Les Afro-amaéricains du XVIIe siecle à nos jours

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L'Amérique ne fut jamais la société Blanche qu'elle prétendit être, mais une société multiraciale et métissée, qui entreprit de nier la présence en son sein des Indiens, des Noirs, des mulâtres, et autres quarterons. Du XVIIe au Xxe siècle, de l'esclave peinant dans les champs de coton à l'avocat noir respectable ou encore au jeune caïd du ghetto, ce fut une aventure éprouvante et violente, une longue marche pour la liberté, l'egalite et une place dans l'Histoire. Au cours des siècles, les Noirs du nouveau continent furent désignés sous toutes sortes de vocables, tout d'abord « esclaves », ils devinrent « affranchis », puis « nègres » et « gens de couleurs » ; « noirs » et aujourd'hui « afro-américains ». Chaque terme illustre la place reconnue aux Noirs au cours des années dans la société américaine, ou de leurs aspirations. Comment l'Afro-américain est-il passé de son statut d'indigène à celui de citoyen reconnu?

Transcript of Les Afro-amaéricains du XVIIe siecle à nos jours

L'Amérique ne fut jamais la société Blanche qu'el le prétenditêtre, mais une société multiraciale et métissée, qui entreprit denier la présence en son sein des Indiens, des Noirs, desmulâtres, et autres quarterons. Du XVI Ie au XXIe siècle, del 'esclave peinant dans les champs de coton à l 'avocat noirrespectable ou encore au jeune caïd du ghetto, ce fut uneaventure éprouvante et violente, une longue marche pour lal iberté, l 'egal ité et une place dans l 'Histoire. Au cours dessiècles, les Noirs du nouveau continent furent désignés soustoutes sortes de vocables, tout d'abord « esclaves », i lsdevinrent « affranchis », puis « nègres » et « gens de couleurs» ; « noirs » et aujourd'hui « afro-américains ». Chaque termeil lustre la place reconnue aux Noirs au cours des années dansla société américaine, ou de leurs aspirations.

Comment l 'Afro-américain est-i l passé de son statut d'indigèneà celui de citoyen reconnu?

I ) La traite des Noirs

C'est à la fin du XVe siècle, alors que l'esclavage tend à disparaître en Europe, qu'ilréapparaît sous sa forme la plus inhumaine dans les territoires nouvellement découvertespar les Européens. Ce sont les Espagnols, bientôt suivis des grandes puissances maritimes– le Portugal, la France, la Grande-Bretagne – qui entreprennent d'exploiter les richessesde ces terres (sucre, café, cacao, tabac, riz, plus tard coton et indigo). L'essor ducapitalisme dans l'Europe du XVIIe siècle créait une vaste catégorie de consommateurs,avides de ces denrées de luxe. Les fermes devenues des plantations exigeaient une main-d’œuvre abondante et bon marché.

Où trouver les travailleurs susceptibles de générer le plus de profit, c'est-à-dire n'exigeantaucun salaire, dédiés corps et âmes à la tâche qui leur est assignée et ne coûtant à leuremployeur que le strict nécessaire pour assurer le renouvellent de leur force de travail ? Enun mot, où trouver les esclaves qui permettraient d'exploiter les richesses coloniales ?

Les colons commencèrent par faire travailler les Indiens qui vivaient dans les régionsconquises mais ces derniers prenaient facilement la fuite à travers un pays dont ilsconnaissaient chaque buisson, ou mourraient par centaines, victimes des maladiestransmises par les Européens et jusqu'alors inconnues. De plus,en 1530, à la suite desinterventions de Bartholomé de Las Casas, moine dominicain espagnol, le roi d'Espagneinterdit qu'ils soient réduits en esclavage.

Réduire des chrétiens enesclavage, il ne faut pas y songer.L’Europe est chrétienne etl'Amérique fourmille demissionnaires dont le but est deconvertir les populations locales àl’Évangile. Et puis les blancsmiséreux capturés sur le vieuxcontinent auraient fait l'affaire,mais ils peuvent se protéger dequelque protectiongouvernementale, et ils sefondaient aisément dans la foule decolon.L’Asie est géographiquement peurentable. Le choix se porte alorstout naturellement sur lesAfricains, physiquement plusrésistants que les Indiens,immédiatement repérables grâce àleur couleur, peu susceptibles derecourir à la fuite à travers unterritoire totalement inconnu, etdépourvus de toute protection dansun monde colonial qui avaitentrepris de dépecer le continentafricain. Une traite odieuse se metdonc en place dont les enjeux sontrésumés dans la célèbre phrase queVoltaire met dans la bouche d'unesclave mutilé dans Candide auSurinam : « C'est à ce prix-là que

vous mangez du sucre ». Pour justifier leurs actes les esclavagistes inventèrent desraisons scientifiques et morales, tentant ainsi de légitimer la suprématie blanche sur lereste du monde. Ils en appelèrent à l’ infériorité naturelle des « nègres » et s’appuyèrentsur la Bible. Ils disaient devoir convertir les Africains au christianisme pour sauver leursâmes.

Selon le schéma bien connu du commerce triangulaire, les bateaux négriers quittentl'Europe en emportant armes, vêtements, outils, bijoux de pacotille, etc. Ils se rendent enAfrique où ils troquent cette marchandise contre des esclaves capturés parfois le long des

côtes d'Afrique occidentale ou à l'intérieur des terres par des trafiquants arabes ouafricains, mais le plus souvent fournis par les chefs de tribus locaux, qui se chargeaient deprocurer les captifs en nombre suffisant. Ceci s'explique par le fait que l'esclavage étaitchose courante en Afrique. Les victimes de guerres tribales, les prisonniers se trouvaientréduis à l'asservissement, mais sans que cela ne les marque d'un statut d'infériorité quant àleurs origines ou à la couleur de leur peau. Les esclavagistes choisissaient donc leurs

futurs esclaves parmi toutes les catégories sociales d'Afrique (victimes de guerres tribales,les prisonniers,nobles, paysans. . .) et ne faisaient pas de distinction entre hommes, femmeset enfants. Hommes, femmes et enfants, soigneusement examinés comme un bétail dechoix, et appréciés selon leur taille, leur jeunesse et leur force physique, recevaient unemarque au fer rouge sur la poitrine et partaient, enchaînés deux à deux, poignets et

chevilles, vers les navires ancrés dans le port. En rangs serrés, ils embarquaient sur lesnégriers emplis de la cale au pont supérieur, n'ayant la place ni de s'asseoir, ni de seretourner, à peine de respirer (schémas). La traversée durait entre six et dix semaines.Aucun chiffre, aucun statistique ne peuvent rendre l'horreur de ces voyages, le climat defolie et de suffocation qui régnait à bord de ces bâtiments en route vers le Nouveau

Monde. Certains sombraient dans la démence. D'autres entamaient des grèves de la faim,et il n'était pas rare qu'on leur brisât les dents pour les nourrir de force. Le scorbut, lesépidémies de variole et de dysenterie opéraient des ravages dans les conditions

d'entassement et de saleté où l'on maintenait les prisonniers. Les cadavres des suicidés etdes victimes de maladies étaient jetés par-dessus bord en si grand nombre que les requins

suivaient les navires à la trace depuis la côte africaine jusqu'en Amérique.

Pour les esclaves qui avaient survécu auvoyage, la vente aux enchères constituait uneépreuve supplémentaire qui décidait de leuravenir. Parfois entièrement nus, ils subissaientpubliquement les examens physiques les plushumiliants, avant d'être finalement confiés auplus offrant. Sur ces marchés aux esclaves, lecommerce florissait et les profits étaientconsidérables. Suivait alors une périoded'adaptation, pendant laquelle les esclavesapprenaient à se plier aux rythmes de laplantation, à respecter l'autorité descontremaîtres et à communiquer en anglais.On les obligeait en général à changer dereligion et ils avaient chacun un nouveaunom. Ils étaient battus dés la première faute,parfois avec une cruauté telle qu'elles'apparentait à la torture(La flagellation étaitla punition la plus courante pour les esclavesrécalcitrants)

L'exploitation de la canne à sucre et le cotonfurent des moteurs essentiels de la traite.Entièrement manuelle, sa récolte nécessitaitune main-d’œuvre abondante qui étaitexclusivement assurée par des esclaves afin de minimiser les coûts deproductions.Hommes, femmes et enfants travaillaient donc dans les champs toute lajournée dans des conditions climatiques éprouvantes, ce qui explique une mortalitéélevée.

Bien qu'on ne possède pas de données homogènes avant 1850 sur la répartition entre lestranches d'âges, on peut tirer quelques conclusions de la lecture de ces tableaux, quiconfirment l'augmentation rapide de la population servile pour les deux sexes. C'estd'abord sa jeunesse: en 1860, les moins de 20 ans représentent 55,8% du total chez leshommes, et 57% chez les femmes. Par contre, à mesure que l'on avance en âge, les

tranches baissent rapidement. Autrement dit, les noirs bénéficient d'une forte natalité, maismeurent jeunes, ce qe confirment les données sur l'âge médian. EN 1820, il est de 17,2chez les noirs contre 16,6 chez les blancs. Puis la différence se creuse: 1 7,6 chez les noirset 1 7,9 chez les blancs en 1840, et respectivement 17,5 et 19,7 en 1860. La durée de vie

s'est stabilisée chez les noirs alors qu'elle s'est allongée chez les blancs.SSoouurrccee :: CCllaauuddee FFoo llhheenn,, HHiiss ttoo ii rree ddee ll '' eesscc llaavvaaggee aauuxx EEttaattss --UUnniiss

Plus le nombre de noirs était élevé dans une région, plus les Blancs craignaient unequelconque révolte de la part des asservis. La Virginie élabora le premier Code des

esclaves qui servit de modèle pour le reste des USA. Les esclaves ne pouvaient quitter laplantation sans autorisation écrite de leur maître. Fouet, exposition au pilori, mutilation et,dans les cas extrêmes, pendaison représentaient le prix à payer pour les crimes et délitsdont ils pouvaient se rendre coupables. Et voilà, nous rappelle l'historien John HopeFranklin, comment fut obtenue « la docilité des esclaves, dont tant de maîtres étaient si

fiers ».

Même si le calcul du nombre total d'esclaves ainsi déportés est difficile à établir, unefourchette situe ce nombre entre 15 et 30 millions d'individus pour la durée totale de latraite, soit une moyenne de 50 à 100 000 esclaves par an durant 300 ans, avec pour points

culminants les XVII et XVIIIe siècles.

Ce n'est que progressivement, aprèsla Déclaration d'Indépendance desÉtats-Unis en 1 776 et au cours duXIXe siècle, que l 'esclavage est remisen question. En effet, les États duNord , plus industrial isés, emploientune main d’œuvre salariée, enparticul ier dans les usines texti les quitraitaient le coton produit par lesesclaves du Sud. Une rival ité sedéveloppe entre les États producteursdu Sud qui craignent que la fin del 'esclavage appauvrisse les planteurs,et les États industriels du Nord, quivoient dans l 'esclavage la sourced'une concurrence déloyale, ne serait-ce que sur le plan de la maind’œuvre.

Cette rivalité connaît son point culminant en 1860, avec l’élection du fondateur duParti républicain, Abraham Lincoln. Quelques semaines après son arrivée au pouvoir,11 états du Sud décident de faire sécession, c'est à dire de quitter les États-Unis pourfonder leur propre fédération. La guerre qui suit dure 4 ans, du 12 avril 1 861 au 9avril 1 865. Lincoln avait promis l'abolition de l'esclavage en cas de victoire des Etatsdu Nord, et la liberté immédiate aux esclaves qui parviendraient d'ores et déjà àéchapper à leurs maîtres pour rejoindre les armées nordistes. Ils furent 200 000 àmonter au front et 60 000 d'entre eux perdirent la vie sur les champs de bataille. Leconflit avait commencé comme une guerre de restauration ; il se terminait commeune guerre révolutionnaire. Les esclaves qui ne participaient pas aux bataillesn'avaient pas attendu la fin du conflit : ils y avaient pris une part active en refusantd'obéir aux maîtres, en rechignant au travail, parfois même en désertant lesplantations et en désorganisant par là même l'économie du Sud, en pleine déconfituredepuis 1 865. Malgré l’assassinat de Lincoln le 1 5 avril 1 865, son engagement de1863 se traduisit juridiquement par le 1 3e amendement à la Constitution, voté endécembre 1865 : après deux cent cinquante ans d’existence, l’esclavage étaitdésormais interdit sur le territoire des États-Unis d'Amérique.

I I ) Mouvement pour les droits civiques

Au lendemain de la guerre deSécession, les quatre millions deNoirs affranchis accueillirentleur libération par une explosiond'allégresse et d'émotion. A leursyeux, il n'était plus question detravailler sous les ordres d'unmaître ou d'un régisseur détesté.Ils entendaient user de leurliberté comme bon leur semblaitet espéraient donc devenir descitoyens à part entière.Les anciens propriétaires, eux,étaient déterminés à limiter auminimum les conséquences decette abolition. En 1865, lesassemblées sudistes votèrent deslois tyranniques connues sous lenom de Black Codes quidifféraient à peine des codes desesclaves. Ces lois livraienttotalement les affranchis auxplanteurs. La prison et le fouetsanctionnait l'absentéisme, lesruptures de contrat et"l'impudence" ; un systèmed'apprentissage permettait decontraindre les enfants au travail"si les parents n'ont pas les

moyens ou refusent de subvenir[à leurs besoins]". . .Les anciensmaîtres vivaient dans la hantised'une révolte vengeresse desanciens esclaves, maisentretenaient eux-mêmes unclimat de violence effrayant.Les Black Codes soulevèrentl'indignation dans le Nord etfurent annulés par le Congrès, àforte majorité républicaine, quiaffirma la citoyenneté desanciens esclaves par la loi pourles droits civiques de mars 1866,reprise la m^me année dans le14e amendement : celui-ciprécisait que les citoyensaméricains étaient dotés de droitségaux et supprimait lareprésentation au Congrèsfédéral des États n'accordant pasle droit de vote aux anciensesclaves. Pour enfoncer le clou,le 1 5e amendement, ratifié en1870, interdisait toute remise encause d droit de vote au motif dela race, de la couleur de peau oud'une condition passée deservitude. S'y ajouta la loi sur les

droits civiques de 1875prohibant la ségrégation dans lesles lieux publics.Parallèlement, le Sud, régionéconomiquement dévastée quiplongeait peu à peu dans lechaos social, était ravagé par lesfamines et les épidémies, àl'inverse du Nord qui était enpleine expansion industrielle carstimulée par l'industrie de guerre.Beaucoup de Noirs affranchis,libres, mais sans aucun moyende subsistance et dépourvus deterre se trouvaient face auxplanteurs privés d'ouvriers. . C'estpour répondre à cette situationque le Congrès vota la créationdu Freedman's Bureau, uneagence militaire destinée à aiderles esclaves libérés à se réinséreret à faire respecter leurs droits.Ce bureau accomplit un travailconsidérable en distribuant desmilliers de rations alimentaires,en assurant les premiers soins, enétablissant des écoles ou encoreen veillant à la rédaction descontrats de travail. Il prévoyait

également à chacun des quatre mil l ions de Noirs émancipés « 40 acres et un mulet ». I l n'enfut rien, car le manque de moyens humains et financiers accorda à cette agence une brèveexistence de sept ans. Ainsi, à l 'exception de quelques mil l iers de famil les qui s'instal lèrent surdes portions de terres fédérales, de médiocre qualité et parcimonieusement accordées, et deceux qui avaient quelques économies (accumulées secrètement pendant l 'asservissement) etqui purent ainsi acquérir des terres, la plupart des anciens esclaves n'avaient pas d'autrepossibi l ité que de s'établ ir comme métayers, contractuel lement l iés à leur anciens maîtres.

Afin de faire respecter les lois fédérales, le Sud fut placé sous administration militaire. Par la loi deReconstruction de 1867, les anciens États confédérés furent répartis en cinq districts militaires placés sousle commandement de généraux en charge de superviser le processus de normalisation politique.Parailleurs, le Parti républicain attendait le vote Noir pour assurer sa position national, car les industrielscontinuaient de craindre une renaissance de l'ancien système agraire, qui mettrait un frein à leurexpansion. De ce fait, dans chaque État, les hommes Noirs furent inscrits sur les listes électorales, ce quientraîna la réadmission progressive des États du Sud au Congrès fédéral entre 1866 et 1 870. Avec unepartie de l’électorat Blanc, les électeurs Noirs, majoritaires dans de nombreuses régions, fournirent lesgros batai l lons du Parti

républicain qui, rappelons le,

fut fondé par Lincoln, instal lé

au pouvoir dans les États

concernés. Entre 1 870 et

1 876, 633 Noirs furent élus

aux législatures d’États, dix-

sept au Congrès fédéral et

bien d'autres à des postes

moins en vue, comme shérif

ou maire. Ces élections

suscitèrent un immense

espoir chez les afro-

américains qui ne purent

s'empêcher de célébrer

l 'accession des anciens

esclaves aux instances

parlementaires à travers des

l ithographies par exemple.

S'i ls firent sentir cette

nouvelle influence, ce ne fut

pas pour tirer vengeance de

leurs anciens propriétaires,

mais pour favoriser une

législation progressiste qui

réorganisa le système

judiciaire, abolit les

châtiments corporels et la

prison pour dettes, établ it le

suffrage universel masculin

et, surtout, mis à pied un

réseau d'écoles publiques

jusqu'alors pratiquement

inconnues dans le Sud. Ainsi,

le premier vote des Noirs en

1 867 fut largement relayé par

la presse.

LLee ssaavvii eezz--vvoouuss??A l'heure actuel le,le Ku Klux Klanreste l 'organisationd'extrême droite lamieux implantéesur l 'étendue duterritoire américain.Selon un rapportde l 'Anti-DefamationLeague, i l y avait5000 adhérents àcette organisationen février 2007 et44 groupes yétaient affi l iés.

Les Blancs du Sud ne pouvaient envisager cetteparticipation égalitaire de leurs anciens esclavesaux institutions et ils mirent tout en œuvre pourrétablir l' ancien système. Les piliers de laConfédération avaient touj ours régné par la violenceet, à partir de 1867, ils organisèrent une terreur

systématique, avec le butavoué de « maintenir le Noir àsa place » et d' imposer lasuprématie blanche. Lessociétés secrètes, dont lefameux Ku Klux Klan, semultiplièrent. Masqués,imprévisibles, ces chevaliersde l' épouvante incendiaientmaisons et récoltes,attaquaient des affranchisisolés, fouettaient,mutilaient et assassinaient.Pour cela, ils n' hésitaientpas à s' allier avec d' autresmilices blanches tels TheKnights of the White Camelia.Les troupes fédérales lancéesà leur poursuite ne

à leur poursuite neparvenaient presquej amais à lesidentifier. Dans ceclimat de guerrecivile, les démocratesgagnaient du terrain àchaque élection. Lacoalition d' intérêtsqui avait imposé laReconstructionradicale commençait às’ effriter. Le mondedes affaires,

abondamment représenté au Congrès, voulaitl' ordre, le calme, et un marché unifié. S' ille fallait, les industriels étaient prêts àabandonner le Sud aux anciennes élites qui,d' ailleurs, détenaient touj ours la terre,l' argent, et le crédit. Les Sudistes avaientréussi à maintenir la suprématie blanche entermes économiques, et ils étaient résolus àl' inscrire dans la loi et les institutions.

gros batai l lons du Parti

républicain qui, rappelons le,

fut fondé par Lincoln, instal lé

au pouvoir dans les États

concernés. Entre 1 870 et

1 876, 633 Noirs furent élus

aux législatures d’États, dix-

sept au Congrès fédéral et

bien d'autres à des postes

moins en vue, comme shérif

ou maire. Ces élections

suscitèrent un immense

espoir chez les afro-

américains qui ne purent

s'empêcher de célébrer

l 'accession des anciens

esclaves aux instances

parlementaires à travers des

l ithographies par exemple.

S'i ls firent sentir cette

nouvelle influence, ce ne fut

pas pour tirer vengeance de

leurs anciens propriétaires,

mais pour favoriser une

législation progressiste qui

réorganisa le système

judiciaire, abolit les

châtiments corporels et la

prison pour dettes, établ it le

suffrage universel masculin

et, surtout, mis à pied un

réseau d'écoles publiques

jusqu'alors pratiquement

inconnues dans le Sud. Ainsi,

le premier vote des Noirs en

1 867 fut largement relayé par

la presse.

Le gouvernement américain était de plus en plus réticent àintervenir pour protéger les Noirs et leurs alliésrépublicains blancs, les scalawags. Dans le Nord, beaucoupd' anciens partisans de l' abolition estimaient que legouvernement en avait déj à bien assez fait pour eux, et quela réconciliation avec les sudistes blancs étaitprioritaire pour le développement économique du pays. Les

Noirs comprirent qu' ils ne devaientcompter sur eux eux-mêmes. Ici et là,ils s' organisèrent en milices pour sedéfendre contre le Klan e les milicesblanches. Souvent, les électeursallaient voter avec un fusil en mainou un couteau en poche. Pourmaintenir à l' écart des urnes lesaffranchis que les menaces et laviolence n' avaient pas découragés,ils employèrent les procédures lesplus variées : déplacement du lieu devote au dernier moment, découpageartificiel des circonscriptions,fraude lors du décompte des voix.Avec le succès, ils s' enhardirent.Ils allongèrent la liste desconditions requises pour se faireinscrire sur les listes électorales :ne j amais s' être rendu coupable d' unpetit larcin, avoir acquitté un impôtparticulier, savoir lire et écrire,pouvoir interpréter un article de laConstitution. . . Les circonscriptionsfurent même découpées pour amoindrirle vote Noir. Ainsi, tous lessubterfuges éraient bons pour écarterles Noirs mais aussi les blancspauvres. Le moment décisifsurvint à la suite de l' électionprésidentielle de 1876. Très disputéeet controversée, cette élection futfinalement remportée par lerépublicain Rutherford Hayes à lasuite d' un compromis informel passé

avec le camp démocrate, qui stipulait qu' en contrepartiede son élection, les troupes fédérales seraient retiréesdu Sud. Hayes tint parole, de sorte que son installationà la Maison Blanche se fit au détriment des Noirs, quise retrouvèrent abandonnés par le gouvernement, j usque-là garant de leurs droits.

En 1 832, un nommé Jim Crow,soldat de couleur aux originesincertaines, était devenu lehéros d'uen chansonpopulaire. Dans les spectaclesambulants, i l représentait lenoir du Sud et son mode devie supposé comique. Petit àpetit, i l incarna tous le systèmesocial du Sud, i l symbolisa laségrégation. On parlait destrains « Jim Crow », desrestaurants « Jim Crow » etdes lois « Jim Crow ».

Progressivement, à partir des années 1880, les noirs ne furent pas seulementécartés de la vie politique, mais aussi séparés socialement des blancs par leslois « Jim Crow ». La loi de 1875 qui interdsait en principe la ségrégation futdéclarée inconstitutionnelle en 1883 par la Cour Suprême, au motif qu'elleinterférait avec les droits des individus.Les pancartes où était inscrit « white only » ou « colored » se multiplièrentdans les années 1880. Trains, bateaux, tramways , lieux de résidence, écoles,restaurants, hôtels, parcs, terrains de sport, bibliothèques, plages, pipscines,magasins, hopitaux, orphelinats, cimetières. . . Tout fonctionnait selon leprincipe strict de séparation des races. Un noir distrait qui se trompait defontaine,de salle d'attente ou de toilettes, encourait une remontrance, parfoisune arrestation, souvent des coups. Le sentiment de leur infériorité lessuivait partout. Il était entendu qu'ils soulevaient leur chapeau etdescendaient du trottoir au passage d'un blanc et, que jamais une personne« comme il faut » ne leur serrait la main, ou ne les appelait « Monsieur » ou« Madame ». Dans ce cmlimat artificiel et suffocant, des générations depetits sudistes furent néanmoins élevés par des « nounous » (des bonnes koi)noires qui avaient mission de les laver, de les nourrir et de les bercer (photola couleur des sentiments). Travaux dometstiques et emplois sulbalternesconstituaient l'unique enotrse à la règle stricte de la ségrégation.

Progressivement, à partir des années 1880, les noirs ne furent pas seulementécartés de la vie politique, mais aussi séparés socialement des blancs par leslois « Jim Crow ». La loi de 1875 qui interdsait en principe la ségrégation futdéclarée inconstitutionnelle en 1883 par la Cour Suprême, au motif qu'elleinterférait avec les droits des individus.Les pancartes où était inscrit « white only » ou « colored » se multiplièrentdans les années 1880. Trains, bateaux, tramways , lieux de résidence, écoles,restaurants, hôtels, parcs, terrains de sport, bibliothèques, plages, pipscines,magasins, hopitaux, orphelinats, cimetières. . . Tout fonctionnait selon leprincipe strict de séparation des races. Un noir distrait qui se trompait defontaine,de salle d'attente ou de toilettes, encourait une remontrance, parfoisune arrestation, souvent des coups. Le sentiment de leur infériorité lessuivait partout. Il était entendu qu'ils soulevaient leur chapeau etdescendaient du trottoir au passage d'un blanc et, que jamais une personne« comme il faut » ne leur serrait la main, ou ne les appelait « Monsieur » ou« Madame ». Dans ce cmlimat artificiel et suffocant, des générations depetits sudistes furent néanmoins élevés par des « nounous » (des bonnes koi)noires qui avaient mission de les laver, de les nourrir et de les bercer (photola couleur des sentiments). Travaux dometstiques et emplois sulbalternesconstituaient l'unique enotrse à la règle stricte de la ségrégation.

Le système social ségrégué poursuivait deux objectifs absolus :interdire le mélange des races et persuader irrémédiablement lesgens de couleur de leur infériorité. Les premières loisségrégationnistes prohibèrent les mariages interraciaux. Le mariagesignifiait l 'égal ité, le métissage, la di lution des caractéristiques anglo-saxonnes. Si les blancs du Sud continuaient de fréquentercommunément les femmes noires, i l ne s'agissait que d'unedistraction clandestine avec un être inférieur, un amusement sansconséquence sociale. Mais une barrière infranchissable devaitséparer homme noirs et femme blanches. L'homme de couleur étaittoujours perçu comme un sauvage aux pulsions sexuellesincontrolées, dont la viri l i té excédait et menaçait cel le de l 'hommeblanc. Barricadés derrière leur haine, leurs doutes et leurscomplexes, les Blancs du Sud entrprient d'empêcher toute relationsociale qui pût amener à un contact plus intime.

Parallèlement à la mise en place de laségrégation, les lynchages semultiplièrent à partir du début desannées 1890. Ils avaient été très rarespendant l'esclavage et dans les quinzeannées qui suivirent la guerre deSécession. Le premier Ku Klux Klan,celui des années 1866-1872, avait eurecours au fouet, rarement aumeurtre. Or, après 1890, dans lesquatorze États du Sud, prés d'unecentaine de personnes furent lynchéeschaque année en moyenne. 75%d'entre elles étaient noires, unpourcentage qui s'éleva à 90% auXXe siècle, d'après une étudestatistique portant sur 2 805 des 4 743lynchages dans le sud des États-Unisentre 1882 et 1958.Les lynchages punissaient desinfractions supposées, généralementdes accusations de viol ou de manquede respect à l'égard d'une femmeblanche : un regard de travers pouvaitcoûter cher. Ils renforçaient lessentiments de solidarité raciale dansla population blanche et terrorisaientla population noire. Mais pendre,brûler, ou poignarder un seul individune suffisait pas toujours à calmer lafoule vengeresse. Il arrivait qu'elle seprécipitât ensuite dans le quartier noirpour y répandre le saccage et laterreur.Cela était vrai ailleurs quedans le Sud, notamment dans leMiddle West.Les lynchages n'étaient pasclandestins : annoncés dans lapress, les différentes étapes dusupll ice étaient souventphotographiées y compris pour enfaire des cartes postales ou desimages de collection. Le siècledébutant n'annonçait donc paspour les « gens de couleur » uneère de gloire et d'espérance : 1 06noirs périrent lynchés pendant laseule année 1 900. Les lynchagesse perpétrèrent jusque dans lesannées 1 950.

Pour Booker T ?. Washington, grand pédagogue noir de l'époque, la solution derechange à la ségrégation n'était pas l'intégration, mais la création d'institutionsouverts aux Noirs. Il valait donc lieux, selon lui, coopérer avec les blancs demanière à améliorer progressivement les institutions noires plutôt que de luttersans espoir contre la ségrégation, que même la Cour Suprême approuvait. Lesprincipes de Washington étaient simples : inculquer aux jeunes noirs uneinstruction pratique, leur apprendre des métiers manuels qui leur permettraientd'être acceptés par les blancs et d'améliorer progressivement la situation de leurcommunauté en restant à leur place. Grâce à ses talents d'organisateur et d'orateuret au soutien d'un solide réseau de politiciens et d'hommes d'affaires, Washingtonétait devenu la personnalité noire la plus influente du début du XXe siècle ; il étaitreçu partout, y compris, grand première pour un homme noire, à la MaisonBlanche où il déjeuna en 1901 avec le président Theodore Roosevelt – au granddam des démocrates sudistes. En public, il se gardait bien de condamner les lois« Jim Crow », ce qui lui avait valu l'estime des partisans blancs de la ségrégation.Mais le point de vue ouvertement accommodant de Washington n'était pas partagépar tous : beaucoup de noirs ne cessèrent de contester ouvertement la ségrégation.Des meetings de protestation se tenaient aux risques et périls des participants. Maisc'est surtout le sociologue W. E. B. Du Bois (1 868-1963) qui attaqua politiquementWashington, en particulier dans son fameux recueil d'essais, The Souls ofBlackFold (1903) : « M. Washington demande explicitement aux noirs d'abandonner, aumoins pour un temps trois choses – un : le pouvoir politique ; deux : larevendication des droits civiques ; trois : l'instruction supérieure pour la jeunessenoire – et de concentrer toute leur énergie sur l'éducation technique […]. Enréponse à cette offre de paix, qu'est ce que le noir a obtenu ? Un : la privation deses droits civiques ; deux : la réation légale d'un statut distinct d'infériorité civile ;trois : l'abandon complet de toute aide inconstitutionnelle pour sa formationuniversitaire. Bien sûr, cette évolution n'est pas le résultat direct de l'enseignementde M. Washington, mais il ne fait pas l'ombre d'un doute que sa propagande en ahâté la réalisation. » Pour Du Bois, il fallait une élite intellectuelle noire, capabled'améliorer la situation de la communauté, d'autant que bien des métierstraditionnels chers à Washington( maréchal-ferrant, charpentier, briquetier) étaientsur le point de disparaître avec l'industrialisation et la mécanisation des campagnes.

Entre 1 896 et 1 91 4, Du Bois organisa à l 'univeristé d'Atlanta, où i l enseignait alors, la« Conference on Negro Problems » qui donna la parole à des spécial istes de questionurbaines, d'éducation, etc. Epaulés par les universités noires récemment fondées, desintel lectuels, écrivains et artistes noirs y travail laient et faisaient connaître leurs travaux.

La presse noire prit également son essor à cette époque. I l existait une multitude depublications hebdomadires et mensuelles locales, dont les titres étaient évocateurs : leBaltimore Crusader, l 'Austin Searchlight, l 'Albany Iconoclast, etc. Cette presse fournissait desinformations communautaires et politiques, et constituait la principale source d'information de lapopulation noire, dont une partie croissante était alphabétisée (moins de la moitié des noirsi l lettrés en 1 900 contre 80% en 1 870).

Au début du XXe siècle, près des trois quarts des neuf mil l ions de noirs américainsvivaient encore dans le Sud, où ils représentaient la moitié de la population totale. Débutaalors la « grande migration » qui mena des centaines de mil lers de Noirs des campagnesdu Sud vers les ghettos des vil les industriel les du Nord, et transforma en profondeur lemonde du travail et la vie politique.

La première guerre mondiale fut untournant décisif. Elle eut pourconséquence immédiate de réduire desdeux tiers le flux des émigrants enprovenance d'Europe, au moment oùl'industrie us, avait un besoin très urgentd'ouvriers. Le gisement de main-d’œuvrereprésenté par les noirs du Sud s'avéraindispensable aux yeux des industriels.En parallèle, la plupart des métayers,fermiers et petits propriétaires noirs duSud ne connaissaient pas les nouvellesméthodes agricoles, et n’avaient pas lecapital nécessaire pour acheter dumatériel. De sorte que la productivitédemeurait basse, alors que les prixagricoles diminuaient depuis la fin duXIXè siècle en raison de la concurrenceétrangère.

Les firmes passaient des annonces dansla presse noire du Sud, en garantissantdu travail et un bon salaire, équivalant audouble, voire au triple des revenus d'unouvrier agricole. Des agents furentmême dépêchés dans le Sud pour faireconnaître les offres d'emploi, parfoisavec des billets de train gratuits pour lesvolontaires. Cependant, les noirs quiallèrent grossir les rangs des ouvrires duNord étaient souvent employés auxtâches pénibles et dangereuses les moinspayées.

Dans les villes du Nord, la ségrégationn'était pas imposée par la loi, mais elleexistait du fait. Les noirs vivaient dansdes quartiers réservés, les coloreddistricts, d'où il leur était impossible desortir. Du Bois fut le premier à décrireun quartier noir, le Seventh Ward dePhiladelphie, en montrant lesdiscriminations systématiques dont leshabitants étaient les victimes àl'embauche, et la logique d’enfermementdu quartier, qui piégeait ses résidents enleur ôtant tout espoir de promotionsociale. La grande majorité des noirss'entassaient dans des petits logements,souvent insalubres, loués dans desimmeubles vétustes. Les politiquesmunicipales d'amélioration urbainedélaissaient les quartiers noirs : ni airesde jeux, ni parcs pour eux. Lasurpopulation et les conditions de vieprécaires des noirs récemment installésfavorisaient la tuberculose, premièrecause de mortalité dans les ghettos desgrandes métropoles du Nord.

Malgré la participation valeureuse dessoldats afro-américains à la guerre (367000 soldats immobilisé ente 1917 et 1918),les lynchages n'avaient pas cessé.Éclatèrent alors des émeutes raciales quiétaient jusque là l'apanage du Sud. C'estdans ce contexte que se situe l'apparitionfulgurante de Marcus Garvey et de sonUniversal Negro Improvement Association(UNIA, Association universelle pourl'amélioration de la condition noire). Auxyeux des masses afro-américaines,particulièrement celle des grandes villes,Garvey proposait un message politiqueidentitaire ardent, en voulant transformer lacouleur de la peau en motif d'orgueil plutôtque de honte. Il expliquait que les noirs duNouveau Monde devaient être fiers deleurs ancêtres africains aux civilisationsanciennes et glorieuses, qu'il leur fallaitretrouver l'Afrique. L'idée n'est pasnouvelle : déjà, en 1821 , une sociétéphilanthropique avait fondé le Liberia pouraccueillir les esclaves libérés. L'UNIAattira entre un demi-million et un milliond'adhérents.

L'ascension météorique de l'UNIA,interrompue par l ’emprisonnement deGarvey (pour des allégations defraude) puis son expulsion du territoireaméricain au titre «d'étranger nonsouhaitable» (son lieu de naissanceétant la Jamaïque), tenait sans doutemoins à une volonté des noirs des'établ ir en Afrique qu'à l 'aspiration àun discours politique plus fervent queles sages propos d'un Du Bois. Notonscependant que la manifestationorganisée par l 'UNIA à Harlem en 1 924pour protester contre la condamnationde Garvey fut la premièremanifestation noire d'envergure

La Grande Migration eut des conséquences politiquesimportantes. Contrairement au Sud ségrégué, dans le nord, lesnoirs pouvaient voter, et ils s’ inscrivirent sur les listes électoralesavec l'appui du Parti républicain. A partir de ce moment, les afro-américains pesaient suffisamment pour élire un représentant. AChicago, en 1929, le républicain Oscar DePriest fut élu auCongrès fédéral. Pour la première fois, un représentant noir d'unÉtat du Nord siégeait à Washington. Au-delà de Chicago, DePriestétait devenu le porte-parole de la communauté noire au Congrès,avant que le nombre d'élus noirs ne s'accrût, à la fin des années1930. En 1946, on comptait trente élus noirs dans les chambreslégislatives des États.

Dans l'ensemble, les Noirs étaient attachés au Parti républicain, fondé par Lincoln,d'autant que le Sud raciste était tenu d'une main de fer par les démocrates. Mais unmouvement vers le Parti démocrate s'observa dés l'élection présidentielle de 1928,lorsque les républicains, désireux de conquérir le Sud, « blanchirent » leurs structuresdans cette région en écartant les républicains noirs qui étaient en première ligne contrela ségrégation. Lors de l'élection de 1936, lorsque les noirs du Nord votèrentmassivement démocrate en votant pour le président Roosevelt. Ils étaient bien entenduhostiles aux démocrates du Sud, mais ils considéraient que Roosevelt et surtout safemme, Eleanore Roosevelt, étaient bien disposés à leur égard. Un changementd'esprit était alors notable dans les échelons supérieurs du pouvoir américain.

Eleanor visita des écoles noires, invita des femmes noires à prendre le thé à la MaisonBlanche, tandis que le président, que son handicap physique rendait d'autant plussympathique à ceux qui souffraient du handicap racial, entretenaient de bonnesrelations avec les organisations noires : « le meilleur président depuis Lincoln » tiraun grand journal. Roosevelt avait également nommé des personnalité « de couleur » àdes postes de conseillers dans différentes administrations d'Etat. Le nombre de Noirsfonctionnaires fédéraux fit un bon, de 50 000 en 1933 à 200 000 en 1946 – en grandemajorité employés aux tâches les plus modestes.

Dans les premiers temps de la guerre, la plupart des grandes firmesindustriel les qui honoraient des commandes mil l i taires ne changèrentpas leur poolitique discriminatoire à l 'embauche. En janvier 1 941 , A.Phil ip Randolph (1889-1979) , responsable du syndicat des porteursPullman mais aussi porte-parole le plus visible des droits des noirs dansles années 1 940, lança l 'idée d'une grande marche sur Washingtonpendant l 'été pour réclamer l 'égal ité d'embauche et de salaire dansl 'industrie de guerre. Le 25 juin, Roosevelt céda et interdit aux industriesconcernées de sélectionner leurs ouvriers « selon des critères de race,de croyances, de couleur ou d'origine nationale ». A l 'appui de cettedécision, un comité fut chargé d'enquêter sur les plaintes pourdiscrimination. Même si cel le-ci ne cessa pas complètement dans lesindustries de guerre, notamment dans le Sud, la situation s'améliora trèsnettement dans l 'ensemble du pays. Certaines firmes hosti les aux noirsdepuis toujours durent changer leur politique d'embauche sous lapression du syndicat de l ’automobile. L'afflux de cinquante mil letravail leurs noirs qui s’ensuivit entraîna une surpopulation et un manquecriant de logements. « Obtenir la démocratie pour les noirs, c'est gagnerla guerre pour la démocratie ! » s'exclamait Randolph , porte-parole leplus visible des droits des noirs dans les années 1 940. Bon organisateuret bon orateur, le mil itant syndical orchestra plusieurs manifestationscontre les discriminations dans les usines, dans l 'armée et les syndicats.Cette mobil isation à l 'échelle nationale était inédite.

L'enrôlement des noirs américains

Pendant la 2GM, le gouvernementfédéral, par de vastes campagnespublicitaires, incitait les Noirs às'engager massivement. Celui-ci leurpromettait alors une prompteintégration sociale à leur retour de laguerre ; cette intégration n'eut jamaisl ieu. Suite à cette mobil isation mil itaire,un mil l ion d'Afro-américains furent doncappelés sous les drapeaux, dontquatre mil le femmes. Des unitésmil itaires jusque-là fermées aux Noirs,comme les marines, les acceptèrent àpartir de 1 942. La même année, lecorps des officiers s'ouvrit pluslargement aux noirs, pour l 'essentieldans l 'armée de terre, mais également,au compte-gouttes, dans la marine, quiavait toujours confiné les noirs auxtâches d'intendance. Mais faut pasrêver , l 'armée américaine réussit toutde même à organiser unediscrimination féroce contre lesrecrues noires. Comme les africains etles arabes, les afro-américains furentsouvent placés à l 'avant pour servir dechair à canon. Leur salaires furentinférieurs à ceux des Blancs. I ls nepartageaient pas avec ces derniers lesmêmes salles de cantine, ni nebénéficiaient des mêmes avantagespour leur permission de sortie. Leurspropres généraux les désignaient auxautorités françaises et al lemandescomme étant potentiel lement desvioleurs de femmes blanches. A la finde la guerre, i ls dénoncèrent le fait queles prisonniers al lemands avaient étémieux traités que les soldats decouleur ! Les GI noirs revinrent chezeux avec la conviction que laségrégation devait cesser et qu'i l fal laitagir en ce sens . Certains avaient vude leurs yeux les horreus du nazismeet étaient revenus déterminés à neplus s'asseoir à l 'arrière des bus.

Le principal moyen de lutte contre la ségrégation était d'ordre judiciaire. LaNAACP (National Association for the Advancement ofColored People, uneassociation qui existe depuis mai 1910 créée par plusieurs réformateurs dont DuBois dans le but de faire cesser la ségrégation) se débrouillait pour provoquer unprocès qui entraînerait une décision judiciaire d'interdiction de telle ou tellepratique ségrégative. La démarche fut couronnée de succès en 1946, quand laCour Suprême déclara inconstitutionnelle la discrimination dans les busvoyageant d’État à État, et surtout en 1954 à propos des écoles publiques, danssa fameuse décision Brown v. Board ofEducation ofTopeka: « la séparation desenfants sur un fondement racial génère un sentiment d'infériorité quant à leurstatut dans la communauté qui peut affecter leurs esprits et leurs cœurs d'unemanière irrémédiable. » L'injonction juridique ne fut cependant pas respectéedans certains États du Sud, d'autant que le président Eisenhower se réfugia dansun silence prudent. Cette décision de la Cour Suprême porta néanmoins un couptrès dur aux partisans de la ségrégation, qui furent dés lors sur la défensive. Lestransports publics locaux du Sud étaient maintenant dans la ligne de mire de laNAACP.

Ainsi, dans les bus de Montgomery, capitale de l'Alabama, une ligne virtuelleséparait les blancs (devant) des noirs (au fond). En fonction de l'affluence, lespassagers noirs devaient céder les places assises aux passagers blancs. C'est le1 er décembre 1955 que Rosa Parks refusa d'agir de la sorte. Le conducteurmenaça d'appeler la police : « Ne vous génez pas », répondit-elle. Elle futimmédiatement arrêtée. Un boycott spontané de la compagnie de bus sedéclencha dans la foulée. Mais il fallait mieux s'organiser si le boycottdevait durer : la Montgomery Improvement Association (MIA) fut donc créée le5 décembre, avec à sa tête un jeune pasteur prometteur du nom de MLK.

Le boycott dura 381 jours, un record. La MIA dut mettre sur pied desformes de solidarité pratique pour tenir le coup. Un système decovoiturages fut organisé avec des automobil istes et des chauffeurs detaxi volontaires, tandis que la plupart des gens déplaçaient à labicyclette, en carriole à mule ou à pied sur des kilomètres. Les églisesnoires organisèrent une vaste collecte de chaussures dans tout le payspour aider les boycotteurs de Montgomery, contraints d'effectuer presquetous leurs déplacements à pied. Pendant ce temps, les bus circulaient àvide et la compagnie était au bord de la fai l l i te. Des bâtons de dynamitefurent jetés sur la maison de King, qui fut aussi emprisonné deuxsemaines à des fins d'intimidation. La police procéda à des centainesd'arrestations ; les motifs les plus souvent évoqués étant le trouble àl 'ordre public et l 'exercice il légal de la profession de chauffeur de taxi,avaient pour but de décourager le covoiturage. Le pays tout entiertournait les yeux vers Montgomery, et King devenait une personnalitéd'envergure, à laquelle la grande presse consacrait des articles. Maisi l fal lut une décision de la Cour Suprême, en novembre 1 956 , autorisantles passagers noirs à s'asseoir où ils voulaient dans les transports encommun du pays, pour faire pl ier la municipal ité et les autorités locales.Le boycott des bus de Montgomery est considéré comme l'actefondateur du mouvement pour les droits civiques. C'est également àcette occasion que le jeune King se transforma en figure nationale.

L'organisation de sit-in – occupation pacifique delieux publics ségrégués – constitua une autreforme d'action. La vague des sit-in commença enfévrier 1960 lorsque quatre étudiants deGreensboro, en Caroline du Nord, s'assirent dansla cafétéria d'un magasin Woolworth's réservée auxblancs. Personne n'osa les en expulser. Lelendemain, les protestataires étaient dix-neuf,quatre-vingt-cind le surlendemain, et très vite, lessit-in s'étendirent à toute la région. Les principesde non-violence exigeaient de ne pas répondre auxprovocations de la foule et de ne pas bouger quoiq'il arrive. Ce n'était pas chose facile lors des sit-inorganisés dans les zones des cafés réservées auxblancs. Il arrivait que des militants se fassentasperger de moutarde et de sodas sans devoirriposter.

Les sits-in n'étaient pas sans risque – certainsmanifestants se faisaient expulser sous unepluie de coups – mais les freedom rides mirentréel lement les mil itants en danger. Cesfreedom rides rassemblaient des jeunes, noirset blancs confondus. I ls voyageaientensemble en bus à travers le Sud, afind'apporter leur soutien à la population noire etdéfier les lois de ségrégation. Ces freedomrides furet considérés comme une intolérableprovocation par les partisans de laségrégation, déterminés à les arrêter par tousles moyens. Près de la petite vi l le d'Anninston(Alabalama), le 1 4 mai 1 961 , une fouleenragée mit le feu au bus et tenta de bloquerses portes pour que les passagers brîlent vif.Un policier parvint à leur faires osrtir juste àtemps et à éviter leur lynchage. Les mil itantsblancs étaient particul ièrement visés,considérés comme « des traites à leur race ».Certains rescapés de l'incendie gagnèrentBirmingham, où des membres du Klan lesattaquèrent à nouveau. Plusieurs d'entre euxfurent hospital isés. Ce premier voyageécourté donna naissance à plus d'unesoixantaine de freedom rides tout au long del'année 1 961 . Les freedom rides eurent desconséquences non négligeables pour lemouvement des droits civiques. Leurcouverture médiatique par la télévision

naissante fit apparaître clairement auxAmericains l 'extrême violence des partsansde la ségrégation et transforma de fait lemouvement en batai l le de communication. Enété 1 961 , le ministre de la justice de l 'époque,Robert Kennedy, exigea que les garesroutières fussent déségréguées et mobil isa lagarde nationale pour escorter les bus.

Al'été 1963, une grande manifestation fut prévue, cette fois à Washington, au cœur du pouvoiraméricain. Cette initiative s'inspirait de l'idée de Randolph, qui avait déjà envisagé une tellemanifestation en 1941 . Les responsables des organisations des droits civiques s'appuyèrent sur leprincipe de l'évènement, sans être tout à fait d'accord sur son objectif : pour les plus modéréscomme la NAACP, il s'agissait de soutenir Kennedy face aux démocrates sudistes du Congrès ; pourles plus radicaux commme le SNCC(Student Non-violent Coordinating Committee) ou le CORE(Congress ofRacial Equality), il était surtout question de dénoncer la mollesse de l'administrationfédérale, tandis que pour King et ses partisans, c'était le moyen de présenter les revendications desNoirs et de démontrer la popularité nationale du mouvement . Et puis Washington était alorsune ville très sudiste, avec une majorité noire vivant dans des conditions de pauvreté sordides,soumise à une ségrégation presque qu'aussi sure qu'à Birmingham. Dans la matinée du 28 août, unemyriade de bus, d'automobiles et de trains convergèrent vers la capitale déversant sur les pelousesdu Mall plus de deux cent cinquante mille manifestants américains, noirs mais aussi blancs. Dans lachaleur écrasante de la fin d'après-midi, après d'autres orateurs, King leur adressa son fameuxdiscours I have a Dream. L'un des objectifs des millitants ést réalisé le 2 juillet 1 964, lorsque lesuccesseur de Kennedy, Lyndon Johnson, signe le Civil Rights Act qui interdit toute discrimiation etségrégattion dans les lieux publics.

A Selma, fin 1964, l'objectif était d'inscrire la ppulation noire locale sur les listes électorales. Eneffet, seuls 1% des noirs pouvaient voter, car la commission d'inscription n'ouvrait ses portes quedeux jours par mois, selon des horaires imprévisibles. Le 19 mars, les manifestants entreprirent unemarche de protestation pour rejoindre Montgomery cinq jours plus tard : l'immense cortège, au longde la route nationale 80, traversant les bourgades sous les insultes et les coups, frappa encorel'opinion et représenta un point culminant du mouvement. Quatre mois plus tard, le présidentJohsnson signait la loi sur le droit de vote. Le Voting Rights Act de juillet 1 965 interdisait lesstratagèmes juridiques visant à priver les noirs du droit de vote. Les noirs américains étaientdevenus des citoyens de plein droit.

Dés le milieu des années 1960, le mouvement noir se radicalisa.Beaucoup de jeunes noirs estimaient que les droits civiquesn'avaient été qu'un leurre, qu'il fallait désormais s'autodéfendreface à la police, et affimer plus nettement son identitté noire.King était respecté, mais jugé trop accomodant avec le pouvoirblanc. L'opposition à la guerre du Vietanam qui mettait enaccusation la stratégie et les buts de guerre américains, dénoncéscomme impérialistes, s'ajouta à cette situation déjà tendue. Desmilitants plus jeunes et plus radicaux issus du SNCC et duCORE considéraient que l'intégration dans la société étaitillusoire. A partir de l'été 1966, le leader de la SNCC, StokelyCarmichael, se fit l'avocat du très radical Black Power, enencourageant les noirs à s'organiser economiquement et àvaloriser leur culture. Malcolm X, porte-parole de la sectenation of islam dirigée par Elijah Muhammad, estimait lui aussique la société blanche «était irrémédiablement raciste etfustigeait Martin Luther King : « Pendant que King fait sonrêve, nous autres noirs vivont un cauchemar. » Cetteperspective sépariste fut prolongée par le Black Panther Party,dondé en 1966 à Oakland (Californie) par Bobby Seale et HuezNewton. Idéologiquement composite, mais tirant sa doctrine dumarxisme et du nationalisme noir, le Black Panther Party avaitinitialement pour objectif de protéger les quartiers noirs desbrutalités policières. En 1968, cette formation radicale comptaitprès de cinq mille membres, dans la plupart des grandes villesaméricaines. Elle réclamait la fin de la guerre du Vietnam, laréclamation de programmes sociaux dans les ghettos, unsystème judicaire équitable, et prônait l'autodéfense, illustréepar des manifestations de Black Panthers armés (photo). Le FBIétait determiné à briser les Panthers, décrits par Edgar Hoover,le patron des services secrets, « comme la plus grande menacepour la sécurité intérieure du pays ». Via son officine secrète,COINTELPRO, le FBI infiltra avec succès le parti, encourageales rivalités et les réglements de comptzs internes, de sorte quecette organisation se désintégra progressivment au début desannées 1970.

En même temps qu'il y avait les émeutes des ghettos et les mouvements raducaux noirs(les panthers et autre), les revendications identitaires s'affirmaient, par la promotion demanières « d'être noir ». A partir de la fin des année s1960 en effet , un mouvement de lafierté noire revalorisa les peaux sombres. En 1968, James Brown chantait son fameuxSay it loud ! I'm black and I'm proud. Les cheveux défrisés (les good hairs), obsessiondes noirs américains (hommes compris) étaient désormais moins requis, et es coiffuresafro poussaient comme des champignons ; les peaux très sombres n'étaient plus objet demoqueries. Des noirs militants s'habillaient de vêtements africains. Henry Louis Gates,professeur à Harvard, a raconté l'euphorie des jeunes gens qui arboraient avec fierté descheveux au naturel, en s'appelant beautiful black brothers and sisters. C'est alors que leterme de Black s'imposa, de préférence à celui de Negro, très courrament utilisé jusqu'aumilieu des années 1960.

I I I ) Conquêtes politiques et difficultés sociales

Au mil ieu des années 1 960, le nombre d'élus noirs était encore infirme : on ne comptait alorsparmi eux que six membres de la Chambre des représentants et aucun maire de grande vil le.I l fal lut attendre 1 967, qui marqua un tournant politique important, pour constater des progrèsdans la représentation politique des noirs avec l 'élection de maires noirs dans plusieursmétropoles du pays. L'inscription des afro-américains sur les l istes électorales au mil ieu desannées 1 960 leur permit de peser sur l 'issue des scrutins dans le Sud, mais aussi dans leNord, où ils votaient relativement peu jusqu'à l ’élection de John Kennedy, en 1 960. Ce dernierl 'emporta de peu sur Nixon dans l’État clé de l 'I l l inois grâce aux électeurs noirs deChicago. En outre, des candidats noirs purent se faire él ire à la tête de grandes vil les. Notonsl 'exemple de Shirley Chisholm, la première femme noire élue au Congrès, commereprésentante de New York. En novemebre 1 992, Bil l Cl inton choisit quatre ministres afro-américains, et nomma d'autre s noirs à des postes importants de son administration. GeorgeW. Bush, lui , nomma moins d'Afro-américains dans son administration que son prédécesseur,deux d'entre eux le furent à des postes majeurs : Colin Powell , ancien chef d'état-major del 'armée américaine, devint secrétaire d'Etat, et Condoleezza Rice, conseil lère à la Sécuriténationale avant de remplacer Powell en 2005.

L'affirmative action recouvre unensemble de mesures quiaccordent aux groupes ayant étésoumis dans le passé à un régimejuridique discriminatoire untraitement préférentiel dansl 'attribution de certains biens. Ledispositif s'applique surtout àl 'accession aux emplois publics età l 'admission dans les universités.L'affirmative action vise donc/aussià recruter les candidats enfonction, notamment mais pasexclusivement, de leur identité« raciale ». Ces programmes ontaussi pour but de contribuer à ladiversité en prenant en comptecette identité dans le processus desélection, la diversité étantdésormais considérée comme unechose positive pour tous les corpssociaux.

En effet, à partir des années 1 970, on assista à uneconsolidation de la classe moyenne-supérieure noire,qui accéda à des domaines jadis réservés aux blancs,en particul ier dans la fonction publique et dans lesgrandes entreprises. Ce développement fut favorisé engrande partie par la mise en place des programmesd'affirmative action à partir de 1 965. L'affirmativeaction recouvre un ensemble de mesures quiaccordent aux groupes ayant été soumis dans le passéà un régime juridique discriminatoire un traitementpréférentiel dans l 'attribution de certains biens. Ledispositif s'applique surtout à l 'accession aux emploispublics et à l 'admission dans les universités.Une des principales conséquences de l'affirmativeaction fut d'ouvrir les portes des grandes universitésaux minorités, notamment aux femmes et aux noirs. Lahausse du niveau d'éducation en est une conséquencedirecte. Alors qu'en 1 960, 3% des noirs possédaient undiplôme universitaire (contre 8% des blancs), 8%étaient titulaires en 1 980 et 1 3% en 2008 (contre 23%des blancs). Certains surent profiter de l 'ouverture desdomaines très exclusifs, comme la conquêtespatiale. En 1 983, le pi lote de chasse Guion Bluforddevint ainsi le premier astronaute noir, suivi en 1 991par Mae Jemison, une afro-américaine docteur enmédecine.

En revanche, les perspectives sont restéesbouchées pour ceux qui se trouvaient enbas de l'échelle sociale. Les années 1 970ont vu se creuser un fossé de plus en plusgrand entre une classe moyenne noire quia su améliorer ses conditions de vie enprofitant de l 'ouverture du systèmeéconomique, et une classe prolétaire noire(31% des Afro-Américains vivaient au-dessous du seuil de pauvreté en 1 976),dramatiquement fragil isée. Ceci estprincipalement l ié au fait que les activitésmanufacturières se sont éloignées desagglomérations et sont devenus horsd'atteinte géographique pour les jeunesnoirs urbains déscolarisés, d'où lararéfaction des emplois peu ou pasqualifiés dans les centres-vi l les suite àcela.

L'explosion du chômage qui s'en est suivi a ensuite favorisé l 'essor des activités

délictueuses et criminel les, en particul ier le commerce de la drogue, qui a été une activité

à grande échelle pendant les années 1 970 mais qui l 'est également de nos jours; selon

l 'organisation internationale Human Rights Watch, en 2009: « Les noirs comptent pour

pour 33,6% des arrestations l iées à la drogue, 44% des personnes condamnées pour

crimes liés à la drogue dans un tribunal, et 37% des personnes envoyées dans des

prisons pour affaire de drogue, alors qu'i ls ne constituent que 1 3% de la population

américaine. L'économie criminel le de la drogue a accru la violence de manière

catastrophique, sapé les relations famil iales et découragé le travail légal. A cela s'est

ajoutée l 'épidémie de SIDA, à partir des années 1 980, qui a touché de manière

disproportionnée les ghettos et accentué leur détérioration sanitaire. Malgré le taux

d'échec scolaire déjà très élevé, les écoles publiques des ghettos, vétustes, surpeuplées

et ségréguées, ont souffert des restrictions budgétaires des vil les, el les-mêmes en

difficulté financière.

Ainsi, en plus de devoir subir cet handicap social, i l sembleraitque la couleur de peau soit aussi un désavantage pour lesNoirs Américains. En effet, i l y a peu, le site américain GoodCulture a abordé une forme de discrimination très peu connuedonc également rarement dénoncée: le colorisme. De l'anglais"colorism", ce mot désigne le fait de traiter différemment lespersonnes de couleur suivant le fait qu'el les aient la peau plusou moins foncée. Une étude à ce sujet a d'ai l leurs étéorganisée en 2006 par l 'université de Georgia (États-Unis). El lea prouvé que la nuance de la couleur de peau était un facteurde décision bien plus important que les parcours et lesdiplômes pour les employeurs qui recrutent des Afro-Américains. Matthew Harrison, l 'auteur de cette étude – lapremière du genre -, a observé que les Noirs à la peau claireétait bien plus souvent choisis par les employeurs que les noirsà la peau foncée. "Nos résultats indiquent que les employeurssemblent avoir une préférence pour la teinte de lapeau claire lors de leur sélection. Peut-être à cause de l'idéerépandue que les Noirs à la peau claire ont plus de simil itudesavec les Blancs que les Noirs à la peau foncée. Les Blancs sesentent peut-être plus à l 'aise avec des peaux claires autourd'eux."

L'afro-américain a pu reprendre confiance en lui le 4 novembre 2008, au termed'une campagne présidentiel le qui a captivé le monde entier. En effet, ce que nul

n'osait imaginer i l y a peu, ce que Martin Luther King n'envisageait ni de son vivantni de celui de ses enfants, arriva : l ’élection présidentiel le de Barack Obama.

Cette élection est une nouvelle extraordinaire au regard de l 'histoire américaine etdu passé ségrégationniste de ce pays. En effet, ce président n'est pas

dit « classiquement » Afro-américain : fi ls d'un Kényan et d'une Américaineblanche, i l est né à Hawaï et a vécu en Indonésie. Son caractère cosmopolite

aurait donc dû être le symbole d'unité et de synthèse d'une société toute entière.Ce ne fut pourtant pas le cas. L’élection de ce président n'est pas synonyme d'unecohabitation parfaite entre Noirs et Blancs aux États-Unis. La sociologie du vote a

d'ai l leurs été très révélatrice des fractures de la société américaine.

Nous voyons dans le graphique ci-dessus que la fracture entre le vote desblancs et des minorités s'est à nouveau accentuée entre 2008 et 201 2. Outrele fait qu'Obama ait su se démarquer chez ces dernières, nous remarquons

qu'i l est resté plébiscité par/chez les Afro-américains avec 93% dessuffrages en novembre dernier contre 96% en 2008, tandis qu'i l ne recueil le

plus que 39% des voix chez les Blancs contre 43% en 2008. Cette répartitiondes votes n'est pas anodine. L'idée qu'un Noir puisse un jour accéder à un

rang aussi prestigieux que celui de président des États-Unis, après avoir eudes ancêtres battus blablabla, en faisait rêver plus d'un. C'est d'ai l leurs la

seule et unique chose qui a orienté un bon nombre d'Afro-américains vers cechoix, à un tel point que certains parmi eux avaient honte d'avouer à leur

A l'inverse, avoir un noir àla tête des États-Unis nesemblait pas du tout plaireà certains américainsblancs. En effet, la victoirehistorique de BarackObama a fait renaître lephénomène traditionnel du« retour de bâton ». Cedernier se définit comme laréaction souvent violented'une partie de lacommunauté blanche faceau progrès des minoritésethniques et raciales. Onconstate un phénomèneassez similaire de nos joursavec la mobil isation desconservateurs américainsdepuis fin 2009. Lesslogans et les caricaturesxénophobes se sontrépandu comme unetrainée de poudre lors desdeux dernières campagnesprésidentiel les américaines,en particul ier sur lesréseaux sociaux. Certainsgroupes extrémistes ontmême tenté de l’assassiner.

Ainsi nous voyons quecette élection est synonymede progrès dans la mesureoù Barack Obama n'auraitmême pas eu le droit devote cent auparavant, etque nous sommes bien loinde l 'époque où des policiersordinaires tourmentaient lesmanifestants des droitsciviques avec des chienshurlants. Cependant, pourune grande partie de lapopulation américaine, lesélections présidentiel les de2008 et de 201 2 n'étaitqu'un « combat » entre desminorités, notamment desNoirs, qui avaient un besoinde reconnaissance et desblancs qui se considéraientencore supérieurs à eux.Tout ceci prouve que laquestion raciale n'a pasencore été résolue auxÉtats-Unis.

Conclusion:

Les afro-américains ont dû mener, nonpas sans peine, un long combat pouravoir des droits civiques et ainsi êtrereconnus comme des citoyens américainsdigne de ce nom. En 2008, l 'instal lation dupremier président de couleur à la Maisonblanche fit naître en eux l 'espoir d'unecicatrisation douloureuse de plus de deuxsiècles d'esclavage, et de près d'un sièclede ségrégation. I l apparaît tout de mêmeprématuré de déclarer que l 'Amériquecontemporaine a définitivement rangé laquestion raciale dans les l imbes dupassé.