puissants raz-de-mare venus se briser sur les continents. Il fallait faire appel un processus capable du mme travail, mais en un laps de temps infiniment plus81

long. Les navigateurs nordiques ayant observ des icebergs dans lesquels taient enclavs des morceaux de rocs, Lyell affirma que ces glaces flottantes dtaches des inlandsis qui descendent des ctes montagneuses jusqu' la mer transportaient les roches travers les ocans. Si, disait-il,81 Dbris rocheux, d'argile et de matire organique recouvrant les terrains continentaux.

nous considrons la longueur des poques gologiques et que nous y ajoutons les proprits des icebergs, nous pouvons expliquer la prsence des blocs erratiques et celle des graviers sur le sol. Comment se fait-il qu'il y en ait loin du littoral ? Lyell enseignait que la Terre avait t submerge, puis que les icebergs passant au-dessus s'taient dlests de leurs charges, et qu'ensuite le sol s'tait soulev les ramenant l'air libre. Quant ceux que l'on trouve sur les montagnes, il les expliquait peu prs de la mme faon. Car pour justifier leur provenance, il fallait admettre la submersion de vastes parties de continents une poque relativement rcente. Par exemple dans les Berkshires, les blocs erratiques sont parfois aligns en files interminables. Mais les icebergs ne pouvaient pas avoir t des transporteurs intelligents et Lyell dut bien percevoir la faiblesse de sa thorie. La seule possibilit connue cette poque tait le raz-de-mare. Mais il avait pris les catastrophes en aversion ; il les dtestait, tant celles de la vie politique europenne que celles provoques par la Nature, un tel point que son autobiographie commence par un souvenir significatif qui l'avait profondment marqu : J'avais quatre ans et demi quand survint un accident que je ne suis pas prs d'oublier . Sa famille se trouvait en voyage dans deux voitures une tape et demie d'Edimbourg. Nous arrivions sur une route troite flanque d'une falaise abrupte, surplombant un profond ravin sans parapet. Soudain, un troupeau de moutons fit irruption. Leur apparition effraya les chevaux de la

premire voiture... Ils s'emballrent : chaise de poste, cocher, attelage, tout versa en un instant . Ses occupants furent sortis par la vitre brise, il y eut un peu de sang, quelqu'un s'vanouit . L'incident82

82 Charles Lyell Life, Letters and Journals, 1881, I, p. 2.

s'imprima comme le premier et le plus vif souvenir d'enfance dans la mmoire de celui qui allait devenir le pre de l'uniformatirarisme .83

~ Darwin en Amrique du Sud Aprs avoir abandonn ses tudes de mdecine Edimbourg, Charles Darwin reut son diplme de thologie au Christ College de Cambridge. En dcembre 1831 il s'embarqua comme naturaliste bord du bateau Beagle pour mener pendant 5 ans une expdition scientifique autour du monde. Le livre frachement publi par Lyell Les Principes de la gologie devint sa bible et il ddia lauteur la deuxime dition du Journal qu'il crivit au cours de son voyage. Ce fut la seule enqute gologique et palontologique laquelle Darwin se soit livr sur le terrain ; il y acquit une exprience dont il tint compte tout au long de sa vie: Les observations effectues pendant mon priple furent l'origine de toutes mes vues . Il avait dcid de se rendre dans l'hmisphre austral et plus particulirement en Amrique du Sud, continent qui attirait les naturalistes depuis les voyages d'exploration d'Alexandre de Humboldt . Darwin fut impressionn par les innombrables fossiles d'espces animales teintes, la plupart de tailles bien suprieures celles vivant aujourd'hui. Ils voquaient l'existence d'une faune prospre, subitement raye du globe une poque gologique relativement proche de nous. Ainsi, la date du 9 janvier 1834 on lit dans ses notes : Il est impossible de rflchir aux changements survenus dans le continent amricain sans prouver le plus profond tonnement. Jadis, de84 85

83 Note JdL: On reconnat ici la formation de psychiatre de Velikovsky.

84 Nom du navire bord duquel Charles Darwin, alors jeune naturaliste, fit son voyage autour du globe. 85 1799-1804.

monstres normes y grouillaient : maintenant, nous n'y trouvons plus que des Pygmes en comparaison de leurs prdcesseurs prhistoriques . Il ajoute : La plupart d'entre eux, voire la totalit, vivaient une priode rcente : ils furent contemporains de la majorit des coquillages marins actuels. Depuis leur poque, il n'a pu se produire de grands changements dans la configuration du pays. A quoi attribuer l'extermination de tant d'espces et de genres entiers ? On pense d'abord irrsistiblement quelque grande catastrophe. Mais pour dtruire ainsi tous les petits et gros animaux de la Patagonie mridionale, du Brsil, de la Cordillre des Andes et ceux de l'Amrique du Nord jusqu'au dtroit de Bering, il nous faudrait branler toute la structure du globe . Un vnement de ce type tant exclu de toutes les considrations imaginables, Darwin ne concevait pas d'explication plausible : Il tait difficile d'admettre qu'une variation de temprature ait simultanment dtruit les habitants des rgions tropicales, tempres et polaires de chaque ct du globe . De plus, il tait certain que l'homme n'avait pu tre cet agent destructeur : Mme s'il avait attaqu tous les grands animaux, aurait-il aussi t capable d'anantir les nombreux petits rongeurs et quadrupdes ? demandaitil... Nul n'imaginera qu'une scheresse... ait pu dtruire tous les individus de toutes les espces depuis la Patagonie jusqu'au dtroit de Bring. Et que dire de l'extinction du cheval ? Ces plaines ont-elles manqu de pturages, elles qui ont t parcourues par des milliers de troupeaux issus des montures qu'amenrent les Espagnols ? Et sans prendre position, il terminait en disant : Dans la longue histoire du monde, rien n'est aussi tonnant que ces incroyables exterminations plusieurs fois rptes . De ses incertitudes naquit l'ide que l'extinction des espces tait le prlude de la slection naturelle.86

86 Charles Darwin Journal of Researches into the Natural History and Geology of the Countries Visited During the Voyage of H.M.S. Beagle round the World , la date du 9 janvier 1834.

~4~ La Glace

~ L'origine de la thorie glaciaire En 1836, le jeune gologue et palontologue Louis Agassiz se rendit sur un glacier des Alpes pour prouver au professeur Jean Charpentier, naturaliste comme lui, quel point les ides proposes par A. Bernardi taient fausses. En effet, appartenant l'cole forestire d'une petite ville, Bernardi soutenait qu'une grande partie de l'Europe avait t recouverte de glace. Quatre ans auparavant, il avait crit : La glace polaire est jadis arrive jusqu' la limite Sud de la zone qui reste marque par la prsence de blocs erratiques . Le botaniste C. Schimper, ayant probablement eu la mme ide, venait de forger l'expression die Eiszeit et avait russi convaincre le professeur Charpentier. Dabord sceptique, Louis Agassiz changea davis et devint l'acteur principal de cette nouvelle thorie. Il construisit une cabane sur les bords de l'Aar et s'y installa afin d'observer les mouvements de la glace, ce qui lui valut l'attention des spcialistes et des curieux de toute l'Europe.87 88

Son tude rvla que les glaciers alpins peu87 A. Bernard: Wie kamen die aus dem Norden stammenden Felsbruchstcke und Geschiebe, welche man in Norddeutschland und den benachbarten Landern findet, an ihre genenwar tingen Fundorte ? Jahrbuch far Mineralogie, Geognosie und Petrefactenkunde, 1832, ni, p. 57-67. 88 Le temps des glaces.

vent avancer de quelques mtres par jour cause de leur poids et charrient les dbris arrachs sur leur passage. Certains d'entre eux sont rejets sur les cts et forment les moraines latrales ; d'autres sont pousss par le front qui avance et constituent les moraines terminales ( ou frontales ). Lorsque le glacier fond et par consquent recule les rocs dtachs restent l o ils se trouvaient lors de sa plus grande expansion. Agassiz admit que les blocs arrondis ou anguleux du Jura y avaient t apports par la glace venue des Alpes et que les tranes de moraines d'Europe du Nord et d'Amrique avaient t formes par les glaciers gigantesques qui recouvraient autrefois la quasi-totalit de ces continents. Il affirma que les dpts avaient t transports puis laisss sur place par la couche glaciaire , que celle-ci avait stri le sol avec les fragments de pierres dures dont elle s'tait arme, qu'elle avait poli les pentes des valles par frottement et creus enfin le lit des lacs. Agassiz tendit le rsultat de ses observations ( qui se limitaient la Suisse et aux pays voisins ) aux autres parties du monde. Il partit en Angleterre pour exposer les consquences de ses recherches devant d'autres minents gologues et obtenir l'aide ncessaire afin d'tre accept par le milieu scientifique. En se souvenant de son isolement scientifique, il a confi sa femme : De tous les naturalistes plus gs que moi, un seul me donna son appui : le docteur Buckland, doyen de Westminster... Nous nous rendmes en Ecosse ( c'est un des plus doux souvenirs de ma vie ). Comme nous approchions du chteau du duc d'Argyll, bti au cur des Highlands et qui me rappelaient certains paysages suisses, je dis Buckland: " Nous allons bientt trouver nos premires traces de glaciers " Ds l'entre de la valle, nous passmes par-dessus une ancienne moraine frontale qui89

89 Murchison et Buckland auteur des Reliquiae Diluvianae.

la barrait demi. C'tait bien le lieu propice une rvlation : Agassiz avait fait un adepte .90

Quelques semaines plus tard, le 4 novembre, il fit un

expos la Socit gologique de Londres, rsumant cette excursion sous l'angle de la thorie glaciaire ; Buckland, prsident de l'association, lui succda la tribune. Son expos traita le mme sujet. Quelques jours avant la sance, il avait crit Agassiz pour l'informer du succs de sa mission : Lyell a compltement adopt votre thorie ! Lorsque je lui ai montr un magnifique groupe de moraines 3 km du domicile de son pre, il s'y est rang sur-le-champ, car elle rsout une foule de problmes qui l'embarrassait jusqu' prsent .91

Moins de trois semaines aprs cet pisode, c'est-dire le lendemain de l'intervention des deux orateurs, il rdigea une dclaration htive dans laquelle la prsence des moraines en Grande-Bretagne tait explique la lumire des enseignements d'Agassiz. A la sance du 4 novembre, Murchison avait tent une contreattaque. Elle ne produisit gure d'effet, bien qu'il se soit montr vraiment loquent. La mme anne, Agassiz publia sa thorie dans un ouvrage intitul Etudes sur les glaciers : Le sol de l'Europe, orn nagure d'une vgtation tropicale et habit par des troupes de grands lphants, d'normes hippopotames et de gigantesques carnassiers, s'est trouv enseveli subitement sous un vaste manteau de glace recouvrant indiffremment les plaines, les lacs, les mers et les plateaux. Aux mouvements d'une puissante cration succdrent le silence et la mort.90 Louis Agassiz His Life and Correspondance, d. Elizabeth Cary Agassiz, 1893, i, p. 307. 91 Ibid.., p. 309.

Les sources tarirent, les fleuves cessrent de couler et les rayons du soleil, en se levant sur cette plage gele ( si toutefois ils arrivaient jusqu' elle ), n'y taient salus que par les sifflements des vents du Nord et par le tonnerre des crevasses qui s'ouvraient la surface de ce vaste ocan de glace .

92

De son propre aveu, il considrait que le dbut et la fin de la glaciation rsultaient d'vnements catastrophiques, ne niant pas que les mammouths de Sibrie aient pu tre congels en un instant grce au rapide envahissement du globe par la glace. Il admettait que des cataclysmes successifs se soient produits l'chelle mondiale accompagns d'une chute de temprature, et que les priodes glaciaires ( car il y en avait eu plus d'une ) se soient chaque fois termines p